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Eliminer les matériels et matériaux, renégocier

Article in Réalités Cliniques: Revue Européenne d'odontologie · November 2016

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Frédéric Bukiet
Aix-Marseille Université
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Réintervenir Elimination des matériels et matériaux
en endodontie

Eliminer les matériels


et matériaux, renégocier
M. GLIKPO, F. BUKIET

RÉSUMÉ
Le chirurgien-dentiste est quotidiennement confronté au retraitement endo-
dontique orthograde. Il est capital d’évaluer la situation initiale afin de comprendre
les raisons de l’échec précédent, d’anticiper les difficultés cliniques potentielles
et d’apprécier le pronostic global endo-restaurateur. Lors d’un retraitement endo-
dontique, la partie la plus délicate à gérer est souvent la zone apicale, non traitée,
oblitérée ou bien siège d’erreurs iatrogènes. Ainsi, la combinaison de moyens
techniques lors des différentes étapes de désobturation canalaire devra faciliter
l’accès à la zone apicale.

IMPLICATION CLINIQUE
La connaissance de protocoles adaptés à des situations cliniques diverses per-
mettra au praticien d’évaluer sa capacité à envisager la reprise du traitement cana-
laire.

Marielle Glikpo,
AHU
Frédéric Bukiet,
MCU-PH
Sous-section d’Odontologie
Conservatrice
L e retraitement endodontique
implique une évaluation pré-
opératoire rigoureuse afin de
comprendre les causes de l’échec du
traitement initial et de ne pas réitérer les
mêmes erreurs. L’obtention d’une antisep-
RECONNAISSANCE
ET IDENTIFICATION
DES PRINCIPAUX
MATÉRIAUX
INTRACANALAIRES
Aix-Marseille Université, APHM sie optimale peut être rendue difficile par la
présence d’obstacles intracanalaires empê- Principales catégories
chant l’acquisition de la perméabilité api- de matériaux intracanalaires
cale. Les difficultés cliniques rencontrées Au cours du retraitement endodontique
lors du retraitement orthograde sont ainsi orthograde, le praticien est confronté à dif-
plus nombreuses et il est avant tout capital férents matériaux pouvant être classés en
de ne pas nuire davantage à la dent concer- trois catégories (1):
née qui a souvent été le siège d’incidents - des pâtes et ciments canalaires : les
iatrogènes. Ces derniers peuvent s’avérer plus fréquemment rencontrés sont à base
difficiles à gérer par l’omnipraticien qui peut d’oxyde de zinc-eugénol ou de résine. Plus
parfois être amené à référer son patient ou récemment sont apparus les ciments bio-
à envisager une alternative thérapeutique céramiques;
(chirurgie endodontique ou extraction) a - des matériaux semi-solides : la gutta-
fortiori dans le cas de dents présentant une percha, qui est le plus souvent associée
Les auteurs déclarent infection récidivante. aux ciments cités ci-dessus. Les tuteurs
ne pas avoir de lien d’intérêt souples, en plastique ou gutta-percha réti-
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Réintervenir en endodontie

