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RECOMMANDATIONS PRATIQUES
a
Anesthésiologie-réanimation, hôpital Raymond-Poincaré,
104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France
b
Inserm U792, Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Ambroise-Paré,
9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne-Billancourt, France
c
Département d’évaluation et traitement de la douleur, médecine palliative,
pôle des neurosciences cliniques, hôpital Pasteur, CHU de Nice,
30, avenue de la Voie-Romaine, 06000 Nice, France
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : lanteri-minet.m@chu-nice.fr (M. Lantéri-Minet).
1624-5687/$ — see front matter © 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.
doi:10.1016/j.douler.2009.12.009
4 V. Martinez et al.
Résumé
MOTS CLÉS Objectifs. — La Société française d’étude et traitement de la douleur (SFETD) a souhaité élabo-
Douleur rer des recommandations professionnelles concernant les douleurs neuropathiques chroniques
neuropathique ; (de durée au moins égale à trois mois) de l’adulte et de l’enfant. Ces recommandations sont
Échelle d’évaluation ; destinées à l’ensemble des professionnels de santé confrontés aux douleurs neuropathiques en
Questionnaire ; ambulatoire : généralistes, neurologues, rhumatologues, gériatres, odontologistes, kinésithé-
Antidépresseur ; rapeutes et infirmiers.
Antiépileptique ; Méthode. — Un comité d’organisation désigné par la SFETD a mis en place un comité de travail
Opioïde et un comité de lecture. Le groupe de travail a répondu aux trois questions proposées par le
comité d’organisation portant sur le diagnostic, l’évaluation et le traitement des douleurs neu-
ropathiques chroniques. Sur la base de l’analyse de la littérature et d’un consensus d’experts,
le groupe de travail a proposé des recommandations de grade A, B ou C selon la méthode de
l’Anaes 1999. Pour les outils diagnostiques et d’évaluation, en l’absence de critère fourni par
l’Anaes, le groupe de travail a adopté les niveaux de preuves recommandées au niveau européen
par l’European Federation of the Neurological Society (EFNS).
Résultats. — Ce travail a permis l’élaboration des recommandations résumées dans ce texte
court.
Conclusion. — Ces recommandations pour la pratique clinique synthétisent les données de la lit-
térature relatives au diagnostic, à l’évaluation et aux traitements des douleurs neuropathiques
pour faciliter leur reconnaissance et prise leur prise en charge en médecine ambulatoire.
© 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.
KEYWORDS Summary
Neuropathic pain; Objective. — The French Society for the Study and Treatment of Pain (SFETD) wished to develop
Evaluation; recommendations regarding chronic neuropathic pain in adults and children. These recom-
Questionnaire; mendations are intended for all health professionals dealing with patients suffering from
Antidepressant; neuropathic pain: general practitioners, neurologists, rheumatologists, geriatricians, dentists,
Antiepileptic; physiotherapists and nurses.
Opioids Methods. — An organizing committee designated by the SFETD has asked a group of experts three
questions on the diagnosis, evaluation and treatment of chronic neuropathic pain. Based on
literature review and expert consensus, the working group proposed recommendations graded
A, B or C according to the method of the French Agency for Accreditation and Evaluation in
Health (Anaes). For diagnosis and evaluation, in the absence of criteria provided by the Anaes,
the experts adopted the levels of evidence recommended by the European Federation of the
Neurological Society (EFNS).
Results. — This work has helped to develop recommendations summarized in this article.
Conclusion. — These recommendations for clinical practice summarize the data in the literature
on the diagnosis, evaluation and treatment of neuropathic pain to facilitate their recognition
and implementation in ambulatory care.
© 2010 Published by Elsevier Masson SAS.
Les présentes recommandations professionnelles concer- Ces recommandations traitent des possibilités et des
nant les douleurs neuropathiques ont été élaborées à la limites de la prise en charge des douleurs neuropathiques
demande de la Société française d’étude et du traite- chroniques en médecine ambulatoire. Les traitements par
ment de la douleur (SFETD) qui a mis en place un comité voie veineuse, intrathécale ou par infiltrations ne seront
d’organisation, ce dernier ayant lui-même mis en place un donc pas traités. En revanche, les indications des thérapeu-
comité de travail et un comité de lecture (Annexe 1). tiques spécialisées dont l’indication doit être connue dès le
Ces recommandations concernent essentiellement les soin ambulatoire seront exposées.
