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Cabinet Laboratoire

Traitement esthétique et fonctionnel


d’une forme hypomature
d’amélogenèse imparfaite

B. WALTER, B. BAUMANN,
H. BARTHéLéMY
Chirurgiens-dentistes

R
Les échecs thérapeutiques doivent- ecréer l’esthétique d’un
ils conduire à une réflexion et à leur sourire naturel est un défi
analyse critique ? quotidien. Les moyens
Quelles sont les limites d’indication pour y parvenir sont nom-
breux, et nous n’avons que
des facettes collées dans le secteur
l’embarras du choix.
antérieur ?
Il suffit de suivre l’évolution des pro-
Quels sont les critères à considérer cédés et des matériaux en dentisterie
lors de la prise de décision esthétique pour se rendre compte de
thérapeutique ? l’éventail de solutions auxquelles se
Comment mettre en œuvre les trouve régulièrement confronté l’omni-
systèmes céramo-céramiques pour praticien dès lors qu’il s’agit de pren-
couronnes unitaires dans ce secteur ? dre une décision thérapeutique pour
recréer un sourire. Et dans certains cas,
malgré tous les moyens susceptibles

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Amélogenèse imparfaite et prothèse fixée - B. Walter et coll.

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Description
du cas clinique
Motif de la consultation
Dans cet article, nous nous proposons de
décrire les circonstances qui ont amené
cette jeune patiente à notre consultation,
d’analyser la situation et les raisons qui ont
vraisemblablement contribué à l’échec du
traitement par facettes et enfin d’apporter
les arguments et les critères décisionnels
quant au choix de la solution de la restau-
ration prothétique proposée et finalement
réalisée.
Cette jeune fille âgée de 19 ans, étudiante
en droit, consulte car les facettes réalisées
il y a quelques mois à peine au maxillaire et
à la mandibule, se décollent très régulière-
3 ment. À son problème esthétique s’ajoute
un problème de sensibilité dentinaire.
Pendant l’interrogatoire, elle laisse entre-
d’être mis en application, le résultat du voir au maxillaire :
Fig. 1 Photo de la patiente
traitement peut être un échec. La situa- • les 11, 21, 22 et 23 qui sont d’un aspect
âgée de 12 ans.
tion mérite alors d’être analysée avec dis- correct,
Fig. 2 Sourire avant cernement et pragmatisme. • à côté, 12 et 13 qui paraissent courtes,
traitement.
Nous avons fait le choix d’évoquer le cas • de part et d’autre, des prémolaires forte-
Fig. 3 Vue endobuccale. d’une jeune fille qui se plaint d’avoir perdu ment tachées de blanc qui rappellent une
son sourire. Les facettes qui recouvrent forme d’anomalie tissulaire.
ses dents antérieures ne cessent de se Les dents mandibulaires antérieures sont
décoller et l’empêchent de vivre norma- bien moins visibles.
lement sa vie d’étudiante. Elle demande C’est pour masquer cet effet disgracieux
avec insistance qu’une solution soit rapi- de taches blanches qui touchait les incisi-
dement trouvée car le préjudice moral ves et les canines maxillaires et mandibu-
et l’inconfort fonctionnel qu’elle subit à laires, que la jeune patiente, à sa majorité
cause d’un sourire ébréché sont impor- et avec quelques économies, a pris la déci-
tants. C’est pour elle une angoisse de sion de faire recouvrir toutes ces dents.
chaque instant de tout à coup sentir une Des documents photographiques, appor-
facette se dérober de son support. tés par la patiente, qui la représentent à

