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Chapitre 55 - La lutte contre la pollution de

l'environnement
PRÉVENIR ET COMBATTRE LA POLLUTION DE
L’ENVIRONNEMENT
Jerry Spiegel et Lucien Y. Maystre

Au cours du XXe siècle, on a pris de plus en plus conscience de l’impact des


activités anthropiques sur l’environnement et la santé publique (étudié dans le
chapitre no 53, «Les risques pour la santé liés à l’environnement») et cette prise de
conscience a conduit à la mise au point et à l’application de méthodes et de
technologies visant à réduire les effets de la pollution. Dans ce contexte, les
gouvernements ont adopté des réglementations et d’autres mesures (examinées
dans le chapitre no 54, «La politique de l’environnement»), afin de réduire le plus
possible les effets défavorables et d’assurer le respect des normes de qualité de
l’environnement.

Le présent chapitre vise à donner un aperçu général des méthodes utilisées pour
prévenir et combattre la pollution. On y exposera les principes fondamentaux suivis
pour éliminer les conséquences préjudiciables à la qualité de l’eau, de l’air ou de la
terre; on verra comment la primauté est désormais accordée à la prévention et non
plus à la lutte et l’on examinera les limitations auxquelles on se heurte lorsqu’on
formule des solutions pour les divers milieux de l’environnement. Ainsi, pour
protéger l’air, il ne suffit pas d’éliminer les traces de métaux des gaz de cheminée
en se contentant de transférer ces contaminants aux sols par des méthodes
inappropriées de gestion des déchets solides. Il faut des solutions intégrées prenant
en compte les transferts de milieu à milieu.

Le principe de la maîtrise de la pollution

L’industrialisation rapide a eu sur l’environnement des conséquences qui ont été


illustrées par les innombrables cas où les ressources en sols, en air et en eau ont été
contaminées par des matières toxiques et d’autres polluants, mettant ainsi
gravement en danger la santé des êtres humains et la salubrité des écosystèmes.
Avec l’utilisation plus extensive et intensive des matières et de l’énergie, la qualité
des écosystèmes locaux, régionaux et mondiaux a été soumise à des pressions
cumulatives.

Avant que l’on ne fasse un effort concerté pour restreindre l’impact de la pollution,
la gestion de l’environnement n’allait guère au-delà d’une politique de laisser-faire
tempérée par l’élimination des déchets pour éviter des nuisances locales graves
considérées dans une optique à court terme. La nécessité de mesures correctrices
était admise à titre exceptionnel lorsque les dommages étaient jugés inacceptables.
A mesure que l’activité industrielle s’intensifiait et que l’on comprenait mieux les
effets cumulatifs, le principe de lutte contre la pollution s’est imposé avec force
dans la gestion de l’environnement.

Deux concepts ont servi de fondement à cette approche:

• le concept de la capacité d’assimilation , lequel affirme l’existence d’un


niveau déterminé d’émissions qui n’entraîne pas de conséquences
inacceptables pour l’équilibre de l’environnement ou pour la santé humaine;
• le concept du principe de la prévention , lequel postule que les dommages
causés à l’environnement peuvent être évités si l’on agit sur les modalités, le
rythme et le taux de pénétration des polluants.

Dans le cadre de la lutte contre la pollution, on a surtout cherché à isoler les


contaminants de l’environnement et à utiliser des filtres et dispositifs d’épuration
en fin de cycle. Ces solutions ont généralement mis l’accent sur des objectifs de
qualité ou des limites d’émission propres aux divers milieux environnementaux et
elles ont visé principalement les effluents provenant de sources ponctuelles qui
étaient déversés dans ces milieux (air, eau, sols).

La mise en œuvre des techniques de lutte contre la pollution

L’application des méthodes de lutte contre la pollution s’est révélée très efficace
dans la maîtrise des problèmes — en particulier ceux de caractère local. Elle repose
sur une analyse systématique de la source et de la nature de l’émission ou du rejet
en question, de son interaction avec l’écosystème et du problème de pollution
ambiante à résoudre, ainsi que sur la mise au point de techniques appropriées pour
atténuer et surveiller les impacts sur l’environnement.

Dans leur article sur la lutte contre la pollution de l’air, Dietrich Schwela et
Berenice Goelzer expliquent combien il est important de concevoir l’évaluation et
la maîtrise des sources ponctuelles et non ponctuelles de cette pollution dans une
perspective globale, et montrent les implications de cette démarche. Ils exposent
également les problèmes — et les possibilités d’action — des pays qui connaissent
une industrialisation rapide sans que leur développement antérieur ait été
accompagné de solides mesures antipollution.

Marion Wichmann-Fiebig décrit les méthodes utilisées pour modéliser la dispersion


des polluants atmosphériques en vue de définir et de caractériser la nature des
problèmes de pollution. C’est sur cette base qu’il faut concevoir les mesures à
mettre en place et évaluer leur efficacité. Grâce à une meilleure compréhension des
effets potentiels, on peut maintenant dépasser le cadre local et estimer ces effets à
l’échelle régionale et même mondiale.
Hans-Ulrich Pfeffer et Peter Bruckmann donnent un aperçu de l’équipement et des
méthodes utilisés pour surveiller la qualité de l’air afin de pouvoir évaluer les
problèmes potentiels de pollution, ainsi que l’efficacité des mesures de prévention
et de lutte.

John Elias présente une vue d’ensemble des types de mesures antipollution que l’on
peut appliquer et des questions qu’il faut aborder pour choisir les formules
adéquates de la gestion de la lutte contre la pollution atmosphérique.

Le défi soulevé par la lutte contre la pollution de l’eau est traité par Herbert Preul
dans un article qui montre le processus par lequel les eaux naturelles du globe
peuvent être polluées par des sources ponctuelles, non ponctuelles ou intermittentes
et les fondements de la réglementation en la matière, ainsi que les différents critères
à appliquer pour définir les programmes de lutte. Cet auteur explique comment les
effluents pénètrent dans les masses d’eau et peuvent être analysés et évalués en vue
d’apprécier et de gérer les risques. Enfin, il donne un aperçu des techniques
employées pour appliquer à grande échelle le traitement des eaux usées et la lutte
contre la pollution de l’eau.

Pour finir, une étude de cas offre un exemple éloquent de la façon dont les eaux
usées peuvent être réutilisées, question d’une grande importance dans la recherche
d’un emploi efficace des ressources de l’environnement, spécialement lorsqu’elles
sont rares. Alexander Donagi expose la méthode suivie pour traiter les eaux usées
municipales d’une population de 1,5 million d’habitants en Israël et pour recharger
la nappe souterraine.

La gestion globale des déchets

Dans l’optique de la lutte contre la pollution, les déchets sont considérés comme un
sous-produit indésirable du processus de production qu’il faut limiter pour éviter de
contaminer les ressources en sols, en eau et en air au-delà du niveau jugé
acceptable. Lucien Maystre donne un aperçu des problèmes à résoudre dans la
gestion des déchets, ce qui permet de comprendre l’importance croissante de la
prévention de la pollution et du recyclage.

Comme il est largement attesté que la mise en décharge sauvage des déchets donne
lieu à une grave contamination, les gouvernements ont fixé des normes pour les
pratiques acceptables de collecte, de traitement et d’élimination, afin d’assurer la
protection de l’environnement. Ils ont accordé une attention particulière aux
critères d’élimination sans danger pour l’environnement par l’utilisation de
décharges contrôlées, de l’incinération et du traitement des déchets dangereux.

Pour éviter les contraintes que l’élimination des déchets pourrait faire peser sur
l’environnement et les coûts qu’elle entraîne et pour encourager une gestion plus
avisée des ressources peu abondantes, on fait une place croissante à la réduction de
la production des déchets et à leur recyclage. Niels Hahn et Poul Lauridsen
décrivent succinctement les problèmes qui se posent lorsqu’on donne la préférence
au recyclage comme stratégie de gestion des déchets et ils examinent les
conséquences que cette solution pourrait avoir sur le plan de l’exposition des
travailleurs.

La priorité à la prévention

En réduisant la pollution en fin de cycle, on risque de la transférer d’un milieu à un


autre, où elle pourrait créer des problèmes environnementaux tout aussi graves, ou
même finir par être une source indirecte de pollution du même milieu. Sans être
aussi onéreuse qu’une mesure correctrice, la réduction en fin de cycle peut
augmenter sensiblement le coût des procédés de production sans ajouter de valeur.
Cette démarche est d’ailleurs caractéristique des régimes de réglementation qui
entraînent d’autres séries de dépenses dans la mesure où il faut assurer le respect
des mesures adoptées.

Si la formule de la lutte contre la pollution a donné d’excellents résultats en


remédiant à court terme aux phénomènes locaux, elle a moins bien réussi à
résoudre les problèmes cumulatifs que l’on découvre de plus en plus au niveau
régional (comme les pluies acides) ou mondial (comme l’appauvrissement de la
couche d’ozone).

Un plan de lutte contre la pollution de l’environnement à visée sanitaire cherche à


améliorer la qualité de la vie en ramenant les dégradations au niveau le plus faible
possible. Les programmes et politiques de lutte, dont les implications et les
priorités varient d’un pays à l’autre, englobent tous les aspects de la pollution (air,
eaux, sols, etc.) et supposent une coordination entre divers domaines comme le
développement industriel, l’urbanisme, la mise en valeur des ressources en eau et la
politique des transports.

Thomas Tseng, Victor Shantora et Ian Smith prennent comme exemple une étude
de l’impact multimilieux exercé par la pollution sur un écosystème vulnérable
soumis à de nombreuses agressions — les Grands Lacs d’Amérique du Nord. Ils
examinent en particulier l’efficacité limitée du modèle de lutte contre la pollution
dans le cas des substances toxiques rémanentes qui se dispersent dans
l’environnement. En mettant l’accent sur la solution adoptée dans un pays et ses
conséquences pour l’action internationale, cette étude montre la portée des mesures
qui s’attachent à la prévention aussi bien qu’à la lutte contre la pollution.

Comme les techniques de lutte sont devenues plus complexes et plus coûteuses, on
s’est intéressé davantage aux moyens d’incorporer la prévention à la conception des
procédés industriels, en vue d’éliminer les effets nocifs sur l’environnement tout en
améliorant la compétitivité des entreprises. La prévention de la pollution, les
techniques propres et la réduction de l’utilisation des substances toxiques ont
notamment pour avantage d’offrir la possibilité de supprimer l’exposition des
travailleurs aux risques qui pèsent sur leur santé.

David Bennett expose les raisons pour lesquelles on privilégie de plus en plus la
prévention et comment elle se rattache aux autres méthodes de gestion de
l’environnement. Cette approche joue un rôle capital dans l’instauration d’un
développement durable, objectif dont l’importance a été largement reconnue depuis
la parution du rapport de la Commission des Nations Unies sur l’environnement et
le développement en 1987 et confirmée à la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement (CNUED) tenue à Rio de Janeiro en 1992.

La démarche de prévention met directement l’accent sur l’emploi de procédés,


méthodes, matières et énergies qui évitent ou réduisent au minimum la création de
polluants et de déchets à la source au lieu de préconiser des mesures qui
interviennent en aval. Si la détermination des entreprises joue un rôle capital dans
la décision de prévenir la pollution (voir l’article de Bringer et Zosel dans le
chapitre no 54, «La politique de l’environnement»), Bennett souligne les avantages
que présente pour la société la réduction des risques auxquels sont exposés les
écosystèmes et la santé des humains, celle des travailleurs en particulier. Il indique
les principes qui peuvent servir de base pour évaluer les possibilités d’application
de cette formule.

LA GESTION DE LA POLLUTION DE L’AIR


Dietrich Schwela et Berenice Goelzer

La gestion de la pollution de l’air vise à éliminer, ou à ramener à des niveaux


acceptables, les polluants gazeux en suspension dans l’air, les particules en
suspension ainsi que les agents physiques et, dans une certaine mesure,
biologiques, dont la présence dans l’atmosphère peut avoir des effets nocifs sur la
santé de l’humain (augmentation de l’incidence ou de la prévalence des troubles
respiratoires, morbidité, cancer, surmortalité) ou sur son bien-être (effets sensoriels,
réduction de la visibilité, par exemple), exercer une action délétère sur les animaux
ou les végétaux et, enfin, causer des dommages aux matières qui présentent un
intérêt économique pour la société et à l’environnement (modifications du climat,
par exemple). Il faut aussi accorder une grande attention aux graves dangers liés
aux polluants radioactifs ainsi qu’aux procédures spéciales qu’exigent leur maîtrise
et leur élimination.

On ne saurait trop insister sur l’importance d’une bonne gestion de la pollution


atmosphérique à l’extérieur et à l’intérieur des bâtiments. En l’absence de mesures
de réglementation adéquates, la multiplication des sources de pollution dans le
monde moderne peut conduire à des dommages irréparables pour l’environnement
et l’humanité.
Le présent article vise à donner un aperçu des solutions possibles pour la gestion de
la pollution de l’air ambiant causée par les véhicules à moteur et l’industrie. Il faut
cependant faire remarquer d’emblée que la pollution de l’air à l’intérieur des
bâtiments (en particulier dans les pays en développement) pourrait avoir un rôle
encore plus important que celle de l’extérieur, car on a constaté que les
concentrations de polluants étaient souvent nettement plus élevées au-dedans
qu’au-dehors.

Outre les émissions provenant de sources fixes ou mobiles, la gestion de la


pollution atmosphérique doit prendre en compte des facteurs additionnels (comme
la topographie et la météorologie, ou la participation de la communauté et du
gouvernement, parmi beaucoup d’autres), qui doivent tous être intégrés dans un
programme global. Les conditions météorologiques, par exemple, peuvent influer
dans une large mesure sur les concentrations au niveau du sol provenant d’une
même émission de polluants. Les sources de pollution atmosphérique peuvent être
dispersées au-dessus d’une communauté ou d’une région et leurs effets peuvent
concerner plusieurs administrations ou nécessiter leur coopération. Qui plus est, la
pollution atmosphérique ignore les frontières: les émissions d’une région peuvent
avoir un impact dans une autre, puisqu’elles sont transportées à longue distance.

La gestion de la pollution atmosphérique exige donc une approche


multidisciplinaire ainsi que des efforts conjugués des organes privés et publics.

Les sources de la pollution atmosphérique

Les sources de la pollution résultant des activités humaines (ou sources des
émissions) sont fondamentalement de deux ordres:

• sources stationnaires , qui peuvent être divisées en sources sectorielles


(comme la production agricole, les industries extractives et l’industrie), en
sources ponctuelles et sectorielles (comme la fabrication de produits
chimiques, de produits minéraux non métalliques, la grosse métallurgie et la
production d’énergie) et, enfin, en sources des collectivités (chauffage des
habitations et bâtiments, incinérateurs des déchets municipaux et des boues
d’épuration, cheminées, cuisinières, services de blanchisserie et installations
de teinturerie);
• sources mobiles , comprenant tous types de véhicules à moteur à combustion
interne (voitures légères à moteur à essence, véhicules légers et lourds à
moteur diesel, motocyclettes, aéronefs, y compris les sources linéaires avec
émissions de gaz et de matières particulaires provenant de la circulation
automobile).

Il faut aussi tenir compte des sources naturelles de pollution (par exemple, les
régions érodées, les volcans, certaines plantes qui libèrent de grandes quantités de
pollen, les sources de bactéries, de spores et de virus). Les sources naturelles ne
seront pas examinées dans le présent article.

Les types de polluants atmosphériques

On distingue généralement trois catégories de polluants atmosphériques: les


particules en suspension (poussières, vapeurs, brouillards, fumées), les polluants
gazeux (gaz et vapeurs) et les odeurs. On trouvera ci-après quelques exemples de
polluants courants:

Les particules en suspension (Suspended Particules Matters (SPM, PM-10)


comprennent les gaz d’échappement des diesels, les cendres volantes du charbon,
les poussières minérales (charbon, amiante, calcaire, ciment, par exemple), les
poussières et vapeurs (zinc, cuivre, fer, plomb, par exemple) et les brouillards
acides (acide sulfurique, par exemple), les fluorures, les pigments pour peintures,
les aérosols de pesticides, le noir de carbone et les fumées d’hydrocarbures. Les
polluants sous forme de particules en suspension ont non seulement pour effet de
causer des affections respiratoires, des cancers et de la corrosion, de détruire la
flore, etc., mais ils peuvent aussi constituer une nuisance (encrassement, par
exemple), faire obstacle à la lumière du soleil (formation de smog et de brumes par
la diffusion de la lumière, par exemple) et agir comme surfaces catalytiques pour la
réaction des substances chimiques absorbées.

Les polluants gazeux comprennent les composés du soufre (dioxyde de soufre


(SO2) et trioxyde de soufre (SO3)), le monoxyde de carbone, les composés de
l’azote (monoxyde d’azote (NO), dioxyde d’azote (NO2), ammoniac (NH3)), les
composés organiques (hydrocarbures (HC), composés organiques volatils (COV),
hydrocarbures polycycliques aromatiques (HPA), aldéhydes), les composés
halogénés et les dérivés halogénés (HF et HCl), le sulfure d’hydrogène, le sulfure
de carbone et les mercaptants (odeurs).

Les polluants secondaires peuvent se former sous l’effet de réactions thermiques,


chimiques ou photochimiques. Ainsi, sous l’action thermique, le dioxyde de soufre
peut s’oxyder en trioxyde de soufre qui, dissous dans l’eau, donne lieu à la
formation de brouillards d’acide sulfurique (catalysés par les oxydes de manganèse
et de fer). Les réactions photochimiques entre les oxydes d’azote et les
hydrocarbures réactifs peuvent produire de l’ozone (O3), du formaldéhyde et du
nitrate de peroxyacétyle (PAN); les réactions entre HCl et le formaldéhyde peuvent
former de l’oxyde de bis(chlorométhyle).

Si l’on sait que certaines odeurs peuvent être causées par des agents chimiques
déterminés, comme le sulfure d’hydrogène (H2S), le sulfure de carbone (CS2) et les
mercaptants (R-SH ou R1-S-R2), d’autres sont difficiles à définir chimiquement.
On trouvera au tableau 55.1 des exemples des principaux polluants atmosphériques
industriels et de leurs sources.

Tableau 55.1 Polluants atmosphériques courants et leurs sources

Catégorie Source Polluants émis


Agriculture Combustion à ciel ouvert SPM, CO, COV
Industries extractives Extraction du charbon SPM, SO2, NOx, COV
Production de pétrole brut et de gaz SO2
naturel
Extraction de minerais non ferreux SPM, Pb
Carrières de pierres SPM
Industries Alimentation, boissons et tabacs SPM, CO, COV, H2S
manufacturières Textiles et industries du cuir SPM, COV
Produits du bois SPM, COV
Produits du papier, imprimerie SPM, SO2, CO, COV, H2S, R-SH
Fabrication de produits Anhydride phtalique SPM, SO2, CO, COV
chimiques Chlore et soude Cl2
Acide chlorhydrique HCl
Acide fluorhydrique HF, SiF4
Acide sulfurique SO2, SO3
Acide nitrique Nox
Acide phosphorique SPM, F2
Oxyde de plomb et pigments SPM, Pb
Ammoniac SPM, SO2, NOx, CO, COV, NH3
Carbonate de sodium SPM, NH3
Carbure de calcium SPM
Acide adipique SPM, NOx, CO, COV
Alkylplomb Pb
Anhydride maléique et acide CO, COV
téréphtalique
Production d’engrais et de pesticides SPM, NH3
Nitrate d’ammonium SPM, NH3, HNO3
Sulfate d’ammonium COV
Résines synthétiques, matières SPM, COV, H2S, CS2
plastiques, fibres
Peintures, vernis, laques SPM, COV
Savon SPM
Noir de carbone et encre SPM, SO2, NOx, CO, COV, H2S
d’imprimerie
Trinitrotoluène SPM, SO2, NOx, SO3, HNO3
Raffineries de pétrole Divers produits du pétrole et du SPM, SO2, NOx, CO, COV
charbon
Produits du verre SPM, SO2, NOx, CO, COV, F
Fabrication de produits Produits en argile de construction SPM, SO2, NOx, CO, COV, F2
minéraux non Ciment, chaux et plâtre SPM, SO2, NOx, CO
métalliques
Industries des métaux Fer et acier SPM, SO2, NOx, CO, COV, Pb
de base Métaux non ferreux SPM, SO2, F, Pb
Production d’énergie Electricité, gaz et vapeur SPM, SO2, NOx, CO, COV, SO3,
Pb
Commerce de gros et de Stockage du carburant, opérations de COV
détail remplissage
Transports SPM, SO2, NOx, CO, COV, Pb
Services collectifs Incinérateurs municipaux SPM, SO2, NOx, CO, COV, Pb

Source: Economopoulos, 1993.

Les plans de préservation de la pureté de l’air

La gestion de la qualité de l’air vise à préserver la qualité de l’environnement par la


définition du degré de pollution toléré, en laissant aux pouvoirs locaux et aux
pollueurs le soin de formuler et d’appliquer les mesures nécessaires pour que ce
degré ne soit pas dépassé. On trouve un exemple de législation conforme à cette
optique dans l’adoption de normes de qualité de l’air ambiant qui reposent très
souvent sur les directives (OMS, 1987a) concernant différents polluants; celles-ci
définissent des niveaux maximaux acceptés de polluants (ou indicateurs) dans la
zone cible (par exemple, au niveau du sol à un point déterminé dans une
collectivité) et elles peuvent être des normes primaires ou secondaires. Les normes
primaires (OMS, 1987b) représentent les niveaux maximaux compatibles avec une
marge de sécurité suffisante et avec la préservation de la santé publique, et il faut
s’y conformer dans un délai déterminé; les normes secondaires sont celles que l’on
juge nécessaires pour assurer la protection contre des effets nocifs connus ou
attendus autres que des risques d’atteinte à la santé (principalement sur la
végétation); et il faut s’y conformer «dans un délai raisonnable». Les normes de
qualité de l’air sont des valeurs à court, moyen ou long terme valables pour 24
heures par jour, 7 jours par semaine et pour l’exposition mensuelle, saisonnière ou
annuelle de tous les êtres vivants (y compris les sous-groupes sensibles comme les
enfants, les personnes âgées et les malades), ainsi que pour des objets non vivants.
Elles se distinguent des normes maximales autorisées pour l’exposition au travail,
qui s’appliquent à une exposition hebdomadaire partielle (par exemple, 8 heures par
jour, 5 jours par semaine) de travailleurs adultes et théoriquement en bonne santé.

Dans la gestion de la qualité de l’air, on recourt généralement à des mesures de


limitation à la source telles que l’obligation d’utiliser des convertisseurs
catalytiques dans les véhicules ou de respecter des normes d’émission dans les
incinérateurs, les actions d’aménagement du territoire et la fermeture des usines ou
la réduction du trafic lorsque les conditions météorologiques sont défavorables. La
meilleure méthode de gestion insiste sur la nécessité que les émissions de polluants
atmosphériques soient maintenues à un minimum, défini essentiellement par des
normes relatives aux diverses sources de pollution atmosphérique, qui pourrait être
atteint dans le cas des sources industrielles, par exemple, à l’aide de systèmes en
circuit fermé et de collecteurs extrêmement efficaces. Une norme d’émission est
une limite imposée à la quantité ou à la concentration d’un polluant émis par une
source. Ce type de législation suppose que l’on décide pour chaque industrie des
meilleurs moyens de limiter ses émissions (par exemple, en fixant des normes).

La gestion de la pollution atmosphérique vise principalement à établir un plan de


préservation de la qualité de l’air (ou plan de réduction de la pollution
atmosphérique) (Schwela et Köth-Jahr, 1994) comportant les éléments suivants:

• description de la zone en termes de topographie, de météorologie et de


conditions socio-économiques;
• inventaire des émissions;
• comparaison avec les normes d’émission;
• inventaire des concentrations de polluants atmosphériques dans l’air;
• concentrations simulées de polluants atmosphériques dans l’air;
• comparaison avec les normes de qualité de l’air;
• inventaire des effets sur la santé publique et l’environnement;
• analyse des causes;
• mesures antipollution;
• coût des mesures antipollution;
• coût des effets sur la santé publique et l’environnement;
• analyse coûts-avantages (coûts des mesures de lutte comparés aux coûts des
effets);
• transports et aménagement du territoire;
• plan d’application; engagement des ressources;
• projections concernant l’évolution de la population, du trafic, des industries
et de la consommation de combustible;
• stratégies de suivi.

Certains de ces problèmes sont examinés ci-après.

L’inventaire des émissions; la comparaison avec les normes d’émission

L’inventaire des émissions est une liste très complète des sources dans une zone
donnée et des émissions de chacune d’elles, estimées avec autant de précision que
possible pour toutes les sources ponctuelles, linéaires et dispersées (diffuses). En
comparant ces émissions aux normes fixées pour une source donnée, on obtient une
première idée des mesures antipollution possibles dans le cas où ces normes ne sont
pas respectées. L’inventaire permet aussi de dresser une liste prioritaire des sources
importantes en fonction de la quantité de polluants émise et il indique l’influence
relative des différentes sources, par exemple le trafic par rapport aux sources
industrielles ou résidentielles. Il sert enfin à faire une estimation des concentrations
de polluants atmosphériques dans le cas des polluants pour lesquels il est difficile
ou trop onéreux de mesurer les concentrations ambiantes.

L’inventaire des concentrations de polluants atmosphériques; la comparaison


avec les normes de qualité de l’air

L’inventaire des concentrations de polluants atmosphériques intègre les résultats de


la surveillance des polluants de l’air ambiant sous forme de moyennes annuelles, de
percentiles et de tendances de ces quantités. Les composés mesurés pour un tel
inventaire sont:

• dioxyde de soufre;
• oxydes d’azote;
• particules en suspension;
• monoxyde de carbone;
• ozone;
• métaux lourds (Pb, Cd, Ni, Cu, Fe, As, Be);
• hydrocarbures polycycliques aromatiques: benzo[a]pyrène, benzo[e]pyrène,
benzo[a]anthracène, dibenzo[a,h]anthracène, benzo[ghi]pérylène, coronène;
• composés organiques volatils: n-hexane, benzène, 3-méthylhexane, n-
heptane, toluène, octane, éthylbenzène, xylène (o-, m-, p-), n-nonane,
isopropylbenzène, propylbenzène, n-2-/3-/4-éthyltoluène, 1,2,4-/1,3,5-
triméthylbenzène, trichlorométhane, 1,1,1-trichloroéthane,
tétrachlorométhane, trichloroéthylène, tétrachloroéthylène.

La comparaison des concentrations de polluants atmosphériques avec les normes


ou directives de qualité de l’air, si elles existent, indique les secteurs à problèmes
pour lesquels il faut procéder à une analyse des causes, afin de repérer les sources
incriminées. Pour cette analyse des causes, il faut modéliser la dispersion (voir
l’article «La pollution de l’air: la modélisation de la dispersion des polluants de
l’air»). On trouvera dans l’article «La surveillance de la qualité de l’air» une
description des moyens et procédures utilisés de nos jours pour surveiller la
pollution atmosphérique ambiante.

Les concentrations simulées de polluants atmosphériques; la comparaison


avec les normes de qualité de l’air

En se fondant sur l’inventaire des émissions, dont les milliers de composés ne


sauraient tous être surveillés dans l’air ambiant pour des raisons financières, on
peut recourir à la modélisation de la dispersion pour estimer les concentrations des
composés les plus «exotiques». En se servant de paramètres météorologiques
appropriés dans un modèle de dispersion bien choisi, on peut estimer les moyennes
et percentiles annuels et les comparer aux normes ou directives de qualité de l’air,
s’il en existe.
L’inventaire des effets sur la santé publique et l’environnement; l’analyse des
causes

Une autre source importante d’information est l’inventaire des effets (Ministerium
für Umwelt, Raumordnung und Landwirtschaft des Landes Nordrhein-Westfalen,
1993) qui regroupe les résultats des études épidémiologiques réalisées dans une
zone donnée et les effets de la pollution de l’air observés sur les récepteurs
biologiques et matériels, par exemple les plantes, les animaux, les métaux utilisés
dans la construction et les pierres des bâtiments. Les effets observés attribués à la
pollution atmosphérique doivent faire l’objet d’une analyse causale pour rechercher
le constituant responsable d’un effet donné — par exemple, une prévalence accrue
de la bronchite chronique dans une zone polluée. Si un ou plusieurs composés ont
été repérés dans une analyse des causes (analyse composé-cause), il faut en faire
une deuxième pour trouver les sources responsables (analyse source-cause).

Les mesures antipollution; leur coût

Pour les installations industrielles, les mesures antipollution consistent en


dispositifs d’épuration de l’air qui soient bien conçus, bien installés, qui
fonctionnent efficacement et qui soient bien entretenus; ce sont les collecteurs ou
séparateurs. On peut définir un séparateur ou un collecteur comme «un appareil
servant à séparer un ou plusieurs des éléments d’un milieu gazeux dans lequel ils
sont en suspension ou avec lequel ils sont mélangés: particules solides (filtre et
séparateur de poussières), particules liquides (filtre et séparateur de gouttelettes) et
gaz (purificateur de gaz)». Les principaux types de matériels antipollution
(examinés ci-après dans l’article «La lutte contre la pollution atmosphérique») sont:

• pour les particules: séparateurs inertiels (cyclones, par exemple), filtres en


tissu (installations de filtres à sacs), précipitateurs électrostatiques,
dépoussiéreurs par voie humide;
• pour les polluants gazeux: dépoussiéreurs par voie humide, équipements
d’adsorption (lits d’adsorption, par exemple), brûleurs de postcombustion
pouvant être allumés directement (incinération thermique) ou par catalyse
(combustion catalytique).

Les dépoussiéreurs par voie humide peuvent servir à recueillir en même temps les
polluants gazeux et les particules. Par ailleurs, certains types de dispositifs à
combustion peuvent brûler les gaz et vapeurs combustibles aussi bien que certains
aérosols combustibles. Selon le type d’effluent, on peut utiliser un ou plusieurs
types de séparateurs.

La lutte contre les odeurs qui peuvent être identifiées chimiquement repose sur la
maîtrise de l’agent ou des agents chimiques dont elles émanent (par exemple, par
absorption ou par incinération). Lorsqu’une odeur n’est pas définie chimiquement
ou que l’agent l’émet à des niveaux extrêmement faibles, on peut recourir à
d’autres techniques, notamment pour la masquer (par un agent plus fort, mieux
accepté et inoffensif) ou pour la contrecarrer (par un additif qui contrarie ou
neutralise partiellement l’odeur désagréable).

Il ne faut pas oublier qu’il est indispensable de bien utiliser et entretenir les
séparateurs pour en obtenir l’efficacité attendue. Il faut s’en assurer au stade de la
planification, sur le plan du savoir-faire comme sur celui du financement. Il ne faut
pas négliger les besoins en énergie. Lors du choix d’un dispositif d’épuration de
l’air, il faut prendre en considération non seulement son coût initial, mais aussi les
frais de fonctionnement et d’entretien. Lorsqu’il s’agit de polluants très toxiques, il
faut veiller à obtenir une grande efficacité et à adopter des procédures spéciales
pour l’entretien et l’élimination des déchets.

Dans les installations industrielles, les mesures antipollution fondamentales sont:

Remplacement d’une matière par une autre . Exemples: remplacer les solvants très
toxiques employés dans certains procédés industriels par des produits moins
toxiques; utiliser des combustibles à teneur plus faible en soufre (charbon lavé, par
exemple) qui produisent donc moins de composés du soufre, etc.

Modification ou remplacement du procédé ou de l’équipement . Exemples: dans


l’industrie sidérurgique, remplacer le minerai brut par du minerai en boulettes
agglomérées (pour réduire la poussière libérée lors de la manutention); se servir de
systèmes en circuit fermé plutôt qu’en circuit ouvert; remplacer les systèmes de
chauffage au combustible par des techniques faisant appel à la vapeur, l’eau chaude
ou l’électricité; utiliser des catalyseurs à la sortie des gaz d’échappement (procédés
de combustion), et ainsi de suite.

La modification des procédés et de l’aménagement de l’usine peut aussi faciliter ou


améliorer les conditions de dispersion et de captage des polluants. Ainsi, une
configuration différente de l’usine peut faciliter l’installation d’un système
d’échappement local; en abaissant le rendement d’un procédé, on pourra peut-être
utiliser un certain collecteur (avec des limitations de volume, mais des résultats
satisfaisants par ailleurs). Les modifications du procédé qui agissent sur différentes
sources d’effluents dépendent étroitement du volume traité, et l’efficacité de
certains dispositifs d’épuration de l’air augmente avec la concentration des
polluants dans l’effluent. Le remplacement d’une matière par une autre et la
modification des procédés peuvent présenter des limitations techniques et
économiques qu’il faut prendre en considération.

Ordre, propreté et stockage approprié . Exemples: imposer une hygiène rigoureuse


dans le traitement des denrées alimentaires et des produits d’origine animale; éviter
de stocker à l’air libre les substances chimiques (tas de soufre, par exemple) ou les
poussières et matières particulaires (comme le sable) ou, à défaut, asperger d’eau
(si possible) les amas de particules volatiles ou appliquer un revêtement de surface
(agents mouillants, plastique, par exemple) aux tas de matières qui risquent de
libérer des polluants.

Elimination appropriée des déchets . Exemples: ne pas se contenter d’entasser les


déchets chimiques (comme ceux des réacteurs de polymérisation) ou de déverser
les matières polluantes (solides ou liquides) dans les cours d’eau. Cette dernière
pratique non seulement souille les eaux, mais peut aussi créer une source
secondaire de pollution atmosphérique, comme c’est le cas des déchets liquides
provenant des papeteries qui utilisent le procédé au bisulfite, lequel dégage des
polluants gazeux aux odeurs désagréables.

Entretien . Exemple: les moteurs à combustion interne qui sont bien entretenus et
bien réglés produisent moins de monoxyde de carbone et d’hydrocarbures.

Méthodes de travail . Exemple: tenir compte des conditions météorologiques, en


particulier des vents, lorsqu’on pulvérise des pesticides.

Comme pour les méthodes sur le lieu du travail, l’adoption de bonnes pratiques au
niveau de la collectivité peut contribuer à réduire la pollution de l’air, par exemple
en modifiant l’utilisation des véhicules automobiles (recours accru aux transports
en commun, aux voitures de petite cylindrée, etc.) et en agissant sur les installations
de chauffage (meilleure isolation des bâtiments qu’il faudra de ce fait moins
chauffer, meilleurs combustibles, etc.).

Pour lutter contre la pollution par les émissions des véhicules automobiles, on peut
adopter des programmes efficaces d’inspection et d’entretien obligatoires pour le
parc de voitures existant, imposer des convertisseurs catalytiques dans les nouvelles
voitures, remplacer résolument les automobiles utilisant des carburants par des
voitures fonctionnant à l’énergie solaire/électrique, réglementer la circulation
routière et se doter d’une bonne politique des transports et d’aménagement du
territoire.

On réduit la pollution causée par les véhicules à moteur en diminuant les émissions
par kilomètre parcouru par véhicule (km/v) et en abaissant le nombre de km/v
(Walsh, 1992). On peut réduire les émissions par km/v en améliorant la
performance du véhicule — matériel, entretien — pour les nouvelles voitures
comme pour celles en circulation. On peut agir sur la composition de l’essence au
plomb en diminuant la teneur en plomb ou en soufre, ce qui a également pour
avantage de réduire les émissions d’hydrocarbures (HC) provenant des véhicules.
Abaisser la teneur en soufre du carburant diesel pour réduire les émissions de
particules présente en outre l’avantage d’augmenter les possibilités de limitation
catalytique des émissions de particules diesel et d’HC organiques.

Un autre moyen important de réduire les émissions par évaporation, en particulier


lorsqu’on fait le plein, consiste à agir sur la volatilité de l’essence, ce qui permet
d’abaisser fortement les émissions d’HC par évaporation. L’emploi d’additifs
oxygénés dans l’essence réduit les émissions d’HC et de CO, pour autant que la
volatilité du carburant ne soit pas accrue.

Outre la réduction du nombre de km/v, on peut limiter les émissions des


automobiles en recourant aux stratégies suivantes:

• utiliser des modes de transport plus efficaces;


• augmenter le nombre moyen de passagers par voiture;
• étaler les pointes de trafic;
• réduire la demande de déplacements.

Bien que ces solutions conduisent à économiser le carburant, elles ne sont pas
encore acceptées par le grand public, et les gouvernements n’ont pas encore tenté
sérieusement de les appliquer.

Toutes ces solutions techniques et politiques au problème des automobiles,


exception faite de l’adoption des voitures électriques, sont de plus en plus
contrecarrées par l’augmentation du nombre de véhicules. Ce problème ne trouvera
une solution que si l’on s’attaque réellement à la question de l’extension du parc
automobile.

Le coût des effets sur la santé publique et l’environnement; l’analyse coûts-


avantages

L’estimation du coût des effets sur la santé publique et l’environnement est la partie
la plus difficile d’un plan de préservation de la qualité de l’air, étant donné qu’il est
très difficile d’évaluer le prix de la réduction de durée de la vie causée par les
maladies invalidantes, les taux d’hospitalisation et les heures de travail perdues.
Pourtant, il est absolument nécessaire de procéder à cette estimation et de la
comparer au coût des mesures antipollution si l’on veut le mettre en regard de ce
que coûterait l’inaction en termes d’effets sur la santé publique et l’environnement.

