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chirurgie parodontale

La
greffe
conjonctive
C. Mattout et P. Mattout
Rubrique GEPI

Proposée en 1980 pour augmenter


le volume des crêtes édentées (7)
la greffe conjonctive fut très
rapidement utilisée pour recouvrir
les dénudations radiculaires (8).
Au départ partiellement
1 désépithélialisée et associée à un
lambeau repositionné (c'est-à-dire
remis dans sa position initiale),
elle fut ensuite associée à un
lambeau positionné coronairement
comportant pour certains des
incisions de décharge alors que
d’autres réalisent un simple tunnel.

T
rès utilisée au maxillaire supérieur, beau-
2 coup moins à la mandibule, cette inter-
1 et 2. Lambeau positionné vention reste pour de nombre u x
latéralement associé praticiens très complexe tant dans ses
à une greffe conjonctive. indications que dans sa réalisation technique. Nous
allons tenter de préciser ici ses indications et ses diff é-
rentes variantes.

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la greffe conjonctive

Les indications Les indications de la greffe conjonctive


du recouvrement En présence de gencive attachée dans les secteurs adjacents mésial ou distal,
le lambeau positionné latéralement peut être une bonne option, en sachant
radiculaire par la chirurgie qu’il peut être aussi combiné à une gre ffe conjonctive pour épaissir le pédi-
plastique parodontale cule déplacé et protéger le site donneur (fig. 1 et 2). À la mandibule, la
- L’hypersensibilité dentinaire peut être présence de freins et d’insertions musculaires ainsi que l’exiguïté du vesti-
traitée par les agents désensibilisant, la bule, peuvent faire opter pour une gre ffe épithélio-conjonctive de re c o u v re-
dentisterie restauratrice ou la chiru r- ment surtout en présence de récessions multiples. Mais aujourd’hui, devant
gie plastique. la demande esthétique croissante, les auteurs s’accordent à privilégier la
- L’accumulation de plaque, due à un g re ffe conjonctive. Le re c o u v rement moyen est de 57 à 98 % avec une
contour irrégulier de la gencive, peut moyenne pour toutes les études de 84 % (14).
ê t re traitée après le contrôle du facteur Quelques questions se posent :
bactérien par la chirurgie plastique. - faut-il recouvrir totalement la gre ffe conjonctive et ainsi risquer de rétré-
- Mais c’est la demande esthétique du cir le vestibule ?
patient qui est la principale indication - les incisions de décharge sont-elles indispensables ?
de la chirurgie plastique (4). - peut-on la réaliser à la mandibule ?
Une fois l’option chiru rgicale choisie, il - les résultats sont-ils supérieurs à un simple lambeau positionné coronai-
est fondamental de déterminer le rement qui éviterait le prélèvement palatin ?
niveau de recouvrement qui peut être
obtenu.
L’examen clinique et radiographique
p e rmettra de déterminer le niveau de
Greffe conjonctive pure
l’os dans les régions interproximales, ou partiellement désépithélialisée ?
la limite apicale de la récession par Dans la technique initiale proposée par Langer (9) afin de ne pas interf é re r
rapport à la ligne de jonction muco- sur la profondeur du vestibule, la gre ffe n’était pas entièrement recouverte
gingivale et ainsi la classe de Miller (10). par le lambeau, elle comportait alors un lambeau épithélial. Cette technique
Si la récession appartient à la classe I présente deux inconvénients, elle est plus difficile à réaliser et parfois le
ou II de Miller, le re c o u v rement pourr a lambeau exposé se nécrose. Ce ne sera donc pas notre option de choix bien
ê t re complet en choisissant, bien sûr, qu’il soit possible d’obtenir ainsi un recouvrement important (fig. 3 et 4) mais
une technique chiru rgicale appro p r i é e . moins prévisible qu’avec une technique simplifiée. C’est pourquoi une des
Il sera par contre partiel pour une p re m i è res variantes proposées par les auteurs fut d’associer cette gre ff e
récession de classe III ou IV où il ne conjonctive à un lambeau positionné coronairement (2, 6).
dépassera pas le niveau osseux inter- Les papilles seront désépithélialisées sur une hauteur correspondant à la
proximal. zone radiculaire à recouvrir.
Avant d’opter pour une technique de L’analyse de résultats cliniques montre un recouvrement prévisible et une
la chiru rgie plastique, gre ffe épithélio- modification intéressante du lambeau tracté même dans des cas où il ne
conjonctive de recouvrement, lambeau subsistait que très peu de gencive attachée apicalement à la récession (fig. 5,
positionné latéral ou gre ffe conjonc- 6 et 7, 8). La hauteur de gencive attachée résiduelle ne semble pas influen-
tive, il faut savoir qu’un certain nombre cer le recouvrement.
de facteurs peuvent affecter le résultat
clinique du recouvrement.
Si les facteurs liés au patient (tabac,
niveau d’hygiène, état général) condi-
tionnent la réussite de toutes les chiru r-
gies parodontales, c’est, en chiru rg i e
plastique, la morphologie du défaut et
les détails de la technique chirurgicale
qui influent sur le pronostic. On citera,
hormis la classe de Miller, la pro f o n-
deur et la largeur du défaut ainsi que
la présence de gencive attachée apicale-
ment à la récession, mais aussi l’habileté 3 4
de l’opérateur, la taille du lit receveur et 3 et 4. Greffe conjonctive partiellement désépithélialisée associée à un lambeau
de la greffe et la tension des lambeaux repositionné.
de recouvrement (11).