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l’âge de 12 ans, nous permettent d’ap- de faible hauteur sont choquantes par
précier l’état initial de la denture dans leur déséquilibre avec les facettes sur les
le secteur antérieur, avant traitement dents contro latérales 22 et 23 selon un
orthodontique et prothétique (fig. 1). rapport de 1 sur 2. Cela signifie que seule-
Examen clinique exobuccal ment la moitié de la facette sur 22 repose
Nous observons un visage bien propor- sur la dent préparée !
tionné aux traits réguliers. Les lèvres sont • Les prémolaires et molaires sont indem-
charnues mais un léger sourire laisse nes de carie, de forme et de volume
apparaître l’arcade maxillaire jusqu’aux normaux, mais l’émail présente des ano-
deuxièmes prémolaires (fig. 2). On peut malies de structure et de teinte. Elles se
comprendre la nécessité pour cette toute traduisent par des opacités en marbrure,
jeune adulte d’avoir eu recours à la pro- de faibles pertes de substances puncti-
thèse. formes avec alternance de plages très
Examen clinique endobuccal claires d’émail blanc crayeux sur un fond
Examen des arcades amélaire plutôt grisâtre (fig. 5). Si l’on se
Au maxillaire L’arcade est complète avec réfère à la description de l’amélogenèse
un alignement correct sans malposition imparfaite héréditaire de type hypocalci-
(fig. 3). fiée/hypomature, qui est une anomalie de
• 11, 21, 22 et 23 sont restaurées avec structure qui affecte l’émail d’anatomie
des facettes en céramique de forme et de normale, mais dont la minéralisation et/ou
teinte acceptables, qui, selon la patiente, la maturation matricielle sont défectueu-
sont collées. Elles reconstituent les faces ses, la présomption d’une amélogenèse
vestibulaires, le bord libre et le 1/4 de la imparfaite généralisée de type hypoma-
face palatine. Du côté palatin, le joint avec ture peut être avancée dans ce cas d’émail
l’émail est irrégulier, de mauvaise qualité taché de blanc (1, 4, 7, 12, 15).
et ne répond pas aux critères d’étanchéité.
• 12 et 13 sont réduites à des préparations
pour des facettes qu’on a cessé de recol-
ler ! Ces préparations, exposant la dentine,
sont délimitées par un congé irrégulier
bordé par endroits d’émail, en situation
juxta ou supragingivale, qui s’étend vers
les faces proximales sans passer les points
de contact et qui se termine quasiment à
l’horizontale dans la partie occlusale de la
couronne (fig. 4a et b). Ces préparations
4a b

Fig. 4a Préparation initiale


pour facettes, lors de la
première consultation.
b Vue occlusale maxillaire
le jour de la première
consultation.
Fig. 5 Aspect de
l’amélogenèse imparfaite
sur les secteurs
postérieurs.

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Le diagnostic différentiel avec des anoma- petite surface avec des limites cervicales
lies d’origine environnementale requiert dissimulées sous la gencive, ne concerne
néanmoins une certaine attention. Une que les faces vestibulaires (fig. 7a et b).
fluorose dentaire (fig.  6) peut être évo- Les principes de préparation pour facet-
quée sur un critère topographique, toutes tes n’ont donc pas été respectés. Toutes
les dents étant atteintes. L’interrogatoire, les autres dents présentes sur l’arcade,
qui ne révèle pas d’exposition chronique les prémolaires et les molaires sont éga-
à des doses élevées en fluorures durant lement atteintes d’anomalies de l’émail et
la période de minéralisation de la denture comme au maxillaire, l’anatomie coronaire
permanente, n’aboutit pas au diagnostic n’est que très peu affectée et les cuspides
de fluorose. L’amélogenèse imparfaite vestibulaires sont à peine émoussées. La
hypomature est confirmée. surface de l’émail est dure, brillante et ne
Fig. 6 Fluorose dentaire montre encore aucune zone d’usure : la
généralisée. À la mandibule L’arcade est également stabilité de la dimension verticale d’occlu-
Fig. 7a Atteinte de complète et l’alignement correct. Les sion semble assurée.
l’intégrité parodontale dents du secteur incisivo-canin sont tou-
du bloc incisivo-canin tes réduites à des formes de préparation Relation intermaxillaire
mandibulaire. qui étaient destinées à des facettes vesti- Rapports dento-dentaires statiques
b Préparations pour bulaires qui n’ont pourtant duré que quel- Dans le secteur postérieur, l’ensemble
facettes des dents ques semaines ! Le manque de précision de ces observations est plutôt en faveur
mandibulaires.
de ces préparations dentinaires, de trop de rapports d’occlusion corrects, stables
et du maintien de la dimension verticale
d’occlusion malgré quelques appuis occlu-
saux plus faibles par endroits, variables en
fonction de l’épaisseur de l’émail (fig. 8).
Dans le secteur antérieur, le recouvre-
ment est important de 11 à 23 (fig. 3). Les
dents 12 et 13 sont en inocclusion avec
les dents mandibulaires.