Les transports et l’aménagement du territoire

Le problème de la pollution est intimement lié à l’aménagement du territoire et aux


transports, notamment à des questions comme l’urbanisme, la conception des
routes, la réglementation de la circulation et des transports en commun, ainsi
qu’aux considérations démographiques, topographiques, économiques et sociales
(Venzia, 1977). En général, l’expansion rapide des agglomérations urbaines crée de
graves problèmes de pollution parce que les politiques d’aménagement du territoire
et des transports ont été peu satisfaisantes. Pour planifier les transports en vue de
lutter contre la pollution, il faut adopter une réglementation, définir une politique,
choisir les transports en commun urbains et prendre en compte le coût des
embouteillages sur les routes. Les mesures de réglementation des transports ont un
impact important sur le grand public en termes d’équité, d’interdictions et de
perturbations économiques et sociales — et, plus particulièrement, les dispositions
directes comme les contraintes relatives aux automobiles, les restrictions
concernant l’essence et la réduction des émissions de véhicules. On peut estimer de
manière fiable les réductions d’émissions imputables aux mesures directes et les
vérifier. Les mesures indirectes, comme la réduction du nombre de kilomètres
parcourus par véhicule obtenue grâce à l’amélioration des transports en commun
urbains, la réglementation visant à accroître la fluidité de la circulation, les
dispositions concernant les aires de stationnement, les péages et les taxes sur
l’essence, les autorisations d’utiliser la voiture et les incitations à accepter
librement des restrictions, reposent généralement sur l’expérience des succès et
échecs passés et comportent un grand nombre d’incertitudes si l’on cherche à
établir un plan viable des transports.

Les plans d’action nationaux prévoyant des mesures de réglementation indirectes


peuvent influer sur les transports et l’aménagement du territoire en ce qui concerne
les routes, les aires de stationnement et les centres commerciaux. La planification à
long terme du réseau des transports en commun et des zones qu’il dessert
empêchera une détérioration importante de la qualité de l’air et contribuera au
respect des normes en la matière. On considère généralement que les transports en
commun urbains constituent une solution potentielle aux problèmes de pollution de
l’air en milieu urbain. Le choix d’un système de transports en commun urbains
desservant une région donnée et les diverses formules de répartition modale entre la
circulation individuelle et l’autobus ou le chemin de fer modifieront en fin de
compte les caractéristiques de l’aménagement du territoire. Il existe une répartition
optimale qui réduit la pollution atmosphérique à un minimum; elle peut toutefois ne
pas se révéler acceptable lorsqu’on prend en considération les facteurs non
environnementaux.

On a dit de l’automobile qu’elle était le plus grand producteur d’effets


économiques externes que l’on ait jamais connu. Certains d’entre eux, comme la
création d’emplois et la mobilité, sont positifs, mais les effets négatifs, comme la
pollution atmosphérique, les accidents qui entraînent morts et blessures, les
dommages causés aux biens, le bruit, le temps perdu et le stress incitent à conclure
que les transports ne sont pas une industrie à coût décroissant dans les zones
urbaines. Le coût des embouteillages sur les routes est un autre effet économique
externe, mais il est difficile de déterminer le prix du temps perdu et des
encombrements. Or, on ne saurait obtenir une juste évaluation des différents modes
de transport en concurrence, notamment les transports en commun urbains, si le
coût des déplacements pour se rendre au travail n’inclut pas celui des
embouteillages.

L’aménagement du territoire en vue de la lutte antipollution englobe les règlements


de zone et les normes de performance, la réglementation de l’utilisation du domaine
foncier, ainsi que la politique en matière de logement et d’urbanisation. Le zonage
foncier a été la première tentative pour protéger la population, ses biens et ses
chances économiques. Toutefois, comme les polluants atmosphériques se
dispersent partout, il faut davantage qu’une séparation physique entre les industries
et les zones résidentielles pour protéger les personnes. On a donc introduit dans
certains règlements fonciers des normes de performance reposant initialement sur
des considérations esthétiques ou des décisions qualitatives en vue de quantifier les
critères qui doivent permettre de repérer les problèmes éventuels.

Pour planifier à long terme l’aménagement du territoire, il faut connaître les


limitations de l’environnement en termes de capacité d’assimilation. On peut alors
élaborer les mesures réglementant l’occupation foncière de façon à répartir
équitablement la capacité entre les activités que l’on désire implanter sur un
territoire donné. On peut avoir recours à des systèmes de permis pour les nouvelles
sources stationnaires, à un zonage qui distingue les zones industrielles et
résidentielles, à l’imposition de restrictions sous forme de servitudes ou d’achat de
terrains, à la réglementation des milieux récepteurs, au zonage en fonction de la
densité des émissions et aux règles d’attribution de droits d’émission.

Les politiques de logement qui visent à rendre la propriété accessible à un grand


nombre de personnes auxquelles elle resterait autrement interdite (mesures fiscales
d’encouragement et politique du crédit immobilier) favorisent l’étalement des villes
et découragent indirectement le développement d’un habitat plus dense. Or, on
constate de nos jours que ces politiques sont désastreuses pour l’environnement, car
elles n’ont pas été accompagnées de la mise en place de systèmes efficaces de
transport en commun pour répondre aux besoins de toutes les nouvelles zones
bâties. Cette constatation démontre qu’il convient de coordonner les programmes
qui ont un impact sur l’environnement et que la planification doit intervenir au
niveau où le problème se pose et sur une échelle suffisamment vaste pour englober
l’ensemble du système.

Pour protéger convenablement l’environnement à long terme, il faut examiner


l’aménagement du territoire aux niveaux national, régional et local. Les
programmes gouvernementaux commencent habituellement par le choix des sites
pour les centrales électriques, l’emplacement des industries extractives, le zonage
côtier et l’aménagement des espaces désertiques ou montagneux ou d’autres zones
récréatives. Etant donné que, par leur multiplicité, les autorités locales d’une région
ne sont pas en mesure de traiter correctement les problèmes environnementaux de
la région, ce sont les administrations ou organismes régionaux qui devraient
coordonner les schémas d’utilisation et de densité foncières en contrôlant la
répartition spatiale ainsi que l’emplacement et l’utilisation des nouvelles
constructions et des moyens de transport. L’aménagement du territoire et la
planification des transports doivent aller de pair avec le respect des règlements
visant à maintenir la qualité de l’air désirée. Dans l’idéal, la lutte contre la pollution
de l’air devrait être planifiée par le même organisme régional que celui qui gère
l’aménagement du territoire, étant donné le chevauchement des effets externes
associés à ces deux problématiques.

Le programme d’application; l’engagement des ressources

Le plan antipollution de l’air devrait toujours contenir un programme d’application


qui indique comment faire respecter les mesures prises. Pour ce faire, il faut aussi
engager des ressources qui, selon le principe du pollueur payeur, définiront ce que
le pollueur doit faire et comment l’administration l’aidera à remplir ses
engagements.

Les projections sur l’avenir

A titre de précaution, le plan antipollution devrait inclure des estimations des


tendances de l’évolution démographique, de la circulation, des industries et de la
consommation de combustible, pour que l’on puisse définir les parades aux
problèmes futurs. On évitera alors les perturbations en prenant les mesures voulues
longtemps avant l’apparition des problèmes entrevus.

Les stratégies de suivi

La stratégie de suivi pour la gestion de la qualité de l’air consiste en programmes et


mesures concernant l’application de futurs plans antipollution.

Le rôle des études d’impact sur l’environnement

L’étude d’impact sur l’environnement (EIE) est la procédure qui permet à


l’organisme responsable de fournir un exposé détaillé de l’effet d’une action
envisagée qui risque d’influer sensiblement sur la qualité de l’environnement
humain (Lee, 1993). L’EIE est un instrument de prévention visant à prendre
l’environnement humain en compte dès la première phase d’élaboration d’un
programme ou d’un projet.

Cette étude revêt une importance particulière pour les pays qui élaborent des projets
dans le cadre de la réorientation et de la restructuration de leur économie. Elle est
prévue par la loi dans un grand nombre de pays développés et est aujourd’hui
appliquée de plus en plus largement dans les pays en développement et les
économies en transition.

L’EIE constitue une synthèse en ce sens qu’elle intègre la planification et la gestion


globales de l’environnement en prenant en considération les interactions entre les
différents milieux environnementaux. D’autre part, elle incorpore au processus de
planification l’estimation des conséquences pour l’environnement et devient ainsi
un instrument du développement durable. Elle associe aussi les aspects techniques
et la participation des citoyens puisque, d’une part, elle collecte, analyse et exploite
les données scientifiques et techniques en prenant en considération les contrôles de
qualité et l’assurance qualité et que, d’autre part, elle souligne l’importance des
consultations, avant l’octroi de permis, entre les organismes responsables de
l’environnement et le public qui pourrait être touché par le projet. Le plan
antipollution de l’air peut être considéré comme un élément de la procédure EIE en
ce qui concerne l’air.

LA POLLUTION DE L’AIR: LA MODÉLISATION DE


LA DISPERSION DES POLLUANTS DE L’AIR
Par la modélisation de la pollution atmosphérique, on cherche à évaluer les
concentrations de polluants à l’extérieur causées, par exemple, par les procédés de
production industrielle, les rejets accidentels ou la circulation. La modélisation de
la pollution de l’air sert à déterminer la concentration totale des polluants et à
trouver la cause de niveaux anormalement élevés. Pour les projets qui en sont au
stade de la planification, on peut estimer d’avance les nuisances qu’ils ajouteront à
la charge existante afin de pouvoir optimiser les conditions d’émission.

Selon les normes de qualité de l’air définies pour un polluant donné, il est
intéressant de connaître les valeurs annuelles moyennes ou les concentrations de
pointe sur une courte période. D’ordinaire, il faut calculer les concentrations là où
la population est active, c’est-à-dire près de la surface, à 2 mètres environ au-dessus
du sol.

Les paramètres influant sur la dispersion des polluants

Deux types de paramètres influencent la dispersion des polluants: les paramètres de


la source et les paramètres météorologiques. Pour les paramètres de la source, les
concentrations sont proportionnelles à la quantité de polluants émis. Dans le cas des
poussières, il faut connaître le diamètre des particules pour déterminer la
sédimentation et le dépôt des matières (VDI, 1992a). Comme les concentrations au
niveau du sol diminuent avec la hauteur de la cheminée, il faut aussi connaître ce
paramètre. En outre, les concentrations dépendent de la quantité totale des gaz
dégagés, ainsi que de leur température et de leur vitesse. Si leur température excède
celle de l’air ambiant, les gaz seront soumis à une surélévation thermique. Leur
vitesse d’échappement, qui peut se calculer à partir du diamètre intérieur de la
cheminée et du débit des gaz, causera une surélévation liée à la quantité de
mouvement. On peut recourir à des formules empiriques pour décrire ces
caractéristiques (VDI, 1985; Venkatram et Wyngaard, 1988). Il convient de
souligner que ce n’est pas la masse du polluant considérée, mais celle de
l’ensemble des gaz qui est responsable de la flottabilité thermique et de la
flottabilité liée à la quantité de mouvement dynamique.

Les paramètres météorologiques qui influent sur la dispersion des polluants sont la
vitesse et la direction du vent, ainsi que la stratification thermique horizontale. La
concentration du polluant est fonction inverse de la vitesse du vent, ce qui
s’explique principalement par l’accélération du transport. En outre, le brassage
turbulent augmente avec la vitesse du vent. Etant donné que les inversions
(situations dans lesquelles la température augmente avec l’altitude) empêchent le
brassage turbulent, on observe des concentrations maximales au sol en cas de
stratification extrêmement stable. Inversement, les situations de convection
intensifient le brassage vertical et produisent par conséquent les concentrations les
plus faibles.

Les normes de qualité de l’air — par exemple, les valeurs moyennes annuelles ou
les 98e percentiles — reposent habituellement sur des statistiques. Il faut donc des
séries chronologiques de données pour les paramètres météorologiques pertinents.
L’idéal serait d’avoir des statistiques qui reposent sur 10 années d’observation. Si
l’on dispose seulement de données portant sur une période plus courte, il faudrait
s’assurer qu’elles soient représentatives pour une période plus longue. On peut le
faire notamment par l’analyse des séries chronologiques plus longues provenant
d’autres sites d’observation.

Il faut aussi que les séries météorologiques chronologiques dont on se sert soient
représentatives du site considéré, c’est-à-dire qu’elles traduisent les caractéristiques
locales. C’est particulièrement important pour les normes de qualité de l’air qui
reposent sur les fractions de crête de la distribution, comme les 98 e percentiles. Si
l’on ne dispose pas de séries chronologiques de ce genre, on peut utiliser un modèle
météorologique d’écoulement pour en calculer une à partir d’autres données,
comme on le verra plus loin.

Les principes de la modélisation de la pollution de l’air

Comme on l’a signalé plus haut, la dispersion des polluants dépend des conditions
d’émission, du transport et du brassage turbulent. On appelle modélisation de la
dispersion de type eulérien (Pielke, 1984) l’emploi de l’équation complète qui
décrit ces caractéristiques. Avec cette méthode, il faut déterminer les gains et pertes
du polluant considéré à chacun des points d’une grille spatiale fictive et à des
intervalles de temps distincts. Comme cette méthode est très complexe et exige
beaucoup de temps d’ordinateur, elle ne peut pas être utilisée de façon courante.
Toutefois, pour de nombreuses applications, on peut la simplifier à l’aide des
hypothèses suivantes:

• aucune modification des conditions d’émission avec le temps;


• aucune modification des conditions météorologiques pendant le transport;
• vitesses du vent supérieures à 1 m/s.

Dans ce cas, l’équation visée plus haut peut être résolue analytiquement. La
formule obtenue décrit un panache avec une distribution gaussienne des
concentrations, dénommé modèle de panache gaussien (VDI, 1992a). Les
paramètres de distribution dépendent des conditions météorologiques et de la
distance sous le vent, ainsi que de la hauteur de la cheminée. Ils doivent être
déterminés empiriquement (Venkatram et Wyngaard, 1988). On peut décrire à
l’aide du modèle de bouffée gaussienne (VDI, 1996) les situations dans lesquelles
les émissions et les paramètres météorologiques varient fortement dans le temps et
dans l’espace. Dans cette méthode, des bouffées distinctes sont émises à intervalles
de temps fixes, chacune suivant sa propre trajectoire en fonction des conditions
météorologiques existantes. Le long de son parcours, chaque bouffée grandit selon
le brassage turbulent. Les paramètres qui décrivent cette croissance doivent, là
encore, être déterminés à partir de données empiriques (Venkatram et Wyngaard,
1988). Il convient cependant de souligner que, pour atteindre cet objectif, il faut
disposer de paramètres présentant la répartition voulue dans l’espace et dans le
temps.

Pour les rejets accidentels ou les études de cas isolées, il est recommandé d’utiliser
un modèle lagrangien ou particulaire (VDI, 1999). L’idée est de calculer les
trajectoires d’un grand nombre de particules, représentant chacune une quantité fixe
du polluant considéré. Les différentes trajectoires sont déterminées par le transport
dû au vent moyen et par les perturbations stochastiques. En raison de l’élément
stochastique, ces trajectoires ne concordent pas entièrement, mais décrivent le
brassage dû à la turbulence. En principe, les modèles lagrangiens sont capables de
prendre en considération des conditions météorologiques complexes, en particulier
le vent et la turbulence; les champs calculés à l’aide des modèles de circulation
décrits ci-dessous peuvent être utilisés dans la modélisation lagrangienne de la
dispersion.

La modélisation de la dispersion dans le cas d’un relief complexe

S’il faut calculer les concentrations de polluants dans un terrain accidenté, il peut
être nécessaire de tenir compte dans la modélisation des effets de la topographie sur
la dispersion. Ces effets sont, par exemple, le transport suivant la structure
topographique, ou les systèmes de vents thermiques comme les brises de mer ou les
vents de montagne qui modifient la direction du vent au cours de la journée.

Si ces effets se produisent à une échelle beaucoup plus vaste que la zone du
modèle, leur influence peut être étudiée à l’aide de données météorologiques qui
reflètent les caractéristiques locales. En l’absence de données de ce genre, on peut
se représenter la structure en trois dimensions imposée par la topographie à la
circulation étudiée en utilisant un modèle de circulation correspondant. A l’aide de
ces données, on peut modéliser la dispersion elle-même en prenant pour hypothèse
une homogénéité horizontale, comme on l’a vu plus haut dans le cas du modèle de
panache gaussien. Toutefois, dans les cas où les conditions de vent changent
sensiblement dans la zone du modèle, la modélisation de la dispersion doit prendre
en considération le courant à trois dimensions influencé par la configuration
topographique. Comme on l’a signalé ci-dessus, on peut y parvenir en utilisant une
bouffée gaussienne ou un modèle lagrangien. On peut aussi procéder par une
modélisation de type eulérien, qui est plus complexe.

Pour déterminer la direction du vent en tenant compte de la configuration


topographique, on peut utiliser une modélisation de la circulation basée sur la
conservation de la masse ou le diagnostic (Pielke, 1984). Avec cette méthode, on
intègre la circulation à la topographie en faisant varier aussi peu que possible les
valeurs initiales et en conservant la masse. Comme elle donne des résultats rapides,
cette méthode peut aussi servir à générer des statistiques du vent pour un site donné
si l’on ne dispose pas d’observations. Pour ce faire, on emploie des statistiques du
vent géotrophique (c’est-à-dire des données de radiosondage en altitude).

Si l’on doit examiner plus en détail les régimes de vents thermiques, il faut alors
utiliser des modèles pronostiques. Selon l’échelle et la déclivité de la zone prise
comme modèle, on choisira une approche hydrostatique, ou l’approche non
hydrostatique qui est encore plus complexe (VDI, 1992b). Les modèles de ce type
exigent un ordinateur puissant et une grande expérience. Ils ne permettent pas de
déterminer les concentrations en se fondant sur des moyennes annuelles de
caractère général. En revanche, on peut réaliser des études pour les conditions les
plus défavorables en examinant uniquement une direction du vent, ainsi que les
paramètres de vitesse du vent et de stratification qui donneront les concentrations
les plus élevées au sol. Si les valeurs ainsi obtenues dans les conditions les plus
défavorables n’excèdent pas les normes de qualité de l’air, il n’est pas nécessaire de
procéder à des études plus détaillées.

Les figures 55.2, 55.3 et 55.4 montrent comment représenter le transport et la


dispersion des polluants en fonction de l’influence de la topographie et de la
climatologie des vents obtenue par l’étude des fréquences des vents de surface et
des vents géostrophiques.

Figure 55.2 Structure topographique d'une région modèle


Figure 55.3 Distribution des fréquences au niveau de sol déduites à l'aide de la
distribution des fréquences géostrophiques pour des champs de vents hétérogènes
Figure 55.4 Concentrations annuelles moyennes de polluants pour une région
hypothétique, calculées à de la distribution des fréquences géostrophiques
pour des champs de vent hétérogènes
La modélisation de la dispersion dans le cas de sources de faible hauteur

Lorsqu’on examine la pollution atmosphérique causée par des sources de faible


hauteur (c’est-à-dire par des cheminées de même hauteur que le bâtiment ou les
émissions de la circulation routière), il faut tenir compte de l’influence des
constructions avoisinantes. Les émissions de la circulation routière sont
emprisonnées dans une certaine mesure par les couloirs de rue urbains. Des
formules empiriques ont été mises au point pour décrire ce phénomène (Yamartino
et Wiegand, 1986).

Les polluants émis par une cheminée de faible hauteur située sur un bâtiment seront
retenus dans la circulation sur le côté du bâtiment qui est sous le vent. L’extension
de cette circulation sous le vent dépend de la hauteur et de la largeur du bâtiment,
ainsi que de la vitesse du vent. C’est pourquoi on ne peut généralement utiliser les
méthodes simplifiées pour décrire la dispersion des polluants en pareil cas, en se
fondant seulement sur la hauteur d’un bâtiment. On a pu connaître l’extension
verticale et horizontale de cette circulation sous le vent grâce à des études faites en
soufflerie (Hosker, 1985) et on peut l’appliquer à des modèles de diagnostic basés
sur la conservation de la masse. Dès que l’on a déterminé le champ du vent, on peut
s’en servir pour calculer le transport et le brassage turbulent du polluant émis. On
peut utiliser pour ce faire le modèle lagrangien ou eulérien de dispersion.

Des études plus détaillées — concernant les rejets accidentels, par exemple — ne
peuvent être réalisées qu’à l’aide de modèles de circulation et de dispersion non
hydrostatiques, et non par un modèle diagnostique. Comme ce travail exige en
général un ordinateur puissant, il est recommandé d’utiliser la méthode pour les
conditions les plus défavorables décrites ci-dessus avant la modélisation statistique
complète.

Les programmes internationaux de surveillance

Les organismes internationaux comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation


météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement
(PNUE) ont établi des projets de surveillance et de recherche pour éclaircir les problèmes de la
pollution atmosphérique et pour promouvoir des mesures visant à prévenir une nouvelle
détérioration de la santé publique et de l’environnement, ainsi que des conditions climatiques.

Le Système mondial de surveillance continue de l’environnement GEMS/Air (OMS/PNUE,


1993b), organisé et patronné par l’OMS et le PNUE, a élaboré un programme complet visant à
fournir les instruments d’une gestion rationnelle de la pollution de l’air (voir figure 55.1). Au
centre de ce programme se trouve une base mondiale de données sur les concentrations dans l’air
urbain des polluants ci-après: dioxydes de soufre, particules en suspension, plomb, oxydes d’azote,
monoxyde de carbone et ozone. Un autre élément, tout aussi important, est la fourniture
d’instruments de gestion tels que les guides pour les inventaires rapides des émissions, les
programmes de modélisation de la dispersion, les estimations de l’exposition de la population, les
mesures antipollution et l’analyse coûts-avantages. A cet égard, GEMS/Air offre des manuels
d’étude de la méthodologie (OMS/PNUE, 1994, 1995b), fait des évaluations mondiales de la
qualité de l’air, facilite l’examen et la validation des évaluations, sert d’intermédiaire pour
l’échange de données et d’informations, publie des documents techniques sur tous les aspects de la
gestion de la qualité de l’air, facilite l’établissement d’une surveillance, réalise et diffuse
largement des études annuelles et établit ou repère des centres régionaux de collaboration ou des
experts pour coordonner et appuyer les activités en fonction des besoins des différentes régions
(OMS/PNUE, 1992, 1993a, 1995a).

La Veille de l’atmosphère globale (VAG) (Miller et Soudine, 1994) fournit des données et d’autres
informations sur la composition chimique et les caractéristiques physiques connexes de
l’atmosphère, ainsi que sur leurs tendances, pour permettre de comprendre les liens entre les
modifications de la composition de l’atmosphère et les changements climatiques mondiaux et
régionaux, le transport et le dépôt à grande distance dans l’atmosphère de substances chimiques
potentiellement toxiques au-dessus des écosystèmes terrestres, d’eau douce et marins, et le cycle
naturel des éléments chimiques dans le système mondial atmosphère/ océans/biosphère, ainsi que
les effets des activités humaines sur ce système. La VAG comprend quatre domaines d’activité: le
Système mondial d’observation de l’ozone (SMOO3), la surveillance mondiale de la composition
de fond de l’atmosphère, y compris le Réseau de surveillance de la pollution atmosphérique de
fond (BAPMoN); la dispersion, le transport, la transformation chimique et le dépôt des polluants
atmosphériques sur terre et en mer à différentes échelles de temps et d’espace, l’échange des
polluants entre l’atmosphère et d’autres compartiments de l’environnement, et la surveillance
intégrée. L’un des aspects les plus importants de la VAG est l’établissement de centres d’activité
scientifiques chargés de l’assurance de la qualité des données recueillies dans le cadre de la VAG.

Figure 55.1 Système mondial de surveillance continue de l’environnement

LA SURVEILLANCE DE LA QUALITÉ DE L’AIR


Hans-Ulrich Pfeffer et Peter Bruckmann

La surveillance de la qualité de l’air consiste à mesurer systématiquement les


polluants de l’air ambiant pour pouvoir déterminer l’exposition des récepteurs
vulnérables (populations, animaux, végétaux et ouvrages d’art, par exemple) sur la
base des normes et directives découlant des effets observés et identifier la source de
la pollution atmosphérique (analyse causale).

Les concentrations de polluants dans l’air ambiant sont influencées par la variation
dans l’espace ou dans le temps des émissions de substances dangereuses et par la
dynamique de leur dispersion dans l’air. On observe donc des variations
journalières et annuelles marquées des concentrations. Il est pratiquement
impossible de déterminer de façon unifiée toutes ces variations de la qualité de l’air
(en langage statistique, la population des états de qualité de l’air). Les mesurages
des concentrations de polluants dans l’air ambiant ont donc toujours le caractère
d’échantillons aléatoires dans l’espace ou dans le temps.

La planification des mesurages

Pour planifier les mesurages, la première chose à faire est de formuler l’objectif
avec autant de précision que possible. Dans la surveillance de la qualité de l’air, les
questions et domaines d’activité importants sont:

Les mesurages à référence spatiale:

• détermination représentative de l’exposition dans une zone (surveillance


générale de l’air);
• mesurage représentatif de la pollution préexistante dans la zone où l’on
prévoit d’implanter une installation (autorisation, TA Luft [instruction
technique, air]);
• alertes au smog (smog d’hiver, concentrations élevées d’ozone);
• mesurages aux points chauds de pollution atmosphérique pour estimer
l’exposition maximale des récepteurs (directive UE-NO2, mesurage dans les
couloirs de rue urbains, conformément à la loi antipollution de la République
fédérale d’Allemagne);
• vérification des résultats des mesures de réduction de la pollution et des
tendances dans le temps;
• mesurages de présélection;
• investigations scientifiques — par exemple, le transport des polluants
atmosphériques, les transformations chimiques, l’étalonnage des calculs de
dispersion.

Les mesurages aux installations:

• mesurages faits suite à des plaintes;


• détermination des sources des émissions, analyse causale;
• mesurages en cas d’incendie ou de rejets accidentels;
• vérification du succès des mesures de réduction de la pollution;
• surveillance des fuites et émissions fugaces de l’usine.

La planification a pour but d’utiliser correctement les procédures de mesurage et


d’évaluation pour répondre à des questions spécifiques avec une certitude suffisante
et à un prix aussi faible que possible.
On trouvera au tableau 55.2 un exemple des paramètres à utiliser pour planifier les
mesurages dans le cas d’une évaluation de la pollution de l’air à réaliser dans la
zone où l’on prévoit d’implanter une installation industrielle. Sachant que les
exigences officielles varient selon les pays, il convient de noter qu’il s’agit ici des
procédures allemandes d’autorisation.

Tableau 55.2 Paramètres applicables au mesurage des concentrations de polluants dans


l'air ambiant (avec un exemple d'application)

Paramètre Exemple d’application: procédure d’autorisation pour les


installations industrielles en Allemagne
Exposé de la question Mesurage de la pollution préalablement à la procédure
d’autorisation; mesurage d’échantillons représentatifs prélevés au
hasard
Zone de mesurage Cercle tracé autour de l’emplacement, d’un rayon égal à trente fois
la hauteur réelle de la cheminée (simplifiée)
Normes d’évaluation (selon Valeurs seuils IW1 (moyenne arithmétique) et IW2 (98e percentile)
le lieu et le temps): valeurs de TA Luft [instruction technique, air]; calcul de I1 (moyenne
caractéristiques à tirer des arithmétique) et de I2 (98e percentile) à l’aide des mesurages
mesurages rapportés à 1 km2 (surface de l’évaluation) à comparer à IW1 et IW2
Classement, choix et Quadrillage régulier de 1 km2, donnant le choix au hasard des sites
densité des sites de de mesurages
mesurage
Période de mesurage 1 an, au moins 6 mois
Hauteur de mesurage 1,5 à 4 m au-dessus du sol
Fréquence des mesurages 52 (104) mesurages par zone d’évaluation pour les polluants gazeux,
selon la hauteur de la pollution
Durée de chaque mesurage 1 demi-heure pour les polluants gazeux, 24 heures pour les
poussières en suspension, 1 mois pour la précipitation des poussières
Date du mesurage Choix au hasard
Objet mesuré Pollution de l’air émise par l’installation planifiée
Procédure de mesurage Procédure nationale standard de mesurage (directives VDI)
Certitude requise des Elevée
résultats des mesurages
Exigences de qualité, Directives VDI
contrôle de qualité,
étalonnage, entretien
Enregistrement des données Calcul des valeurs I1V et I2V pour chaque zone d’évaluation
de mesurage, validation,
archivage, évaluation
Coûts Varient selon la zone de mesurage et les objectifs

Le tableau 55.2 expose le cas d’un réseau de mesurage qui est censé surveiller de
façon aussi représentative que possible la qualité de l’air dans une zone déterminée
pour la comparer aux limites fixées. Cette méthode repose sur l’idée que l’on
choisit au hasard les sites de mesurage de manière à prendre en compte la
variabilité des emplacements situés dans une zone où la qualité de l’air est variable
(espaces habitables, rues, zones industrielles, parcs, centres urbains, banlieues).
Dans des zones étendues, cette méthode peut se révéler très coûteuse en raison du
nombre de sites de mesurage requis.

On peut concevoir autrement le réseau de mesurage et commencer par des sites


choisis de façon à être représentatifs. Si l’on connaît la variabilité de la qualité de
l’air aux emplacements les plus importants et si l’on sait pendant combien de temps
les objets protégés restent dans ces «microenvironnements», on peut alors
déterminer l’exposition. Cette méthode peut être étendue à d’autres
«microenvironnements» (pièces à l’intérieur des bâtiments, voitures, par exemple)
pour estimer l’exposition totale. Le choix des sites de mesurage sera facilité par la
modélisation de la diffusion ou les mesures de présélection.

Une troisième méthode consiste à faire les mesurages là où l’on pense que
l’exposition est la plus élevée (par exemple, dans les couloirs de rue urbains pour le
NO2 et le benzène). Si cet emplacement répond aux normes d’évaluation, il existe
une probabilité suffisante pour qu’il en soit de même pour tous les autres. En se
focalisant sur les points critiques, cette méthode exige relativement peu
d’emplacements d’échantillonnage, mais ceux-ci doivent être choisis avec un soin
particulier. En effet, on risque de surestimer l’exposition réelle.

Les paramètres de la période de mesurage, de l’évaluation des données obtenues et


de la fréquence des mesurages sont donnés en grande partie dans la définition des
normes (limites) d’évaluation et des intervalles de confiance désirés pour les
résultats. Les valeurs limites admissibles sont liées aux conditions périphériques
dont il faut tenir compte dans la planification des mesurages. Grâce à des
procédures de mesure en continu, on peut obtenir une densité qui ne laisse
pratiquement aucun intervalle de temps entre les mesurages. Cette finesse n’est
toutefois nécessaire que pour la surveillance des valeurs de pointe et pour les
alertes au smog; pour le suivi des moyennes annuelles, par exemple, des mesurages
en discontinu suffisent.

Les possibilités offertes par les procédures de mesurage et de contrôle de qualité en


tant qu’autre paramètre important de la planification sont décrites ci-après.

L’assurance qualité

Il peut être coûteux de mesurer les concentrations de polluants dans l’air ambiant,
et les résultats obtenus peuvent influer sur des décisions importantes qui peuvent
avoir de graves conséquences économiques et écologiques. Les mesures de
l’assurance qualité font donc partie intégrante du processus. Deux domaines sont à
distinguer ici.

Les dispositions concernant la procédure


Toute procédure complète de mesurage comprend plusieurs étapes:
échantillonnage, préparation et nettoyage de l’échantillon, séparation et détection
(étape analytique finale), puis collecte et évaluation des données. Dans quelques
cas, spécialement pour le mesurage en continu de gaz inorganiques, certaines
étapes peuvent être omises (la séparation, par exemple). Lors des mesurages, il faut
se conformer le plus possible aux procédures. Il faut que celles-ci soient
normalisées et, par conséquent, entièrement documentées, sous la forme des
normes DIN/ISO, des normes CEN ou des directives VDI.

Les dispositions concernant l’utilisateur

Il ne suffit pas d’utiliser un matériel et des procédures normalisés et éprouvés dans


le mesurage des concentrations de polluants dans l’air ambiant pour obtenir un
résultat acceptable; encore faut-il que l’utilisateur emploie des méthodes
appropriées de contrôle de qualité. Les normes DIN/EN/ISO 9000 (normes de
gestion de la qualité et d’assurance qualité), EN 45000 (qui définit les conditions à
remplir par les laboratoires d’essai) et le guide ISO 25 (conditions générales de
compétence des laboratoires d’étalonnage et d’essai) jouent un rôle important dans
les dispositions que doit prendre l’utilisateur pour s’assurer de la qualité.

Les principales dispositions consistent à:

• accepter les méthodes prescrites et les mettre en œuvre selon les bonnes
pratiques de laboratoire;
• entretenir correctement le matériel de mesurage, prendre les précautions
voulues pour éliminer les perturbations et assurer les réparations;
• procéder aux étalonnages et aux vérifications régulières pour garantir un bon
fonctionnement;
• procéder aux essais interlaboratoires.

Les procédures de mesurage

Les procédures de mesurage pour les gaz inorganiques

Il existe un grand nombre de méthodes de mesurage pour une large gamme de gaz
inorganiques. Nous examinerons séparément les méthodes manuelles et les
procédures automatisées.
Les méthodes manuelles

Dans le cas des méthodes manuelles dont on se sert pour les gaz inorganiques, la
substance à mesurer est habituellement absorbée lors de l’échantillonnage dans une
solution ou une matière solide. Dans la plupart des cas, on fait un dosage
photométrique après une réaction colorante appropriée. Plusieurs méthodes
manuelles de mesurage ont une importance spéciale en tant que pratiques de
référence. Etant donné que leur coût en personnel est relativement élevé, elles ne
sont que rarement appliquées aujourd’hui pour les mesurages sur le terrain, car des
procédures automatisées existent. Les méthodes manuelles les plus importantes
sont brièvement exposées au tableau 55.3.

Tableau 55.3 Méthodes manuelles de mesurage des gaz inorganiques

Matière Méthode Exécution Commentaires


SO2 Méthode TCM Absorption dans une solution de UE = procédure de
tétrachloromercurate (flacon laveur); mesurage de référence;
réaction avec le formaldéhyde et la DL = 0,2 µg SO2;
pararosaniline pour donner l’acide s = 0,03 mg/m3 à 0,5
sulphonique rouge-violet; dosage mg/m3
photométrique
SO2 Méthode au gel Elimination des substances gênantes à l’aide DL = 0,3 µg SO2;
de silice de H3PO4 concentré; adsorption sur gel de s = 0,03 mg/m3 à 0,5
silice; désorption thermique dans un flux de mg/m3
H2 et réduction à H2S; réaction au bleu de
molybdène; dosage photométrique
NO2 Méthode de Absorption dans une solution réactive tout Etalonnage au nitrate de
Saltzman en formant un colorant azoïque rouge sodium; DL = 3 µg/m3
(flacon laveur); dosage photométrique
O3 Méthode à Formation d’iodure à partir d’une solution DL = 20 µg/m3; rel. s = ±
l’iodure de aqueuse d’iodure de potassium (flacon 3,5% à 390 µg/m3
potassium laveur); dosage photométrique

F Méthode aux Prélèvement avec un préséparateur de Inclusion d’une portion
grains d’argent; poussière; enrichissement de F– sur des indéterminée
variante 1 grains d’argent enrobés de carbonate de d’immissions de fluorure
sodium; élution et mesurage à l’aide d’une en particules
chaîne d’électrodes au fluorure de lanthane à
ions sensibles

F Méthode aux Prélèvement à l’aide d’un filtre à membrane Risques de trouver des
grains d’argent; chauffé; enrichissement de F– sur des grains valeurs inférieures à
variante 2 d’argent enrobés de carbonate de sodium; cause de la sorption
dosage par la méthode électrochimique partielle des immissions
(variante 1) ou photométrique (alizarine- de fluorure gazeux sur le
complexone) filtre à membrane; DL =
0,5 µg/m3
Cl– Méthode au Absorption dans une solution d’hydroxyde DL = 9 µg/m3
rhodanure de de sodium 0,1 N (flacon laveur); réaction au
mercure rhodanure de mercure et aux ions de Fe(III)
pour former un complexe de fer thiocyanate;
dosage photométrique
Cl2 Méthode au Réaction de blanchiment avec une solution DL = 0,015 µg/m3
méthyle-orange de méthyle-orange (flacon laveur); dosage
photométrique
NH3 Méthode à Absorption dans H2SO4 dilué (appareil à DL = 3 µg/m3 (appareil à
l’indophénol impact/flacon laveur); conversion avec du impact); inclusion
phénol et de l’hypochlorure en teinture partielle de NH+4-
d’indophénol; dosage photométrique composés et amines
NH3 Méthode de Absorption dans H2SO4 dilué (appareil à DL = 2,5 µg/m3 (appareil
Nessler impact/flacon laveur); distillation et réaction à impact); inclusion
aux réactifs de Nessler, dosage partielle de NH+4-
photométrique composés et amines
H2 S Méthode au Absorption comme sulfure d’argent sur des DL = 0,4 µg/m3
bleu de perles de verre traitées au sulfate d’argent et
molybdène au sulfate d’hydrogène potassium (tube de
sorption); libéré sous forme de sulfure
d’hydrogène et conversion en bleu de
molybdène; dosage photométrique
H2 S Méthode au Absorption dans une suspension DL = 0,3 µg/m3
bleu de d’hydroxyde de cadmium avec formation de
méthylène CdS; conversion en bleu de méthylène;
dosage photométrique

Une variante spéciale des prélèvements, utilisée principalement en liaison avec les
méthodes manuelles, est celle du tube de séparation par diffusion (le «dénudeur»).
La technique du dénudeur vise à séparer les phases gazeuses des phases
particulaires en se fondant sur leurs taux différents de diffusion. Cette technique est
utilisée souvent pour les problèmes difficiles de séparation, par exemple: ammoniac
et composés de l’ammonium; oxydes d’azote, acide nitrique et nitrates; oxydes de
soufre, acide sulfurique et sulfates; ou halogénures d’hydrogène/halogénures. Dans
la méthode classique du dénudeur, l’air à analyser est aspiré à travers un tube de
verre possédant un revêtement spécial, selon la ou les matières à recueillir. Cette
technique a été perfectionnée en un grand nombre de variantes et a aussi été
partiellement automatisée. Elle a fortement élargi les possibilités de
l’échantillonnage différencié, mais elle peut être très laborieuse, selon la variante,
et il faut une grande expérience pour l’utiliser convenablement.
Les procédures automatisées

Il existe sur le marché un grand nombre d’appareils de mesurage en continu pour le


dioxyde de soufre, les oxydes d’azote, le monoxyde de carbone et l’ozone. La
plupart d’entre eux sont employés en particulier dans les réseaux de mesurage. Les
caractéristiques les plus importantes de chacune des méthodes sont résumées
au tableau 55.4.

