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À mes enfants Noémie , Samuel, un merci particulier à Marylou
pour son travail de relecture.
À mon épouse Andrée.
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Avant propos
Quand le « hasard » fait bien les
choses…
La vie est étrange parfois. Alors que je venais juste de terminer un
essai , que j’avais appelé l’Inouï, traitant de la manière de concevoir Dieu
pour nous aider à redécouvrir dans nos sociétés sécularisées la force de
l’espérance, je m’étais dit qu’il serait bon de clarifier ce que d’aucuns
appellent la synchronicité. Une rapide recherche sur internet m’a conduit
au livre de Philippe Guillemant « la Route du Temps ». Je l’ai lu, il m’a
passionné. Alors je l’ai relu encore et encore. Et il m’est apparu que je ne
pouvais me soustraire à un nouveau questionnement. Je devais passer
mes convictions chrétiennes au filtre de la Théorie de la double causalité
(ci-après TDC) : savoir si elle était compatible avec une certaine idée de
Jésus, ce qu’elle pouvait bien apporter de neuf ; examiner aussi ce que
Jésus éventuellement pouvait apporter à cette théorie ; enfin, envisager
une possible alliance des deux.
L’aventure fut passionnante. J’en ai soumis pour vérification le premier
jet à l’auteur de la TDC qui a bien voulu non seulement me répondre mais
encore me donner des conseils utiles et m’accompagner dans la rédaction
de ce livre. Je l’en remercie de tout cœur.
Avant d’aborder le vif du sujet qui traitera essentiellement des grands
aspects de « l’arbre de vie de Jésus » (nous préciserons cette notion
d’arbre de vie un peu plus loin), je consacre cet avant propos à quelques
citations de l’auteur de la TDC. Qui mieux que lui peut en effet nous faire
comprendre les tenants et les aboutissants de sa nouvelle théorie et
justifier son intérêt pour la question religieuse, la TDC étant considérée
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avant tout par lui-même comme ayant un fort potentiel spirituel ? Je vais
donc commencer par citer ses paroles dans un texte publié sur le web et
intitulé : « La Théorie de la Double Causalité : germe d’une future
révolution spirituelle » :
« Dans l’exercice de son libre arbitre (qu’il soit illusoire ou authentique)
l’être humain révèle deux grands types de comportement distincts : le
rationnel et le spirituel. Les deux sont rarement conciliés chez le même
homme car l’alliance entre la raison et la foi, dans notre société moderne,
est rompue. Bien que le culte de la raison, d’inspiration mécaniste, puisse
s’harmoniser avec la foi religieuse ou spirituelle (ce qui serait la sagesse
même dans un monde où la science n’explique pas tout) ce n’est
généralement pas cette attitude équilibrée que l’on voit s’imposer, mais
plutôt des formes déviationnistes qui vont de la dérive mécaniste vers le
culte du pouvoir et de l’argent, à la dérive des croyances vers le
sectarisme, la dévotion excessive ou le renoncement. Les progrès de la
science et de la technologie en sont probablement responsables, ayant
rendu le paradigme mécaniste beaucoup trop dominant dans la société
actuelle. Cet article a pour but de dévoiler l’un des germes d’une possible
révolution spirituelle qui serait à même de restaurer l’équilibre entre raison
et foi vers la sagesse.
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darwinisme soient totalement battus en brèche de nos jours – inertie de la
pensée oblige.
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Le « lâcher prise » dont il est question ici est d’ordre « intérieur ». C’est un
retrait du mental permettant de favoriser l’action, voire de la purifier. Il ne s’agit en
aucun cas d’une attitude d’abandon, de laisser aller ou de démission face à
l’action, mais bien au contraire d’un état d’esprit devant favoriser l’action, la
rendre plus juste, en la débarrassant d’un mental instable ou trop calculateur.
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ridiculisée, qualifiée de naïve, de pensée magique ou d’insensée. Il s’agit
bien d’ailleurs pour les rationalistes de l’éliminer. Il va de soi qu’invoquer
un plan divin s’accommode mal de la raison dominante, qui puise ses
fondements dans une science classique imprégnée de déterminisme et de
causalité, les deux principes à la base du mécanisme.
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évènements observés à cette échelle, c'est-à-dire qu’aucune variable
cachée (issue du passé) ne permet d’en expliquer les résultats. Plus fort
encore, des améliorations plus récentes de cette expérience ont montré
que le passé de certaines particules ne se forme que lorsque le futur de
ces particules a été observé, comme si ce passé « attendait » un
événement issu de son futur pour se déterminer dans un sens ou dans
l’autre. Il s’agit là d’une véritable constatation du fait qu’une cause inverse,
c’est-à-dire issue du futur (l’effet précédant ici la cause), peut déterminer le
cours de certains évènements, sauf si (car il faut bien envisager une
alternative) on abandonnait le principe de réalité en physique pour une
science abstraite ne s’intéressant qu’à la prévision des observables, à
défaut d’une réalité indépendante de l’observateur. Interloqués par
l’étrangeté de l’évolution de la physique moderne, des mathématiciens
(ConWay & Kochen) ont publié en 2006 un article qui démontre que si l’on
admet deux de ses conclusions les plus indiscutables, et si l’on interdit à
un événement futur d’influer sur un événement passé pour préserver la
causalité – et avec elle le hasard –, alors on est obligé d’accepter le «
théorème du libre arbitre » qui énonce que si le libre arbitre existe pour
l’homme, alors il doit obligatoirement exister pour toutes les particules
élémentaires ! Démonstration d’autant plus imparable que mathématique,
et de quoi faire réfléchir les partisans du hasard – roi dans l’interprétation
de l’indéterminisme causal – car nous touchons là un point sensible de
l’être humain : son libre arbitre.
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porte est maintenant ouverte quant à la respectabilité de l’idée d’une
seconde causalité qui remonte le temps.
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autres, le mécanisme des synchronicités, ces coïncidences remarquables
qui représentent un défi à la science. En bref, l’explication donnée est que
l’omniprésence de notre futur a pour conséquence qu’il est possible de
remodeler celui-ci au moyen de notre libre arbitre et que ce
réarrangement, ainsi produit, agit comme une source de potentialités
accrues ayant pour effet d’augmenter les probabilités de tous les chemins
pouvant mener à la réalisation de nos choix/intentions, et ce, par
rétrocausalité. Il ne reste plus qu’à attendre de rencontrer l’événement
susceptible de nous faire bifurquer vers un tel chemin choisi. Si le seul
chemin possible est mû par un événement dû au « hasard », alors on ne
parle plus vraiment de hasard car les probabilités de ce hasard seront
accrues et la rencontre pourra se faire même si sa probabilité était
initialement infime, car cette dernière aura été amplifiée par l’intention
accompagnée des vertus qui en maintiennent les effets dans le futur :
l’attention, la foi et la confiance. A condition, toutefois, de demeurer
sincère (dans la prière ou toute autre méthode adressant l’être intérieur)
au sens du « Deviens ce que tu es » de Nietzsche !
Pour bien comprendre les liens que nous allons faire dans ce livre entre
la vie de Jésus et la double causalité, il manque cependant à ce texte un
certain nombre d’éléments parmi lesquels la description du cycle de
l’Amour et de l’Arbre de vie, métaphore essentielle de la théorie de la
double causalité, qui voit dans les différentes ramifications des branches
d’un arbre nos différents potentiels d’avenir omniprésents, réalisés ou non.
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La révolution spirituelle en germe dont il est question dans ce texte de
Philippe Guillemant peut-elle nous servir à lire autrement la révolution de
Jésus ? A mieux la comprendre et l’appréhender ? Si oui, ne pourrait-elle
pas justement prendre racine dans un nouvel éclairage de la vie de
Jésus ? Non plus la vie d’un véritable fils de Dieu incarné ou d’une sorte
de magicien divin venu orienter la vie des hommes vers le bien, mais bien
plutôt comme la vie d’un homme comme vous et moi (fils symbolique de
Dieu), ayant cependant acquis par son trajet spirituel exceptionnel une
compréhension tellement juste du sens de la vie de l’homme qu’il a décidé
d’en faire la démonstration parmi les siens, en paroles et en actes ?
Pour l’heure, notre voyage dans le temps n’a pas encore commencé ;
or, une révolution spirituelle réclame un regard neuf, débarrassé de tous
les conditionnements qui la freinent. Nous aurons donc à larguer les
amarres, à nous libérer en quelque sorte de ce qui nous retient captifs, de
ce qui nous empêche de prendre le large, plus symboliquement d’avancer
dans la vie et dans la quête d’une nouvelle spiritualité. Il nous faudra
trouver une approche simplifiée – mais de qualité -, des connaissances
requises pour évoquer la vie de Jésus, prendre distance aussi d’avec une
certaine modernité qui a fait du hasard et de la nécessité leur nouveau
dieu implacable. Rester lucide comme le fait Philippe Guillemant : « Voici
là où nous mène le DETERMINISME: une telle imprégnation de la pensée
que l'équilibre entre raison et foi ne peut être restaurée, la pensée
fonctionnant elle-même de façon trop mécaniste. La TDC fournit un moyen
de transcender ce problème qui nous fait sombrer sans fin dans
l'intellectualisme à travers une contestation systématiquement possible de
tous les raisonnements que l'on peut faire pour réhabiliter ou contester
Dieu et/ou la foi. »
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un nouvel éclairage sur les différents points qui font traditionnellement
l’objet de telles confusions. Nous nous concentrerons ensuite beaucoup
plus longuement sur une reconsidération de la vie de Jésus à la lumière
de cette nouvelle théorie. La démarche se veut accessible au plus grand
nombre de personnes, elle n’est en aucun cas un travail destiné aux seuls
spécialistes.
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Introduction
Quand l’Amour devient source de toute
création.
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intérieure » qui éclaire l’un des multiples futurs encore indéterministes des
évènements, celui qu’il choisit. Cela rejette ainsi toute conception simpliste
et fataliste du temps et de l’univers qui voudrait nous faire croire que notre
avenir serait soumis au hasard, sinon fixé d’avance, selon le dogme
déterministe des lois physiques.
Nous verrons que tel n’était pas le cas de Jésus, dont l’esprit
pleinement rayonnant d’amour et ainsi débarrassé de l’emprise causale du
conditionnement, a permis le développement de son arbre de vie
personnel au point de rendre possibles différentes manifestations
extraordinaires de la loi d’attraction. Mais rappelons tout d’abord les deux
postulats essentiels de la TDC permettant de déduire cette loi:
- d’une part, l’authenticité du libre arbitre de l’homme, par opposition à une
conception déterministe qui voudrait que tous nos actes soient
conditionnés d’avance par notre nature organique - par extrapolation
matérialiste - sujette aux lois physiques déterministes,
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fondatrice de la TDC étant la suivante : comment rester libres de nos actes
dans un univers où notre futur serait déjà réalisé ?
Mais que se passe t-il si l’être qui effectue ces choix se résume
entièrement à sa partie conditionnée, incarnée dans trois dimensions
exclusivement déterministes ? Conformément à la philosophie dominante
en sciences classiques, il ne se passe rien : il n’y a plus aucun choix
véritable. Le choix est effectué par notre mental, notre raison, nos
conditionnements, nos sensations, nos réflexes, selon une emprise
exclusivement biologique qui nous indique essentiellement de faire le
choix qui correspond à la préservation de nos intérêts ou de notre survie.
Mais étant déterminé, le choix cesse d’exister. Dans ce cas particulier,
mais probablement très général dans notre société, il n’y a donc plus
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d’arbre de vie. Ce dernier se résume à un simple tronc dénué de toutes
ramifications, un arbre mort qui symbolise la vie qu’un humanoïde dénué
de toute âme aurait eu à notre place s’il avait été doté de notre génétique
et des mêmes conditions environnementales que nous depuis sa
naissance.
Nous voyons là que notre raison elle-même est alors dénoncée comme
étant emprisonnée dans le piège cérébral déterministe et qu’il ne faut
même pas compter sur elle – ni même sur notre intelligence – pour
assurer le salut de notre âme. Comment dès lors sortir de ce piège ?
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élan pour faire circuler l’amour d’une phase à la suivante (désir -> intention
-> attention -> foi –> confiance…), et le détachement d’autre part, qui
représente l’accompagnement de cet élan par l’Esprit. Dans chaque élan
l’amour subit des transmutations et peut ainsi sembler disparaître, mais
c’est aussi parce qu’il faut laisser au temps le soin de faire son œuvre.
Cette apparence de disparition peut incliner le mental à reprendre le
dessus (anxiété, peur, soucis, calculs), c’est pourquoi la phase de
détachement la plus importante que doit gérer l’Esprit est celle du lâcher
prise, ce retrait mental intérieur purifiant et favorisant l’action.
Dans ce livre nous allons donc considérer l’œuvre de Jésus à la
lumière des aspects les plus métaphysiques de la TDC, ceux que nous
venons de décrire, et qui ne sont abordés par Philippe Guillemant qu’à la
fin de son livre, même s’il nous laisse rapidement en deviner l’essentiel.
Un mot tout de même sur l’aspect le plus physique de la TDC : elle
explique le mécanisme des coïncidences étranges, et nous verrons que
ces dernières ne sont pas rares dans la vie de Jésus.
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La confusion au sujet du sens de la vie
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déposer en Dieu, tout en le laissant librement nous donner réponses. Si
nous ne pouvons présager du sens ultime que pourrait avoir globalement
l’Univers, nous sommes au moins capteurs et acteurs de l’Amour qui
l’habite. Il en résulte néanmoins que la question du sens de notre vie,
ramenée à celle de notre auto-détermination et liée à la seconde causalité,
ne peut être résolue par l’usage unique de la raison ou par une référence
unilatérale au hasard. Il nous faut revoir ce que nous tenions pour acquis
en le positionnant autrement, car nous ne sommes plus les jouets d’un
déterminisme obscur et froid ou d’un hasard incompréhensible et
capricieux : nous sommes en interaction avec l’Univers, et cela change
TOUT.
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coïncidences signifiantes (la synchronicité). Nous savons désormais que
nous sommes capteurs et acteurs du divin, tous de manière unique. Nous
n’avons pas besoin de nous enquérir de mystères ou de nous lancer dans
des expériences farfelues comme celle racontée ci-après :
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dérouler ensuite les conséquences dans les trois directions du
questionnement. Pour connaître la totalité, la Vérité ultime, il faudrait que
nous puissions sortir de notre corps-esprit et sortir du monde. L’homme
oscille dès lors entre l’autoréférence et l’indécidable, avec la difficulté d’en
tirer pourtant un sens acceptable. Mais avec la TDC, nous pouvons sans
autre prendre le risque d’ouvrir la cage trinitaire dans la mesure où cette
approche nouvelle définit une seule réalité, l’Amour, qui devient la vérité
de notre Destinée, le Sens à donner à notre vie, et la Vérité de tous les
jours, celle plus particulièrement du cycle de l’Amour. Nous ne sommes
plus emprisonnés dans une pensée limitée et mécaniste, ni dépendants
d’un hasard indomptable !
Avec la TDC, nous pouvons aller plus loin : nous sommes certes des
équilibristes et des funambules, mais nous pouvons apprendre à lâcher
prise face à nos attentes pour mieux inscrire nos actions dans le présent
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tout en confiant à l’Univers ces attentes et besoins futurs, sans craindre ce
qui nous sera donné en retour puisque nous aurons toujours le libre-
arbitre, le choix d’endosser l’héritage céleste. De plus, en partageant cette
approche, les humains pourraient apprendre à vivre dans une réalité fictive
et unique avec toutefois le même référentiel : l’Amour. Nous aurions une
référence, une démarche et un but commun !
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Avec la TDC, cette tension corps-esprit n’a plus vraiment de raison
d’être ; le corps dans sa dynamique interne est relayé par la conscience
qui s’en remet à l’Esprit pour que l’Amour soit sa destinée, le sens de la
vie et la vérité. Nous verrons que Jésus a osé cette alliance corps-Esprit
jusqu’en sa mort en croix.
Vers un déconditionnement
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sens au monde et à ce qui nous entoure. La stimulation de l'hypothalamus
peut déclencher un état psychologique allant de la sensation légèrement
agréable à des sentiments d'extases. De même une activité intense et
soutenue de psalmodie ou de prière va stimuler le système de
tranquillisation qui, s'il est poussé à des niveaux intenses, va activer
directement des effets inhibiteurs de l'hippocampe avec pour résultat final
le brouillage de l'aire de l'orientation qui pour finir va estomper les
frontières du sentiment de soi.
Nous avons donc un cerveau religieux qui peut conduire à l’extase
mystique et un cerveau moral doué de capacités particulières.
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touchés par la souffrance et par la mort. Car la sélection n'est pas autre
chose qu'une diminution des chances de vivre et de survivre. La culpabilité
représente donc l'expérience active de la sélection, la sélection que nous
accomplissons nous-mêmes : l'homme lui-même décide entre les
possibilités d'augmenter et de diminuer les chances de vivre et de
survivre. Mais quelle que soit la façon dont il se décide, il vit toujours au
détriment des autres êtres vivants et des autres hommes. Il se rend
coupable, il se trompe, il fait naufrage. Il veut soutenir la vie, mais il est
souvent en échec et sème même au contraire la mort et la désolation.
Nous verrons que Jésus n’a eu de cesse de vouloir nous faire sortir de nos
conditionnements multiples pour nous amener du côté où il ferait bon vivre
et qu’il nous invite très concrètement à utiliser Dieu pour avancer vers
cette évolution spirituelle indispensable.
La TDC œuvre pour la même cause, en témoigne les derniers mots du
livre « La Route du Temps » : « Voilà le secret de la magie du temps :
l’amour qui peut être créé et auto-amplifié par chaque être humain, faisant
de lui une parcelle de Dieu. Est-ce que le pouvoir de la seconde causalité
ne pourrait pas se reconnaître à cet Amour, à notre sensibilité à sa magie,
dévoilée par la lumière intérieure qui émane de chacun d’entre nous,
rayonnant à la mesure de notre degré d’élévation spirituelle ».
Si l'humain est appelé à jeter une étincelle de sens dans l’univers, il
devra le faire en laissant Dieu faire pleuvoir de l’Amour sur nos arbres de
vie.
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de Dieu d’une façon qui fort heureusement, selon Philippe Guillemant,
s’avère très provocante et maladroite, et ouvre après examen toute grande
la porte à une argumentation inverse, au point que ce dernier se
demande : « Stephen Hawking serait-il un agent secret de Dieu ? »
Ceci n’a évidemment pas échappé à Philippe Guillemant qui a écrit sur
son site internet :
« La Théorie de la Double Causalité (TDC) vient de recevoir un soutien
très inattendu de la part d'un physicien de renom - Stephen Hawking - qui
dans son dernier livre "The Great Design" traduit en français sous le titre
"Y a-t-il un grand architecte dans l'univers?" reprend tous ses
arguments de base, y compris celui qui pouvait sembler le plus stupéfiant:
le concept de déterminisme inversé, qui s'avère tout à fait équivalent à la
Cosmologie Descendante - ou Cosmologie Top-Down - avancée par
Stephen Hawking, puisqu'il écrit page 171:
« En cosmologie, il faut renoncer à voir l'histoire de l'univers selon une
approche ascendante supposant une histoire unique avec un point de
départ et une évolution, mais au contraire adopter une approche
descendante en remontant le cours des histoires possibles à partir du
présent.... Voilà qui nous conduit à une conception radicalement différente
de la cosmologie et de la relation de cause à effet car les histoires qui
contribuent à la somme de Feynman n'ont pas d'existence indépendante:
elles dépendent de ce que l'on mesure. Ainsi, nous créons l'histoire par
notre observation plutôt que l'histoire nous crée ».
Stephen Hawking ne se contente donc pas de parler d'une création de
l'histoire par notre observation, il reconnaît que cela entraîne la
nécessité de revoir notre conception de la relation de cause à effet,
s'agissant de remonter le temps en faisant dépendre les causes de leurs
effets, ce qui n'est pas autre chose qu'un déterminisme inversé.
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Mais ce n'est pas tout ! Non seulement Stephen Hawking met en avant
cette idée fondatrice de la TDC, mais pour alimenter sa propre théorie il
avance presque toutes les autres interprétations des résultats de la
recherche sur lesquelles la TDC est fondée :
1. nous créons la réalité par notre observation,
2. cette création est plus exactement une sélection parmi toutes les
réalités possibles,
3. toutes les réalités possibles sont créées automatiquement par
l'univers,
4. l'histoire vécue se crée du présent vers le passé, et non du passé
vers le présent,
5. la théorie du multivers (des univers parallèles) est la meilleure
interprétation de la Mécanique Quantique,
6. la théorie des cordes M est la meilleure théorie de grande
unification.
Malgré ces 6 points de convergence, Stephen Hawking aboutit à des
conclusions opposées à la Théorie de la Double Causalité authentique
(celle qui explique les synchronicités) car il postule un véritable dogme en
sciences: LE DETERMINISME qui, contrairement à ce que l'on pense,
n'est pas scientifique, mais seulement indispensable à la science actuelle
(à cause des équations déterministes sur lesquelles elle est fondée). C'est
la raison pour laquelle Monsieur Hawking est contraint de nier l'existence
du libre arbitre ainsi que l'existence de Dieu. Il importe cependant de
remarquer qu'il exclut déjà toute intervention divine dès le début de son
livre :
« C'est à Laplace que l'on attribue le plus souvent la première
formulation claire du déterminisme scientifique : si l'on connaît l'état de
l'univers à un instant donné, alors son futur et son passé sont entièrement
déterminés par les lois physiques. Cela exclut toute possibilité de miracle
ou d'intervention divine. Le déterminisme scientifique ainsi formulé par
Laplace est la réponse du savant moderne à la question 2 (Les lois de la
nature admettent-elles des exceptions, autrement dit des miracles ?).
C'est, en fait, le fondement de toute la science moderne et l'un des
principes essentiels qui sous-tendent cet ouvrage ».
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En prétendant donc répondre à la question "Y-a t-il un grand architecte
dans l'univers ?" à la fin de son livre, la démonstration de Stephen
Hawking se présente comme un véritable sophisme - voire une imposture
intellectuelle - puisque ses conclusions (nul besoin de Dieu) sont déjà
contenues dans ses hypothèses (le déterminisme qui exclut toute
intervention divine).
Par ailleurs, sa théorie présente un défaut majeur: elle ne dit aucun mot
sur la question fondamentale de savoir quels sont les observateurs-
acteurs de l'univers qui créent la réalité (hommes ? animaux ? plantes ?
cailloux ? machines ? ...). Or il est facile de comprendre pourquoi Stephen
Hawking esquive cette question: lui apporter une réponse reviendrait à
faire la différence entre les objets de l'univers qui ont le statut
d'observateur-acteur et ceux qui ne l'ont pas, et ce serait aussi
inconcevable pour lui que de faire la différence entre les objets de l'univers
qui ont un libre arbitre et les autres. Inconcevable, car cela briserait son
dogme déterministe qui oblige à considérer tous les êtres humains comme
des machines biologiques.
En vérité je vous le dis, ce statut d'observateur-acteur de l'univers enfin
reconnu par la science s'accompagnera bel et bien de la propriété de libre
arbitre - sans laquelle il ne pourrait y avoir d'observateur agissant par
réduction de la superposition d'états ».
Retenons de ce texte le point essentiel qui, à travers l’autorité de
Stephen Hawking, semble aujourd’hui reconnu par la science actuelle :
nous sommes les observateurs-acteurs (acteurs en tant que
constructeurs) de l’univers dans la mesure où nous créons l’histoire par
notre observation. Si l’on ajoute à cela le principal postulat de Philippe
Guillemant, à savoir notre libre arbitre, nous pouvons commencer à
percevoir pourquoi ce dernier en déduit que nous sommes à la fois les
capteurs et les acteurs de Dieu lui-même.
Face aux résultats de la physique moderne, la science ne parvient encore
à s’opposer à l’idée de Dieu qu’en invoquant, pour sauver le déterminisme,
la suprématie du hasard sur le libre arbitre. Elle est pourtant incapable de
nous nous expliquer ce qui fait surgir ce hasard ou de nous dire d’où il
vient. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Einstein ne supportait pas
cette idée en proclamant : « Je refuse de croire que Dieu joue aux dés »,
sous-entendant ainsi que derrière un tel hasard se cache en réalité le
retour en force de Dieu.
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Que faire de ce constat ?
Face à une science cernée par les conséquences de ces deux points
de vue extrêmes, celui du hasard et celui du libre arbitre, en l’occurrence
par un possible retour en force de l’idée d’un Dieu créateur, nous avons à
revendiquer fermement le droit de nous situer sur les grandes questions
de la vie dans un langage qui refuse l’exagération manifeste du
déterminisme et du hasard sans pour autant être taxés de doux rêveurs !
La TDC y répond de manière fondée et rejoint aussi d’autres intuitions
fondatrices plus anciennes et diverses que nous ne pourront aborder ici,
mais que nous soumettrons à l’analyse pour en vérifier l’existence, dans
les Evangiles surtout. Nous utiliserons également les intuitions de
Françoise Dolto3, psychanalyste française bien connue, qui a su, dans ses
entretiens avec Gérard Séverin, parler de Jésus avec beaucoup de clarté
et de pertinence.
Notre démarche reste essentiellement herméneutique, dans
l’interprétation des textes d’évangiles et pédagogique dans l’illustration
d’une sortie possible du déterminisme moderne qui place le croyant en
situation d’hétéronomie, car il doit toujours présupposer un Dieu Tout-
Autre accessible surtout par la foi et la subjectivité. Avec la TDC, il devient
possible et plausible de réconcilier la foi et la raison sans tomber dans
l’émotionnel exalté ni faire usage d’une pensée magique dans laquelle tout
est intellectuellement permis.
Nous pouvons maintenant commencer le voyage dans les sources et
témoignages dont nous disposons pour tenter de reconstituer l’Arbre de
vie de Jésus de Nazareth. Y retrouverons-nous de quoi alimenter
l’existence de ces rétrocausalités ? De cet Esprit ouvert à l’Inconditionné
ou de cet amour-volonté exceptionnel ?
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aussi subtile soit-elle peut selon moi changer cela ». Pourrons-nous
relever le défi et démontrer le caractère infondé de ce diagnostic
einsteinien notamment grâce à la TDC ?
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Chapitre I
Autour de l’Arbre de vie de Jésus
« Autrement dit, nous ne pouvons approcher, cerner la réalité
directement. Nous ne pouvons la rejoindre que par la médiation,
l’entreprise de l’imaginaire » Françoise Dolto.
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La ville de Nazareth, surnommée le « jardin de la Galilée », est un peu
comme son nom arabe l’indique, une sorte de “gardienne” ("Nasar", "En
Nasirah" en arabe) de la région. Entourée d’autres collines, elle se trouve
au cœur d’un pays verdoyant. Sur sa bordure ouest, le petit bourg est
délimité par un oued aujourd’hui asséché. Le nom de Nazareth apparaît
pour la première fois sur une plaque datée du IVe ou du IIIe siècle avant
Jésus-Christ, retrouvée parmi des fragments près de Césarée Maritime
(ville bâtie au Nord d'Israël par le roi juif Hérode le grand). La population
de l’époque ne devait guère dépasser 150 habitants ; parmi eux Marie,
Joseph, la parenté de Jésus. Les gens vivaient de la culture (vigne,
oliviers, orge, blé, légumes) et de l’artisanat. Du temps de Jésus, il
semble, d’après les découvertes de l’archéologie, que les habitations des
villes palestiniennes et en particulier à Nazareth étaient construites en
prolongement de grottes naturelles.
Il faut savoir aussi qu'en araméen le terme "nazor" ou "nazir", veut dire
"prince" ou "couronne" ou "tonsure" et que les nazoréens étaient soient
des gens de grande lignée, soit des consacrés à Dieu (tonsurés et qui ne
gardaient qu'une "couronne" de cheveux). Or à Nazareth vivaient les
descendants de la branche du Nord, de l'illustre famille du roi David (dont
Joseph et Marie). On sait aussi que cette lignée davidique du Nord, qui
avait régné sur Israël dans les siècles passés, avait été mise en échec à
l'époque des Maccabées car on n'avait alors plus choisi les dirigeants de
la nation hébraïque dans cette famille royale. Et le lieu où s'étaient
modestement retirés les héritiers de cette famille princière évincée fut
nommé... Nazareth.
L’Arbre de vie de Jésus planté à Nazareth l’a été sur une terre
particulière, dans une région particulière elle aussi, en une époque qui le
sera tout autant
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La situation socio-économique
Gerd Theissen dans son article intitulé Jésus et la crise sociale de son
temps4 met en évidence notamment la difficulté d’intégration du peuple juif
dans l’Empire romain qui va s’étendre sur presque 200 ans sans aboutir
vraiment. Tout commence avec l’apparition de Pompée en Palestine et la
conquête de Jérusalem en 63 av.J.-C. S’en est suivi des périodes
relativement calmes et d’autres marquées par des crises aiguës et des
guerres. En 4 av. J.-C. la « guerre des brigands » se traduit en Galilée en
insurrections après la mort du roi Hérode par deux prétendants au trône,
Athrongès et Simon, ou encore par Judas fils d’Ezéchias. Dix ans plus
tard, le fils d’Hérode, Archélaüs, est démis de ses fonctions royales dans
les régions de Samarie et de Judée qui tombent sous l’administration
romaine avec pour conséquence un changement radical : les impôts sont
désormais à payer directement aux Romains. Cela va susciter un nouveau
mouvement d’opposition, mené par Judas le Galiléen et le pharisien
Sadduk qui défendait une idée théocratique radicale voulant que toutes les
productions du pays appartiennent à Yahvé. Il estimait que le paiement
des impôts aux Romains violait le 1er commandement de la loi mosaïque.
Chacune de ces révoltes fut durement réprimée par les Romains. Mais
en dehors de ces deux événements dramatiques, il faut bien constater en
Galilée une certaine stabilité. Hérode Antipas va régner sans interruption
de 4 av. J.-C à 39 ap. J.-C. Il reconstruit au début de son règne la ville de
Sephoris qui avait été complètement détruite et, en l’an 19, il va construire
une ville entièrement nouvelle Tibériade, bâtie d’ailleurs sur un cimetière,
ce qui était jugé impur par la tradition juive. Il voulut même la dédier à
l’empereur. Il fit un palais qui contenait des images en violation avec les
Dix commandements et s’arrangea pour épouser la femme de son frère !
Cela déclenchera l’opposition de Jean-Baptiste, nous y reviendrons.