Rapports dento-dentaires
dynamiques
Le recouvrement important associé au
mauvais rapport dent-support/facette (1
sur 2 au maxillaire) est une hypothèse
dans le décollement fréquent des facettes
lors de la mastication. La protrusion est

7a b

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assurée exclusivement par le secteur anté-


rieur. Du fait d’une légère latéro-déviation
à droite du dentalé, le désengrènement
en latéralité gauche est assuré par la face
palatine de 23-24 et la face vestibulaire
de 34-35. Le guidage en latéralité droite
est assuré par les 14 et 44, 12 et 13 étant
devenues fonctionnellement inefficaces.
Partant de cette observation, on peut
déjà supposer que le désengrènement au
niveau postérieur n’est en grande partie
assuré que par la face palatine non sou-
tenue des facettes. Ceci contribue iné-
vitablement à les désolidariser de leurs
supports dentinaires auxquels elles n’ad- 8
héraient vraisemblablement que trop peu.

Examen du support parodontal


Le contrôle de plaque est très bon et per- gnostic d’amélogenèse imparfaite de type Fig. 8 Maintien de la
met le maintien dans les secteurs prémo- hypomature (1). L’os alvéolaire de très dimension verticale
laires et molaires d’une gencive saine, fine bonne densité avec des septa de bonne d’occlusion.
et festonnée, d’une teinte rose sombre et définition, est le garant d’un très bon sup-
sans saignement. En revanche, elle est port parodontal.
légèrement inflammatoire en regard des
dents préparées. La colonisation bacté- Analyse de la situation
rienne dans ce secteur est favorisée par d’échec thérapeutique
un brossage devenu impossible de peur Nous savons que pour assurer la péren-
de redécoller les facettes, mais plus nité d’une restauration prothétique il faut,
encore pour éviter l’hypersensibilité den- pour l’essentiel, bien poser l’indication
tinaire qui a progressivement évolué en quant au choix du type de restauration,
douleur pulpaire irréversible à la mandi- respecter les principes de préparation en
bule. C’est dire que la gêne fonctionnelle rapport avec les matériaux de restauration
a pris une dimension qui a dépassé le tolé- et d’assemblage et enfin mener l’exécu-
rable ! Toujours à la mandibule, la rugosité tion avec rigueur (16).
des préparations et des limites cervicales Dans le cas présent, ce contrat n’a mani-
sous-gingivales, favorisent la rétention de festement pas été rempli et l’échec ne se
plaque et l’irritation mécanique de la gen- limite pas à « un accident localisé » mais
cive libre non soutenue. On peut dès à il est total et oblige à essayer d’en trouver
présent constater que le contour gingival les raisons et de les comprendre.
et les papilles épaissies ne manqueront À partir de nos connaissances cliniques
pas de rendre délicat l’accès aux limites appuyées de références bibliographiques,
cervicales « hasardeuses » de ces dents nous avons tenté d’apporter quelques élé-
aux volumes déjà réduits lorsqu’il s’agira ments de réponse.
de reprendre les préparations en vue de • Nous sommes en présence d’une mal-
nouvelles restaurations (fig. 7a). formation généralisée de l’émail. Nous
savons que l’assemblage d’une facette
Examen radiologique et de son support ne peut s’envisager
L’examen objective la vitalité de toutes les que par collage (11). Une telle opération
dents, à l’exception de la 33, dévitalisée à était-elle raisonnable sur un support de
la suite d’une pulpite irréversible (fig. 9). tissus malformés ? Pour certains auteurs
Les rapports couronnes/racines sont (8), il semble que même si le collage
excellents. La différence de contraste est actuellement maîtrisé sur la dentine
entre émail et dentine confirme le dia- (qui représente la majorité de la surface