Tableau 55.4 Procédures automatisées de mesurage des gaz inorganiques

Matière Principe de mesurage Commentaires


SO2 Réaction par conductométrie de SO2 avec Exclusion des interférences avec un filtre
H2O2 en H2SO4 dilué; mesurage de la sélectif (KHSO4/AgNO3)
conductivité accrue
SO2 Fluorescence UV; excitation des Il faut éliminer les interférences (par
molécules de SO2 par rayons UV (190- exemple, les hydro-carbures) par
230 nm); mesurage du rayonnement de filtration
fluorescence
NO/NO2 Chimioluminescence; réaction de NO NO2 n’est mesurable qu’indirectement;
avec O3 en NO2; détection du emploi de convertisseurs pour réduire
rayonnement de chimioluminescence NO2 en NO; mesurage de NO et NOx (=
avec photo-multiplicateur NO + NO2) dans des canaux séparés
CO Absorption infrarouge non dispersive; Référence: a) cellule avec N2 ;b) air
mesurage de l’absorption IR avec un ambiant après élimination de
détecteur spécifique par rapport à la CO; c) élimination optique de
cellule de référence l’absorption de CO (corrélation
gaz/filtre)
O3 Absorption UV; lampe Hg à basse Référence: air ambiant après élimination
pression comme source de rayonnement de l’ozone (par exemple, Cu/MnO2)
(253,7 nm); enregistrement de
l’absorption UV conformément à la loi
de Lambert-Beer; détecteur: photodiode
à vide, valve photosensible
O3 Chimioluminescence; réaction de O3 avec Bonne sélectivité; l’éthylène est
l’éthylène en formaldéhyde; détection du nécessaire comme gaz réactif
rayonnement de chimioluminescence
avec photomultiplicateur

Il faut souligner que toutes les procédures automatisées reposant sur des principes
physico-chimiques doivent être étalonnées à l’aide des procédures de référence
(manuelles). Etant donné que le matériel automatique des réseaux de mesurage
fonctionne souvent pendant de longues périodes (plusieurs semaines, par exemple)
sans supervision humaine directe, il est indispensable de contrôler régulièrement et
automatiquement son bon fonctionnement. On le fait généralement au moyen de
gaz témoins et de gaz d’essai qui peuvent être produits par plusieurs méthodes
(préparation de l’air ambiant, bouteilles de gaz sous pression, imprégnation,
diffusion, dilution statique et dynamique).

Les procédures de mesurage des polluants atmosphériques particulaires et de leur


composition

Parmi les polluants atmosphériques particulaires, on distingue les retombées de


poussières et les particules en suspension (Suspended Particulate Matter (SPM)).
Les retombées de poussières sont des particules plus grandes, qui tombent au sol en
raison de leur taille et de leur masse volumique. Les SPM comprennent la fraction
des particules qui est dispersée dans l’atmosphère de manière quasi stable et quasi
homogène et qui y reste donc en suspension pendant un certain temps.
Le mesurage des particules en suspension et des composés métalliques dans les SPM
Tout comme dans le cas des polluants atmosphériques gazeux, on peut différencier
pour les SPM les procédures de mesurage continu ou discontinu. En règle générale,
les SPM sont d’abord séparées sur des filtres à fibres de verre ou à membrane. On
procède ensuite à un dosage gravimétrique ou radiométrique. Selon
l’échantillonnage, on peut distinguer deux procédures de mesurage de la quantité
totale de SPM: l’une sans fractionnement en fonction de la dimension des
particules, et l’autre avec fractionnement pour mesurer les poussières fines.

Les avantages et les inconvénients des mesurages fractionnés de poussières en


suspension font l’objet d’un débat international. En Allemagne, par exemple, toutes
les valeurs seuils et les normes d’évaluation sont fondées sur la totalité des
particules en suspension. Cela signifie que, la plupart du temps, on mesure
uniquement le total des SPM. Aux Etats-Unis, en revanche, on utilise très
couramment la procédure PM-10 (Particulate Matter (PM)) (≤10 µm) ). Selon cette
méthode, seules sont retenues les particules d’un diamètre aérodynamique maximal
de 10 µm (proportion d’inclusion de 50%), qui sont inhalables et peuvent donc
entrer dans les poumons. Il est prévu d’introduire la procédure PM-10 dans l’Union
européenne en tant que référence. Le coût des mesurages fractionnés de SPM est
nettement plus élevé que celui du mesurage des poussières totales en suspension,
étant donné que les appareils doivent être équipés d’éléments sensibles spéciaux de
construction coûteuse et qui exigent un entretien onéreux. On trouvera au tableau
55.5 des précisions sur les procédures les plus importantes de mesurage des SPM.

Tableau 55.5 Procédures les plus importantes de mesurage pour les particules
en suspension (SPM)

Procédure Principe de mesurage Commentaires


Appareil à Prélèvements non fractionnés; débit Maniement facile; horloge de
petits filtres d’air 2,7-2,8 m3/h; diamètre du filtre 50 commande; appareil fonctionnant avec
mm; analyse gravimétrique préséparateur PM-10
Appareil LIB Prélèvements non fractionnés; débit Séparation de grandes quantités de
d’air 15-16 m3/h; diamètre du filtre 120 poussière; avantageux pour l’analyse
mm; analyse gravimétrique des composants de la poussière;
horloge de commande
Echantillonneur Inclusion de particules atteignant Séparation de grandes quantités de
à grand volume jusqu’à 30 µm de diamètre environ; poussière, avantageux pour l’analyse
débit d’air de 100 m3/h environ; des composants de la poussière; niveau
diamètre du filtre 257 mm; analyse de bruit relativement élevé
gravimétrique
FH 62 I Appareil de mesurage radiométrique en Etalonnage gravimétrique par
continu; prélèvements non fractionnés; exposition de filtres isolés à la
débit d’air 1 ou 3 m3/h; relevé de la poussière; l’appareil fonctionne aussi
masse de poussières retenue sur un avec un préséparateur PM-10
dispositif de filtrage en mesurant
l’atténuation du rayonnement β
(krypton 85) lors du passage à travers
un filtre exposé (chambre d’ionisation)
Mesureur de Appareil de mesurage radiométrique en Etalonnage gravimétrique par
poussières continu des poussières; prélèvements exposition de filtres isolés à la
BETA F 703 non fractionnés; débit d’air 3 m3/h; poussière; l’appareil fonctionne aussi
relevé de la masse de poussières avec un préséparateur PM-10
retenue sur un dispositif de filtrage en
mesurant l’atténuation du rayonnement
β (carbone 14) lors du passage à travers
un filtre exposé (tube compteur Geiger
Müller)
TEOM 1400 Appareil de mesurage de la poussière Le rapport entre la diminution de la
en continu; prélèvements non fréquence et la masse de la poussière
fractionnés; débit d’air 1 m3/h; doit être déterminé par étalonnage
poussière recueillie sur un filtre qui fait
partie d’un système vibrant auto-
résonant, dans un courant latéral (3
l/min); relevé de la diminution de la
fréquence par l’accroissement des
dépôts de poussière sur le filtre

On a mis au point des changeurs automatiques qui contiennent un grand nombre de


filtres et les connectent automatiquement à l’échantillonneur, l’un après l’autre, à
intervalle fixe. Les filtres exposés sont entreposés dans un magasin. Les seuils de
détection pour les procédures à filtre sont généralement compris entre 5 et 10
µg/m3.

Enfin, il faut signaler la procédure à la fumée noire pour la mesure des SPM.
Originaire de Grande-Bretagne, elle a été incorporée dans les directives de l’Union
européenne pour le SO2 et les poussières en suspension. Avec cette méthode, on
mesure le noircissement du filtre avec un photomètre réflexe après
l’échantillonnage. Les valeurs de fumée noire ainsi obtenues par photométrie sont
converties en unités gravimétriques (µg/m3) à l’aide d’une courbe d’étalonnage.
Comme cet étalonnage dépend dans une large mesure de la composition de la
poussière, spécialement de sa teneur en suie, la conversion en unités gravimétriques
est problématique.

Aujourd’hui, les composés métalliques sont souvent dosés d’office dans les
échantillons d’immissions de poussières en suspension. En général, la collecte des
poussières en suspension sur les filtres est suivie d’une dissolution chimique des
poussières retenues, étant donné que les étapes finales les plus courantes de
l’analyse présupposent la conversion des composés métalliques et métalloïdes dans
une solution aqueuse. En pratique, les méthodes de loin les plus importantes sont la
spectroscopie à absorption atomique (AAS) et la spectroscopie d’émission optique
à plasma inductif (ICP-OES). Les autres procédures de dosage des composés
métalliques dans les poussières en suspension sont l’analyse par fluorescence X, la
polarographie et l’analyse par activation des neutrons. Bien que l’on mesure depuis
maintenant plus de 10 ans les composés métalliques en tant que composants des
SPM dans l’air à l’extérieur sur certains sites de mesurage, d’importantes questions
n’ont pas encore trouvé de réponse. L’échantillonnage classique effectué par
séparation des poussières en suspension sur les filtres suppose que la séparation des
composés de métaux lourds sur le filtre soit complète. Or, on trouve des indications
plus anciennes qui en font douter. En tout état de cause, les résultats sont très
hétérogènes.

Un autre problème tient au fait que l’on ne peut distinguer les différentes formes de
composés métalliques, ou les composés simples des divers éléments, dans l’analyse
réalisée à l’aide des procédures classiques de mesurage. Si, dans de nombreux cas,
on peut faire des dosages totaux adéquats, il serait souhaitable de procéder à une
différenciation plus poussée pour certains métaux particulièrement cancérogènes
(As, Cd, Cr, Ni, Co, Be). Il y a souvent de grandes différences dans les effets
cancérogènes des éléments et de leurs composés (par exemple, composés du
chrome dans les niveaux d’oxydation III et VI — seuls ceux du niveau VI sont
cancérogènes). En pareil cas, il serait souhaitable de mesurer séparément les divers
composés (analyse par substance). En dépit de l’importance de ce problème, on
commence seulement à faire l’analyse par substance dans la technique de
mesurage.
Le mesurage des particules en suspension et des composés métalliques dans les SPM

Il existe deux méthodes fondamentalement différentes pour recueillir les retombées


de poussières:

• prélèvement dans des récipients de collecte;


• prélèvement sur des surfaces adhésives.

Une méthode répandue de mesurage des retombées de poussières (dépôt de


poussières) est la procédure Bergerhoff. Elle consiste à recueillir la totalité des
précipitations atmosphériques (dépôts secs et humides) pendant 30 ± 2 jours dans
des récipients à environ 1,5 à 2 m au-dessus du sol (dépôt brut). Les récipients de
collecte sont ensuite transportés au laboratoire et préparés (filtrage, évaporation de
l’eau, séchage, pesée). Le résultat est calculé sur la base de la surface du récipient
de collecte et de la durée d’exposition en grammes par m2 et par jour (g/m2j). Le
seuil relatif de détection est de 0,035 g/m2j.

Parmi les autres procédures de collecte des retombées, on peut citer le système
Liesegang-Löbner et les méthodes qui recueillent la poussière déposée sur des
feuilles adhésives.

Tous les résultats des mesurages des retombées de poussière sont des valeurs
relatives qui dépendent de l’appareil utilisé, étant donné que la séparation est
fonction des conditions d’écoulement au voisinage du dispositif mais aussi d’autres
paramètres. Les écarts entre les valeurs obtenues avec les différentes procédures
peuvent atteindre 50%.
La composition de la poussière déposée a également son importance, notamment
les teneurs en plomb, en cadmium et en autres composés métalliques. Les
procédures d’analyse utilisées sont fondamentalement les mêmes que pour la
poussière en suspension.
Le mesurage des matières spéciales sous forme de poussières

Les matières spéciales sous forme de poussières sont notamment l’amiante et la


suie. Il est important de recueillir les fibres en tant que polluants atmosphériques,
car l’amiante est classé comme cancérogène avéré. Les fibres d’un diamètre D ≤ 3
µm et d’une longueur L ≥ 5 µm, avec L:D ≥ 3, sont considérées comme
cancérogènes. Les procédures de mesurage des matières fibreuses consistent à
compter, sous le microscope, les fibres qui ont été retenues sur des filtres. Seules
les méthodes faisant appel à des microscopes électroniques peuvent être envisagées
dans le cas de l’air extérieur. Les fibres sont séparées sur des filtres poreux revêtus
d’or. Avant d’être évalué dans un microscope électronique à balayage, l’échantillon
est libéré des substances organiques par incinération par torche à plasma
directement sur le filtre. Les fibres sont comptées sur une partie de la surface du
filtre choisie au hasard et sont classées d’après leur géométrie et leur type. A l’aide
d’une analyse par rayons X à dispersion d’énergie (EDXA), les fibres d’amiante,
celles de sulfate de calcium et d’autres fibres inorganiques peuvent être
différenciées sur la base de leur composition en éléments. Toute cette procédure est
extrêmement coûteuse et exige le plus grand soin pour donner des résultats fiables.

La suie sous forme de particules émises par les moteurs diesel doit être prise en
considération, étant donné qu’elle a également été classée parmi les matières
cancérogènes. En raison de sa composition changeante et complexe et du fait que
plusieurs de ses composants sont également émis par d’autres sources, il n’existe
pas de procédure de mesurage propre à la suie du diesel. Néanmoins, si l’on veut
une indication concrète sur les concentrations dans l’air ambiant, la suie est définie
classiquement comme un carbone élémentaire, faisant partie du carbone total. Elle
est mesurée après prélèvement et une étape d’extraction et de désorption thermique.
On détermine ensuite la teneur en carbone par combustion dans un flux d’oxygène
et par titrage coulométrique ou détection IR non dispersive du dioxyde de carbone
formé lors de ce processus.

En principe, pour la suie, on utilise aussi l’æthalomètre et la sonde photoélectrique


de mesurage des concentrations en aérosols.

Le mesurage des dépôts humides

Avec les dépôts secs, les dépôts humides dans la pluie, la neige, le brouillard et la
rosée constituent les modes les plus importants de pénétration des matières nocives
en provenance de l’air dans le sol, l’eau ou les végétaux.
Pour distinguer clairement les dépôts humides dans la pluie et la neige (brouillard
et rosée soulèvent des problèmes spéciaux) du dépôt total (dépôt brut, voir ci-
dessus «Le mesurage des particules en suspension et des composés métalliques
dans les SPM») et des dépôts secs, on se sert pour les prélèvements de collecteurs
de précipitations dont l’ouverture est couverte lorsqu’il ne pleut pas
(échantillonneur réservé aux matières humides). Dans ces appareils, qui
fonctionnent généralement selon le principe des variations de conductivité, le
couvercle s’ouvre lorsqu’il commence à pleuvoir et se referme lorsque la pluie
cesse.

Les échantillons sont transférés par un entonnoir (surface à l’air libre d’environ 500
cm2 ou davantage) dans un récipient obscurci et, si possible, isolé (en verre ou en
polyéthylène pour les composants inorganiques exclusivement).

En général, on peut analyser l’eau recueillie pour en connaître les composants


inorganiques sans préparer l’échantillon. L’eau doit être centrifugée ou filtrée si
elle est visiblement trouble. La conductivité, le pH et les anions (NO3–, SO42–, Cl–)
et cations (Ca2+, K+, Mg2+, Na+, NH4+, etc.) importants sont mesurés de façon
systématique. Les composés instables à l’état de traces et les états intermédiaires
comme H2O2 ou HSO3– sont également mesurés à des fins de recherche.

Pour l’analyse, les procédures suivies sont celles dont on dispose en général pour
les solutions aqueuses, comme la conductométrie pour la conductivité, les
électrodes pour les valeurs du pH, la spectroscopie par adsorption atomique pour
les cations (voir ci-dessus «Le mesurage des matières spéciales sous forme de
poussières») et, de plus en plus, la chromatographie à échange d’ions avec la
détection par conductivité pour les anions.

Les composés organiques sont extraits de l’eau de pluie à l’aide, par exemple, du
dichlorométhane, ou en sont aspirés avec de l’argon et adsorbés avec des tubes
Tenax (seulement pour les matières très volatiles). Les matières sont ensuite
soumises à une analyse chromatographique en phase gazeuse (voir ci-après «Les
procédures de mesurage des polluants atmosphériques organiques»).

Les dépôts secs sont directement fonction des concentrations dans l’air ambiant.
Les différences de concentration des matières nocives transportées par l’air dans la
pluie sont cependant relativement faibles, de sorte que, pour mesurer les dépôts
secs, on peut se servir de réseaux à maillage large. A titre d’exemple, on peut citer
le réseau de mesurage EMEP en Europe, formé d’environ 90 stations qui
recueillent les données concernant les ions de sulfate et de nitrate, certains cations
et le pH des précipitations. Il existe aussi de vastes réseaux de mesurage en
Amérique du Nord.

Les procédures de mesurage optique à longue distance


Alors que les méthodes décrites jusqu’à présent ne prélèvent la pollution de l’air
qu’à un seul point, les procédures de mesurage optique à longue distance le font de
manière intégrée sur des trajectoires de lumière de plusieurs kilomètres ou en
déterminent la distribution spatiale. Elles utilisent les caractéristiques d’absorption
des gaz dans l’atmosphère dans la gamme spectrale UV, visible ou IR et reposent
sur la loi de Lambert-Beer, selon laquelle le produit de la trajectoire de la lumière et
de la concentration est proportionnel à l’extinction mesurée. En changeant la
longueur d’onde de l’émetteur et du récepteur de l’installation de mesurage,
plusieurs composants peuvent être mesurés parallèlement ou successivement avec
un seul dispositif.

Les systèmes indiqués au tableau 55.6 sont les plus employés dans la pratique.

Tableau 55.6 Procédures de mesurage à longue distance

Procédure Application Avantages, inconvénients


Spectroscopie à Gamme spectrale IR (environ 700-3 + Système à multicomposants
infrarouge 000 cm–1), trajectoire lumineuse de + LD: quelques ppb
transformée de plusieurs centaines de mètres. Observe – Coûteux
Fourier (FTIR) les sources diffuses de surface; mesure
les différents composés organiques
Spectroscopie Trajectoire lumineuse jusqu’à + Facile à manier
d’absorption plusieurs km. Mesure SO2, NO2, + Essai de fonctionnement réussi
optique benzène, HNO3; observe les sources + Système multicomposants
différentielle alignées et de surface; utilisée dans les – LD: élevée par mauvaise visibilité
(DOAS) réseaux de mesurage (brouillard, par exemple)
Spectroscopie Zone de recherche, dans les cuvettes à + Sensibilité élevée (à ppt)
d’absorption laser basse pression pour OH– + Mesure les composés à l’état de
à longue distance traces instables
(TDLAS) – Coût élevé
– Difficile à manier
Absorption Observe les sources de surface; + Mesure la distribution spatiale
différentielle mesure des émissions concernant une + Mesure les endroits inaccessibles
LIDAR (DIAL) grande superficie (traînées de gaz de fumée)
– Coûteux
– Spectre limité de composants (SO2,
O3, NO2)

LIDAR (Light Detection and Ranging) = Détection et spectre de la lumière; DIAL


(Differential Absorption LIDAR) = Absorption différentielle LIDAR.

Les procédures de mesurage des polluants atmosphériques organiques

Le mesurage de la pollution atmosphérique contenant des composants organiques


est compliqué principalement par l’éventail des matières entrant dans cette
catégorie. On trouve plusieurs centaines de composants aux caractéristiques
toxicologiques, chimiques et physiques très différentes sous le titre général de
«polluants atmosphériques organiques» dans les registres des émissions et les plans
de qualité de l’air des zones surpeuplées.

En raison principalement des grandes différences d’impact potentiel, la collecte des


divers composants pertinents a de plus en plus remplacé les procédures par
sommation que l’on utilisait précédemment (par exemple, détecteur à ionisation de
flamme (DIF), procédure du carbone total), dont les résultats ne peuvent pas être
évalués sur le plan toxicologique. La méthode DIF a cependant conservé une
certaine importance en liaison avec une courte colonne séparatrice pour isoler le
méthane, qui n’est pas très réactif photochimiquement, et comme moyen de
recueillir les composés organiques volatils précurseurs (COV) pour la formation de
photo-oxydants.

La nécessité fréquente de séparer les mélanges complexes des composés organiques


en leurs différents composants fait de leur mesurage un travail qui relève
pratiquement de la chromatographie appliquée. Les procédures chromatographiques
sont les méthodes de choix lorsque les composés organiques sont suffisamment
stables, thermiquement et chimiquement. Pour les matières organiques comportant
des groupes fonctionnels réactifs, on continue d’utiliser des procédures distinctes
qui font appel aux caractéristiques physiques de ces groupes fonctionnels ou à des
réactions chimiques qui les détectent.

A titre d’exemple, on citera l’utilisation d’amines pour convertir les aldéhydes en


hydrazones, suivie de la mesure photométrique, la dérivation avec la 2,4-
dinitrophénylhydrazine et la séparation de la 2,4-hydrazone qui s’est formée, ou la
formation de colorants azoïques avec la π-nitroaniline pour déceler les phénols et
crésols.

Parmi les procédures chromatographiques, la chromatographie en phase gazeuse


(CPG) et la chromatographie en phase liquide à haute performance (CLHP)) sont
les plus fréquemment employées pour séparer les mélanges souvent complexes.
Pour la chromatographie en phase gazeuse, on emploie presque exclusivement de
nos jours des colonnes séparatrices d’un diamètre très étroit (environ 0,2 à 0,3 mm
et d’une longueur de 30 à 100 m environ), appelées colonnes capillaires à haut
pouvoir de résolution (CCHR). Il existe une série de détecteurs pour trouver les
différents composants après la colonne de séparation, comme le DIF cité plus haut,
le DCE (détecteur à capture d’électrons) (en particulier pour les substituts
électrophiles comme l’halogène), le PID (détecteur à ionisation photoélectrique)
particulièrement sensible aux hydrocarbures aromatiques et autres systèmes par π-
électrons et le DTI, détecteur thermoïonique spécialement conçu pour les composés
azotés et phosphorés. La CLHP utilise des détecteurs spéciaux à flux continu qui
sont conçus, par exemple, pour la cuvette à flux continu d’un spectromètre UV.

Il est particulièrement efficace, mais aussi fort coûteux, d’employer un


spectromètre de masse comme détecteur. En fait, certaines identifications, surtout
pour les mélanges inconnus de composés, ne sont souvent possibles que par le
spectre de masse du composé organique. L’information qualitative du temps de
rétention (temps pendant lequel la matière reste dans la colonne contenue dans le
chromatogramme avec les détecteurs classiques) est complétée à l’aide de la
détection spécifique de chaque composant par les fragmentogrammes de masse à
haute sensibilité de détection.

La procédure d’échantillonnage doit être établie avant l’analyse proprement dite.


Le choix de la méthode de prélèvement est déterminé principalement par la
volatilité, mais aussi par la gamme de concentrations attendue, la polarité et la
stabilité chimique. En outre, pour les composés non volatils, il faut choisir entre les
mesures de concentration et les mesures de dépôt.

Le tableau 55.7 donne un aperçu des procédures courantes de surveillance continue


de l’air pour l’analyse chromatographique des composés organiques, avec des
exemples d’application.

Tableau 55.7 Aperçu des procédures courantes de mesurage de la qualité de l'air par
chromatographie des composés organiques (avec des exemples d'applications)

Groupe de Gamme de Prélèvements, préparation Etape analytique


matières concentrations finale
Hydrocarbures µg/m3 Mousse gazeuse (prélèvement CPG/DIF
C1-C9 rapide), seringue étanche au gaz,
piège froid avant la colonne
capillaire (ciblage), désorption
thermique
3
Hydrocarbures à ng/m -µg/m 3
Cylindre d’acier de haute qualité CPG/DIF/DCE/DIP
faible point évacué et passivé (aussi pour les
d’ébullition, mesurages d’air pur) Expédition des
hydrocarbures échantillons par circuits de gaz,
halogénés piège froid, désorption thermique
extrêmement
volatils
Composés µg/m3 Adsorption sur charbon CPG capillaire/DIF
organiques dans actif, a) désorption avec
la plage des CS2; b) désorption avec
points solvants; c) analyse de l’espace libre
d’ébullition C6-
C30 (60-350 °C)
Composés ng/m3-µg/m3 Adsorption sur des polymères CPG capillaire/
organiques dans organiques (par exemple, Tenax) ou DIF/DCE/SM
la plage 20-300 sur un filtre à charbon actif
°C des points (carbopack), désorption thermique
d’ébullition avec piège froid avant la colonne
capillaire (ciblage) ou extraction par
solvants
Modification ng/m3-µg/m3 Adsorption sur des polymères CPG capillaire/
pour les refroidis (tube thermogradient), DIF/DCE/SM
composés à bas refroidi à –120 °C, emploi du
points carbopack
d’ébullition (à
partir de –120
°C)
Composés fg/m3-ng/m3 Prélèvements sur filtres (par CPG capillaire —
organiques à exemple, petit appareil à filtre ou GCMS
points échantillonneur à grand volume) (PCDD/PCDF), CPG
d’ébullition avec ensuite cartouches de capillaire-DIF ou SM
élevés polyuréthane pour la portion (HAP), CLHP,
partiellement gazeuse, désorption par solvants du détecteur à
attachés aux filtre et du polyuréthane, diverses fluorescence (HAP)
particules phases de purification et de
(spécialement préparation, pour HAP aussi
HAP, PCB, sublimation
PCDD/PCDF),
grands volumes
de prélèvements
Composés fg/m3-ng/m3 Adsorption sur polymères CCHR/DCE
organiques à organiques (par exemple, cylindre de
points mousse polyuréthane) avec filtres
d’ébullition préalables (par exemple, fibres de
élevés verre) ou adsorption inorganique
(spécialement (par exemple, gel de silice),
PCDD, PCDF, extraction par solvants, diverses
PBDD, PBDF), phases de purification et de
faibles volumes préparation (y compris
d’échantillonnage chromatographie multicolonne),
dérivation pour les chlorophénols
3
Composés ng/m Séparation des aérosols sur filtres à CCHR/SM
organiques à aérosol ng- fibres de verre (par exemple, CLHP (pour HAP)
points µg/g échantillonneur à grand ou faible
d’ébullition pg-ng/m2 jour volume) ou collecte de poussières
élevés attachés sur surfaces normalisées, extraction
aux particules, par solvants (pour les dépôts aussi de
par exemple, l’eau filtrée restante), diverses
composants phases de purification et de
d’aérosols préparation
organiques,
échantillons de
dépôts

CPG = chromatographie en phase gazeuse; GCMS = CPG/spectroscopie de masse;


DIF = détecteur à ionisation de flamme; CCHR/DCE = CPG/DCE à haut pouvoir
de résolution; DCEH = détecteur à capture d'élctrons; CLHP = chromatographie en
phase liquide à haute performance; DIP = détecteur à ionisation photoélectrique;
SM = spectroscopie de masse.
Le mesurage des dépôts de composés organiques de faible volatilité (par exemple,
dibenzodioxines et dibenzofurannes (PCDD/ PCDF), hydrocarbures polycycliques
aromatiques (HPA)) gagne en importance du point de vue de l’impact sur
l’environnement. Etant donné que les aliments sont la principale source
d’absorption par l’être humain, les matières en suspension dans l’air transférées
dans les végétaux alimentaires revêtent une grande importance. On sait toutefois
que le transfert des matières sous forme de dépôts particulaires est moins important
que les dépôts secs de composés quasi gazeux.

Pour mesurer les dépôts totaux, on utilise les dispositifs normalisés pour la
précipitation des poussières (procédure Bergerhoff, par exemple), qui ont été
légèrement modifiés et obscurcis pour les protéger contre la pénétration d’une
lumière intense. D’importants problèmes techniques, comme la remise en
suspension de particules déjà séparées, l’évaporation ou même la décomposition
photolytique, font maintenant l’objet de recherches systématiques afin d’améliorer
les procédures d’échantillonnage des composés organiques, lesquelles ne sont pas
encore optimales.

Les investigations olfactométriques

Les investigations olfactométriques sur les immissions sont utilisées dans la


surveillance pour quantifier les plaintes concernant des odeurs et pour établir la
pollution de niveau initial dans les procédures d’autorisation. Elles servent
principalement à déterminer si les odeurs existantes ou prévues doivent être
considérées comme significatives.

En principe, on peut différencier trois approches méthodologiques:

• mesurage de la concentration de l’émission (nombre d’unités d’odeur) à


l’aide d’un olfactomètre et modélisation subséquente de la dispersion;
• mesurage des différents composants (par exemple, NH3) ou des mélanges de
composés (par exemple, chromatographie en phase gazeuse des gaz
provenant des décharges), s’ils sont suffisamment caractéristiques de
l’odeur;
• détermination des odeurs au moyen d’inspections.

La première possibilité combine le mesurage des émissions avec la modélisation et,


à vrai dire, n’entre pas dans le cadre de la surveillance de la qualité de l’air. Dans la
troisième méthode, c’est le nez de l’humain qui sert de détecteur avec une précision
sensiblement réduite par rapport aux méthodes physico-chimiques.

Des précisions relatives aux inspections, aux plans de mesurage et à l’évaluation


des résultats sont données, par exemple, dans la réglementation sur la protection de
l’environnement de certains Länder d’Allemagne.
Les procédures concernant les mesurages de présélection

On utilise parfois des procédures simplifiées de mesurage pour les études


préparatoires (de présélection). Il s’agit notamment d’échantillonneurs passifs, de
tubes d’essai et de procédures biologiques. Avec les échantillonneurs passifs
(diffusifs), la matière objet de l’essai est recueillie selon des procédés à écoulement
libre comme la diffusion, l’imprégnation ou l’adsorption dans des collecteurs de
forme simple (tubes, plaques) et enrichie dans des filtres imprégnés, tamis ou autres
milieux d’adsorption. L’échantillonnage actif (aspiration de l’échantillon d’air à
travers une pompe) n’a donc pas lieu. La quantité de matière enrichie, dosée
analytiquement en fonction d’un temps d’exposition défini, est convertie en unités
de concentration sur la base des lois physiques (diffusion, par exemple) en prenant
en compte la durée de la collecte et des paramètres géométriques du collecteur.
Cette méthode était utilisée à l’origine dans le domaine de la santé au travail
(échantillonnages individuels) et du mesurage de l’air à l’intérieur des locaux, mais
elle l’est de plus en plus pour contrôler les concentrations de polluants dans l’air
ambiant. On en trouve un aperçu dans Brown, 1993.

On se sert souvent de tubes indicateurs pour l’échantillonnage et les analyses


préparatoires rapides des gaz. On aspire un certain volume d’air à travers un tube
de verre rempli d’un réactif d’adsorption qui correspond à l’objectif de l’essai. Le
contenu du tube change de couleur selon la concentration de la matière à doser qui
est présente dans l’air étudié. On utilise souvent de petits tubes d’essai pour la
surveillance sur le lieu du travail ou comme procédure rapide en cas d’accidents,
comme les incendies. Ils ne sont pas employés pour les mesurages courants des
concentrations de polluants dans l’air ambiant du fait que leurs seuils de détection
sont généralement trop élevés et leur sélectivité trop limitée. Il existe des tubes
indicateurs pour un grand nombre de matières dans diverses gammes de
concentration.

Parmi les procédures biologiques, deux méthodes se sont imposées pour la


surveillance courante. Avec la procédure normalisée d’exposition des lichens, on
détermine le taux de mortalité du lichen sur une durée d’exposition de 300 jours.
Selon une autre procédure, l’herbe de prairie française est exposée pendant 14 ± 1
jours. On détermine ensuite le volume de la croissance. Ces deux procédures
servent à évaluer sommairement les effets des concentrations de polluants
atmosphériques.

Les réseaux de surveillance de la qualité de l’air

On utilise de par le monde les types les plus variés de réseaux de surveillance de la
qualité de l’air. Il faut établir une distinction entre les réseaux de mesurage
composés de stations automatiques commandées par ordinateur (récipients de
mesure) et les réseaux virtuels, qui ne font que définir les emplacements pour
divers types de mesurage des concentrations des polluants atmosphériques sous la
forme d’une grille préalablement définie. Les types de réseaux et leur rôle ont été
décrits plus haut.

Les réseaux de surveillance continue

Les réseaux de mesurage fonctionnant en continu sont constitués de stations


automatiques et servent principalement à surveiller la qualité de l’air dans les zones
urbaines. On y mesure les polluants atmosphériques comme le dioxyde de soufre
(SO2), les poussières, le monoxyde d’azote (NO), le dioxyde d’azote (NO2), le
monoxyde de carbone (CO), l’ozone (O3) et, dans une certaine mesure, la somme
des hydrocarbures (méthane libre, CnHm) ou divers composants organiques
(benzène, toluène, xylènes, par exemple). En outre, selon les besoins, on inclut les
paramètres météorologiques comme la direction du vent, sa vitesse, la température
de l’air, l’humidité relative, les précipitations, le rayonnement global ou le bilan
radiatif.

Les appareils de mesurage utilisés dans les stations consistent généralement en un


analyseur, une unité d’étalonnage et un dispositif électronique de commande et de
direction qui surveille l’ensemble de l’équipement et contient une interface
normalisée pour la collecte des données. Outre les valeurs mesurées, l’appareil
fournit des «signaux de situation» sur les erreurs et l’état de fonctionnement.
L’étalonnage des dispositifs fait l’objet d’une vérification automatique par
ordinateur à intervalles réguliers.

En règle générale, les stations de mesurage sont reliées au moyen de lignes fixes de
transmission des données, de liaisons téléphoniques ou d’autres systèmes de
transfert de données à un ordinateur (ordinateur de traitement, poste de travail ou
PC, selon la portée du système), qui reçoit, traite et affiche les résultats. Les
ordinateurs du réseau et, si nécessaire, un personnel spécialement formé effectuent
une surveillance continue pour s’assurer que les valeurs seuils ne sont pas
dépassées. On peut ainsi déceler à tout moment les situations critiques. C’est très
important, surtout pour surveiller les cas de smog massif en hiver et en été (photo-
oxydants) et pour donner au public des informations à jour.

Les réseaux pour le mesurage des échantillons aléatoires

Outre le réseau de mesurage télémétrique, d’autres systèmes sont utilisés à des


degrés divers pour surveiller la qualité de l’air. A titre d’exemple, on citera les
réseaux (partiellement automatisés à l’occasion) qui déterminent:

• les dépôts de poussières et leurs composants;


• la poussière en suspension (SPM) et ses composants;
• les hydrocarbures et les hydrocarbures chlorés;
• les matières organiques faiblement volatiles (dioxines, furannes, biphényles
polychlorés).
On a classé comme cancérogènes une série de substances mesurées de cette
manière, notamment les composés du cadmium, les HPA et le benzène. Il est donc
particulièrement important de les surveiller.

A titre d’exemple d’un programme complet, le tableau 55.8 indique sommairement


la surveillance de la qualité de l’air faite systématiquement en Rhénanie-du-Nord-
Westphalie, qui, avec 18 millions d’habitants, est le Land le plus peuplé
d’Allemagne.

Tableau 55.8 Surveillance systématique de la qualité de l'air en


Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne)

Systèmes de mesurage Systèmes de mesurage Systèmes de mesurage


en continu partiellement discontinu/mesurages à
automatisés multicomposants
Dioxyde de soufre Composition des SPM: Benzène et autres
Monoxyde d’azote Plomb hydrocarbures
Dioxyde d’azote Cadmium Hydrocarbures halogénés
Monoxyde de carbone Nickel Dépôts de poussières
Particules en suspension Cuivre et leurs composants
(SPM) Fer Suie
Ozone Arsenic Biphényles polychlorés
Hydrocarbures Béryllium Dibenzodioxines
Direction du vent Benzo[a]pyrène polyhalogénées
Vitesse du vent Benzo[e]pyrène et dibenzofurannes
Température de l’air Benzo[a]anthracène (PCDD/PCDF)
Pression de l’air Dibenzo[a,h]anthracène
Humidité relative Benzo[ghi]pérylène
Bilan radiatif Coronène
Précipitations

LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION


ATMOSPHÉRIQUE
John Elias

La gestion de la pollution atmosphérique

Le gestionnaire d’un système de lutte contre la pollution atmosphérique a pour


mission de s’assurer que des concentrations excessives de polluants n’atteignent
pas de cibles vulnérables: individus, végétaux, animaux et matières. Dans tous les
cas, il faut se préoccuper des éléments les plus sensibles de chacun de ces groupes.
Les polluants peuvent consister en gaz, vapeurs, aérosols ou encore être des
substances biodangereuses. Un système bien conçu empêchera les cibles de
recevoir une concentration nocive de polluant.
La plupart des systèmes de lutte contre la pollution atmosphérique font appel à un
ensemble de procédés, habituellement une combinaison de moyens de prévention
technique et de mesures organisationnelles. Pour les sources importantes ou
complexes, on peut ne pas se limiter à un seul type de moyen de prévention
technique.

Dans l’idéal, les mesures appropriées seront choisies en fonction du problème à


résoudre.

• Qu’est-ce qui est émis, en quelle concentration?


