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Les Cahiers n°207 - Février 2017

ACTU : LE SNOF POUR L’OUVERTURE


DE 100 POSTES SUPPLÉMENTAIRES
PAR AN EN OPHTALMOLOGIE

LUMIÈRE BLEUE : CONSIDÉRER


LE SPECTRE DES DIFFÉRENTES
SOURCES LUMINEUSES
www.cahiers-ophtalmologie.fr - 10 € TTC -

COMMENT CHOISIR UN LOGICIEL


D’ADAPTATION

ATROPHIE OPTIQUE : UN EXAMEN


CLINIQUE RIGOUREUX POUR ORIENTER
LA DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

LE SYNDROME DES TACHES BLANCHES


ÉVANESCENTES OU MEWDS

DOSSIER : OCT-ANGIOGRAPHIE, LE POINT SUR LES ATOUTS


ET LES LIMITES DE CETTE TECHNIQUE
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Comité scientifique
Jean-Paul Adenis (Limoges)
Tristan Bourcier (Strasbourg)
Antoine Brézin (Paris)
Editorial L’OCT-angiographie
Béatrice Cochener (Brest)
Danielle Denis (Marseille)
Philippe Denis (Lyon)
Serge Doan (Paris)
Pascal Dureau (Paris)
Eric Frau (Paris) e succès de l’OCT-angiographie n’a encore pas été
Alain Gaudric (Paris)
Yves Lachkar (Paris)
François Malecaze (Toulouse)
Pascale Massin (Paris)
Christophe Morel (Marseille)
L démenti cette année, comme en a témoigné le succès
du meeting centré sur cette technologie qui eut lieu
à Rome les 16 et 17 décembre derniers. Simple effet de
Pierre-Jean Pisella (Tours) mode ou réelle révolution de nos pratiques ? Nous ferons le
Eric Souied (Créteil) point dans ce dossier sur les atouts et les limites de cette
Ramin Tadayoni (Paris)
Comité de rédaction technique.
Florent Aptel (Grenoble)
Dominique Bremond-Gignac (Paris) Si la place de l’angiographie à la fluorescéine est toujours prépondérante
Catherine Creuzot-Garcher (Dijon) aujourd’hui en rétine médicale, il est fort à parier que l’OCT-angiographie verra
Pierre Fournié (Toulouse)
Aurore Muselier (Dijon)
sa place grandir dans notre pratique clinique quotidienne, avec l’amélioration
Véronique Pagot-Mathis (Toulouse) des algorithmes et logiciels de traitement d’images. Dans un futur très proche,
Catherine Peyre (Paris) la possibilité de corriger les projections vasculaires et l’obtention d’images de
Maté Streho (Paris)
Cyrille Temstet (Paris) plus grand champ va sans aucun doute permettre à l’OCT-angiographie de
Catherine Vignal-Clermont (Paris) remplacer l’angiographie à la fluorescéine dans plusieurs indications.
Benjamin Wolff (Paris)
Directeurs scientifiques Mais la lecture des images est-elle simple ? Précision et méfiance sont de
Segment antérieur : Vincent Borderie
Segment postérieur : Aude Couturier rigueur pour identifier les erreurs de segmentation et artéfacts de projection
Rédacteurs en chef présents en OCT-angiographie. Ainsi, Adil El Maftouhi et Maddalena Quaranta-
Segment postérieur : Vincent Gualino El Maftouhi nous donneront les clés pour dompter ces nouvelles technologies,
Tél. : 05 63 03 03 04
Segment antérieur : Thomas Gaujoux à la fois dans la réalisation des images mais également dans leur interprétation.
Directeur de la publication
Christian Guy L’intérêt de l’OCT-angiographie dans le diagnostic et le suivi de la DMLA néo-
contact@cahiers-ophtalmologie.com vasculaire ne fait plus de doute aujourd’hui et l’équipe d’Eric Souied de Créteil
Secrétaire de rédaction
nous éclaire sur les principaux éléments à connaître pour diagnostiquer et
Michèle Dali
m.dali@cahiers-ophtalmologie.com suivre des néovaisseaux choroïdiens.
Rédactrice
Fabienne Rigal Intérêt de l’OCT-angiographie aussi, pour nous aider à différencier une pous-
Régie publicité sée inflammatoire d’une lésion néovasculaire dans la choroïdite multifocale.
Corine Ferraro SARL DifuZion Le diagnostic peut donc devenir une véritable enquête dont les indices, orien-
GSM : 07 88 11 95 57
c.ferraro@difuzion.fr tant vers une cause inflammatoire pure, néovasculaire ou bien mixte, seront à
Maquettiste rechercher sur les différents examens d’une imagerie multimodale, tel que
Cécile Milhau : 06 26 79 16 43
c.milhau@editorial-assistance.fr nous le décrit Sarah Mrejen.
Abonnements
Nathalie Le Comte : 01 42 47 80 69 Intérêt de l’OCT-angiographie encore, dans les pathologies rétiniennes
abonnements@ppimedias.com ischémiantes, bien sûr, au premier rang desquelles se situe la rétinopathie
Bulletin d’abonnement page 41 diabétique. Malgré certaines limites, les promesses de cette technique sont
Comptabilité
Isabelle Chong : 01 42 47 80 74 tenues pour nos patients diabétiques, comme nous l’expose l’équipe de
isabellechong@ppimedias.com J.-F. Korobelnik et M.-N. Delyfer.
Intérêt de l’OCT-angiographie toujours dans cette autre pathologie isché-
www.cahiers-ophtalmologie.com miante, rare et sévère, qu’est la rétinopathie radique. Sarah Tick nous révélera
sont édités par ainsi l’intérêt de cette imagerie pour le diagnostic mais aussi le pronostic de la
PROMOTION PRESSE
INTERNATIONALE rétinopathie radique.
7ter, Cour des Petites Ecuries
75010 Paris Au fil de ces exposés, nous verrons que l’imagerie de la rétine a encore de
Tél. : 01 42 47 12 05 Fax : 01 47 70 33 94 belles heures devant elle, en espérant qu’elle saura à l’avenir nous révéler
encore bien des secrets sur la physiopathologie des affections rétiniennes.

ISSN : 1260-1055 Aude Couturier,


Dépôt légal à parution AP-HP Lariboisière, Paris
Impression
KMC Graphic
11 rue Denis Papin - ZA des 50 Arpents
77680 Roissy-en-Brie n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 1
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Couverture : A. El Maftouhi,
L. Jeanjean,
M. Quaranta-El Maftouhi,
Sommaire n°207 - Février 2017
S. Tick

Les Actualités
04 Le snof pour l’ouverture de 100 postes supplémentaires par an en ophtalmologie
05 Numérique : les médecins bien équipés et utilisateurs au quotidien
Cahier Optique
11 Effet de la lumière bleue sur la physiologie oculaire
Thomas Gaujoux

Cahier Contactologie
14 Logiciels d’adaptation : sont-ils fiables ?
Jean-Philippe Colliot

Cahier Clinique
20 Découverte d’une atrophie optique. Que faire en pratique ?
Luc Jeanjean

24 Vision entoptique : « C’est quoi exactement ? »


Jacques Chofflet

Présentation de l’interne
28 Un MEWDS
Prisca Loganadane, Maher Saleh

Dossier : L’OCT-angiographie
Éditorial et coordination : Aude Couturier

30 4e congrès international d’OCT-angiographie de Rome


Aude Couturier

35 Optimiser son acquisition en OCT-angiographie


Adil El Maftouhi, Maddalena Quaranta-El Maftouhi

42 OCT-angiographie et DMLA : comment reconnaître et suivre


un néovaisseau choroïdien ?
Alexandra Miere, Oudy Semoun

46 Apports de l’OCT-angiographie dans la choroïdite multifocale


Sarah Mrejen

50 Quel apport de l’OCT-angiographie dans la maculopathie diabétique


et la rétinopathie diabétique ?
Marc Govare, Marie-Noëlle Delyfer, Marie-Bénédicte Rougier, Jean-François Korobelnik

53 OCT-angiographie et rétinopathie radique


Sarah Tick, Adil El Maftouhi

Publirédactionnel
13 Vision et conduite : l’optique ophtalmique à l’épreuve
des exigences visuelles de notre sécurité routière
Raphaël Amar
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Actualités

Vie professionnelle

Le SNOF entre en campagne


Le Syndicat des ophtalmologistes de France (SNOF)
s’invite dans la campagne présidentielle. « Les
Français en ont assez d’attendre 100 jours pour un
rendez-vous chez leur ophtalmologiste, et ils ne
sont pas prêts à renoncer à des soins de qualité
pour autant », commente Thierry Bour, président
du SNOF, dans la campagne de communication
lancée le 31 janvier (soit cent jours avant le premier
tour de l’élection présidentielle) et intitulée « Objectif
zéro délai en 2022 ».
Le Syndicat s’appuie sur les résultats du sondage commandé
à Yougov* : 57% des Français souhaitent que les candidats
à la présidentielle s’engagent sur la question des délais
d’attente en ophtalmologie. Pour 43% du panel inter-
rogé, la solution prioritaire pour remédier durable-
ment aux délais d’attente est de débloquer le numerus
clausus. Suivent une meilleure gestion des rendez-vous
(citée à 22%) et le développement du travail aidé (14%).
Former plus d’ophtalmologistes pour compenser les dé-
parts en retraite, afin d’enrayer la pénurie (actuellement,
1 ophtalmologiste sur 2 partant en retraite n’est pas
remplacé), c’est ce que souhaite le SNOF.
Un vœu rappelé dans la pétition qui sera remise à
tous les candidats à la présidentielle : « Je souhaite
que les candidats à la présidentielle s’engagent sur de médecine pour la spécialité “ophtalmologie”, afin de
l’ouverture de 100 postes supplémentaires dans les facultés passer de 150 à 250 nouveaux ophtalmologistes par an et
équilibrer les départs en retraite. »
*L’enquête a été réalisée sur 1 004 personnes représentatives de la
population nationale française âgée de 18 ans et plus. Le sondage
La pétition est en ligne : https://www.change.org/o/
a été effectué en ligne, sur le panel propriétaire YouGov France, du syndicat_national_des_ophtalmologistes_de_france
3 au 4 janvier 2017 selon la méthode des quotas. Source : SNOF

Les fraudes à l’Assurance maladie ont progressé de 46% en cinq ans


Le dernier bilan de la des contrôles donc des ce bilan, leur responsabi- listes, taxi, chirurgiens-
Délégation nationale de investissements dans la lité est engagée à près de dentistes, opticiens,
lutte contre la fraude lutte contre la fraude. 131 M€. D’après le laboratoires et médecins
(DNLF) fait ressortir une Le nombre d’escroqueries rapport de la DNLF, les omnipraticiens représen-
augmentation de 18% des n’augmenteraient pas professions qui enregis- tent chacun 1 à 2% des
fraudes détectées et mais elles seraient mieux trent le plus de cas cas de fraude. Outre le
stoppées en un an (entre décelées. Dans le détail, frauduleux seraient renforcement des
2014 et 2015) par l’Assu- les fraudes administra- les infirmiers (55%), contrôles, 6 512 actions
rance maladie, pour un tives liées aux arrêts de les fournisseurs (23%), contentieuses ont été
montant de 231,5 M€. travail comptent pour les pharmaciens (7%), engagées en 2015 dont
Cette forte progression, 12,4 M€. Les profession- les masseurs-kinésithéra- 189 plaintes déposées
observée depuis une nels de santé, les trans- peutes (5%) et les trans- devant l’Ordre des
décennie par la DNLF, porteurs et les fournis- porteurs sanitaires (4%). médecins.
a mené au renforcement seurs sont pointés dans Les médecins spécia- Source : Le Quotidien du médecin

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Actualités

Numérique : les médecins bien équipés et La gestion du tiers payant


utilisateurs au quotidien en pharmacie : de plus en
La place des technologies numériques a fortement augmenté pour la plus chronophage
quasi-totalité des médecins. Les résultats de l’enquête IPSOS* réalisée L’Union des Syndicats de pharmaciens
pour l’Agence française de la santé numérique (ASIP) vont dans ce d’officine (USPO) révèle les résultats
sens. Les libéraux sont plus de 95% à disposer d’un logiciel informa- d’une enquête menée en décembre
tique pour la gestion des patients, et 94% des généralistes l’utilisent 2016 sur la gestion du tiers payant
au quotidien contre 87% des spécialistes. Un praticien sur deux déclare avec l’Assurance maladie et les
utiliser des technologies digitales dans la relation régulière avec ses complémentaires santé. L’USPO a
confrères et 68% pour transmettre les données d’un patient à un obtenu 503 réponses à des questions
autre professionnel de santé. d’appréciations qualitatives et à une
Interrogés sur leurs attentes, trois quarts des sondés estiment que le évaluation des coûts cachés du tiers
numérique doit permettre de « diminuer la redondance de certains payant en pharmacie (décembre 2016).
actes ou examens médicaux ». 69% des spécialistes et 55% des gé- Ces résultats ont été comparés à ceux
néralistes espèrent une « amélioration de la coopération entre la ville d’une enquête USPO menée en 2007
et l’hôpital ». avec une méthodologie identique.
Si seul un tiers des sondés s’estime bien formé à l’utilisation de son Le temps moyen passé par l’équipe
propre système ou logiciel informatique, la majorité du panel semble officinale a augmenté de 10% en dix
prête pour le web 3.0, celui des objets connectés. ans, et équivaut à 932 heures par an.
Parmi les réserves formulées, la modification de la nature des rela- Côté coût, soit compris entre 13 246
tions avec leurs patients : 44% des spécialistes et 40% des généralistes euros (préparateur) et 28 601 euros
pensent qu’elles pourraient se dégrader en se déshumanisant. Ils crai- (pharmacien), l’augmentation en dix
gnent également la rupture de confidentialité par la fuite des données ans est de 6%. Une gestion qui ne
de santé. s’est pas simplifiée depuis dix ans
mais plutôt étoffée avec de plus en
*Enquête réalisée par Internet auprès de 253 généralistes libéraux et 250 spécia-
listes hospitaliers entre le 11 et 23 janvier et selon la méthode des quotas. plus de télétransmissions, la mise
Source : Le quotidien du medecin à jour des cartes Vitale et la gestion
des réclamations.

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 5


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Actualités

20% des dépenses de santé seraient Accès aux données de santé :


inefficientes en Europe ouverture encadrée en avril
Le 17 janvier dernier, les ministres de plus de 35 pays de Le système national des données de santé (SNDS)*
l’OCDE* ou pays partenaires se sont rencontrés à Paris, est une base de données rassemblant des infor-
pour échanger leurs idées, leurs ambitions et les défis aux- mations sur le parcours de santé des Français :
quels ils font face. Comment lutter contre l’inefficience des consultations chez le médecin et chez les autres
dépenses de santé et le gaspillage était au programme des professionnels de santé, prescriptions de médica-
questions traitées. ments, hospitalisations, causes médicales de décès.
On dépense beaucoup et pas forcément utilement en ma- Le décret publié le 28 décembre en donne les condi-
tière de santé en Europe. Selon le rapport de l’organisation, tions et modalités d’accès à compter du 1er avril 2017.
un cinquième des dépenses totales de santé, qui pèsent Quels sont les acteurs publics ou privés qui pourront
9% du PIB des pays de l’OCDE, n’apportent aucune diffé- bénéficier du SNDS ? Tous les organismes ayant
rence à l’amélioration de l’état de santé de la population. À besoin d’accéder fréquemment à ces données pour
qui la faute ? « Les patients, prestataires, gestionnaires et accomplir une mission de service public. Il s’agit par
autorités de contrôle ont tous leur part de responsabilité exemple de l’Agence nationale de sécurité du médica-
dans ce gaspillage », dénonce Francesca Colombo, chef de ment et des produits de santé (ANSM), de la Haute
la division santé à l’OCDE. autorité de santé (HAS), de Santé publique France, ou
La surprescription d’antibiotiques (ni en Belgique ni en encore des chercheurs au sein des CHU qui auront un
France où elle est pourchassée) est une des causes : la accès permanent.
moitié des antibiotiques prescrits dans l’ensemble des pays Tous les autres organismes, publics ou privés,
de l’OCDE ne serait pas nécessaire. La part des génériques devront demander une autorisation à la Commission
(taux de pénétration) varie de « 10 à 80% » selon les pays. nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Egalement, les produits pharmaceutiques jetés, une mau- L’Institut national des données de santé sera l’inter-
vaise gestion des stocks ou encore le manque d’observance locuteur unique pour simplifier les démarches, enre-
des traitements participent à ce gaspillage. L’OCDE s’inter- gistrer les demandes et accompagner les utilisateurs.
roge aussi sur les pratiques médicales qui se révèlent La confidentialité des données personnelles sera pré-
hétérogènes (aussi bien dans le nombre d’interventions servée (pseudonyme par procédé cryptographique).
chirurgicales que d’IRM prescrites pour lombalgies ou de Dès 2018, le SNDS sera enrichi de données médico-
césariennes). Pour réduire le gaspillage, « il faut changer les sociales. En 2019, un échantillon de données fournies
comportements en commençant par convaincre les patients par les assureurs complémentaires permettra de
de ne pas se précipiter aux urgences », préconise le rapport. réaliser des études sur le reste à charge.
Jusqu’à 56% des visites aux urgences seraient inutiles dans
*Le SNDS a été créé suite à la loi du 26 janvier 2016 de
certains pays ! modernisation de notre système de santé.
Source : site ministère santé
*Organisation de coopération et de développement économiques.
Source : Le Quotidien du médecin

Prévention

Suivi du glaucome à distance : quelle efficacité ?


Face au vieillissement de la et une infirmière spécialisée ces derniers ont été reçus consultation « virtuelle » n’a
population et au manque de ont examiné 204 patients, par un ophtalmologiste spé- pas permis de remarquer le
praticiens, la consultation à dont 43% présentaient un cialisé. Un an plus tard, ce besoin d’un suivi accéléré,
distance semble l’avenir – glaucome à angle ouvert, même spécialiste a examiné par rapport à la consultation
d’un point de vue pratique. 29% une hypertension les formulaires initialement en direct. Et dans 1% des
Mais est-elle aussi efficace oculaire et 16% « une suspi- remplis (pour éviter qu’il ne cas seulement, une mau-
et sûre qu’une consultation cion de glaucome ». se souvienne de sa décision vaise classification du pa-
en face-à-face ? Une étude Ces professionnels ont rem- prise lors de la consulta- tient a eu lieu. Les auteurs
britannique s’est penchée pli un formulaire compre- tion). Les deux diagnostics soulignent que ce faible
sur le cas particulier du nant les informations cli- effectués ont été comparés. taux, combiné à la nature
glaucome. Trois techniciens niques de ces patients. Puis Dans 3,4% des cas, la lentement progressive du 

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Actualités
 glaucome et au fait que Traitements
les patients sont régulière-
ment évalués, fait de cette
Amélioration de Pas d’amélioration avec un anti-VEGF :
« clinique virtuelle » une
option sûre et viable d’un
l’acuité visuelle faut-il vraiment switcher ?
point de vue logistique, pour par aflibercept après En cas de DMLA néovasculaire ou d’OMD, la norme
des patients bien choisis. un traitement par est de changer d’anti-VEGF face à un patient non-
Source : Clarke J, Puertas R, Kotecha
A, Foster PJ, Barton K. Virtual clinics
photocoagulation ? répondeur. Mais les preuves de l’intérêt de ce switch
in glaucoma care: face-to-face versus
Une analyse post-hoc des deux ne sont pas confondantes, d’après les données de
remote decision-making. Br J
Ophthalmol. 2016. doi:10.1136/bjoph-essais cliniques randomisés de deux essais cliniques, l’un sur la DMLA (CATT), l’autre
thalmol-2016-308993. sur l’OMD (DRCR.net). Les auteurs ont en effet évalué
phase III VISTA et VIVID a étudié
les résultats anatomiques et les résultats d’acuité visuelle et d’épaisseur réti-
L’exposition fonctionnels de l’ablibercept nienne chez des patients non-répondeurs qui ne
aux UVB associée dans un sous-groupe de pa- changeaient pas de traitement (bevacizumab ou
à une réduction du tients atteints d’œdème macu- ranibizumab dans l’essai CATT, et ranibizumab dans
laire diabétique (OMD), traités l’essai DRCR.net).
risque de myopie
uniquement par laser macu- Et ils ont observé des améliorations en dépit du
D’après une analyse laire (groupe témoin) et ayant maintien de ce traitement initial (3 à 5 lettres
secondaire de l’European eu une baisse d’acuité visuelle. d’acuité visuelle et 40 à 70 μm d’épaisseur rétinienne
Eye study, portant sur des Dans ce sous-groupe, la perte centrale). Les auteurs insistent donc sur la nécessité
individus de 65 ans et plus moyenne était de 10 lettres par dans les études portant sur des patients non-répon-
vivant en Europe du Sud et rapport à l’acuité visuelle ini- deurs de garder un groupe contrôle (avec poursuite
du Nord, l’exposition aux tiale avec le traitement laser, du même traitement) afin de montrer si une amélio-
UVB (surtout pendant avant de débuter l’aflibercept. ration est due à un changement de traitement ou à
l’adolescence et chez Dans ce sous-groupe de pa- une régression spontanée de la maladie.
l’adulte jeune, entre 14 et tients, l’aflibercept a permis un Source : Ferris FL 3rd, Maguire MG, Glassman AR et al. Evaluating Effects
of Switching Anti-Vascular Endothelial Growth Factor Drugs for Age-
29 ans) est associée à une gain d’acuité visuelle de +17 Related Macular Degeneration and Diabetic Macular Edema. JAMA
baisse du risque de (VISTA) et +14 (VIVID) lettres à la Ophthalmol. Published online December 22, 2016. doi:10.1001/
jamaophthalmol.2016.4820
myopie. La concentration fin du suivi (semaine 100), ce
sérique en vitamine D ne qui correspondait à un gain de
montre de son côté pas +2 (VISTA) et +4 (VIVID) lettres Traitement de la sécheresse oculaire :
d’association avec la myo- par rapport à l’acuité initiale
pie, contrairement à une
les bons résultats de Seciera™
avant laser. Ce gain final reste
concentration élevée en bien inférieur à celui du groupe Un essai clinique de
lutéine plasmatique. traité par aflibercept dès le dé- phase III confirme l’effi-
L’exposition aux UVB est un but de l’étude, ce qui souligne la cacité de Seciera (solu-
marqueur de l’exposition nécessité d’un traitement pré- tion ophtalmique de
au soleil, et ces résultats coce dans l’OMD. Pour les au- cyclosporine A à 0,09%)
rejoignent donc ceux de teurs, le fait d’attendre avant de sur le syndrome de l’œil
précédentes études mon- traiter par aflibercept limite les sec. L’essai multicen-
trant l’intérêt d’activités bénéfices visuels du traitement, trique, randomisé, en
en extérieur* pour faire même si les bénéfices anato- double aveugle et
baisser le risque de miques sont similaires. Des contrôlé a inclus 744
myopie, tout en dévoilant études supplémentaires sont patients, pendant 12 semaines. Les patients traités par
une part du mécanisme nécessaires pour confirmer Seciera (développé par Ocular Technologies, récem-
protecteur sous-jacent. cette affirmation : l’analyse
ment acquise par Sun Pharma) ont montré une amé-
*contrairement aux activités en étant observationnelle, la cau-
lioration significative de leur score de Schirmer (une
vision de près, lecture, écran, qui salité ne peut en être déduite.
augmentent la myopie. Source : Wykoff CC, Marcus DM, Midena E mesure de la production de larmes). Les effets secon-
Source : Williams KM, Bentham CG. et al. : Intravitreal Aflibercept Injection in daires du traitement n’étaient pas différents de ceux
Young IS et al. JAMA Ophthalmol. Eyes With Substantial Vision Loss After
2017;135(1):47-53. Laser Photocoagulation for Diabetic d’autres médicaments recommandés dans ce syn-
doi:10.1001/jamaophthalmol.2016.4752 Macular Edema: Subanalysis of the VISTA
and VIVID Randomized Clinical Trials. drome, et les améliorations étaient plus rapides.
JAMA Ophthalmol. Published online
December 22, 2016. doi:10.1001/ Source : Sun Pharma.
jamaophthalmol.2016.4912