douleurs neuropathiques chroniques (de durée au moins La cible de ces recommandations est représentée
égale à trois mois) de l’adulte et de l’enfant. Elles ne concer- par l’ensemble des professionnels de santé confrontés
nent pas la névralgie essentielle du trijumeau qui représente aux douleurs neuropathiques en ambulatoire (généralistes,
une entité spécifique. neurologues, rhumatologues, gériatres, odontologistes,
Le groupe de travail a répondu aux trois questions sui- kinésithérapeutes et infirmiers). Ainsi, ces recomman-
vantes, proposées par le comité d’organisation : dations ne concernent pas la prise en charge réalisée
Les douleurs neuropathiques chroniques : diagnostic, évaluation et traitement 5
dans les structures d’évaluation et de traitement de la tiser les données de la littérature relatives au diagnostic, à
douleur. l’évaluation et aux traitements des douleurs neuropathiques
pour faciliter leur reconnaissance et leur prise en charge en
Gradation des recommandations médecine ambulatoire.
Tableau 1 Principaux éléments cliniques orientant vers le diagnostic d’une douleur neuropathique.
Contexte de survenue Lésion ou maladie connue ou suspectée du système nerveux
Contexte particulier (postopératoire, traumatique) pouvant
s’accompagner d’une lésion nerveuse
Décours temporel plausible entre la lésion et l’apparition de
la douleur. Il peut exister un intervalle libre de plusieurs
semaines ou mois (généralement pas plus d’un an) entre la
lésion et l’apparition des douleurs
Description des douleurs Caractéristiques particulières des douleurs spontanées
continues (brûlure, froid douloureux) ou paroxystiques
(décharges électriques)
Association à des douleurs provoquées (par le frottement, la
pression, le froid ou le chaud) - l’allodynie au frottement et
au froid étant plus caractéristiques de ces douleurs
Sensations positives non douloureuses associées Engourdissement, fourmillements, picotements,
démangeaisons
Signes neurologiques négatifs dans Déficit thermo-algique (piqûre, chaud, froid)
la zone douloureuse Autre déficit sensitif (tact, proprioception)
Déficit moteur
Autres (anomalies de réflexes. . .)
Signes neurologiques positifs Allodynie au frottement, à la pression, au froid, au chaud
Aire douloureuse La douleur siège dans un territoire déficitaire systématisé
compatible avec une lésion neurologique périphérique ou
centrale
questions) (Fig. 1) qui comporte une partie « interrogatoire » En cas d’incertitude ou de difficultés à poser le diagnos-
fondée sur des descripteurs visant à rechercher la présence tic de douleur neuropathique ou d’en établir l’étiologie, le
de certains symptômes spécifiques et une partie « examen patient doit être adressé au spécialiste (accord profession-
clinique » a fait l’objet d’une validation complète en nel).
français [6,7] (grade A). Il est simple et rapide d’utilisation.
Si le score est égal ou supérieur à 4, le DN4 permet de Diagnostic lésionnel et étiologique
« dépister » une douleur neuropathique avec une sensibilité
et une spécificité excellentes. Cet outil est donc recom- Les douleurs neuropathiques se rencontrent dans des
mandé en pratique clinique pour l’aide au diagnostic de contextes très divers qu’il est important de connaître pour
douleur neuropathique (voir aussi les recommandations de établir le diagnostic étiologique. Les principales causes des
la HAS 2007 pour le diagnostic des lésions nerveuses périphé- douleurs neuropathiques de l’adulte sont résumées dans le
riques). En revanche, il n’existe pas d’outil spécifique de la Tableau 2. Pour le diagnostic lésionnel, nous renvoyons le
douleur neuropathique ayant fait l’objet d’une validation lecteur aux recommandations existantes (voir notamment :
chez l’enfant ou le patient non communicant. La démarche les recommandations de la HAS 2007 pour le diagnostic de
diagnostique chez l’enfant doit donc se calquer sur celle de lésion nerveuse périphérique ; la conférence d’experts Sof-
l’adulte. mer 2007 pour le diagnostic, l’évaluation des douleurs des
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire pour blessés médullaires).
reconnaître la douleur neuropathique et débuter un traite- En cas d’incertitude ou d’absence de diagnostic étiolo-
ment analgésique adapté. Cependant, devant toute douleur gique, le patient doit être adressé au spécialiste (accord
neuropathique, il faut réaliser une enquête lésionnelle professionnel).
et étiologique, en s’aidant des examens complémentaires Chez l’enfant, les étiologies en cause diffèrent
appropriés, dans le but d’identifier ou de confirmer la lésion de celles de l’adulte. Les pathologies tumorales,
neurologique en cause et d’en établir l’étiologie (voir la les lésions postopératoires et post-traumatiques
section Diagnostic lésionnel et étiologique). prédominent.
