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Sources de litige en endodontie: Cas des fractures instrumentales et des

dépassements de matériaux d’obturation

Article in L' Information dentaire · November 2016

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Maud Guivarc'h Thomas Giraud

Aix-Marseille Université Aix-Marseille Université
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Frédéric Bukiet
Aix-Marseille Université
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DOSSIER Éclairer le consentement

Sources de litiges
en endodontie
Cas des fractures instrumentales et des dépassements
de matériaux d’obturation

Maud Guivarc’h
Maître de conférences associé-Attaché hospitalier, L’endodontie est une discipline
sous-section d’Odontologie Conservatrice et Endodontie, odontologique complexe au pronostic
Faculté d’Odontologie Aix-Marseille Université
UMR 7268-ADÉS Aix-Marseille Université-EFS-CNRS, incertain qui peut être à l’origine de litiges
Faculté de Médecine de Marseille entre le patient et son praticien [1-3].
Thomas Giraud Ces situations sont favorisées
AHU, Sous-section d’Odontologie Conservatrice par des actes iatrogènes pouvant engager
et Endodontie, Faculté d’Odontologie Aix-Marseille la responsabilité du praticien. En endodontie,
Université
Giboc, ISM, UMR CNRS 7287 deux types de complications peropératoires
Frédéric Bukiet sont en particulier à l’origine de litiges :
MCU-PH, sous-section d’Odontologie Conservatrice les fractures intracanalaires d’instruments
et Endodontie, Faculté d’Odontologie Aix-Marseille et les dépassements de matériaux
Université lors de l’obturation.
Giboc, ISM, UMR CNRS 7287
Elodie Terrer
MCU-PH, sous-section d’Odontologie Conservatrice
et Endodontie, Faculté d’Odontologie Aix-Marseille
Université
Laboratoire de Bioingénierie et Nanosciences,
EA4203, Université de Montpellier.