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 7


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Actualités

Efficacité d’Ozurdex® dans le traitement de l’œdème maculaire cystoïde uvéitique


Depuis 2012, l’Ozurdex a que mois pendant un an, et l’Ozurdex pourrait
l’AMM dans l’inflammation du les patients traités à nouveau être un traitement
segment postérieur de type si l’œdème réapparaissait. efficace de l’œdème
uvéite non infectieuse. Ré- À 90 jours, l’amélioration maculaire cystoïde
cemment, l’efficacité d’Ozur- moyenne d’acuité visuelle des uvéites quies-
dex (implant intravitréen de était de 14,4 lettres. Cette centes. Les auteurs
dexaméthasone avec applica- amélioration était maintenue soulignent que le
teur d’Allergan) a été évaluée à un an (avec un re-traite- suivi très régulier
Interprétation artistique de la dissolution de l’implant Ozurdex
dans une étude prospective ment si nécessaire). Le nom- et l’évaluation par
interventionnelle portant sur bre moyen d’implants reçus tomographie en cohérence contrôle limite la portée de
10 patients présentant un pendant l’année de l’étude optique ont été très utiles cette étude, et des essais plus
œdème maculaire cystoïde était de 2. Un patient avait pour repérer la récurrence de poussés sont nécessaires.
dans le cadre d’une uvéite montré une pression intra- l’œdème, et que le rapide re- Source : Khurana RN, Bansal AS et al.
Prospective evaluation of a sutained-
quiescente (c’est-à-dire sans oculaire de plus de 25 mmHg traitement a permis le main- release dexamethasone intravitreal
inflammation intraoculaire). et deux patients phaques tien de l’acuité visuelle. Bien implant for cytoid macular edema
in quiescent uveitis. Retina.
Ozurdex était administré puis avaient eu besoin d’une opé- sûr, la faible taille de l’échan- November 23, 2016 doi:
l’acuité visuelle évaluée cha- ration de la cataracte. Ainsi tillon et l’absence de groupe 10.1097/IAE.0000000000001406.

Remboursement d’Eylea® en
Études
France en cas de néovascula-
risation choroïdienne myopique
La greffe de cornée affectée par le diabète du donneur ?
Suite à l’extension d’indication, Eylea (afli- Des éléments contradictoires viennent d’être publiés, qui dans le JAMA Oph-
bercept), solution pour injection intra- thalmology, qui dans Cornea, sur l’impact négatif que pourrait avoir le dia-
vitréenne, des laboratoires Bayer, est bète du donneur sur la qualité du greffon cornéen. Une première étude, por-
remboursé à 100% en France dans le trai- tant sur les informations de près de 28 000 yeux de la SightLife Eye Bank
tement chez l’adulte de la baisse d’acuité entre 2012 et 2015 a montré que respectivement 0,6 et 0,5% des yeux des
visuelle (AV) due à une néovascularisation donneurs avec ou sans diabète ne convenaient pas pour la greffe (une dif-
choroïdienne (NVC) myopique, en tant que férence non significative), d’après l’examen des cellules endothéliales.
traitement de première intention. Le ser- À l’inverse, l’étude publiée dans Cornea, portant sur les données du Lions
vice médical rendu a été jugé important Eye Institute for Transplant Research entre 2007 et 2014 (et sur près de
par la commission de la transparence de la 34 000 yeux au total), a montré que la densité de cellules endothéliales dans
HAS, et les résultats de l’étude MYRROR les yeux de donneurs diabétiques était significativement inférieure à celle
avaient permis l’obtention de l’AMM euro- observée dans les yeux de donneurs non-diabétiques … mais la différence
péenne en octobre 2015. n’a pas de pertinence clinique. On ne peut donc pas conclure que les cor-
nées de patients diabétiques seraient des greffons de moins bonne qualité.
Source : Kwon JW, Cho KJ et al. Analyses of Factors Affecting Endothelial Cell Density in an Eye
Bank Corneal Donor Database. Cornea. 2016;35(9):1206-10. doi: 10.1097/ICO.0000000000000921.
Et Margo JA, Munir WM, Brown CH et al. Association Between Endothelial Cell Density and
Transplant Suitability of Corneal Tissue With Type 1 and Type 2 Diabetes. JAMA Ophthalmol.
Published online December 29, 2016. doi:10.1001/jamaophthalmol.2016.5095

Les facteurs associés avec l’épaisseur du complexe


cellulaire ganglionnaire
Il s’agit de la 5e indication pour laquelle
Les facteurs influençant l’épaisseur du complexe cellulaire ganglionnaire,
Eylea a obtenu le remboursement (avec la
un possible marqueur du glaucome, sont mal connus. Une étude britannique
forme humide de la DMLA, la baisse d’AV
portant sur 1 657 participants de la cohorte Twins UK a montré que ce phé-
due à l’œdème maculaire secondaire à une
nomène était hautement héréditaire, mais aussi associé à l’âge, à l’IMC, à
occlusion de branche veineuse rétinienne
l’erreur réfractive, ainsi qu’au taux de filtration glomérulaire estimé.
ou de la veine centrale de la rétine, et la
Source : Bloch E, Yonova-Doing E, Jones-Odeh E et al. Genetic and Environmental Factors
baisse d’AV due à l’œdème maculaire dia- Associated With the Ganglion Cell Complex in a Healthy Aging British Cohort. JAMA Ophthalmol.
bétique).Source Communiqué Bayer, 24 janvier 2017. 2017;135(1):31-8. doi:10.1001/jamaophthalmol.2016.4486

8 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


cdo207_P004_actus:CDO 9/02/17 16:06 Page 9

Actualités

Cataracte : Perte précoce de cellules après Pour un diagnostic


moins bons résultats kératoplastie : la faute aux banques plus précoce de
chez les patients D’après une étude française, la perte de cellules endothé- l’œil sec
souffrant d’uvéite liales lors d’une kératoplastie viendrait d’une surestimation Une étude observationnelle
Les données d’opérations de leur nombre par la banque de cornée qui les fournit et non menée dans cinq pays euro-
de la cataracte extraites de la chirurgie en elle-même. Le comptage choisi par les péens (France, Allemagne,
de huit centres britan- banques inclut en effet toutes les cellules présentes, mais Italie, Espagne et Grande-
niques entre 2010 et 2014 ne fait pas la différence entre les cellules non fonctionnelles Bretagne) sur 706 patients
ont permis d’étudier les ou mortes et les cellules viables. En mesurant la densité en souffrant de sécheresse
rdex
résultats de l’intervention cellules viables juste avant la greffe, les auteurs retrouvent oculaire s’est penchée sur
sur près de 97 000 yeux, la même densité juste après la greffe. En étudiant la viabi- leur perception de leur pa-
dont 1 173 souffrant lité cellulaire par une double coloration létale pour les cel- thologie et leur qualité de
d’uvéite. Les yeux du lules, ils démontrent que la densité endothéliale mesurée en vie en lien avec cette der-
groupe uvéite montraient fin de conservation est surestimée de 28%. nière. 31% des patients per-
une acuité visuelle pré- Source : Gauthier AS, Garcin T, Thuret G et al. Very early endothelial cell loss cevaient le syndrome de l’œil
after penetrating keratoplasty with organ-cultured corneas. Br J Ophthalmol.
opératoire inférieure aux 2016 dec 13. doi:10.1136/bjophthalmol-2016-309615. sec comme une maladie ou
autres. Ils appartenaient même un handicap et 66%
aussi à des patients plus comme un inconfort. L’im-
jeunes, présentaient une Certains traitements chroniques associés pact sur la qualité de vie était
longueur axiale plus à une augmentation de la pression d’autant plus élevé que la
courte et une incidence intra-oculaire perception de l’œil sec était
plus élevée pour d’autres négative, que le diagnostic
D’après une analyse post-hoc d’une étude populationnelle
pathologies oculaires avait été tardif (or, seulement
portant sur 8 063 personnes appartenant à trois groupes eth-
comme le glaucome. Ils 28% avaient été diagnosti-
niques asiatiques différents (chinois, malais et indien), cer-
étaient plus nombreux à qués dans l’année suivant
tains traitements chroniques pourraient affecter la pression
nécessiter des interven- l’apparition des symptômes),
intra-oculaire (PIO).
tions chirurgicales addi- que plusieurs professionnels
Dans cette analyse, une PIO plus basse était associée à la
tionnelles et à développer de santé avaient été consul-
prise au long cours de bétabloquants, tandis qu’une PIO
des complications. tés avant le diagnostic (ce qui
plus élevée était associée (de façon modeste cependant) à la
L’acuité visuelle post- concernait plus d’un tiers
prise chronique d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de
opératoire était aussi si- des patients), et que l’utili-
l’angiotensine (IEC), de bloqueurs des récepteurs de l’an-
gnificativement inférieure. sation de larmes artificielles
giotensine (BRA), de statines et de sulfonylurées. Des études
Les auteurs recomman- dépassait 3 à 4 fois par jour.
supplémentaires sont nécessaires pour évaluer la balance
dent de prendre en Source : Labetoulle M, Rolando M,
bénéfices/risques de ces médicaments par rapport au glau- Baudouin C, van Setten G. Patients’
compte ces éléments, car perception of DED and its relation with
come.
l’opération de la cataracte Source : Ho H, Shi Y, Chua J et al. Association of Systemic Medication Use
time to diagnosis and quality of life: an
international and multilingual survey.
sur des yeux souffrant With Intraocular Pressure in a Multiethnic Asian Population: The Singapore Br J Ophthalmol. 2016 dec 21
d’uvéite est plus sujette Epidemiology of Eye Diseases Study. JAMA Ophthalmol. Published online doi:10.1136/bjophthalmol-2016-
January 12, 2017. doi:10.1001/jamaophthalmol.2016.5318 309193.
à complications, et aussi
pour prévenir le patient
et limiter ses attentes en Les facteurs de risque de l’œdème maculaire cystoïde
termes d’amélioration : après chirurgie du décollement de la rétine
par rapport à la popula-
Une étude rétrospective menée à Taiwan, et portant sur 130 patients ayant subi une
tion sans uvéite, l’acuité
chirurgie externe (scleral buckling) sans vitrectomie pour décollement de la rétine (DR)
visuelle post-opératoire
a montré une incidence d’œdème maculaire cystoïde (OMC) de 6,9%. Les facteurs de
est inférieure en moyenne
risque étaient l’âge, un DR plus important, un décollement maculaire et un drainage
de 1 à 2 lignes.
Source : Chu CJ, Dick AD, Johnston
externe. Le drainage devrait donc être utilisé avec précaution chez les patients âgés
RL et al. Cataract surgery in uveitis: avec DR important. Par ailleurs, les auteurs soulignent que l’utilisation de tomographie
a multicentre database study.
Br J Ophthalmol. doi:10.1136/
de cohérence optique en routine après l’intervention pourrait faciliter l’identification
bjophthalmol-2016-309047. de l’OMC.
Source : Lai TT, Huang JS, Yeh PT. Incidence and risk factors for cystoid macular edema following scleral buckling.
Eye. 2016 Dec 9. doi:10.1038/eye.2016.264.

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 9


cdo207_P004_actus:CDO 9/02/17 16:06 Page 10

Actualités

Les nouveaux anticoagulants oraux augmentent Uvéite antérieure non infectieuse :


le risque d’hémorragie intra-oculaire un lien avec la carence en vitamine D
D’après une analyse des données de l’OMS (la Vigibase 1968-2015), les Une étude cas-contrôle rétrospective évoque
NACO* (dabigatran (Pradaxa), rivaroxaban (Xarelto), apixaban (Eliquis), ...) que la probabilité de développer ce type
sont associés à un surrisque de saignements intra-oculaire. La warfa- d’uvéite baisse de 4% à chaque augmentation
rine (AVK) est cependant associée à davantage d’hémorragies choroï- de 1 ng/ml du niveau de vitamine D. Dans cette
diennes, mais le rivaroxaban et le dabigatran sont associés à un surrisque étude, 200 patients identifiés dans une base de
d’hémorragie rétinienne et vitréenne. Il est donc important de prévenir données du Massachusetts (la moitié avec une
les patients sous NACO des signes de ce type de saignement, et de uvéite antérieure non infectieuse, l’autre moi-
s’enquérir de cette information avant toute chirurgie oculaire, d’autant tié sans) ont subi un dosage de leur niveau de
plus qu’une fois l’hémorragie débutée, il est difficile de l’arrêter chez un 25-hydroxyvitamine D : les bas niveaux de vita-
patient sous NACO – alors que c’est plus facile sous warfarine. mine D étaient associés avec un surrisque
* Les anticoagulants oraux sont des médicaments utilisés dans le traitement des phlé- d’uvéite. La relation de cause à effet n’est pas
bites et embolies pulmonaires, ainsi que dans la prévention des accidents vasculaires prouvée par cette analyse.
cérébraux dans certaines pathologies. Les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) sont Source : Grotting LA, Davoudi S, Palenzuela D et al. Association
apparus sur le marché en 2007-2008. Ils font l’objet d’un suivi renforcé et la possibilité of Low Vitamin D Levels With Noninfectious Anterior Uveitis.
d’un risque hémorragique supérieur a été évoqué, même si cela n’est pas prouvé. JAMA Ophthalmol. Published online December 22, 2016.
Source : Talany G, Guo M, Etminan M. Risk of intraocular hemorrhage with new oral doi:10.1001/jamaophthalmol.2016.4888
anticoagulants. Eye. 2016 dec 23. doi:10.1038/eye.2016.265.

Recherche Entreprises

10 patients implantés Partenariat Streetlab et Iris Pharma


avec l’IRIS II
Créé par l’Institut de la vision à l’initiative du Pr José-Alain
de Pixium Vision Sahel, Streetlab a pour objectif d’évaluer des produits et
L’implant épirétinien développé services pour améliorer l’autonomie, la mobilité et la qua-
par Pixium Vision et destiné aux lité de vie des personnes déficientes visuelles. Grace à son
patients aveugles suite à une ré- étroite collaboration avec l’hôpital des Quinze-Vingts, la
tinite pigmentaire a été implanté société bénéficie d’une expertise médicale et scientifique de premier ordre.
et activé avec succès chez dix Iris Pharma est une société de recherche sous contrat indépendante, fondée en 1989,
patients. spécialisée dans la recherche préclinique et clinique dans le domaine de l’ophtalmo-
logie. Ces deux sociétés viennent d’annoncer la signature d’un accord de partenariat.
En quoi va constituer cette collaboration ? En associant leurs champs de compétence
respectifs, les deux sociétés souhaitent « fournir aux industriels de la santé des cri-
tères d’évaluation pour les essais cliniques calibrés, novateurs et adaptés au plus près
des besoins spécifiques des patients malvoyants, et ainsi répondre au mieux aux défis
de l’innovation », expliquent les protagonistes.
Source : communiqué de presse

Rapprochement d’Essilor et de Luxottica


Ceux-ci ont été implantés dans
Deux leaders mondiaux vont fusionner. Le géant du
des centres situés en France
verre ophtalmique Essilor et le leader des montures
(Paris, Nantes, Nîmes et Mont-
pellier), en Autriche, en Grande- Luxottica (dont Ray Ban et Oakley) ont annoncé le 16
Bretagne, en Allemagne et en janvier la signature d’un accord « entre égaux » en vue
Espagne. Les patients vont main- de créer une entité qui va peser près de 50 milliards
tenant suivre leur programme de d’euros de capitalisation boursière et afficher un chif-
rééducation, afin d’apprendre à fre d’affaires supérieur à 15 milliards d’euros. Le nou-
interpréter et utiliser les signaux vel ensemble qui sera basé en France à Charenton
lumineux transmis par l’implant, dans le Val-de-Marne où est installé Essilor, comptera Hubert Sagnières, Pdg d’Essilor
(à gauche) deviendra vice-
et seront suivis pendant un mini- 140 000 salariés. 400 à 600 millions d’euros de syner- président exécutif du groupe
mum de 18 mois. gies de coûts sont prévues à moyen terme. qui sera présidé par Leonardo
Source : Pixium Vision. Del Vecchio (à droite).
Source : communiqué de presse

10 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


cdo207_P012_Optique_Gaujoux:03.12 9/02/17 16:21 Page 11

Optique

Effet de la lumière bleue


sur la physiologie oculaire
Thomas Gaujoux

es LEDs sont de plus en plus présentes dans les sociétés occidentales. Leur spectre
L est principalement situé dans le bleu entre 400 et 500 nm. De plus en plus d’études
démontrent l’importance de la lumière dans le rythme circadien et la régulation du méta-
bolisme. Cependant, ces longueurs d’onde auraient également un effet délétère sur la
rétine. Cet article fait le point sur les connaissances actuelles sur le sujet dont les consé-
quences médico économiques en termes de santé publique peuvent être importantes.

Développement des LEDs dans les sociétés


occidentales
Depuis les 10 dernières années, nous utilisons de plus
en plus de nouvelles sources lumineuses. Ces change-
ments ont, dans la plupart des cas, été réalisés dans un
but d’efficience énergétique plus que par la demande des
consommateurs. Les LEDs (light emitting diodes) ont
deux principaux avantages : l’efficience énergétique et
leur petite taille. C’est dans ce contexte que les LEDs
sont rapidement devenues la principale source de lumière
des smartphones, tablettes, ordinateurs et télévisions.
L’utilisation même de la lumière change car elle est plus
utilisée pour illuminer (liseuse) que pour réfléchir (dans
le cadre de la lecture sur papier).
La LED à lumière blanche à base de phosphore est la
Figure 1. Comparaison du spectre d’une LED blanche d’une lampe
LED la plus couramment utilisée. C’est une source bi-chro- fluocompacte et d’une lampe à incandescence. L’importante diffé-
matique couplant une LED bleue (pic d’émission entre rence de spectre lumineux n’est pas aussi évident à l’œil humain.
450 et 470 nm) et du phosphore jaune (pic d’émission
autour de 580 nm) (figure 1). ces troubles de l’humeur saisonnier.
Ces cellules ganglionnaires expriment également le
Lumière bleue et rythme circadien PACAP (pituitary adenylate cyclase-activating polypep-
Certaines cellules ganglionnaires rétiniennes produi- tide) et le RHT (retinohypothalamic tract) qui contribuent
sent la mélanopsine. Cette dernière joue un rôle impor- au transfert de l’information lumineuse des cellules
tant dans le rythme circadien humain. Plusieurs études ganglionnaires à la partie du cerveau contrôlant le rythme
rapportent que le spectre d’action de suppression de la circadien. Ainsi des troubles de l’humeur saisonniers
mélanopsine se situe autour 460 nm suggérant que la pourraient être traités par une exposition à la lumière
mélanopsine jouerait un rôle important dans la régula- bleue (luminothérapie).
tion photique des niveaux de mélatonine. Il a également Avec l’âge le cristallin jaunit et le spectre de trans-
été montré que la mélanopsine jouait un rôle dans le mission de la lumière bleue décroît de façon très impor-
sommeil, l’humeur, l’apprentissage mais aussi dans la tante. Les problèmes de sommeil de certaines personnes
régulation du métabolisme [1]. Ainsi, des mutations sur « âgées » pourraient ainsi être liés avec un déficit en
le gène de la mélanopsine augmenteraient le risque de lumière bleue. Des conséquences similaires se produi-
raient après la pose d’implants « jaunes » lors de la
Nîmes chirurgie de la cataracte.