• Quelles sont les cibles? Quelle est la plus vulnérable?
• Quels sont les niveaux d’exposition acceptables à court terme?
• Quelles combinaisons de méthodes de mesurage faut-il choisir pour s’assurer
que les niveaux admissibles d’exposition à court terme et à long terme ne
sont pas dépassés?

Le tableau 55.9 décrit les étapes de ce processus.

Tableau 55.9 Etapes du choix des mesures antipollution

Etape 1: Il faut d’abord déterminer ce que la cheminée rejettera. Toutes les


définir les émissions émissions potentiellement toxiques doivent être prises en compte. Il
faut ensuite estimer pour chaque matière la quantité rejetée. Sans ces
informations, le gestionnaire ne peut commencer à formuler un
programme antipollution.
Etape 2: Il faut identifier tous les groupes vulnérables: êtres humains, animaux,
définir les groupes plantes et matériaux. Dans chaque cas, il faut identifier le membre le
cibles plus vulnérable de chaque groupe, comme les asthmatiques à proximité
d’une usine rejetant des isocyanates.
Etape 3: Il faut fixer un niveau admissible d’exposition pour le groupe cible le
déterminer les niveaux plus sensible. Si le polluant est une matière aux effets cumulatifs,
d’exposition comme un cancérogène, il faut fixer des niveaux d’exposition à long
admissibles* terme (annuels). Si le polluant a des effets à court terme, comme un
agent irritant ou sensibilisant, il faut fixer un niveau d’exposition à
court terme ou même de pointe**.
Etape 4: L’étape 1 identifie les émissions et l’étape 3 fixe les niveaux
choisir les mesures de admissibles d’exposition. Dans l’étape 4, on s’assure que chaque
réglementation polluant ne dépasse pas les niveaux admissibles. En cas de
dépassement, il faut ajouter de nouvelles mesures de réglementation et
vérifier à nouveau les niveaux d’exposition. Ce processus continue
jusqu’à ce que toutes les expositions se situent au niveau admissible ou
au-dessous. La modélisation de la dispersion peut servir à évaluer les
expositions pour les usines futures ou à faire l’essai de solutions de
rechange pour les installations existantes.

* Lorsqu’on fixe les niveaux d’exposition dans l’étape 3, il ne faut pas oublier qu’il
s’agit d’expositions totales et non seulement de celles qui proviennent de l’usine.
Une fois le niveau admissible établi, il faut soustraire les niveaux de fond et les
apports d’autres usines pour déterminer le volume maximal que l’usine peut
émettre sans dépasser le niveau d’exposition admissible. Si on ne le fait pas et que
trois usines par exemple soient autorisées à émettre le volume maximal, les groupes
cibles seront exposés à un niveau triple du niveau admissible.

** Certaines matières comme les cancérogènes n’ont pas de niveau au-dessous


duquel elles n’auront pas d’effets nocifs. Par conséquent, aussi longtemps que
certaines de ces matières seront relâchées dans l’environnement, il y aura un certain
risque pour les populations cibles. En pareil cas, il n’est pas possible de fixer un
niveau sans effets (autre que zéro). Il faut au contraire fixer un niveau admissible
de risque. D’ordinaire, il se situe dans la fourchette de 1 résultat nocif pour 100 000
à 1 000 000 de personnes exposées.

Certaines autorités se sont acquittées d’une partie de ce travail en fixant des normes
fondées sur la concentration maximale d’un contaminant que peut recevoir une
cible vulnérable. Avec ce type de normes, le gestionnaire ne doit pas s’occuper des
étapes 2 et 3 puisque l’organisme de réglementation l’a déjà fait. Dans ce système,
il doit seulement fixer la norme pour les émissions non réglementées de chaque
polluant (étape 1) et décider des mesures nécessaires pour respecter cette norme
(étape 4).

En disposant de normes de qualité de l’air, les organes de réglementation peuvent


mesurer l’exposition individuelle et déterminer si quelqu’un est exposé à des
niveaux potentiellement nuisibles. Il est admis que les normes fixées dans ces
conditions sont suffisamment basses pour protéger le groupe cible le plus
vulnérable, mais cette hypothèse n’est pas toujours valable. Comme le montre
le tableau 55.10, les normes courantes de qualité de l’air varient largement. Pour le
dioxyde de soufre, elles se situent dans une fourchette de 30 à 140 µg/m3. Pour les
matières moins communément réglementées, les écarts peuvent être plus larges
encore (1,2 à 1,718 µg/m3), comme on le voit au tableau 55.11 pour le benzène. Il
n’y a pas lieu de s’en étonner puisque les considérations économiques interviennent
autant que la toxicologie dans la définition des normes. Si une norme n’a pas été
fixée à un niveau suffisamment bas pour protéger les populations vulnérables,
personne n’y trouve son compte. Les populations exposées ont une fausse
impression de sécurité et peuvent courir des risques à leur insu. L’émetteur peut
avoir l’impression, au début, qu’il a bénéficié d’une norme peu contraignante, mais
si les effets sur la collectivité obligent l’entreprise à redéfinir ses dispositifs
antipollution ou à en installer de nouveaux, les coûts pourraient être plus élevés que
si elle l’avait fait correctement dès le départ.

Tableau 55.10 Eventail des normes de qualité de l'air pour un contaminant


communément réglementé (dioxyde de soufre)
Pays et territoires Normes de qualité pour l’exposition à
long terme au dioxyde de soufre (µg/m3)
Allemagne 140
Australie 50
Canada 30
Finlande 40
Hongrie 70
Taiwan, Chine 133

Tableau 55.11 Eventail des normes américaines de qualité de l'air pour un contaminant
moins couramment réglementé (benzène)

Ville/Etat Norme de qualité (moyenne sur 24


heures) pour le benzène (µg/m3)
Caroline du Nord 2,1
Connecticut 53,4
Massachusetts 1,2
Michigan 2,4
Nevada 254
New York 1 718
Philadelphie 1 327
Virginie 300

Les niveaux ont été normalisés sur une durée moyenne de 24 heures pour faciliter
les comparaisons. (D’après Calabrese et Kenyon, 1991.)

Il arrive que cette approche par étape dans le choix des mesures antipollution soit
court-circuitée et que les organes de réglementation comme les concepteurs optent
directement pour une «solution universelle». L’une de ces solutions est ce que l’on
appelle la meilleure technique de maîtrise disponible (MTMD). On suppose qu’en
utilisant la meilleure combinaison d’épurateurs, de filtres et de bonnes méthodes de
travail pour une source d’émission, on obtiendra un niveau d’émission
suffisamment bas pour protéger le groupe cible le plus vulnérable. Bien souvent, le
niveau d’émission obtenu sera inférieur au minimum requis pour protéger ce
groupe. De cette façon, on devrait éliminer toutes les expositions inutiles. On
trouvera au tableau 55.12 des exemples de la MTMD.

Tableau 55.12 Exemples choisis de la meilleure technique de maîtrise disponible


(MTMD)
indiquant la méthode utilisée et son rendement estimatif

Processus Polluants Méthode Rendement


estimatif
Assainissement du sol Hydrocarbures Oxydant thermique 99
Chaudière de Particules Précipitateur 99,68
récupération d’une électrostatique
usine de papier kraft
Production de silice Monoxyde de carbone Bonne pratique 50
fumée
Peinture des Hydrocarbures Brûleurs de 90
automobiles postcombustion de four
Four à arc électrique Particules Filtres à manches 100
Raffinerie de pétrole, Particules respirables Cyclone + épurateur 93
craquage catalytique Venturi
Incinérateur médical Chlorure d’hydrogène Laveur + épurateur à sec 97,5
(hospitalier)
Chaudière à charbon Dioxyde de soufre Séchage par pulvérisation 90
+ absorption
Elimination des déchets Particules Cyclone + condenseur + 95
par déshydratation et épurateur Venturi + laveur
incinération
Usine d’asphalte Hydrocarbures Oxydant thermique 99

La MTMD ne garantit pas en soi des niveaux de réduction appropriés. Bien que ce
soit le meilleur système de maîtrise fondé sur des mesures d’épuration des gaz et de
bonnes pratiques opératoires, la MTMD peut ne pas suffire si la source est une
grande usine ou si elle est située à proximité d’une cible sensible. La meilleure
technique de maîtrise disponible doit être mise à l’épreuve pour s’assurer qu’elle
est vraiment suffisante. Il faut vérifier les normes d’émission ainsi obtenues pour
voir si elles ne resteraient pas nocives malgré tout, même avec les meilleures
mesures d’épuration des gaz. Si elles le sont encore, il faudra peut-être envisager
d’autres solutions de base, comme le choix de procédés ou de matières plus sûrs, ou
la réimplantation de l’usine dans une zone moins sensible.

Une autre «solution universelle», qui évite certaines des étapes, est celle des
normes d’efficacité à la source. De nombreuses autorités fixent des normes
d’émission à ne pas dépasser. Celles-ci reposent sur les émissions à la source.
D’ordinaire, cela donne de bons résultats, mais, tout comme la MTMD, ces normes
peuvent ne pas être fiables. Les niveaux devraient être suffisamment bas pour
contenir les émissions maximales à un niveau assez faible pour protéger les
groupes cibles vulnérables contre les émissions typiques. Toutefois, tout comme
dans le cas de la MTMD, cela ne suffira pas toujours à protéger tout le monde
lorsque les sources d’émission sont importantes ou situées près de populations
vulnérables. En pareil cas, il faut d’autres procédures pour garantir la sécurité de
tous les groupes cibles.

La MTMD et les normes d’émission ont un défaut fondamental. Elles supposent


que si certains critères sont satisfaits à l’usine, les groupes cibles seront
automatiquement protégés. Ce n’est pas nécessairement vrai, mais lorsqu’un
système de ce genre a acquis force de loi, ses effets sur la cible deviennent
secondaires par rapport au respect de la législation.

La MTMD tout comme les normes d’émission à la source ou les critères de


conception devraient être utilisés en tant que critères minimaux pour les mesures
antipollution. Si la MTMD ou les critères d’émission protègent les cibles
vulnérables, ils peuvent être appliqués tels quels; sinon il faut recourir à d’autres
mesures organisationnelles.

Les mesures antipollution

Ces mesures peuvent se diviser en deux types fondamentaux — technique et


organisationnel. Les mesures techniques sont définies ici comme les équipements
installés sur une source d’émission pour abaisser les concentrations de
contaminants dans le flux gazeux à un niveau qui soit acceptable pour la
collectivité et qui protège le groupe le plus sensible. Les mesures organisationnelles
sont définies comme les autres dispositifs antipollution.

Les mesures techniques

Les systèmes d’épuration des gaz sont placés à la source, avant la cheminée, pour
éliminer les contaminants du flux gazeux avant de le lâcher dans l’atmosphère.
Le tableau 55.13 résume les différentes catégories de systèmes d’épuration des gaz.

Tableau 55.13 Méthodes d'épuration des gaz par élimination des vapeurs, particules et
gaz nocifs des émissions industrielles

Méthode Exemples Description Efficacité


Gaz/vapeurs
Condensation Condenseurs par La vapeur est refroidie et +80% pour les concentrations >2 000
contact condensée en un liquide. ppm
Condenseurs de Cela est inefficace et est
surface utilisé comme prétraitement
avec d’autres méthodes.
Absorption Laveurs (à Le gaz ou la vapeur sont 82-95% pour les concentrations <100
garniture ou à recueillis dans un liquide. ppm
plaque) 95-99% pour les concentrations >100
ppm
Adsorption Carbone Le gaz ou la vapeur sont +90% pour les concentrations <1 000
Alumine recueillis sur un solide. ppm
Gel de silice +95% pour les concentrations >1 000
Tamis ppm
moléculaire
Incinération Flammes Un gaz ou une vapeur Non recommandé pour des concentrations
Incinérateur inorganique sont oxydés en <2 000 ppm
Incinérateur étant portés à une +80% pour des concentrations >2 000
catalytique température élevée et ppm
maintenus à cette
température pendant une
durée suffisante.
Particules
Séparateurs Cyclones Les gaz chargés de 70-90%
inertiels particules sont forcés de
changer de direction.
L’inertie contraint les
particules à sortir du flux
gazeux. Cela est inefficace
et est utilisé comme
prétraitement avec d’autres
méthodes.
Laveurs Venturi Les gouttelettes liquides Pour les particules de 5 µm, 98,5% à 17
Filtre humidifié (eau) recueillent les cm CE; +99,99 % à 130 cm CE
Laveur à plateau particules par impact, Pour les particules de 1 µm 45% à 17 cm
ou à tamis interception et diffusion. CE; 99,95 à 130 cm CE
Les gouttelettes et les
particules sont ensuite
séparées du flux gazeux.
Précipitateurs A plaques et fils Les forces électriques 95-99,5% pour les particules de 0,2 µm
électrostatiques A plaques planes servent à entraîner les 99,25-99,9% (au moins) pour les
Tubulaires particules hors du flux particules
Humides gazeux vers les plaques de de 10 µm
collecte.
Filtres Filtres à Un tissu poreux retient les 99,9% pour les particules de 0,2 µm
manches particules du flux gazeux. 99,5% pour les particules de 10 µm
Le dépôt poreux de
poussières qui se forme sur
le tissu sert ensuite lui-
même de filtre.

L’épurateur de gaz fait partie d’un ensemble complexe formé de hottes, de


conduits, de ventilateurs, de laveurs et de cheminées. La conception, le
fonctionnement et l’entretien de chacun de ces éléments influent sur la performance
de tous les autres et du système dans son ensemble.

Il convient de noter que le rendement du système varie largement pour chaque type
d’épurateur en fonction de sa conception, de l’énergie utilisée et des
caractéristiques du flux gazeux et du contaminant. Par conséquent, les rendements
donnés à titre d’exemple au tableau 55.13 ne sont que des approximations. La
variation du rendement est illustrée par les laveurs au tableau 55.13. Le rendement
de collecte d’un laveur varie entre 98,5% pour des particules de 5 µm et 45% pour
des particules de 1 µm pour la même perte de charge au droit du laveur (hauteur
d’eau de 17 cm dans la jauge de pression d’eau (CE)). Pour une particule de même
dimension, 1 µm, l’efficacité varie entre 45% pour une hauteur d’eau de 17 cm et
99,95% pour une hauteur d’eau de 130 cm. Par conséquent, les épurateurs de gaz
doivent être adaptés au flux en question. Il n’est pas recommandé d’utiliser des
dispositifs génériques.
L’élimination des déchets

Lorsqu’on choisit et conçoit un système d’épuration des gaz, il faut veiller avec
soin à l’élimination sans danger des matières recueillies. Comme le montre
le tableau 55.14, certains procédés produisent de grandes quantités de
contaminants. Si la plupart de ces contaminants sont recueillis par l’équipement
d’épuration des gaz, l’élimination des déchets dangereux peut soulever un
problème.

Tableau 55.14 Exemples de taux d'émission non contrôlés pour quelques procédés
industriels

Source industrielle Taux d’émission


Four électrique de 100 tonnes 257 tonnes/an de matières particulaires
Turbine à gaz/fioul de 440 MW 202 kg/h de SO2
Incinérateur de 41,7 tonnes/h 94 kg/h de NOx
Couche claire sur 100 camions/jour 1 723 kg/semaine de matières organiques

Dans certains cas, les déchets contiennent des produits utiles susceptibles d’être
recyclés, comme les métaux lourds provenant d’une fonderie ou les solvants d’une
fabrique de peinture. Les déchets peuvent servir de matière première dans un autre
procédé industriel, tel le dioxyde de soufre extrait de l’acide sulfurique qui sert à la
fabrication d’engrais.

Lorsque les déchets ne peuvent être ni recyclés, ni réutilisés, l’élimination n’est pas
toujours simple. Non seulement leur volume peut poser problème, mais ils sont
parfois dangereux en eux-mêmes. Ainsi, quand l’acide sulfurique récupéré d’une
chaudière ou d’une fonderie ne peut être réutilisé, il faudra lui faire subir de
nouveaux traitements pour le neutraliser avant de l’éliminer.
La dispersion

La dispersion peut réduire la concentration d’un polluant à la cible. Il ne faut pas


oublier pourtant que la dispersion ne réduit pas la quantité totale de matières émise
par une usine. Une cheminée élevée permet seulement au panache de se disperser et
d’être dilué avant d’atteindre le niveau du sol, où il existe sans doute des cibles
vulnérables. Si le polluant est essentiellement une nuisance, comme une odeur, la
dispersion peut ne pas être acceptable. Si la matière est rémanente ou cumulative,
comme les métaux lourds, la dilution ne sera peut-être pas la réponse au problème
de pollution atmosphérique.

La dispersion devrait être utilisée avec prudence. Il faut tenir compte des conditions
météorologiques locales et des conditions à la surface du sol. Dans les climats plus
froids, par exemple, particulièrement avec couverture de neige, il peut y avoir
fréquemment des inversions de température qui peuvent emprisonner les polluants
à proximité du sol, donnant lieu à des expositions anormalement élevées. De même,
si l’usine est implantée dans une vallée, les panaches peuvent monter et descendre
le long de celle-ci, ou rester bloqués par les collines avoisinantes, si bien qu’ils ne
s’étalent pas et ne se dispersent pas comme prévu.

Les mesures organisationnelles de prévention

Outre les systèmes techniques, il est un autre groupe de mesures à prendre en


considération dans la conception d’ensemble d’un système de lutte contre la
pollution atmosphérique. Pour l’essentiel, elles font partie des instruments
fondamentaux de l’hygiène industrielle.
La substitution

L’une des méthodes d’hygiène les plus employées pour réduire les dangers
environnementaux sur le lieu de travail consiste à remplacer une matière ou une
méthode dangereuse par une autre qui l’est moins. S’il est possible de le faire et si
l’on évite des émissions nocives, on n’a plus à se poser de questions sur le type ou
l’efficacité des mesures de lutte. Il est préférable en effet d’éviter le problème
plutôt que de chercher à corriger une première décision qui était mauvaise. A titre
d’exemple, on citera l’emploi de combustibles plus propres, la pose de bâches sur
les matières stockées en vrac et la réduction des températures dans les séchoirs.

Cette règle s’applique aux achats peu importants aussi bien qu’aux principaux
critères de conception de l’usine. Si l’on utilise uniquement des matières ou des
méthodes qui ne nuisent pas à l’environnement, il n’y aura aucun risque, ni à
l’intérieur, ni à l’extérieur. En revanche, quand on a fait le mauvais choix, le reste
du programme consistera à essayer de remédier à cette décision première. Si l’on
utilise un produit ou un procédé bon marché, mais dangereux, on devra peut-être
recourir à des procédures et matériels spéciaux de manipulation, ainsi qu’à des
méthodes spéciales d’élimination. L’article bon marché peut alors se révéler
coûteux à utiliser et à éliminer, alors qu’une matière ou une méthode plus sûre,
mais plus chère, aurait peut-être été plus économique à long terme.
La ventilation localisée

Des mesures doivent être prises pour tous les problèmes recensés qui n’ont pu être
évités par la substitution de matières ou de méthodes plus sûres. Les émissions
prennent naissance à chaque poste de travail et non à la cheminée. Un système de
ventilation bien conçu qui capte et maîtrise les émissions à la source aidera à
protéger la collectivité. Les hottes et conduits du système de ventilation font partie
du dispositif total de lutte contre la pollution atmosphérique.
Il est préférable d’opter pour une ventilation localisée. Un tel système ne dilue pas
les contaminants et fournit un flux gazeux concentré qu’il est plus facile d’épurer
avant son rejet dans l’environnement. L’équipement d’épuration des gaz est plus
efficace s’il traite un air où les concentrations de contaminants sont plus élevées.
Ainsi, une hotte de captage au-dessus du chenal de coulée d’un haut fourneau
empêchera les contaminants de se propager dans l’environnement et dirigera les
fumées vers le système d’épuration des gaz. Le tableau 55.13 montre que
l’efficacité des épurateurs par absorption et adsorption augmente avec la
concentration du contaminant, et que les épurateurs par condensation ne sont pas
recommandés pour de faibles niveaux de concentration (< 2 000 ppm).

Si les polluants ne sont pas captés à la source et peuvent s’échapper par les fenêtres
et les ouvertures de ventilation, ils se transforment en fuites et émissions fugaces
non maîtrisées. Dans certains cas, ces émissions peuvent avoir un impact important
sur le voisinage immédiat.
L’isolement

L’isolement — l’implantation de l’usine à l’écart des cibles vulnérables — peut


constituer une bonne méthode de lutte contre la pollution lorsque les dispositifs
antipollution intégrés ne suffisent pas en eux-mêmes. Ce peut être le seul moyen
d’atteindre un niveau admissible de protection lorsque la meilleure technique de
maîtrise disponible (MTMD) doit être utilisée. Si, après application des meilleurs
dispositifs disponibles, un groupe cible est encore en danger, il faut envisager de
trouver un autre site dépourvu de populations sensibles.

Tel que présenté ci-dessus, l’isolement est un moyen de séparer une installation
donnée de cibles vulnérables. Un autre système d’isolement est celui du zonage
utilisé par les pouvoirs locaux pour séparer certaines catégories d’industries des
cibles vulnérables. Une fois les industries séparées des populations cibles, il ne
faudrait pas permettre à la population de se réinstaller à proximité d’une usine. Bien
que cette méthode semble aller de soi, elle ne se pratique pas aussi souvent qu’il le
faudrait.
Les méthodes de travail

Il faut adopter des méthodes de travail qui garantissent que le matériel est utilisé
correctement et en sécurité, sans risque pour les travailleurs ni pour
l’environnement. Les systèmes antipollution complexes doivent être correctement
entretenus et utilisés s’ils doivent remplir leur fonction. Un autre facteur important
est celui de la formation du personnel; celui-ci doit apprendre à utiliser et à
entretenir le matériel installé pour réduire ou éliminer la quantité de matières
dangereuses rejetée sur le lieu du travail ou à l’extérieur. Dans certains cas, la
MTMD s’en remet aux bonnes pratiques pour garantir des résultats acceptables.
La surveillance en temps réel
Le système fondé sur la surveillance en temps réel n’est pas populaire et n’est pas
utilisé de façon courante. Selon cette méthode, on peut combiner l’émission en
continu et la surveillance météorologique avec la modélisation de la dispersion
pour prédire les expositions sous le vent. Lorsque les expositions prévues
approchent les niveaux tolérables, cette information sert à réduire les cadences de
production et les émissions. Il s’agit d’une méthode peu efficace, mais elle peut
représenter un procédé provisoire acceptable de lutte pour une installation
existante.

L’inverse consiste à avertir le public lorsque les conditions sont telles que des
concentrations excessives de contaminants pourraient se produire, afin que la
population puisse prendre les dispositions voulues. Ainsi, si l’on signale que les
conditions atmosphériques rendent excessifs les niveaux de dioxyde de soufre sous
le vent d’une fonderie, les personnes vulnérables comme les asthmatiques sauront
qu’elles ne doivent pas sortir. Là encore, cela peut offrir une mesure provisoire
acceptable en attendant la mise en place de dispositifs antipollution permanents.

On a parfois recours à la surveillance atmosphérique et météorologique en temps


réel pour éviter ou atténuer des cas de forte pollution lorsqu’il peut y avoir de
multiples sources. S’il apparaît évident que les niveaux de pollution risquent de
devenir excessifs, on peut restreindre l’emploi des voitures personnelles et
interrompre l’activité des principales entreprises industrielles émettrices.
L’entretien, l’ordre et la propreté

Dans tous les cas, l’efficacité des dispositifs antipollution dépend d’un bon
entretien; le matériel doit fonctionner comme prévu. En plus des dispositifs eux-
mêmes, les procédés de fabrication qui peuvent donner lieu à des émissions doivent
être utilisés correctement. A titre d’exemple d’un procédé industriel, on peut citer
un séchoir de copeaux de bois dont le dispositif de contrôle de la température est
défaillant; si le séchoir fonctionne à une température trop élevée, il émettra
davantage de matières et, peut-être, des matières d’un type différent, arrachées au
bois en train de sécher. Pour un épurateur de gaz, un exemple d’entretien qui
influerait sur les émissions serait celui d’un filtre à manches défectueux dont les
sacs seraient troués, laissant ainsi passer les poussières.

Les travaux de maintenance jouent aussi un rôle important dans la réduction des
émissions totales. Les poussières qui ne sont pas enlevées rapidement à l’intérieur
de l’usine peuvent être remises en suspension et présenter un risque pour le
personnel. Si elles sont transportées à l’extérieur de l’usine, elles sont un risque
pour la collectivité. Des matières en vrac non couvertes, des déchets végétaux ou la
poussière soulevée par les véhicules peuvent permettre aux polluants d’être
entraînés par le vent vers la collectivité. Pour réduire les émissions totales, il est
important de nettoyer les cours d’usine et d’utiliser des conteneurs ou des sites de
stockage appropriés. Il ne suffit pas de bien concevoir un système, encore faut-il
l’utiliser correctement si l’on veut protéger la collectivité.

Un exemple parlant de mauvais entretien serait celui d’une installation de


récupération du plomb dans laquelle les poussières de plomb s’échapperaient du
convoyeur jusqu’à former un tas si haut qu’elles finiraient par s’écouler par une
fenêtre cassée pour être transportées par le vent.

Le matériel pour le prélèvement d’échantillons des émissions

Les prélèvements à la source peuvent être effectués pour plusieurs raisons:

• Pour caractériser les émissions. Il faut savoir ce qui est émis pour concevoir
un système rationnel de lutte contre la pollution de l’air. Il faut connaître non
seulement le volume des gaz, mais la quantité, la nature et, dans le cas des
particules, la répartition granulométrique des matières émises. Les mêmes
informations sont nécessaires pour inventorier les émissions totales dans le
voisinage.
• Pour tester l’efficacité du matériel. Une fois le dispositif antipollution
acheté, il faut le tester pour s’assurer qu’il remplit bien ses fonctions.
• Pour perfectionner le dispositif antipollution. Lorsque les émissions sont
continuellement surveillées, les données peuvent servir à perfectionner le
système de lutte contre la pollution de l’air ou le fonctionnement de l’usine
elle-même.
• Pour savoir si les normes sont respectées. Lorsque des normes
réglementaires comprennent des limites d’émission, l’échantillonnage
permet de savoir si ces normes ont été respectées ou non.

Le type de système d’échantillonnage utilisé dépendra de la raison pour laquelle les


échantillons sont prélevés, du coût, de la technique disponible et de la formation du
personnel.

Les émissions visibles

Si l’on veut réduire l’effet de souillure dû à l’air, améliorer la visibilité ou


empêcher l’introduction d’aérosols dans l’atmosphère, on peut fonder les normes
sur les émissions visibles.

Les émissions visibles sont composées de petites particules ou de gaz colorés. Plus
un panache est opaque et plus il y a de matières rejetées. Cette caractéristique est
visible à l’œil nu et des observateurs entraînés peuvent évaluer les niveaux des
émissions. Il y a plusieurs avantages à employer cette méthode pour évaluer les
émissions:

• elle ne nécessite pas un matériel coûteux;


• une personne peut faire un grand nombre d’observations par jour;
• les opérateurs des usines peuvent évaluer rapidement et à peu de frais les
effets des changements de procédés;
• les usines qui ne respectent pas les normes peuvent être identifiées sans qu’il
faille longuement vérifier la source;
• les émissions douteuses peuvent être localisées et leur niveau réel peut alors
être déterminé par la vérification de leur source, comme on le verra ci-après.

L’échantillonnage par prélèvement dans la cheminée

Une méthode beaucoup plus rigoureuse consiste à prélever un échantillon du flux


gazeux dans la cheminée et à l’analyser. Bien que cela paraisse simple,
l’application est délicate.

L’échantillon devrait être prélevé de façon isocinétique, spécialement lorsqu’il


s’agit de prélever des particules. Dans ce procédé, l’échantillon est aspiré dans la
sonde de prélèvement à la même vitesse que celle à laquelle la matière se meut
dans la cheminée ou le conduit. Pour ce faire, on mesure la vitesse du flux gazeux à
l’aide d’un tube de Pitot-Ritter et on ajuste ensuite le débit d’échantillonnage pour
que l’échantillon pénètre dans la sonde à la même vitesse. C’est indispensable pour
le prélèvement d’échantillons de particules, étant donné que les particules plus
grandes et plus lourdes ne suivront pas un changement de direction ou de vitesse, si
bien que la concentration de celles-ci dans l’échantillon ne sera pas représentative
du flux gazeux, et l’échantillon sera inexact.

On voit à la figure 55.5 un échantillonneur isocinétique pour le dioxyde de soufre.


Ce n’est pas un instrument simple et il faut un opérateur bien formé pour que
l’échantillon soit convenablement prélevé. Si l’on veut prélever autre chose que le
dioxyde de soufre, on peut retirer le dispositif d’impact et le bain de glace et insérer
l’élément de collecte approprié.

Figure 55.5 Diagramme d’un échantillonneur isocinétique pour le dioxyde de soufre


Cette méthode d’échantillonnage, spécialement sous la forme isocinétique, peut
être très précise et adaptable, et elle a plusieurs usages:

• c’est une méthode d’échantillonnage reconnue qui offre des contrôles de


qualité appropriés et peut donc servir à déterminer le respect des normes;
• par la précision qu’elle peut atteindre, elle convient aux essais de
performance des nouveaux équipements antipollution;
• comme les échantillons peuvent être prélevés et analysés dans des conditions
de laboratoire strictement contrôlées pour un grand nombre de composants,
elle se prête à la caractérisation du flux gazeux.
Un système d’échantillonnage simplifié et automatisé peut être relié à un analyseur
en continu des gaz (capteurs électrochimiques, photométriques dans l’ultraviolet ou
à ionisation de flamme) ou à un analyseur de particules (néphélomètre) pour
surveiller continuellement les émissions. On peut ainsi obtenir une documentation
des émissions et connaître instantanément l’état de fonctionnement du dispositif
antipollution.

L’échantillonnage in situ

On peut également mesurer les émissions dans la cheminée. La figure


55.6 représente un appareil simple mesurant la transmissivité du flux gazeux et les
matières présentes dans ce flux. Dans cet appareil, un faisceau lumineux est projeté
à travers la cheminée vers une cellule photoélectrique. Les particules ou les gaz
colorés absorberont une partie de la lumière. Plus il y a de matières et plus la
lumière sera absorbée.

Figure 55.6 Transmissomètre simple pour mesurer les particules dans une cheminée

A l’aide de sources de lumière différentes et de détecteurs comme les rayons


ultraviolets (UV), on peut déceler les gaz transparents à la lumière visible. Ces
dispositifs peuvent être adaptés à des gaz déterminés et peuvent alors mesurer les
concentrations de gaz dans un flux de déchets.

Le système de surveillance in situ a l’avantage, par rapport au procédé par


prélèvement, de pouvoir mesurer les concentrations dans l’ensemble de la
cheminée ou du conduit, alors que l’autre méthode ne les mesure qu’au point où
l’échantillon a été prélevé. Elle peut donc introduire une erreur importante si le flux
gazeux n’est pas homogène. En revanche, le prélèvement dans la cheminée permet
d’utiliser un plus grand nombre de méthodes d’analyse et peut donc être employé
dans des applications plus nombreuses elles aussi.

Etant donné que la méthode in situ donne une lecture en continu, elle peut servir à
documenter les émissions ou à procéder au réglage fin du système d’exploitation.

LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION DE L’EAU


Herbert C. Preul

Le présent article vise à donner au lecteur un aperçu des techniques actuellement


disponibles pour lutter contre la pollution de l’eau, en s’appuyant sur l’exposé des
tendances et des faits présenté par Hespanhol et Helmer dans le chapitre no 53,
«Les risques pour la santé liés à l’environnement». Les sections qui suivent sont
consacrées, la première à «La lutte contre la pollution des eaux de surface», et la
seconde à «La lutte contre la pollution des eaux souterraines».

La lutte contre la pollution des eaux de surface

La définition de la pollution de l’eau

Par pollution de l’eau, on entend un état qualitatif d’impureté ou de manque de


propreté des eaux hydrologiques d’une certaine région, comme un bassin versant.
Cet état résulte d’un événement ou processus qui réduit l’utilité des eaux du globe,
spécialement en ce qui concerne la santé de l’être humain et les effets sur
l’environnement. Le processus de pollution signifie une perte de pureté par
contamination, qui implique en outre l’intrusion d’une source extérieure, en tant
que cause, ou le contact avec cette source. Par altération, on entend des niveaux
extrêmement faibles de pollution des eaux, comme au moment où elles
commencent à devenir moins propres. Le mot souillure désigne le résultat de la
pollution et indique une violation ou une dégradation.

Les eaux hydrologiques

Les eaux naturelles de la planète peuvent être considérées comme un système en


circulation continue ainsi que le montre la figure 55.7, qui fournit une illustration
graphique des eaux dans le cycle hydrologique, comprenant les eaux superficielles
et les eaux souterraines.

Figure 55.7 Le cycle hydrologique


En tant que référence de qualité, l’eau distillée (H2O) représente l’état de pureté le
plus élevé. Les eaux du cycle hydrologique peuvent être considérées comme
naturelles, mais elles ne sont pas pures. Elles sont polluées par les activités de la
nature et celles des humains. La dégradation naturelle peut être le résultat d’une
myriade de sources — faune, flore, éruptions volcaniques, éclairs causant des
incendies, etc. — et, du point de vue scientifique, cet état est considéré comme le
niveau de base.

La pollution anthropique perturbe l’équilibre naturel par l’addition des déchets


issus de diverses sources. Les polluants sont introduits dans les eaux du cycle
hydrologique en n’importe quel point. Ainsi, les précipitations atmosphériques
(pluies) peuvent être contaminées par les polluants de l’air; les eaux superficielles
sont polluées du fait du ruissellement en provenance des bassins hydrographiques;
les eaux usées sont parfois rejetées dans les fleuves et les cours d’eau; enfin, les
eaux souterraines peuvent être polluées par infiltration et contamination du sous-
sol.
La figure 55.8 montre comment se répartissent les précipitations. La pollution se
superpose à ces eaux et peut donc être considérée comme un état de
l’environnement non naturel ou non équilibré. Le processus de pollution peut se
produire dans les eaux de n’importe quelle partie du cycle hydrologique et c’est à la
surface de la terre qu’il est le plus apparent sous la forme de ruissellement en
provenance des bassins versants vers les fleuves et les cours d’eau. La pollution des
eaux souterraines a pourtant elle aussi un grand impact sur l’environnement; elle
sera examinée dans la section suivante.

Figure 55.8 Distributions des précipitations

Les sources de pollution des eaux dans le bassin versant

Les bassins versants sont le domaine d’origine de la pollution des eaux de surface.
Un bassin versant est défini comme une aire dans laquelle les eaux hydrologiques
tombent, s’accumulent, sont utilisées, évacuées et, en fin de compte, déversées dans
les fleuves et les cours d’eau ou autres masses d’eau. Il se compose d’un réseau de
drainage qui aboutit au ruissellement ou à la collecte dans un fleuve ou un cours
d’eau. Les bassins versants des grands cours d’eau sont habituellement appelés
bassins hydrographiques. La figure 55.9 représente le cycle hydrologique d’un
bassin versant régional. Pour une région, l’évacuation des diverses eaux peut se
représenter sous la forme d’une équation simple, à savoir l’équation fondamentale
de l’hydrologie proposée par Viessman, Lewis et Knapp (1989):

P-R-G-E-T=±S

dans laquelle:

P = précipitations (pluie, neige, grêle)

R = ruissellement ou écoulement à la surface du bassin versant

G = eaux souterraines

E = évaporation

T = transpiration

S = accumulation en surface

Les unités caractéristiques sont des mm/an.

Figure 55.9 Cycle hydrologique régional


Les précipitations sont considérées comme la forme de départ du bilan
hydrologique. Le terme de ruissellement est synonyme d’écoulement.
L’accumulation se réfère aux réservoirs ou systèmes de rétention qui recueillent
l’eau, comme les barrages construits sur les cours d’eau. Les eaux souterraines se
réunissent en un réseau d’accumulation et peuvent s’écouler d’un endroit à un
autre; il peut s’agir de flux entrants ou de flux sortants par rapport aux cours d’eau
de la surface. L’évaporation est un phénomène de surface et la transpiration est
associée à la transmission en provenance des biotes.

Bien que l’étendue des bassins hydrographiques soit très variable, certains systèmes
de drainage sont classés, sur le plan de la pollution des eaux, comme urbains ou
non urbains (agricoles, ruraux, non aménagés). La pollution à l’intérieur de ces
systèmes de drainage provient des sources ci-après:
Sources ponctuelles: déchets rejetés dans une masse d’eau réceptrice à un
emplacement déterminé, en un point comme un tuyau d’égout ou un type
quelconque d’exutoire d’un réseau concentré.

Sources non ponctuelles (dispersées): pollution pénétrant dans une masse d’eau
réceptrice à partir de sources dispersées dans le bassin hydrographique; un exemple
typique est celui du drainage dans un cours d’eau des eaux de ruissellement
provenant des pluies non recueillies. On les appelle parfois aussi eaux «diffuses»,
mais l’expression «dispersées» est considérée comme plus descriptive.

Sources intermittentes: pollution provenant d’un point ou d’une source qui rejette
des effluents dans certaines circonstances, comme en cas de surcharge; un exemple
caractéristique est celui du déversoir des égouts lors de pluies abondantes.

