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Département de communication

Faculté des lettres et sciences humaines

Université de Sherbrooke

Note critique sur une conférence : « Le parallélisme politique » avec Frédérick Bastien

Par Mateo Minillo Conselheiro

Remis à Marie-Ève Carignan

Dans le cadre du cours COM881 Journalisme, information et risques démocratiques

Sherbrooke

12 décembre 2022
Table de matières

Introduction 3
Médiatisation du politique et politisation des médias : le parallélisme politique. Avec
Frédérick Bastien 3
Analyse personnelle sur la conférence 5
Conclusion 7
Bibliographie 8
Introduction

Normalement, quand j’entends le mot « journalisme », deux mots viennent


directement à mon imaginaire : information et impartialité. Les journalistes sont les
professionnels responsables pour la propagation de l’information, la transmission d’un
message à toute une population donnée. Plus précisément, « Le rôle essentiel des journalistes
est de rapporter fidèlement, d’analyser et de commenter le cas échéant les faits qui permettent
à leurs concitoyens de mieux connaître et de mieux comprendre le monde dans lequel ils
vivent » (FPJQ, 2010). Cependant, le concept de l’impartialité apparaît seulement à la fin de
la deuxième page du Guide de déontologie des journalistes du Québec. Dans le guide
déontologique du Conseil de Presse du Québec (2015), le mot « impartialité » apparaît une
seule fois, alors que le mot « information » apparaît 112 fois.

Ce rapport entre l’incidence des deux mots peut, peut-être, servir comme point de
départ à diverses questions sur la profession journalistique et les valeurs fondamentales qu’ils
prônent. Avec sa vaste expérience, Frédérick Bastien aborde la relation entre les médias et le
politique, autrement appelé « parallélisme politique des systèmes médiatiques » dans le
chapitre 16 du livre « The News Media and Public Opinion ». Dans ce chapitre, « The news
media organizations and public opinion on political issues », le pouvoir des médias et leur
(im)partialité sont étudiés à partir d’un regard historique, géographique et plus profondément
avec une recherche empirique à partir de la perception de la population sur certains sujets
controversés, comme l’immigration, l’environnement et la mondialisation de l’économie.

Médiatisation du politique et politisation des médias : le parallélisme politique. Avec


Frédérick Bastien

Auteur de deux livres, professeur à l’Université de Montréal et membre du Centre


pour l’étude de la citoyenneté démocratique, Frédérick Bastien a mené une conférence pour
les étudiants du cours de Journalisme, informations et risques démocratiques de l’Université
de Sherbrooke le 5 octobre 2022. Bastien a commencé avec une question dirigée au public,
notamment composée par des étudiants de 4 nationalités différentes, pour savoir comment ils
percevaient la situation des médias dans leurs pays d’origine. Certains étudiants ont pu placer
les médias dans des sphères politiques plus ou moins définies, observant donc un
positionnement visible des médias dans leur pays.

Avec cette question d’introduction, Bastien commence à présenter une identification


des médias et du politique dans différents pays européens, Canada et États-Unis. Il se base
sur l’ouvrage « Comparing media systems » de Hallin et Mancini (2004) pour comparer les
différents systèmes médiatiques en Europe occidentale et leurs relations avec la sphère
politique. À partir d’un tableau extrait de l’ouvrage « Introduction à la communication
politique » d’Aldrin et Hubé (2017), nous pouvons identifier trois différents systèmes
médiatiques : Méditerranéen (modèle polarisé et pluraliste), Europe du Nord et Centrale
(modèle corporatiste démocratique) et Atlantique Nord (modèle libéral). Les auteurs
considèrent que les premiers (composés de l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie et le
Portugal) ont une presse avec un haut niveau d’homologie politique et très engagée, alors que
les autres modèles, notamment celui de l’Atlantique Nord (composé du Canada, des États-
Unis, l’Irlande et le Royaume-Uni) ont une presse commerciale et dépolitisée, où le
journalisme est orienté majoritairement vers les informations.

