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DENTALIVRE // Dr AZZ-AM

Un nouveau numéro
sur l’esthétique ?
Voyons un peu pourquoi l’esthétique
est si importante en ce moment.
Si le dictionnaire la définit comme
« une discipline de la philosophie

DOSSIER
ayant pour objet les perceptions,
les sens et la beauté », dans

Esthétique
le langage courant, l’adjectif
« esthétique » est synonyme
de « beau ».
Dans notre société de l’image,
les normes de beauté
sont notamment fabriquées
et entretenues par les médias
Alain Perceval
et les réseaux sociaux. Coordinateur scientifique
La beauté évolue également
avec le temps et la société ;
ce qui est beau aujourd’hui
ne le sera peut-être plus demain.
Cela tient du goût comme
des critères de beauté qui évoluent
avec les modes.
Mais cette beauté est en fait un terme
très subjectif qui résonne en chacun
d’entre nous d’une manière fort
différente, mais le désir
de l’atteindre nous est commun.
Sommaire
Et cette volonté de tendre
vers l’excellence de la beauté Les urgences en esthétique 18
ne pourra être acquise dans Alain Perceval
la réalisation de nos traitements
dentaires que par l’harmonie Stratifications directes contemporaines 26
des proportions et le soin apporté dans le secteur postérieur partie 1
à leurs réalisations. Anne Longuet-Tuet et Gil Tirlet
Ce que j’ai voulu au travers
Stratifications directes contemporaines 38
de ce numéro spécial esthétique
dans le secteur postérieur partie 2
est d’essayer de trouver
Anne Longuet-Tuet et Gil Tirlet
et de regrouper des approches
nouvelles, par les sujets traités mais Le défi de l’incisive centrale 46
également par ceux qui en parlent.
Imiter la nature avec du composite
Même si les occupations des uns ou de la céramique
et des autres ont été des freins Javier Tapia Guadix
pour disserter plus avant de sujets
passionnants, vous aurez de quoi Introduction à la biomorphologie 56
étancher votre soif d’apprendre. Vassnia Nizama Peralta
Je vous souhaite une excellente
Les apports de l’orthodontie digitale
lecture.
à la dentisterie esthétique 62
Alain Perceval
Philippe Van Steenberghe

L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018 17


DENTALIVRE // Dr AZZ-AM
Dossier Esthétique

Les urgences
en esthétique
Alain Perceval
Maître de stage
Maître d’enseignement, Université Libre de Bruxelles (Belgique)
Pratique libérale b-Smile Dental Clinic & Education, Bruxelles (Belgique)
Président CIDAE

Les urgences sont malheureusement


le quotidien de tous les cabinets
dentaires. Elles exigent un diagnostic
précis, de la psychologie pour
F ace à une urgence, il faut être prêt à intervenir,
ce qui suppose la possibilité de poser rapidement
un diagnostic, de maîtriser la douleur éventuelle
et/ou le désagrément esthétique et de choisir le geste
thérapeutique le plus approprié.
répondre rapidement à l’angoisse Ce qui se joue dès lors dans l’urgence esthétique n’est
du patient et une bonne gestion pas tellement la réalisation d’un acte technique, mais une
prise en charge du patient qui permettra de mettre en
de l’agenda pour les intégrer adéquation ses attentes et les possibilités du praticien.
de manière efficace dans un planning Nous allons, au travers de cet article, décrire de manière
souvent chargé. structurée comment atteindre cet objectif.

Fractures coronaires
ou corono-radiculaires
La fracture amélo-dentinaire représente sans doute le
traumatisme le plus fréquent des incisives permanentes
(elle survient par exemple lors de la pratique d’un sport).
La restauration, même provisoire, du morceau fracturé
est un acte technique très bien codifié.
Deux cas de figure sont possibles pour la réaliser avec un
résultat esthétique satisfaisant et prédictive.

18 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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Les urgences en esthétique

1. Vérification de l’adaptation du fragment fracturé. 2. Collage et polissage. (Cas et photo Dr Maxime Drossart)
(Cas et photo Dr Maxime Drossart)

3. Traumatisme suite à une chute en roller : fracture des bords 4. Restauration des bords incisifs en composite (technique directe
incisifs 21-22. avec clé en silicone).

Collage du morceau fracturé


Si le morceau fracturé a été conservé dans du sérum
physiologique, du lait, etc., la procédure se déroule en
trois étapes : préparation et protocole de collage clas-
sique de la dent et du fragment fracturé, assemblage
des deux avec du composite fluide, finition et polissage
(fig. 1 à 4).
Reconstitution au composite
Deux procédés peuvent être utilisés : la technique
directe sans clé en silicone si le placement de la clé se
révèle difficile (fig. 10) et la technique directe avec clé
en silicone (fig. 3). Dans ce cas, deux options se pré-
5. Technique directe décalée dans le temps par la réalisation
sentent : d’un wax-up par le laboratoire ainsi que la clé en silicone.
- réalisation par le laboratoire d’un modèle en plâtre avec
wax-up de la dent fracturée, sur lequel sera réalisée, par
le laboratoire ou par le praticien, d’une clé en silicone - clé en silicone modifiée. Il s’agit d’une astuce du
(fig. 5). Cette procédure est chronophage et le patient ne Dr Maxime Drossart (fig. 6 à 9).
souhaite pas forcément attendre plusieurs jours avant la À la suite d’une restauration au composite, une surveil-
réalisation du travail de laboratoire ; lance clinique à 3-4 semaines est nécessaire.

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6 à 9. Réalisation de la clé en silicone en un temps grâce à de petites modifications de celle-ci au fauteuil. (Cas et photos Dr Maxime Drossart)

Fractures coronaires
compliquées : amélo-dentinaires
avec effraction pulpaire
10. Traumatisme suite à une chute à vélo. Fracture corono-radiculaire Le traitement dépend du stade d’évolution radiculaire,
(2 mm sous-gingival) avec exposition pulpaire importante et de la taille de l’exposition et du temps écoulé entre le
prolongée. La patiente, vivant à l’étranger, souhaitait être stabilisée moment du trauma et la visite au cabinet.
puis être soignée par son chirurgien-dentiste traitant. Lors d’exposition minime et récente, le protocole est
le suivant : coiffage direct ou pulpotomie partielle avec
application de Biodentine® (Septodont) ou de MTA, de
CaOH2… Ensuite, reconstitution au composite ou col-
lage du morceau fracturé (voir plus haut). Le pronostic
est réservé et la surveillance primordiale (tests de vita-
lité, radiographie).
Lors d’exposition importante ou ancienne, le pro-
tocole consiste en une bio-pulpectomie totale (fig. 10
à 16).

Fractures radiculaires
Fracture du tiers coronaire
Le procédé consiste en un ancrage radiculaire et le pla-
cement d’une couronne provisoire ou l’utilisation de la
couronne fracturée « rebasée » au composite avec un
11 et 12. La fracture corono-radiculaire se révèle assez compliquée ancrage radiculaire de type pivot (Pivomatic®, Tenax®…)
du fait de l’exposition pulpaire et de la situation sous-gingivale (fig. 17 à 20).
de la fracture.

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Les urgences en esthétique

13 et 14. La grande difficulté, dans ce cas, a été la gestion


de la zone palatine. La « coque » amélo-palatine était impossible
à réaliser avec une clé en silicone en raison de l’espace trop
restreint. L’adaptation d’une matrice transparente classique a été
la seule solution trouvée. Le reste de la stratification a été réalisé 15 et 16. Vues préopératoire et postopératoire réalisées
de manière conventionnelle. lors de la même séance (durée : 60 minutes).

19 et 20. Temporisation grâce à la réalisation in situ d’un pivot


17 et 18. Situation préopératoire : fracture corono-radiculaire en utilisant la couronne fracturée « rebasée » au composite
de la 22. (Cas et photos Dr Maxime Drossart) avec un ancrage radiculaire. (Cas et photos Dr Maxime Drossart)

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élevées que le composite dentine utilisé pour la restau-


ration coronaire. Ce « bridge collé » qui ne devait servir
que de temporisation très provisoire est finalement resté
plusieurs mois, jusqu’à la pose des implants.

Perte totale ou partielle


d’un élément prothétique
Elle peut être accidentelle ou consécutive à un trauma-
21. Situation préopératoire : perte de 11 et 21 et d’os alvéolaire
à la suite d’un traumatisme. tisme (exemple : fracture porcelaine).
Perte d’une couronne-pivot-bridge
La conduite à tenir est alors le nettoyage de la pièce pro-
thétique et de la dent, puis le rescellement.
Perte d’une facette
Avant toute chose, il sera intéressant de regarder où il
reste du composite d’assemblage, et ce, afin de com-
prendre face à quel type de rupture on se trouve et ainsi
22. Situation postopératoire : « bridge collé » provisoire réalisé optimiser le futur collage.
grâce à une armature en fibres de verre renforcées (Everstick®, GC) On pourrait envisager d’envoyer la facette au laboratoire
sur laquelle ont été stratifiées classiquement les couronnes
pour la nettoyer, mais cela prendrait trop de temps pour
(et les racines) des dents avulsées.
beaucoup de patients. La première chose à faire sera le
nettoyage et la décontamination des surfaces de la pièce
prothétique et le nettoyage de la dent.

