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Institut Supérieur du BAtiment et des Travaux Publics Année 2005-

2006

CONCEPTION ET
CALCUL DES MURS DE
SOUTENEMENT EN
TERRE ARMEE

Malorie JACQUELIN

-2-
SOMMAIRE

LISTE DES DOCUMENTS .................................................................................................. 3

INTRODUCTION .................................................................................................................. 4

I. PRESENTATION GENERALE ......................................................................... 5

1 – Définition et principe de la terre armée .................................................................. 5


2 – Le matériau de remblai ........................................................................................... 5
3 – Le parement ............................................................................................................ 8
4 – Les armatures .......................................................................................................... 9
5 – Mise en œuvre de la terre armée ........................................................................... 10
6 – Applications .......................................................................................................... 12

II. EVOLUTION DE LA TERRE ARMEE : UN PROCEDE EN EXPANSION


MALGRE DES DEBUTS DIFFICILES .......................................................... 14

1 – La durabilité des ouvrages en terre armée ............................................................ 14


2 – Exemples de réparation des ouvrages affectés existants ...................................... 19
3 – Performance des structures en terre armée vis-à-vis des séismes ........................ 21

III. COMPORTEMENT ET ELEMENTS GENERAUX DE CONCEPTION


D’UN MUR DE SOUTENEMENT EN TERRE ARMEE ............................. 25

1 – Comportement d’un massif de soutènement en terre armée ................................. 25


2 – Données du projet ................................................................................................. 26
3 – Dispositions constructives générales .................................................................... 27

IV. JUSTIFICATIONS DES OUVRAGES EN TERRE ARMEE ....................... 29

1 – Principes de justification des ouvrages en terre armée ......................................... 29


2 – Justification vis-à-vis de la stabilité externe ......................................................... 29
3 - Justification vis-à-vis de la stabilité interne .......................................................... 32
4 – Justification vis-à-vis de la stabilité globale ......................................................... 37
5 – Justifications vis-à-vis des déformations .............................................................. 41

CONCLUSION ..................................................................................................................... 43

SOURCES ET REMERCIEMENTS ................................................................................. 44

ANNEXES ............................................................................................................................. 45

-3-
LISTE DES DOCUMENTS

Figure 1 : Caractéristiques essentielles auxquelles doit satisfaire le matériau de remblai


pour être utilisé en terre armée ................................................................................................. 6
Figure 2 : Tableau-guide pour le choix des sols de remblai .................................................... 7
Figure 3 : Photo d’un mur de soutènement en terre armée sous la ligne de chemin de
fer à grande vitesse à Tokaïdo au Japon ................................................................................... 8
Figure 4 : Photos d’autres types de parement .......................................................................... 9
Figure 5 : Schéma de principe de mise en œuvre de la terre armée ...................................... 10
Figure 6 : Photo du montage d’un niveau d’éléments de parement ...................................... 10
Figure 7 : Photos du remblaiement et du compactage d’une couche de sol .......................... 11
Figure 8 : Photo de la pose d’un lit d’armatures ................................................................... 11
Figure 9 : Graphique présentant la répartition par types de projet ........................................ 13
Figure 10 : Courbe de l’évolution du nombre cumulé d’ouvrages construits en terre
armée de 1968 à 1989 ............................................................................................................. 14
Figure 11 : Schéma d’une pile due à l’hétérogénéité du métal en surface ............................ 16
Figure 12 : Schéma d’une pile fer-zinc ................................................................................. 16
Figure 13 : Photo de rupture de l’ouvrage expérimental ....................................................... 17
Figure 14 : Tableaux des critères chimiques et électrochimiques qui définissent les sols
usuels et valeurs requises pour les épaisseurs sacrifiées ........................................................ 18
Figure 15 : Schéma de renforcement par remblai de butée ................................................... 19
Figure 16 : Schéma de renforcement par mur de soutènement en T ..................................... 19
Figure 17 : Photos du renforcement des murs de soutènement affectés par clouage des
écailles .................................................................................................................................... 20
Figure 18 : Photos d’une maison en ruine à Gemona et d’un massif de soutènement à
parement métallique près de Gorizia ...................................................................................... 22
Figure 19 : Photos d’un mur en terre armée dans la péninsule de Oga et de l’aire de
circulation et de stockage sérieusement endommagée sur le port de Akita ........................... 23
Figure 20 : Photos de maisons écroulées dans le quartier des Marinas à San Francisco
et d’un mur en terre armée à richmond .................................................................................. 24
Figure 21 : « Ecorché » d’un massif de soutènement courant en terre armée ....................... 25
Figure 22 : Hauteur critique Hc en fonction du fruit ή .......................................................... 26
Figure 23 : Définition de la hauteur mécanique Hm dans le cas d’un mur en remblai
armé ........................................................................................................................................ 26
Figure 24 : Rapport Dm/qref en fonction de la pente βp du terrain à l’aval ............................ 28
Figure 25 : Espacement relatif maximal sv/Hm en fonction du rapport Linf/Hm ..................... 28
Figure 26 : Actions volumiques pour le dimensionnement externe ...................................... 30
Figure 27 : Tableau des valeurs de γF1 et γF3 pour le dimensionnement externe .................. 31
Figure 28 : Ligne des tractions maximales, zone active, zone résistante .............................. 32
Figure 29 : Traction dans les armatures ................................................................................ 33
Figure 30 : Tableau des valeurs de γF1 et γF3 pour le dimensionnement interne ................... 35
Figure 31 : Rupture circulaire pour vérification de la stabilité générale ............................... 37
Figure 32 : Calcul par la méthode des tranches ..................................................................... 38
Figure 33 : Tableau des valeurs de γF1, γF3, γFW, γFT et γFR pour le calcul de la stabilité
globale .................................................................................................................................... 40
Figure 34 : Tableau des coefficients partiels de sécurité pour la justification vis-à-vis
de la stabilité globale .............................................................................................................. 41
Figure 35 : Tableau des valeurs de γF1 pour le calcul des tassements ................................... 42

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INTRODUCTION

Les murs de soutènement figurent dans l’histoire de la construction, dès son origine.
Ils ont été en pierres sèches, puis en maçonnerie, et enfin en béton armé. L’emploi de ce
matériau, universellement répandu, soulève néanmoins des problèmes de coût et d’aspect pour
des hauteurs importantes, de comportement sur sols compressibles ainsi que des difficultés de
mise en œuvre.

La terre armée a été inventée par Henri VIDAL, ingénieur des Ponts et Chaussées, et
architecte, qui a publié les premiers résultats de ses recherches en 1963. « Au départ tout
commence à la manière d’un jeu, en construisant un château de sable sur la plage de Saint-
Tropez, racontait Henri Vidal lui-même. Mais le sable s’égrène. Alors est venue l’idée
d’armer la construction avec des aiguilles de pins ». Et de cette idée est né le principe général
du sol renforcé et le concept particulier de la terre armée …

La conception, le calcul et la surveillance des ouvrages d’art en terre armée nécessitent


un certain nombre de règles et de principes. Ceux-ci ont été élaborés à la suite de nombreuses
analyses du comportement de la terre armée sous l’effet des diverses sollicitations statiques,
dynamiques ou thermiques auxquels peuvent être soumis les ouvrages.

Dans une première partie, nous commencerons par définir le principe général de la
terre armée. Ensuite, nous verrons comment celle-ci a évolué, c’est-à-dire comment après des
débuts difficiles, elle est aujourd’hui utilisée par tous les plus grands noms de la construction.
Dans une troisième partie, nous présenterons le comportement et les éléments généraux de
conception d’un mur de soutènement en terre armée. Enfin, dans une dernière partie, nous
étudierons les justifications des ouvrages en terre armée.

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I. PRESENTATION GENERALE

1. Définition et principe de la terre armée


Le procédé de la terre armée, ou sol renforcé, est basé sur l’association d’un remblai
compacté et d’éléments préfabriqués.

Le remblai représente la part la plus importante en volume.

Les éléments préfabriqués sont :


- les armatures qui, avec le matériau de remblai, sont les deux constituants essentiels de
la terre armée,
- les éléments de parement qui permettent de réaliser des faces d’ouvrages verticales. Le
parement n’a qu’un rôle secondaire dans le fonctionnement ; par contre il limite
généralement la déformabilité d’ensemble du massif armé et influe directement sur
son esthétique.

La technique des éléments préfabriqués permet d’obtenir les caractéristiques


suivantes :
- une rapidité et une facilité d’exécution des ouvrages, sans nécessité de main d’œuvre
spécialisée,
- une grande déformabilité du parement lui permettant de supporter sans dommage des
tassements différentiels importants.

Les éléments sont préfabriqués en usine et assemblés sur place, ce qui permet leur
standardisation et un bon contrôle de la qualité.

Le principe de cette technique est simple: créer une liaison permanente entre les deux
constituants (terre et armature) grâce aux efforts de frottement qui se développent aux points
de contact du sol et des armatures. On obtient ainsi un matériau composite original qui offre
de nombreux avantages par rapport aux matériaux traditionnels du génie civil :

- la souplesse qui permet de réaliser des ouvrages fondés directement sur les sols de
fondation compressibles ou sur des pentes peu stables,
- la grande résistance vis-à-vis des efforts statiques et dynamiques,
- la rapidité d’exécution, grâce à l’emploi d’éléments entièrement préfabriqués,
- l’esthétique des ouvrages dont le parement se prête à des traitements architectoniques
variés,
- les économies considérables.

