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A. Introduction
En 1992, la Suisse voulait adhérer à l’EEE (libre circulation au sein de l’UE et de l’AELE).
Elle a donc dû créer des bases légales pour la libre circulation. Mais le peuple a refusé
l’adhésion à l’EEE. Toutefois, la Confédération a promulgué certaines lois qui avaient été
prévues pour l’adhésion à l’EEE :
- La loi sur le marché intérieur (LMI) 1996 : permet une libre circulation pour les
professions libérales.
- La loi sur les cartels (LCart) 1996 : cette loi a eu pour effet d’invalider plusieurs normes
de déontologie et associatives (notamment concernant la publicité ou les
recommandations tarifaires).
- La loi sur la libre circulation des avocats (LLCA) 2002 : permet une libre circulation des
avocats en Suisse et en Europe.
- La relation entre la LLCA et la LMI (ATF 134 II 329 ; 141 II 280 ; 144 II 147) Le TF
rappelle que la LLCA est postérieure a LMI et pourrait primer. Sauf que certaines
dispositions de la LMI on été ajoutée par la suite. LLCA est certes une loi spéciale mais ce
qui n’est pas réglé par celle-ci, c’est la LMI qui s’applique.
La LLCA n’est pas une véritable loi sur les avocats, mais une loi sur la libre circulation des
avocats. L’idée de la loi est de poser les conditions minimales pour qu’un avocat puisse
circuler librement en Suisse. Elle impose aussi des obligations fondamentales, qui vont au-
delà de la simple libre circulation.
Le but de la LLCA est donc relativement étroit. Cette dernière n’est pas une loi générale sur
les avocats.
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B. Le cadre légal de la profession d’avocat
- Champ d’application personnel (art. 2 LLCA) : la présente loi s’applique aux titulaires
d’un brevet d’avocat qui pratiquent, dans le cadre d’un monopole, la représentation en
justice en Suisse (art. 2 I LCCA). Attention toutefois : la LLCA ne confère aucun
monopole aux avocats !!! D’autres lois de procédure le font (LTF, CPP, CPC).
En réalité, la LLCA s’applique à toute personne titulaire du brevet d’avocat qui est
inscrite à un registre cantonal des avocats. L’inscription au registre donne accès au
monopole. En outre, la LLCA s’applique à toutes les activités professionnelles de l’avocat
(représentation en justice, conseil juridique, voire autres activités), pas seulement à la
représentation en justice, comme l’art. 2 I LLCA peut le laisser croire. Seules les activités
privées échapent à la LLCA.
LA LLCA s’applique à tous les avocats inscrits au registre cantonal des avocats en ce
qui concerne toutes leurs activités professionnelles.
- Réserve du droit cantonal (art. 3 LLCA) : est réservé le droit des cantons de fixer, dans
le cadre de la présente loi, les exigences pour l’obtention du brevet d’avocat. La LLCA
prévoit donc un certain nombre de conditions pour l’obtention du brevet d’avocat, mais
chaque canton peut créer son propre mode de formation pour la période du brevet (p. ex.
l’ECAV à Genève) et ses propres conditions pour l’accès au brevet.
Le droit cantonal jouit d’une assez large autonomie dans certains domaines qui touchent à
la profession d’avocat. Notamment, la LLCA ne règle pas la question des honoraires
c’est aux cantons de réglementer les honoraires des avocats. La LPAv/GE règle : (1)
l’application de la LLCA ; (2) les domaines non réglés par la LLCA.
- Libre circulation entre les cantons (art. 4 LLCA) : tout avocat inscrit à un registre
cantonal des avocats peut pratiquer la représentation en justice en Suisse sans autre
autorisation. Tout avocat inscrit peut donc pratiquer dans toute la Suisse. Les cantons ne
peuvent pas poser de conditions supplémentaires.
- Registre cantonal des avocats (art. 5 LLCA) : chaque canton institue un registre des
avocats qui disposent d’une adresse professionnelle sur le territoire cantonal et qui
remplissent les conditions prévues aux art. 7 et 8 LLCA. Le registre doit contenir les
informations listées à l’art. 5 II LLCA. L’inscription a pour principal but de permettre aux
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avocats d’entrer dans le monopole (notamment représentation en justice) et de se prévaloir
du secret professionnel. Le statut d’avocat inscrit implique la soumission à toutes les
règles professionnelles (art. 12-13 LLCA).
- Inscription au registre (art. 6 LLCA) : l’avocat titulaire d’un brevet d’avocat cantonal
qui entend pratiquer la représentation en justice doit demander son inscription au registre
du canton dans lequel il a son adresse professionnelle. L’inscription au registre est donc
obligatoire pour chaque avocat qui veut pratiquer la représentation en justice. Un avocat
ne peut avoir qu’une seule inscription (registre du canton de l’adresse professionnelle).
Une double inscription est une infraction disciplinaire.
- Conditions de formation (art. 7 LLCA) : l’avocat doit être titulaire d’un brevet d’avocat
cantonal. Les cantons ne peuvent délivrer ce brevet que si le titulaire a effectué : (a) des
études de droit sanctionnées par une licence ou un master ; (b) un stage d’un an au moins
et un examen final.
NB : L’art. 12 let. b LLCA prévoit une autre notion de l’indépendance : un avocat peut
être structurellement indépendant, mais ne pas être indépendant dans une affaire
spécifique. Cela n’empêche pas l’inscription, mais empêche d’agir dans une certaine
affaire.
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- Titre professionnel (art. 11 LLCA) : l’avocat fait usage de son titre professionnel
d’origine ou du titre équivalent délivré dans le canton au registre duquel il est inscrit. En
Suisse allemande, il y a plusieurs mots pour le titre (Rechtsanwalt, Fürsprecher, etc.). En
Suisse romande, c’est « avocat ». Dans ses relations d’affaires, l’avocat doit mentionner
son inscription à un registre ou un barreau cantonal (art. 11 II LLCA). Donc l’avocat,
quand il pratique dans le cadre du monopole (représentation en justice), est obligé
d’utiliser son titre d’avocat.
L’art. 5 LPAv/GE prévoit que « nul ne peut porter le titre d’avocat s’il n’est inscrit au
registre cantonal des avocats, appelé tableau ». Mais la LLCA prévoit que toute personne
qui a un brevet d’avocat peut faire usage du titre d’avocat. La loi genevoise n’est donc pas
compatible. La notion de « tableau » est fausse car elle est destinée aux avocats étrangers.
La loi cantonale peut instituer une infraction pénale cantonale pour les personnes qui
utilisent le titre d’« avocat » abusivement. L’art. 3 let. c LCD sanctionne également le fait
de prétendre être titulaire d’un titre professionnel dont on n’est en réalité pas titulaire.
- Règles professionnelles (art. 12 LLCA) : l’art. 12 LLCA fournit une liste exhaustive des
règles professionnelles auxquelles est soumis l’avocat. La Confédération a donc épuisé sa
compétence et les cantons ne peuvent dès lors pas prévoir d’autres règles. La disposition
est toutefois assez lacunaire ; le TF a donc précisé toutes ces règles professionnelles.
o Let. a : l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence (clause générale) :
le TF a complété cette disposition de manière extrêmement large. Il a notamment
importé plusieurs règles déontologiques (associatives) sous cet article. L’art. 398 II
CO prévoit également une obligation de diligence du mandataire. Mais il y a deux
grandes différences entre ces deux lois :
(1) La LLCA est une loi administrative alors que le CO est une loide droit privé.
L’avocat qui viole la LLCA commet donc une infraction disciplinaire, en plus
d’une violation du contrat.
(2) L’art. 398 II CO ne règle que la relation entre le client et l’avocat. La LLCA est
plus large : selon cette loi, l’avocat a un devoir de diligence non seulement envers
son client, mais aussi envers le juge, l’administration, l’avocat de la partie adverse,
voire la partie adverse elle-même, les témoins, etc. Donc c’est beaucoup plus large
qu’une simple obligation contractuelle. La LLCA imprègne donc toute l’activité de
l’avocat.
o Let. c : l’avocat évite tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des
personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé.
C’est une question compliquée à manier en pratique. L’avocat ne peut par exemple
pas plaider pour un client alors qu’il plaide contre sa propre famille.
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o Let. d : l’avocat peut faire de la publicité, pour autant que celle-ci se limite à
des faits objectifs et qu’elle satisfasse à l’intérêt général. La publicité est
relativement libre, mais elle doit se limiter à des faits objectifs et satisfaire l’intérêt
général. Le TF a considéré que des néons au sommet de l’immeuble étaient
interdits car contraires à la dignité de la profession. Mais les avocats peuvent
quand même faire de la publicité, dans des limites relativement larges.
o Let. e : l’avocat ne peut pas, avant la conclusion d’une affaire, passer une
convention avec son client par laquelle ce dernier accepterait de faire
dépendre les honoraires du résultat de l’affaire ; il ne peut pas non plus
s’engager à renoncer à ses honoraires en cas d’issue défavorable du procès
interdiction du pactum de quota litis (convention par laquelle l’avocat renonce à
toute rémunération normale et se fait payer uniquement par une participation au
gain du procès).
o Let. i : l’avocat, lorsqu’il accepte un mandat, doit informer son client des
modalités de facturation et le renseigner périodiquement ou à sa demande sur
le montant des honoraires dus devoir d’information en matière d’honoraires.
L’avocat a bien d’autres devoirs d’information : coûts de la procédure, risques de
la procédure, etc. Ces devoirs sont traités dans la clause générale (obligation de
diligence).
o Let. f : l’avocat doit être au bénéfice d’une assurance responsabilité civile
professionnelle offrant une couverture adaptée à la nature et à l’étendue des
risques liés à son activité ; la somme couvrant les événements dommageables
pour une année doit s’élever au minimum à un million de francs. Le montant
de CHF 1'000'000 est vraiment un minimum, mais la plupart des assurances
n’assurent pas en-dessous de CHF 3'000'000. L’assurance de base ne couvre que
les activités typiques (représentation en justice et conseil juridique). Si l’avocat est
trustee, exécuteur testamentaire, administrateur, etc., il doit conclure des
assurances complémentaires pour ses activités atypiques. Les assurances n’ont pas
d’obligation de contracter un avocat qui a commis une faute professionnelle
grave aura du mal à trouver une nouvelle assurance, ou alors à des coûts
prohibitifs. Il pourra alors se voir sanctionné par une interdiction de pratiquer.
o Let. g : l’avocat est tenu d’accepter les défenses d’office et les mandats
d’assistance judiciaire dans le canton au registre duquel il est inscrit. Les
nominations d’office sont une source d’activité très importante pour les avocats
(les avocats stagiaires ne peuvent plus être nommés d’office depuis l’entrée en
vigueur du CPP c’est le maître de stage qui est nommé, ensuite il délègue à son
stagiaire, mais en son propre nom).
o Let. h : l’avocat conserve séparément les avoirs qui lui sont confiés et son
patrimoine. Cela semble basique, mais il n’y avait avant aucune norme. L’avocat
doit donc avoir au moins deux comptes (trois en réalité : compte personnel,
compte clients argent remis par le client ou reçu pour le client, compte
provisions (avances sur honoraires)). Le principe de la séparation des comptes est
donc fondamental.
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o Let. j : l’avocat communique à l’autorité de surveillance toute modification
relative aux indications du registre le concernant (changement de locaux,
condamnation pénale, etc.).
- Secret professionnel (art. 13 LLCA) : l’avocat est soumis au secret professionnel pour
toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession ;
cette obligation n’est pas limitée dans le temps et est applicable à l’égard des tiers. Le fait
d’être délié du secret professionnel n’oblige pas l’avocat à divulguer des faits qui lui ont
été confiés. La profession d’avocat est la seule profession qui permet de ne jamais
divulguer des faits (secret absolu). Le secret professionnel est un sujet en pleine
mouvance. Notamment il est proposé de sortir du champ d’application de l’art. 13 LLCA
toutes les questions qui concernent les mineurs ( protection de l’enfant comme bien
supérieur à la protection du secret).
- Autorité cantonale de surveillance (art. 14 LLCA) : chaque canton désigne une autorité
chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son
territoire. A Genève, il s’agit de la Commission du barreau (art. 14 ss LPAv/GE).
- Mesures disciplinaires (art. 17-20 LLCA) : l’art. 17 LLCA prévoit une liste des mesures
disciplinaires pouvant être prononcées en cas de violation de la loi (avertissement < blâme
< amende de CHF 20'000 au plus< interdiction temporaire de pratiquer < interdiction
définitive de pratiquer). Attention à ne pas confondre l’interdiction de pratiquer et la
radiation. La radiation est prononcée si une condition de l’art. 8 LLCA n’est plus remplie ;
ce n’est pas une sanction. En matière de sanctions, les principes généraux du droit
administratif doivent être respectés : droit d’être entendu, proportionnalité, etc.
La LMI n’a pas disparu du fait que la LLCA a été promulguée. Certes la LLCA est
postérieure à la LMI, mais certaines dispositions de la LMI ont été ajoutées après la LLCA.
Donc la LLCA ne prime pas forcément la LMI (2 arrêts du TF sur ces relations).
3. Les monopoles
La LLCA n’institue aucun monopole. Plusieurs monopoles sont instaurés par d’autres lois
fédérales de procédure :
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- Tribunal fédéral (art. 40 LTF) : en matière civile et en matière pénale, seuls ont qualité
pour agir comme mandataires devant le Tribunal fédéral les avocats autorisés à pratiquer
la représentation en justice en vertu de la LLCA. Cela ne concerne pas le droit public. Un
avocat radié ou un avocat stagiaire peut représenter quelqu’un en droit public devant le TF
(de même que toute autre personne). NB : il n’y a pas d’obligation d’être représenté ; mais
si on veut l’être, il faut l’être par un avocat.
- Procédure pénale (art. 127 CPP) : le prévenu, la partie plaignante et les autres
participants à la procédure peuvent se faire assister d’un conseil juridique pour défendre
leurs intérêts (art. 127 I CPP). Dans les limites de la loi et des règles de sa profession
(renvoi à la LLCA), un conseil juridique peut défendre les intérêts de plusieurs
participants à la procédure (art. 127 III CPP). Selon le TF, en principe, un avocat ne peut
pas représenter plusieurs prévenus dans une même procédure, sauf circonstances
exceptionnelles (risque de conflit d’intérêts). Par contre, un avocat peut représenter
plusieurs parties plaignantes.
Art. 127 V CPP : la défense des prévenus est réservée aux avocats habilités à représenter
les parties devant les tribunaux en vertu de la LLCA. Donc un prévenu ne peut être
représenté que par un avocat inscrit. Les autres parties peuvent par contre être assistées
par une personne qui n’est pas avocat, sauf disposition cantonale contraire. La loi
genevoise a étendu le monopole aux autres participants à la procédure (art. 18 LaCP/GE).
- Procédure civile (art. 68 CPC) : toute personne capable d’ester en justice peut se faire
représenter au procès (art. 68 I CPC). Sont autorisés à représenter les parties à titre
professionnel (art. 68 II CPC) : (a) dans toutes les procédures, les avocats inscrits au
registre. Les lettres(b), (c) et (d) prévoient les exceptions.
Pour les juridictions spéciales (bail et travail), un mandataire professionnellement qualifié
peut représenter les parties si le droit cantonal le prévoit (art. 68 II let. d CPC).
Les conditions pour qu’un mandataire professionnellement qualifié puisse représenter une
partie devant les juridictions spéciales sont les suivantes : (1) juridiction spéciale : une
juridiction spéciale est une juridiction paritaire, à savoir employé/employeur ou
locataire/bailleur ; (2) le droit cantonal autorise ces mandataires à représenter devant les
juridictions spéciales. Cf. Tome I, p. 36. Cela peut varier d’un canton à l’autre, voire
même au sein du même canton selon le degré de juridiction.
- Procédure administrative : le droit administratif est beaucoup plus libre. La plupart des
lois cantonales de procédure administrative autorise la représentation des parties par des
mandataires professionnellement qualifiés. (absence de monopole 11 PA)
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C. La déontologie professionnelle
1. La notion de déontologie
Selon le TF, les normes déontologiques peuvent servir à interpréter la loi, pour autant qu’elles
servent l’intérêt public et qu’elles aient une portée nationale (qu’elles ne soient pas limitées à
un seul canton). Les normes déontologiques servent donc à interpréter, voire à compléter la
LLCA, notamment en ce qui concerne le devoir de diligence de l’art. 12 let. a LLCA. Le TF a
été très loin en allant chercher des normes déontologiques pour interpréter le devoir de
diligence.
Concernant la LLCA : peut se référer à la déontologie si c’était dans l’intérêt public. Code
suisse de déontologie (2005 ; transformation des lignes directrices de la FSA)
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Droit de la profession d’avocat
04.03.2016
Dans les esprits, l’avocat est une personne qui travaille seule avec éventuellement un ou deux
associés. C’est l’image de l’avocat indépendant. Mais les structures évoluent, notamment
concernant les personnes morales.
Quelles sont, selon les catégories considérées, les activités autorisées (voire
monopolistiques) ? Et quelles sont les catégories d’avocats qui jouissent du secret
professionnel (art. 13 LLCA) et qui sont soumises aux devoirs professionnels (art. 12 LLCA),
dont le respect est soumis à l’autorité de surveillance ?
a) L’avocat titulaire d’un brevet suisse : l’avocat titulaire d’un brevet suisse qui s’inscrit à un
registre cantonal peut circuler librement dans toute la Suisse (art. 4 LLCA) et est soumis
aux devoirs professionnels (art. 12 LLCA) et au secret professionnel (art. 13 LLCA).
b) L’avocat UE/AELE selon l’art. 30 LLCA : il s’agit de la situation des avocats qui ont un
titre d’avocat de l’UE ou de l’AELE et qui, après trois ans de pratique en Suisse (trois ans
d’inscription au tableau) ou un examen de contrôle des connaissances, peuvent s’inscrire
au registre cantonal des avocats. C’est une sorte de « naturalisation » après trois années de
pratique en Suisse. L’avocat UE/AELE jouit alors des mêmes droits et obligations qu’un
avocat titulaire d’un brevet cantonal inscrit au registre (art. 30 II LLCA).
L’avocat inscrit au tableau des avocats UE/AELE (art. 27 ss LLCA) est un avocat qui pratique
à titre permanent en Suisse et qui pratique sous son titre professionnel d’origine. Ces avocats
sont autorisés à pratiquer la représentation en justice en Suisse et ont donc l’obligation de
respecter les mêmes règles que les avocats suisses (art. 12 et 13 LLCA).
a) L’avocat titulaire d’un brevet suisse : l’avocat titulaire d’un brevet suisse mais non inscrit
au registre n’a pas accès aux activités du monopole et n’est pas soumis aux devoirs
professionnels. Il bénéficie par contre du titre d’avocat (cf. art. 11 LLCA).
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b) L’avocat UE/AELE : l’avocat UE/AELE peut travailler en Suisse de manière
occasionnelle (p. ex. pour 2 ou 3 dossiers spécifiques) sans s’inscrire au tableau des
avocats UE/AELE et sans être soumis aux devoirs professionnels. Selon l’art. 23 LLCA,
pour les procédures où il y a une défense obligatoire, l’avocat UE doit agir de concert avec
un avocat inscrit au registre cantonal. Il y a peu de cas de défense obligatoire en droit
suisse (cf. art. 130 CPP). Le recours à un avocat local doit être limité aux cas
indispensables (p. ex. élection de domicile en l’étude d’un avocat suisse).
c) L’avocat étranger hors UE/AELE : cet avocat ne jouit d’aucun privilège particulier. Il n’a
pas le statut d’avocat reconnu aux avocats UE/AELE. Il peut pratiquer le conseil juridique
et représenter les parties devant les tribunaux arbitraux. Par contre, il ne peut pas exercer
la représentation en justice. On considère par contre que ces avocats bénéficient
généralement du secret professionnel (art. 321 CP).
5. Le titre d’avocat
Le titre d’avocat peut être utilisé par toute personne titulaire d’un brevet d’avocat suisse,
même si elle n’est pas inscrite au registre. Par contre, seuls les avocats inscrits au registre
peuvent se prévaloir du titre d’« avocat inscrit au barreau ». En ce sens, l’art. 5 I et II
LPAv/GE est certainement contraire au droit fédéral puisqu’il réserve le titre d’« avocat » aux
seuls avocats inscrits au registre, les avocats n’étant pas inscrits ne pouvant utiliser que le titre
de « titulaire du brevet d’avocat ».
Le titre d’avocat n’est pas protégé par la LLCA. Mais l’art. 3 let. c LCD réprime l’usage
trompeur d’une dénomination professionnelle. Le qualificatif « Maître » n’est pas non plus
protégé, mais il est considéré comme un usage et on ne peut donc pas se prévaloir de ce
qualificatif si l’on n’est pas avocat (cf. arrêt genevois).
Selon le TF, l’avocat n’a pas l’obligation de consacrer tout son temps à sa profession
d’avocat. A ce sujet, deux conceptions s’opposent : (1) conception latine : l’avocat doit
consacrer tout son temps à sa profession ; (2) conception anglo-américaine : l’avocat peut
avoir d’autres activités s’il en a envie.
Où la Suisse se range-t-elle dans ce conflit idéologique ? Dans l’arrêt 10 (cours 2), un avocat
travaille comme avocat au barreau et comme professeur de flûte. A l’époque de l’arrêt, la loi
genevoise interdisait que l’avocat ait des activités accessoires (sauf professeur de droit ou juge
suppléant). L’avocat recourt au TF et obtient l’annulation de cette loi genevoise. Le TF
considère qu’il n’y a aucune raison que l’on impose à l’avocat de consacrer tout son temps à
sa profession. Il peut avoir d’autres activités accessoires (liberté économique), sous réserve du
respect des devoirs professionnels (cf. notamment du devoir d’indépendance au sens de l’art.