74 L’INFORMATION DENTAIRE n° 38 - 9 novembre 2016


Échec thérapeutique
et faute en endodontie
Les traitements endodontiques (TE) ont pour but le
maintien sur l’arcade d’une dent asymptomatique et
exempte de manifestation radiologique pathologique.
Selon la situation clinique initiale, les taux d’échec
des TE oscillent entre 2,2 % et 26 % [4]. Les erreurs
de procédures endodontiques ne sont pas directement
responsables de ces échecs, la présence de bactéries
intracanalaires étant la cause primaire de pathologie
péri-radiculaire [5]. Outre les échecs thérapeutiques, les
TE peuvent occasionner des complications locales, voire
générales.
Dispensé en endodontie d’une obligation de résultat,
le chirurgien-dentiste doit cependant tout mettre en
œuvre pour favoriser une issue favorable du traitement.
Il peut voir sa responsabilité engagée dans trois cas de
figure qui sont le non-respect des recommandations de
bonne pratique ou « manquement aux règles de l’art »,
le défaut d’information et le défaut de suivi thérapeu-
tique du patient. Le contrat de soin qui unit le patient à
son praticien est consacré par l’arrêt Mercier du 20 mai
1936. Ce dernier astreint le chirurgien-dentiste à dispen-
ser des soins « consciencieux, attentifs, et réserve faite
de circonstances exceptionnelles conformes aux données
acquises de la science ». La loi du 4 mars 2002 rappelle
les obligations de moyen et d’information qui existent à
l’égard du patient. L’expert désigné en cas de litige aura
pour rôle de déterminer, sur la base de critères d’imputa-
bilité, si l’échec thérapeutique résulte d’une faute suscep-
tible d’engager la responsabilité du praticien.
Complications
lors des thérapeutiques
endodontiques
Nous limiterons le propos aux fractures instrumen-
tales et aux dépassements de matériaux d’obturation. Il
existe cependant d’autres complications potentiellement
sources de litiges telles que les fausses routes, perfora-
tions, accidents d’extrusion d’hypochlorite, accidents
d’inhalation ou d’ingestion de matériel endodontique.
Fractures instrumentales au cours du TE
Tout praticien pratiquant l’endodontie a été ou sera un
jour confronté à une fracture instrumentale intracana-
laire au cours d’un TE. Celle-ci constitue un obstacle
Endodontie
rendant difficile, voire impossible la mise en forme et la
désinfection du système endocanalaire [6]. Les études
établissent qu’entre 0,7 % et 7,4 % des TE sont concer-
nés par une fracture instrumentale, avec une moyenne
de 1,6 % [7]. Dans un communiqué de 2009, le Conseil
National de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes attire
l’attention sur une augmentation de plus de 30 % des
litiges liés à des fractures instrumentales lors de soins
endodontiques entre 2006 et 2007 [8].
Identification des facteurs de risque
Afin de permettre de limiter ces accidents, il est néces-
saire d’identifier en amont du TE les différents facteurs
de risque susceptibles d’en majorer la survenue :
- type d’instruments utilisés : avec l’avènement de
l’instrumentation endodontique rotative nickel-titane
(NiTi), la problématique de la fracture instrumentale
a pris de l’ampleur. Ces instruments sont à tort perçus
comme présentant un risque plus élevé de fracture pero-
pératoire que l’instrumentation manuelle [7], alors que
le risque de fracture instrumentale dépend essentielle-
ment de facteurs relatifs aux compétences de l’opérateur
et au respect des protocoles d’utilisation (vitesse de rota-
tion, torque, séquence et nombre d’utilisations préconisé
par le fabricant) [9] ;
- type de dent et morphologie canalaire : la présence d’une
courbure et les anatomies canalaires complexes sont des
facteurs de risque de fracture instrumentale [7]. La pré-
valence des instruments fracturés augmente fortement
lors du traitement d’un canal courbe comparativement
au traitement d’un canal rectiligne, et ce d’autant plus
que le rayon de la courbure est réduit [10]. Les molaires,
et particulièrement leurs canaux mésiaux, présentent un
risque supérieur de fracture instrumentale par rapport
aux prémolaires et dents monoradiculées [11] ;
- type d’acte entrepris : du fait de la difficulté majorée
des procédures de désobturation canalaire, le risque de
fracture instrumentale est plus important au cours d’un
retraitement que d’un TE initial [12].
Conduite à tenir
Lorsqu’un tel événement survient, il faut dans un pre-
mier temps évaluer son impact sur le pronostic du traite-
ment entrepris en fonction des critères suivants :
- la situation clinique initiale : une fracture instrumen-
tale en cas d’infection canalaire compromet grandement
la réussite du TE. Le statut périapical pré-opératoire,
bien plus que la présence d’un instrument, est un facteur
prédictif d’échec thérapeutique [13] ;
L’INFORMATION DENTAIRE n° 38 - 9 novembre 2016 75
DOSSIER Éclairer le consentement
- le moment de la fracture : plus celle-ci aura lieu tôt dans
la séance de soins, plus il est probable que les solutions
de désinfection n’auront pas eu le temps de remplir leurs
fonctions [7].
Dans un second temps, et en fonction de ces premiers
éléments, le praticien devra évaluer les différentes
options thérapeutiques immédiates (contournement,
dépose ou inclusion du fragment dans l’obturation cana-
laire) et futures (possibilité de retraitement/accessibilité
chirurgicale). Cela dépendra essentiellement du type
d’instrument fracturé, de la taille et de la position du
fragment ainsi que du type de dent traitée. On constate
que les fractures instrumentales se situent majoritaire-
ment dans le tiers apical du canal ce qui rend difficile,
voire impossible leur retrait [14] (fig. 1). Les fractures
des tiers médian et coronaire permettent la plupart
du temps de pouvoir retirer le fragment fracturé ou
de réaliser un contournement (bypass) [15]. Dans les
canaux courbes, la localisation du fragment fracturé est
à mettre en relation avec la courbure : si l’instrument se
trouve après celle-ci, les chances de pouvoir le retirer
sont minimes [16].
Dépassements de matériaux
d’obturation
Les dépassements de matériaux au cours de l’obtura-
tion canalaire sont relativement fréquents. Le plus sou-
vent sans conséquence sur la réussite du traitement, ils
peuvent favoriser les échecs thérapeutiques en présence
d’un état infectieux préalable [17], voire occasionner des
complications locales plus ou moins graves et parfois
irréversibles.
Identification des facteurs de risque
• Morphologie apicale
Le risque de dépassement de matériaux au cours de
l’obturation est d’autant plus important que les apex sont
larges et ouverts. Cette situation peut être physiologique
(dents immatures, dents matures jeunes), résulter d’un
phénomène pathologique (arrêt de maturation apicale
à la suite d’un choc, résorption apicale sur dent infec-
tée) ou être liée à des manœuvres iatrogènes de mise en
forme par sur instrumentation du tiers apical [18].
• Perforations et résorptions radiculaires
Les perforations et les résorptions radiculaires perfo-
rantes (internes ou externes dès lors qu’elles mettent
en relation le système endocanalaire avec le parodonte)
constituent d’importants facteurs de dépassement de
76 L’INFORMATION DENTAIRE n° 38 - 9 novembre 2016
1
1. Radiographie rétro-alvéolaire montrant une fracture
instrumentale transfixant la racine mésiale de 46 associée
à une lésion périapicale
matériaux lors de l’obturation. Le risque est d’autant plus
important qu’elles n’auront pas été détectées (fig. 2a à c).
• Technique d’obturation canalaire utilisée
L’injection de pâte d’obturation à l’aide d’un lentulo ne
permet pas un contrôle adéquat du niveau d’obturation
de la zone apicale et présente un risque élevé de dépas-
sement. Parmi les techniques impliquant de la gutta-
percha, celles utilisant la thermo-plastification sont à
la fois celles permettant le meilleur remplissage tridi-
mensionnel des canaux et présentant le plus de risque de
dépassement apical de matériau [18].
Conduite à tenir
Lorsque la radiographie postopératoire objective un
dépassement de matériau, il convient dans un premier
temps d’en évaluer les conséquences en fonction de plu-
sieurs critères.
• Situation clinique initiale
En présence d’un canal septique, la projection de maté-
riau d’obturation dans le périapex est susceptible d’en-
traîner avec elle des agents pathogènes responsables d’un
échec thérapeutique. Les taux de succès des traitements
endodontiques en présence d’un dépassement sont signi-
ficativement plus élevés lorsque la situation clinique ini-
tiale ne présente pas de lésion périapicale [18].
• Type de matériau impliqué dans le dépassement
On pourra distinguer les dépassements de matériaux
partiellement ou en totalité résorbables (ciments de
scellement, hydroxyde de calcium) des matériaux non

