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Janvier-Février 1976

^ëvue
PLANS DES MESURES D'URGENCE
Vol. 3, No. 1 Janvier-Février 1976

Table des matières


Stratégie de P.C. au R.-U.1935-y945 J. F. WALLACE . 2

Planification antinucléaire aux É.-U. HON. J. E. DAVIS . 10

La catastrophe de Moorgate B. E. FISHER 16

Table des matières 1975 . . . . . . . . . . . . . . . 25

Publié par:
PLANIFICATION D'URGENCE CANADA
Ottawa, Ontario. Directeur général: C. R. Patterson

La REVUE - PLANS DES MESURES D'URGENCE publie six périodiques annuellement afin
de fournir des renseignements courants sur une grande variété de sujets ayant trait aux plans
civils d'urgence. On peut obtenir ce périodique en écrivant à l'Editeur, Planification d'urgence
Canada, Ottawa, Ontario K1A OW6.
En plus de publier des articles reflétant le programme ou les fonctions du gouvernement
canadien et étranger, la Revue peut également publier des articles provenant de particuliers
sur des sujets d'intérêt courant concernant le programme des mesures d'urgence. Les vues
de ces collaborateurs ne sont pas nécessairement celles du gouvernement fédéral ou de PUC.
Editeur: Alex. M. Stirton

©Information Canada, Ottawa, 1976


K1 A OS9

No de Contrat: 02KX5711 1 -SAOOIA


Thorn Press Limitee

REVUE PLANS D'URGENCE 1


NAISSANCE D'UNE STRATÉGIE DE
PROTECTION CIVILE AU ROYAUME-UNI DE 1935 À 1945
John F. Wallace
Directeur, programmes et analyse
Planification d'urgence Canada

Le document qui sera reproduit dans le présent et non les systèmes, que nous retrouvons au pre-
numéro de La Revue, Plans des mesures d'urgence mier plan dans toutes les situations d'urgence, -
et les numéros subséquents était une des condi- et ces problèmes sont essentiellement reliés à la
tions à remplir pour obtenir une licence du dépar- population.
tement des études de guerre du King's College, à
Au Royaume-Uni, la planification d'urgence de-
l'université de Londres. Je l'ai rédigé au cours vint une organisation efficace, une fois qu'on eût
d'une année de congé sabbatique qui me fut accor-
réussi à la soustraire à l'emprise du gouvernement
dée en 1973-1974.
central et que les préparations d'urgence devinrent
Lorsqu'on m'a demandé d'écrire une pré face en la responsabilité de ceux qui devaient affronter
guise de mise au point, j'ai relu cette étude et j'ai les problèmes, en l'occurrence les administrations
conclu qu'il aurait peut-être mieux valu l'intituler locales et la population. (Un article de Ducan
à l'époque «Le progrès par reculade» et, plutôt que Buttery, intitulé La planification d'urgence au
d'appeler mon entrée en matière une «Préface», il Royaume-Uni, qui paraîtra dans le prochain nu-
vaudrait peut-être mieux employer le terme «Exé- méro de La Revue, expose le point de vue actuel
gèse». du Royaume-Uni sur le sujet.) Toutefois, à cette
époque-là, la bonne volonté des administrations
Essentiellement, il s'agit d'une histoire de plani-
locales ne suffisait pas à garantir l'exécution des
fication. Aujourd'hui, 50 ans après l'époque qui fait
préparati fs qui s'imposaient car, là encore, il fallait
l'objet de ce compte rendu analytique, la planifi-
obtenir des fonds. Parfois l'arrogance dont fait
cation est devenue un terme passablement désuet
preuve le gouvernement central quant à la compé-
avec l'avènement de la gestion par objectifs. Les
tence ou à l'incompétence des administrations
diverses théories de la planification étaient aussi
locales semble quelque peu amusante, voire même
bien connues en ce ce temps-là qu'elles le sont
peut-être fastidieuse aujourd'hui.
aujourd'hui, mais elles étaient parfois tout aussi
mal interprétées; en effet, les théoriciens se sont Tout comme la fin des années vingt fut un temps
révélés grands connaisseurs en matière de théorie, de paix, la dernière moitié des années soixante-dix
mais plus ou moins amateurs en pratique. Dès semble baigner dans l'euphorie de la détente. Au
1924, ce fait fut parfaitement mis en évidence par cours de ces deux époques, la planification et la
les incertitudes, les erreurs et les tâtonnements préparation d'urgence sont reléguées au second
qui marquèrent les débuts de la «planification» plan et doivent céder la place aux programmes qui
d'urgence au Royaume-Uni. Toutefois, à la nième sont jugés comme étant prioritaires. Au cours de
lecture de cette étude, je constate qu'après une la période de paix qui régnait dans les années
cinquantaine d'années, les mécanismes de la plani- trente, l'assignation des responsabilités en matière
fication d'urgence du monde occidental continuent de planification d'urgence était une tâche simple,
d'être imprégnés de cette mentalité axée sur une et il était tout aussi facile d'y passer outre lorsque
absence totale de pragmatisme. Aussi bien que les sinistres (ou la guerre) ne manifestaient pas
Gertrude Stein a su capter à jamais l'essence de la une omniprésence de tous les instants. Telle était
rose par sa phrase désormais célèbre «Une rose est la situation au Royaume-Uni avant l'avènement
une rose est une rose», nous pouvons en dire de la Seconde Guerre mondiale. Y a-t-il lieu de
autant des désastres et des situations d'urgence qui tirer une leçon de cette constatation aujourd'hui?
demeurent irrévocablement des désastres et des Dans les années 30, les travaux du Comité des
situations d'urgence. Quels que soient les apports exigences de défense au Royaume-Uni (United
de la cybernétique, ils ne suffiront pas pour per- Kingdom Defence Requirements Committee) bros-
mettre l'élaboration des plans et des mesures de sèrent un tableau alarmant de l'état des méca-
préparation d'urgence nécessaires, si les auteurs nismes de défense du royaume, - on peut se
mêmes de ces plans et mesures ne saisissent pas demander si une évaluation aussi explicite serait
la nature des problèmes. Dans bien des cas, les acceptée aujourd'hui par les gouvernements.
situations d'urgence et leur déroulement demeu- Bon nombre d'événements ou de personnes ont
rent imprévisibles; pourtant, ce sont les problèmes, contribué à faire de l'Organisation de la Défense
2 REVUE PLANS D'URGENCE
passive (ODP) une entreprise viable, mais sans l'avenir, advenant l'échec de la dissuasion, il fau-
la conférence de Munich, qui permit finalement dra déterminer quel sera l'objectif à viser car ce
de renverser toute opposition à la tâche difficile n'est qu'une fois cet objectif fixé que des plans
de la planification, les choses se seraient-elles efficaces pourront être élaborés. Par ailleurs, en
passées ainsi? Bénéficierons-nous une autre fois temps de paix, les situations d'urgence et les
d'un indice aussi «tangible» des événements à sinistres demeurent un risque constant, - bien
venir? que de moindre envergure par rapport à la guerre.
Néanmoins, il importe d'avoir des objectifs clai-
Pendant la première moitié du vingtième siècle,
rement définis pour faire face aux situations d'ur-
la guerre signifiait une restructuration de l'éco-
gence de temps de paix, d'une part, pallier aux
nomie tout entière, l'établissement et le maintien
situations critiques issues de conflits internatio-
des priorités, ou même le changement des prio-
naux. En effet, ces objectifs totalement différents
rités au besoin. La prise de décision (mot-clef
ne s'allient guère mieux que l'huile avec l'eau.
en 1960) était sans équivoque, - il n'était pas
question d'une kyrielle de rapports, de justifica- En écrivant cette préface deux ans après la
tions et de séances d'étude en comité. Les comités rédaction de mon étude, je tiens à affirmer sans
mis sur pied visaient l'exécution de tâches pré- hésitation que les opinions exprimées dans les
cises et non pas des discussions interminables. deux textes ne représentent pas nécessairement
les opinions de mon gouvernement, ni celles du
Durant la Seconde Guerre mondiale, l'objectif
gouvernement britannique.
primordial était de gagner la guerre et, grâce à
cet objectif strictement poursuivi, les priorités
étaient maintenues ou modifiées au besoin. Dans Ottawa, décembre 1975

Préface
De 1924 à 1935 les sous-comités relevant du Par conséquent, la présente dissertation a pour
Comité de la Défense impériale (CID) avaient objet d'examiner les conjectures, les événements
étudié les mesures de défense passive. En fait, ainsi que les conditions qui ont nécessité l'adop-
rien ne s'en est dégagé au cours de ces onze tion d'une telle stratégie et de retracer l'évolution
années si ce n'est quelques concepts fondamentaux des principaux thèmes qui l'ont constituée. A cet
en matière de planification, et certainement rien égard, les préparatifs de temps de paix se sont
de valable dans le sens d'une capacité opération- révélés des plus importants et c'est sur cet aspect
nelle vraiment pratique. De 1935 à 1945, on assista que nous accorderons le plus d'attention. Au cours
à l'émergence d'un plan stratégique de protection des années de guerre, il a fallu rajuster les plans
civile lequel, doublé d'un ensemble d'organismes que nous avions établis, à mesure que les événe-
et de mesures, permit de faire face à la menace ments nous servaient de leçon ou que l'ennemi
aérienne de l'Allemagne au cours de la Seconde modifiait ses tactiques de bombardement.
Guerre mondiale.

Introduction
Un an après la fin de la Première Guerre mon- président d'un sous-comité de l'Organisation de
diale le Cabinet avait ordonné que la planification la défense passive (ODP) relevant du Comité de
stratégique militaire soit effectuée en partant de la Défense impériale.2
l'hypothèse qu'il n'y aurait aucune menace réelle Cette nomination n'entraîna pas d'activité fié-
de guerre pour au moins dix ans. Pourtant, dès vreuse. En fait, ce qui éventuellement devait
1921, le Comité de la Défense impériale étudiait, devenir quelque quinze ans plus tard, la protec-
entre autres, la vulnérabilité du Royaume-Uni face tion civile, mit du temps à se réaliser, et le fut
à la «menace aérienne continentale».1 L'unique de façon presque fortuite, toutes les discussions
contre-mesure envisagée fut la création d'une Force du sous-comité se déroulant en secret. Ce fut
aérienne défense territoriale. Ce n'est que trois là une contrainte imposée au Comité, mais elle
ans plus tard que le Comité de la Défense impé- cadrait avec la politique étrangère presque paci-
riale estima qu'une autre contre-mesure, l'organi- fiste des gouvernements britanniques. C'est seule-
sation de la défense passive, était suffisamment ment vers la fin mars 1934 que le Premier Ministre
importante pour être étudiée. Se basant sur les informa la Chambre des Communes que depuis
recommandations du Comité, le Premier Ministre, dix ans le gouvernement considérait la défense
Ramsay Macdonald, nomma Sir John Anderson
1. Procès-verbal des réunions du Comité de la Défense im-
périale (Public Records Office). 2. Le 4 février 1924.