Les polluants de l’eau dans les fleuves et les rivières

Lorsque des matières nocives provenant des sources précitées sont rejetées dans les
cours d’eau ou autres masses d’eau, elles entrent dans la catégorie des polluants
classés et décrits précédemment. Les polluants ou contaminants qui pénètrent dans
une masse d’eau peuvent en outre être subdivisés comme suit:

• polluants dégradables (non persistants): impuretés qui finissent par se


décomposer en substances inoffensives ou qui peuvent être extraites par des
méthodes de traitement, à savoir certaines matières organiques et substances
chimiques, eaux usées domestiques, effets de la chaleur, nutriments
végétaux, la plupart des bactéries et virus, certains sédiments;
• polluants non dégradables (persistants): impuretés qui persistent dans l’eau
et dont la concentration ne diminue pas, sauf si elles sont diluées ou bien
extraites par traitement, c’est-à-dire certaines substances chimiques
organiques et inorganiques, les sels, les matières colloïdales en suspension;
• polluants dangereux entraînés par l’eau: formes complexes de matières
nocives, y compris les métaux en traces toxiques, certains composés
inorganiques et organiques;
• polluants radionucléides: matières qui ont été exposées à une source
radioactive.

Les réglementations de lutte contre la pollution de l’eau

Les réglementations de lutte contre la pollution de l’eau qui sont d’application


générale sont d’ordinaire édictées par les organismes du gouvernement national,
tandis que les règles plus détaillées le sont par l’Etat, la province, la ville, les
services des eaux, les services de la conservation, les commissions
d’assainissement et d’autres organes. Au niveau de la nation et de l’Etat (ou de la
province), cette tâche est habituellement du ressort de l’organisme de protection de
l’environnement et du ministère de la Santé (Environmental Protection Agencies
(EPA)). Dans l’examen des règlements ci-après, la présentation et certains passages
s’inspirent des normes de qualité de l’eau actuellement en vigueur dans l’Etat de
l’Ohio aux Etats-Unis.

Les désignations d’utilisation en fonction de la qualité de l’eau

Le but ultime de la lutte contre la pollution de l’eau est de réduire à zéro le rejet de
polluants, mais il n’est généralement pas possible d’atteindre complètement cet
objectif en raison de son coût. La méthode adoptée de préférence consiste à
imposer des limitations aux rejets de déchets de manière à protéger
raisonnablement la santé humaine et l’environnement. Bien que ces normes
puissent varier fortement selon les juridictions, on prend généralement comme base
la désignation de l’utilisation de masses d’eau déterminées, comme on le verra
brièvement ci-dessous.
L’approvisionnement en eau comprend:

• le système public de distribution d’eau de consommation: eau qui peut être


consommée par l’humain une fois traitée par les moyens classiques;
• la distribution pour l’agriculture: eau convenant à l’irrigation et au bétail,
sans traitement;
• l’approvisionnement de l’industrie et du commerce: eau convenant aux
usages industriels et commerciaux, avec ou sans traitement.
Les eaux utilisées pour les activités récréatives comprennent:

• les eaux de baignade: celles qui se prêtent à la natation pendant certaines


saisons et dont la qualité est approuvée en même temps que les conditions et
installations de protection;
• les eaux de contact primaire: celles qui se prêtent pendant certaines saisons
à des activités récréatives entraînant le contact complet du corps comme la
natation, le canoë et la plongée sous-marine et dont la qualité présente un
risque minimal pour la santé publique;
• les eaux de contact secondaire: celles qui se prêtent pendant certaines
saisons à des activités récréatives entraînant le contact partiel du corps
(marcher dans l’eau par exemple) et qui présentent un risque minimal pour la
santé publique du fait de la qualité de l’eau.

Les ressources publiques en eau sont définies comme les masses d’eau qui se
trouvent dans les parcs, les zones humides, les zones protégées de la faune et de la
flore sauvages, les rivières à l’état sauvage, celles qui présentent un intérêt pour le
tourisme ou les loisirs et les lacs du domaine public, ainsi que les eaux d’une
importance exceptionnelle sur le plan récréatif ou écologique.
Les habitats de la faune et de la flore aquatiques
Les désignations varient selon les climats, mais elles se rapportent aux conditions
nécessaires à la vie de certains organismes aquatiques dans les masses d’eau,
spécialement les diverses espèces de poissons. Les désignations de l’utilisation
dans un climat tempéré, telles que définies dans la réglementation de l’Agence de
protection de l’environnement (EPA) pour l’Etat de l’Ohio, sont indiquées ci-après,
sans être précisées davantage:

• eaux chaudes;
• eaux moyennement chaudes;
• eaux chaudes dans des conditions exceptionnelles;
• eaux chaudes modifiées;
• eaux saisonnièrement salmonifères;
• eaux froides;
• eaux de ressources limitées.

Les critères de lutte contre la pollution des eaux

Les eaux naturelles et les eaux usées sont caractérisées par leur composition
physique, chimique et biologique. Les principales propriétés physiques et les
composants chimiques et biologiques des eaux usées et de leurs sources forment
une longue liste qui figure dans le manuel de Metcalf and Eddy, Inc. (1991). Les
méthodes analytiques utilisées pour ces définitions sont données dans un ouvrage
largement utilisé publié par l’Association américaine de santé publique (American
Public Health Association (APHA)) sous le titre Standard Methods for the
Examination of Water and Wastewater (APHA, 1995).

Chaque masse d’eau définie devrait faire l’objet d’une réglementation comportant
des critères fondamentaux et des critères numériques plus précis comme on le verra
brièvement plus loin.

Critères de base pour l’absence de pollution . Dans la mesure du possible, toutes


les masses d’eau devraient satisfaire aux cinq critères fondamentaux ci-après:

1. être libres de matières solides en suspension ou d’autres substances pénétrant


dans les eaux par suite d’activités humaines et qui s’y déposent sous forme
de boues putrides ou désagréables pour une autre raison, ou qui ont une
influence néfaste sur les organismes aquatiques;
2. être libres de débris flottants, d’huile, de mousse et d’autres matières
flottantes pénétrant dans les eaux par suite d’activités humaines en quantités
suffisantes pour être déplaisantes ou pour causer une détérioration;
3. être libres de matières pénétrant dans l’eau par suite d’activités humaines et
produisant une couleur, une odeur ou un autre état à un degré suffisant pour
créer une nuisance;
4. être libres de substances pénétrant dans l’eau par suite d’activités humaines,
dans des concentrations toxiques ou nocives pour l’être humain, la faune et
la flore ou les organismes aquatiques et qui deviennent rapidement létales
dans la zone de brassage;
5. être libres de nutriments pénétrant dans l’eau sous l’effet d’activités
humaines, dans des concentrations entraînant une croissance des herbes
aquatiques et des algues qui en font une nuisance.

Les critères de qualité de l’eau consistent en limites numériques et en directives


pour le contrôle des composants chimiques, biologiques et toxiques présents dans
les masses d’eau.

Comme il y a aujourd’hui plus de 70 000 composés chimiques en usage, il est


pratiquement impossible de définir des mesures de réglementation pour chacun
d’eux. On peut cependant fixer des critères pour les substances chimiques en se
fondant sur des limites, établies en fonction de trois grandes catégories de
consommation et d’exposition:

Catégorie 1: les critères chimiques de protection de la santé de l’être humain sont


d’importance primordiale et devraient être fixés conformément aux
recommandations des organes gouvernementaux de la santé, de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) et des organismes de recherche reconnus dans ce
domaine.

Catégorie 2: les critères chimiques de contrôle de l’eau destinée à l’agriculture


devraient reposer sur des études et des recommandations scientifiques reconnues
qui protègent les cultures et le bétail contre les effets nocifs de l’irrigation des
champs et de la consommation d’eau par le bétail.

Catégorie 3: les critères chimiques de protection des organismes aquatiques


devraient reposer sur des études scientifiques reconnues concernant la sensibilité de
ces espèces à des substances chimiques déterminées et tenir compte de la
consommation par l’humain de poissons et de produits de la mer.

Les critères applicables aux rejets d’eaux usées concernent les limites imposées aux
polluants présents dans ces effluents et constituent une autre méthode de
réglementation. Ils peuvent être fixés en fonction des désignations d’utilisation des
masses d’eau et dans le cadre des catégories de critères chimiques ci-dessus.

Les critères biologiques reposent sur les conditions d’habitat des masses d’eau qui
sont nécessaires aux organismes aquatiques.

La teneur en matières organiques des eaux usées et des eaux naturelles

La teneur brute en matières organiques est extrêmement importante pour définir le


pouvoir de pollution des eaux usées et des eaux naturelles. On a généralement
recours pour ce faire à trois essais en laboratoire:
La demande biochimique en oxygène (DBO): la demande biochimique sur cinq
jours (DBO5) est le paramètre le plus largement employé; il sert à mesurer la
quantité d’oxygène dissous utilisée par les micro-organismes pour décomposer
pendant cette période les matières organiques par oxydation biologique.

La demande chimique en oxygène (DCO): ce paramètre sert à mesurer les matières


organiques des déchets municipaux et industriels qui contiennent des composés
toxiques pour la vie biologique; il mesure la quantité d’oxygène consommée par
l’oxydation d’une quantité équivalente de matières organiques.

Le carbone organique total (COT): cet essai s’applique spécialement aux faibles
concentrations de matières organiques dans l’eau; c’est une mesure de la quantité
de matières organiques qui sont oxydées pour former du dioxyde de carbone.

La réglementation antidégradation

Cette réglementation offre une autre solution pour empêcher la pollution de l’eau
de progresser au-delà de certaines limites. A titre d’exemple, on citera les trois
niveaux de protection contre la dégradation définis dans les normes de qualité de
l’eau de l’EPA de l’Etat de l’Ohio:

Niveau 1: les utilisations existantes doivent être maintenues et protégées. Aucune


autre dégradation de la qualité de l’eau n’est autorisée si elle peut gêner les
utilisations désignées existantes.

Niveau 2: il faut ensuite maintenir une qualité de l’eau meilleure que celle qui est
indispensable pour protéger les utilisations, sauf s’il est attesté qu’une qualité
inférieure est nécessaire pour des raisons économiques ou sociales importantes, qui
sont déterminées par le directeur de l’EPA.

Niveau 3: enfin, il faut maintenir et protéger la qualité des eaux qui constituent les
ressources hydriques. Leur qualité ambiante existante ne peut ni être dégradée par
aucune substance jugée toxique ni gêner aucune utilisation désignée. Des charges
accrues de polluants ne pourront être rejetées dans les masses d’eau que si elles
n’ont pas pour effet d’abaisser la qualité existante.

Les zones de mélange des polluants rejetés dans l’eau et la modélisation de la charge
autorisée de matières

Les zones de mélange sont les étendues d’une masse d’eau qui permettent aux eaux
usées, traitées ou non traitées qui y sont déversées d’atteindre des conditions
stables, comme le montre la figure 55.10 pour un cours d’eau. Les effluents se
trouvent d’abord dans un état transitoire, puis se diluent progressivement par
rapport à leur concentration à la source pour atteindre l’état de l’eau du récepteur.
Ces zones ne doivent pas être considérées comme un lieu de traitement et elles
peuvent être délimitées et soumises à des restrictions bien précises. En général, les
zones de mélange ne doivent pas:

• gêner la migration, la survie, la reproduction ou la croissance des organismes


aquatiques;
• inclure des zones de frai ou d’alevinage;
• comporter des points de prélèvement pour le réseau de distribution d’eau;
• inclure des zones de baignade;
• s’étendre sur plus de la moitié de la largeur d’un cours d’eau;
• s’étendre sur plus de la moitié de la section transversale de l’embouchure
d’un cours d’eau;
• s’étendre en aval sur une distance supérieure au quintuple de la largeur du
cours d’eau.

Figure 55.10 Zones de mélange

Les études sur les concentrations autorisées d’eaux usées pour éviter
l’eutrophisation (définie ci-après) ont pris de l’importance en raison du coût élevé
de la lutte contre les nutriments contenus dans les eaux usées déversées. Ces études
utilisent généralement des modèles informatisés pour simuler la qualité de l’eau
dans un courant, particulièrement en ce qui concerne les nutriments sous forme
d’azote et de phosphore, qui influent sur la dynamique de l’oxygène dissous. Le
modèle QUAL2E de l’EPA, aux Etats-Unis, décrit par Brown et Barnwell (1987)
est un exemple typique de ces outils classiques. Un instrument plus récent proposé
par Taylor (1995) est le modèle OMNI diurne (OMNI Diurnal Model (ODM)) qui
comporte une simulation de l’impact des plantes aquatiques sur les nutriments dans
le cours d’eau et la dynamique de l’oxygène dissous.

Les dérogations prévues


Toutes les réglementations de lutte contre la pollution de l’eau sont imparfaites et
doivent donc comprendre des dispositions qui permettent d’y déroger lorsque
certaines circonstances empêchent de s’y conformer immédiatement ou
intégralement.

L’évaluation et la gestion des risques concernant la pollution de l’eau

Les mesures antipollution décrites ci-dessus sont caractéristiques des approches


utilisées dans le monde entier par les pouvoirs publics pour obtenir le respect de
normes de qualité et imposer des limites au rejet des eaux usées. En général, ces
réglementations ont été établies sur la base de considérations sanitaires et de
recherches scientifiques; en cas d’incertitude quant aux effets possibles, on
applique souvent des coefficients de sécurité. L’application de certaines de ces
réglementations peut s’avérer peu rationnelle et excessivement coûteuse pour la
société et les entreprises privées. On cherche donc de plus en plus à allouer plus
efficacement les ressources pour atteindre une meilleure qualité de l’eau. Comme
on l’a vu précédemment dans l’examen des ressources hydrologiques, la pureté
parfaite n’existe pas, même dans les eaux à l’état naturel.

Une démarche qui gagne en popularité consiste à évaluer et à gérer les risques
écologiques pour fixer des règles antipollution. Ce principe repose sur une analyse
des coûts et avantages écologiques du respect des normes ou limites. Parkhurst
(1995) propose de recourir à l’évaluation des risques écologiques pour faciliter la
définition des limites de la pollution de l’eau, particulièrement en ce qui concerne
la protection des organismes aquatiques. Ces méthodes d’évaluation des risques
peuvent servir à estimer les effets écologiques des concentrations chimiques dans
un large éventail de cas de pollution des eaux de surface, notamment:

• la pollution par des sources ponctuelles;


• la pollution par des sources non ponctuelles;
• les sédiments contaminés présents dans les cours d’eau;
• les emplacements de déchets dangereux par rapport aux masses d’eau;
• l’analyse des critères existants de lutte contre la pollution de l’eau.

La méthode envisagée comporte trois étapes, comme l’indique la figure 55.11 qui
en donne une illustration.

Figure 55.11 Méthodes d’évaluation des risques pour différents niveaux


successifs d’analyse. Niveau 1: présélection; niveau 2: quantification des risques
pouvant être importants; niveau 3: quantification des risques sur des sites déterminés
La pollution des eaux des lacs et des réservoirs

Les lacs et les réservoirs assurent le stockage de l’eau apportée par le bassin versant
et peuvent avoir de longs temps de résidence par rapport au flux qui entre et sort
rapidement d’un tronçon de rivière. Ils revêtent donc une importance spéciale pour
la rétention de certains composants, en particulier les nutriments comprenant des
formes d’azote et de phosphore qui favorisent l’eutrophisation. Celle-ci est un
processus de vieillissement naturel dans lequel l’eau s’enrichit organiquement, ce
qui aboutit à la prolifération des plantes aquatiques indésirables comme les algues,
la jacinthe d’eau, etc. L’eutrophisation tend à réduire la faune et la flore aquatiques
et a des effets nocifs sur l’oxygène dissous. Les sources de nutriments, d’origine
naturelle ou humaine, peuvent toutes deux faciliter ce processus, comme le montre
Preul (1974) à la figure 55.12, où l’on trouve une liste schématique des sources et
réservoirs de nutriments du lac Sunapee, dans l’Etat du New Hampshire, aux Etats-
Unis.

Figure 55.12 Liste schématique des sources et puits de nutriments (azote et phosphore)
du lac Sunapee, New Hampshire (Etats-Unis)

On peut évidemment chercher à connaître l’état d’eutrophisation des lacs et des


réservoirs en y prélevant des échantillons que l’on analysera. Les études
analytiques commencent d’ordinaire par un bilan de base des nutriments comme
celui-ci:

nutriments entrant dans le lac = nutriments sortant du lac


+ nutriments retenus dans le lac

Ce bilan de base peut être élargi par l’inclusion des diverses sources, comme on le
voit à la figure 55.12.

Le temps de résidence est une indication des divers paramètres de la rétention d’un
système lacustre donné. Les lacs peu profonds comme le lac Erié ont des temps de
résidence relativement brefs et connaissent une eutrophisation prononcée parce
qu’ils sont souvent plus propices à la croissance des plantes aquatiques. Les lacs
profonds comme le lac Tahoe et le lac Supérieur ont de très longs temps de
résidence, qui sont généralement caractéristiques des lacs à eutrophisation minime
parce qu’ils n’ont pas été surchargés jusqu’à présent et parce que leur grande
profondeur n’est pas propice à une croissance étendue des plantes aquatiques,
exception faite de l’épilimnion (couche supérieure). Les lacs de cette catégorie sont
généralement considérés comme oligotrophiques, du fait qu’ils sont relativement
pauvres en nutriments et donnent lieu à une prolifération aquatique minime, par
exemple celle des algues.

Il est intéressant de comparer les temps de résidence de certains grands lacs des
Etats-Unis indiqués par Pecor (1973) à l’aide de la formule suivante:

temps de résidence du lac [TRL] = volume de stockage


du lac/débit de l’exutoire

Voici certains exemples: lac Wabesa (Michigan), TRL = 0,3 an; lac Houghton
(Michigan), 1,4 an; lac Erié, 2,6 ans; lac Supérieur, 191 ans; lac Tahoe, 700 ans.

Bien que le rapport entre le processus d’eutrophisation et la teneur en nutriments


soit complexe, le phosphore est généralement reconnu comme le nutriment
limitatif. Se fondant sur une situation de mélange complet, Sawyer (1947) signale
que les algues tendent à proliférer si les valeurs d’azote dépassent 0,3 mg/litre et
celles de phosphore 0,01 mg/litre. Dans les lacs et réservoirs à stratification
thermique, les faibles niveaux d’oxygène dissous dans l’hypolimnion sont les
premiers signes d’eutrophisation. Vollenweider (1968, 1969) a calculé les niveaux
de concentration critiques en phosphore total et azote total pour un certain nombre
de lacs en se fondant sur les concentrations en nutriments, les profondeurs
moyennes et les niveaux trophiques. A titre de comparaison des travaux réalisés sur
cette question, citons Dillon (1974) qui a publié une étude critique du modèle de
bilan des nutriments proposé par Vollenweider et d’autres modèles du même ordre.
Il existe aussi des modèles informatisés plus récents pour simuler les cycles
azote/phosphore en fonction de la température.
La pollution des eaux des estuaires

L’estuaire est la voie de passage intermédiaire des eaux entre l’embouchure d’un
fleuve et la côte. Cette voie est formée d’un chenal d’embouchure qui reçoit l’eau
venue d’amont (eau douce) et la déverse en aval dans l’eau de mer (eau salée) du
cours inférieur dont le niveau change constamment. Les estuaires sont
continuellement influencés par les fluctuations dues aux marées et ils forment l’une
des masses d’eau les plus complexes sur le plan de la lutte contre la pollution de
l’eau. Ils ont pour caractéristiques dominantes une salinité variable, une «langue»
salée ou interface entre l’eau salée et l’eau douce et, souvent, de vastes étendues
aquatiques peu profondes et troubles qui recouvrent des replats boueux et des
marais saumâtres. Les nutriments leur sont fournis essentiellement par l’eau
d’amont et se combinent au milieu marin pour donner naissance à une production
prolifique de biotes et d’organismes marins. Les fruits de mer récoltés dans les
estuaires sont particulièrement appréciés.

Sous l’angle de la pollution des eaux, les estuaires sont d’une complexité qui varie
avec chacun d’eux et exigent généralement des enquêtes spéciales faisant appel à
de vastes études sur le terrain et à la modélisation informatisée. Pour en savoir
davantage, on se reportera à Reish, 1979, au sujet de la pollution marine et
estuarine, et à Reid et Wood, 1976, quant à l’écologie des eaux intérieures et des
estuaires.

La pollution de l’eau dans les milieux marins

On peut considérer les océans comme le récepteur ou réservoir ultime, puisque les
déchets charriés par les cours d’eau finissent par être rejetés dans le milieu marin.
Même si les océans sont de vastes étendues d’eau salée à capacité d’assimilation
apparemment illimitée, la pollution tend à dégrader leur littoral et elle perturbe en
outre la faune et la flore marines.

Les sources de polluants du milieu marin comprennent un grand nombre de celles


que l’on trouve dans les eaux usées d’origine continentale, auxquelles s’ajoutent les
sources liées à l’exploitation des mers. Une liste partielle en est donnée ci-après:

• eaux usées et boues domestiques, déchets industriels, déchets solides,


déchets rejetés par les navires;
• déchets des pêcheries, sédiments et nutriments provenant des cours d’eau et
du ruissellement terrestre;
• rejets d’hydrocarbures, déchets de la prospection et de l’extraction
pétrolières en mer, opérations de dragage;
• chaleur, déchets radioactifs, substances chimiques, pesticides et herbicides
rejetés.
Chacune de ces sources nécessite un traitement spécial et des méthodes
particulières de lutte. Le déversement des eaux usées municipales et des boues
d’égout dans l’océan par les exutoires est sans doute la principale source de
pollution marine.

Pour connaître l’état actuel de la question, le lecteur se reportera au livre de Bishop


(1983) sur la pollution des mers et les moyens de lutter contre elle.

Les techniques de réduction de la pollution engendrée par le déversement des


eaux usées

L’épuration à grande échelle des eaux usées est généralement réalisée par les
municipalités, les agences de bassin, l’industrie, les entreprises commerciales et
diverses commissions de lutte contre la pollution. Nous nous attacherons ici à
décrire les méthodes actuelles de traitement des eaux usées municipales et à donner
ensuite quelques précisions sur celui des déchets industriels et sur les méthodes
plus perfectionnées.

Dans l’ensemble, tous les procédés de traitement des eaux usées appartiennent à
l’un des trois types ci-après: physique, chimique ou biologique, et l’on peut
employer un ou plusieurs d’entre eux pour obtenir l’effluent voulu. Cette
classification, très utile pour comprendre les méthodes de traitement des eaux
usées, est présentée au tableau 55.15.

Tableau 55.15 Classification générale des opérations et procédés de traitement


des eaux usées

Opérations physiques Procédés chimiques Procédés biologiques


Mesure des débits Précipitation Processus aérobie
Tri/dessablage Neutralisation Processus anaérobie
Brassage Adsorption Combinaisons aérobie-
Floculation Désinfection anaérobie
Sédimentation Oxydation chimique
Flottation Réduction chimique
Filtration Incinération
Séchage Echange d’ions
Distillation Electrodialyse
Centrifugation
Réfrigération
Osmose inverse

Les méthodes actuelles de traitement des eaux usées

Nous n’en examinerons que quelques-unes, notre intention étant de donner un


aperçu des méthodes de traitement actuellement utilisées dans le monde plutôt que
de décrire en détail leur conception. Pour en savoir davantage sur ce dernier point,
on consultera Metcalf and Eddy, Inc., 1991.
Les eaux usées municipales mélangées en quantité variable à des déchets
industriels ou commerciaux sont épurées dans des systèmes qui procèdent
d’ordinaire aux traitements primaire, secondaire et tertiaire, comme suit:

Système de traitement primaire: prétraitement –> décantation primaire –>


désinfection (chloration) –> effluents

Système de traitement secondaire: prétraitement –> décantation primaire –>


installation biologique –> décantation secondaire –> désinfection (chloration) –>
envoi des effluents au récepteur

Système de traitement tertiaire: prétraitement –> décantation primaire –>


installation biologique –> décantation secondaire –> installation de traitement
tertiaire –> désinfection (chloration) –> envoi des effluents au récepteur

La figure 55.13 présente le schéma d’un système classique d’épuration des eaux
usées. On trouvera ci-après un aperçu des procédés mentionnés ci-dessus.

Figure 55.13 Schéma du traitement classique des eaux usées

Le traitement primaire

Le traitement primaire des eaux usées municipales, y compris les eaux usées
domestiques mélangées dans une certaine mesure à des effluents industriels ou
commerciaux, a principalement pour objectif d’éliminer les solides en suspension
et de clarifier les eaux pour qu’elles se prêtent à un traitement biologique. Après un
traitement tel que tri, dessablage et dilacération, le principal procédé de
sédimentation primaire est la décantation des eaux usées brutes dans de grands
bassins pendant une période pouvant atteindre plusieurs heures. Ce procédé extrait
de 50 à 75% du total des solides en suspension, soutirés sous forme de boues qui
seront soumises à un traitement distinct. L’eau décantée est alors dirigée vers un
traitement secondaire. Dans certains cas, on peut utiliser des produits chimiques
pour améliorer le rendement du traitement primaire.

Le traitement secondaire

La partie du contenu organique des eaux usées en suspension fine ou en solution


qui ne peut être extraite par le procédé primaire fait l’objet d’un traitement
secondaire. Les systèmes généralement acceptés et couramment utilisés pour ce
traitement sont les lits bactériens, les dispositifs de contact tels que les disques
biologiques verticaux rotatifs, les bassins à boues activées, les étangs d’aération et
les méthodes d’épandage sur les terres, y compris les terres humides. Tous ces
systèmes font appel à des processus biologiques, sous une forme ou une autre. Les
plus courants d’entre eux sont brièvement examinés ci-après.

Systèmes à biomasse fixée . Les lits bactériens sont l’une des formes les plus
anciennes de cette méthode de traitement secondaire et sont encore largement
employés en liaison avec certains procédés améliorés d’épandage. Par ce
traitement, les effluents provenant des bassins primaires sont répandus
uniformément sur un lit de matériaux tels que cailloux ou éléments en plastique
synthétique. On obtient une répartition uniforme en arrosant le lit par un dispositif
rotatif de tuyaux perforés qui tournent de façon intermittente ou continue au-dessus
du lit, en fonction du procédé désiré. Selon le taux de concentration en matières
organiques et la charge hydraulique, les filtres percolateurs peuvent extraire jusqu’à
95% des matières organiques, habituellement déterminées comme demande
biologique en oxygène (DBO). Il existe de nombreux autres systèmes plus récents à
disques biologiques qui peuvent assurer une épuration du même ordre; certaines de
ces méthodes présentent des avantages particuliers, intéressants lorsqu’il existe des
facteurs limitatifs, comme la place disponible, le climat, etc. Il convient de noter
qu’un bassin secondaire de décantation est nécessaire pour compléter le processus.
On en soutire la boue biologique ou secondaire, tandis que l’eau décantée est
rejetée en tant qu’effluent secondaire.

Boues activées . C’est le procédé biologique le plus courant. Les effluents qui ont
subi le traitement primaire s’écoulent dans un bassin contenant déjà une biomasse
en suspension appelée boue activée. Ce mélange ou «matières en suspension de la
liqueur mixte», est laissé en contact pendant une période qui varie de plusieurs
heures à 24 heures ou davantage, selon les résultats désirés. Pendant cette période,
le mélange est fortement aéré et agité pour favoriser l’activité biologique aérobie.
En fin de processus, une partie du mélange est soutirée et remise en circulation en
tête de bassin pour entretenir l’activation biologique. Une décantation secondaire
suit le passage par les boues activées, et les eaux décantées se déversent sous forme
d’effluents. Grâce à ce processus, on peut extraire jusqu’à 95% de la DBO des
affluents.
Le traitement tertiaire

Un troisième niveau de traitement peut avoir lieu s’il faut parvenir à une
élimination plus complète des polluants. En général, il prend la forme de filtration
sur sable, dans des bassins de stabilisation, par épandage sur les terres et les terres
humides et par d’autres systèmes qui stabilisent davantage les effluents
secondaires.

La désinfection des effluents

D’ordinaire, il faut procéder à une désinfection pour réduire à des niveaux


acceptables les concentrations en bactéries et en pathogènes. L’addition de chlore,
le dioxyde de chlore, l’ozone et les rayonnements ultraviolets sont les moyens les
plus couramment employés.

L’efficacité générale des installations de traitement des eaux usées

Les eaux usées contiennent une grande variété de composants qui sont
généralement subdivisés en solides en suspension et matières en solution, en
composants inorganiques et en composés organiques.

L’efficacité d’un système de traitement se mesure d’après le pourcentage


d’élimination de ces composants. Les paramètres de mesure courants sont les
suivants:

• DBO: demande biologique en oxygène, mesurée en mg/litre;


• DCO: demande chimique en oxygène, mesurée en mg/litre;
• TSS: total des solides en suspension, mesuré en mg/litre;
• TSD: total des solides dissous, mesuré en mg/litre;
• formes azotées: nitrate et ammoniac, mesurés en mg/litre (le nitrate est
particulièrement important en tant que nutriment dans le phénomène de
l’eutrophisation);
• phosphate: mesuré en mg/litre (également très important comme nutriment
dans l’eutrophisation);
• pH: degré d’acidité, mesuré selon une échelle allant de 1 (le plus acide) à 14
(le plus alcalin);
• comptage des colibacilles: mesuré comme le nombre le plus probable par
100 ml (Escherichia et les colibacilles fécaux sont les indicateurs les plus
courants).

Le traitement des eaux résiduaires industrielles

Les types de déchets industriels

Les rejets industriels (non ménagers) sont nombreux et d’une composition très
variée; ils peuvent être très acides ou très alcalins et exigent souvent une analyse
approfondie en laboratoire. Un traitement spécialisé peut s’imposer pour les rendre
inoffensifs avant leur rejet. La toxicité revêt une grande importance dans
l’évacuation des eaux résiduaires industrielles.

Les principales sources de rejets industriels sont: les papeteries, abattoirs,


brasseries, tanneries, industries alimentaires, conserveries, industries chimiques et
pétrolières, textiles, sucreries, blanchisseries, production de viandes et volailles,
élevages de porcs, et bien d’autres. Pour choisir la méthode de traitement, il faut
commencer par une étude des rejets industriels, qui donnera des indications sur les
variations des apports et les caractéristiques des matières rejetées. Les
caractéristiques des rejets indésirables données par Eckenfelder (1989) peuvent se
résumer comme suit:

• substances organiques solubles entraînant une diminution de l’oxygène


dissous dans l’eau;
• solides en suspension;
• matières organiques en traces;
• métaux lourds, cyanures et matières organiques toxiques;
• couleur et turbidité;
• azote et phosphore;
• substances réfractaires résistant à la biodégradation;
• huiles et matières flottantes;
• matières volatiles.

L’EPA, aux Etats-Unis, a défini en outre une liste de substances chimiques


toxiques, organiques et inorganiques, qui font l’objet de limitations spéciales dans
l’octroi des permis de rejet. Cette liste comprend plus de 100 composés; elle est
trop longue pour être reproduite ici, mais elle peut être obtenue auprès de l’EPA.
Les méthodes de traitement

Le traitement des effluents industriels est plus spécialisé que celui des déchets
ménagers; lorsqu’ils se prêtent à l’épuration biologique, ils sont toutefois traités
selon des méthodes semblables à celles décrites précédemment (traitement
biologique secondaire/ tertiaire) pour les systèmes municipaux.

Les bassins de stabilisation des effluents sont une méthode courante de traitement
des eaux usées organiques lorsqu’on dispose d’assez de terrain. Les bassins à
écoulement continu sont généralement classés en fonction de leur activité
bactérienne en bassins aérobies, facultatifs ou anaérobies. Les bassins aérés sont
alimentés en oxygène au moyen de systèmes d’aération par diffusion ou
mécanique.

Les figures 55.14 et 55.15 présentent des schémas de bassins de stabilisation des
déchets.
Figure 55.14 Bassin de stabilisation à deux compartiments: coupe transversale

Figure 55.15 Types de lagunes d’aération: schéma

La prévention de la pollution et la réduction des rejets au minimum


Si l’on analyse les effluents industriels à leur source, au niveau des opérations et
procédés de fabrication à l’usine, on peut souvent agir de manière à empêcher le
rejet d’importantes quantités de polluants.

Les techniques de recyclage jouent un rôle important dans les programmes de


prévention de la pollution. Un exemple classique est celui du plan de recyclage des
eaux usées rejetées par une tannerie de cuir, publié par Preul (1981), qui
comprenait la récupération/réutilisation du chrome, ainsi que le recyclage complet
de toutes les eaux usées de la tannerie, de sorte qu’aucun effluent n’était déversé
dans les cours d’eau, sauf en cas d’urgence. Le shéma de ce système est indiqué à
la figure 55.16.

Figure 55.16 Diagramme de flux d’un système de recyclage des eaux usées
d’une tannerie
Pour trouver des exemples plus récents et novateurs de cette technique, le lecteur
est invité à se reporter à une publication de la Water Environment Federation
(1995) sur la prévention de la pollution et la réduction des rejets.

Les méthodes perfectionnées de traitement des eaux usées

Il existe un certain nombre de méthodes perfectionnées pour obtenir un meilleur


degré d’élimination des constituants des polluants, selon les besoins. En voici une
énumération générale:

• filtration (sur sable et milieux multiples);


• précipitation chimique;
• adsorption sur charbon actif;
• électrodialyse;
• distillation;
• nitrification;
• récolte des algues;
• valorisation des effluents;
• microtamisage;
• strippage de l’ammoniaque;
• osmose inverse;
• échange d’ions;
• épandage sur les terres;
• dénitrification;
• zones humides.

Le choix du procédé qui convient le mieux à une situation donnée doit être fait en
fonction de la qualité et de la quantité des eaux usées brutes, des exigences des
eaux réceptrices et, bien entendu, des coûts. Pour avoir plus de précisions, se
reporter à Metcalf and Eddy, Inc., 1991, qui contient un chapitre sur les techniques
avancées de traitement des eaux usées.

Etude de cas du traitement perfectionné des eaux usées

L’étude de cas du Projet de régénération des eaux usées dans la région de Dan,
décrit dans l’article suivant du présent chapitre, offre un excellent exemple de
méthode novatrice de traitement et de valorisation des eaux usées.

La pollution thermique

La pollution thermique est une forme de rejet industriel, défini comme une
augmentation ou une réduction nocive des températures normales de l’eau dans les
eaux réceptrices causée par l’évacuation de la chaleur provenant des installations
techniques. Les industries grandes productrices de rejets thermiques sont les
centrales fonctionnant aux combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) et les
centrales nucléaires, les aciéries, les raffineries de pétrole, les usines chimiques, les
papeteries, les distilleries et les blanchisseries. Particulièrement préoccupantes sont
les centrales électriques qui fournissent l’énergie dans un grand nombre de pays
(aux Etats-Unis, par exemple, à raison d’environ 80%).

L’impact des rejets thermiques sur les eaux réceptrices

L’influence sur la capacité d’autoépuration naturelle

• La chaleur augmente l’oxydation biologique.


• La chaleur diminue la teneur de saturation en oxygène de l’eau et réduit le
taux de réoxygénation naturelle.
• L’effet net de la chaleur est généralement nocif pendant les mois chauds de
l’année.
• L’effet en hiver peut être bénéfique dans les climats froids, où la glace se
brise et où une aération de surface est offerte aux poissons et aux organismes
aquatiques.
L’influence sur les organismes aquatiques

Un grand nombre d’espèces ont des limites de tolérance à la température et doivent


être protégées, particulièrement dans les tronçons d’une rivière ou d’une masse
d’eau influencés par la chaleur. Ainsi, les cours d’eau froids ont habituellement les
types les plus nobles de poissons pêchés pour le sport, comme la truite et le
saumon, tandis que les eaux chaudes abritent généralement des bancs de poissons
communs et que certaines espèces, comme la perche et le brochet, se nourrissent
dans les eaux à température intermédiaire.
L’analyse thermique des eaux réceptrices

La figure 55.17 illustre les diverses formes d’échanges naturels de chaleur aux
limites d’un milieu aquatique récepteur. Lorsque la chaleur est rejetée dans une eau
réceptrice comme celle d’une rivière, il est important d’analyser la capacité qu’a
cette rivière de recevoir de la chaleur supplémentaire. Le profil de température
d’une rivière peut se calculer en établissant un bilan thermique analogue à celui qui
sert à calculer la courbe d’affaissement de l’oxygène dissous. Les principaux
facteurs de ce bilan sont indiqués à la figure 55.18 pour un tronçon de cours d’eau
entre les points A et B. Il faut calculer séparément chacun des facteurs en fonction
de certaines variables thermiques. Comme dans le cas de l’oxygène dissous, le
bilan est simplement la somme des apports et des pertes de température pour un
tronçon donné. On trouve d’autres méthodes analytiques plus complexes dans les
publications sur la question. Les résultats fournis par le calcul du bilan thermique
peuvent être utilisés pour déterminer les limites à imposer aux rejets thermiques et,
éventuellement, certaines restrictions d’usage à imposer au milieu aquatique
considéré.

Figure 55.17 Echange thermique aux frontières d’une masse d’eau réceptrice
Figure 55.18 Capacité d’un cours d’eau à recevoir de la chaleur

La lutte contre la pollution thermique

Les principales méthodes sont:

• amélioration de l’efficacité du fonctionnement des centrales électriques;


• utilisation de tours de refroidissement;
• utilisation de bassins isolés de refroidissement;
• prise en considération d’autres méthodes de production d’électricité comme
l’énergie hydraulique.

Lorsque les conditions physiques sont favorables et en respectant certaines limites


de l’environnement, on devrait envisager de substituer l’énergie hydroélectrique à
celle qui provient des combustibles fossiles ou du nucléaire. Les centrales
hydroélectriques ne rejettent ni chaleur, ni eaux usées qui sont sources de pollution.

La lutte contre la pollution des eaux souterraines

L’importance des eaux souterraines

Etant donné que l’eau consommée dans le monde provient en grande partie des
aquifères, il est très important de protéger ces sources d’approvisionnement. On
estime que plus de 95% de l’eau douce disponible sur la planète est souterraine;
aux Etats-Unis, 50% environ de l’eau de boisson provient de puits, selon l’enquête
géologique américaine (US Geological Survey) de 1984. Etant donné que la
pollution et les mouvements des eaux souterraines sont de nature subtile et
invisible, on accorde parfois à l’analyse et à la maîtrise de cette forme de
dégradation moins d’attention qu’à celle des eaux de surface, qui est beaucoup plus
évidente.