8 LLCA). Il n’y a aucune raison d’imposer à l’avocat un travail à temps plein comme avocat.
Un avocat peut même travailler à plein temps dans une autre profession et n’être avocat que le
weekend, pourvu que son indépendance soit garantie.
Selon l’art. 8 I let. d LLCA, l’avocat doit être en mesure de pratiquer en toute indépendance ;
il ne peut être employé que par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal.
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Le TF distingue deux situations : (1) l’avocat employé pour exercer sa profession d’avocat ;
(2) l’avocat employé dans un autre domaine pour effectuer une autre profession, qui est en
même temps avocat indépendant à côté de cette autre profession.
Chaque avocat est libre d’être employé par une personne non inscrite au registre des avocats
dans un autre domaine (p. ex. un fleuriste ou le conservatoire), tant qu’il est indépendant
quand il exerce sa profession d’avocat.
Plusieurs avocats exercent une activité accessoire à leur profession d’avocat. C’est notamment
souvent le cas pour les avocats d’affaires. Ces avocats exercent p. ex. les activités accessoires
suivantes :
- Gérant de fortune : plusieurs avocats sont gérants de fortune pour la fortune de leurs
clients.
Plusieurs avocats exercent, à côté de leur profession d’avocat, des activités officielles. Ils
peuvent exercer p. ex. les fonctions suivantes : (1) fonctions judiciaires : juge suppléant ; (2)
fonctions de curatelle ; (3) fonctions de commissaire au sursis concordataire ou de liquidateur
d’une société ; (4) fonctions d’exécuteur testamentaire. Etc. Lorsqu’un avocat agit dans ces
fonctions, est-il soumis à la LLCA ? A d’autres règles ?
4. Les incompatibilités
Les règlementations cantonales et fédérales prévoient que les juges de carrière ne peuvent pas
avoir d’autres activités professionnelles (comme avocat ou autre). Donc c’est une première
incompatibilité.
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En ce qui concerne la fonction de juge suppléant, il n’y a pas d’incompatibilité : en droit
suisse, un avocat peut être juge suppléant, tant qu’il respecte le devoir d’indépendance (ATF
139 III 120).
En ce qui concerne la fonction de greffier, selon le TF, il n’y a aucune incompatibilité à être
avocat et greffier. Il faut juste respecter le devoir d’indépendance et éviter les conflits
d’intérêts. Donc les cantons peuvent prévoir qu’un avocat peut être greffier.
b) La fonction de notaire
En ce qui concerne la fonction de notaire, les cantons de Genève et Vaud ont déclaré dans leur
loi sur le notariat que les fonctions d’avocat et de notaire sont incompatibles. Mais la double
fonction est autorisée à Neuchâtel ou en Valais. Dans certains cantons suisses-allemands, les
notaires sont des fonctionnaires (p. ex. à Zurich) ils ne peuvent donc pas être avocats
indépendants. En résumé, il existe une grande liberté cantonale les cantons peuvent
décréter ou non l’incompatibilité dans leur loi sur le notariat (MAIS PAS DANS LA LOI
SUR LA PROFESSION D’AVOCAT). En ce sens, l’art. 7 LPAv/GE est certainement
contraire au droit fédéral puisqu’il liste les incompatibilités avec la profession d’avocat.
La loi genevoise prévoit encore qu’un avocat ne peut pas avoir d’activité incompatible avec la
dignité de l’avocat (art. 7 let. c LPAv/GE).
1. Les fondements
2. Le régime de la LLCA
- Notion d’indépendance structurelle : situation de fait et de droit qui fait que l’avocat
peut travailler sans influence (excessive) de tiers dans l’exécution de son métier.
Premièrement, il faut que l’avocat s’installe dans un lieu où il soit capable de respecter le
secret professionnel, de travailler à l’abri de l’influence des tiers. L’avocat ne peut pas
partager des locaux avec des personnes qui ne sont pas avocates (voir l’art. 10 I LPAv/GE
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qui interdit le partage des locaux avec des non avocats sur le fond, c’est juste, mais sur
la forme, c’est faux car les cantons n’ont pas la compétence constitutionnelle d’édicter une
telle règle car la Confédération a épuisé la compétence en matière de règles
professionnelles). En réalité, cette règle sur les locaux ressort de la notion d’indépendance.
Question : l’avocat qui travaille dans la chambre de son bébé et qui n’a qu’un natel
comme téléphone professionnel remplit-il la condition d’indépendance structurelle ? B.
CHAPPUIS ne voit pas où est le problème au niveau de l’indépendance. L’avocat peut
parfaitement travailler chez lui, tant qu’il peut être atteint (téléphone), qu’il a une adresse
et des locaux qui ne mettent pas en péril le secret professionnel et les conflits d’intérêts.
Le standing des locaux n’est pas vraiment pertinent, tant que les affaires sont gardées sous
clé.
Question : peut-on accueillir un expert fiscal comme associé dans les locaux ? NON. Un
avocat inscrit et indépendant dans son propre bureau peut engager un expert fiscal sous
son contrôle (auxiliaire l’art. 321 CP s’applique aux auxiliaires). Par contre, si cet
expert fiscal devient associé, ce n’est plus la même chose. Zurich admet l’association avec
des non-avocats. Mais ce n’est pas le point de vue des autres cantons suisses. Dans l’ATF
138 II 440, le TF laisse la question de la multidisciplinarité ouverte. En Suisse romande, il
y a une très forte opposition à l’admissibilité de cette question (cf. arrêts Baer & Karrer :
quand Baer & Karrer est devenue une SA, elle a sorti les experts fiscaux associés de cette
structure pour ne pas avoir de problème à Genève).
L’avocat qui doit trouver des locaux va devoir trouver un bailleur ou alors un prêt
bancaire pour les acheter. Cela ne pose en principe pas problème au niveau de
l’indépendance. Par contre, quand toutes les relations juridiques sont liées à une seule et
même personne, alors il y a une perte d’indépendance structurelle (p. ex. bail, assurance,
apport de dossiers etc. proviennent de la même société).
- L’avocat salarié : un avocat employé par un autre avocat inscrit au registre est considéré
comme indépendant (cf. art. 8 I let. d, 2 e ph. LLCA), même s’il est travailleur au sens du
droit du travail. Dès l’instant que l’avocat employé (collaborateur) reçoit ses instructions
d’un avocat lui-même inscrit au registre, l’avocat employé est en quelque sorte délégataire
de l’indépendance de son patron et cela fonctionne. Par contre, cet avocat est
personnellement responsable au niveau disciplinaire !! Par contre, il n’est pas responsable
au niveau civil car le contrat est conclu avec le patron. Donc un avocat peut être
employé par un autre avocat inscrit au registre (statut d’avocat-collaborateur) !!!
Qu’en est-il d’un avocat employé par une personne qui n’est pas un avocat inscrit au
registre ? Par exemple, un juriste d’assurance (employé de l’assurance) veut s’inscrire au
registre des avocats pour pratiquer comme indépendant à côté de son activité de juriste
d’assurance. Le TF considère que c’est possible : quand il travaille dans l’assurance, il
n’est pas employé comme avocat donc il n’a pas besoin d’être indépendant. Quand il
travaille comme avocat, il est par contre indépendant car il ne travaille pas en qualité
d’employé de l’assurance. Toutefois, ce n’est pas aussi simple que ça. Lorsqu’un avocat
est employé par un tiers non avocat, le TF considère qu’il y a une présomption
réfragable de dépendance l’avocat doit donc prouver qu’il indépendant : il doit
prouver que son employeur ne peut donner aucune instruction sur l’acceptation et la
conduite des mandats, qu’il n’a aucun droit de regard, que les locaux sont séparés, que
l’avocat ne représente jamais son employeur ou les clients de son employeur. Les bureaux
doivent être matériellement séparés.
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Qu’en est-il d’un avocat employé d’une étude américaine ? Un avocat suisse ne peut pas
s’inscrire au registre quand il est employé par des personnes non inscrites au registre (p.
ex. si tous les associés de l’étude où il travaille sont américains). L’exigence suisse est
qu’il faut que le patron soit un avocat inscrit au registre suisse. Il ne suffit pas que l’avocat
suisse mette sous clé ses dossiers, ne partage pas ses dossiers avec son employeur, etc. Car
il y aura encore une vérification des conflits d’intérêts au niveau de l’étude américaine.
Donc violation du secret professionnel. Donc la réponse est catégoriquement non.
On arrive à une certaine absurdité : un avocat titulaire d’un brevet suisse propose de venir
travailler en Suisse pour une étude américaine et se soumettre aux règles de surveillance
suisse. Alors qu’un avocat UE peut travailler en Suisse alors qu’il est employé par une
étude étrangère.
- Juriste d’entreprise (in-house counsel) : cette question donne lieu à un débat houleux
depuis des décennies en Europe. Est-ce que le juriste d’entreprise bénéficie du secret
professionnel ? Selon le TF, l’avocat employé d’une société, quand il défend les intérêts
de cette société, n’est pas un avocat qui bénéficie du secret professionnel (art. 321 CP).
Donc on en reste là dans ce cours : l’avocat employé d’une entreprise ne bénéficie pas du
secret.
- Exception de l’art. 8 II LLCA : l’avocat qui est employé par une organisation reconnue
d’utilité publique peut demander à être inscrit au registre à condition de remplir les autres
conditions de l’art. 8, et de limiter son activité de défenseur à des mandats concernant
strictement le but visé par cette organisation. Selon le TF, l’ASLOCA Genève ne revêt pas
la qualité d’organisation d’utilité publique car elle défend surtout les intérêts de ses
membres. Donc l’avocat employé de l’ASLOCA Genève ne peut pas s’inscrire au registre
car il n’est pas indépendant au sens de l’art. 8 II LLCA. Il peut représenter devant les
juridictions spéciales cantonales (comme mandataire professionnellement qualifié), mais
pas devant le TF !!!
- Principe : Selon l’art. 12 let. b LLCA, l’avocat est soumis aux règles professionnelles
suivantes : (b) il exerce son activité professionnelle en toute indépendance, en son nom
personnel et sous sa propre responsabilité (disciplinaire, ≠ contractuelle). Cette notion
d’indépendance concrétise en quelque sorte l’interdiction des conflits d’intérêts. L’avocat
doit, dans ses mandats, exercer son activité professionnelle en toute indépendance.
- Indépendance face aux tiers : Un avocat qui a obtenu un prêt de l’UBS (qui est son
principal bailleur de fonds) ne peut certainement pas plaider dans un procès contre l’UBS
pour un de ses clients.
Interdiction des relations financières entre le client et l’avocat : un avocat peut-il obtenir
un prêt de son client ou avancer de l’argent à son client ? Pour le TF, il n’y a pas
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d’interdiction de principe. Il faut voir si ces relations financières sont d’une importance
telle qu’elles font perdre à l’avocat son indépendance. Selon B. CHAPPUIS, il convient
d’être extrêmement prudent. Exemple : un avocat défend une start-up pour des honoraires
dérisoires, et espère être payé par une participation à la société. Cette situation est
déconseillée, même si elle n’est pas interdite par principe.
- Indépendance par rapport aux autres activités de l’avocat : l’avocat qui est
administrateur d’une société en difficulté, qui pourrait engager sa propre responsabilité,
devrait refuser de plaider pour cette société. TOUTES LES ACTIVITES
ACCESSOIRES SONT SOURCES D’UNE POTENTIELLE PERTE
D’INDEPENDANCE.
Dans le système de la LLCA, la personne morale ne peut pas s’inscrire elle-même au registre
des avocats. Seule une personne physique peut s’inscrire. Des avocats qui souhaitent se
regrouper dans une personne morale vont en être les actionnaires, pour certains les
administrateurs, mais surtout les employés !!! En termes strictement juridiques, ils vont donc
être employés d’une personne qui n’est pas inscrite au registre puisqu’ils vont être employés
d’une personne morale. Cela ne répond pas strictement aux critères de l’art. 8 I let. d LLCA.
La société anonyme est aujourd’hui complètement admise !!! (ATF 138 II 440). Cette
question a été laissée ouverte dans la LLCA. Le TF considère que la LLCA ne contient
aucune indication sur la forme juridique, et qu’il n’y a donc aucune interdiction de principe
concernant les formes juridiques, même pour les sociétés de capitaux.
Baer & Karrer a demandé son inscription à Genève, comme SA, alors que la loi genevoise
interdisait les sociétés de capitaux (de manière inconstitutionnelle). Le tribunal administratif
genevois a accepté.
Le TF, dans un arrêt saint-gallois (ATF 138 II 440), accepte le principe, sous conditions. Il
faut toujours que l’avocat collaborateur dépende d’un avocat inscrit au registre (art. 8 I let. d
LLCA), mais cela ne dépend pas de la forme juridique de l’entreprise. Il suffit que l’avocat
soit matériellement dépendant d’un avocat inscrit au registre. Il faut donc que le pouvoir au
sein de la SA soit en mains d’avocats inscrits au registre (détention des actions, droit de vote,
conseil d’administration).
Deuxième contre-argument : l’avocat qui représente en justice doit être une personne
physique. Qui le client va-t-il mandater ? Le TF considère que le mandat est confié à la
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société (SA), mais que pour les prestations de monopole, la SA va déléguer aux avocats par
procuration judiciaire les avocats agiront sous procuration.
Il faut vraiment que ce soient des avocats inscrits qui aient le pouvoir dans la société !!!
Mode de prise de décision, mode de détention du capital et droit de vote, composition du
conseil d’administration, respect du secret professionnel, etc.
Le site de la FSA met à disposition des statuts de base qui permettent à une Etude de
s’organiser sous forme de SA, en respectant tant la LLCA que les règles sur la SA.
DONC ATTENTION : on n’a pas encore tout dit sur la SA. Il faut qu’il y ait un patron avocat
suisse inscrit au registre. La forme juridique n’est pas importante. Mais ce sont vraiment dans
les circonstances concrètes qu’on va voir si l’avocat est réellement indépendant. Il faut un
contrôle d’avocat(s) suisse(s) !
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Droit de la profession d’avocat
11.03.2016
L’avocat revêt une situation particulière dans le système judiciaire suisse. Il jouit d’un certain
nombre de prérogatives : secret professionnel, monopole de la représentation en justice,
facilité d’accès à la prison, entretien seul avec le prévenu, etc. Ces privilèges permettent à
l’avocat d’exercer sa profession le mieux possible. En contrepartie, il est soumis à certaines
obligations.
L’avocat est un auxiliaire de la justice. Cela ne veut pas dire que l’avocat doit être le serviteur
du juge. Mais cela signifie que le rôle de l’avocat est essentiel dans le mécanisme judiciaire.
Mais l’avocat n’est bien entendu pas un membre du pouvoir judiciaire ; il n’a à cet égard
aucun devoir d’objectivité. L’avocat a au contraire un devoir de subjectivité : il doit défendre
une partie. Il n’est pas chargé de l’établissement d’un jugement ; c’est au juge qu’incombe
cette tâche.
- Dignité de l’avocat : il ne faut pas porter atteinte à la confiance que le public est en droit
de placer dans la profession d’avocat. C’est un concept très vague, sur lequel on ne
s’arrête pas plus.
- L’avocat doit travailler dans l’intérêt du justiciable, tout en ne faisant pas obstacle au
déroulement de la justice : il ne faut pas exagérer des stratégies de rupture (paralysie du
système judiciaire). Les avocats collaborent au système judiciaire admis. Mais il ne faut
pas croire que l’avocat doit être docile.
Cas pratique n° 30 : l’avocat dépose dix recours (7 déclarés irrecevables, 3 non fondés).
Ensuite, il demande la récusation du procureur. Cette demande est aussi rejetée. Le
procureur est lassé par cette attitude ; il considère que ce comportement est contraire aux
intérêts du client et dénonce l’avocat à l’autorité de surveillance (art. 15 LLCA). Il y a
une sorte de paralysie du système judiciaire.
Selon B. CHAPPUIS, la limite est que l’avocat n’est pas le porte-parole de son client (ATF
126 I 194). Ce cas est limite. On peut considérer que quelqu’un qui ne fait que multiplier
des recours qui sont rejetés, ensuite qui demande une récusation, abuse un peu du système
judiciaire. Mais en même temps, ce n’est pas parce que la justice a déjà trop de travail que
cela interdit de faire des recours. En l’espèce, dans ce cas, l’autorité de surveillance avait
sanctionné l’avocat, mais le TF a annulé la sanction.
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Le principe est que l’autorité ne doit pas intervenir dans la stratégie mise en place par
l’avocat et son client. Ce n’est que si cette stratégie devient vraiment déraisonnable que
l’on peut intervenir : révoquer l’avocat s’il est nommé d’office, le dénoncer à l’autorité de
surveillance, etc. (ATF 126 I 194).
1. La procédure civile : monopole des avocats (art. 68 II CPC), sauf quelques exceptions.
3. La procédure administrative
Il n’y a pas de monopole en faveur des avocats. Chacun peut représenter une partie à une
procédure administrative, au niveau cantonal ou fédéral. En ce qui concerne la langue de la
procédure, cela peut être assez varié.
Cas pratique n° 13 : La capacité des avocats d’agir en justice dépend des lois de procédure
(CPC, CPP, LTF, PA, LPA, etc.). Les cantons ne peuvent pas prévoir autre chose dans une loi
cantonale. En l’espèce, c’est un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral.
Selon l’art. 40 LTF, seuls les avocats ont qualité pour représenter des parties devant le TF en
matière civile et pénale (monopole). Par contre, la représentation des parties en droit public
n’est soumise à aucune restriction (art. 40 LTF a contrario) (sauf l’exercice des droits civils).
Donc un stagiaire peut tout à fait représenter quelqu’un en matière de droit public, de même
que toute autre personne. Le recours est donc tout à fait recevable.
En principe, la défense par un avocat n’est pas nécessaire, sauf dans les cas de défense
obligatoire au sens de l’art. 130 CPP. Le monopole n’est qu’une reconnaissance du fait que si
la personne veut une assistance, ça doit être un avocat. Mais ce n’est (presque) jamais une
obligation de se faire assister par un avocat.
Les avocats peuvent intervenir devant toutes les juridictions cantonales et fédérales. Il n’y a
pas d’avocats spécialisés en recours fédéraux. Toutefois, ces recours au TF sont extrêmement
difficiles à rédiger. Il n’y a pas de limite à l’intervention dans des procédures judiciaires pour
les avocats LLCA.
La question des langues : depuis que la LLCA a introduit la libre circulation, tous les avocats
inscrits au registre suisse peuvent pratiquer la représentation en justice dans toute la Suisse.
La question des langues est alors très délicate.
Il faut distinguer la langue des mémoires et la langue des décisions. Au niveau fédéral, la
langue des mémoires doit être une des quatre langues nationales (allemand, français, italien ou
romanche). Il y a la liberté de la langue. Selon la jurisprudence, chaque avocat est censé
comprendre les trois langues officielles. En ce qui concerne les décisions fédérales, elles
doivent être rendues dans la langue de la procédure (p. ex. si c’est un recours contre un arrêt
genevois, la langue de la procédure sera le français). Cette question est plus compliquée
quand la procédure démarre au niveau fédéral, p. ex. devant le Ministère public de la
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Confédération. Quand il n’y a pas de rattachement précis, et qu’aucune langue ne s’impose
plus qu’une autre, c’est le procureur fédéral qui choisit la langue de la procédure.
Accord entre le Barreau genevois et le MPC : c’est un gentlemen’s agreement dont il ressort
que quelque soit la langue officielle de la procédure, reste la liberté de s’exprimer dans l’une
des trois langues fédérales (au niveau de l’instruction cela change pendant l’audience au
fond).
Le CPC est entré en vigueur le 1 er janvier 2011. Mais les procédures qui ont été entamées
avant cette date sont encore soumises aux anciennes procédures cantonales.
1. L’élection de domicile
a) Les règles de la procédure civile : dans le système du CPC, dès lors qu’une partie est
représentée par un avocat, il y a automatiquement élection de domicile en son Etude. Cela
ne vaut pas en matière de poursuites. Les notifications sont faites à l’avocat ; et donc les
délais commencent à courir !
b) Les règles de la procédure pénale : selon l’art. 87 III CPP, la notification est valablement
faite si elle est faite au conseil d’une partie. Ce conseil doit être un avocat pour le prévenu,
mais pas forcément pour les autres parties (sauf à Genève). Selon l’art. 127 II CPP,
lorsqu’une partie a plusieurs conseils, un d’entre eux doit se désigner pour la notification.
Pour les actes judiciaires, l’avocat doit être au bénéfice d’une procuration, qu’il doit produire
dans le délai imparti par le tribunal (art. 68 III CPC et 129 II CPP). La procuration n’est pas
toujours facile à obtenir ; il faut donc demander au client de la signer directement.
Quand l’avocat est mandaté par un groupe de sociétés, avec siège à l’étranger, l’avocat est
interlocuteur du chef des affaires juridiques. L’avocat doit savoir précisément quelle entité
juridique il défend, et obtenir une procuration de cette même entité juridique.
Autre affaire : l’avocat dit que la politique pénale du MP est raciste. Il est dénoncé à la
Commission du barreau, qui le sanctionne. La CACJ confirme. Le TF annule : il considère
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que l’intervention orale ou l’intervention écrite urgente doit être jugée avec moins de
sévérité.
Autre arrêt : l’avocat écrit au Conseil d’Etat et traite un Conseiller d’Etat de paranoïaque.
Il est sanctionné par l’autorité de surveillance. Le TF annule. Selon lui, puisque l’avocat a
des raisons de croire que le conseiller d’Etat en question est parano, cela ne viole pas les
règles professionnelles.
Les limites sont la pertinence pour l’objet du litige, et aussi d’éviter les propos inutilement
blessants envers une personne particulière. Mais la liberté de parole reconnue par le TF aux
avocats est très considérable. Cela s’applique dans le cadre procédural.