REVUE PLANS D'URGENCE 3


passive comme «un élément indispensable de bonne coordination en temps de guerre. Il s'opposa
défense territoriale»? à toute idée de création d'un ministère central
En tout cas, dans les années vingt, il n'était qui assumerait les fonctions de l'ODP et préféra
guère possible de susciter l'enthousiasme de la que celles-ci soient réparties entre les diverses
population pour des mesures défensives, fussent- administrations centrales. On espérait ainsi que la
elles civiles ou militaires. La guerre qui devait transition de l'état de paix à l'état de guerre se
mettre fin à toutes les autres, avait laissé dans ferait sans difficultés et que les connaissances
l'esprit des Britanniques une nette répugnance pour techniques propres aux différents ministères aide-
tout ce qu'elle évoquait. Il fallait aussi se préoc- raient à résoudre, en temps de paix les problèmes
cuper sérieusement de trouver une solution à l'ins- posés par la planification d'urgence en temps de
tabilité économique qui avait entraîné le marasme guerre. Mais l'attribution des responsabilités est
industriel ainsi qu'un taux de chômage élevé. La une chose et les exercer en est une autre. Ce fut
grève générale de 1926 marquait en quelque sorte là l'essentiel du problème pendant une dizaine
l'apogée de cette crise et des conflits ouvriers. d'années.
Avec une succession de cinq premiers ministres Mais tout un concours de circonstances se
au cours de cette période, on pouvait difficilement produisit: le sous-comité chargé des besoins de
parler de stabilité économique. Sur la scène inter- défense (relevant du Comité de Défense impériale°)
nationale, il n'était question que de paix et d'har- avait brossé dans ses travaux «un tableau alar-
monie. Ce fut l'époque des conférences sur le mant de l'état du dispositif de défense de l'Angle-
désarmement, de l'Accord de Locarno, de l'admis- terre»', des changements s'étaient produits sur la
sion de l'Allemagne dans la Société des Nations scène internationale, l'Allemagne avait réarmé, on
et du Pacte Kellogg-Briand bannissant la guerre. avait pris une attitude un peu plus réaliste" envers
Le moment était fort peu propice pour envi- les autorités locales, et en fin, le Comité de l'ODP
sager des mesures de défense contre les attaques et les différents ministères s'étaient montrés inca-
aériennes! pables de faire suffisamment avancer la planifica-
La première réunion du sous-comité de l'ODP tion. Aussi, le Cabinet consentit, dès 1935, à créer
eut lieu le 15 mai 1924. Il ne faudrait pas croire au sein du Ministère de l'Intérieur, un département
qu'elle fût motivée par un sentiment quelconque de l'ODP. Par ailleurs, le gouvernement reconnut
d'urgence qui aurait incité le sous-comité à trouver aussi «la nécessité de faire certaines dépenses ...
le moyen de protéger la population civile. Sir si l'on voulait que les plans soient dûment ter-
John Anderson l'indiqua clairement au cours de minés»9, et alloua un crédit de 91,000 livres aux
la première réunion lorsqu'il déclara «qu'il incom- services de l'ODP pour l'exercice 1935-1936. Le
bait au Comité d'étudier les moyens d'obtenir la 16 avril 1935, la Chambre des Communes apprit
coopération des autorités civiles afin d'appliquer la création du Département. M. E. J. HodsoJ110 en
la politique des Services armés (Fighting Ser- fut nommé chef. Jusqu'en 1938, ce département
vices).»' C'est l'état-major de l'Air qui, en essayant releva du Cabinet par l'entremise du nouveau
de déterminer l'envergure d'une attaque éventuelle ministre chargé de la coordination de la défense.
d'un ennemi contre le Royaume-Uni, donna aux Les résultats des onze premières années ne
planificateurs de l'ODP, une idée de l'ampleur des furent guère encourageants, aucun véritable plan
problèmes auxquels ils auraient à faire face. Leurs de défense civile n'ayant vu le jour. Il serait toute-
calculs étaient basés sur les résultats des attaques fois injuste d'en attribuer la cause à l'incapacité.
aériennes contre l'Angleterre durant la Première Parmi les principaux facteurs ayant contribué au
Guerre mondiale. Ces calculs qui devaient se manque de planification, mentionnons notamment
révéler inexacts, établissaient à 50 le nombre de
victimes par tonne de bombes lancées.5 6. T. H. O'Brien, Civil Defence, H.M.S.O. Londres, 1955.
p. 48.
Le Comité se préoccupa surtout de définir le 7. Peter Dennis, Decision by Default, Routledge et Kegan
genre d'organisation centrale qu'il fallait mettre Paul, Londres 1972, p. 35.
sur pied pour réaliser, en temps de paix, les tra- 8. En décembre 1932, le Comité de l'ODP avait rejeté l'idée
voulant que les Conseils LCC et municipaux étaient suf-
vaux essentiels de planification et... assurer une fisamment compétents pour assurer les fonctions de
défense passive, et pendant deux ans participa à des
exercices, de concert avec la Air Raids Commandant
3. H of C Debates, Vol. 287, colonne 1240, le 21 mars 1934. Organization.
4. Procès-verbal de la ire réunion du sous-comité de l'ODP, 9. T. H. O'Brien, cit., p. 5.
le 15 mai 1924 (Public Records Office, Londres). 10. Sir John IIoolsool, 1894-1971, RNAS, World War I, RAF
5. Sir Charles Webster et Noble Frankland, The Strategic
1918, Secrétaire adjoint du Comité de la Défense impé-
Air Offensive Against Germany 1939-1945, Vol. I, Prepa- riale; Sous-secrétaire adjoint, Ministère de l'Intérieur;
ration, H.M.S.O. Londres, 1961, pages 62 et 63. On a esti- responsable de l'ODP de 1935 à 1937; Inspecteur général
mé qu'en 1925, il aurait pu y avoir 1700 tués et 3300 bles- de la Défense passive, de 1938 à 1953; Conseiller auprès
sés au cours des premières 24 heures; et 1275 tués et 2475 de l'OTAN pour les questions de défense passive, de
blessés dans les 24 heures qui suivent. 1954 à 1961.

4 REVUE PLANS D'URGENCE


le manque de fonds, l'absence d'une menace réelle 1929, les idées étudiées était bonnes et témoi-
avant 1930, l'attitude pacifiste du pays et le fait gnaient d'une réelle compréhension. Un bon nom-
essentiel que les travaux du comité avançaient bre d'entre elles furent d'ailleurs mises en oeuvre
très lentement. Une étude des comptes rendus des par le nouveau ministère.
réunions du Comité de l'ODP11 révèle qu'après

Jusqu'à la conférence de Munich

Une nouvelle conception et de à présent à un revirement complet, l'effort prin-


nouvelles approches cipal étant désormais dirigé vers l'organisation des
autorités locales où se situaient les ressources et
Pour les participants de l'Organisation de la
la main-d'oeuvre nécessaires pour faire face aux
défense passive, les événements qui conduisirent
problèmes physiques et humains engendrés par
à la Seconde Guerre mondiale étaient empreints
un désastre. Mais étant donné l'ampleur du pro-
d'une certaine fatalité. A cette époque, le Livre
blème, il fallait déployer des efforts encore plus
blanc sur la Défense faisait état de l'inquiétude
grands pour entraîner la participation du public.
croissante du gouvernement. Cette inquiétude Il y avait, certes d'autres mesures de défense col-
devint manifeste lorsque le gouvernement con- lective à prendre, telles que la mise au point des
sentit en 1935 à fournir des masques à tous les systèmes d'alerte, le contrôle de l'éclairage, etc.
citoyens. Dès 1937, on assistait à un changement
qui exigeaient l'attention du gouvernement central
dans les priorités de la politique britannique de
et finalement, les décisions qui devaient être prises
défense12, les activités de défense territoriale rece- pour mettre en oeuvre la machine centrale de
vant une attention plus particulière et le Chef de guerre. Le Ministère prévoyait pouvoir réaliser les
l'ODP participant désormais aux réunions du Co- plans de l'ODP et ce à l'échelle nationale à la fin
mité des Chefs d'état-major chaque fois qu'il s'agi-
de mars 1939.15
rait de discuter des questions de Défense terri-
toriale. Pour souligner davantage l'importance croissante
de l'ODP, son personnel qui, à l'origine, était com-
En 1935, l'Allemagne n'étant plus un ennemi
posé de 13 membres, avait passé à plus de 60011
hypothétique, pouvait, selon l'état-major de l'Air,
en 1939, avec plus de 13 bureaux régionaux dans
déverser 150 tonnes de bombes dans les premières
tout le pays. Par ailleurs, le budget annuel de l'ODP
24 heures. Dès 1936, elle serait en mesure de
passait de 92,000 livres en 1935-1936, à 477,000 en
larguer 600 tonnes dans les premières 24 heures
1936-1937 et à plus de 4,600,000 l'année suivante.
et, en 1939, elle aurait la capacité de foudroyer
l'Angleterre d'un seul coup en lançant 3,500 Pour avoir une idée des besoins de l'ODP, le
tonnes13. On avait présumé que la charge serait Ministère, en se basant sur les données de l'état-
répartie comme suit: 50 p. 100 de bombes à ex- major de l'Air portant sur les attaques aériennes
plosifs puissants, 25 p. 100 de bombes à gaz et avait subdivisé le pays en zones de risque selon
25 p. 100 de bombes incendiaires14. Malgré la le degré de vulnérabilité. Utilisant ces données
tactique ennemie de bombardement de précision ainsi que celles qui portaient sur le nombre de
pour détruire des cibles importantes, telles que victimes (cinquante personnes par tonne de bombe
le siège du gouvernement, l'industrie, les réseaux lancée), il leur fut possible d'évaluer l'importance
de communication et les centrales électriques, on du nombre de blessés et la gravité d'autres pro-
avait prévu qu'il y aurait quelques centaines de blèmes connexes. Le Ministère put ainsi déter-
milliers de victimes. Ce fut donc en raison de miner les quantités requises d'équipement ainsi
cette menace que des plans durent être élaborés que l'importance des effectifs de défense passive
en vue d'assurer la défense de la nation. qu'il y aurait lieu de recruter et d'entraîner. Se
Pour les planificateurs de l'ODP, l'ampleur de basant sur les chiffres ainsi obtenus, le Ministère
cette menace exigea que l'on prit des mesures en rédigea en mars 1937 un mémoire sur les aspects
vue d'assurer la mobilisation du pays. Ainsi, alors financiers de l'ODP lequel prévoyait des dépenses
que, jusqu'en 1935, l'accent avait été mis sur l'orga- de l'ordre de 35 millions de livres. Le Comité
nisation d'un gouvernement central, on assistait Warren-Fischer17 non seulement appuya-t-il ces
dépenses, mais il fit aussi certaines importantes
11. Sous-comité de 1'ODP, Comité de l'ODP (Organisation) recommandations en vue d'améliorer le pro-
et, le Comité de l'ODP (Politique) qui existait en tant que
Comité ministériel de 1929 à 1935.
12. Michel Howard, The Continental Coinmitment, Temple 15. Ibid., p. 62.
Smith, Londres, 1972, p. 114 à 116. 16. Ibid., p. 175.
13. Ibid., p. 111. 17. Créé par le Comité de la Défense impériale en 1937 pour
14. T. H. O'Brien, op. cit., p. 114. étudier tous les aspects de défense passive.

REVUE PLANS D'URGENCE 5


gramme.16 Le mémoire définit clairement ce qui autorités localesZl seraient contraintes à organiser
était appelé à devenir les trois principaux objectifs la défense passive, fut modifié de façon à ce qu'il
du programme de défense passive, c'est-à-dire: englobe des dispositions jugées généreuses par le
préserver le moral" de la population, assurer la gouvernement. A la fin du débat Herbert Mor-
continuité des services essentiels nécessaires à la rison22 qui s'était battu avec acharnement pour
poursuite de la guerre et à l'entretien de la popu- obtenir un financement à cent pour cent fut amené
lation et réduire les risques de dommages et de à admettre que l'adoption de ce bill était regret-
destruction à la population et à la propriété. table mais nécessaire.
La nouvelle approche de l'ODP visait à obtenir Les règlements statutaires qui suivirent l'adop-
la participation de toutes les couches de la popu- tion du Bill définissaient les zones au sein des-
lation, les deux premières années ayant été con- quelles il y aurait lieu de préparer des plan au
sacrées à assurer la collaboration volontaire des niveau local «en utilisant au maximum des res-
autorités locales, de l'industrie et du public. Il sources locales qui pourraient aussi servir en
s'agissait de greffer des responsabilités de défense temps de guerre»". La liste24 ci-dessous illustre
passive aux organismes relevant des gouverne- l'envergure et la nature des travaux de défense
ments locaux. Bien que les années subséquentes passive à l'échelle locale:
aient apporté certaines contraintes, le principe fon-
• instruire et conseiller la population;
damental du volontariat et du transfert des fonc-
• recevoir les renseignements et déclencher
tions de défense passive aux organismes en place
l'alerte;
devait toutefois demeurer la pierre angulaire du
programme.20 • recueillir les données concernant le nombre de
blessés et les dommages matériels;
• organiser le service des gardes civils;
La contrainte et la Loi sur l'ODP
• prendre les dispositions nécessaires pour s'oc-
(ARP Act) de 1937
cuper des blessés et organiser les équipes de
Vers la fin de 1936, après s'être entretenu avec premiers secours, des stations de rassemble-
toutes les autorités du pays, Hodsoll fut en mesure ment des blessés et les services d'ambulances;
d'affirmer que plus de 117 autorités procédaient • déblayer les débris et secourir les personnes
à l'élaboration de projet de défense passive. Mais coincées sous les décombres;
les échecs s'entremêlaient aux succès. Etant donné • détecter les fuites de gaz;
le manque d'aide financière, un bon nombre de • procéder à la décontamination;
conseils refusaient de le lancer dans le domaine • réparer les routes et les chemins et assurer
peu connu de la défense passive, préférant ac- l'entretien des services publics.
corder plus d'importance à l'administration quoti- • recruter et entraîner les volontaires;
dienne de leurs affaires, du fait que le pays n'était • organiser un poste de commandement pour les
pas en guerre. Les vieux ministères de la Santé services de défense passive;
et des Travaux étaient profondément irrités par • fournir des abris;
le fait que le nouveau ministère empiétait sur • restreindre et réglementer l'emploi de l'éclai-
leurs juridictions telles que les soins des blessés rage;
et l'aménagement des abris et ce avec un esprit • fournir les masques à gaz;
enthousiasme qui n'avait jamais été aussi évident • entreposer et entretenir l'équipement, les ap-
au cours des opérations de planification anté- pareils et le matériel;
rieures. • déplacer la population civile; et
En 1937, les fonctionnaires de l'ODP tinrent pour • assurer le contrôle et la coordination de l'acti-
la première fois quelques réunions officieuses avec vité générale de la défense passive. C'est en
les autorités locales. pour discuter de questions puisant dans ces secteurs d'activité que fut
financières, entre autres sujets. Le message fut créée l'armée de l'ODP, c'est-à-dire les Servi-
parfaitement explicite. Pour que l'ODP soit un ces généraux de l'ODP.
succès, il fallait absolument qu'il y ait une certaine Par ailleurs, six autres règlements ordonnaient
participation obligatoire agrémentée naturellement aux autorités locales d'organiser un service auxi-
de certains stimulants financiers. Le Bill de l'ODP
qui était en cours de rédaction et par lequel les 21. La Loi visait les autorités responsables de la planification
qui englobaient environ 230 corps municipaux et de
comté, des municipalités ne relevant pas d'un comté et
18. T. H. O'Brien, op. cit., pages 92 à 99. certains districts urbains.
19. Sujet d'inquiétude pour les planificateurs de défense 22. A ce moment-là, M. Morrisson était aussi Leader du
militaire dans les année 20 et 30, et intéressant au même «LCC».
titre les planificateurs des offensives de bombardement 23. C. W. G. Eady, Sous-secrétaire d'ETAT, Home Office,
stratégique dans les années 40.
The Progress of Air Raid Precautions, journal of the
20. John Wheeler Bennett, John Anderson, Viscount Waver- R.U.S.I., Vol. LXXXIV, février 1939.
]y, MacMillan, Londres, 1962, p. 190. 24. Ibid.