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préparée pour une facette), dans les cas • Considérons maintenant les dents et
Fig. 9 Status rétro-
alvéolaire. d’amélogenèse imparfaite, hyperminérali- les rapports occlusaux. Dans le secteur
sée, elle rend l’efficacité du collage moins antérieur les dents 12 et 13 ainsi que les
prédictible. D’autre part, l’amélogenèse dents mandibulaires sont courtes et l’es-
imparfaite, quel qu’en soit le type (hypo- pace prothétique réduit (fig. 3). La dimen-
plasique, hypocalcifié, hypomature) est sion verticale d’occlusion est maintenue
une atteinte ultrastructurale de l’émail dans les secteurs latéraux (fig. 8). Dans la
avec des anomalies de cristaux et une mesure où la patiente n’avait pas souhaité
exposition de la matrice organique. Le faire recouvrir les prémolaires et les molai-
collage sur l’émail hypomature, dont la res, la restauration prothétique devait s’in-
minéralisation et la maturation matricielles tégrer dans ce contexte occlusal serré.
sont défectueuses, n’est pas sans risque La hauteur avant préparation était déjà
et les imperfections engendrées sont sus- faible et la surface dentinaire vestibulaire
ceptibles de créer des faiblesses dans le destinée à recevoir la facette pouvait
joint de colle. Le collage est ainsi reconnu d’emblée être estimée (fig. 4a). Le rap-
difficile et incertain. Certains auteurs vont port surface de collage/taille totale de
jusqu’à préconiser de préparer la surface la facette est donc défavorable dans la
amélaire avec une solution d’hypochlorite mesure où celle-ci doit répondre à des
de sodium à 5 % pour en dénaturer les critères esthétiques acceptables pour le
protéines et entamer la couche externe secteur antérieur.
aprismatique afin d’optimiser le collage S’agissant du secteur antérieur, les fonc-
(5, 14). Face à ces difficultés et à ces tions incisives et canines sont principale-
incertitudes, l’intérêt et l’indication du col- ment assurées par les facettes. Dans ce
lage de facettes sur ce type de substrat contexte de dents courtes et serrées, le
doivent inciter à la prudence d’autant que désengrènement des secteurs posté-
la littérature manque encore actuellement rieurs est pris en charge par la portion
de consensus sur ce sujet. Et pour ne non soutenue de la facette qui subit des
citer que Magne (11), doué d’une expé- contraintes de flexion. Seul le collage
rience qui n’est plus à prouver, pour ces de la partie soutenue permet de mainte-
cas de malformation des tissus durs, il se nir la cohésion des structures. Mais si la
contente le plus souvent de simples pré- contrainte mécanique est trop élevée, la
parations périphériques pour couronnes. fracture voire le décollement de la facette
En conclusion à cette observation, on peut se produire (3).
peut dire que les facettes n’étaient pas Cet échec a été encore précipité par le
indiquées. non-respect des principes de préparation :