Par contre, quand l’avocat s’exprime devant la presse de manière générale (pas en relation
avec une affaire spécifique), il doit faire preuve de plus de retenue. Exemple : l’avocat donne
une interview au GHI : il dit que les fonctionnaires de l’Office des poursuites ne font rien, et
que lorsqu’ils font quelque chose, c’est faux. Cela a été considéré comme violant les règles
car l’avocat ne s’exprime pas dans le cadre d’un mandat et attaque tous les fonctionnaires de
l’OP sans distinction.
Cas pratique n° 32 : critique de la partie adverse : dans une procédure de divorce, l’avocat
de Madame allègue que Monsieur a eu des comportements pédophiles, ce qui pourrait jouer
un rôle déterminant dans l’attribution de la garde des enfants. Les éléments de fait remis par
Madame étaient assez convaincants, mais ils sont en réalité sans fondement. L’avocat de la
partie adverse envisage de déposer plainte pénale en diffamation et calomnie.
Réponse : (1) Premièrement, il faut que l’avocat ait de bonnes raisons de croire que ces
allégations soient vraies. (2) En outre, il faut que cette allégation soit pertinente pour l’affaire
en cause : si le litige ne porte que sur le partage du régime matrimonial, le fait de dire que
Monsieur est pédophile n’a aucune influence. Par contre, si c’est pour la garde des enfants,
alors cela a clairement un lien avec l’affaire. Mais ça reste un cas assez limite.
En ce qui concerne les vérifications que doit faire l’avocat pour savoir si ces allégations sont
vraies, l’avocat doit défendre son client et non pas se transformer en juge de son client. Donc
à part s’il sait que c’est absolument faux, il peut alléguer des faits. L’avocat a une grande
liberté d’allégation, mais il ne doit pas alléguer des faits dont il sait absolument qu’ils sont
inexacts (mauvaise foi). Il doit faire des vérifications de base, mais pas plus. Par contre, il doit
vérifier aussi que c’est pertinent pour l’affaire en cause et pas inutilement blessant.
Dans un arrêt en droit du travail, un avocat accuse le représentant de la partie adverse (un
syndicaliste) d’avoir été inquiété pour pédophilie il y a plus de dix ans. Là, il n’y a aucune
pertinence pour l’issue du litige donc c’est une violation des règles professionnelles.
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b) La présomption de bonne foi accordée à l’avocat
On reconnaît une bonne foi de principe à l’avocat en procédure. L’avocat a le droit d’avoir
accès à des moyens de preuve que son client ne peut pas voir (p. ex. en matière de pédophilie
pour les documents qui concernent la victime). L’avocat, lui, est (presque) toujours à l’abri
des interdictions d’accès aux pièces.
Exemple : le client est en détention avant jugement pour escroquerie. Son avocat va le voir en
prison et lui transmet un document qui n’a rien à voir avec l’affaire (un contrat de bail à
signer). L’avocat n’est pas un relais entre l’intérieur et l’extérieur de la prison. Les privilèges
de l’avocat n’ont trait qu’à la procédure pénale en cause.
L’avocat a le droit de s’entretenir avec son client hors ouï des autorités pénitentiaires, mais
pas hors vue. A Genève, les autorités peuvent voir mais n’écoutent pas. C’est conforme à la
CEDH.
Art. 265 IV CPP : les autorités pénales peuvent limiter le contact entre un prévenu et son
avocat, notamment s’il y a un risque d’abus. Cette disposition est tout à fait exceptionnelle (p.
ex. l’avocat remet un téléphone à son client en prison). La justice ne peut selon B. Chappuis
pas interdire à l’avocat ou son client de s’exprimer devant la presse.
Mais cela ne vaut que pour la défense du prévenu ; en aucun cas pour faire passer des
messages ou des documents.
Accord entre le MPC et l’OdA GE : autorisation des smartphones en audience, pour autant
qu’on n’en abuse pas.
La bonne foi reconnue à l’avocat est très importante. Cela permet à l’avocat d’exercer sa
profession en bénéficiant d’aménagements pratiques. C’est pourquoi l’avocat ne doit pas
transgresser cette bonne foi, qui est un bien très précieux.
Art. 265 IV CPP : les autorités pénales peuvent limiter le contact entre un prévenu et son
avocat, notamment s’il y a un risque d’abus. Cette disposition est tout à fait exceptionnelle (p.
ex. l’avocat remet un téléphone à son client en prison).
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Droit de la profession d’avocat
18.03.2016
Peu de règles concernent les mandats de l’avocat directement. L’art. 12 LLCA comporte donc
peu d’indications sur les règles professionnelles de l’avocat. D’où un besoin d’interprétation
par la jurisprudence. Cette dernière a constaté qu’il y avait des vides, des lacunes le TF a
interprété, voire complété la loi, à l’aide des normes déontologiques.
Pendant longtemps, chaque canton a eu son propre code de déontologie. La FSA édictait des
lignes directrices (2002) que les cantons devaient essayer de respecter. A l’entrée en vigueur
de la LLCA, il s’est imposé que les règles déontologiques, pour pouvoir conserver une petite
importance, devaient être unifiées. C’est pourquoi la FSA a édicté le Code suisse de
déontologie (2005), qui a entraîné la disparition presque totale des codes cantonaux, sauf les
us et coutumes genevois et les usages du barreau vaudois. La Suisse est également membre du
Code de déontologie des avocats européens.
Le rôle des normes de déontologie dans le développement des règles professionnelles : les
normes déontologiques ont formé une conception générale du métier d’avocat. Elles ont
largement contribué à former l’idée du métier et la façon dont on le pratique aujourd’hui. Les
normes déontologiques étaient au départ une sorte de « droit de la guerre » pour les avocats.
Elles ont toujours une importance aujourd’hui.
a) Normes de nature professionnelle : règlent la façon dont l’avocat doit conduire son
mandat.
La distinction est importante car le TF (ATF 136, Doc. 9 cours 1) dit que les normes
professionnelles sont des normes édictées par l’autorité afin de règlementer dans l’intérêt
public l’exercice d’une profession et qu’elles se distinguent des normes déontologiques qui
émanent d’une association professionnelle. Ces dernières conservent néanmoins une portée
juridique lorsqu’elles servent à interpréter une règle professionnelle. Il y a donc trois
22
conditions pour que les normes déontologiques puissent avoir une portée juridique : (1)
la norme professionnelle n’est pas claire et doit être interprétée ; (2) la norme
déontologique poursuit un intérêt public ; (3) la norme déontologique a une portée
nationale.
La condition de la portée nationale est réalisée pour toutes les règles du Code suisse de
déontologie. En ce qui concerne l’intérêt public, les normes de nature professionnelle ont un
intérêt public (réglementer la façon dont l’avocat doit travailler). C’est p. ex. le cas de l’art. 2
CSD comment l’avocat diligent travaille avec son client cette norme est tournée vers
l’intérêt du client, et peut donc être prise en considération par le TF. En ce qui concerne les
normes de courtoisie (comment un avocat doit se comporter avec un autre avocat), l’intérêt
public est bien moins évident elles sont de nature mixte (droit associatif et intérêt public) :
elles permettent le bon fonctionnement de la justice (pour éviter que deux avocats s’insultent
pendant tout le procès) les normes qui obligent l’avocat à conserver une certaine courtoisie
avec ses confrères peuvent être considérées comme d’intérêt public et peuvent donc servir à
interpréter la LLCA (cf. p. ex. art. 24 CSD). Dans l’arrêt 7 cours 4, le TF dit que le fait que
l’avocat ait de bonnes relations avec ses confrères permet le bon fonctionnement de la justice
et est donc d’intérêt public. Dans l’ATF 136 cité plus haut, le TF considère que la norme
prévoyant l’intervention du bâtonnier ne répond pas à l’intérêt public.
Dans le livre (p. 51 ss ; p. 257 ss), on voit les principes de déontologie que le TF a importé
dans le devoir de soin et de diligence au sens de l’art. 12 let. a LLCA.
Question 1 : l’avocat qui entend demander la levée de son secret doit demander cette levée à
l’autorité de surveillance. Les us et coutumes prévoyaient que l’avocat devait requérir
préalablement l’avis du bâtonnier. Ce principe est faux ; le préavis du bâtonnier est
contraire à la LLCA (ATF 136). Les jurisprudences anciennes à ce sujet doivent être oubliées.
Question 4 : l’art. 29 CSD impose une conciliation par le bâtonnier en cas de litige entre
avocats. Dans la question, un avocat soumet directement une plainte à l’autorité de
surveillance sans passer par la conciliation par le bâtonnier. L’autorité de surveillance peut
éventuellement suggérer que les parties s’arrangent. Mais cette autorité de surveillance est
chargée de l’application de la LLCA elle doit ouvrir la procédure sans attendre, même s’il
n’y a pas eu de conciliation par le bâtonnier. C’est une pratique privée, qui a son intérêt, mais
qui ne lie en aucune façon l’autorité de surveillance, qui doit agir dès qu’elle a connaissance
d’un comportement potentiellement contraire à la loi d’un avocat. La règle de conciliation par
le bâtonnier n’est pas d’intérêt public, c’est une règle purement associative !!!
Plusieurs normes du CSD ne font que répéter la loi ; elles n’apportent pas grand chose. Les
normes sur les conflits d’intérêts et le secret professionnel seront examinées dans les cours
topiques.
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a quand même une utilité : elle montre que l’avocat n’a pas qu’un devoir de diligence
envers son client, mais un devoir de diligence général (justiciables, tribunaux, autorités,
ordre juridique) cette norme confirme que le devoir de diligence est large et va au-delà
du simple intérêt du client.
- Exécution du mandat (art. 2 CSD) : l’avocat exerce son activité professionnelle en toute
indépendance et établit avec son client des relations clairement définies. Il traite le mandat
promptement et informe son client de son évolution. L’avocat est personnellement
responsable de l’exécution du mandat, que ce dernier lui ait été confié personnellement ou
à l’étude à laquelle il appartient. Cette règle n’apporte pas grand chose, si ce n’est que
l’avocat a un devoir d’information.
Cas pratique n° 5 : l’avocat résilie le mandat avec effet immédiat (art. 404 I CO). Mais
c’est en temps inopportun (art. 404 II CO). Avant cela, il avait arrêté d’informer sa cliente
de l’évolution du dossier. L’avocat a un devoir d’information aussi longtemps que le
mandat n’est pas achevé ; quand il met un terme au mandat, il a un devoir d’information
final. En l’espèce, il n’informe pas sa cliente. Cela justifie-t-il une sanction ? Le
comportement est inacceptable car l’avocat ne respecte pas son devoir d’information (art.
12 let. a LLCA). Le fait qu’il n’y ait pas de dommage n’est pas pertinent au niveau des
règles professionnelles (seulement au niveau civil). Ici, l’art. 2 CSD importe dans
l’obligation de diligence (art. 12 let. a LLCA) le devoir d’information, dont la violation
peut conduire à une sanction disciplinaire.
Cas pratique n° 6 : selon le droit du mandat, le mandant a le droit de donner des
instructions au mandataire. La procuration n’est qu’un pouvoir donné à l’avocat d’agir au
nom du client. Mais cela n’a aucun impact sur le droit civil : ce n’est pas parce que
l’avocat a une procuration qu’il l’autorise à agir qu’il peut agir sans instruction du client.
L’avocat a le pouvoir d’agir pour ses clients, mais uniquement sur la base d’instructions
du client (art. 397 CO). Il faut toujours agir avec l’accord du client c’est une faute
grave que de déposer une action en justice (ou une plainte pénale p. ex.) sans accord
formel du client.
- Comportement en procédure (art. 6 CSD ; à mettre en rapport avec l’art. 26 CSD) : sauf
accord exprès de la partie adverse, l’avocat ne porte pas à la connaissance du Tribunal des
propositions transactionnelles (art. 6 CSD). Selon l’art. 26 CSD, le caractère confidentiel
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d’une communication adressée à un confrère doit être clairement exprimé dans cette
dernière. Il ne peut être fait état, en procédure, de documents ou du contenu de
propositions transactionnelles ou de discussions confidentielles. C’est la règle des
réserves d’usage : quand on fait une proposition transactionnelle, on écrit « sous les
réserves d’usage » tout ce qui est négocié entre les parties ne doit jamais parvenir en
procédure, sauf accord des parties. Cette norme est purement déontologique : elle ne
ressort pas de la LLCA. Mais est-ce qu’on peut interpréter la LLCA en ce sens que la
confidentialité des discussions transactionnelles fait partie des règles professionnelles ?
(ATF 140 III 6, doc. 19 cours 4) : le TF pose clairement le principe que cette norme est de
portée nationale et qu’elle est dans l’intérêt des parties (intérêt public). Ce mode de
discussion confidentiel est édicté dans l’intérêt des clients. C’est pourquoi le TF estime
qu’une lettre produite en justice alors qu’elle était écrite sous les réserves d’usage était
une preuve illicite (art. 152 II CPC). Le TF fait donc entrer dans l’art. 12 let. a LLCA
(soin et diligence) la règle de la confidentialité des discussions transactionnelles (alors que
cela ne ressort pas de la LLCA).
Question : si un avocat produit une lettre transactionnelle sous les réserves d’usage en
justice, la commission du barreau le sanctionnera pour violation de l’art. 12 let. a LLCA,
interprété à l’aide des règles déontologiques. Elle ne sanctionnera pas pour violation du
Code de déontologie !!! Elle n’applique jamais les normes de déontologie directement,
seulement la LLCA.
- Contact avec les témoins (art. 7 CSD) : L’avocat s’abstient d’influencer les témoins et
experts. Demeures réservées les règles particulières des procédures d’arbitrage et des
procédures devant les Tribunaux supranationaux. Tout contact avec les témoins n’est pas
interdit ; il faut juste ne pas les influencer (arrêt 7 cours 4). Cette règle ne ressort pas de la
LLCA directement, mais le TF importe dans l’art. 12 let. a LLCA les conditions
auxquelles un avocat peut contacter un témoin : (1) nécessité de contacter le témoin ; (2)
prudence dans l’approche du témoin (par écrit, s’abstenir de toute question subjective,
informer le témoin qu’il n’a pas l’obligation de répondre, etc.). Donc le TF importe dans
l’obligation de soin et de diligence les règles déontologiques concernant le contact avec
les témoins, alors que la LLCA ne contient rien à la base. Le TF s’est basé sur le CSD et
les normes de déontologie zurichoises.
- Rapport avec les autorités (art. 8 CSD) : l’avocat s’adresse aux autorités avec le respect
qui leur est dû et attend d’elles les mêmes égards. Le devoir de diligence et de respect de
l’avocat est donc dirigé vers le client, mais aussi vers les autorités.
- Règlement amiable des litiges (art. 9 CSD) : l’avocat s’efforce de régler à l’amiable les
litiges, dans la mesure où l’intérêt du client ne s’y oppose pas. Il tient compte, comme
représentant d’une partie en justice ou conseiller, d’une médiation en cours ou du souhait
de l’une des parties d’en instaurer une l’avocat doit suggérer à son client des moyens
non judiciaires de régler un litige, notamment la médiation. L’avocat doit montrer au
client les inconvénients de la procédure et les avantages des autres modes de résolution
des litiges.
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cantonal des avocats. L’avocat s’abstient de toute activité incompatible avec son
indépendance.
Cas pratique n° 7 : l’avocat est-il en droit d’agir pour son oncle dans ce cas ? La relation
familiale n’est pas en tant que telle un problème. Il n’est pas interdit de représenter
quelqu’un de sa famille. Par contre, il faut éviter que l’avocat ait un attachement
émotionnel trop important perte d’indépendance. Que peut faire la commission du
barreau ? Il y a éventuellement un conflit d’intérêts (car il est impliqué
émotionnellement). En outre, l’avocat est un auxiliaire de la justice il doit contribuer à
la résolution des litiges. Si son implication émotionnelle est trop forte, cela peut poser
problème. Si l’implication est forte au point que l’avocat cesse d’être raisonnable, il y a
une perte d’indépendance. En l’espèce, la dénonciation du magistrat sera prise en compte
par l’autorité de surveillance, qui conseillera en tout cas à l’avocat (voire lui ordonnera) de
laisser tomber le mandat car il n’arrive pas à garder la distance nécessaire.
- Secret professionnel (art. 15 CSD) : n’apporte rien par rapport à l’art. 321 CP et l’art. 13
LLCA. Le TF ne peut pas y trouver de nouveaux principes pour interpréter l’art. 13
LLCA.
- Publicité (art. 16 CSD) : l’avocat peut faire de la publicité. Sa publicité doit être
véridique, en rapport objectif avec son activité et respecter le secret professionnel. Selon
l’arrêt 30 cours 4, l’avocat a le droit de faire de la publicité, mais elle doit être dirigée
envers le public dans des circonstances qui permettent au public de s’en soustraire. La
publicité ne doit donc pas être tapageuse ou trop invasive. L’attitude du TF montre un
certain raidissement vis-à-vis de la publicité.
- Assistance judiciaire et mandats d’office (art. 17 CSD) : l’avocat fait en sorte que le
justiciable dans le besoin puisse bénéficier de l’assistance judiciaire. Il en informe son
client devoir d’information : l’avocat doit signaler à son client les possibilités
d’assistance judiciaire. Le TF reprend ce principe d’information. Selon l’art. 17 II CSD,
l’avocat exécute les mandats d’office avec le même soin que les autres mandats le
devoir de diligence de l’avocat n’est en rien modifié par le fait qu’il est tenu d’accepter les
mandats d’office et qu’il travaille à un tarif plus bas payé par l’Etat. Selon l’art. 17 III
CSD, l’avocat ne peut demander aucun honoraire en sus de celui que fixe l’autorité. Donc
si c’est un mandat d’assistance judiciaire, l’avocat ne peut rien demander en plus : ce qu’il
reçoit couvre intégralement ses honoraires.
- Principe concernant les honoraires (art. 18 CSD) (cf. doc. 22 cours 4) : le droit fédéral
épuise la compétence de la Confédération en matière de règles professionnelles. Les droits
cantonaux ne peuvent rien ajouter à l’art. 12 LLCA. Toutefois, en matière d’honoraires, la
LLCA ne dit presque rien : elle prévoit juste un devoir d’information et prévoit
l’interdiction du pactum de quota litis. Il y a donc un champ libre pour une réglementation
cantonale. Si les parties n’ont pas prévu de mode clair de rémunération, le TF va chercher
dans les lois cantonales et les us et coutumes locaux l’usage au sens de l’art. 398 III CO.
L’usage peut se trouver dans les lois cantonales ou les textes déontologiques. La
déontologie joue donc un rôle en matière d’honoraires.
Principe : le montant des honoraires doit être approprié (souvent repris par le TF) : il doit
y avoir un rapport raisonnable entre la prestation effectuée et le montant (art. 18 I CSD).
26
Le montant des honoraires se détermine selon les circonstances du cas d’espèce, la
difficulté et l’importance de l’affaire, l’intérêt du client, l’expérience de l’avocat, les
usages en la matière et l’issue de la procédure. A Genève, cela est fixé dans la loi
(LPAv/GE). Dans les cantons qui n’ont pas un tel texte légal, on peut se baser sur le CSD.
- Convention sur honoraires (art. 19 CSD) : l’avocat peut convenir d’honoraires à forfait.
Ces honoraires doivent correspondre aux prestations probables que l’avocat est appelé à
fournir le forfait doit correspondre à une activité effective (cf. art. 18 I CSD).
Selon l’art. 19 III CSD, il est admissible de convenir d’une prime en cas de succès
s’ajoutant aux honoraires (pactum de palmario). L’avocat prend des honoraires, et
convient en plus d’une prime en cas de succès. Ce n’est donc pas la même chose que le
pactum de quota litis. Le TF ne s’est jamais prononcé, mais il irait certainement dans un
sens favorable à cette pratique.
- Avoirs confiés (art. 23 CSD) : l’avocat conserve les avoirs qui lui sont confiés
séparément de son propre patrimoine. Ce vieux principe déontologique a été repris par la
LLCA ; donc la règle du CSD n’apporte plus grand chose.
- Prise de contact avec la partie adverse (art. 28 CSD) : l’avocat s’interdit tout contact
direct avec une partie adverse, représentée par un avocat, sauf accord de ce dernier ou
exception fondée. Donc l’avocat est obligé de passer par l’avocat de la partie adverse. On
ne trouve aucune mention de ces règles dans la LLCA. Mais le TF considère que cela
rentre dans l’obligation de soin et de diligence car c’est une norme d’intérêt public, de
portée nationale. Elle a pour but de respecter l’intérêt de la partie qui désire être
représentée par un avocat.
27
Le TF a importé de nombreuses obligations déontologiques dans l’art. 12 let. a
LLCA. Ces règles déontologiques ne sont pas applicables directement : le TF interprète
l’art. 12 LLCA en s’inspirant d’elles.
28
Droit de la profession d’avocat
08.04.2016
Il y a trois grands principes qui régissent la profession d’avocat : (1) l’indépendance ; (2) la
prohibition des conflits d’intérêts ; (3) le secret professionnel. Pour le TF, la prohibition des
conflits d’intérêts est une norme cardinale de la profession d’avocat. C’est le sujet le plus
important de la jurisprudence en matière de droit de la profession d’avocat. La notion de
conflits d’intérêts est complexe à appréhender et difficile à appliquer en pratique par les
avocats.
1. Définition et exemples
Arrêt du détective privé : un homme marié décide de divorcer. Il soupçonne sa femme d’avoir
un amant et de dilapider l’argent du ménage. Il mandate un détective privé pour espionner sa
femme. Le détective rend son rapport et présente sa facture, que l’homme ne paie pas. Le
détective prend un avocat et attaque l’homme en justice. Il se trouve que l’associé de cet
avocat plaide pour Madame dans le cadre du divorce. Conflit d’intérêts ? C’est évident :
l’avocat du détective doit prouver que ce dernier a bien travaillé et qu’il a donc surpris
Madame avec son amant. Son associé devra au contraire dire que Madame est au-dessus de
tout soupçon des arguments contradictoires risquent d’être développés.