Fracture du tiers moyen, fractures Pour les surfaces dentaires : un macro-nettoyage sera
radiculaires verticales, expulsion réalisé à l’aide d’inserts ultrasonores non diamantés, suivi
(luxation totale) d’un micro-nettoyage à l’aide d’un aéro-polisseur à poudre
de bicarbonate. À défaut, l’utilisation de disques abrasifs
Dans ces trois cas de figure, la dent (ou les dents pour (de type Sof-Lex, 3M) à basse vitesse pourra convenir.
les moins chanceux) est extraite ou à extraire ! Il sera dès
lors nécessaire de trouver une solution de temporisa- Pour les surfaces céramiques, on fera un sablage de
tion esthétique pour le patient. La plupart des solutions l’intrados à l’alumine (Al2O3) de 50 μm à basse pression
seront déplacées dans le temps et ne satisferont pas un 1,5 bar.
patient soucieux de son apparence pour sa vie sociale, L’assemblage sera ensuite réalisé selon les étapes sui-
professionnelle et/ou affective. vantes :
Pour illustrer cette situation, les figures 21 et 22 montrent - mise en place de la digue ;
le cas d’un patient ayant perdu ses deux incisives centrales - savoir, si possible de quelle céramique il s’agit afin
(et de l’os alvéolaire !) à la suite d’une agression. d’effectuer un mordançage à l’acide fluorhydrique 9,5 %
Un bridge collé provisoire en technique directe a été approprié : 120 secondes pour les céramiques riches en
réalisé de 13 à 23. Pour ce faire, des fibres de verre ren- leucite (type Empress®), 90 secondes pour la céramique
forcées (Everstick®, GC) ont été utilisées pour « l’ar- feldspathique et 60 secondes pour la céramique pressée
mature », ainsi qu’une reconstitution au composite de au disilicate de lithium (type e.max®) ;
restauration (Miris®, Coltène). La difficulté, dans ce cas, - nettoyage des résidus de mordançage dans un bain
était de gérer la perte osseuse et une gencive située très d’éthanol aux ultrasons 5 minutes (ou acide orthophospho-
haut. Réaliser des formes de couronnes en composite ris- rique durant 20 secondes + rinçage abondant) et séchage ;
quait de surdimensionner les dents et recréer une fausse - application d’un silane pré-hydrolysé (par exemple,
gencive en composite rose aurait été très disgracieux. Monobond®) en frottant la surface, séchage à l’air chaud
Le parti pris a dès lors été de « montrer les racines » (si possible, ou placer sous la lampe à polymériser) pen-
en les réalisant avec un composite deux saturations plus dant 1 minute jusqu’à évaporation totale ;

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- application d’une couche d’adhésif hydrophobe non Conclusion


polymérisé et mise à l’abri de la lumière jusqu’au collage ; Urgence et esthétique, qui à première vue pourraient
- une fois l’intrados céramique préparé, le protocole de sembler antinomiques, ne le sont finalement pas tant que
collage des restaurations adhésives en céramique (RAC) cela. La différence sera sans doute dans l’approche tota-
se poursuit par le traitement adhésif des tissus dentaires lement différente des objectifs du traitement qui seront
qui repose toujours sur une action initiale de mordançage ; fixés par le patient dans le cas d’une urgence esthétique.
- ensuite, application classique du système adhésif : pri- Car le patient n’attend pas tellement un acte technique
mer + bonding ; de notre part, mais plutôt un « acte psychologique » que
- pour le collage, plusieurs colles composites sont seule une bonne communication préalable pourra ren-
possibles : colle diméthacrylate duale (par exemple, forcer, et ce, afin d’éviter les écueils d’attente trop impor-
Variolink®, Nexus 3®…) ou colle fluide photo-polymé- tante par rapport à nos possibilités.
risable (G-ænial Flow®…), ou d’un composite de restau-
ration chauffé.
Remerciements au Dr Maxime Drossart pour son aimable
contribution à cet article, et pour les photos aimablement
Décollement d’un bridge collé prêtées.

Il convient de procéder au nettoyage de la pièce prothé-


tique et de la dent, puis d’appliquer une procédure de
collage classique du bridge collé.
Dans le cas d’ailette(s) métallique(s) : collage grâce
à une colle à potentiel adhésif de type SuperBond® ou
Panavia®.
Dans le cas d’ailette(s) céramique(s) : il sera important
de savoir de quel type de céramique il s’agit, disilicate de
lithium ou zircone.
Pour le disilicate de lithium, le protocole est le même
que pour les facettes (pas de sablage de l’ailette qui ris-
querait de créer des micro-fêlures).
Les céramiques traditionnelles se prêtent au collage par
des prétraitements comme le mordançage à l’acide fluo-
rhydrique suivi d’une silanisation. La zircone requiert
un prétraitement spécifique : le plus simple (surtout en Lectures conseillées
cas d’urgence) sera l’application de Primers dits univer- 1. Ertugrul F, Eden E, Ilgenli T. Multidiciplinary treatment of compli-
sels, (par exemple, Monobond®Plus, Ivoclar Vivadent ; cated subgingivally fractured permanent central incisors : two
ClearfilTM Ceramic Primer Plus, Kuraray-Noritake…) case reports. Dent Traumatol 2008 ; 24 (6) : e61-6.
ou d’une colle de type PanaviaTM (PanaviaTMEX, 2. Andreasen FM et coll. Long-term survival of fragment bonding
in the treatment of fractured crowns : a multicenter clinical study.
PanaviaTM21, PanaviaTMF2.0 et PanaviaTM V5) qui est un Quintessence Int 1995 ; 26 (10) : 669-681.
composite d’assemblage ayant une bonne adhérence aux 3. Vâlceanu AS, Stratul SI. Multidisciplinary approach of compli-
tissus dentaires et aux alliages métalliques, mais aussi cated crown fractures of both superior central incisors : a case
aux zircones report. Dent Traumatol 2008 ; 24 (4) : 482-486.
Fracture céramique sur une restauration céramo- 4. Naudi AB, Fung DE. Tooth fragment reattachment in multiple
complicated permanent incisor crown-root fractures - a report of
métallique ou céramo-céramique two cases. Dent Traumatol 2008 ; 24 (2) : 248-252.
Les étapes sont les suivantes : 5. Turker SB, Sener DI. Replacement of a maxillary central incisor
- nettoyage de la pièce prothétique : sablage using a polyethylene fiber-reinforced composite resin fixed par-
(Rocatec, 3M) ; tial denture : a clinical report. J Prosthet Dent 2008 ; 100 (4) :
254-258.
- silane ;
- adhésif ;
- composite opaque (IPS Empress Direct Opaque®) si le
Correspondance : perceval.alain1@mac.com
métal est apparent ;
- composite de restauration classique ;
- finition et polissage. L’auteur n’a pas de liens d’intérêts.

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Stratifications directes
contemporaines
dans le secteur postérieur
1re partie
Anne Longuet-Tuet Gil Tirlet
Pratique Privée Pratique Privée
Ancienne attachée Université Paris 5 MCU-PH
Membre du groupe international Bioemulation

L’utilisation des composites directs,


en général indiqués pour des
restaurations de petites et moyennes
L’ objectif principal de la dentisterie restaura-
trice contemporaine est de reproduire la fonc-
tion et les performances de la dent naturelle.
Il ne faut plus considérer uniquement la longévité de la
restauration, mais aussi celle de la dent restaurée [1].
tailles, a tendance à se démocratiser L’évolution des matériaux, les effets mécaniques et bio-
pour des pertes de substance plus logiques délétères et l’application de la Convention de
importantes. En effet, les matériaux Minamata entrée en vigueur en août 2017 (traité signé
composites offrent de nombreuses par les Nations Unies afin de protéger la santé humaine
et l’environnement contre les effets néfastes du mercure
possibilités de restauration en appliquant visant à interdire progressivement la présence de mer-
un protocole simple de stratification cure dans de nombreux procédés dont les restaurations
avec le matériel adéquat et peuvent dentaires) font que l’amalgame n’est plus le matériau de
également être une bonne alternative choix pour la reconstitution directe des secteurs posté-
rieurs.
aux méthodes indirectes dans Les composites directs étaient en général indiqués pour
certaines situations cliniques. des restaurations de petites et moyennes tailles par plu-
sieurs auteurs [1, 2, 3], mais leur utilisation pour des
pertes de substance plus importantes a tendance à se
démocratiser [4, 5, 6].

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Stratifications directes contemporaines