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•manque de précision des épaisseurs manger sans souffrir. Elle demande que
et des limites placées dans un émail de les secteurs incisivo-canins soient restau-
mauvaise qualité créant un joint de colle rés rapidement en préservant au mieux
défectueux, les structures dentaires restantes et, pour
• des retours palatins placés dans les des raisons financières évidentes, ne sou-
zones d’occlusion des faces palatines qui haite pas d’intervention sur les prémolai-
augmentent la fragilité des facettes (10, res et les molaires,
16), • les conditions dento-parodontales qui
• des retours linguaux plats et sans pré- font état :
paration, - de dents vitales courtes, très sensibles
• des limites proximales trop discrètes déjà partiellement préparées,
qui se finissent sur une face vestibulaire - d’un parodonte inflammatoire en regard
courte, sans passer sous le point de des préparations,
contact, - d’un contexte occlusal serré déterminé
• des limites sous-gingivales mandibulai- par une dimension verticale d’occlusion
res qui font douter de la qualité du collage bien calée sur les secteurs latéraux.
(fig. 7a).
Pour conclure, de l’ensemble de ces obser- La solution thérapeutique pérenne qui
vations, nous avons tenté de dégager les répond le mieux à ces exigences consiste
causes de l’échec des facettes. On peut en la réalisation de restaurations par cou-
dire que la seule surface préparée sur la ronnes unitaires en céramique sur dents
face vestibulaire paraît véritablement trop vitales de 13 à 23 et de 33 à 43.
peu étendue comparée à la hauteur des La céramique est le matériau esthétique
facettes. Cette disproportion laisse augu- par excellence qui doit dans ce cas être
rer de l’importance des contraintes en utilisé  :
traction et en cisaillement sur la jonction • pour optimiser l’esthétique du secteur
prothétique. antérieur, en s’affranchissant de toute
Le matériau céramique n’a ici a priori pas structure métallique,
eu d’incidences sur les causes de l’échec, • pour respecter les contours gingivaux en
il a en effet présenté suffisamment de plaçant les limites cervicales en situation
résistance pour ne pas se fracturer. juxtagingivale, sans que le bord cervical
Le tableau clinique tel qu’il s’est présenté de la restauration devienne visible.
pouvait bien être la conséquence d’une En présence ici de supports dentaires
analyse préprothétique insuffisante sur courts, l’utilisation de la forme tout céra-
les plans esthétique et fonctionnel, qui mique exige de réaliser de préparations
n’a tenu compte ni de la qualité des tissus qui assurent la rétention, la stabilisation et
malformés, ni de la petite taille des dents, la résistance mécanique de la céramique
ni du contexte occlusal. Le non-respect aux contraintes de cisaillements inhérents
des principes de préparation, sans doute au secteur antérieur. La seule préparation
aggravé par un assemblage inapproprié et appropriée est la préparation corono-péri-
un manque de rigueur dans l’exécution, a phérique avec un congé à angle interne
dans ce cas abouti à un échec. arrondi.
Pour des raisons esthétiques évidentes,
Proposition notre choix s’oriente vers un système
thérapeutique tout céramique en mesure de satis-
La décision thérapeutique dans cette faire les effets optiques souhaités dans
situation clinique doit prendre en considé- ce contexte de dents claires, blanchâ-
ration un certain nombre de critères psy- tres sans pour autant être en trop grand
chologiques, esthétiques, fonctionnels, contraste avec l’émail taché nettement
parodontaux et mécaniques : visible à partir des prémolaires lorsque la
• la notion d’urgence est imposée par patiente sourit.
les 19 ans de la patiente qui désire tout Pour des raisons de restauration fonc-
simplement sourire en toute sérénité et tionnelle ce système doit répondre à des

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Fig. 10a Intrados des


facettes décollées.
b Préparations sous-
jacentes.
Fig. 11 Préparation
initiale des piliers le jour
de la mise en place des
couronnes provisoires.

10a b

Le plan de traitement est établi


• Restauration avec des couronnes provi-
soires.
• Période d’observation sur les plans pul-
paire, parodontal, esthétique et fonction-
nel.
• Restauration avec les couronnes d’usage
céramo-céramiques.

Restauration avec les


couronnes provisoires
Les couronnes provisoires ont pour but
de restaurer l’esthétique, la fonction et de
protéger les piliers vitaux (9).
Elles sont confectionnées, en résine poly-
méthacrylate de méthyle au laboratoire
11 de prothèses, sur des modèles prétaillés
montés sur articulateur, à la dimension
qualités suffisantes pour résister aux verticale d’occlusion de la patiente. Au
contraintes déjà évoquées dans ce sec- maxillaire, elles sont préparées selon la
teur. forme vestibulaire des facettes encore
Notre choix s’est porté sur le système IPS existantes de 11 à 23. À la mandibule, leur
e.max® Press. Il s’agit d’une vitrocéra- anatomie doit s’intégrer dans le schéma
mique de translucidité élevée constituée occlusal du maxillaire.
d’une infrastructure à base de cristaux La mise en place des provisoires néces-
de disilicate de lithium qui constitue la site de préparer les piliers de 13 à 23 et
chape en céramique pressée, recouverte de 33 à 43 et au préalable, de déposer les
d’une céramique de stratification à base facettes qui recouvrent encore les dents
de nanocristaux de fluoroapatite permet- 11, 21, 22 et 23. L’utilisation de l’arrache-
tant une combinaison du trio translucidité, couronne a suffi pour les désolidariser
luminosité et opalescence (2). de leur support sans même les fracturer.
C’est dire que leur rétention et le joint de
Protocole thérapeutique colle étaient bien légers ! Il suffit d’obser-
La proposition thérapeutique est présen- ver l’intrados des facettes et la surface
tée à la patiente qui l’accepte en toute des dents pour comprendre que l’assem-
confiance et nous donne son consente- blage était de bien mauvaise qualité (fig.
ment pour la réalisation des travaux. 10a et b) !