2. Le matériau de remblai
Les matériaux de remblai peuvent être soit des sols naturels, soit des matériaux
d’origine industrielle. Ils ne doivent contenir ni terre végétale, ni matière putrescible (qui peut
pourrir), ni déchets domestiques.

La qualité de ces matériaux répond à des critères bien déterminés. On distingue parmi
ceux-ci :

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- d’une part des critères géotechniques
- d’autre part des critères chimiques ou électrochimiques

 Critères géotechniques
Les matériaux de remblai doivent satisfaire à la fois à un critère mécanique (de
frottement et granulométrique) et à un critère de mise en oeuvre.

Pour les ouvrages courants qui ne sont jamais immergés en eau douce ou en eau
saumâtre (eau douce mélangée d’eau de mer), les caractéristiques mécaniques essentielles
sont résumées dans le graphique suivant :

Figure 1: Caractéristiques mécaniques essentielles auxquelles doit satisfaire le matériau de remblai pour être
utilisé en terre armée.

Les matériaux utilisés en terre armée doivent présenter une courbe granulométrique
contenue entièrement dans la zone blanche du graphique ci-dessus.

La dimension des plus gros grains ne doit pas excéder 250mm, compte tenu de la
faible épaisseur des couches (0,33 ou 0,375m en général mais cf partie III). Il convient en
outre de limiter la teneur en eau des matériaux sensibles à l’eau, conformément au Guide pour
les Terrassements Routiers (GTR) afin d’éviter des difficultés lors du compactage.

Notons que pour les matériaux comportant des éléments inférieurs à 15μm, il est
nécessaire de connaître son pourcentage en poids :
- moins de 10% : critère mécanique satisfait : le sol est utilisable en terre armée.
- entre 10 et 20% : sol nécessitant une vérification du critère de frottement (cf ci-
dessous)
- plus de 20% : le matériau est inutilisable en terre armée.

Le critère de frottement est fonction du type d’armatures utilisées. Pour les armatures
à haute adhérence, l’angle de frottement interne mesuré sur le matériau saturé dans des
conditions de cisaillement rapide doit être supérieur ou égal à 25%. Pour les armatures lisses,

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l’angle de frottement sol-armature mesuré dans les mêmes conditions doit être supérieur ou
égal à 22%.

A partir de la classification GTR (cf classification GTR donnée en annexe), il est


possible de distinguer trois catégories de sols suivant leurs possibilités d’utilisation en terre
armée. Ces catégories sont présentées dans le tableau ci-dessous qui constitue un guide pour
le choix des sols en remblai :

Classe de sol d’après la classification GTR Sol utilisable en Sol nécessitant une Sol inutilisable en
terre armée vérification du critère terre armée dans
mécanique son état naturel
Classe A A1m, A1s, A2m, A2s X
(D<50mm et passant à
80μm>35%) A1h, A2h, A3, A4 X
Classe B B1, B2m, B2s, B3, X
(D<50mm et 5% B4m, B4s
<passant à 80μm< B5m, B5s, B6m, B6s X
35%)
B2h, B4h, B5h, B6h X
Classe C C2m, C2s X
(50mm<D<250mm et
passant à 80μm>5%) C1m, C1s X
C3, C2h, C1h X
Classe D D1, D2, D3 X
(passant à 80μm< 5%)
D4 X
Classe E Cra, Crb, E2 X
(roches évolutives)
E3 X
Crc, Crd X
Figure 2: Tableau-guide pour le choix des sols de remblai.

Le tableau exclue d’un emploi en terre armée :


- les classes de sols sensibles à l’eau et trop humides (h)
- les classes de sols A3 et A4 concernant des sols essentiellement argileux
- les classes de sol C3 et D4 concernant des matériaux comportant des éléments
supérieurs à 250mm
- les craies Crc et Crd trop humides et friables

L’utilisation des matériaux de classe F, et notamment des déchets industriels (schistes


houillers, laitiers, cendres volantes …), doit faire l’objet d’une étude spécifique.

 Critères chimiques ou électrochimiques


Les critères chimiques et électrochimiques liés à la durabilité des armatures sont :
- la résistivité
- le pH
- la teneur en sels solubles
- la teneur en sulfures totaux
Ces paramètres sont définis au paragraphe II.1 sur la durabilité des ouvrages en terre
armée.

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L’expérience montre que, sauf cas très particulier, les matériaux naturels conformes
aux caractéristiques physiques demandées, satisfont à ces critères chimiques et
électrochimiques. Il convient toutefois de ne pas utiliser de matériaux d’origine marine ou
dragués dans des estuaires en eaux saumâtres, sauf après lavage à l’eau douce.

3. Le parement
Dans les premiers temps, l’équipement de base du parement était un cylindre
métallique à section semi-elliptique, très déformable et stable vis-à-vis des poussées exercées
par le sol de remblai.
Aujourd’hui ce type de parement n’est réservé qu’à la construction d’ouvrages où les
problèmes d’accessibilité et de manutention font préférer des éléments de parements légers.

Le parement métallique a été rapidement remplacé par un parement constitué


d’écailles en béton. L’écaille standard est cruciforme, de 1,50m sur 1,50m. Son épaisseur
actuelle est d’environ 14cm, correspondant à un poids total d’environ 0,8t. Trois types
d’écailles sont aujourd’hui couramment utilisées : les types A4, C4 et C6 (leurs
caractéristiques sont données en annexe). Ces trois types dépendent principalement du mode
d’armement de l’écaille. Pour un mur courant d’une hauteur de 10m, on utilise en général :
- l’écaille de type A4 non armée pour la partie supérieure du mur (sur 6m).
- l’écaille de type C4 ou A6 armée pour la partie inférieure du mur (sur 4m).

Figure 3: Photo d’un mur de soutènement en terre armée sous la ligne de chemin de fer à grande vitesse à
Tokaido au Japon.

Des goujons verticaux assurent la liaison entre les écailles et permettent une bonne
déformabilité horizontale. Des joints horizontaux compressibles sont placés entre les écailles
et donnent au parement une certaine déformabilité verticale. Chaque écaille comprend quatre
amorces d’armatures noyées dans le béton.

Chaque écaille comprend également des angles de levage permettant sa manutention et


sa mise en œuvre. Les écailles sont généralement préfabriquées en usine dans des moules
permettant d’obtenir une bonne régularité de leur dimension.

Le parement en écailles de béton cruciformes est actuellement utilisé pour la grande


majorité des ouvrages. Ce parement offre en particulier de grandes qualités architecturales
(animation de l’élément standard : bossages, nervures …). Il permet de plus de réaliser des
ouvrages avec des courbures continues en plan, qui s’intègrent généralement mieux dans
l’environnement que des ouvrages strictement linéaires. Il assure un bon raccordement avec
les autres ouvrages construits en béton puisqu’il y a alors continuité dans le matériau utilisé.

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Outre le parement en écailles de béton cruciformes, il existe d’autres types de
parement qui peuvent être utilisés suivant des facteurs esthétiques, économiques, pratiques… :

- écailles de béton en T - écailles de béton rectangulaires

- treillis métalliques - en bois

Figure 4 : Photos d’autres types de parement.

4. Les armatures
Les armatures doivent posséder les caractéristiques suivantes :
- avoir une bonne résistance à la traction, une rupture de type non fragile et présenter
peu de fluage,
- avoir une faible déformabilité aux charges de service (quelques pourcentages),
- avoir un bon coefficient de frottement avec le matériau de remblai,
- être suffisamment souples pour ne pas limiter la déformabilité du matériau « terre
armée » et pour permettre une mise en œuvre aisée,
- avoir une bonne durabilité,
- être économiques.

C’est actuellement l’acier doux galvanisé qui répond le mieux, dans les utilisations
courantes, à toutes ces conditions (cf paragraphe II.1 sur la durabilité des ouvrages en terre
armée).

Dans le cas du parement en écailles de béton cruciformes, les armatures en acier doux
galvanisé ont une section de 40x5mm ou de 60x5mm, et leur surface est crénelée pour
améliorer le frottement sol-armature. Elles sont appelées armatures haute adhérence.

- 10 -
5. Mise en œuvre de la terre armée
La mise en œuvre de la terre armée, assimilable à un remblai classique, est rapide et
facile d’exécution.

Figure 5: Schéma de principe de mise en œuvre de la terre armée.

Elle se fait par couches successives :

 Montage d’un niveau d’éléments de parement

La première rangée d’écailles est mise en place


sur un béton non armé bien nivelé, de façon à
obtenir un positionnement initial correct. Cette
première rangée d’écailles est directement étayée
sur le sol pour éviter tout déplacement pendant le
remblaiement.

Les écailles des rangées supérieures sont mises en


place au fur et à mesure de l’avancement du
remblai. Leur verticalité est assurée par des cales
provisoires en bois et des serre-joints. Les joints
horizontaux sont assurés par des plots en
élastomère qui sont placés au moment de la pose
(deux par écaille). Les joints verticaux en mousse
sont enfoncés dans les feuillures des écailles avant
remblaiement.
Figure 6: Photo du montage d’un niveau
d’éléments de parement.