Deuxième exemple : un homme d’affaires a une entreprise et un avocat conseil pour cette
entreprise. Cet avocat est l’amant de la femme de son client. On ne peut pas être avocat d’une
personne et amant de la femme de cette personne, car le secret professionnel risque d’être
violé.
Les conflits d’intérêts ne sont pas forcément liés à la même procédure. Le mandat
contradictoire est un conflit possible, mais il y a d’autres cas.
Définition : Le conflit d’intérêts est une situation où un avocat représente des intérêts
contradictoires au même moment. Mais l’exigence de simultanéité n’est pas obligatoire :
parfois, des intérêts anciens peuvent faire problème pour un mandat actuel. Le conflit
d’intérêts est une notion technique. Il ne faut pas confondre le conflit d’intérêts avec certaines
questions d’image commerciale : parfois un avocat refuse un mandat car il ne trouverait pas
élégant d’accepter une affaire ou que cela ne correspondrait pas à une bonne image
commerciale. Par exemple, un avocat pourrait représenter Apple et Microsoft, ou Coop et
Migros, pour autant qu’il ne s’agisse pas de droit de la concurrence. Mais le client veut
souvent une exclusivité.
Selon le TF, le conflit d’intérêts est le fait de représenter en même temps plusieurs parties qui
ont des intérêts contradictoires (simultanéité). Il n’est pas nécessaire que cela soit fait dans la
même procédure.
29
Arrêt doc. 1 (FONDAMENTAL) : d’un point de vue personnel, l’interdiction de la double
représentation ne se limite pas aux procédures qui présentent une connexité matérielle, mais
englobe toutes sortes d’intérêts contradictoires. Le conflit d’intérêts ne se limite pas à une
seule et même procédure ! Donc il suffit qu’il y ait des intérêts contradictoires en même
temps, mais pas forcément en procédure.
Qu’en est-il de mandats opposés (pas de simultanéité dans le temps) ? C’est la problématique
de l’ancien client. Peut-on plaider contre un ancien client ?
Pour ce qui est de la notion du temps, il peut très bien s’agir de mandats qui ne sont pas
simultanés (même si la loi ne le précise pas expressément).
Représentation de plusieurs parties à la fois (arrêt doc. 5) : le maître de l’ouvrage est en
conflit contre l’architecte et l’entrepreneur général. Ces deux personnes ont le même
avocat. Une expertise judiciaire est ordonnée. Elle conclut à plusieurs malfaçons dans la
construction. Le maître de l’ouvrage assigne l’architecte et l’entrepreneur général. Ces
deux personnes avaient un même avocat dans la procédure d’expertise judiciaire, mais
elles n’ont plus le même dans la procédure au fond. Cet avocat se trouve dans un conflit
d’intérêts : il a plaidé dans le cadre de l’expertise une cause commune (pour l’architecte et
l’entrepreneur), mais dans la procédure au fond ces deux personnes n’ont plus de stratégie
commune. L’avocat va devoir attaquer son ex-client. Donc il n’y avait pas de conflit
d’intérêts au début, mais une situation de conflit survient en cours de procédure.
Fusion de sociétés : des parties qui n’étaient pas liées deviennent des sociétés liées. Cela
fait naître un conflit chez l’avocat.
Deux clients de l’avocat, qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre à la base, se retrouvent en
conflit commercial.
Les conflits d’intérêts peuvent naître dans des procédures judiciaires qu’en relation avec
d’autres fonctions de l’avocat (administrateur, exécuteur testamentaire, etc.). Les activités
typiques de l’avocat ne sont pas les seules susceptibles de le mettre en conflit d’intérêts.
Même les intérêts propres de l’avocat (qui est créancier, débiteur d’une personne) peuvent le
mettre dans une situation de conflit d’intérêts. P. ex. un avocat ne peut en principe pas plaider
pour un client contre une banque dont il est débiteur.
Il n’y a pas de situation typique du conflit d’intérêts. Le conflit d’intérêts peut résulter de
toute situation de fait qui fait que l’avocat n’est plus en mesure d’assurer la conduite de son
mandat conformément à la loi.
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2. Les fondements juridiques de l’interdiction des conflits d’intérêts
b) La LLCA (art. 12 let. c LLCA) : le texte de la loi ne vise pas expressément les conflits
d’intérêts entre l’intérêt du client et l’intérêt de l’avocat lui-même. Toutefois, de tels
conflits sont également interdits. L’avocat s’expose à des sanctions disciplinaires.
d) Les règles déontologiques : ces règles ne jouent un rôle qu’en matière d’interprétation de
la loi. Le CSD contient 4 articles au sujet des conflits d’intérêts. L’avocat ne doit pas
confondre les intérêts de son client, ceux de tiers et les siens propres (art. 11 CSD). L’art.
12 CSD n’est plus en accord avec la jurisprudence du TF actuelle : le fait qu’il existe un
simple risque de conflit d’intérêts (conflit abstrait) n’est pas suffisant. Cette disposition du
CSD n’est pas fausse, mais il faut la lire à la lumière de la jurisprudence actuelle (conflits
concrets/abstraits). La disposition la plus importante est l’art. 13 CSD : l’avocat n’accepte
pas de nouveau mandat si le secret des informations d’un ancien client pourrait être violé
ou lorsque la connaissance des affaires d’un précédent client pourrait porter préjudice à ce
dernier il peut exister un conflit avec des mandats antérieurs (cela est repris par la
jurisprudence du TF). Il existe donc un devoir de fidélité à l’égard de l’ancien client.
Selon l’art. 14 CSD, les dispositions relatives au conflit d’intérêts s’appliquent tant à
l’avocat qu’à l’étude dont il est membre.
Cas pratique n° 17 : deux avocats associés représentent des parties opposées dans une
procédure judiciaire. Toutefois, ces avocats ne partagent que leurs locaux et ne parlent
jamais de leurs mandats (étude non intégrée). Ils ignoraient qu’ils seraient opposés dans
cette affaire. Y a-t-il un conflit d’intérêts ? Selon l’art. 14 CSD, le conflit d’intérêts vaut
pour toute l’étude. Que veut dire une « étude » ? Il n’y a pas vraiment de réponse juste.
Cela dépend des circonstances. En l’espèce, il y a une raison sociale commune. Quand une
étude se présente sous une forme unie, elle doit assumer les conséquences de cette
présentation commune dans ce cas il y aurait conflit. Par contre, lorsque des avocats
partagent des locaux mais n’ont pas de raison sociale commune, qu’ils ont tous leur propre
papier-à-lettre, etc., il n’y a pas forcément de conflit d’intérêts. Mais un conflit peut se
créer si p. ex. Monsieur et Madame veulent divorcer et viennent tous deux le même jour
dans les mêmes locaux voir leur propre avocat et sont assis dans la même salle d’attente.
Pour répondre au cas pratique, il y a un conflit d’intérêts dans ce cas car ces deux avocats
se présentent comme une étude unie. Ils doivent en assumer les conséquences. Ils doivent
donc mettre fin aux deux mandats.
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Chercher les rapports avec d’autres principes qui régissent la profession d’avocat permet de
mieux comprendre pourquoi les conflits d’intérêts sont interdits : (1) indépendance ; (2)
devoir de fidélité ; (3) secret professionnel.
- Indépendance : cf. question 5 pour le cours : un avocat qui a défendu il y a deux ans W
Canada dans un arbitrage commercial peut-il agir aujourd’hui contre W Suisse, la société
sœur ? Cela dépend de plusieurs facteurs. L’indépendance doit être appréciée en fonction
des circonstances concrètes (relations entre les sociétés du groupe : complètement
décentralisé ou alors liens forts, p. ex. même service juridique). Etc.
Question 3 : Est-ce qu’un avocat peut représenter un assuré et son assurance ? Selon le
TF, c’est possible (arrêt doc. 2). Le TF a estimé qu’un avocat pouvait représenter à la fois
l’assurance et l’assuré parce qu’ils avaient des intérêts communs. Pour le TF, le conflit
n’est que théorique. Selon B. Chappuis, c’est tout à fait discutable.
Autre exemple : un avocat est curateur d’un jeune homme. Ce jeune homme dépose
plainte pénale contre une personne. L’avocat demande à être relevé de sa curatelle, et une
fois cela fait, il se constitue pour la personne contre qui le jeune homme a déposé plainte
pénale. Selon le TF, il y a une perte d’indépendance. La qualité de curateur que l’avocat
vient de quitter lui enlève son indépendance dans cette situation.
Art. 12 CSD : l’avocat met fin au mandat de tous les clients concernés par un conflit ou si
son indépendance est menacée. Les notions d’indépendance et de prohibition des conflits
d’intérêts sont tellement proches qu’elles peuvent être confondues.
- Devoir de fidélité et de diligence (art. 12 let. a LLCA et 398 CO) : ce devoir a à la fois un
fondement administratif et un fondement contractuel. Selon le TF, l’avocat doit éviter la
double représentation car il n’est alors plus en mesure de respecter son obligation de
fidélité et son devoir de diligence envers chacun des clients. Il faut noter que le devoir de
fidélité ne prend pas fin avec le mandat. Toutefois, il s’estompe au fil des années. Cela
veut dire qu’un avocat ne peut pas prendre des mesures contre son ancien client de
manière à nuire à ce qu’il a fait un avocat ne peut pas plaider contre un ancien client
sans limitations.
- Secret professionnel (art. 13 LLCA) : le secret professionnel ne prend pas fin avec la fin
du mandat. Aussi longtemps qu’il y a un risque de violation du secret, on est en situation
possible de conflit d’intérêts. Dès l’instant qu’un secret confié est menacé par un nouveau
mandat, l’avocat est en conflit d’intérêts.
Quand naît le conflit d’intérêts ? La situation a été confuse pendant longtemps. Pour les
anciennes règles de déontologie, il suffisait d’un conflit apparent (théorique) pour qu’il y ait
conflit. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il faut que le conflit soit concret : il ne doit pas
résulter simplement d’une analyse théorique de la situation. C’est plus compliqué en
pratique qu’en théorie. C’est premièrement le droit de fond qui nous permet de savoir s’il y a
des conflits d’intérêts (p. ex. action récursoire entre différents débiteurs solidaires). Mais cette
analyse juridique n’est pas suffisante.
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Le TF s’est beaucoup posé de questions en relation avec la représentation multiple. Un avocat
peut-il représenter une société et son actionnaire ? En principe oui. Un avocat peut-il
représenter les différents membres d’une société simple ou d’une SNC ? Un avocat peut-il
représenter différentes sociétés d’un même groupe ?
Il n’y a pas en tant que tel de problème à défendre plusieurs associés d’une société simple.
Seul la situation de conflit concret est interdite. Un conflit simplement théorique n’est pas
suffisant. Pour qu’il y ait conflit concret, il n’est pas nécessaire que le conflit ait effectivement
éclaté.
TF : L’exigence du caractère concret du conflit d’intérêts implique l’examen du risque dans le
cas d’espèce, par rapport à une analyse abstraite reposant sur des critères purement théoriques.
Quand il y a un risque concret, il importe peu que le conflit se soit finalement matérialisé. Il
suffit que ce conflit soit potentiel.
Le conflit d’intérêts abstrait est permissible. Prenons le cas de l’avocat qui représente
plusieurs personnes. Souvent, une communauté consulte le même avocat (communauté de
créanciers dans une faillite, communauté de débiteurs, communauté de locataires d’un même
immeuble, plusieurs associés d’une société simple, une assurance et un assuré, etc.).
Arrêt sur l’assurance et l’assuré : le TF relève que si la représentation multiple était interdite,
ce serait déraisonnable. Par exemple, quand plusieurs créanciers viennent voir un avocat pour
leur créance contre un tiers, il n’est pas raisonnable d’interdire à l’avocat d’accepter le
mandat, en tout cas dans un premier temps.
Cas pratique n° 18 : le conflit est-il concret ou abstrait ? Les intérêts des différents héritiers
divergent : Paul veut absolument agir en justice car il a besoin d’argent. Isabelle ne veut pas
agir en justice. Pierre ne sait pas car il ne veut pas se brouiller avec les autres. Est-ce que le
seul fait qu’il y ait des divergences financières entre les héritiers empêche l’avocat d’agir ? Le
risque pour l’avocat est d’avoir des instructions contradictoires : l’un des héritiers va dire
d’agir en justice, l’autre de ne pas agir. C’est le risque de toute représentation multiple.
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C’est délicat de trancher. Ce qui est certain, c’est qu’une simple tension financière entre
héritiers n’empêche pas l’avocat d’agir pour les différents héritiers. Par contre, l’avocat a eu
plusieurs informations potentiellement confidentielles. Pour B. Chappuis, il y a une situation
de conflit d’intérêts. Mais ce n’est pas encore sûr à ce stade.
Question 1 : L’avocat en situation de conflit d’intérêts théorique peut-il agir sans autres en
matière civile ? L’avocat a un devoir d’information. Il doit dire à ses clients (p. ex. différents
associés d’une société simple) qu’il est dans une situation de conflit d’intérêts abstrait, qu’il
peut les représenter aussi longtemps que leurs intérêts sont convergents. Par contre, il doit leur
dire que le jour où leurs intérêts ne sont plus convergents, p. ex. s’ils ont des prétentions
récursoires les uns contre les autres, il devra cesser de les représenter (toutes les parties). Il
doit arrêter la représentation pour tout le monde, il ne peut pas en garder un et pas les autres
(secret professionnel). Donc le devoir d’information est très important : l’avocat doit
expliquer que le jour où les intérêts ne sont plus convergents, il doit mettre fin au mandat pour
tout le monde.
Le plus simple est d’accepter l’un des membres de la communauté comme client, et ensuite de
recevoir les autres, mais ces derniers doivent avoir chacun un avocat de réserve qui vérifie
que l’avocat principal agit conformément à leurs intérêts.
a) Au civil
La règle est la suivante : il faut un conflit concret, à défaut de quoi il n’y a pas de conflit
d’intérêts qui soit problématique.
Selon l’art. 111 CC, les conjoints peuvent faire une requête commune de divorce avec accord
complet. Est-il possible d’avoir un seul avocat pour les deux conjoints, contrairement à la
règle de l’interdiction de la double représentation ?
Le TF n’a jamais tranché la question, mais on peut penser qu’il ne serait pas opposé à cette
manière de faire. En ce qui concerne les pratiques cantonales, elles varient selon les cantons.
La situation n’est pas claire.
Il faut toutefois partir du principe que deux époux qui divorcent sont des parties en conflit. En
pratique, les époux croient parfois être d’accord sur tout. Mais il faut être prudent, en
particulier concernant le partage de la prévoyance professionnelle. Même quand les conjoints
sont d’accord sur tout, il peut survenir des désaccords.
Il faut être prudent : il ne faut prendre des affaires communes que si véritablement il n’y a
aucun désaccord. La pratique encourage ce mode de faire, mais c’est vraiment limite. Ça
dépend du cas d’espèce.
c) Au pénal
Selon l’art. 127 III CPP, dans les limites de la loi et des règles de sa profession, un conseiller
juridique peut défendre les intérêts de plusieurs participants à la procédure dans la même
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procédure. Le CPP autorise donc le principe, mais il renvoie aux règles de la profession, à
savoir l’art. 12 let. c LLCA. Il faut faire une distinction fondamentale :
Prévenus : selon le TF, il n’est en principe pas possible pour un avocat de représenter
plusieurs prévenus (cf. ATF doc. 26 conflits d’intérêts). Le risque d’un conflit d’intérêts
survient inévitablement lorsque, pour obtenir un acquittement ou une peine moins sévère,
un prévenu rejette la culpabilité sur l’autre. Un avocat unique est alors très problématique
car chacun se défend en rejetant la faute sur l’autre. Selon l’ATF doc. 15, par définition, il
y a un besoin de pouvoir plaider son innocence jusqu’au dernier moment et donc
éventuellement de rejeter la faute sur l’autre. Donc on ne peut en principe pas avoir le
même avocat.
ATF doc. 26 : une entreprise dépose plainte pénale contre un syndicat et contre ses
employés pour des manifestations. Les syndicalistes et les employés prennent un avocat
commun. Toutefois, les moyens de défense des deux groupes ne sont pas suffisamment
proches pour accepter l’idée qu’il puisse n’y avoir qu’un seul avocat. Par contre, le TF
semble prêt à admettre qu’un seul avocat représente tous les membres du groupe
« syndicat » ou du groupe « employés ».
Il n’y a pas de raison particulière pour qu’il y ait des règles différentes en matière de conseil
juridique. Toutefois, une partie de la doctrine admet une approche un peu plus souple. Selon
une partie de la doctrine, un avocat pourrait représenter à la fois le maître de l’ouvrage et
l’entrepreneur dans la négociation et la rédaction d’un contrat d’entreprise. Toutefois, selon B.
CHAPPUIS, c’est compliqué : ces deux parties ont tout de même des intérêts un peu divergents
(notamment pour les clauses de garantie).
Donc pour B. CHAPPUIS, la représentation de plusieurs parties en conseil juridique est une
situation très délicate. Le consentement du client à un conflit d’intérêts ne lève pas le conflit
d’intérêts : ce n’est pas parce que les deux parties disent qu’elles sont d’accord d’avoir un seul
avocat que l’avocat est exonéré. La prudence est de mise.
Mais il y a des situations plus simples : p. ex. l’avocat peut rédiger un contrat de société
simple pour les futurs associés : ces derniers poursuivent un but commun. Un seul avocat peut
se charger de la rédaction.
a) L’ancien client
L’art. 12 let. c LLCA est rédigé à l’indicatif présent. Toutefois, le TF considère qu’il faut
comprendre ce texte comme visant aussi des situations passées, nonobstant l’usage de
l’indicatif présent. En effet le devoir de fidélité ne prend pas fin avec la fin du mandat, tout
comme le secret professionnel.
Avant l’entrée en vigueur de la LLCA, on considérait qu’il y avait une interdiction absolue de
plaider contre un ancien client. Ce n’est plus la règle aujourd’hui (ATF 135 doc. 15) :
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l’interdiction faite à un avocat de plaider contre un ancien client repose sur le fait que les deux
causes sont liées par un lien de connexité étroit, et que ce lien empêcherait l’avocat de
respecter son devoir de fidélité. La base est donc le devoir de fidélité.
Il faut une connexité entre les deux affaires pour qu’il y ait un problème : cf. ATF doc. 30 : un
avocat qui a conseillé un client pendant 20 ans est remercié par ce dernier. Ensuite, cet ancien
client dépose plainte pénale contre sa fille. L’ancien avocat se constitue pour défendre la fille.
L’ancien client décède après le dépôt de la plainte. Le TF estime que l’avocat ne peut pas
défendre la fille : il lui fait interdiction de plaider contre un ancien client, alors que ce client
est mort. Le risque est l’exploitation de données confidentielles auxquelles l’avocat avait eu
accès pendant qu’il conseillait ce client pendant 20 ans.
- Connexité : les affaires reposent-elles sur les mêmes faits ? Est-ce la même situation
juridique ?
- Mandat important : si l’avocat a conseillé son client de manière générale pendant 20 ans,
alors il apprend beaucoup de choses confidentielles. Mais il n’est pas nécessaire que le
mandat ait duré longtemps : parfois on peut apprendre des informations confidentielles
pendant un mandat très court.
- Connaissances que l’avocat a acquises de son ancien mandant : cela vise non seulement
les informations factuelles, mais aussi tous les éléments qui permettent à l’avocat de
connaître son client et d’en tirer avantage (ses réactions, sa psychologie, etc.).
- Laps de temps entre la fin du premier mandat et le nouveau mandat : plus le mandat n° 1 a
été important, plus le laps de temps acceptable doit être long pour prendre un nouveau
mandat contre ce client.
Si l’on a plaidé pour l’UBS dans un problème de bail, on peut très bien agir contre elle plus
tard. Par contre, si l’avocat a eu accès au cœur de l’activité de l’entreprise et de ses secrets
(problème de droit de la concurrence, de droit pénal, voire de droit du travail), c’est beaucoup
plus compliqué de plaider contre elle plus tard. La réponse est donc variable selon les
informations auxquelles l’avocat a eu accès, selon les personnes à qui il a eu affaire, etc.
Il est fréquent en pratique qu’une grande entreprise confie des petits mandats à toutes les
grandes études de la place pour créer des conflits d’intérêts. De cette manière, aucune des
grandes études ne pourra plaider contre elle dans un autre litige. Un arrêt canadien a considéré
que c’était de l’abus. C’est un problème également en Suisse, mais qui n’est pas tranché.
L’utilisation du conflit d’intérêts est devenue une arme pour ces grandes entreprises.
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c) Les intérêts propres de l’avocat
Un avocat dans une situation de conflit d’intérêts doit mettre fin au mandat envers tous les
clients concernés.
1. Sanctions administratives
2. L’interdiction préventive
La LLCA ne donne aucun pouvoir d’intervenir dans les mandats en cours. La Commission du
barreau devrait alors attendre la fin du mandat, pour ensuite prononcer une sanction
disciplinaire.
La LLCA ne prévoit rien. Elle ne prévoit donc pas l’autorité compétente pour prononcer cette
interdiction. En 2010, le TF avait considéré que les cantons pouvaient désigner l’autorité
qu’ils voulaient. Mais c’était avant l’entrée en vigueur du CPP et du CPC.
- CPP : pour la doctrine, c’est la direction de la procédure qui doit intervenir en cas de
conflit d’intérêts (art. 62 CPP). Au stade de la procédure préliminaire, c’est donc le MP
qui est compétent pour interdire. C’est un peu contestable, car le MP est l’adversaire du
prévenu.
- CPC : pour la doctrine genevoise, c’est le juge du fond qui est compétent pour prononcer
une interdiction.
Recours :
Peut-on recourir contre une décision qui oblige l’avocat à renoncer à son mandat ? Il s’agit
d’une décision incidente au sens de l’art. 93 LTF. Le TF constate que c’est un cas de l’art. 93
I let. a LTF : il y a un préjudice irréparable. Donc un recours immédiat est possible, car
l’interdiction crée un préjudice irréparable pour l’avocat et son client.