Cette homologie politique est responsable du parallélisme politique : le degré auquel


le système médiatique d’un pays épouse la structure politique. L’utilisation du terme « Press-
Party Parallelism » est employée par Seymour-Ure (1974) pour identifier la coévolution du
système de presse et du système partisan d’une société, plus spécifiquement à partir des liens
formels ou informels entre la presse et les partis politiques, par le soutien aux objectifs d’un
parti politique dans le contenu de la presse, mais aussi par l’identification d’un profil partisan
du lectorat d’un journal. Bastien explique que ce système ne fonctionnait pas toujours de la
même manière, il change avec le temps et l’espace (2016). En Amérique du Nord, par
exemple, les médias étaient bien différents au cours du dix-huitième et du dix-neuvième
siècle. Les écrivains des journaux étaient aussi des publicistes, chargés de promouvoir ou
critiquer les hommes politiques de l’époque. Cela a changé au début du vingtième siècle,
quand les médias nord-américains ont commencé à rechercher en priorité le profit.

Ce basculement a amené une certaine impartialité des médias, qui cherchaient à attirer
des nouveaux lecteurs et ainsi à augmenter leurs profits. Cela a duré quelques années, mais le
système médiatique nord-américain actuel est un reflet de la société, plus polarisé qu’avant.
Frédérick Bastien a mené ces études dans ce domaine pour se renseigner sur ce basculement
des médias nord-américains et découvrir ce que pensent les gens. Dans son article, il va
croiser les données obtenues au long des élections fédérales canadiennes de 2015 pour
trouver des relations entre les médias suivis par une partie de la population et leur opinion sur
des sujets controversés, comme la religion, l’immigration et l’économie.

Les résultats des croisements vont montrer systématiquement que les personnes qui
suivent certains médias ont des opinions semblables sur ces sujets. Ce n’est pas clair alors, si
cette relation est causée parce que les gens qui ont une opinion politique donnée cherchent
des médias qui correspondent à leurs idées ou si l’opinion des gens est influencée par ces
médias.

Analyse personnelle sur la conférence

La conférence avec Frédérick Bastien a été très connectée aux enjeux du journalisme
étudiés en cours, mais également liée à la thématique de notre maîtrise : la communication
politique internationale et les risques démocratiques. À partir des différentes conférences que
nous avons eues jusqu’à présent, une nouvelle facette du journalisme est découverte, avec des
nouveaux enjeux et facteurs à prendre en compte. Peu à peu, nous apprenons l’histoire de
cette profession et l’histoire des médias à partir de professionnels et universitaires experts
dans le domaine. En découvrant cette histoire nous pouvons comprendre le moment actuel et
ainsi penser au futur – au futur des professions des médias et au futur des politiques
internationales.

Soit avec l’arrivée de leaders extrémistes dans divers pays, soit avec une
augmentation des groupes complotistes, soit avec une croissance du pouvoir des réseaux
socionumériques, nous avons de quoi nous inquiéter. Internet a changé une grande partie des
dynamiques sociales et de la façon avec laquelle nous acquérons la connaissance. Les
informations sont transmises instantanément à l’autre bout du monde et les crises
commencent et finissent parfois même sans que nous nous en rendions compte. Ce contexte
peut être effrayant et également rempli d’opportunités, mais la nécessité d’une adaptation et
d'une readéquation de ces professionnels est imminente.

Le contenu présenté par Frédérick Bastien est complètement connecté à la réalité


actuelle et aux dynamiques entre les médias et la population. Après la conférence avec
Bastien et la lecture de son ouvrage, nous pouvons affirmer que les médias ont suivi la
polarisation de la société nord-américaine au cours des dernières années (Bastien, 2016). Si
ce phénomène est présent dans une société vue comme libérale du point de vue des médias
(médias avec moins d’opinions) selon Mancini et Hallin (2004), que se passe-t-il dans le reste
du monde ? Des recherches comme celles de Bastien sont fondamentales pour comprendre
les relations entre média et politique actuellement. Mais aussi pour chercher de nouvelles
façons de présenter les médias autour du monde et, peut-être, mettre à jour le tableau de
Mancini et Hallin et les particularités de chaque pays et région.

Malheureusement, les recherches comme les siennes sont menées, la plupart du


temps, dans des pays du Nord. Les pays plus riches et développés sont aussi les plus grands
investisseurs en production de connaissance. Même si nous avons beaucoup de connaissances
et d’études produites sur les pays du Sud, la grande majorité est faite sur les pays riches du
Nord et par des citoyens de ces pays. Cela peut causer un éloignement de la réalité entre les
connaissances produites par des chercheurs et l’information qui va circuler sur le web
touchant la majorité de la population mondiale. Un écart entre les moins d’un milliard de
citoyens européens et nord-américains et les sept milliards de citoyens du reste du monde.