 Remblaiement d’une couche de sol et éventuellement compactage

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Figure 7: Photos du remblaiement et du compactage d’une couche de sol.

Les remblais sont réalisés avec les engins de terrassement traditionnels, par couches de
37,5 cm d’épaisseur (en général mais cf partie III), en évitant le passage direct des engins
chenillés sur les armatures et en empêchant les engins lourds de circuler à moins de 1,50 m
des écailles (ce qui pourrait nuire à leur verticalité).

L’opération de compactage, qui a pour but d’empêcher tout tassement ultérieur du


matériau, ne constitue pas une exigence impérative pour certains massifs de soutènement. En
effet, l’épaisseur des couches est relativement faible si bien qu’un compactage suffisant pour
ce type d’ouvrage est obtenu par les seuls engins de transport et de régalage. Cependant, les
ouvrages supportant une superstructure doivent être compactés en distinguant la zone
contiguë au parement sur 1m à 1,50m de largeur d’une part (compactage à l’aide d’un petit
rouleau vibrant), et le cœur du massif d’autre part (compacteur classique).

 Pose d’un lit d’armatures et fixation des armatures sur le parement par boulonnage

Les armatures sont posées


par lits espacés de 75 cm (en
général mais cf partie III)
correspondant au double de
l’épaisseur maximale des
couches de remblai (37,5 cm en
général).

Elles sont placées sur le sol


grossièrement nivelé, et
boulonnées aux écailles.

Figure 8: Photo de la pose d’un lit


d’armatures.

Ce montage peut s’effectuer entièrement de l’intérieur du parement, côté remblai, et ne


nécessite ni échafaudage ni emprise extérieure.

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Le rendement moyen d’une équipe de pose comprenant un chef d’équipe, cinq
hommes et une grue légère avec son conducteur, peut être estimé de la façon suivante :

 dans le cas de petits ouvrages d’accès difficiles, à 15 écailles par jour (soit 30 m² par
jour)
 dans le cas d’ouvrages de grande longueur d’accès faciles, à 50 écailles par jour (soit
100 m² par jour)

6. Applications
La technique de la terre armée a révolutionné l’art de construire et s’applique à tous les
ouvrages, qu’ils soient routiers, ferroviaires, maritimes et fluviaux, ou bien industriels et de
protection.

 Ouvrages routiers
La technique de la terre armée est largement utilisée pour la réalisation de routes et
d’autoroutes. L’application la plus fréquente est la construction de soutènements supportant
des chaussées en terrain dénivelé ou dans les sites urbains.

La rapidité de mise en œuvre de ces procédés, qui ne requièrent qu’une emprise


minimale, réduit considérablement les interruptions de circulation. La souplesse d’utilisation
permet une grande liberté d’implantation. Le parement peut être traité avec une large variété
d’aspects.

Les principales utilisations concernent :


- les murs sous chaussées, simples ou étagés ;
- les culées porteuses et mixtes ;
- les murs de rampes ;
- les talus raidis ;
- les merlons anti-bruit.

 Ouvrages ferroviaires
Des massifs de soutènement en terre armée sont utilisés dans de nombreux pays pour
le chemin de fer ou le métro. Ces applications font appel à la même technologie qu’en
infrastructure routière, à l’exception de quelques dispositions constructives spécifiques.

Le dimensionnement des soutènements est adapté pour satisfaire aux exigences


accrues en termes de surcharge et de niveau de sécurité, en particulier pour les ouvrages
ferroviaires des lignes à grande vitesse.

Les structures en terre armée résistent remarquablement bien aux vibrations


engendrées par le passage des rames.

 Ouvrages maritimes et fluviaux


Les applications en site fluvial ou maritime sont nombreuses et très variées. Plusieurs
facteurs sont à l’origine de ce choix pour un maître d’œuvre :
- résistance aux sollicitations très sévères telles que les crues, les fortes marées, la houle,
les tempêtes, les efforts de la glace et les chocs divers (bateaux, épaves, etc.) ;

- 13 -
- rapidité d’exécution, en particulier pour les travaux effectués en zone de marnage grâce
à l’exécution simultanée de remblais.

La construction de murs de quai en terre armée effectuée entièrement sous l’eau est
possible. La technique a déjà été utilisée avec succès dans plusieurs pays (ports de pêche, …).

 Ouvrages industriels et de protection


Les procédés de terre armée ont été sollicités très tôt pour répondre à des besoins
d’aménagement en site industriel. Outre le mur de soutènement classique pour stabiliser des
terrains, des solutions spécifiques ont été développées pour la construction de silos de
stockage de charbon ou de minerai et de murs de déchargement des postes de criblage et de
concassage. On compte aujourd’hui plus d’une centaine de murs de déchargement en service
dans le monde parmi les plus hauts ouvrages en terre armée.

Les applications industrielles présentent plusieurs caractéristiques :


- capacité d’adaptation de la technique qui permet, quels que soient la hauteur et l’aspect
(écaille de béton, peau métallique, parement treillis), de s’accommoder des contraintes
liées aux formes (inclinaison des parois, forme rectiligne ou circulaire);
- résistance aux vibrations (criblage et concassage) ;
- excellente tenue aux variations thermiques.

La terre armée est également idéale pour la réalisation d’ouvrages de protection civils,
militaires ou industriels. Ceux-ci résistent particulièrement bien aux explosions, aux
déversements accidentels ou aux incendies.

Figure 9: Graphique présentant la répartition par types de projet.

- 14 -
II. EVOLUTION DE LA TERRE ARMEE : UN PROCEDE
EN EXPANSION MALGRE DES DEBUTS DIFFICILES

Figure 10: Courbe de l’évolution du nombre


cumulé d’ouvrages construits en terre armé de
1968 à 1989.

Après une période initiale de


scepticisme, les premiers ouvrages
significatifs ont été réalisés à partir de
1967.

Les débuts difficiles de ce procédé


ont conduit de nombreux ingénieurs à
effectuer des recherches sur la
durabilité des ouvrages. En effet, la
question du vieillissement des ouvrages
en terre armée est fondamentale car le
phénomène de corrosion est inéluctable
et déterminant.

Par la suite, l’utilisation de la terre armée s’est rapidement développée et a été adoptée
par tous les grands pays industriels. Aujourd’hui, la demande est toujours croissante,
notamment dans les zones sismiques, où l’utilisation de la terre armée s’est révélée très
efficace.

1. La durabilité des ouvrages en terre armée

Des ouvrages en acier centenaires et ne donnant aucun signe de vieillesse, nous en


connaissons tous. Parmi les plus célèbres, on peut citer :

- la Tour Eiffel de Paris


- le « Tower Bridge » de Londres
- le pont de Brooklyn à New York

Tous ces matériaux de construction qui se sont développés au cours du siècle écoulé
font appel à l’acier pour reprendre les efforts de traction : le béton armé, le béton précontraint
et depuis une trentaine d’années la terre armée.

L’acier doit sa faveur à un ensemble unique de qualités: de faibles sections (ténacité)


sont utilisées pour réaliser une structure rigide (module d’Young élevé) qui reste cependant
déformable sous fortes charges et non fragile (ductilité), stable en dimensions (pas de fluage),
résistante à l’usure et à l’abrasion (dureté).

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Le vieillissement est dû principalement aux phénomènes de corrosion qui, suivant le
type de métal, peut être uniforme ou localisé.
La corrosion uniforme se manifeste par un amincissement régulier et lent de
l’armature, se prêtant bien à une prévision de son évolution dans le temps.
La corrosion localisée se manifeste par des piqûres pouvant provoquer la perforation
des armatures sur des surfaces plus ou moins importantes. Le phénomène et son évolution
sont difficilement prévisibles.

 Techniques de protection
Pour assurer la durée de service des structures en acier, on peut les protéger par
différentes techniques afin d’empêcher les agents agressifs de parvenir à la surface de métal:

 les revêtements (peinture, revêtements organiques ou minéraux …) qui forment un


écran inerte et étanche autour du métal. Cependant pour des structures enterrées, il est
difficile d’obtenir une protection totale au-delà de quelques dizaines d’années.

 la surépaisseur sacrificielle. Elle n’est pas prise en compte dans le calcul de la


structure. Sa consommation est sans conséquence sur la résistance de l’ouvrage. Elle
peut être utilisée seule ou en complément d’un revêtement.

 la galvanisation à chaud. Cela consiste à immerger dans un bain de zinc en fusion (à


450°) les éléments en acier dont la surface a été préalablement décapée. Des alliages
fer-zinc de différentes teneurs se forment à la surface de l’acier, la couche extérieure
étant constituée par du zinc pur. L’épaisseur totale du revêtement est supérieure à 80
microns. Ce revêtement supporte, sans aucune perte d’efficacité, les mauvais
traitements qui inévitablement se produisent sur un chantier de travaux publics.

Généralement les armatures en terre armée sont protégées par galvanisation à chaud et
par une surépaisseur d’acier.