Les matériaux composites offrent de nombreuses possi- - les restaurations des dents fêlées et fracturées ;
bilités pour restaurer avec succès les pertes de substance - les restaurations des dents atteintes par l’érosion et
en appliquant un protocole simple de stratification avec l’attrition ;
le matériel adéquat et peuvent également être une bonne - la restauration chez les patients jeunes.
alternative aux méthodes indirectes dans certaines situa- Les restaurations directes offrent également de nom-
tions cliniques. breux avantages :
- réalisation de cavités moins invasives qui permettent
Afin de pouvoir restaurer correctement une dent il est de mieux préserver les tissus dentaires environnants et
important de connaître : la vitalité pulpaire ;
- les critères biologiques : connaître parfaitement la mor- - permettent une approche plus conservatrice au moment
phologie de la dent afin de la restaurer et intégrer la res- de la réfection de la restauration, le plus souvent on peut
tauration dans un espace biologique ; réparer ou retoucher au lieu de remplacer la restauration
- les critères mécaniques : l’occlusion, la répartition des dans sa totalité ;
forces sur la dent, en particulier lors de la présence d’une - réalisation en une seule séance ;
cavité mésio-occluso-distale (MOD) qui va augmenter - les matériaux composites sont les plus biomécanique-
l’éloignement des cuspides quand elles seront mises en ment compatibles pour restaurer la dent avec un module
charge, l’importance du pont d’émail et des crêtes mar- d’élasticité qui se rapproche le plus de la dentine ;
ginales [7, 8] ; - esthétique : permettent de mimer les caractéristiques
- les critères esthétiques : connaître les propriétés optiques de la dent naturelle ;
optiques des différents tissus à reproduire, notamment - coût moins élevé que les restaurations indirectes.
les propriétés optiques de la jonction émail-dentine afin Néanmoins, quelques nuances doivent être apportées,
de pouvoir réaliser des restaurations avec un certain les matériaux utilisés restent des résines chargées et non
mimétisme [9]. de l’émail, avec des modules élasticité différents et donc
des propriétés différentes, et les substrats sur lesquels
Une présentation de la technique directe sera abordée le collage s’effectue sont de nature différente avec la
dans la première partie et une approche pragmatique de dentine d’un côté et sa structure en tubuli et l’émail de
stratification pour les cavités de classes I et II le sera dans l’autre avec sa structure en prismes.
la deuxième partie. De plus, il faut prendre en considération la dynamique
de l’occlusion et le rôle qu’y joue la dent à restaurer afin
de pouvoir anticiper les contraintes subies par le maté-
Place et avantages riau de restauration. Il faut donc tenir compte de tous ces
éléments lors de la décision thérapeutique du choix de la
de la technique directe restauration le plus approprié.
aujourd’hui
L’évolution des matériaux et les changements de para-
digmes concernant l’approche des pertes de substance Longévité de la technique
avec une démarche plus biomimétique et conservatrice directe par rapport
impliquent un changement du type de restaurations mis
en place.
à la technique indirecte
Les restaurations composites directes peuvent être et ses limites
considérées comme la solution thérapeutique de premier Les pertes de substance dans les secteurs postérieurs
choix dans de nombreux cas. peuvent être restaurées de manière directe avec la stra-
L’ Academy of Operative Dentistry European Section tification de composite directement dans la cavité ou de
(AODES) a établi des directives concernant l’utilisation manière indirecte avec la réalisation d’une pièce prothé-
des matériaux composites [10] pour : tique de type inlay/onlay en résine ou en céramique au
- le traitement des lésions carieuses primaires ; laboratoire ou par réalisation CFAO.
- le remplacement de restaurations défectueuses ; Les restaurations indirectes ont montré des perfor-
- le remplacement d’inlays ; mances mécaniques supérieures aux restaurations
- la réparation de restaurations directes et indirectes ; directes [1, 11, 12, 13], ce qui en a fait la solution de choix
- la restauration des dents dépulpées ne nécessitant pas pour les pertes de substance importantes dans les sec-
de restauration extra-coronaire ; teurs postérieurs.

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Les principales causes d’échec des restaurations directes Didier Dietschi et Roberto Spreafico
observées sont : la fracture de la restauration, la frac- - Stratification horizontale multicouche pour les cavités
ture de la dent elle-même, la perte de la morphologie, de classes I et II peu volumineuses. Des couches succes-
la perte de l’étanchéité marginale et la reprise de carie sives de moins de 1,5 mm sont appliquées du fond de la
[2, 11, 13, 15]. cavité vers la surface.
- Stratification oblique avec une base en CVI pour les
L’un des problèmes majeurs des matériaux composite cavités de classe II de taille moyenne en fermant d’abord
est la contraction à la polymérisation qui peut pro- la classe II pour la transformer en classe I.
voquer une flexion cuspidienne trop importante, une - Stratification avec technique des 3 sites pour les
perte d’étanchéité du joint, induire l’apparition de classes II de taille moyenne également [17, 18].
fêlures au niveau de l’émail et de la dentine. Plusieurs
pistes ont été explorées afin de réduire cette contrac- Jason Smithson
tion à la polymérisation au niveau de la technique de - Stratification par couches successives, les incréments
stratification et au niveau des matériaux de reconsti- sont apportés sous forme de boulettes placées au préa-
tution. lable dans un réchauffeur avec une sonde et condensées
L’évolution des matériaux et des méthodes de stratifica- avec un microbrush. Pour la dentine, la stratification se
tion ces dernières années commence à changer la donne fait par couches obliques et pour la partie émail le prati-
et augmente la prédictibilité des résultats qu’il est pos- cien procède cuspide par cuspide.
sible d’obtenir avec les méthodes directes. - Mise en place d’un liner de composite fluide de moins
Le recours à des matériaux utilisés comme substituts de 1 mm sur le fond et sur les parois de la cavité afin
dentinaires avec des modules d’élasticité proches de celui d’augmenter la résistance à la flexion de l’adhésif.
de la dentine comme les composites renforcés avec des - Teinte de dentine 2 tons au-dessus du teintier Vita afin
fibres de verre courtes, les CVI, les CVIMAR [4, 5, 16] de donner un peu plus de chaleur au résultat final.
permet d’augmenter les propriétés mécaniques des com- - Pour les classes II : transformation en classe I en deux
posites et offre des performances pouvant égaler celles apports [19].
des restaurations indirectes composites.
Gianfranco Politano
Il faut garder à l’esprit que la quantité de la perte de Tri-laminar technique.
substance orientera le choix du type de restauration. Il - Une couche de composite fluide sur le fond de la cavité.
est admis que lorsque le remplacement d’une cuspide est - Une couche horizontale de composite teinte dentine.
nécessaire ou lorsque la largeur de l’isthme d’une cavité - Une couche émail par apports successifs cuspide par
de classe II ou MOD est supérieure au tiers de la dis- cuspide.
tance entre les cuspides vestibulaires et linguales, il faut
opter pour une restauration indirecte. Salvatore Scolavino
- Stratification par couches partant de la périphérie.
- Mise en place de la couche dentine, le fond doit être
plat ou légèrement arrondi et 1 à 2 mm plus profond que
Rappel des différentes la crête marginale.
- Les sillons sont positionnés 3 à 3,5 mm à partir des
techniques de stratification pointes cupsidiennes. Les incréments émail sont appli-
Depuis la démocratisation de l’utilisation des composites qués simultanément et poussés de façon centripète mais
pour la restauration des pertes de substance, plusieurs ne se touchent pas. Après photopolymérisation, le gap de
techniques de mise en place ont été décrites et ont évolué la face occlusale est fermé en amenant de petits incré-
au fil des années afin de tirer parti au maximum de leurs ments un par un en les photopolymérisant afin d’obtenir
propriétés et d’obtenir une restauration de qualité et la les sillons les plus naturels possible [20].
plus durable possible [1, 5].
Les techniques de stratification les plus connues, de la Les techniques dites « bulk fill »
plus ancienne à la plus récente, sont celles de Didier Ces dernières années, les techniques « bulk », consistant
Dietschi avec Roberto Spreafico, Jason Smithson, à mettre un seul apport, voire deux, de matériau dans la
Gianfranco Politano et Salvatore Scolavino qui seront cavité et simplifiant ainsi les protocoles de stratification,
détaillées ci-après. se sont développées.

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Stratifications directes contemporaines

1. Pose du champ
opératoire sur un quadrant.

2 et 3. Utilisation d’un composite flow comme liner.

Le recul clinique sur le long terme n’est pas encore suffi- Cette technique a montré de bons résultats in vitro avec
sant et les études pas assez nombreuses pour élargir leur des performances mécaniques proches de celles des
indication. inlays composites CFAO [4, 16].
Néanmoins, il existe une variante mélangeant bulk fill
et stratification qui peut être intéressante dans certaines Matériel
situations comme la restauration de larges cavités MOD
proposée par Pascal Magne en 2018. En début de séance, le champ opératoire est posé avec
Cette technique utilise un composite renforcé avec des une isolation par quadrant (fig. 1) afin de permettre un
fibres de verre comme substitut dentinaire. bon accè, une meilleure visualisation des limites et d’évi-
La technique de stratification est réalisée de la manière ter une contamination supplémentaire des préparations.
suivante : IDS de la dentine exposée, transformation de
la cavité ou MOD en classe I en montant des bords proxi- Matériel commun à la réalisation
maux avec du composite, mise en place d’une couche de de classes I et II
composite renforcé avec des fibres de verre au centre et - Compo flow suivant la profondeur sur le fond de la
stratification au composite des 2 derniers millimètres cavité pour diminuer le facteur C et limiter la contrac-
occlusaux. tion de polymérisation (fig. 2 et 3).

L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018 29


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4 et 5. Apport de masse dentine. 6. Apport de masse émail.

7 et 8. Pinceaux rond et plat. 9. Modelage des cuspides à l’aide


du pinceau rond.

10 et 11.
Apport
du colorant
pour le
maquillage
final
des sillons.

- Composites teinte émail et dentine. Matériel spécifique à la réalisation


- Instruments de la gamme LM Arte : Condensa® et de classes II et complexes
Fissura® pour mettre en place les incréments successifs
de composite (fig. 4, 5, 6). Les matrices
- Pinceaux : rond et plat pour le modelage et la sculpture Les matrices circonférentielles, comme l’Automatrix® de
de la partie occlusale (fig. 7, 8, 9). Dentsply, seront privilégiées pour les cas de remontée de
- Resin modeling liquid® dont le pinceau est imbibé afin marge.
que le composite ne colle pas. Les matrices sectorielles métalliques (plus simples à
- Colorant pour le maquillage des sillons occlusaux. utiliser que les matrices en plastique transparent) sont
- Fissura® et microbrushs pour l’application du MR3 et recommandées pour la réalisation des classes II et même
pour le maquillage de la partie occlusale (fig. 10, 11). des cavités MOD (fig. 12).

30 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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12. Exemple de différents types de matrices. 13. Pince et anneau séparateur.