6 REVUE PLANS D'URGENCE


haire d'incendie et d'élaborer des plans de protec- organiser des services sanitaires et de secours pour
tion contre les incendies. Les risques d'incendie ré- les blessés et enfin d'enseigner les méthodes de
sultant des raids aériens avaient toujours été con- premiers soins aux volontaires. On encouragea
sidérés comme étant graves, ce qui entre autres aussi d'autres groupes tels que les Scouts et la
choses, incita le gouvernement à adopter en 1938 British Légion à rejoindre l'ODP. En 1938, le Ser-
la Loi sur les corps de pompiers (Fire Brigade Act), vice des femmes bénévoles (Women's Voluntary
obligeant plus de 1,600 autorités à organiser leur Service) fut créé pour stimuler la participation fé-
propre corps de pompiers. Ainsi, on assista, dès minine. En 1939, les autorités locales, l'industrie et
1938, à la création de deux services de prévention le public reçurent une avalanche de publications
des incendies dont les relations n'étaient toutefois traitant de tous les aspects de la défense passive.
pas toujours harmonieuses. En outre, par malice Mais ce fut l'organisation du Service de gardes
diabolique, le service d'incendie auxiliaire par le civils qui devait constituer l'une des réussites les
gouvernement central, fut équipé alors que les au- plus spectaculaires de l'ODP. La relation intime
torités locales devaient équiper leur propre corps qu'entretenait le garde civil avec chaque famille,
de pompiers. Ce n'est qu'avec la création du Ser- c'est-à-dire son lien de communication et d'activité
vice national d'incendie, en mai 194125, que ces avec les services organisés de l'ODP, créa des liens
anomalies furent aplanies. qui devaient rendre les gardes uniques en leur
genre. Avec la distribution à chaque famille d'un
Importants projets en cours de réalisation exemplaire de la brochure intitulée, la protection
Une attention particulière fut accordée à la me- de votre maison contre les attaques aériennes2°, la
nace d'une guerre chimique. Grâce à l'existence défense passive devint l'affaire de chacun.
d'un département de recherche en matière de guer-
En 1938, les événements en Europe incitèrent
re chimique, il fut possible d'obtenir des renseigne-
les parlementaires à s'interroger au sujet de cer-
ment valables qui permettraient la mise en œuvre
taines faiblesses dans la planification de l'ODP et
de mesures de défense appropriées pour la popu-
particulièrement en ce qui avait trait à l'absence
lation. Fort heureusement d'ailleurs puisque dans
de plans d'évacuation. Forcé d'agir, le gouverne-
l'esprit du public, il s'agissait du danger le plus
ment chargea un comité, sous la direction de Sir
éminemment associé aux attaques aériennes2°. La
John Anderson, d'étudier le problème. Ce comité
production des marques qui éventuellement dé-
fit rapport en juillet 1938. Il mit le gouvernement
passa 50 millions d'unités fut pour une certaine
en garde contre le danger «d'une évacuation géné-
période l'article de dépense le plus important du
rale des principaux centres industriels ... puis-
département. La décision de fournir des masques à
qu'une telle mesure risquerait de paralyser l'effort
tous les citoyens ainsi que la recommandation d'au-
de guerre»", mais souligna surtout certains princi-
tres mesures de protection eurent pour effet de
pes fondamentaux qui après avoir été adoptés par
raffermir l'idée de l'existence de mécanismes véri-
le gouvernement devaient vers la fin de la même
tables de défense contre une guerre chimique.
année, servir de guide à l'élaboration hâtive d'un
Etant convaincu qu'il fallait à tout prix éduquer plan d'évacuation. Aux termes de ces principes,
le public en matière de protection individuelle l'évacuation serait volontaire, l'hébergement obli-
contre les dangers et l'encourager à rejoindre les gatoire, le gouvernement se chargerait d'aider les
rangs des services généraux de 1'ODP, le départe- indigents, des dispositions spéciales seraient prises
ment se trouva soudainement engagé dans diverses en vue d'assurer la sécurité des écoliers, et tout
activités. En 1936, on assista à la création d'une plan d'évacuation ferait l'objet de la plus grande
Ecole d'instruction antigaz27 pour former les ins- diffusion. Le Rapport" demeura secret" jusqu'à ce
tructeurs des autorités locales, du secteur indus- qu'il fut publié après la Crise de Munich.
triel, des groupes privés et d'organismes bénévoles,
Les mêmes événements qui avaient incité le gou-
y compris ceux des professions médicales et para-
vernement à prendre des mesures au sujet de l'éva-
médicales. A la fin de 1937, plus de 40 écoles
cuation amenèrent d'autres propositions en vue de
avaient été construites au niveau local et quelque
résoudre la question du «contrôle en temps de
100,000 personnes avaient reçu une certaine for-
guerre», problème qui avait exaspéré les planifica-
mation officielle. Le département accorda des oc-
teurs depuis 1924. Ces propositions devaient géné-
trois à certains organismes tels que l'Ambulance
ralement suivre les mêmes lignes de conduite que
Saint-Jean et la Croix Rouge pour qu'ils puissent

25. T. H. O'.Brien, op, cit., p. 471. 28. J. B. S. Haldane, A.ft.P., Victor Gollancz, Londres, 1938.
26. H. M. Hyde et G. R. F. Nuttal, Air Defence and the Civil Contient des remarques mordantes sur les lacunes qui
Population, The Cresset Press Ltd., Londres, 1937, p. 2. existent dans la publication.
27. A Fatfield dans le Boucestershire et une seconde à 29. John Wheeler Bennett, op. cit., p. 202-203.
Easingwold dans le Yorkshire. Plus tard, une école d'état- 30. Rapport du Comité sur l'évacuation, Command 5837, du
major de 1'ODP à Londres et un collège d'état-major à 27 octobre 1938.
Stade d'Abernon en janvier 1942. 31. John Wheeler Bennett, op. cit., p. 204.

REVUE PLANS D'URGENCE 7


celles des suggestions précédentes. Il s'agissait de disponibles qu'après le déclenchement des hosti-
créer un organisme régional englobant douze ré- lités. La direction chargée des opérations de ca-
gions, dont chacun serait dirigé par un commissaire mouflage relevant du département de la défense
régionale secondé par des représentants des prin- passive avait, en 1945, émis des directives aux res-
cipaux ministères du gouvernement central. On ponsables de milliers d'installations sur la façon
aurait au centre, un ministère de la sécurité terri- de camoufler ces installations pour qu'elles se fon-
toriale qui serait créé pour assumer la direction dent dans le payasage environnant. Un organisme
des activités de défense passive. Le ministre pré- chargé de produire de la fumée35 fut créé pour re-
siderait un conseil de ministres, chacun d'eux étant couvrir de fumée les secteurs vitaux, mais au
appelé à assumer des charges importantes au sein moment de la crise de Munich les seuls plans de
de l'ODP et le président assurant la coordination de dissimulation consistaient à restreindre l'éclairage.
tous les rouages de cet organisme. C'était donc Bientôt, aucun citoyen ne fut exempté de l'obliga-
cette superstructure qui devait assumer la conduite tion d'observer le «black-out» et l'état-major de
des opérations civiles d'urgence en temps de guer- l'Air et le public également convaincus de l'impor-
re32 et qui fut baptisée «Plan Y d'urgence civile» tance du camouflage se sont fortement opposés aux
dans le Livre de guerre du gouvernement33. Au efforts de certains fonctionnaires qui voulaient at-
dernier échelon de la filière hiérarchique, on avait ténuer ces mesures de prévoyance.
secrètement décidé que les autorités locales qui
Une autre façon de limiter les dégats fut décou-
avaient été jusque-là les principaux organisateurs
verte à la suite d'une expérience menée en 1937
des services de l'ODP, confieraient le contrôle opé-
par un groupe d'écolières du district de Barnes36
rationnel aux chefs de police lesquels seraient alors
nommés contrôleurs de raids aériens 34 au cours de laquelle elles ont pu éteindre des bom-
bes incendiaires en utilisant un équipement fort
En 1938, les principales caractéristiques du sys- simple. Les autorités en conclurent immédiatement
tème d'alerte avaient été fixées. Les observateurs que les chefs de famille pourraient fort bien parer
au sol qui avaient été jusqu'en 1937 le seul moyen à une telle menace. D'autres expériences conduisi-
de détection des attaques aériennes allaient désor- rent, en 1938, à la mise au point d'une pompe à
mais être remplacés en grande partie par le RADAR étrier, qui devait devenir pour les chefs de famille,
lequel fut appelé à devenir l'élément essentiel du l'appareil, par excellence, de lutte contre les atta-
système. La responsabilité opérationnelle d'alerter ques aux bombes incendiaires37. Cependant, les
le public fut confiée au Fighter Command et le responsables des service d'incendie ayant, par la
mugissement de la sirène d'alerte pendant une mi- suite, décidé de ne pas entraîner les chefs de fa-
nute constitua pour le public, le signal de se réfu- mille, cette tâche fut alors assumée par l'ODP.
gier. Malheureusement, bien que le gouvernement
eut annoncé en 1937 son intention de fournir des En dépit du fait que le département s'efforçait
abris à certaines personnes et des conseils à d'au- dans tous les domaines pour que son plan national
tres, aucun progrès ne fut réalisé. Malgré les ren- soit tout à fait prêt pour 1939, et les progrès qu'il
avait réalisés étaient considérables, la situation en
seignements obtenus d'Espagne sur les effets d'ex-
plosion des bombes, les fonctionnaires prétendaient Europe avait pris en 1938 des proportions de crise.
ne pas avoir suffisamment d'information pour créer Dans le présent essai, l'intérêt suscité par cette
de nouveaux modèles. Toutefois, en 1938, le gou- crise est concentré sur les leçons qui en furent
vernement informa la population sur la façon de tirées. Il ne fait aucun doute que la crise servit de
construire des «salles de refuge» et promit de four- prétexte pour procéder à une répétition générale
nir gratuitement des sacs de sable aux autorités massive en vue de la guerre qui se préparait. Pres-
qui entreprendraient la construction d'abris pu- que toutes les phases de la planification de la dé-
blics! Par ailleurs, ces autorités furent invitées à fense passive furent mises à l'essai. Le plan dans
étudier les espaces susceptibles d'être transformés son ensemble paraissait satisfaisant. Mais, c'est
en abris dans les gros édifices, et à déterminer des lorsqu'on dut l'appliquer dans tous ses détails
emplacements convenables pour creuser des tran- qu'on se rendit compte de ses nombreuses lacunes.
chées. La période critique du 24 au 30 septembre 1938 fut
caractérisée à la fois par une activité intense et
Des plans de dissimulation furent mis au point une improvisation massive. Toutefois, derrière cet-
pour réduire l'efficacité du bombardement de pré- te improviste, on pouvait constater que les planifi-
cision, mais un bon nombre d'entre eux n'étaient cateurs savaient ce qu'il y avait à faire et ont pu,
32. T. H. O'Brien, op. cit., p. 116 à 119. de ce fait, éviter le gaspillage qui, autrement, au-
33. L'aide-mémoire du Cabinet portant sur les mesures im- raient pu se produire. Ainsi, en ce qui concernait
portantes qui devraient être prises durant une situation le public et en dépit de la confusion apparente, les
de crise pour assurer une transition régulière de la paix
à la guerre. 35. T. H. O'Brien, op. cit., p. 149.
34. Dans le Comté de Londres, le secrétaire municipal était 36. Ibid., p. 86.
nommé Contrôleur de la défense passive. 37. Ibid., p. 147.