2. Mme F présentait des douleurs et une paresthésie labio-mentonnière droite provoquées par un dépassement de matériau
d’obturation en regard de l’apex de 45 à proximité du foramen mentonnier. La patiente a été référée à un praticien spécialisé
en chirurgie orale pour l’extraction de la dent causale associée à l’exérèse des matériaux dans les tissus mous.
2a
b c
résorbables (gutta-percha, MTA). La plupart des ciments
de scellement provoquent une réaction inflammatoire
locale mais sont biocompatibles ou présentent une toxi-
cité limitée dans le temps [18]. Presque tous ont des
effets neurotoxiques dose dépendants [19]. L’hydroxyde
de calcium peut être responsable de réactions inflamma-
toires, paresthésies et nécroses osseuses [20]. Bien que
possédant une excellente biocompatibilité et bien tolé-
rés par les tissus périapicaux, il n’est pas recommandé de
réaliser des dépassements intentionnels de gutta-percha
et de MTA [21, 22].
• Localisation et quantité du dépassement
Limités à l’os alvéolaire, les dépassements occasionnent
une réaction inflammatoire le plus souvent transitoire
[18]. Ils peuvent cependant être à l’origine de séquelles
potentiellement lourdes et handicapantes lorsqu’ils
pénètrent des structures anatomiques voisines. Du fait
des rapports étroits qui existent entre les apex des dents
postérieures maxillaires et le sinus, les dépassements
peuvent être mis en cause dans l’apparition de sinusites
Endodontie
a. Radiographie
panoramique
objectivant
le dépassement en
regard de l’apex de 45.
b. Examen Cone Beam
(coupe frontale
et reconstitution 3D).
c. Examen Cone Beam
(coupe transversale).
maxillaires bactériennes ou fungiques [23, 24] (fig. 3a à c).
La présence de ciment d’obturation dans le sinus serait le
principal facteur étiologique de développement d’asper-
gillose en favorisant une réaction inflammatoire et la
croissance d’Aspergillus qui a besoin de métaux lourds
comme l’oxyde de zinc pour sa prolifération et son méta-
bolisme [25]. Les apex des dents postérieures mandibu-
laires présentent une proximité, voire un contact direct
avec le canal dentaire. Des paresthésies, hypoesthésies,
dysesthésies et hyperesthésies transitoires ou défini-
tives peuvent faire suite à un dépassement de matériau
à proximité du nerf alvéolaire inférieur, par toxicité des
matériaux, effet de compression et/ou échauffement du
nerf [20, 26, 27] (fig. 2a à c). Des lésions musculaires ont
également été décrites [28].
Après évaluation des conséquences possibles du dépas-
sement, le praticien devra envisager les options thé-
rapeutiques à disposition (surveillance, intervention
chirurgicale).
L’INFORMATION DENTAIRE n° 38 - 9 novembre 2016 77
 DOSSIER Éclairer le consentement