Par ailleurs, certains ciments


canalaires présentent une
rétraction de prise et/ou une
dégradation avec le temps :
l’ancienneté du traitement peut
donc être favorable pour faciliter
la désobturation.
Les techniques conventionnelles
d’obturation canalaire associent
un ciment de scellement endo-
1a b dontique avec de la gutta-per-
1 cha compactée. La gutta-percha
est un caoutchouc naturel aisé à
Fig. 1a - Cliché préopératoire mettant en b - Cliché postopératoire désobturer ; elle peut se ramollir
exergue une perte de substance coronaire après reconstitution pré-endodontique avec une source de chaleur et
importante, un traitement endodontique et retraitement endodontique orthograde. est également sensible à cer-
insuffisant, un canal distal oublié et une LIPOE tains solvants. Elle peut égale-
en regard de la racine distale. ment être éliminée par l’action
mécanique des instruments
endodontiques.
culée, peuvent également être classés dans cette caté- Les techniques d’obturation conventionnelles basées sur
gorie. le compactage de gutta-percha impliquent l’utilisation
- des matériaux solides et obstruant le canal : cônes d’une faible quantité de ciment (concept : maximum de
d’argent ou instruments fracturés. gutta, minimum de ciment). Les concepts d’obturation
mono-cône (sans compactage de gutta), anciennement
Peut-on identifier les matériaux décrits, ont été réactualisés avec l’avènement des ciments
d’obturation sur la base de biocéramiques dont les propriétés sont nettement amé-
l’observation radiographique ? liorées (étanchéité, biocompatibilité, bioactivité, légère
expansion lors de la prise) par comparaison aux ciments
Les radiographies préopératoires (orthocentrée et excen- conventionnels (2). Le cône de gutta-percha constitue
trée) permettent d’obtenir une pré-estimation de la alors un guide pour la désobturation si une réinterven-
longueur de travail, de localiser la limite apicale de l’ob- tion est indiquée. Cependant, Il est capital de considérer
turation initiale et d’analyser le traitement endodontique que si l’ajustage de ce dernier est insuffisant en longueur,
initial en précisant les éventuels obstacles et leurs loca- le tiers apical peut alors être obturé uniquement par les
lisations (fig. 1). Cependant, Il est souvent difficile d’ap- biocéramiques aboutissant à des difficultés significatives
préhender la nature du matériau d’obturation uniquement d’élimination et d’obtention de la perméabilité apicale (3).
sur la base des clichés radiographiques. L’opacité radio- Par ailleurs, ces matériaux étant utilisés en technique
graphique du matériau peut parfois nous indiquer s’il y a monocône, l’épaisseur des matériaux biocéramiques
présence d’une pâte canalaire seule ou l’association d’un persistants après élimination du cône de gutta peut être
ciment avec de la gutta-percha. Cependant, il n’est pas plus importante par comparaison à l’épaisseur du film de
possible de déterminer sa nature exacte car les ciments ciments conventionnels suite à une obturation basée sur
contiennent pour la plupart des adjuvants augmentant la le compactage de gutta-percha. Cela peut donc impliquer
radio-opacité. L’évaluation de l’opacité radiographique ne des difficultés supplémentaires en termes de nettoyage et
doit donc pas être considérée comme un élément condi- désinfection du système canalaire.
tionnant la difficulté clinique à désobturer. La présence de
cônes d’argent est aisée à identifier en raison de la forte
radio-opacité et de la faible conicité. OBJECTIF DE LA DÉSOBTURATION
ET PRINCIPAUX MOYENS
Considérations cliniques simples liées
aux matériaux d’obturation TECHNIQUES
Quelle que soit la nature du matériau d’obturation, la dif- Objectif de la désobturation
ficulté de la désobturation est en premier lieu évaluée en Le retrait des matériaux d’obturation a pour objectif d’éli-
testant la consistance du matériau à l’aide d’une sonde. Si miner tout matériel qui pourrait être support de micro-
la densité de l’obturation est souvent importante à l’entrée organismes ou qui constituerait un obstacle rendant
du canal, elle diminue fréquemment lors de la progression inaccessible une portion canalaire potentiellement conta-
en direction apicale, le canal ayant été parfois mal séché minée. Ainsi, la désobturation ne se limite pas seulement
lors du traitement initial. Par conséquent, le matériau situé à l’accès des instruments au tiers apical mais doit intégrer
le plus apicalement est souvent plus facile à désobturer. l’élimination complète des matériaux canalaires, en parti-

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Elimination des matériels et matériaux

culier ceux situés sur les parois canalaires, les anses et des matériaux à éliminer et du type d’instruments endo-
les isthmes pour améliorer la pénétration des solutions dontiques manuels. L’apport des instruments mécanisés
d’irrigation (fig. 2). NiTi a autorisé un gain de temps important (6, 7) tout
en respectant les trajectoires canalaires. Ces derniers
Moyens techniques principaux sont utilisés en séquence corono-apicale pour permettre
L’élimination des matériaux et obstacles intracanalaires une antisepsie progressive et pour limiter la propulsion
implique la maîtrise de procédés mécaniques, physiques de débris dans la région périapicale (6). La plupart des
et chimiques adaptés à la situation clinique. L’instrumenta- systèmes de rotation continue disponibles peuvent être
tion doit être à la fois efficace pour éliminer l’ancien maté- utilisés pour la désobturation canalaire mais cela peut
riau tout en respectant les trajectoires canalaires et en
limitant la propulsion de débris dans la région périapicale.