Tableau 2 Principales étiologies des douleurs neuropathiques chez l’adulte en population générale.
Causes fréquentes
Étiologies périphériques Radiculopathies
Radiculopathies (hernie discale, canal lombaire étroit, post-chirurgie du
rachis. . .)
Mononeuropathies/plexopathies
Mononeuropathies post-chirurgicales ou post-traumatiques
Syndromes canalaires (canal carpien notamment)
Douleurs post-zostériennes
Douleurs neuropathiques associées au cancer (par compression ou
envahissement nerveux)
Plexopathies post-radiques
Polyneuropathies
Neuropathies du diabète
Polyneuropathies idiopathique à petites fibres
Neuropathies alcooliques
Neuropathies toxiques et chimio-induites
Tableau 3 Éléments d’évaluation de la douleur neuropathique au cours de l’entretien dirigé par le médecin.
Contexte familial et social, antécédents, mode d’apparition de la Interrogatoire
douleur, traitement, attente du patient
Localisation de la douleur Interrogatoire
Schéma
Douleur continue (intensité) au cours des dernières EN/EVS/EVA ou
24 heures Questionnaire concis sur les douleurs
Symptômes neuropathiques EN/EVS/EVA
Douleur paroxystique au cours des dernières 24 heures (intensité, Nombre de paroxysmes par jour
fréquence des décharges électriques)
Douleur provoquée (intensité, mode de déclenchement) Mode de déclenchement des douleurs
provoquées (frottement, pression,
froid)
Paresthésies/dysesthésis (intensité) Questionnaires spécifiques de
symptômes (NPSI) (pour le spécialiste)
Impact fonctionnel sur l’activité générale, sur la EN/EVS/EVA
marche, sur le travail habituel, le sommeil Périmètre de marche
Questionnaire concis sur les douleurs
Impact de la douleur sur l’humeur/anxiété Questions ouvertes ou Questionnaire
concis sur les douleurs
Autoquestionnaire HAD (pour le
spécialiste)
Soulagement apporté par le traitement EN ou EVS de soulagement
Échelle d’impression clinique globale
(catégorielle)
EN : échelle numérique entre 0 et 10, les extrémités correspondant à l’absence de douleur et la douleur maximale imaginable, ou 0 %
absence de soulagement, 100 % soulagement maximal ; EVA : échelle visuelle analogique, réglette de 100 mm de long, le patient indique
le niveau de sa douleur en déplaçant un curseur le long de cette ligne. La valeur des extrémités est notifiée aux patients de façon
écrite et verbale lors de son utilisation « pas de douleur » « douleur maximale imaginable » ; EVS : échelle verbale simple utilisant des
catégories ordonnées (absente, faible, modérée, forte, extrêmement forte) ; HAD : questionnaire Hospital Anxiety and Depression ;
NPSI : Neuropathic Pain Symptom Inventory.