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La question de la tradition religieuse va se poser aussi pour
l’aristocratie. L’élite juive ne peut que difficilement être intégrée à la
structure de l’Empire romain qui tentait de l’associer à la gouvernance des
cités. Impossible avec ces petits royaumes épars. Pas question non plus
de le faire au travers de l’armée : aucun juif ne pouvait accepter le
paganisme qui y régnait. Ces élites ne pouvaient que tenter de s’assimiler
au monde gréco-romain ou se replier sur les valeurs traditionnelles plus
proches du peuple. Ce n’est pas l’aristocratie qui a joué pendant cette
période un rôle prédominant. Ce sont en réalité les scribes, les gardiens
de la Loi et de la tradition, qui vont servir d’intermédiaire entre le peuple et
l’aristocratie dans cette crise du judaïsme liée à son intégration à l’Empire
romain. Une crise qui fut latente et permanente avec des sursauts de
violence ponctuelle, mais qui se traduisit surtout par l’attente
eschatologique, l’espoir du moment où Dieu viendrait établir son Règne en
chassant bien sûr l’occupant du pays. Par ce rêve et cette attente du
Grand Israël incluant la Terre promise, son Roi, son Dieu, son Temple.
36
Par surcroît, un motif suprême mettait les Hébreux inébranlablement en
garde en face de l'occupant romain: celui-ci était un idolâtre qui avait le
génie de romaniser les divinités étrangères en vertu de l'interpretatio
romana. Rome, habituellement libérale envers tous les dieux, avait imposé
aux Hébreux comme une preuve de civisme l'obligation du culte impérial,
même réduit au devoir d'offrir des sacrifices pour l'empereur. A la suite
d'un long combat, les Hébreux avaient acquis une dispense de tout acte
cultuel dans les temples païens, mais celle-ci ne concernait que les dieux
morts et non les dieux vivants qu'étaient les monarques divinisés.
L'horreur du culte impérial, même réduit à des sacrifices offerts non pas à
l'empereur mais pour lui, était telle que les monnaies frappées à l'effigie de
l'empereur n'avaient pas cours au sanctuaire de Jérusalem »5.
37
prenaient leur repas qu'avec ceux qui suivaient la loi telle qu'ils la
concevaient. Ils se séparaient ainsi de l'homme du commun mais en
continuant d'habiter les villes et les bourgs, ils gardaient la possibilité
d'entraîner les autres par leur exemple.
Les pharisiens lisaient l'Ecriture avec la tradition orale, c'est-à-dire soit
avec des anciennes traditions qu'ils rattachaient à Moïse soit avec des
méthodes particulières d'exégèse et d'enseignement.
38
l’important n’est pas tant ce qui nous arrive, mais ce que nous faisons de
ce qui nous arrive…
39
40
Chapitre II
Naissance et enfance de Jésus
« Nous devons retrouver la source de nous-même, c’est-à-dire
devenir et notre propre père et notre propre mère et donc notre
propre enfant. Ainsi, après avoir fatalement passé par le style
de tel ou tel parent, aîné ou maître, nous avons à nous
inventer » Françoise Dolto.
Naissance de Jésus
41
proclamation messianique rédigé bien après la mort de son héros. Un récit
imagé destiné à contourner la censure romaine. En voici les principaux
motifs :
- Jésus naît à Bethléem pour souligner son ascendance royale avec
le roi David.
- La mention du recensement ordonné par César Auguste alors
que Quirinius était gouverneur de Syrie ne colle pas avec les faits
historiques. Cette mention est faite pour annoncer un plus grand
pouvoir que celui de César. Et substituer à la Pax Romana la Pax
Christi.
- L’enfant naît dans une mangeoire loin de toute famille, de tout
clan, loin des fastes de la cour et du pouvoir. Il est l’inattendu.
- L’annonce des anges aux bergers souligne que le sauveur sera
du côté des petits et des laissés-pour-compte.
- La visite des mages anticipe le rejet d’Israël de son messie. Ce
sont des étrangers à la réputation douteuse qui vont le
reconnaître. Les offrandes soulignent la royauté céleste de
l’enfant : l’or pour la puissance, l’encens utilisé au Temple pour la
prêtrise et la myrrhe pour sa mort.
- Le roi Hérode est présenté dans sa fourberie comme le pharaon
d’Egypte qui voulait s’opposer à la libération du peuple hébreu.
- Jésus est présenté comme le nouveau Moïse qui doit fuir en
Egypte, un autre clin d’œil…
- Il sera Emmanuel (Dieu avec nous), Fils du Très Haut. Le
Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il règnera
pour toujours sur la famille de Jacob et son règne n’aura pas de
fin (Lc1.33). A la fois Grand Roi et Grand Prêtre ! Et son nom veut
dire « Dieu sauve ».
- Sa naissance virginale en fait l’égal des grands philosophes et des
empereurs.
- Il sera dans l’évangile de Jean la vraie lumière du monde, le verbe
fait chair.
- Ainsi formulé, le message pouvait passer la censure romaine.
Mais cela reste du catéchisme…
Sans entrer dans tous les détails du texte, et tout en suivant la TDC
que peut-on mettre en évidence ? Qu’une attente fervente peut à
l’évidence engendrer une intention adressée au futur. Marie tombe
enceinte avant d’être mariée à Joseph, un notable descendant du roi
David. La situation est périlleuse pour elle, puisque son futur époux a le
42
droit de la répudier, elle aurait même pu être dans ce cas lapidée pour
adultère. Nous sommes en présence d’une bifurcation entre deux
possibilités d’évolution : le mariage ou la répudiation. L’un comme l’autre
des fiancés va devoir choisir. Peu de commentateurs mettent en évidence
le caractère dramatique de cette grossesse pour Marie qui semble
pourtant rester sereine comme si tout irait bien ou au contraire comme si
elle était déjà résignée. Dans l’évangile de Matthieu, c’est l’Ange du
Seigneur qui vient dire à Joseph de l’épouser et d’appeler l’enfant Jésus,
« car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés (Mt 1,21). » Dans
l’évangile de Luc, la mise en scène est plus élaborée : l’ange Gabriel- dont
le nom signifie Dieu est fort, un ange qui fut envoyé notamment au
prophète Daniel (Da 8.16-27) - la salue d’un « sois joyeuse toi qui as la
faveur de Dieu (Lc1,28). » S’en suit toute la description de la grandeur de
l’enfant à naître, la promesse du don de l’Esprit, et la preuve que rien n’est
impossible à Dieu puisque Elisabeth, sa parente stérile, est enceinte de 6
mois d’un fils dans sa vieillesse. Marie répond par un élan de foi et
d’amour : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi
comme tu l’as dit (Lc1,38) ».
43
sans doute que ses biographes reconnaîtront en lui un descendant de la
dynastie de David, ayant de ce fait vocation royale, messianique (p.31) ».
Nous ne savons rien de la vie de Jésus jusqu’à ce que son cousin entre
en scène.
Jean naquit probablement en l’an 5 av. J.-C. Il passa sa jeunesse dans la
région désertique non loin de son sol natal, à l’Ouest de la mer Morte. En
l’an 26, il se mit à prêcher dans le désert, aux alentours du Jourdain. On
pense que Jean exerça son ministère pendant une année sabbatique.
Qu’a donc fait Jésus entre sa naissance en -6 et l’activité du Baptiste en
l’an 26 ? Nous savons une seule chose : il ne s’est pas marié. Du moins
rien ne l’indique dans les évangiles. Ce choix de Jésus est une bifurcation
importante dans son Arbre de vie. Comme le dit André Chouraqui7 : « la
Bible n’a pas de mot pour désigner le célibataire : le destin normal d’un
être vivant s’accomplit dans l’institution du mariage. Jérémie peut recevoir
l’ordre de ne pas prendre de femme et de ne pas avoir d’enfants pour
44
mieux se consacrer à sa mission prophétique (La parole du SEIGNEUR
me parvint : Tu ne prendras pas de femme, tu n’auras en ce lieu ni fils ni
filles Jer.16, 1-2). Son cas est évidemment particulier. (…)L’Hébreu se
marie généralement à dix-huit ans, il a normalement ses premiers enfants
à vingt ans, il devient grand-père à trente-six ans et arrière-grand-père à
cinquante-six ans ».
45
46
Chapitre III
Jésus et Jean-Baptiste
« Rayonner sans être appauvri, c’est le don juste dont sont
capables seulement les êtres qui ont le cœur libre et ouvert »
Françoise Dolto.
Le prophète Jean-Baptiste
47
tous les Israélites sont menacés par l'impureté, ils doivent tous se
convertir et se faire baptiser!
Le Baptiste lie sa prédication du baptême à une critique ouverte des
souverains hérodiens et à une critique indirecte du Temple de Jérusalem.
La critique ouverte qu'il adresse aux souverains hérodiens touche la
politique conjugale d'Hérode Antipas. Le Baptiste critique la transgression
des commandements juifs. Il n'est pas le seul à le faire: Josèphe
également désapprouvait les circonstances du mariage avec Hérodiade. Il
reprochait à Hérodiade d'avoir elle-même pris l'initiative de divorcer (et
cela, comme Josèphe le présume, dans l'intention délibérée d'ébranler les
lois reçues des pères; cf. AJ 18,136). La critique du Baptiste vise
uniquement le mariage d'Hérode Antipas avec la femme de son frère
(Josèphe s'en prend évidemment aussi à cela).
Le Baptiste critique indirectement le Temple de Jérusalem, c'est-à-dire
l'aristocratie juive qui administre le Temple. La proclamation du pardon
des péchés par un baptême marque une défiance à l'égard du Temple,
puisque le Temple offrait des sacrifices et des possibilités d'expiation,
aussi bien pour les péchés du peuple entier que pour les péchés de
chacun. Des rites de purification s'y déroulaient. Proclamer avec une
emphase prophétique que seul le baptême pourrait rétablir la pureté
d'Israël, que seul le baptême procurerait le pardon des péchés qui sauvait
au jugement dernier, c'est montrer que l'on considère les rites du Temple
comme inefficaces»8.
48
Jésus, qui baptisera dans l’Esprit Saint et le feu, car c’est Dieu lui-même
qui va purifier et épurer son peuple.
Jésus va donc se laisser baptiser par son cousin qui d’abord refuse
d’accomplir le baptême. Jésus lui réplique alors : « Laisse faire
maintenant : c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice (Mt
3,15) ». La fidélité nouvelle et radicale à la volonté de Dieu exige qu’il se
soumette à ce geste du baptême.
L’intuition de Jean toutefois comme sa ferveur le porte à imaginer ce
retour inconditionnel au Dieu de l’Alliance comme une condition sine qua
non, pour trouver grâce au Jugement dernier. Il vénère un dieu de la
colère, un dieu implacable qui a déjà mis la hache contre la racine de
l’arbre (Mt 3.10).
Là encore, la TDC nous est utile quand elle annonce un Dieu d’Amour
unique et constant même dans l’univers. Il est parfaitement vain de vouloir
faire du bien ou de vouloir bien se comporter par peur de représailles
divines ! Nous avons le moyen d’échapper à la colère divine simplement
parce qu’elle n’existe pas ! C’est ce qui va être révélé dans la vie et
l’œuvre de Jésus y compris dans sa mort en croix et sa résurrection.
Quiconque croit au dieu de la colère, de la punition, au dieu des armées,
se coupe irrémédiablement de la source de l’Amour, et l’univers ne peut
que difficilement lui être favorable.
Le baptême de Jésus
49
Et une voix survint des cieux : "Tu es mon Fils bien–aimé ; c’est en toi que
j’ai pris plaisir. " ». L’Eglise primitive atteste de ce baptême et de ce qui y
est signifié pour Jésus : rien de moins qu’une révélation. Les cieux se
déchirent, l’humain et le divin sont mis en présence, l’Esprit descend vers
Jésus sous la forme d’une colombe et une voix déclare sa filialité divine. Il
ne s’agit pas ici d’une émotion religieuse de Jésus ni d’une vision
accordée à la foule ou aux assistants. Il s’agit d’une vocation, du moment
où Jésus reçoit une vision qui va engager son futur. Le fils bien-aimé fait
penser au Messie royal ; « c’est en toi que j’ai pris plaisir » fait penser au
Serviteur souffrant de Yahvé décrit en Esaïe 42 : 1-3 « Voici mon
serviteur, que je soutiens, celui que j’ai choisi et que j’agrée. J’ai mis sur
lui mon souffle ; il imposera l’équité aux nations. Il ne criera pas, il
n’élèvera pas la voix, il ne se fera pas entendre dans les rues. Il ne brisera
pas le roseau qui ploie, il n’éteindra pas la mèche qui vacille ; il imposera
loyalement l’équité ». Notons au passage si besoin était que c’est là que
Jésus devient fils de Dieu et non à la naissance ni par le miracle de la
virginité !
50
liens héréditaires par l’appel de la voix incomparable – l’Esprit -, un
individu appelé à une alliance nouvelle qui bannit l’ego, la peur et la
violence.
9 Nous reprenons à notre compte mais un peu différemment cette idée développée par
Maurice Bellet.
51
52
Chapitre IV
L’activité de Jésus débute par le désert
« Au-delà de l’Avoir, du Savoir, du Pouvoir dont les moyens
d’user et de mésuser sont enseignés par la génération adulte,
existe le désir d’Être » Françoise Dolto.
53
Mais ils souligneront les points de rupture dans la fulgurance de ses
intuitions et comportements prophétiques. Ils nous rendront attentifs enfin
au retournement de Pâques, non pas tant dans la prise en compte du
tombeau vide, mais plutôt dans la prise au sérieux des récits d’apparitions
du Crucifié-Ressuscité.
Ce chemin ouvert ne devrait toutefois pas nous faire oublier que l’autorité
de Jésus nous rencontre dans sa capacité neuve à éclairer la vie humaine
en renouvelant notre compréhension de nous-mêmes, tout en gardant en
mémoire la particularité de cet éclairage novateur qui faisait dire à ses
auditeurs que Jésus parlait avec autorité mais non pas comme les scribes.
Matthieu 4, 1-11 :« Alors Jésus fut emmené par l’Esprit au désert, pour
être mis à l’épreuve par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et
quarante nuits, il eut faim. Le tentateur vint lui dire : Si tu es Fils de Dieu,
ordonne que ces pierres deviennent des pains.
Il répondit : « Il est écrit : L’être humain ne vivra pas de pain seulement,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».
Le diable l’emmena dans la ville sainte, le plaça sur le haut du temple
et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette–toi en bas, car il est écrit : « Il donnera
à ses anges des ordres à ton sujet, et ils te porteront sur leurs mains, de
peur que ton pied ne heurte une pierre ».
Jésus lui dit : « Il est aussi écrit : Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton
Dieu. »
Le diable l’emmena encore sur une montagne très haute, lui montra
tous les royaumes du monde et leur gloire, et lui dit : « Je te donnerai tout
cela si tu tombes à mes pieds pour te prosterner devant moi ».
Jésus lui dit : « Va–t’en, Satan ! Car il est écrit : C’est devant le
Seigneur, ton Dieu, que tu te prosterneras, et c’est à lui seul que tu
rendras un culte. » Alors le diable le laissa, et des anges vinrent le
servir ».
54
Jésus est poussé par l’Esprit dans le désert nous dit le texte, en un lieu
sans doute planté de palmiers et arrosé de sources, où l’on pouvait vivre
dans une solitude relative. Notons que l’intention est d’abord de jeûner,
non pas dans un but ascétique, mais au contraire dans celui de connaître
ce que Dieu allait lui révéler. Jésus ne se préparait pas à affronter le diable
et le fait qu’il eut faim ne signifie pas un état de faiblesse qui le rendrait
vulnérable. Il se met simplement en écoute, en attente, en veille comme
un Fils obéissant. Le premier assaut du tentateur n’entend pas contester
son statut de Fils de Dieu. Il l’utilise, le présuppose pour détourner Jésus
de son rôle en l’invitant à utiliser ses pouvoirs pour se nourrir et pourvoir
ainsi à sa propre existence sans l’aide directe de Dieu. Jésus va répondre
en citant les Ecritures juives (Dt 8,3). L’homme tout entier ne saurait se
satisfaire de pain seulement.
55
Le regard perdu dans l’horizon, je ne puis m’empêcher de penser à
tous ces rites initiatiques qui ont parcouru toutes les civilisations depuis la
nuit des temps. Je suis impressionné par ce qui se dit dans le récit de la
tentation. J’y vois comme un nouveau printemps, l’annonce d’une
évolution possible de l’humanité hors des passions féroces et furieuses qui
l’habitent. J’y vois une convergence avec notre boussole quand la TDC
nous parle de cet amour qui, en tant que source pure, pour nous habiter
doit séparer notre libre-arbitre illusoire conditionné par notre mental, du
libre-arbitre authentique qui lui demande une purification de nos intentions
et sentiments.
Jésus va oser cette purification de ses intentions comme ses sentiments
en séparant le libre arbitre authentique du libre arbitre illusoire représenté
par Satan. Il n’aura de cesse d’accomplir cette séparation dans tous les
secteurs de la vie de son temps, et nous invite bien sûr à faire de
même…Une histoire le dit en d’autres mots :
Un sculpteur sur bois nommé Khing tailla un jour un support pour une
cloche dans un bois précieux. Devant l’œuvre terminée, tous ceux qui la
voyaient pensaient que c’était l’œuvre de l’Esprit, car aucun humain ne
pouvait réussir quelque chose d’aussi beau.
Le prince de Lu demanda au sculpteur : "As-tu un secret ?" Khing lui
répondit : "Je suis un artisan et je n’ai aucun secret. Cela se passe
simplement ainsi : quand je commence à penser à une œuvre, au travail
que tu m’as confié, je fais le vide en mon esprit, je ne pense plus aux
petites choses de la vie. Je jeûne pour que mon être soit totalement en
paix. Au bout de trois jours de jeûne intensif, je ne pense plus ni au salaire
ni au succès. Après cinq jours, je ne pense plus ni à la louange ni au
blâme. Après sept jours, je ne sens plus du tout mon corps. Je ne sais
plus rien de ce qui ce passe à la cour de votre grandeur. Tout ce qui peut
me distraire du travail s’est évaporé. Je suis concentré sur un seul point :
le support pour la cloche. Alors je me rends dans la foret, et je regarde
comment les arbres ont poussé. Quand j’aperçois le tronc unique, celui
qu’il me faut, le support de la cloche est déjà en lui, l’œuvre émerge
clairement et distinctement. Je me mets au travail, et la forme du support
de la cloche s’affine d’elle-même. Si je n’avais pas trouvé le bon arbre,
l’œuvre n’aurait pas pu s’accomplir. Que se passe-t-il exactement ? Ma
pensée unique rencontre la figure cachée dans le bois. De cette rencontre
naît une œuvre que l’on peut imputer au génie ».
56
Chapitre V
Entrer dans la logique du Don
« Notre prochain, c’est tous ceux qui, à l’occasion du destin, se
sont trouvés là quand nous avions besoin d’aide, et nous l’ont
donnée, sans que nous l’ayons demandée, et qui nous ont
secourus sans même en garder le souvenir. Ils nous ont donné
de leur plus-value de vitalité. Ils nous ont pris en charge un
temps, en un lieu où leur destin croisait notre chemin » Françoise
Dolto.
Un changement radical
57
à l’un et on méprisera l’autre. Vous ne pouvez être esclaves de Dieu et de
Mamon.
C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas, pour votre vie, de ce
que vous mangerez ou de ce que vous boirez, ni, pour votre corps, de ce
dont vous serez vêtus. La vie n’est–elle pas plus que la nourriture, et le
corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment
pas, ils ne moissonnent pas, ils ne recueillent rien dans des granges, et
votre Père céleste les nourrit. Ne valez–vous pas beaucoup plus qu’eux ?
Qui de vous peut, par ses inquiétudes, rallonger tant soit peu la durée de
sa vie ? Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Observez
comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent
pas ; et pourtant je vous dis que pas même Salomon, dans toute sa gloire,
n’a été vêtu comme l’un d’eux. Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs qui
est là aujourd’hui et demain sera jetée au four, ne le fera–t–il pas à bien
plus forte raison pour vous, gens de peu de foi ?
Ne vous inquiétez donc pas, en disant : « Qu’allons–nous manger ? » Ou
bien : « Qu’allons–nous boire ? » Ou bien : « De quoi allons–nous nous
vêtir ? »– tout cela, c’est ce que les gens de toutes les nations recherchent
sans relâche –– car votre Père céleste sait que vous en avez besoin.
Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera
donné par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le
lendemain s’inquiétera de lui–même. A chaque jour suffit sa peine ».
58
Les verbes utilisés par Jésus sont très forts : aimer/détester,
s’attacher/mépriser. Tous disent cette quête induite et son contraire ; tous
disent l’impossible conciliation entre les deux maîtres et la nécessité de
faire un choix. En lequel des deux vais-je mettre ma confiance, mon
affection, ma fidélité ? De qui puis-je choisir d’être l’esclave ? Que peut
m’apporter chaque maître ? Dieu comme personnification de la création et
de la vie, Mamon comme personnification de la richesse et du pouvoir ?
Cette alternative nous renvoie à celle décrite par la TDC à travers la
première et la seconde causalité.
« Le mode de fonctionnement causal est en quelque sorte le lavage de
cerveau de vos sociétés modernes. On ne peut s'y adapter qu'avec un tel
mode, car l'on risquerait d'être rejeté si l'on commençait à imposer le
mode complémentaire. Le mode causal consiste à agir dans ta vie de
façon raisonnable, tout simplement. Il s'agit de systématiquement prévoir,
analyser, calculer, respecter des étapes précises, pour atteindre un
quelconque objectif. Connaître d'avance tout ce dont tu as besoin,
préparer ton itinéraire, faire un plan, apprendre à t'exprimer, lire le manuel
d'utilisation, etc. Tout, absolument tout ce que tu fais dans la vie lorsque tu
travailles ou que tu fais des projets s'inscrit dans le cadre de la causalité,
ne serait-ce que pour pouvoir obtenir l'aide d'autrui. Il est en fait impossible
de sortir de ce mode de fonctionnement, autrement que de façon très
parcellaire »10.
C’est le mode conditionné de la maîtrise dont nous sommes esclaves
et servants. Notre manière naturelle de nous connaître, celle que nous
utilisons pour assurer notre vie et qui pourtant nous teint en captivité. Mais
il en existe une autre qui elle s’en remet au futur, à l’univers, à Dieu. Jésus
l’exprime dans les versets 25 à 32. Dans cette évocation de la nature,
Jésus pose la question fondamentale de la confiance. Et la réponse nous
renvoie à considérer les oiseaux du ciel et à apprendre des lis des
champs ! Il nous recommande de ne pas nous préoccuper de notre propre
vie parce que Dieu - en sa Bonté et sa Providence - sait bien mieux que
nous ce dont nous avons besoin.
10 TDC p. 294
59
— En regardant les oiseaux du ciel, les disciples et les auditeurs de Jésus
vont apprendre que la providence de Dieu soigne avec une attention et
une générosité particulières les plus petites de ses créatures et qu'il y
veille particulièrement lorsqu'elles ne sont pas à même de pourvoir à leur
avenir. En effet, les oiseaux du ciel ne peuvent ni semer, ni récolter, ni
engranger la récolte dans leurs greniers. C'est pourquoi le Père céleste les
nourrit. « Quand il dit que les oiseaux ne sèment ni ne moissonnent : il ne
veut pas par ces paroles nous inciter à oisiveté et paresse : mais il entend
seulement qu'encores que tous moyens difaillent, la seule providence de
Dieu nous doit suffire, laquelle fournit abondamment aux bestes tout ce
qu'il leur faut » (Jean Calvin, Commentaire sur l'harmonie évangélique, à
propos de Mt 6,26). Chacun peut donc se fier en la providence de Dieu et
en sa bonté, car le Père céleste se soucie de ses créatures avant même
qu'elles y songent. Le miracle partout présent de la providence de Dieu est
la première raison pour laquelle les disciples et les auditeurs de Jésus
peuvent vivre dans la paix.
— Le miracle de la providence de Dieu tire sa crédibilité du fait que Dieu
se soucie gratuitement de l'inutile et du superflu. Devenir les élèves des lis
des champs signifie tout d'abord apprendre à discerner le soin avec lequel
la providence du Père céleste soigne l'herbe qui est aujourd'hui debout et
va demain être jetée au feu. Or il s'y consacre avec une générosité
débordante, l'habillant avec plus de luxe et de gloire que Salomon lui-
même. Apprendre des lis des champs signifie cependant aussi que la
providence de Dieu se donne précisément toute cette peine pour les lis
des champs qui sont inutiles, qui ne travaillent ni ne tissent. L'invitation à
contempler la beauté de la création signifie par conséquent reconnaître
dans la beauté inutile des lis le signe de l'excès de générosité, de grâce et
de bonté de la prévenance de Dieu. La gratuité de la miséricorde infinie du
Père céleste est révélée par l'Évangile dans la beauté inutile et superflue
de la création »11. Une gratuité divine dont Jésus dira : « Il fait lever son
soleil sur les mauvais et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur
les injustes (Mt 5,45) ».
Il s’agit bel et bien, contre toute logique et contre toute attente
déterministe, de s’en remettre à ce Dieu qui sait ce dont nous avons
besoin. Jésus le dira encore en d’autres occasions :
En Matthieu 7:7 « Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous
trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira ».
11 Martin Stiewe et François Vouga, Le Sermon sur la montagne, Labor et Fides 2002, p.178
60
En Matthieu 6:6 « Mais toi, quand tu pries, entre dans la pièce la plus
retirée, ferme la porte et prie ton Père qui est dans le secret ; et ton Père,
qui voit dans le secret, te le rendra ».
61
62
Chapitre VI
Au-delà de l’hypocrisie
« C’est presque une nouvelle économie de l’égoïsme que Jésus
a apportée. C’est une nouvelle économie du narcissisme
humain. Si nous arrivions à la réaliser, ce serait alors le monde
du Saint-Esprit, le monde de l’amour » Françoise Dolto.
Cela à coup sûr mérite débat. Bien sûr le lien entre le cycle de l’amour
et la pureté est évident : chacun se doit de purifier ses intentions pour
débloquer le cycle en évitant d’être l’esclave de choix illusoires. Mais
jusqu’où ? N’y a-t-il pas risque de dramatiser la purification de nos attentes
et de nos intentions au point de rendre même l’humour suspect comme
par exemple dans cette délicieuse blague ?
Savez-vous pourquoi le Paradis c'est vraiment le paradis? Parce qu'au
Paradis, vous êtes accueilli par un Anglais, c'est un Français qui fait la
nourriture, c'est un Italien qui met de l'ambiance et c'est un Allemand qui
coordonne le tout. Maintenant, savez-vous pourquoi l'Enfer c'est horrible
(et ca dure longtemps)? Parce qu'en Enfer vous êtes accueilli par un
Français, c'est un Anglais qui fait la nourriture, c'est un Allemand qui met
de l'Ambiance et c'est un Italien qui coordonne le tout.
Que faut-il dès lors purifier ? Quel sens faut-il accorder à la pureté dans
la tradition juive ? Quel était le problème et que fallait-il revoir ?
63
Dans la Thora, le principe fondamental définissant l’impureté désigne
avant tout la relation directe ou indirecte avec la mort qui est par définition
l’échec de la vie. Tout ce qui s’y rapporte éloigne de l’essentiel, de la Vie
qui reste l’élément primordial, le but ultime ou la vocation fondamentale
des croyants. Toute relation avec la mort exige réparation, et c’est l’eau,
symbole de générosité, si l’homme le désir sincèrement, qui peut restaurer
la pureté.
La pureté n’a donc rien à voir avec l’hygiène ! C’est la mort et l’échec de la
vie qui réclament – dans la tradition juive - une purification.
12 Source : http://ilmsil.free.fr
64
chaque côté des représentations d'anges. Au milieu, invisible, se tenait la
Shekinah, la Présence de Dieu... Cela renvoie à la tente de la rencontre
dans le désert où Dieu promet de se laisser rencontrer par Son peuple (et
à sa manifestation de nuée et de gloire), réminiscence aussi du feu et de
la nuée qui ont accompagné les hébreux lors de la sortie d'Egypte et de la
traversée du désert.
Il s'agit donc de cette Présence de Dieu qui accompagne son peuple.
La mystique juive a ensuite développé ce thème: En effet chez Ezéchiel,
on assiste à la Gloire de Dieu qui sort de son Temple au moment de l'Exil
et à la promesse d'un retour de cette Gloire dans un Temple
eschatologique. Avec la destruction du Temple, la mystique juive a insisté
sur la dimension intérieure de cette Présence divine, chaque croyant est
un sanctuaire où la Shekinah peut résider »13.
13 Source : http://www.questiondieu.com
65
parfait que Dieu nous a fait en nous distinguant par le don du langage de
l’animal.
66
En résonance avec la TDC, trois choses au moins méritent d’être
soulignées :
1. Le choix de Jésus par opposition à celui classique de Jean
correspond à l’activation d’un nouveau futur, ici la Bonté du Père
pour tous, vécue, partagée, traduite en signes et en actes.
2. Dans le même temps, les libertés prises par Jésus correspondent
à la désactivation d’un ancien futur jusqu’au point de non-retour,
car elles sont liées au refus de l’hypocrisie comme obéissance
formelle à une loi extérieure.
3. Puisque chaque croyant est le sanctuaire de la présence
mystérieuse de Dieu, il s’agit ben de s’ouvrir à cet Amour
authentique, discret et invisible. C’est lui qui va purifier nos
intentions, nous libérer ne suscitant le don de soi, de sorte que
l’amour ainsi purifié oeuvrerait dans le futur et nous serait restitué
sous forme de Grâce.
67
68
Chapitre VII
Tout vient de Dieu, de sa présence
mystérieuse
« Ce qui fait la valeur de l’enfant, de l’homme, c’est sa liberté
créatrice, sa liberté d’innover, et non la soumission à un autre »
Françoise Dolto.
69
n'émargent à aucun de ces programmes. Elles témoignent à l'inverse
d'exigences aussi immodérées, imprudentes et déraisonnables que se
laisser dépouiller de sa tunique (Q 6,29b), que d' assimiler l'injure la plus
banale à un acte de meurtre (Mt 5,21s) ou d'abandonner tout souci pour le
lendemain (Mt 6,34a).
Ses déclarations sur l'exaucement lié à la prière « demandez, il vous
sera donné » (Q 11,9b) empruntent des motifs chers à la morale
pharisienne; mais elles prennent le tour d'une provocation lorsque Jésus
fait de la promesse d'exaucement une certitude inconditionnelle: «Tout ce
que vous demandez, croyez que vous l'avez reçu, et cela vous sera
accordé» (Mc 11,24). On aura remarqué que Jésus n'évoque pas la
promesse d'un recevoir dans l'avenir (croyez que vous le recevrez), mais
s'adosse à un reçu déjà acquis: la conviction d'avoir reçu est soutenue
sans faille. Or, les sages sont très attentifs à ce que la délimitation de
l'obéissance n'outrepasse pas la mesure du raisonnable »14.