Dans les premières années d’exploitation de ce procédé, d’autres types de matériaux


(synthétiques, métalliques …) ont été utilisés, mais ils ont tous finalement donné lieu à des
déboires, parfois dix ans après. Ils avaient pourtant été retenus sur la foi d’expérimentations
sérieuses, mais qui se sont avérées trop brèves et trop simplifiées vis-à-vis de la variété, de la
complexité des conditions d’utilisation, et des longues durées de service requises pour des
ouvrages d’art.

Le choix de l’acier galvanisé s’appuie sur une expérience de très longue date,
largement antérieure déjà au développement de la terre armée. C’est ce que montre
l’ensemble des recherches décrites ci-après. Elles ont également eu pour but d’évaluer les
vitesses de corrosion dans différents sols.

 Recherches sur d’anciens ouvrages enterrés


Des recherches sur la corrosion des matériaux enterrés ont été lancées au début du
20ème siècle et poursuivies pendant 45 ans.

Les ouvrages anciens tels que les buses en acier galvanisé, les conduites forcées
enterrées des usines hydro-électriques ainsi que les palplanches et pieux en site terrestre ou

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maritime, ont fourni des données précieuses pour évaluer l’ordre de grandeur des pertes
d’épaisseur de métal sur de longues périodes.

Il a été ainsi démontré à plusieurs reprises que les pertes moyennes d’un acier
galvanisé étaient environ quatre fois inférieures aux pertes moyennes d’un acier ordinaire.

 Recherches en laboratoire

Il est important tout d’abord de rappeler quelques notions fondamentales sur le


mécanisme de protection de l’acier par le zinc.

La corrosion des métaux dans un milieu aqueux


est uniquement de nature électrochimique : les
réactions chimiques entre le métal et le milieu
environnant (électrolyte) libèrent des électrons à
l’endroit où le métal se corrode (anode). Ils circulent
à l’intérieur du métal (courant électrique) et
atteignent des zones (cathode) où ils pourront être
captés lors d’une autre réaction chimique avec le
milieu. A la surface du métal, il se crée ainsi une
multitude de micro-couples anode-cathode.
Figure 11: Schéma d’une pile due à
l’hétérogénéité du métal en surface.

L’intensité du courant électrique issu des surfaces anodiques est une grandeur
directement proportionnelle aux taux de corrosion.

Une autre grandeur caractérise l’aptitude d’un métal à passer en solution : il s’agit de
la différence de potentiel qui s’établit entre ce métal et l’électrolyte. Dans le cas du fer, cette
différence est négative (-0,15V).
Le zinc est plus électro-négatif que le fer (-0,5V), de
sorte que si l’on associe un morceau de zinc et un morceau
de fer et qu’on les plonge dans l’eau, on crée une pile
électrique dont la force électromotrice (de l’ordre de
0,35V) est suffisante pour modifier profondément les
réactions chimique à la surface des éléments. On constate
qu’il n’y a plus aucune dissolution du côté du fer (cathode
de la pile) qui se trouve protégé contre toute corrosion. En
revanche, le zinc se consomme plus rapidement (anode).
Ce phénomène décrit le mécanisme de la protection
cathodique du fer par anode sacrificielle en zinc.
Figure 12: Schéma d’une pile fer-
zinc.

Dans le sol humide qui constitue un électrolyte, la situation est similaire.

L’expérience montre que le comportement d’une armature en acier galvanisé peut se


résumer de la façon suivante :

 Seul le zinc est au contact du sol. Il constitue un revêtement parfaitement étanche et


adhérent. L’acier reste donc totalement protégé. Les réactions d’oxydation du zinc

- 17 -
forment lentement des produits de corrosion qui restent à la surface de l’armature et
cimentent les grains du sol. L’électrolyte se modifie et la vitesse des réactions
diminue.

 Par endroit, le zinc aura totalement disparu en tant que métal et l’acier sera mis à nu.
Or, du fait de la protection cathodique, le fer sera protégé par le zinc adjacent et ne
subira pas de corrosion tant qu’il reste du zinc métal à proximité. La couche du sol
autour de l’armature continue à s’enrichir en composés du zinc et forme une gangue
adhérente.

 L’acier commence sa dissolution dans un environnement qui est très différent du sol
de départ mais est constitué par la gangue précédemment décrite. La vitesse de
corrosion est alors beaucoup plus faible que celle que subirait l’acier s’il n’avait pas
été galvanisé. Au cours du temps, cette vitesse de corrosion continuera à se ralentir.

Les durées de ces différentes phases dépendent de l’agressivité du milieu.

Les techniques de l’électrochimie ont pour but de déterminer la valeur des courants de
corrosion, par des méthodes de mesures indirectes. Celles-ci, en résumé, consistent à réaliser,
pendant un court instant à l’époque d’une mesure, une électrolyse en courant continu en se
servant de l’échantillon étudié comme électrode que l’on rendra tantôt anodique, tantôt
cathodique.

 Recherches sur ouvrages réels


En matière de corrosion, toute recherche, toute expérimentation ne peut prendre en
compte la totalité des paramètres qui influent sur le phénomène que l’on veut étudier. Seule
l’observation in situ peut sanctionner les essais de laboratoire.

C’est pourquoi, en plus de l’examen des armatures dans les ouvrages anciens, il a été
réalisé des expériences en vraie grandeur. Par exemple, un mur de six mètres de hauteur a été
construit pour étudier les mécanismes de rupture par corrosion des armatures. Ces dernières
étant réalisées en feuillard d’acier doux, de 0,6mm d’épaisseur seulement, travaillant à leur
limite d’élasticité. La corrosion a été accélérée par de l’eau salée percolant à travers le
remblai.

L’évolution de la corrosion a pu être suivie en examinant les tronçons d’armatures


témoins extraits régulièrement de l’ouvrage.

Il était prévu une durée de vie de


six mois. La rupture, qui n’est en fait
intervenue qu’au bout de neuf mois, s’est
produite par glissement suivant une
courbe très proche de la ligne théorique
des tractions maximales dans les
armatures (cf paragraphe sur la
justification vis-à-vis de la stabilité
interne).

Figure 13: Photo de rupture de l’ouvrage expérimental.

- 18 -
Cette expérimentation a permis de vérifier les hypothèses concernant l’évolution de la
corrosion des armatures et de confirmer les méthodes de dimensionnement.

 Bilan

Aujourd’hui la durabilité de l’acier ne pose plus de problèmes. Les mécanismes de


corrosion sont connus, les techniques de protection ont été éprouvées, la cinétique des
phénomènes a été déterminée dans une grande variété de milieux, en laboratoire, et in situ sur
de très longues périodes.

Pour tenir compte de la corrosion des armatures dans le dimensionnement des


ouvrages en terre armée, le concepteur applique des règles simples adaptées à la fois au site et
à la durée de service souhaitée. L’entrepreneur vérifie de son côté que le remblai qu’il utilise
est bien conforme aux critères qui définissent les sols usuels pour lesquels ces règles ont été
établies. A titre d’exemple, l’administration française recommande les surépaisseurs
sacrificielles et les critères chimiques et électrochimiques rappelés dans les tableaux suivants :

Figure 14: Tableaux des critères chimiques et électrochimiques qui définissent les sols usuels et valeurs requises
pour les épaisseurs sacrifiées (en mm - armatures en acier galvanisé).

Pour les calculs, on utilise une section équivalente Ad:

Ad = N.bd.ed.fc.fm.fv pour les plats (b > 5.en)


Ad = N.π.(dn-es)².fc.fm.fv / 4 pour les ronds

avec :

N : nombre d’éléments par mètre longitudinal de parement

bd : largeur de calcul de l’armature (bd = b- es)

en : épaisseur nominale de l’armature

es : épaisseur réservée (sacrifiée) aux phénomènes de corrosion au total pour les deux faces ou
sur le diamètre

ed : épaisseur de calcul de l’élément de renforcement

fc, fm, fv: coefficients de réduction dépendant des agressions chimiques et mécaniques et du
vieillissement du matériau en lui-même

dn : diamètre nominal des ronds

- 19 -
2. Exemples de réparation des ouvrages affectés existants

Les pathologies concernant les murs de soutènement en terre armée sont diverses et
variées (mauvais sol support, …). Néanmoins, le souci majeur concerne le phénomène étudié
précédemment, à savoir la corrosion des armatures métalliques constituant le renforcement de
ces remblais.

En effet, dans les années 1970, il avait été constaté de nombreux cas d’ouvrages pour
lesquels le phénomène de corrosion des armatures mettait en cause la stabilité de l'ouvrage.
Aujourd'hui encore, les ouvrages construits il y a environ 30 ans doivent faire l’objet d’une
surveillance particulière.

Il existe diverses solutions qui permettent d’assurer la stabilité de l’ouvrage lorsque ce


dernier est trop affecté. Le mode de réparation dépend de l’espace dont on dispose devant le
mur.

En effet, si on dispose d’un espace important, on peut renforcer le mur par un remblai
de butée ou bien par un deuxième mur de soutènement (par exemple en T). Si par contre
l’espace devant le mur à réparer est relativement réduit (bordure de route, …), la solution la
plus appropriée consiste à clouer les écailles avec des croisillons.

 Renforcement par remblai de butée

Figure 15: Schéma de renforcement par remblai de butée.

 Renforcement par mur de soutènement

Figure 16: Schéma de renforcement par mur de soutènement.