3. M. A présentait une symptomatologie de sinusite chronique associée à des épisodes infectieux aigus au niveau du maxillaire droit.

3a
a. Radiographie rétro-alvéolaire
objectivant un dépassement
de matériau d’obturation en regard
de l’apex de 15.
b c
b. Examen Cone Beam permettant de mettre c. Examen Cone Beam (coupe
en évidence un épaississement de la muqueuse sagittale).
sinusienne et la présence d’une volumineuse
lésion périapicale ainsi que d’apprécier le volume
et la localisation du dépassement (coupe transversale).

5
5. La réfection de la couronne de 36 est indiquée
par la présence d’une lésion carieuse distale. Le patient
est informé avant le retraitement endodontique
de la présence d’un instrument fracturé dans la racine mésiale
ainsi que de l’absence de lésion périapicale décelable.

Information et consentement
éclairé en endodontie
La doctrine du consentement éclairé exige que le patient
soit informé des risques et des conséquences raison-
4 nablement prévisibles du traitement de manière à per-
mettre son implication dans le processus décisionnel
4. Proposition d’un consentement éclairé type (à télécharger [29]. L’information est avant tout orale, mais peut être
sur www.information-dentaire.fr). complétée par un formulaire de consentement éclairé
(fig. 4). Les litiges sont souvent le résultat d’une mau-

78 L’INFORMATION DENTAIRE n° 38 - 9 novembre 2016

 Endodontie

6a. Le traitement endodontique

de la 27 a été indiqué à la suite
d’un diagnostic de nécrose pulpaire.
b. Au cours de la mise en forme,
un fragment d’instrument S2 (Protaper,
Dentsply Maillefer) a été fracturé
dans le canal mésio-vestibulaire. À l’issue
de la séance, la patiente est informée
de la fracture instrumentale et référée
à un praticien spécialisé en endodontie.
c. La fracture de l’instrument dans la zone
de courbure ne permet pas le retrait 6a b
de celui-ci. Il est cependant possible
de réaliser un contournement avec
une lime K de petit diamètre (08).
d. Les canaux ont été mis en forme
et obturés, le fragment d’instrument
est noyé dans le matériau d’obturation.
Le pronostic favorable du traitement
entrepris, du fait de la possibilité
de mener à bien la désinfection
canalaire, est communiqué à la patiente.
Celle-ci est cependant informée
de la nécessité de surveiller l’évolution
clinique et radiographique et de la possibilité c d
d’un échec thérapeutique.