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 11


cdo207_P012_Optique_Gaujoux:03.12 9/02/17 16:21 Page 12

Optique

Le manque de lumière bleue nuirait donc au rythme cir- datives au sein de la rétine. L’accumulation de lipofuscine
cadien humain, cependant une exposition importante à la dans l’épithélium pigmentaire particulièrement au niveau
lumière bleue peut également être néfaste en augmen- de la macula, provoque la mort des photorécepteurs. Par
tant le stress et en stimulant certaines fonctions cogni- ailleurs, la quantité de lipofuscine présente dans l’épithé-
tives [2]. De même, l’exposition aux LEDs des liseuses en lium pigmentaire augmente avec l’âge. C’est pourquoi
fin de journée aurait un effet négatif sur le sommeil et le plusieurs auteurs suggèrent que la quantité de lumière
rythme circadien [3]. bleue reçue durant la vie pourrait être un facteur de risque
Cependant, il n’est pas toujours évident de démontrer de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et donc
les effets de la lumière bleue sur le rythme circadien et plu- l’utilisation de lentilles ou d’implants intra-oculaires blo-
sieurs études contradictoires ont été publiées. En effet, cer- quant cette lumière bleue pourrait être un facteur pro-
taines études démontrent une diminution de la production tecteur contre la DMLA.
de mélatonine lors de l’exposition à une lumière bleue Enfin, des études sur des modèles expérimentaux indi-
alors que d’autres ne retrouvent pas de modification [4,5]. quent que l’exposition à une lumière bleue entre 470 et
490 nm serait moins nocive pour la rétine par rapport à
Lumière bleue et atteinte rétinienne une lumière bleue entre 400 et 460 nm.
Plusieurs études ont également montré que l’exposi-
tion à certaines longueurs d’onde peut induire des lésions Conclusion
rétiniennes. Ce type de lésion est la résultante de trois La lumière bleue est de plus en plus présente dans notre
mécanismes (photo-chimique, photo-thermique et photo- société et une grande partie de la population mondiale est
mécanique) [6]. Le mécanisme photo-chimique semble désormais exposée quotidiennement à des lumières arti-
être le plus important. Il se produit lorsque l’œil est exposé ficielles. Cette lumière joue un rôle sur le rythme circadien
à une lumière dont la longueur d’onde est comprise entre mais un excès d’exposition pourrait entraîner des lésions
390 et 500 nm. Il existerait deux types de lésions photo- rétiniennes. La question entre implants « blancs » et
chimiques. La première serait associée avec une expo- implants « jaunes » restent donc toujours ouverte. La
sition courte mais intense à la lumière qui endommagerait lumière a un effet cumulatif et beaucoup de caractéris-
l’épithélium pigmentaire. La seconde serait associée à une tiques différentes (longueur d’onde, intensité, duré d’expo-
exposition plus longue et moins intense à la lumière bleue sition). Il semble important de considérer le spectre des
qui endommagerait les segments externes des photo- différentes sources lumineuses afin de minimiser le dan-
récepteurs (figure 2). Ainsi des études expérimentales ger qui peut être lié à l’exposition à la lumière bleue. Il
suggèrent que la lipofuscine serait le chromophore respon- est donc important que le développement de LEDs avec
sable de ces lésions [7]. Son pic d’absorption est de un pic d’émission entre 470 et 490 nm soit préféré à des
450 nm. La lipofuscine s’accumule sous forme de gra- LEDs dont le pic d’émission est inférieur à 450 nm [8].
nule dans les lysosomes de l’épithélium pigmentaire.
Lorsque la lipofuscine absorbe la lumière bleue, des radi- Références bibliographiques
caux libres sont produits et provoquent des lésions oxy- 1. Aytürk DG, Castrucci AM, Carr DE et al. Lack of Melanopsin Is
Associated with Extreme Weight Loss in Mice upon Dietary
Challenge. PLoS One. 2015;10:e0127031. 2. Vandewalle G, Schmidt
C, Albouy G et al. Brain responses to violet, blue, and green mono-
chromatic light exposures in humans: prominent role of blue light
and the brainstem. PLoS One. 2007; -2(11):e1247. 3. Chang AM,
Aeschbach D, Duffy JF et al. Evening use of light-emitting eReaders
negatively affects sleep, circadian timing, and next-morning alert-
ness. Proc Natl Acad Sci USA. 2015;112(4):1232-7. 4. Sletten TL,
Revell VL, Middleton B et al. Age-related changes in acute and
phase-advancing responses to monochromatic light. J Biol Rhythms.
2009;24(1):73-84. 5. Najjar RP, Chiquet C, Teikari P et al. Aging of
non-visual spectral sensitivity to light in humans: compensatory
mechanisms? PLoS One. 2014;9(1):e85837. 6. Organisciak DT,
Vaughan DK. Retinal light damage: mechanisms and protection.
Prog Retin Eye Res. 2010;29(2):113-34. 7. Sparrow JR, Nakanishi K,
Parish CA. The lipofuscin fluorophore A2E mediates blue light-indu-
ced damage to retinal pigmented epithelial cells. Invest Ophthalmol
Figure 2. Atteinte rétinienne après 14 jours d’exposition à la Vis Sci. 2000;41(7):1981-9. 8. Ferguson I, Melton A, Li N et al.
lumière bleue. Notez l’importance de l’altération de la couche des Imitating Broadband Diurnal Light Variations Using Solid State Light
photorécepteurs. Sources. J Light & Vis. Env. 2008;32:63-8.

12 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


cdo207_P13_Optique_publi_Zeiss:03.12 10/02/17 10:47 Page 13

Publirédactionnel Optique

Vision et conduite : l’optique ophtalmique à l’épreuve


des exigences visuelles de notre sécurité routière
Raphaël Amar

E n partenariat avec des instituts de recherche spécialisés dans le comportement visuel des
conducteurs, ZEISS a développé les verres DriveSafe : des verres adaptés à la vie quoti-
dienne et optimisés pour la conduite automobile. L’enjeu premier d’une telle innovation est la
sécurité routière du conducteur : optimiser ses performances visuelles dans des situations de
conduite pouvant s’avérer visuellement inconfortables ou stressantes.

Si la majorité des décisions de conduite dépendent des Les résultats obtenus ont permis de valider le dévelop-
capacités visuelles du conducteur, la sécurité routière de pement de trois caractéristiques spécifiques :
chacun dépend du temps de réaction face à un danger éven- - un traitement de surface diminuant la gêne liée à l’éblouis-
tuel. Ce temps de réaction peut s’avérer augmenté en cas de sement des phares Xenon ou LED,
mauvaise estimation des distances par temps de pluie, en - une géométrie de verre prenant en compte les variations
vision nocturne ou en cas d’éblouissement par des phares de de diamètres pupillaires principalement en conditions
voitures. Notre vision s’adapte en continu, et nos capacités mésopiques,
sensori-motrices garantissent une discrimination visuelle - une géométrie de verre offrant une optimisation des pla-
en vision éloignée, intermédiaire et rapprochée. Cependant, ges de vision nette dans le but de diminuer les mouvements
nous passerions 97% de notre temps de conduite à observer de tête dans la prise d’informations aux trois distances.
la route. La vision du tableau de bord, du GPS et de nos rétro-
Luminance Design® Technology
viseurs représenterait 3% du temps restant. La prise en compte de la
Selon une étude menée auprès d’automobilistes allemands pupillométrie moyenne dans la
et américains [1], ces derniers déclaraient être en situation conception de la géométrie du
d’inconfort au volant, par temps de pluie ou de brume (94%), verre en ambiance mésopique
à l’aube ou au crépuscule (88%), en conduite de nuit (76%) ou (aube, crépuscule, brume, temps
dans le brouillard (74%). L’éblouissement par les phares de de pluie) participant à optimiser
voitures constitue également une gêne en conduite de nuit. la profondeur de champ pour l’es-
Dans le même temps, en 2010, une étude américaine portant timation des distances (figure 1).
sur les motifs d’accidents de la route [2] mettait en évidence
que 48% de ces accidents s’étaient produits la nuit. DriveSafe Design® Technology
Dans le but d’optimiser les performances visuelles des Une géométrie du verre opti-
conducteurs dans les situations jugées inconfortables ou misant les plages de vision nette
stressantes, ZEISS s’est appuyé sur son expertise en optique notamment sur les verres pro-
de précision pour développer les verres DriveSafe. En s’asso- gressifs : +14% en vision éloignée Figure 1. Optimisation de la géométrie du
verre prenant en compte la pupillométrie
ciant à l’institut indépendant de recherche automobile FKFS, et +43% en vision intermédiaire en ambiance mésopique et photopique.
à l’institut L-LAB ainsi qu’à l’équipementier automobile HELLA, par rapport à un verre progressif
ZEISS a mené plusieurs études consécutives : 1) Analyse des traditionnel. Cette nouvelle géométrie favorise une prise
comportements visuels des conducteurs par simulateur de d'information plus rapide aux trois distances.
conduite (FKFS), 2) Analyse par eye-tracking des stratégies DuraVision® DriveSafe
visuelles mises en œuvre lors de la conduite (technologie Le traitement de surface DuraVision® DriveSafe réduit l’effet
Smart Eye system), 3) Test au porté pour valider une géomé- d’éblouissement en filtrant les courtes longueurs d’onde (pics
trie de verres adaptée à la conduite, 4) Test de performance d’émission des phares Xenon et LED). Au-delà des situations
pour évaluer le traitement de surface spécifique des verres gênantes d’éblouissement, nos yeux ont besoin de 5 à 7 secon-
développés (HELLA), 5) Test au porté réalisé auprès de conduc- des pour s’adapter à nouveau à la luminosité ambiante. Pendant
teurs en situation réelle de conduite avec les verres DriveSafe. ce temps, nous parcourons 200 m sur l’autoroute à 120 km/h
et 85 m en ville à 50 km/h.
[1] Etude interne ZEISS. Market research study with ECPs & consu- Les verres DriveSafe se déclinent en verres unifocaux et
mers in the US & Germany, August 2013. [2] 2010 Motor Vehicle
Crashes: Overview; February 2012, US Department of Transportation progressifs et peuvent être utilisés en journée pour d’autres
Traffic Safety Facts. activités du quotidien. L’option complémentaire i.Scription vient
assurer la prise en compte des aberrations optiques oculaires.
Directeur du Pôle Santé Visuelle,
ZEISS Vision Care France, raphael.amar@zeiss.com Plus d’informations sur www.zeiss.fr/vision

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 13


cdo207_P014_contacto Colliot:CDO_146 9/02/17 16:44 Page 14

Contactologie

Logiciels d’adaptation : sont-ils fiables ?


Jean-Philippe Colliot

es aides logicielles à l’adaptation des lentilles de contact évoluent et permettent


L actuellement d’affiner la simulation des rapports entre lentille et cornée.
Afin d’optimiser le nombre de lentilles d’essai posées, certains logiciels ont été dévelop-
pés pour l’orthokératologie, avec importation des données du topographe et ont étendu
leurs capacités aux lentilles plus classiques dont celles pour cornées irrégulières.
D’autres proposent une correction de presbytie.

De quels logiciels parlons-nous ? Certains logiciels aident à choisir en fonction des para-
Plusieurs catégories sont offertes à l’adaptateur. mètres spécifiques à chaque patient (forme de la cornée
et amétropie de l’œil à équiper). Certains ont une base de
L’aide en ligne de base concerne la connaissance données comprenant les caractéristiques de plusieurs
de l’offre en lentilles commercialisées en France fabricants, d’autres sont développés par le fabricant et
Voici plusieurs décennies que le Contaguide® existe, mis n’incluent que ses propres lentilles.
à jour chaque année, et maintenant disponible sur le site
Ainsi, ophtabase.fr propose un choix en fonction du
contaguide.com. Il est l’émanation du Syndicat des four-
type d’adaptation : standard, kératocônes et cornées irré-
nisseurs d’optique de contact (SYFFOC, regroupé dans le
gulières, orthokératologie.
Syndicat national de l’industrie des technologies médicales
L’adaptateur peut affiner en choisissant le matériau, le
SNITEM avec les autres fabricants de dispositifs médicaux).
laboratoire etc. et dispose d’un lien vers la fiche tech-
Il ne contient que les lentilles des laboratoires adhérents.
nique de la lentille et vers le site du fabricant.
Quelques pages regroupent les lentilles par amétropie à
Le site est sécurisé, l’accès se fait au moyen d’un iden-
corriger, avec un diagramme comparatif d’étendue de
tifiant et mot de passe, et les patients sont conservés
gamme en dioptries, et les lentilles sont présentées
dans une base de données.
ensuite par laboratoire, ainsi que les produits d’entretien
et les packs. Les extensions de gamme ou les retraits ne
sont cependant pas disponibles avant l’édition annuelle Plus avancés, certains logiciels intègrent
en ligne suivante. une intelligence artificielle
Plusieurs logiciels en ligne permettent de choisir la Un exemple ne concernant que la gamme de lentilles
lentille en fonction de l’amétropie, du type de renouvel- du fabricant (Ophtalmic contactologie) : Databox* (figure 1)
lement, du matériau, du rayon de courbure et d’autres intelligence artificielle embarquée dans l’Ophtalbox*,
paramètres. meuble de lentilles d’essai muni d’une tablette et d’un
contacto.fr, site des Cahiers d’Ophtalmologie, recense scanner pour le réassortiment automatique des lentilles
la plupart des lentilles disponibles, y compris celles de déstockées.
laboratoires hors SYFFOC. Mis à jour en temps réel, Retravaillée à partir de plusieurs dizaines d’exemples
contacto.fr a été le premier site en contactologie avec un de réelles adaptations, cette application va tenter d’aider
moteur de recherche permettant de sélectionner toutes l’adaptateur à la prescription de lentilles progressives.
les lentilles selon de nombreux critères pratiques pour
faciliter la prescription. Bien entendu, une réfraction parfaite est nécessaire
Plus récemment, catalogue-lentilles.fr est un site pour obtenir un résultat correct, le logiciel ne rattrapera
commercial offrant de nombreux liens (vidéos de mani- pas une approximation initiale (une hypermétropie non
pulation, tables de conversion). saturée, un astigmatisme ou une myopie sur-corrigée).
Identité du patient (nécessaire car il restera dans
Chantilly ; Unité de contactologie des Quinze-Vingts, la base de données et son âge orientera le choix de
Paris. l’addition), réfraction, addition minimum et kératométrie

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Contactologie

Figure 1. Malika, 45 ans,


Réfraction OD -1 (160°-1) ; OG -1,5 (5°-1) ;
Add minima +0,5 OD préféré.
Prescription : OD HR progressive -1 Low OG perfeXion (torique
progressive) -1,5 (5°- 0,75) Low.
Au contrôle après une semaine de port 8/10 lent et lettres étalées
P2.
On modifie la sphère de l’œil droit de -0,25.
Résultat : 10/10 et P2 NB : stabilisation à gauche : 15°
NB La DataBox ne prend pas en compte le changement d’axe
s’il n’y a pas de baisse d’acuité.

(optionnel), choix du type de correction (sphériques, Pour adapter en fonction de la forme de la cornée,
toriques progressives ou non), matériau de lentilles et une liaison entre un topographe et le logiciel est
fréquence de renouvellement sont renseignés. Un choix nécessaire.
est proposé et, en validant, la lentille est automatiquement Les topographes sont généralement livrés avec un logi-
commandée et le délai de livraison indiqué. ciel de simulation d’adaptation, mais bien souvent les géo-
Pour les lentilles progressives, le contrôle pour l’opti- métries des lentilles ne correspondent pas aux modèles
misation quelques jours après la premièrepose est néces- commercialisés en France, celles-ci étant protégées par
saire. le secret industriel.
Le patient est identifié après recherche dans la base
Le développement de l’orthokératologie impose de
de données. Databox va demander de préciser :
connaître la courbure de la périphérie de la cornée à
- l’œil préféré,
équiper et donc de pratiquer une topographie spéculaire.
- l’acuité obtenue de loin et de près en binoculaire,
Les logiciels tiennent donc compte de l’excentricité
- le résultat du test duochrome,
(différence de courbure entre centre et périphérie), qui
- la sur-réfraction sur les premières lentilles (en mono-
reflète l’aplatissement plus ou moins rapide de la cornée.
culaire),
Ainsi, Easyfit*, iAdapt* et Click & Fit* sont indispensa-
- l’axe de stabilisation du repère inférieur.
bles au choix de la première lentille d’ortho-K, et pour les
Le logiciel orientera vers une progressive torique ou deux premiers, à leur optimisation.
sphérique, calculera la « composition de cylindres » en L’interfaçage avec les topographes courants est effec-
cas d’astigmatisme résiduel dans un axe différent de celui tif pour Easyfit, en cours de développement pour les deux
de la lentille torique et retentissant sur l’acuité visuelle. autres.
Le calcul tiendra compte des données ci-dessus pour Le logiciel va proposer des images topographiques
déterminer en particulier la nécessité d’un profil torique, standard de cornées remodelées (œil de bœuf, îlot cen-
la puissance de l’addition pour chaque œil. Il tentera de tral, sourire) et modifier les paramètres de la lentille à
privilégier le profil sphérique et l’addition la plus faible. optimiser.

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Contactologie

Dans une certaine mesure, on peut modifier certaines gner la réfraction (en limitant toutefois l’astigmatisme
caractéristiques de la première lentille, en particulier le à -9).
diamètre total et celui de la zone optique (pour Click&Fit) Un message indique cependant qu’Easyfit n’est pas
afin de rapprocher le canal circulaire inverse du bord conçu pour calculer le meilleur rayon central (Ro) de la
pupillaire et de tenter ainsi de freiner la myopie (dans lentille Rose K en fonction de la topographie, mais que c’est
l’hypothèse actuelle). une simulation, et il invite à faire varier le Ro pour obte-
nir le contact minimum à l’apex du cône.
La connaissance de l’astigmatisme périphérique est La lentille de boîte d’essai peut donc être choisie en
importante pour l’adaptation des lentilles toriques : fonction de cette simulation, ce qui permet de gagner
Certaines cornées étant astigmates au centre et beau- quelques étapes.
coup moins en périphérie, un profil torique interne n’est À noter qu’à l’heure actuelle, il reste à développer la
pas indiqué (la lentille ne se stabilisera pas) (figure 2). simulation du dégagement périphérique (Edge Lift).
Sur Easyfit, les propositions sont accompagnées
d’étoiles dont le nombre est proportionnel à la qualité du Exemple de Medhi, 28 ans, kératocône familial évolutif
résultat attendu, et une simulation d’image fluo permet (traité l’an dernier par cross linking) : la topographie mon-
de se rendre compte visuellement du résultat. En prome- tre un cône inférieur, à pente moyenne.
nant le pointeur sur l’image, l’épaisseur en μm du film Elle est transférée dans le logiciel Easyfit qui propose,
lacrymal apparaît, on peut ainsi faire varier les paramètres à l’onglet kératocônes, une lentille Rose K 2 de Ro 6,30 à
pour modifier l’image. droite et 7,2 à gauche (figure 3).
On peut faire varier le rayon central et ainsi obtenir
l’épaisseur de film lacrymal sous lentille.
On décide d’aplatir de 30/100 la lentille droite et de
serrer la gauche de 20/100 afin d’obtenir une image fluo
acceptable : Ro 6,60 à droite, 7 à gauche. Le film lacrymal

Figure 2. Chez ce patient, l’astigmatisme disparaît en périphérie.


Un profil torique interne ne sera pas stabilisé.

Un onglet kératocône propose l’équipement des cornées


irrégulières.
Pour le moment, en lentilles rigides, seules les lentilles
cornéennes (à l’exclusion des sclérales) est développé.
En lentilles souples, la proposition de Rose K 2 Soft* ne
s’accompagne pas de la simulation vidéo. Figure 3. Medhi, 28 ans, kératocône familial évolutif. Importation
Easyfit importe les données administratives, selon le dans Easyfit : premières lentilles conseillées et simulation d’image
topographe, le diamètre cornéen, et demande de rensei- fluo. Détails de l’asphéricité et de l’excentricité, de l’astigmatisme.

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Contactologie

ne doit pas dépasser une épaisseur de 100 μm sous peine


d’instabilité et d’insertion de bulles d’air, mais doit avoir
une valeur positive pour éviter l’altération épithéliale.
Les lentilles ainsi calculées sont disponibles dans la
boîte d’essai et réellement posées sur les cornées du
patient. L’image fluo est comparable (figure 4), l’acuité est
à 10/10 avec une sur-réfraction.

Figure 5. Medhi : calcul des lentilles hybrides. Sur l’écran “Len-


tilles de première intention”, on ne peut choisir que le diamètre de
Figure 4. Medhi : modification des paramètres et pose des lentilles. la zone rigide. L’écran “Modification de lentilles” est plus complet.

En conclusion
Quelques semaines plus tard, le patient se plaint de tou-
L’aide à la connaissance des lentilles s’améliore avec
jours mal tolérer la lentille.
les applications contenant les bases de données issues
Il lui est proposé une lentille hybride. des différents fabricants, permettant à l’adaptateur novice
La topographie est alors importée dans le logiciel d’affiner son choix en fonction de la réfraction et de la kéra-
iAdapt qui reconnaît l’irrégularité de l’œil gauche en tométrie.
fonction des indices d’asymétrie, mais pas celle du droit. Pour l’ophtalmologiste désireux d’étendre ses prescrip-
Un menu déroulant de l’onglet lentilles de première inten- tions, en particulier chez le patient presbyte, les logiciels
tion permet de le corriger manuellement. Comme pré- d’aide à la prescription de lentilles progressives, inté-
cédemment, les rayons conseillés sont de 6,45 OD et grant les conclusions d’adaptations réelles, vont le guider
7,15 OG, mais un bouton à cocher propose de prendre en efficacement.
compte le port préalable de lentilles rigides : le rayon, la Enfin, pour le contactologue plus expérimenté, la prise
puissance, la qualité de la fluo et la sur-réfraction sont en compte des données topographiques a permis aux
demandés. Le rayon de la lentille hybride va reprendre celui applications d’aide aux adaptateurs de proposer des essais
de la rigide précédente. Dans l’onglet modification de virtuels, limitant le nombre de lentilles réellement posées.
lentilles, pour l’optimisation, on peut faire varier tous Leur fiabilité s’améliore au fur et à mesure des versions
les autres paramètres de la lentille hybride (figure 5). mises à disposition par le fabricant.