Antidépresseurs ISRNA
Duloxetine 1 A (preuve scientifique AMM douleur neuropathique Recommandé en 1re intention
d’efficacité dans la diabétique périphérique chez (polyneuropathie douloureuse
polyneuropathie diabétique) l’adulte du diabète)
Venlafaxine 1 A (preuve scientifique Pas d’AMM Recommandé en 2nde intention
d’efficacité dans la
polyneuropathie sensitive)
Antiépileptiques
Gabapentine 1 A (preuve scientifique AMM douleur neuropathique Recommandé en 1re intention
d’efficacité dans plusieurs périphérique de l’adulte
étiologies mais études négatives
dans les neuropathies
douloureuses du diabète)
Prégabaline 1 A (preuve scientifique AMM douleur neuropathique Recommandé en 1re intention
d’efficacité dans plusieurs périphérique et centrale de
étiologies mais études négatives l’adulte
dans la radiculopathie
lombosacrée et la douleur après
AVC)
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Tableau 4 (Suite )
Traitements Ndp Grade de recommandation AMM en analgésie chez l’adulte Recommandation
Opiacés
Tramadol 1 A (preuve scientifique AMM douleur modérée à intense Recommandé en 2nde intention
d’efficacité dans la ou en 1re intention si crises
polyneuropathie diabétique y douloureuses ou douleur
compris pour l’association avec inflammatoire associée
le paracétamol)
Sulfate de morphine 1 A (preuve scientifique AMM douleurs persistantes Recommandé en cas d’échec des
d’efficacité dans plusieurs intenses ou rebelles aux autres traitements précédentsa
étiologies) antalgiques, en particulier
douleur d’origine cancéreuse
Oxycodone 1 A (preuve scientifique AMM douleur chronique Recommandé en cas d’échec des
d’efficacité dans plusieurs d’origine cancéreuse intenses ou traitements précédentsa
étiologies) rebelles aux antalgiques de
niveau plus faible
Emplâtres de lidocaine 1 A (preuve scientifique AMM douleur neuropathique Recommandé en 1re intention
d’efficacité dans la douleur post-zostérienne dans la DPZ chez le sujet âgé
post-zostérienne mais une étude présentant une allodynie chez
multicentrique négative) qui les traitements systémiques
sont déconseillés ou
contre-indiqués
Ndp : niveau de preuve.
a Les opiacés forts ne constituent pas un traitement de première intention de la douleur chronique non cancéreuse.
V. Martinez et al.
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Les douleurs neuropathiques chroniques : diagnostic, évaluation et traitement
Tableau 5 Initiation, doses d’entretien et principaux effets indésirables des traitements pharmacologiques recommandés dans la douleur neuropathique.
Dose initiale et paliers Doses moyennes et Principaux effets Précautions d’emploi Autres bénéfices
d’augmentationa maximalesa indésirables
Imipramine 10—25 mg le soir 75—150 mg/j, Dysurie, bouche sèche Glaucome à angle Amélioration de la
Amitriptyline Paliers de 5 mg (sujet 1—2 fois/j Hypotension fermé dépression à
Clomipramine âgé) à 25 mg max. : 300 mg/j orthostatique, Obstacle doses ≥ 75 mg/j,
(imipramine) céphalées urétroprostatique amélioration de l’insomnie
Troubles de Infarctus du myocarde (amitriptyline), prévention
l’accommodation récent des attaques de panique
Constipation, sueurs, Abaissement du seuil (clomipramine)
prise de poids épileptogène
Somnolence, vertiges,
troubles cognitifs
Troubles
cardiovasculaires
(rythme, conduction)
Duloxétine 30—60 mg 60—120 mg/j, Nausées/vomissements, Insuffisance hépatique Amélioration de la
Paliers de 30—60 mg 1—2 fois/j constipation, anorexie HTA non contrôlée dépression et de l’anxiété
Bouche sèche, généralisée
impression vertigineuse
Somnolence, insomnie,
sueurs, fatigue
Gabapentine 300 mg le soir (100 mg 1200—3600 mg, 3 fois/j Somnolence, asthénie, Adapté selon la Amélioration des troubles
sujet âgé) impression vertigineuse clairance de la du sommeil
Paliers de 100 mg (sujet Nausées, anorexie, créatinine. Réduire les
âgé) à 300 mg sécheresse de la doses chez la personne
bouche âgée
Céphalées, œdèmes
périphériques
Prise de poids
Prégabaline 75—150 mg 300—600 mg, 2 fois/j en Somnolence, asthénie, Adapté selon la Amélioration des troubles
Paliers de 75 mg (25 mg deux ou trois prises impression vertigineuse clairance de la du sommeil et de l’anxiété
sujet âgé) Nausées, anorexie, créatinine généralisée
sécheresse de la Réduire les doses chez
bouche la personne âgée
Céphalées, œdèmes
périphériques
Prise de poids
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Tableau 5 (Suite )
Dose initiale et paliers Doses moyennes et Principaux effets Précautions d’emploi Autres bénéfices
d’augmentationa maximalesa indésirables
Lidocaïne emplâtre 1—3 patchs/j selon 1—3 patchs/j, 12 h/j Effets locaux : prurit, À appliquer sur peau Pas d’effet systémique
médicamenteux l’étendue de l’aire irritation, allergie saine
douloureuse
Opiacés forts 10—30 mg, 2 fois/j Augmentation de la Nausées/vomissements, Précaution d’emploi Rapidité de l’effet
(morphine retard) doses/48—72 h, de anorexie, constipation propres aux Efficacité sur la douleur
Titration avec 30—50 % Flou visuel, bouche morphiniques, pas en nociceptive/inflammatoire
morphine rapide/4 h Titration individuelle sèche, somnolence première intention
Fatigue, dysurie,
prurit, troubles
cognitifs
Tramadol 50 mg, 1—2 fois/j 200—400 mg/j en 2 à Vertige, Précautions d’emploi Rapidité de l’effet
Paliers de 50—100 mg 4 prises nausées/vomissements, en cas d’association Efficacité sur la douleur
300 mg/j après 75 ans constipation, avec IRS, IRSNA et ADT nociceptive/inflammatoire
somnolence Abaissement du seuil
Céphalées, sécheresse épileptogène
de la bouche, dysurie
Clairance de la
créatinine < 30 ml/h
AVK : antivitamines K ; IMAO : inhibiteur de la monoamine-oxydase ; ADT : antidépresseur tricyclique ; IRS : inhibiteur de la recapture de la sérotonine ; IRSNA : inhibiteur de la recapture
de la sérotonine et de la noradrénaline.