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Préparation des piliers tiques des couronnes dans le secteur


(fig. 11) antérieur.
• Elle est destinée à des couronnes
céramo-céramiques et doit s’adapter aux Les couronnes provisoires
particularités de la situation pour assurer : (fig. 12a et b)
- la conservation de la vitalité pulpaire, Les préparations terminées, les couron-
- une limite cervicale compatible avec la nes provisoires en résine sont rebasées,
limite déjà existante, l’élimination de la bien adaptées aux limites cervicales puis
quasi-totalité de l’émail et la prudence exi- scellées avec un eugénate. Elles rétablis-
gée par la typologie fragile du parodonte sent l’esthétique, la fonction antérieure et
légèrement inflammatoire, protègent les piliers des agressions méca-
- une forme rétentive malgré la faible hau- niques, chimiques, bactériennes et ther-
teur des piliers, miques. La patiente retrouve le sourire…
- une épaisseur nécessaire pour satisfaire et le chemin de la Faculté… pour repren-
l’esthétique et les qualités mécaniques de dre ses études en ayant toute confiance.
la restauration en vitrocéramique dans un La visibilité des prémolaires ne provoque
contexte occlusal serré. aucune gêne.
• La préparation des piliers répond aux
principes de préparation périphérique Période d’observation
avec : Sur le plan parodontal, on observe rapide-
- une limite cervicale sous forme de congé ment la régression de l’inflammation avec
à angle interne arrondi. La profondeur du un retour à un bel aspect des contours
congé doit avoir une épaisseur suffisante, gingivaux. Le silence pulpaire est obtenu
en moyenne de 1 mm, afin de ménager pour tous les piliers, excepté celui de 43.
l’espace nécessaire pour la chape et la Un traitement endodontique a donc été
céramique cosmétique dans le respect réalisé sur cette dent. Sur le plan esthé-
du profil d’émergence de la restauration. tique, la satisfaction de la jeune patiente
L’élimination totale de l’émail hypominé- s’exprime tout simplement par un large
ralisé doit être envisagée pour garantir sourire. Fonctionnellement, l’adaptation
l’étanchéité du joint dento-prothétique. Le se fait sans difficulté.
congé est dans ce cas placé en situation Pendant cette période, les bonnes condi-
légèrement infragingivale. Il tient compte tions gingivales permettent de reprendre
de la limite des préparations précédentes les préparations et de déplacer encore
et du rebord gingival tout en respectant délicatement les limites cervicales dans
les papilles et la gencive libre fine et fes- les sulcus afin de rallonger davantage
tonnée. Cette situation infragingivale offre l’anneau de rétention (fig. 13a et b). Le
Fig. 12a Couronnes
l’avantage d’obtenir une légère augmenta- rebasage minutieux des provisoires est
provisoires en place.
tion de la hauteur du pilier avec une opti- de rigueur. Le résultat final se traduit par
misation de la rétention. une limite cervicale positionnée en situa- b Vue occlusale au
maxillaire.
- une rétention optimale obtenue avec tion juxta voire légèrement infragingivale
un anneau d’une très faible conicité et le
parallélisme des parois. Les zones de tran-
sition entre les parois sont adoucies.
- une légère concavité sur les faces palati-
nes et linguales.
• L’ensemble des piliers doit être placé
dans le couloir prothétique avec le respect
de l’arrondi vestibulaire et l’alignement
des bords occlusaux.
• L’espace prothétique doit être apprécié
de sorte que l’épaisseur de la céramique
réponde aux exigences des couronnes
céramo-céramiques et aux critères esthé- 12a b

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du passage à l’étape ultime : les restaura-


tions d’usage.