*Databox® et Ophtalbox® sont des marques d’Ophtalmic contactologie ; iAdapt® est le logiciel du laboratoire LCS ;
Easyfit®, Rose K® appartiennent au laboratoire Ménicon ; Click & Fit® est le logiciel du laboratoire Précilens.

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Clinique

Découverte d’une atrophie optique


Que faire en pratique ?
Luc Jeanjean

’atrophie optique est la conséquence commune des atteintes de la voie visuelle anté-
L rieure qui va de la rétine au chiasma inclus. C’est une entité couramment rencontrée
en consultation de neuro-ophtalmologie. Les causes d’atrophie optique sont multiples et
le challenge pour le clinicien est d’orienter correctement les investigations paracliniques
afin de poser un diagnostic étiologique.
L’examen clinique initial avec un interrogatoire policier glionnaires environnantes par excès de glutamate et d’ATP
est fondamental. Le pattern évolutif de la perte axonale conduisant à une excitotoxicité locale [1]. Cette apoptose
va donner des indices précieux quant aux diagnostics pos- progressive conduit à l’excavation caractéristique du glau-
sibles. L’analyse fine de l’aspect de la tête du nerf optique come primitif à angle ouvert (GPAO). Cette excavation ré-
(fond d’œil et OCT) ainsi que l’aspect du champ visuel nous sulte de l’étirement, de la compression et du réarrange-
semblent également fondamentaux et peuvent d’ores et ment des tissus conjonctifs, de la lame criblée en réponse
déjà orienter la suite des examens complémentaires. L’en- à l’élévation de la pression intra-oculaire. Les feuillets cri-
jeu est d’éviter une aggravation de l’atteinte visuelle, une briformes de la lame criblée s’effondrent sous l’effet d’une
atteinte controlatérale et/ou des complications extra oph- compression mécanique verticale, faisant reculer la base
talmologiques graves en lien avec la pathologie causale. de l’excavation et refoulant la lame criblée vers l’extérieur,
conduisant à l’aspect de neuropathie glaucomateuse [2].
Les principales étiologies à connaître L’aspect excavé de la papille associé à la découverte
d’une hypertension intra-oculaire ne pose généralement
En pratique courante, la découverte d’une atrophie pas de difficultés diagnostiques. Le clinicien est cepen-
optique est un challenge diagnostique. L’enjeu est de dis- dant parfois confronté à des situations plus délicates.
tinguer une atteinte glaucomateuse d’une atteinte non Lors de la découverte d’une atrophie optique excavée
glaucomateuse. Le glaucome est en effet la neuropathie alors que la pression et la pachymétrie sont normales, le
optique la plus fréquente et il faut savoir le diagnostiquer risque est de porter à tort le diagnostic de glaucome à pres-
afin de le traiter et d’éviter la poursuite de la perte axonale sion normale et de méconnaître une atteinte non glau-
optique. Inversement, il ne faudra pas diagnostiquer à tort comateuse, en particulier compressive. Il faut également
une neuropathie glaucomateuse et méconnaître une autre être réactif si, au cours de l’évolution d’un glaucome bien
cause d’atrophie optique, en particulier une pathologie traité et suivi, l’évolution de la fonction visuelle (acuité et/ou
compressive, nécessitant une prise en charge adaptée. champ visuel) est discordante avec les valeurs de la pres-
sion intra-oculaire et rechercher les diagnostics diffé-
Glaucome primitif à angle ouvert rentiels (neuropathies optiques non glaucomateuses) [3].
Dans le glaucome, la physiopathologie initiale de l’attein-
te neuronale serait un stress mécanique de l’axone au Neuropathies optiques ischémiques
niveau de la lame criblée, lui-même à l’origine de la dé- Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë
générescence des cellules ganglionnaires de la rétine. La (NOIAA) artéritique (maladie de Horton)
dysfonction axonale à l’origine de l’altération du transport Cette pathologie va se traduire initialement par une
des neurotrophines essentielles au fonctionnement des baisse d’acuité visuelle brutale, profonde avec au fond
cellules ganglionnaires entraînerait l’apoptose de celles- d’œil un œdème papillaire blanc crayeux entouré d’hémor-
ci qui initieraient à leur tour la mort des cellules gan- ragies péripapillaires. On retrouve classiquement à la
phase aigüe une altération de l’état général, un syndrome
Unité de neuro-ophtalmologie et basse vision, inflammatoire et des zones d’ischémie choroïdienne en
CHU Nîmes. Institut ARAMAV, clinique de rééducation angiographie. La biopsie d’artère temporale confirmera
basse vision, Nîmes. le diagnostic. L’aspect habituel de la papille au stade tardif

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Clinique

est une atrophie optique excavée (forme exceptionnelle Neuropathies optiques inflammatoires (sclérose en
dans les formes non artéritiques). La différence par rap- plaques, neuromyélite optique de Devic, sarcoïdose…)
port au glaucome est que l’on observe un disque excavé Au stade aigu, le patient va décrire une baisse d’acuité
et globalement pâle à distance de l’épisode de NOIAA visuelle douloureuse avec une perturbation de la vision
artéritique alors que dans la neuropathie glaucomateuse, des couleurs d’axe rouge-vert et un scotome central sur
la pâleur est limitée à l’excavation et l’anneau neuro- le champ visuel. Ces neuropathies s’excavent peu au stade
rétinien reste bien coloré. La neuropathie optique isché- séquellaire mais le diagnostic peut être difficile en cas
mique antérieure aigüe non artéritique évolue quant à d’excavation physiologique. Des atteintes infectieuses
elle classiquement vers une atrophie optique sectorielle peuvent également être responsables d’une perte axonale
non excavée avec une petite papille pleine controlatérale. optique séquellaire (syphilis, CMV…).

Neuropathies optiques ischémiques de bas débit Anomalies congénitales de la papille


Elles surviennent après une chirurgie longue sous La fossette colobomateuse peut entraîner un aspect
anesthésie générale. Le patient va se réveiller avec une d’excavation papillaire avec déficit du champ visuel cor-
baisse d’acuité visuelle sévère uni- ou bilatérale par respondant et poser des problèmes diagnostiques. Il faut
neuropathie optique postérieure aiguë. L’évolution se fait également noter la difficulté d’analyse de la papille chez
comme dans la NOIAA artéritique vers l’excavation papil- les sujets myopes et astigmates avec des altérations du
laire avec pâleur de l’anneau neuro-rétinien. champ visuel souvent associées.

Neuropathies optiques compressives Neuropathies optiques héréditaires


C’est le diagnostic à ne pas négliger en cas de décou- Atrophie optique dominante
verte d’une atrophie optique au fond d’œil, surtout si des L’atrophie optique dominante ou maladie de Kjer donne
signes d’examen permettent de suspecter une masse volontiers un aspect de papilles pâles et excavées. C’est
intra-orbitaire (exophtalmie, paralysie oculomotrice), ou la plus fréquente des neuropathies héréditaires avec une
intracrânienne… (céphalées, troubles endocriniens, attein- fréquence estimée entre 1:10 000 et 1:50 000. Cette patho-
te campimétrique à limite verticale…). L’aspect de la pa- logie est liée à une mutation du gène OPA1. Elle a une ex-
pille est variable, la pâleur pouvant être sectorielle, glo- pressivité variable et une pénétrance incomplète. L’atteinte
bale, excavée ou non. Il ne faut donc pas hésiter à est volontiers diagnostiquée dans l’enfance mais elle peut
demander une neuro-imagerie devant des atypies de passer totalement inaperçue pendant des années. La
l’examen clinique. Une présentation clinique particulière baisse de vision est souvent ancienne et s’accompagne
est la découverte d’une atrophie optique d’un côté et d’un d’une dyschromatopsie d’axe bleu-jaune le plus souvent.
œdème papillaire de l’autre, réalisant un syndrome de La pâleur papillaire est typiquement temporale mais peut
Foster Kennedy. Cet aspect clinique associé à des trou- être globale. L’excavation est classiquement en pente
bles du comportement est fortement évocateur d’un mé- douce, grisâtre, avec une atrophie papillaire associée.
ningiome frontal. Il faut également penser à l’atrophie
optique séquellaire d’une hypertension intracrânienne et Neuropathie optique de Leber
ne pas hésiter à réaliser une ponction lombaire avec prise Dans cette pathologie, le diagnostic différentiel avec une
de pression devant une atrophie optique bilatérale avec neuropathie glaucomateuse se pose peu. La baisse
des antécédents de céphalées anciennes. d’acuité visuelle est classiquement unilatérale, indolore,
rapidement progressive avec une bilatéralisation systé-
Neuropathies optiques traumatiques matique en quelques mois. L’acuité visuelle est effon-
Cette pathologie peut être secondaire à des trauma- drée, on retrouve sur le champ visuel un scotome cæco-
tismes crâniens par cisaillement ou compression du central bilatéral. À la phase aiguë, il existe un aspect de
nerf optique. L’évolution se fait vers une pâleur papillaire pseudo-œdème de la papille avec des télangiectasies as-
excavée. sociées puis les papilles deviennent atrophiques, globa-
lement pâles avec une excavation en pente douce. L’atro-
Neuropathies optiques toxiques et carentielles phie peut être discrète dans certains cas et passer
Il faut souligner les rares mais graves intoxications au inaperçue lors d’un examen rapide (figure 1). Cette pa-
méthanol qui donnent un œdème papillaire blanchâtre thologie, en rapport avec une mutation de l’ADN mito-
suivi d’une atrophie optique excavée. Des carences chondrial, est transmissible uniquement par la mère. Il
vitaminiques notamment en vitamine B12 peuvent éga- peut exister des problèmes diagnostiques chez le sujet
lement entraîner une atrophie papillaire. âgé surtout s’il existe une hypertonie oculaire associée !

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Clinique

complexe maculaire cellulaire ganglionnaire ou GCC)


ainsi que l’examen des couleurs sont systématiques.

Quels sont les principaux éléments discriminants ?


Eléments en faveur d’une neuropathie optique
glaucomateuse
En cas de neuropathie glaucomateuse, l’acuité visuelle
est très longtemps conservée et les plaintes visuelles peu
marquées. À l’examen du segment antérieur, il faut re-
chercher des signes en faveur d’un syndrome de disper-
sion pigmentaire ou d’un glaucome secondaire (uvéite,
post-traumatique…). En gonioscopie, l’angle est variable
(en fonction du type de neuropathie glaucomateuse : ouvert,
fermé, pigmenté, avec synéchies…). Au fond d’œil, il est
classiquement mis en évidence une excavation papillaire
verticale avec bonne coloration de l’anneau neuro-rétinien
et perte de la règle ISNT (anneau en inférieur > supérieur
> nasal > temporal), on peut également noter une encoche
Figure 1. Fond d’œil d’un patient présentant une mutation NOHL de l’anneau neuro-rétinien, un élargissement des pores
(neuropathie optique héréditaire de Leber), la pâleur est discrète et de la lame criblée, un rejet nasal des vaisseaux papillaires,
prédomine en central (série personnelle). une hémorragie péripapillaire, ainsi qu’une atrophie péri-
papillaire plus marquée que dans les neuropathies non
Autres glaucomateuses. Sur le champ visuel, il existe une épargne
Il faut penser aux rétinopathies héréditaires avec fovéolaire sans respect du méridien vertical (on peut re-
pâleur papillaire et aspect rétinien pouvant être normal trouver l’aspect classique du scotome de Bjerrum), on peut
ou quasi normal (dystrophie des cônes, rétinite pigmen- également mettre en évidence une dyschromatopsie de
taire sans pigments, maladie de Stargardt à un stade pré- type bleu/jaune lors de la vision des couleurs. En OCT,
coce…) et ne pas hésiter à demander des ERG/PEV afin il existe une perte axonale fasciculaire avec atteinte
de préciser le diagnostic. préférentielle des quadrants supérieurs et inférieurs lors
de l’analyse de la couche RNFL en péripapillaire. Au final,
Examen clinique en pratique une bonne concordance structure/ fonction, une atteinte
volontiers bilatérale, une cinétique lentement progressive
Interrogatoire et bien sûr la présence d’une hypertonie oculaire sont de
Il est fondamental : il convient de demander la cinétique bons arguments pour une atteinte de type glaucomateux.
de la baisse d’acuité visuelle, le mode de début brutal
ou progressif, le caractère uni- ou bilatéral, l’association Les éléments en faveur d’une neuropathie
à des douleurs ou d’autres symptômes (héméralopie, non glaucomateuse
diplopie, céphalées, altération de l’état général…). On L’interrogatoire va permettre de mettre en évidence un
demandera les antécédents familiaux ophtalmologiques élément atypique pour une neuropathie glaucomateuse
et généraux, les antécédents médico-chirurgicaux du (baisse d’acuité visuelle brutale, céphalées, antécédent de
patient, la prise de toxiques et de médicaments. traumatisme crânien, hérédité, prise de toxiques…).
L’acuité visuelle est impactée, l’examen du champ visuel
Examen clinique permet de mettre en évidence un seuil fovéolaire abaissé,
Il doit être soigneux avec la mesure de l’acuité visuelle, la vision des couleurs est altérée, on retrouve un angle nor-
la recherche d’un déficit de l’afférence, la prise de la ten- mal en gonioscopie. Au fond d’œil, on retrouve une papille
sion oculaire, l’examen du segment antérieur et du fond plus pâle qu’excavée. L’atteinte en OCT est variable (dif-
d’œil avec analyse fine de la tête du nerf optique, la réa- fuse, temporale dans l’atrophie optique dominante ou
lisation d’une pachymétrie, d’une gonioscopie, l’examen dans la sclérose en plaques (SEP) par exemple). La ciné-
de la motricité extrinsèque. La réalisation d’un champ tique d’évolution brutale ou rapidement progressive de la
visuel, l’OCT papillaire (analyse de la couche des fibres ner- baisse de l’acuité visuelle, le caractère unilatéral, asso-
veuses de la rétine (RNFL) en péripapillaire et cartogra- ciés à une discordance structure/fonction sont des bons
phie de la tête du nerf optique) et maculaire (analyse du arguments pour une atteinte non glaucomateuse.

22 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


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Clinique

Eléments en faveur d’une atrophie optique


secondaire à une pathologie chiasmatique
Dans ce cas, l’acuité visuelle peut être conservée ou
abaissée mais le champ visuel retrouve un déficit temporal
bilatéral, congruent ou non, mais dont la limite respecte
le méridien vertical. L’atrophie optique est le plus souvent
bilatérale mais peut être asymétrique si la compression
est latéralisée.

En pratique, quand demander


une IRM cérébro-orbitaire ?
Des critères cliniques ont été définis afin de détermi-
ner la place de l’IRM en cas de découverte d’une atrophie
optique excavée [4]. Les plus importants sont une atteinte
papillaire unilatérale ou très asymétrique, un âge inférieur
Figure 2. IRM cérébrale, découverte d’un gliome du nerf optique
à 50 ans, une perte rapide et inexpliquée de la vision cen-
gauche dans le cadre du bilan d’une pâleur papillaire gauche
trale, une pâleur de l’anneau neuro-rétinien, des symp- (série personnelle).
tômes et signes cliniques associés (douleurs orbitaires,
céphalées, diplopie binoculaire, exophtalmie…), une am-
putation du champ visuel respectant le méridien vertical phospholipides, anticorps anti-aquaporine 4, anticorps
(tableau I). anti-MOG, examen neurologique, IRM médullaire, ponc-
Une compression des voies visuelles sera recherchée tion lombaire.
(figure 2), l’aspect des nerfs optiques sera également noté. Une enquête génétique à la recherche d’une neuro-
pathie optique héréditaire de Leber ou d’une atrophie
Tableau I. Indications de réalisation d’une IRM cérébro-orbitaire optique dominante pourra également être prescrite en
devant une papille pâle et excavée.
fonction de la clinique.
Atteinte papillaire unilatérale ou très asymétrique
Âge inférieur à 50 ans En conclusion
Perte rapide et inexpliquée de la vision centrale
Le plus important avant de démarrer une enquête étio-
Pâleur de l’anneau neuro-rétinien
logique est de pratiquer un examen clinique, complet,
Douleurs orbitaires, céphalées, diplopie, exophtalmie rigoureux qui permettra d’orienter la démarche diag-
Amputation du champ visuel respectant le méridien vertical, nostique [6]. Nous insistons ici sur l’importance de pré-
systématisation du déficit ciser le pattern évolutif de la neuropathie optique qui
apportera des éléments précieux pour la suite de la prise
en charge.
Quel bilan prescrire en cas d’atrophie
optique inexpliquée (d’après [5]) Références bibliographiques
[1] Denoyer A. Physiopathologie de la neuropathie optique glaucoma-
Si malgré une démarche diagnostique soigneuse et la teuse. Glaucome primitif à angle ouvert. Rapport de la Société
réalisation d’une IRM cérébrale, un diagnostic précis n’a Française d’Ophtalmologie, 2014.
pas pu être posé, un complément de bilan ciblé parmi les [2] Labbé A. Facteurs anatomiques et théorie biomécanique de la neu-
éléments suivants sera prescrit en fonction de la clinique ropathie optique glaucomateuse. Glaucome primitif à angle ouvert.
Rapport de la Société Française d’Ophtalmologie, 2014.
(bilan non exhaustif à orienter selon le type de neuro- [3] Vignal C. Neuropathies optiques non glaucomateuses. Glaucome
pathie optique). primitif à angle ouvert. Rapport de la Société Française d’Ophtalmo-
NFS, VS, CRP, ionogramme sanguin, ERG/PEV, bilan car- logie, 2014.
diovasculaire avec notamment holter tensionnel et écho [4] Milea D. Excavation papillaire non glaucomateuse. J Fr Ophtalmol.
doppler des vaisseaux du cou, dosage de la vitamine B12, 2007;30:3S31-4.
[5] Arndt C. Notions pratiques, Neuropathies optiques. Rapport annuel.
sérologies TPHA/VDRL, toxoplasmose, bartonellose, CMV, Bulletin des sociétés d’ophtalmologie de France. 2015:285-300.
HSV, VZV, Lyme, enzyme de conversion de l’angiotensine, [6] Safran A. Atrophie optique. Neuro-ophtalmologie. Rapport de la
TDM thorax, TEP-TDM, homocystéinémie, anticorps anti- Société Française d’Ophtalmologie, 2004.

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 23


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Clinique

Vision entoptique : « C’est quoi exactement ? »


Jacques Chofflet

abituellement la vision définit la perception du monde extérieur, mais dans certaines


H situations rares des phénomènes entoptiques peuvent survenir. C’est par définition
« la perception visuelle, physiologique ou pathologique, de certains objets à l’intérieur de
l’œil dans des conditions lumineuses adéquates » (Helmholtz).
Ainsi nous, ophtalmologistes, rencontrons certains phénomènes assez fréquemment,
tels les corps flottants, facilement explicables mais d’autres apparaissent plus aléatoires
et un peu mystérieux. Au cours d’un examen au V3M certains patients parfois s’exclament
« mais je vois mes vaisseaux !? ».
La compréhension de ce phénomène d’ombre des vaisseaux rétiniens peut nous permet-
tre son utilisation comme test en cas de non accessibilité au fond d’œil.

Les différents phénomènes


Les corps flottants ou myodésopsies ou « mouches
volantes » : il s’agit de l’ombre sur la rétine d’opacités en
suspension dans le vitré ou de variation de densité au
sein du vitré par liquéfaction. Nous les voyons plus faci-
lement sur un fond blanc, en penchant son regard sur une
feuille de papier ou en regardant au plafond par exem-
ple. Ils flottent, suivent les mouvements oculaires et sont
plus ou moins sombres selon leur densité et leur éloi-
gnement de la rétine.
Ils sont souvent à l’origine d’angoisse chez les patients
et ont parfois été source d’inspiration artistique comme chez
Munch qui décrira l’évolution d’une hémorragie du vitré de
son œil droit dans des notes, dessins et pastels [1].
Figure 1. Mise en évidence entoptique de l’ombre des vaisseaux
Ce phénomène entoptique est le plus simple et est rétiniens par la projection et mouvement d’une lumière ponctuelle
facile à expliquer aux patients. transsclérale à 5 mm en arrière du limbe.

une lumière ponctuelle (par exemple avec un ophtalmo-


L’ombre des vaisseaux rétiniens est le plus célèbre des scope), transsclérale (TS) environ 5 mm en arrière du
phénomènes entoptiques, aussi appelé arbre de Purkinje limbe (figure 1) et effectuer un mouvement, pour contrer
d’après le neurophysiologiste tchèque, mais avait déjà l’adaptation, lent de 1 à 3 Hz, parallèle au limbe ou d’avant
été décrit par Steinbuch en 1813. Les vaisseaux rétiniens en arrière. Au mieux, dans la pénombre, en fixant un fond
nous sont habituellement invisibles par l’adaptation. La uniforme et en fermant l’autre œil. L’arbre vasculaire
lumière en entrant dans le globe oculaire projette l’ombre nous apparaît alors, de façon continue, en noir sur un
des vaisseaux toujours au même endroit et un phéno- fond clair (jaune-orange) et suffisamment précis pour
mène d’adaptation locale très rapide neutralise leur que Purkinje, qui a décrit ce phénomène dans sa thèse
visualisation. Pour les mettre en évidence, il faut projeter en 1819, puisse effectuer des dessins de ses vaisseaux
rétiniens (figure 2). Purkinje utilisait une bougie qu’il
Antibes ; Hôpital Pasteur 2, CHU Nice. déplaçait autour de son œil dans une pièce sombre.

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Clinique

Figure 2. Dessin de
ses propres vaisseaux
rétiniens par Purkinje.