- « L'éthique de Jésus n'illustre pas un programme de conformité au
raisonnable. L'appel à ne pas résister au méchant (Q 6,29s) n'est pas un
encouragement à s'accommoder passivement de la violence du violent,
mais s'aligne plutôt sur une dénonciation prophétique de la violence (Ce
point a été bien mis en évidence par H. WEDER, « Abschied von Gewalt -
Unbedingte Feindesliebe. Gedanken zu Matthäus 5,38-48 », Reformatio
36 (1987), p. 338-345). Il n'est pas exagéré de dire que dans cette attitude
de résistance provocatrice au mécanisme mortifère de la violence, le
disciple de Jésus concrétise l'opposition irréductible entre le Règne de
Dieu et le monde. Cette tension entre la Basileia (l’église) et le monde est
exprimée ailleurs, dans un énoncé de facture sapientiale: «qui veut sauver
sa vie la perdra» (Mc 8,35); mais une fois encore, seule la forme est
sapientiale ici; l'énoncé ne laisse place à aucune balance d'intérêts, à
aucun pont, à aucun compromis entre la vie et la mort, entre la Basileia et
le monde. Il en va de même dans l'appel à ce que les premiers se fassent
les derniers (Mc 9,35). «Ne prenez rien pour la route, sauf un bâton: ni
pain, ni sac, ni monnaie dans la ceinture...» (Mc 6,8). «À quiconque te
demande, donne » (Q 6,30). Aucune trace dans ces logia (paroles) d'une
réflexion sur l'utilité de l'injonction ou sur son réalisme, à la différence de la
délibération des sages.
A l'évidence, ce n'est pas un sage qui parle ici, mais un homme habité
par une conscience de l'urgence, un homme dont l'intransigeance ne
14Jésus le sage et Jésus le prophète, in Jésus de Nazareth, nouvelles approches d’une énigme,
Labor et Fidès 1998, p.314 et 315.
70
souffre aucun calcul, sinon le seul possible: tout investir, s'en remettre
entièrement à la grâce de Dieu, sous peine de tout perdre dans l' à-venir
qui pointe (Mt 6,30s). Cette conclusion ne doit toutefois pas être rigidifiée.
Tous les énoncés de Jésus n'ont pas cette portée radicale. Des exigences
confinant à l'impraticabilité (« si ton oeil entraîne ta chute, arrache-le », Mc
9,47) côtoient des recommandations parfaitement conformes à la
«mesure» sapientiale: la prière ou l'aumône à pratiquer dans le secret (Mt
6), la règle d'or de Q 6,31 (bien que durcie si on la compare à la
formulation usuelle dans le judaïsme), la paille et la poutre (Q 6,41 s), etc.
Il faut en conclure que l'enseignement de Jésus comporte une nette
tendance, mais pas une tendance exclusive, à donner à la formulation des
injonctions éthiques un tour excessif, paradoxal ou hyperbolique (idem,
citation)».
71
gratuité de la miséricorde infinie du Père céleste est révélée dans la
beauté inutile et superflue de la création. L’urgence n’est-elle pas de s’y
ouvrir et d’oser y consentir ? En ce sens, Jésus n’est pas le tacticien d’un
pouvoir, mais le génie de l’Amour, fruit d’un savoir particulier si bien
résumé par la TDC :
« Chacun possède ainsi un réservoir contenant un fluide d'amour vital,
nécessaire au bon fonctionnement de son psychisme. Ce fluide composé
d'amour facilite la vie de chacun d'entre nous en fonction du niveau de son
réservoir. Plus il est rempli, plus la personne profite de la magie de la vie,
en attirant à elle non seulement la chance, mais aussi tout le monde dans
son sillage. Car ce fluide qui en les synchronisant attire les trajectoires de
vie hors du temps présent, les attire aussi dans le présent lui-même, sans
qu'aucune magie ne soit plus nécessaire, tellement il est évident que dans
le présent, l'amour attire l'amour »15.
15 TDC p.283
72
Il était une fois un saltimbanque, qui allait dansant et sautant de ville en
ville, jusqu'à ce qu’il soit fatigué de cette vie de bohême. Il abandonna
alors ses liens, son ancienne vie, et entra au couvent. Mais parce qu'il
n'avait passé sa vie qu'à sauter, danser et faire la roue, la vie monastique
lui était étrangère. Il ne savait ni prier, ni chanter un psaume. Alors il
déambulait en silence, en voyant les autres s'adonner à la prière, se
plonger dans des livres de piété et chanter a l'office, il éprouvait de la
honte.
Dans son chagrin, il prit la fuite un jour alors que les cloches appelaient
a la prière, et se réfugia dans une chapelle isolée. Il se dit en lui-même :«
Puisque je suis incapable de prier dans l'assemblée des moines, je vais
tout de même faire ce que je peux".
II se mit alors à danser pour son Dieu. Et quelle danse ! Son corps était
comme transformé. Le prieur, qui avait observé sa danse en secret, dit en
homme avisé : « En dansant, tu as honoré Dieu avec ton corps et ton
âme. Mais qu'il veuille pardonner nos paroles superficielles qui ne
jaillissent pas du fond du cœur ! »
73
74
Chapitre VIII
Disponible pour le cycle le l’amour
« C’est Jésus notre « contact » avec Dieu. Et bien sûr, nous ne
pouvons rencontrer Dieu qu’en passant par autrui. Sinon, c’est
de l’illusion, du rêve » Françoise Dolto.
75
Ta mère et tes frères se tiennent dehors, et ils cherchent à te parler. Mais
il répondit à celui qui le lui disait : Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ?
Puis il étendit la main sur ses disciples et dit : Voici ma mère et mes
frères ! En effet, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les
cieux, celui–là est mon frère, ma sœur et ma mère » (Mt 12,46-50).
76
Bien plus tard, Nelson Mandela le dira lui aussi en ces termes : " Notre
peur la plus profonde n'est pas d'être inaptes. Notre peur la plus profonde
est d'avoir un pouvoir incommensurable. C'est notre propre lumière, non
pas notre noirceur, qui nous effraie le plus." Nous nous demandons:
- qui suis-je pour être brillant, formidable, plein de talents, fantastique?
En réalité, pourquoi ne pourrions-nous pas l'être ?
Nous sommes enfants de Dieu. Nous déprécier ne sert pas le monde. Ce
n'est pas une attitude éclairée de se faire plus petit qu'on est pour que les
autres ne se sentent pas inquiets. Nous sommes tous conçus pour briller,
comme les enfants. Nous sommes nés pour manifester la Gloire de Dieu
qui est en nous. Cette gloire n'est pas dans quelques-uns. Elle est en nous
tous.
Et si nous laissons notre lumière briller, nous donnons inconsciemment
aux autres la permission que leur lumière brille. Si nous sommes libérés
de notre propre peur, notre seule présence libère automatiquement les
autres de leur peur ».
77
y ont discerné des miracles, d'autres un commerce répréhensible avec le
Malin.
Les évangiles rapportent effectivement une abondante activité
thérapeutique de Jésus. On n'y trouve pas moins de cinquante-huit récits
d'actes parfois peu ordinaires, allant de la guérison d'une fièvre à la
réanimation d'un mort, ce qui, compte tenu des versions parallèles, offre
une palette de vingt-huit interventions différentes. Incontestablement,
Jésus détenait le pouvoir de guérir. On lui amenait tous les mal portants et
les possédés du démon,... et il guérit beaucoup de mal portants atteints de
maladies diverses, et il chassait beaucoup de démons (Mc 1,32.34).
Cinq types différents de miracle sont attribués à Jésus: des guérisons
(allant jusqu'à la réanimation de morts), des exorcismes (où un homme est
libéré de l'esprit mauvais qui le dépossède de lui-même des miracles
justifiant une règle (par exemple la transgression du sabbat), des prodiges
de générosité (l'abondance de pains), et enfin des sauvetages sur le lac
(où la peur des disciples est vaincue).
Disons-le, aucun de ces types de miracle n'est inconnu de la littérature
gréco-romaine ou des écrits juifs. Les Romains avaient leurs guérisseurs
comme Apollonios de Tyane, les juifs leurs rabbis thaumaturges comme
Honi le traceur de cercles ou Hanina ben Dossa. De son temps, Jésus ne
fut donc pas le seul. Marc rapporte l'indignation des disciples devant un
exorciste qui usait du nom de Jésus pour expulser des démons (Mc 9,38).
Les Actes des Apôtres (Ac 5,36) et Flavius Josèphe citent le cas du mage
Theudas qui promettait à ses partisans de traverser le Jourdain à pied sec,
sans parler de tant d'autres qui attiraient le peuple au désert pour refaire
les signes et prodiges du temps de Moïse (Mc 13,22). Et faut-il rappeler
les mésaventures des exorcistes juifs à Ephèse (Ac 19,11-17)?
Jésus arbore les mêmes compétences que d'autres thaumaturges au
premier siècle, et sa façon de guérir un sourd-muet (mettre les doigts dans
les oreilles, cracher et toucher la langue) s'aligne sur des gestes
thérapeutiques connus (Mc 7,33). Les évangiles ont beaucoup gommé la
trace de ces manipulations, privilégiant la parole comme moyen de guérir.
Est-ce à dire que les guérisons de Jésus se fondent dans la banalité de
la médecine populaire antique? Pas encore. Car, comme l'enseigne
l'histoire de Ieshou dans le Talmud, tout dans le miracle dépend du sens
qu'on lui donne. Or justement, Jésus donne à ses gestes un sens qui les
sort du commun.
78
Le combat titanesque de Dieu et du mal
Jamais aucun rabbi guérisseur n'a osé ce qu'a osé Jésus: faire de ses
miracles les signes du Royaume déjà là.
On le voit à la réponse de Jésus aux disciples de Jean le Baptiseur qui lui
demandent s'il est Celui qui vient ou s'il faut en attendre un autre: Allez
rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez: les aveugles voient à
nouveau et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds
entendent... (Lc 7,20-22; Mt 11,2-5). De cette réponse, -remodelée par la
tradition, retenons l'esprit: les miracles signalent qu'est venu le temps de la
fin, le temps de la déroute du mal et de la victoire de Dieu; il est arrivé, le
temps du salut qu'annonçait Esaïe, dont Jésus cite les prophéties dans sa
réponse aux disciples de Jean (Es 26,19; 29,18; 35,5-6). Cette
appartenance des miracles au Royaume qui vient signe la différence entre
Jésus et les thaumaturges de son temps.
Aux soixante-douze disciples qu'il a envoyés, chargés du pouvoir
d'exorciser, Jésus s'écrie: Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair.
Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents et
scorpions, et toute la puissance de l'ennemi; et rien ne pourra vous nuire
(Lc 10,18-19). Sentez-vous la jubilation qui habite ce cri? Sentez-vous la
bouffée d'excitation qui traverse Jésus, non pas à l'idée que les disciples
feraient ce que personne d'autre ne faisait, mais à l'idée que maintenant
Dieu se montre plus fort que les fatalités qui pèsent sur l'homme?
Maintenant, par lui, Jésus, et par ses disciples exorcistes, le combat
titanesque entre Dieu et les forces du mal tourne à l'avantage de Dieu.
Maintenant, la souffrance, non voulue de Dieu, qui défigure l'homme et la
femme, perd son statut de destin implacable; elle recule, refoulée par le
Royaume qui avance, dont Jésus est le héraut.
79
qui est net, en revanche, c'est que l'évangile en fait un nouveau miracle de
la manne (Ex 16), et que l'apaisement de la tempête concrétise le pouvoir
du Dieu créateur sur les eaux (Ps 29,3). Jésus répond aussi à l'attente que
se répètent les miracles d'Elie et d'Elisée: comme eux, il purifie les lépreux
et réanime les morts (comparez 1R 17,8-24 et 2R 4,18-36 à Lc 4,27; 7,11-
17 et 7,22). Dans leur état actuel, ces récits témoignent de la foi des
premiers chrétiens: Jésus est Celui qu'a promis le Dieu des pères. Les
signes sont là, les merveilles d'autrefois se renouvellent. Jésus lui-même
était conscient de l'appétit du miracle chez ses contemporains;(…).
Mais revenons au miracle, trace du Royaume déjà là. Jésus n'a pas
guéri tous les paralysés rencontrés sur sa route, il n'a pas ouvert les yeux
de tous les aveugles, ni purifié tous les lépreux. La guérison n'est pas tout
son programme. Alors pourquoi ces actes «sélectifs»?
La maladie, pensait-on, avait partie liée avec le péché; d'une façon ou
d'une autre, le souffrant était reconnu complice de son mal (Jn 9,2). Cette
conception avait conduit — mais est-ce très différent aujourd'hui? — à une
culture de la fatalité, où la résignation passait pour oeuvre de piété et où le
sentiment d'impuissance se confondait avec la soumission devant
l'Eternel.
Jésus refuse d'assimiler la faiblesse à une faute. Son Dieu est tout-
puissant, mais pas d'une puissance qui amoindrit et mutile; il est puissant
de la force de l'amour (Lc 6,35). Le miracle vient au-devant de la
résignation de l'individu ou du peuple, pour casser l'enfermement dans un
sentiment de fatalité. Relisez ces récits où Jésus libère un possédé de sa
force auto-destructrice (Mc 5), où il allège le peuple de sa faim (Mc 6), où il
délivre les disciples de leur peur (Mc 4) et une femme de son infirmité (Lc
13; Mc 5). A chaque fois, Jésus intervient quand la personne se juge
perdue — par l'impuissance des médecins, par une faute face à la Torah
ou par la violence du mal —, et parce qu'elle cesse d'avoir espoir pour
elle-même. Jésus a les gestes des guérisseurs de son temps; pourquoi en
irait-il autrement? Mais ce que disent ses miracles, c'est la souffrance
d'autrui accueillie, le courage rendu, la prière exaucée. Brèche ouverte
dans le mur du fatalisme. Le miracle de Jésus inscrit un avenir au creux de
vies défaites par la mort de l'espérance. Tout miracle est l'histoire d'un
impossible que Dieu troue. Tout miracle est l'histoire d'une impuissance et
de son dépassement. La performance des miracles de Jésus n'est donc
pas de «surpasser» les lois naturelles — la nature est aussi faite de ce
80
que nous ne voyons pas. Leur performance est de porter à son sommet
l'amour et le don de soi.
Parabole et miracle
81
et l’Alliance. Cette intention première concerne toutes les formes
d’exclusions, psychiques ou physiques, toutes les entraves, y compris les
peurs ou les doutes à ranger dans le manque de foi. Un récit, en Marc 9,
14-27 nous le dit de manière exemplaire :
« Lorsqu’ils furent arrivés près des disciples, ils virent autour d’eux une
grande foule de gens, et des scribes qui débattaient avec eux. Sitôt que la
foule le vit, elle fut en émoi ; on accourait pour le saluer. Il leur demanda :
« De quoi débattez–vous avec eux ? » De la foule, quelqu’un lui répondit :
« Maître, je t’ai amené mon fils, qui a un esprit muet. Où qu’il le saisisse, il
le jette à terre ; l’enfant écume, grince des dents, et devient tout raide. J’ai
prié tes disciples de chasser cet esprit, et ils n’en ont pas été capables ».
Il leur dit : « Génération sans foi, jusqu’à quand serai–je avec vous ?
Jusqu’à quand vous supporterai–je ? Amenez–le–moi ».
On le lui amena. Aussitôt que l’enfant le vit, l’esprit le secoua violemment ;
il tomba par terre et se roulait en écumant.
Jésus demanda au père : « Depuis combien de temps cela lui arrive–t–
il ? » « Depuis son enfance, répondit–il ; souvent l’esprit l’a jeté dans le feu
et dans l’eau pour le faire périr. Mais si tu peux faire quelque chose,
laisse–toi émouvoir et viens à notre secours ! »
Jésus lui dit : « Si tu peux ! Tout est possible pour celui qui croit ».
Aussitôt le père de l’enfant s’écria : « Je crois ! Viens au secours de mon
manque de foi ! »
Jésus, voyant accourir la foule, rabroua l’esprit impur en lui disant :
« Esprit muet et sourd, c’est moi qui te l’ordonne, sors de cet enfant et n’y
rentre plus ! »
Il sortit en poussant des cris et en le secouant très violemment. L’enfant
devint comme mort, de sorte que la multitude le disait mort.
Mais Jésus, le saisissant par la main, le réveilla, et il se releva ».
82
C’est aussi ça le miracle ! Il me revient alors en tête cette très belle
évocation du moine orthodoxe Anthony Bloom :
« A moins de regarder une personne et de voir la beauté en elle, nous ne
pouvons l'aider en rien ; on n'aide pas une personne en isolant ce qui ne
va pas chez elle, ce qui est laid, ce qui est déformé.
Le Christ regardait toutes les personnes qu'il rencontrait, la prostituée,
le voleur, et voyait la beauté cachée en eux. C'était peut-être une beauté
déformée, abîmée, mais elle était néanmoins beauté, et il faisait en sorte
que cette beauté rejaillisse. C'est ce que nous devons apprendre à faire
envers les autres. Mais, pour y parvenir, il nous faut avant tout avoir un
cœur pur, des intentions pures, l'esprit ouvert, ce qui n'est pas toujours le
cas... afin de pouvoir écouter, regarder et voir la beauté cachée.
Chacun de nous est à l'image de Dieu, et chacun de nous est
semblable à une icône endommagée. Mais si l'on nous donnait une icône
endommagée par le temps, par les événements ou par la haine des
hommes, nous la traiterions avec tendresse, avec révérence, le cœur
brisé. C'est à ce qui reste de sa beauté, et non à ce qui est perdu, que
nous attacherions de l'importance. Ainsi, nous devons apprendre à réagir
envers chacun…».
C’est à ce qui est beau, et non à ce qui est perdu, qu’il faut donner de
l’importance, voilà ce que ferait l’Amour. Jésus le sait et prend en
83
conséquence tous les risques. Nous en avons un écho saisissant
d’audace en Marc 2, 1-12:
« Quelques jours après, il revint à Capharnaüm. On apprit qu’il était à la
maison, et il se rassembla un si grand nombre de gens qu’il n’y avait plus
de place, même devant la porte. Il leur disait la Parole.
On vient lui amener un paralytique porté par quatre hommes.
Comme ils ne pouvaient pas l’amener jusqu’à lui, à cause de la foule, ils
découvrirent le toit en terrasse au–dessus de l’endroit où il se tenait et y
firent une ouverture, par laquelle ils descendent le grabat où le paralytique
était couché.
Voyant leur foi, Jésus dit au paralytique : Mon enfant, tes péchés sont
pardonnés.
Il y avait là quelques scribes, assis, qui tenaient ce raisonnement :
Pourquoi parle–t–il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés,
sinon un seul, Dieu?
Jésus connut aussitôt, par son esprit, les raisonnements qu’ils tenaient ; il
leur dit : Pourquoi tenez–vous de tels raisonnements ? Qu’est–ce qui est
le plus facile, de dire au paralytique : « Tes péchés sont pardonnés », ou
de dire : « Lève–toi, prends ton grabat et marche ! »
Eh bien, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a l’autorité pour
pardonner les péchés sur la terre –– il dit au paralytique : « Je te le dis,
lève–toi, prends ton grabat et retourne chez toi ».
L’homme se leva, prit aussitôt son grabat et sortit devant tout le monde, de
sorte que, stupéfaits, tous glorifiaient Dieu en disant : Nous n’avons jamais
rien vu de pareil ».
84
La TDC nous dit aussi que pour faire pleuvoir l’amour dans notre vie, il
faut prendre des risques. Tout comme elle peut expliquer l’effet placebo,
ou encore les guérisons spontanées. Dans le dialogue avec l’Esprit, l’Ange
répond : « (…) la différence entre ces deux cas est juste une question
d’apport énergétique. Prend le cas des guérisseurs : tu vois deux
processus à l'oeuvre. D'une part une intention de donner, une intention
d'amour qui en quelque sorte visualise la guérison du patient, et d'autre
part un apport énergétique, par l'imposition des mains par exemple.
Imagine maintenant que le même processus que celui qui a conduit à
la maladie sous forme de dégradation de l'organisation cellulaire se
produise en sens inverse du temps, grâce aux effets de cette intention
généreuse. Tu comprends que cela puisse mener à la guérison, mais qu'il
y a une condition importante à satisfaire. S'agissant d'un processus
irréversible, pour qu'il soit possible de l'inverser il est absolument
indispensable qu'il aspire de l'énergie dans l'environnement, celle qui avait
été dégagée lorsque la dégradation s'est produite. Or comme cela ne peut
pas être la même énergie, puisque la guérison se produit dans un
environnement différent de celui de la maladie, il faut bien prévoir un autre
type d'apport énergétique.
Or à quoi sert l'imposition des mains si ce n'est à fournir l'apport
énergétique nécessaire? »17.
17 TDC, p.287-288
85
Un jour, un enfant est venu dans le jardin. Il voulait cueillir des fleurs pour
sa mère malade. Il a pensé : " Je veux lui faire plaisir, et ainsi elle sera
certainement plus vite guérie ».
Tout à son désir, l’enfant voulut cueillir une rose. Mais la rose s’est
retranchée derrière ses épines pointues en criant: « ça va pas non? Je ne
veux pas me faner dans une chambre d’hôpital. Je suis la reine des fleurs,
moi ! ». « Je ne veux pas non plus être cueilli! » a dit le pied-d'alouette, en
raidissant ses tiges. Le tournesol s'est étiré de toute sa grandeur de sorte
que l’enfant ne puisse pas le rompre. Et le lis a produit une odeur si
désagréable qu’elle a fait reculer l’enfant effrayé. C’est alors qu’il vit les
fleurs derrière la clôture du jardin. Il leur demanda : « Est-ce que je peux
vous cueillir? » Les pâquerettes courbèrent aimablement leurs tiges.
L’enfant put les cueillir et les apporter à sa mère alitée, ce qui la mit
pleinement en joie.
86
Chapitre IX
Un Royaume pour les Vivants
« Jésus donne toujours naissance, renaissance, résurrection,
vie. Il nous fait sans cesse basculer du champ de la loi dans le
champ du désir » Françoise Dolto.
87
seconde causalité et se demander, comme il l’a sans doute fait en
permanence : que serait l’Amour, que ferait l’Amour ? Se poser la question
en ces termes change tout. L’Amour peut-il s’accommoder de nos
déterminismes sociaux, économiques ou politiques ? Non, assurément.
Allons plus loin encore : l’Amour peut-il s’accommoder de ce qui fut la
racine de l’identité nationale juive, à savoir la référence à un Dieu, un
peuple, une terre, une Loi, un Temple, un roi ? Non, certainement pas !
Trop de déterminismes rigides en sont issus ! Il faut dès lors avancer
l’hypothèse que le génie de l’Amour le savait et qu’il a pris tous les risques
pour briser justement ces déterminismes archaïques. Nous savons déjà
qu’il prenait beaucoup de liberté face à sa tradition religieuse. Nous
savons aussi qu’après sa mort et sa résurrection, son message n’a pas pu
se développer en terre d’Israël, qu’il est devenu un mouvement religieux
séparé contre lequel la synagogue va lutter farouchement, ce qui dès les
années 80 va se traduire par l’excommunication des déviants chrétiens
hors du judaïsme. Si Jésus s’est attaqué à la racine identitaire de son
peuple, cela n’est pas étonnant.
Nous pouvons prolonger ce raisonnement car Jésus n’a pas fondé une
secte. Il ne ressemble en rien au Maître de Justice fondateur de la
congrégation de Qumrân, même si certains traits de ressemblance
existent. Le Maître en question rompt avec l’interprétation pharisienne de
la Torah jugée trop laxiste ; il rompt avec le culte du Temple, et Jérusalem
rejette sa doctrine. Du coup, pour échapper aux persécutions, il se réfugie
dans un monastère au bord de la mer Morte dans le but de reconstituer la
communauté des derniers justes, un Israël pur pratiquant une obéissance
rigoureuse où n’entre pas qui veut à l’assemblée. « Les gens stupides, les
fous, les sots, les déments, les aveugles, les estropiés, les boiteux, les
sourds, les enfants mineurs, nul d’entre eux n’entrera au sein de
l’assemblée, car les anges saints se tiennent au milieu d’elle (Ecrit de
Damas, a5,15) ».
Si Jésus est un chef charismatique autour duquel se rassemblent des
partisans, il ne partage rien de l’idéal de Qumrân, en tous les cas pas ce
repli élitaire ou monastique ! Son énorme intérêt pour les groupes
marginaux, pour ce petit peuple méprisé est largement attesté.
Son charisme, lui aussi établi, n’en a pas fait un chef politique, un roi ou
un chef de guerre. Tout l’y oppose. Sa mission fondamentale est
différente ; « Jésus se sait donc envoyé à tout Israël. A-t-il étendu sa
mission aux païens? La réponse est difficile, tant la tradition a été
réinterprétée en Eglise: tiraillée par le besoin d'ancrer dans le récit de
Jésus l'extension de la mission chrétienne aux païens (Mc 13,10; 14,9),
88
mais soumise aussi à la pression inverse d'un judéo-christianisme hostile
à la mission païenne (Mt 10,5-6). Des contacts occasionnels avec des
non-juifs ne sont pas niables: le centurion romain de Capernaüm (Mt 8,5-
13), ou l'admirable femme de Syro-Phénicie (Mc 7,24-30). Mais
finalement, il faut trancher par la négative: Jésus se destine à tout Israël,
mais à Israël seulement.
Le Nazaréen s'est consacré à faire sauter les barrières internes au
peuple saint. Abaisser la clôture qui sépare Israël des nations sera le fait
de ses disciples (Ac 10-11). Faut-il en déduire qu'à ses yeux, seuls les fils
d'Abraham méritent le salut, tandis que les enfants de César sont bons
pour la géhenne?
On ne s'est pas suffisamment aperçu jusque là que rien dans le
discours de Jésus ne fait référence à l'élection, ou n'appelle à la
conscience nationale. En ce sens, Jésus n'arbore aucun des signes
distinction qu'on attendrait d'un leader zélote, quand bien même il fut
crucifié entre deux brigands — c'est ainsi que les Romains dénommaient
les zélotes —, et quand bien même il fut condamné comme prétendant à
la royauté d'Israël, c'est-à-dire pour motif politique. Le réflexe nationaliste
lui est inconnu; le centre de son éthique est l'amour de l'ennemi et le
renoncement à la violence (Mt 5,38-48). On est aux antipodes du
zélotisme!
Jésus refuse d'identifier le salut avec l'appartenance à l'alliance d'Israël,
comme le faisait largement la foi populaire »19.
Était-il rien qu’un brin élitaire ou élitiste, lui qui fut tout de même un
inspiré ? Il semble bien que non, le choix de ses disciples l’atteste.
89
Le groupe des Douze correspond ainsi à la dimension présente de la
Royauté de Dieu. L'amour de Dieu y est à l'oeuvre, son nom est sanctifié,
son Règne vient, son infinie volonté est proclamée en vérité. Le plein
Israël commence à se réaliser (idem) ».
Les disciples seront appelés aussi les apôtres. Le terme grec apostolos
est traduit de l’araméen chelilah, qui veut dire envoyé et désignait des
chargés de mission que Jérusalem envoyait en province. Ils seront avant
tout les compagnons de Jésus. Il y a parmi eux : André, un ancien disciple
du Baptiste, et son frère Simon, qui deviendra Pierre patron pêcheur.
Jacques le Majeur, surnommé fils du tonnerre par Jésus et son frère cadet
Jean que Jésus aimait particulièrement. Philippe ancien disciple du
Baptiste et passionné par les Ecritures, Barthélémy appelé aussi
Nathanaël dont Jésus disait qu’il était un vrai Israélite en qui il n’est point
d’artifice, Thomas, surnommé Didyme (le jumeau), qui restera le modèle
des sceptiques, Matthieu le publicain percepteur d’impôts, Jacques le
Mineur surnommé ainsi à cause de sa petite taille et Thaddée, tous deux
frères de Jésus, Simon le Cananite, et Judas originaire de Carioth en
Judée à qui sera confiée la bourse du groupe.
Jésus les appelle simplement à le suivre, mais les Douze ne feront pas
carrière. Leur dévouement à la cause ne sera pas une promotion tout au
plus une libération. Le génie de l’Amour y veille quand il leur enseigne
« Ne vous faites pas appeler rabbi – leur dit Jésus – car vous n’avez qu’un
maître, et vous êtes tous des frères (Mt 23.8) ». Bien que Jésus n’ait pas
fréquenté les écoles rabbiniques "d'enseignement supérieur" (Lc 4:16; Jn
7:14-16), il parle avec autorité et se réfère toujours à cette exigence
radicale dont nous avons déjà parlé. Quand l’un des Douze souhaitait
enterrer son père, il se voit répondre qu’il faut « laisser les morts enterrer
les morts (Mt8,22) ». Un autre voulait d’abord prendre congé des siens et
se voit durement interpellé : « Quiconque a mis la main à la charrue et
regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu (Luc 9,59-62) ». Et la
règle pour tous demeure en Luc 14,26-27 : « Si quelqu’un vient à moi et
ne déteste pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses
sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque
ne porte pas sa croix pour venir à ma suite ne peut être mon disciple ».
90
nous faire sortir des sentiers battus ou des ornières d’une tradition
sclérosée.
C’est vrai également pour Dieu qu’il appelle familièrement Abba, en
araméen mon père, mon papa. Cet usage est frappant et pas du tout
courant dans sa tradition. Pour lui Dieu est bon, Il exauce nos prières, son
Amour est illimité, il vient à notre rencontre. C’est la conviction
inébranlable de Jésus qui submerge toute autre fonction de Dieu. « Jésus
ne nie pas la réalité du péché ; il ne répudie pas l’autorité de la Loi, il sait
aussi parler du Jugement qui vient. Mais avec le Dieu de Jésus, la grâce
vient la première ; la connaissance du péché et la menace du jugement
suivent, comme une conséquence. C’est là toute la différence. La parabole
du figuier stérile, pour qui le vigneron quémande encore une année de
patience, le dit joliment (Lc 13,3-9) : Dieu ouvre par sa tendresse l’espace
d’un changement »20.