8 REVUE PLANS D'URGENCE


tranchées furent creusées, les masques à gaz dis- à tort, pris pour acquis que le département de
tribuées, les sirènes d'alerte mises à l'essai, les l'ODP avait déjà les plans en main.
édifices protégés par des sacs de sable et des mil-
Vers les derniers moments de la Crise, le gou-
liers de volontaires avaient rejoint les rangs de
vernement publia les détails d'un plan visant l'éva-
l'ODP. Ce furent là les aspects positifs que l'on
cuation de deux millions de personnes de la ville
pouvait constater, apprécier et entendre.
de Londres. Mais le lendemain ce plan fut annulé.
Mais pour ce qui est du contrôle central et des Selon un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur,
plans d'urgence des différents ministères, on ne le plan en question avait été conçu en deux jours
pouvait s'empêcher de se demander ce qu'ils ont et demi38. En rétrospective, la décision d'annuler
bien pu faire au cours des quatorze dernières an- l'exécution du plan avait été prise par hasard.
nées. La nécessité de conserver le secret empêcha
la mise en œuvre des principales caractéristiques Même si le Royaume-Uni était censé être «bien
du plan de contrôle. Cette mesure exigeait une en avance sur tous les autres pays d'Europe en
coopération étroite entre tous les éléments chargés matière de protection de la population civile»3l, il
d'assurer ce contrôle, mais étant donné le caractère ne fait aucun doute que la nation s'était fait sur-
secret, peu de personnes purent dire ce qu'il fallait prendre dans un état précaire de non-préparation.
dire. En tous cas. les impératifs du secret n'au- Par contre, elle avait réussi à transformer le peu
raient pas dû empêcher l'élaboration de plans mi- d'empressement qui lui restait en un effort résolu
nistériels; mais soit que les autorités n'en aient pour se préparer à faire face à une situation qui,
pas vu la nécessité ou qu'elles n'aient pas accordé désormais, était devenue inévitable.
aux planificateurs le soutien moral ou autre appui
dont ils avaient besoin, ou encore, qu'elles aient, (à suivre)

38. C. W. G. Eady, op. cit.


39. Ibid.

REVUE PLANS D'URGENCE 9


PLANIFICATION DE LA PROTECTION CIVILE ANTINUCLÉAIRE
AUX ÉTATS-UNIS
Présenté au Comité de la protection civile
Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
Bruxelles, Belgique - le 16 octobre 1975

par ]'Honorable John E. Davis


Directeur de «De f ense Civil Preparedness Agency»
U.S. Department of De f ense

J'attendais le moment de vous rencontrer de nou- tout aux Etats-Unis, de pouvoir mener des opé-
veau, chers collègues et confrères des nations de rations d'urgence pour le soutien et l'aide à leurs
l'alliance de l'OTAN. J'aimerais vous exposer à citoyens. En retour, cela donne un avantage hau-
grands traits la nouvelle insistance sur la flexibilité, tement désirable: une meilleure préparation pour
ainsi que les options, que nous ajoutons au Pro- la conduite des opérations locales coordonnées
gramme de protection civile aux États-Unis. lors des désastres ou des urgences en temps de
Mais premièrement, quelques mots sur ce que paix. Telles mesures en temps de paix, consti-
nous continuons de faire: tuent, bien entendu, un objectif secondaire mais
important du Programme de protection civile.»
Comme je l'ai déjà dit antérieurement au Comi-
té, depuis le début des années '70 nous avons, aux Les situations d'urgence en temps de paix, pour
Etats-Unis, insisté sur le besoin d'une «préparation lesquelles les collectivités américaines doivent être
complète», en cas d'urgence en temps de paix com- prêtes, ne se limitent pas, bien entendu, aux désas-
me en temps de guerre. tres naturels. Par exemple, les personnes habitant
les abords des grands aéroports devraient être pré-
La raison pour laquelle un programme de protec- parées à la possibilité d'écrasement d'un avion.
tion civile existe au niveau fédéral aux États-Unis D'autres peuvent souffrir d'accidents graves, in-
c'est de prévoir l'élaboration à l'échelle nationale, dustriels ou de transport terrestre.
d'un état de préparation pour les situations d'ur-
De plus, il y a un besoin croissant de planifica-
gence en cas d'attaque.
tion des opérations d'urgence pour la protection
On ne pourrait cependant pas, même si on le contre les accidents survenant dans une centrale
voulait, mettre au point un état de préparation en nucléaire. La crise mondiale de l'énergie donne en-
cas d'attaque sans, en même temps, améliorer l'état core plus d'élan à la construction de centrales de
de préparation pour les situations d'urgence en ce genre.
temps de paix, c'est-à-dire les tornades, les inon-
L'une des conditions pour l'obtention de l'auto-
dations, les ouragans, les tremblements de terre et
risation de la construction d'une centrale nucléaire
autres désastres qui sévissent chaque année dans
aux États-Unis est la mise au point d'un plan d'ur-
des centaines de secteurs soumis à la jurisdiction
gence, englobant la centrale elle-même et les auto-
locale aux quatre coins du pays.
rités locales.
C'est pourquoi on a désigné la «DCPA» comme Ces autorités locales doivent être prêtes à faire
étant un agence de «préparation civile», plutôt que face à un incident extrêmement grave, bien que
d'être tout simplement chargée de la «protection peu probable, si des matières radioactives étaient
civile», notre mission étant principalement de prê- libérées dans l'environnement par accident. Cela
ter assistance aux gouvernements locaux afin de pourrait exiger l'évacuation des personnes ainsi
leur permettre de faire face à toutes sortes d'ur- que la prise d'autres mesures d'urgence dans les
gences.
régions touchées. Il pourrait y avoir aussi des ac-
Le programme de protection civile des États- cidents lors du transport de matières radioactives.
Unis doit donc viser deux buts qui soient valables Mon agence travaille étroitement avec les diffé-
tant pour les désastres en temps de paix qu'en cas rents États, avec les responsables de l'énergie ato-
d'attaque. Cette situation a été reconnue lors de mique du gouvernement fédéral et avec d'autres
la présentation du rapport annuel au Congrès en groupes qui s'occupent de la planification en cas
février 1975 par James R. Schlesinger, antérieure- d'accidents radiologiques en temps de paix.
ment notre secrétaire à la Défense, lorsqu'il a dit:
Alors que l'éventail des situations d'urgence pos-
«La mise au point de mesures flexibles à uti- sibles en temps de paix s'agrandit, nos responsa-
liser en cas de crise sévère ou d'attaque nucléai- bilités d'aide aux gouvernements locaux et de l'État
re demande de la part des autorités locales par- s'accroîssent également.
10 REVUE PLANS D'URGENCE
Qu'advient-il du danger possible le plus grave de régions du pays, étant donné la menace qui se fai-
tous? L'attaque de tout membre de l'Alliance, y sait sentir à ce moment-là). Dans les années '60,
compris des États-Unis, est certainement peu pro- nous avons eu le programme de l'abri, axé sur le
bable; et nous espérons que la situation demeurera danger des retombées radioactives.
ainsi. Mais comme le disait le Secrétaire, M. Schle- Aujourd'hui, nous croyons que le programme
singer, dans son rapport au congrès au mois de américain a atteint une perspective et un équilibre
février: qui conviennent bien aux besoins de notre temps.
«En raison des différences qui existent entre Ce programme étudie tout un éventail d'éventuali-
notre système social et celui de l'URSS ... il ne tés et insiste sur la flexibilité de l'action face aux
nous surprendrait pas s'il s'écoulait une assez menaces. Par conséquent, nous mettons au point
longue période de temps entre les premiers pas un programme pour la protection du peuple amé-
vers la détente et les relations coopératives peu ricain en cas de diverses attaques possibles, dé-
profondes auxquelles nous aspirons. En atten- clenchées soit subitement soit après une période
dant, nous devons nous attendre à des périodes de crise.
de coopération et d'entente alternant avec des Une des possibilités serait une attaque générale
périodes de dispute et de compétition. Dans ces lancée du jour au lendemain. Cela exigerait évi-
circonstances les risques de confrontation, de demment que les personnes habitant les villes-
crise et de mauvais calculs demeureront présent cibles se cachent dans le meilleur abri qu'elles
comme cela a été le cas dans le passé!» puissent trouver en 15 ou 20 minutes. Les person-
«Il y a aussi la possibilité toujours présente nes n'habitant pas les zones-cibles pourraient avoir
qu'un conflit conventionnel puisse dégénérer en plus de temps pour se protéger des retombées nu-
l'usage tactique ou même stratégique d'armes cléaires.
nucléaires.» Et finalement, «nous ne devons pas La possibilité d'une attaque à bref préavis est
commettre d'erreurs à ce sujet: il n'y a pas de l'une des raisons pour lesquelles nous avons mis au
conflit entre détente, dissuasion et défense. Elles point une nouvelle étude sur les abris qui pour-
sont reliées de façon inextricable l'une à l'autre raient protéger contre tous les dangers. Dans les
dans le maintien d'un équilibre du pouvoir.» villes, cette étude recherche la meilleure protection
Quelle est la place de la protection civile dans ce disponible contre les effets de l'explosion ainsi que
contexte stratégique, dans lequel la défense et la des retombées; et dans les régions rurales, elle re-
force de dissuasion sont si étroitement liées avec cherche la meilleure protection disponible contre
la détente? Le rapport du Secrétaire n'aurait pas les retombées.
pu l'expliquer plus simplement: «Notre programme Mais, selon le Secrétaire à la Défense, une atta-
de protection civile est, et a toujours été,» a-t-il dit, que surprise serait «... bien peu probable étant
«un élément essentiel dans le concept général de donné les circonstances actuelles ... Une attaque
notre stratégie de la force de dissuasion.» nucléaire dirigée contre les États-Unis ... serait
plutôt précédée d'une série de crises et certaine-
Plus loin dans le rapport, il ajoutait: «La valeur
ment d'une sérieuse détérioration de nos relations
du programme actuel (de protection civile) est qu'il
avec l'Union soviétique.»
aide la force de dissuasion employée en temps de
crise et qu'il offre la possibilité de sauver la vie à Ainsi, le programme de protection civile des
de nombreux américains advenant que ... des at- États-Unis doit tenir compte également de l'éven-
taques seraient menées contre nous.» tualité de telles périodes de crise ou de confron-
tation. Une façon évidente de protéger le peuple
Dans ce cas, où se trouve la nouveauté du pro-
contre une menace possible est de l'éloigner de
gramme de protection civile des États-Unis? Quelle
cette menace.
est cette nouvelle insistance sur la flexibilité que
j'ai mentionné au début de ces remarques? Cela n'est pas nouveau pour les gens qui vivent
sur la côte du Golfe du Mexique, ou non loin de là,
Il y a eu, à différentes reprises dans l'histoire de où des évacuations préventives ont lieu de temps
notre programme, une tendance à concentrer nos à autres lorsqu'un ouragan les menace.
efforts, peut-être à tort, sur une seule tactique. Au
C'est l'ouragan Carla qui, en 1961, a donné lieu
début des années '50, c'était l'abri. Puis quelques
au plus grand déplacement des habitants de ré-
années plus tard, c'était l'évacuation «tactique»,
gions dangereuses qui avait jamais eu lieu aux
c'est-à-dire l'évacuation des villes, autant que pos-
Etats-Unis, alors que d'un demi à trois quarts de
sible, dans les trois ou cinq heures, considérées
million de personnes quittèrent les régions mena-
comme étant la limite entre la détection d'une at-
cées des côtes de la Louisiane et du Texas.
taque par bombardiers et l'arrivée de ces avions
au-dessus des villes américaines (et laissez-moi Nous avons vu d'autres déplacements depuis ce
vous dire que cette tactique avait énormément de temps, bien que sur une échelle moindre, à cause
sens, au moins pour ce qu'est de la plupart des d'autres ouragans, d'inondations, et de dangers