L’utilisation des solvants ne devrait pas être systématique.


Elle peut néanmoins être nécessaire lorsque le matériau Fig. 2 - La désobturation
est impénétrable ou difficile à désobturer. Ces solvants à l’aide d’instruments
sont le plus souvent toxiques et volatiles mais efficaces endodontiques manuels
s’ils sont utilisés en grande quantité (nécessité d’un réser- ou mécanisés ne permet
voir). C’est pourquoi lorsqu’ils sont indiqués, il convient que rarement l’élimination
de travailler sous champ opératoire comme pour toute complète de tous les
thérapeutique endodontique avec reconstitution préa- matériaux qui adhèrent
lable des parois manquantes et d’éviter leur utilisation à aux parois (image du haut).
Il est souvent nécessaire
l’approche du tiers apical (4, 5). Le facteur temps est éga-
de compléter le nettoyage
lement important pour évaluer et optimiser l’efficacité d’un
sous aides visuelles à l’aide
solvant. En effet, le solvant est d’autant plus efficace qu’il 2a
d’instruments ultrasonores
reste en contact avec le matériau d’obturation et certains afin d’obtenir des parois
solvants doivent être d’abord absorbés par le matériau propres (image du bas).
avant que celui-ci ne soit dissout. Cliniquement, le solvant
est considéré comme efficace lorsqu’il passe d’un aspect
visuel translucide à une certaine opacité (fig. 3). Néan-
moins, les solvants peuvent aboutir à la formation d’une
boue collante très difficile à éliminer des parois canalaires
en particulier en association avec la gutta-percha.

Aucun consensus n’est établi sur le choix de l’instru-


mentation à utiliser pour la désobturation canalaire. Ini-
tialement, l’élimination des matériaux d’obturation était
réalisée mécaniquement (à l’aide de limes manuelles K et
H en série décroissante) et chimiquement (en association
avec des solvants). Ces techniques manuelles peuvent-
être longues et fastidieuses, notamment en fonction b

Fig. 3 - Lorsqu’un
solvant est indiqué
il est nécessaire de
disposer d’un réservoir
et de le laisser agir
tout en mobilisant
mécaniquement
les matériaux situés
au niveau des orifices
canalaires à l’aide
d’une sonde. Si le solvant
devient progressivement
opaque, cela signifie
qu’il a une action
sur les matériaux. 3a b c

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Réintervenir en endodontie

en plastique et permettre leur extraction en venant


piquer une lime H dans la partie ramollie (10).