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chirurgie parodontale

5 et 6. Greffe conjonctive
associée à un lambeau
5 6 positionné coronairement.

7 et 8. Greffe
conjonctive associée
à un lambeau positionné
7 8 coronairement.

Faut-il systématiquement réaliser des incisions de décharge ?


Raetzke en 1985 (13), Bruno en 1994 (2) et finalement Zucchelli et De Sanctis en 2000 (15) proposent de supprimer les inci-
sions de décharge, parfois en étendant davantage le lambeau et donc en traitant un nombre plus important de récessions.
On obtient ainsi un résultat esthétique optimum sans cicatrice blanchâtre inesthétique et on améliore l’apport vasculaire
du lambeau. En contrepartie la dissection du lambeau en épaisseur partielle est plus délicate, les risques de déchirement sont
plus importants et l’amarrage du greffon apicalement aux fibres périostées est impossible.
Cette variante aura notre préférence en cas de récessions multiples peu profondes ou la gre ffe conjonctive de hauteur
réduite pourra être simplement fixée par une suture suspensive faisant le tour des dents (fig. 9, 10, 11, 12, 13).
Mais en cas de récession profonde lorsqu’une gre ffe large et haute aura besoin d’être stabilisée au niveau apical nous opte-
rons encore pour les incisions de décharge (fig. 14, 15, 16).

9 10 11
9, 10, 11, 12, 13. Récessions
multiples traitées par une
greffe conjonctive associée
à un lambeau positionné
coronairement sans décharge.

12 13

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la greffe conjonctive

14 15 16
14, 15 et 16. La largeur de la récession et la nécessité de fixer la greffe au périoste ont indiqué des incisions de décharge.

Peut-on réaliser des greffes conjonctives à la mandibule ?


La situation du complexe muco-gingival est diff é rente au maxillaire et à la mandibulaire. L’accès au bro s s a g e
est souvent rendu impossible par la présence de fibres musculaires très toniques supprimant totalement la
profondeur du vestibule.
C’est pourquoi il est parfois difficile de libérer des lambeaux sans tension à la mandibule. Or, plus la tension
du lambeau est faible plus la correction de la récession sera importante (12).
Ce sont ces raisons qui ont fait diminuer les indications de la gre ffe conjonctive à la mandibule. Si le vesti-
bule est encore présent et que le lambeau positionné coro n a i rement
peut recouvrir une gre ffe conjonctive sans tension des résultats inté-
ressants, en terme de recouvrement, peuvent être obtenus (fig. 17, 18,
19, 20, 21 et 22).

17 18 19

20 21 22
17, 18, 19, 20, 21, 22. Récessions mandibulaires traitées par une greffe conjonctive associée à un lambeau positionné coronairement
sans décharge.