Attention : il y a une exception notable. Il n’y a pas de recours au TF possible si cette décision
émane de la Cour des plaintes (art. 79 LTF : ce n’est pas une mesure de contrainte). Cela veut
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dire que si le MPC prend une décision faisant interdiction à un avocat de continuer son
mandat, cette décision peut être portée devant la Cour des plaintes du TPF, mais pas devant le
TF (art. 79 LTF). C’est une exception un peu malheureuse.
L’avocat en conflit d’intérêts doit résilier le mandat avec effet immédiat (art. 404 I CO). Si le
mandat est résilié en temps inopportun, cela entraine la responsabilité de l’avocat (art. 404 II
CO). Donc si l’avocat s’est mis lui-même dans une situation de conflit d’intérêts, il risque
d’engager sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de son mandant.
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Droit de la profession d’avocat
15.04.2016
Le secret professionnel
Le CPP et le CPC contiennent des dispositions sur le secret professionnel, qui ont été
harmonisées par une loi fédérale entrée en vigueur en 2013. Mais les différents textes légaux
ne sont pas tout à fait harmonisés (voir les art. 171 CPP et 164 CPC). Mais ce qui ressort de
ces textes, c’est que le secret professionnel de l’avocat a été renforcé en procédure.
Exemples :
Un client mineur de 17 ans, incarcéré, est représenté au pénal par un avocat. Quelles
informations l’avocat peut-il donner à sa famille ? L’avocat ne peut pas renseigner la
famille, sauf accord de son client !!!
Un avocat partage des locaux avec d’autres avocats, mais ces derniers ne sont pas
associés. Toutefois, ils s’informent des clients qu’ils ont pour éviter les conflits d’intérêts
ils violent un petit peu le secret. Le TF admet que le secret professionnel ne peut pas
être absolu !
L’art. 321 CP : cette norme pénale sanctionne la personne soumise au secret professionnel
qui viole ce secret.
L’art. 13 LLCA : l’avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui
lui sont confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession. Le texte laisse penser que
seuls sont visés les secrets confiés par les clients, mais ce n’est pas le cas !
Même si ces deux normes ne contiennent pas le même texte, on considère que la portée du
secret est la même dans ces normes. On a une vision globale qui est la même dans les deux
textes.
L’art. 12 LPAv/GE : cette loi genevoise institue un secret, mais c’est inutile : le droit
fédéral prévoit déjà cette règle professionnelle, de manière exhaustive. Le droit cantonal
n’est utile que pour savoir quelle est l’autorité qui peut délier l’avocat de son secret et à
quelles conditions. L’art. 12 III-IV LPAv/GE prévoit que l’autorité compétente pour lever
le secret est la Commission du barreau (autorité de surveillance).
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Les normes déontologiques (art. 15 CSD ou 3 des Us et coutumes GE) : ces règles sont
devenues inutiles.
L’intérêt public : le secret professionnel de l’avocat est institué pour protéger l’ordre
juridique et l’accès à la justice (cf. Arrêt doc. 3 du cours sur le secret). C’est la tendance
française.
En Suisse, on considère que ces deux intérêts sont protégés par le secret. Donc c’est une
sorte de théorie mixte. Certes, le refus de renseigner la justice que l’avocat peut opposer à un
juge peut compliquer la recherche de la vérité, mais cet inconvénient doit être accepté dans un
Etat de droit.
En tous les cas, les intérêts de l’avocat lui-même ne sont pas pris en compte. L’avocat
lui-même n’est pas protégé par le secret. Il ne peut pas invoquer le secret à son propre
profit. Le secret protège l’exercice du métier d’avocat, mais pas l’avocat lui-même. Ce
dernier ne peut pas se retrancher derrière le secret.
C. La notion de secret
Un secret au sens du secret professionnel n’est pas forcément une information secrète. Il y a
un élément objectif (il ne doit pas s’agir d’un fait notoire), mais aussi un élément subjectif (le
client ne veut pas que d’autres personnes le sachent). Exemple : le fait qu’une personne a été
licenciée de son emploi n’est pas secret : plusieurs personnes le savent. Toutefois, le client ne
veut en principe pas que son avocat le dise à tout le monde.
Secret = information qui n’est pas notoire et dont le client a un intérêt à ce que l’avocat la
garde confidentielle.
Le secret au sens strict : information confidentielle, connue d’un nombre très restreint de
personnes.
L’information confiée à titre confidentiel : information qui n’est pas confidentielle en soi
car plusieurs personnes la connaissent, mais dont le client veut que l’avocat la garde
confidentielle.
40
L’avocat a un devoir d’information : pour accomplir son mandat, il va devoir utiliser les faits
confiés. Il faut que l’avocat vérifie auprès de son client qu’il est autorisé à les révéler.
L’origine des informations confidentielles confiées peut être diverse : elles peuvent provenir
du client lui-même, mais aussi de tiers (médecin du client, banque du client, etc.). Il n’est
donc pas nécessaire que les informations soient transmises par le client lui-même. Il faut juste
que l’avocat en ait pris connaissance dans l’exercice de sa profession, du fait qu’il est l’avocat
de ce client.
Cas n° 20 : il n’y a à proprement parler pas de mandat entre l’avocat et le client car ces
derniers n’arrivent pas à se mettre d’accord sur une rémunération et donc ne concluent
finalement pas de contrat. Me Martin n’est donc pas l’avocat de M. Smith, qui n’est pas le
client. (1) Est-ce que la commission du barreau est compétente, même si Me Martin n’était
pas avocat de M. Smith ? Mandat conclu ou non, ces faits ont été confiés à Me Martin en sa
qualité d’avocat. Ces faits ont été confiés à Me Martin dans l’exercice de sa profession (cf.
art. 321 CP). Il suffit que l’avocat apprenne ces faits en sa qualité d’avocat. Peu importe que
le contrat de mandat ait été conclu ou non. Tant que la confidence est faite parce que l’avocat
est avocat, elle est protégée par le secret. Donc cette violation tombe dans le champ
d’application de l’art. 321 CP et de l’art. 13 LLCA. (2) En l’espèce, il s’agit d’une violation
par négligence. Me Martin n’a pas rendu ces informations publiques intentionnellement. En
ce qui concerne l’art. 13 LLCA, il n’y a pas de distinction entre intention et négligence. Donc
l’infraction disciplinaire est commise. Cela tombe sous les sanctions de l’art. 17 LLCA. En ce
qui concerne l’art. 321 CP, il s’agit d’une infraction intentionnelle ; en l’espèce, ce n’est pas
le cas. Donc pas de sanction pénale. Mais sanction administrative.
D. L’objet de la protection
2. Les documents :
Les papiers :
Question pour le cours : un avocat dépose des documents couverts par le secret dans son
iCloud. Est-ce une violation du secret professionnel ? L’interdiction absolue du Cloud
devient inconcevable dans la pratique car il est nécessaire aujourd’hui de faire de telles
sauvegardes externes. Donc c’est certainement permis, pour autant que le Cloud soit très
bien protégé technologiquement. Mais il est un problème : l’information se trouve sur un
serveur à l’étranger ces informations ne seront alors plus protégées par les dispositions
suisses. P. ex. si l’autorité américaine peut selon la loi américaine accéder à ces données,
c’est problématique. DONC réponse : si l’avocat fait tout ce qu’il peut pour prendre les
mesures techniques qui garantissent un stockage sûr, il ne peut pas être inquiété. Mais il
ne peut pas se contenter de mettre les documents sur un support non protégé.
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E. Les bénéficiaires du secret
Selon la jurisprudence, dès l’instant que des propos sont tenus en audience publique, même
s’il n’y a pas de public, les informations données ne sont pas soumises au secret. C’est plus
délicat si l’audience a lieu à huis clos.
Donc jurisprudence et doctrine majoritaire : seul le client (au sens large, pas besoin que le
mandat soit finalement conclu) est protégé par le secret.
1. L’art. 321 CP
L’art. 321 CP s’applique à tout avocat, qu’il soit inscrit ou non. L’avocat suisse, inscrit ou
non, est soumis au secret selon l’art. 321 CP. L’avocat UE/AELE est également soumis au
secret (art. 25 art. 12-13 LLCA). Les avocats étrangers hors UE/AELE sont considérés
comme majoritairement soumis au secret selon l’art. 321 CP.
2. L’art. 13 LLCA
L’avocat suisse inscrit au registre est soumis. L’avocat suisse non inscrit au registre n’est pas
soumis. L’avocat UE/AELE inscrit au tableau ou pratiquant de manière occasionnelle est
soumis au secret selon l’art. 13 LLCA (par le biais de l’art. 25 LLCA). L’avocat étranger hors
UE/AELE n’est pas soumis à la LLCA.
NB : l’avocat inscrit peut violer l’art. 13 LLCA sans violer le secret en tant que tel, s’il n’a
pas pris les mesures nécessaires pour protéger le secret.
3. Le juriste d’entreprise
Il est majoritairement admis que le juriste d’entreprise n’est pas protégé par le secret
professionnel.
L’avocat a forcément autour de lui des personnes appelées à recevoir des informations
soumises au secret (p. ex. un collaborateur, une secrétaire, une réceptionniste, etc.).
- Art. 321 CP : sont des auxiliaires au sens de l’art. 321 CP les personnes qui sont appelées
à participer à l’exécution du mandat, à qui l’on confie des informations soumises au secret
professionnel. Cela comprend les secrétaires, les avocats stagiaires, les réceptionnistes,
mais pas les nettoyeurs des locaux. Toutes ces personnes peuvent se rendre coupable de
l’infraction à l’art. 321 CP.
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- Art. 13 LLCA :les auxiliaires ne sont pas visés par l’art. 13 LLCA : ils ne peuvent pas se
rendre coupable de l’infraction disciplinaire car ils ne sont pas soumis à la LLCA. Seul
l’avocat est soumis à la LLCA : l’avocat doit s’assurer que ses auxiliaires respectent le
secret professionnel. La notion est ici plus large : les nettoyeurs en font partie. L’avocat
doit donc prendre des mesures d’organisation interne pour que les documents
confidentiels ne puissent pas être connus par tout le monde. L’avocat doit conclure avec
les auxiliaires un contrat par lequel l’auxiliaire s’oblige à respecter le secret (p. ex. les
nettoyeurs).
5. La multidisciplinarité
La multidisciplinarité est la situation dans laquelle l’avocat s’associe avec des personnes non
soumises au secret, soit des personnes qui ne sont pas avocates (experts comptables, etc.). La
Suisse romande y est très opposée alors que Zurich l’accepte. Le TF laisse la question ouverte
(ATF 138 II 440).
Les activités typiques de l’avocat (représentation judiciaire et conseil juridique) sont soumises
au secret professionnel. Par contre, les activités atypiques ne sont pas soumises au secret
professionnel (par contre elles sont soumises aux autres règles professionnelles, soit celles de
l’art. 12 LLCA).
Donc les activités comme un mandat d’administrateur, des activités de gestion de fortune, etc.
ne sont pas soumises au secret.
H. La portée du secret
L’avocat doit taire les informations confidentielles à l’égard de tout tiers (même, en principe,
la famille du client). Par contre, selon la doctrine majoritaire, l’avocat peut partager les
informations confidentielles avec toute son étude. Selon B. Chappuis, l’avocat prend toutefois
un risque à donner une information confidentielle à 50, 100 personnes.
- A l’égard de la famille : les parents (ou autre représentant légal) d’un enfant mineur ont le
droit d’être informés au sujet de la situation patrimoniale de l’enfant. Par contre, l’avocat
n’a pas le droit de les renseigner sur les informations intimes et personnelles de l’enfant.
- A l’égard du conjoint : l’art. 170 II CC permet au juge d’ordonner à des tiers de renseigner
le tribunal sur les biens du conjoint. Toutefois, l’art. 170 III CC réserve le secret
professionnel de l’avocat.
- A l’égard des héritiers (cf. doc. 3 du cours sur le secret) : le TF considère que les héritiers
sont de simples tiers. L’avocat ne doit pas les renseigner. Cette solution est un peu
exagérée : exemple du client qui décède alors qu’il était en procès contre un entrepreneur
pour les défauts d’une véranda. L’avocat doit pouvoir renseigner les héritiers sur le
procès. Mais le principe est simple : les héritiers sont des tiers.
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- Les règles sur la protection de l’adulte : selon l’art. 443 CC, toute personne a le droit de
renseigner l’autorité de protection de l’adulte si une personne a besoin d’aide. Toutefois,
cette disposition réserve le secret professionnel l’avocat doit demander à être relevé de
son secret pour informer l’autorité de protection. Selon l’art. 397a CO, lorsque le mandant
est frappé d’une incapacité de discernement probablement durable, le mandataire doit
informer l’autorité de protection de l’adulte si cela paraît nécessaire. Cette disposition ne
réserve pas expressément le secret professionnel. La doctrine est divisée : une partie
considère que cette disposition prime le secret, une autre considère qu’elle réserve
implicitement le secret. La question n’est pas tranchée. Mais pour éviter les dégâts, mieux
vaut demander la levée du secret à l’autorité de surveillance.
- Les mineurs : l’art. 364 CP permet aux personnes soumises au secret d’informer l’autorité
de protection de l’enfant si le mineur est en danger.
- Le régime du CPP (art. 171 CPP) : les personnes soumises au secret selon l’art. 321 CP
peuvent (doivent) refuser de témoigner sur des informations soumises au secret. Ces
personnes doivent en principe témoigner si elles sont déliées du secret. Toutefois, l’art.
171 IV CPP réserve la LLCA, dont l’art. 13 I prévoit que même délié, l’avocat est libre de
témoigner ou non secret absolu.
En ce qui concerne le séquestre des documents, c’est l’art. 264 CPP qui s’applique. Ne
peuvent pas être séquestrés les documents concernant la correspondance entre le prévenu
et son défenseur, mais aussi les documents concernant les contacts du prévenu avec toute
autre personne soumise au secret professionnel. La let. d a été ajoutée en 2013 : ne
peuvent pas être séquestrés tous les documents concernant les contacts entre une personne
et son avocat, pour autant que ce dernier soit un avocat inscrit (avocat soumis à la LLCA).
C’est bizarre : les autres lettres s’appliquent à toutes les personnes qui ont le statut
d’avocat au sens de l’art. 321 CP, alors que la let. d semble se limiter à l’avocat inscrit.
- Le régime du CPC (art. 163 et 166 CPC) : le texte de la loi n’est pas très clair. L’avocat,
en tant que partie, peut déposer s’il est délié du secret, mais il n’en est pas obligé (art. 163
CPC art. 166 CPC art. 13 LLCA). L’avocat a donc un secret absolu, qu’il soit partie
ou témoin.
2. Le régime institué par le CPP : l’art. 264 CPP règle la question. En effet, selon l’art. 264 I
CPP, « quel que soit l’endroit où ils se trouvent », les documents correspondant aux
conditions des let. a à d ne peuvent pas être séquestrés (donc même s’ils se trouvent en
mains de tiers).
44
Cas pratique n° 21
Donc Me Othello ne peut pas demander cette levée. Sa requête est irrecevable.
Cas pratique n° 22
L’avocat ne peut pas opposer son secret professionnel car il est lui-même prévenu dans cette
affaire. Il ne peut pas opposer son secret pour empêcher une perquisition ou un séquestre par
exemple.
Selon l’art. 264 let. c et d CPP, les documents visés ne peuvent pas être séquestrés, pour
autant que l’avocat ne soit pas lui-même prévenu. Or, en l’espèce, Me Igor est prévenu au
sens de l’art. 111 CPP car il est soupçonné d’avoir commis des infractions. Donc comme il est
prévenu, il ne peut pas s’opposer au séquestre.
Cela dit, le MP ne peut pas faire n’importe quoi. Toutefois, en l’espèce, le procureur a une
liste précise des dossiers qu’il veut voir, avec une brève motivation indiquant en quoi les
éléments contenus dans ces dossiers sont pertinents pour son enquête. Donc il ne vient pas
tout prendre : il ne prend que ce qui lui est utile.
Toutefois, il faut protéger les intérêts des clients. Il faut donc que le MP : (1) trier les
documents pertinents pour l’enquête ; (2) trier les documents soumis au secret et ceux qui ne
le sont pas ; (3) caviarder les noms des clients. S’il y a un débat concernant la question de
savoir ce qui est utile ou non, l’avocat va demander une mise sous scellés (art. 248 CPP). Cela
fait, c’est le TMC qui devra trier les documents (voir le processus décrit à l’arrêt du TF,
1B_167/2015).
45
Selon l’art. 12 I LPAv/GE, l’avocat est soumis au secret professionnel pour toutes les affaires
qui lui sont confiées par ses clients dans l’exercice de sa profession ou dont il a connaissance
dans l’exercice de celle-ci. Cette obligation n’est pas limitée dans le temps et est applicable à
l’égard des tiers. Il veille à ce que ses auxiliaires respectent le secret professionnel. Selon
l’art. 12 II LPAv/GE, sans en avoir l’obligation, l’avocat peut toutefois révéler un secret si
l’intéressé y consent. Selon l’art. 12 III LPAv/GE, il en est de même si l’avocat obtient
l’autorisation écrite de la commission du barreau. Cette autorisation peut être donnée par le
bureau de la commission. En cas de refus, l’avocat peut demander que sa requête soit soumise
à la commission plénière qui statue par une décision non susceptible d’un recours. Dans ce
dernier cas, les membres du bureau participent également à la délibération. Selon l’art. 12 IV
LPAv/GE, l’autorisation n’est délivrée que si la révélation est indispensable à la protection
d’intérêts supérieurs publics ou privés.
La loi prévoit donc que la décision de la Commission du barreau n’est pas sujette à recours.
Mais il y a un droit fondamental à pouvoir recourir contre une décision administrative (art. 6 §
1 CEDH ; art. 86 II LTF). Il faut pouvoir soumettre une décision administrative à une autorité
judiciaire supérieure. La CACJ a donc considéré que l’art. 12 III LPAv/GE était
complètement inconstitutionnel. Il y a évidemment une possibilité de recours. Le recours est
donc recevable.
Pour intervenir dans une procédure, il faut un que l’intervenant ait un intérêt juridique (art. 71
LPA). En l’espèce, l’intérêt de Juliette est de ne pas porter à la connaissance du MP le fait
qu’elle a des comptes non déclarés, soit de pouvoir bénéficier du secret professionnel.
Toutefois, Juliette n’est pas cliente de l’avocat, elle est uniquement un tiers. Elle ne bénéficie
donc pas du secret professionnel selon la doctrine majoritaire et selon la jurisprudence.
Toutefois, B. Chappuis considère que c’est choquant : Juliette s’est confiée à Me Lecoin en sa
qualité d’avocat. Mais c’est la doctrine minoritaire. La doctrine majoritaire considère que le
tiers n’est pas protégé par le secret !!!
Ce qui distingue ce cas de celui où la personne venait voir un avocat pour qu’il soit son avocat
mais que les parties ne s’étaient pas mises d’accord sur les honoraires, est le fait que dans
l’autre cas, la personne venait voir l’avocat pour qu’il soit son avocat, alors qu’ici, il est
clairement dit que c’est l’avocat de Bernard, et que Juliette est en fait la partie adverse.
NB : Me Lecoin aurait dû informer Juliette quant au fait que les informations données par elle
n’étaient pas soumises au secret.
Il est vrai que la demande à l’autorité est subsidiaire au consentement du client. Mais en
l’espèce, le client est mort. Donc il ne peut plus consentir. La fille de Bernard n’est qu’un
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tiers : elle n’est pas porteuse du secret. Elle ne peut donc pas consentir à sa place. Donc
l’autorité devait se prononcer.
Les conditions sont prévues par l’art. 12 IV LPAv/GE : l’autorisation n’est délivrée que si la
révélation est indispensable à la protection d’intérêts supérieurs publics ou privés (pesée des
intérêts). En l’espèce, il y a un intérêt public très important à retrouver l’auteur d’un
assassinat. Mais en tant que tel, ce n’est pas décisif car sinon il y aurait tout le temps un
intérêt supérieur dès qu’il y a une enquête pénale. Toutefois, Juliette oppose des intérêts peu
défendables : le fait qu’elle ne veut pas voir ses comptes dévoilés. Il faut vraiment faire une
pesée des intérêts et la motiver.
Donc selon B. Chappuis, il n’y aurait pas d’intérêt supérieur. Il y a bien d’autres moyens
d’enquête. Mais cela s’argumente et on tranche dans l’un des deux sens.
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Profession d’avocat
29.04.2016
Il est n’est pas rare en pratique que le contrat de l’avocat soit purement oral. En effet, un
contrat de mandat peut être conclu oralement (art. 395 CO). Le contrat est donc conclu dès
que l’avocat accepte le mandat : toutefois, il est plus prudent de rédiger un contrat écrit
(Document 1 : contrat-type FSA). Attention au droit applicable et au for : avec des clients
étrangers, il y a des risques d’attraction dans d’autres fors et dans d’autres droits il est
nécessaire de prévoir une clause de droit suisse et une élection de for en Suisse.
La procuration est importante. L’OdA GE met à disposition des avocats une procuration-
type. Toutefois, cette procuration-type comporte aussi des aspects contractuels. La
procuration octroie les pouvoirs à l’avocat et contient une clause d’élection de for en
Suisse et de droit applicable suisse.
Le contrat liant l’avocat et son client est un contrat de mandat. Toutefois, pour un certain
nombre d’activités, on pourrait concevoir un contrat d’entreprise (legal opinions par
exemple). Mais en principe, il s’agit d’un contrat de mandat.
CO et règles contractuelles : le Code des obligations (art. 394 ss CO) est très sommaire en
ce qui concerne le contrat de mandat. Chaque profession doit développer sa propre
application des règles légales. Il convient donc de régler les points non réglés par la loi
dans le contrat entre l’avocat et son client.