Les sources de pollution souterraine

La figure 55.19 décrit le cycle hydrologique avec les sources de contamination des
eaux souterraines qui l’affectent. Une liste complète des sources possibles de
pollution souterraine serait très longue; nous n’indiquerons ci-après que les plus
évidentes:

• rejets industriels;
• cours d’eau pollués en contact avec les aquifères;
• industries extractives;
• élimination de déchets solides et dangereux;
• réservoirs de stockage en sous-sol (par exemple, pour le pétrole);
• systèmes d’irrigation;
• réalimentation artificielle;
• envahissement par les eaux de mer;
• déversements;
• bassins pollués à fond perméable;
• puits d’injection;
• champs d’épandage septiques et puits d’infiltration;
• forages inconsidérés de puits;
• travaux agricoles;
• sels de déneigement des routes.
Figure 55.19 Cycle hydrologique et sources de contamination des eaux souterraines

Les polluants de contamination du sous-sol peuvent en outre se classer comme suit:

• composants chimiques indésirables (liste non exclusive) — organiques et


inorganiques (par exemple, chlorures, sulfates, fer, manganèse, sodium,
potassium);
• dureté totale et somme des solides dissous;
• composants toxiques (liste non exclusive) — nitrates, arsenic, chrome,
plomb, cyanures, cuivre, phénols, mercure dissous;
• caractéristiques physiques indésirables — goût, couleur, odeur;
• pesticides et herbicides — hydrocarbures chlorés et autres;
• matières radioactives — diverses formes de radioactivité;
• agents biologiques — bactéries, virus, parasites, etc.;
• acides (faible pH) ou caustiques (pH élevé).
Parmi les substances ci-dessus, les nitrates revêtent une importance particulière
pour les eaux souterraines comme pour les eaux de surface. Dans les
approvisionnements en eau souterraine, ils peuvent causer une maladie appelée
méthémoglobinémie (cyanose des nourrissons). Ils peuvent en outre avoir des effets
nocifs d’eutrophisation des eaux de surface; ces nitrates se retrouvent dans une
vaste gamme de ressources en eau, comme le signale Preul (1991). Preul (1964,
1967, 1972) et Preul et Schroepfer (1968) ont également parlé de la migration
souterraine de l’azote et d’autres polluants.

La migration souterraine de la pollution

Les écoulements des eaux souterraines sont excessivement lents et subtils en


comparaison de ceux des eaux de surface dans le cycle hydrologique. Pour se faire
une idée simple du cheminement des eaux souterraines ordinaires dans des
conditions d’écoulement idéales et stables, on peut utiliser la loi de Darcy qui est
une méthode élémentaire d’évaluation du mouvement des eaux souterraines avec
des nombres de Reynolds (R) peu élevés:

V =K (dh/dl)

dans laquelle:

V = vitesse des eaux souterraines dans l’aquifère, en m/jour


K = coefficient de perméabilité de l’aquifère
(dh/dl) = gradient hydraulique représentant la force imprimant
le mouvement.

L’eau souterraine ordinaire (H2O) est généralement le fluide porteur de la migration


des polluants en sous-sol et l’on peut calculer qu’elle se déplace à une vitesse
conforme aux paramètres de la loi de Darcy. Toutefois, le débit ou la vitesse d’un
polluant tel qu’une substance chimique organique ou inorganique peut varier sous
l’effet de processus d’advection et de dispersion hydrodynamique. Certains ions se
déplacent plus lentement ou plus rapidement que la vitesse générale d’écoulement
des eaux souterraines par suite des réactions avec les milieux de l’aquifère, de sorte
que l’on peut les classer en «réactifs» ou «non réactifs». Les réactions revêtent
généralement les formes suivantes:

• réactions physiques entre le polluant et l’aquifère ou le liquide transporteur;


• réactions chimiques entre le polluant et l’aquifère ou le liquide transporteur;
• actions biologiques sur le polluant.

Voici des exemples de polluants réactifs et non réactifs du sous-sol:

• polluants réactifs — chrome, ions d’ammonium, calcium, sodium, fer, etc.;


cations en général; composants biologiques; composants radioactifs;
• polluants non réactifs — chlorures, nitrates, sulfates, etc.; certains anions;
certains pesticides et herbicides.

Au premier abord, on pourrait penser que les polluants réactifs sont les plus nocifs,
mais ce n’est pas toujours le cas du fait que les réactions bloquent ou retardent les
déplacements des concentrations de polluants, alors que les migrations de polluants
non réactifs peuvent se faire en grande partie sans obstacle. Il existe maintenant
certains produits «doux» pour le ménage et l’agriculture qui se dégradent
biologiquement après un certain temps et évitent par conséquent de contaminer les
eaux souterraines.

La régénération des aquifères

Il va de soi que la meilleure stratégie est de prévenir la pollution du sous-sol;


toutefois, il faut généralement l’apparition d’un phénomène pour que l’on découvre
que les eaux souterraines sont polluées de façon incontrôlée, par exemple à la suite
de plaintes émanant des utilisateurs de l’eau des puits dans la région.
Malheureusement, au moment où le problème est reconnu, les dommages peuvent
déjà être graves et il faut trouver un remède. La régénération peut exiger de vastes
études hydrogéologiques sur le terrain avec des analyses en laboratoire
d’échantillons d’eau pour déterminer l’étendue des concentrations de polluants et le
profil de leurs migrations. Souvent, les puits existants peuvent servir aux premiers
échantillonnages, mais dans les cas graves, il faudra peut-être faire de nombreux
forages et prélever de nombreux échantillons d’eau. On peut alors analyser ces
données pour établir la situation actuelle et prévoir l’avenir. L’analyse du
cheminement de la contamination des eaux souterraines est un domaine spécialisé
qui exige souvent le recours à des modèles informatisés pour mieux comprendre la
dynamique du phénomène et pouvoir faire des prévisions sous diverses contraintes.
Les publications contiennent à cette fin un certain nombre de modèles informatisés
à deux et trois dimensions. Le lecteur se reportera à l’ouvrage de Freeze et Cherry
(1987) s’il souhaite trouver des approches analytiques plus détaillées.

La prévention de la pollution

La prévention de la pollution est la meilleure méthode de protection des ressources


en eaux souterraines. Bien que les normes de l’eau potable s’appliquent
généralement à l’utilisation des eaux souterraines, il faut protéger les eaux non
traitées de la contamination. Les organismes gouvernementaux, comme les
ministères de la Santé, les organismes responsables des ressources naturelles et les
agences de protection de l’environnement, sont habituellement chargés de ces
activités. La lutte contre la pollution des eaux souterraines vise généralement à
protéger les aquifères et à prévenir la pollution.

Pour prévenir la pollution, il faut des mesures d’aménagement du territoire sous la


forme de zonage et d’autres réglementations. Les lois peuvent viser à empêcher
certaines utilisations, spécialement dans le cas de sources ponctuelles ou d’activités
qui pourraient causer une pollution. Le zonage est un instrument de protection des
eaux souterraines d’une grande efficacité au niveau local. Les programmes de
protection des aquifères et de la zone située autour du champ de captage des puits
sont examinés ci-après en tant qu’exemples éminents de prévention.

Un programme de protection de l’aquifère suppose la délimitation de la nappe et de


ses zones de recharge. Les aquifères peuvent être captifs ou non captifs et devront
donc être analysés par un hydrogéologue qui déterminera à quel type ils
appartiennent. La plupart des grands aquifères sont généralement bien connus dans
les pays développés, mais d’autres régions peuvent exiger des recherches sur le
terrain et une analyse hydrogéologique. L’élément capital d’un programme de
protection de l’aquifère contre la dégradation de la qualité de l’eau réside dans la
réglementation de l’utilisation des terres situées au-dessus de la nappe et de ses
zones de recharge.

La protection de la zone située autour du champ de captage d’un puits est une
approche plus précise et plus limitée qui s’applique à la zone de recharge de ce
puits. Le gouvernement fédéral des Etats-Unis exige maintenant, par les
amendements apportés en 1986 à la loi américaine de 1984 sur l’eau potable (Safe
Drinking Water Act (SDWA)), que des zones précises soient délimitées en amont
du champ de captage pour les puits publics. La zone de protection en tête du champ
de captage des pluies est définie dans cette loi comme «la zone en surface et sous la
surface entourant un puits ou un champ de captage de puits qui alimente un réseau
public de distribution d’eau, à travers laquelle il est raisonnablement probable que
des contaminants se déplaceront en direction de ce puits ou de ce champ de captage
et l’atteindront». L’objectif principal de ce programme tel qu’esquissé par l’EPA
(EPA, 1987) est de délimiter les zones de protection des puits sur la base des
critères choisis, de l’exploitation des puits et de considérations hydrogéologiques.

LE PROJET DE RÉGÉNÉRATION ET DE
VALORISATION DES EAUX USÉES DE LA RÉGION
DE DAN: UNE ÉTUDE DE CAS
Alexander Donagi

La conception

Le système de valorisation des eaux usées municipales de la région de Dan est le


plus grand dispositif de ce genre au monde. Il consiste en installations de traitement
(et de recharge dans les eaux souterraines) des eaux usées municipales de la zone
métropolitaine de la région de Dan — une agglomération de 8 villes centrées autour
de Tel-Aviv, en Israël, regroupant une population d’environ 1,5 million d’habitants.
Ce projet a été conçu dans le but de collecter, traiter et évacuer les eaux usées
municipales. Après un séjour relativement long dans l’aquifère, les effluents
régénérés sont pompés pour être utilisés sans restriction dans l’agriculture, irriguant
la région aride du Néguev dans la partie méridionale d’Israël. Un schéma général
du projet est donné à la figure 55.20. Celui-ci a été établi dans les années soixante
et a été continuellement étendu. A l’heure actuelle, on collecte et traite environ 110
millions de m3 par an. D’ici à quelques années, au stade final, on traitera de 150 à
170 millions de m3 par an.

Figure 55.20 Installation de régénération des eaux usées de la région de Dan: plan
On sait que les installations de traitement des eaux usées créent une multitude de
problèmes pour l’environnement et la santé des travailleurs. Le projet de la région
de Dan est unique en son genre et revêt un intérêt pour tout le pays; il permet de
réaliser des économies considérables sur les ressources en eau, a une grande
efficacité de traitement et produit de l’eau à peu de frais, sans présenter de risques
excessifs pour les travailleurs.

Tout au long de la conception, de l’installation et de l’exploitation normale du


projet, on a tenu compte avec soin des exigences relatives à l’assainissement de
l’eau et à l’hygiène du travail. Toutes les précautions voulues ont été prises pour
que les eaux usées récupérées soient pratiquement aussi sûres que de l’eau potable
ordinaire au cas où les gens viendraient à les boire ou à les avaler accidentellement.
De même, on s’est soucié comme il convient de réduire au minimum tout risque
d’accidents ou d’autres dangers biologiques, chimiques ou physiques auxquels
pourraient être exposées les personnes travaillant à l’installation de traitement des
eaux usées elle-même ou aux activités liées à l’évacuation et à l’utilisation agricole
des eaux régénérées.

Lors de la première étape du projet, les eaux usées ont été traitées biologiquement
dans un ensemble de bassins d’oxydation avec recirculation et par un procédé de
traitement chimique additionnel au calcaire-magnésium, suivi du séjour des
effluents à pH élevé dans des «bassins de polissage». Les effluents partiellement
traités ont été rechargés dans l’aquifère régional au moyen des bassins d’épandage
sur le site de Soreq.

Dans la deuxième étape, les eaux usées envoyées à l’installation de traitement


subissent un processus physique et biologique par un procédé à boues activées avec
nitrification-dénitrification. L’effluent secondaire est rechargé dans la nappe
souterraine au moyen des bassins d’épandage de Yavneh 1 et Yavneh 2.

L’ensemble du dispositif est formé d’un certain nombre d’éléments qui se


complètent mutuellement:

• un ensemble de traitement des eaux usées, formé d’un dispositif à boues


activées (installation physique et biologique), qui traite la plupart des
effluents, et d’un système de bassins d’oxydation et de polissage servant
principalement au traitement des quantités excédentaires d’eaux usées;
• un système de recharge de la nappe souterraine pour les effluents traités,
consistant en bassins d’épandage à deux emplacements différents (Yavneh et
Soreq) qui sont inondés par intermittence; les effluents absorbés traversent la
zone non saturée du sol et une portion de l’aquifère, créant ainsi une zone
spéciale qui est consacrée au traitement complémentaire des effluents et au
stockage saisonnier, appelé SAT (Soil-Aquifer Treatment);
• des réseaux de puits d’observation (au total, 53 puits), qui entourent les
bassins de recharge et permettent de surveiller l’efficacité du processus de
traitement;
• des réseaux de puits de récupération (au total, 74 puits actifs en 1993), qui
entourent les sites de recharge;
• une conduite spéciale et distincte d’apport de l’eau régénérée en vue de
l’irrigation sans conditions restrictives des zones agricoles du Néguev; cette
conduite, la «troisième ligne du Néguev», complète le système de
distribution de la région, qui comprend deux autres grandes conduites de
distribution d’eau douce;
• une installation de chloration des effluents, comprenant actuellement 3
emplacements de chloration (2 autres s’y ajouteront par la suite);
• six réservoirs de régulation le long du système de distribution, qui contrôlent
le volume d’eau pompé et consommé le long du réseau;
• un réseau de distribution des effluents, comprenant 13 grands secteurs de
pression le long de la conduite principale, qui distribue l’eau traitée aux
utilisateurs;
• un système intégré de surveillance qui supervise et gère le fonctionnement
intégral du projet.

La description du système de régénération

Le plan général du système de régénération est présenté à la figure 55.20 et le


diagramme d’écoulement à la figure 55.21. Le système est formé des ouvrages
suivants: installation de traitement des eaux usées, champs de recharge de l’eau,
puits de récupération, réseau de transport et de distribution, dispositif de chloration
et système intégré de surveillance.

Figure 55.21 Diagramme d'écoulement du projet de la région de Dan


L’installation de traitement des eaux usées

L’installation de la zone de la région métropolitaine de Dan reçoit les eaux de 8


villes de la région et traite aussi une partie de leurs effluents industriels. Elle est
située sur les dunes de sable de Rishon-Leziyyon et consiste principalement en un
traitement secondaire des effluents par boues activées. Une partie des effluents,
surtout lorsque les rejets atteignent un débit de pointe, est traitée dans un autre
réseau d’étangs d’oxydation plus ancien qui occupe 120 hectares. Ensemble, les
deux réseaux traitent actuellement environ 110 millions de m3 par an.

Les aires de recharge

Les effluents provenant de l’installation de traitement sont pompés vers 3 lieux


différents situés dans les dunes de sable de la région, où ils sont épandus sur le
sable et s’infiltrent dans l’aquifère pour y être stockés temporairement et y subir un
traitement additionnel qui est fonction du temps. Deux des sites d’épandage
reçoivent les effluents de l’installation de traitement biomécanique. Ce sont les
bassins de Yavneh 1 (24 hectares, à 7 km au sud de l’installation) et de Yavneh 2
(18 hectares, à 10 km au sud de l’installation); le troisième site est réalimenté par
les effluents des étangs d’oxydation, ainsi que par une partie du débit provenant de
l’installation de traitement biomécanique, ce qui est nécessaire pour améliorer la
qualité des effluents et la porter au niveau requis. Il s’agit du site de Soreq, qui a
une superficie d’environ 24 hectares et se trouve à l’est des étangs.

Les puits de récupération

Autour des sites d’alimentation se trouvent des réseaux de puits d’observation qui
permettent de repomper l’eau qui a été rechargée. Les 74 puits en exploitation en
1993 n’ont pas tous été actifs pendant toute la durée du projet. En 1993, le réseau
des puits a permis de récupérer au total environ 95 millions de m3 d’eau qui ont été
pompés dans la troisième conduite du Néguev.

Les réseaux de transport et de distribution

L’eau extraite par pompage des différents puits de récupération est envoyée dans le
réseau de transport et de distribution de la troisième conduite. Le réseau de
transport se compose de 3 sections d’une longueur totale de 87 km et d’un diamètre
variant entre 120 cm et 175 cm. Le long de ce réseau, on a construit 6 réservoirs
d’exploitation «à l’air libre» sur la conduite principale, pour régler le débit du
système. Le volume utile de ces réservoirs est compris entre 10 000 et 100 000 m3.

L’eau de la troisième conduite a été distribuée aux consommateurs en 1993, grâce à


un réseau de 13 grands secteurs de pression. De nombreux utilisateurs,
principalement des agriculteurs, y sont reliés.

Le système de chloration
La chloration réalisée dans le dispositif de la troisième conduite vise à «couper la
connexion humaine», c’est-à-dire à éliminer toute possibilité d’existence de micro-
organismes d’origine humaine dans l’eau de cette conduite. Tout au long de la
surveillance exercée, on a constaté une augmentation considérable des micro-
organismes fécaux pendant le séjour de l’eau régénérée dans les réservoirs d’eau. Il
a donc été décidé d’ajouter de nouveaux points de chloration le long de la
canalisation et, dès 1993, 3 points distincts fonctionnaient régulièrement. Deux
autres vont être ajoutés au système dans un proche avenir. La teneur résiduelle
varie de 0,4 à 1,0 mg/litre de chlore libre. Cette méthode, qui consiste à maintenir
de faibles concentrations de chlore libre à différents points du système, plutôt
qu’une dose unique massive à l’entrée de la conduite, assure la coupure de la
connexion humaine tout en permettant aux poissons de vivre dans les réservoirs. En
outre, cette méthode de chloration désinfecte l’eau dans les sections situées en aval
du réseau de transport et de distribution au cas où des polluants pénétreraient dans
le système à un endroit situé en aval du point de chloration initial.

Le système de surveillance

Le système de régénération de la troisième conduite du Néguev dépend du


fonctionnement permanent d’un dispositif de surveillance qui est contrôlé par un
organisme scientifique indépendant, l’Institut de recherche et de développement de
l’Institut technologique israélien Technion (Research and Development Institute of
the Technion — Israel Institute of Technology), à Haïfa.

L’établissement d’un organisme indépendant de surveillance était une exigence


absolue du ministère de la Santé d’Israël, qui est l’autorité juridique compétente en
vertu de l’ordonnance de la santé publique d’Israël. La nécessité de ce dispositif de
surveillance résulte des faits suivants:

1. Le projet de régénération des eaux usées est le plus grand au monde.


2. Il comprend quelques éléments inhabituels qui n’ont pas encore été
expérimentés.
3. L’eau régénérée doit servir à irriguer sans restriction les terres de culture.

Le système de surveillance a donc pour rôle principal de garantir la qualité


chimique et sanitaire de l’eau fournie et de lancer des mises en garde en cas de
modification de sa qualité. En outre, l’organisme de surveillance fait une étude de
suivi de l’ensemble du projet de régénération, en examinant aussi certains aspects
comme le fonctionnement normal de l’installation et la qualité biochimique de son
eau. Cette étude est nécessaire pour déterminer si l’eau de la troisième conduite se
prête à l’irrigation sans restriction, non seulement sur le plan sanitaire, mais
également du point de vue agricole.

Le dispositif préliminaire de surveillance a été conçu et réalisé par la société


Mekoroth, la principale entreprise de distribution d’eau en Israël et l’exploitant du
projet de la région de Dan. Un comité directeur spécialement désigné a examiné
périodiquement le programme de surveillance et l’a modifié en fonction de
l’expérience acquise lors de l’exploitation courante. Le programme de surveillance
portait sur les divers points de prélèvement d’échantillons situés le long du réseau
de la troisième conduite, les divers paramètres étudiés et la fréquence des
échantillonnages. Le dispositif préliminaire portait sur les différents ouvrages du
système, à savoir les puits de récupération, la conduite de transport, les réservoirs,
un certain nombre de connexions avec les consommateurs et la présence de puits
d’eau potable à proximité de l’installation d’épuration. La liste des paramètres
inclus dans le programme de surveillance de la troisième conduite est donnée
au tableau 55.16.

Tableau 55.16 Liste des paramètres contrôlés

Ag Argent µg/l
Al Aluminium µg/l
ALG Algues Nb/100 ml
ALKM Basicité exprimée par CaCO3 mg/l
As Arsenic µg/l
B Bore mg/l
Ba Baryum µg/l
Br Bromures mg/l
Ca Calcium mg/l
Cd Cadmium µg/l
Cl Chlorures mg/l
CLDE Demande de chlore mg/l
CLRL Chlorophylle µg/l
CN Cyanures µg/l
Co Cobalt µg/l
COLR Couleur (cobalt platine)
Cr Chrome µg/l
Cu Cuivre µg/l
DBO Demande biochimique en oxygène mg/l
DCO Demande chimique en oxygène mg/l
DO Oxygène dissous (en O2) mg/l
DOC Carbone organique dissous mg/l
DS105 Solides dissous à 105 °C mg/l
DS550 Solides dissous à 550 °C mg/l
EC Conductivité électrique µmhos/cm
ENTR Entérocoques Nb/100 ml
F– Fluorures mg/l
FCOL Coliformes fécaux Nb/100 ml
Fe Fer µg/l
HARD Dureté sous forme de CaCO3 mg/l
HCO3– Bicarbonates sous forme de HCO3– mg/l
Hg Mercure µg/l
K Potassium mg/l
Li Lithium µg/l
MBAS Détergents µg/l
Mg Magnésium mg/l
Mn Manganèse µg/l
Mo Molybdène µg/l
Na Sodium mg/l
NH4+ Ammoniac sous forme de NH4+ mg/l
Ni Nickel µg/l
NKJT Azote total Kjeldahl mg/l
NO2– Nitrites sous forme de NO2– mg/l
NO3– Nitrates sous forme de NO3– mg/l
ODOR Nombre-seuil d’odeur
OG Huiles et graisses µg/l
Pb Plomb µg/l
PHEN Phénols µg/l
PHFD pH mesuré in situ
PO4 Phosphates sous forme de PO4–2 mg/l
PTOT Phosphore total sous forme de P mg/l
RSCL Chlore libre résiduel mg/l
SAR Rapport d’adsorption du sodium
Se Sélénium µg/l
Si Silice sous forme de H2SiO3 mg/l
Sn Etain µg/l
SO4 Sulfates mg/l
Sr Strontium µg/l
SS100 Solides en suspension à 100 °C mg/l
SS550 Solides en suspension à 550 °C mg/l
STRP Streptocoques Nb/100 ml
T Température °C
TCOL Total des coliformes Nb/100 ml
TOTB Total des bactéries Nb/100 ml
TS105 Total des solides à 105 °C mg/l
TS550 Total des solides à 550 °C mg/l
TURB Turbidité NTU
UV UV (absorption à 254 nm)(/cm x 10)
Zn Zinc µg/l

La surveillance des puits de récupération

Le programme d’échantillonnage des puits de récupération repose sur la mesure,


deux ou trois fois par mois, d’un petit nombre de «paramètres indicatifs»
(voir tableau 55.17). Lorsque les concentrations de chlorures de l’eau du puits où
l’échantillon a été prélevé dépassent de plus de 15% les valeurs initiales à ce même
puits, on en conclut que le pourcentage d’effluents récupérés dans l’eau de
l’aquifère a «sensiblement» augmenté et le puits est transféré dans la catégorie
suivante d’échantillonnage. Ici, on détermine tous les trois mois 23 «paramètres
caractéristiques». Dans certains des puits, on fait chaque année une étude complète
de l’eau portant sur 54 paramètres différents.

Tableau 55.17 Paramètrs étudiés dans les puits de récupération

Groupe A Groupe B Groupe C


Paramètres indicatifs Paramètres caractéristiques Paramètres de l’essai complet
1. Chlorures Groupe A plus: Groupes A + B plus:
2. Electroconductivité 6. Température 24. Solides en suspension
3. Détergents 7. pH 25. Virus entériques
4. Absorption UV 8. Turbidité 26. Numération bactérielle totale
5. Oxygène dissous 9. Solides dissous 27. Coliformes
10. Carbone organique dissous 28. Colibacilles fécaux
11. Basicité 29. Streptocoques fécaux
12. Dureté 30. Zinc
13. Calcium 31. Aluminium
14. Magnésium 32. Arsenic
15. Sodium 33. Fer
16. Potassium 34. Barium
17. Nitrates 35. Argent
18. Nitrites 36. Mercure
19. Ammoniac 37. Chrome
20. Azote total Kjeldahl 38. Lithium
21. Phosphore total 39. Molybdène
22. Sulfate 40. Manganèse
23. Bore 41. Cuivre
42. Nickel
43. Sélénium
44. Strontium
45. Plomb
46. Fluorures
47. Cyanures
48. Cadmium
49. Cobalt
50. Phénols
51. Huiles minérales
52. Cabone organique total
53. Odeur
54. Couleur

La surveillance du système de transport

Le système de transport, long de 87 km, est surveillé en 7 points centraux le long


de la canalisation d’eaux usées. A ces points, 16 paramètres différents font l’objet
d’un échantillonnage une fois par mois. Ce sont: PHFD, DO, T, EC, SS100, SS550,
UV, TURB, NO3–, PTOT, ALKM, DOC, TOTB, TCOL, FCOL et ENTR. Les
paramètres pour lesquels on ne prévoit pas de changements le long du réseau ne
sont mesurés qu’à 2 points d’échantillonnage — à l’entrée et à l’extrémité de la
conduite de transport. Ce sont: Cl, K, Na, Ca, Mg, HARD, B, DS, SO4–2, NH4+,
NO2– et MBAS. En ces deux points, on prélève une fois par an divers métaux
lourds (Zn, Sr, Sn, Se, Pb, Ni, Mo, Mn, Li, Hg, Fe, Cu, Cr, Co, Cd, Ba, As, Al,
Ag).

La surveillance des réservoirs

Le dispositif de surveillance des réservoirs de la troisième conduite repose


essentiellement sur l’examen d’un nombre limité de paramètres qui servent
d’indicateurs du développement biologique dans les réservoirs et révèlent la
présence de polluants extérieurs. Cinq réservoirs font l’objet de prélèvements
d’échantillons, une fois par mois, pour: PHFD, T, DO, SS totaux, SS volatils, DOC,
CLRL, RSCL, TCOL, FCOL, STRP et ALG. Dans ces 5 réservoirs, on prélève
également tous les deux mois la silice. Tous ces paramètres sont également relevés
six fois par an dans les échantillons d’un autre réservoir, Zohar B.

Résumé

Le projet de la région de Dan fournit une eau régénérée de haute qualité pour
l’irrigation sans restriction du Néguev israélien.

La première étape de ce dispositif est exploitée partiellement depuis 1970 et


complètement depuis 1977. De 1970 à 1993, un volume total de 373 millions de
m3 d’eaux usées brutes a été envoyé aux étangs d’oxydation facultative et un
volume total de 243 millions de m3 d’eau a été pompé à partir de l’aquifère au
cours de la période 1974-1993 et distribué au sud du pays. Une partie de l’eau s’est
perdue, principalement sous l’effet de l’évaporation et de l’écoulement par
infiltration à partir des étangs. En 1993, ces pertes se sont élevées à environ 6,9%
des eaux usées brutes envoyées à l’installation de la première étape (Kanarek,
1994).

L’installation de traitement biomécanique, deuxième étape, est en exploitation


depuis 1987. Au cours de la période d’exploitation 1987-1993, un volume total de
478 millions de m3 d’eaux usées brutes a été envoyé à l’installation de traitement
biomécanique. En 1993, environ 103 millions de m3 (95 d’eau régénérée, plus 8
d’eau potable) ont été transportés par le réseau et utilisés pour l’irrigation du
Néguev sans conditions restrictives.

L’eau des puits de récupération indique la qualité de l’eau de l’aquifère souterrain.


Cette qualité varie tout le temps sous l’effet des effluents qui y pénètrent par
percolation. La qualité de l’eau de l’aquifère est proche de celle des effluents pour
les paramètres qui ne sont pas affectés par les processus de traitement sol-aquifère,
tandis que les paramètres qui sont influencés par le passage à travers les couches du
sol (par exemple, turbidité, matières en suspension, ammoniac, carbone organique
dissous, etc.) présentent des valeurs nettement plus faibles. Il convient de noter que
la teneur en chlorures de l’eau de l’aquifère a augmenté de 15 à 26% au cours d’une
période de 4 ans, comme le montre le changement de qualité dans les puits de
récupération. Ce changement indique que l’eau de l’aquifère est continuellement
remplacée par les effluents dont la teneur en chlorures est nettement plus élevée.

La qualité de l’eau des 6 réservoirs du système de la troisième canalisation est


influencée par les modifications biologiques et chimiques qui se produisent dans les
réservoirs à l’air libre. La teneur en oxygène augmente sous l’effet de la
photosynthèse des algues et de la dissolution de l’oxygène atmosphérique. Les
concentrations de divers types de bactéries ont également augmenté en raison de la
pollution non contrôlée due à la faune aquicole résidant à proximité des réservoirs.
La qualité de l’eau fournie aux consommateurs le long du réseau dépend de celle de
l’eau provenant des puits de récupération et des réservoirs. La chloration
obligatoire de l’eau du réseau offre une garantie supplémentaire au cas où on
l’utiliserait par erreur comme eau potable. Si l’on compare les données relatives à
l’eau de la troisième conduite avec les exigences du ministère de la Santé d’Israël
en matière de qualité des eaux usées à utiliser à des fins agricoles sans restriction,
on constate que, la plupart du temps, la qualité de l’eau est entièrement conforme à
ces exigences.

En conclusion, on peut dire que le système de récupération et d’utilisation des eaux


usées de la troisième conduite est une réussite israélienne au niveau
environnemental et national. Il a résolu le problème de l’élimination sanitaire des
eaux usées de la région de Dan tout en augmentant le bilan hydrique national
d’environ 5%. Dans un pays aride comme Israël, où la distribution d’eau,
spécialement à des fins agricoles, est très limitée, il s’agit là d’une contribution non
négligeable.

Le coût du fonctionnement et de l’entretien des installations de recharge des eaux


régénérées s’est élevé en 1993 à environ 3 cents E.-U. par m3 (0,093 NIS/m3).

Le système fonctionne depuis la fin des années soixante sous la surveillance étroite
du ministère de la Santé d’Israël et du département de la sécurité et de la santé au
travail de la société Mekoroth. Aucun cas de maladie professionnelle liée au
fonctionnement de ce système complexe n’a été signalé jusqu’ici.

LES PRINCIPES DE GESTION DES DÉCHETS


Lucien Y. Maystre
La prise de conscience des problèmes de l’environnement a conduit à une
transformation rapide des méthodes de gestion des déchets. Il convient d’interpréter
ce changement avant d’examiner plus avant les méthodes utilisées pour gérer les
déchets et pour éliminer les résidus.

Les principes modernes de gestion des déchets reposent sur l’idée qu’il existe une
relation déterminée entre la biosphère et l’anthroposphère. Un modèle général
(voir figure 55.22) reliant ces deux sphères se fonde sur l’hypothèse que toutes les
matières extraites de l’environnement finissent comme déchets soit directement
(venant du secteur de la production), soit indirectement (venant du secteur du
recyclage), en gardant à l’esprit que tous les déchets produits par la consommation
retournent à ce dernier secteur pour être recyclés ou éliminés.

Figure 55.22 Modèle général des principes de gestion des déchets

Dans cette perspective, le recyclage doit être défini en termes généraux: recyclage
d’objets entiers (consignés) jusqu’à celui d’objets dont on récupère certaines pièces
détachées (voitures, ordinateurs, par exemple), ou production de matières nouvelles
(papiers et cartons, boîtes de conserve) ou d’objets similaires (recyclage, recyclage
sous forme de matières moins nobles, etc.). A long terme, ce modèle peut être
considéré comme un état d’équilibre stable dans lequel les biens finissent sous
forme de déchets au bout de quelques jours ou souvent de quelques années.

Déductions à tirer du modèle

On peut faire certaines déductions à partir de ce modèle, à condition de définir


clairement les divers flux. Dans ce modèle:
• Po = apport annuel des matières extraites de l’environnement (biosphère,
hydrosphère ou lithosphère). A l’état d’équilibre, cet apport est égal à
l’élimination annuelle finale des déchets.
• P = production annuelle de biens à partir de Po
• C = circulation annuelle de biens dans l’anthroposphère
• R = circulation annuelle de déchets convertis en biens par le recyclage (à
l’état d’équilibre: C = R + P)
• p = efficacité de la production, mesurée comme ratio de P/Po
• Si r = efficacité du recyclage, mesurée en tant que ratio de R/C, la relation
s’établit comme suit: C/Po = p/ (1-r)
• Si C/Po = C *, alors C * représente le ratio des biens aux matières extraites
de la nature

En d’autres termes, C* est la mesure du rapport qui lie l’anthroposphère à


l’environnement. Il dépend de l’efficacité de la production et de celle du recyclage.
La relation entre C*, p et r, qui est une fonction d’utilité, peut être représentée
graphiquement comme le fait la figure 55.23, qui montre les compromis explicites
entre p et r pour une valeur choisie de C*.

Figure 55.23 Fonction d'utilité montrant les compromis entre production et recyclage
Dans le passé, l’industrie s’est développée dans le sens d’une augmentation de
l’efficacité de la production, p. A la fin des années quatre-vingt-dix, le prix de
l’élimination des déchets par leur dispersion dans l’atmosphère, les masses d’eau
ou les sols (mise en décharge non contrôlée) ou par leur mise en dépôt en milieu
confiné a augmenté très rapidement, du fait que les normes de protection de
l’environnement devenaient de plus en plus sévères. Dans ces conditions, il est
devenu économiquement attrayant d’augmenter le rendement du recyclage
(autrement dit d’augmenter r). Cette tendance persistera au cours des décennies à
venir.

Pour augmenter l’efficacité du recyclage, il faut remplir une condition importante:


les déchets à recycler (en d’autres termes, les matières premières de la deuxième
génération) doivent être aussi «purs» que possible (c’est-à-dire débarrassés des
éléments indésirables qui empêcheraient le recyclage). Pour y parvenir, il n’y a
qu’un seul moyen, c’est de généraliser la politique qui consiste à ne pas mélanger à
la source les déchets ménagers, commerciaux et industriels. C’est ce que l’on
appelle souvent de manière impropre le tri à la source. Trier consiste à séparer; or,
l’idée est précisément de ne pas avoir à séparer en stockant les différentes
catégories de déchets dans des conteneurs ou des endroits distincts jusqu’à ce qu’ils
soient collectés. Le concept moderne de gestion des déchets est le «non-mélange»
des déchets à la source pour pouvoir accroître le rendement du recyclage et obtenir
ainsi un meilleur ratio entre les biens produits et les matières extraites de
l’environnement.

Les méthodes de gestion des déchets

Les déchets peuvent être groupés en trois grandes catégories, en fonction de leur
origine:

1. le secteur primaire de production (industries extractives, exploitation


forestière, agriculture, élevage, pêche);
2. les industries de production et de transformation (denrées alimentaires, biens
d’équipement, produits en tout genre);
3. le secteur de la consommation (ménages, entreprises, transports, commerce,
bâtiment, services, etc.).

Les déchets peuvent aussi être classés par le législateur en:

• déchets municipaux et déchets banals des entreprises qui peuvent être


collectés avec les premiers, puisqu’ils sont formés tous deux des mêmes
catégories et sont de petites dimensions (légumes, papier, métaux, verre,
plastique, etc.), bien que dans des proportions variables;
• déchets urbains encombrants (meubles, matériels, véhicules, déchets de
construction et de démolition autres que les matières inertes);
• déchets soumis à une législation spéciale (matières dangereuses,
infectieuses, radioactives).

La gestion des déchets municipaux et des déchets commerciaux ordinaires.

Ramassés par camion, ces déchets peuvent être transportés (directement ou par des
stations de transfert route-route, route-rail, ou route-voie d’eau et des moyens de
transport à longue distance) vers une décharge ou une installation de traitement en
vue de la récupération des matières (par tri mécanique, compostage,
biométhanisation) ou de l’énergie (incinérateur à grille ou à four rotatif, pyrolyse).

Les installations de traitement produisent des quantités relativement faibles de


résidus qui peuvent être plus dangereux pour l’environnement que les déchets
initiaux. Ainsi, les incinérateurs émettent des cendres volantes d’une teneur très
élevée en métaux lourds et en substances chimiques complexes. Ces résidus sont
souvent classés par le législateur dans la catégorie des déchets dangereux et exigent
une gestion appropriée. Les installations de traitement ne sont pas assimilables à
des décharges parce qu’elles sont des «systèmes ouverts» où les produits entrent et
sortent, alors que les décharges sont essentiellement des «puits» (si l’on néglige la
faible quantité de lixiviats qui doivent subir un traitement ultérieur et la production
de biogaz, qui peut être une source d’énergie exploitée dans les très grandes
décharges).

L’équipement industriel et domestique. La tendance actuelle, qui a aussi des


conséquences commerciales, est de confier le soin du recyclage aux producteurs
des différentes catégories de déchets (voitures, ordinateurs, machines, par
exemple). Les résidus sont alors des déchets soit dangereux, soit semblables aux
déchets ordinaires provenant des entreprises.

Les déchets provenant de la construction et de la démolition. L’augmentation du


prix des décharges incite à trier les déchets. En séparant les déchets dangereux et
combustibles des grandes quantités de matières inertes, on parvient à mieux
éliminer celles-ci à un prix très inférieur à celui des déchets non triés.

Les déchets spéciaux. Les déchets chimiquement dangereux doivent être traités par
la neutralisation, la minéralisation, l’insolubilisation ou doivent être inertisés avant
de pouvoir être déposés dans des décharges spéciales. Les déchets infectieux seront
de préférence brûlés dans des incinérateurs spéciaux. Les déchets radioactifs font
l’objet d’une législation très rigoureuse.

