Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Figures du maître - Chapitre III. La relation entre maître et disciple dans le soufisme : une relation
exigeante - Presses universitaires de Rennes (openedition.org)
RÉSUMÉ TEXTE NOTES AUTEUR
RÉSUMÉ
S’appuyant sur des fondements coraniques, la relation initiatique entre maître et disciple est
constitutive de la démarche soufie : le parcours de la « Voie », qui mène de l’ego au Soi, est
périlleux, car il révèle l’illusion et les projections dans lesquelles vit la conscience humaine
ordinaire. Le cheikh soufi est donc un compagnon, un « accoucheur », un miroir du « maître
intérieur », etc. En vérité, cette relation évolue en fonction du lieu et de l’époque ; puisant dans la
complexe psychologie soufie, elle détermine des attitudes très variées.
TEXTE INTÉGRAL
1 IBN ‘ARABÎ, Futûhât makkiyya, éd. Sader, 4 vol. , Beyrouth, s. d., II,
366.
1« C’est par Dieu qu’on connaît les maîtres et non par les maîtres
qu’on connaît Dieu1 », cette affirmation du grand soufi Ibn ‘Arabî
(m. 1240) ne dispense pas le novice de se mettre en quête d’un
maître. Le parcours de la Voie, c’est-à-dire le périple intérieur
conduisant l’homme prisonnier de son ego à l’état potentiel de
l’« Homme universel », comporte en effet trop de tribulations et
de périls pour être accompli seul. Très tôt, les cheikhs ont
recommandé aux aspirants de se placer sous l’obédience d’un
guide spirituel (murshid)2. Un des premiers grands soufis, Abû
Yazîd Bistâmî, disait en ce sens : « Qui n’a pas de guide a Satan
pour guide ». « Sans éducateur, je n’aurais pas connu mon
Seigneur », affirme un célèbre adage (law lâ al-murabbî ma
‘araftu rabbî). Le maître extérieur n’est que le miroir du « maître
intérieur », du Soi vers lequel doit évoluer le soi, et le disciple
éclairé peut trouver matière à enseignement dans toute la
création. Il ne peut pour autant se passer d’un cheikh. Celui-ci
s’impose par la situation d’exil dans laquelle se trouve l’homme
ici-bas. Dans l’histoire du soufisme, même les saints « inspirés »
ou extatiques ont eu un guide terrestre. Le novice qui prétend
suivre la Voie sans maître est comme le malade qui veut se
soigner sans médecin. Le cheikh est à la fois médecin des âmes,
médiateur entre Dieu et l’homme, support de contemplation pour
son disciple.
3 KHARAQÂNÎ, Paroles d’un soufi, traduction du persan par C. TORTEL,
Paris, Le Seuil, 1998, p. 65.
7 GHAZÂLÎ, Ihyâ’ ‘ulûm al-dîn, Beyrouth, Dâr al-ma ‘rifa, 1983, III, 65.
6La vénération du soufi pour son cheikh n’est qu’un support, qui
témoigne de celle qu’il porte au Prophète, et de l’adoration qu’il
voue à Dieu. Pour autant, les critiques des exotéristes se
conçoivent aisément lorsqu’elles visent des disciples se
prosternant devant leur cheikh, ce qui a dû se produire. Les
maîtres authentiques condamnent également ce type de
comportement, même s’ils peuvent en justifier la symbolique ; ils
rappellent que le guide spirituel n’est que « prémuni » (mahfûz)
contre les péchés, tandis que le prophète jouit de l’impeccabilité
(‘isma). Les exotéristes ont critiqué une autre attitude qui prête à
équivoque, et qui n’est apparue que vers le XVII siècle,
e
Un seul maître
11 SHA‘RÂNÎ, al-Anwâr al-qudsiyya, Le Caire, Maktabat al-ma‘ârif, 1985, I,
p. 187.
7 GHAZÂLÎ, Ihyâ’ ‘ulûm al-dîn, Beyrouth, Dâr al-ma ‘rifa, 1983, III, 65.
15 Ibidem, I, 173.
AU