- 20 -
 Renforcement par clouage

Figure 17: Photos du renforcement des murs de soutènement affectés par clouage des écailles.

- 21 -
3. Performance des structures en terre armée vis-à-vis des séismes

Chaque année ou presque, un violent tremblement de terre frappe l’un des points du
globe qui ont la malchance d’être situés au bord des fameuses plaques tectoniques ou près des
failles de son écorce.

Lors de ces catastrophes, en quelques secondes, des centaines ou des milliers de


personnes sont victimes de l’écroulement de leur habitation, de leur lieu de travail, ou même
de l’effondrement de tronçons d’ouvrages d’art.

Pourtant, au fil des années, l’application plus rigoureuse des règles de construction
parasismiques permet de réduire l’étendue des dommages et des pertes. Ces règles reposent
sur les concepts de base suivant :
- les structures qui résistent le mieux aux séismes sont celles qui se déforment en
dissipant de l’énergie
- elles sont constituées de matériaux qui résistent à la traction ou au cisaillement et qui
ne sont pas fragiles
- elles ont des formes simples et régulières
- leurs éléments sont étroitement solidaires et constituent des systèmes continus qui
favorisent les redistributions d’efforts.

Les structures en terre armée présentent toutes ces propriétés. Cela explique la faveur
dont elles bénéficient dans les régions exposées aux tremblements de terre et leur excellent
comportement chaque fois qu’elles en ont effectivement subi les effets.

Le comportement de la terre armée face aux sollicitations d’origine sismique a fait (et
fait toujours) l’objet d’études relativement poussées (cf méthode de calcul en annexe).
Cependant, l’auscultation des ouvrages qui ont réellement subi des tremblements de terre est
essentielle car elle constitue la seule véritable confirmation, en vraie grandeur, que leur
conception et leur dimensionnement sont satisfaisants.

 Italie le 6 mai 1976 : tremblement de terre de magnitude 6,4

L’épicentre de ce tremblement de
terre se trouvait près de la ville de
Gemona qui a été détruite à 50%. Des
dégâts importants ont été recensés dans
un rayon de 40 km.

Trois ouvrages en terre armée


avaient été construits un ou deux ans
auparavant à des distances de 25 à 40 km
de Gemona.
Ce sont des murs à parement
métallique de hauteur assez modeste (4 à
6m) donc avec des armatures
relativement courtes aucunement
surdimensionnées vis-à-vis de
l’adhérence.

- 22 -
Aucun de ces ouvrages n’avait été à l’époque calculé en fonction d’un séisme
éventuel. Aucun n’a montré non plus de signe de désordre après le tremblement de terre.

Figure 18: Photos d’une maison en ruine à Gemona et d’un massif de soutènement à parement métallique près
de Gorizia.

 Japon le 25 mai 1983 : tremblement de terre de magnitude 7,7

Ce tremblement de terre a ébranlé


tout le nord de l’île de Honshu. Les
installations portuaires de Akita, en
particulier, ont subi de très gros
dommages. Dans la péninsule de Oga,
beaucoup de routes et d’habitations ont
été mises hors service, à cause de la
liquéfaction des sables limoneux.

Quarante-neuf ouvrages en terre


armée de diverses tailles ont été
recensés et visités dans les semaines
qui ont suivi. Ils ont tous été trouvés en
parfait état, y compris un mur qui avait
subi un tassement par rapport aux
structures sur pieux voisines, comme le
sol et les remblais environnants.

- 23 -
Figure 19: Photos d’un mur en terre armée dans la péninsule de Oga et de l’aire de circulation et de stockage
sérieusement endommagée sur le port de Akita.

 USA – San franciscco le 17 octobre 1989 : tremblement de terre de magnitude 7,1

Ce séisme a pris naissance à 15 km


de profondeur et il a provoqué des dégâts
jusqu’à 110 km de distance.

Dans toute la région touchée, on a


dénombré et inspecté 20 murs en terre
armée, répartis sur 9 sites et représentant
une surface totale de parement de 20500
m². Aucun n’a subi le moindre dommage.

L’un deux se trouve à Watsonville,


à 11 km de l’épicentre. Il double un mur
du sous-sol d’un centre commercial dont
les superstructures ont été très
endommagées.

Un autre mur est situé à Richmond


(à 10 km du viaduc de l’autoroute 880
dont l’effondrement a été dramatique). Il
est fondé sur les vases molles de la baie,
responsables de la plupart des
destructions dans ce secteur.

- 24 -
Figure 20: Photos de maisons écroulées dans le quartier des Marinas à San Francisco et d’un mur en terre
armée à Richmond.

Ces quelques exemples permettent d’illustrer la bonne résistance de la terre armée aux
effets des vibrations, aussi bien répétées qu’accidentelles. De nombreux autres séismes
auraient pu être cités : en Belgique le 8 novembre 1983 (magnitude 5), au Mexique le 19
septembre 1985 (magnitude 8), en Nouvelle Zélande le 2 mars 1987 (magnitude 6,3), en
Turquie à Izmit le 17 août 1999 (magnitude 7,4), …

Partout, l’excellent comportement de la terre armée a confirmé l’adaptation du


matériau, comme la sécurité de la conception et du dimensionnement des ouvrages.

- 25 -
III. COMPORTEMENT ET ELEMENTS GENERAUX DE
CONCEPTION D’UN MUR DE SOUTENEMENT EN
TERRE ARMEE

La première et la plus répandue des applications de l’utilisation de la terre armée


consiste à réaliser des massifs de soutènement.

1. Comportement d’un massif de soutènement en terre armée

Le terme de « massif » évoque bien le fait que ce matériau est utilisé pour constituer
un gros bloc régulier et homogène, bien qu’il soit déformable et composite.

C’est le bloc lui-même, lourd et


stable comme le serait un gros mur poids
en maçonnerie (c’est-à-dire où le poids
propre du massif joue un rôle
prépondérant dans la stabilité), qui
soutient le remblai ou le terrain situé
derrière lui.

C’est toujours ce bloc, dans son


ensemble, qui transmet au sol de
fondation, outre son poids, les effets des
surcharges et des poussées, en
répartissant les efforts sur toute la largeur
de sa base.

Figure 21: « Ecorché » d’un massif de soutènement courant


en terre armée.

Les recherches appliquées aux murs de soutènement ont eu plusieurs objectifs :

 d’abord étudier le comportement d’un tel massif : analyser comment le poids, les
surcharges, les poussées extérieures se répercutent sur la façon dont les efforts
internes se développent et se transmettent entre le remblai, les armatures et le
parement.
 ensuite analyser l’influence sur le comportement de l’ouvrage, et sur la façon dont il
sollicite le sol, de sa géométrie globale, de sa forme, de son élancement …

- 26 -
2. Données du projet

 Site d’implantation des ouvrages


On distingue :

 les ouvrages en site terrestre « hors d’eau »


 les ouvrages ou parties d’ouvrages immergés en « eau douce », en permanence ou par
intermittence
 les ouvrages en site maritime ou confrontés à un environnement spécialement agressif.

 Durée de service
Le concept de durée de service vise la prise en compte de l’évolution des propriétés
des matériaux avec le temps. Au terme de sa durée de service, un ouvrage en sol renforcé doit
encore satisfaire aux critères de résistance et de déformation définis pour sa justification.

On définit trois classes:

 provisoire : durée de service de référence égale à 5 ans


 temporaire : durée de service de référence égale à 30 ans
 permanent : durée de service de référence égale à 70 ans.

Pour les ouvrages permanents sensibles, la durée de référence requise est de 100 ans.

 Classification des ouvrages


Il existe trois classes:

 Ouvrages simples
Sont considérés comme ouvrages simples les ouvrages en sol renforcé pour lesquels
une déformation importante resterait sans conséquence grave. L’appréciation peut se faire
notamment en fonction de la hauteur de l’ouvrage (si Hm < Hc avec Hm et Hc définis par le
tableau et le schéma ci-dessous), de son environnement (pas d’infrastructure sensible dans la
zone d’action de l’ouvrage), de son environnement géotechnique, d’autres considérations
(caractère provisoire de l’ouvrage, type de parement …).

ή (°) 0 27 45

Hc (m) 3 5 8

Figure 22: Hauteur critique Hc en fonction du fruit


ή.

Figure 23: Définition de la hauteur mécanique Hm


dans le cas d’un mur en remblai armé.

- 27 -
avec :

Hm : hauteur mécanique : hauteur fictive qui permet de transposer certaines règles de


dimensionnement des ouvrages verticaux et sans talus en tête aux cas d’ouvrages de
géométries plus complexes.

Hp : hauteur du parement

ή : fruit du parement (inclinaison par rapport à la verticale)

 Ouvrages courants
Tout ouvrage en sol renforcé non simple est considéré comme un ouvrage d’art
courant ou sensible.

 Ouvrages sensibles
Seront classés dans cette catégorie :
- ceux pour lesquels la mise hors service prématurée aurait des conséquences humaines,
économiques ou logistiques de grande ampleur
- ceux pour lesquels une inspection détaillée ou une réparation éventuelle ne pourrait
être entreprise dans des conditions économiques ou de gêne à l’usager acceptables
- ceux de grande hauteur (en général : hauteur du parement Hp > 10m).