En ce qui concerne la hauteur, l’idéal est de faire coïn-


cider le bord de la matrice avec la crête marginale de la
dent adjacente afin de s’en servir comme repère et ainsi de
rendre le montage de la crête marginale plus facile (fig. 14).
Les anneaux séparateurs, de type Palodont® de Dentsply,
My Ring® de Polydentia ou encore Composi-tight® de
Garrisson, permettent, comme leur nom l’indique, de
séparer les dents afin de pouvoir réaliser le point de
contact proximal et de plaquer la matrice sur la dent
au-delà des limites de la cavité. Des pinces adaptées aux
anneaux rendent leur manipulation et leur mise en place
plus aisées.

Les coins interdentaires


Il existe des coins interdentaires en bois et en plastique
(de tailles et de formes différentes). Ces coins per-
14. Positionnement de la matrice par rapport à la crête marginale.
mettent de plaquer la matrice dans la zone cervicale sans
la déformer pour ne pas obtenir un profil d’émergence
droit qui ne correspond pas à l’anatomie de la dent et qui
Les matrices doivent être utilisées avec un anneau sépa- pourrait provoquer une zone de bourrage alimentaire.
rateur et un coin (en bois ou en plastique) et parfois un Ils contribuent également à une légère séparation des
peu de téflon afin de garantir une adaptation marginale dents (fig. 15, 16).
parfaite (fig. 13). Dans la majorité des cas, on a plutôt tendance à privilé-
Elles sont disponibles en différentes tailles et hau- gier les coins en plastique qui sont plus souples et peuvent
teurs suivant les fabricants, le choix se fait en fonction ainsi plaquer la matrice sans la déformer (fig. 17).
de l’importance de la perte de substance dans le sens Afin de parfaire l’adaptation marginale, du téflon peut
occluso-cervical et dans le sens vestibulo-lingual, il est être utilisé pour abaisser le champ opératoire, faciliter la
donc important de prendre le temps de bien analyser le mise en place de la matrice et pour la plaquer davantage
volume de la cavité afin de choisir la matrice la plus adap- sur la surface de la dent dans la zone cervicale si l’anato-
tée et ne pas hésiter à les customiser pour rendre leur mie de la dent ne le permet pas avec la seule utilisation
adaptation marginale parfaite. du coin (fig. 18).

32 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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15 et 16. Exemple de coins interdentaires et de matrices.

17. Mise en place de coins interdentaires et de matrices. 18. Amélioration de l’adaptation cervicale
de la matrice avec du téflon.

Conclusion
La démarche de préparation des cavités pour la mise en situation de départ permettent d’obtenir des résultats
place de l’amalgame n’est plus d’actualité et de nouvelles tout à fait satisfaisants et reproductibles sur le plan fonc-
approches doivent être développées et mises en applica- tionnel, esthétique et mécanique.
tion. Il s’agit d’un véritable changement de paradigme Dans de nombreuses situations cliniques, les restaura-
dans l’approche restauratrice. tions composites peuvent être une alternative aux restau-
L’évolution des matériaux composites et la simplification rations indirectes en composite et à l’amalgame.

des protocoles de stratification ces dernières années ont
permis une meilleure prédictibilité du résultat final.
Leur utilisation permet une approche plus conservatrice,
plus esthétique, plus respectueuse de la biomécanique de
l’organe dentaire.
Un protocole de stratification simple, qui sera proposé Les auteurs n’ont pas de liens d’intérêt.
dans la deuxième partie, et une bonne analyse de la Correspondance : anne.longuet-tuet@ruemargueritte.com

34 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


DENTALIVRE // Dr AZZ-AM
Dossier Esthétique

Bibliographie
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resistance and crack propensity of large MOD composite

36 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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Dossier Esthétique

Stratifications directes
contemporaines
dans le secteur postérieur
2e partie
Anne Longuet-Tuet Gil Tirlet
Pratique privée Pratique Privée
Ancienne attachée MCU-PH
Université Paris 5 Membre du groupe international Bioemulation

Les matériaux composites offrent Approche pragmatique


de nombreuses possibilités pour dans la vie quotidienne
restaurer avec succès les pertes Classe I (fig. 1 et 2)
de substance en appliquant Il est important de contrôler l’occlusion et de marquer
les points de contact occlusaux avec du papier à arti-
un protocole simple de stratification
culer avant la réalisation de la cavité afin de pouvoir
facilement reproductible pour visualiser la répartition de ces points qui vont pouvoir
les cavités de classes I et II. guider le praticien lors de la finalisation de la morpho-
Nous allons détailler étape par étape logie occlusale.
Après la dépose de l’ancienne restauration si elle existe
un protocole simple de stratification
(fig. 3), la réalisation de la cavité et l’éviction du tissu
pour la réalisation de cavités carieux (du révélateur de carie peut être utilisé afin
de classe I et de classe II. de faciliter cette étape) se font sous champ opératoire
(fig. 4). Cela offre un meilleur accès visuel et une isola-
tion optimale pour le montage du composite.
Après sablage (fig. 5), les bords de la cavité sont polis
(avec une fraise bague rouge) (fig. 6) afin d’obtenir des

38 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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Stratifications directes contemporaines

1 et 2. Vues préopératoires. 3. Dépose de la restauration. 4. Contrôle de l’éviction carieuse


avec le révélateur de caries.

5. Sablage. 6. Polissage des bords de la cavité.

bords arrondis pour ne pas avoir un arrachement des


prismes d’émail lors de la contraction à la polymérisa-
tion du composite, ce qui évite ainsi l’apparition d’une
ligne blanche disgracieuse sur le pourtour de la cavité et
permet d’obtenir une bonne étanchéité du joint.
Après mordançage sélectif de l’émail (fig. 7), le primer
et l’adhésif sont appliqués en respectant les directives du
fabricant (fig. 8).
Puis une fine couche de composite fluide est mise en
place sur le fond de la cavité et dans les éventuelles
contre-dépouilles des parois (fig. 9 et 10), permettant
de masquer des colorations pouvant altérer le résultat
esthétique final et réduire la contraction à la polyméri-
sation (permet de réduire le facteur C qui, lorsqu’il est
élevé, peut compromettre la qualité de la restauration).
Une ou deux couches de composite teinte dentine (une
teinte un peu plus soutenue que celle de la dent natu- 7. Mordançage sélectif de l’émail. 8. Après application du primer
relle) sont ensuite mises en place suivant la profondeur et de l’adhésif.

L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018 39


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Dossier Esthétique

9 et 10. Application d’une couche


de composite flow sur le fond de la cavité.
11. Mise en place de la couche « dentine » composite.

12 à 15. Mise en place de la partie émail cuspide par cuspide.

de la cavité par stratification horizontale en remontant


légèrement vers les bords avec un fouloir arrondi (fig. 11).
Les apports de dentine sont de 1,5 à 2 mm d’épaisseur.
Un espace d’environ deux millimètres est laissé en occlu-
sal pour la stratification de la partie émail du composite.
Dans le cas particulier de cavités profondes, il est possible
d’interposer, entre la couche de composite flow et la masse
dentine, une couche de composite renforcé avec des fibres
de verre courtes afin d’augmenter la résistance mécanique
de la reconstitution [4, 10] et limiter la propagation de
16. Utilisation
fêlures, ce composite fibré doit impérativement être recou- du pinceau
vert d’une couche de composite pour ne jamais être exposé. pour la sculpture
La stratification de la partie occlusale cuspide par cuspide de la face
(fig. 12 à 15) est réalisée avec un composite teinte émail occlusale.

40 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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Stratifications directes contemporaines

17 et 18. Vue de la restauration après


application de colorant pour le maquillage
des sillons. 19. Vue finale
de la restauration
en bouche.

ou universel à l’aide de petites boulettes apportées succes- Classe II


sivement et que sculptées au pinceau en s’appuyant sur les
parties résiduelles de la face occlusale (fig. 16). Il convient de contrôler l’occlusion et de marquer les
La photopolymérisation se fait au fur et à mesure, cus- points de contact occlusaux avec du papier à articuler
pide par cuspide, de façon à prendre appui sur la précé- avant la réalisation de la cavité afin de pouvoir visualiser
dente pour le montage de la suivante. la répartition de ces points qui vont pouvoir guider le
Une fois la sculpture réalisée, un maquillage de la face praticien lors de la finalisation de la morphologie occlu-
occlusale peut être effectué à l’aide de colorants afin de sale (fig. 20 et 21).
donner un peu plus de profondeur à la surface (fig. 17 Après la dépose de l’ancienne restauration, si elle existe,
et 18). Mais cette étape est facultative. la réalisation de la cavité et l’éviction du tissu carieux se
Après polymérisation de la couche finale sous gel de glycérine, font sous champ opératoire, offrant un meilleur accès
la finition consiste en un polissage soigneux et un contrôle visuel et une isolation optimale pour le montage du
de l’occlusion après retrait du champ opératoire (fig. 19). composite.

20 et 21. Vues préopératoires.

22. Cavité nettoyée et sablée. 23. Mise en place de la matrice avec anneau séparateur et coin
en plastique.

L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018 41


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24. Montage de la crête marginale. 25. Contrôle de la hauteur de la crête marginale après retrait
de la matrice.

26 à 29. Stratification de la cavité.