a Les posologies s’appliquent à l’adulte, pour l’enfant, mieux vaut s’adresser à un médecin algologue pédiatre.
V. Martinez et al.
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Les douleurs neuropathiques chroniques : diagnostic, évaluation et traitement 15
Tableau 6 Comparaison de coût journalier des traitements médicamenteux pour des posologies moyennes dans la dou-
leur neuropathique. Les prix mentionnés dans le tableau sont les prix publics remboursés à 65 % par la caisse d’assurance
maladie à la date de novembre 2009.
Molécules Doses moyennes Coût journalierPrix minimum (générique)—maximum (marque)
quotidiennes
Gabapentine 1800 mg (600 mg × 3) 1,70—2,73 euros/j
Prégabaline 300 mg (150 mg × 2) 2,29 euros/j
Duloxetine 60 mg 1,19 euros/j
Amitriptiline 75 mg 0,21 euros/j
Imipramine 75 mg 0,12 euros/j
Clomipramine 75 mg 0,32—0,44 euros/j
Tramadol 200 mg (50 mg × 4) 0,71—2,14 euros/j
16 V. Martinez et al.
Traitements dont l’efficacité est démontrée ter les douleurs paroxystiques notamment de la névralgie
avec un niveau de preuve intermédiaire du trijumeau) [60]. En outre, il s’agit d’une benzodiazépine
avec un risque potentiel de dépendance au long cours.
(grade B - présomption d’efficacité)
Il existe une présomption d’efficacité (grade B) pour
Il n’y a pas lieu de recommander le clonazépam dans
l’antidépresseur maprotiline dans les douleurs neuropa-
le traitement des douleurs neuropathiques du fait de
thiques, pour l’antiépileptique valproate de sodium et le
l’absence de preuve d’efficacité dans ces douleurs
topique local capsaïcine dans les douleurs post-zostériennes
et du risque potentiel de dépendance au long cours.
(disponible en Autorisation Transitoire d’Utilisation nomi-
Si ce traitement à faibles doses est peu coûteux et
native) et pour le cannabinoïde dronabinol (disponible en
peut avoir un bénéfice sur les troubles du sommeil
Autorisation Transitoire d’Utilisation nominative) dans les
ou l’anxiété associés à la douleur, il en est de même
douleurs de la sclérose en plaques [26].
d’autres traitements démontrés efficaces dans les
douleurs neuropathiques (dont certains sont également
Traitements dont l’inefficacité est démontrée peu coûteux comme les tricycliques).
avec un haut niveau de preuve (grade A) ou
un niveau de preuve intermédiaire (grade B)
Plusieurs traitements ont été évalués dans les douleurs neu-
Traitements émergents
ropathiques avec une efficacité le plus souvent modeste ou
négative dans ces douleurs. Il s’agit notamment des antidé-
presseurs sérotoninergiques qui sont surtout efficaces chez
Récemment, l’efficacité à long terme (trois
les patients déprimés [26,59] et des antiépileptiques blo-
mois) d’applications uniques de patches de
queurs des canaux sodiques ou potassiques (lamotrigine,
capsaïcine à haute concentration (8 %) sur la
topiramate, oxcarbazépine, lacosamide, lévétiracetam,
zone douloureuse (pendant 60 ou 90 minutes) a
zonisamide) [27]. L’utilisation de certains de ces traite-
été rapportée sur la douleur post-zostérienne et
ments par le spécialiste peut cependant être justifiée en cas
les neuropathie douloureuses du VIH [61—63].