Les inserts endodontiques ultrasonores en fonc-


tion de leur alliage ou de leurs formes seront
utiles pour rectifier la cavité d’accès, rechercher
un canal, fragmenter la partie coronaire des
matériaux d’obturation ou aider au retrait d’un
instrument fracturé (11). Il convient de garder un
contrôle visuel permanent de ces instruments
qui peuvent se fracturer et pour prévenir des
perforations (12).
4
Enfin, les aides optiques, loupes binoculaires ou
Fig. 4 - Le système Protaper Universal Retraitement est un exemple de système
microscopes opératoires, sont d’une utilité indé-
dévolu à la désobturation. Il comporte trois instruments D1, D2, D3 qui pénètrent
niable dans le cas du retraitement (13, 14).
successivement de plus en plus profondément au sein du canal jusqu’à atteindre
la limite apicale de l’obturation initiale. À ce stade, une exploration manuelle à l’aide
d’une lime de faible calibre précourbée permet d’explorer la zone non traitée Recommandations communes
qui est ensuite mise en forme, nettoyée, désinfectée et obturée. aux différents systèmes
lors de la désobturation
imposer une modification des séquences recommandées Règle 1: Tester la consistance des matériaux d’obtura-
pour le traitement initial. Il existe par ailleurs certains tion au niveau de l’entrée canalaire à l’aide d’une sonde
systèmes de rotation continue indiqués plus spécifique- de Rhein ou d’une sonde DG16. La sonde s’engage ou
ment pour la désobturation canalaire (système Prota- non dans le matériau d’obturation. Il convient à ce stade
per® Universal retraitement, Dentsply-Maillefer; système de déterminer la nécessité ou non d’utiliser un solvant.
R-Endo ®, MicroMega) (fig. 4). Règle 2: Après désobturation corono-apicale, ne jamais
tenter d’engager d’emblée un instrument NiTi au-delà
Plus récemment, de nombreuses études se sont focali- de la limite apicale de l’obturation initiale. Une lime K de
sées sur l’utilisation d’instrument unique Nickel-Titane faible calibre précourbée doit être utilisée pour explorer
utilisé en réciprocité pour la désobturation. Si les résul- cette portion du canal (fig. 4).
tats apparaissent comparables, voire améliorés par com- Règle 3: Ne jamais “appuyer” sur un instrument qui
paraison aux systèmes de rotation continue (élimination n’avance plus. En cas de perte d’engagement dans le
des matériaux, temps nécessaire pour désobturer) (8 ,9), matériau d’obturation (perte de la sensation de pique-
il convient d’émettre quelques réserves quant à leur utili- tage), il convient de réaliser une radiographie « instru-
sation pour la désobturation : ment en place » et excentrée pour vérifier la persistance
- ces instruments sont plutôt dévolus à la mise en forme de matériaux et confirmer que l’instrument est toujours
et ne présentent, pour la plupart, pas de caractéristiques centré dans le canal.
facilitant les aspects pratiques de la désobturation, Règle 4: L’irrigation à l’aide d’une solution d’hypochlo-
- concernant la remontée coronaire des matériaux d’ob- rite de sodium doit-être abondante et renouvelée entre
turation, le mouvement de rotation continue semblerait chaque instrument, notamment pour optimiser l’antisep-
théoriquement plus approprié, l’instrument endodontique sie et la remontée coronaire des débris de matériaux (15).
se comportant comme une vis d’Archimède. Néanmoins, Il est également capital de nettoyer les spires des instru-
une utilisation adéquate des instruments en réciprocité ments après chaque utilisation.
(irrigation abondante et régulière) devrait limiter la propul-
sion de débris et de matériaux en direction apicale.
- concernant le coût, ces instruments étant conditionnés PROTOCOLE CLINIQUE
sous blister stérile et à usage unique, quel est le réel Réaménagement de la voie d’accès
bénéfice (par comparaison à des séquences convention-
nelles ou adaptées à la désobturation) de les utiliser pour Après démontage de l’ancienne restauration coronaire
désobturer des canaux présentant le plus souvent des (voir article d’Olivier Etienne dans ce numéro), les parois
matériaux contaminés ? manquantes seront reconstituées afin d’obtenir une cavité
d’accès à quatre parois qui facilitera la pose du champ
Les appareils dédiés plus spécifiquement à l’obturation opératoire et servira de réservoir pour les solvants et l’irri-
canalaire en technique verticale à chaud et présentant un gation tout au long du traitement. Avant d’entreprendre la
plugger chauffant peuvent aussi être utilisés lors de la déso- désobturation canalaire, il est indispensable de réviser la
bturation pour chauffer et ramollir la gutta. Cette solution cavité d’accès endodontique pour identifier les canaux
peut être notamment intéressante pour chauffer les tuteurs non traités et supprimer les contraintes coronaires qui

258 Réalités Cliniques 2016. Vol. 27, n° 4 : pp. 255-262


Elimination des matériels et matériaux

s’appliquent sur les instruments (16) (fig. 5). L’accès aux


canaux et le nettoyage des débris de la cavité d’accès
peuvent être effectués avec l’action conjointe d’une fraise
LN et d’inserts ultrasonores. Il existe une variété consi-
dérable de matériaux d’obturation et c’est la consistance
qui guidera le choix de la procédure clinique à appliquer.