REVUE PLANS D'URGENCE 11


dus à l'échappement du chlore ou d'autres subs- Ce sont ces moyens de riposte flexible dont le
tances toxiques. Secrétaire parle lorsqu'il dit de la protection civile
Si le temps le permet, il est logique d'éloigner les qu'elle est un «élément essentiel dans le concept
personnes des régions qui pourraient devenir dan- général de notre stratégie de la force de dissua-
gereuses. sion.»
Il est également logique, aux États-Unis, de met- Nous avons décidé de marquer un changement
tre au point des moyens d'aider les gens à s'éloi- dans ce concept de riposte flexible en introduisant
gner, durant les périodes de crises internationales un nouveau terme, soit la planification de «protec-
sérieuses, des régions qui pourraient être la cible tion civile antinucléaire». Le 4 août 1975, nous
d'une attaque de l'ennemi. avons émis une circulaire de préparation civile in-
diquant que la planification de protection civile
Quelles pourraient être ces régions? Un groupe antinucléaire prévoit les deux moyens tactiques,
évident de régions «dangereuses» seraient les ag- soit, premièrement, la protection de la population
glomérations situées près des bases de bombar-
sur place; et deuxièmement, le déplacement ordon-
diers ou de missiles intercontinentaux, en un mot, né des personnes habitant certaines zones haute-
près des installations militaires clés. Si ces instal-
ment dangereuses, ou même toutes ces zones, si
lations d'offensive stratégique (appelées de «con-
les autorités nationales décidaient de mettre en
treforce») étaient menacées d'une attaque, il nous œuvre les plans de déplacement de population au
faudrait pouvoir aider ces gens à quitter ces ré-
cours d'une crise sérieuse, si le temps et les cir-
gions, puis les protéger, ainsi que le reste de la
constances permettent ce repli; ainsi que la récep-
population américaine, contre les retombées radio- tion, le soin et la protection des personnes dépla-
actives.
cées dans une zone d'accueil moins dangereuse.
Nous avons également besoin d'un autre moyen, J'insiste sur le fait que si je dis que nous avons
c'est le moyen d'aider les gens à quitter toutes les commencé l'élaboration de ces moyens de riposte
régions métropolitaines importantes des États-
flexible, nous ne faisons vraiment que commencer
Unis, ainsi que les régions militaires de contrefor-
et il est dans notre intention d'avancer prudem-
ce. La raison fondamentale pour laquelle il nous ment, un pas à la fois, au cours des années.
faut cette capacité est que l'URSS attache beau-
coup d'attention à la protection civile, y compris, Il est facile de supposer que 7011/o de la popula-
comme le Secrétaire l'explique, tion métropolitaine des Etats-Unis pourrait être
déplacée dans des zones de risque moindre, qu'elle
«... non seulement la construction d'abris ... pourrait être gardée là une semaine ou plus et être
mais la préparation de plans d'évacuation du protégée des retombées.
gros de la population des villes importantes ad-
venant une crise . . . Il est moins facile cependant de planifier dans le
détail le contrôle du mouvement et de la circula-
Nous pensons que les États-Unis devraient
tion, de prévoir la réception et le soin des person-
disposer du même moyen tactique pour les deux
nes déplacées et de les protéger des retombées.
raisons suivantes: premièrement, pour être capa-
Depuis plus de deux ans, cependant, nous diri-
ble de réagir de la même façon si l'Union sovié-
geons des recherches et des projets-pilotes sur le
tique essayait de nous intimider dans une pé-
déplacement en temps de crise, et nous sommes
riode de crise en évacuant la population de ses
persuadés que des plans réalisables peuvent être
villes; et deuxièmement, pour réduire le nombre
mis au point pour la plupart des régions des Etats-
des victimes si l'attaque de nos villes était immi-
Unis; pour toutes même, à l'exception des régions
nente.»
urbaines les plus populeuses de la côte est et en
En résumé, le Département de la Défense est Californie.
conscient du besoin de moyens tactiques dans la
Nous entamons également des études en vue de
protection civile, pour une riposte flexible selon la la possibilité de solutions particulières quant à ces
situation qui se présente; ceux-ci comprennent:
régions, solutions dont j'exposerai dans quelques
• La capacité de protéger les personnes sur les minutes les grandes lignes.
lieux (c'est-à-dire dans leur résidence ou non
loin); et Sur la base d'un travail-pilote effectué à San
Antonio, Texas, il y a plus de deux ans, nous avons
• La capacité d'aider les gens à quitter les ré- mis au point un manuel sur la première phase de la
gions dangereuses durant une crise, soit (a) planification du déplacement en temps de crise. Il
selon un choix, si des installations militaires traite entre autres choses de la répartition de la po-
clés étaient menacées; soit (b) toutes les ré- pulation des zones dangereuses dans les régions
gions métropolitaines ainsi que les régions si- d'accueil environnantes, et de la mise au point de
tuées près des installations militaires de con- moyens d'avertissement à la population de se tenir
treforce. prête, renseignements qui doivent être publiées

12 REVUE PLANS D'URGENCE


pendant le temps de la crise, indiquant «où aller et meilleurs moyens disponibles de protection contre
quoi faire» si jamais le plan de déplacement était les retombées radioactives et les bâtiments où la
mis en vigueur. protection contre les retombées (ou le facteur de
En se fondant sur le manuel de planification, protection, (FP) pourrait être améliorée par des
nous avons formé des équipes composées de per- travaux effectués durant la crise.
sonnel du fédéral et de certains états qui ont de- Ainsi, l'étude sur la région d'accueil, a donné lieu
puis ce temps complété la première phase dans la à la création d'une formule d'une seule page, con-
planification du déplacement en temps de crise cernant chaque bâtiment examiné. Celle-ci indique
dans neuf autres régions du projet-pilote, dans les non seulement le FP actuel mais également la quan-
états allant de New-York et du Massachusetts, tité de terre qui devrait être ajoutée sur les côtés
dans l'est, jusqu'au Montana, dans l'ouest. du bâtiment et par-dessus pour augmenter la pro-
Nous sommes allés au Texas pour la seconde tection contre les retombées jusqu'à un FP de 20 et,
phase de la planification du déplacement qui com- si possible, jusqu'à un FP de 40.
prend la réception et le soin des personnes dépla- Les résultats des études sur les régions d'ac-
cées. Nous avons aidés les autorités gouvernemen- cueil, effectuées au cours de l'été 1974, nous por-
tales locales et de l'état à mettre au point des plans tent à croire que, dans la plupart des régions, la
d'opération dans les collectivités appelées «d'ac- protection contre les retombées pour les personnes
cueil», c'est-à-dire les comtés ruraux situés à l'ex- évacuées pourrait être fournie pendant plusieurs
térieur des villes telles que San Antonio, Waco et jours au cours d'une crise sérieuse. Les études ont
Port Arthur, au Texas. permis de déterminer qu'il existait suffisamment
Il y a, bien entendu, un certain nombre de pro- d'espace, comme tel ou susceptible d'aménagement,
blèmes à régler dans la mise au point de plans pour pour y accommoder plus du total de la population
le déplacement éventuel de peut-être plusieurs mil- de la région d'accueil en plus des personnes dépla-
lions de personnes pendant une période de crise cées de la ville. En fait, on a trouvé 123°/o de l'es-
internationale sérieuse. pace total nécessaire.
Par exemple, comment nourrir les gens dans les Quant à l'espace existant, nous avons trouvé
régions d'accueil où la population pourrait doubler beaucoup plus d'endroits offrant la protection con-
ou même tripler en quelques jours? tre les retombées que nous l'avions prévus. Dans
De plus, y a-t-il moyen de prévoir exactement la plupart des comtés ruraux, le nombre des abris
combien de personnes quitteront, de fait, les gran- qui ont été relevés avait doublé, bien qu'il ne soit
des villes ou d'autres régions dangereuses au cours pas encore suffisant dans bon nombre de comtés
d'une crise intense, même si les autorités nationa- ruraux.
les leur conseillent de se déplacer? En ce qui a trait à l'amélioration des bâtiments
Il y a une question qui vient immédiatement à existants, il semble qu'il serait possible, au cours
l'esprit de tout spécialiste de la protection civile d'une crise, d'ajouter de grandes quantités d'abris
locale, c'est comment fournir, ou mettre au point, dont le facteur de protection serait de 20 ou plus.
une protection contre les retombées dans les ré- La quantité de terre nécessaire est, en moyenne,
gions d'accueil, lorsque peu de comtés non métro- d'environ une demi-verge cube par bâtiment. C'est
politains ont juste assez d'abris pour leur popula- une quantité considérable de terre à déplacer, mais
tion? Ce problème est particulièrement sérieux c'est faisable. Cela prendrait quelque 40 ou 50
dans nos états du sud, où les sous-sols sont rares. seaux de terre, en moyenne, pour chaque espace
La réponse, en général, à cette dernière question aménagé dont le FP serait de 20 ou plus.
est de trouver la meilleure protection possible et de Il semble donc qu'il y ait des solutions réalisa-
déterminer ensuite ce qui peut être fait au cours bles à la protection contre les retombées dans la
d'une crise pour l'améliorer. plupart des régions des États-Unis. De même, je
Nous avons, par conséquent, mis au point une puis vous dire qu'il y a de bonnes raisons de croire
étude, qui est en cours présentement, sur les ré- que des solutions soient réalisables également
gions d'accueil. Cette étude porte trois types de pour d'autres problèmes opérationnels, tels que le
protection utilisables par les planificateurs locaux mouvement des personnes déplacées, ou l'apport
et par ceux de l'état: la première traite de l'espace de nourriture ou de soins médicaux.
pour le «soin-collectif». Cela comprend les bâti- Le temps ne nous permet pas de discuter sur les
ments dans lesquels les personnes évacuées peu- détails de ces aspects, mais nous avons des projets
vent être hébergées temporairement. On trouve de recherche traitant de ces secteurs et des pro-
parmi les premiers choix les écoles, les églises, des blèmes connexes, et tout indique que les problèmes
motels et également des édifices commerciaux. portant sur le déplacement en temps de crise peu-
Les deux autres types d'espace désignés dans les vent être résolus, étant donné l'effort sérieux que
études sur les régions d'accueil consistent dans les nous mettons dans la planification.

REVUE PLANS D'URGENCE 13


La section du nord-est des États-Unis, la Califor- plans détaillés et trouver comment aborder la pla-
nie et quelques autres parties très urbanisées du nification de la protection civile nucléaire pour
pays présentent, de façon évidente, des problèmes l'année qui vient.
spéciaux qui nécessitent donc des solutions spé-
ciales. Une dernière question peut vous venir à l'esprit:
Que pensent les autorités gouvernementales élues
Dans ce que nous appelons «la chaîne des cen-
de la planification de la protection civile antinu-
tres urbains du nord-est», allant de Washington, cléaire, plus particulièrement des plans de déplace-
DC, jusqu'à New-York et Boston, le gros de la
ment éventuel des habitants des grandes villes au
population vit dans les grandes villes qui pour- cours de périodes de crise sérieuse?
raient être sujettes à des attaques.
Je suis heureux de vous dire que toutes les auto-
Si la plupart des habitants de ces villes devraient
rités locales sans exception que nous avons enten-
être déplacés durant une crise, les autorités loca-
due jusqu'ici trouvent que la planification du dé-
les qui les accueilleraient pourraient voir leur po-
placement en temps de crise a du bon sens, et
pulation quintupler. Les problèmes de la nourritu-
qu'il vaut mieux avoir un plan et de ne pas avoir
re, du logement temporaire, de l'hygiène et des
soins médicaux seraient encore plus grands que à s'en servir, que d'avoir besoin d'un plan et de
ne pas l'avoir.
dans les régions urbaines à plus faible densité.
En somme, nous élargissons l'étendue du pro-
Pour ces raisons, nous avons entamé une étude
gramme de protection civile dans les États-Unis de
spéciale de faisabilité dans la chaîne des centres
la façon suivante:
urbains du nord-est. Même ici, les premières ana-
lyses démontrent qu'il existe des solutions réalisa- • Nous continuons d'aider les gouvernements lo-
bles pour le déplacement en temps de crise. caux et d'état en planifiant et en les préparant
Au cours de l'année qui vient, nous analyserons à divers cas d'urgence et de détresses, en
temps de paix.
les possibilités de déplacement des automobiles,
des trains et des autres moyens de transport dans • Nous continuons de les aider dans la planifica-
le nord-est. Nous étudierons également la situation tion d'utilisation d'abris sur place, contre les
du logement, la distribution de la nourriture, l'hy- retombées radioactives dans toutes les régions
giène, les soins médicaux et la protection contre les du pays et contre les effets directs et les re-
retombées. tombées dans les régions hautement dange-
Nous espérons obtenir, pour ces analyses, les reuses.
conseils et l'assistance du personnel de protection • Enfin, et ceci est une nouvelle addition, nous
civile de chacun des états dans le nord-est, et nous commençons, avec la collaboration des états,
réétudierons, avec les directeurs d'état concernés, à mettre au point des plans pour le déplace-
les différents moyens tactiques qui résulteront de ment éventuel des habitants de certaines ré-
l'étude de faisabilité. Si les autorités de l'état trou- gions dangereuses ou de toutes les régions
vent, en vertu de l'étude, que les opérations de dé- dangereuses advenant une crise sérieuse.
placement par temps de crise sont généralement
possibles dans le nord-est, nous continuerons, avec Pour terminer, j'aimerais insister sur le fait que
eux, l'étude de la planification plus en détail: les deux moyens tactiques que je viens de men-
tionner, soit la protection en cas d'attaque nucléai-
Actuellement, les directeurs d'état du nord-est
re ou en cas d'une menace accrue d'une attaque,
sont d'accord pour la continuation de l'étude de
se complètent. On ne peut compter sur un seul des
faisabilité. Si une crise internationale sérieuse et moyens tactiques pour la survivance.
sans précédent devait avoir lieu, le gouverneur de
chaque état demanderait conseil à son directeur De fait, nous disons aux états que l'usage dans
de la protection civile concernant les instructions à une certaine mesure de ce que nous avons appe-
donner au public. lés «protection sur place» serait nécessaire pour
les résidents des villes en toute situation.
Sans aucun doute, les gens demanderaient des
conseils et des instructions; un très grand nombre Dans une situation d'avertissement à court préa-
pourrait évacuer les lieux immédiatement, réaction vis, la plupart ou la totalité des personnes auraient
à un danger possible qui a été constatée dans plu- besoin d'un abri proche, c'est-à-dire d'une protec-
sieurs pays au cours de la seconde guerre mon- tion «sur place».
diale et depuis ce temps.
Au cours d'une longue crise, on pourrait ne pas
Tout en effectuant les études spéciales pour trou- décider de déplacer les gens. Dans ce cas, la plu-
ver les solutions aux problèmes du nord-est, nous part des personnes resteraient dans les villes et
continuons la planification initiale pour les autres auraient besoin de protection «sur place». Ou en-
régions du pays. Nous travaillons actuellement core, on pourrait demander le déplacement, mais
avec chacun des états pour mettre au point des l'attaque pourrait venir si rapidement qu'un nom-

14 REVUE PLANS D'URGENCE


bre important de personnes ne pourrait évacuer les Un déplacement efficace de la population en
villes. temps de crise donnerait entre 65 et 70 millions de
survivants de plus.
En dernier lieu, même une attaque survenant
après l'évacuation des gens menacerait un certain En plus de sauver la vie de nos gens, la protec-
nombre de personnes dans les villes qui auraient tion civile joue également un rôle dans la mission
besoin d'abris «sur place». Par exemple, il pourrait de dissuasion. Comme le disait le Secrétaire Schle-
y avoir des employés des services importants ou singer, la protection civile «contribue à la force de
des industries. De plus, il y aurait sûrement des dissuasion en temps de crise.»
gens qui ne voudraient pas quitter leur maison et Le soutien principal de la force de dissuasion est
leur milieu, quel que soit le danger. fourni par les forces d'attaque stratégiques, soient
Notre but, dans l'étude de la façon d'aborder les les bombardiers et les missiles lancés à partir des
deux moyens tactiques dans le cadre-de la planifi- bases terrestres et des sous-marins, mais nous se-
cation civile antinucléaire est, bien entendu, de rions sûrement négligents si nous ne développions
réussir, dans la mesure du possible, à sauver la vie pas les possibilités de protection civile qui peuvent
des gens en grand nombre. La protection sur place améliorer la force de dissuasion! Et qui ont prou-
peut sauver jusqu'à trente millions de personnes vées leur valeur indéniable lors des désastres en
dans les États-Unis, comparativement au nombre temps de paix. ♦
de personnes tuées s'il n'y avait pas de protection
civile.