d’échec des traitements de première et seconde intention
en l’absence d’alternative disponible compte tenu d’effets
Les patches de capsaïcine viennent d’obtenir une AMM
positifs parfois obtenus dans certaines indications : c’est
européenne pour le traitement des douleurs neuropathiques
notamment le cas pour la lamotrigine dont l’efficacité a été
périphériques non diabétiques, mais ne sont pas encore dis-
suggérée dans les douleurs centrales et les douleurs neuro-
ponibles en France. L’intérêt de ces traitements réside dans
pathiques du VIH [26]. Concernant la carbamazépine, bien
leur faible risque d’effets indésirables systémiques et leur
que ce produit dispose d’une AMM en France pour le trai-
durée d’efficacité prolongée. Cependant, l’application ini-
tement des douleurs neuropathiques, son efficacité n’a été
tiale souvent très douloureuse nécessite une surveillance
suggérée que par des études anciennes de niveau 3 [26].
du patient de préférence en hôpital de jour pendant
En outre, ce traitement est souvent mal toléré et comporte
l’application et l’utilisation de traitements antalgiques.
un grand nombre d’interactions médicamenteuses. Il n’y a
Enfin, les effets à très long terme d’applications répétées de
donc pas lieu de le recommander désormais dans le traite-
capsaïcine sur la perception ne sont pas non plus clairement
ment des douleurs neuropathiques (hormis le cas particulier
établis.
de la névralgie faciale), compte tenu de l’existence d’autres
D’autres traitements pharmacologiques potentiellement
thérapeutiques mieux tolérées et plus efficaces. Enfin, les
intéressants sont représentés par la toxine botulinique A
neuroleptiques, les benzodiazépines (lorazépam, diazépam)
dont deux études ont rapporté l’intérêt au long cours
et certains antagonistes glutamatergiques (mémantine, rilu-
après une série d’applications sous-cutanées dans les
zole) ont fait la preuve de leur inefficacité dans les douleurs
douleurs de mononeuropathie, notamment traumatique
neuropathiques [26].
et la neuropathie douloureuse du diabète [33,64]. De
même, les cannabinoïdes par voie sublinguale (non dispo-
Traitements dont l’efficacité n’est pas établie nibles en France) semblent prometteurs pour les douleurs
(grade C) neuropathiques réfractaires [26,65]. Enfin, des nouvelles
formulations de la gabapentine (gabapentine ER) mieux
De nombreux traitements restent largement utilisés en tolérées que la gabapentine sont en cours d’évaluation pour
matière de douleur neuropathique, malgré l’absence de les douleurs neuropathiques [66].
preuve de leur efficacité. C’est notamment le cas du clo-
nazépam, très prescrit dans cette indication en France
Recommandations établies après accord
mais inconnu dans les autre pays pour cette indication.
L’utilisation de ce traitement dans les douleurs neuropa- professionnel
thiques est vraisemblablement liée à son efficacité sédative
et anxiolytique et à sa facilité d’utilisation (en gouttes
Règles de prescription (accord professionnel)
le plus souvent) mais concernant les douleurs proprement (Tableau 7)
dites, cette utilisation ne repose pas sur une efficacité a. les règles de prescription sont similaires pour tous les
établie par des études contrôlées (seules quelques études traitements. Hormis les traitements topiques, une titra-
ouvertes anciennes avaient suggéré son efficacité pour trai- tion est nécessaire à cause d’une grande variabilité
Les douleurs neuropathiques chroniques : diagnostic, évaluation et traitement 17
Tableau 7 Règles de prescription des médicaments Tableau 8 Informations à donner aux patients.