Restauration avec les


couronnes
céramo-céramiques
Pour la technique d’empreinte notre choix
s’est porté sur une empreinte aux sili-
cones en double mélange en un temps
13a b
opératoire (fig. 15). Il est impératif d’ob-
tenir une empreinte reproduisant dans les
dans un environnement parodontal parfai- moindres détails le profil d’émergence
tement sain (fig. 14a à c), compatible avec dans ce contexte de parodonte fragile.
une prise d’empreinte qui sera réalisée Un fil de déflexion gingivale a été utilisé
dans les conditions les plus favorables. pour les faces palatines, linguales et proxi-
Les bonnes conditions cliniques qui vali- males ; pour les faces vestibulaires nous
dent les couronnes provisoires et l’ac- avons préféré utiliser de l’Expasyl ® pour
ceptation par la patiente de la situation limiter le traumatisme. Nous n’avons pu
obtenue sont déterminantes pour décider insérer qu’un fil compte tenu de la faible
profondeur sulculaire.
Conséquences parodontales directes de
la technique de déflexion tissulaire par
insertion d’un cordonnet (13) :
• au bout de 24 heures le sulcus reste lar-
gement enflammé mais intact,
• au 4e jour le sulcus est encore légère-
ment enflammé mais intact,
• au 8e jour la cicatrisation est complète.
La récession gingivale est de 0,2  mm
en moyenne. Des études plus récentes
14a b

Fig. 13a Préparation finale


des piliers.
b Vue palatine au
maxillaire.
Fig. 14a Noter la situation
de la limite cervicale.
b Détail au maxillaire.
c Détail à la mandibule

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Fig. 15 Détail de
l’empreinte en technique
de double mélange.
Fig. 16a Chapes en
e.max ® Press.
b Chapes maxillaires sur
leurs dies.
c Chapes mandibulaires
sur leurs dies.
Fig. 17a Essayage des
chapes en bouche.
b Détail au maxillaire,
noter la précision de la
limite.

15

16a b c

(6) montrent les mêmes résultats : la


déflexion gingivale par cordonnet provo-
que une blessure qui cicatrise clinique-
ment en deux semaines.

Réalisation des couronnes


céramo-céramiques
Pour le procédé IPS e.max® Press, il est
17a b
indiqué de communiquer au prothésiste
la teinte choisie pour les couronnes avant
la confection des chapes en céramique
pressée (fig. 16a à c). Il est toujours pru-
dent de contrôler la stabilité et l’ajustage nes qui, maquillées et glacées (fig. 18a à
des chapes en bouche avant de passer à e), sont alors prêtes à être essayées pour
la stratification de la céramique (fig. 17a en apprécier le rendu esthétique, la situa-
et b). Cet essayage concluant amène à tion, l’intensité des contacts proximaux,
l’étape de la réalisation finale des couron- l’adaptation des joints dento-prothétiques

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18a b

c d e

et enfin les contacts occlusaux. Dans la • une forte adhésion à la dentine, sans
Fig. 18a Céramiques
maxillaires glacées mesure où tous ces points donnent satis- mordançage à l’acide orthophosphorique,
et maquillées, vue faction, l’assemblage sur les piliers est évitant le risque d’agression de l’organe
vestibulaire. décidé. pulpaire,
b Vue palatine. Assemblage (fig. 19a à f) • une bonne mouillabilité,
Les restaurations en matériau céramique • une faible solubilité,
c Céramiques
mandibulaires glacées et peuvent être assemblées de diverses • un relargage continu de fluor,
maquillées. manières, sans aucune exclusivité. Le col- • une bonne radio opacité,
lage trouve toute son indication pour l’as- • une très bonne fluidité,
d Translucidité et rendu
esthétique. semblage des couronnes à infrastructure • une faible «  épaisseur du film de
en céramique pressée. ciment »,
e Détail du maquillage et
Néanmoins, l’apparition de matériaux • pas d’utilisation de la digue, donc pas de
de l’intrados.
hybrides tels que les CVIMAR permet un risque de traumatisme parodontal.
mode d’assemblage efficace, durable,
sans préjudice esthétique, et surtout sim- Les excès de ciment sont ensuite enle-
plifié. vés très méticuleusement. La première
Ils trouvent par ailleurs leur indication en impression de la jeune patiente est le
présence de préparations périphériques contact lisse et agréable de la céramique.
sous-gingivales (2). Pour ce cas nous Le sourire est radieux (fig. 20). Lors d’une
avons sélectionné le Vivaglass® Cem PL. visite de contrôle, elle exprime son bon-
Il s’agit d’un ciment de scellement verre- heur d’avoir tout simplement des dents
ionomère, autopolymérisant avec : qui ne sont d’aucune gêne et qui sont plus
• une haute translucidité, belles qu’elle ne l’espérait (fig. 21a et b).