REVUE PLANS D'URGENCE 15


LA CATASTROPHE A LA STATION DE MÉTRO DE MOORGATE
par
L'Inspecteur principal B. E. Fisher, M.B.E.

«Envoyez une ambulance à la station Moorgate, un conducteur de train a été blessé».


Cet unique appel d'urgence «999» adressé au Contrôleur du service des ambulances
de Londres, de service à 8 h 48 le vendredi 28 février 1975, n'avait rien d'extraordinaire
ou d'alarmant et ne nécessitait que l'envoi de deux ambulances, étant donné que c'était
l'heure de pointe et qu'il aurait pu y avoir d'autres complications. Pour un contrôleur
chevronné, il n'y avait rien d'anormal dans ce message, rien de comparable à une ava-
lanche d'appels au «999» provenant d'un seul endroit; ce qui indique la gravité d'un
accident.
Bien qu'on ne le sût pas à ce moment, ce bref message sibyllin était à l'origine
d'une opération qui allait durer six jours et faire intervenir 1,324 pompiers, 80 ambu-
lanciers, 240 policiers, 16 médecins, 3 hôpitaux et bon nombre de gens provenant de
services et d'organisations diverses.

Le lieu du sinistre déraillé. Le train avait alors frappé la partie supé-


Le quai no 9 de la station de métro Moorgate, rieure du mur qui se dressait au fond du tunnel de
situé à 52 pieds au-dessous du sol. Un quai termi- 66 pieds. La violence du choc avait terriblement
nus menant à un tunnel de 66 pieds de long sans déformé, défoncé et courbé la première voiture qui
issue et utilisé par des trains de six wagons sur avait pris la forme d'une crosse de hockey, le
l'embranchement Highbury de la Northern Line. centre, sur le ballast et l'arrière, comprimé contre
la voûte du tunnel. La deuxième voiture s'était
L'accident partiellement enfouie sous l'arrière de la première,
A 8 h 46/2 du matin, un signaleur qui travaillait le toit écrasé. La troisième voiture avait été pro-
dans sa cabine de signalisation située à l'extrémité jetée sur l'arrière de la deuxième, le toit ayant
nord du quai n° 9, entendit un train qui s'appro- défoncé la voûte du tunnel. Le plancher de ce
chait de la station. Jetant un coup d'oeil à l'exté- troisième wagon se maintenait à un angle de 20
rieur, il aperçut le train qui entrait en gare à grande degrés et un tiers de la voiture se trouvait à l'inté-
vitesse (elle fut estimée entre 39/2 et 40 milles /2 rieur du tunnel. C'est donc un train de 118 pieds
à l'heure) et aussitôt entendit retentir un grand de largeur, qui s'était comprimé à l'intérieur d'un
fracas et le bruit de verre qui vole en éclats. Il se tunnel de 66 pieds de long. Le train était passa-
précipita hors de sa cabine, considéra la gravité blement bondé et on a estimé vaguement qu'en-
apparente de l'accident et regagnant sa cabine, viron 300 passagers se trouvaient à bord au mo-
lança le seul et unique appel d'urgence qui signala ment du drame dont un tiers, dans les deux pre-
l'accident aux services d'urgence. mière voitures.

Le théâtre de l'accident Il apparut en premier lieu, aux personnes se


trouvant sur le quai, qu'une rame de quatre voi-
Ayant dépassé son arrêt normal, le train avait tures était entrée dans le tunnel et que la voiture
continué sa course à travers une nappe de sable, de tête (en réalité la troisième) s'était encastrée
avait démoli un butoir hydraulique à l'entrée du d'environ 18 pieds dans la voûte du tunnel.
tunnel, situé à l'extrémité sud du quai, et avait

L'alerte aux services d'urgence


*NOTES BIOGRAPHIQUES
L'inspecteur-en-chef Brian Edward Fisher, M.B.E. Le Service d'ambulance avait reçu le premier (et
est responsable pour la planification d'urgence de la unique) appel d'urgence à 8 h 48 et avait envoyé
force policière de la Cité de Londres en Angleterre. Il deux ambulances sur les lieux.
fait ce travail depuis 1968. Il est le secrétaire du Comité
mixte pour la planification des services d'urgence qui La police fut avertie la première fois à 8 h 50
est chargé de la coordination de plans éventuels de
par un passant qui tapa à la vitre d'une voiture de
services d'urgence pour l'agglomération londonienne.
En février 1975, comme officier de police pour les inci- patrouille de la police qui se trouvait immobilisée
dents il fut responsable de la coordination des opéra- au milieu de la circulation à quelque 150 verges de
tions pour sauver la vie, le sauvetage et le recouvre- la station et dit aux policiers «je crois qu'il y a eu
ment.
un accident à la station de métro», en indiquant la
station Moorgate.

16 REVUE PLANS D'URGENCE


Le véhicule de la police municipale en
action sur place.

La police se rendit immédiatement à la station donne une bonne description de la situation. Voici
Moorgate sans découvrir aucun signe extérieur de sa narration:
catastrophe. Ils s'adressèrent au personnel de la «Tandis que je descendais l'escalier roulant tout
station qui leur répondit qu'un «petit accident» semblait normal, les passagers montaient et des-
s'était produit au quai n° 9. A ce moment même, cendaient (les deux côtés. Lorsque j'atteignis le
on ignorait encore la gravité de l'accident. Ce qui quai , une rame s'y trouvait. A première vue. tout
différait ici des grandes catastrophes, c'est que ce que je pus constater d'anormal était l'absence
personne ne pouvait d'un coup d'œil contempler de lumière dans les voitures, et un nuage de
l'ensemble du sinistre. Le rapport qui suit émane fumée noire et de poussière dans l'air. Des gens
d'un policier parvenu le premier sur les lieux et marchaient le long du quai, mais je les pris pour

L'auteur et l'officier ambulancier.

REVUE PLANS D'URGENCE 17


A leur arrivée sur le quai les premiers se-
couristes font face au désastre. La. photo
nous fait voir la moitié arrière du troisiè-
me wagon. Les deux premiers wagons sont
empilés l'un sur l'autre dans le tunnel.

des Antillais ou des Africains car ils étaient notre centre de contrôle, je me mis à ramper à
complètement noirs. L'instant d'après, je me travers les voitures pour me rendre compte de
rendis compte qu'ils étaient couverts de suie et Io situation, et tout en avançant, j'aidais des
de saleté. Je me mis à prêter assistance aux blessés à passer à travers les wagons. Il me fut
blessés capables de marcher, sans saisir encore impossible d'ciller plus loin que l'arrière de lu
l'ampleur du désastre. Quelqu'un appelait à troisième voiture à l'intérieur du tunnel. Là, je
l'aide d'une voiture à l'intérieur du tunnel; je fus frappé par la gravité de la situation et j'envi-
pénétrai dans le train à sa recherche. C'est alors scigeai que d'ici peu on découvrirait un grand
que je découvris une masse de ferraille informe nombre des cadavres».
dans la voiture dont l'arrière avait étsoulevée. Grâce aux renseignements qui parvenaient main-
En avançant dans la voiture, je vis 'qu'il y en tenant aux centres d'ambulances et d'urgence-in-
avait d'autres à l'avant. M'étant cissuré qu'un de cendie, la gravité de l'accident devenait évidente.
mes collègues transmettait les renseignements à Le service des incendies fut averti à 8 h 57 et à

Coup d'oeil dans le tunnel durant l'opéra-


tion de secours.

18 REVUE PLANS D'URGENCE


Des secouristes transportant un blessé
12 heures après l'accident.

partir de cet instant, l'intervention des services éclairage d'urgence sur accumulateurs fut rapide-
d'urgence assuma vraiment toute son intensité. ment installé par la police et fournit suffisamment
de lumière pour permettre de mener à bien les
L'élan des opérations opérations de sauvetage. Le London Transport
Un véhicule opérationnel de contrôle conçu pour Executive remplaça par la suite cet éclairage par
les besoins de la police municipale et équipé de un dispositif plus durable.
tout le matériel de communication nécessaire et C'est un fait que les possibilités de communica-
d'instruments de soutien indispensables pendant la tions radio sont sensiblement réduites une fois que
première heure des opérations résultant de tout les émetteurs se trouvent sous la surface du sol et
accident grave fut immédiatement expédié sur les vers 9 h 15 il devint évident que cet état de choses
lieux où l'on mit tout de suite à contribution la détériorerait les contacts entre la station avancée
plupart de son équipement. La police établit une et le centre de contrôle. Le personnel de la police
zone de contrôle commun des services au niveau et du service des incendies installa alors des lignes
du sol à laquelle on associa le personnel et les de téléphone de campagne entre les deux points de
véhicules des services de contrôle des incendies et contrôle. Ces communications fonctionnèrent jus-
des ambulances. Etant donné la nature de l'acci- qu'au bout. Lors de l'installation (le ce, matériel, la
dent, on établit un point de contrôle avancé con- police profita de l'expérience acquise aux cours de
joint sur le quai où se jouait le drame. «Mobile Colurnn Training». La brigade des incen-
Le service d'ambulance établit un poste de dies se servit pour la première fois du système de
secours à l'entrée de la station ainsi qu'un lieu de communication radio expérimental appelé «Figaro»
stationnement des ambulances, à quelque 100 spécialement conçu pour des opérations souter-
verges plus loin au nord pour éviter un encombre- raines. En fait, ce réseau s'avéra un moyen de
ment de véhicules au point avancé. Dès le début, transmission rapide et sûr durant la principale
la police prit en main le contrôle vigoureux du intervention du service des incendies au cours de
stationnement de tous les véhicules d'urgence et l'opération.
assura ainsi une libre voie d'accès sur les lieux et Le sauvetage et l'évacuation des victimes cons-
une circulation ordonnée pendant toute la durée tituait l'acte primordial. Le réseau d'informations
des opérations. La police des services de transport au centre de contrôle de la police une fois établi.
britanniques apparût bientôt sur les lieux et prit les premiers policiers sur les lieux s'employèrent
en charge jusqu'à la fin les opérations de police à
eux-mêmes à l'évacuation des victimes. Au début,
l'intérieur de la zone de la station de métro, une station de premiers secours fut établie sur le
assistée en cela par la police municipale. quai. On y traita le premier flot des blessés le
Il fallut au tout début assurer absolument un moins gravement, et des personnes traumatisées et
moyen d'éclairage sur les lieux du sinistre. Un contusionnées qu'on déplaça ensuite par groupes