dans la douleur neuropathique. Nature de l’information
Mise en route du traitement
Les symptômes douloureux présents sont causés par
Initiation à doses faibles puis augmentation des
une lésion des fibres nerveuses
posologies par paliers selon la tolérance et
Les antalgiques usuels (paracétamol, AINS,
l’efficacité pour les traitements systémiques
dextropropoxyphène) sont peu ou pas efficaces
(titration)
dans ce type de douleur
Durée du traitement
Les molécules prescrites sont souvent utilisées dans
Traitement pendant plusieurs mois (≥ 6 mois)
d’autres indications mais ont une activité
Réévaluation de la tolérance et de l’efficacité à
analgésique propre (antidépresseurs,
la fin de la titration puis de façon régulière
antiépileptiques)
Réduction progressive possible des posologies
Elles sont prescrites pour leur activité analgésique
au bout de 6 à 8 mois de traitement efficace à
Les traitements proposés ont une efficacité souvent
doses stables
partielle sur la douleur
Prise en charge des troubles associés
Informer du bénéfice attendu et des effets
Traitement spécifique de l’anxiété, de la
indésirables les plus fréquents et/ou les plus graves
dépression ou des troubles du sommeil si le
Le délai d’action peut être retardé (plusieurs jours à
traitement des douleurs est insuffisant ou si
plusieurs semaines)
ces troubles associés sont jugés suffisamment
L’efficacité peut être variable sur les divers
intenses
symptômes douloureux
Traitement des autres types de douleurs
Le traitement ne doit pas être interrompu trop tôt en
souvent associées aux douleurs
cas d’efficacité
neuropathiques selon l’étiologie
Les traitements administrés par voie orale doivent
impérativement être arrêtés progressivement pour
éviter un risque de sevrage brutal à l’arrêt
interindividuelle. Il est habituel de commencer par La plupart des effets indésirables surviennent au
de faibles doses et d’augmenter progressivement par cours de l’augmentation des doses mais beaucoup
paliers en fonctions de l’efficacité et de la tolérance sont réversibles
(accord professionnel) ; Les traitements sont à prendre de façon systématique
b. une évaluation régulière de l’efficacité et de la tolé- Plusieurs traitements successifs peuvent être
rance est nécessaire. Il est recommandé de revoir le nécessaires avant d’aboutir à un résultat
patient au cours du premier mois de traitement afin satisfaisant
d’évaluer l’efficacité et la tolérance (accord profession-
nel) ;
c. la titration doit se poursuivre, si la tolérance le permet — un traitement topique (emplâtres de lidocaïne) et
jusqu’aux doses maximales reconnues comme efficaces un traitement systémique (antidépresseur, anti-
avant de parler d’échec du traitement. Un traitement épileptique, ou opiacé) ;
ainsi débuté et efficace doit être poursuivi pendant plu- ◦ tenir compte du risque de certaines associations
sieurs mois (au moins six mois) (accord professionnel) ; médicamenteuses. Ainsi, il est conseillé d’éviter
d. en cas d’échec complet ou d’effets secondaires impor- d’associer le tramadol avec les antidépresseurs (tricy-
tants d’un médicament de première intention, il est cliques, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
légitime de le substituer contre un traitement de et de la noradrénaline), ou d’associer deux antidé-
classe thérapeutique différente d’efficacité également presseurs de la même classe ;
démontrée (accord professionnel) ; f. le traitement de la douleur neuropathique ne doit pas
e. en cas d’efficacité partielle d’un traitement de pre- surseoir à une prise en charge des autres symptômes tels
mière intention, une association médicamenteuse peut qu’une douleur d’un autre type associée, et des troubles
être proposée entre médicaments de première intention de l’humeur ou des troubles du sommeil. De même, ce
(accord professionnel). Les associations recommandées traitement ne doit pas dispenser d’un traitement de la
doivent respecter les règles suivantes : cause, si cela est possible.
◦ associer de préférence des classes thérapeutiques dis-
tinctes ou des traitements de mécanismes d’action Information à donner aux patients (accord
complémentaire, par exemple : professionnel)
— un antidépresseur tricyclique (imipramine, ami-
triptyline, clomipramine) et un antiépileptique Les mécanismes de la douleur neuropathique et les objectifs
(gabapentine ou prégabaline), des traitements entrepris doivent être expliqués de façon
— un antidépresseur inhibiteur de recapture de la simple et claire pour le patient (Tableau 8).
sérotonine et de la noradrénaline (duloxétine) et
un antiépileptique (gabapentine ou prégabaline), Demande d’avis spécialisé (accord professionnel)
— un opiacé (tramadol) et un antiépileptique (gaba- Le médecin généraliste doit adresser le patient aux spécia-
pentine ou prégabaline), listes dans les situations suivantes :
18 V. Martinez et al.
Tableau 9 Synthèse des arguments scientifiques de niveau de preuve B pour les traitements non médicamenteux évalués
dans les douleurs neuropathiques.