Pâtes et ciments canalaires, matériaux


semi-solides
Dans le cas où l’obturation contient de la gutta-percha
deux protocoles sont envisageables en fonction de la
situation clinique.
Soit le cône n’a pas été condensé et est retenu unique-
ment par la friction avec le ciment sur les parois cana- 5
laires, il est alors préférable de retirer le cône d’un seul
Fig 5 - La révision de la cavité d’accès lors du retraitement
tenant. Pour cela il ne faut pas utiliser de solvant. La
endodontique est impérative pour détecter les canaux
cavité d’accès est remplie d’hypochlorite de sodium et
non traités lors du traitement initial en particulier
l’utilisation d’une lime H, la plus large possible en fonc-
le MV2 des molaires maxillaires.
tion de la taille du canal, est vissée le long du cône pour
l’agripper et le faire sortir par un mouvement de traction.
Soit la gutta-percha a été compactée, ou, il s’agit d’un
autre matériau. Une désobturation corono-apicale est
alors réalisée en utilisant des instruments rotatifs de dia- Dans le cas de matériaux extrêmement durs, les solvants
mètre et/ou conicité décroissante et en veillant à toujours peuvent être inefficaces. La méthode de choix consiste
rester centré dans le canal, à ne pas forcer et ne pas aller à utiliser des inserts ou des limes ultrasonores dans les
au-delà de l’ancienne obturation au risque de créer une portions rectilignes du canal et sous contrôle visuel per-
butée. manent afin de désintégrer le matériau d’obturation.
Si le premier instrument de la séquence présente une L’élimination des débris est assurée par une irrigation
pointe travaillante (par exemple le D1 du Protaper Uni- abondante à l’hypochlorite de sodium 2,5 % en alternance
versal retraitement), il convient de limiter son utilisation avec le solvant spécifique (s’il est nécessaire), et avec des
uniquement à l’engagement initial dans le matériau dans cônes de papier pour « buvarder » les excédents.
le 1/3 coronaire (fig. 4). Les instruments D2 et D3 sont Un contrôle radiographique peropératoire peut être inté-
ensuite utilisés pour désobturer le tiers moyen et le tiers ressant pour confirmer l’élimination des matériaux d’obtu-
apical respectivement. ration ou localiser les résidus potentiels.
En présence d’un matériau difficile à pénétrer, il est pos- L’utilisation du microscope opératoire permet également
sible d’utiliser un solvant afin de le ramollir. Le solvant est de parfaire le nettoyage dans les portions rectilignes du
alors placé en grand volume dans la cavité d’accès à 4 canal. Enfin, en cas de persistance de matériaux d’obtu-
parois tout en sondant les matériaux à l’aide d’une sonde ration canalaire au-delà des courbures et en particulier
DG16 (fig. 3). dans la zone apicale, en fonction de l’anatomie endo-
Quand une obturation avec des tuteurs en plastique a été dontique et du diagnostic initial, il conviendra d’évaluer le
mise en évidence, il est possible d’extraire le tuteur en plas- rapport bénéfice / risque lié au fait d’augmenter ou non le
tifiant l’extrémité à l’aide d’une sonde chauffante (10). Une diamètre et/ou la conicité apicale de la préparation.
lime H de gros diamètre peut alors être rapidement vissée Enfin, Il est aujourd’hui admis que quelle que soit la tech-
sur quelques spires dans le tuteur qui est extrait par un nique utilisée, il persiste des matériaux d’obturation intra-
mouvement de traction. Ensuite, il est possible d’appliquer canalaires après désobturation (17, 18).
la procédure présentée en amont pour désoturer le canal
de façon corono-apicale qui ne contient alors que de la Matériaux solides
gutta-percha et du ciment. Cônes d’argent
L’utilisation directe d’instrument NiTi mécanisé peut éga- La désobturation des cônes d’argent est un acte délicat
lement permettre le retrait du tuteur. Dans ce cas, il peut car il s’agit d’un matériau ductile qui s’oxyde avec le temps
être intéressant de sélectionner des instruments dits et adhère aux parois canalaires. Dans la mesure du pos-
« non coupants » (Profile, Dentsply-Maillefer) pour favo- sible, il est conseillé de ne pas sectionner l’extrémité des
riser le retrait du tuteur en un seul morceau (le tuteur cônes dépassant dans la cavité lors du réaménagement
s’enroule autour de l’instrument) par comparaison à des de la voie d’accès. Il est ensuite recommandé de progres-
systèmes coupants qui peuvent dilacérer et sectionner ser le long des cônes avec des limes de fin diamètre et
le tuteur en plusieurs pièces compliquant son élimination du solvant pour libérer de l’espace et pouvoir par la suite
complète. les mobiliser d’abord latéralement puis les tracter verti-
calement (fig. 6). Le piège est de vouloir les tracter trop
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Réintervenir en endodontie