LLCA : l’art. 12 LLCA pose les règles professionnelles que doit respecter l’avocat. Ces
règles professionnelles sont le minimum auquel le client peut s’attendre de la part de son
avocat dans l’exécution du mandat.
Règles déontologiques en tant que règles de l’art : les règles déontologiques ne peuvent
pas compléter les règles étatiques. Mais ces règles peuvent être considérées comme
l’expression des règles de l’art de la profession. Les règles de l’art, à l’aune desquelles on
analyse la diligence, peuvent être trouvées dans les règles déontologiques.
(1) Les connaissances juridiques nécessaires (Document 6 : ATF 127 III 357) : l’avocat
doit connaître les règles juridiques claires. C’est facile en théorie, mais moins en pratique.
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Cela pose la question du choix du mandat : l’avocat qui ne connaît pas les normes claires
d’un certain domaine doit refuser le mandat. Que considère-t-on comme les règles
juridiques claires ? Document 7 : ATF 134 III 534 : un avocat doit-il connaître
uniquement la jurisprudence publiée aux ATF ou aussi la jurisprudence non publiée ?
Dans l’arrêt cité, l’avocat oublie de conclure à l’octroi de dommages-intérêts ménagers.
Le TF dit que l’avocat n’est pas responsable car il n’existait pas à l’époque d’arrêt publié
sur le sujet des dommages ménagers octroyés à des hommes. Ce raisonnement prête le
flanc à la critique. Dans plusieurs domaines, la plupart des arrêts ne sont pas publiés.
Donc selon B. Chappuis, l’avocat doit lire plus que les ATF : il doit connaître la
jurisprudence non publiée également.
Document 6 : ATF 127 III 357 : l’avocat doit connaître les normes juridiques claires.
Dans cet arrêt, Monsieur et Madame simulent une contribution d’entretien pour que
Madame puisse avoir une rente AVS plus tard. Derrière cette convention, ratifiée par le
juge, Madame s’engage contractuellement à ne pas demander la rente. Toutefois, en
violation de son engagement, elle demande la rente : Monsieur dit qu’il ne veut pas payer
car la rente était simulée. Toutefois, le TF dit que même si Madame s’était engagée, le
jugement condamne Monsieur à payer. Il s’agit d’une norme claire : quand un jugement
condamne quelqu’un à payer une somme, cette somme est due. L’avocat a donc été tenu
responsable car il n’avait pas informé Monsieur que même si sa femme s’était engagée à
ne pas demander la rente, celle-ci était due si Madame la demandait quand même.
Qu’en est-il des notions juridiques imprécises ? Quand une question est débattue en
doctrine ou en jurisprudence, il faut être prudent. Par exemple, dans une question de
prescription, la jurisprudence et la doctrine ne sont pas claires pour le dies a quo (point de
départ). L’avocat choisit le délai le plus long pour gagner du temps. Mais le Tribunal
devant lequel il présente la demande choisit le dies a quo le moins favorable. Donc
l’action est prescrite et le demandeur est débouté. Il actionne son avocat en responsabilité.
Selon le TF, l’avocat doit adopter le mode de calcul du délai le plus conservateur de
manière à éviter tout risque. Il s’agit d’un comportement que la prudence élémentaire
commande. Lorsque la situation est indécise, l’avocat ne doit pas partir du principe que le
tribunal partagera son opinion. L’avocat doit donc toujours adopter une approche
conservatrice : il doit agir le plus tôt possible !!!
Document 9-9bis : ATF 141 : Délai de recours erroné : l’avocat reçoit une décision
négative. Au bas de la décision, sont indiqués les voies et délais de recours. L’autorité a
indiqué un faux délai (30 jours à la place de 10 jours pour une ordonnance d’instruction).
L’avocat agit dans les 30 jours : le tribunal constate que le recours est tardif et le déclare
irrecevable. Le demandeur se prévaut de sa bonne foi en ayant suivi le délai indiqué.
Selon le TF, lorsque l’administré est représenté par un avocat, ce dernier doit pouvoir
détecter cette erreur. En l’espèce, la simple consultation de la loi permettait à l’avocat de
constater que le délai de recours indiqué était faux. Si la simple lecture de la loi permet de
constater l’erreur, l’avocat ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi. Par contre, si le délai
de recours découle d’un raisonnement de l’autorité, et qu’il ne découle pas de la simple
application de la loi, l’avocat n’a pas à détecter l’erreur de l’autorité, sauf si le
raisonnement de l’autorité est très manifestement faux. Le TF considère que le recours est
tardif en l’espèce et que l’avocat ne pouvait pas se prévaloir du délai indiqué toujours
vérifier le délai indiqué !!!
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Spécialisation : il appartient à l’avocat de se charger d’affaires qu’il est à même de
mener. Aujourd’hui, il devient très difficile de connaître tous les domaines du droit. Il
devient très difficile d’être un véritable généraliste. Donc l’avocat doit faire attention aux
mandats qu’il accepte, sous peine d’engager sa responsabilité en cas d’erreur.
(2) L’examen des éventuelles mesures urgentes : au moment où le mandat est confié,
l’avocat doit toujours faire une check-list pour savoir s’il y a des interventions urgentes à
faire. La première mesure à prendre est celle de vérifier qu’il n’y a pas de conflit
d’intérêts. Ensuite, il faut prendre toutes les mesures qui ont trait à la prescription : il faut
vérifier que la prétention ne soit pas prescrite et interrompre la prescription si elle n’est
pas encore arrivée. Les délais de prescription et de péremption sont difficiles à trouver,
donc l’avocat doit faire attention. Quand un avocat ne respecte pas les délais de
prescription ou de péremption, il peut être tenu responsable.
(3) La connaissance du dossier du client : l’avocat ne doit pas se contenter des documents
du client (Document 3 cours 9 et Document 6 cours 10) : Dans le document 3, l’avocat
reçoit pour mandat de requérir l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des
artisans et entrepreneurs en mesures provisionnelles. Le client lui avait indiqué un numéro
d’immeuble, mais il s’avère que c’était le mauvais immeuble. L’avocat aurait dû s’assurer
du fait qu’il s’agissait du bon immeuble. Dans le document 6 cours 10, l’avocat demande
aux institutions LPP de délivrer des attestations LPP pour partager la prévoyance
professionnelle dans le divorce. Ces attestations sont produites et le partage est fait sur
cette base. Toutefois, il s’avère que ces attestations sont fausses car elles prennent en
compte des revenus avant mariage. L’avocat ne pouvait pas voir cette faute car son client
ne lui avait pas dit qu’il avait travaillé avant le mariage. Toutefois, il reste du devoir de
l’avocat de s’assurer que ces documents sont conformes à la loi.
L’avocat doit obtenir de son client tous les faits pertinents d’un point de vue juridique et
de rechercher les moyens de preuve à leur appui. C’est un point essentiel du devoir de
diligence de l’avocat.
b) Le devoir d’information : la LLCA ne contient rien à ce sujet, sauf l’information sur les
honoraires. Toutefois, le devoir d’information fait partie du mandat, dans l’obligation de
diligence. L’avocat doit informer son client sur : (a) la situation juridique ; (b) les chances
de succès ; (c) les coûts d’une procédure ; (d) les honoraires. Exemple : un client consulte
l’avocat pour qu’il mette en place une structuration commerciale pour la détention d’un
immeuble. L’avocat la met en place et remarque que cette structure n’est pas avantageuse
pour le client au niveau fiscal. L’avocat a-t-il un devoir de mise en garde ? L’avocat n’est
pas le curateur de son client, mais il faut quand même le lui dire.
50
Par contre, l’avocat ne peut pas rédiger un contrat nul au sens de l’art. 20 CO. Donc si le
client demande de rédiger un contrat de distribution exclusive, il faut faire attention : c’est
un domaine où les contrats peuvent être nuls au sens de la LCart. Dans ce cas, l’avocat
doit mettre en garde le client et suggérer le recours à un spécialiste. Donc il faut toujours
informer le client qu’il y a éventuellement des règles de droit public impératives qui
pourraient rendre l’opération nulle.
Information sur les chances de succès : l’avocat est un mandataire et ne garantit donc
pas un résultat. La perte du procès n’est donc pas synonyme d’une mauvaise exécution du
mandat. Par contre, l’avocat a un devoir d’information sur les chances de succès, d’autant
plus quand ces chances sont limitées.
Information sur les risques financiers : la LLCA ne prévoit qu’un devoir d’information
sur les honoraires (art. 12 let. i LLCA). Toutefois, l’avocat a aussi un devoir d’information
sur les autres risques financiers (art. 2 CC) : honoraires, coûts de la procédure (droit de
greffe, expertise, dépens, frais judiciaires, appel, recours au TF budget). La
jurisprudence est sévère à ce niveau.
Attention toutefois : les instructions du client ne peuvent pas être illicites ou contraires
aux règles de l’art. Le client ne peut pas interdire à l’avocat de respecter la procédure. Il y
a donc des limites au devoir de respecter les instructions, notamment dans l’exécution
technique du mandat (rédaction du mémoire par exemple).
L’art. 397 III CO prévoit que le mandataire ne peut, sans un pouvoir spécial, transiger. La
conclusion d’une transaction au nom du client implique des pouvoirs particuliers.
Document 2 cours 9 : l’avocat représente le plaignant dans une procédure pénale. Le
prévenu propose une transaction au plaignant, qui donne son accord. Toutefois, la
transaction finalement conclue par l’avocat ne correspond pas à ce que le client avait
accepté. Cela crée une responsabilité de l’avocat.
d) Le devoir de rendre compte et de restituer (art. 400 CO) : l’avocat doit rendre compte
au client de l’avancement du mandat, en tout cas de chaque étape importante, sauf si le
client demande à ne pas être informé de la procédure car il ne veut rien avoir à faire avec
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ça. Il faut toutefois que le client comprenne où en est le mandat qu’il a confié à son
avocat.
En ce qui concerne le devoir de restitution, l’avocat doit restituer au client tout ce qu’il
reçoit pour le compte de son mandant.
Cas pratique n° 19 : le client confie à l’avocat une affaire commerciale importante.
L’avocat gagne l’affaire et la somme gagnée (CHF 1'450'000) est payée sur son compte, à
charge de la transmettre à son client. L’avocat soumet sa note d’honoraires (CHF 150'000)
à son client et compense cette somme avec la somme qu’il doit restituer au client. Il ne lui
restitue donc que CHF 1'300'000. La jurisprudence et la doctrine majoritaire estiment que
l’avocat peut compenser pour obtenir ses honoraires, pour autant qu’il ne prive pas son
client de ses moyens de subsistance. Dans le cas pratique, la note d’honoraires n’est pas
détaillée donc c’est difficile de procéder comme ça. La pratique veut qu’on propose de
compenser au client, et que ce dernier accepte après avoir pris connaissance d’une facture
détaillée.
L’avocat peut n’accepter de travailler que s’il obtient une provision. S’il ne demande pas
de provision, il accepte en quelque sorte de travailler à crédit. Ensuite, quand il a travaillé
et qu’il veut se faire payer, il peut compenser avec les sommes reçues ou même faire
valoir un droit de rétention sur les objets qui ont une valeur. Par contre, l’avocat ne peut
pas faire valoir de droit de rétention sur le dossier du client, qui n’a pas de valeur
financièrement réalisable et qui priverait le client de moyens de défense essentiels pour
lui.
DONC : l’avocat peut compenser ses créances et ses dettes, sous réserve de ne pas priver
le client de moyens de subsistance nécessaires. Il peut faire valoir un droit de rétention sur
les objets ayant une valeur économique, mais pas sur le dossier (valeur non
économique) !!! S’il le fait, c’est de la contrainte (art. 181 CP).
Selon l’art. 398 III CO, le mandataire est tenu d’exécuter le contrat personnellement, à moins
qu’il ne soit autorisé à le transférer à un tiers. Cet article ne déroge pas à l’art. 68 CO qui
permet au débiteur d’une prestation de confier l’exécution à ses auxiliaires, sauf si le contrat
prévoit que c’est l’avocat lui-même qui doit agir.
L’avocat peut donc, sous réserve de disposition contractuelle contraire, confier l’exécution à
un tiers (collaborateur, stagiaire, secrétaire). Par contre, si le client dit qu’il veut l’avocat en
personne, l’avocat est obligé d’agir lui-même.
Quand l’avocat n’est pas capable d’assumer une tâche (p. ex. calcul comptable complexe),
l’avocat peut confier l’exécution à un spécialiste. Il a le droit de le faire sans accord du client
(substitution autorisée car dans l’intérêt du client), mais il demandera souvent l’accord du
client pour s’assurer que ce dernier est d’accord de payer.
52
Attention toutefois à la problématique du secret professionnel et des conflits d’intérêts : il est
essentiel d’obtenir la levée du secret par le client pour confier les détails de l’affaire à un tiers,
p. ex. à un spécialiste.
D. Les honoraires
E. La résiliation du mandat
Selon l’art. 404 CO, chaque partie peut résilier le mandat en tout temps, étant réservée
l’indemnisation pour la résiliation en temps inopportun. Selon le TF, « en temps
inopportun » signifie non seulement en temps inopportun mais aussi la résiliation sans
aucune raison valable.
L’avocat doit donc faire attention lorsque sa relation avec le client se détériore. L’avocat peut
résilier le mandat, mais il doit permettre à son client de pouvoir trouver un autre avocat à
temps. P. ex. si l’avocat remarque que sa cause est vouée à l’échec après les enquêtes, et qu’il
attend le jugement négatif, et qu’il ne veut pas accompagner le client en appel le cas échéant,
il doit résilier rapidement, pas seulement au moment du jugement et après le client n’a plus
que 30 jours.
NB : quand l’avocat doit résilier le mandat en raison d’un conflit d’intérêts, il peut être tenu
responsable s’il s’est mis de sa propre faute en conflit d’intérêts (intentionnellement ou par
négligence).
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Droit de la profession d’avocat
06.05.2016
La LBA évoque les avocats à l’art. 9 LBA. Beaucoup d’avocats exercent des activités
atypiques (gestion de fortune, administration de sociétés de domicile, etc.) qui peuvent tomber
sous le coup de la LBA. Les activités typiques de l’avocat peuvent également servir
volontairement ou involontairement au blanchiment. Enfin, la question des honoraires est
importante.
1. Le cadre international
Les Recommandations du GAFI sont très importantes, même si elles ne sont pas
contraignantes. Le Groupe d’action financière a édicté des recommandations pour la lutte
contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Ces recommandations sont
reconnues officiellement par l’ONU, la Banque mondiale, le FMI, etc. Les
recommandations du GAFI ont une influence considérable sur la législation suisse ; dès
que ces recommandations sont modifiées, la loi suisse est modifiée. Donc même si ces
dispositions relèvent de la soft law, il est important pour les Etats de les respecter.
2. Le droit suisse
Code pénal : l’art. 305bis CP réprime le blanchiment d’argent. Cette disposition a été
modifiée au 1er janvier 2016 : les infractions préalables ont été étendues aux délits fiscaux
qualifiés (art. 305bis al. 1bis CP), soit des infractions impliquant l’usage d’un faux. C’est un
grand changement dans le système législatif suisse, qui ne vise donc plus que les crimes.
Le blanchiment d’argent est une infraction qui protège le bien juridique collectif de
l’administration de la justice. L’art. 305bis CP s’applique à toute personne, l’auteur n’a pas
besoin de revêtir une qualité particulière. Il peut par exemple s’agir d’un avocat.
54
Ces deux dispositions datant de 1990 sont les premières dispositions légales suisses en
matière de blanchiment d’argent.
LBA : la loi sur le blanchiment d’argent est la première loi suisse traitant intégralement de
la question du blanchiment. Cette loi s’applique aux intermédiaires financiers, définis à
l’art. 2 LBA. Premièrement, elle s’applique aux grandes institutions financières (banques,
assurances, directions de fonds, négociants en valeur mobilière). En outre, la LBA
s’applique aux intermédiaires financiers visés à l’art. 2 III LBA : sont réputés
intermédiaires financiers les personnes qui, à titre professionnel, acceptent, gardent en
dépôt ou aident à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers.
Les avocats peuvent donc tomber sous le coup de la LBA quand ils exercent certaines
activités atypiques comme la gestion de fortune, le conseil en placement ou la détention de
valeurs mobilières (art. 2 III let. e, f et g LBA). Les avocats qui ont ce type d’activités sont
soumis à la LBA. Le régime juridique est donc très différent selon que l’avocat exerce des
activités typiques ou atypiques.
OBA-FINMA : cette ordonnance n’a pas beaucoup d’importance pour les avocats car elle
ne s’applique qu’aux intermédiaires financiers soumis à la surveillance directe de la
FINMA (ce qui n’est jamais le cas des avocats en raison de l’art. 14 III LBA).
Les banques ont conclu une convention de diligence en 1977. Aujourd’hui, la BNS n’en fait
plus partie. Cette convention a été modifiée pour la dernière fois en 2016. Elle lie toutes les
banques suisses concernant la façon dont il faut faire preuve de diligence dans la vérification
de l’identité du cocontractant et dans l’identification de l’ayant droit économique.
Cette convention est un texte privé ; elle n’est pas directement applicable par les tribunaux.
Ce n’est pas parce qu’un comportement est conforme à la CDB qu’il est conforme au droit
pénal. Toutefois, ce texte est considéré par la FINMA comme l’expression fondamentale des
règles de l’art des banquiers. Si un banquier viole la CDB, il s’expose à des sanctions et
s’expose à ne plus être considéré comme présentant la garantie d’activité irréprochable au
sens de la LFINMA. Donc ce texte, même de nature privée, a des effets considérables en droit
suisse.
Le Formulaire A est le formulaire que le titulaire du compte doit remplir lorsqu’il ouvre un
compte en banque. Il doit indiquer son nom, son adresse, etc., mais doit aussi y indiquer qui
est l’ayant droit économique du compte si ce n’est pas le titulaire du compte lui-même (p. ex.
quand le compte est ouvert au nom d’une société de domicile). Ce document concerne les
avocats qui agissent dans une activité atypique et qui acceptent d’ouvrir un compte comme
administrateur d’une société de domicile, pour le compte du client. Il doit dans ce cas indiquer
l’identité des ayants droits économiques.
Le Formulaire R est rempli par l’avocat dans le cadre de ses activités typiques, soumises au
secret professionnel. L’avocat ouvre un compte en son propre nom, et y dépose des avoirs de
clients, dans le cadre de ses activités typiques (succession, etc.). L’avocat ouvre le compte en
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son nom en signant le Formulaire R. Il indique qu’il effectue cette opération dans le cadre de
son activité typique, soumise au secret professionnel. Il peut, dans ce cadre, ne pas révéler
l’identité du client (de l’ayant droit économique). Donc l’avocat qui agit dans le cadre d’un
mandat typique peut ouvrir un compte bancaire pour le compte d’un client sans en indiquer le
nom.
Le Formulaire R relatif à la CDB révisée en 2016 n’est pas sorti en même temps que la CDB
(en raison des problématiques liées à l’Accord FATCA avec les USA). Les USA ont
finalement accepté de respecter le secret professionnel de l’avocat et le Formulaire R a pu
sortir.
Arrêt doc. 27 : le TF considère que l’avocat qui remplit et signe de façon incorrecte un
formulaire A ou R commet un faux dans les titres (art. 251 CP).
C. Le système de la LBA
Trois autorités principales interviennent dans l’application de la LBA : (1) la FINMA ; (2) les
Organismes d’autorégulation (OAR) ; (3) le bureau de communication en matière de
blanchiment d’argent (MROS).
1. La FINMA
La FINMA surveille de façon obligatoire tous les intermédiaires financiers énumérés à l’art. 2
II LBA (art. 12 let. a LBA). Elle a en outre une compétence résiduelle pour les intermédiaires
financiers au sens de l’art. 2 III LBA (art. 12 let. c ch. 2 LBA), qui peuvent choisir soit de se
soumettre à la surveillance directe de la FINMA, soit d’adhérer à un OAR.
Seuls les avocats n’ont pas le droit de se soumettre à la surveillance directe de la FINMA ; ils
sont obligés de s’affilier à un OAR (art. 14 III LBA) (afin de respecter le secret
professionnel).
2. Les OAR
Les Organismes d’autorégulation surveillent les personnes qui y sont affiliées (art. 12 let. c
ch. 1 LBA). Il existe un OAR des avocats et notaires, l’OAR FSA/FSN. Tous les avocats ne
sont pas obligés de s’affilier à celui-là : ils peuvent en choisir un autre.
Ces organismes ont pour objectif de surveiller l’application de la LBA par les intermédiaires
financiers qui leur sont soumis.
Le MROS reçoit les communications des soupçons de blanchiment d’argent faites par les
intermédiaires financiers (art. 9 LBA). Ce bureau est affilié à l’Office fédéral de la police.
Une fois la communication reçue, le MROS décide s’il saisit ou non les autorités pénales. Il
joue un rôle important dans la centralisation des informations.
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Selon l’art. 9 I LBA, l’intermédiaire financier qui a des soupçons de blanchiment doit
communiquer ses soupçons au MROS. Selon l’art. 9 II LBA, les avocats et les notaires ne
sont pas tenus de communiquer les soupçons lorsqu’ils sont soumis au secret professionnel au
sens de l’art. 321 CP.
Cet alinéa 2 est complètement illogique : l’avocat soumis à la LBA n’est pas soumis au secret
professionnel au sens de l’art. 321 CP lorsqu’il est intermédiaire financier au sens de l’art. 2
III LBA, car il s’agit d’activités atypiques non soumises au secret. Cet alinéa veut juste dire
que les avocats, quand ils sont soumis au secret (activités typiques), n’ont aucun devoir de
communication. Ce n’est donc pas une extension du secret professionnel aux activités
atypiques de l’avocat !!!
Cette obligation de communiquer est-elle contraire à l’art. 6 CEDH, qui donne droit à un
défenseur soumis au secret ? Le secret n’est pas vraiment mis en cause car les activités
typiques de l’avocat ne sont pas du tout soumises à la LBA ; seules certaines activités
atypiques relevant de l’intermédiation financière y sont soumises. Le devoir de
communication ne touche nullement le cœur de la défense. Donc il n’y pas de problème
de compatibilité avec la CEDH.