91
Oui, vraiment, Dieu ouvre par sa tendresse l’espace d’un
changement…
Quant aux autres motifs évoqués au début de ce chapitre, ils vont tous
dans le même sens : Jésus prend des libertés à l’égard de la Loi qu’il
réinterprète dans la perspective de cette Bonté de Dieu ; il évoque une
royauté qui sera liée au Fils de l’homme qui viendra dans sa gloire avec
tous les anges s’asseoir sur son trône (Cf. Mt 25,31), mais il va parodier le
couronnement terrestre d’un roi lors de sa montée à Jérusalem (Cf. Mc
11,1-10). Nous connaissons aussi son opposition au Temple. Il estimait
qu’en lui il y avait plus grand que le Temple (Mt 12.5) Devant le Sanhédrin,
il sera accusé d’avoir dit en Marc 14:58 : « Je détruirai ce sanctuaire
fabriqué par des mains humaines et en trois jours j’en construirai un autre
qui ne sera pas fabriqué par des mains humaines ».
« Je vois Jésus qui entre avec Pierre, André, Jean et Jacques, Philippe
et Barthélémy dans l'enceinte du Temple. Il y a une très grande foule qui y
entre et qui en sort. Pèlerins qui arrivent par bandes de tous les coins de
la ville.
Puis, à l'intérieur, c'est une vraie foire. Plus aucun recueillement dans
le lieu saint. On court, on appelle, on achète des agneaux, on crie et on
maudit à cause du prix exagéré, on pousse les pauvres bêtes bêlantes
92
dans des parcs. Ce sont de rudimentaires enclos délimités par des cordes
et des pieux, aux entrées desquelles se tient le marchand ou
éventuellement le propriétaire qui attend des acheteurs. Coups de bâtons,
bêlements, jurons, réclamations, insultes pour les valets peu pressés de
rassembler et d'enclore les animaux ou pour les acheteurs qui lésinent sur
le prix, ou qui s'éloignent, insultes plus fortes pour les gens prévoyants qui
ont amené l'agneau de chez eux.
- “Pour ce que vous voulez payer, galiléens, c'est déjà trop beau ce que je
vous ai donné. Allez-vous-en ! ou ajoutez cinq autres deniers pour en avoir
un plus beau! »
«Au nom de Dieu! Nous sommes pauvres et vieux! Veux-tu nous
empêcher de faire la Pâque, la dernière, peut-être? Est-ce que ce que tu
nous as pris ne suffit pas pour une petite bête?”
93
«Faites place, crasseux. Voici que vient à moi Joseph l'Ancien. Il m'honore
de sa préférence. Dieu soit avec toi! Viens, choisis!»
Jésus, si grand que la tête des deux vieux lui arrive à la hauteur du
coeur met une main sur l'épaule de la femme et demande: “Pourquoi
pleures-tu, femme?»
La petite vieille se retourne et voit cet homme grand et jeune, solennel en
son bel habit blanc et son manteau couleur de neige tout neuf et propre.
Elle doit le prendre pour un docteur à cause de son habit et de son aspect
et, stupéfaite, car les docteurs et les prêtres ne font aucun cas des gens et
ne protègent pas les pauvres contre la rapacité des marchands, elle dit les
raisons de leur chagrin.
94
rabbins ironiques. L'un d'eux demande: « Es-tu docteur ?» sur un ton qui
ferait perdre patience à Job.
La grêle imprévue s'abat sur les têtes et les échines. Les fidèles
s'esquivent, admirant la scène. Les coupables, poursuivis jusqu'en dehors
de l'enceinte se sauvent à toutes jambes, laissant par terre l'argent et en
arrière les bêtes de toutes tailles, dans une grande confusion de jambes,
de cornes, d'ailes. C'est à qui court, s'échappe en volant. Les
mugissements, les bêlements, les roucoulements des colombes et des
tourterelles en même temps que les rires et les cris des fidèles derrière les
usuriers en fuite dépassent jusqu'au lamentable choeur des animaux qu'on
égorge certainement dans une autre cour.
95
«Je suis Celui qui peut. Je peux tout. Détruisez seulement ce Temple
vrai, et Je le ressusciterai pour donner louange à Dieu. Je ne trouble pas,
Moi, la sainteté de la Maison de Dieu ni les cérémonies. Mais c'est vous
qui la troublez en permettant que dans sa demeure s'installent les usuriers
et les mercantis. Mon école, c'est l'école de Dieu, la même école qui fut
celle de tout Israël, par la bouche de l'Eternel qui parlait à Moïse. Vous ne
me connaissez pas? Vous me connaîtrez. Vous ne savez pas d'où je
viens? Vous le saurez.»
96
transforme en magie, parce que le bonheur est ainsi plus facile à
vivre…»21.
21 TDC p 301
97
98
Chapitre X
Aller au-delà de nos conditionnements
« Oui, notre seule loi, c’est Jésus-Christ parce que lui seul, par
sa « loi » d’amour, libère le désir de l’homme. Il ne l’enferme
pas dans des règlements intouchables. Toute l’histoire de Jésus
est marquée par des transgressions de la loi » Françoise Dolto.
99
Blague à part, voyons l’incroyable liberté de Jésus de plus près.
100
Les « fiançailles » préparaient le passage de la jeune fille du pouvoir du
père à celui du mari. Il s'agissait pratiquement de l' « acquisition » de la
fiancée par le fiancé.
On comparait même l'acquisition de la femme à celui de l'esclave : « on
acquiert la femme par argent, contrat et rapports sexuels », de même « on
acquiert l'esclave païen par argent, contrat et prise de possession ».
Une fois mariée, la femme devait obéir à son mari qui devenait son maître
en toutes choses. Cette obéissance faisait partie de ses devoirs religieux.
Son rôle se réduisait pratiquement à celui d'une servante.
Finalement, ce qui valorisait la femme aux yeux de son mari, c'était sa
fécondité; particulièrement lorsqu'elle donnait naissance à des garçons.
Sur le plan juridique, le droit de divorcer ne valait que pour l'homme. Seul
le mari pouvait répudier sa femme pour des motifs plus ou moins sérieux.
Quant à la polygamie, l'épouse se devait parfois de tolérer que son mari
ait des concubines. Un rabbin posait la question suivante : « Quelle est la
différence entre une épouse et une concubine? ». À cela il répondait : «
L'épouse a un contrat de mariage, la concubine n'en a point ».
Elle n'est pas tenue d'étudier la loi (la Torah) : les écoles sont
réservées aux garçons;
L'intérieur du Temple lui est interdit;
Dans les Synagogues, on lui assigne un emplacement spécial, derrière
des barrières;
Dans le service liturgique, un seul rôle lui est confié : écouter;
À la maison, elle ne compte pas parmi les personnes invitées à prononcer
la bénédiction après le repas.
Ainsi, autant dans le monde civil que religieux, la femme occupait un rôle
de subordination et de sujétion. Tout le contraire donc du mouvement
d'émancipation de la femme dans lequel se sont engagées les sociétés
dites « modernes ».
Jésus faisait-il sien ce regard peu élogieux à l'égard de la femme? Les
récits évangéliques nous révèlent une attitude fort différente...
101
Jésus s'est présenté comme le prophète du Royaume de Dieu, dans
lequel tous, hommes et femmes, sont appelés à participer à la liberté des
enfants de Dieu, sans distinction de sexe ou de rang social.
Dans sa prédication, il a favorisé les petites gens, les opprimés, les
délaissés et les pauvres.
Contrairement aux coutumes sociales de son temps, il a eu une attention
spéciale pour les femmes, précisément parce que les tabous du temps les
maintenaient dans une situation de sujétion, voire de mépris.
102
Jésus a vu les gens du regard même de Dieu, un regard d'amour qui
se situe bien au-delà des préjugés socioculturels.
Son attitude vis-à-vis de la femme s'inscrit dans la même ligne que son
attitude face aux opprimés, aux méprisés, aux pécheurs bannis de la
société de l'époque.
Libérateur au nom même de Dieu en ce monde d'inégalités et
d'injustices »22.
« Jésus et la richesse :
22 http://www.catechese.viateurs.ca
103
le aux pauvres, tu auras un trésor au ciel. » Le proverbe cité est radical : il
n'y a pas de place dans la communauté humaine pour le riche qui bâtit sa
richesse sur le dos des autres.
23 http://www.interbible.org
104
Mais ce rapprochement ne doit pas cacher une différence capitale.
L'intensification pharisienne ou qumranienne de l'obéissance suit les
règles de la casuistique: à force de préciser à quelles situations s'applique
la Loi, à quelles situations elle ne s'applique pas, il avait été tissé autour
d'elle un filet de prescriptions minutieuses. Traiter ainsi la Torah, c'était
inévitablement accorder à la Loi divine une autorité formelle, et par
conséquent, faire de l'obéissance une obéissance tout aussi formelle. Le
coeur de l'homme peut s'assoupir dans la forteresse rassurante de la
légalité.
Jésus rompt précisément sur ce point avec la casuistique des rabbis,
qui selon lui organise le contournement de l'impératif d'amour. Le fidèle
n'est plus entièrement exposé au désir de Dieu qui résonne dans la Loi,
mais, par un effet de décalage croissant, absorbé par sa minutie à rester
pur. La protestation de Jésus contre cette confiscation de la volonté de
Dieu le conduit à couper avec la tradition des scribes. Son idéal n'est pas
le perfectionnisme légal; il est de supprimer toute barrière à la radicalité de
l'amour. L'amour va jusqu'à aimer l'ennemi, ou il n'est pas (Mt 5,43-48),
On est en droit de se poser la question: en conférant à l'amour cette
validité inconditionnelle et indiscutable, Jésus n'aiguise-t-il pas la Loi
jusqu'à l'insupportable? Est-il possible de cesser de juger? Est-il
raisonnable de renoncer à son droit de défense ? Est-il sain de censurer
jusqu’au regard de désir ? Nous n’avons pas trace d’un débat de Jésus
sur la faisabilité d’une obéissance ainsi comprise. L’homme de Nazareth
n’engage pas à discuter la praticabilité du commandement ; il demande
qu’on en reconnaisse la vérité. Avec lui, la vie croyante devient le champ
de tension entre l’infini désir de Dieu et les résistances du réel »24.
Gandhi dira a son tour « si les chrétiens l’était 24h sur 24 j’en serais ! »
Alors, Jésus a-t-il poussé le bouchon trop loin ? Le génie de l’Amour s’est-
il fourvoyé en voulant nous faire connaître la vérité de l’Amour et de la
Bonté du Père ?
105
Qu’on le veuille ou non, le paradoxe est là, bien réel ! Vouloir faire de
Jésus une sorte de médiateur qui nous humanise en corrigeant nos plus
vilains défauts ne répond pas à la question. Les plus courageux ont osé
prôner la nécessité de se laisser tomber en Dieu, de le laisser être
l’instance dernière de notre existence. Dans un article intitulé « La doctrine
des deux justices, d’après Luther, Réflexions dogmatiques sur la
justification et la justice », Pierre Bühler écrivait : « L’homme comme
conscience, c’est d’abord l’homme marqué par la question de ce qu’il vaut
devant le forum de l’existence. Cette quête de jugement s’effectue comme
conflit des instances. Les différentes relations revendiquent une fonction
d’instance de jugement : qu’est-ce que je vaux devant moi-même, devant
les autres, devant le monde, devant Dieu ? Chacune de ces instances
réclame le statut d’instance dernière : d’où vais-je recevoir ma justice ? A
partir de quelle instance vais-je comprendre mon existence tout entière ?
C’est dans ce conflit des instances que l’homme effectue le mouvement
du péché, qu’il se pose comme sa propre instance dernière. Par contre, la
justification par la foi, ce serait d’accepter que la parole de Dieu me
décrétant pécheur est l’instance dernière de mon existence (p.8-9) ».
La notion de péché a été très lourdement chargée par les églises. Peut-
on encore s’y référer ? Y a-t-il une approche plus simple de cette
question ? La TDC peut nous y aider.
Nous avons le choix de nous comprendre dans la première causalité, celle
des choix limités et conditionnés, des causes et des conséquences, en
voulant tout diriger, planifier, organiser dans notre vie, ou faire confiance à
la seconde causalité, celle de l’Amour. En ce sens, nous avons bien,
comme le disait P.Bühler, à choisir l’instance dernière de notre vie. Mais
l’idée même du péché – ce qui nous fait rater la cible, nous vouloir Dieu à
la place de Dieu - pour légitime qu’elle soit, nous fait passer à côté de
l’essentiel : dans la seconde causalité nous ne créons rien, tout vient de
Dieu. Et dès lors, l’attitude de la foi n’est pas tant de désespérer même du
désespoir, mais celle de la confiance radicale dont nous avons pu voir
qu’elle était quasi absolue chez Jésus. Il s’agit, avant tout et surtout,
d’apprendre à sortir de nos conditionnements en déposant nos intentions
de vie nouvelle en Dieu, dans le futur, qui se chargera de les faire revenir
dans notre présent pour autant, que nous n’en perturbions pas le retour.
Le conseil de la TDC est le suivant :
106
« Que serait un mode de fonctionnement non causal? Je suppose que
si l'on n'est pas dans un mode, on est dans l'autre ?
— Non, pas exactement, on peut être dans les deux à la fois, et c'est
d'ailleurs recommandé pour trouver le bon équilibre. Le mode de
fonctionnement non causal consiste à élever tout d'abord ton niveau de
conscience, d'éveil, ou de vibration, si tu préfères. Il s'agit de te mettre à
l'écoute de l'environnement, mais attention: sans vouloir écouter quoi que
ce soit, sinon tu retomberais dans une focalisation purement causale, dans
des pensées, des problématiques, etc. On ne peut pas tricher avec soi-
même. Il faut obligatoirement être « naturel » si l'on veut être en situation
de capter des opportunités non causales. Maintenant, il est facile de
comprendre qu'il vaut mieux ne pas être stressé, hanté par des choses à
faire, ou envahi par des stéréotypes ou des « ressassages ». L'idéal est
d'être détendu, désintéressé, contemplatif et d'exploiter toutes les marges
de liberté que l'on peut avoir pour rester attentif à l'environnement.
Mais ce ne sont que des conditions générales. Il y a des cas où lors de
vives émotions par exemple, tu es automatiquement placé en mode de
fonctionnement non causal. Bon, maintenant le reste est un peu une
question d'entraînement, car savoir saisir les opportunités demande à ne
pas tomber dans le piège inverse, qui consisterait à en voir partout »25.
Le choix de la seconde causalité est donc une question d’attitude –
cela s’apprend, nous sommes bien d’accord – et une question de
confiance qui se trouvera renforcée par les réponses données à nos
dépôts d’intentions dans le futur. Mais nous savons aussi que nous
pouvons entraver le mode de fonctionnement non causal ou même le
rendre impossible ! Le problème va se situer entre l’infinie Bonté de Dieu
(la seconde causalité) et notre conditionnement, conscient ou inconscient,
dans la volonté de maîtriser notre vie (la première causalité). Ne sommes-
nous pas alors retombés dans une double contrainte paradoxale
insoluble ? L’invitation à être spontanément naturel, détendu,
désintéressé, contemplatif ou attentif, ne vient-elle pas contredire ce que
nous ne sommes pas naturellement ?
25 TDC p.295.
107
cœur à Jésus ou encore bien se comporter pour éviter l’enfer. Nous ne
trouvons rien de tel dans la TDC. Plus simplement, il nous est dit que nous
pouvons fonctionner dans les deux causalités, mais que le résultat ne sera
pas le même ! Nous gardons notre libre-arbitre sans aucune
dramatisation ! Il ne nous est pas demandé d’aller aussi loin que Jésus l’a
fait, jusqu’au sacrifice ultime. Comment l’Amour pourrait-il exiger cela ? La
perfection n’est pas exigée, puisque cette dernière, dans le mode non
causal, ne serait pas de notre fait mais viendrait de Dieu ! C’est une
manière révolutionnaire de concevoir la foi. Il nous faudra, individuellement
ou collectivement, du temps et de l’exercice pour apprendre « la magie »
de la seconde causalité.
108
Chapitre XI
Cherchez le royaume de Dieu et sa
justice
« Oui, nous avons besoin de plaisir mais ce n’est pas le plaisir,
c’est la souffrance qui nous façonne. Il en est de même pour
chacun de nous : nous avons à mourir à quelque chose pour
advenir désirant, désirant de vrai désir par-delà le besoin avec
comme seul guide l’amour » Françoise Dolto.
Nous avons montré que pour Jésus l’Amour est soin, accueil mutuel
dans le non-jugement et la non-violence, partage et écoute. Nous avons
mis en évidence que l’Amour dit la vérité au sujet de nos enfermements et
conditionnements malheureux. Nous savons enfin qu’en Jésus l’Amour
prend tous les risques sans calcul, sans chagrin ni contrainte. Il nous invite
à être volontairement naturel, détendu, désintéressé, contemplatif ou
109
attentif à cette Shekinah, à cette présence mystérieuse du divin en nous et
autour de nous.
- Jésus Fils de David : ce titre fait le lien avec l’idée que le Messie
juif, apparue tardivement (CF. le Psaume de Salomon 17,21),
serait un descendant de David. Elle sera néanmoins peu utilisée.
- Jésus Fils de Dieu : ce terme apparait 31 fois dans les évangiles.
L’antiquité utilisait beaucoup cette expression pour désigner des
personnages hors du commun, héroïques, et en faire de demi-
dieux ; pour désigner les princes qui entouraient le roi dans les
anciennes cours orientales, à Babylone par exemple ; des élus
devenus figure exemplaire du peuple juif ; notons que sans les
évangiles, Jésus n’est pas seulement un fils de Dieu mais Le Fils
de Dieu.
- Jésus Fils de l’Homme : c’est la désignation la plus importante qui
appartient en propre aux évangiles ; ce titre est une façon dont
Jésus parle de lui-même ; elle était devenue dans l’apocalyptique
juive, en lien avec le Juge céleste et Daniel 7.13, la figure
messianique la plus courante. Si Jésus l’utilise, c’est avant tout
parce qu’il est le titre le moins entaché de nationalisme juif et
d’espérance guerrière. Mais il va, comme nous le savons
maintenant, le revisiter en continuité, en rupture et en innovations.
- Les autres titres, Jésus-Sauveur et Jésus-Seigneur, sont peu
fréquents.
- Jésus nouvel Adam : si les rabbins utilisaient souvent la mention
du premier Adam, ils ignoraient en revanche un second Adam liée
à l’idée d’un Sauveur. C’est donc une expression essentiellement
chrétienne.
110
- Jésus-Médiateur : l’expression n’apparaît que 5 fois dans le
Nouveau Testament ; elle rend mal le mot hébreu Sarsour, et
reste marginale.
- De manière plus anecdotique, Jésus répondra aux disciples de
Jean qu’il est bien celui qui doit venir ; il dira qu’il y a plus en lui
qu’en Jonas, et dans l’évangile de Jean ces affirmations
provocantes et inhabituelles : je suis le chemin la vérité et la vie, le
bon berger qui donne sa vie pour ses brebis, le pain venu du ciel,
etc.
111
quotidiennement. La requête des pieux s'énonce ainsi : « Puisse ta gloire
devenir visible et ta Majesté être reconnue... Et maintenant, fais connaître
en toute hâte ta gloire, et ne retarde pas l'exécution de ta promesse » (Ap.
syr. Bar. 21, 23-25). Ceux qui prient sont certains que leur requête sera
exaucée. Alors le changement poindra : « Sur toute créature apparaîtra Sa
souveraineté royale (la souveraineté royale de Dieu). Alors il n'y aura plus
aucun Satan. Avec lui s'enfuira la tristesse... Le Céleste se lèvera de son
trône de souverain », la terre tremblera et le Grand Tribunal tiendra
séance (Ascension de Moïse 10, 1-3). Alors commencera le nouvel aiôn
(temps), où Dieu sera roi sur toutes choses.
b) C'est à l'eschatologie propre au judaïsme que Jésus emprunte la notion
de Règne de Dieu ; toutefois il lui imprime un contenu nouveau.
L'avènement du Règne de Dieu n'est plus lié à l'avenir d'Israël. Pas une
parole n'évoque l'écrasement des puissances étrangères ou le triomphe
remporté sur les païens ; au contraire, il est dit exclusivement que le
Règne de Dieu vient. Son avènement n'est pas lié à telle ou telle
condition, comme on se le représentait dans la conception juive. On ne le
fait dépendre ni du déroulement d'une succession déterminée
d'événements apocalyptiques, ni de l'obéissance d'Israël envers la Loi,
une obéissance qui pourrait hâter le début de l'ère messianique.
En annonçant que le Règne de Dieu s'approche, Jésus s'oppose
vigoureusement aux activistes politiques et religieux de son temps. Les
Zélotes voulaient s'attaquer de vive force à la puissance romaine
d'occupation, et faire disparaître le gouvernement païen. Ils pensaient que
par leur intervention, ils pourraient frayer la voie à l'ère messianique et à la
restauration du royaume de David. D'eux se distinguait le mouvement des
Pharisiens et de leurs nombreux adeptes. Ils espéraient qu'on pourrait,
non par des actions politiques, mais bien par des efforts religieux, par une
stricte obéissance envers la Loi et par un exercice attentif de la piété, agir
de telle sorte que les promesses divines seraient accomplies ; à la
tyrannie étrangère et à la misère d'Israël se substituerait la gloire
messianique. Mais Jésus renonce sans équivoque, tant au messianisme
politique qu'à tous les programmes visant à établir une domination
religieuse dans l'avenir ; il ne se prête ni à une idéologie religieuse ni à
une utopie politique. Le changement définitif qui transformera toutes
choses ne sera pas le fruit d'actes humains ; au contraire, il échappera
purement et simplement à toute disposition humaine ; il viendra grâce à
112
Dieu seul. De cet avertissement, il s'agit par conséquent de tirer la seule
conclusion qui convient : se convertir et se tourner vers Dieu »26.
113
concernée. La première, étant vécue dans la maîtrise, ne laisse guère de
place à la possibilité de la grâce de Dieu. Que nous nous punissions nous-
mêmes, alors nous nous limitons nous-mêmes ! La seconde ouvre toutes
les portes y compris celle de l’humilité puisqu’au final c’est Dieu qui fait
grâce, qui matérialise pour nous des réponses à nos attentes, et qu’Il le
fait de surcroît avec un excès de générosité. Ce qui faisait dire
ouvertement à Jésus : « Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa justice,
et tout cela vous sera donné par surcroît. » (Mt 6:33)
« S'il faut en croire l'adage bien connu selon lequel mieux vaut un «tu
l'as » que deux «tu l'auras »- nous dit François Vouga- les hypocrites, qui
tiennent leur récompense, semblent bénéficier d'un certain avantage sur
ceux qui accomplissent la justice : le Père céleste le leur rendra, promet
l'Evangile.
L'écart augmente encore si l'on prend en compte, en plus de
l'incertitude qu'implique la formulation très vague de la promesse, la leçon
donnée sur la base du troisième pôle de la discussion : celui de la prière
des païens qui multiplient les vaines paroles parce qu'ils se figurent qu'ils
se feront entendre à force de parler (Mt 6,7). Contrairement aux
hypocrites, les païens ont compris que c'était avec Dieu, non avec les
hommes, qu'il fallait développer les échanges. En cela, ils se trouvent
d'une certaine manière sur la même longueur d'onde que les justes. Leur
erreur est cependant de ne pas savoir que le Père céleste sait ce dont ils
ont besoin avant qu'ils le lui demandent (Mt 6,8) et de penser que la vie se
114
gagne dans les échanges. En cela, leur attitude n'est qu'une variante de
celle des hypocrites.
Le résultat de cette confrontation à trois termes est que, parce qu'ils
entendent jouer leur identité, leur dignité et leur gloire sur terre, la justice
des hypocrites n'est que fausse monnaie. Ils ont raison de chercher la
justice, mais leur erreur est de vouloir être justes devant les hommes, et
non devant Dieu. C'est pourquoi leur justice n'est qu'hypocrisie. Ils ont mis
en oeuvre les bons moyens, mais à côté du but. Limitée à cette première
distinction entre les hypocrites et les justes, l'affaire peut se résumer à
l'opposition assez simple de deux orientations alternatives de l'existence.
Dans cette perspective, le Jésus matthéen va enchaîner immédiatement
en conseillant d'investir dans le ciel, et non sur terre, parce que chacun
attache son coeur là où il dépose son trésor (Mt 6,19-21) »27.
Au fond de nous, nous savons qu’il en est bien ainsi. Jésus le disait
dans sa fameuse Règle d’Or : « Tout ce que vous voulez que les gens
fassent pour vous, vous aussi, faites–le de même pour eux : c’est là la Loi
et les Prophètes. » (Mt 7,12)
Cette règle était connue sous une forme différente dans la tradition
juive : « ce que toi-même tu n'aimes pas, ne le fais à personne » (livre de
Tobie, 4, 15). Ou dans Lévitique : « Ne te venge pas et ne sois pas
rancunier à l’égard des fils de ton peuple : c’est ainsi que tu aimeras ton
prochain comme toi-même » (19,18). Et dans la sagesse populaire, il est
dit : qui sème le vent récolte la tempête ! Sous une forme plus calculée,
nous pourrions donner ce conseil : comme tu agis envers autrui, on agira
envers toi. Comme tu juges, on te jugera. Comme tu donnes, on te
donnera ; comme tu seras bienveillant, on le sera pour toi. Mais tout cela
115
n’a rien à voir avec la pensée de Jésus. Ici le génie de l’Amour veut
rompre avec tous ces calculs. La grâce de Dieu est imméritée ! Et donc,
c’est la logique du don qui doit prévaloir sur la course aux mérites. Le Don
est l’essence même du divin et il devient notre essence, ce qui peut nous
faire avancer. Plutôt que d’être marquée par la peur de manquer, ou dans
l’obsession d’assurer la vie, la joie se fait don, don de ce qui a sens pour
moi, don de ce qui renforce la vie, vérité subjective qui fonctionne dans
une réalité imaginaire mais plus sous le mode de la compétition, de
l’échange frileux ou calculateur. Ma joie ne dépend plus de qui est l’autre
ou de comment il me perçoit, elle est dans la transgression de l’échange,
et du coup l’autre n’est plus menaçant, il n’a plus le pouvoir de me limiter,
de me restreindre, de me dévorer ou de m’engloutir. Dans le Don, je n’ai
plus à vomir ou à dévorer l’autre ; le Don vient suspendre provisoirement
le jeu pervers du narcissisme, du sadisme ou du masochisme, parce qu’il
est la vérité ultime de la grâce de Dieu. Il se pourrait qu’il soit la plus haute
forme de conscience, d’harmonie, de joie contenue dans l’aventure
humaine comme dans celle de l’univers. Ce serait l’in-ouï : ce qui ne peut
être entendu facilement et ce qui pourtant mène à la joie. Présence de
Dieu en creux, dans la joie d’un équilibre harmonieux ou dans celle d’une
finalité dernière garantie. La Vie qui exprime le Vivant en lieu et place du
mortifère ou du néant. Là, la vie est bonne et devrait l’être pour tous ; là, il
est bon d’être né, et cela devrait l’être pour tous ; là, chacun peut s’aimer
sans enflure ni tristesse, et cela devrait l’être pour tous ; là prend fin la loi
des échanges humains pour faire place au don, et cela devrait être le cas
pour tous. Mais cela requiert de pouvoir quitter le mode des échanges. Il
n’y a rien de bon à glaner dans la compétition, l’affrontement, la collusion,
la dette imposée, le marchandage, le chantage affectif. Le mode des
échanges contient de facto une perversion : chacun, dans sa volonté de
donner sens à la vie, se réfère à des valeurs et des principes personnels
implicites qui fonctionnent comme un absolu, souvent comme un idéal de
perfection, ou du moins comme des références impératives à partir
desquelles tout est mesuré, comparé, évalué et jugé. Ces références
entrent en compétitions ou en tensions avec celles des autres. C’est un
des foyers de la violence interhumaine dont il faut se démarquer et se
débarrasser. Et c’est pourquoi il est bon de quitter le mode des échanges
trop souvent basés sur le méritant-méritoire, la compétition, la force ou le
calcul, sur l’étalage de nos réussites, de nos mérites, de nos avoirs, de
nos pouvoirs, de nos savoirs, de nos vouloirs, de nos avantages, etc.
Quitter ce mode d’être et de penser est une nécessité : il s’agit de ne plus
en faire la référence de notre vie, ni une habitude, et bien sûr de ne pas
116
interagir avec l’autre sur cette base douteuse. Jésus en tous les cas nous
invite à y mettre fin résolument. Il le fait à nouveau dans la continuité, la
rupture et l’innovation. N’oublions pas la finale propre à Matthieu
disant : « c’est la Loi et les Prophètes ». Lui seul pouvait avoir l’audace
d’une approche aussi radicale, qui congédiait en vérité des centaines de
commentaires rabbiniques, disant en toute clarté que, si nous savons cela
de Dieu, nous savons tout de ce qui nous est demandé ! Reste
évidemment à y consentir et à l’appliquer. Mais le fait est que le génie de
l’Amour rend au peuple une formule choc, simple et compréhensible.
Quitter la loi des échanges mondains, c’est mettre fin à l’hypocrisie qui
nous fait chercher notre valeur et le sens de notre vie non pas en Dieu
mais dans le monde. C’est retrouver cet espace de pureté indispensable.
Entrer dans la logique du Don librement consenti, c’est faire preuve de
justice. C’est rendre gloire à Dieu en vivant de sa grâce et de ses bienfaits.
Sur ce point, à nouveau, Jésus se fera cassant. En Matthieu 5:20, il nous
dit « Car, je vous le dis, si votre justice ne surpasse pas celle des scribes
et des pharisiens, vous n’entrerez jamais dans le royaume des cieux. » Le
maître en fait le critère par excellence ! Et la raison en est simple :
quiconque veut être trouvé juste devant Dieu par ses propres mérites ou
moyens, tient Dieu en otage, en pariant sur sa miséricorde. Cela induit un
jeu pervers d’obéissance et de manquements aux préceptes divins qui
avaient été étendus à plus de 600 commandements au temps de Jésus.
Impossible d’obéir à tous !
La Règle d’Or met fin à la course aux mérites. Nous ne pouvons que
vivre de la grâce de Dieu, et faire don, à notre tour, de tout ce que nous
pouvons dans la limite de nos forces et de nos moyens. La grâce coulerait
alors comme un fleuve jamais à sec. Elle serait comme le dit la TDC cette
« pluie » qui fait pousser notre arbre de vie, et le rend vivant, tout en
transportant des « traces du futur » qui viennent nous dire que nous
sommes sur la bonne voie. Jésus va d’ailleurs étendre cette idée en
recommandant l’amour des ennemis, l’interdiction de la vengeance, du
parjure, de la convoitise, etc. Rien ne doit empêcher le fleuve de la grâce
de couler. C’est ainsi qu’il va dire en Mt 6, 14-15 « Si vous pardonnez aux
gens leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera, à vous aussi, mais
si vous ne pardonnez pas aux gens, votre Père ne vous pardonnera pas
non plus vos fautes ».