vaise communication entre le praticien et son patient qui
met à mal la relation de confiance [3].
Préalablement au TE, il faudra évoquer avec le patient
plusieurs points :
- le diagnostic établi et le traitement envisagé ;
- la présence d’éventuels obstacles ou difficultés antici-
pées au vu de l’examen clinique et radiologique préalable
(canaux calcifiés, courbures, obstacles intracanalaires) ;
- l’absence de garantie de résultat du fait des taux de suc-
cès variables des TE [4] ;
- le fait qu’une fracture d’instrument intracanalaire est
un risque du TE tout comme le dépassement de maté-
riaux d’obturation [30].
En cas de survenue d’un événement indésirable de type
fracture instrumentale ou dépassement, la communica-
tion à l’issue du geste doit porter sur :
- les conséquences possibles de cet événement en termes
de symptomatologie, d’influence sur le taux de succès
normalement attendu en fonction de la situation clinique
initiale, et de complications locales et/ou générales [30] ;
- les suites thérapeutiques à envisager ;
- les alternatives thérapeutiques en cas d’échec du TE.
Les fractures instrumentales doivent légalement faire
l’objet d’une déclaration systématique au patient, de
même que la découverte d’un instrument fracturé sur
une radiographie de contrôle d’un traitement existant
[7] (fig. 5). Le patient devra être informé de la présence
d’un dépassement de matériau d’obturation si la quan-
tité de matériau ayant fusé, le type et/ou la localisation
du dépassement peut laisser craindre des complications.
Un patient montrant des symptômes de paresthésie ou
de douleur rémanente en rapport avec un dépassement
doit immédiatement être adressé vers un service de
chirurgie orale.
Les informations fournies devront être adaptées au cas
par cas, le but étant de fournir une information loyale,
mais qui ne soit pas de nature à inquiéter inutilement le
patient [30]. Il ne s’agit pas pour le praticien de se déres-
ponsabiliser, mais bien d’anticiper au mieux les consé-
quences possibles de l’accident. Si celui-ci peut ne pas
être considéré comme une négligence, le défaut d’infor-
mation en est une [3].
Le chirurgien-dentiste devra ensuite mettre en place un
suivi thérapeutique adapté, évaluer la nécessité de pra-
tiquer des examens complémentaires (cone beam) et ne
pas hésiter à référer le patient à un praticien plus com-
pétent si nécessaire (praticien spécialisé en endodontie
ou en chirurgie orale) [3, 26] (fig. 3a à c, fig. 6a à d). Le
défaut de suivi thérapeutique est une faute de nature à
engager la responsabilité du soignant.

