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Grieve Ann. La limite invisible dans le jardin anglais au XVIIIe siècle : le saut-de-loup ou ha-ha. In: Cahiers Charles V,
n°4, mars 1983. Littérature britannique. Marches, bordures, limites, confins…. pp. 39-45;
doi : https://doi.org/10.3406/cchav.1983.931
https://www.persee.fr/doc/cchav_0184-1025_1983_num_4_1_931
Ann Grieve
tir souligne
Il
“The
believe
for àboundaries,
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capital
the
qu’ilalors
first
considère
stroke,
and
le rôle
thought
the
thecomme
fondamental,
invention
leading
was Bridgeman’s)
lestep
jardin
of fossés,
to
et parfait,
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révolutionnaire,
that
an
theattempt
lehas
destruction
jardin
followed
then
àdu
l’anglaise.
of
deemed
ha-ha
was
walls
(I:
39
Les definitions plus modernes tendent à souligner l’association
du ha-ha avec des termes de défense ou de fortification, et aussi, par
son
du Larousse
“haha
nom
: demême,
l’exclamation
du XXe
avecsiècle
tout
enen
cedeux
qui mots
sept peut
volumes.
susciter
ha ! ha !la surprise. Voici celle
— en lemarine
sous beaupré.
: ancienne voile inutilisée de nos jours qui s’établissait
“Je n’ai pas grand chose à ajouter sur l’art des fortifications ap¬
pliquée aux
martiaux de jardins
ce pays,; c’est
et il paraît
ce quiquelque
plaira fort
peujeétonnant
crois à tous
que les
cette
esprits
uti¬
che
lisation
chemin
illustrant
de
ait ronde
étéunfaite
des
ha-ha
jardins.”
si tard.
et montrant
La
Cetpremière
ouvrage
comment
le
contient
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Blenheim
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retiréepour
d’une
plan¬
le
tranchéeà àl’intérieur
terrasse l’extérieur
ded’un
celui-ci.
mur(4)
de jardin est utilisable sous forme de
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valley changing imperceptibly into each other, tasted the beauty of
the gentle swell, or concave scoop, and remarked how loose groves
crowned
called in the
an easy
distant
eminence
view between
with happy
their graceful
ornament,
stems
andremoved
while they
and
extended the perspective by delusive comparison.” (5)
Ainsi sont abolies toutes les oppositions terme à terme : “wi¬
thin”/44 without”, “prim regularity”/“wilder country”, “neat”/“ru-
de”, et finalement 4 ‘garden”/ 44 nature”. On est frappé par la sensuali¬
té de la description, par le plaisir qui s’en dégage. 'C’est le plaisir d’un
dieu créateur qui transforme le monde selon son goût, comme par
enchantement. Il y a de l’illusion, de l’artifice, dans cette toute-puis¬
sance, car il s’agit d’une nature “améliorée” : on manipule les paysa¬
ges à plaisir. Si tel aspect ne vous convient pas, effacez-le ; si le ter¬
rain est trop plat, creusez-le de lacs artificiels ou de vallons, et for¬
mez des collines. Il y a de la mégalomanie chez certains des “lands¬
cape gardeners” et les discours de Lancelot Brown, par exemple, sur
les “capabilities” des terrains, semblent presque inquiétants. L’ap¬
propriation de la nature est totale, et le possesseur du jardin devient
maître d’une vaste perspective. Centre d’un cercle immense, il pro¬
clame sa position de privilégié.
Joseph Spence, après avoir expliqué pourquoi il a remplacé par
un ha-ha le mur qui semblait lui dire : “Hitherto shalt thou look and
no further”, raconte qu’il a planté des arbres à la fois à l’intérieur et
à l’extérieur de sa propriété, pour unifier le terrain ; par bonheur ses
voisins se sont joints à lui dans cette entreprise. “Won’t you say (. . .)
that I am a very fortunate man to have others join me in such odd
undertakings ?(...) If one was to measure the farthest points that
are already planted from east to west, I dare say it would be a line
of near four miles, as these from north to south would, I believe, be
three and a half ; and supposing a circle drawn all round them, it
would contain a much larger quantity of ground than the city of
Geneva and all the contiguous land belonging to that state. ”(6)
chercha
Aristocrate
à créer à Ermenonville
révolutionnaire,
un grand
cadre conforme
ami de Rousseau,
à un nouvel
le Marquis
art de
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vivre, simple, sans ostentation, idyllique par bien des côtés. Les visi¬
teurs s’étonnaient de voir que tous, maîtres et valets, étaient vêtus de
la même façon, d’une veste, d’une culotte, et de guêtres de toile
bleue anglaise, et les femmes de la même toile avec un tablier et un
chapeau noir. Les enfants du Marquis jouaient librement avec ceux
du village. Ainsi se trouvait réalisé l’idéal de Rousseau ; idéal bien
plus ancien d’ailleurs : ne trouve-t-on pas une description des habi¬
tants de l’Age d’Or .dans les Décades (De Orbe Novo) de Pierre Mar¬
tyr Angliera, au 16ème siècle, qui semble l’illustrer ? “Il est prouvé
que chez eux la terre appartient à tout le monde, comme le soleil ou
l’eau. Ils ne connaissent ni le tien, ni le mien, source de tous les
maux. . . C’est le régime de l’âge d’or. Ni fossé, ni murs, ni haies pour
enclore leurs domaines. Ils vivent dans des jardins ouverts à tous.
l’équité.”
Sans lois, (8)
sans codes, sans juges, ils agissent naturellement d’après
pauvresla du
cerait frontière
voisinage,
de et
la leur
propriété.
demander
Celade
aurait
parcourir
l’avantage
une ligne
de les
qui
occu¬
tra¬
Ha
per ! (“such
trait de
pourrait-on
faireandisparaître
arrangement
s’exclamer,
toutwould
insigne
petto,
be
topographique
en
truly
voyant
benevolent”)
le visiteur
de la limite.
etcroiser
permet¬
Haun!
de ces
din. . (9)personnages, et franchir sans le savoir les confins du jar¬
A. Grieve
Notes
(1) H. Walpole, History of the Modern Taste in Gardening, publié
à Strawberry Hill en 1780, mais composé en 1770, et plus tard
àtraduit
Strawberry
en Français
Hill, enpar
édition
le Ducbilingue.
de Nivernois, et publié, toujours
(2) voir Peter Willis, “Les plaisants paysages : Van Brugh, Bridge-
man, et le Ha-Ha” dans Jardins et Paysages anglais, ed. A.
Parreaux & M. Plaisant, Lille. (1977)
(3) R. L. de Girardin, De la Composition des Paysages, Paris.
(1777) écrit en 1775. Réédité en 1979, avec une postface de
M. Conan. “La plus grande laideur d’une physionomie c’est de
manquer de mouvement et d’esprit, comme celle d’un terrain
d’être enfermé par des murailles, et d’être défiguré par la règle
et le compas.”
(4) cité par Peter Willis, voir supra.
(5) Walpole, op. cit.
(6) Joseph
1751. cité
Spence,
dans Letter
l’édition
to des
the Observations,
Rev. Wheeler Anecdotes
(on gardening)
and
Characters of Books and Men, ed. annotée par J. M. Osborn.
(1966)
(7) Girardin, op. cit.
(8) Cité par R. Marienstras, Le Proche et le Lointain, Paris. (1981)
p. 242.
(9) Cité par C. Hussey, The Picturesque, Studies in a point of view,
London. (1927) P. 142, dans l’ed. de 1967.
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