117
Le thème du pardon est sensible. Nous connaissons tous la formule
« je pardonne, mais je n’oublie rien ! ». Pour Jésus, il devrait être une
source de grâce imméritée, sans contrepartie ; une manière de remettre le
compteur à zéro pour que la vie puisse reprendre un cours normal sans
être entachée par la haine, l’envie de vengeance ou tout envie de faire
payer aux bourreaux le mal qu’ils ont fait subir. Nous connaissons tous de
remarquables histoires de pardon héroïque. Reste que Jésus semble nous
menacer : si nous ne pardonnons pas, Dieu ne nous pardonnera pas ! Ne
sommes-nous pas retombés sous la loi de la contrainte, des menaces et
du chantage ?
L’analyse nous invite d’abord à constater la symétrie des propos :
pardonner/ être pardonné, l’Amour circule. Ne pas pardonner / ne pas être
pardonné, l’Amour ne circule plus, il est bloqué, entravé irrémédiablement.
Or, l’idéal, c’est qu’il puisse circuler envers et contre tout. Nous avons
donc un choix délicat à faire. A qui ou à quoi allons-nous faire confiance ?
A la logique des échanges ou à celle du Don ? Dans le premier cas, nous
nous passons de Dieu. Dans le second, nous aurons besoin de Lui, de
son Amour, de son Aide pour ne pas rester prisonniers du non-pardon
comme des souffrances morales qui l’accompagnent. Tout est dans ce
distinguo, qu’il vaudrait mieux bien comprendre avant de se lancer à l’eau.
Une histoire drôle le dit : un pasteur vendit un jour son cheval à un cowboy
en lui disant: "C'est simple, il suffit de dire Dieu soit loué et le cheval part
au galop, et de dire amen pour qu'il s'arrête." Le cowboy saute sur le
cheval en disant Dieu soit loué, et l'animal part au galop, tout droit en
direction d'un précipice. Il voudrait l'arrêter, mais il ne se souvient plus de
la formule adéquate. Le cheval avance rapidement. Alors le cowboy se mit
à faire une prière. Quand il prononça le mot amen, le cheval stoppa
aussitôt sa course. Le cowboy tout heureux marmonna à haute voix: " Je
l'ai échappé belle. C'était tout juste. Dieu soit loué !"
118
rester dans des limites qui ne doivent pas être franchies par peur de
mettre la validité du système lui-même en cause.
La réponse du Jésus matthéen fait éclater ce système. En effet, il
exagère à tel point que seul un changement de système reste possible. Le
pardon n'a plus une fonction régulative dans le système de l'échange et de
la rétribution, mais il est devenu la base d'une nouvelle compréhension de
soi et d'un nouveau comportement. Car la disponibilité à pardonner
soixante-dix fois sept fois (ou même soixante-dix-sept fois, selon une autre
version manuscrite) présuppose que le sujet est passé d'une attitude
existentielle à une autre en changeant de conception de la justice. La
justice n'est plus conçue comme exactitude et symétrie de la réciprocité,
mais comme bonté inconditionnelle. Or le Jésus matthéen désigne ce
nouveau système par les termes de générosité (Mt 18,26) et de
miséricorde (Mt 18,33). Le pardon n'attend plus de contre-prestation et
s'offre comme une occasion rendant possible un changement de l'autre
qui ne peut, à son tour, qu'être reçu et accepté comme un don libre »28.
119
Peut-on pour autant quand même se prévaloir de quelques mérites quand
on a fait son devoir de croyant ? Et bien non ! La radicalité de Jésus lui
faisait dire en Luc 17, 7-9 : « Qui de vous, s’il a un esclave qui laboure ou
fait paître les troupeaux, lui dira, quand il rentre des champs : « Viens tout
de suite te mettre à table ! » Ne lui dira–t–il pas au contraire : « Prépare–
moi à dîner, mets–toi en tenue pour me servir, jusqu’à ce que j’aie mangé
et bu ; après cela, toi aussi, tu pourras manger et boire. » Saura–t–il gré à
cet esclave d’avoir fait ce qui lui était ordonné ?
De même, vous aussi, quand vous aurez fait tout ce qui vous a été
ordonné, dites : « Nous sommes des esclaves inutiles, nous avons fait ce
que nous devions faire ».
120
prenait grand soin malgré sa cécité. Le jardin était toujours resplendissant
au printemps, en été comme en automne. Un jour un passant en fut
étonné et dit à l’aveugle : « Pourquoi faites-vous ça ? Vous ne pouvez de
toute façon en contempler le résultat, non ? Pourquoi vous soucier ainsi du
jardin ?
L’aveugle sourit et répondit : "Je peux vous en donner quatre raisons.
Premièrement, j’aime jardiner, deuxièmement je peux saisir mes fleurs,
troisièmement je peux sentir leur parfum, la quatrième raison, c’est vous!
"Moi, dit le passant, mais vous ne me connaissez même pas !" "Certes,
reprit l’aveugle, mais je savais que vous alliez venir. Vous prenez plaisir à
contempler mes splendides fleurs, et je savais que nous aurions l’occasion
d’en discuter".
121
122
Chapitre XII
Les Béatitudes, signe d’une nouvelle
alliance
« Ce qui manque encore quand le besoin est comblé, c’est le
désir. Ce qui manque encore quand le désir est comblé, c’est la
joie. L’amour, parce qu’il est liberté, apporte à la joie ce qui ne
doit jamais lui manquer » Françoise Dolto.
Comme nous l’avons démontré, pour Jésus tout est grâce imméritée. Il
s’agit de nous ouvrir à la logique de la gratuité du Don en quittant la
logique des échanges mondains. Cette radicalité du génie de l’Amour
conteste bien entendu tout un fonctionnement religieux en vigueur, y
compris et surtout, celui du Temple de Jérusalem. Il conteste tout un
système entre les mains d’une oligarchie.
C’est à l’évidence ce qui va causer la perte du prophète de Galilée !
Mais Jésus a-t-il, dans cette logique du Don, voulu établir un ordre social
nouveau ? La réponse est à chercher dans les fameuses Béatitudes. Nous
les trouvons formulées différemment chez Matthieu et Luc :
123
Mt 5,3-12 :
Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux.
Heureux les doux, car ils hériteront de la terre (Psaume 37.11)
Heureux les affligés, car ils seront consolés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les pacifiques, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à
eux.
Luc 6,20-26
Heureux les pauvres car le Royaume des cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent maintenant, car vous rirez. Heureux ceux qui
ont faim maintenant, car vous serez rassasiés.
Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et quand ils vous
excommunient, et insultent et proscrivent votre nom comme mauvais, à
cause du Fils de l’homme.
Réjouissez-vous en ce Jour-là et bondissez d’allégresse ! Voici en effet :
votre récompense est grande dans le ciel ! De cette manière en effet leurs
pères traitaient les prophètes.
Sans entrer dans tous les détails des textes, quelques constats
s’imposent : « Les neuf béatitudes qui ouvrent le sermon sur la montagne
ont leur pendant dans les quatre béatitudes et les quatre malédictions du
discours dans la plaine de l'évangile de Luc (Lc 6,20-26). Les quatre
béatitudes sont communes à Matthieu et à Luc. Les trois premières
s'adressent aux pauvres, aux affamés et aux affligés. Une quatrième,
dédiée aux disciples persécutés, les complète. Visiblement, Luc a ajouté la
séquence des quatre malédictions construite en miroir des quatre
béatitudes originales (« malheureux, vous... »). De plus, il a reformulé
l'ensemble à la 2e personne du pluriel : « Heureux, vous qui... ». Son
thème est celui du salut que Jésus a apporté. Ce dernier est venu pour
appeler les pécheurs à se repentir et à se convertir. Quant à Matthieu, il a
confectionné cinq nouvelles béatitudes qu'il a ajoutées aux anciennes.
Leurs destinataires ne sont pas désignés, explicitement ou implicitement,
par la situation dans laquelle ils se trouvent (pauvres, affligés, affamés),
mais ils sont définis par le fait qu'ils ont décidé d'adopter une certaine
attitude ou un certain comportement. Ils sont doux et miséricordieux, ils
ont un coeur pur, ils font régner la paix, ils cherchent la justice et ils sont,
124
pour cette raison, l'objet de pressions ou de répression. Parallèlement à
cela, Matthieu a modifié le sens général des quatre béatitudes déjà
existantes et l'a réorienté dans une perspective morale et spirituelle : le
motif économique et social des pauvres a fait place à l'attitude existentielle
de l'esprit de pauvreté qui s'en remet à la bonté de Dieu et la situation
objective de la faim physique est remplacée par la quête, faim et soif, de la
justice. (…) Le Jésus matthéen ouvre programmatiquement son discours
sur la montagne en promettant le Royaume des cieux à quiconque se
repent, se laisse transformer par l’appel à mettre sa confiance dans la
providence du Père céleste et se met au service de la justice de sa
miséricorde et de la générosité de sa providence. C’est en cela que les
disciples qui suivent Jésus et les foules qui l’écoutent sont le sel de la terre
et la lumière du monde.(…) Dans l'évangile de Luc, le message est
explicite et clair dans la mesure où il est précisé deux fois par l'opposition
entre un maintenant et un futur: tous ceux qui sont maintenant affamés et
qui pleurent sont déclarés heureux parce qu'ils seront rassasiés et qu'ils
riront. Le moment où aura lieu le retournement des choses est indiqué
explicitement dans la première béatitude et implicitement dans les
malédictions : à la fin des temps. L'idée est donc que les pauvres, les
affamés et les affligés sont déjà heureux, par anticipation, parce que
l'Évangile leur révèle que dans le Royaume, à la fin des temps, ils seront
rassasiés et consolés. La raison de leur joie ne réside pas dans le présent,
mais dans un avenir qui est annoncé par les béatitudes comme une bonne
nouvelle. Le futur est une consolation pour le présent.
Dans l'évangile de Matthieu, la structuration du temps semble tout
d'abord être semblable. La promesse de voir Dieu renvoie de manière
univoque au futur éloigné de la fin du monde, de sorte que la perspective
d'hériter le Royaume et la terre, de faire l'expérience de la miséricorde et
d'être rassasié de justice ne s'épuise pas dans le présent, mais comporte
dans tous les cas une dimension future.
Matthieu a toutefois modifié radicalement le rapport logique entre les
béatitudes elles-mêmes (« heureux... ») et les promesses qui les fondent
(« car... »). En effet, le futur annoncé par la version matthéenne des
béatitudes ne se présente pas comme une compensation du présent, mais
bien plutôt comme sa conséquence immédiate. Quiconque met sa
confiance dans la providence du Père céleste, quiconque vit, dans l'esprit
du don, de la miséricorde de Dieu et exerce la miséricorde, quiconque agit
courageusement et patiemment dans l'assurance de la bonté du Père
céleste, quiconque recherche la paix vit déjà dans le bonheur du Royaume
des cieux. Heureux sont les disciples et les auditeurs de Jésus non pas
125
parce qu'un avenir radieux va racheter les difficultés de l'existence
présente, mais parce que Jésus les invite à adopter une attitude
existentielle qui les fait entrer dans la logique de la promesse et les
associe à la joie des enfants du Père céleste.
Les pauvres en esprit ne sont pas seulement heureux parce qu'ils
recevront leur salaire à la fin des temps, mais bien plutôt parce que le
bonheur appartient à ceux qui, dans la justice, vivent, miséricordieux, doux
et pacifiques, de la surabondance de la générosité de Dieu »29.
Une fois encore, la radicalité du génie de l’Amour veut nous faire sortir
de nos idées toutes faites et de nos enfermements : le bonheur appartient
à ceux qui, dans la justice, vivent miséricordieux, doux et pacifiques, de la
surabondance et de la générosité de Dieu.
126
Elisabeth von Thüringen était veuve. Elle avait fondé aux portes de la ville
de Marburg un hôpital et soignait les malades et les pauvres. Elle reçut un
jour pour son œuvre deux milles Marks en argent du conte Heinrich
Raspe. Elle décida aussitôt de consacrer un quart de la somme aux
pauvres et fit savoir à la ronde, à tous ceux qui étaient dans la détresse,
leur faisant dire qu’ils pouvaient se rendre tel jour à son hôpital. Quand le
jour fixé arriva, il se forma un cortège de pauvres, de malades et de
vieillards dans le besoin et la cour de l’hôpital en fut remplie. Pendant
toute la journée, Elisabeth distribua de l’argent et consola les gens. Le
soir, il restait encore beaucoup de gens faibles et âgés qui ne pouvaient
rentrer chez eux le jour même. Elisabeth fit un grand feu au milieu de la
cour afin qu’ils puissent s’y réchauffer. Elle les nourrit ensuite et leur
permit de se laver. Les gens concernés comprirent qu’il ne s’agissait pas
là d’une aumône, mais bien d’un amour authentique et désintéressé. Ils se
sentirent accueillis dans une sorte de grande famille et se mirent à chanter
et à rire. Voyant cela, Elisabeth dit à ses aides : « Vous voyez, je l’ai
toujours dit. C’est bon de rendre les hommes heureux ».
127
mode de fonctionnement de l’économie ou de celui de nos sociétés. Notre
sourire intérieur risque donc fort de déplaire ! De choquer ou de susciter
une contre-réaction de type causaliste, dans un déchaînement de
moqueries, de railleries, de rejets, avec le risque d’une accumulation de
violence. On peut bien sûr prendre distance avec un brin d’humour comme
le faisait Khalil Gibran quand il disait : « J’ai appris le silence du bavard, la
générosité de l’avare, la bonté du méchant. Je dois être reconnaissant
envers tous ces maîtres ». C’est même évidemment une façon très
élégante de pardonner, de s’ouvrir à cette bonté inconditionnelle, sans
médire ni maudire. Cependant, quand nous nous ouvrons à la logique du
Don - ne serait que par choix ou décision dans la première causalité- ou
quand Dieu nous fait grâce en matérialisant nos intentions, tout ce qui
gravit autour de nous s’en trouve affecté. Or, nous savons que Dieu
n’imposera jamais quoi que ce soit à qui que ce soit contre son gré :
l’Amour absolu ne peut le faire. Il faut au minimum que l’environnement le
permette ou n’y soit pas opposé. Nous touchons ici à un questionnement
troublant : la radicalité de Jésus appartenait-elle essentiellement à la
première causalité comme conséquence assumée de la seconde ?
Appartenait-elle aux deux causalités simultanément ? Dans le premier cas,
il nous faudrait admettre que Jésus, tout en allant au bout des
conséquences logiques de l’Amour, vient forcer le destin en outrepassant
le libre-arbitre de ses concitoyens. Or, l’Amour absolu ne le ferait pas.
Dans le deuxième cas de figure, la radicalité de Jésus pouvait
s’exprimer ainsi parce que Dieu faisait grâce et qu’il y avait dans
l’entourage du Maître – les Douze, les sympathisants occasionnels -
suffisamment de volonté d’accueillir la nouveauté proclamée pour qu’elle
puisse se matérialiser sans faire violence au principe absolu du respect
divin du libre-arbitre. Il pourrait bien sûr y avoir d’autres cas de figures,
mais il n’est pas en mes compétences de les étudier.
128
poule rassemble sa couvée sous ses ailes ! Mais vous ne l’avez pas voulu.
Eh bien, votre maison vous est abandonnée. Je vous le dis, vous ne me
verrez plus jusqu’à ce que vienne le moment où vous direz : Béni soit celui
qui vient au nom du Seigneur ! »
La TDC nous disait que « bien au-delà du juste retour -causal- du don
de soi, celui qui met en route ou qui entretien le cycle de l’amour réalise la
magie qui amplifie considérablement ses effets positifs » (p.302). Il ne fait
à nos yeux aucun doute que Jésus a su entretenir le cycle de l’Amour et
qu’il a pratiqué le don de soi comme nul autre avant lui. Alors ? Je me
sens perplexe. Jésus a-t-il fait un dépôt d’intentions qui incluait d’une
manière ou d’une autre la confrontation finale avec l’oligarchie de
Jérusalem ? L’a-t-il fait en sachant que cette confrontation était
inévitable ? Le verset de Luc cité plus haut semble aller dans ce sens :
« Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui
te sont envoyés, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme
une poule rassemble sa couvée sous ses ailes ! Mais vous ne l’avez pas
voulu. » Terrible constat d’échec qui donne un commencement
d’explication aux finales surprenantes – voire choquantes - des Béatitudes
de Matthieu et Luc, qui nous disent que nous sommes heureux quand les
gens nous insultent, disent du mal de nous en mentant à cause de Jésus,
qu’il nous faut même bondir d’allégresse quand cela nous arrive puisque
notre récompense est grande dans le ciel ! Mais si le génie de l’Amour a
bien demandé au Père la confrontation finale, ou s’il l’a envisagée
simplement comme une conséquence inévitable de l’Amour, ne l’a-t-il pas
fait au détriment des Douze notamment, sans les avoir vraiment
consultés ? Nous verrons que Jésus fera tout pour éviter de les entraîner à
sa suite.
129
déterministe de nos pensées ou de nos conditionnements multiples!
Honnêtement, ce n’est pas si simple de laisser Dieu être Dieu au
quotidien, pour qu’il puisse faire pleuvoir son Amour sur nous, tant notre
volonté de tout maîtriser en grande. Cette pensée m’inquiète d’abord car
elle peut mener loin, puis elle me rassure, car alors je me suis rappelé
cette histoire pleine de sagesse :
130
Chapitre XIII
L’Amour ne saurait courber l’échine
« Parce que notre désir est inédit, unique, il pose question,
angoisse parfois ou scandalise. Il ne s’agit pas d’agacer pour
agacer ou de scandaliser pour scandaliser mais « ça »
scandalise parce que nous vivons selon ce que nous croyons
être notre désir ou notre « vocation ». Alors, ça dérange car,
comme le dit Brassens : " Les braves gens n’aiment pas que
l’on suivre une autre route qu’eux. " »
Françoise Dolto.
Fallait-il pour autant que les humains tuent l’Amour ? En quoi est-ce
une nécessité et que peut-elle apporter de bon ? Jésus a-t-il finalement
choisi de faire un dépôt d’intentions dans le futur qui incluait d’une manière
ou d’une autre la confrontation avec l’oligarchie corrompue de Jérusalem ?
A—t-il ouvert, comme le donne à penser particulièrement les Béatitudes,
un nouveau front polémique ? Tout l’indique.
131
violence terrible. De son côté, le petit peuple subissait la loi des puissants ;
il ne connaissait guère le prophète de Nazareth. L’oligarchie religieuse ne
savait pas grand-chose de lui non plus, mais elle se rendra vite compte du
danger.
132
« Pendant le jour, Jésus était dans le Temple à enseigner. Mais la nuit,
étant sorti, il la passait au Mont appelé Olivier. Et tout le peuple se levait
dès l’aurore pour aller à lui l’écouter dans le Temple ». Le risque était donc
double de voir surgir une émeute, même si à l’évidence la mention de tout
le peuple venu l’écouter est une exagération de l’Eglise primitive.
Matthieu, quant à lui, placera son récit du Jugement dernier (Mt 25,31-
46) dans lequel le Fils de l’homme viendra dans sa gloire avec les anges
pour siéger sur le trône de gloire. Il rassemblera toutes les nations pour
séparer les brebis des boucs. Le critère sera simple : sera sauvé
quiconque aura répondu à la détresse d’un plus petit dont la survie ou la
dignité étaient menacées. Dans cette apocalypse, ce qui importe c’est
d’agir, de répondre à ceux qui ont faim, soif, sont étrangers, nus, malades
ou en prison, par des gestes de miséricorde. Peu importe combien de
fois ! La règle est désormais simple : « tout ce que vous aurez fait à l’un
des plus petits de ces frères, c’est à moi que vous l’aurez fait (v.40) ». Ce
qui devient le critère du Jugement dernier pour les premiers chrétiens.
133
Pour Albert Schweitzer, Jésus a voulu précipiter la crise pour faire
basculer l’histoire et faire venir le royaume divin. Dans ce cas de figure, le
génie de l’Amour aurait voulu contraindre son Père, ou alors il se serait
lourdement trompé sur ses intentions !
134
devoir s’élever encore plus haut dans son évolution spirituelle, mais c’est
bien lui et non le Père qui va informer l’univers que, parmi toutes les
possibilités d’occurrences d’événements liées à son observation, il a choisi
la seule et unique manière de triompher de l’oligarchie. Bien sûr, il devra
assumer son nouveau choix, et connaître, pourquoi pas, des doutes et
même les affres de l’angoisse ! Qu’il nous suffise de penser à sa prière au
jardin de Gethsémani, à cette lutte pour habiter son choix, comme cela
nous est dit en Marc 14, 32-42 : « Ils arrivent au lieu nommé Gethsémani,
et il dit à ses disciples : "Asseyez–vous ici pendant que je prierai". Il prend
avec lui Pierre, Jacques et Jean. Il commença alors à éprouver l’effroi et
l’angoisse. Il leur dit : "Je suis triste à mourir ; demeurez ici et veillez".
S’étant avancé un peu, il tombait à terre et priait pour que, s’il était
possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait : "Abba, Père, tout est
possible pour toi ; éloigne de moi cette coupe. Toutefois, non pas ce que,
moi, je veux, mais ce que, toi, tu veux".
Il vient et les trouve endormis ; il dit alors à Pierre : "Simon, tu dors ! Tu
n’as pas été capable de veiller une heure ! Veillez et priez, afin de ne pas
entrer dans l’épreuve ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible". Il
s’éloigna encore et pria en répétant les mêmes paroles.
Puis il revint et les trouva endormis, car ils avaient les yeux lourds. Ils ne
savaient que lui répondre. Il vient pour la troisième fois et leur dit : "Vous
dormez encore, vous vous reposez ! C’en est fait. L’heure est venue ; le
Fils de l’homme est livré aux pécheurs. Levez–vous, allons ; celui qui me
livre s’est approché" ».
Une bataille formidable livrée pour définir ce que serait et ferait l’Amour,
et au final, l’apaisement.
Il sera l’heure pour lui de mettre en pratique une dernière fois tout ce qu’il
enseigné, lui qui exhortait jadis ses disciples à ne pas craindre ceux qui
tuent le corps, mais ne peuvent rien faire de plus (Lc 12,4). Il va mettre en
pratique cet enseignement en innovant encore!
Pour l’heure, il convient de suivre succinctement le déroulement du
drame. Nous le ferons à partir des observations du Professeur Marguerat :
« Les historiens sont aujourd'hui de plus en plus convaincus d'une chose:
l'image du procès au sanhédrin, aboutissant à une sentence de mort pour
cause de messianité (Mc 14,53-65), est une reconstitution chrétienne. De
toutes manières, les premiers chrétiens devaient reconstituer une scène à
laquelle aucun des disciples n'avait assisté! Ils l'ont fait culminer dans ce
dialogue entre Caïphe et Jésus: «Es-tu le Messie, le fils du Béni?» — «Je
le suis», dit Jésus, «et vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite du
135
Puissant et venant avec les nuées du ciel». Et le grand prêtre de déchirer
sa tunique en s'écriant: «Vous avez entendu le blasphème!» (Mc 14,61-
63).
Mais comment l'accusation aurait-elle pu avoir cette teneur-là? Pour les
premiers chrétiens, il est évident que le litige entre 1'Eglise et la
Synagogue porte sur la messianité de Jésus. Mais se déclarer messie,
dans le judaïsme du ler siècle, n'encourt pas la peine capitale. La foi juive
était à cet égard d'une tolérance qui peut surprendre. Plusieurs faux
messies se sont levés, avant et après Jésus, sans qu'on ait retenu contre
eux le délit de blasphème. En outre, il est extrêmement difficile d'admettre
que Jésus se soit ainsi déclaré comme le Messie. Lui qui toute sa vie s'est
refusé à bloquer son identité sur un titre, comment imaginer qu'à la
dernière minute il renie sa détermination? Comment penser qu'il
accepterait, là, le titre qu'il a évité jusqu'alors?
Par contre, sa déclaration au grand prêtre correspond en tous points à
la confession de foi chrétienne. Elle est d'ailleurs un tissu d'Ancien
Testament, qui articule deux citations des Ecritures dont le rôle a été
décisif pour le premier christianisme: le Psaume 110,1 qui évoque la
session à la droite de Dieu, et Daniel 7,13 qui décrit la venue du Fils de
l'homme.
Il a frappé le Temple
136
Premier grief: le Temple. Des témoins sont produits devant le
sanhédrin, qui rapportent une parole de Jésus: Nous l'avons entendu dire:
«moi, je détruirai ce sanctuaire fait de main d'homme, et en trois jours j'en
bâtirai un autre, qui ne sera pas fait de main d'homme» (Mc 14,58). On
s'étonne seulement d'entendre Marc qualifier cette parole de faux
témoignage. Car elle circule dans le christianisme sous des formes
diverses: dans l'évangile de Jean (Jn 2,19), dans le livre des Actes (Ac
6,14) et au début de l'apocalypse synoptique (Mc 13,2); elle répond ainsi
au critère de l'attestation multiple, qui en prouve le caractère archaïque.
Marc voit-il ici l'accomplissement du Psaume 27: De faux témoins se sont
levés contre moi en crachant la violence (Ps 27,12)? Ou pense-t-il que
Jésus n'a pas affirmé vouloir détruire lui-même le Temple, mais qu'il
annonçait sa ruine prochaine, dans la foulée du Royaume de Dieu?
Quoi qu'il en soit, le Temple est un point ultrasensible de la foi juive, et
le scandale provoqué par Jésus sur le parvis des païens, chassant les
marchands de bêtes sacrificielles et renversant les tables des changeurs,
avait de quoi choquer le peuple et alerter l'aristocratie sadducéenne (Mc
11,15-17). L'éclat a été limité, mais significatif. Jésus prenait ainsi le relais
des prophètes avec leurs oracles de malheur contre le Temple (Jr 7; 26;
Ez 8; cf. Es 66); mais il agit au nom de l'immédiateté fulgurante de Dieu,
anticipant la destruction du Temple qui devait inaugurer le Royaume.
Frapper le Temple, c'est attenter au symbole même de la présence de
Dieu, plus encore, à la garantie de la présence de Dieu en Israël. C'était
trop pour les Jérusalémites, dont l'opinion à ce moment-là a tourné contre
Jésus; les évangiles notent ce revirement, au seuil de la Passion.
L'historien juif Flavius Josèphe, qui décidément nous livre des
renseignements très précieux, expose dans sa «Guerre des Juifs» le cas
de Jésus ben Ananias. Cet homme, quatre ans avant la guerre de 66-70,
parcourait Jérusalem en prophétisant le malheur de la ville et du
sanctuaire. Les magistrats juifs le livrèrent alors au gouverneur romain
pour être puni — étonnante ressemblance avec le traitement infligé à
Jésus! En l'occurence, le gouverneur Albinus jugea que ce prophète de
malheur était fou, et il le relâcha. Jésus de Nazareth ne l'était pas, il était
d'autant plus dangereux. La ressemblance accrédite l'idée qu'un homme
blasphémant le Temple pouvait être livré à l'autorité d'occupation pour
motif politique; du côté juif, la Loi prévoit que le faux prophète doit mourir
(Dt 18,20), et à la fin de la comparution au sanhédrin, Jésus est traité
comme tel: Certains se mirent à cracher sur lui, à lui couvrir le visage, et à
lui donner des coups en lui disant: «Prophétise!» (Mc 14,65).
137
Il casse les règles
138
plaider sa cause auprès de Pilate. Il ne le fera pas. Ne donne-t-il pas ainsi
une victoire trop facile à cette oligarchie qu’il est venu combattre ?
Dans notre hypothèse, Jésus ne veut donner aucun prétexte, aucune
prise au déchaînement de la violence qui doit être et rester le libre-choix,
le fait de ses adversaires. Par sa retenue et par son silence, Jésus laisse
place à une conscience de s’éveiller ; il maintient la possibilité de se
dégager de la violence, de l’envie ou de la nécessité du meurtre. C’est une
façon d’aimer ses ennemis, comme il le réclamait, en refusant de se
comporter comme eux. Lui se comporte en miroir pour que chacun puisse
se voir. Se trouve ainsi en jeu bien plus que sa vie. L’effet miroir doit
montrer l’aliénation fondamentale de l’oligarchie qui se réclame de Dieu,
d’une compréhension du Temple, d’une identité juive, de l’exercice d’un
pouvoir pour le bien du peuple, là où il n’y a que la défense d’intérêts
particuliers. La religion est devenue l’otage des nantis et des puissants qui
ont enfermé dieu, pour le tenir en otage, dans une définition aberrante de
l’Amour. L’effet miroir voulu par Jésus fait office de révélation universelle :
elle concerne tous les puissants du monde. Ce Jésus misérable et sans
pouvoir, qui donne sa vie, va démasquer le mensonge des gens de
pouvoir et contredire leur mode de fonctionnement causal, qui devient le
mode à dépasser pour s’ouvrir à l’Amour et aux Béatitudes. En refusant
toute escalade symétrique de la violence, Jésus les place dans la
dialectique de l’illusion comme possibilité d’en sortir : ici, l’illusion-force
consiste à vouloir, malgré la retenue et le silence de la victime, voir en elle
quand même un dangereux prophète dont il faut se débarrasser ; ou, à
travers l’illusion-faiblesse, qui veut agir non par goût du pouvoir mais pour
le bien du peuple, tout en refusant de voir en lui par exemple simplement
un doux rêveur dont il fallait s’occuper le temps de laisser passer la
Pâque. L’Amour postule que nous avons le choix du tiers exclu ou le choix
de l’enfermement. Jésus maintient ce respect fondamental sans diaboliser
ses adversaires ni les victimiser d’aucune manière. Ils avaient la possibilité
effective de réaliser que son Royaume n’était pas de ce monde, mais ils
ne l’ont pas fait : ils ont maintenu au contraire leur enfermement comme
cela nous est raconté en Jean 11,47-50 : « Alors les grands prêtres et les
pharisiens rassemblèrent le sanhédrin et dirent : "Qu’allons–nous faire ?
Car cet homme produit beaucoup de signes. Si nous le laissons faire, tous
mettront leur foi en lui, et les Romains viendront détruire et notre lieu et
notre nation". Mais l’un d’eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année–
là, leur dit : "Vous, vous ne savez rien ; vous ne vous rendez pas compte
qu’il est avantageux pour vous qu’un seul homme meure pour le peuple et
que la nation ne soit pas perdue tout entière" ».