L’INFORMATION DENTAIRE n° 38 - 9 novembre 2016 79

DOSSIER Éclairer le consentement
Prévention des accidents
peropératoires et bonnes
pratiques endodontiques
Le meilleur moyen d’éviter les litiges reste à ce jour la
prévention des accidents qui en sont à l’origine. Certaines
mesures simples peuvent limiter la fréquence des frac-
tures d’instruments intracanalaires ou les dépassements
de matériaux d’obturation et les échecs thérapeutiques
qui peuvent leur être associés. Un guide simplifié de
bonnes pratiques cliniques visant à limiter l’occurrence
de ces deux types d’accidents est proposé ci-dessous.
Analyse préopératoire rigoureuse de la situation
clinique
Les examens clinique et radiographique permettent la
pose d’un diagnostic, la détection d’éléments de nature à
compliquer le travail de désinfection canalaire et l’antici-
pation des facteurs de risque décrits précédemment.
Utilisation d’une digue dentaire
La principale cause des échecs endodontiques étant la
contamination canalaire, l’utilisation d’une digue den-
taire est un prérequis essentiel au TE. Elle permet de
répondre à des aspects éthiques et légaux de notre pro-
fession [31]. Inscrite dans les recommandations de bonne
pratique [4, 32], son absence pourra être considérée
comme un manquement au devoir de soins conformes
aux règles de l’art et retenue comme élément défavorable
à l’encontre du chirurgien-dentiste en cas de litige.
Importance de la cavité d’accès
La cavité d’accès doit être dynamique et peut être modi-
fiée à tout moment du traitement pour faciliter le travail
des instruments en supprimant les zones de contraintes
coronaires.
Respect des protocoles de désinfection canalaire
L’utilisation d’une solution désinfectante tout au long de
la préparation (NaClO) permet l’antisepsie [7], mais éga-
lement la lubrification instrumentale [33].
Respect des protocoles de mise en forme
Les principes élémentaires de mise en forme canalaire
doivent être suivis : respect de la trajectoire canalaire,
conicité continue, maintien du foramen apical en forme
et en position. Une détermination fiable de la longueur
de travail et une évaluation du diamètre apical initial
permettent d’éviter une surinstrumentation. Les loca-
80 L’INFORMATION DENTAIRE n° 38 - 9 novembre 2016
lisateurs d’apex électroniques ont fait la preuve de leur
efficacité et de leur fiabilité [34]. Quel que soit le sys-
tème de préparation canalaire choisi, le praticien devra
se conformer au protocole établi par le fabricant ainsi
qu’au nombre préconisé d’utilisations des instruments.
L’état des instruments de préparation canalaire doit être
vérifié avant chaque utilisation ainsi qu’au cours des
étapes de mise en forme. Le pré-élargissement cana-
laire permet de sécuriser la trajectoire des instruments
NiTi [35]. Il est très difficile de déterminer précisément
un nombre maximal d’utilisation par instrument [7] et
une réutilisation limitée a montré son efficacité sur la
prévention des fractures instrumentales [14]. En consé-
quence, nous suggérons que dans les situations cliniques
à risque majoré d’échec thérapeutique (infection cana-
laire potentielle ou avérée), il serait préférable d’utiliser
systématiquement des instruments neufs pour réduire
les risques de fracture instrumentale.
Respect des recommandations en matière d’ob-
turation canalaire [4]
Dans un souci d’étanchéité de l’obturation et afin de
limiter les phénomènes de dépassement de matériaux
dans le périapex, il est actuellement recommandé de
recourir à des méthodes d’obturation privilégiant l’utili-
sation d’un maximum de gutta-percha pour une quantité
minimale de ciment, sans injection de celui-ci au len-
tulo. Pour les techniques requérant l’usage d’un maître
cône, la résistance au retrait de ce dernier ainsi que la
prise d’une radiographie peropératoire objectivant son
bon positionnement dans le canal sont des conditions
indispensables à la poursuite de l’obturation.
Conclusion
S’il n’existe pas à ce jour d’obligation de résultat en endo-
dontie, le contrat de soin qui unit le chirurgien-dentiste
à son patient établit à l’égard de celui-ci une obliga-
tion de moyen. Se conformer aux recommandations de
bonne pratique en endodontie et anticiper les facteurs de
risque au cas par cas peut permettre de réduire la part de
la faute professionnelle dans les accidents au cours des
soins. L’information du patient est une obligation, elle
doit être envisagée comme partie intégrante du soin.
Les auteurs remercient le Docteur Alexandre Braticevic
pour sa gracieuse contribution à l’iconographie
de cet article.
 DOSSIER Éclairer le consentement
POINTS ESSENTIELS
• En endodontie, le chirurgien-dentiste est tenu
d’une obligation de moyens à l’égard
de son patient.
• Les dépassements de matériaux d’obturation
et les fractures instrumentales sont des événements
indésirables du traitement endodontique.
• Les conséquences de ces accidents sont variables
et multifactorielles ; ils peuvent être sans incidence
ou au contraire compromettre le pronostic
du traitement, voire occasionner des complications
locales et/ou générales.
• La délivrance au patient d’une information claire
et appropriée doit lui permettre d’être acteur
de sa santé. Cette information doit être donnée
en amont mais également en aval du traitement.
• L’identification des facteurs de risque et le respect
rigoureux des protocoles peuvent permettre
de limiter l’occurrence des fractures instrumentales
et dépassements de matériaux.
• Dans les situations cliniques à risque majoré
d’échec thérapeutique (infection canalaire
potentielle ou avérée), il serait préférable d’utiliser
systématiquement des instruments neufs pour
réduire les risques de fracture liés à la réutilisation
des instruments.
@
Evaluation réponses en ligne sur notre site
www.information-dentaire.fr
1. Les chirurgiens-dentistes sont soumis en endodontie
à une obligation de résultat Vrai/Faux
2. La fracture instrumentale au cours de la mise
en forme est directement responsable de l’échec
du traitement endodontique Vrai/Faux
3. Les instruments NiTi utilisés en rotation continue
ne présentent pas de majoration de la tendance
à la fracture comparativement à l’instrumentation
manuelle. Vrai/Faux
4. Les dépassements de ciment d’obturation
sont toujours bien tolérés par l’organisme Vrai/Faux
5. Le consentement éclairé en endodontie
est une nécessité Vrai/Faux
Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt
relatif au sujet abordé.
Correspondance : maud.guivarch@ap-hm.fr
82 L’INFORMATION DENTAIRE n° 38 - 9 novembre 2016
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Sélection bibliographique des auteurs
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