La gestion des résidus

Les déchets provenant de la production et de la consommation qui ne peuvent être


ni recyclés, ni soumis à un recyclage sous forme de matière moins noble, ni
réutilisés ou incinérés pour produire de l’énergie, doivent en fin de compte être
éliminés. La toxicité de ces résidus pour l’environnement doit être réduite selon le
principe de la «meilleure technique disponible à un coût acceptable». Après avoir
subi ce traitement, les résidus devraient être déposés à des emplacements où ils ne
contamineront pas l’eau et l’écosystème et où ils ne se répandront pas dans
l’atmosphère, la mer, les lacs ou les cours d’eau.

Les dépôts de déchets se caractérisent habituellement par l’emploi de couches


isolantes multiples (argile, géotextiles, feuilles de polystyrène, etc.), par le
détournement de toutes les eaux exogènes et par des revêtements imperméables.
Les dépôts permanents doivent être surveillés pendant des décennies. Il faut aussi
contrôler pendant longtemps les restrictions imposées à l’emploi des terres d’un site
ayant servi de décharge. Dans la plupart des cas, il faut des systèmes de drainage
contrôlé pour les lixiviats et les gaz.

Pour l’élimination finale des résidus biochimiquement plus stables et chimiquement


inertes qui proviennent du traitement des déchets, on peut se contenter de
conditions moins rigoureuses, si bien qu’il est moins difficile de trouver dans la
région où ils ont été produits un emplacement pour les déposer. On peut ainsi éviter
d’exporter les déchets ou leurs résidus, ce qui soulève toujours l’indignation des
pays qui ne veulent pas servir de dépotoirs.

LA GESTION ET LE RECYCLAGE DES DÉCHETS


SOLIDES
Niels Jorn Hahn et Poul S. Lauridsen

On décrit traditionnellement les déchets solides comme des produits résiduels, qui
représentent un coût lorsqu’il faut les éliminer.

La gestion des déchets englobe un ensemble complet d’impacts potentiels sur la


santé et la sécurité de l’être humain et sur l’environnement. Bien que les risques
qu’ils présentent puissent être de nature similaire, ces impacts devraient être classés
en fonction de trois types distincts d’opérations:

• manutention et stockage chez le producteur des déchets;


• collecte et transport;
• tri, traitement et élimination.

Il ne faut pas oublier que les risques pour la sécurité et la santé se présenteront
d’abord là où les déchets sont produits, c’est-à-dire dans l’usine ou chez le
consommateur. C’est pourquoi il peut être dangereux pour l’entourage immédiat de
stocker les déchets là où ils sont produits — spécialement lorsqu’ils sont triés à la
source. Dans le présent article, on exposera les grandes lignes de la gestion des
déchets solides et on tentera de cerner les risques que font naître, pour la sécurité et
la santé des travailleurs, les entreprises chargées de la collecte, du transport, du
traitement et de l’élimination des déchets solides.
Pourquoi gérer les déchets solides?

La gestion des déchets solides s’impose lorsque la société change de structure et


passe d’une population agricole à faible densité à une population urbaine à forte
densité. En outre, l’industrialisation a généré un grand nombre de produits que la
nature est incapable de décomposer ou de digérer ou ne peut le faire que très
lentement. Certains produits industriels contiennent par conséquent des substances
qui, en raison de leur faible dégradabilité ou même de leurs caractéristiques
toxiques, peuvent s’accumuler dans la nature pour atteindre des niveaux qui
risquent de mettre en danger l’utilisation future des ressources naturelles par
l’humain, telle que l’eau de boisson, les sols agricoles, l’air, etc.

La gestion des déchets solides vise à prévenir la pollution du milieu naturel.

Tout système de gestion des déchets solides devrait reposer sur des études
techniques et sur une planification d’ensemble comprenant:

• des études et estimations de la composition des déchets et de leurs quantités;


• des études sur les techniques de collecte;
• des études sur les installations de traitement et d’élimination;
• des études sur la prévention de la pollution de l’environnement naturel;
• des études sur les normes de sécurité et de santé au travail;
• des études de faisabilité.

Ces études doivent comprendre la protection de l’environnement naturel et les


questions de sécurité et de santé au travail, en tenant compte des possibilités de
parvenir à un développement durable. Comme il est rarement possible de résoudre
tous les problèmes à la fois, il importe, au stade de la planification, d’établir une
liste des priorités. Pour trouver une solution aux risques auxquels sont exposés
l’environnement et les travailleurs, la première chose à faire est de reconnaître
l’existence de ces risques.

Les principes de gestion des déchets

La gestion des déchets englobe un large éventail de relations complexes en matière


de sécurité et de santé au travail. Elle représente l’inverse du processus classique
dans lequel la production consiste en l’extraction des matières excédentaires. A
l’origine, on cherchait simplement à récolter ces matières, à en réemployer la partie
utile et à éliminer le reste dans un site aussi proche que possible, non destiné à
l’agriculture, à la construction, etc. On procède encore ainsi dans un grand nombre
de pays.

Les sources de déchets peuvent être décrites par les différentes activités qui
s’exercent dans une société moderne (voir tableau 55.18).

Tableau 55.18 Sources de déchets


Activité Description des déchets
Industrie Résidus de production
Produits défectueux
Commerce de gros Produits défectueux
Commerce de détail Emballages pour le transport
Produits défectueux
Matières organiques (provenant des industries
alimentaires)
Déchets alimentaires
Consommateurs Emballages pour le transport
Emballages de conditionnement (papier, verre,
métal, plastique, etc.)
Déchets de cuisine (organiques)
Déchets dangereux (produits chimiques, huiles)
Déchets encombrants (meubles, etc.).
Déchets de jardin
Construction et Béton, briques, métaux, terre, etc.
démolition
Services collectifs Déchets d’entretien des espaces verts
Déchets du nettoiement des rues
Mâchefer, cendres et gaz de carneau provenant de
la production d’énergie
Boues d’égout
Déchets hospitaliers
Traitement des déchets Rebuts des installations de tri
Mâchefer, cendres et matériaux d’épuration des
effluents gazeux provenant de l’incinération

Chaque type de déchet est caractérisé par son origine ou par le type de produit dont
il est issu. Par conséquent, les risques qu’il présente pour la sécurité et la santé
devraient être définis au moment où l’on impose des restrictions à la manipulation
du produit par le producteur du déchet. De toute manière, le stockage des déchets
peut créer des risques nouveaux et plus importants (activité chimique ou biologique
pendant la période de stockage).

On peut distinguer les étapes ci-après dans la gestion des déchets:

• séparation à la source en catégories déterminées de déchets selon leurs


caractéristiques matérielles;
• stockage temporaire chez le producteur dans des bacs, sacs, conteneurs, ou
en vrac;
• collecte et transport à l’aide d’un véhicule:
o à traction humaine ou animale, à moteur, etc.;
o à plate-forme ouverte, benne fermée, benne à compactage, etc.
• station de transfert: compactage et rechargement dans de plus grandes unités
de transport;
• installations de recyclage ou de traitement;
• traitements:
o tri manuel ou mécanique en différentes catégories de matières en vue
du recyclage;
o traitement des déchets triés au préalable pour former des matières
premières secondaires;
o traitement des nouvelles matières premières secondaires;
o incinération pour réduire le volume ou récupérer l’énergie;
o digestion anaérobie des matières pour obtenir des produits
d’amendement du sol, des engrais ou de l’énergie (biogaz);
o compostage des matières organiques pour obtenir des produits
d’amendement du sol et des engrais.
• élimination des déchets:
o décharges conçues et situées de manière à empêcher une migration
des eaux polluées (lixiviats de décharge), en particulier vers les
ressources en eau potable (nappes souterraines, puits, cours d’eau).

Le recyclage des déchets peut intervenir à n’importe quelle étape du système; à


chacune de ces étapes, des risques particuliers peuvent surgir pour la sécurité et la
santé au travail.

Dans les sociétés à faible revenu et les pays non industrialisés, le recyclage des
déchets solides représente un revenu essentiel pour ceux qui en font la collecte. En
général, on ne se pose, dans ces pays, aucune question concernant les risques pour
le personnel exposé et la collectivité.

Dans les pays fortement industrialisés, on a clairement tendance à accorder plus


d’attention au recyclage des énormes quantités de déchets produites. Outre la valeur
marchande directe des déchets, cette attitude s’explique par le fait que la population
prend de plus en plus conscience du déséquilibre entre la consommation et la
protection de l’environnement naturel. On a donc appelé recyclage ce qui était
auparavant la collecte des déchets et l’ébouage pour rendre cette activité plus noble
dans l’esprit du public, ce qui s’est traduit par une prise de conscience beaucoup
plus aiguë des conditions de travail dans ce secteur.

De nos jours, les autorités chargées de la sécurité et de la santé au travail dans les
pays industriels se préoccupent de conditions qui passaient inaperçues il y a
quelques années encore et étaient tacitement acceptées, consistant par exemple à:

• soulever de trop lourdes charges et manipuler de trop grandes quantités de


matières par journée de travail;
• être exposé sans protection suffisante à des poussières de composition
inconnue;
• être exposé sans le savoir à des micro-organismes (bactéries, champignons)
et à des endotoxines;
• être exposé sans le savoir à des matières chimiques toxiques.
Le recyclage

Le recyclage et la récupération sont des termes qui couvrent à la fois la réutilisation


(utilisation dans le même but) et la régénération/récupération de matières ou
d’énergie.

Les raisons du recours au recyclage peuvent varier selon les conditions nationales
et locales. Les principaux arguments en sa faveur peuvent se résumer comme suit:

• détoxification des déchets dangereux lorsque des normes de protection de


l’environnement rigoureuses sont fixées par les autorités;
• récupération de ressources dans les zones à faible revenu;
• réduction du volume des déchets dans les zones où la mise en décharge est
prédominante;
• récupération de l’énergie dans les régions où la conversion des déchets en
énergie peut remplacer les combustibles fossiles (charbon, gaz naturel,
pétrole, etc.).

Comme on l’a vu plus haut, le recyclage peut se faire à n’importe quelle étape du
système, mais il peut être conçu pour prévenir la formation des déchets. C’est le cas
lorsque les produits sont destinés au recyclage ou au rachat après utilisation finale,
par exemple, par la consignation des récipients de boissons (bouteilles en verre,
etc.).

Le recyclage peut donc aller plus loin que la simple mise en œuvre de la
régénération ou de la récupération des matières extraites des déchets.

Dans la plupart des cas, il faut séparer ou trier les déchets en fractions ayant un
degré minimal de finesse pour pouvoir les utiliser en lieu et place des matières
premières vierges ou d’origine.

Le tri peut être fait par les producteurs des déchets (séparation à la source) ou après
la collecte, c’est-à-dire dans une installation centrale de tri.

La séparation à la source

Avec les techniques actuelles, la séparation à la source donne lieu à des fractions de
déchets qui sont «conçues» pour être traitées. Un degré minimal de séparation à la
source est inévitable, étant donné que certains mélanges de catégories de déchets ne
peuvent être séparés en fractions de matières réutilisables qu’au prix d’un grand
effort (économique). Lorsqu’on définit la séparation à la source, il faut toujours
tenir compte du type final de recyclage envisagé.

Le système de tri à la source devrait viser à ne pas mélanger ni polluer les


différentes catégories de déchets, ce qui ferait obstacle à leur recyclage.
La collecte de catégories de déchets triées à la source fera souvent naître des
risques plus précis pour la sécurité et la santé au travail que ne le fait le ramassage
en vrac. Cela s’explique par la concentration de fractions de certains déchets, par
exemple les substances toxiques. Le tri de matières organiques aisément
dégradables peut se traduire par des niveaux élevés d’exposition à des champignons
dangereux, bactéries, endotoxines, etc., lorsque ces matières sont manipulées ou
transvasées.

Le tri centralisé

Il peut se faire par des méthodes mécaniques ou manuelles.

On considère généralement que le tri mécanique sans séparation préalable à la


source selon les techniques connues de nos jours ne devrait être utilisé que pour la
production de combustibles obtenus à partir des déchets. Pour que les conditions de
travail soient acceptables, il faut que l’équipement mécanique soit entièrement
confiné et que le personnel porte des «combinaisons spatiales» lorsqu’il procède au
service et à l’entretien.

Compte tenu des techniques actuelles, le tri central mécanique avec séparation à la
source n’a pas donné de bons résultats du fait qu’il est difficile d’atteindre une
efficacité suffisante. Lorsque les caractéristiques des fractions de déchets triées
seront plus clairement définies et lorsqu’elles seront reconnues à l’échelle nationale
ou internationale, on pourra s’attendre à ce que des techniques nouvelles
appropriées et efficaces soient mises au point. Le succès de ces techniques sera
étroitement lié aux précautions qui seront prises pour instaurer des conditions de
travail acceptables.

Le tri centralisé manuel suppose une séparation préalable à la source afin d’éviter
les risques pour la sécurité et la santé au travail (poussières, bactéries, substances
toxiques, etc.). Il devrait se limiter à un certain nombre de «caractéristiques» des
fractions de déchets de manière à éviter les erreurs prévisibles dans le tri à la source
et à faciliter le contrôle à la zone de réception de l’usine. Au fur et à mesure que les
fractions de déchets seront définies plus clairement, il deviendra possible
d’imaginer des dispositifs de plus en plus nombreux et performants pour les
procédures de tri automatique, afin de réduire l’exposition directe de l’humain à des
substances nocives.

Pourquoi recycler?

Il convient de noter que le recyclage n’est pas une méthode de traitement des
déchets qui devrait être considérée indépendamment des autres pratiques. Pour
compléter le recyclage, il faut avoir accès à une décharge convenablement gérée et,
peut-être, à des installations plus traditionnelles de traitement des déchets, comme
les usines d’incinération et les installations de compostage.
Le recyclage devrait être évalué en liaison avec:

• l’approvisionnement local en matières premières et en énergie;


• ce qui est remplacé — ressources renouvelables (papier/arbres) ou non
renouvelables (pétrole).

Aussi longtemps que le pétrole et le charbon seront utilisés comme ressources


énergétiques, l’incinération et les combustibles obtenus à partir des déchets
constitueront une solution viable de gestion fondée sur la récupération d’énergie.
La réduction à un minimum des quantités de déchets par cette méthode peut
cependant impliquer l’utilisation de décharges soumises à des normes
environnementales extrêmement strictes, ce qui pourrait être très coûteux.

ÉTUDE DE CAS: PRÉVENTION ET MAÎTRISE PAR


LE CANADA DE LA POLLUTION MULTIMILIEUX
DANS LES GRANDS LACS
Thomas Tseng, Victor Shantora et Ian R. Smith

Le défi

Les Grands Lacs — ils sont au nombre de cinq — sont une ressource partagée entre
le Canada et les Etats-Unis (voir figure 55.24). Ils contiennent plus de 18% des
eaux de surface de la planète. Dans ce bassin vivent un Canadien sur trois (environ
8,5 millions) et un Américain sur neuf (27,5 millions). C’est aussi le cœur
industriel des deux pays puisqu’il regroupe le cinquième de la puissance
industrielle des Etats-Unis et la moitié de celle du Canada. Les activités
économiques menées autour du bassin des Grands Lacs créent chaque année une
richesse estimée à mille milliards de dollars. Avec le temps, l’accroissement de la
population et des activités industrielles a soumis ces lacs à une série d’atteintes,
jusqu’à ce que les deux pays reconnaissent au milieu du XXe siècle la nécessité
d’une action concertée pour les protéger.

Figure 55.24 Bassins versants des Grands Lacs


La réaction

Depuis les années cinquante, les deux pays ont mis en place des programmes
nationaux et bilatéraux pour résoudre les problèmes de pollution les plus flagrants
et pour répondre à des préoccupations plus complexes concernant la qualité de
l’eau. Grâce à ces mesures, les eaux des Grands Lacs sont visiblement plus pures
qu’elles ne l’étaient vers le milieu du siècle dernier, les concentrations de métaux
lourds et de matières chimiques organiques ont diminué et les niveaux de
contaminants chez les poissons et les oiseaux aquatiques ont sensiblement baissé.
Par leur succès, les mesures prises par le Canada et les Etats-Unis pour restaurer et
protéger les Grands Lacs offrent un modèle de coopération bilatérale pour la
gestion des ressources, même s’il reste encore beaucoup à faire.
Aperçu de l’étude de cas

Les menaces que font peser les substances toxiques rémanentes (dites aussi
persistantes) ne se font sentir qu’à long terme et leur gestion exige une approche
multimilieux englobant toutes les sources de pollution. Pour atteindre l’objectif de
longue haleine qui est d’éliminer pratiquement les substances toxiques des Grands
Lacs, les autorités chargées de l’environnement, les industries et les autres parties
intéressées du bassin ont dû mettre au point de nouvelles approches et de nouveaux
programmes. Cet exposé sur l’étude de cas vise à donner un bref résumé des
programmes canadiens de lutte contre la pollution et des progrès accomplis
jusqu’en 1995, et à décrire les initiatives de gestion des substances toxiques
rémanentes dans les Grands Lacs. Les initiatives et programmes analogues adoptés
par les Etats-Unis ne seront pas examinés ici. Les lecteurs qui le désirent peuvent
s’adresser au Great Lakes National Program Office de l’Agence américaine de
protection de l’environnement (Environmental Protection Agency (EPA)) à
Chicago pour obtenir des renseignements sur les programmes américains, fédéraux
et d’Etat, concernant la protection des Grands Lacs.

Les années soixante-dix et quatre-vingt

Dans les années soixante, on s’était aperçu que le lac Erié souffrait d’un
enrichissement par les nutriments, ou eutrophisation, phénomène qui posait un
grave problème. Devant la nécessité d’une action bilatérale, le Canada et les Etats-
Unis ont signé, en 1972, le premier accord relatif à la qualité de l’eau dans les
Grands Lacs. Cet accord esquissait les mesures de réduction de la pollution à
prendre pour abaisser les concentrations de phosphore provenant principalement
des détergents de lessive et des eaux usées municipales. Pour concrétiser cet
engagement, le Canada et l’Ontario ont adopté une législation et des programmes
visant à enrayer la pollution par les sources ponctuelles. Entre 1972 et 1987, le
gouvernement fédéral et celui de cette province ont investi plus de 2 milliards de
dollars dans la construction d’installations de traitement des eaux usées et
l’amélioration du bassin des Grands Lacs.

L’accord de 1972 reconnaissait aussi la nécessité de réduire les rejets de substances


chimiques toxiques dans les lacs par l’industrie et d’autres sources telles que les
déversements. Au Canada, la réglementation fédérale sur les effluents (en fin de
cycle) adoptée dans les années soixante-dix pour les polluants classiques rejetés par
les grands secteurs industriels (pâte et papier, métallurgie, raffineries de pétrole,
etc.) a fourni une norme nationale de référence, tandis que l’Ontario établissait des
directives analogues sur les effluents, adaptées aux besoins locaux, y compris ceux
des Grands Lacs. Les mesures prises par les entreprises et les municipalités pour se
conformer aux dispositions fédérales et à celles de l’Ontario en la matière ont
produit des résultats impressionnants; c’est ainsi que de 1975 à 1989, les
concentrations de phosphore apportées par les sources ponctuelles au lac Erié ont
diminué de 70% et que, dès le début des années soixante-dix, les rejets de polluants
classiques par les 7 raffineries de pétrole de l’Ontario avaient été réduits de 90%.
La figure 55.25 fait apparaître des tendances analogues dans la réduction des
apports du secteur de la pâte et du papier et de celui de la sidérurgie.

Figure 55.25 Réduction progressive de la pollution industrielle


Vers le milieu des années soixante-dix, la présence de concentrations élevées de
substances chimiques toxiques chez les poissons et dans la faune des Grands Lacs,
les anomalies de reproduction constatées chez certains oiseaux piscivores et la
diminution de la population d’un certain nombre d’espèces ont fourni la preuve de
la présence de substances toxiques bioaccumulatives et rémanentes. Le Canada et
les Etats-Unis ont alors décidé d’axer leurs efforts sur la protection de la faune et
ont signé, en 1978, un deuxième accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands
Lacs, par lequel ils s’engageaient à «restaurer et maintenir l’intégrité chimique,
physique et biologique des eaux de l’écosystème des Grands Lacs». L’un des
principaux objectifs était «d’interdire le déversement de substances toxiques en
quantités toxiques et d’éliminer en pratique le déversement de toute substance
toxique rémanente». Il était nécessaire de viser à une élimination quasi totale, étant
donné que les substances chimiques toxiques rémanentes peuvent se concentrer et
s’accumuler dans la chaîne trophique, causant ainsi des dommages graves et
irréversibles à l’écosystème, alors que les substances non rémanentes doivent être
maintenues à des niveaux inférieurs à ceux auxquels elles causent des dommages
immédiats.

Outre les mesures plus strictes appliquées aux sources ponctuelles, le Canada et
l’Ontario ont élaboré et renforcé les mesures de réglementation des pesticides, des
produits chimiques commerciaux, des déchets dangereux et des sources de
pollution non ponctuelles, comme les décharges et les incinérateurs. Les initiatives
des autorités ont été conçues davantage dans une optique multimilieux, et l’idée
que les substances chimiques devaient être suivies «du berceau jusqu’à la tombe» a
inspiré la nouvelle politique du gouvernement comme de l’industrie en matière de
gestion de l’environnement. Un certain nombre de pesticides toxiques rémanents
ont été interdits par la loi fédérale sur les produits antiparasitaires (Pest Control
Products Act) (DDT, aldrine, mirex, toxaphène, chlordane) et la loi sur les
contaminants de l’environnement (Environmental Contaminants Act) a servi à: 1)
interdire l’emploi de substances toxiques rémanentes (CFC, PPB, PCB, PPT,
mirex, plomb) dans le commerce, les industries manufacturières et les industries de
transformation; 2) à limiter les substances chimiques rejetées par certaines
opérations industrielles (mercure, chlorure de vinyle, amiante).

Au début des années quatre-vingt, ces mesures, ainsi que les efforts analogues des
Etats-Unis, ont commencé à porter leurs fruits. Les niveaux de contamination
relevés dans les sédiments et chez la faune des Grands Lacs étaient en diminution et
l’amélioration notable de l’environnement était attestée par le retour du pyrargue à
tête blanche sur les rives canadiennes du lac Erié, par une augmentation de 200%
de la population de cormorans, par la réapparition du balbuzard pêcheur dans la
baie Georgienne et le rétablissement des sternes communes dans la région du port
de Toronto; toutes ces espèces avaient souffert dans le passé des niveaux atteints
par les substances toxiques rémanentes et leur rétablissement montre bien que les
efforts déployés ont porté leurs premiers fruits.
La tendance à la réduction des concentrations de certaines des substances toxiques
rémanentes dans la faune et les sédiments s’est stabilisée vers le milieu des années
quatre-vingt (voir, par exemple, la figure 55.26). Les scientifiques en ont conclu
que:

1. Si les programmes de lutte contre la pollution de l’eau et les contaminants


adoptés étaient utiles, ils ne suffisaient pas à obtenir de nouvelles réductions
des concentrations.
2. Des mesures additionnelles s’imposaient pour les sources non ponctuelles de
substances toxiques rémanentes, y compris les sédiments contaminés, les
polluants apportés par la pollution atmosphérique à longue distance, les
décharges abandonnées, etc.
3. Certains polluants peuvent persister dans l’écosystème à des concentrations
infimes et peuvent s’accumuler biologiquement dans la chaîne trophique
pendant une période prolongée.
4. Le moyen le plus efficace pour lutter contre les substances toxiques
rémanentes est d’empêcher leur production à la source plutôt que de tenter
de supprimer leur rejet.

Figure 55.26 Concentrations de mirex dans les œufs du goéland argenté

On s’est accordé à reconnaître qu’il fallait redoubler d’efforts pour parvenir à


éliminer pratiquement ces substances de l’environnement par l’application du
principe des rejets nuls et par l’adoption du concept de l’écosystème pour gérer la
qualité de l’eau dans les Grands Lacs.
Pour réaffirmer leur volonté de parvenir à l’élimination pratique des substances
toxiques rémanentes, le Canada et les Etats-Unis ont complété l’accord de 1978 par
l’adoption d’un protocole en novembre 1987 (United States and Canada, 1987). Ce
protocole désigne les zones à problèmes autour des Grands Lacs où des activités
bénéfiques avaient été entravées et il prévoit l’élaboration et l’application de plans
d’actions correctrices (Remedial Action Plans (RAPs)) pour les sources ponctuelles
et non ponctuelles dans les zones désignées. Le protocole prévoit aussi des plans de
gestion à l’échelle des lacs (Lakewide Management Plans (LAMPs)) pour servir de
cadre à l’élimination des obstacles aux usages bénéfiques dans le lac tout entier,
ainsi qu’à la coordination de la lutte contre les substances toxiques rémanentes
présentes dans chacun des Grands Lacs. De plus, le protocole comprend de
nouvelles annexes concernant l’établissement de programmes pour les sources
atmosphériques, les sédiments contaminés, les décharges, les déversements et le
contrôle des espèces exotiques.

La décennie quatre-vingt-dix

Après la signature du protocole de 1987, l’objectif d’une élimination pratiquement


totale a été énergiquement soutenu par les groupes de défense de l’environnement
de part et d’autre des Grands Lacs, face aux préoccupations croissantes suscitées
par les substances toxiques rémanentes. La Commission mixte internationale, qui
est l’organe consultatif binational créé en vertu du Traité des frontières des eaux
internationales de 1909 (Boundary Waters Treaty), a également défendu avec
vigueur cette formule. En 1993, une équipe de travail binationale de cette
commission a recommandé une stratégie d’élimination dite virtuelle (quasi totale)
(Commission mixte internationale, 1993) (voir figure 55.27). Vers le milieu des
années quatre-vingt-dix, la Commission et les parties s’efforçaient de définir un
programme d’application de ces stratégies, y compris les considérations relatives
aux impacts socio-économiques.

Figure 55.27 Processus de prise de décisions pour l'élimination virtuelle des substances
toxiques rémanentes dans les Grands Lacs
Les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont agi de plusieurs manières pour
combattre ou réduire les rejets de substances toxiques rémanentes. Les initiatives et
programmes importants sont brièvement exposés ci-après.

La loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE)

En 1989, Environnement Canada a regroupé dans un seul texte les différentes


dispositions juridiques qui le concernent. La LCPE confère au gouvernement
fédéral de larges pouvoirs (collecte d’informations, formulation et application des
règlements) couvrant tout le cycle de vie des substances chimiques. En vertu de
cette loi, le règlement sur la notification des nouvelles substances fixe des
procédures d’examen de celles-ci, afin que l’on puisse interdire l’importation, la
fabrication ou l’emploi au Canada des substances toxiques rémanentes qui ne
peuvent pas être contrôlées comme il convient. La première phase du programme
d’évaluation de la liste des substances prioritaires (Priority Substances List (PSL I))
a été réalisée en 1994; 25 des 44 substances évaluées ont été jugées toxiques selon
la définition de la LCPE, et l’élaboration de stratégies de gestion de ces substances
a été entreprise en vertu d’un processus de choix stratégiques; 56 autres substances
prioritaires ont été désignées et seront évaluées au titre de la phase II du programme
PSL. L’inventaire national des rejets de polluants a été effectué en 1994 pour
imposer aux industries et autres installations qui répondent aux critères de
communication des données l’obligation d’indiquer chaque année leurs rejets de
178 substances dans l’air, les eaux et le sol et leurs transferts sous forme de
déchets. Cet inventaire, établi sur le modèle de l’inventaire des rejets de substances
toxiques (Toxic Release Inventory (TRI)), aux Etats-Unis, offre une importante
base de données pour fixer l’ordre de priorité des programmes de prévention et de
réduction de la pollution.

L’accord Canada-Ontario concernant l’écosystème des Grands Lacs

En 1994, le Canada et l’Ontario ont établi un cadre stratégique pour coordonner


l’action visant à restaurer, protéger et conserver l’écosystème des Grands Lacs en
mettant l’accent sur la réduction de l’emploi, de la production ou de la libération,
avant l’an 2000, de 13 substances toxiques rémanentes de l’étape I (Canada and
Ontario, 1994). Cet accord vise aussi une liste supplémentaire de 26 substances
toxiques prioritaires (étape II) qui doivent faire l’objet d’importantes réductions.
Pour les substances de l’étape I, l’accord: 1) confirme le rejet zéro de 5 pesticides
interdits (aldrine, chlordane, DDT, mirex, toxaphène); 2) vise à déclasser 90% des
biphényles polychlorés (PCB) à forte concentration, à détruire 50% des quantités
stockées et à accélérer la destruction des PCB de faible concentration en stock; 3)
vise à réduire de 90% le rejet des 7 substances restantes de l’étape I (alkylplomb,
benzo[α]pyrène, hexachlorobenzène, mercure, octachlorostyrène, PCDD
(dibenzodioxines chlorées) et PCDF (dibenzofurannes chlorés)). Cet accord
s’efforce d’obtenir des réductions quantitatives chaque fois que possible et
demande aux sources de prévenir la pollution et d’utiliser d’autres moyens pour
atteindre ses objectifs. Quatorze projets ont déjà été lancés par le gouvernement
fédéral et celui de l’Ontario pour parvenir à réduire/éliminer les substances des
étapes I et II.

La politique de gestion des substances toxiques

Reconnaissant la nécessité d’adopter une approche de prévention et de précaution,


Environnement Canada a rendu publique, en juin 1995, une politique nationale de
gestion des substances toxiques qui doit servir de cadre à l’action dans ce domaine
(Environnement Canada, 1995). Cette politique comprend deux voies (voir figure
55.28), afin que les mesures de gestion soient adaptées aux caractéristiques des
substances chimiques. Il s’agit:

• d’éliminer pratiquement de l’environnement les substances qui sont


essentiellement anthropiques, rémanentes, bioaccumulatives et toxiques
(voie I);
• d’appliquer le principe de la gestion pendant tout le cycle de vie («du
berceau jusqu’à la tombe») de toutes les autres substances considérées (voie
II).

Figure 55.28 Choix des objectifs au titre de la politique de gestion des substances
toxiques

On utilise un ensemble de critères à fondements scientifiques (Environnement


Canada, 1995) (voir tableau 55.19) pour répartir entre les deux volets les
substances dont on veut s’occuper. Si une substance retenue aux fins de classement
dans l’une des deux voies n’est pas suffisamment réglementée par les programmes
existants, on définit des mesures additionnelles dans le cadre du processus des
choix stratégiques à partenaires multiples. Cette politique est conforme à l’accord
relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs et elle oriente et encadre un certain
nombre de programmes nationaux en définissant leur objectif ultime en matière
d’environnement, mais les moyens d’atteindre cet objectif ultime varient selon la
substance chimique et sa source, de même que le rythme auquel on y parvient.
Cette politique guide aussi la position du Canada sur les substances toxiques
rémanentes dans les débats internationaux.

Tableau 55.19 Critères de sélection des substances toxiques candidates à la voie I


de la politique de gestion

Persistance Bioaccumulation Toxicité Origine anthropique


Milieu Demi-vie
Air ≥2j BAF ≥ 5 000 Toxique selon la Concentrations dans
Eau ≥ 182 j ou LCPE ou équivalent l’environnement provenant
Sédiments ≥ 365 j BCP ≥ 5 000 de toxique selon la essentiellement des
Sol ≥ 182 j ou LCPE activités humaines
log Kow ≥ 5,0

LCPE: loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Le plan d’action pour le chlore

En octobre 1994, Environnement Canada a rendu publique une ligne de conduite


d’ensemble pour gérer les matières chlorées dans le cadre de la politique de gestion
des substances toxiques (Environnement Canada, 1994). Cette ligne de conduite
consiste à réduire l’emploi du chlore à l’aide d’un plan d’action en cinq parties
visant à: 1) centrer l’action sur les usages et les produits critiques; 2) améliorer la
connaissance scientifique du chlore et de son impact sur la santé et
l’environnement; 3) préciser les conséquences socio-économiques; 4) améliorer
l’accès du public à l’information; 5) encourager l’adoption de mesures au niveau
international pour les substances chlorées. Depuis quelque temps déjà l’emploi du
chlore a diminué au Canada, notamment de 45% depuis 1988 dans le secteur de la
pâte à papier et du papier. Cette tendance sera accélérée par la mise en œuvre du
plan d’action pour le chlore.

L’action de prévention de la pollution dans les Grands Lacs

Un programme énergique de prévention de la pollution a été mis en place pour le


bassin des Grands Lacs. Depuis mars 1991, Environnement Canada et le ministère
de l’Environnement et de l’Energie de l’Ontario ont uni leurs efforts à ceux des
industriels et des autres parties intéressées pour élaborer et réaliser des projets de
prévention de la pollution, par opposition au traitement des déchets ou à la
réduction de la pollution postérieurement à sa production. En 1995-96, plus de 50
projets ont visé des substances chimiques commerciales, la gestion des déchets
dangereux, les installations fédérales, les industries, les municipalités et le bassin
du lac Supérieur. On trouvera à la figure 55.29 un aperçu de ces projets, qui se
subdivisent en deux grandes catégories: ceux qui s’intègrent au programme et ceux
qui font l’objet d’accords volontaires. La figure montre aussi les liens avec les
autres programmes examinés précédemment (NPRI, RAP, LAMP) et avec un
certain nombre d’institutions qui collaborent étroitement avec Environnement
Canada en matière de techniques et procédés non polluants, ainsi qu’en matière de
formation, d’information et de communication. Les projets de prévention peuvent
donner des résultats impressionnants, comme le montre l’exemple des
constructeurs d’automobiles, qui ont lancé 15 projets pilotes, éliminant ainsi 2 240
tonnes de substances des usines automobiles Chrysler, Ford et General Motors de
l’Ontario.

Figure 55.29 Prévention de la pollution des Grands Lacs


Le programme d’accélération de la réduction et de l’élimination des toxiques

Le programme d’accélération de la réduction et de l’élimination des toxiques


(Accelerated Reduction/Elimination of Toxics (ARET)) est une initiative menée de
concert par les parties intéressées et lancée en 1994 en vue d’éliminer
progressivement 14 substances toxiques prioritaires, avec un objectif intérimaire
d’une réduction/élimination en 6 ans de 90% et d’une diminution des émissions de
50% pour 87 substances toxiques moins nocives (ARET Secretariat, 1995). En
1995, plus de 200 sociétés et organismes gouvernementaux participaient à cette
initiative librement décidée. Ensemble, ils ont réduit les émissions de 10 300 tonnes
par rapport à l’année 1988 prise comme référence et se sont engagés à réaliser une
réduction supplémentaire de 8 500 tonnes dans les cinq années à venir.

Les stratégies bilatérales et internationales

Outre les deux initiatives nationales décrites ci-dessus, le Canada et les Etats-Unis
élaborent actuellement une stratégie bilatérale pour coordonner leur action et fixer
des objectifs communs pour les substances toxiques rémanentes dans le bassin des
Grands Lacs. Ils adopteront des buts et objectifs analogues à ceux de l’accord
Canada-Ontario pour les substances des étapes I et II et une liste américaine
similaire. Des projets conjoints seront élaborés et réalisés pour faciliter l’échange
d’informations au sujet des substances prioritaires comme les PCB et le mercure.
En se montrant résolu à parvenir à une élimination pratiquement totale comme
décrit plus haut, le Canada pourra jouer un rôle de chef de file par la promotion de
l’action internationale dans le domaine des substances toxiques rémanentes. Il avait
d’ailleurs accueilli, en juin 1995, à Vancouver, une conférence des Nations Unies
pour mettre l’accent sur une concertation mondiale dans le domaine des polluants
organiques persistants (POP) et pour explorer des formules de prévention en vue de
réduire les émissions de ces polluants dans le monde. Le Canada est également
coprésident du groupe de travail de la Commission économique des Nations Unies
pour l’Europe (CEE) chargée d’élaborer un protocole pour les polluants organiques
persistants dans le cadre de la convention sur la pollution atmosphérique
transfrontières.

Un exemple — les dioxines et les furannes

Depuis plus d’une décennie, on sait que les dibenzodioxines chlorées et les
dibenzofurannes chlorés forment un groupe de substances toxiques rémanentes qui
sont une source de préoccupation pour l’environnement du Canada et des Grands
Lacs. Le tableau 55.20 expose sommairement les mesures prises au niveau fédéral
et les diminutions de rejets obtenues jusqu’ici, montrant comment la panoplie de
programmes et d’initiatives a permis de réduire sensiblement ces substances
toxiques. En dépit de ces résultats impressionnants, dioxines et furannes continuent
d’occuper la première place dans la politique de gestion des substances toxiques, le
plan d’action pour le chlore, l’accord Canada-Ontario et la stratégie bilatérale
esquissée ci-dessus.

Tableau 55.20 Récapitulation de réductions de rejets de dioxines et de


furannes au Canada

Sources des émissions Réduction Période considérée Initiatives du gouvernement


canadien
Effluents des fabriques 82% 1989-1994 Réglementations de la LCPE pour les
de papier kraft blanchi agents de démoussage, les copeaux de
bois et les dioxines/furannes
Pesticide - 2,4,5-T 100% 1985 Usage interdit par la LPLA
Pesticide - 2,4-D 100% 1987-1990 Teneur en dioxines et usage fortement
limités par la LPLA
Pentachlorophénol
— préservation du bois 6,7% 1987-1990 Réglementé par la LPLA
— protection du bois 100% 1987-1990 Usage interdit par la LPLA
PCB 23% 1984-1993 Plan d’action du CCME pour les PCB
Incinération 80% 1989-1993 Directives d’exploitation/d’émission
— déchets solides du CCME
municipaux
— déchets dangereux et 80% 1990-1995 Directives d’exploitation/d’émission
biomédicaux du CCME

CCME: Conseil canadien des ministres de l’Environnement. LCPE: loi canadienne


sur la protection de l’environnement. LPLA: loi sur les produits de lutte
antiparasitaires.