Il est également possible d’effectuer une diaphano-


Figure 4. Coupe histologique au niveau de la fovéa : la mosaïque
scopie TS à travers la paupière supérieure en regardant des noyaux des cônes serait responsable du chagrin maculaire.
vers le bas, si l’éclairage est suffisamment intense.
L’éclairage peut aussi se faire en transpupillaire (TP) à
l’aide d’une source lumineuse ponctuelle (< à 1 mm), tour-
Phénomènes entoptiques sur fond bleu : en observant
nant sur un axe d’environ 2 mm, dans la pénombre, l’œil
un fond bleu uniforme, comme le ciel, on peut apercevoir
examiné fixant un fond uniforme. La réalisation est un
des points lumineux oblongs avec une petite queue som-
peu plus délicate qu’en TS mais l’image plus précise [2].
bre, se déplaçant rapidement de façon pulsatile avec le
rythme cardiaque, selon des trajets curvilignes semblant
aléatoires. Ils disparaissent en moins d’une seconde et
Le chagrin maculaire (CM), désigne la perception de restent localisés dans les 10-15° centraux.
petits points scintillants, formant une tache ovalaire au
La lumière bleue (430 nm) est absorbée par les érythro-
milieu de l’ombre des vaisseaux rétiniens soit dans l’aire
cytes en colonne dans les capillaires, ce qui crée une
fovéolaire (figure 3).
ombre au niveau des photorécepteurs juste en dessous,
ombre qui est neutralisée encore une fois par adaptation.
Les leucocytes plus rares et beaucoup plus volumineux,
allongés par déformation dans les capillaires, en progres-
sant dans ces colonnes sombres, créent un trait lumineux,
rompant le phénomène d’adaptation pendant un très
cours instant.
C’est un phénomène très subtil, qui nécessite qu’on y
prête attention pour le percevoir. Tardivement décrit par
Figure 3.
Scheerer en 1924, il a longtemps faussement été relié
Chagrin maculaire
décrit par Müller, aux déplacements des érythrocytes.
mosaïque de points
scintillants fovéolaires.
Phénomène entoptique de l’arc bleu. C’est un phéno-
Chagrin fait référence au cuir d’aspect grenu. Il est mène encore plus discret que le précédent. Après une
obtenu de la même manière que le phénomène précédent, courte adaptation de quelques minutes à la pénombre, en
mais est plus difficile à percevoir (il n’apparaît que pour fixant avec l’œil droit le bord droit d’un petit point lumi-
des mouvements d’illumination parallèle au limbe et neux rouge (l’œil gauche étant au mieux fermé), deux
disparaît lors des mouvements antéro-postérieurs alors
que l’ombre des vaisseaux persiste) et n’a été décrit que
tardivement par Müller en 1843. Le CM semble se déta- Figure 5.
Phénomène entoptique
cher et ne pas être dans le même plan que les vaisseaux.
de l’arc bleu : deux arcs
Les seules structures pouvant faire de l’ombre au niveau bleus passent au-
de la fovéa sont les noyaux des cônes, le cytoplasme étant dessus et au-dessous
transparent (figure 4). La mosaïque vue entoptiquement du point de fixation
est constituée de points séparés d’un intervalle de 15 μm et se dirigeant vers la
qui représenteraient l’ombre des noyaux des cônes [3]. tache aveugle.

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Clinique

arcs bleus apparaissent pendant une


demi-seconde, partant de la source
lumineuse, passant au-dessus et au-
dessous du point de fixation et se diri-
geant vers la « tache aveugle » (figure 5).

La première description, avec des


schémas explicatifs, en revient à Pur-
kinje (figure 6), qui l’a observé, assis
devant un feu de cheminée. Le méca-
nisme exact reste inconnu, il est admis
que le trajet arciforme suit les fibres Figure 6. Phénomène entoptique de l’arc bleu décrit par Purkinje en 1825, la forme variant
des cellules ganglionnaires. selon la taille du stimulus.

Il est à noter que le monde des phénomènes entoptiques plan des vaisseaux était au-dessus du plan des photo-
est assez vaste et on peut encore citer entre autres, la récepteurs, Müller a calculé, sur 3 sujets un espacement
brosse d’Haidinger, le 6e reflet des images de Purkinje, compris entre 0,19 et 0,36 mm.
le gris intrinsèque, les phosphènes…
Ce phénomène a été utilisé pendant plus de 100 ans
comme test pour évaluer la fonction visuelle potentielle
en cas de cataracte ou opacités cornéennes importantes
Applications cliniques et donc de l’utilité d’une intervention chirurgicale. De très
nombreuses publications existent, dont certaines sont
L’arc bleu mettant en jeu les fibres des cellules gan-
récentes [7]. L’absence de perception de l’ombre des
glionnaires, les glaucomatologues s’y sont intéressés et
vaisseaux est un facteur de mauvais pronostic et la per-
ont utilisé ce phénomène pour dépister le glaucome [4].
ception du chagrin maculaire est associé avec une acuité
Une application sur smartphone pourrait être développée
visuelle post-opératoire d’au moins 1/10, voire 2,5/10
pour auto-dépistage dans une population ciblée.
selon les études.
Le fond bleu, explorant la circulation capillaire au pôle
Pour faire le test, il faut commencer par le bon œil, pour
postérieur, un test sur ordinateur a été mis au point pour
bien montrer au patient ce qu’il doit percevoir, et pour
dépister et évaluer la rétinopathie diabétique [5] mais
vérifier que l’éclairage, et la vitesse du mouvement sont
également pour prédire l’acuité visuelle potentielle dans
adéquats.
les cataractes évoluées [6].
Mais c’est surtout l’ombre de vaisseaux rétiniens et le La visualisation de ses vaisseaux rétiniens est toujours
chagrin maculaire, qui peuvent être utilisés très simple- une expérience surprenante, peu enseignée aujourd’hui
ment et rapidement. Au XIXe siècle, cela a prouvé que le mais très utile dans certains cas difficiles.

Références bibliographiques

1. Lanthony P. L’oiseau entoptique de Munch. Rev Prat. 2007;57(7): glaucoma. Trans Am Ophthalmol Soc. 2013;111:46-55.
807-9. 5. Fallon TJ, Chowiencyzk P, Kohner EM. Measurement of retinal
2. Bradley A, Zhang H, Applegate RA et al. Entoptic image quality of blood flow in diabetes by the blue-light entoptic phenomenon. Br J
the retinal vasculature. Vision Res. 1998;38(17):2685-96. Ophthalmol. 1986;70(1):43-6.
3. Wolf R et al. A direct view on our own cone cells. Biocentre of the 6. Sinclair SH, Loebl M, Riva CE. Blue field entoptic phenomenon in
University of Würzburg and Max Planck Institute. PDF publication. cataract patients. Arch Ophthalmol. 1979;97(6):1092-5.
http://www.kyb.tuebingen.mpg.de/fileadmin/user_upload/files/publi 7. Murillo-Lopez F, Maumenee AE, Guyton DL. Perception of
cations/pdfs/pdf1814.pdf Purkinje vessel shadows and foveal granular pattern as a measure
4. Pasquale LR, Brusie S. The Blue arc entoptic phenomenon in of potential visual acuity. J Cataract Refract Surg. 2000;26(2):260-5.

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Clinique La présentation de l’interne

Un MEWDS
Prisca Loganadane1,2, Maher Saleh1

Madame C, 25 ans, se présente en urgence A


pour l’apparition d’un scotome central droit
rapidement progressif. La patiente ne pré-
sente aucun antécédent hormis un épisode
de gastro-entérite aigüe virale le mois pré-
cédent.

L’examen ophtalmologique retrouve une


acuité visuelle à 6/10 à droite et 10/10 à gauche.
L’examen du segment antérieur est sans par-
ticularité. Les réflexes photomoteurs sont nor-
maux. Le fond d’œil montre à droite, une fine
hyalite avec un aspect granité de la fovéa accom-
pagnée de petites taches blanches au pôle pos- B

térieur (figure 1A).


L’OCT objective un amincissement de la
bande ellipsoïde (figure 1B). Les clichés en auto-
fluorescence retrouvent une hypo-autofluores-
cence des taches qui sont plus nombreuses
qu’à l’examen clinique (figure 2, A et B).
Les lésions sont hypofluorescentes ou non
Figure 1. A. Fond d’œil droit : taches blanches visibles au pôle postérieur (flèches
vues aux temps précoces et ont tendance à s’im-
blanches) avec l’aspect granité de la macula (flèche jaune).
prégner. B. OCT-Spectral domain : amincissement de la bande ellipsoïde.
Les lésions sont hypocyanescentes au temps
tardif, plus nombreuses et ont tendance à A C
confluer.
À l’angiographie à la fluorescéine, les lésions
sont hypofluorescentes ou non vues aux temps
B
précoces et ont tendance à s’imprégner. Les
lésions sont hypocyanescentes aux temps
tardifs, plus nombreuses et ont tendance à
confluer (figure 2C).

Figure 2. A. Angiographie à la fluorescéine.


Haut : temps précoce à 40 secondes.
Bas : cliché à 3 minutes.
B. Autofluorescence : lésions hypo-
autofluorescentes. C. Angiographie au vert
d’indocyanine. Haut : temps précoce à 2 minutes.
Bas : temps tardif à 30 minutes.

1. Département ophtalmologique CHU,


Besançon. 2. Interne.

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Clinique

Diagnostic et prise en charge


Le diagnostic du MEWDS (Multiple evanes-
cent white dot syndrome) ou syndrome des
taches blanches évanescentes, est établi sur
l’aspect initial et sur l’évolution. Aucun trai-
tement n’a été introduit et une amélioration
spontanée a été observée en un mois avec
reconstitution de la couche des photorécep-
teurs (figure 3) et disparition des lésions du
fond d’œil (figure 4).

Points forts
Figure 3. Évolution à 1 mois. OCT-Spectral domain : reconstitution de la couche des
• Le MEWDS ou syndrome des taches photorécepteurs.
blanches évanescentes est une
affection rare touchant principale- A

ment les femmes jeunes, âgées de


20 à 40 ans.

• Il s’agit d’une atteinte de la chorio-


capillaire, le plus souvent unilaté-
rale, d’étiologie inconnue mais une
origine virale été évoquée de par la
fréquence des syndromes grippaux B

qui précèdent les signes fonction-


nels.

• Le diagnostic est clinique et conforté


par l’angiographie à la fluorescéine C

et au vert d’indocyanine.

• Le pronostic visuel est bon avec une


résolution spontanée de ces taches.

• Les complications sont rares : une


néovascularisation sous-rétinienne
ou prépapillaire est possible. De Figure 4. Évolution à 1 mois. Résolution spontanée des taches. Colonne de gauche :
même, la récidive de ce syndrome examen initial ; colonne de droite : à 1 mois. A. Autofluorescence. B. Angiographie à la
fluorescéine. C. Angiographie au vert d’indocyanine.
est rare (< 10%).

• Le diagnostic différentiel est celui


Références bibliographiques
des taches blanches du fond d’œil
en général et de la Punctate inner Hashimoto H, Kishi S. Ultra-wide-field fundus autofluorescence in multiple evanescent
choriodopathy (PIC) plus particu- white dot syndrome. Am J Ophthalmol. 2015;159(4):698-706.
Agarwal A, Soliman MK, Hanout M et al. Adaptive optics imaging of retinal photorecep-
lièrement.
tors overlying lesions in white dot syndrome and its functional correlation. Am J
Ophthalmol. 2015;160(4):806-16.

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 29


CDO207_P030_DossierOCT-A-aude-v2:CLINIQUE 9/02/17 17:21 Page 30

Dossier

4e congrès international d’OCT-angiographie


de Rome
Aude Couturier

’OCT-angiographie (OCT-A) est un outil supplémentaire à la disposition des ophtal-


L mologistes depuis bientôt trois ans pour le suivi des pathologies rétiniennes et est de
plus en plus couramment utilisé. La possibilité de visualiser les capillaires maculaires
sans injection de colorant, d’analyser les plexus capillaires de façon séparée et de quan-
tifier des lésions fournissent des données intéressantes pour la prise en charge et la
compréhension des maladies vasculaires rétiniennes et choroïdiennes. Le 4e congrès
international d’OCT-A qui s’est tenu à Rome les 16 et 17 décembre derniers, a rassemblé
188 orateurs spécialistes d’OCT et OCT-A et plus de 1 500 participants, témoignant de l’in-
térêt grandissant porté à cette technique d’imagerie. Les résumés de quelques commu-
nications présentées lors de ce congrès vous sont rapportés ici.

Évolution et récurrence des néovaisseaux terme, le Dr Spaide a décrit les caractéristiques des NVC
choroïdiens en OCT-A après traitement anti-VEGF au long court. Le diamètre des
(Session 3. OCT-A et DMLA néovasculaire, vaisseaux s’élargit et l’on observe peu d’anastomoses,
Bruno Lumbroso) peu de boucles et peu de capillaires au sein de la lésion.
Le Pr Lumbroso a présenté une étude prospective de Ce type de NVC peut être qualifié de mature (figure 1).
7 yeux de 7 patients traités par anti-VEGF pour des néo- Dans le cas des récurrences aigües, on observe une
vaisseaux choroïdiens (NVC) et suivis pendant 12 à 30 mois récidive de début brutal, souvent après 4 à 5 cycles de
avec un OCT-A trois fois par mois. récurrences périodiques. Ce type de récurrence semble
Deux catégories de récurrences ont été observées : lié à la croissance de points hyperdenses localisés au
- récurrence régulière, cyclique survenant 50 à 60 jours sein des boucles néovasculaires de la lésion initiale. L’in-
après la phase d’induction de 3 injections intravitréennes tervalle entre ces récurrences aigües est irrégulier, en
(IVT), moyenne 1 ou 2 fois par an.
- récurrence aigüe brutale, moins fréquente, survenant
après 4 ou 5 récurrences cycliques ou sans périodicité.
Dans le cas de récurrences cycliques, 24h après l’in-
jection d’anti-VEGF, la densité du NVC diminue immé-
diatement, donnant un aspect fragmenté. La régression
maximale est obtenue entre 10 et 15 jours après l’IVT.
D’autres branches, principalement les vaisseaux nourri-
ciers, disparaissent. On retrouve une fluctuation (aug-
mentation ou diminution) du halo sombre entourant la
lésion. Cette régression brutale est suivie par une phase
lente de progression jusqu’à 50 à 60 jours. En moyenne,
40 jours après l’IVT une partie des vaisseaux sont ré-
ouverts. Ces cycles évolutifs avec régression rapide puis
récurrence progressive, se répètent de façon assez régu-
Figure 1. Comparaison d’un néovaisseau choroïdien (NVC) naïf de
lière tous les 50 à 60 jours. Concernant l’évolution à long traitement à un NVC mature, traité au long cours par anti-VEGF.
Le NVC mature présente un nombre plus faible d’anastomoses et
AP-HP Lariboisière, Paris. un diamètre des vaisseaux élargi.

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Dossier

L’OCT-A Swept-source est-il meilleur que l’OCT-A sur l’angiogramme (figure 2).
Spectral Domain pour la détection des NVC ? Deux pattern ont pu être identifiés : le pattern 1 (11%)
(Session 3. OCT-A et DMLA néovasculaire, où le flux vasculaire était confiné à la rétine neurosenso-
Philip J. Rosenfeld) rielle et le pattern 2 (74%), où le flux vasculaire s’éten-
Les avantages théoriques de l’OCT-A Swept-source dait à travers l’épithélium pigmentaire. L’anastomose
(OCT-A SS) sont liés à la longueur d’onde du laser plus choriorétinienne n’a pas pu être directement visualisée,
importante, à 1 050 nm (vs 840 nm pour l’OCT-A SD) per- principalement car les artéfacts de projection rendent
mettant une meilleure pénétration dans la choroïde, moins difficiles l’interprétation du flux dans les structures pro-
de variation de la sensibilité, et une plus grande sécurité, fondes.
permettant d’utiliser une puissance plus élevée et une Neuf cas ont pu être imagés en OCT-A au cours du
amélioration du rapport signal/bruit (contraste). suivi. Le traitement par anti-VEGF permet une diminution
Les résultats d’une étude comparant l’OCT-A SS et de l’intensité de la touffe vasculaire visible en OCT-A. Une
l’OCT-A SD pour l’imagerie des NVC ont été présentés augmentation de l’intensité de la touffe vasculaire à flux
[1]. Les images de 14 yeux atteints de DMLA néovascu- élevé a été observée lors de l’évolution ou la récurrence
laire, prises avec les deux appareils le même jour, ont été de la lésion.
analysées par deux examinateurs indépendants. Sur le Dans cette série, 22 yeux (81%) avaient des points hyper-
plan qualitatif, les résultats ont été similaires sur l’an- réflectifs séparés et adjacents aux zones avec un flux vas-
giogramme 3x3 mm pour les deux types d’OCT-A. Cepen- culaire (figure 3). Lors de la progression du NVC de type
dant, l’aire du NVC mesurée sur OCT-A 3x3 mm et 3, les points hyperréflectifs apparaissent plus nombreux
6x6 mm était plus large sur l’OCT-A SS que sur l’OCT-A et semblent correspondre à des altérations pigmentaires
SD (p = 0,001 et p = 0,0019, respectivement). L’OCT-A SS focales visibles sur la rétinophotographie couleur.
semble donc mesurer l’aire du
NVC et son étendue totale de
façon plus précise. Cependant,
cette étude présente plusieurs
limites : il s’agit d’une étude
faite sur un petit nombre de
cas et les mesures ont été réa-
lisées avec différents outils
(différence de logiciel des deux
appareils et des algorithmes Figure 2. Néovaisseau choroïdien de type 3 imagé en
de traitement de l’image) et OCT-A. La lésion apparaît comme une touffe vasculaire à
sur des segmentations ajus- flux élevé sur l’angiogramme (cercle vert). La segmenta-
tées manuellement. tion utilisée est visible sur l’OCT B-scan en haut à droite
(ligne verte). L’OCT B-scan avec signal de flux (points
rouges) en bas, montre que le flux au sein de la lésion
Évolution des néovaisseaux est intrarétinien et provient du plexus capillaire profond
choroïdiens de type 3 (flèche verte) (adapté de Tan et al. 2017 [2]) .
en OCT-A
(Session 3. OCT-A et DMLA Figure 3. Néovaisseau
néovasculaire, choroïdien de type 3
K. Bailey Freund) imagé en OCT-A.
Un point hyperréflectif
Les résultats d’une étude (flèche verte) est visi-
de l’imagerie OCT-A de 27 yeux ble à côté de la lésion
atteints de NVC de type 3 vasculaire (points
(anastomoses chorioréti- rouges) sur l’OCT B-
niennes) ont été présentés [2]. scan avec signal de
Chez les 27 cas, les NVC de flux. Il correspond à
une zone de migration
type 3 étaient bien visibles
pigmentaire visible sur
sous la forme d’une structure la rétinophographie
linéaire à flux élevé sur l’OCT couleur (cercle jaune)
structurel et sous forme d’une (adapté de Tan et al.
touffe vasculaire à flux élevé 2017 [2]).

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OCT-A

OCT-A dans les cas de CRSC chronique avec Ainsi, la CAM a permis de définir un consensus inter-
épithélium pigmentaire irrégulier national pour désigner les différents types d’atrophie,
(Session 3. OCT-A et DMLA néovasculaire, indispensable pour l’inclusion des patients et l’évalua-
Emin Öemert)
tion de la maladie dans le cadre de protocoles de recherche
Les cas de CRSC chronique avec épithélium pigmen- clinique. L’objectif de cette classification est également
taire irrégulier peuvent être associés à la présence de de favoriser le diagnostic des formes précoces.
NVC. L’auteur a présenté une étude de 11 yeux retrouvant
un taux de détection des NVC de 36,4% en angiographie Hyporéflectivités rondes choroïdiennes
ICG contre 63,7% en OCT-A. Ainsi les NVC sont fréquents dans l’atrophie géographique
dans ces cas et doivent être recherchés si la pachycho- (Session 4. OCT-A et DMLA atrophique,
roïde est associée à un épithélium pigmentaire irrégulier. Riccardo Sacconi)
L’angiographie classique en ICG sous-estime probable- Sur une coupe d’OCT B-scan, des hyporéflectivités
ment leur prévalence. rondes choroïdiennes, délimités par une bordure hyper-
réflective, peuvent être observées dans l’atrophie géo-
DMLA atrophique : résultats de la conférence graphique (figure 4). Ces hyporéflectivités choroïdiennes
de consensus CAM 3 sont aussi visibles en OCT-A sous forme de points som-
(Session 4. OCT-A et DMLA atrophique, bres, le plus souvent localisés au sein de la lésion atro-
SriniVas Sadda) phique dans les couches de Haller et Sattler, sans flux
Le consensus international de la CAM 3 (Classification détectable. Elles sont entourées d’une bordure hyper-
of Atrophy consensus Metting) concernant la définition de réflective. Ces hyporéflectivités sont toujours hypofluo-
l’atrophie sur l’OCT a été présenté. rescentes en angiographie ICG et elles pourraient
L’atrophie complète de l’épithélium pigmentaire et de correspondre à des vaisseaux choroïdiens non ou hypo-
la rétine externe (cRORA : complete retinal pigmentary perfusés. Elles seraient un précurseur des cavernes
epithelium + outer retinal atrophy), dont l’atrophie géogra- choroïdiennes.
phique est un sous-type, doit comporter les trois carac-
téristiques suivantes en OCT :
- hypertransmission de plus de 250 microns,
- zone d’atténuation ou interruption de l’épithélium pig-
mentaire de plus de 250 microns,
- présence d’une dégénérescence des photorécepteurs
avec amincissement de la couche nucléaire externe et
à perte de la zone ellipsoïde.
L’atrophie incomplète de l’épithélium pigmentaire et de
la rétine externe (iRORA : incomplete retinal pigmentary
epithelium + outer retinal atrophy) doit comporter les
trois caractéristiques suivantes en OCT :
- hypertransmission présente mais discontinue,
- irrégularité de l’épithélium pigmentaire,
- présence d’une dégénérescence des photorécepteurs.
L’atrophie complète de la rétine externe (cORA : comple-
te outer retinal atrophy) doit comporter les trois carac-
téristiques suivantes en OCT : Figure 4. Hyporéflectivité choroïdienne visible au sein d’une atro-
- perte continue de la zone ellipsoïde, phie géographique sur le cliché OCT B-scan (en bas, tête de flèche)
- amincissement sévère de la rétine externe, et l’OCT-A (en haut à droite, flèche blanche).
- ligne de l’épithélium pigmentaire intacte.
OCT-A et rétinopathie diabétique
L’atrophie incomplète de la rétine externe (iORA : incom-
(Session 9. Rétinopathie diabétique, André Romano)
plete outer retinal atrophy) doit comporter les trois carac-
téristiques suivantes en OCT : L’OCT-A permet aujourd’hui d’apporter des données
- interruptions de la zone ellipsoïde, quantitatives dans l’évaluation de la rétinopathie diabé-
- amincissement détectable de la rétine externe, tique (RD) : aire de perfusion, taille de la zone avasculaire
- ligne de l’épithélium pigmentaire intacte. centrale, densité capillaire (AngioAnalytics, optovue). Il

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 33


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Dossier

permet ainsi de différencier facilement les RD à fai-


ble risque (RD non proliférante minime et modérée)
des RD à haut risque (RD non proliférante sévère et
proliférante). La taille de la zone avasculaire centrale
augmente tandis que l’aire de perfusion et la densité
capillaire diminuent avec la gravité de la RD. Le plexus
capillaire profond est le plexus qui présente l’atteinte
la plus significative de ces trois paramètres et serait
donc le plexus le plus précis pour détecter les RD à
haut risque (figure 5). En particulier, la densité capil-
laire était le paramètre le plus précis avec une haute
spécificité.