6a b 7a b

Fig. 6a et b : Retraitement endodontique orthograde avec dépose Fig. 7a et b - Retraitement endodontique orthograde de l’incisive
de trois cônes d’argent accessibles via la chambre pulpaire. latérale maxillaire avec dépose d’un cône d’argent intracanalaire.

- S’agit-il d’une fracture plutôt liée à une contrainte en tor-


sion (vissage de la pointe) ou en flexion (fatigue cyclique) ?
En fonction de l’analyse de ces principaux facteurs, de
la compétence du praticien et de son plateau technique,
plusieurs attitudes sont possibles.
La notion d’échec, conséquence directe de la présence de
l’instrument, est relative (19). Si le fragment limite l’accès
à la partie apicale du canal et empêche sa désinfection
et son obturation tridimensionnelle alors il peut être indi-
rectement responsable d’un échec endodontique. Dans le
cas contraire, si le canal peut être désinfecté et réobturé,
8a b la présence de l’instrument n’influencera pas le pronostic
(20). Ces notions doivent bien sûr prendre en considéra-
Fig. 8a et b : Présence d’un instrument fracturé dans la racine tion le diagnostic initial (infection avérée ou potentielle).
mésiale impliquant en première intention la mise en œuvre En fonction de la difficulté de la situation clinique et de
d’un by-pass compte tenu de sa position. l’expérience du praticien, le patient peut être dirigé vers
un spécialiste.
De nombreuses techniques ont été décrites concernant la
gestion des instruments fracturés. Globalement, la tech-
tôt à l’aide d’une pince de type Stieglitz, et de laisser un nique adoptée devra préserver la résistance mécanique
fragment apical compliquant la procédure clinique. En cas de la dent, et ne devra ni créer de butée ni de perforation.
de cône d’argent fracturé dans le canal, il conviendra de Quelle que soit la situation, il convient d’améliorer l’accès
considérer ce dernier comme un fragment instrumental pour libérer les contraintes coronaires. Puis, la stratégie
intracanalaire à la différence que le fragment de cône de choix, en particulier en omnipratique, est d’essayer de
d’argent n’est pas vissé dans le canal (fig. 7). créer un « by-pass » (fig. 8), c’est-à-dire de contourner
le fragment en libérant le passage avec des limes K de
Instruments fracturés diamètre croissant (utilisation possible d’un gel chélatant
Si un instrument fracturé est identifié en préopératoire, ou pour faciliter l’élargissement progressif).
au cours de la désobturation, plusieurs questions doivent- Le fragment peut parfois se déplacer : soit il est éliminé
être soulevées : coronairement (solution idéale), soit il peut se dépla-
- La dent présente-t-elle une lésion apicale, est-elle ou cer dans le canal imposant au praticien de renouveler
a-t-elle été le siège de symptômes ou signes cliniques ? la procédure (inconvénient majeur de la technique car
- À quel niveau est localisé le fragment et en particulier très chronophage et risque de déplacement apical). Il
par rapport aux courbures, quelle est sa longueur et de peut aussi rester plaqué sur une paroi : dans ce cas, il
quel type d’instrument s’agit-il ? est recommandé de poursuivre la mise en forme à l’aide
d’instruments manuels. En complément, l’utilisation pos-