On peut également mettre une matrice métallique ou


un Fender Wedge® ou similaire afin de protéger la dent
adjacente lors de la préparation.
Après sablage, il convient de procéder au polissage des
bords de la cavité afin d’obtenir des bords arrondis pour
ne pas avoir un arrachement des prismes d’émail lors de
la contraction à la polymérisation du composite, ce qui
évite ainsi l’apparition d’une ligne blanche disgracieuse
sur le pourtour de la cavité et permet d’obtenir une
30. Contrôle du profil d’émergence.
bonne étanchéité du joint (fig. 22).
À la suite du mordançage sélectif de l’émail, le primer est
appliqué en respectant les directives du fabricant. téflon si la zone cervicale présente une concavité trop
Puis la matrice, le coin et l’anneau sont mis en place après prononcée.
l’application du primer et avant celle de l’adhésif (fig. 23). Afin de faciliter le montage de la crête marginale, la par-
Il convient de privilégier une matrice métallique plutôt tie supérieure de la matrice doit être au même niveau que
qu’une matrice en plastique afin d’obtenir un point de celui de la crête marginale de la dent adjacente et peut
contact de bonne qualité. ainsi servir ainsi de repère (fig. 24).
La matrice peut être customisée afin d’être parfaitement Une fine couche de composite fluide est mise en place
adaptée à la dent. Elle peut être plaquée en plus avec du sur le fond de la cavité et dans les éventuelles contre-

42 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


DENTALIVRE // Dr AZZ-AM
Dossier Esthétique

Une fois la sculpture réalisée, un maquillage de la face


occlusale peut être réalisé à l’aide de colorants afin de
donner un peu plus de profondeur à la surface, mais cette
étape est facultative.
Après polymérisation de la couche finale sous gel de gly-
cérine, la finition consiste en un polissage soigneux et un
contrôle de l’occlusion après retrait du champ opératoire
(fig. 31).
31. Vue finale de la restauration en bouche.

dépouilles des parois. Elle permet de masquer des colo- Conclusion


rations pouvant altérer le résultat esthétique final et Le design des cavités pour la mise en place de l’amalgame
réduire la contraction à la polymérisation (permet de n’est plus d’actualité et de nouvelles approches doivent
réduire le facteur C qui lorsqu’il est élevé peut compro- être développées et mises en place. Il s’agit d’un véritable
mettre la qualité de la restauration). changement de paradigme dans l’approche restauratrice.
Il faut transformer la classe II en classe I en premier en La simplification des techniques de stratification et l’évo-
montant le mur proximal avec du composite teinte émail lution des propriétés des matériaux composites rendent
ou universel. L’application débute avec un fouloir arrondi leur utilisation plus aisée.
et se termine en poussant à la base avec le pinceau rond afin Leur utilisation permet une approche plus conservatrice,
de faire remonter l’apport de composite et donner ainsi le plus esthétique, plus respectueuse de la biomécanique de
relief occlusal arrondi de la crête marginale. Après photo- l’organe dentaire.
polymérisation, l’anneau et la matrice sont retirés (fig. 25). Un protocole de stratification simple et une bonne ana-
Le praticien stratifie horizontalement la partie centrale lyse de la situation de départ permettent d’obtenir des
avec une ou plusieurs couches de composite teinte den- résultats tout à fait satisfaisants et reproductibles sur le
tine en laissant environ deux millimètres pour la stratifi- plan fonctionnel, esthétique et mécanique.


cation de la partie occlusale.
La stratification de la partie occlusale se fait comme
pour la classe I à l’aide de petites boulettes de composite
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt.
émail ou teinte universel qui sont apportées, sculptées
avec le pinceau rond et photopolymérisées successive-
ment (fig. 26 à 30). Correspondance : anne.longuet-tuet@ruemargueritte.com

Bibliographie
1. Opdam N, Frankenberger R, Magne P. From “Direct Versus 7. Magne P, Belser UC. Rationalization of shape and related stress
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5. Magne P, Maia H. Fatigue resistance and crack propensity of Dent Mater 2013 ; 29 (8) : 835-841.
novel “super-closed” sandwich composite resin restorations in 11. Cheron R, Cazier S, Tirlet G. Le coin et l’anneau. Information
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6. Frauscher KE, Ilie N. Depth of cure and mechanical properties of 12. Cheron R, Drossart M, Tirlet G. Le coin et l’anneau (2e partie).
nano-hybrid resin-based composites with novel and conventional Information Dentaire 2013 ; 95 (39) : 19-23
matrix formulation. Clin Oral Invest 2012 ; 16 (5) : 1425-1434.

44 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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Dossier Esthétique

Le défi de l’incisive
centrale
Imiter la nature avec du composite
ou de la céramique

Javier Tapia Guadix


Chirurgien Dentiste, DDS
Artiste Computer Graphic
Madrid, Espagne

Les restaurations esthétiques


touchant l’incisive centrale supérieure
D es techniques photographiques avancées
doivent être utilisées dans le cadre des res-
taurations esthétiques de l’incisive centrale,
y compris différentes sortes d’éclairage et un calibrage
précis des fichiers photographiques en format RAW.
représentent un défi majeur Le matériau de restauration et le choix de la technique
tant pour les chirurgiens- dépendent de différents facteurs tels que l’âge du patient,
dentistes que pour les techniciens l’extension de la restauration, la complexité de la teinte,
de laboratoire. Obtenir un résultat l’habileté de l’opérateur et les exigences esthétiques à
long terme.
optimal avec un minimum d’étapes Le composite et la céramique représentent des options
ou d’essais cliniques nécessite une valables aujourd’hui pour reconstituer de tels cas.
analyse systématique et exhaustive Cependant, une stratégie claire de choix de teinte doit
dans la prise de teinte. être définie pour les deux matériaux.

46 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


DENTALIVRE // Dr AZZ-AM
L’incisive centrale

Composite Céramique

1. Propriétés du composite versus céramique.

Changement de paradigme : Choix du matériau :


préservation de la restauration composite versus céramique
versus préservation de la dent Les restaurations composites et céramiques ont leurs
La vérité en dentisterie est que tous les traitements sont avantages et leurs inconvénients (fig. 1). Les deux sont
voués à l’échec un jour ou l’autre, peu importe s’ils ont excellentes en termes esthétiques et de propriétés d’ad-
été réalisés de manière précise, techniquement bien exé- hésion, mais tandis que les restaurations céramiques
cutés et en suivant des protocoles établis. Que ce soit un ont des propriétés mécaniques plus élevées, ainsi qu’une
problème de matériau, de micro-infiltration (« micro- excellente stabilité de teinte et de brillance, le composite
leakage »), de décollement, un manque de réussite permet une réparation facile et a un coût beaucoup plus
esthétique ou autre, cet échec aura lieu tôt ou tard. Il est faible que la céramique.
clair que plus une dent subira de réinterventions, plus Les restaurations directes en composite représentent
mauvais sera le pronostic à long terme. Cependant, cela l’approche la plus conservatrice, car le niveau de pré-
est intimement lié au niveau de conservation tissulaire : paration est habituellement plus faible que pour les res-
plus agressif sera le traitement originel, plus les risques taurations en céramique indirectes. Cela devrait être la
d’échec seront irréversibles. technique de choix pour les patients les plus jeunes. En
Le changement de paradigme en dentisterie restaura- outre, ces derniers ont tendance à présenter une moins
trice consiste à délaisser la priorité donnée à la survie bonne stabilité de teinte puisque les tissus naturels sont
à long terme de la restauration au profit de la survie de toujours en évolution. Cette évolution colorimétrique
la dent et de ses structures. Ainsi, les thérapies les plus pourra alors représenter un problème face à une haute
conservatrices devraient être privilégiées dans un objec- stabilité colorimétrique de la céramique, produisant ainsi
tif à long terme. Néanmoins, cela peut parfois poser un des erreurs à court ou moyen terme après le traitement.
problème de conflit d’intérêts ou représenter un défi, car À l’opposé, les patients adultes présentent un plus haut
l’approche la plus conservatrice exige une technique plus degré de stabilité de teinte, bien que celle-ci puisse être
précise pour les traitements compliqués. influencée par l’alimentation, les habitudes et les usures
Les professionnels de la santé dentaire ont le devoir d’ap- parafonctionnelles.
prendre et de se former pour assurer les options les plus Inutile de préciser que ces patients adultes méritent éga-
conservatrices aux patients afin de ne pas tomber dans lement une approche de traitement la plus conservatrice
la facilité de traitements plus agressifs uniquement par autant que faire se peut.
manque de connaissance et un défaut de formation sur
les nouvelles techniques.