Conclusion
Les évolutions de l’OCT et de l’OCT-A nous per-
mettent de mieux visualiser le tissu rétinien et ses
anomalies mais aussi de les quantifier. À l’avenir, ces
nouvelles données faciliteront sans doute le diag-
nostic précoce et le suivi précis des maladies vascu-
laires rétiniennes et choroïdiennes.
Figure 5. Examen en OCT-angiographie d’un patient diabétique
de type 2 présentant une rétinopathie diabétique non prolifé-
rante sévère. Les angiogrammes retrouvent des zones de non-
perfusion dans les deux plexus ainsi qu’une baisse importante
de la densité capillaire (cercle rouge)
(OCT-A AngioVue avec AngioAnalytics et logiciel de correction
des artéfacts de projection, Optovue.
NB : Valeur normale de la densité capillaire retrouvée avec ce même logiciel chez des témoins non diabétiques à l’hôpital
Lariboisière, n = 8 : 52,9% dans le plexus capillaire superficiel, 54% dans le plexus capillaire profond).

Références
[1] Novais EA, Adhi M, Moult EM et al. Choroidal Neovascularization [2] Tan AC, Dansingani KK, Yannuzzi LA, Sarraf D, Freund KB. Type
Analyzed on Ultrahigh-Speed Swept-Source Optical Coherence 3 Neovascularization imaged with cross-sectional and en face opti-
Tomography Angiography Compared to Spectral-Domain Optical cal coherence tomography angiography. Retina. 2017;37(2):234-46.
Coherence Tomography Angiography. Am J Ophthalmol. 2016;164:80-8.


  

 


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34 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


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OCT-A

Optimiser son acquisition en OCT-angiographie


Adil El Maftouhi 1,2, Maddalena Quaranta-El Maftouhi 1

’OCT-A (OCT-angiographie) représente une évolution de l’OCT dit « en face » constitué


L de nombreux B-scans avec des temps d’acquisition plus longs que le simple B-scan et
donc plus propices aux artéfacts liés aux mouvements du patient, aux microsaccades de
fixation ou simplement aux pertes de fixation. Malgré l’évolution des logiciels et l’incré-
mentation de l’Eye-tracking, ces micro-artéfacts ont une conséquence directe sur la qua-
lité des images de l’angiogramme. Cependant, il est possible de limiter leur participation
lors de l’acquisition avec quelques précautions à considérer.
Nous évoquerons les principaux éléments dont il faudra tenir compte lors de l’acquisition
pour optimiser sa projection OCT-A (fonctionnel) et OCT « en face » pour en faciliter son ana-
lyse mais également l’importance de la segmentation qui pondère la projection de l’OCT-A.

Considérations
techniques A

Le temps d’acquisition en OCT-A est


une variable importante car elle va sou-
vent conditionner la qualité des images.
En effet, plus le temps d’acquisition est
long plus il est difficile de garder une
fixation stable, d’empêcher les cligne-
ments du patient et à cela s’ajoute le
temps de rupture du film lacrymal plus B C
court chez nos patients âgés.
L’usage d’eye-tracker sur ces logi-
ciels, tendant à compenser ces micro- Figure 1. A. Trouble cristallinien dense de cupule postérieur en 3D. B et C. Ombrage induit
artéfacts, allonge bien souvent la durée par l’opacité cristallinienne sur les projections OCT-A d’acquisition horizontale et verticale
de l’examen. La durée d’acquisition (flèche blanche) avant la fusion des 2 cubes par l’algorithme MCT (AngioVue, Optovue).
d’un examen varie, à ce jour, de 6 s à
1 min, voire au-delà en fonction des systèmes utilisés. Il non dilaté induira des ombrages plus notables sur les
convient d’opter pour un système OCT-A avec un temps clichés d’OCT-A liés au champ restreint et au déplacement
d’acquisition le plus court possible pour pouvoir l’intro- du réticule pour s’affranchir de celles-ci (figure1).
duire en pratique clinique et améliorer le confort du patient De plus, une vision partielle du contrôle du fond d’œil
lors de cette analyse. lors de l’examen altère la performance des eyes-trackers
et de surcroît la rapidité de l’examen.
Précautions avant l’acquisition L’usage de mydriatiques améliore la qualité de la pro-
jection de l’OCT-A mais également le niveau du signal
Dilatation pupillaire sur bruit (SNR) et facilite l’analyse du pôle postérieur
L’examen d’OCT-A peut se réaliser chez des patients avec des cubes d’acquisition plus large.
non dilatés mais son acquisition peut être plus difficile en
cas de myosis associé à des troubles des milieux. En effet, 1. Centre ophtalmologique Rabelais, Lyon.
la présence d’opacités cristalliniennes chez un patient 2. CHNO des XV-XX, service du Pr C. Baudouin, Paris.

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 35


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 9/02/17 18:31 Page 36

Dossier

Positionnement du patient A Figure 2.



A. Patient confortablement installé avec les
L’installation du patient est la pre- avant-bras posés sur la table d’examen de part
mière étape pour limiter les artéfacts de et d’autre de la machine.
mouvement du patient. B. Patient diabétique présentant un œdème


Cela peut paraître évident mais les maculaire cystoïde avec décollement séreux
répercussions d’un patient mal posi- rétinien et une acuité visuelle à 1/10e. Mise en
tionné sont étroitement corrélées à la évidence de nombreux artéfacts sur l’OCT-A.
C. Amélioration de l’installation du patient


qualité de l’image. Le patient doit être
installé confortablement sur un fauteuil avec les avant-bras posés sur la table d’exa-
men, permettant de réduire les artéfacts.
ne comportant pas de roulettes avec le
menton et le front impeccablement posi-
tionnés dans la mentonnière. Le posi-
tionnement des avant-bras sur la table
accueillant l’OCT améliore la stabilité du
corps du patient durant l’examen et de
manière significative la qualité de l’exa-
men (figure 2).

Précautions durant
l’acquisition
Optimisation de la focale
L’avènement du Spectral Domain nous
a appris à mieux utiliser toute la physique
de l’OCT et notamment une propriété pro-
pre à la transformée de Fourier qui offre
toujours une seconde image virtuelle dont B C
le SNR est plus important sur la choroïde.
Cet aspect a bien été mis en évidence
par Spaide en 2008 sous l’appellation
Enhanced Depth Imaging (EDI). L’usage
de cette focale choroïdienne nous permet
de mieux visualiser la choroïde dans toute
son épaisseur et également l’espace
entre l’épithélium pigmentaire et la mem-
brane de Bruch (figure 3).
Conformément à cet enseignement,
il est d’usage désormais de modifier la
focale en fonction de la profondeur de la
zone d’intérêt lors de l’acquisition d’une
image en coupe B-scan.
L’OCT-A n’échappe pas à cette règle,
ainsi la modification de la focale avec
l’usage d’un focus choroïdien améliore
la qualité du signal dans la visualisation
du flux circulant dans les néovaisseaux
choroïdiens (figure 4).
Il est donc recommandé de modifier la
focale ou de basculer en mode « EDI »
lorsque l’on veut visualiser des lésions de
localisation plus profondes pour optimi-
ser le signal de décorrélation. Figure 3. EDI ou focale choroïdienne en OCT.

36 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 9/02/17 18:31 Page 37

OCT-A

bles et plus le temps d’acquisition est long, plus


l’examen peut être éprouvant pour le patient.
La qualité du signal sera d’autant plus affec-
tée que le patient aura un temps de rupture du
film lacrymal court avec des microsaccades de
fixation qui seront d’autant plus augmentées. Il
est d’usage de recommander au patient de cli-
gner des paupières en marquant des temps de
pauses pendant l’acquisition.
La présence d’importants troubles des
milieux d’origine cornéenne ou cristallinienne
limite l’accès à cette imagerie.
Focale : interface vitréo-rétinienne Focale choroïdienne
Positionnement du B-scan
Figure 4. Optimisation de la focale : améliore la qualité du signal de
décorrélation dans la visualisation des néovaisseaux.
Durant l’acquisition, il convient d’avoir un B-scan le
plus horizontal possible pour permettre un meilleur posi-
tionnement des algorithmes de segmentation automatique
Qualité du signal
(figure 5). En effet la qualité de cette segmentation va
L’OCT-A analyse une différence de contraste entre plu- pondérer la qualité de la projection d’OCT-A et son uni-
sieurs B-scans de même localisation pour observer des formité.
modifications témoins du flux circulant et générant un
signal appelé signal de décorrélation. Illumination du réticule
Le niveau de réflectivité doit être suffisant pour permet- Certains OCT nous offrent la possibilité de saturer l’il-
tre de détecter un signal, ainsi la réflectivité du B-scan lumination du fond du réticule permettant de limiter la
doit être optimisée pour améliorer la qualité de détection. visualisation des différents B-scans, limitant ainsi les
Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, les saccades de fixation. Le réglage de ce paramètre se réa-
temps d’acquisition d’un système à l’autre sont très varia- lise en général dans le mode manuel du logiciel.

Stratégie d’examen
Imagerie au pôle postérieur
Un protocole d’acquisition doit être établi
pour permettre une meilleure délégation de cet
acte. Chaque système dispose de fenêtres
d’acquisition variables avec des résolutions
différentes (figure 6).
Figure 5. OCT B-scan le plus horizontal possible pour


Figure 6. Exemple de fenêtres d’acquisition en OCT-A




potentialiser le positionnement de la segmentation. (XR Avanti avec AngioVue, Optovue).


Stratégie d’examen

Cube 8x8 mm Cube 6x6 mm Cube 3x3 mm Cube 2x2 mm


Résolution 26 microns Résolution 20 microns Résolution 10 microns Résolution 6,5 microns

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 37


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 9/02/17 18:32 Page 38

Dossier

En règle générale, on réalise tout d’abord un cube large Dans les pathologies vasculaires telles que les occlusions
de 6x6 mm et ensuite un cube de plus petite taille 3x3 mm ou la rétinopathie diabétique, on optera également pour
centré sur la zone d’intérêt. Certaines lésions de très un cube additionnel le plus large possible 8x8 ou 9x9 mm.
petites tailles comme certaines dilatations polypoïdales Les cubes plus larges, de manière générale, ont des réso-
nécessitent des cubes d’acquisition de 2x2 mm permet- lutions, c’est-à-dire un espacement entre les différents
tant de les mettre en évidence lorsqu’un flux est détecté B-scans, moins importantes mais suffisantes pour obser-
(figure 7). ver les territoires de non-perfusion (figure 8).
L’usage du tracking permet de rendre
éligible un plus grand nombre de patients
à l’OCT-A notamment lorsque la fixation du
patient est difficile.

Figure 7. Dilatations polypoïdales mieux visualisées avec le cube 2x2 mm. Figure 8. Occlusion de branche veineuse
rétinienne (OBVR) temporale supérieure
avec scan Angio HD de 6x6 mm
(400x400 B-scans).
hémorragie
Imagerie de la moyenne
néovaisseau périphérie
prérétinien
néovaisseaux Le déplacement des points de
prérétiniens fixations ou l’usage de fixation
externe offre l’accès à la moyenne
périphérie. Dans ces positions du
regard, les microsaccades sont plus
importantes, il convient alors
OCT-A : segmentation prérétinienne
OCT 3D d’avoir recours à des cubes de
champ plus larges qui seront moins
sensibles à ces artéfacts car la
résolution est moins importante
mais suffisante pour mettre en
néovaisseaux
prérétiniens
évidence des néovaisseaux pré-
rétiniens par exemple (figure 9).

Écho B : 20 MHz Figure 9. Néovaisseaux prérétiniens


OCT-A superposé sur le B-scan compliquant une OBVR à l’origine d’une
hémorragie intravitréenne diffuse.

38 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 9/02/17 18:32 Page 39

OCT-A

Imagerie du segment antérieur


La défocalisation de certains OCT per-
met avec les mêmes scans que ceux uti-
lisés pour le pôle postérieur l’accès à la
vascularisation irienne, conjonctivale et
limbique (figure 10).
La focalisation n’est pas toujours évi-
dente et doit être réalisée manuellement.
Cependant une segmentation manuelle
A B
est nécessaire et il est conseillé de réaliser
des cubes de plus petites tailles. Des logi-
Figure 10. OCT-A du segment antérieur.
ciels prototypes avec des scans dédiés au
A. OCT-A de la vascularisation irienne.
segment antérieur sont en cours d’élabo- B. OCT-A de la vascularisation conjonctivale
ration pour faciliter ces applications futures. avec visualisation d’une veine épisclérale.

Eye-tracking
L’usage de l’eye-tracking en OCT-A a
pour intention première de limiter les
microartéfacts de fixation mais son usage
augmente légèrement le temps d’acqui-
sition. Il permet également d’améliorer la
qualité du signal de décorrélation et le
contraste de manière significative.
Le contraste entre le signal de décor-
rélation et le fond de l’image est un élément
important à considérer lors du choix d’un
appareil d'OCT-A car il conditionne la
qualité de lecture des clichés (figure 11).
L’eyetracking, dans certaines conditions
difficiles, peut être désactivé pour amé-
liorer l’acquisition.
 Figure 11.
Amélioration de la qualité
de l’image en OCT-A grâce au tracking.
Cube 3x3 mm : sans tracking Cube 3x3 mm : avec tracking
Précautions post-acquisition
Qualité de la segmentation
La segmentation et l’épaisseur du slab
(fenêtre d’analyse) vont pondérer la qualité
de la projection de l’OCT-A. La segmenta-
tion automatique fonctionne généralement
relativement bien lorsque les couches réti-
niennes ne sont pas trop désorganisées.
Celles-ci doivent être vérifiées de manière
systématique car leur manque de régula-
rité peut engendrer des artéfacts sur l’OCT-
A et l’OCT « en face » (figure 12).
 Figure 12.
Mauvais positionnement et irrégularité
de la segmentation automatique du plexus
profond induisant des artéfacts sur
la projection OCT-A et « en face ».

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 39


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 9/02/17 18:32 Page 40

Dossier

Les artéfacts de projections des vais-


seaux superficiels sur le complexe EP-
MB sont désormais bien connus mais il est
important de savoir qu’il existe également
des projections des néovaisseaux visibles
sur l’épithélium et parfois on se servira de
cette projection pour tenter d’imager l’en-
semble d’une lésion (figure 13).
L’épaisseur du slab doit être propor-
tionnelle à la lésion étudiée notamment
dans l’étude des néovaisseaux choroïdiens
Figure 13. OCT-A superposé sur le B-scan : projection artéfactuelle des vaisseaux super-
afin d’améliorer la visualisation des détails ficiels et des néovaisseaux préépithéliaux sur l’épithélium pigmentaire.
des lumières vasculaires (figure 14).
 Figure 14.
Importance d’une segmentation
proportionnelle à la lésion.
A. Segmentation sur la membrane
de Bruch, les NVC sont visualisés par
projection artéfactuelle avec moins de détails.
B. Segmentation proportionnelle à la taille de la
lésion. La projection de la lumière vasculaire
apparaît avec plus de détails.

L’usage des lignes de segmentation


suivant la courbure rétinienne notamment
dans les cas de DEP vascularisé, est
nécessaire pour mettre en évidence les
néovaisseaux sous-épithéliaux. Il est indis-
pensable de garder à l’esprit qu’on image
des lésions en relief et qu’il est parfois
nécessaire de réaliser plusieurs seg- A B

mentations avec plusieurs projections


OCT-A pour imager l’ensemble d’une
lésion (figure 15).
 Figure 15.
La segmentation doit suivre au mieux
la courbure du DEP pour visualiser les NVC
sous-épithéliaux et il est nécessaire de réaliser
une deuxième segmentation pour mettre en
évidence la portion néovasculaire dans l’encoche.

Segmentation dynamique
La segmentation à utiliser en OCT-A
n’est pas toujours chose simple lorsque
l’on débute avec cette imagerie. Une seg-
mentation dynamique manuelle ou à l’aide
de vidéos disponibles sur certains logi-
ciels permet par le déplacement des lignes
de segmentation au travers des différentes
profondeurs du tissu rétinien de visuali-
ser ou de mettre mieux en évidence les dif-
férentes atteintes et peut constituer une

40 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 9/02/17 18:32 Page 41

OCT-A

aide pédagogique pour guider sa segmentation. Bibliographie


En effet, le déplacement du slab au travers des diffé-
Jia Y, Tan O, Tokayer J et al. Split-spectrum amplitude-decorrela-
rentes couches rétiniennes de réflectivités différentes
tion angiography with optical coherence tomography. Opt Express.
améliore de manière artificielle le contraste entre le signal 2012;20(4):4710-25.
de décorrélation et le reste de l’image. Jia Y, Wei E, Wang X et al. Optical coherence tomography angiogra-
phy of optic disc perfusion in glaucoma. Ophthalmology. 2014;121(7):
Conclusion 1322-32.
Spaide RF, Klancnik JM Jr, Cooney MJ. Retinal vascular layers
Les logiciels d’OCT-A ne cessent d’évoluer avec une imaged by fluorescein angiography and optical coherence tomogra-
diminution du temps d’acquisition pour permettre leur phy angiography. JAMA Ophthalmol. 2015;133(1):45-50.
application de manière systématique au cours de l’exa- Jia Y, Bailey ST, Wilson DJ et al. Quantitative optical coherence
tomography angiography of choroidal neovascularization in age-
men d’OCT conventionnel.
related macular degeneration. Ophthalmology. 2014;121(7):1435-44.
Cependant, malgré ces évolutions, l’examen reste tech- Lumbroso B, Huang D, Fujimoto JG et al. Clinical guide to Angio-
nicien-dépendant et toutes ces précautions sont néces- OCT: non invasive, dyeless OCT Angiographie. Jaypee Brothers
saires pour améliorer la qualité de l’acquisition en OCT-A. Medical Publishers, 2014. ISBN : 978-93_5152-399-4.

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Dossier

OCT-A et DMLA : comment reconnaître


et suivre un néovaisseau choroïdien ?
Alexandra Miere, Oudy Semoun

epuis quelques années, l’OCT-angiographie (OCT-A) nous permet une visualisation


D non-invasive de la vascularisation des différentes couches rétiniennes et choroï-
diennes. Dans la DMLA, l’OCT-A permet le plus souvent le diagnostic des néovaisseaux
choroïdiens (NVC) mais également leur suivi qualitatif et quantitatif.