 Autres définitions du projet


D’autres données sont nécessaires à la justification de l’ouvrage :

 Données géométriques (profil du terrain naturel, implantation …)


 Données géotechniques
 Données climatiques (indice de gel)
 Actions (surcharges, actions sismiques …)
 Hydrologie
 Phases de construction
 Matériaux

3. Dispositions constructives générales

 Généralités

Les remblais armés constituent un matériau souple, ce qui permet aux ouvrages
d’accepter des déformations (essentiellement tassements différentiels).
Les dispositions constructives et la technologie adoptées pour les éléments constitutifs
de l’ouvrage (parement, lit de renforcement) ne doivent pas compromettre cette faculté
lorsqu’elle est nécessaire.
Ainsi, par exemple, dans le cas de fondations hétérogènes, il peut s’avérer nécessaire
de pratiquer des coupures dans le parement. Les déformations admissibles des ouvrages
associés doivent être compatibles avec les déformations postérieures à leur construction.

- 28 -
 Fiche

Les ouvrages doivent comporter une fiche D supérieure à la fiche minimale Dm,
définie en fonction de la contrainte de référence qref calculée sous l’ouvrage, avec une valeur
minimale de 0,40m.

Pente du terrain aval Dm/qref (m/kPa)


βp = 0 1,5 x 10-3
βp = 18° 3,0 x 10-3
βp = 27° 4,5 x 10-3
βp = 34° 6,4 x 10-3
Figure 24: Rapport Dm/qref en fonction de la pente βp du terrain à l’aval.

Dans le cas particulier de fondations résistantes, cette fiche peut être diminuée (rocher
franc ou béton, Dm = 0).

 Longueur des lits de renforcement


La dimension transversale d’un ouvrage à parement vertical en remblai armé est
généralement voisine de 0,7 Hm.

La longueur des différents lits de renforcement est fixée par le respect des conditions
de stabilités externe et interne et par des considérations géométriques visant à conserver à la
section du massif armé l’aspect d’un bloc de forme régulière. Ainsi chaque changement de
longueur entre lits de renforcement consécutifs dans l’ouvrage est limité à la plus grande des
deux valeurs : 0,15 Hm et 1m. La longueur minimale est de 0,4 Hm en pied et n’est pas
inférieure à 0,5 Hm en moyenne pour un mur à parement vertical.

 Espacement des lits de renforcement

Le tableau suivant précise l’espacement relatif maximal sv/Hm des lits en fonction de la
longueur du lit inférieur Linf et de la hauteur mécanique Hm.

Linf/Hm Sv/Hm
Linf/Hm ≤ 0,55 ≤ 1/8
0,55 < Linf/Hm ≤ 0,65 ≤ 1/6
0,65 < Linf/Hm ≤ 0,75 ≤ 1/4,5
0,75 < Linf/Hm -
Figure 25: Espacement relatif maximal Sv/Hm en fonction du rapport Linf/Hm.

- 29 -
IV. JUSTIFICATIONS DES OUVRAGES EN TERRE
ARMEE

1. Principes de justification des ouvrages en terre armée


La justification consiste à vérifier que pour chaque combinaison d’actions, les
résistances de calcul des éléments constitutifs ou celles mobilisées par les phénomènes mis en
jeu (adhérence sol-armature, cisaillement du sol) sont supérieures ou égales aux sollicitations
de calcul provenant des actions pondérées. Les résultats peuvent être présentés sous la forme
de rapports entre ces deux quantités appelés coefficients de surdimensionnement
technologique et dont seule la comparaison avec l’unité a un sens.

Les sollicitations de calcul Sd à considérer résultent des actions :


- permanentes, notées Gmax quand elles sont défavorables vis-à-vis du phénomène que
l’on veut éviter (ruine ou déformations excessives) et Gmin quand elles sont favorables
- variables, notées Q1 pour l’action variable de base et Qi (i>1) pour les autres actions
variables dites d’accompagnement
- accidentelles, notées FA.

Pour les ouvrages en terre armée, ces différentes actions doivent être prises en compte
dans les combinaisons suivantes :

- combinaison d’actions permanentes (ELS) à ne considérer que pour le calcul des


déformations:
Sd = S{Gmax + Gmin}

- combinaisons fondamentales (ELU) dont on retiendra les plus défavorables:


Sd = γF3.S{ γF1GmaxGmax + γF1GminGmin + γF1Q1Q1 + γFwFw + γF1Q1Σψ0iQi}

- combinaisons accidentelles (ELU)


Sd = S{Gmax + Gmin + FA + ψ11Q1 + Σψ2iQi}

Les coefficients ψ correspondent à des pondérations inférieures à l’unité afin de tenir


compte de la probabilité conditionnelle d’avoir simultanément deux ou plusieurs actions
variables. Le premier indice indique qu’il s’agit d’une valeur de combinaison (0), d’une
valeur fréquente (1) ou d’une valeur quasi permanente (2) alors que le second fait référence au
numéro de l’action variable.
Les coefficients γF1 et γF3 sont respectivement les coefficients de pondération et de
méthode.

2. Justification vis-à-vis de la stabilité externe

 Principe

- 30 -
Bien qu’il s’agisse d’un matériau souple pouvant admettre des tassements différentiels
conséquents, le massif armé peut en première approche être considéré comme un corps pesant
indéformable, subissant les actions volumiques (poids, déjaugeage et inertie en cas
d’accélération sismique) ainsi que les actions externes appliquées (surcharges diverses,
poussée des terres à l’arrière du massif).

Les éléments de réduction de toutes ces actions sont rapportés à la base du massif et
servent à vérifier la sécurité vis-à-vis des modes de rupture envisagés (poinçonnement de la
fondation, glissement sur la base).

 Actions volumiques
Le poids s’applique à l’ensemble du volume armé dont la limite géométrique est
schématisée sur la figure ci-dessous. Le cas échéant, le déjaugeage s’applique sur la partie
située sous l’eau. L’inertie dans le cas de séisme est supposée s’appliquer avec l’accélération
de calcul sur le volume délimité sur la figure ci-dessous.

1. Ecran fictif pour le calcul de la poussée des terres


2. Limite conventionnelle du massif armé
3. Zone prise en compte pour l’effort dynamique
(interne) horizontal en stabilité externe

Ld = (surface grisée) / He avec He : hauteur de l’écran


= longueur moyenne des lits de renforcement

Figure 26: Actions volumiques pour le dimensionnement


externe.

 Poussée des terres


La poussée des terres se calcule conventionnellement sur l’écran fictif parallèle au
parement, situé juste derrière les armatures les plus longues. Elle est appliquée sur l’arrière du
bloc armé.

L’inclinaison δ de la poussée à l’arrière du massif par rapport à la normale à l’écran


dépend de nombreux facteurs. Dans le cas général d’un ouvrage à parement vertical construit
en remblai homogène sur une fondation homogène, sans talus en tête, cette inclinaison est
calculée par la formule :

δ = min {0,8(1-0,7Ld/Hm)φ1k ; 2 φ1k /3}

avec φ1k: angle de frottement interne caractéristique du remblai armé.

Toutefois, si la formule conduit à une valeur négative de δ, celle-ci est ramenée à zéro.

- 31 -
La détermination de l’angle δ permet de calculer la poussée suivant les règles
habituelles de la mécanique des sols (cf le principe de calcul du diagramme de poussée en
annexe).

 Justification

Le tableau suivant présente les combinaisons d’actions les plus fréquemment


rencontrées:

Figure 27: Tableau des valeurs de γF1 et γF3 pour le dimensionnement externe.

Justification vis-à-vis du glissement sur la base:

Rh.γF3 ≤ (Rv.tanφ1K / γmφ) + L.c1K / γmc


Rh.γF3 ≤ (Rv.tanφfK / γmφ) + L.cfK / γmc

avec:

Rh et Rv : résultantes horizontale et verticale pondérées à la base du massif par unité de


longueur transversale, avant application du coefficient de méthode γF3

φ1K et c1K : valeurs caractéristiques des paramètres de résistance au cisaillement du remblai


armé

φfK et cfK : valeurs caractéristiques des paramètres de résistance au cisaillement du sol de


fondation

L : longueur des lits de renforcement (mur rectangulaire)

γmφ : coefficient de sécurité partiel sur la tangente de l’angle de frottement pris égal à 1,20 en
combinaison fondamentale et à 1,10 en combinaison accidentelle

- 32 -
γmc : coefficient de sécurité partiel sur la cohésion effective pris égal à 1,65 en combinaison
fondamentale et à 1,50 en combinaison accidentelle

Justification vis-à-vis du poinçonnement:

qref ≤ qfu / γmq

avec:

qfu : contrainte ultime du sol de fondation

γmq : coefficient de sécurité vis-à-vis du poinçonnement du sol pris égal à 1,5

qref : contrainte de référence en pied de massif calculée, dans le cas général d’un mur à
parement vertical tel que L ≤ Hm, suivant la formule : qref = γF3.Rv / (L-2Mb/Rv)

Mb : moment résultant au centre de la base conventionnelle du massif avant application de γF3

3. Justification vis-à-vis de la stabilité interne

 Principe
Le choix des éléments de renforcement en type, nombre et distribution à l’intérieur du
massif armé est appelé dimensionnement interne. Ce choix nécessite la connaissance de la
distribution des efforts le long des lits de renforcement ainsi que du mécanisme d’interaction
entre ces derniers et le sol. En effet, les mesures effectuées tant sur ouvrages réels que sur
modèles réduits ont montré que la force de traction dans les armatures n’atteint son maximum
qu’à une certaine distance en arrière du parement. La ligne (notée ltm) qui joint les points de
traction maximale sépare la zone active où les armatures retiennent le remblai, de la zone
résistante où le frottement du remblai retient les armatures.