260 Réalités Cliniques 2016. Vol. 27, n° 4 : pp. 255-262


Elimination des matériels et matériaux

Fig. 9a et b - Molaire maxillaire


avec importante perte de substance
et présence d’un instrument fracturé
dans la racine mésio-vestibulaire. Le patient
souhaitant tout mettre en œuvre
pour essayer de conserver sa dent,
le retraitement endodontique orthograde
a été réalisé avec dépose du fragment
et détection d’un second canal mésio-
vestibulaire.
9a b

10a b c

sible d’une lime ultrasonore fine dévo- Fig 10 - La limite apicale de l’obturation canalaire initiale du canal MV incite à anticiper
lue à l’irrigation et placée dans l’espace la présence d’une butée. Après la révision de l’accès endodontique et la relocalisation
créé par les instruments manuels peut canalaire, une lime K08 ou K10 précourbée est utilisée afin d’essayer de retrouver un
permettre son expulsion coronaire. engagement dans la trajectoire canalaire originelle. Il convient de préciser que la mise
Si le fragment est accessible, il est pos- en forme de la partie désobturée doit être suffisante pour que la lime manuelle de petit calibre
sible, sous microscope opératoire, de conserve sa précourbure une fois insérée dans le canal. La pointe de la lime précourbée
venir le dégager avec des inserts ultra- est alors orientée dans toutes les directions sur 360° (succession de rotations de faibles
sonores (élimination dentinaire straté- amplitudes et en tenant compte de l’anatomie) jusqu’à engager la pointe au-delà de la butée
gique) (fig. 9). Il peut ensuite être retiré dans la trajectoire canalaire initiale. Le trajet canalaire retrouvé et la perméabilité apicale
soit par dévissage, soit par mouvement obtenue, il reste à « lisser » la butée et réaliser la mise en forme apicale et l’antisepsie du tiers
de bascule, soit en utilisant différents apical comme lors d’une préparation endodontique de première intention.
systèmes d’extracteur (Endo rescue®,
Kit de Masseran®, tube creux et com-
posite). Plus le fragment est positionné
apicalement, à cheval ou au-delà d’une courbe, plus les
risques seront majorés et plus la procédure d’extraction MOTS CLÉS :
est difficile. Retraitement, matériaux, Procédure clinique
Le recours à une chirurgie apicale (voir article du Dr Pom- KEYWORDS
mel dans ce numéro) peut parfois être la solution quand Retreatment, root canal filling materials, clinical
l’instrument est logé dans le tiers apical (sans possibilité protocols
de by-pass) ou dépasse le foramen.
Après désobturation et élimination des obstacles intra-
canalaires, le tiers apical doit être renégocié, notamment
la partie non traitée située au-delà de l’ancienne obtura-
tion. Le canal peut parfois être plus ou moins minéralisé CONCLUSION
dans la portion non traitée où il peut exister une butée La réflexion préopératoire et le respect des procédures
créée lors du traitement initial (fig. 10). En effet, lorsque cliniques doivent faciliter l’accès progressif à la zone api-
le précédent traitement apparaît « court » en particu- cale et éviter de réitérer les erreurs du traitement initial.
lier lorsque la limite apicale de l’ancienne obturation est L’évaluation de la situation initiale détermine en grande
située au niveau de la flèche de la courbure, la présence partie la capacité du praticien à améliorer le traitement.
d’une butée est fréquente. Elle est confirmée au moment Les procédures cliniques du retraitement endodontique
de la désobturation par la sensation tactile du praticien orthograde sont diverses et le choix doit être adapté en
qui n’arrive plus à progresser et dont les limes bloquent fonction de chaque situation clinique et du contexte.
sur une surface dure. Cette sensation est différente de
la sensation d’une lime engagée dans un canal partielle-
ment minéralisé.
Réalités Cliniques 2016. Vol. 27, n° 4 : pp. 255-262 261
Réintervenir en endodontie

RÉFÉRENCES ABSTRACT
ROOT CANAL FILLING MATERIALS
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tion and technique. Part 2: Treat- endodontics- a review of the lite- In their daily practice, general dentists have to
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Marielle Glikpo
9 avenue Henri Malacrida
13100 Aix-en-Provence
dr.olmarie@gmail.com

262 Réalités Cliniques 2016. Vol. 27, n° 4 : pp. 255-262

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