REVUE PLANS D'URGENCE 19


escortés de la police, des pompiers et des ambu- verts pour y déceler des signes de vie. Le personnel
lanciers jusqu'à la surface et vers les hôpitaux. de la brigade des incendies et des urgences ferro-
Les ambulances quittèrent les lieux, avec les pre- viaires entreprit la tâche d'évacuer les débris et
mières victimes, à 9 h 04. Un hôpital désigné de dégager les morts pris dans la ferraille. Dès le
envoya sur les lieux une équipe médicale mobile, début de l'accident la police avait établi un bureau
qui, dès son arrivée, installa un poste de traitement des objets trouvés pour y recevoir les objets trou-
de secours sur un quai adjacent et fut rejoint vés sur les lieux et ce bureau resta en service tout
ensuite par d'autres équipes. L'évacuation des per- au long de la phase de dégagement. Tous les arti-
sonnes légèrement blessées une fois terminée, on cles de propriété privée fûrent répertoriés et placés
constitua un centre diagnostique dans le hall dans des sacs en plastique par des agents de
d'entrée de la station, où les médecins consultaient police de la British Transport.
les victimes gravement atteintes que l'on dégageait
Une fois le sauvetage des personnes encore en
des décombres. Les victimes exigeant un traite-
vie terminé, l'activité de la police municipale
ment immédiat étaient dirigées vers un poste d'ur-
s'exerça principalement à la surface tandis que la
gence tout proche, avant d'être ramenées à la
police de la British Transport continuait de se
surface.
charger des opérations au niveau du quai. Néan-
Il convient peut-être de mentionner que ce qui a moins, les deux services restèrent en contact con-
grandement contribué à la rapidité dans l'organi- tinu et étroit pendant le restant des opérations.
sation et la coordination de l'action c'est le fait
que les officiers supérieurs de tous ces services se Le deuxième jour
connaissaient déjà grâce aux contacts et aux
échanges d'idées fréquents qu'ils avaient eu au fil Pendant toute la journée, les pompiers et le per-
des années lors de la formulation et la mise en sonnel du génie progressèrent dans leurs efforts
pratique des plans. pour dégager la carcasse, qu'il fallait découper. Le
besoin de ventilation était devenu pressant. On
A mesure qu'un nombre suffisant de pompiers
s'était servi uniquement de matériel de découpage
et d'ambulanciers parvenaient sur les lieux pour y
à froid tant qu'il y avait des personnes vivantes
exercer leurs fonctions respectives, on retirait
encore emprisonnées sous les débris, mais après,
comme prévu, les agents de police qui exerçaient
on eût recours à des chalumeaux oxhydriques, ce,
ces mêmes tâches pour qu'ils reprennent leurs
qui eût pour effet de dénaturer l'air dans le tunnel
propres fonctions.
auquel se mêlait déjà l'odeur des corps en décom-
Conformément aux procédures prévues par la position en plus de la chaleur et de la fumée. Les
section préposée à la circulation on avait fermé à ingénieurs des transports de Londres installèrent
la circulation les rues avoisinantes et les voies des ventilateurs électriques et posèrent des con-
d'accès et de départ vers les hôpitaux étaient con- duites d'aération qui aspiraient l'air frais de la
trôlées par la police à tous les carrefours pour salle des guichets, situés au palier supérieur, ce
assurer libre passage, sans délai et sans encombre, qui, en l'occurrence, eut un effet salutaire. Le ser-
vers les hôpitaux et les spécialistes. Chaque ambu- vice des ambulances distribua des pansements
lance ou groupe d'ambulances était escorté par préalablement baignés dans un antiseptique léger
deux motards de la police. que les sauveteurs appliquèrent sur leur visage
Vers midi on avait dégagé quelque soixante-dix pour couvrir la bouche et le nez suffisamment pour
victimes des décombres. Le rythme d'évacuation servir de barrière à la poussière et à l'air vicié.
ralentit alors car les victimes étaient plus profon- Malgré cette ventilation artificielle l'atmosphère
dément ensevelies sous les décombres. Dans devenait de plus en plus irrespirable. La publicité
l'heure qui suivit, six victimes fûrent évacuées et diffusée par les médias sur les conditions de tra-
cinq autres pendant l'heure suivante. A 15 h 15, on vail dans le tunnel, incita beaucoup d'esprits à
était d'avis qu'il ne restait plus que deux personnes proposer des solutions et des offres d'assistance
vivantes dans les débris. Elles étaient toutes deux matérielle parmi diverses organisations à travers
prises dans des positions difficiles et les équipes le pays. Toutes les offres furent enregistrées par
de secours travaillèrent sans relâche pour les dé- la police et transmises aux ingénieurs des trans-
gager. Elles ne fûrent libérées que vers la fin de la ports de Londres. Dans certains cas on accepta des
soirée. offres d'équipements et en particulier celles d'une
Après qu'on eût dégagé les dernières victimes on usine de réfrigération d'air. Grâce à cet équipement
imposa une période de silence sur les lieux pour d'ordre supérieur, on put bientôt enregistrer une
procéder à des séries d'appels et d'attente afin de certaine amélioration dans la composition de l'air.
vérifier s'il y avait encore des survivants. On
fouilla toutes les voitures et toute la voie ferrée Le troisième jour
dans toutes les directions, à la recherche de vic- Jusque-là, on avait dégagé vingt-six corps et on
times et un médecin examina tous les corps décou- savait que quinze autres cadavres se trouvaient

20 REVUE PLANS D'URGENCE


encore enfouies sous les décombres. Les sauve- de l'approvisionnement de ces articles, et toutes
teurs se demandaient s'il pourrait y avoir encore les demandes d'équipement dépassant les moyens
d'autres victimes sous le train. La police munici- des services internes devraient passer par la police.
pale, se fondant sur la liste des personnes dis- La police se chargeait d'obtenir le matériel néces-
parues, estimait que le bilan de la catastrophe saire auprès des fournisseurs publics ou attitrés
s'élèverait à quarante et un morts. Ce chiffre de l'Etat afin d'éviter un dédoublement des efforts
s'avéra exact, quoique deux des victimes décé- et des surplus de matériel.
dèrent plus tard à cause de leurs blessures. On avait d'abord adopté des mesures ordinaires
Alors qu'au début il ne s'était déclaré aucun de décontamination. Toute personne quittant la
incendie dans les débris du train, l'utilisation de zone de travail devait passer par un chemin flanqué
l'équipement de découpage à la flamme donnait de barrières pour se désinfecter et se rincer à l'eau.
sans cesse naissance à de petits infcendies malgré Les vêtements sales étaient déposés à côté des
qu'on eut enlevé la plupart des matériaux combus- barrages pour resservir après nettoyage ou être
tibles des voitures. Ceux-ci furent rapidement détruits. La police installa un poste de distribution
étouffés et une fois seulement fallut-il évacuer les d'équipement près de l'entrée du métro d'où tous
lieux jusqu'à ce qu'on maîtrisa l'incendie. les travailleurs se rendant sur les lieux de la catas-
trophe reçurent leurs vêtements protecteurs. On se
La teneur en oxygène de l'air du tunnel descen- procura auprès d'un fournisseur du secteur privé
dait parfois à 16°/o en dépit d'un apport permanent des masques de grande efficacité à filtres rempla-
d'air frais. On fit même effectuer à un train vide çables et le service des ambulances s'occupa de
une navette entre le quai adjacent et la station leur distribution et de leur mise en place conve-
suivante pour activer la circulation d'air. On nable sur toute personne se dirigeant sous terre.
recommanda à tous les sauveteurs travaillant dans On afficha à l'entrée de la station des instructions
le tunnel de recevoir des injections antitétanos. A à l'intention du personnel, concernant les mesures
11 h 55, le docteur en place insista pour qu'on de protection individuelle et de décontamination.
ramène à la surface toutes les personnes ne par-
ticipant pas aux opérations de sauvetage. Les Le quatrième jour
postes de contrôle avancés se replièrent au niveau Tôt dans la matinée le service de santé décida
de la salle des guichets. Les travailleurs indispen- que les sauveteurs occupés à dégager les corps
sables ne devaient travailler que 20 minutes dans devraient en quittant la station complètement
le tunnel et passer ensuite 40 minutes à l'air frais, changer de vêtements et prendre une douche. On
en surface. Ils devaient porter des masques et des conserva les installations de décontamination et
gants. On devait signaler toutes personnes vic- on installa à côté des douches portatives fournies
times de coupures et celles-ci n'étaient plus auto- par un commerçant et le «Royal Army Ordnance
risées à poursuivre leur tâche de dégagement des Corps». Pour servir de salles d'habillage, on rangea
cadavres. La police installa des points de contrôle aux cotés des douches deux autobus des transports
pour la vérification du personnel afin d'assurer publics à un seul plancher. Les agents de police,
l'application de ces restrictions. mettant en pratique les techniques d'hygiène qu'ils
A 15 heures, une conférence des chefs des ser- avaient apprises durant les cours de la «Mobile
vices eut lieu au poste de police de la rue Wood, Column», érigèrent une série de toilettes portatives
située à proximité de l'incident. On y donna un à l'intention des sauveteurs. On continua à net-
rapport de la situation et là, on se rendit compte toyer et à recycler les vêtements de protection et
que l'extraction des derniers cadavres serait de sous ce rapport, les cadets de la police municipale
longue durée et que les conditions de travail de- rendirent un service inestimable.
viendraient de plus en plus pénibles et désagréa- On se rendit compte que les travaux de déga-
bles à mesure que les opérations avanceraient plus gement des quinze derniers cadavres allaient de-
profondément dans le tunnel. Il était également venir de plus en plus nauséabonds. Les cadavres
essentiel qu'on dégage la cabine du mécanicien étaient énormément enflés, les têtes étaient gro-
sans la détruire pour permettre aux enquêteurs tesquement boursouflées, la peau couverte d'am-
des chemins de fer d'obtenir le plus possible d'élé- poules. En raison de leur enflure, les cadavres
ments qui peuvent servir de preuve afin de déter- devenaient inextricables dans les positions où ils
miner les causes de l'accident. se trouvaient emprisonnés. La chaleur du tunnel
On jugea nécessaire de procéder à une déconta- empêchait la rigidité cadavérique de suivre son
mination systématique des personnes en plus cours et les parties gravement endommagées com-
d'utiliser des vêtements et du matériel protecteurs mençaient à s'ouvrir et à se répandre. Dans la
de bonne qualité. Les différents services signa- soirée on comprit que l'identification des corps
lèrent que leurs stocks de vêtements et d'équipe- deviendrait une tâche de plus en plus difficile. On
ments de protection baissaient rapidement. D'un décida donc, après consultation avec le Coroner
commun accord, on chargea la police municipale de Sa Majesté, d'adopter pour les dernières vic-