Le pouvoir des médias et leur relation avec le politique ont été touchés par les réseaux
socionumériques. Depuis les années 1960 jusqu’aux années 2000, « nous sommes passés de
la rareté à la surabondance de l’information » (Broustau & Carignan, 2018). Cette
« infobésité » est un phénomène qui commence à exister avec une hyperconcurrence des
entreprises médiatiques. Broustau & Carignan analysent leurs impacts sur les professions des
médias, notamment des journalistes, qui se retrouvent ainsi dans un contexte beaucoup plus
concurrentiel, où ils passent plus de temps à produire des informations qui attirent de
nouveaux lecteurs. Ces phénomènes ajoutent des barrières au travail journalistique et à la
production d’un contenu pas uniquement éthiquement responsable et intéressant, mais aussi
attirant et qui va générer du revenu.

Selon Bastien, nous pouvons identifier une certaine tendance de polarisation des
médias traditionnels au Canada. Mais ce phénomène est également observé dans différents
pays. Si un phénomène comme celui-ci devient la normalité, il sera de moins possible
d’identifier qui produit et où trouver des contenus « neutres ». Il sera de plus en plus difficile
de trouver des informations que présentent les faits et pas une opinion.

« Sur un plan symbolique, Internet semble bousculer les fondements identitaires du


journalisme : fondée sur le monopole de la sélection, de la mise en forme et du commentaire
de l’information, la légitimité de leur statut de médiateur dans l’espace public est remise en
cause par la possibilité offerte à chacun de s’ériger en média » (Chupin et al., 2012)

Conclusion

Comme Frédérick Bastien l’a affirmé, l’orientation idéologique présente dans le


système médiatique peut exercer une influence sur le public. Les réseaux socionumériques
vont participer également à cette influence, augmentant exponentiellement le nombre
d’émetteurs d’information et leur pluralité. Ces nouveaux émetteurs et les journalistes ont une
tendance à produire de l’information plus biaisée pour attirer de nouveaux lecteurs dans une
population polarisée sur différents aspects. Avec une société et des médias polarisés, l’intérêt
public (une des bases de la profession journalistique) va devenir encore plus difficile à être
compris ou accepté par une population divisée. Cela fait que les groupes homophiles, pensés
par Lazarsfeld et Katz en 1955 sont encore plus actuels : les gens vont chercher de
l’information à partir des groupes d’intérêts communs. Les individus de ces groupes,
composés par des personnes qui se ressemblent d’une certaine façon, vont trouver plus de
valeur à l’information partagée par les autres membres du groupe. Si ces personnes
acquièrent une information influencée par leurs groupes et par les leaders d’opinion (Katz &
Lazarsfeld, 2008), les études de Bastien sur le parallélisme médiatique n’aident pas les
optimistes. Une polarisation des médias va augmenter encore plus une division des sociétés.

Pour finir, en 2022, les professionnels des médias sont face à un défi très difficile :
jouer le jeu avec les réseaux socionumériques et gagner plus de visibilité et de revenus pour
leur survie économique, ou faire prévaloir les fondements de la profession pour garder leur
crédibilité, mais en risquant d’être remplacés par de nouveaux acteurs. Cela ne sera sûrement
pas un consensus non plus.
Bibliographie

● Bastien, F. (2016). The news media organizations and public opinion on political
issues. In C. D. Anderson & M. Turgeon, Comparative Public Opinion (1st ed., pp.
310–330). Routledge. https://doi.org/10.4324/9781003121992-19
● Broustau, N., & Carignan, M.-E. (2018). Chapitre 6: Le contexte médiatique auquel
sont confrontés les relationnistes. In Introduction aux relations publiques (pp. 137–
158). Presses de l’Université du Québec.
● Chupin, I., Kaciaf, N., Hubé, N. (2012). Histoire politique et économique des médias
en France. La découverte.
● CPQ (Conseil de presse du Québec), (2015), Guide de déontologie journalistique du
Conseil de presse du Québec, Conseil de presse du Québec, Montréal
● Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Guide de déontologie
des journalistes du Québec, 2010 [en ligne]. FPJQ. À partir de
https://cdn.ca.yapla.com/company/CPY9xhmJrXC8hpGUQ5ssMX3n/asset/files/
10_12_Guide_en_vigueur.pdf [consulté le 17 mai 2021].

● Hallin, D.C. & Mancini, P., 2004. Comparing media systems: Three models of media
and politics. Cambridge: Cambridge University Press.

● Katz, E., & Lazarsfeld, P. (2008). Influence personnelle, ce que les gens font des
médias. Armand Colin.

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