139
Cet enfermement conduit au choix du bouc-émissaire, au soi-disant
droit de faire de Jésus une victime innocente pour le bien de tous. Mais
l’enfermement est aussi le fruit de nos peurs et prédictions : cet homme a
produit beaucoup de signes (constat), tous mettront leur foi en lui
(prédiction), les Romains vont réagir (peur). S’installe alors une boucle de
rétroaction négative dont il est très difficile de sortir parce qu’elle est située
uniquement dans un mode de fonctionnement causal dont Dieu, ou même
l’Amour, sont exclus.
140
Chapitre XIV
Quand il faut perdre pour gagner
« La réalité du monde se découvre quand nous nous heurtons à
lui, quand il y a choc, rupture, brisement. Alors nous savons que
le monde n’est pas tel que nous l’imaginons » Françoise Dolto.
141
terre. Diminué par la flagellation, Jésus a faibli en chemin. L'escorte a
réquisitionné un dénommé Simon, de Cyrénaïque (Libye), qui rentrait des
champs, et dont le physique a paru apte à porter la croix pour la fin du
trajet (Mc 15,21). De pieuses femmes de la ville avaient coutume d'offrir
aux suppliciés un breuvage enivrant destiné à les étourdir, afin d'atténuer
un peu l'horrible souffrance. Jésus l'a refusé (Mc 15,23).
L'agonie
142
Certains aspects méritent d’être développés :
143
Il souhaitait pouvoir traduire dans leur lange certaines expressions
bibliques, mais n’arrivait pas à trouver la bonne expression pour dire
l’espérance. Il chercha longtemps un équivalent sans le trouver. Mais un
jour, son enfant nouveau-né mourut. Il le porta en terre. Un papou le
voyant lui demanda : « Je ne te vois pas pleurer ? » Le missionnaire lui
répondit : « Pourquoi pleurer ? Je reverrai mon fils, il est auprès de Dieu ».
Le jeune papou rétorqua : « Oui, je sais cela. Vous les chrétiens vous
regardez par-dessus l’horizon… ».
Regarder par-dessus l’horizon…Soudain, le missionnaire a su comment
traduire dans la langue des papous le mot espérance ».
On peut suivre une dernière piste, en remarquant que Jésus a vécu lui-
même ce qu'il demande. Il exhorte ses disciples à ne pas craindre ceux
qui tuent le corps, mais après ne peuvent rien faire de plus (Lc 12,4); lui-
même ne craindra pas. Il recommande de faire confiance à Dieu qui veille
sur chacun; hors de sa volonté, pas un cheveu ne tombe de la tête (Mt
10,30). Qui veut sauver sa vie la perdra, dit-il, mais qui perd sa vie la
sauvera (Mc 8,35); lui-même préférera perdre sa vie plutôt que renier son
image de Dieu. Jésus demande d'aimer l'ennemi et de renoncer à la
violence (Mt 5,38-48). Sa mort n'est-elle pas la concrétisation même de
ses exhortations? N'est-elle pas le signe ultime d'une vie exposée à
l'amour? Heinz Schürmann parle de la «pro-existence» de Jésus: une
existence pour autrui, en faveur d'autrui, une existence qui paie le prix de
l'amour pour les pécheurs. Jésus disait un jour à ses disciples: Si
quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de
tous (Mc 9,35). Le supplice de sa mort accomplit cette parole, puisqu'elle
l'inscrit au rang des derniers, au nom de l'amour infini de Dieu qui triomphe
de la mort.
144
passé d'une vie pour autrui à une mort pour autrui. Ils signifiaient par là
que la mort n'était pas que l'interruption de sa vie, mais le pinacle d'une
vie offerte. Ainsi, de la «pro-existence» de Jésus pour les pécheurs, on est
passé à une conception, qui nous est familière, du Christ mort pour nos
péchés.
Voir dans la croix une expiation des péchés n'est pas le fait de Jésus,
mais un fruit de Pâques. Reconnaissons que la position de Jésus, son
accueil de la souffrance comme conséquence de l'engagement au service
du Dieu d'amour, se prêtait remarquablement à une telle lecture
chrétienne de sa mort »33.
Pour autant, fallait-il que les humains tuent l’Amour ? Qu’ils expriment
leur toute-puissance qui n’est en somme qu’une peur infinie de s’ouvrir à
la non-maîtrise d’un Père miséricordieux ?
D’une certaine manière, l’Amour qui se meurt sous nos yeux dans un
abandon aussi radical et sans débordement de haine ou de violence,
marque un tournant décisif dans l’évolution de la conscience humaine.
Cette non-violence sera reprise tout au long de l’histoire et sur tous les
continents. Désormais, la force des puissants et la puissance de la force
doivent s’attendre à être combattues sur un autre terrain. Et cette nouvelle
possibilité, qu’on le veuille ou non, qu’on se déclare croyant ou non, nous
est donnée. Est-ce une utopie ?
145
Quand les tensions inter-ethniques devenaient trop fortes en Indes,
Gandhi jeûnait et obtenait un apaisement des conflits…
De nombreuses immolations ont été suivies de changements
considérables, la dernière en date en Tunisie a contribué à faire tomber le
pouvoir…
Pour cet évangile, la parole a surgi dans le temps, elle est venue
d’ailleurs, du Père directement pour féconder nos vies à travers son Fils. Il
est le pain de vie, la lumière, la porte, le bon berger, la résurrection et la
vie, le chemin, la vraie vigne. Autant dire : tout ce dont nous pourrions
avoir besoin ou rêver ! La vie en plénitude. Cet Envoyé du Père, auprès
duquel il était de toute éternité, avait reçu pour mission de manifester
l’Amour sur terre, d’en faire la révélation. Il y sera pourtant en hôte
étranger qui devra retourner d’où il est venu. Tel est son destin… Ainsi
pour Jean, la croix n’est pas un événement imprévisible ni scandaleux.
Elle est un aboutissement nécessaire, l’accomplissement ultime de sa
mission : la révélation de la présence souveraine du Dieu sauveur qui n’a
jamais été mis en échec par la croix. En elle, au contraire, le Fils manifeste
sa différence qualitative d’avec les humains, qui va l’élever au-dessus de
tout nom en glorifiant le Père. Chez Jean, l’extrême abandon,
l’abaissement et la souffrance du Fils, bien que réels, ne disent pas
l’essentiel, à savoir qu’il incarne la défaite du mal et le triomphe de la vie,
en somme la gloire de Dieu. Et c’est dans ce renversement des choses
146
que le monde est jugé, que nous sommes appelés à croire au porteur
victorieux de la vie, invités à voir dans la Croix le point d’orgue de la Gloire
divine, la Différence radicale. Jésus en a fait la démonstration tout au long
de sa vie et même dans son agonie. Et quand il remet son esprit, quand
tout est accompli, s’annonce son retour au Père. Un retour sans violence
mimétique puisqu’il nous a offert son pardon ! Un retour glorieux porteur
de Vie et de Sens.
Après avoir été créé, et après avoir éprouvé comment le son tremblant
sortait de mes lèvres, je résolus d'escalader la montagne sainte pour
parler à Dieu et pour lui dire: « Seigneur, je suis ton serviteur. Ta volonté
sainte est ma loi et je la suis en toute circonstance. » Mais Dieu ne daigna
pas me répondre. Il fit simplement se lever immédiatement une énorme
tempête.
Mille ans plus tard, je résolus d'escalader la montagne sainte pour parler à
Dieu et pour lui dire: « Mon Créateur, je suis ta créature. Tu m'as créé
selon ton bon vouloir. Ce que je suis, ce que j'ai, c'est à toi seul que je le
dois ». Mais Dieu resta silencieux. Il fit simplement s'envoler aussitôt mille
oiseaux apeurés.
Mille ans plus tard, je résolus d'escalader la montagne sainte pour parler à
Dieu et pour lui dire: « Père, je suis ton fils, tu m'as montré de l'amour et
de la compassion. C'est dans l'amour et la compassion que je veux hériter
de ton royaume. Mais Dieu ne dit mot. Il s'est évaporé comme la brume à
l'horizon.
Mille après, je résolus d'escalader la montagne sainte pour parler à Dieu
et pour lui dire: «Mon Dieu, mon but et mon accomplissement, je suis ton
147
passé et tu es mon présent. Je suis ta racine dans la terre, et tu es ma
floraison au firmament et nous croissons ensemble comme la face du
soleil. » Alors Dieu s'est penché vers moi, il m'a murmuré à l'oreille des
mots tendres et doux. Et comme la mer contient le petit ruisseau qui va se
fondre en elle, Dieu m'a entouré. Et quand je suis redescendu de la
montagne sainte, dans les sommets comme dans les plaines, Dieu était
toujours là ».
N’est-il pas Celui qui est, était et sera ? Origine et fin de toute chose ?
N’avons-nous pas dès lors à Lui remettre, en toute conscience et en toute
confiance, nous aussi notre esprit ?
La TDC n’exclut pas, sans l’avoir justifiée, la survivance de l’esprit. Mais
elle nous invite fortement à ne pas oublier que nous faisons partie d’un
seul organisme, celui de Dieu dont nous sommes les capteurs et les
acteurs dans le plus strict respect de notre libre-arbitre. Ce postulat est
capital, trop souvent oublié dans le domaine religieux. Une histoire
humoristique le dit : Jésus joue au golf.
Il se prépare à prendre son premier départ.
Il frappe la balle mais manque complètement son coup.
La balle traverse le parcours dans le mauvais sens rebondit sur un arbre,
repasse et heurte une pierre qui la fait partir à la verticale, elle est alors
déviée par un Boeing qui passe.
Elle revient, heurte un camion sur la route voisine qui l'envoie contre un
mur de ferme, elle arrive dans un buisson.
Un lapin qui passait par là voit la balle de Jésus, la prend dans sa bouche
et continue sa promenade.
Un aigle, fonce sur le lapin et l'emporte dans les airs.
C'est alors qu'un chasseur voit l'aigle et lui tire dessus.
L'aigle, touché, lâche le lapin, qui lâche la balle qui tombe sur le green
roule un peu et tombe dans le trou!
Alors Jésus lève les yeux au ciel et dit : "Papa ! S'il te plait ! Laisse-moi
jouer...!"
148
Chapitre XV
La résurrection ? Bon, mais encore ?
« Seule l’expérience d’un manque dans une rencontre peut
nous ouvrir à Dieu et nous mettre en recherche continuelle de
lui » Françoise Dolto.
Le choc de Pâques :
149
N'allons pas penser que le plus grand choc ait été, pour les disciples de
Jésus, la mort de leur maître. Sa fin a été misérable, et l'évangile nous
montre les disciples apeurés et fuyards. Au minimum, les disciples avaient
misé quelque espoir sur leur maître, que la fin venait ruiner. L'épisode du
reniement de Pierre est demeuré dans la tradition comme la cicatrice d'un
lâchage honteux de Jésus par les siens.
Mais un choc bien plus considérable s'est produit, auquel les disciples
n'étaient absolument pas préparés et qui les a pris à revers. Ce choc a
reçu un nom dans la foi chrétienne: Pâques. Les évangiles rapportent qu'à
leur grand effroi, des femmes ont trouvé le tombeau ouvert, et que les
disciples ont dû se ranger peu à peu à cette nouvelle, pour avoir vu de
leurs yeux leur maître à nouveau vivant.
150
classée à Golgotha ne venait pas au-devant de l'attente ardente des
disciples; elle est venue au contraire contredire leur sentiment d'échec.
Le regard inversé :
151
avait pas de vie après la mort. Les morts étaient au shéol, qu’on peut
traduire par tombeau : le lieu des ombres, du silence et du sommeil. Au-
delà de la mort, il n’y avait rien, croyait-on : c’était sur terre que Dieu
punissait ou récompensait par la prospérité et la descendance. C’est ce
qu’on appelle la théologie de la rétribution.
Au IIe siècle avant notre ère, les Juifs étaient sous la domination des
Séleucides (Grecs) et se faisaient persécuter par le roi Antiochus IV
Épiphane. Afin d’assimiler les Juifs, on brûle leurs livres saints, on leur
interdit leurs pratiques alimentaires et religieuses, et on installe un autel
pour Zeus dans la partie la plus sainte du Temple - un geste extrêmement
provoquant pour eux. Plusieurs Juifs se révoltent et finissent par être tués
pour leur foi.
Les persécutions subies par les Juifs au IIe siècle sont racontées dans
l’Ancien Testament par le livre des Maccabées, qui propose aussi l’idée de
résurrection. Dans le récit de 2 M 7, sept frères sont arrêtés avec leur
mère. On leur ordonne de manger du porc (un aliment proscrit par la loi
juive). Ils refusent et se font donc torturer et tuer. Avant de mourir, ils
affirment courageusement au roi : « Tu nous exclus de la vie présente,
mais le roi du monde, parce que nous serons morts pour ses lois, nous
ressuscitera pour une vie éternelle » (2 M 7,9).
152
La résurrection : l’expérience chrétienne :
Pourtant, beaucoup de Juifs ne les ont pas crûs. Pourquoi? D’une part,
les Saducéens, responsables du Temple, ne croyaient tout simplement
pas à la résurrection. Pour eux, la vie se terminait avec la mort. D’autre
part, pour les Pharisiens et les Esséniens, la résurrection de Jésus était
bien différente de celle envisagée par les livres de Daniel et des
Maccabées. Il y a deux différences majeures. Premièrement, ces écrits
évoquaient une résurrection à la fin des temps, alors qu’après la
résurrection de Jésus, la vie ordinaire a continué son cours!
Deuxièmement, dans la résurrection décrite par Daniel et les Maccabées,
le Messie n’avait aucun rôle particulier à jouer, tandis que pour les
chrétiens, la résurrection du Messie – qu’ils reconnaissaient en Jésus –
est devenue le modèle de leur propre espérance de résurrection.
Bien que ce constat puisse être fait, des questions demeurent : qui a pu
établir en un temps aussi bref la relecture de l’annonceur en l’annoncé, et
redéfinir la résurrection dans cette continuité, cette rupture et cette
nouveauté radicale ? Honnêtement, nous doutons qu’elle ait été le fait des
disciples eux-mêmes : ils n’en avaient pas la carrure. Il n’est fait mention
d’aucune personnalité dans l’entourage de Jésus qui aurait eu l’envergure
intellectuelle nécessaire à cette synthèse.
Nous savons d’autre part que cette relecture s’est faite relativement
vite. Le premier martyr chrétien, Etienne survient en l’an 32 ou 35 au plus
tard. Suite au conseil donné par Gamaliel (Act 5.34-40), nous constatons
153
que l’Église jouissait d’une paix presque totale de ce côté-là, les dirigeants
ayant choisi justement « d’attendre pour voir si ce mouvement venait de
Dieu » ou s’il allait s’éteindre tout seul. La source des accusations contre
Etienne vient d’ailleurs, comme nous le lisons en Actes 6.9-10. Ce sont
des synagogues des Hellénistes qui étaient enragées contre lui. C’est
bien logique. Etienne, en Helléniste, était tout à fait dans son élément,
lorsqu’il a commencé à annoncer l’Évangile dans ces synagogues. Et sa
prédication a mis tout le monde en rage, non seulement parce qu’il
annonçait Jésus, mais aussi parce qu’en le faisant, il a osé s’attaquer au
temple, et aux traditions juives. Ainsi nous est-il dit en Actes 6.13-14 : « Ils
produisirent de faux témoins qui disaient : Cet homme ne cesse de
proférer des paroles contre ce lieu saint et contre la loi ; car nous l’avons
entendu dire que Jésus, ce Nazaréen, détruira ce lieu et changera les
coutumes que Moïse nous a transmises ». Etienne sera lapidé.
Nous savons également que Saül de Tarse, qui deviendra l’apôtre Paul
après sa conversion au christianisme, fut d’abord un persécuteur zélé des
chrétiens, ceci avant l’an 35, date la plus tardive de sa conversion. La
relecture s’est donc opérée en deux à quatre ans. Elle se poursuivra
jusqu’à la fin du 1er siècle avec la synthèse des évangiles. Mais qui en a
été à l’origine ? Une reconstruction minimale s’impose…
Il faut noter d’abord la référence aux trois jours qui séparent vendredi
saint et Pâques, la mort du Juste et la résurrection. Ce délai est
intimement lié au Jésus terrestre. Nous trouvons en Marc 14:58 cette
mention : « Nous l’avons entendu dire : « Je détruirai ce sanctuaire
fabriqué par des mains humaines et en trois jours j’en construirai un autre
qui ne sera pas fabriqué par des mains humaines ».
Ce n’est évidemment pas une coïncidence : c’est au contraire un
programme. Jésus sera le nouveau Temple de Dieu, le lieu de sa
présence mystérieuse (Shekinah) qui introduit une ère nouvelle signalée
par le rideau déchiré du Temple. Jésus ne disait-il pas que « nul ne vient
au Père que par lui ? » Ou encore chez Jean « Mon Père et moi nous
sommes un (Jn 10,38) » ?
154
le retenir. Il s’agissait pour les premiers chrétiens de traduire cette idée
pour qu’elle soit intelligible aux Grecs comme aux Juifs.
Le monde grec était fortement influencé par les idées de Platon pour
qui le monde sensible est un cosmos (ordre, arrangement) qui se constitue
à partir d'éléments qui lui préexistent. C'est un assemblage de Formes
intelligibles et de matière chaotique. Ce n'est donc pas une création ex
nihilo.
L'âme du monde est un être vivant qui possède une âme; son
mouvement est mouvement de connaissance, cause de régularité des
cycles célestes. L'âme est automotrice, se meut elle-même et est donc
principe du mouvement de chaque être. Elle est aussi immortelle et
impérissable. L'âme du monde est principe et cause première de l'univers.
En tant que principe premier, elle doit être inengendrée ; or, dans le
mythe, le démiurge la fabrique. Chaque chose, cité, univers, âme, détient
un cosmos auquel elle doit se conformer. Dans le monde grec, il peut y
avoir migration des âmes, mais pas de résurrection des morts ou alors
sous une forme exceptionnelle comme retour à la vie. L’idée d’une
résurrection des morts à la fin des temps est parfaitement inconnue.
155
figuraient les rites funéraires. Le respect dû à Dieu n'étouffait pas le
respect sacré des morts.
Est-il si sûr par ailleurs que Joseph d'Arimathée, qui avait requis de
Pilate l'autorisation d'emporter le corps, n'a pas procédé à une sépulture
en bonne forme? L'inhumation en pleine terre, dans une fosse commune,
était le lot des pauvres. Les cadavres des condamnés à mort étaient livrés
aux chiens, ce qui pour un juif était une circonstance aggravante; le fait de
n'avoir pas de sépulture était vu comme une malédiction, qui coupait le
défunt des pères (Dt 28,26). Plus aisés étaient ceux dont on déposait le
corps dans des caveaux, aménagés ou creusés dans le roc. Si Joseph
d'Arimathée a pris soin de la dépouille du supplicié, s'il l'a pourvue d'un
linceul (Mc 15,46), aurait-il négligé d'acheter les épices odoriférantes?
Quant à un embaumement en règle, n'y pensons pas. Il est le privilège,
dispendieux, des princes. La quantité phénoménale de myrrhe et d'aloès
réquisitionnée pour l'onction de Jésus — trente kilos selon Jn 19,39 — est
digne d'obsèques royales. On rapporte d'Hérode le Grand, le
mégalomane, qu'il avait prévu de faire oindre son corps au moyen d'huiles
aromatiques et d'épices portées par cinq cents serviteurs (Flavius
Josèphe, Antiquités juives 17,8). L'idée que le Nazaréen ait pu être
embaumé comme un roi pouvait plaire aux premiers chrétiens mais,
disons-le, elle n'est pas réaliste. Conscient déjà de la difficulté, Matthieu,
dans sa réécriture du texte de Marc, a biffé le trait: les femmes viennent en
simples curieuses voir le sépulcre (Mt 28,1).
Encore un fait à peine croyable, la question que celles-ci se posent: Qui
nous roulera la pierre à l'entrée du tombeau? (Mc 16,3). Seraient-elles si
sottes, ces saintes femmes, pour n'y penser qu'en chemin? Mais voyant la
pierre roulée, elles s'effraient. Ont-elles pensé aux violeurs de tombes, si
fréquents dans l'Antiquité?
Arrêtons là le jeu de massacre. Une conclusion s'impose: la scène n'a
rien d'un compte rendu d'historien ou d'une enquête policière. Lire dans
cette perspective mène à une impasse. Il faut changer d'angle de vue »36.
La chaîne des «déjà», sur quoi repose le récit, s'allonge: le soleil déjà
levé, la pierre déjà roulée, et maintenant Jésus déjà en Galilée, selon une
parole déjà dite de son vivant. La foi naît de cette reconnaissance d'un
36 Daniel Marguerat, Résurrection une histoire de vie, éd. du Moulin 2001,p 39 à 41.
156
don qui précède et qui fonde, d'une grâce déjà là. La parole surplombe
l'abîme de la mort.
«Jésus a été abattu par les hommes — Dieu l'a relevé»: voilà le sens
premier de la résurrection. La formule est fréquente dans les Actes (Ac
2,23-24.36; 3,14-15; 4,10; 5,30; etc.). L'Evangile vit de cette verticalité
retrouvée. Celui qui disait par ses miracles «je suis la vie» est mort, mais
de sa tombe même, Dieu lui donne raison. A ce Fils qui, du geste et de la
parole, a mis le Royaume à portée des hommes (Mc 1,11.15), le Père
donne son plein accord. C'est avec la victime qu'il se solidarise, non avec
les bourreaux, qui se croyaient pourtant défenseurs de l'honneur de Dieu.
Au moment de sa mort, dans le déchirement du voile du Temple (Mc
15,38), Dieu a renoncé à tout lieu saint pour rejoindre son fils en exil. La
Galilée est cette première étape de l'exil vers les nations du monde.
Allez dire à ses disciples et à Pierre: «Il vous précède en Galilée» (Mc
16,7). Notons bien que la nouvelle à faire passer aux disciples ne
concerne pas l'absence du corps; elle signale le lieu nouveau de la
présence. Que le corps ait disparu n'est pas le message, mais bien que le
Crucifié ne puisse être classé comme une affaire périmée. C'est pourquoi
je préfère parler du tombeau ouvert que du tombeau vide. Capter
l'attention sur le vide de la tombe est égarant: au jour de Pâques, la mort
subit une fracture, une ouverture forcée, une béance, une effraction de
son pouvoir. Que tous les endeuillés le sachent, et que les bourreaux
l'apprennent à leurs dépens: la mort n'est plus un point final »37.
37 Daniel Marguerat, Résurrection une histoire de vie, éd. du Moulin 2001 p. 44-45.
157
Dépassé le Shéol juif, ce lieu sous terre où tous les morts, même ceux qui
n’ont pas été enterrés, sont groupés dans l’attente de la résurrection. Le
Crucifié-Ressuscité annonce une nouvelle réalité qui transcende nos
peurs, et c’est bien là le but des apparitions. Est-ce bien raisonnable ?
Jetons, pour commencer, un coup d'oeil sur ces récits. Ils succèdent à
la découverte du tombeau ouvert et remplissent la fin de l'Evangile (Mt 28;
Lc 24; Jn 20-21). Les comparer entre eux fait immédiatement apparaître
leur variété, pour ne pas dire leur incompatibilité. Comme pour le récit du
tombeau ouvert, il n'est pas difficile de jouer au jeu des incohérences.
Jésus se manifeste vivant en Galilée exclusivement (Mt 28,16), ou à
Jérusalem exclusivement (Lc 24,33-36), ou aux deux endroits (Jn
20,14.19.26; 21,1). Il refuse d'être touché (Marie-Madeleine) ou demande
qu'on le touche (Thomas). Les pèlerins d'Emmaüs et Marie-Madeleine se
trompent sur son identité, alors qu'ailleurs il est aussitôt reconnu. D'un
côté son corps échappe aux lois physiques: il passe les murailles et
pénètre les chambres closes (Jn 20,19); d'un autre côté il insiste sur la
matérialité de son corps, au point de manger devant ses disciples pour le
prouver (Lc 24,39-43).
Une fois de plus, pour le lecteur, un choix se présente. Ou bien il prend
acte de ces incohérences, les juge inadmissibles au niveau de l'histoire, et
attribue le tout à l'imagination des disciples. Ou bien il s'enquiert de la
visée du récit et du statut de l'événement ainsi rapporté. Dès lors,
l'alternative ne se pose plus entre histoire «vraie» et fiction, mais entre
chronique documentaire et récit d'expérience vécue. Or les exigences
auxquelles doit répondre le texte changent radicalement selon qu'il s'agit
de l'un ou de l'autre.
De la chronique documentaire, on réclamera des indications objectives
de plausibilité: faits, dates, lieux, circonstances, modalités. De l'expérience
158
vécue, on attendra qu' elle démêle extériorité et intériorité, tout en sachant
que le poids repose sur ce qu'a éprouvé la personne et les effets exercés
sur elle. Nos récits relèvent sans aucun doute de cette dernière catégorie.
Les trois points mentionnés sont importants : Jésus ne se fait voir qu’à
des croyants à qui il permet de renouer une relation cassée par l’horreur et
38 Daniel Marguerat, Résurrection une histoire de vie, éd. du Moulin 2001, p. 57 à 60.
159
par la mort. L’Amour ne peut que respecter le libre-arbitre ! C’est lui qui
prend l’initiative de se faire voir vivant – et non pas Dieu, encore que cela
ne change pas grand-chose puisque rien ne peut advenir sans Lui - pour
redonner espoir à ses compagnons de route. Là encore, l’intention est
pure : il ne s’agit pas de promouvoir le retour du zombie devant qui il
faudrait plier le genou. L’intention est autre : que la fête, l’aventure puisse
continuer.
160
personnes innocentes rassemblées dans les bois. Lorsque j'entendis sa
voix, je réalisai presque aussitôt que je me trouvais en présence de Jésus.
Alors qu'il parlait, je fus rempli de honte et de remords. Je tombai à
genoux et commençai à pleurer et les autres autour de moi firent de
même. Le Christ avait un regard extraordinaire, rempli de chaleur et de
compassion, mais étrangement triste. Nous ne doutâmes pas un instant
de son identité.
Il dit : " Le temps est venu de chasser la haine de vos coeurs car, je vous
le dis, le jour du Jugement est proche. "Je priai Jésus de nous accorder
son pardon et il nous regarda, mes hommes et moi, en disant : "Allez et ne
péchez plus. "
Et nous sûmes alors que nous devions faire ce qu'il nous avait demandé.
Nous devions nous détourner de la guerre, cesser de tuer nos semblables
et consacrer notre vie à répandre son message d'amour et de rédemption.
Après cela, Jésus disparut soudain. J'ordonnai à mes hommes de
décharger leurs fusils et nous tournâmes le dos à la famille de paysans qui
put ainsi s'échapper. Puis chacun de nous rejoignit les réfugiés et nous
traversâmes avec eux la frontière macédonienne, où nous déposâmes nos
armes et renonçâmes à la guerre.
Aujourd'hui, je m'occupe des enfants abandonnés dans le camp de
réfugiés et je dis à tous ceux que je rencontre que Jésus-Christ m'est
apparu et m'a parlé, qu'il est vivant et de retour sur Terre".
« Le Dr Moody avec le livre "La vie après la vie"- 1975 - qui rapportait
les récits convergents d'un certain nombre de « rescapés de l'au-delà» a
attiré l'attention du public sur l'après-vie.
Les visions relatées par ces sujets ayant frôlé la mort sont nommés les
Near Death Experiences (NDE). L'appellation Expérience de Mort
Imminente en est la traduction française (E.M.I.).
La caractéristique première des NDE est qu'elles révèlent d'une réalité
inaccessible à nos facultés de perception ordinaires, faculté qui a déjà été
vécue par des millions de personnes à travers le monde. En 1982, un
sondage réalisé par l'institut Gallup aux Etats-Unis a estimé à 8 millions
(environ une personne sur trente) le nombre d'américains ayant vécu une
NDE. On estime aujourd’hui que 30 à 35% des personnes, ayant à un
moment ou à un autre de leur vie frôlé la mort, ont connu cette expérience.
161
Le schéma type est celui-ci : un accidenté plongé dans le coma ou un
opéré en état de mort apparente éprouve le sentiment de flotter en
apesanteur et hors de son corps. Il est emporté dans un long tunnel
obscur après avoir entendu une sonnerie quelque peu désagréable,
débouche dans une chaude lumière, fait la rencontre d'êtres venant
l'accueillir pour l'aider à faire le passage, parfois celle d'un « être de
lumière », et accède dans certains cas à la vision finale d'une cité
radieuse. Le voyageur revient de cette expérience radicalement
transformé.
Les NDE expriment dans leur contenu des images liées à l'histoire
personnelle, aux préférences culturelles, religieuses ou sociales.
Les personnes ayant vécu une telle expérience en sont profondément
modifiées. Elles ont la certitude de la réalité de cette expérience, elles
revoient leur échelle des valeurs, relativisant les problèmes matériels et
privilégiant l’amour et la compassion. Elles pensent qu’il est fondamental
de devenir responsable de ses actes, de réparer volontairement ses
fautes, de pardonner...
Ce changement de repères influent sur la qualité de sa relation aux
autres et n'échappent pas à son entourage.
Elles ont pris conscience qu’il n’y a d’autre jugement sur leur
comportement terrestre que le leur propre, que l’évolution des êtres ne se
termine pas avec la mort mais qu’elle se prolonge dans l’Au-Delà, donc
qu’il ne faut pas avoir peur de la mort.
Tout ce chemin permet d’atteindre un état de conscience plus élevé. Il est
d’ailleurs intéressant de noter que certains sujets auraient acquis des dons
paranormaux après une N.D.E. »39.
Nous l’avons dit très clairement : si les apparitions sont le fait de Jésus,
ce n’est pas pour promouvoir le retour du zombie, ni pour instaurer un
culte à sa personne, mais bien pour que son œuvre commencée puisse se
poursuivre, que l’humanité puisse ainsi évoluer librement vers une
conscience plus élevée. Nous retrouvons ces traits majeurs dans ceux qui
ont vécu une NDE, pour qui il est temps de changer de système de
valeurs, en relativisant les problèmes matériels, en privilégiant l’amour et
la compassion. N’est-ce pas justement ce que le génie de l’Amour est
venu instaurer mais qui a tant de peine à être entendu ou compris?
39 http://www.outre-vie.com/
162
Le Maître qui s’efface nous est conté à travers les récits de l’Ascension
et de Pentecôte, dans une imagerie fortement teintée de symbolisme. Là
encore, le schéma-cadre fait état de la continuité avec la tradition juive, de
la rupture et de l’innovation.