L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018 47


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Dossier Esthétique

2. Dents hydratées versus déshydratées. 3. Photographie polarisée versus non polarisée.

L’extension de la restauration et l’état du substrat déter- Choix de la teinte


mineront également le choix du matériau. Le composite Faire correspondre la morphologie représente une par-
est la solution idéale pour les petits défauts sans atteinte tie du défi. Puisque l’autre incisive centrale est présente,
biomécanique et sans besoin de changements de mor- nous aurons donc toujours une référence pour copier,
phologie majeurs. Les manques plus importants avec laissant ainsi le succès entre les mains compétentes du
un déficit biomécanique devraient, eux, être rétablis praticien concernant la forme, le contourage, la texture,
avec des solutions céramiques pour récupérer l’intégrité la finition et le polissage.
structurelle et la rigidité du complexe de dent original. Faire correspondre la teinte présente beaucoup de
De plus, des restaurations en céramique assureront un variables qui auront un impact énorme sur le résultat.
meilleur contrôle pour des modifications morpholo- Pour réussir dans l’émulation des tissus naturels, nous
giques plus importantes. devrions définir la meilleure stratégie de choix de teinte
Le défi esthétique est toujours plus difficile à gérer avec pour chaque matériau.
les composites directs. Ainsi, on essayera de réaliser le La première et plus importante étape est d’effectuer
traitement en utilisant un nombre limité de nuances avec le choix de teinte lorsque les dents sont complètement
une technique de stratification simplifiée. hydratées. La déshydratation change radicalement la
Il faut évaluer la faisabilité avec le composite ou la céra- nuance et l’opacité de l’émail humain (fig. 2).
mique. Cependant, quand la complexité intrinsèque Une application de 10 secondes de la soufflette à air à la
des détails de dent est trop haute, le matériau de choix surface de l’émail est capable d’augmenter son opacité de
devrait être la céramique. Le facteur esthétique est aussi 20 % [1].
influencé par la demande esthétique du patient et sa tolé- Inutile de dire que, après la préparation, l’isolement, les
rance à une petite différence de nuance. Pour les patients empreintes ou d’autres procédures, il devient difficile,
très exigeants, la céramique semble être le matériau le voire impossible de réaliser un choix de teinte approprié.
plus prévisible. L’utilisation d’un filtre polarisant pour flash aussi bien
Les compétences du praticien sont aussi primordiales que d’autres techniques [2-4] photographiques den-
pour la reconstitution d’une incisive centrale, particu- taires améliore grandement tout le processus de choix de
lièrement avec des composites directs. Si l’opérateur se teinte, peu importe le matériau (fig. 3).
sent plus à l’aise avec l’une des deux techniques, il devra
favoriser celle qu’il maîtrise le mieux. Évidemment, cette Avec les composites :
limite technique peut être compensée par une forma-
tion appropriée sur le sujet. Le même principe peut être teintier personnalisé versus
appliqué au laboratoire. Si nous pouvons travailler avec « technique bouton »
une bonne communication avec un technicien formé et Le teintier personnalisé représente la meilleure solu-
qualifié, nous devrions pouvoir résoudre de telles situa- tion pour les restaurations de classe IV. Le « cus-
tions. Si ce n’est pas le cas, il faudra reconsidérer le choix tom_eyes » (emulation.me-Germany; Essentia, GC
du matériau. Europe) permet la reproduction d’une épaisseur histo-
Au final, le praticien devrait considérer le pronostic du anatomique appropriée dans un guide de nuance divisé
traitement en se fondant sur son expertise. Si la restau- en deux composants, la dentine et l’émail (fig. 4). Le
ration est susceptible d’être modifiée à court ou moyen fait d’utiliser le même matériau de restauration pour
terme en raison de changements esthétiques ou de rai- le guide que celui qui sera utilisé pour le traite-
sons fonctionnelles, la meilleure option sera peut-être le ment, augmente beaucoup la prévisibilité du résultat.
composite, qui offre plus de possibilités et de facilité de L’utilisation de plusieurs « custom_eyes shade tabs »,
réintervention. classées en fonction de la luminosité, est recommandée

48 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


DENTALIVRE // Dr AZZ-AM
Dossier Esthétique

4. Moule en silicone
(Custom_eyes ) pour
dentine et émail afin
de réaliser un teinter
personnalisé.

5. Teinter
personnalisé contre
les dents avec flash
normal et avec filtre
polarisant.

6. Technique
bouton. À droite,
photographie post-
traitement.

7. Cas clinique 1.
Visuels pré-
et post-traitement.
Composite.

pour cette procédure ainsi que l’utilisation de photo- sites soient préparés à l’avance, appliqués et polymérisés
graphie avec filtre polarisant (polar_eyes, emulation. au même moment. Les échantillons de dentine devraient
me-Germany) (fig. 5). être placés au niveau du tiers cervical ou moyen, tandis
Pour sa part, la « technique bouton » consiste au pla- que l’échantillon d’émail fonctionne mieux en extension
cement de petits plots de composite sur la surface de la sur le bord incisal (fig. 6).
dent. Il s’agit là d’une méthodologie de choix pour les La stratégie de choix de teinte composite appropriée
facettes quand il faut recouvrir un substrat dyschromié. assurera un résultat prévisible et un excellent résul-
Comme il est d’une importance capitale de prévenir la tat, même lors de situations relativement complexes
déshydratation, il faudra également que tous les compo- (fig. 7-10).

50 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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8. Cas clinique 2.
Visuels pré-
et postopératoire.
Composite.

9. Photos avec
technique eLab.

10. Essai digitalisé


utilisant la technique
eLab.

Céramique : teintier classique la littérature [5-7]. La subjectivité intrinsèque de la per-


ception humaine des couleurs rend difficile la standar-
versus eLAB disation et la création d’une stratégie de choix de teinte
Des teintiers classiques représentent le standard en prévisible. La nécessité d’une méthodologie objective
dentisterie. Cependant, il y a peu de cohérence chez les utilisant des colorimètres et spectrophotomètres est évi-
industriels concernant les normes de couleur et chaque dente depuis des années. La difficulté du problème a ten-
fabricant a son propre cahier des charges pour adapter dance à faire revenir les teintiers conventionnels comme
les teintes à ses systèmes de céramique [5-7]. En outre, références. De plus, ces dispositifs ne sont pas accessibles
les teintiers ne sont pas liés à un matériau spécifique, ce pour tout le monde en raison des coûts élevés.
qui a un impact important sur la teinte finale. En fin La technique eLAB8 aborde ces questions en présentant
de compte, la variation des échantillons de nuances sur une nouvelle méthodologie pour l’évaluation des teintes
ces teintiers est produite avec des pigments et n’a aucune en utilisant un équipement photographique dentaire
relation avec le processus de vieillissement naturel des standard avec un filtre de cross-polarisation et une carte
tissus dentaires et son augmentation en contenu minéral de calibrage (polar_eyes & white_balance, emulation.me-
et en translucidité [3]. Germany). Cette configuration le rend plus abordable au
L’évaluation visuelle des teintes à l’aide des teintiers clas- grand public, car il n’exige pas de dispositif spécifique et
siques a par ailleurs été mise en doute plusieurs fois dans que le clinicien n’a besoin que d’une seule image (fig. 11).

52 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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11. Cas clinique 3. Visuels pré- et post-traitement. Céramique.

12. Cas clinique 4. Visuels pré- et post-traitement. Céramique.

Cette technique implique le même « workflow » du côté Bibliographie


du laboratoire qui doit pouvoir faire un essai numérique 1. Brodbelt RH, et al. Translucency of human dental enamel. J Dent
(fig. 12) et contrôler le mélange céramique pour corres- Res 1981 ; 60 (10) : 1749-1753.
pondre exactement à la vraie nuance du patient. 2. Vanini L. Light and color in anterior composite restorations. Pract
Avec un ∆E* habituel (différence de couleur), le résultat Periodontics Aesthet Dent.1996 ; 8 (7) : 673-682.
va être compris entre 0 et 1,5 ce qui est dans une dif- 3. Bazos P, Magne P. Bio-Emulation : biomimetically emulating
férence de couleur non détectable, la technique eLAB nature utilizing a histoanatomic approach ; visual synthesis. Int J
Esthet Dent 2014 ; 9 (3) : 330-352.
donne la possibilité d’atteindre une prévisibilité imbat-
4. Hein S, Bazos P, Tapia Guadix J, Zago Naves L. Beyond
table en correspondance couleurs en dentisterie. visible : exploring shade interpretation. Quint Dent Technol
2014 ; 37.
5. Westland S et al. Colour assessment in dentistry. Ann BVMA
Conclusion 2007 ; 4:1-10.
6. Gurrea J et al. Evaluation of dental shade guide variability using
Tant les restaurations composites, utilisant custom_eyes cross-polarized photography. Int J
ou la technique bouton, que des restaurations céramiques 7. Periodontics Restorative Dent 2016 ; 36 (5) : e76-81.
utilisant eLAB technique, montrent des résultats prévi- 8. Todorovi c‘ A et al. Reliability of conventional shade guides in
teeth color determination. Vojnosanitetski pregled 2013 ; 70
sibles qui rétablissent la fonction et l’esthétique dans des (10) : 929-934.
cas de restauration d’incisive centrale. En fin de compte, 9. Hein S, Tapia J, Bazos P. eLABor_aid : a new approach to digi-
un traitement réussi sera toujours le résultat d’une bonne tal shade management. Int J Esthet Dent 2017 ; 12 (2) : 186-202.
communication avec le patient et un excellent travail
d’équipe entre le clinicien et le technicien.

Correspondance : j.tapia@bio-emulator.com
L’auteur adresse ses remerciements à Sascha Hein
et Marleen Peumans. L’auteur n’a pas de liens d’intérêts.