Les art. 10 et 10a LBA ont été modifiés à l’entrée en vigueur de la LBA 2016. L’art. 10
LBA prévoit que l’intermédiaire financier doit bloquer les avoirs durant 5 jours au plus
dès la communication par le MROS que les informations ont été transmises au MP. Mais
pendant cette période, l’intermédiaire doit continuer à opérer le compte comme si de rien
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n’était pour éviter d’éveiller l’attention du client (art. 9a LBA). Donc le banquier est
légitimé à suivre les instructions du client pour ne pas éveiller les soupçons.
CAS PRATIQUE N° 24
- Première erreur : une éventuelle communication doit être faite au MROS (art. 9 LBA) et
non pas au ministère public.
- Deuxième erreur : l’activité que Me Rigoletto déploie pour M. Almaviva est une activité
typique, à savoir plaider dans un procès en responsabilité civile et recevoir le montant
payé par l’assurance. Communiquer des soupçons sur des informations reçues dans le
cadre de l’activité typique viole le secret professionnel (art. 321 CP).
- Le fait que l’avocat ait été instruit de verser l’argent dans une banque ne pose pas de
problème car les fonds ne sont pas d’origine criminelle. Le seul problème est que l’avocat
doit rendre l’argent au client, pas à un tiers. En restituant l’argent, l’avocat ne doit pas
participer à quelque chose qui pourrait être problématique ; certes il n’est pas soumis à la
LBA, mais il est quand même soumis à l’art. 305bis CP. L’avocat doit restituer l’argent au
client si le client doit gérer l’argent et faire des paiements pour le client, il peut se
rendre coupable d’une infraction à l’art. 305bis CP.
Assujettissement à des contrôles périodiques : les OAR viennent vérifier la tenue des
dossiers (identification du cocontractant et de l’ayant droit économique, etc.). Mais les
contrôles n’ont lieu que sur les dossiers soumis à la LBA. Le risque est qu’un avocat
déguise un dossier LBA en dossier typique pour éviter un contrôle. Donc l’avocat, s’il ne
participe pas, peut tout à fait rendre ce contrôle impossible (même s’il n’a pas intérêt…).
F. Les sanctions
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1. Les sanctions pénales
L’avocat qui viole l’art. 305bis ou 305ter CP est bien entendu soumis aux sanctions pénales. En
ce qui concerne la LBA, l’art. 37 LBA punit l’intermédiaire financier qui n’a pas
communiqué d’une amende de CHF 500'000 au plus.
L’OAR peut exclure l’avocat de l’OAR. De cette sorte, l’avocat ne pourra plus exercer
d’activité d’intermédiation financière.
En outre, l’art. 12 let. a LLCA oblige l’avocat à exercer ses activités (typiques ou atypiques)
avec soin et diligence. Donc si l’avocat a commis une infraction, il peut être soumis à des
sanctions administratives. Il pourrait en outre être radié s’il commet une infraction
incompatible avec l’exercice de la profession (art. 8-9 LLCA). Du blanchiment d’argent est
clairement incompatible avec la profession d’avocat.
Un avocat qui défend légitimement quelqu’un peut-il encaisser des honoraires avec de
l’argent provenant de n’importe où ? Il faut rappeler que l’avocat est soumis à l’art. 305 bis CP,
et qu’il ne doit pas blanchir.
L’autorité pénale doit séquestrer puis confisquer les valeurs patrimoniales provenant d’une
infraction. Un procureur peut-il séquestrer une provision versée à l’avocat ?
Exemple : un avocat défend une personne au pénal. Pour cela, une provision de CHF 20'000
lui est versée. La provision n’est pas sa propriété tant qu’il n’a pas effectué sa contreprestation
; ce n’est qu’une fois qu’il a effectué sa prestation et fait sa note d’honoraires qu’il
compensera cette note avec la provision et que l’argent sera devenu le sien. Le procureur
peut-il donc séquestrer cette provision ? Selon le TF, l’avocat peut conserver la provision
aussi longtemps qu’il est de bonne foi quant à la provenance des avoirs. Mais l’avocat doit
être de bonne foi non seulement au moment où il reçoit la provision, mais également au
moment où il effectue sa contreprestation. Donc tant qu’il est de bonne foi, il peut utiliser la
provision pour se payer. Dès qu’il apprend la provenance illicite des fonds, il ne peut plus se
payer sur la provision.
Mais c’est difficile pour les avocats car quand on défend un client au pénal, notamment dans
les affaires de droit pénal économique, il est tout à fait possible que les fonds utilisés pour
payer l’avocat soient d’origine illicite et en principe séquestrables et confiscables.
Un avocat qui est payé par de l’argent d’origine criminelle ne blanchit pas. En effet, un
paiement sur un compte ordinaire pour un travail effectué n’est pas un acte de dissimulation.
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Par contre, si le client verse une provision beaucoup trop haute par rapport aux prestations de
l’avocat, et que cette provision lui est ensuite restituée, c’est du blanchiment car on donne
l’impression d’une origine licite (paiement d’une étude d’avocats).
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Droit de la profession d’avocat
13.05.2016
Stockage des données : les dossiers sont désormais stockés sous forme informatique, et
non plus sous forme papier. Cela a des avantages et des inconvénients. Parmi les
inconvénients, on pense premièrement à la pérennité de données : parfois, on n’arrive plus
à lire un document informatique d’il y a plus de dix ans. En outre, cela pose des problèmes
de sécurité.
Obligation de recourir aux services de tiers : l’avocat doit avoir des consultants en
télécommunication et en informatique. Cela crée une grande perméabilité, car ces
personnes ont accès à l’information confidentielle, souvent même à distance (remote
access).
Apparition des clouds informatiques : ces nuages informatiques sont en plein essor. Cela
permet presque d’arriver à une étude virtuelle, qui n’existe plus physiquement. Les nuages
réduisent les coûts (stockage dans des locaux, personnel). Ils répondent à la demande du
public, qui demande de plus en plus des services en ligne. Les communications entre
clients et avocats se font de plus en plus par email. Il n’y a plus de communication
physique.
Réseaux sociaux : certains avocats utilisent de plus en plus les réseaux sociaux. Il n’y a
aucune interdiction de principe, mais il faut faire attention aux principes légaux : conflits
d’intérêts, secret professionnel, etc.
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financières (sous l’angle de l’obligation de vérifier l’identité du cocontractant et
d’identifier l’ayant droit économique).
A. Les principales obligations légales de l’avocat et leurs conséquences sur
l’organisation de l’étude
La LLCA a été élaborée en 1993 et est entrée en vigueur en 2002. Elle est donc relativement
âgée et ne répond pas à toutes les questions. Cela permet à la jurisprudence d’évoluer de
manière souple. Mais il y a quand même des lacunes importantes aujourd’hui. Alors que les
Etats qui nous entourent réfléchissent à des évolutions importantes.
1. L’indépendance
Indépendance financière : l’avocat doit parfois recourir à des emprunts pour financer son
étude. Il peut tout à fait le faire, que ce soit auprès d’une banque ou d’un proche. Les
banques prêteuses demandent des indications sur les comptes et le bilan de l’avocat : ces
comptes ne comprennent pas d’informations confidentielles donc il n’y a pas de problème.
Il faut faire attention au délai de résiliation du prêt : le prêt peut être résilié dans les 6
semaines sauf convention contraire. En outre, l’avocat qui obtient un prêt important de la
part d’une banque ne peut pas plaider contre cette dernière.
SA d’avocats : en Suisse, le pouvoir doit rester en mains des avocats (actionnaires, conseil
d’administration, prise de décision, etc.). Plusieurs pays admettent aujourd’hui que les
études d’avocats soient cotées en bourse, pour obtenir des financements. Ce n’est pas le
cas en Suisse.
L’avocat créancier ou débiteur de son client : l’avocat peut avoir des relations financières
avec un client. Tout est une question de mesure. Il faut voir si le prêt ou l’emprunt met
l’avocat dans une relation de dépendance avec le client. Si ce n’est pas le cas, il n’y a pas
d’interdiction de principe. Mais B. Chappuis le déconseille dans la pratique.
Indépendance juridique : l’avocat est forcément lié juridiquement à des tiers (bailleur,
employés, banque, comptable, etc.). Mais il ne faut pas que le lien juridique empêche
l’avocat d’être indépendant. Par exemple, l’avocat ne peut pas avoir un lien juridique total
avec une seule personne (cf. réseau Landwell).
Les locaux : la LLCA ne dit rien à ce sujet, sauf que l’avocat doit disposer d’une adresse
professionnelle dans le canton où il est inscrit (art. 5 LLCA). Une case postale ne suffit
pas selon la doctrine. L’art. 11 LPAv/GE dispose que l’avocat doit avoir une étude
permanente dans le canton. On comprend par là que l’avocat doit avoir un local à Genève,
dans lequel il travaille de manière effective avec une ligne téléphonique fixe.
En outre, l’art. 10 LPAv/GE prévoit que l’avocat ne peut s’associer ou avoir des locaux
communs qu’avec des personnes elles-mêmes avocats. Cet article traite de deux
questions : (1) L’avocat ne peut s’associer qu’avec d’autres avocats interdiction de la
multidisciplinarité (cet article n’est pas forcément compatible avec le droit fédéral car le
TF a laissé la question ouverte dans l’ATF 138 II 440). (2) Cette disposition traite aussi du
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partage des locaux. On estime qu’un avocat qui partage sans restriction des locaux avec
des tiers non-avocats met très sérieusement en danger le secret professionnel. Si l’on
partage des locaux avec des tiers, il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas de risque pour le
secret. Pour la CACJ, si des mesures efficaces sont prises pour préserver le secret et pour
éviter l’influence de tiers sur les mandats, c’est acceptable, alors même que la loi
genevoise l’interdit comme principe. Mais c’est à éviter car la Commission du barreau est
stricte.
Qu’en est-il des études « Cloud », qui n’existent que virtuellement mais qui n’existent
plus physiquement ? Pour la Law Society d’Angleterre, c’est admissible pour autant qu’il
y ait un petit local qui sert à l’administration du cabinet. En Suisse, cela paraît admissible
aux mêmes conditions : il faut un local d’administration en Suisse ; ensuite, les avocats
peuvent très bien ne travailler que par le biais d’internet et ne jamais recevoir de clients.
S’ils les reçoivent, ils doivent préserver le secret professionnel !
Le secret professionnel n’est pas absolu, ce que le TF reconnaît expressément. On ne peut pas
imaginer qu’il n’y ait aucun échange d’informations intervenant entre l’avocat et des tiers.
L’outsourcing : parfois, l’avocat est obligé de collaborer avec des tiers pour l’exécution
du contrat. Les relations entre l’avocat et ces tiers auxquels il recourt doivent faire l’objet
d’accords écrits prévoyant un haut degré de confidentialité, de sorte que ces tiers externes
peuvent être considérés comme des auxiliaires de l’avocat.
L’organisation des dossiers : il ne faut pas mélanger les dossiers soumis à des différentes
règles. Les dossiers « typiques », les dossiers « atypiques » et les dossiers « LBA »
doivent être séparés. C’est important en cas de saisie pénale, pour trier les dossiers
séquestrables et les dossiers qui ne le sont pas.
4. L’obligation de diligence
L’avocat doit pouvoir exécuter son mandat avec soin et diligence. Cela implique qu’il faut
prendre des mesures pour respecter les délais. Dans un arrêt, le TF considère qu’il appartient à
l’avocat de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour respecter les délais, même s’il est
gravement malade (ATF 119 II 86 = JdT 1994 I 55). Il doit faire écrire le recours par
quelqu’un d’autre de son étude.
Qu’en est-il des situations exceptionnelles ? Le TF a considéré qu’un paiement non effectué à
temps à cause d’une panne de courant généralisée est tardif et refuse une restitution du délai.
La jurisprudence est donc stricte.
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Il faut que l’étude ait un système pour respecter les délais.
B. La structure de l’étude
1. La forme juridique
Plusieurs formes juridiques sont imaginables pour l’étude : (1) raison individuelle l’avocat
est responsable de ses actes (art. 97 CO) et de ceux de ses auxiliaires (art. 101 CO) ; (2)
société simple ; (3) société en nom collectif ; (4) sociétés de capitaux (SA ou SARL). La
dernière hypothèse est celle du « groupe complexe ».
ATF : un avocat indépendant se présente comme spécialiste de droit des successions. Il crée à
côté de ça une SA dont il est actionnaire et administrateur unique. La commission du barreau
de Lucerne constate que cette société est créée et que le but statutaire correspond aux activités
de l’avocat. La commission du barreau questionne l’avocat sur ses relations avec la société, ce
dernier refuse de répondre. Selon le TF, l’avocat peut s’organiser comme il le veut. Mais il
doit y avoir une organisation claire, qui permet de savoir qui fait quoi, comme le secret
professionnel est respecté et comment l’interdiction des conflits d’intérêts est respectée.
L’avocat, en l’espèce, refuse de répondre et donc on ne comprend pas comment ça se passe
entre l’avocat et la société.
Donc le TF semble dire que soit l’avocat crée une société d’avocats, qui a des activités
d’avocats, etc. et alors c’est bon. Soit il crée une société indépendante, mais il ne doit pas y
avoir d’échange d’informations avec les activités de l’avocat.
l’avocat peut structurer ses activités comme il le veut, pour autant que les choses soient
claires : telle société fait cette activité, telle autre fait telle activité, etc.
Il y a plusieurs solutions possibles. Dans une société simple, on peut imaginer un partage des
frais et bénéfices, ou seulement un partage des frais. La société en nom collectif et la SA
permettent aussi de faire des aménagements. Ce n’est donc pas une question très importante
car on peut vraiment structurer les bénéfices de manière très spécifique, comme on le veut.
Transmission de l’entreprise : il est beaucoup plus facile de faire entrer et sortir des
associés dans une personne morale
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forme acceptable pour des activités d’avocat. Il y a des études qui forment donc des SNC
sans le savoir car l’inscription au RC n’est pas constitutive. L’art. 567 III CO prévoit une
responsabilité de la société pour les actes illicites des associés. Toutefois, le TF estime que
même si les associés sont en SNC, il peut exister des mandats personnels, et donc pas de
responsabilité de la société. Attention aux études non intégrées : il existe des études qui
ont une raison sociale commune, même si les associés ne partagent que les locaux cela
fait croire qu’il s’agit d’une société en nom collectif, avec les conséquences qui en
découlent au niveau de la responsabilité.
Explications sur la SA : c’est la société anonyme qui reçoit le mandat du client. Mais en
matière judiciaire, une société ne peut pas se constituer comme avocat dans une activité de
monopole. Seul un avocat personne physique peut se constituer. Donc c’est la société qui
reçoit le mandat, mais l’avocat personne physique qui a la procuration. C’est donc la
société qui est responsable contractuellement, mais l’avocat personne physique est
responsable disciplinairement. La forme est intéressante pour la limitation de la
responsabilité, mais un Durchgriff n’est pas à exclure si tous les avocats sont
administrateurs et qu’on considère donc que c’est en fait comme une société de personne.
C. La gestion financière
1. Le financement de l’étude
2. La facturation
3. La comptabilité
L’avocat doit avoir 3 comptes : (1) compte personnel de l’étude, sur lequel sont reçus les
honoraires et avec lequel on fait les paiements ; (2) compte clients argent reçu pour les
clients dans l’exécution du mandat (éventuellement ouvert au nom de l’avocat via un
formulaire R) ; (3) compte provisions : la provision est l’avance sur l’exécution du mandat.
L’avocat va s’en servir pour compenser au moment où il émet sa facture d’honoraires. Avant
la compensation, l’argent n’appartient pas à l’avocat. Il faut clairement un compte différent
car la provision n’appartient pas à l’avocat. Donc le jour où l’avocat émet sa facture, il
compense en débitant le compte provision et le créditant sur le compte de l’étude.
1. La fiscalité
Ce qui est particulièrement complexe, c’est la TVA. Sont exclues de la TVA les activités
d’arbitre car ces activités sont en quelque sorte juridictionnelles (art. 21 II ch. 29 LTVA). En
ce qui concerne les provisions, la TVA doit être payée le jour où le client paie la provision,
même si ce n’est pas encore de l’argent de l’avocat. Donc la TVA se prélève au jour de la
réception de la provision. Donc si l’avocat veut une provision de CHF 10'000, il doit
demander CHF 10'000 + 8% car la TVA sera immédiatement déduite de ce versement.
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En ce qui concerne les prestations effectuées à l’étranger, le taux TVA est 0. Il faut que cette
prestation soit fournie envers quelqu’un qui réside à l’étranger. Il faut donc s’assurer de savoir
qui est le client (p. ex. étude étrangère qui me mandate pour le compte d’un résident en
Suisse). Ce qui est déterminant, c’est le lieu de facturation. Si la prestation est facturée à
Londres, la TVA n’est pas prélevée.
Le contrôleur TVA peut-il voir les dossiers qui ne sont pas soumis à la TVA ? Le contrôleur
doit se contenter de vérifier que le client est en effet domicilié à l’étranger. Il faut donc
caviarder le nom du client et donner des factures exemptes de toutes informations couvertes
par le secret. L’avocat ne peut donc pas opposer son secret complètement car il doit
démontrer que le client est domicilié à l’étranger.
1. L’assurance obligatoire selon l’art. 12 let. f LLCA pour les activités typiques
L’avocat doit avoir une assurance responsabilité civile de CHF 1'000'000 par an au minimum.
Mais si les activités de l’avocat concernent des montants très élevés, il faut s’assurer pour
beaucoup plus (couverture adéquate). La plupart des assureurs refuse d’assurer pour moins de
CHF 3'000'000 par an.
L’avocat doit donc s’assurer spécifiquement pour toutes ses activités atypiques (p. ex.
mandats d’administrateur). Les assurances refusent d’assurer les activités américaines et
canadiennes car les risques sont trop élevés.
En ce qui concerne les mandats de curateur, d’exécuteur testamentaire, etc., il est très
recommandé de s’informer auprès de l’assurance pour savoir si cette activité est bien
couverte. Il faut obtenir une confirmation écrite avant d’accepter le mandat.
G. Le marketing et la publicité
La publicité est permise. L’avocat a le droit de faire du marketing, mais pas de manière
excessive (cf. arrêts de l’enseigne lumineuse et du match de hockey).
3. L’art. 16 CSD
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4. Les moyens de publicité
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Droit de la profession d’avocat
20.05.2016
Ce cours est très proche de celui qui traitait de l’exécution du mandat. On rappellera un
certain nombre de principes et on analysera certains arrêts. Les manquements de l’avocat sont
susceptibles d’entraîner 3 types de conséquences : (1) sanctions disciplinaires (art. 17
LLCA) ; (2) action en responsabilité contractuelle ou délictuelle (art. 97 CO ou 41 CO) ; (3)
dans les cas les plus graves, des infractions pénales peuvent entrer en ligne de compte (abus
de confiance, blanchiment d’argent, escroquerie, etc.).
A. La responsabilité de l’avocat
1. La responsabilité contractuelle
L’avocat est un mandataire au sens de l’art. 394 CO. Les principes généraux de la
responsabilité sont applicables : (1) violation du devoir de diligence ; (2) faute (présumée) ;
(3) dommage ; (4) lien de causalité (art. 97 CO et 398 CO). En matière de contrat d’avocat,
les conditions les plus difficiles à établir sont le dommage et le lien de causalité (notamment
en matière de responsabilité pour omission). L’avocat ne garantit pas un résultat, mais une
activité diligente.
L’avocat doit en principe une obligation personnelle, mais il peut recourir à des auxiliaires
pour l’exécution du mandat. Le recours à des auxiliaires est permis voire indispensable. Par
contre, le client peut exiger que l’avocat exécute personnellement telle prestation (p. ex. le
client réclame que pour l’audience, ce soit l’avocat mandaté qui y aille, pas son collaborateur
dans ce cas, si l’avocat envoie son collaborateur, il viole son contrat). L’avocat est
responsable des actes de ses auxiliaires comme de ses propres actes (art. 101 CO).
i. Devoir d’information : cf. cas pratique n° 10 : Me Mortimer a-t-il commis une
faute ? Dans l’affirmative, quelles en sont les conséquences ? Me Mortimer a la
sensation initiale que sa cliente a très peu de chances de succès. Pourtant, il intente
l’action. C’est une faute : l’avocat a un devoir d’information. Il est un conseiller
juridique et doit donc informer son client de ses chances de succès. Le seul fait de dire
que son client l’a instruit d’intenter une action ne suffit pas : l’avocat devait renseigner
spontanément sa cliente sur ses chances de succès. C’est donc une violation du devoir
de diligence. Cette violation du devoir de diligence mène-t-elle à un dommage ? La
cliente est déboutée et condamnée à verser CHF 30'000 de dépens. Est-ce que cela
constitue un dommage ? Le devoir d’information fait que l’avocat doit renseigner son
client sur les risques financiers de la procédure judiciaire. Si l’on arrive à établir que
dûment informé, le client n’aurait pas intenté l’action, les frais judiciaires constituent
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un dommage causé par la faute de l’avocat (même si le comportement de l’avocat ne
cause pas en tant que tel les frais c’est la loi qui les « cause »).
Du coup, il faut prouver que l’on a informé le client sur les chances de succès et sur
les frais possibles de la procédure judiciaire. Il faut donc lui envoyer une lettre avec un
budget et les chances de succès. C’est très important d’avoir une lettre ou un email qui
permet de le prouver.