Le pronostic fonctionnel des patients atteints de la de néovascularisation choroïdienne type 2 (néovaisseaux


dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) a été radi- visibles), un lacis enchevêtré à flux élevé peut être observé
calement modifié avec l’avènement des anti-VEGF. Néan- à ce niveau. Ces lacis sont à différencier des artéfacts de
moins, une des conditions essentielles à ces résultats projection du plexus capillaire superficiel et l’option
fonctionnels est la rapidité de mise en œuvre d’un trai- « Remove artifacts » de certains appareils permet d’éli-
tement bien conduit. L’angiographie à la fluorescéine (FA) miner ces artéfacts de projection.
est, depuis 50 ans, le « gold » standard pour le diagnos-
tic des néovaisseaux choroïdiens (NVC) dans le cadre de Segmentation « choriocapillaire », située 30-60 microns
la DMLA. La FA s’avère également utile pour éliminer les en dessous de l’épithélium pigmentaire. Chez les patients
autres types de néovascularisation qui peuvent mimer sains, l’anatomie lobulée de la choriocapillaire peut être
une DMLA chez le patient âgé. observée. En cas de néovascularisation de type 1 (néo-
vaisseaux occultes) ou de type 2, la présence d’un lacis à
Avec l’évolution de la tomographie en cohérence optique flux élevé, arborisé, est mise en évidence à ce niveau
(OCT), un nombre croissant des cliniciens établissent leur (figure 1).
diagnostic en se basant uniquement sur cette imagerie,
car ils considèrent que la FA est une méthode d’image- Segmentation 0-30 microns au-dessous de l’épithélium
rie invasive, nécessitant la présence d’une infirmière ainsi pigmentaire – probablement la segmentation où l’on peut
que d’un kit de réanimation pour faire face aux éven- visualiser le mieux les néovaisseaux, en sachant qu’il fau-
tuelles et exceptionnelles réactions allergiques sévères dra éliminer (par comparaison dynamique) les artéfacts
que le colorant peut engendrer. de projection du plexus capillaire superficiel.
Une exception notable est le cas de la néovascularisa-
Depuis quelques années, l’apparition de l’OCT-angio- tion de type 3 (anastomose choriorétinienne), où des ano-
graphie (OCT-A) nous permet une visualisation non- malies microvasculaires peuvent être observées dès le
invasive de la vascularisation des différentes couches plexus capillaire profond (vaisseaux de 3e ordre plongeant
rétiniennes et choroïdiennes, indépendamment des vers la rétine externe, qui est en réalité probablement le
phénomènes liés à l’imprégnation ou la diffusion tardive vaisseau nourricier de l’anastomose), ainsi qu’au niveau
du colorant, typiques de l’angiographie conventionnelle et de la segmentation « rétine externe », où cette proliféra-
pouvant gêner dans l’analyse des images. tion vasculaire anormale prend l’aspect d’une petite
mèche, pouvant s’étendre vers l’espace sous l’épithélium
La détection des NVC se fait en utilisant principale- pigmentaire, où un signal de flux en peloton est parfois
ment deux segmentations : observé (figure 2) [1].
Segmentation de la « rétine externe », comprenant les
couches rétiniennes entre la plexiforme externe jusqu’à Le suivi d’une lésion néovasculaire en OCT-A, qu’elle
l’épithélium pigmentaire. Chez les patients sains cette soit de type 1, 2 ou 3, doit impérativement se faire au
segmentation est dépourvue du flux ; néanmoins, en cas niveau de la même segmentation et sur des images de
qualité similaire. La technologie de l’OCT-A employant
Service universitaire d’ophtalmologie, CHI, Créteil. des stratégies de traitement d’image et d’affichage, parmi

42 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 9/02/17 18:32 Page 43

OCT-A

lesquelles le « thresholding » (effet de seuil), la puissance téristiques morphologiques pouvant être suivies dans le
du signal doit idéalement être au-dessus de 60 pour une temps sont : la présence d’un tronc nourricier, la pré-
interprétation correcte. sence des ramifications denses, la présence des boucles
vasculaires ainsi que d’une arcade anastomotique péri-
Le suivi des différents types de néovaisseaux doit être phérique. De plus, un halo sombre périlésionnel peut être
qualitatif (morphologie de la lésion) et quantitatif (surface visualisé chez certains patients dans la segmentation
lésionnelle et surface des vaisseaux uniquement). Concer- choriocapillaire, probablement dû à un phénomène de
nant les néovaisseaux de type 1 et 2, les principales carac- vol vasculaire. Chez les patients présentant de volumineux

Figure 1. Suivi quantitatif d’un


patient présentant des néovaisseaux
occultes (type 1) au niveau de la seg-
mentation choriocapillaire. Notez au
cours de suivi mensuel de ce patient
la diminution de la taille lésionnelle :
l’ordonnée représente la surface
totale du néovaisseau sur la coupe
choriocapillaire et l’abscisse repré-
sente le temps en mois. Des modifica-
tions morphologiques au sein de la
lésion sont également observées au
cours du suivi : raréfaction des ramifi-
cations et évolution vers un aspect
filiforme des néovaisseaux après
traitement anti-angiogénique. Un
halo sombre est également présent.

Figure 2. Suivi qualitatif d’un patient


naïf de traitement, présentant une néo-
vascularisation de type 3 (anastomose
choriorétinienne). Sous traitement
anti-angiogénique, on remarque la
persistance des vaisseaux nourriciers de
l’anastomose au niveau de la segmenta-
tion du plexus capillaire profond jusqu’à
12 mois. La mèche (cercle rouge) obser-
vable à baseline (M0) dans la segmenta-
tion « rétine externe » n’est plus visible
quand la lésion ne présente plus
d’exsudation (M3, M9). Elle réapparaîtra
néanmoins lors d’une récidive exsuda-
tive (M6). Après 1 an de traitement, on
peut observer une lésion convolutée, à
flux élevé dans la segmentation chorio-
capillaire, suggestive d’une néovascula-
risation de type 1 (carré bleu, M12).

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 43


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 10/02/17 11:10 Page 44

Dossier

décollements de l’épithélium pigmentaire (DEP), le signal L’étude COFT-1 [2] a mis en évidence les très bonnes
peut être atténué, générant en segmentation chorioca- sensibilités et spécificités de l’OCT-A dans la détection des
pillaire un « flow void » (absence de flux). Une non-visua- néovaisseaux choroïdiens, très proches de celles de l’an-
lisation du flux à ce niveau et dans ce contexte ne signifie giographie à la fluorescéine couplée au SD-OCT. Toute-
donc pas une absence de flux. Le tableau 1 décrit les fois, les artéfacts (notamment de projection et de
caractéristiques des différents types néovasculaires en segmentation) devront être éliminés par le clinicien, pour
OCT-A, d’après la littérature. obtenir des images interprétables.

Du point de vue quantitatif, un patient avec une DMLA En conclusion, l’OCT-A permet facilement, de façon
néovasculaire pourra être suivi facilement en OCT-A, soit non-invasive, un suivi des patients atteints de la DMLA.
avec les outils intégrés dans le logiciel, soit avec des logi- Cependant, sa place n’est pas encore clairement défi-
ciels d’analyse d’image gratuits (figure 1). Des courbes nie en pratique courante avec un risque encore non
de progression pourront ainsi être générées. En cas de négligeable de faux négatifs ou de faux positifs. Enfin,
récidive exsudative une augmentation de la surface de la son utilisation doit impérativement être couplée à l’OCT
membrane néovasculaire est habituellement observée. classique B-scan.

Tableau 1. Localisation et caractéristiques morphologiques des différents types de néovascularisation dans le contexte de la DMLA.
Type 1 Type 2 Type 3
Localisation en OCT-A réseau à flux élevé réseau à flux élevé dans la petit réseau à flux élevé dans la rétine
dans la choriocapillaire rétine externe et projection externe, qui entraîne des modifications
dans la choriocapillaire dans le plexus capillaire profond et la
choriocapillaire
Morphologie en OCT-A méduse (36,8 %) méduse (%) Tuft (ou mèche) (100 %)
seafan (15,8 %) glomérule (%) signal de flux peloton choriocapillaire
indistinct (47,4 %) (83,33%)
vaisseaux choroïdiens (11,11 %)

Détection d’un tronc 90 % 25 % -


nourricier en OCT-A

Références bibliographiques
[1] Miere A, Querques G, Semoun O et al. Optical coherence tomo- [2] Inoue M, Jung JJ, Balaratnasingam C et al.; COFT-1 Study
graphy angiography changes in early type 3 neovascularization after Group. A comparison between optical coherence tomography angio-
anti-vascular endothelial growth factor treatment. Retina. 2017 Jan graphy and fluorescein angiography for the imaging of type 1 neo-
10. [Epub ahead of print] vascularization. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2016;57(9):OCT314-23.

Dossier Surface oculaire n°208 • mars 2017

• Quand la surface oculaire s’en mêle, que faire ? • Lentilles de contact : les solutions en cas d’œil sec
Aurore Muselier Louisette Bloise
• Après une chirurgie de cataracte • Kératoplastie et surface oculaire
Pierre-Jean Pisella et Léa Imbeau Jean-Louis Bourges et Chadi Mehanna
• Après une chirurgie réfractive • Après une infection bactérienne ou une inflamma-
Laurent Laroche et Cyrille Temstet tion de surface (conjonctivite, kératite, allergie)
Serge Doan

44 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


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Dossier

Apports de l’OCT-angiographie
dans la choroïdite multifocale
Sarah Mrejen

a choroïdite multifocale (CMF) est une pathologie inflammatoire d’origine inconnue qui
L atteint habituellement des sujets jeunes sans atteinte systémique. La survenue de néo-
vaisseaux secondaires peut aggraver le pronostic visuel. Le diagnostic différentiel entre
lésion inflammatoire active et néovaisseau secondaire est un défi diagnostique en imagerie
multimodale classique. L’OCT-angiographie permet de distinguer entre les lésions inflam-
matoires et les néovaisseaux mais ne permet pas de distinguer entre néovaisseaux actifs et
inactifs. L’OCT-angiographie est très utile dans les diagnostic des néovaisseaux compli-
quant la CMF mais doit être intégré dans une démarche d’imagerie multimodale.

La CMF est une pathologie d’étiologie inconnue, mais Néovaisseaux secondaires dans la CMF :
il semble plausible qu’elle atteigne des sujets sans atteinte une complication fréquente de mauvais pronostic
systémique avec une prédisposition génétique et une Le pronostic visuel de la CMF dépend du développe-
composante auto-immune. De façon arbitraire, certains ment de néovaisseaux secondaires, d’atrophie chorioré-
auteurs distinguent la CMF de la PIC sur des critères de tinienne ou de cicatrice fibreuse centrale. Les néovaisseaux
taille et de localisation des lésions inflammatoires. Dans secondaires se développent dans 6 à 76% des cas selon
la CMF, les lésions seraient de plus grand diamètre (500 les études [4]. Le diagnostic précis et précoce des néo-
à 1000 microns), de localisation non confinée au pôle pos- vaisseaux secondaires est important pour pouvoir ins-
térieur mais aussi en périphérie rétinienne et en péripa- taurer rapidement un traitement par anti-VEGF et ainsi
pillaire. Par comparaison, les lésions de la PIC seraient prévenir des baisses de vision sévères et irréversibles. Au
de plus petite taille (100 à 300 microns) et confinées au niveau de l’examen du fond d’œil, il n’est pas rare de
pôle postérieur. Nous ne considérons pas ces deux enti- visualiser des lésions de précédentes poussées qui peu-
tés comme deux pathologies séparées mais plutôt comme vent être passées inaperçues si elles épargnaient le cen-
deux modes de présentation de la même pathologie, tre de la macula. Des lésions inflammatoires actives et
comme la plupart des auteurs [1]. On peut distinguer la cicatricielles peuvent coexister au niveau de l’examen du
CMF avec ou sans panuvéite associée [1]. Par ailleurs, des fond d’œil. De la même façon, des néovaisseaux multi-
études histopathologiques ont montré des atteintes iden- ples peuvent être visualisés, certains inactifs ou partiel-
tiques dans la CMF et la PIC [2]. lement fibrosés et d’autres actifs. Les néovaisseaux de la
CMF sont principalement des néovaisseaux classiques,
La maladie atteint typiquement les femmes jeunes
ou de type 2, pré-épithéliaux.
atteintes de myopie modérée, sans atteinte systémique.
La CMF est une maladie chronique et progressive. Envi- Distinction des néovaisseaux et des taches
ron la moitié des cas sont bilatéraux dès la présentation, inflammatoires en imagerie multimodale classique
et environ 2/3 après 5 ans d’évolution [1]. L’évolution de
Cependant la distinction entre lésions inflammatoires
la maladie peut être émaillée de différentes complications :
actives maculaires et néovaisseaux secondaires peut dans
hypertonie oculaire, cataracte, membrane épirétinienne,
certains cas constituer un véritable défi diagnostique et
néovaisseaux, vascularites, neuropathie optique.
donc thérapeutique. Ces deux types de lésions peuvent
Les principaux symptômes visuels sont : baisse d’acuité présenter les mêmes caractéristiques aussi bien au niveau
visuelle, métamorphopsies, scotome, photopsies, photo- des symptômes visuels, qu’à l’examen du fond d’œil qu’au
phobie. Certaines lésions sont infracliniques et ne peu- niveau du bilan d’imagerie multimodale (figure 1). Sur le
vent être détectées que grâce à l’imagerie, et notamment cliché en autofluorescence, les deux types de lésions
certaines lésions inflammatoires occultes ne seront visua-
lisées qu’en autofluorescence [3]. Hôpital des Quinze-Vingts, Paris.

46 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 9/02/17 18:32 Page 47

OCT-A

peuvent présenter un liseré hyperautofluorescent. Sur Cependant, l’absence de ces signes d’examen ou d’ima-
l’angiographie à la fluorescéine, les taches inflamma- gerie n’élimine pas la présence de néovaisseaux. D’où
toires et les néovaisseaux peuvent présenter une hyper- l’utilité de l’OCT-angiographie (OCT-A) pour distinguer
fluorescence précoce avec diffusion aux temps tardifs. les néovaisseaux secondaires à la CMF des lésions inflam-
Sur l’OCT-Spectral Domain (OCT-SD), les deux lésions matoires actives.
peuvent correspondre à des infiltrats sous-épithéliaux
avec des degrés variables d’infiltration de matériel hyper- Apports de l’OCT-A dans le diagnostic
réflectif sous-rétinien et une augmentation de la trans- des néovaisseaux de la CMF
mission de lumière postérieure choroïdienne. Dans La littérature récente a démontré que l’OCT-A était
certains cas, le diagnostic de néovaisseaux sera rendu supérieur à l’imagerie multimodale classique dans le
certain par la présence de signes indirects d’activité néo- diagnostic des néovaisseaux de la CMF et permettait dans
vasculaire comme la présence d’hémorragies sous- un nombre significatif de cas, de mettre en évidence un
rétiniennes ou d’exsudats lipidiques, la visualisation d’un
lacis néovasculaire aux temps précoces de l’angiogra-
phie à la fluorescéine, ou encore la présence de liquide
sous-rétinien ou intrarétinien sus-jacent sur l’OCT-SD.

A B

A B

C D

C D

Figure 2. Agrandissement de la partie temporale de la macula


gauche de la patiente montrée figure 1. Trois lésions hypoautofluo-
rescentes avec liseré hyperautofluorescent (A) montrent une diffu-
E F sion tardive aux temps tardifs de l’angiographie à la fluorescéine (B).
Sur l’OCT-A segmenté au niveau de la rétine externe, seule une de
Figure 1. Imagerie multimodale de l’œil gauche d’une patiente de ces trois lésions montre une image de flux anormal (C, flèche jaune).
31 ans atteinte de CMF, lors de la visite initiale. Le cliché monochro- L’OCT en face segmenté au niveau de la rétine externe ne montre
matique en filtre vert montre de nombreuses lésions blanchâtres du pas de différence entre les deux lésions inflammatoires (flèches
pôle postérieur (A). Sur le cliché en autofluorescence, toutes ces blanches) et la lésion néovasculaire (flèche jaune) qui apparaissent
lésions apparaissent hypoautofluorescentes avec un liseré hyper- toutes hyperréflectives (D). L’OCT-SD structurel (E) montre des
autofluorescent (B). Sur l’angiographie à la fluorescéine, toutes les aspects différents au niveau du néovaisseau et des lésions inflam-
lésions apparaissent hyperfluorescentes aux temps précoces (C) matoires : les trois lésions montrent un certain degré de disconti-
avec diffusion aux temps tardifs (D, E). Au sein de ces nombreuses nuité de l’EPR avec infiltration sous-rétinienne hyperréflective, mais
lésions hyperfluorescentes aux temps précoces avec diffusion les lésions inflammatoires (flèches blanches) montrent une augmen-
tardive, seules trois lésions présentent une image de flux anormal tation homogène de la transmission du signal choroïdien sous-jacent
néovasculaire sur l’OCT-A segmenté au niveau de la rétine externe alors que la lésion néovasculaire (flèche jaune) montre une augmen-
(F) [d’après 4]. tation hétérogène de ce signal [d’après 4].

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 47


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Dossier

lacis néovasculaire au niveau de lésions autrement diag- des caractéristiques communes en OCT-A : image de flux
nostiquées comme des lésions inflammatoires actives anormal représentant le lacis néovasculaire, présence
en imagerie multimodale classique [4,5] (figures 1 et 2). de collatérales, arcade anastomotique périphérique, vais-
Dans une étude collaborative entre le centre d’image- seaux dilatés, halo sombre périlésionnel, tronc nourricier,
rie et de laser (CIL) avec le Pr Salomon-Yves Cohen et le arborisation [4]. Par ailleurs, la diffusion aux temps tardifs
service du Pr Souied [4] à propos de 18 yeux de 13 patients sur l’angiographie à la fluorescéine peut être présente en
atteints de CMF avec atteinte maculaire, nous avons cas de lésion inflammatoire active en l’absence de néo-
retrouvé qu’il y avait environ 2/3 des cas de néovaiss- vaisseaux. Chaque technique d’imagerie utilisée seule a
seaux actifs qui présentaient des signes exsudatifs intra- donc ses limites et la combinaison de plusieurs tech-
ou sous-rétiniens sur l’OCT-SD, alors que le tiers restant niques d’imagerie associées à l’OCT-A est supérieure à
présentait une diffusion anormale aux temps tardifs de chacune d’entre elles séparément. L’imagerie multi-
l’angiographie à la fluorescéine sans signe exsudatif sur modale combinant l’OCT-A, l’OCT-SD et l’angiographie à
l’OCT-SD [4]. Cheng et al. ont trouvé que 11/23 yeux (47,8%) la fluorescéine pourra déterminer si les néovaisseaux
avec néovaisseaux présentaient des signes exsudatifs sur secondaires à la CMF sont présents et s’ils sont actifs, afin
l’OCT-SD [5]. Dans notre étude, une image de haut flux de prendre une décision thérapeutique appropriée et
anormal en OCT-A était retrouvée dans tous les cas de néo- d’instaurer rapidement une thérapie intravitréenne par
vaisseaux actifs (5/5 cas), et dans 83% des cas (5/6 cas) anti-VEGF.
de néovaisseaux inactifs [4]. Par comparaison, Cheng et
al. ont trouvé que 20/23 des cas de néovaisseaux pré-
sentaient une image de flux anormal en OCT-A (83%) [5]. Conclusion
Dans notre étude, 2/14 cas (14%) des lésions considé- Il semblerait que dans la CMF, il y ait un continuum entre
rées comme inflammatoires actives sans néovaisseaux en les lésions inflammatoires et les néovaisseaux, certaines
imagerie multimodale classique présentaient en fait une lésions pouvant être mixtes, à la fois inflammatoires et
image de haut flux néovasculaire sur l’OCT-A permettant néovasculaires. L’imagerie multimodale classique permet
de rectifier le diagnostic et de choisir un traitement appro- d’identifier des lésions à risque d’évolution vers la néo-
prié [4] (figure 1). De la même façon, Cheng et al. ont vascularisation dans la CMF. L’OCT-A permet de diagnos-
détecté une image de flux anormal néovasculaire sur tiquer de façon plus précoce des lésions inflammatoires
l’OCT-A dans 2/34 cas de lésions considérées comme développant une composante néovasculaire, permettant
inflammatoires actives [5]. ainsi un traitement approprié plus rapide et un meilleur
Dans une autre étude récente, Zahid et al. ont différencié pronostic visuel. Cependant, l’OCT-A seul ne permet pas
trois types de lésions sur l’OCT-SD structurel : sous-épi- de distinguer entre néovaisseaux actifs et inactifs et doit
téliales, sous-rétiniennes et mixtes. Aucune des lésions être intégré dans une démarche d’imagerie multimodale.
sous-épithéliales, 91% des lésions sous-rétiniennes, et
100% des lésions mixtes présentaient une image de flux
anormal néovasculaire en OCT-A [6]. Ces résultats sug- Références bibliographiques
gèrent que la naissance de néovaisseaux serait liée à 1. Fung AT, Pal S, Yannuzzi NA et al. Multifocal choroiditis without
l’intégrité de l’EPR et que des défauts au niveau de l’EPR panuveitis: clinical characteristics and progression. Retina.
pourraient permettre la néoangiogenèse [6]. 2014;34(1):98-107.
Il pourrait y avoir un spectre continu de lésions entre 2. Shimada H, Yuzawa M, Hirose T et al. Pathological findings of
les lésions inflammatoires actives de la CMF et les néo- multifocal choroiditis with panuveitis and punctate inner choroidopa-
vaisseaux. Certaines lésions pourraient être mixtes à la thy. Jpn J Ophthalmol. 2008;52(4):282-8.
fois inflammatoires et néovasculaires, comme cela a été 3. Spaide RF, Goldberg N, Freund KB. Redefining multifocal choroi-
suggéré par Spaide [3]. Cela explique en partie la préva- ditis and panuveitis and punctate inner choroidopathy through mul-
lence non rare de néovaisseaux multifocaux dans la CMF. timodal imaging. Retina. 2013;33(7):1315-24.
4. Astroz P, Miere A, Mrejen S et al. OCT Angiography to Distinguish
Dans notre étude, environ un tiers des patients présen-
Choroidal Neovascularization from Macular Inflammatory Lesions in
taient des néovaisseaux multifocaux (figure 1). La présence
Multifocal Choroiditis. Retina. 2017; En révision.
de néovaisseaux multifocaux est par ailleurs très rare 5. Cheng L, Chen X, Weng S et al. Spectral-Domain Optical
dans la pathologie rétinienne, et donc assez évocatrice du Coherence Tomography Angiography Findings in Multifocal
diagnostic de CMF. Choroiditis With Active Lesions. Am J Ophthalmol. 2016;169:145-61.
Cependant, l’OCT-A seul ne permet pas de distinguer 6. Zahid S, Chen KC, Jung JJ et al. Optical Coherence Tomography
les néovaisseaux actifs des néovaisseaux inactifs. Les Angiography of Chorioretinal Lesions Due to Idiopathic Multifocal
néovaisseaux actifs et inactifs peuvent en effet présenter Choroiditis. Retina. 2016 cct 31. [Epub ahead of print]

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Dossier

Quel apport de l’OCT-angiographie


dans la maculopathie diabétique
et la rétinopathie diabétique ?
Marc Govare, Marie-Noëlle Delyfer, Marie-Bénédicte Rougier, Jean-François Korobelnik

’OCT-A est une nouvelle technique d’imagerie non-invasive de la microvascularisation


L rétinienne, qui permet d’obtenir une cartographie vasculaire de la rétine en trois
dimensions sans injection de produit de contraste, contrairement à l’angiographie à la
fluorescéine qui ne fournit qu’une analyse en deux dimensions.