54 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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Introduction
à la biomorphologie
Vassnia Nizama Peralta
Dentiste D.D.S.
Professeur Associé en dentisterie restauratrice
Ciudad de la Plata, Argentina
Oratrice internationale dans le domaine
de la Biomorphologie et des restaurations en composites
Lima, Pérou

La qualité des restaurations dépend


également du degré de connaissance
de la morphologie des dents naturelles,
souvent sous-estimée. Dessiner formes,
I déalement, le processus d’apprentissage devrait in-
clure la lecture de livres comme base théorique et le
dessin des dents avec une grande précision dans les
détails anatomiques pour comprendre leur importance
fonctionnelle et intégrer cette connaissance avec l’occlu-
dimensions, répartitions des espaces sion.
Ce à quoi on pourrait ajouter la possibilité de réaliser
disponibles, texture, zones de réflexion des cires de diagnostic et des dents avec des matériaux
et/ou de dépression est essentiel utilisés dans la pratique dentaire journalière, comme des
dans la perception et dans l’apprentissage composites ou des céramiques.
des connaissances, donc dans la maîtrise Toutes ces étapes aident à compléter le processus mental
nécessaire pour créer une synchronisation parfaite entre
de la reproduction des caractéristiques les yeux, le cerveau et les mains occupées dans un pro-
anatomiques afin d’améliorer la fonction cessus de restauration.
et l’esthétique. Apprendre à dessiner des dents n’est pas seulement de
l’art, mais surtout une question de perception. Cette

56 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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Introduction à la biomorphologie

2. Reproduction par le dessin des différents éléments anatomiques


pour une meilleure compréhension.
1. La photographie permet de bien visualiser la morphologie des dents.

façon d’apprendre la morphologie aide l’hémisphère niveau de la large base d’émail qui tolère mieux le stress
droit du cerveau à se concentrer sur la fonction et sur pendant le processus masticatoire ;
les détails que l’on ne pouvait pas voir auparavant. Cette - les sillons présents des deux côtés des masses amélaires
nouvelle vision change la manière d’appréhender la réso- courbées fournissent un cadre rigide afin de mieux tolé-
lution des problèmes tridimensionnels et améliore les rer le stress grâce à la distorsion qui se produit pendant
possibilités cliniques en dentisterie [4]. la fonction à l’intérieur de la table occlusale ;
- les sillons secondaires situés de chaque côté d’un lobe
Un problème tridimensionnel ont pour but de laisser la nourriture s’évacuer de la zone
de travail vers la langue ou les zones buccales et ainsi
Chaque situation nécessitant la restauration d’une dent laisser l’espace aux nouveaux aliments pour entrer et être
constitue un problème tridimensionnel qu’il convient de fragmentés à leur tour par des cuspides travaillantes.
résoudre en utilisant ses connaissances anatomiques qui Ce « renvoi » vers la zone buccale est d’autant plus effi-
sont une partie essentielle de la solution. cace que le tonus lingual et buccal est bon. On obtien-
Par exemple, en présence d’une large cavité de classe I dra ainsi de plus petits fragments pour un meilleur bol
sur une première molaire supérieure, la connaissance alimentaire, première étape d’un bon processus digestif.
anatomique de cette dent (fig. 1) aide à visualiser la forme Les « crêtes de contour » avec courbes et contre-courbes
fonctionnelle finale et le niveau d’occlusion à maintenir ont évolué dans ce sens car la torsion est un mécanisme
ou à améliorer pour le patient. Chaque cuspide constitue qui permet aux objets de tolérer de façon plus efficace les
une unité fonctionnelle pour le système masticatoire, déformations durant le stress du processus de coupe [3].
biomécaniquement développé depuis des millions d’an- De plus, on peut considérer que la morphologie correcte
nées, mais avec quelques variations selon le cas clinique est un facteur de succès pour les restaurations.
et la fonction (fig. 2).
Comme on peut l’observer, une cuspide fonction- L’apprentissage
nelle possède un espace déterminé par le centre de la
table occlusale où on localise la fosse principale, et cela de la bio-morphologie
conforté par les éléments anatomiques suivants : Généralement, la connaissance que les chirurgiens-
- les lobes en forme de goutte ont pour but, au niveau dentistes généralistes ont de la morphologie, des relations
de la cuspide, de guider l’impact avec la dent opposée au tridimentionnelles et fonctionnelles des dents humaines

L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018 57


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3. Intégration globale de la forme et des différents éléments 4. Observation et analyse de dents extraites.
anatomiques dans un dessin complet de la morphologie dentaire.

dans le cadre du système stomatognatique est très Les compétences psychomotrices indispensables exigées
basique. En effet, l’objectif principal du cours d’anato- pour la réalisation de l’anatomie dentaire, sont :
mie dentaire préclinique est souvent d’initier des étu- - l’aptitude visuelle à observer en détail la morphologie
diants aux compétences cognitives et psychomotrices, et tridimensionnelle des dents ;
cela au travers de cours, de livres, de syllabi avec des des- - l’aptitude à différencier la morphologie d’une dent nor-
sins simplifiés, par la reconnaissance et la reproduction male ou pas ;
de morphologies de dents et de tailles de dents dans des - l’habileté visuelle à prévoir la correction de la morpho-
blocs de cire surdimensionnés. logie d’une dent anormale par un matériau adéquat pour
Toutes ces activités sont utiles comme base, mais ont la restaurer à l’identique ;
peu d’applications cliniques directes, car les étudiants - l’habileté psychomotrice à corriger.
sont passifs dans ce processus d’apprentissage. Par ail-
leurs, l’évaluation de l’habilité des étudiants est très sub- La capacité d’auto-évaluer le processus de correction et
jective puisqu’en dehors de la pratique clinique et donc le résultat lui-même comparé au résultat désiré est inex-
oubliée assez rapidement. Dessiner la morphologie de tricablement couplée avec ces compétences psychomo-
dents naturelles, en observant les formes (fig. 3), en com- trices.
prenant les raisons des caractéristiques morphologiques Pour réussir dans des tâches de différenciation visuelle,
particulières et des relations interarcades [2] est très per- les étudiants doivent observer et analyser plusieurs
tinent cliniquement parlant. exemples aussi bien avec une morphologie de dent idéale
Après quoi, il est instructif de reproduire ces formes en qu’avec des anomalies (acceptables et inacceptables), y
composite en utilisant des instruments spécifiques afin compris dans les relations intra et inter-arcades. L’un des
d’obtenir de bonnes proportions pour la fonction et problèmes régulièrement rencontrés est le fait que beau-
améliorer ainsi les connaissances cliniques et les compé- coup de cours d’anatomie dentaire sont entièrement fon-
tences exigées en dentisterie restauratrice, intégrant de dés sur des dents de mannequin, qui présentent souvent
cette façon l’étude de la morphologie de la dent humaine une morphologie peu réaliste et un protocole d’autoéva-
avec la clinique (fig. 4). luation cliniquement inapproprié.

58 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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5. Étapes complètes : cavité, acquisition de la morphologie par le dessin, restauration composite.

D’où la grande importance clinique de la bio-morpholo-


Conclusion
gie, le préfixe bio indiquant la source de ces observations La connaissance de la morphologie, fondée sur la per-
et les compétences qui en découlent, développées et ins- ception et l’analyse fonctionnelle des dents naturelles,
pirées des dents naturelles. ainsi que l’habileté manuelle peuvent s’améliorer par le
dessin qui sera une façon de voir les détails qui ne sont
La dentisterie restauratrice devrait viser un niveau plus pas perçus au premier abord. On pourra dès lors utiliser
haut de bio-mimétisme, non seulement pour reconsti- la connaissance des formes pour reconstituer les dents
tuer la forme et la fonction des dents, mais aussi pour d’une façon fonctionnelle et esthétique tous les jours,
nous aider à reconnaître et diagnostiquer des anomalies au-delà des limitations des matériaux dentaires ou des
ou des pathologies dentaires [2]. techniques (fig. 5).

Bibliographie
1. Rondoni D. The course of time in dental morphology. Int Dent S Correspondance : vassnia@gmail.com
Afr Australas Ed. 2006 ; 1 (2) : 76-81.
L’auteur n’a pas de liens d’intérêts
2. Obrez A et al. Teaching clinically relevant dental anatomy in the
dental curriculum : Description and assessment of an innovative
module. J Dent Educ 2011 ; 75 (6) : 797-804.
3. Phark JH, Romeo G. Dental anatomical combinations : A guide
to ultimate dental esthetics. Smile Dental Journal 2017 ; 12 (3).
4. Edwards B. Drawing on the right side of the brain. 2012 (4e
edition), Penguin Putnam.
5. Magne P. A new approach to the learning of dental morpho-
logy, function, and esthetics : the “2D-3D-4D” concept. Int J
Esthet Dent 2015 ; 10 (1) : 32-47.

60 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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Les apports
de l’orthodontie digitale
1

à la dentisterie esthétique
Philippe Van Steenberghe
Licencié en sciences dentaire
Spécialiste qualifié en Orthopédie Dento-faciale
Ex-chef du département d’orthodontie du CHU St Pierre à Bruxelles
Pratique privée, conférencier, consultant

90 % des cas « restorative » trouveraient


un bénéfice à un geste orthodontique
plus ou moins important !
Comment faire pour donner
L a profession tout entière apprend à intégrer le
digital, car la technologie ne nous aide plus seu-
lement à faire, mais aussi à réfléchir et planifier
pour gagner du temps et aller plus loin.
Du côté des orthodontistes aussi, des évolutions digitales
à cette étape supplémentaire apparaissent, parmi lesquelles un tri s’impose. S’agit-il
d’un vrai progrès ? Y a-t-il une valeur ajoutée ? Pour
le meilleur rapport contraintes-bénéfices ? l’orthodontiste, le patient, l’équipe pluridisciplinaire ?
(Encore une machine à plier du fil chez soi ou ailleurs ?)
Sont-elles pérennes ? Agiles ? S’inscrivent-elles dans la
démarche moderne du planning de dentisterie esthé-
tique : diagnostic – planification – présentation (motiva-
tion) – préparation – réalisation ?
Nous savons l’importance de la valeur perçue. Le patient
apprécie particulièrement que son chirurgien-dentiste
soit un véritable architecte du sourire, épaulé par des