Question : l’avocat spécialiste encourt-il une responsabilité plus lourde que l’avocat
généraliste ? La diligence de l’avocat doit en principe être appréciée de manière
objective, mais on ne peut pas faire abstraction des aptitudes particulières du
mandataire que le mandant connaît ou aurait dû connaître. On pourrait donc en tirer
une certaine aggravation de la responsabilité de l’avocat spécialiste, s’il se présente
comme tel et que c’est pour cette raison que le client est venu le voir. Donc l’avocat
qui se présente comme spécialiste d’une certaine question risque d’encourir une
responsabilité plus lourde que l’avocat généraliste. Ces considérations valent surtout
pour les mesures urgentes. Donc le principe est que la diligence s’évalue de manière
objective, mais quand quelqu’un se présente comme spécialiste, on pourrait considérer
qu’il a une responsabilité accrue car il fait naître des attentes particulières chez son
mandant.
Risques de procès : les aléas de la procédure judiciaire sont assumés par le client car
l’avocat n’a qu’une obligation de diligence. L’avocat qui renseigne le client sur les
risques du procès et qui agit de manière diligente n’encourt aucune responsabilité,
même s’il perd le procès.
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exécuter le mandat fidèlement. Il se met dans une situation de conflit d’intérêts. C’est
un cas clair de responsabilité de l’avocat Attention aux conflits d’intérêts !!!
d) La violation du contrat
Violation de l’obligation de diligence : ATF 131 I 57 : un acte illicite est commis dans
les années 90. Le dommage est de 300 millions de dollars. La victime agit à deux jours de
la prescription. Elle agit contre B Company en paiement de CHF 300 millions. B
Company dit que c’est sa société sœur B Inc qui est débitrice. Donc la victime est
déboutée faute de légitimation passive. Et la prescription prend effet car l’instance n’a pas
été valablement introduite. La détermination exacte des parties est donc très importante !!!
Inobservation des délais : ATF doc. 4. Cet arrêt traite d’un licenciement abusif et des
indemnités en cas de licenciement abusif. Selon l’art. 336a CO, l’employé qui conteste
son licenciement doit faire valoir sa contestation au plus tard jusqu’à la fin du délai de
congé. Ensuite, il doit introduire action dans les 180 jours dès la fin du contrat pour
réclamer une indemnité (art. 336b CO).
En l’espèce, Madame est engagée par la filiale suisse d’une société américaine. Dès
qu’elle arrive en Suisse, Madame est licenciée. Madame veut demander une indemnité
pour licenciement abusif. Elle mandate un avocat pour ce faire. L’avocat suggère de
parvenir à un accord négocié. L’avocat va de l’avant dans les négociations. Ce faisant, il
omet d’agir dans le délai de péremption de 180 jours la prétention est donc périmée. La
cliente assigne l’avocat en responsabilité et gagne. L’avocat aurait dû agir dans les 180
jours. Donc : (1) Il ne faut pas oublier de sauvegarder les délais quand on négocie car la
négociation n’interrompt pas les délais ! (2) le TF dit que la liste de motifs abusifs de l’art.
336 CO n’est pas exhaustive, ce qu’il avait déjà dit dans des jurisprudences non publiées
l’avocat devait connaître cette jurisprudence non publiée !!! Donc ce n’est pas
seulement la jurisprudence publiée qui doit être connue.
Au niveau de la causalité, que se serait-il passé si l’avocat avait agi dans le délai (causalité
hypothétique car violation par omission) ? Incontestablement, Madame aurait obtenu une
indemnité pour licenciement abusif car son licenciement était contraire à la bonne foi.
Donc comme elle aurait obtenu cette indemnité, c’est l’avocat qui en répond.
Autre ATF : un employé est licencié. Il soutient que le licenciement est abusif. L’avocat
qui le défend ne demande pas d’indemnité pour licenciement abusif au sens de l’art. 336a
CO. Le client que dit que l’avocat est responsable car il lui a fait perdre cette indemnité. Il
faut se demander si l’employé aurait eu droit à une indemnité si l’avocat avait agi dans le
délai (causalité hypothétique). En l’espèce, le TF constate que le licenciement n’est pas
abusif et que le client n’aurait donc obtenu aucune indemnité. L’avocat a eu raison de ne
pas la demander car il était évident que le son client n’obtiendrait rien.
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L’inobservation des instructions du client : l’avocat est lié par les instructions de ses
clients, sauf si elles sont irraisonnables, illégales ou contraires aux règles de l’art.
Toutefois, l’avocat qui reçoit de telles instructions doit informer son client qu’il ne va pas
suivre les instructions pour ces raisons.
Le conseil inapproprié : l’avocat juge la situation au mieux et donne le conseil qui lui
semble le plus approprié. Quid si ce conseil se révèle au final inapproprié ? En principe,
l’avocat n’est pas responsable s’il a été diligent. La situation est différente si l’avocat a
conseillé à son client de commettre un acte illicite !!! En outre, si le conseil est à ce point
inapproprié, il peut constituer une violation du devoir de diligence.
Le défaut d’allégation en matière judiciaire : cf. cas pratique 28. Me Mortimer risque-
t-il quelque chose ? Premièrement, il faut rappeler que l’avocat peut déléguer l’exécution
du mandat à un auxiliaire, comme son stagiaire. Par contre, il répond des actes de ses
auxiliaires comme des siens propres (art. 101 CO). En l’espèce, le stagiaire a omis
d’alléguer à temps les faits permettant de retenir que la cliente n’était plus enrichie car elle
s’était dessaisie de bonne foi (cf. art. 64 CO). Donc l’avocat qui détecte que son client
n’est plus enrichi doit l’alléguer !!! L’avocat a violé son devoir d’allégation. Il répond des
actes de son stagiaire (art. 101 CO).
e) La faute
La faute est présumée en matière contractuelle. La faute n’a pas besoin d’être grave. Dès qu’il
y a manquement de diligence, il y a faute. En matière de mandat, les conditions de la violation
du contrat et de la faute se confondent car les deux correspondent à un manquement à la
diligence requise.
f) Le dommage
Prétention perdue par le client : l’avocat doit alléguer tous les éléments de fait qui
permettent de savoir quel est le résultat de l’acte illicite sur le patrimoine de la victime.
L’avocat qui n’invoque pas correctement le dommage de son client va obtenir un
jugement de déboutement au fond car le dommage n’est pas établi. Le client perd alors sa
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prétention en dommages-intérêts. En effet, si on est débouté une première fois, on ne peut
pas réintenter l’action alléguant plus précisément (autorité de la chose jugée).
Condamnation du client à payer une somme à un tiers : par exemple, l’avocat oublie
d’invoquer la prescription. Son client est donc condamné à payer alors qu’il aurait pu
refuser de le faire. Il ne faut donc pas omettre d’invoquer les exceptions/objections au
fond. En outre, voir le cas pratique n° 10 ci-dessus : l’avocat aurait dû dissuader son client
d’agir et donc on peut considérer que les dépens auxquels est condamné le client sont
causés par cette violation de l’avocat.
Les impôts et une amende peuvent-il constituer un dommage ? Exemple : l’avocat viole
son secret professionnel et révèle la fraude fiscale de son client. Son client subit un
redressement fiscal et une amende. Le client est donc condamné à payer ses impôts et à
payer une amende. Ces impôts et cette amende ne sont pas un dommage !!! En effet, les
impôts sont causés par l’obligation légale de payer ses impôts, pas par la violation
contractuelle de l’avocat. De même que l’amende. Donc pas de responsabilité
contractuelle de l’avocat. Par contre, l’avocat peut être condamné pénalement (art. 321
CP) et disciplinairement (art. 17 LLCA) pour violation du secret professionnel.
La situation n’est pas la même si l’avocat recommande une structure fiscale à son client
qui lui fait payer plus d’impôts que ce qu’il aurait dû payer dans ce cas, le surplus
d’impôt payé est un dommage car il est en lien de causalité avec le mauvais conseil de
l’avocat.
g) La causalité
Principe : le dommage doit être causé par l’acte de l’avocat. Cf. ci-dessus en cas de
violation
Donc par exemple : dans le cas vu plus haut, l’avocat omet d’agir dans le délai pour
demander une indemnité pour licenciement abusif (art. 336a-art. 336b CO). Il faut se
demander quel aurait été le résultat si l’avocat avait bien agi. Si on remarque que le client
aurait obtenu une indemnité, l’avocat est responsable. Si le client n’aurait obtenu aucune
indemnité, il n’y a pas de responsabilité (« procès dans le procès »).
2. La responsabilité délictuelle
Selon l’art. 100 CO, on peut exclure sa responsabilité contractuelle, sauf pour faute grave (art.
100 I CO). Les avocats ne tombent pas sous le coup de l’art. 100 II CO. Donc ils peuvent
limiter leur responsabilité, voire l’exclure, sauf en cas de faute grave. Mais en même temps, il
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paraît contradictoire d’exclure sa responsabilité alors que les avocats sont tenus de s’assurer à
hauteur de CHF 1'000'000.
B. Les sanctions
Une violation du contrat au sens de l’art. 398 CO constitue-t-elle une infraction disciplinaire
(art. 12 let. a LLCA) ? Selon le TF, toute violation du contrat ne constitue pas une
infraction disciplinaire. Il faut pour cela que le manquement soit significatif.
Une violation du contrat ne constitue donc pas forcément une infraction disciplinaire, sauf si
elle est significative (p. ex. inobservation d’un délai).
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Droit de la profession d’avocat
27.05.2016
L’autorité de surveillance
Tenue des registres (art. 5-6 LLCA) : les cantons doivent instituer un registre des avocats
auquel les avocats doivent s’inscrire pour pouvoir pratiquer la représentation en justice.
Quand la Commission siège avec ses 9 membres, il s’agit la Commission plénière. Le bureau
(président, vice-président et un 3e membre) a des compétences qui ont trait aux décisions à
prendre rapidement. Le président a des fonctions particulières. Enfin, le secrétariat a
également des attributions, notamment la vérification des conditions d’inscription des avocats
au registre.
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E. Les tâches de la Commission du barreau
La Commission du barreau est compétente pour la gestion des registres. L’art. 5 LLCA
n’oblige pas que cette fonction soit attribuée à l’autorité de surveillance. Cela peut être une
autre autorité. Mais à Genève, c’est la Commission du barreau.
La Commission du barreau tient : (1) le registre des avocats ; (2) le registre des avocats-
stagiaires (art. 28 LPAv : les avocats-stagiaires ne sont pas soumis à la LLCA ; c’est du droit
purement cantonal) ; (3) le tableau des avocats UE/AELE.
C’est la Commission du barreau qui vérifie que les conditions de l’art. 8 LLCA sont bien
réalisées (art. 29 LPAv). La Commission est donc compétente pour l’inscription au registre et
pour la radiation. Chaque canton possède sa propre procédure d’inscription.
En ce qui concerne les personnes morales, l’art. 10 II LPAv introduit une procédure
d’agrément des sociétés de capitaux d’avocats. Cette disposition cantonale est un peu contra
legem. Elle prévoit que l’exercice de la profession d’avocat sous la forme d’une société de
capitaux est soumis à l’agrément de la commission du barreau, qui s’assure du respect des
exigences du droit fédéral. Donc il y a vraiment une vérification préalable de la condition de
l’indépendance. La Commission du barreau a édicté un vade-mecum pour savoir comment
structurer une personne morale d’avocats de manière conforme à la LLCA et au principe
d’indépendance. L’ATF 138 II 440 laisse la question de la pluridisciplinarité ouverte. A
Genève, elle est exclue : il ne faut pas que des non-avocats aient un pouvoir de décision dans
la SA.
Peut-on obtenir une décision de constatation (art. 49 LPA) ? A savoir peut-on demander si les
conditions sont remplies avant de faire la demande d’inscription ? L’autorité administrative
n’est pas là pour fournir des avis de droit, mais l’art. 49 LPA prévoit que l’autorité
compétente peut donner suite à une demande de constatation si le requérant rend
vraisemblable qu’il a un intérêt juridique personnel et concret digne de protection. Par
exemple, avant l’ATF 138 II 440, il était controversé de savoir si des avocats pratiquant au
sein de personnes morales pouvaient être inscrits au registre, donc la CACJ a estimé qu’il y
avait un intérêt à demander la constatation comme quoi les conditions d’inscription étaient
remplies.
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mais la constatation que les conditions d’inscription ne sont plus remplies. L’autorité de
surveillance n’a aucun pouvoir d’appréciation : si la condition n’est plus remplie, elle doit
radier l’avocat. Dès que la commission du barreau a estimé que l’infraction n’était pas
compatible avec la profession d’avocat, elle doit radier l’avocat. NB : toute infraction grave
peut entraîner la radiation, même si elle n’a pas de rapport avec la profession d’avocat. Il n’y
a pas besoin que l’infraction ait été commise dans le champ des activités professionnelles de
l’avocat.
Les art. 127 et 159 CPP prévoient que toute personne prévenue auditionnée par la police ou
par le MP doit pouvoir disposer d’un avocat. L’art. 8A LPAv a donc mis en place une
permanence des avocats de la première heure.
Selon l’art. 8 LPAv, l’avocat nommé d’office ne peut refuser son ministère ou mettre
unilatéralement un terme à son mandat sans justifier d’un motif légitime d’excuse, le motif
avancé devant être admis par un membre avocat de la commission du barreau, désigné par
celle-ci. Ce membre est soumis à cet effet au secret professionnel.
Donc le principe est que l’avocat nommé d’office doit accomplir son mandat. Toutefois, il
peut refuser une nomination d’office s’il a un motif légitime d’excuse, admis par un membre
avocat de la Commission du barreau.
Ce système n’est pas conforme à l’art. 134 CPP : si la confiance entre l’avocat et le prévenu
est rompue, la direction de la procédure peut le révoquer et le remplacer. Donc l’avocat qui a
perdu confiance dans son client doit s’en ouvrir au procureur. C’est spécial.
L’art. 321 CP sanctionne celui qui viole le secret professionnel, tout en prévoyant qu’il n’y a
pas d’infraction si la personne a été relevée de son secret. L’art. 321 CP ne prévoit pas par qui
ni à quelles conditions un avocat peut être délié. L’art. 13 LLCA prévoit également la
possibilité d’être délié, mais il ne prévoit ni l’autorité compétente, ni les conditions de la
levée.
76
L’art. 12 I LPAv prévoit un rappel inutile : l’art. 13 LLCA prévoit déjà le secret
professionnel. L’art. 12 II LPAv prévoit que l’avocat peut être délié par le client ; c’est
également un rappel inutile. Même délié, l’avocat n’est pas obligé de témoigner.
A Genève, c’est la Commission du barreau qui est compétente pour se prononcer sur la levée
du secret professionnel (art. 12 III LPAv). La décision de la Commission n’est selon la loi pas
sujette à recours : c’est bien entendu faux. Un recours à la CACJ est possible (art. 132 II
LOJ).
L’art. 12 IV LPAv prévoit les conditions pour la levée du secret : l’autorisation n’est délivrée
que si la révélation est indispensable à la protection d’intérêts supérieurs publics ou privés. Il
faut donc des intérêts importants (voir la jurisprudence de la Commission du barreau à ce
sujet).
La procédure de levée du secret est subsidiaire à l’accord du client. Donc si le client consent à
la levée du secret, il n’y a pas besoin de solliciter une décision de la Commission.
Document 13 cours 11 : l’art. 12 III LPAv prévoit que la décision de la Commission refusant
la levée du secret n’est pas sujette à recours. La CACJ considère que cette disposition est
contraire à la Constitution, à la CEDH et à la LTF. Elle n’est donc pas applicable.
Seul l’avocat peut demander la levée de son secret. Aucun tiers ne peut demander à la
Commission du barreau de délier un avocat de son secret, même s’il a un intérêt particulier.
L’idée est la suivante : l’avocat, même délié, peut refuser de parler. Donc il serait vain que
des tiers puissent initier cette procédure.
Droit d’être entendu du client : quand l’avocat demande la levée du secret mais que son client
n’est pas d’accord, le TF a estimé que le client a le droit d’être entendu. Certains cantons le
prévoient directement dans la loi, pas Genève, mais c’est un principe jurisprudentiel. Il se peut
que la personne qui s’oppose à la levée prétende être cliente, mais ne le soit pas. Dans ce cas,
le droit d’être entendu est difficile à mettre en œuvre.
7. L’exercice de la discipline
L’art. 43 LPAv prévoit les « manquements aux devoirs professionnels » prévus par les art. 12
et 13 LLCA. Selon l’art. 43 I LPAv, la commission du barreau statue sur tout manquement
aux devoirs professionnels. Si un tel manquement est constaté, elle peut, suivant la gravité du
cas, prononcer les sanctions énoncées à l’art. 17 LLCA procédure disciplinaire. La
procédure disciplinaire a pour but d’assurer l’exercice conforme de la profession, de protéger
la confiance en les avocats et ainsi de protéger un intérêt public. Le but de la procédure
disciplinaire ne protège pas les intérêts particuliers d’éventuels clients lésés.
L’art. 43 III LPAv prévoit que la commission du barreau peut prononcer des injonctions
propres à imposer à l’avocat le respect des règles professionnelles voie des injonctions (p.
ex. interdire à un avocat de continuer à représenter un client dans une procédure en cas de
conflit d’intérêts). La LLCA ne prévoit aucune disposition permettant à l’autorité de
surveillance de prononcer des injonctions, soit des ordres donnés aux avocats. Toutefois, il
serait illogique que l’autorité de surveillance, en cas de manquement aux règles
professionnelles, ne puisse pas prononcer une injonction et doive attendre que le manquement
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prenne fin pour le sanctionner (qui peut le plus peut le moins). Donc il est admis par la
jurisprudence que l’autorité de surveillance peut prononcer des injonctions à l’égard des
avocats, essentiellement dans le domaine des conflits d’intérêts.
Exemple : un avocat accepte un mandat contre un ancien client. Ce dernier est furieux et
demande à l’autorité de surveillance : (1) de sanctionner l’avocat (procédure disciplinaire) ; et
(2) de lui interdire de postuler (de représenter la partie en cause).
La procédure n’est pas du tout la même pour la procédure disciplinaire et pour la procédure
d’injonction. Le dénonciateur qui porte à la connaissance de l’autorité de surveillance une
violation des règles professionnelles n’a aucun droit de partie, aucun droit de recours, etc. en
ce qui concerne la procédure disciplinaire. Par contre, quand une personne demande à
l’autorité de surveillance de prononcer une injonction à l’égard d’un avocat pour protéger ses
intérêts propres, elle acquiert les droits des parties : elle peut recourir contre la décision de
l’autorité si elle n’obtient pas gain de cause (ATF 138 II 162).
Pour B. Chappuis, le débat se pose différemment au civil et au pénal. Au civil, c’est normal
que le juge, en tant que personne neutre, puisse interdire à un avocat de postuler. Au pénal, il
trouve choquant que ce soit le procureur qui puisse interdire à un avocat de postuler.
Toutefois, c’est la solution qui se dessine.
Recours :
Une personne se plaint auprès de l’autorité de surveillance. Elle demande à ce qu’il soit fait
interdiction à un avocat de postuler. L’autorité statue. Qui peut recourir contre cette décision ?
(1) l’avocat évincé ; (2) son client ; (3) la personne qui a dénoncé, si elle a des intérêts propres
et qu’on lui a donc reconnu la qualité de partie (p. ex. l’ancien client).
Cette décision est une décision incidente. Peut-on recourir au TF ? Selon l’art. 93 I let. a LTF,
il faut que la décision soit susceptible de causer un préjudice irréparable. Selon le TF, il est
évident qu’il y a un préjudice irréparable si l’on fait interdiction à un avocat de postuler. Donc
du moment qu’une interdiction de postuler est prononcée contre un avocat par une autorité
cantonale, cette décision peut être l’objet d’un recours immédiat.
La situation est différente devant les autorités fédérales : si c’est le MPC qui prononce
l’interdiction de postuler, cette décision peut faire l’objet d’un recours devant la Cour des
plaintes du TPF. En revanche, la décision de la Cour des plaintes prise sur recours ne peut pas
faire l’objet d’un recours au TF (art. 79 LTF : car il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte).
C’est assez choquant : la décision d’interdiction de postuler prononcée par le MPC ne peut
pas être soumise au TF !
Mesures provisionnelles :
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Selon l’art. 43 III LPAv, la commission du barreau peut prononcer des injonctions propres à
imposer à l’avocat le respect des règles professionnelles. En cas d’urgence, le bureau de la
commission est compétent pour prononcer des mesures provisionnelles ; l’avocat faisant
l’objet d’une injonction prononcée par le bureau peut demander que la mesure soit soumise à
la commission plénière. Donc le bureau (président, vice-président + 3e membre) peut
prononcer une interdiction de postuler à titre provisionnel, en cas d’urgence. L’avocat évincé
peut demander ensuite une décision sur le fond à la Commission du barreau statuant en
plénière.
F. La procédure disciplinaire
Compétence : selon l’art. 42 I LPAv, les avocats inscrits au registre cantonal sont soumis,
sans préjudice des règles de droit commun, à la surveillance de la commission du barreau
seuls les avocats inscrits au registre sont soumis à l’autorité de surveillance !!!
Arrêt 8 : une avocate tessinoise est associée avec un autre avocat. Ces avocats se séparent.
Cette avocate écrit des lettres injurieuses à son ancien associé, sur son papier-à-lettre
d’avocat. La Commission tessinoise la sanctionne car elle considère que c’est une activité
en lien avec la profession d’avocat. Donc l’autorité de surveillance a un pouvoir
considérable.
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avoir donné à l’intéressé l’occasion d’être entendu, elle peut, le cas échéant, rapporter
l’interdiction. Les décisions d’interdiction de pratiquer sont publiées (art. 47 LPAv).
G. Les sanctions
Les sanctions sont prévues à l’art. 17 LLCA. Le fait pour un avocat de ne pas respecter un
délai (p. ex. le délai de péremption de 30 jours pour demander une indemnité pour
licenciement abusif) est une faute grave. La Commission du barreau peut sanctionner l’avocat
dans un tel cas.
Mais en principe, l’avocat qui omet un délai doit être sanctionné pour violation de l’art. 12 let.
a LLCA (sans préjudice d’une éventuelle action en responsabilité du client).
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