Mais le récit contient aussi deux autres points essentiels, qui viennent
contredire le conditionnement religieux des disciples. Cela nous est dit en
Actes 1, 6-8 : « Ceux qui s’étaient réunis lui demandaient : "Seigneur,
est–ce en ce temps–ci que tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? " Il leur
répondit : "Il ne vous appartient pas de connaître les temps ou les
moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous recevrez de
la puissance quand l’Esprit saint viendra sur vous, et vous serez mes
40 http://www.esprit-et-vie.com/
163
témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et en Samarie, et jusqu’aux
extrémités de la terre". »
Les disciples sont restés fidèles à leur représentation juive, ils
demandent quand viendra le Royaume pour Israël. La réponse du
Crucifié-Ressuscité dit sans conteste que nous n’avons pas à nous poser
ce genre de question puisqu’il en va de la liberté du Père. Mais elle dit
aussi que le royaume sera pour tous, à condition d’être renouvelé par le
don de l’Esprit saint qui aura pour effet de susciter un nouveau départ dont
les disciples seront les acteurs et les porteurs.
La continuité-rupture-nouveauté sera illustrée dans le récit de
Pentecôte : ses motifs particuliers font écho à la Pentecôte juive tout en
signalant que le Crucifié-Ressuscité insuffle à toutes les nations un nouvel
élan. Voyons cela de plus près…
« La Pentecôte juive :
La Pentecôte chrétienne :
164
la force et les paroles justes pour aller porter la Bonne Nouvelle de Jésus-
Christ à leurs contemporains. Encore une fois, les parallèles entre les
deux événements étant assez forts, le nom de la fête est resté le même.
Pentecôte se célèbre également 50 jours après Pâques »41.
Elle vient parachever la nouveauté de l’Amour, nous rendre capables
de nous émerveiller, d’en parler chacun dans sa langue, de rendre
témoignage de cette nouveauté jusqu’aux extrémités du monde. D’oser
laisser l’amour nous guérir et nous réconforter, par-delà les nuits ou les
doutes qui nous accablent, en bénissant Dieu et les êtres qu’il nous invite
à aimer, le monde qu’il nous appelle à transformer…
165
vrai que pour faire de la magie au quotidien, c’est une tout autre histoire. Il
faudra à l’homme beaucoup de progrès pour être capable de changer ses
habitudes de vie de telle façon qu’il puisse assurer dans sa vie quotidienne
les attitudes mentales propices aux effets de la seconde causalité. Cela
demande en effet de savoir « vibrer » à un niveau supérieur d’élévation
spirituelle, et c’est plutôt incompatible avec votre situation d’esclaves
modernes de la consommation » (TDC p. 298).
166
Quelle heure est-il dans l’aventure de l’évolution de la conscience ? Il
est l’heure de se dé-fasciner de la violence mimétique, d’une soumission
malheureuse à la loi des échanges mondains, l’heure de préférer, envers
et contre tout, la logique du Don, vécue dans la gratuité du Pardon divin.
Parfois l’humour peut nous aider à mieux comprendre :
Monsieur le pasteur a constaté que des jeunes de la paroisse ont profité
des ses arbres fruitiers. Comme il voulait distiller du schnaps, il comptait
sur ces fruits. Alors il écrit une pancarte sur laquelle on pouvait lire : Le
Seigneur voit tout !
Les jeunes on écrit en dessous : Mais Il ne dénonce personne!
Il est l’heure d’oser un choix, une identité, une piété tragi-comique qui
puisse retrouver le goût et la certitude de l’Inouï en se tournant du côté où
l’on peut vivre, non pas contre Dieu, ni sans Lui mais grâce à Lui, dans
une Création suffisamment bonne pour tous. La conscience du croyant vit
son unité dans la dualité : elle se sait confrontée à un Dieu qui règne
doublement sur le monde, comme le Crucifié-Ressuscité par qui le
pécheur est justifié, et comme le Dieu caché, qui nous permet de vivre une
certaine perfection dans l’imperfection sans pour autant désespérer de
notre identité tragi-comique.
167
Amour, et pour les chrétiens, ce jugement a eu lieu en Jésus. Il n’y aura
pas un Royaume que Dieu établira sans nous, ou contre notre volonté. Ce
serait une violation du libre-arbitre, du choix qui nous est toujours garanti.
Le royaume viendra si nous pouvons consentir à nous élever
spirituellement. Il n’y a pas d’enfer, pas de punition des méchants, pas de
réincarnation et pas de Parousie bien sûr. Le mot parousie est un terme
biblique utilisé par les chrétiens pour désigner la présence ou la seconde
venue du Christ. Lors de la fin de ce monde, le Christ était sensé venir
dans la gloire pour accomplir le triomphe définitif du bien sur le mal. En
venant à la fin des temps juger les vivants et les morts, le Christ glorieux
était sensé révéler la disposition secrète des cœurs et rendre son verdict à
chaque homme selon ses œuvres, selon son accueil ou son refus de la
grâce.
Dans la TDC tout cela est déjà pris en compte dans nos ouvertures ou
refus au Dieu bon et miséricordieux. C’est en somme à nous de lui
ressembler, ou plutôt de le laisser faire pleuvoir en toute liberté sur nos
arbres de vie…
168
Chapitre XVI
Peut-on faire sans la radicalité de
Jésus ?
« Jésus ne veut pas qu’on le prenne pour un fétiche. Il n’est pas
sujet d’idolâtrie mais il est porte et itinéraire. Sa présence est un
passage qui ouvre un chemin vers l’au-delà du visible »
Françoise Dolto.
169
par calcul, juste pour avoir un mieux-être, dans une stratégie du moindre
risque. Nous aurions alors bien sûr les résultats correspondants à nos
dépôts d’intention, et c’est fondamentalement notre droit que l’Amour ne
saurait punir ni restreindre. Toutefois, cette stratégie calculée du moindre
risque, peut-elle faire avancer réellement notre humanité ? Est-elle
suffisante pour s’inscrire dans une évolution nécessaire et souhaitable des
consciences ? Nous touchons ici à quelque chose d’essentiel qui n’a pas
vraiment été abordé dans la TDC.
170
surdéveloppé. On peut aussi préférer la prise de risques, le choix instinctif.
C’est une approche également efficace. Jésus les a pratiqués souvent,
mais nous avons vu à quel point ses choix ont pu provoquer, en réponses,
une hostilité réelle de certains concitoyens. Cela méritait d’être souligné,
car à moins d’être dans une société idéale, à moins d’interagir uniquement
avec des gens qui ont évolué spirituellement, nous risquons fort de
provoquer, sans même l’avoir souhaité, des contre-réactions mesquines
ou violentes.
Oser l’amour…
171
Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière confuse,
mais alors ce sera face à face. Aujourd’hui je connais partiellement, mais
alors je connaîtrai comme je suis connu. Or maintenant trois choses
demeurent : la foi, l’espérance, l’amour ; mais c’est l’amour qui est le plus
grand ».
L’apôtre Paul pose ici les bases d’une religion de l’amour rendu possible
par le don de l’Esprit du Christ qui nous permet de sortir de nos
comportements habituels. Mais qu’en est-il du mal ?
Le mal existe-t-il ?
Le professeur répondit, «Si Dieu a tout créé, Il a donc aussi créé le mal
puisque le mal existe et selon le principe de nos travaux qui définissent ce
que nous sommes, alors Dieu est mauvais».
L’étudiant fut silencieux devant une telle réponse. Le professeur était tout
à fait heureux de lui-même et il se vantait devant les étudiants d’avoir su
prouver encore une fois que la foi en un dieu était un mythe.
Un autre étudiant leva sa main et dit : «Puis-je vous poser une question
professeur?»
- Bien sûr, répondit le professeur.
L’étudiant répliqua, «Professeur, le froid existe-t-il?»
- Quel genre de question est-ce cela? Bien sûr qu’il existe. Vous n’avez
jamais eu froid? dit le professeur.
172
Le jeune homme dit, «En fait monsieur, le froid n’existe pas. Selon la loi de
physique, ce que nous considérons être le froid est en réalité l’absence de
chaleur. Tout individu ou tout objet possède ou transmet de l’énergie. La
chaleur est produite par un corps ou par une matière qui transmet de
l’énergie. Le zéro Absolu (-460°F) est l’absence totale de chaleur; toute la
matière devient inerte et incapable de réagir à cette température. Le Froid
n’existe pas. Nous avons créé ce mot pour décrire ce que nous ressentons
si nous n’avons aucune chaleur.»
L’étudiant : «Vous avez encore tort Monsieur, l’obscurité n’existe pas non
plus. L’obscurité est en réalité l’absence de lumière. Nous pouvons étudier
la lumière, mais pas l’obscurité. En fait, nous pouvons utiliser le prisme de
Newton pour fragmenter la lumière blanche en plusieurs couleurs et
étudier les diverses longueurs d’onde de chaque couleur. Vous ne pouvez
pas mesurer l’obscurité. Un simple rayon de lumière peut faire irruption
dans un monde d’obscurité et l’illuminer. Comment pouvez-vous savoir
l’espace qu’occupe l’obscurité ? Vous mesurez la quantité de lumière
présente. N’est-ce pas vrai ? L’obscurité est un terme utilisé par l’homme
pour décrire ce qui arrive quand il n’y a pas de lumière ».
173
comme le froid qui vient quand il n’y a aucune chaleur ou l’obscurité qui
vient quand il n’y a aucune lumière ».
Pour quiconque pense que l’univers n’a pas de sens, tout est forcément
chaotique, tout est forcément un équilibre précaire qui émerge des
tâtonnements de la matière ou de ceux de l’évolution. Il y a forcément des
failles, des couacs, des météorites ou des volcans qui sèment la
désolation. C’est la faute à pas de chance, l’autre nom du hasard
déterministe. Pour le reste, le mal est le fait de l’homme.
http://quisommesnous.wordpress.com
174
parfaite ; elle était comme le disait si bien Albert Schweitzer « vie qui veut
vivre parmi toutes les autres formes de vie qui aspirent elles aussi à
vivre ». Le mal y était circonscrit à la survie des espèces - le prix à en
payer en somme !- comme à la sélection naturelle des plus forts et des
plus adaptés. Le chemin vers la complexité croissante ne pouvait se faire
qu’en une lente montée. Il y eut pourtant une accélération importante avec
l’apparition des humains, un saut qualitatif important qui a brisé la
primauté de l’instinct qui régissait auparavant la lignée des mammifères.
Avec l’homme, le mal circonscrit à l’équilibre des espèces, et à celui de
l’environnement naturel, est rompu ou du moins menacé. Il a pris une
ampleur croissante au fil des possibilités technologiques dont l’humanité
s’est dotée pour assouvir sa sécurité, mais malheureusement aussi ses
délires de puissances et ses passions douteuses. Une fois ouvert le verrou
de l’instinct, tout devenait imaginable. Et rien, à part l’holocauste final, ne
nous a été épargné ! Le mal est ici directement proportionnel aux choix
humains qui parcourent la première causalité : c’est à nous d’inventer, ou
plutôt de demander, ces forces qui freinent la férocité, l’avarice et la fureur
qui peuvent nous habiter, ce qui réclame à l’évidence une dimension
spirituelle. C’est à nous de nous dégager de la première causalité, des
boucles de rétroactions négatives que sont les frustrations, colères,
ressentiments, peurs, angoisses et autres délires. Nous avons pu voir,
l’histoire nous le dit, que le simple usage de la Raison n’y suffit pas. Seule
une évolution spirituelle d’importance le pourra, et encore pas s’en s’être
alliée au potentiel surréaliste au sens propre de notre Esprit intérieur. Soit !
Mais à la lecture de la TDC, un autre aspect de notre inhumanité demeure
peu clair : il nous est dit que nos choix instinctifs et irraisonnés comme nos
émotions, sont un fort dépôt d’intentions. Qu’en est-il quand ils sont sous
l’emprise d’une folie destructrice ou d’une sauvagerie sans nom ? Dans ce
cas, l’univers peut-il, au nom du libre-arbitre, matérialiser l’intention ou y a-
t-il un mécanisme de frein ?
175
notre vie pour des intentions ambivalentes, et place pour un basculement
vers un autre univers. Place aussi sans doute pour une fonction de frein
que Dieu peut faire émerger sans nier le libre-arbitre. Il est clair par contre
que tous les possibles des possibles de l’horreur existent sans qu’ils soient
pour autant matérialisés. Et seuls les humains ont un pouvoir réel de les
imaginer ou de les réaliser dans la première causalité. En fait,
l’autorégulation de la matière et du vivant s’est faite par l’émergence de la
conscience ; le verrou de l’instinct, qui régule normalement l’agressivité,
s’en est trouvé diminué, sans pour autant que nous soyons laissés sans
réponses face aux fureurs et férocités de l’humanité. La neuroscience
contemporaine a pu constater ainsi l’existence de neuf zones qui
constituent « le cerveau moral ». L’autorégulation du vivant doit donc
nécessairement privilégier l’émergence d’une possibilité plus étendue de
communion avec l’univers ou avec nos semblables. Sur quelle base ou
quels principes ? L’observation scientifique a pu constater le principe de
l’équilibre dans la complexité et la diversité : toutes les structures
cohabitent, des plus simples au plus complexes. Néanmoins, les plus
primitives n’ont guère de chance d’évoluer. Seules les structures
complexes – qui sont moins stables – ont réellement une possibilité
d’évoluer. Sur cette base, nous pouvons dire que le chaos intervient
toujours dans la volonté de nier la complexité, ou dans celle de la réduire
par des simplifications extrêmes. Qu’il nous suffise de penser aux
dictatures, au communisme, au fascisme, au racisme, au capitalisme
contemporain, etc. Il y a toujours négation-réduction de la complexité
humaine ! C’est le lot de toutes les idéologies, leur signature en somme.
Une réduction-négation que nous retrouvons d’ailleurs chez les tenants du
déterminisme et du hasard, dans tous les mouvements religieux qui
veulent une approche simpliste et littéraliste de leurs textes fondateurs, ou
encore dans les débordements de la raison instrumentalisée ou
technicienne. Je crois que l’autorégulation de la matière et du vivant ne
peut y consentir, qu’elle fait et fera toujours émerger cet équilibre
particulier, que nous pouvons bien entendu susciter, demander de toute
notre âme, de tout notre cœur et de toutes nos intentions…
176
émerger cet équilibre particulier dans la complexité et la diversité. Nous
avons à être en résonance avec l’univers, ce qui exclut à mon sens une
utilisation petite bourgeoise de la TDC, car elle serait alors consentement
au non-amour, notamment la négation des plus petits de nos frères,
qualifiés comme aux USA, par les nantis, de loosers ! Être en résonnance
avec l’univers exclut tout autant le consentement à l’individualisation
forcenée, y compris le chacun pour soi et Dieu pour tous ! Le
consentement au Grand Tout et au Grand Rien de la fureur consumériste,
le consentement aux intégrismes religieux de tous bords, y compris celui
de la hiérarchie catholique qui protège les prêtres pédophiles au lieu des
victimes ; l’attitude du sionisme qui a fini par instrumentaliser la violence
faite aux boucs-émissaires en la retournant contre les bourreaux, ou celle
des palestiniens armés qui prennent en otage les populations comme
boucliers humains, etc. Tout potentiellement est susceptible d’être
instrumentalisé, réduit par exemple à son seul avantage, à ses seuls aises
et plaisirs, ou à ceux d’un tout petit groupe : la matérialité, le pouvoir, le
sexe, l’argent, la politique, la religion, l’intelligence, la science.
Le cycle de l’Amour au contraire, étant la référence absolue au Dieu
bon et miséricordieux de Jésus, nous propose un équilibre dans le respect
des approches et des personnes, un équilibre rendu possible par la
logique du Don gratuit en opposition à la logique trop réductrice des
échanges. Il se dit dans la conviction intime et risquée que la bonté sera
toujours plus profonde que le mal le plus profond. Cette nuance capitale
nécessite une dernière clarification au sujet de l’Esprit.
Le pouvoir de l’âme-esprit
La TDC utilise des images complexes. L’âme est ainsi définie comme
cette partie de la conscience qui échappe à notre cerveau car elle s’étend
au delà des trois premières dimensions d’espace, dans lesquelles il faut
bien lui donner une géométrie et une amplitude. L’esprit est ainsi la
géométrie de l’âme, l’expression de notre libre-arbitre, le contenant, et
l’amour la mesure de son amplitude, le contenu. Cette âme (ou Esprit) est
intemporelle et omniprésente, elle est reliée indissociablement à notre
libre-arbitre et fondamentalement à la seconde causalité ; dans la mesure,
bien sûr, où « l’Aide de Dieu » issue d’un déterminisme inversé, crée le
pont entre la source future de nos intentions et un futur proche, à la
rencontre duquel nous allons. Ce pont se crée à la vitesse de la lumière,
mais « le retour » dans notre univers à trois dimensions, la traduction sous
177
forme d’amour va être freinée par le temps, cette quatrième dimension de
notre univers. Dès lors quand par nos actes, nos émotions, nos choix
instinctifs ou nos dépôts d’intentions, nous recourons à la seconde
causalité, nous confions au temps l’augmentation de nos chances de vivre
un événement, une observation, une coïncidence, car deux causalités, et
non plus une seule, concourent à sa réalisation. Mais il nous est dit aussi
que nous ne pouvons sortir d’un mode de fonctionnement causal que de
façon très parcellaire, que l’amour est incompatible avec la peur et l’ego,
qu’il est dans l’acceptation et l’universel, le don de soi qui réclame le
lâcher prise, l’acceptation et le détachement. Et si l’ego veut être à l’origine
de toute chose, la foi au contraire sait que tout provient de Dieu, de son
Amour, dont nous sommes uniquement les capteurs et les acteurs.
Il y a peu ou prou une tension : tant que l’ego veut être à l’origine de
tout, rien ne peut se passer. L’univers ne peut nous être favorable ou alors
seulement de façon très parcellaire. Notre âme ne peut jouer son rôle
puisqu’elle ne peut que transporter dans notre futur une intention
généreuse ou désintéressée. Et l’Amour ne peut bien sûr couler autrement
dans notre vie… Si la TDC aborde somme toute assez clairement le quoi
et le pourquoi, elle ne dit pas grand-chose du comment. Comment
répondre à l’exigence de l’univers ? Est-ce si simple d’être généreux et
désintéressé ? De se situer dans l’acceptation et l’universel ? D’entrer
dans une attitude de lâcher prise en acceptant de quitter l’ego ou la peur
dont il faut se détacher à tout prix ? Si c’était si simple, le monde ne serait-
il pas en meilleur état ? On peut bien sûr retourner l’argument en disant
que c’est sans doute pourquoi le monde n’a pas encore basculé
totalement dans la barbarie. Mais il y a risque pourtant d’idéologie en
restant peu clair, car cela donne à penser que toute personne,
suffisamment sensée ou suffisamment intelligente, sait de quoi il retourne !
Alors même qu’il est affirmé que l’Amour authentique est rare et fragile
parce qu’il ne peut couler que si nous avons besoin de lui et pour autant
que nous soyons disposés à l’accueillir, en saisissant nos chances. Si
nous avons peur, notre réservoir reste vide.
178
éthique qui puisse définir, dans une tension tragi-comique, avec même un
brin d’humour :
là où il fait bon vivre, là où il est bon d’être né, là où on peut s’aimer sans
enflure ni tristesse, là où le courage est la peur qui fait sa prière, etc.
Cela étant, il s’agira pour la TDC, comme pour tous ceux qui s’en
réclament, de réaliser que c’est une approche complexe à intérioriser.
L’histoire a suffisamment montré par le passé le danger de la récupération
d’une pensée novatrice. Ainsi jusqu’au IVe siècle, le christianisme était
vivant et multiple. Quand il est devenu la religion de l’Empire romain, on en
a fait une caricature à laquelle notamment nous devons l’exigence de la
confession catholique des péchés ou les fantasmes de l’enfer !
Nous pourrions mentionner aussi dans un domaine plus profane la
dérive du communisme qui n’a plus grand-chose en commun avec la
pensée de Marx. Le mouvement Hippies récupéré à tout va, etc.
L’humour parfois peut nous en montrer les dangers .Il y a trois bons
arguments pour penser que Jésus était un Noir:
179
1. Il appelait tout le monde "frère".
2. Il aimait le Gospel
3. Il n'a pas eu droit à un procès équitable.
Mais il y a trois aussi bons arguments pour dire que Jésus était Italien:
Mais il y a trois aussi bons arguments pour dire que Jésus venait de la
Californie:
Mais il y a trois aussi bons arguments pour penser que Jésus était
Irlandais:
Mais les preuves les plus dérangeantes de toutes sont les trois preuves
que Jésus était une femme:
180
Une chose est certaine : l’aventure de la Route du Temps ne fait que
commencer. Cette nouvelle alliance possible entre la rationalité et la
spiritualité est - et sera - appelée à devenir une nouvelle évolution des
consciences. Mais peut-être faudrait-il commencer par retrouver une âme
d’enfant qui ignore le chagrin et l’ennui ? En y songeant, cela m’a rappelé
cette histoire savoureuse :
181
joyeusement dans le hall. Sa maman tente de la reprendre. Mais les gens
ne sont pas hostiles ; beaucoup sourient, font signes à l’enfant ou lui
répondent par le mot magique. Un homme corpulent se met même à
chanter, comme sa mère au chœur de l’église, il prononce trois fois le mot
magique. Puis il offre à la fillette un chocolat. Anna est étonnée de voir
comme ce mot rend les gens aimables.
Plus tard quand arrivent enfin l’oncle Jeff et la tante Milly, Anna les salue
de son mot favori. Les invités s’étonnent : «Est-ce une nouvelle façon de
se saluer ? ». « Oh ! Non répond la maman, c’est seulement la manière de
saluer d’Anna ». Tante Milly dit alors à l’enfant : «c’est une très belle façon
de saluer bien plus belle que bonjour ou au revoir, et les gens doivent
sûrement l’apprécier ». « Oh ! Oui répond l’enfant, ça les rend joyeux ! ».
182
Chapitre XVII
Renouveler la spiritualité
« Si c’est par la foi, il y a un ferment d’amour qui est contagieux.
Ce ferment d’amour est tout à fait autre chose qu’un nivellement
par le bas, c’est la condition d’authentiques rencontres. Et c’est
souvent malgré les institutions dites d’intérêt public que ces
rencontres ont lieu et non à cause d’elles » Françoise Dolto.
Par cette approche différente de la vie de Jésus, j’ai voulu entrer dans
l’aventure de la Route du Temps avec des questions essentielles : la TDC
est-elle compatible avec une lecture de Jésus ? Que peut-elle apporter de
nouveau ? Et à l’inverse, une certaine approche de Jésus peut-elle
questionner utilement la TDC ? Vous avez pu en constater les apports, par
les différentes étapes de réflexion. Il me faut encore aborder brièvement
un dernier point : peut-il y avoir alliance profitable des deux ?
183
puisse enfin aboutir sur l'innovation. Nous pourrions dire avec Maurice
Bellet :
« Pourtant, si nous est donné d'ouvrir l'oreille, quelque chose s'entend, qui
est d'hier, aujourd'hui et demain: ce qui s'est levé avec l'homme de
douleur et de vérité, et qui n'est pas voué à la mort.
Un homme est venu parmi nous, un parmi tous les autres, et il lui fut
donné de traverser l'impossible, de transgresser l'évidence — l'évidence
de la mort. Aussi est-il descendu jusqu'en l'en-bas de l'en-bas, jusqu'à
perdre Dieu — mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Aussi
a-t-il dû frapper avec le marteau de la foi, avec le marteau de l'amour sur
l'effroyable coeur de pierre qui est en chaque homme, pour que vienne à
vie ce coeur de chair capable d'aimer, d'aimer enfin, sans retour, sans
arrière-pays, sans jalousie, sans arrière-goût de meurtre.
Cet homme, c'est nous, c'est moi. C'est toi et moi. À la mesure même où
nous avons cessé d'y prétendre. Le vieil Adam, avec sa main serrée sur le
fruit de mort — car même le fruit de vie donnera la mort si l'on prétend le
saisir — le vieil Adam est mort. Voici venir le temps de la main ouverte. Et
du coeur libre. Et de la pensée sans peur, qui peut oser toutes les crises
de la certitude »43. Car nous en sommes bien là : à devoir constater la
pertinence de la logique de la gratuité du Don et celle du cycle de l’Amour,
seules à même de nous faire entrer dans la seconde causalité, pourtant
quasi empêchée par la primauté de la loi des échanges qui règne en tous
et partout ; une loi qui finalement annule toute référence au Dieu bon et
miséricordieux. Il faudra lutter pour faire entendre cette autre voie qui est
aussi cette autre voix, avec les armes de l’Amour, sans fureur ni férocité,
sans prétention ni fausse tolérance.
Il n’est pas l’heure de vouloir sauver quoi que ce soit, mais celle d’oser
l’impensable, de faire advenir de nos futurs déjà réalisés ceux qui nous
amènent vers une élévation spirituelle, en les appelant de nos vœux. Les
anciennes institutions s’adapteront, ou non, c’est à elles d’en décider. Les
langages et références qui enseigneront la spiritualité nouvelle devront le
faire aussi. La rupture est ici incontournable et nécessaire. Quelque chose
de neuf est appelé à naître, qui puisse réconcilier une approche rationnelle
du monde dans une spiritualité plausible et efficace. Nous en connaissons
les enjeux : il nous faudra quitter l’ego et la peur ; cesser de nous en
remettre à la seule première causalité ; oser le cycle le l’Amour en sachant
184
qu’il pourrait être déclencheur d’hostilités. Pouvoir redire, en des mots
d’aujourd’hui, que le Royaume n’est pas en ce monde, en nos habitudes
de penser et nos conditionnements multiples. Oser en somme nous
désencombrer. Vaste entreprise en vérité ! Savoir enfin que tout cela ne
se fera pas sans travail, sans entraide ni sans prise de risques. Jésus
peut nous y aider : n’est-il pas un précurseur époustouflant ? Il ne sera
évidemment pas le seul, car d’autres personnages d’exception ont aussi
droit de cité, mais au final, comme le maître le disait, c’est à l’arbre qu’on
reconnaîtra ses fruits.
185
puisse encore attiser les pulsions humaines narcissiques, sadiques ou
masochistes. Par le jeu de la compétition permanente, la logique des
échanges y contribue encore et encore, dans un jeu pervers sans fin.
N’est-ce pas là qu’il faut agir avec ruse et finesse sans diaboliser personne
?
Jésus disait à ses disciples en Matthieu 10:16 « Moi, je vous envoie
comme des moutons au milieu des loups. Soyez donc avisés comme les
serpents et purs comme les colombes ». Il a d’ailleurs utilisé la prescription
de symptômes ou la mystification dans des cas particuliers : dans sa
réponse au sujet du mariage, dans l’invitation à tendre l’autre joue, dans
celle des mérites et du jugement dernier, dans le récit de la femme
adultère, et de façon plus systématique dans les paraboles. Mais les
évangiles montrent que ce n’était pas son seul choix. Sa stratégie semble
plutôt être un mixte épuré d’une gentillesse qui se veut toujours
collaborante, du donnant-donnant qui invite les humains à une
collaboration confiante mais parfois réactive ou opportuniste, et d’un effet
miroir qui prescrit leurs peurs en leur proposant de les dépasser. La
structure de cet appel-réponse nous conduit au dépassement bienheureux
de la dialectique force-faiblesse puisque la vie - la vraie vie !- est au-delà
des illusions qui la parcourent, au-delà de nos blessures symboliques, de
nos besoins de revanches, etc. Dieu n’a-t-il pas choisi ce qui est fou pour
confondre les sages ?
Reste que la structure de l’appel-réponse nécessite que cette folie soit
effective, et donc que le croyant puisse penser Dieu en l’utilisant, non pas
seulement pour son confort-épanouissement personnel, mais plutôt pour
son bien et celui de tous, y compris bien sûr pour susciter une meilleure
Justice sur Terre ou un meilleur respect de la Création. L’enjeu majeur
demeure la pacification de l’humain.
186
qui se laisse juger, maltraiter, torturer, condamner et mettre à mort par ses
créatures en victime innocente ; un Dieu qui met fin à la figure de la colère
et de la vengeance, au dieu guerrier que les humains lui avaient attribué à
tort. Par le ressuscité, par le relèvement de l’Innocent, nous est donnée
une nouvelle stabilité à la création, qui coupe court à la victoire de la
violence : la mort, masque de la violence et de l'injustice, est vaincue ! Ce
qui ouvre le règne de la reconnaissance absolue de la gratuité du Don
appelée à devenir ce en quoi nous pouvons le mieux nous connaître et
fonder notre existence. Cette nouvelle manière de se connaître en Dieu et
dans la Résurrection ouvre une nouvelle identité tragi-comique qui n’est
pas sans humour puisque Dieu lui-même nous garantit qu’Il est
exclusivement Amour et Bonté en dehors de toute violence et de toute
vengeance, contrairement à ce que nous avions projeté au ciel depuis des
millénaires…
Il nous faut pour cela nous rappeler une chose capitale qui se dit dans
l’œuvre de Jésus, sa pensée, tout comme dans la résurrection aussi : cet
étonnant retournement des choses. «Car le Fils de l’homme n’est pas
venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une
multitude (Marc 10, 45). » Nous n’avons pas un Dieu qui veut nous tenir
en servitudes mais au contraire nous, et nous conduit à l’Inouï sans nous
asservir d’aucune manière. Ce retournement marque l’aube du 8è jour de
la Création : à nous d’y consentir, oui… mais comment ? En privilégiant
d’abord la protestation : non, le néant, l’absurde, le non-sens, la mort
n’auront pas le dernier mot ! Pour aller plus loin, vers une acclamation :
oui, la bonté est plus profonde que le mal le plus profond. Une profondeur
qui se dit en Dieu, en Christ, en nous, en nos prochains, dans la création.
Et la voilà qui nous entraîne, cette profondeur, vers la jubilation et la
reconnaissance : ce bonheur particulier de la gratuité donnée et reçue
ouvre un espace d'infinies beautés. Il y a de quoi faire, de quoi espérer, de
quoi partager, de quoi nourrir une admiration pour la sagesse divine : « En
ce temps–là, Jésus dit : " Je te célèbre, Père, Seigneur du ciel et de la
terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux gens
intelligents, et que tu les as révélées aux tout–petits" (Matthieu 11:25) ».
Ce retournement nous fait entrer dans une obéissance aimante qui est
tout le contraire d’une soumission ou tout le contraire d’une errance
craintive puisqu’elle réclame le lâcher-prise. Elle nous fait entrer plutôt, par
Celui qui nous est favorable, dans une tranquillité partagée qui peut se
vivre partout, y compris en communauté humaine, « car là où deux ou trois
187
sont rassemblés pour mon nom, je suis au milieu d’eux (Matthieu 18:20 )
».