REVUE PLANS D'URGENCE 21


times les procédures réglementaires d'identifica- peut-être de faire quelques remarques sur certains
tion appliquées dans les cas de catastrophe aspects d'autres activités reliées à l'affaire.
aérienne, telles que les définit le «Board of Trade
Aircraft Accidents Investigation Branch». La presse et les média d'informations
S'étant produit dans la Cité de Londres, à proxi-
Le cinquième jour
mité des milieux de la presse, l'accident avait natu-
Dans le courant de la journée, les quinze derniers rellement, dès le commencement attiré toute l'at-
cadavres fûrent dégagés de la carcasse métallique. tention de la presse et des média d'informations.
Un exercice de dégagement avait été mis au point Conformément à une planification préalable, un
par le service des incendies en collaboration avec inspecteur de la police avait été nommé dès le
la police et le service des ambulances et toutes les début agent d'information de la police. On pouvait
personnes concernées avaient reçu un exposé des toujours facilement le reconnaître à son insigne et
procédures à suivre pour le dégagement de chaque c'est à lui qu'incombait la tâche de maintenir une
corps. Le système fonctionna bien et les ordres et liaison étroite avec le personnel du -London Trans-
conversations générales échangés lors du déga- port Press Relations» et avec les responsables
gement de chaque victime furent succincts. supérieurs des autres services présents afin de
Le dégagement du machiniste fut une longue donner une description précise de l'accident.
tâche étant donné qu'il fallut doubler de précau- Des conférences de presse formelles se tenaient
tions afin de ne détruire aucun indice. Après qu'on sur les lieux à l'extérieur où l'on communiquait les
eut tiré à l'aide d'un treuil le devant du train, les nouvelles confirmées. On accorda également aux
photographes de la police purent photographier le représentants de la presse la possibilité de recher-
chauffeur à sa place, le Coroner put examiner le cher la confirmation de nombreuses et souvent
machiniste et sa cabine et les enquêteurs techni- différentes nouvelles qui leur parvenaient. A cer-
ques purent observer et enregistrer la position du taines occasions, lorsqu'on abordait l'aspect tech-
chauffeur, des commandes du train, etc. Le corps nique de l'accident, des représentants de l'orga-
fut ensuite extrait pour subir un examen patholo- nisme le plus habilité à communiquer ce genre de
gique à la morgue. nouvelles donnaient des conférences en présence
de l'officier du service de presse de la police.
Le sixième jour
Etant donné le caractère de cet accident inter-
Quand on eut retiré le dernier corps les ingé- venu dans un espace restreint et renfermé il
nieurs purent enlever le restant de la carcasse n'aurait pas été pratique d'accorder à la presse et
métallique et une bonne partie du devant du train autres média d'informations un accès continue au
fut conservée aux fins d'enquête au dépôt de quai. Autoriser des groupes de personnes dési-
Neasden du London Transport. En ce qui concerne reuses de visiter les lieux à tel ou tel moment aurait
les services d'urgence, ils consacrèrent la majeure complètement entravé les efforts des sauveteurs.
partie de la journée à récupérer le matériel de En collaboration avec l'agent des relations de
sauvetage et à évacuer les lieux. Les dernières rues piresse du London Transports un groupe représen-
barrées furent ouvertes dans la soirée. tatif de six à huit journalistes et cameramen fut
Renseignements généraux escorté à plusieurs reprises sur les lieux par la
police. Une fois sur place, on les laissa suffisam-
La majeure partie de l'activité de la police sur ment s'approcher pour qu'ils puissent obtenir une
les lieux fut divisée en deux secteurs distincts. La bonne vue d'ensemble de l'accident et prendre des
police du British Transport avait assumé dès le photos. Pendant la période ou l'on dégageait des
début de l'incident, la responsabilité des opérations victimes et les transportait hors de la station, on
au niveau du quai. Ces opérations ne cessèrent pas accorda aux photographes et journalistes un accès
à la fin de l'interverition des services d'urgence. raisonnable, mais contrôlé, au point d'embarque-
Ses agents passèrent des semaines à obtenir les ment des victimes.
déclarations nécessaires et les preuves devant être
L'esprit coopératif de la presse et autres repré-
présentées à l'enquête publique concernant l'acci-
sentants des média d'informations tout au long de
dent ainsi qu'à celle du Coroner concernant la
cause de décès des victimes. l'affaire attira plus tard des commentaires élogieux
de tous les services d'intervention ayant participé
Après le premier jour, la police municipale avait aux opérations.
principalement confiné ses activités à la sécurité
générale du secteur, à coordonner l'ensemble de Le bureau central de renseignements
l'opération, à fournir les articles d'équipement de la police concernant les victimes
indispensables et les vêtements protecteurs ainsi Conformément à des dispositions préalables, le
qu'à superviser et contrôler les mesures de décon- bureau fut établi dans les 30 minutes qui suivirent
tamination. En guise de conclusion, il convient l'accident, dans des lieux aménagés à cet effet, au
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REVUE PLANS D'URGENCE
centre de formation de la police. On la dota ment d'un peu partout au Royauine-uni, mais aussi
d'agents de police entraînés, prélevés sur le per- d'Australie, de Nouvelle-Zélande, de Thaïlande, de
sonnel du centre de formation de la police (l'ins- Malésie, de Singapour, du lapon, des Etats-Unis
truction avait été immédiatement suspendue dès d'Amérique et des Antilles.
la nouvelle de l'accident) et parmi les agents du Bien que l'essentiel du travail du bureau eût été
département des fraudes de la police de la Cité de accompli pendant les trois premiers jours, le nom-
Londres (ce dernier constituant un service de po- bre de demandes en suspens obligea le bureau de
lice qui peut être aisément suspendu en pareilles rester ouvert pendant six jours encore, et, même
circonstances). Conformément à des dispositions alors, 12 demandes restèrent en suspens et on ne
préalables on rappela des membres du service put y répondre que dans la semaine qui suivit.
féminin des transports (une unité volontaire de
l'Armée territoriale) pour augmenter les effectifs. La morgue
Cette unité avait été spécialement entraînée par la
police pour ce genre de travail et put également La plupart des morts furent examinés sur les
fournir un lien de communication radio militaire lieux mêmes de l'accident par un médecin qui cer-
entre les hôpitaux, le bureau et les lieux de l'ac- tifia le décès. Cela permit de transporter les corps
cident. directement à la morgue. D'autres, qu'on avait
transportés à des hôpitaux et déclarés morts à l'ar-
Le manque de clarté des premiers bulletins de rivée, furent transférés à la morgue au nom du
nouvelles des média provoqua un total de plus de Coroner. Le grand nombre de cadavres avait
2,000 demandes émanant du public pendant les 12 d'abord incité la police à établir une morgue tem-
premières heures de l'affaire. Bien qu'il soit doté poraire, mais on la supprima bientôt bien que cela
de dix lignes non inscrites à l'annuaire, les opéra- simplifia l'identification de certaines victimes par
tions du bureau furent bientôt submergées de leurs proches parents, vu qu'il n'y avait qu'un seul
demandes. On sollicita alors l'aide du «Post Office endroit où se rendre.
Corporation» et, en l'espace de deux heures, celui-
On affecta à la morgue des agents de police en
ci installa dans le bureau vingt autres lignes télé-
phoniques non inscrites à l'annuaire. Cela permit uniforme ainsi que des membres du département
des enquêtes du Coroner. Plusieurs des policiers en
au personnel du bureau de disposer librement et
en permanence de lignes vers l'extérieur pour noti- uniforme étaient normalement affectés à des pa-
trouilles à cheval (un service de police qu'on peut
fier les familles, parents, etc. des hospitalisations
se permettre de réduire en pareilles circonstances).
et des décès.
Les procédures de la morgue relevait de la compé-
Dès le début, des membres du service de docu- tence du Coroner et de ses subalternes attitrés. On
mentation de la police avait été envoyés dans eut recours, pour le traitement des victimes, à la
chaque hôpital et chaque morgue où ils prirent procédure prédéterminée que voici:
note des détails concernant les blessés et les morts
parvenus à chaque endroit. Une fois remplies, les
• Le corps était délivré à la morgue;
cartes de documentation étaient transportées au • Là, on lui apposait un numéro de référence
ainsi qu'un exposé sommaire de son examen
bureau central par des estafettes motorisées de la
visuel;
police.
• On le transférait ensuite dans la salle d'autop-
Il y eut quelques cas où des parents inquiets sie où les agents de service le dévêtissaient,
s'étaient rendus directement aux hôpitaux pour rassemblaient ses articles personnels, et com-
prendre des nouvelles des membres de leur famille plétaient le libellé des cartes de documenta-
et les hôpitaux les avaient renseignés; d'ailleurs, tion jusque-là partiellement remplies;
lorsque certaines des victimes étaient hospitali- • Les pathologistes se livraient alors à l'autopsie
sées, les parents furent autorisés à les visiter. tandis que sous leur dictée, les agents enre-
Certains membres des familles des victimes furent gistraient les détails de leurs examens;
informés par la police au sujet de leurs parents • On mettait ensuite le corps dans un cercueil
après qu'ils étaient rentrés chez eux, car la police et, dans la mesure du possible, y joignait les
n'avait pas réussi à entrer en communication avec vêtements et les biens du défunt (dans des
eux plus tôt quand elle avait essayé de le faire. sacs en plastique distincts portant le numéro
Pour résoudre ce problème on a convenu qu'à de référence respectif);
l'avenir, lorsqu'un hôpital reçoit des victimes dans • On déposait ensuite le corps dans une chapelle
ces circonstances, il le signalera à la police pour en attendant d'être formellement identifié, les
éviter le dédoublement des efforts. biens de la victime discrètement rangés à
Notons que bien que l'accident porte sur un proximité;
moyen de transport plutôt d'ordre local, le bureau • Le corps était alors identifié par un proche
reçut des demandes de renseignements non seule- parent ou un ami intime;

REVUE PLANS D'URGENCE 23


• Les personnes qui venaient d'identifier la vic- d'intermédiaire pour la fourniture de matériel
time passait immédiatement devant le Coroner et de services, ce qui, en l'occurrence, évite
qui authentifiait leur déclaration et faisait re- le double emploi dans l'effort. Pour s'acquitter
mettre le défunt à ses proches parents. de cette tâche avec efficacité la police doit
• On remettait les biens de la victime aux pro- tenir dans ses plans une liste, constamment à
ches parents. Dans la plupart des cas les vête- jour, des organisations pouvant fournir des
ments étaient si souillés que l'on demandait services ou du matériel spécialisé.
aux parents la permission de les détruire, per-
4. Ces plans devraient inclure également une mé-
mission qu'ils accordaient invariablement. On
thode de réaffectation du personnel lorsque se
incinérait ensuite ces vêtements;
produit une grande catastrophe. Cette plani-
• On confiait alors le corps aux entrepreneurs
fication permettrait de réduire les activités
des pompes funèbres pour l'enterrement. policières non essentielles et d'affecter du
Grâce à cette manière de procéder une morgue personnel déjà entraîné à des fonctions spé-
prévue pour une douzaine de cadavres a finalement cialisées, prédéterminées et en rapport avec la
reçu 41 victimes. Il convient de noter que cela fut situation résultant d'un événement très grave.
rendu possible parce que les corps arrivaient à 5. On peut rapidement aboutir à une meilleure
intervalles sinon cela n'aurait pas pu se faire.
coordination des différents éléments et ser-
Conclusion vices en cause en réunissant les hauts respon-
sables de ces éléments et services au stade de
Au cours du récit de cet accident nous avons la planification, ce qui permet un effort con-
porté à votre attention l'intervention des services certé lors d'un événement de ce genre.
à plein temps. On se doit de signaler néanmoins
qu'une aide précieuse a été accordée par les orga- 6. Il faut assurer un réseau de communications
nisations suivantes: «Womens's Royal Voluntary efficace aussitôt après l'accident, c.-a-d. dis-
Service», l'Armée du salut, la Croix rouge britan- poser rapidement d'installations téléphoniques
nique, le clergé, les médecins généralistes ainsi que de campagne de bénéficier, si possible, d'ar-
certains autres services permanents ou à temps rangements négociés à l'avance auprès des
partiel. Services postaux.
7. Une intervention planifiée doit prévoir et tolé-
Les lecons qu'en a retirées la police
rer les réactions humaines instinctives des
1. Malgré la planification intense qui avait eu agents de police. Les agents de police les
lieu en prévision de catastrophes nécessitant premiers arrivés sur les lieux PARTICIPE-
des mesures de grande envergure, on n'avait RONT au sauvetage des victimes. Les plans
tout de même pas prévu l'immensité d'une doivent donc prévoir le retrait ultérieur des
telle situation. On avait cependant formé les agents qui participent inévitablement à ce
plans avec beaucoup de simplicité, pour les genre d'activité dès le moment où les services
rendre susceptibles d'adaptation par le policier de sauvetage concernés assurent une présence
responsable, et lui permettre ainsi de mieux suffisante.
faire face à la situation. L'accident a claire-
ment démontré la valeur de simplicité des 8. Les services de renseignements de tout genre
plans. devraient être centralisés, pour en assurer
l'uniformité et l'exactitude tout au long des
2. Il s'agit d'établir lors d'une catastrophe, un opérations.
moyen efficace de contrôle et coordination et
9. Afin d'assurer la maîtrise parfaite d'une situa-
de dépêcher sur les lieux tous les systèmes et
le matériel nécessaires, de sorte que l'officier tion d'urgence et la coordination et concentra-
de police responsable puisse s'en servir aussi tion des efforts, l'entraînement courant de la
rapidement que possible. police et des organisations extérieures de
soutien doit être orienté vers les méthodes et
3. L'idéal serait que chaque service nomme un manières de procéder reliées aux grandes ca-
responsable qui assure l'approvisionnement de tastrophes ainsi qu'aux autres services et doit
matériel de soutien nécessaire. La police est éÀgalement être préalablement mis à l'épreuve.
probablement la mieux placée pour servir

24 REVUE PLANS D'URGENCE


LA REVUE PLANS DES MESURES D'URGENCE

Table des matières 1975

VOL. 2 NO. 1 janvier-février 1975


Une nouvelle façon de combattre les sinistres ............................................................ Maj. Gen. Alan Stretton
Service météorologique du Canada .............................................................................. R. A. Miller
C'est urgent! ................................... ................................................................................. W. M. Swann
Séminaire de la planification d'urgence ....................................................................... E. Tyler
Elaboration des mesures d'urgence ............................................................................... G. G. Emerson
VOL. 2 NO. 2 mars-avril 1975
Sydney Tempête .............................................................................................................. Joe Scanlon
Sécurité maritime et information.. ................ - . ............................................................ Hughes Lacombe
Opérations en cas de sinistre ......................................................................................... J. Rick Panting
VOL. 2 NO. 3 mai-juin 1975
La télédétection ........................................... .................................................................... Patrick MacKenzie
Demain c'est peut-être trop tard .................................................................................... John E. Davis
En cas de sinistre - SSU ................................................................................................ Dr. W. J. Connelly
L'exercice London.. .......... .................. .............. . ............................................... Stewart Sutherland
Un protocole d'entente est ratifié... ............. ..................... ............ ........................ Rapport - E.-U.
VOL. 2 NO. 4 juillet-août 1975
La lutte fédérale contre les inondations ....................................................................... Environnement
Planification d'urgence canadienne .............................................................................. J. F. Wallace
«Coordonnateur» ou «Directeur» .................................................................................. Article
Services d'information - U.K ....................................................................................... Mémorandum

VOL. 2 NO. 5 septembre-octobre 1975


L'atténuation des effets des sinistres ............................................................................ Harold D. Foster
Formation et instruction de P.C. au R.-U ...................................................................... Sir Leslie Mavor
Les nouvelles orientations de P.C. au E.-U.. ........ ........................................................ E. C. Ludwigsen
Programmes de protection civile ................................................................................... Hon. James Schlesinger

VOL. 2 NO. 6 novembre-décembre 1975


La simulation de Sydney ................................................................................................. 1. Scanlon et J. Jefferson
Plan d'hélisauvetage d'urgence ...................................................................................... B. E. Fisher
A propos de LIFE ............................................................................................................. J. H. Duncan
Planification d'urgence pour l'hiver.. ....................... .............. .......................... __ ..... F. F. Holcombe

Table des matières 1974

VOL. 1 NO. 1 juillet-août 1974


La planification des mesures d'urgence ........................................................................ Concept
Cela ne peut pas arriver ici. .............. ........... ....... ...................... . .................................. J. R. Ponting
Planification de l'information ........................................................................................ Adresse
Table des matières du bulletin de l'OMU 1961-1974 ....................................................

VOL. 1 NO. 2 septembre-octobre 1974 "


L'information en cas de catastrophe aérienne ............................................................ Ken Parks
Devons-nous nous faire connaître ................................................................................. A. F. Wigglesworth
Les désastres éveillent l'esprit de solidarité ............................................................... Katherine Bryn
Entente entre DCPA et l'Armée du Salut ...................................................................... Rapport
VOL. 1 NO. 3 novembre-décembre 1974
Tremblements de terre au Québec ................................................................................ Protection civile
Les communications en temps de crise - une étude .................................................. T. J. Scanlon
E.-U. Programme de préparation -1975 ...................................................................... APDC
Loi sur la protection contre les inondations ................................................................ Rapport
Avis de tirage ...................................................................................................................

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