1. Zone résistante
2. Ligne des tractions maximales
3. Zone active
4. Parement
5. Traction
6. Traction le long d’un lit de renforcement
de longueur L
7. La : longueur d’adhérence

Figure 28: Ligne des tractions maximales,


zone active, zone résistante.

- 33 -
Le dimensionnement interne de l’ouvrage est justifié à l’état limite ultime, localement
pour chaque lit de renforcement, vis-à-vis des critères de résistance et d’adhérence. La
traction dans le lit de renforcement considéré est évaluée au parement et au maximum.

 Détermination de la ligne des tractions maximales

La position de la ligne des tractions maximales est définie de façon unique pour
chaque géométrie d’ouvrage et pour chaque fonction. La figure ci-dessous définit cette ligne
pour les cas courants.

1. Ligne des tractions maximales


2. Profondeur
Position de la ligne Variation en fonction de la profondeur
des tractions maximales du coefficient αi donnant la traction au parement

Figure 29: Traction dans les armatures.

 Détermination de l’effort de traction maximal

L’effort de traction maximal tm dans le lit d’armatures par mètre linéique de parement
est égal à :
tm = σh.sv

avec :

sv : espacement vertical des lits de renforcement

σh : contrainte totale horizontale de calcul dans le remblai au niveau du lit considéré et au


droit de la ligne des tractions maximales:
σh = K.σv + σhq

- 34 -
Le coefficient K est déterminé en fonction de la profondeur z:
K(z) = KaΩ1[1,6(1-z/z0) + z/z0] si z ≤ z0
K(z) = KaΩ1 si z ≥ z0

avec :

z0 : profondeur égale à 6m

Ka : coefficient de poussée active du remblai : Ka = tan²[(Π/4) – (φ1K/2)]

Ω1 : coefficient géométrique, sur la forme du lit de renforcement qui doit être justifié en
fonction de l’expérience acquise pour chaque type de renforcement.

Dans le cas des parements verticaux, la contrainte totale verticale dans le remblai σv
s’écrit :
σv(z) = Rv(z)/(L(z)-2ex) + σvq

avec :

Rv(z) : résultante verticale par unité de longueur au niveau du lit à la profondeur z

L(z) : longueur de l’armature variable avec la profondeur z

ex : excentrement de la résultante des charges :


ex = M(z) / Rv(z)

M(z) : moment au centre de la base du bloc armé (par mètre longitudinal de parement) de
toutes les actions s’exerçant au-dessus du plan horizontal de calcul situé à la profondeur z

σvq : contrainte total verticale provenant d’éventuels efforts en tête après avoir pris en compte
la diffusion des contraintes.

La contrainte horizontale σhq(z) provient des actions horizontales appliquée


directement en tête du massif, sur le parement ou dans le corps du massif.

 Détermination des efforts au parement

L’effort de traction au parement tp est (par mètre de parement):


tp = (K.Σαi.σvi + σhq).sv

avec :

σvi : contrainte verticale correspondant à la fonction i (en général il y a une seule fonction
pour les murs)

αi : coefficient qui dépend de la flexibilité du parement et de la position de la ligne des


tractions maximales. Sa valeur varie suivant la profondeur entre αi0 et 1 (avec αi0 variant de
0,75 à 1 pour des parements très souples à rigides).

- 35 -
 Calcul de l’effort d’interaction sol-lit de renforcement

L’effort d’interaction sol-lit de renforcement Rf mobilisable par mètre longitudinal de


parement dans le lit de renforcement à la profondeur z est :
Rf = 2.N.b.La.μ*(z).σv

avec :

N : nombre d’armatures par mètre longitudinal de parement

b : largeur de l’armature

La : longueur d’interaction de l’élément de renforcement pris égal à la longueur de la partie de


l’élément de renforcement situé dans la zone résistante.

σv valeur moyenne de contrainte totale verticale dans le remblai sur le lit de renforcement :

σv(x) : valeur de la contrainte totale verticale à la distance x du parement sur le lit considéré

μ*(z) : coefficient d’interaction sol-lit de renforcement au niveau considéré (déterminé dans la


norme NF P 94-222)

L : longueur de lit de renforcement considéré

 Justification
Le tableau suivant présente les combinaisons d’actions les plus fréquemment
rencontrées :

- 36 -
Figure 30: Tableau des valeurs de γF1 et γF3 pour le dimensionnement interne.

Justification de la résistance des lits de renforcement:

tm.γF3 ≤ rck / γmt


tp.γF3 ≤ rak / γmt

avec:

rck: résistance caractéristique du lit de renforcement en section courante par mètre: rck = Acd.σr

Acd : section de calcul du lit de renforcement par mètre longitudinal du parement en partie
courante

σr : contrainte de rupture du matériau constitutif de l’élément de renforcement

rak : résistance caractéristique du lit de renforcement à l’accrochage ou du parement (la plus


petite des deux) par mètre linéïque : rak = Aad.σr

Aad : section de calcul du lit de renforcement par mètre longitudinal du parement à


l’accrochage au parement

γmt : coefficient partiel de sécurité pour la résistance à rupture de la section de calcul des lits
de renforcement égal à 1,50 pour les ouvrages courants et à 1,65 pour les ouvrages de grande
importance

Justification de l’interaction sol-lit de renforcement:

tm.γF3 ≤ rf / γmf

avec:

rf : résistance due à l’interaction sol-lit de renforcement mobilisable par mètre longitudinal de


parement

γmf : coefficient partiel de sécurité relatif à l’interaction sol-lit de renforcement pris égal à 1,20
pour les ouvrages courants et à 1,30 pour les ouvrages sensibles

Justification du parement:

tp.γF3 ≤ rpk / γmp

avec:

rpk : résistance du parement à chaque point d’accrochage: rpk = N.Pp

Pp : réaction à chacun des points d’accrochage des lits de renforcement

γmp : coefficient partiel de sécurité pour la résistance du parement pris égal à 1,65 pour les
parements en béton et à 1,50 pour les parements métalliques

- 37 -
4. Justification vis-à-vis de la stabilité globale

 Principe
La méthode consiste à vérifier que pour toute surface de rupture isolant un bloc,
l’ensemble des actions tendant à faire glisser ce bloc est équilibré par l’effet des lits de
renforcement coupés par la surface du rupture ainsi que par la résistance au cisaillement du
sol le long de celle-ci.

La traction maximale mobilisable dans un lit de renforcement au point où celui-ci est


coupé par une surface de rupture est limitée par :
 sa résistance
 l’interaction sol-lit de renforcement qui peut être mobilisé au-delà de cette ligne
 la résistance du parement au point d’accrochage augmentée de l’interaction
mobilisable par le lit de renforcement entre celui-ci et la surface de rupture étudiée.

Cette traction a un effet direct sur la stabilité du bloc et peut avoir un effet indirect par
les contraintes qu’elle génère dans le sol.

 Type de surface
Dans le cas d’un sol relativement homogène, il est généralement suffisant de
considérer des surfaces circulaires.

1. Massifs armés
2. Surface de rupture (rupture
circulaire)
3. Zone extérieure à la surface
de rupture
4. Zone intérieure à la surface
de rupture
5. Centre du cercle de rupture

Figure 31: Rupture circulaire


pour vérification de la stabilité
générale.

Notons que lorsque le sol comporte des couches de caractéristiques géotechniques très
différentes, il convient que les surfaces de rupture considérées tiennent compte de cette
particularité.

- 38 -
Pour certains ouvrages particuliers comportant de fortes surcharges en tête, il faut
considérer en outre des surfaces de rupture intéressant le voisinage immédiat de la zone
surchargée ; ce cas est généralement traitée de façon satisfaisante par des surfaces planes
(méthode des coins).

 Actions volumiques

Le poids des terres s’applique à l’ensemble du bloc délimité par la surface de rupture.
Le cas échéant, le déjaugeage s’applique à la partie située sous l’eau. L’inertie dans le cas
d’un séisme est supposée s’appliquer avec l’accélération sur l’ensemble du bloc et en centre
de gravité.

 Actions appliquées

Une ou plusieurs surcharges (circulation, stockage) sont en général appliquées sur la


surface supérieure du bloc.
Les actions ponctuelles appliquées les plus fréquemment rencontrées sont constituées
par les ancrages ou les butons ainsi que par les efforts transmis par certains éléments de
fondation.

Fi : interaction entre tranches


Wi : poids d’une tranche
rs : résistance du lit de renforcement à
l’extérieur de la surface de rupture
σ’n, τ : contraintes dans le terrain

1 : surface de rupture
2 : tranche

Figure 32: Calcul par la méthode des


tranches.