Le retournement nous conduit enfin au goût de l’Inouï, au double usage de
la TDC évidemment, par lequel tout est accompli sans l’être encore
complètement. Un bienheureux retournement des choses qui nous met en
recherche et nous pousse à rechercher, et à espérer un chemin aux
saveurs si particulières.
C’est en lui que nous vivons la participation de la Création, jusqu'à la
Rédemption, dans son Absence apparente qui demeure pourtant une
Présence réelle, incitative, joyeuse et motivante.
188
hommes pouvaient concevoir: dans la faiblesse extrême et la mort, puis à
travers une résurrection qui transcende pour toujours le mal et la mort »44.
44
Source : Interview de Michel Deneken,
http://www.pacariane.com
189
oublier l’essentiel : à savoir que nous ne sommes pas encore assez
éveillés pour devenir des magiciens. Nous pouvons y travailler d’une part
en corrigeant notre manière de concevoir Dieu, et d’autre part, en osant
nous ouvrir à l’urgence de cet Amour universel et impersonnel, appelé à
s’exprimer concrètement dans la non-violence.
190
Chapitre XVIII
Une révolution non-violente
« C’est dire que, pour Jésus, aimer ce n’est pas être gentil, bon,
aimable mais faire en sorte que des communications puissent
s’établir en nous et entre nous, avec tous les hommes »
Françoise Dolto.
Au sujet du Père
Pour Carl Gustav Jung, si Dieu est bien omnipotent, il n'a aucun moyen
de prendre conscience de quoi que ce soit, ni de lui-même. Car la
conscience naît d'une confrontation. En vertu de sa toute-puissance, Dieu
ne se heurte nulle part à un obstacle insurmontable susceptible de l'inciter
à hésiter et ainsi à réfléchir sur Lui-même... D’où ce conte étonnant
intitulé « Qu'a donc l'homme que Dieu n'a pas?45 » :
191
tout ce qu'il devait être. En quoi cette création- et l'homme en son sein,
peuvent-ils servir Dieu? Quelles fonctions remplissent-ils?»
Notre homme réfléchissait ainsi. Ses questions le conduisaient
inévitablement à conclure que les conceptions humaines de Dieu étaient
soit absurdes, soit enfantines ou naïves. Mais il n'en trouvait pas d'autres.
Un jour, reprenant ses réflexions, il inversa le problème «Pour valoriser
Dieu l'homme dévalorise l'homme et ne reconnaît pas ses propres
qualités. Peut-être l'homme est-il mieux que Dieu! Si l'homme apporte
quelque chose à Dieu, ce qu'il représente justifie la création.»
Il se posa donc cette nouvelle question: « Qu'a donc l'homme que Dieu n'a
pas?»
Notre homme médita là-dessus quelque temps.
Il songea: «L'homme a un corps. Dieu n'a pas de corps.
L'homme est limité, Dieu est infini. Mais son corps, à travers ses qualités,
ses fonctions et ses limites, donne à l'homme la capacité de goûter, de
sentir, de jouir de la Création. Ayant des relations avec ce qui n'est pas lui,
il se confronte à des obstacles qui éveillent en lui une certaine capacité
d'autoréflexion.
Il trouve des qualités à ses expériences : agréable ou désagréable, bon ou
mauvais, doux ou amer, et il développe à l'infini la subtilité de sa
subjectivité.
Sans corps, le Créateur n'a pas les moyens de connaître la Création. Mais
il s'est insufflé en l'homme qui a cinq sens pour sentir, son intelligence
pour unir et donner du sens et un «souffle spirituel» pour connaître
Dieu.
Ainsi, grâce à l'homme, Dieu peut-il connaître sa Création, et se connaître
lui-même.
A l'image de Dieu, l'homme réfléchit Dieu en le pensant, conclut-il ».
192
quelque chose à travers nous, et donc une interaction insoupçonnée et
indétectable scientifiquement.
Ainsi, en reprenant le conte cité plus haut, nous pouvons faire nôtre
l’idée d’un Dieu qui, grâce à l’humain, peut connaître sa Création et se
connaître lui-même. En tant que Perfection, il peut se connaître dans
l’imperfection, en tant qu’Inconditionné il peut se connaître dans le
conditionné, en Vérité dans le relatif, en Destiné ultime dans l’aventure du
temps, en Amour et Bonté dans leurs contraires, etc. En tant que créature,
l’humain se connaîtra partiellement à l’inverse, du bas vers le haut, sans
jamais pouvoir prétendre à l’absolu ni à la perfection. Dans l’enseignement
de la TDC, l’esprit-âme donne à l’humain une fonction dans l’Univers par
l’intermédiaire absolu du libre-arbitre : si nous sommes bien appelés à
nous connaître différemment en Dieu, en aucun cas cela ne nous sera
imposé d’aucune manière, par la force, la ruse ou la manipulation. La
liberté est garantie tout comme le choix de nous ouvrir ou non à la vérité
d’en-haut, à la double causalité.
193
les attitudes mentales propices à la seconde causalité. Cela demande de
savoir « vibrer » à un niveau supérieur d’élévation spirituelle…»46.
46 TDC p. 298
194
demande une grande prise de distance, probablement même d’oser Le
laisser nous ressourcer, nous donner la force, pour que nous puissions
être, par Lui et grâce à Lui, détendus, confiants, sereins, car vouloir l’être
de notre propre chef risque bien de nous faire retomber aussitôt dans le
cycle infernal de la volonté de maîtrise. Cette conviction intime va se
nourrir ensuite des réponses données par son voyage dans le cycle de
l’Amour. Elle était chez Jésus d’une pureté spéciale, exceptionnelle, même
si elle n’a pu faire la différence ni à Nazareth, où Jésus ne put faire aucun
miracle, ni à Jérusalem, où les notables aveuglés par la peur ont attisé les
foules contre lui. Mais fondamentalement, nous pouvons dire, en toute
sérénité, que le Père est le garant, la vérité de notre destinée : tout
découle de Lui et tout y revient, nous y compris…Cette conviction fonde
alors un autre principe incontournable : la non-violence.
Au sujet de la non-violence
195
montrent que ce n'est pas précis. Et surtout ça ne correspond pas à la
radicalité de Jésus dont témoigne la bible. Ulrich Wilckens, dans sa
traduction du Nouveau Testament en allemand, sera le premier à utiliser le
terme de la non-violence. Heureux sont les non-violents, humbles,
courageux pour dire et vivre la vérité, car ils auront la terre en partage! Et
heureux les faiseurs de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu!
Au chapitre 21, Matthieu raconte que Jésus entre dans Jérusalem sur
un âne et il reprend ce même terme praus'. L'âne est ici l'antithèse du
cheval d'empereur ou de conquistador. Jésus se manifeste comme un
anti-empereur non pas parce qu'il n'aurait pas d'autorité ou pas de
revendications, mais parce qu'il ne s'impose pas par la force, et parce que
sa démarche est profondément non-violente. C'est là, la beauté du
royaume de Dieu! La justice qui ne prend rien de force à personne, mais
qui offre tout en retour: plénitude, joie, justice, paix.
La non-violence est donc chez Jésus un acte de foi, une conséquence
du lien avec le Père, avec l’Esprit. Elle n’a rien à voir avec un laisser-faire,
un retrait du monde. Elle est engagement concret dans nos relations avec
les autres. Il ne s’agit pas seulement d’être de ceux qui ne feraient pas de
mal à une mouche ; il s’agit de laisser l’Esprit nous aider à quitter toute
fascination pour la violence, et bien sûr à renoncer à tout usage de la force
ou de la contrainte. Notre mental, sous l’emprise de l’ego, sait obtenir par
la ruse, la force, la séduction ou la fuite, bon nombre de choses. Ce sont
des stratégies communément utilisées et admises. Tout comme nous
savons, avec les mêmes techniques, obtenir des autres, l’attention, la
compréhension, la compassion, l’estime, le respect, etc., être forts ou
parmi les gagnants. L’urgence de la conversion au Royaume de Dieu
réclame tout autre chose, qui nous est dit dans la référence incontournable
à Martin Luther King. Voici les six points qu’il avait énoncé et auxquels
devaient adhérer tous ceux qui voulaient faire partie de son équipe 47 :
On n’est pas obligé de se laisser faire du tort. Mais il ne faut pas non plus
répondre par la violence. Le non-violent montre sa force non pas en étant
196
passif, non pas en ne réagissant pas, mais en étant spirituellement et
émotionnellement actif pour convaincre l’adversaire qu’il est sur le
mauvais chemin. Il ne s’agit donc pas d’une « non résistance passive au
mal, mais d’une résistance non-violente active au mal. »
Celui qui résiste par la non-violence peut très bien participer à des
boycotts ou à des grèves, mais il est conscient que ces actions ne sont
pas des fins en soi, et qu’elles visent essentiellement à susciter de la
honte chez l’adversaire pour son comportement. Le but recherché, c’est
non pas l’humiliation de l’autre, qui génère violence et amertume, mais
c’est toujours la réconciliation, la création de ce que King appelle une
communauté bien-aimée, une communauté régie par l’amour divin.
3. La lutte doit être dirigée contre les forces du mal plutôt que contre
les personnes qui font le mal.
« Des fleuves de sang pourront couler avant que nous ne gagnions notre
liberté », disait Gandhi à ses compatriotes, « mais ce sera notre sang à
nous. » Le résistant non-violent est prêt à supporter la violence si c’est
nécessaire, mais pas de s’en servir lui-même en guise de riposte. Il vaut
mieux souffrir soi-même que d’infliger une souffrance aux autres. Nos
adversaires auront plus de chance d’être touchés par notre souffrance que
par quelque raisonnement si subtil soit-il.
197
Elle consiste à refuser la haine et à vivre selon des principes fondés sur
l’amour. Il faut briser le cercle vicieux de la haine et de la violence et
retrouver la fraternité humaine. Celui qui me fait du mal se fait d’abord du
mal à lui-même.
C’est une foi profonde en l’avenir basée sur l’idée selon laquelle Dieu est
toujours pour la vérité et pour la justice.
198
attitude proactive consistant à choisir qui et ce que nous voulons être, non
pas à partir du passé mais en fonction du futur, dans ce qui pourra
émerger de nos attentes déposées. Il s’agit aussi, en même temps, de
privilégier ce qui dans l’Instant pourrait être tellement mieux, plus vrai, plus
beau ou plus juste, si nous osions y consentir ; de nous y risquer, d’en
faire la demande à l’Univers. ou de le revendiquer face aux autres. Choisir
en somme ce qui incarne le Souverain bien, ce qui est vraiment important,
nécessaire, utile, agréable, nuisible, etc. En ce sens, la conversion au
Royaume de Dieu n’est pas tellement une adhésion à des principes, des
valeurs ou des normes, fussent-elles religieuses ! Elle est le courage de
choisir l’Indéterminé, ce qui n’a pas encore été contaminé par notre passé,
notre mental ou notre « Je » ; ce que précisément nous appelons l’Amour,
ou plus spécifiquement la logique de la gratuité du Don, qui nous invite à
sortir d’une causalité liée aux mérites et qualités personnelles, parce
qu’elle nous situe dans la peur voulant tout contrôler ; ou encore dans
l’ego qui cherche à recevoir, à tirer à soi, dans un besoin qui contracte,
dégrade, renferme et appauvrit tout. C’est le pas du pèlerin, une prise de
risque nécessaire et constante. Sous la gouvernance de l’Esprit, la
pesanteur du mental recule ; le « Je » tranquillisé peut concentrer son
attention sur l’Indéterminé disponible comme transgression du mental, et
choisir les bifurcations qui surviennent au gré de ce que l’âme pourra
matérialiser ; ou encore ne pas suivre ces matérialisations au nom du
libre-arbitre garanti. Ici, la non-violence est, d’abord et surtout, refus de se
limiter au mental conditionné par notre passé, transgression de tous le
fatras identitaire que nous trimbalons bon gré mal gré, qui contient
pourtant sa somme de violences cachées, de blessures narcissiques et
autres traumatismes égocentriques. Tout cela fait barrage à l’Indéterminé.
Tout cela empêche l’ouverture au futur. Martin Luther King avait bien
pressenti qu’il fallait penser la non-violence en fonction de la conviction
que l’univers est du côté de la justice. Cette conviction intime réclame une
vision saine, élargie du divin comme énergie impersonnelle et universelle
de l’amour. Un poème le dit fort bien :
« Être Prêt
Ce n'est pas être préparé
Ce n'est pas avoir tout prévu
Cela est impossible, personne ne peut le faire.
Être Prêt
C'est accepter la vie
C'est bondir au devant du jour nouveau
199
C'est tendre les bras vers sa richesse inconnue
C'est se tenir en face des heures qui viennent, calme et serein.
Être Prêt
C'est accepter la vie, toute la vie
Telle qu'elle vient à nous
Avec ce qu'elle a de plus beau et ce qu'elle a de plus triste
Avec ses jours légers, avec ses jours pesants.
Ce n'est pas dans tes paroles que je verrai si tu es prêt
Ce n'est pas dans tes actions
C'est dans ton attitude face à la vie
Peut-être dans ton regard » (Le livre de Lézard).
N’oublions pas qu’en tout cela, Dieu n’a pas fondamentalement besoin
de nous : Il préfère simplement pouvoir se connaître en sa création et en
ses créatures rendues libres. Il préfère nous faire cadeau de son Amour
pour que notre vie soit pleine et entière. C’est un peu comme s’Il nous
disait : «Venez et voyez. Je suis la Source d’où peut jaillir la vraie vie, qui
peut couler en vous et autour de vous. A vous d’en juger, à vous de savoir
et d’en faire l’expérience… » .
Cette liberté nous est souvent insupportable parce qu’elle contient tous
les possibles : nous pouvons nous y ouvrir ou les refuser. Voilà que le
choix nous appartient, sans contrainte, et avec lui, la possibilité de faire
fausse route. C’est insupportable, une telle liberté ! Alors, les humains ont
inventé le dieu de la contrainte ou à l’inverse, et tout aussi furieusement,
ils ont décidé qu’il n’existait pas ; ils en ont fait le dieu du hasard et de la
nécessité. C’était mieux que rien ! Et cela permet au moins de garder cette
colère intacte, celle qui nous fait si cruellement réaliser notre propre
fragilité, notre angoisse profonde, notre odieuse vulnérabilité d’homme
perdu dans l’immensité du temps et de l’univers. C’est dans cette
conscience douloureuse que naissent nos fureurs et férocités, y compris
l’antisémitisme, la misogynie ou le terrorisme.
200
l’humour peut, à côté de l’Amour, nous faire rejoindre la Clarté d’en-Haut.
Comme dans ce sketch de Raymond Devos intitulé Matière à rire :
201
miséricordieux. Il ne nous demande pas de renoncer pour Lui aux joies et
plaisirs de la vie, de tout donner ou sacrifier pour lui être agréable, en
vivant de surcroît dans une culpabilité insurmontable. La foi ne conduit pas
à crucifier la vie ni à sanctifier le néant. Nous ne vénérons en rien un dieu
cruel et violent, qui prendrait plaisir à nous restreindre ou à nous meurtrir.
Maurice Bellet a su le dire de manière forte48 : « Les déviances du dieu
pervers peuvent faire apparaître le Christ sous les traits du grand
masochiste qui meurt pour des fautes qu’il n’a pas commises, avec un
père sadique qui jouit de la souffrance de son fils, mettant ainsi en place
les sadismes chrétiens mortification, martyre, dévouements destructeurs,
éducation féroce ou doucereuse visant à humilier, asservir, frustrer, etc.
Sous les traits de l’homosexuel avec Jean le tendre ami, des disciples qui
rivalisent pour prendre la place de l’élu, Judas en amoureux déçu. Sous
les traits du schizophrène perdu dans les mirages de la vie éternelle,
dissocié de la réalité des choses, absent au monde réel. Sous les traits du
paranoïaque, sûr de la vérité, il est la vérité, victime du complot universel
contre lui. Comme obsessionnel qui ne veut perdre aucun iota de la loi, en
quête obsessionnelle de perfection. Du grand corrupteur du désir qui
exalte les contre-valeurs (pauvreté, douceur, abstinence) mais qui serait
au final un grand malade qui nomme bonheur le malheur, grandeur la
bassesse, amour l’impuissance fielleuse, etc. Comme pervers qui cache
sous une simplicité de cœur ou son amour de la vie, une haine du monde,
une dureté et une cruauté. (….) Chaque être humain à son don propre,
unique, irréductible, qui est l’espace de sa joie, le Je qui dans ses relations
mêmes, enfin ne dépend de personne. Le don réalise la coïncidence
paradoxale : c’est l’homme tel qu’il est, et c’est beaucoup plus que lui-
même, c’est la fin des soumissions, la liberté en deçà de tout système de
liberté, mais par ce qui délie l’homme de toute sa suffisance, qui est sa
prison. Cet inouï nous invite à la critique la plus impitoyable de ce qu’il est
advenu en l’homme qui va jusqu’à élever la tristesse d’être né. Il convient
de dire : Le dieu pervers est mort, de franchir ce mur redoutable élevé
autour de la violence primitive. L’avenir du christianisme sera là, si tant est
qu’il en ait un ».
202
d’enquêteurs a comptabilisé pendant une semaine 670 meurtres, 15 viols,
848 bagarres, 419 fusillades ou explosions, 11 attaques à main armée, 8
suicides, 32 prises d’otage, 27 scènes de torture, 9 défenestrations, 13
tentatives de strangulation et 11 scènes de guerre49. Ces statistiques
démontrent toute la place occupée par la violence à la télévision, qui
depuis lors, est en constante augmentation, tout comme elle l’est aussi
dans les jeux vidéos, ou les comportements quotidiens…Il faudra bien une
révolution spirituelle pour en diminuer la fascination. Quelque chose qui
puisse valoriser profondément l’expérience d’être. Mais par où
commencer ? Eckhart Tolle, dans son dialogue avec Andrew Cohen, nous
en donne une piste :
49CHABAUD, Pascal. Médias, pouvoirs er société, coll. Culture générale, Éditions Éllipses,
Paris, 2002, page 80.
203
L’identification au mental crée chez vous un écran opaque de concepts,
d’étiquettes, d’images, de mots, de jugements et de définitions qui
empêchent toute vraie relation. Cet écran s’interpose entre vous et vous-
même, entre vous et votre, prochain, entre vous et la nature, entre vous et
le divin. C’est cet écran de pensées qui amène cette illusion de division,
l’illusion qu’il y a vous et un « autre », totalement séparé de vous. Vous
oubliez un fait essentiel : derrière le plan des apparences physiques et de
la diversité des formes, vous ne faites qu’un avec tout ce qui est. Et quand
je dis que vous oubliez, je veux dire que vous ne pouvez plus sentir cet
état d’unité comme étant une réalité qui coule de source. Il se peut que
vous la croyiez vraie, mais vous ne l’appréhendez plus comme telle. Une
croyance peut certes vous réconforter. Par contre, seule l’expérience peut
vous libérer.
Penser est devenu une maladie et celle-ci survient quand les choses
sont déséquilibrées. Par exemple, il n’y a rien de mal à ce que les cellules
du corps se divisent pour se multiplier. Mais lorsque ce phénomène
s’effectue sans aucun égard pour l’organisme dans sa totalité, les cellules
prolifèrent et la maladie s’installe.
Le mental est un magnifique outil si l’on s’en sert à bon escient. Dans le
cas contraire, il devient très destructeur. Plus précisément, ce n’est pas
tant que vous utilisez mal votre « mental » ; c’est plutôt qu’en général vous
ne vous en servez pas du tout, car c’est lui qui se sert de vous. Et c’est
cela la maladie, puisque vous croyez être votre mental. C’est cela l’illusion.
L’outil a pris possession de vous.
Je ne suis pas tout à fait d’accord. C’est vrai que mes pensées sont
souvent sans objet, comme chez la plupart des gens, mais je peux encore
décider d’utiliser mon mental pour acquérir ou accomplir des choses. C’est
ce que je fais tout le temps.
204
suivantes: « Pouvez-vous vous libérer du mental quand vous le voulez ?
Avez-vous réussi à trouver l’interrupteur qui le met hors circuit ? »
50 Source : http://www.eckharttolle.fr
205
vous procure du plaisir aujourd’hui vous fera souffrir demain. Ou bien le
plaisir disparaîtra et son absence vous fera souffrir. Et ce que l’on qualifie
souvent d’amour peut certes être agréable et plaisant pendant un certain
temps, mais il s’agit d’une attitude de dépendance qui nous fait nous
accrocher, d’un état d’extrême besoin pouvant se métamorphoser en son
opposé en un clin d’oeil. Une fois l’euphorie initiale dissipée, de
nombreuses relations oscillent en fait entre « l’amour » et la haine, entre
l’attirance et l’hostilité.
C’est à nous qu’il incombe de faire surgir au quotidien cet amour-là qui
nous fait sortir de la douleur et de la souffrance nées de l’identification à
nos pensées ou à notre mental. L’amour est la juste relation à l’être, à la
source de l’univers, à soi, aux autres. Quand nous en sommes pleinement
conscients, nous ne sommes plus étrangers à nous-mêmes, prisonniers
de besoins compulsifs – somme toute violents ! - qui nous incitent à
trouver notre bonheur dans le monde extérieur. Jésus le disait en ces
termes : « C’est une bonne chose que le sel. Mais si le sel perd son goût,
avec quoi le lui rendrez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes et soyez en
paix les uns avec les autres » (Mc 9,50). Le génie de l’Amour fait allusion
ici au sel de la mer Morte qui perdait de sa saveur au bout de quelque
temps. Il s’agit de garder, en nous-mêmes, ce qui purifie, donne du goût,
conserve ou confère de la valeur à ce qui doit être salé : la vie et nos
relations avec les autres. Seule la non-violence peut être ce sel intérieur…
206
Conclusion
« C'est la liberté des enfants de Dieu qui ne connaît plus faute
ni péché, mais l'amour vivant au-delà de toutes les séparations
(fût-ce la mort du corps), au-delà des valeurs connues du désir,
de ses pièges, de ses jouissances partagées et complices, de
ses épreuves mutilantes. Cet amour transcende masques et
miroirs, mensonges et certitudes de ce monde, pour nous
conduire, d'expériences en expériences, d'actes en actes
d'amour, à son inconnaissable source » Françoise Dolto.
207
de légendes, certes honorables mais primitives qui sont néanmoins assez
puériles. Aucune interprétation, aussi subtile soit-elle peut selon moi
changer cela ». La TDC a démontré que le mot Dieu n’était pas
simplement l’expression ni le produit des faiblesses humaines, mais au
contraire un pouvoir fabuleux, encore plus réel que celui de la lumière, à
même de nous éclairer physiquement. Il s’agit en réalité d’un éclairage
spirituel, tourné vers l’horizon de notre chemin personnel, conduisant à un
destin authentiquement choisi. L’esprit est alors notre lampe torche, et
l’âme symbolise en l’amour, la puissance de la lampe.
208
sans aucune noblesse, mort lamentablement, dont l'enseignement est
sans valeur sauf quand il puise à la sagesse grecque.
Pour le reste, Jésus est un séditieux, un dissident: un dissident par son
origine puisqu'il est un juif et que les juifs ont rompu avec l'antique
sagesse égyptienne ; un dissident par choix puisqu'il s'est opposé à
l'enseignement de Moïse et au judaïsme. Et ce dissident engendre tout
naturellement une dissidence (le christianisme), qui elle-même va se
fragmenter en plusieurs sectes et courants. Une dissidence qui expose
ses membres à la mort alors qu'elle ne mérite vraiment pas que l'on meure
pour elle. Une dissidence qui — et c'est bien là le plus grave — se
comporte comme telle dans la société, menaçant la sécurité de l'Empire,
et par là même la préservation des valeurs héritées de la tradition et
protégées par l'Empire.
Un réquisitoire s'affaiblirait s'il s'encombrait de nuances et manifestait
quelque mansuétude. On observe donc sans surprise que Celse ne trouve
rien à porter au crédit des chrétiens ni de celui qu'ils tiennent pour Fils de
Dieu et pour lequel ils sont prêts à sacrifier leur vie. Toutefois, au terme de
la lecture de son Discours vrai, on éprouve un sentiment de perplexité: si
Jésus n'était vraiment qu'un révolté et un personnage médiocre, si les
chrétiens n'étaient qu'un ramassis de simples d'esprit, faciles à abuser,
comment pouvaient-ils constituer une telle menace pour l'Empire romain et
la culture grecque et hellénistique ? Il faut soit que Celse exagère
l'ampleur du danger couru, soit qu'il l'apprécie correctement et qu'il
considère qu'en dénigrant et ridiculisant le Christ et les chrétiens, on
parviendra à les réduire à l'impuissance. La suite de l'histoire plaide plutôt
en faveur de la seconde hypothèse »52. Il faut croire que Jésus reste un
personnage dangereux, une référence menaçante pour les tenants de
toute orthodoxie ou les adeptes de la pensée unique…
52Daniel Marguerat et Eric Junod :Qui a fondé le christianisme ? Ce que disent les témoins
des premiers siècles, Labor et Fides-Bayard, 2010, p.83-84.
209
intime d’être dans le juste, ce qui va renforcer le potentiel surréaliste de
notre esprit, etc. Jusqu’où ? Jusqu’à prendre tous les risques comme
Jésus l’a fait au nom de l’Amour ?
Nous gardons notre libre-arbitre bien sûr. C’est à nous d’en décider, à
nous d’être conscients des changements que nous aimerions voir se
concrétiser dans notre vie. Pouvons-nous néanmoins le faire en toute
liberté, sans pression ni contrainte d’aucune sorte ? Oui, assurément, car
l’Amour ne saurait nous contraindre.
Nous aurons à rester en accord, et en sincérité, avec ce que nous
demanderons à l’Univers, en sachant que nous ne sommes pas Jésus. Il
ne s’agit pas d’agir sous contraintes ou à contrecœur, ni de vouloir trop en
faire, sauf bien sûr si nos choix d’absolu sont à la mesure de nos forces et
capacités. Ce constat sera pour chacun tout un équilibre à trouver, dans
un art de vivre revu et corrigé, tout un apprentissage à faire, qui nous
invite à agir tout en osant nous en remettre à la grâce de Dieu, en ayant
toutefois le bon sens de suivre les conseils de St-François d'Assise :
210
à ces dérives, pas plus qu’elle ne nous condamne à l’usage d’une pensée
magique dans laquelle tout est intellectuellement permis. Nous sommes
au contraire invités à comprendre que notre évolution personnelle ne
dépend plus uniquement de notre passé. Nous avons pu voir à quel point
la nature transcendante de l’Amour était réhabilitée comme source de
toute création. Découvrir en Jésus l’union de la matière et de l’Esprit qui
régit et oriente nos trajectoires de vie dans notre espace
multidimensionnel. Nous avons pu observer à travers l’Arbre de vie de
Jésus comment ce dernier a orienté la direction encore indéterminée des
événements de manière unique sans qu’il n’y ait là influence du hasard ou
d’un dieu interventionniste. Nous avons pu montrer, en cette destinée
particulière, comment son auteur a laissé le futur influencer son présent,
comment la grâce, comme référence au Dieu bon et miséricordieux, est
venue briser les conditionnements humains et se manifester en de
multiples signes, qui tous nous invitent à nous ouvrir à la logique du Don
gratuit. Le Génie de l’Amour s’est ouvert à cette dimension de l’âme-esprit
comme nul autre sans doute. Il est, et demeure, le paradoxe vivant, qui
illustre ce rôle particulier de l’observateur-acteur-constructeur, appelé dans
le cycle de l’Amour à se libérer des déterminismes, à oser une véritable
révolution spirituelle, dont nous sommes encore loin d’avoir fait le tour.
Dans cette ouverture radicale tout est grâce. Nous n’avons plus à
vouloir devenir comme des dieux, mais à laisser, individuellement et
collectivement, Dieu nous être favorable, ceci en toute confiance, et en
toute lucidité, tout en agissant concrètement, et quotidiennement, dans
une approche non-violente de l’Amour, de la Vie et des vivants. C’est ainsi
que nous avons pu mettre en évidence un ferment révolutionnaire, qui se
fonde sur une alliance nouvelle entre la raison et la foi. Elle demande à
naître en nous par libre-choix. Et la grâce, qui nous est faite en retour, est
l’imprégnation de notre futur par notre Esprit en action, rempli d’amour. La
Bonté du père nous rejoint pour nous fortifier et féconder le cycle de
l’Amour, de sorte que nous pouvons dire avec F.Dürrenmatt : « Tu ne
peux pas obliger la grâce à illuminer le monde, mais tu peux préparer
l’atmosphère pour la grâce –si elle vient – trouve en toi un miroir prêt à
refléter sa lumière ».
211
212
Ouvrages cités
213
François Vouga, Evangile et vie quotidienne, Labor et Fides 2006
214
Richard Dawkins Pour en finir avec Dieu, Paris, R.Laffont, 2008.
Daniel Marguerat et Eric Junod : Qui a fondé le christianisme ? Ce que disent les
témoins des premiers siècles, Labor et Fides-Bayard, 2010.
215
216
Table des matières
Avant propos.
Quand le « hasard » fait bien les choses…………………………5
Introduction :
Quand l’Amour devient source de toute creation…………… ….15
Chapitre I.
Autour de l’Arbre de vie de Jésus…………………………………33
Chapitre II.
Naissance et enfance de Jésus……………………………………41
Chapitre III.
Jésus et Jean-Baptiste………………………………………………47
Chapitre IV.
L’activité de Jésus débute par le desert…………………………..53
Chapitre V.
Entrer dans la logique du Don……………………………………..57
Chapitre VI.
Au-delà de l’hypocrisie…………………………………………… .63
Chapitre VII.
Tout vient de Dieu, de sa présence mystérieuse………………..69
Chapitre VIII.
217
Disponible pour le cycle le l’amour………………………………75
Chapitre IX.
Un Royaume pour les Vivants……………………………………87
Chapitre X.
Aller au-delà de nos conditionnements…………………………..99
Chapitre XI.
Cherchez le royaume de Dieu et sa justice………………………109
Chapitre XII.
Les Béatitudes, signe d’une nouvelle alliance…………………...123
Chapitre XIII.
L’Amour ne saurait courber l’échine……………………………….131
Chapitre XIV.
Quand il faut perdre pour gagner………………………………….141
Chapitre XV.
La résurrection ? Bon, mais encore ?.........................................149
Chapitre XVI.
Peut-on faire sans la radicalité de Jésus ?.................................169
Chapitre XVII.
Renouveler la spiritualité……………………………………………183
Chapitre XVIII.
Une révolution non-violente…………………………………………191
Conclusion…………………………………………………………….207
Ouvrages cites…………………………………………………………213
218