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chirurgie parodontale

Bibliographie
> 1. AAP. Informational paper. Oral reconstructive and corrective considerations in periodon-
tol 2005 ; 76 : 1588-1600.
> 2. Bruno J.F. Technique de greffe conjonctive assurant le recouvrement de dénudations
Que peut-on obtenir avec un radiculaires étendues. Rev Int Parodont Dent Rest 1994 ; 14 : 127-137.
simple lambeau positionné > 3. Da Silva RC, Joly JC, De Lima AF, Tatakis DN. Root coverage using the coronally positio-
coronairement ? ned flap with or without a subepithelial connective tissue graft. J. Periodontol 2004 ; 75 :
Avec ce type d’intervention, le recouvre- 413-419.
ment rapporté est de 50 à 98 % avec une > 4. De Sanctis M, Zucchelli G. Coronally advanced flap : a modified surgical approach for isola-
ted recession - type defects. Three years results. J. Clin. Periodontal 2007 ; 34: 262-268.
moyenne pour toutes les études de 78 % > 5. Güran C.A, Orus A.M, Akkaya M. Alterations in location of the muco gingival junction 5
(3). years after coronally repositioned flap surgery. J. Periodontal 2004 ; 75 : 893-901.
Remis dernièrement au goût du jour par > 6. Harris R.J. A comparison of 2 root coverage techniques : guided tissue regeneration with
De Sanctis et Zuchelli en 2007 (4) avec un absorbable matrix membrane versus a connective tissue graft combined with a coronally
taux de recouvrement de 96 % à 3 ans, ce positioned pedicle graft without vertical incisions. Results of a series of consecutive cases.
J. Periodontol 1998 ; 69 : 1426-4.
lambeau est un lambeau d’épaisseur
> 7. Langer B, Calagna L. The subepithelial connective tissue graft. J. Prosth Dent 1980; 44 :
p a rtielle (au niveau des papilles), totale (sur 363-367.
la partie recouvrant la récession), puis > 8. Langer B, Calagna L. La greffe sous-épithéliale de tissu conjonctif. Une nouvelle méthode
partielle (pour être tracté à partir de la pour améliorer l’esthétique des secteurs antérieurs. Revue Int Parodont Dent Rest 1982 ; 2 :
ligne muco-gingivale). 22-33.
C’est une intervention qui comporte des > 9. Langer B. et Langer L. Subepithelial connective tissue graft technique for root coverage.
J. Periodontol 1985 ; 56 : 715-720.
incisions de décharge mais qui présente
> 10. Miller P.D. A classification of marginal tissue recession. Int J. Periodontics Restorative
l ’ é n o rme avantage d’éviter le prélèvement Dent 1985 ; 5 : 9-13.
palatin souvent inconfortable pour le > 11. Pini Prato G.P, D. Franceschi, F. Cairo, R. Rotundo. Facteurs pronostiques dans le traite-
patient. ment des récessions gingivales J. Paro. Implant. Or. 2006 ; 25 : 175-190.
Ces résultats, selon les auteurs, seraient > 12. Pini Prato G.P, Pagliaro U, Baldi C, Nieri M, Saletta D, Cairo F. et al. Coronally advanced
moins stables que ceux de la gre ff e flap procedure for root coverage. Flap with tension versus flap without tension : a rando
conjonctive, le mouvement de la ligne mized controlled clinical study. J. Periodontol 2000 ; 71 : 188-201.
muco-gingivale qui tend à revenir dans > 13. Raetzke PB. Covering localized areas of root exposure employing the “envelope” techni-
que. J. Periodontol 1985 ; 56 : 397-402.
sa position initiale étant responsable de la > 14. Zucchelli G, Amore C, Sforza NM, Montebugnoli L, De Sanctis M. Bilaminar techniques
migration apicale de la gencive marginale for the treatment of recession – type defects. A comparative clinical study. J. Clin.
(5). Periodontol 2003 ; 30 : 862-870.
Selon les recommandations de l’AAP(1) > 15. Zucchelli G, De Sanctis M, Treatment of multiple recession – type defects in patients
cette intervention est indiquée uniquement with esthetic demands. J. Periodontol 2000 ; 71 : 1506-1514.
lorsque la gencive marginale est épaisse.

Évaluation réponses en ligne sur notre site


Conclusion
La gre ffe conjonctive est aujourd’hui l’in- 1. Il est possible de recouvrir totalement une récession
tervention de base de la chiru rgie plasti- de classe III de Miller. ■V ■F
que parodontale. 2. Le lambeau positionné latéralement peut être
L’évolution de la technique tend à une associé à une greffe conjonctive. ■V ■F
simplification du prélèvement (on ne 3. Le positionnement coronaire d’un lambeau sur une greffe
conserve plus le bandeau épithélial) et du conjonctive nécessite la désépithélialisation des papilles. ■V ■F
site receveur (en évitant les incisions de 4. Il est possible d’ancrer une greffe conjonctive aux fibres
décharge). périostée en l’absence d’incisions de décharge. ■V ■F
Les gre ffons seront aussi moins épais
qu’initialement (1 à 2 mm) pour améliore r
les échanges nutritifs entre le site receveur,
la gre ffe et le lambeau pédiculé (11) et pour AUTEURS Catherine et Paul Mattout
un meilleur fondu esthétique final. GEPI 224, avenue du Prado 13008 Marseille

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