62 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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Apport de l’orthodontie digitale

et le praticien pilote de la sorte le setup idéal, y compris


la visualisation des racines réelles du patient (fig. 1) qu’il
peut comparer au volume osseux disponible et l’arc du
sourire (fig. 2).
C’est la version ultra-moderne d’un montage en occlu-
sion idéale (fig. 3), avec visualisation dynamique des
4 mouvements, choix de la position de l’appareillage et
calcul des compensations à intégrer pour contrer les
effets parasites de toutes les mécaniques orthodontiques
spécialistes au diapason, et qu’ils communiquent à toutes (fig. 4).
les étapes. Sur un plan pratique, tout commence comme Le projet peut à tout moment être partagé avec l’équipe,
d’habitude par un langage commun, des formations com- et modulé par messages ou manipulations directes.
munes, des rencontres, et la mise en place d’un workflow Après validation, les attaches sont usinées, les arcs mis
asynchrone permettant l’échange de documents entre à mesure, et les guides imprimés en 3D. La métaphore
membres de l’équipe en des lieux et moments différents. la plus parlante pour les patients est celle de l’optique :
Ensuite, il faut que les intervenants se tiennent informés mesures multiples pour une prescription médicale poin-
des avancées réellement importantes dans les domaines tue, construction, mise en œuvre avec adaptation(s)
de leurs équipiers. mineure(s).
Il en résulte naturellement un appareillage nettement
En ce qui concerne l’orthodontie, quelles sont les quatre plus confortable et efficient, qu’on le choisisse en tech-
« solutions digitales à haute valeur ajoutée » ? nique Damon évoluée (auto-ligaturant passif) ou en
attaches twin.
Les publications sont unanimes. La plus synthétique
Insignia démontre depuis 2003 un meilleur niveau qualitatif
Il s’agit d’un système de planification et de construction final de référence (index American Board of Orthodontics),
sur mesure d’appareillage orthodontique fixe complet obtenu avec sept rendez-vous de moins ! [1]
(attaches, arcs, guides de pose et de réparation). Critères satisfaits ? Planification du sourire dans le
L’orthodontiste envoie ses empreintes à haute définition cadre du visage, échange du setup, démonstration au
(silicone ou numérique), ses photos et radiographies, le patient, sécurité par la visualisation des racines vraies,
cone-beam (ultra-low dose, champ limité aux maxil- fabrication au dixième de degré et positionnement guidé,
laires) en cas de disponibilité, ainsi qu’une prescription minimisation des pliages = contraintes minimales, moins
précise. L’opérateur lui renvoie une simulation totale- de séances, pas de limitations techniques, résultats
ment manipulable en 3D sur le logiciel gratuit Approver, meilleurs.

L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018 63


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5 6 7

l’abandon de sa prothèse provisoire le temps du traite-


ment pour ouvrir l’espace disponible et restaurer une
occlusion permettant la réhabilitation. Le traitement
par aligneurs a résolu cette équation qui peut sinon être
complexe (fig. 5 à 8).
Critères satisfaits ? Planification du sourire, échange
8 du setup, démonstration au patient, sécurité par la visua-
lisation des racines vraies, confort, esthétique.

Aligneurs
Ces traitements attirent évidemment plus volontiers DSD : intégration complète
les patients que les traitements fixes. Les fournisseurs avec Invisalign
historiques déploient beaucoup d’énergie, car le mar- (orthodontistes validés DSD)
ché s’ouvre et les ténors de l’orthodontie ou du dentaire Le DSD de Christian Coachman est maintenant bien
s’y lancent en force (Kavo/Kerr/Ormco – Straumann/ connu de tous les amateurs de dentisterie esthétique.
Clearcorrect – 3M…). Dans tous les cas, le principe du Outre la simulation 3D extrêmement poussée dans le
setup final est présent, avec deux particularités supplé- cadre du visage complet, il insiste beaucoup sur l’ana-
mentaires : plusieurs setups successifs permettent aux lyse faciale dynamique d’abord, ensuite sur le mock up
praticiens les plus consciencieux d’obtenir un résultat de motivation qui permet la décision « affective » du
final très précis, et de véritables stratégies de déplace- patient.
ments peuvent être mises en place. Cela permet de dimi- Dans tous les cas importants, des mouvements de pré-
nuer les risques dans les situations complexes. Kavo/ paration orthodontiques (ou ortho-chirurgicaux) seront
Kerr/Ormco sont actuellement les seuls à proposer le nécessaires, qui auront été calculés par le système. Une
TruRoot (racines réelles) et le Smile design dans le cadre fois que le patient a adhéré au projet global du praticien,
du visage. Les projets peuvent également être partagés comment s’assurer que l’orthodontiste puisse « conver-
en équipe avant approbation, et montrés aux patients. tir » la simulation DSD en un traitement effectif pour
L’avantage dont on parle peu mais qui est très séduisant que le praticien soit en position de respecter ses pro-
pour les patients réside dans la présence de « pontiques » messes ? Si son partenaire spécialiste est validé DSD et
ou « demi-pontiques » dans les aligneurs. Les édenta- Invisalign à la fois, il suffit de demander le transfert de
tions intermédiaires sont donc comblées esthétique- son setup dans son interface Clincheck Pro.
ment, ce qui évite d’employer toutes sortes d’artefacts Il s’agit vraiment de « guided dentistry » : la plateforme
plus ou moins complexes, inconfortables, et bridant les DSD indique de manière détaillée la localisation finale
mécaniques. des dents à déplacer et le projet prothétique (fig. 9).
Le cas clinique en illustration, réalisé en équipe avec le Cette situation synthétique sert de base de travail et de
dentiste du patient, le Dr Vincent Messiaen, est celui référence pour l’orthodontiste et son designer (orange
d’un homme de 57 ans sollicitant une réhabilitation ne bouge pas, blanc bouge + restauration, vert bouge
antérieure. Sa situation clinique en articulé croisé sans restauration, bleu = restauration sans mouvement)
antérieur et encombrement ne le gêne pas autant que (fig. 10, 11).

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10

11

Critères satisfaits ? Planification du sourire dans le


cadre du visage, échange du setup, démonstration au
patient, projet intégré dentisterie/orthodontie, préci-
sion.

Dental Monitoring
Dental Monitoring, ou DM, est une jeune société fran-
çaise rapidement devenue, grâce au talent de ses fonda-
teurs, un standard mondial, sans concurrence réelle. 12
L’idée de départ est de développer une intelligence artifi-
cielle propriétaire et de la combiner au développement de
technologies d’imagerie au service du monde dentaire. ensuite le smartphone du patient en outil de suivi de
Pour ce faire, ses initiateurs ont collecté plus de traitement pour le praticien dentaire (DM App) (fig. 12).
60 000 000 images intra-orales, développé une plate- Les orthodontistes qui offrent ce service à leurs patients
forme et un réseau de neurone avec 40 ingénieurs, disposent de la mesure de plus de 170 événements cli-
et « éduqué » l’intelligence artificielle au moyen de niques tels que attachement usé, attache décollée, fil qui
3 000 000 de labellisations sur des propriétés spécifiques, dépasse, mouvement plus ou moins effectif, hygiène,
validées par 7 praticiens. Dental Monitoring transforme rétraction gingivale, etc. (fig. 13).

66 L’INFORMATION DENTAIRE n° 41/42 - 28 novembre 2018


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13 14

15 16

En pratique, le praticien demande à son patient une série avec des outils et des produits innovants de motivation
de photos ou une vidéo guidées par une application, à la concernant le monde dentaire en général : DM Mirror va
fréquence de son choix. Les résultats du travail de l’intel- permettre au patient de visualiser son projet de réhabili-
ligence artificielle sont filtrés par un paramétrage tota- tation au sein de son visage en mouvement en direct sur
lement sous le contrôle de spécialistes, qui se traduit par son smartphone. Le praticien pourra y mettre en évi-
des réactions automatiques vers le patient dans certains dence une ou plusieurs dents (fig. 15), expliquer le projet
cas, un pilotage de changement d’aligneurs si on le sou- implantaire (fig. 16), montrer les étapes de traitement
haite (DM Live), et des alertes remontant vers le cabinet orthodontique.
qui permettent d’appeler ou de convoquer de nouveau le Impact et compréhension assurés.
patient. La métaphore bien comprise par les patients est Critères satisfaits ? Planification du sourire dans le
celle du cardiologue qui « voit » ses patients toutes les cadre du visage, démonstration au patient, motivation,
semaines… sans qu’ils doivent se déplacer ! moins d’urgences, moins de rendez-vous, beaucoup plus
La mesure très précise de tous les mouvements effecti- de sécurité et de service.
vement réalisés est une réalité (DM Quant) (fig. 14). DM
peut également mettre à jour étape par étape le modèle
3D (.stl) et à tout moment permettre de l’imprimer Conclusion
pour réaliser une contention ou tout autre travail (DM
Export). La technologie est à ce point valide qu’Invisa- Le point commun de ces innovations est d’apporter une
lign permet de l’envoyer à la place d’un nouveau scan et véritable valeur ajoutée pour les patients et pour les pra-
de l’employer pour programmer une nouvelle phase de ticiens, de marquer une différence entre ceux qui les
traitement. mettront en œuvre et ceux qui fonctionneront « à l’an-
En ce qui concerne l’orthodontie, DM est en expansion cienne ».
continue avec ses produits de détection et de support, Aussi de demander un effort de départ, d’investissement,
mais les applications dépassent actuellement déjà l’or- ou de travail hors consultation qui doit être bien compris
thodontie, puisque DM aide les services publics à détec- du patient comme ayant une valeur réelle pour lui.
ter les besoins de soins dentaires en situations complexes À nous d’adapter notre communication en ce sens pour
(armée, maisons de repos, prisons…) et abordera 2019 que le message passe.

Bibliographie
1. Weber DJ et coll. Clinical effectiveness and efficiency of cus- Correspondance : pvs@orthoteam.be
tomized vs. conventional preadjusted bracket systems. JCO
2013 ; XLVII (4) : 261-266. L’auteur n’a pas de liens d’intérêts

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