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Cabinet Laboratoire

19a b c

d e f

20 21a b

Fig. 19a Assemblage des


restaurations prothétiques.
Conclusion
La prise de décision doit être le résul- tion sur celles-ci. Cette thérapeutique b Détail du secteur droit.
tat d’une observation clinique appro- par facettes n’ayant tenu compte ni de c Détail du secteur
fondie, puis d’une confrontation des l’anomalie tissulaire, ni de la faible hauteur gauche.
critères essentiels retenus pour mener coronaire, ni du contexte occlusal serré, d Vue palatine.
une réflexion en toute objectivité afin de elles se sont rapidement décollées. Cet e Vue linguale.
choisir raisonnablement le traitement le échec est vraisemblablement le résultat
f Profil des restaurations
mieux approprié. d’une démarche thérapeutique et de l’éla-
en ailes de mouette.
Dans le cas de cette jeune patiente, tou- boration d’un traitement qui ont manqué
tes les dents sont atteintes d’améloge- d’analyse et de synthèse. Fig. 20 Sourire de face
après traitement.
nèse imparfaite. Pour masquer l’aspect Pour faire face à cette situation d’inconfort
disgracieux des incisives et des canines, esthétique et fonctionnel dans laquelle se Fig. 21a Sourire de profil
des facettes ont été réalisées par un trouve la patiente lorsqu’elle vient nous après traitement.
confrère. Bien que les prémolaires soient consulter, nous lui proposons la solution b Intégration des
également découvertes lors du sourire, qui nous semble la mieux adaptée, à savoir restaurations dans le
sourire.
la patiente n’a pas souhaité d’interven- la confection de couronnes céramo-céra-

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Amélogenèse imparfaite et prothèse fixée - B. Walter et coll.

auto-évaluation miques sur toutes les dents déjà concer-


nées par le traitement précédent.
1. Le collage sur un émail atteint d’amélogenèse imparfaite est
La restauration avec ces couronnes de
actuellement maîtrisé pour tout type de préparation.
tout le secteur antérieur est alors menée
n Vrai n Faux en conciliant l’état des dents déjà prépa-
2. Les facettes sont des restaurations fiables dans le secteur rées, la typologie fragile du parodonte et
antérieur, pour peu que les dents, leur forme de préparation et le les rapports occlusaux.
contexte occlusal s’y prêtent. n Vrai n Faux À la fin du traitement nous nous accor-
dons à dire que le résultat d’intégration
3. Les restaurations du secteur antérieur par couronnes céramo- esthétique et fonctionnelle est pleinement
céramiques offrent des qualités optiques et mécaniques dignes
satisfaisant même si l’œil du praticien que
d’intérêt. n Vrai n Faux
nous sommes, ne peut s’empêcher de
4. Les couronnes en vitro-céramique doivent toujours être s’arrêter sur quelque tache blanche sur
collées avec un composite de collage. n Vrai n Faux une prémolaire !
5. Il n’est pas toujours nécessaire de dévitaliser un moignon vital Concilier le tableau clinique, les souhaits
court pour réaliser une couronne. n Vrai n Faux et les attentes du patient, la décision
thérapeutique et la satisfaction du travail
abouti, doit être l’objectif de toute prise en
charge thérapeutique.

lectures conseillées

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dontal indices and crevicular fluid

Adresse des auteurs :


Béatrice Walter, Bertrand Baumann, Hervé Barthélémy,
Faculté de Chirurgie Dentaire 1 place de l’Hôpital 67000 Strasbourg

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