Traitements Niveau de preuve Grade de recommandation Recommandation
scientifique
Neurostimulation 2 B (présomption d’efficacité) Recommandée dans douleur
transcutané neuropathique périphérique localisée
Neurostimulation 2 B (présomption d’efficacité) Recommandée dans les
médullaire lombosciatiques chroniques
postopératoires avec radiculalgie
prédominante
Thérapie cognitivocom- 2 B (présomption d’efficacité) Peut être proposée
portementale
Acupuncture 2 B (présomption d’efficacité dans Peut être proposée dans la douleur
la douleur post-zostérienne) post-zostérienne
• la nécessité d’un soulagement estimée comme urgente une composante neuropathique (radiculalgie) persistante
en raison de l’intensité des douleurs ou de comorbidités (grade B) (Tableau 9). Dans les autres types de douleur
psychiatriques sévères (dépression, anxiété importante) ; neuropathique périphérique, les preuves sont encore insuf-
• un échec de traitement bien conduit [67] se définissant fisantes (grade C).
par : Dans les douleurs neuropathiques centrales et plexiques,
◦ l’échec de plusieurs classes thérapeutiques différentes incluant les douleurs de membre fantôme, réfractaires
du fait d’une inefficacité aux doses maximales tolérées aux traitements médicamenteux, la stimulation du cor-
ou d’effets indésirables, tex moteur peut être proposée par des centres spécialisés
◦ l’efficacité modeste (< 30 % d’effet sur la douleur) (grade B) [60,69].
d’une association médicamenteuse ; L’analgésie intrathécale utilisant la morphine, la cloni-
• un abus médicamenteux ; dine, ou plus récemment le ziconotide, peut être proposée
• un échec d’une initiation de traitement par morphiniques en cas de douleur neuropathique réfractaire même si les
à des doses de 120 mg d’équivalent de morphine par jour preuves de l’efficacité de ces traitements sont faibles dans
[28] ; les douleurs neuropathiques proprement dites (grade B pour
• en cas de litiges et/ou de facteurs socioprofessionnels la morphine intrathécale dans les douleurs chroniques ;
prédominants. grade C pour la morphine et la clonidine dans les douleurs
neuropathiques ; grade A pour le ziconotide dans les dou-
Recommandations pour les traitements leurs chroniques réfractaires) [70].
médicaux non pharmacologiques Enfin, dans les douleurs d’avulsion plexique, la DREZo-
tomie (dorsal root entry zone) peut être proposée par des
La neurostimulation transcutanée est efficace sur la dou- centres spécialisés [71] (grade C).
leur neuropathique périphérique focale, notamment les
neuropathies diabétiques et les lésions nerveuses post-
traumatiques (grade B) [60] (Tableau 9). Annexe 1. Composition du comité
La stimulation magnétique transcrânienne répétitive du d’organisation du groupe de travail et du
cortex moteur n’est pas encore utilisable en routine mais
semble efficace tout au moins à court terme dans le
groupe de lecture.
traitement des douleurs neuropathiques périphériques ou
Comité d’organisation
centrales [64].
La psychothérapie, et en particulier la thérapie cogni- Président
tivocomportementale, peut être proposée dans la prise en
charge de la douleur neuropathique en cas de comorbidité LANTERI-MINET Michel-Neurologue - Nice
anxieuse et de difficulté d’ajustement à la douleur (grade
B). Membres
Il existe une présomption d’efficacité de l’acupuncture ATTAL Nadine-Neurologue - Boulogne-Billancourt
dans la douleur post-zostérienne (grade B). BLOND Serge-Neurochirurgien - Lille
BERTIN Philippe-Rhumatologue - Limoges
Recommandations pour les traitements BOUHASSIRA Didier-Neurologue - Boulogne-Billancourt
invasifs des douleurs neuropathiques BRUXELLE Jean-Anesthésiste-réanimateur - Paris
ESCHALIER Alain-Pharmacologue - Clermont-Ferrand
La neurostimulation médullaire peut être proposée après FLETCHER Dominique-Anesthésiste-réanimateur -
échec des traitements médicamenteux bien conduits dans Garches
les lomboradiculalgies chroniques postopératoires (grade B) LAURENT Bernard-Neurologue - Saint-Étienne
[60,68], les meilleures indications étant représentées par SERRIE Alain-Anesthésiste-réanimateur - Paris
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