La technologie de l’OCT-A est basée sur la détection cative pour le plexus capillaire profond [1]. Chez les patients
du flux vasculaire dans les vaisseaux et capillaires réti- avec œdème maculaire diabétique, 91,3% des micro-
niens. La segmentation vasculaire définit un plexus capil- anévrismes sont situés au niveau du plexus capillaire
laire superficiel (de la membrane limitante interne à la profond et une corrélation significative a été démontrée
bordure externe de la couche des cellules ganglionnaires) entre la densité en micro-anévrismes du plexus profond
et un plexus capillaire profond (de la bordure interne de et le volume maculaire moyen [1], attestant du rôle de ces
la couche plexiforme interne à la bordure externe de la anomalies microvasculaires dans la pathogénie de la
couche plexiforme externe). maculopathie œdémateuse diabétique. L’OCT-A reste
Son intérêt dans l’évaluation du retentissement vas- cependant moins sensible que l’angiographie à la fluores-
culaire rétinien du diabète, à la fois au niveau maculaire céine pour la détection des micro-anévrismes. La détec-
(maculopathie ischémique et/ou œdémateuse) et au niveau tion en OCT-A des micro-anévrismes présente néanmoins
de la rétinopathie diabétique périphérique (territoires de un intérêt dans la thérapeutique de l’œdème maculaire
non-perfusion, prolifération prérétinienne), apparaît pro- diabétique, car en cas d’œdème maculaire éligible à un
metteur. traitement par anti-VEGF, l’analyse du nombre de micro-
anévrismes du plexus profond, associée à l’analyse de
Apport de l’OCT-A dans l’ischémie maculaire, pourrait permettre de prédire la
la maculopathie diabétique réponse anatomique du patient aux anti-VEGF intra-
vitréens [2].
Les altérations microvasculaires maculaires secon- Les logettes d’œdème maculaire cystoïde apparais-
daires à l’hyperglycémie chronique ont deux conséquences sent en OCT-A comme des zones hypo-réflectives, entou-
potentielles : l’apparition d’un épaississement rétinien, rées de zones sans signal de flux capillaire, mais sont
c’est « la maculopathie œdémateuse » secondaire à la parfois difficiles à différencier de l’ischémie. Les logettes
rupture de la barrière hémato-rétinienne interne, et/ou sont associées à une perte de la régularité du maillage
l’apparition de zones d’occlusion capillaire, c’est « la capillaire du plexus profond et à une diminution de la
maculopathie ischémique ». densité vasculaire capillaire globale [3]. Lorsque l’œdème
maculaire est majeur, la segmentation est moins pré-
La maculopathie œdémateuse associe souvent des zones cise et il est alors utile de considérer l’analyse du plexus
d’épaississement visualisées en OCT-B et des altérations capillaire total.
capillaires, notamment des micro-anévrismes. Ces
derniers apparaissent en OCT-A comme des dilatations L’ischémie maculaire diabétique s’étudie en OCT-A par
capillaires fusiformes, sacculaires ou rondes (figure 1). Les deux aspects : l’analyse des modifications de la zone avas-
micro-anévrismes peuvent être visualisés au niveau des culaire centrale et l’analyse de la densité capillaire des
deux plexus capillaires, avec une prépondérance signifi- plexus superficiel et profond.
La zone avasculaire centrale (ZAC) correspond à la
CHU, Bordeaux. zone maculaire physiologiquement avasculaire, centrée

50 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


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OCT-A

Figure 1. Modification de la zone avasculaire centrale et de la densité


vasculaire capillaire au cours de l’évolution de la rétinopathie diabé-
tique (plexus capillaire total) (PLEX® Elite 9000, Carl Zeiss Meditec).
A. Aspect physiologique chez un patient non diabétique.
B. Rétinopathie diabétique non proliférante : perte de la continuité de la
bordure capillaire de la ZAC, avec capillaires borgnes et dilatés, et élar-
gissement des espaces avasculaires inter-capillaires périfovéolaires.
C. Rétinopathie diabétique proliférante modérée : élargissement bien
visible de la ZAC, boucles et dilatation capillaires, confluence de zones
de non-perfusion capillaire.
D. Rétinopathie diabétique proliférante compliquée de rubéose irienne :
altérations majeures de la ZAC et extension des lésions de non-
perfusion capillaire périfovéolaires.

et du plexus capillaire considéré. Au cours de la maculo-


pathie diabétique ischémique, les occlusions capillaires
se traduisent initialement en OCT-A par un élargisse-
ment de l’espace avasculaire séparant deux capillaires,
une raréfaction capillaire avec apparition d’un maillage
plus lâche. À un stade plus avancé, des zones de non-per-
fusion capillaire apparaissent, devenant confluentes et
créant de nouvelles zones rétiniennes avasculaires. Cette
non-perfusion capillaire est mieux évaluée au niveau du
plexus capillaire superficiel [7]. La densité vasculaire
moyenne est significativement plus basse chez les patients
sur la fovéa ; elle est mieux étudiée en OCT-A qu’en angio- diabétiques par rapport à la population générale [5] et
graphie à la fluorescéine. Dans des conditions physiolo- diminue avec l’aggravation du stade de rétinopathie dia-
giques, elle apparaît comme une zone sans signal bétique [6].
vasculaire, délimitée par une bordure capillaire linéaire,
régulière et continue. La surface de cette zone avascu- Apport de l’OCT-A dans la
laire est plus petite au niveau du plexus superficiel que rétinopathie diabétique périphérique
profond et varie en fonction des individus. Les altérations
de la bordure capillaire de la ZAC peuvent être détectées Les signes de la rétinopathie diabétique périphérique
très précocement en OCT-A, avant même l’apparition des sont secondaires à l’oblitération des vaisseaux rétiniens
premiers signes de rétinopathie diabétique au fond d’œil périphériques, responsable d’une ischémie au niveau
[4]. Elles consistent en une perte du caractère continu de cellulaire.
la bordure capillaire de la zone avasculaire centrale, avec Les lésions objectivables en OCT-A sont des territoires
apparition de capillaires borgnes aux extrémités dilatées. de non-perfusion capillaire en périphérie rétinienne, des
Ces anomalies évoluent progressivement vers un élar- anomalies de la microvascularisation rétinienne (AMIR)
gissement de plus en plus important de la ZAC et une raré- en bordure de ces zones d’ischémie, des anomalies vei-
faction progressive de la densité capillaire périfovéolaire neuses et, éventuellement, une prolifération néovascu-
(figure 1). À noter que la surface de la ZAC est significa- laire prérétinienne et/ou prépapillaire (figures 2 et 3). Le
tivement augmentée chez les patients diabétiques par caractère irrégulier et le petit calibre des néovaisseaux
rapport à la population générale [5], et est corrélée à prérétiniens (néovascularisation exubérante) pourraient
l’acuité visuelle [6]. être un signe d’activité du processus néovasculaire [8].
La densité vasculaire capillaire correspond au pour- Les nouveaux OCT-A bénéficiant de la technologie
centage de la surface du cube d’acquisition occupée par swept-source permettent l’acquisition de cubes couvrant
un signal vasculaire. Alors que l’angiographie à la fluo- un large champ de rétine. La reconstruction en mosaïque
rescéine ne permet qu’une analyse subjective de l’isché- permet alors d’obtenir des clichés proches de ceux obtenus
mie maculaire, certains appareils d’OCT-A peuvent fournir en angiographie à la fluorescéine, avec une très bonne éva-
des cartographies de densité vasculaire avec des don- luation de la perfusion capillaire périphérique tout en
nées objectives quantitatives. Cette densité vasculaire s’affranchissant des diffusions de colorant masquant les
varie en fonction de l’âge, du sexe, de la zone maculaire détails de la néovascularisation (figure 4).

n° 207 • Février 2017 Les Cahiers 51


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Dossier

Les limites de l’OCT-A


chez le patient diabétique
Malgré les avantages liés à son carac-
tère non invasif et sa sécurité d’emploi,
l’OCT-A présente un certain nombre de
limites. L’une des principales limites tient
compte du fait de la faible intensité du signal
détecté. Ainsi, toute situation ne permet-
tant pas d’obtenir des conditions d’acquisi-
tion satisfaisante générera des images de
mauvaise qualité peu ou pas interprétables.
Citons par exemple un trouble des milieux,

Figure 2. Aspect en OCT-A une impossibilité de fixer, un patient peu
d’une néovascularisation coopérant. De plus la segmentation actuelle
prépapillaire et d’une
est entachée d’artéfacts de projection avec
boucle veineuse
(PLEX® Elite 9000, création d’images et/ou d’anomalies
Carl Zeiss Meditec). construites, ne correspondant pas toujours
à la réalité. Enfin, elle ne permet pas d’étu-
dier la barrière hémato-rétinienne et donc
les phénomènes de diffusion, parfois utiles
dans le bilan d’anomalies microvasculaires
éventuellement éligibles à un traitement
laser focal et dans le diagnostic de prolifé-
ration néovasculaire prérétinienne ou pré-

Figure 3. Aspect d’un papillaire.
néovaisseau prérétinien
exubérant au niveau de Références bibliographiques
l’arcade temporale 1. Hasegawa N, Nozaki M, Takase N, Yoshida M, Ogura Y.
inférieure (PLEX® Elite 9000, New Insights Into Microaneurysms in the Deep Capillary
Carl Zeiss Meditec). Plexus Detected by Optical Coherence Tomography
Angiography in Diabetic Macular Edema. Invest Ophthal-
mol Vis Sci. 2016;57(9):348-55. 2. Lee J, Moon BG, Cho
AR, Yoon YH. Optical Coherence Tomography Angiogra-
phy of DME and Its Association with Anti-VEGF Treatment
Response. Ophthalmology. 2016;123(11):2368-75. 3. Mané
V, Dupas B, Gaudric A et al. Correlation between cystoid
spaces in chronic diabetic macular edema and capillary
nonperfusion detected by optical coherence tomography
angiography. Retina. 2016 Sep 8, sous presse. 4. De Carlo
TE, Chin AT, Bonini Filho MA eet al. Detection of micro-
vascular changes in eyes of patients with diabetes but not
clinical diabetic retinopathy using optical coherence
tomography angiography. Retina 2015;35(11):2364-70.
5. Al-Sheikh M, Akil H, Pfau M, Sadda SR. Swept-Source
OCT Angiography Imaging of the Foveal Avascular Zone
and Macular Capillary Network Density in Diabetic
Retinopathy. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2016;57(8):3907-
13. 6. Balaratnasingam C, Inoue M, Ahn S et al. Visual
Acuity Is Correlated with the Area of the Foveal Avascular
Zone in Diabetic Retinopathy and Retinal Vein Occlusion.
Ophthalmology. 2016;123(11): 2352-67. 7. Ishibazawa A,
Figure 4. Mosaïque de 3 cubes d’acquisition de 12x12 mm d’une rétinopathie diabétique Nagaoka T, Takahashi A et al. Optical Coherence Tomo-
proliférante compliquée de rubéose irienne (PLEX® Elite 9000, Carl Zeiss Meditec). La graphy Angiography in Diabetic Retinopathy: A Pros-
non perfusion capillaire périphérique est parfaitement visible, associée à des lésions de pective Pilot Study. Am J Ophthalmol. 2015; 160(1):35-44.
maculopathie ischémique avec altération de la ZAC et atteinte de la densité vasculaire 8. Ishibazawa A, Nagaoka T, Yokota H et al. Charac-
capillaire maculaire. Présence d’un néovaisseau prépapillaire et d’un néovaisseau pré- teristics of Retinal Neovascularization in Proliferative
Diabetic Retinopathy Imaged by Optical Coherence
rétinien avec anomalies de la microvascularisation intrarétinienne en bordure des
Tomography Angiography. Invest Ophthalmol Vis Sci.
zones d’ischémie. 2016;57(14):6247-55.

52 Les Cahiers n° 207 • Février 2017


CDO207_P035_DossierOCT-A-completok:CLINIQUE 9/02/17 18:32 Page 53

OCT-A

OCT-angiographie et rétinopathie radique


Sarah Tick1, Adil El Maftouhi 2

a rétinopathie radique représente un enjeu visuel important dans les suites du traite-
L ment conservateur des tumeurs malignes intraoculaires ; mais aussi dans les suites
du traitement par radiothérapie des cancers de voisinage en particulier les tumeurs céré-
brales et de la sphère ORL.

La tumeur maligne primitive intraoculaire la plus peuvent être envisagées : la photocoagulation au laser,
fréquente est le mélanome choroïdien. Son incidence la photothérapie dynamique, les injections intravitréennes
annuelle, stable dans la littérature depuis 50 ans, est de de corticostéroïdes [2,3] ou d’anti-VEGF [4].
5 à 9 cas par million de personnes suivant les régions et
les populations étudiées. L’indication du traitement conser- L’enjeu est actuellement le diagnostic des premiers
vateur repose sur des dimensions tumorales inférieures signes des conséquences de l’irradiation, afin de propo-
à 12 mm d’épaisseur et de 18 à 19 mm de plus grand dia- ser un traitement le plus précocement possible par
mètre. Les deux options thérapeutiques conservatrices injection intravitréennes d’anti-VEGF et/ou par photo-
actuelles sont l’irradiation par faisceau de protons (après coagulation des microterritoires ischémiques et pouvoir
une chirurgie pour pose de clips de tantale afin de per- ainsi espérer un maintien de l’acuité visuelle.
mettre le repérage tumoral et la modélisation du globe
oculaire, et de limiter au maximum l’irradiation des struc- Les signes OCT-A de la rétinopathie radique sont (figures
tures adjacentes) ou la brachythérapie (disque radioactif 1 et 2) :
en contact avec la sclère en regard de la tumeur, le plus - un élargissement de la zone avasculaire centrale ;
souvent aujourd’hui l’iode 125).

Les complications radiques surviennent dans la majo-


rité des cas entre 1 et 2 ans après l’irradiation. Les atteintes
possibles sont rétiniennes périphériques, maculaires ou
concernent le nerf optique. Les conséquences visuelles
de la rétinopathie radique sont majeures et souvent irré-
versibles. Dans une étude récente, 52% des patients trai-
tés par irradiation par faisceau de protons, quelle que
soit la localisation tumorale, avaient une acuité visuelle
finale inférieure à 20/200. Ce pourcentage passe à 60%
des patients quand ils sont atteints de maculopathie
radique, et jusqu’à 77% en cas de neuropathie radique [1].

La rétinopathie radique périphérique est actuellement


traitée par la photocoagulation au laser des zones isché- Figure 1. Mélanome
miques nécessitant la réalisation d’angiographies itéra- choroïdien chez une
tives au cours du suivi, et par les injections intravitréennes femme de 32 ans, traité
d’anti-VEGF notamment en cas de complications néo- par protonthérapie.
vasculaires (rubéose irienne, GNV). En cas d’œdème Examen à un an après
le traitement. Peu de
maculaire associé, plusieurs attitudes thérapeutiques
signes clinique de
rétinopathie radique
1. CHNO des XV-XX, service du Pr Sahel, Paris. retrouvés : micro-
2. Centre Rabelais, Lyon ; CHNO des XV-XX, anévrismes, reflet
service du Pr Baudoin, Paris. maculaire altéré.

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Dossier

- une diminution de la visibilité du réseau capillaire super- Une classification de la rétinopathie radique a été pro-
ficiel ; posée par l’équipe de Pulido en incluant les données de
- une diminution de la densité du réseau capillaire pro- l’OCT-A [6], dans le cas présent après plaque d’iode 125
fond, interrompu, parfois totalement désorganisé. dans le traitement des mélanomes choroïdiens mais elle
peut être extrapolée au traitement par faisceau de pro-
Shields, a pu mettre en évidence dans une récente
tons. Les stades suivants ont été décrits :
étude les signes OCT-A présents après irradiation par
Stade 0 : aucun signe de rétinopathie radique
disque d’iode 125 pour mélanome choroïdien. Après un
Stade 1 :
suivi moyen de 46 mois, étaient retrouvés une non per-
- élargissement de la zone avasculaire centrale en OCT-A ;
fusion du réseau capillaire superficiel sur 29% des yeux
- interruption modérée du réseau capillaire en OCT-A ;
irradiés, du réseau capillaire profond sur 31% des yeux
- augmentation de l’épaisseur maculaire < 7% par rap-
et une atrophie de la choriocapillaire au niveau des limites
port à l’examen initial ;
tumorales sur 17% des yeux irradiés. Ces signes en OCT-
- présence de micro-anévrismes au sein du réseau capil-
A ont été retrouvés même en cas d’absence de signes
laire profond et/ou du réseau capillaire superficiel en
clinique de maculopathie radique [5].
OCT-A.
L’OCT-A permet donc de détecter les premières consé- Stade 2 : augmentation de l’épaisseur rétinienne ≥ 7%.
quences rétiniennes infracliniques de la radiothérapie et Stade 3 : présence de logettes d’œdème maculaire cys-
permet une analyse quantitative et qualitative du réseau toïde.
capillaire superficiel et profond maculaire. Cette raré- Stade 4 :
faction capillaire est statistiquement significative quand - signes cliniques associés;
elle est comparée à l’œil non traité. Ces signes OCT-A - altération majeure du réseau capillaire en OCT-A ;
semblent être corrélés entre autres, à la taille tumorale - élargissement important de la zone avasculaire cen-
initiale et donc possiblement à la sécrétion par la tumeur trale.
de cytokines inflammatoires et de VEGF nettement plus Stade 5 :
importantes dans les tumeurs de grande taille (syndrome - OCT-A impossible en raison de l’importance de l’œdème
de tumeur toxique). maculaire cystoïde.

Pour rappel, les signes cliniques de la rétinopathie


radique sont : la présence de nodules cotonneux, d’hémor-
ragies rétiniennes, de micro-anévrismes visibles à l’oph-
talmoscope, de vaisseaux fantômes, d’exsudats, d’atrophie
choriorétinienne ou d’hémorragie intravitréenne.

Le stade 1 est alors un stade précoce de rétinopathie


radique uniquement visible à l’OCT-A avant l’apparition de
signes clinique et/ou les modifications de l’épaisseur
rétinienne visible en OCT B-scan. L’OCT-A pourrait alors
devenir un véritable outil diagnostic non invasif précoce
de cette pathologie. Il permet entre autres, d’évaluer
l’extension de la rétinopathie radique et de proposer pré-
cocement un traitement par photocoagulation des terri-
toires non perfusés sans avoir recours à l’angiographie
à la fluorescéine de manière itérative (figure 3).

Mais il est important de noter [7], que l’analyse OCT-


A des yeux traités peut être rendue difficile par la présence
de nombreux artéfacts chez ces patients : l’acuité visuelle
parfois très basse en cas de maculopathie radique rend
Figure 2. Mélanome choroïdien chez une femme de 32 ans,
traité par protonthérapie. Examen à un an après le traitement.
la fixation difficile et la perte du signal plus fréquente. Ces
Altérations en OCT-A du réseau capillaire superficiel et du réseau difficultés peuvent être accentuées par la présence de
capillaire profond : élargissement de la zone avasculaire centrale, sècheresse secondaire et donc de clignements gênants
présence de zones de non perfusion capillaire. (atteinte secondaire de la glande lacrymale, insuffisance

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OCT-A

Figure 4. Raréfaction étendue du réseau capillaire superficiel.


Patient de 23 ans, traité par irradiation d’un médullobastome du
Figure 3. OCT-A. Reconstitution en mosaïque permettant l’évalua- cervelet. Acuité visuelle conservée 20/20.
tion de l’extension de la rétinopathie radique chez un patient traité
par faisceau de proton.

limbique) et/ou de trouble de milieux (cataracte secon-


Références bibliographiques
daire, Tyndall hématique vitréen par nécrose tumorale).
1. Gragoudas ES, Munzenrider JE, Lane AM, Collier JM. Eye. In: Kooy
Les conséquences thérapeutiques de ces observations HM, DeLaney TF, eds. Proton and Charged Particle Radiotherapy.
sont donc actuellement à l’étude : quand commencer le Philadelphia: Lippincott Williams & Wilkins, 2007:151-61.
traitement par injections d’anti-VEGF ? Doit-on instaurer 2. Shields CL, Demirci H, Dai V et al. Intravitreal triamcinolone ace-
ce traitement dès les premiers signes OCT-A ou avant ? tonide for radiation maculopathy after plaque radiotherapy for cho-
Quels sont les meilleurs candidats au traitement en fonc- roidal melanoma. Retina, 2005;25(7):868-74.
tion du degré d’atteinte des réseaux capillaires superfi- 3. Baillif S, Maschi C, Gastaud P, Caujolle JP. Intravitreal dexame-
ciels et/ou profonds ? Ces questions et l’apport majeur thasone 0.7mg implant for radiation macular edema after proton
beam therapy for choroidal melanoma. Retina. 2013;33(9):1784-90.
de cette technologie non invasive nous permettront peut-
être, dans les années à venir, de changer le pronostic 4. Gupta A, Muecke JS. Treatment of radiation maculopathy with
intravitreal injection of bevacizumab (Avastin). Retina. 2008;28(7):
souvent très défavorable de cette pathologie.
964-8.
5. Shields CL, Say EA, Samara WA et al. Optical coherence tomogra-
La rétinopathie radique peut par ailleurs être une
phy angiography of the macula after plaque radiotherapy of choroidal
complication du traitement par irradiation des cancers de
melanoma: Comparison of Irradiated Versus Nonirradiated Eyes in
voisinage (ORL, cérébral, cérébelleux). Malgré des sché- 65 Patients. Retina. 2016;36(8):1493-505.
mas thérapeutiques tentant de limiter au maximum
6. Veverka KK, AbouChehade JE, Iezzi R Jr, Pulido JS. Noninvasive
l’irradiation oculaire, les conséquences rétiniennes de grading of radiation retinopathy: The Use of Optical Coherence
ces traitements peuvent être extrêmement invalidantes. Tomography Angiography. Retina. 2015;35(11):2400-10.
Un diagnostic précoce, même au stade infra clinique pour- 7. Say EA, Ferenczy S, Magrath GN et al. Image quality and artifacts
rait donc à l’avenir, aider les radiothérapeutes dans la on optical coherence tomography angiography: Comparison of
diminution constamment recherchée des dommages Pathologic and Paired Fellow Eyes in 65 Patients With Unilateral
collatéraux de ces thérapeutiques et permettre un meil- Choroidal Melanoma Treated With Plaque Radiotherapy. Retina. 2016
leur suivi non invasif de ces patients parfois jeunes au Nov 23. [Epub ahead of print]
moment du diagnostic tumoral (figure 4).

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