 Prise en compte des éléments de renforcement

Les lits de renforcement sont pris en compte sous forme d’une action notée FR
correspondant, pour chaque lit coupé par la surface de glissement, à la traction mobilisable de
part et d’autre de la surface de rupture :
FR = Σ rS = min {(rck/γmt) ; (rfe/γmf) ; (rpk/γmp) + (rfi/γmf)}

avec :

- 39 -
Σ rS : somme des efforts résistants sur les lits coupés par surface de rupture

rck : résistance caractéristique du lit de renforcement en section courante

rfe : interaction mobilisable du lit de renforcement à l’extérieur de la surface de rupture, par


mètre de parement

rpk : résistance caractéristique du parement à l’accrochage

rfi : interaction mobilisable par le lit de renforcement entre la surface de rupture et le


parement, par mètre de parement

γmt ; γmf ; γmp : coefficients partiels de sécurité

L’interaction sol-lit de renforcement mobilisable se calcule comme suit :

avec :

rf (z,x) : effort mobilisable à la profondeur z dans le lit de renforcement

Li : distance entre le parement et le point d’intersection des lits de renforcement avec la


surface de rupture.

σv(x) : distribution de la contrainte verticale le long du lit de renforcement considéré. Cette


contrainte résulte du poids pondéré des sols situés au-dessus du point considéré ainsi que de
l’influence des surcharges après diffusion (calcul de la diffusion par formules de Boussinesq).

 Contrainte de cisaillement du sol le long de la surface


de rupture

La contrainte de cisaillement τd de calcul du sol le long de la surface de rupture est :

τd = Cd + σn.tan φd

avec :

Cd, φd : paramètres de résistance au cisaillement du sol (cohésion et angle de frottement)

σn : contrainte dans le sol, normale à la surface de rupture. Elle tient compte de la présence
des éléments de renforcement.

 Justification

Combinaisons d’actions

- 40 -
En présence d’éléments de renforcement pris en compte dans le calcul d’équilibre
global, les combinaisons s’écrivent :

Combinaison fondamentale (ELU) :


Sd = γF3.S{γF1GGmax + γF1GGmin + γF1Q1Q1 + γFWFW + γFRFR + γFTFT + γF1QiΣψ0iQi}

Combinaison accidentelle (ELU) :


Sd = S{Gmax + Gmin + FA + FR + FW + FT + ψ11Q1Σψ2iQi}

Le tableau suivant présente les combinaisons les plus fréquemment rencontrées :

Figure 33: Tableau des valeurs de γF1, γF3, γFW, γFT et γFR pour le calcul de la stabilité globale.

Justification pour une surface donnée

M(Sd) ≤ M(τd)

avec :

M(Sd) : moment (moteur) résultant des actions appliquées sur le bloc. Pour l’évaluation de Sd,
il faut se rapporter au paragraphe sur la « prise en compte des éléments de renforcement ».

- 41 -
M(τd) : moment (résistant) résultant du cisaillement des sols le long de la surface de rupture.
Pour l’évaluation de τd, il faut se rapporter au paragraphe sur la « contrainte de cisaillement
du sol le long de la surface de rupture » avec:
Cd = Ck / γmc et φd = arctan {tan φ2k / γmφ}

avec :

φ2k et Ck : caractéristiques du remblai adjacent (angle de frottement et cohésion)

Les coefficients partiels de sécurité sont donnés dans le tableau ci-dessous:

Figure 34: Tableau des coefficients partiels de sécurité pour la justification vis-à-vis de la stabilité globale.

5. Justification vis-à-vis des déformations

 Principe
Les ouvrages en sols renforcés sont constitués d’un matériau souple pouvant accepter
des déformations importantes. L’origine de ces déformations est externe (tassements,
consolidation) ou interne. Dans le cas du renforcement par armatures, le plus souvent, seules
celles d’origine externe sont à considérer.

 Schématisation de calcul
Le calcul a pour but de déterminer le tassement du sol de fondation à partir des efforts
apportés par le massif armé. Ces efforts sont calculés suivant un schéma identique à celui

- 42 -
présenté dans le paragraphe de la stabilité externe. Les tassements pouvant intervenir sur des
périodes de temps variables, il y a lieu de tenir compte des phases intermédiaires de chantier,
des préchargements éventuels et de séparer les tassements produits durant le chantier de ceux
attendus après la mise en service.

 Justification

Seule la combinaison d’actions permanentes ou quasi-permanentes est à considérer


pour le calcul des tassements. Elle correspond aux états limites de service définis dans le
tableau ci-dessous.

Figure 35: Tableau des valeurs de γF1 pour le calcul des tassements.

Il faut vérifier que les tassements calculés sous l’effet de la surcharge apportée par
l’ouvrage sont compatibles avec les déformations admissibles des ouvrages ou équipements
adjacents ou portés.

- 43 -
CONCLUSION

Reconnue comme une innovation majeure dans le domaine du génie civil, la terre
armée est aujourd’hui appréciée par les maîtres d’œuvre pour la réalisation de nombreux
ouvrages.

C’est une technique qui n’a pas les inconvénients des murs en béton classiquement
coulés en place (hauteur limité, coût …) et qui présentent de nombreux avantages : souplesse
d’implantation, capacité à supporter des tassements différentiels, tolérance aux séismes …

A côté de ses atouts techniques, la terre armée a fait la preuve de ses ressources
architecturales en donnant naissance à une large gamme très diversifiée de parements, et de
son potentiel d’intégration environnemental en se révélant aujourd’hui très en phase avec le
principe du développement durable.

Dans le cadre des eurocodes, une nouvelle norme est en cours d’écriture afin de
s’harmoniser avec les autres pays européens. Cette norme regroupera l’ensemble des murs
renforcés, que ce soit par armatures métalliques ou bien par d’autres techniques
(géosynthétiques …).

- 44 -
SOURCES

Bibliographie

« Les ouvrages en terre armée - Recommandations et règles de l’art »


SETRA – LCPC 1979 ré-édité en 1991

Norme NF P 94-220-0 concernant le dimensionnement des murs en terre armée

« Guide pour les Terrassements Routiers »


SETRA-LCPC 1992

Sites internet

www.terre-armee.com : site de la société Terre Armée en France (Velizy 78)

REMERCIEMENTS

M. Bertrand THIDET, chargé d’études au Service d’Etudes Techniques des Routes et


Autoroutes (SETRA).

M. Eric LUCAS, chargé d’études à la société Terre Armée.

- 45 -
ANNEXES

Annexe 1 : Méthode de calcul d’un mur de soutènement sous des sollicitations d’origine
sismique

Annexe 2 : Caractéristiques des différents types d’écailles couramment utilisées aujourd’hui

Annexe 3 : Classification des sols et des matériaux rocheux d’après leur nature (extrait du
GTR, fascicule II, annexe 1)

Annexe 4 : Principe de calcul du diagramme de poussée à l’arrière des massifs en remblai


renforcé dans le cas d’un sol purement frottant

- 46 -
ANNEXE 1 : Classification des sols et des matériaux rocheux
d’après leur nature (extrait du GTR, fascicule II, annexe 1)

- 47 -
ANNEXE 2 : Caractéristiques des différents types d’écailles
couramment utilisées aujourd’hui

- 48 -
- 49 -
- 50 -
ANNEXE 3 : Méthode de calcul d’un mur de soutènement sous
des sollicitations d’origine sismique

La méthode de calcul vise à dimensionner l’ouvrage avec une sécurité satisfaisante pour le
séisme pris comme référence sur le site, vis-à-vis tant de la stabilité externe que des
déformations ou de la stabilité interne.

Le séisme étant considéré comme un cas de charge accidentel, tous les coefficients de
sécurité usuels sont pratiquement réduits de 25%.

Dans la méthode pratique, on admet que l’accélération maximale moyenne dans le massif
est donnée par :
am/g = (1,45 – a0/g).(a0/g)

où a0 est l’accélération au niveau du sol.

1. Stabilité externe

On la vérifie en ajoutant à la poussée des terres derrière le massif la poussée dynamique


supplémentaire Eae et l’effort d’inertie E, lié au poids W du massif. Comme l’accélération ne
peut pas être maximale au même instant en tout point du massif et du terrain qu’il soutient,
ces deux efforts sont calculés en fait pour 0,5 am/g, selon l’usage pour les murs poids.

2. Stabilité interne

On calcule un effort dynamique global Ed, lié au poids Wa de la zone active par la
relation :
Ed = Wa.am/g

En gros, Ed = 0,2.(am/g).γ.H² pour les massifs courants. Ed se répartit entre les


armatures au prorata de leur surface d’adhérence, produit de leur largeur par la longueur
comprise dans la zone résistante. Il s’ajoute aux efforts de traction statiques (calculés sans
intervention de Eae ni de E). Les tensions supplémentaires n’étant pas directement liées aux
contraintes verticales, on réduit forfaitairement de 20% la charge verticale prise en compte
dans la vérification de l’adhérence.

a. Efforts pris en compte pour la vérification de la stabilité externe d’un massif de soutènement.
b. Stabilité interne : mode de répartition de l’effort dynamique interne entre les armatures.

- 51 -
ANNEXE 4 : Principe de calcul du diagramme de poussée à
l’arrière des massifs en remblai renforcé dans le cas d’un sol
purement frottant

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