Résumé

La qualité de l’eau des Grands Lacs s’est sensiblement améliorée grâce aux
mesures de lutte contre la pollution prises depuis le début des années soixante-dix
par les gouvernements et les parties intéressées au Canada et aux Etats-Unis. La
présente étude de cas donne un résumé des efforts et des succès du Canada dans la
lutte contre la pollution générale et les polluants classiques. Elle décrit en outre une
nouvelle approche qui se dessine (la politique de gestion des substances toxiques, le
plan d’action pour le chlore, la prévention de la pollution, l’action volontaire, les
consultations entre parties intéressées, etc.) pour aborder les problèmes beaucoup
plus difficiles que posent les substances toxiques rémanentes dans les Grands Lacs.
Elle décrit aussi brièvement les programmes d’ensemble (COA, NPRI, SOP, PSL,
etc.) mis en place en vue d’atteindre l’objectif d’une élimination pratique de ces
substances. On trouvera, dans les références bibliographiques à la fin du présent
chapitre, de plus amples renseignements sur l’approche canadienne.

DES TECHNIQUES DE PRODUCTION MOINS


POLLUANTES
David Bennett

La prévention, la lutte antipollution et l’assainissement

Classiquement, il y a trois moyens de s’attaquer au problème de la pollution: la


prévention, la lutte antipollution et l’assainissement. Ils forment une hiérarchie
dans laquelle la priorité doit être donnée à la prévention, suivie des mesures de
lutte, l’assainissement constituant un pis-aller. On entend par réduction de la
pollution n’importe quel moyen de l’atténuer, mais en pratique elle implique
d’ordinaire une forme de lutte. Bien que la hiérarchie de ces trois démarches soit
exprimée en termes de préférences ou de priorités, ce n’est pas toujours le cas dans
la pratique; des pressions peuvent être exercées par le législateur en faveur d’une
voie plutôt que d’une autre; une stratégie peut être moins coûteuse qu’une autre ou
l’assainissement peut être l’action la plus urgente, comme dans le cas d’un
déversement exceptionnellement important ou de la diffusion dangereuse d’un
polluant à partir d’un site contaminé.

La prévention de la pollution

On peut définir la prévention de la pollution comme une stratégie ou un ensemble


de moyens destinés à éviter que des polluants ne soient créés. Comme le dit Barry
Commoner, «pas de polluant, pas de pollution». Ainsi, si une substance chimique
dont l’utilisation crée de la pollution est éliminée, il y aura «rejet zéro» (ou
«émission zéro») du polluant considéré. Le rejet zéro est plus convaincant si cette
substance chimique n’est pas remplacée par une autre substance ou par un produit
de substitution susceptible de constituer un nouveau polluant.

Une stratégie souvent utilisée pour prévenir la pollution est celle de l’interdiction,
de l’élimination ou de la réduction progressive de substances ou de catégories de
substances chimiques (on peut aussi imposer des restrictions aux utilisations). Ces
stratégies font l’objet de lois ou de règlements nationaux, plus rarement d’accords
internationaux (conventions ou traités) ou de règlements locaux.

Une seconde stratégie consiste à réduire la pollution, là encore dans le sens de la


prévention plutôt que de la lutte. Si on limite l’utilisation d’une substance chimique
polluante, on obtiendra presque toujours une baisse de la pollution. C’est cette
stratégie qui a inspiré les programmes de réduction de l’utilisation des substances
toxiques (Toxics Use Reduction (TUR)) en Amérique du Nord et de techniques non
polluantes en Europe.

Contrairement aux interdictions et aux éliminations progressives, qui s’appliquent


généralement à tous les lieux de travail visés au sein d’une juridiction politique, les
programmes de réduction de la pollution portent sur des lieux ou des catégories de
lieux précis. Il s’agit généralement, pour commencer, des lieux de travail d’une
certaine dimension dans les industries manufacturières (y compris chimiques), bien
que les principes de la réduction de la pollution puissent être appliqués de manière
générale par exemple aux mines, aux centrales électriques, aux chantiers de
construction, aux bureaux, à l’agriculture (pour les engrais chimiques et les
pesticides) et aux municipalités. Aux Etats-Unis, le Michigan et le Vermont ont
adopté sous forme de lois des programmes de réduction de l’emploi des substances
toxiques pour les personnes qui exercent une activité professionnelle à domicile.

La réduction de la pollution peut aboutir à l’élimination de substances chimiques


déterminées et atteindre ainsi les mêmes objectifs que l’interdiction ou
l’élimination progressive. Là encore, on aboutirait ainsi à un rejet zéro du polluant
concerné, mais l’obligation de supprimer des substances chimiques déterminées
n’est pas inscrite dans les programmes de réduction; ce qui est prescrit, c’est un
plan général comportant un ensemble adaptable de méthodes. L’obligation de
supprimer une substance donnée est un exemple d’une «norme de spécification».
L’obligation d’établir un programme général est une «norme de résultat» parce
qu’elle autorise une certaine souplesse dans le mode d’application, bien qu’un
objectif à atteindre obligatoirement (résultat) dans un programme général soit
considéré (curieusement) comme une norme de spécification. Lorsqu’elles ont le
choix, les entreprises préfèrent généralement les normes de résultat aux normes de
spécification.

La lutte antipollution

Les mesures de lutte contre la pollution ne peuvent pas éliminer celle-ci; tout ce
qu’elles peuvent faire, c’est en atténuer les effets sur l’environnement. Ces mesures
s’appliquent aux rejets en fin de cycle de fabrication. Leur utilité dépend du
polluant et des conditions propres à l’industrie. Les principales méthodes de lutte,
rangées sans ordre particulier, sont:

• la maîtrise, puis le stockage des polluants;


• la filtration, consistant à extraire du flux de rejets les polluants en suspension
dans l’air ou dans l’eau par des méthodes physiques, comme les tamis, filtres
et autres barrières perméables (le coke, par exemple);
• la précipitation, par laquelle le polluant est précipité chimiquement et ensuite
retenu dans son état transformé, ou saisi par des méthodes physiques, comme
les champs électrostatiques;
• la destruction — par exemple, l’incinération ou la neutralisation, par laquelle
les polluants sont transformés chimiquement ou biologiquement en
substances moins nocives;
• la dilution, par laquelle le polluant est dilué ou lessivé, afin d’en atténuer les
effets sur un organisme ou un écosystème ou, au contraire, la concentration,
destinée à diminuer les effets de la mise en décharge;
• l’évaporation ou la dissolution — par exemple, la dissolution d’un gaz dans
l’eau;
• l’utilisation — par exemple, la transformation d’un polluant en un produit
potentiellement utile, mais pas nécessairement moins toxique (comme le
dioxyde de soufre transformé en acide sulfurique ou l’emploi d’un déchet
solide comme base des revêtements routiers);
• le recyclage externe (lorsque le recyclage ne fait pas partie intégrante du
procédé de production);
• le changement de milieu récepteur, par lequel le flux de déchets est détourné
de l’air, du sol ou de l’eau vers un autre milieu, parce que ce changement
rend le polluant moins nocif;
• le changement d’état — en un état solide, liquide ou gazeux, parce que le
nouvel état est moins nocif.

L’assainissement

L’assainissement est nécessaire dans la mesure où la prévention et la lutte


antipollution ont échoué. Il est aussi très onéreux et les coûts n’en sont pas toujours
supportés par le pollueur. Les modes d’assainissement sont:
Le nettoyage des sites contaminés

Le terme «nettoyage» a une acception courante, comme lorsqu’on dit que


l’entreprise doit «nettoyer ce qu’elle a pollué», ce qui peut signifier beaucoup de
choses différentes. Dans le contexte de la protection de l’environnement, on parlera
plutôt de décontamination, qui est un terme technique désignant certains types ou
modes d’assainissement. Même dans son sens restreint, ce terme peut signifier: 1)
l’élimination des polluants d’un site contaminé; ou 2) la remise en état d’un site
pour qu’il retrouve tout son potentiel d’utilisation. Dans un autre cas encore, on
entendra seulement la réhabilitation par confinement des polluants à l’intérieur d’un
site, d’une zone ou d’une masse d’eau — notamment par le recouvrement, le
colmatage ou la construction d’un sol imperméable.

Pour atteindre son but, la décontamination doit être efficace à 100% et protéger
intégralement les travailleurs, les personnes de passage et le grand public. Il faut
aussi veiller à ce que les matériaux, les méthodes et les techniques de
décontamination ne créent pas de nouveaux risques. Bien qu’il soit préférable que
la protection des travailleurs qui en sont chargés soit assurée par des procédés
intégrés en amont, un équipement de protection individuelle approprié sera presque
toujours nécessaire. Normalement, les personnels chargés de travaux
d’assainissement sont classés parmi les travailleurs spécialisés dans le traitement
des déchets dangereux, bien que certaines de ces tâches puissent être effectuées par
les sapeurs-pompiers ou par des employés municipaux.

L’assainissement des sites contaminés nécessite le recours à un grand nombre de


produits et de méthodes relevant de la physique, de la chimie, de la biologie et de la
biotechnologie.
Le traitement des déchets dangereux

Le plus souvent, les déchets dangereux (ou toxiques) sont traités aujourd’hui par
des travailleurs spécialisés et dans des installations conçues à cet effet. Du point de
vue de l’environnement, le critère d’efficacité d’une installation de traitement de
déchets dangereux est qu’elle ne doit rejeter que des substances inertes, ou
pratiquement inertes, telles que de la silice, des composés inorganiques insolubles,
des scories insolubles et non corrosives, de l’azote gazeux ou du dioxyde de
carbone — bien que celui-ci soit un gaz à effet de serre responsable de
modifications climatiques et qui est donc à son tour nocif pour l’environnement.

Un autre critère est que l’installation ait un bon rendement énergétique, c’est-à-dire
qu’elle soit économe en énergie, avec un rapport entre la puissance utilisée et le
volume de déchets traités aussi faible que possible. Selon une règle empirique (qui
n’est heureusement pas une loi universelle), plus la stratégie de réduction de la
pollution (ou des déchets) est efficace, plus elle consomme d’énergie, ce qui est un
autre inconvénient selon les critères du développement durable.

Même lorsque les travailleurs sont convenablement protégés, il est facile de voir les
inconvénients du traitement des déchets dangereux comme mode de lutte contre la
pollution. Les méthodes de prévention peuvent s’appliquer au processus de
traitement, mais non au principal «intrant», à savoir les déchets à traiter. Il faut à
peu près autant d’énergie pour traiter des déchets dangereux qu’il en a fallu pour les
créer, et ils produiront toujours de nouveaux déchets, même si ceux-ci sont inertes
ou non toxiques.
Les déversements et les fuites

Les mêmes considérations valent aussi pour les déversements et les fuites de
substances chimiques. Il faut aussi tenir compte des dangers liés à l’urgence des
opérations de nettoyage. Les travailleurs chargés du nettoyage des déversements et
des fuites sont presque toujours des spécialistes des opérations d’urgence. Selon
l’ampleur et la nature du polluant, les fuites et les déversements peuvent donner
lieu à des accidents industriels majeurs.

Les modes de prévention de la pollution

La définition et les principes généraux

Définir la prévention de la pollution peut sembler superflu, mais cette définition est
importante, car les partisans de cette méthode voudraient, par principe, que l’on
s’en tienne à une stratégie agressive uniquement axée sur la prévention, aux dépens
des méthodes de lutte contre la pollution, et que l’on évite l’assainissement. Ils font
valoir que plus on définit la notion de prévention avec rigueur, plus elle a de
chances de réussir dans la pratique. Inversement, plus on laisse les entreprises lui
donner une acception large, plus on risque de les voir ressortir la même panoplie de
vieilles stratégies déjà appliquées sans succès. A cela, les entreprises répondent
parfois que même les déchets toxiques peuvent avoir une valeur marchande et que
les méthodes de lutte contre la pollution ont donc un rôle à jouer, si bien que la
pollution n’existe que potentiellement. En outre, la notion de rejet zéro est, à leur
avis, une impossibilité qui ne peut susciter que des espoirs fallacieux et des
stratégies mal conçues. Les partisans des méthodes de prévention répondent que,
aussi longtemps qu’on ne fixera pas le rejet zéro comme objectif ou idéal à
atteindre, on ne parviendra pas à prévenir la pollution et on ne pourra pas améliorer
la protection de l’environnement.

Les définitions les plus strictes de la prévention reposent, pour la plupart, sur un
élément unique ou central, qui est d’éviter d’utiliser des substances chimiques
susceptibles de créer des polluants. Certaines des controverses les plus vives en
matière de définition concernent le recyclage, qui sera traité ci-après dans le cadre
de la prévention.

Les objectifs

L’un des objectifs de la prévention de la pollution peut être le rejet zéro de


polluants. C’est ce que l’on désigne parfois par l’expression «élimination virtuelle»
(de fait ou quasi totale), car même le rejet zéro ne peut résoudre le problème des
contaminants qui sont déjà présents dans l’environnement. Avec les méthodes de
prévention, le rejet zéro est possible alors que, même en théorie, les procédés de
lutte ne peuvent atteindre le niveau zéro et qu’ils sont moins efficaces encore en
pratique, en raison du laxisme avec lequel ils sont appliqués en général. Ainsi, on
peut envisager la production d’automobiles sans aucun rejet de polluants par
l’usine; les déchets de production sont recyclés et le produit (la voiture) constitué
de pièces réutilisables ou recyclables. C’est ainsi que l’on est parvenu au rejet zéro
de certains polluants — par exemple, en modifiant le procédé de fabrication dans
l’industrie de la pâte à papier pour ne pas rejeter de dioxines ni de furannes dans les
effluents. L’objectif du rejet zéro a aussi été inscrit dans les lois sur
l’environnement et dans les politiques des organes chargés de réduire la pollution.

En pratique, l’objectif du rejet zéro est souvent remplacé par des objectifs de
réduction — une diminution de 50% des émissions polluantes d’ici à telle année,
par exemple. Ces objectifs intermédiaires revêtent généralement la forme de
«défis» ou de critères à l’aune desquels on peut mesurer le succès d’un programme
de prévention. Ils sont rarement le produit d’une analyse ou d’un calcul de
faisabilité et aucune sanction ne leur est associée si l’objectif n’est pas atteint. Ils ne
sont pas non plus mesurés avec précision.

Les réductions devraient être mesurées (et non pas estimées) en utilisant l’une des
formules ci-après:

Pollution (P) = toxicité du polluant (T) × volume (V) des rejets


ou:
P = T × V × E (potentiel d’exposition).

Cela est très difficile en théorie et très coûteux en pratique, bien que l’on puisse en
principe le faire grâce aux techniques d’évaluation des dangers (voir ci-après). Il y
a tout lieu de penser qu’il vaudrait mieux utiliser les ressources financières à
d’autres fins — par exemple, pour obtenir qu’on établisse des plans de prévention
adéquats.

En ce qui concerne les pesticides chimiques, on peut atteindre l’objectif d’une


réduction de leur emploi par les méthodes de lutte intégrée contre les parasites,
étant entendu que cette expression peut, elle aussi, être définie au sens large ou au
sens étroit.

Les méthodes

Les principales méthodes de prévention sont:

• L’élimination ou la suppression progressive de certaines substances


chimiques dangereuses.
• La substitution des facteurs de production — le remplacement d’une
substance toxique ou dangereuse par une autre non toxique ou moins
dangereuse: dans l’imprimerie, par exemple, le remplacement des colorants
organiques synthétiques par des colorants à l’eau, des solvants organiques
par des solvants à l’eau ou aux agrumes et, dans certaines applications, des
huiles minérales par des huiles végétales. A titre d’exemple de substitution
non chimique, on peut citer le remplacement des décapants chimiques
fluides pour les peintures par le nettoyage à la grenaille, l’emploi de
systèmes à eau chaude à haute pression au lieu du nettoyage caustique, ou
l’utilisation de l’étuvage à la place des pentachlophénols (PCP) dans
l’industrie du bois.

Dans tous les cas, il faut procéder à une analyse pour s’assurer que les produits
substitutifs sont vraiment moins dangereux que ceux qu’ils remplacent. Une telle
initiative relève du bon sens en général et, dans le meilleur des cas, on peut
appliquer les techniques d’évaluation des dangers (voir ci-après) à la substance
chimique considérée et à celle qui doit la remplacer.

• La modification de la composition du produit — remplacer un produit final


par un autre qui ne soit pas toxique ou qui le soit moins lorsqu’on l’utilise, le
rejette ou l’élimine.

Alors que la méthode de substitution vise les matières premières et les additifs
utilisés dès le début du processus, en modifiant la composition on aborde le
problème sous l’angle du produit final.
Les programmes généraux visant à fabriquer des produits qui soient plus
respectueux de l’environnement sont des exemples de «conversion économique».
Comme exemple de modification de la composition du produit, on peut citer la
fabrication de piles rechargeables au lieu de piles jetables, ou encore l’emploi de
revêtements à base d’eau à la place de ceux qui font appel à des solvants
organiques.

Là encore, une analyse de substitution est indispensable pour s’assurer que le


bénéfice net pour l’environnement est plus grand avec les produits à composition
modifiée qu’avec ceux que l’on employait auparavant.

• La modernisation de l’unité de production, pour qu’elle utilise moins de


substances chimiques ou des substances moins toxiques.
• L’amélioration du fonctionnement et de l’entretien de l’unité de production,
ainsi que des méthodes de production, y compris le maintien de l’ordre et de
la propreté des locaux, un contrôle de la qualité plus efficace et des
inspections du processus de fabrication.

A titre d’exemple des mesures de prévention des déversements, on peut citer


l’emploi de conteneurs hermétiques, la prévention des fuites et l’emploi de
couvercles flottants pour les réservoirs à solvants.

• La réduction de la quantité de substances mises eu œuvre, et une plus large


réutilisation de certaines d’entre elles. Par exemple, on tend parfois à
multiplier inutilement les opérations de dégraissage. On peut aussi employer
moins de substances chimiques pour chaque opération. Autre exemple de
réutilisation possible: celui des liquides de dégivrage.
• L’adoption de méthodes en circuit fermé et le recyclage en cours de
processus. A strictement parler, un processus en circuit fermé est celui qui ne
produit aucune émission sur le lieu du travail ou dans l’environnement
extérieur, pas même le rejet d’eaux usées dans les eaux de surface ou de
dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Il n’y a que des intrants, des produits
finis et des déchets inertes ou non toxiques. Dans la pratique, les méthodes
en circuit fermé éliminent certains des rejets dangereux, mais pas tous. Dans
la mesure où l’on y parvient, on peut considérer qu’il s’agit là d’un exemple
de recyclage en cours de processus (voir ci-après).

Le recyclage

Lorsqu’on tente de définir ce qu’est la prévention de la pollution, on aboutit


fatalement à un certain nombre de «zones grises» dans lesquelles il n’est pas facile
de distinguer les mesures de prévention de celles qui visent la réduction des
émissions. Ainsi, pour pouvoir être considérée comme une méthode de prévention,
une phase du processus de production doit faire «partie intégrante de l’unité de
production», mais il n’est pas toujours facile de dire à quelle distance de la
périphérie du processus cette phase doit se trouver pour mériter l’appellation de
prévention. Certains processus peuvent être tellement éloignés du noyau d’une
opération qu’ils paraissent être une phase ajoutée et, par conséquent, ressemblent
plutôt à une mesure antipollution «en bout de chaîne» qu’à une méthode de
prévention. Une fois encore, il y a des cas marginaux, comme celui d’une
canalisation de rejets qui constituent le produit de départ d’une usine voisine:
considérées ensemble, les deux usines forment une sorte de circuit fermé, mais
celle d’amont génère encore des effluents et ne satisfait donc pas aux critères de la
prévention.

Il en va de même du recyclage. Traditionnellement, on distingue trois types de


recyclage:

• le recyclage en cours de processus — par exemple, lorsque le solvant du


nettoyage à sec est filtré, nettoyé et séché, puis réutilisé dans le même
processus;
• le recyclage hors processus, mais dans l’usine, comme c’est le cas lorsque
les déchets de production des pesticides sont nettoyés puis réutilisés comme
base inerte pour un nouveau cycle de fabrication;
• le recyclage hors processus et hors de l’usine.

De ces trois types de recyclage, le troisième n’est généralement pas considéré


comme une méthode de prévention: plus le lieu du recyclage est éloigné, moins on
a de garantie que le produit recyclé est effectivement réutilisé. Il y a aussi les
risques que présente le transport des déchets à recycler et l’incertitude quant à leur
valeur marchande ultime. On peut en dire autant, toutefois à un moindre degré, du
recyclage hors processus, mais dans l’usine: il y a toujours la possibilité que les
déchets ne soient pas réellement recyclés ou, s’ils le sont, ne soient pas réellement
réutilisés.

Dans les stratégies initiales de prévention des années quatre-vingt, on avait exclu le
recyclage sur site, mais hors processus parce qu’il n’était pas considéré comme une
véritable mesure de prévention de la pollution. On craignait que les résultats d’un
programme efficace de prévention de la pollution ne soient compromis ou que ce
programme ne perde de son efficacité si l’on mettait trop l’accent sur le recyclage.
Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, certains décideurs ont accepté que le
recyclage sur place et hors processus soit considéré comme une méthode légitime
de prévention. Il est vrai qu’il y a de véritables «zones grises» entre la prévention
de la pollution et la lutte contre la pollution. Il est vrai aussi que certains types de
recyclage sur place répondent réellement aux attentes, même s’ils ne peuvent
techniquement être reconnus comme des mesures de prévention. Enfin, il y a la
pression des entreprises: les employeurs ne comprennent pas pourquoi l’on
refuserait de reconnaître certaines techniques si elles contribuent à la réalisation des
objectifs d’un programme de prévention.
La planification de la prévention

La planification est un élément essentiel des méthodes de prévention, et cela


d’autant plus que les bénéfices qu’on peut en tirer sur les plans du rendement
industriel et de la protection de l’environnement ne se manifestent généralement
qu’à long terme (non dans l’immédiat), en fonction du type de planification
qu’exigent la conception et la commercialisation du produit. Habituellement, pour
planifier la prévention de la pollution, on établit des plans périodiques. Il n’existe
pas de modèle unique pour ce type de planification, mais on peut envisager, par
exemple, une démarche qui prenne en compte:

• les objectifs;
• l’inventaire des substances chimiques et l’estimation des rejets dans
l’environnement;
• les méthodes de prévention utilisées et proposées;
• les responsabilités et les mesures à prendre au cas où les objectifs ne seraient
pas entièrement atteints.

Une autre approche peut comporter:

• l’examen des procédés de fabrication;


• la définition des possibilités de prévention;
• le classement de ces possibilités et le calendrier de réalisation des options
retenues;
• l’évaluation des résultats à l’issue de la période prévue pour sa réalisation.

Les plans élaborés peuvent être de nature très diverse. Certains sont d’application
facultative, même s’ils sont prévus par la loi en tant que code de bonne pratique
(d’application volontaire). D’autres sont obligatoires en ce sens qu’ils doivent: 1)
être conservés dans l’usine aux fins d’inspection; ou 2) être soumis à un organe de
réglementation et de contrôle une fois réalisés; ou 3) être soumis à un organe de
réglementation et de contrôle aux fins d’examen ou d’approbation. Il existe aussi
d’autres variantes, comme l’obligation d’avoir un plan au cas où le dispositif
facultatif serait à certains égards insuffisant ou inefficace.

Le caractère normatif des plans d’application obligatoire varie lui aussi, notamment
du point de vue des pénalités et des sanctions applicables. Rares sont les autorités
qui ont le pouvoir d’exiger que des modifications précises soient apportées à la
teneur des plans de prévention; presque toutes disposent par contre d’un pouvoir au
cas où des exigences formelles n’ont pas été satisfaites — par exemple, si certaines
parties du plan ont été ignorées. Il n’existe pratiquement pas d’exemple de pénalité
ou de sanction au cas où des exigences concrètes du plan n’auraient pas été
respectées. C’est dire qu’en matière de planification de la prévention, les
obligations juridiques sont encore rares.
Les questions qui peuvent se poser à propos de la présentation des plans concernent
leur caractère confidentiel: dans certains cas, seul un résumé est publié, tandis que
dans d’autres, les plans ne sont divulgués que si le producteur omet d’une façon ou
d’une autre de se conformer à la loi. Il n’existe pratiquement aucun exemple de cas
où les exigences relatives à la planification l’aient emporté sur les dispositions
relatives au secret des affaires ou au caractère confidentiel des facteurs de
production, des procédés de fabrication ou des matières entrant dans la composition
des produits. Dans un petit nombre de cas, les associations de défense de
l’environnement ont accès au processus de planification, mais on ne connaît guère
d’exemples où la loi l’exige ou qu’elle prévoie le droit, pour les travailleurs, de
participer dans tous les cas à l’établissement de ces plans.

La législation

Dans les provinces canadiennes de la Colombie-Britannique et de l’Ontario, les


mesures de prévention de la pollution sont d’application facultative et leur
efficacité dépend de la pression morale exercée par les gouvernements et par les
défenseurs de l’environnement. Aux Etats-Unis, près de la moitié des Etats (26) se
sont dotés d’une législation en la matière, tandis qu’en Europe plusieurs pays
nordiques ont adopté des lois sur les technologies «propres». Ces lois varient
fortement quant à leur teneur et à leur efficacité; certaines définissent la prévention
de la pollution au sens étroit, d’autres au sens large ou en termes vagues qui
recouvrent toute une série d’activités de protection de l’environnement concernant
la pollution et les déchets, et non pas seulement la prévention. La loi du New Jersey
est extrêmement contraignante; celles du Massachusetts, du Minnesota et de
l’Oregon font une large place au droit de regard et à l’assistance du gouvernement,
alors que celle de l’Alaska n’est guère plus qu’une déclaration d’intention.

La sécurité, la santé et l’emploi

Prévenir la pollution est d’une importance cruciale pour la santé au travail: la


diminution de l’utilisation de substances toxiques s’accompagne presque toujours
d’une réduction correspondante de l’exposition des travailleurs et, par conséquent,
des atteintes à la santé d’origine professionnelle. C’est là un excellent moyen de
prévenir le danger «à la source» et, dans bien des cas, d’éliminer les dangers par
des «moyens de prévention technique» (c’est-à-dire par des méthodes techniques),
ce qui est la meilleure ligne de défense contre les risques chimiques. Ces mesures
préventives diffèrent cependant de la stratégie traditionnelle qui consiste à «isoler
totalement» ou à «confiner totalement» le processus chimique. Si cet isolement
total reste extrêmement utile et hautement souhaitable, il ne saurait être considéré
comme une méthode de prévention puisqu’il maîtrise plutôt qu’il ne réduit
intrinsèquement un danger existant.

La plupart du temps, c’est à cause de leur impact sur les communautés humaines
(risques liés à l’environnement) que l’on s’est préoccupé des polluants qui
présentent un danger pour les travailleurs, les collectivités et le milieu physique.
Même si ce sont souvent les travailleurs qui sont le plus fortement exposés pendant
leur activité (pollution du lieu du travail), ce ne sont pas eux qui sont jusqu’à
présent les principales cibles des mesures de prévention. La loi du Massachusetts,
par exemple, vise à réduire les risques pour la santé des travailleurs, des
consommateurs et de l’environnement sans déplacer les dangers d’une de ces
catégories à l’autre (il en va de même au New Jersey). Toutefois, le législateur n’a
rien fait pour mettre l’accent sur la pollution du lieu de travail, en tant que préjudice
majeur, pas plus qu’il n’a prévu l’obligation d’accorder la primauté aux personnes
les plus exposées aux dangers, c’est-à-dire souvent les travailleurs. Il n’a pas non
plus prévu l’obligation de former les travailleurs à la prévention de la pollution.

Cette carence s’explique par plusieurs raisons. La première est que la prévention de
la pollution est une discipline nouvelle par rapport à l’optique traditionnelle qui ne
voit pas que la protection de l’environnement dépend des procédés mis en œuvre
sur le lieu du travail. Une deuxième raison est que les travailleurs ne sont encore
que rarement associés aux décisions prises par la direction en matière de protection
de l’environnement. Dans de nombreux pays, la loi leur donne le droit de faire
partie de comités mixtes sur la sécurité et la santé au travail, de refuser un travail
dangereux ou insalubre, d’être informés des questions de prévention et d’être
formés aux problèmes et procédures de sécurité et de santé, mais elle leur accorde
rarement des droits dans le domaine parallèle et commun à bien des égards de la
protection de l’environnement, comme celui de siéger dans des comités mixtes
syndicat-direction, celui d’alerter le public lorsque l’employeur recourt à des
pratiques dommageables pour l’environnement, celui de refuser de polluer ou de
dégrader l’environnement extérieur, celui d’être informé et celui de participer aux
audits d’environnement réalisés sur le lieu de travail (voir ci-après).

Il est difficile d’évaluer l’impact de la planification de la prévention sur l’emploi.


L’objectif déclaré des initiatives en la matière est souvent d’améliorer
conjointement, et à l’aide des mêmes mesures, le rendement de l’industrie et la
protection de l’environnement. Lorsque cette politique réussit, elle a généralement
pour effet de réduire l’emploi global au niveau de l’entreprise (grâce à l’innovation
technologique), mais d’augmenter les compétences requises et, par conséquent, la
sécurité de l’emploi (parce que la planification se fait à plus longue échéance). Si
l’on réduit la quantité de matières premières et d’additifs utilisée, l’emploi dans les
industries chimiques diminuera, mais il est probable que cette perte sera compensée
par l’abandon des produits de départ au profit de substances chimiques produites
industriellement et par la mise au point de produits de rechange ou de substitution.

Il est un aspect de l’emploi sur lequel la planification de la prévention n’a pas de


prise. Il est possible de faire diminuer les polluants émis par une usine donnée,
mais, dans la mesure où la stratégie industrielle vise à créer de la richesse et de
l’emploi à valeur ajoutée, toute augmentation du nombre d’installations de
production (même «propres») aura tendance à annuler les gains déjà obtenus dans
la protection de l’environnement. L’échec le plus notoire des mesures de
protection, à savoir que les progrès réalisés dans la réduction des émissions
polluantes sont annulés par l’augmentation du nombre des sources, se retrouve
malheureusement dans la prévention de la pollution, ainsi que dans toute autre
forme d’intervention. Il est bien connu que les écosystèmes ont une certaine
«capacité d’absorption» et que cette limite peut être atteinte aussi bien par un petit
nombre de sources très polluantes ou «sales» que par un nombre relativement élevé
de sources propres.

Les audits d’environnement sur le lieu du travail

La planification de la prévention peut faire partie intégrante de l’audit


environnemental sur le lieu du travail ou y être ajoutée. Bien qu’il existe un grand
nombre de versions de cette méthode, elles revêtent généralement la forme d’un
«audit de site» ou d’un «audit de production», dans lesquels le cycle tout entier est
soumis à une analyse à la fois environnementale et financière.

En gros, un audit sur le lieu du travail peut porter sur trois domaines du
développement durable et de la protection de l’environnement:

• l’économie des facteurs de production provenant des ressources naturelles,


comme les substances minérales, l’eau et les produits ligneux;
• l’utilisation d’énergie, qui peut aussi englober l’examen des sources
d’énergie, du rendement énergétique, de la consommation et des économies
d’énergie;
• la prévention de la pollution, la lutte contre la pollution et l’assainissement.

Si l’on réussit à prévenir la pollution, les mesures de lutte et d’assainissement


perdront de leur importance. Les dispositifs de prévention peuvent occuper une
grande place dans un audit environnemental sur le lieu de travail.

Traditionnellement, les entreprises ont pu «externaliser» les préjudices qu’elles


causent à l’environnement par des moyens comme l’utilisation excessive de l’eau
ou le déversement des déchets dans la collectivité et l’environnement. Devant cette
attitude, on a réclamé l’imposition de taxes en début de chaîne, par exemple, sur
l’utilisation de l’eau ou sur les produits peu respectueux de l’environnement ou les
déchets («taxes sur la pollution»).

On parvient ainsi à «internaliser» les coûts pour l’entreprise. Il s’est cependant


révélé difficile d’attribuer un juste prix aux facteurs de production et aux
préjudices, par exemple, le coût des déchets pour la collectivité et l’environnement.
Il n’est pas évident non plus que les taxes sur la pollution réduisent celle-ci dans
une mesure proportionnelle aux montants perçus; elles peuvent bien «internaliser»
les coûts, mais elles ne font que s’ajouter à ceux de l’exercice d’une activité.
Les audits environnementaux ont l’avantage d’avoir un intérêt économique sans
qu’il soit nécessaire de déterminer le coût des effets externes. Ainsi, on peut
calculer la «valeur» des déchets en termes de pertes de ressources utilisées comme
facteurs de production et de non-utilisation ou d’utilisation médiocre de l’énergie
— ou encore de la différence de valeur entre les ressources et l’énergie, d’une part,
et la valeur du produit, de l’autre. Malheureusement, l’aspect financier de la
planification de la prévention n’est pas encore bien établi, pas plus que sa place
dans les audits environnementaux sur le lieu de travail.

L’évaluation des dangers

Certains systèmes de prévention de la pollution ne comportent aucune évaluation


des dangers et sont donc dépourvus de critères permettant de décider si une usine
ou une installation est plus ou moins respectueuse de l’environnement grâce aux
mesures de prévention mises en œuvre. Des systèmes de ce type peuvent comporter
une liste des substances chimiques dont il faut se préoccuper ou qui définissent la
portée du programme de prévention. Mais cette liste ne classe pas les substances
d’après leur degré de danger et elle ne garantit pas qu’un produit de remplacement
qui ne figure pas sur la liste soit en réalité moins dangereux que celui qui y est
inscrit. C’est le bon sens et non pas l’analyse scientifique qui nous dit comment
appliquer un programme de prévention de la pollution.

D’autres systèmes reposent sur des critères d’évaluation du danger. Pour ce faire,
ils fixent un certain nombre de paramètres de l’environnement, comme la
persistance et la bioaccumulation dans l’environnement, ainsi que certains
paramètres de la santé humaine qui servent de mesure de la toxicité, comme la
toxicité aiguë, le pouvoir cancérogène, le pouvoir mutagène, l’effet toxique sur la
reproduction, etc.

On a alors un système de notation pondérée et une procédure de décision


permettant de coter les paramètres pour lesquels on ne possède pas de
renseignements suffisants. Les substances pertinentes sont ensuite cotées et
classées, puis (souvent) groupées par ordre de danger décroissant.

Bien que ces systèmes soient parfois conçus dans un but spécifique, par exemple
évaluer la priorité des mesures de lutte ou d’élimination (interdiction), ils servent
souvent de systèmes abstraits utilisables pour une grande variété de mesures de
protection de l’environnement, notamment la prévention de la pollution. Ainsi, des
substances chimiques qui ont reçu la cote la plus élevée pourraient être les
premières à figurer dans un programme obligatoire de prévention ou être inscrites
dans un programme d’élimination graduelle ou de substitution. En d’autres termes,
ces systèmes ne nous disent pas dans quelle mesure nous devons réduire les
dangers pour la santé liés à l’environnement; ils nous disent seulement que toute
mesure prise doit l’être en fonction du système d’évaluation des dangers.
Si nous prenons, par exemple, la décision de remplacer une substance chimique
dangereuse par une autre qui l’est moins, nous pouvons utiliser le système pour
savoir si, à première vue, la décision de remplacement est bonne: nous soumettons
les deux substances au système pour déterminer s’il existe un écart important ou
seulement minime entre leur degré de danger respectif.

Les systèmes d’évaluation des dangers tiennent rarement compte de deux sortes de
considérations. Les premières concernent les données d’exposition, ou le risque
d’une exposition de l’humain à la substance. Celui-ci est difficile à calculer et l’on
peut faire valoir qu’il biaise le «danger intrinsèque» des substances concernées.
Ainsi, on pourrait accorder à une substance une priorité artificiellement faible parce
qu’elle présente un risque d’exposition mineur, alors qu’en réalité elle est fortement
toxique et relativement facile à traiter.

Les considérations de la seconde catégorie concernent l’impact socio-économique


de l’élimination ou de la réduction de l’emploi de la substance chimique concernée.
Si nous pouvons commencer à prendre des décisions de substitution en nous
fondant sur l’analyse des dangers, nous devrons faire une analyse socio-
économique distincte et plus poussée et tenir compte, par exemple, de l’utilité
sociale du produit associé à l’utilisation de la substance (qui peut être un
médicament utile) et nous devrons alors examiner l’impact sur les travailleurs et la
collectivité. La raison pour laquelle cette étude doit être distincte est qu’il est
impossible de coter les résultats d’une analyse socio-économique de la même façon
que les dangers intrinsèques des substances chimiques. Il s’agit de deux ensembles
de valeurs entièrement distincts obéissant à des logiques différentes.

Les systèmes d’évaluation des dangers sont cependant extrêmement utiles pour
mesurer le succès des programmes de prévention (ils sont aussi relativement
nouveaux, tant par leur impact que par leur utilité). Ainsi, il est possible de les
appliquer sans se référer à des évaluations de risque, à des analyses de risque et,
sous certaines réserves, à une analyse coûts-avantages. Auparavant, pour lutter
contre la pollution, on commençait par faire une évaluation des risques et l’on
décidait ensuite du type et de l’ampleur des mesures à prendre pour les réduire à un
niveau «acceptable». Les résultats étaient rarement impressionnants. En revanche,
l’évaluation des dangers peut être utilisée très rapidement et de manière à ne pas
retarder ni compromettre l’efficacité d’un programme de prévention. La prévention
de la pollution est avant tout un programme pragmatique qui doit permettre de
remédier rapidement et en permanence aux problèmes, au fur et à mesure qu’ils se
présentent, voire avant même qu’ils n’apparaissent. On peut soutenir que les
mesures traditionnelles de lutte ont atteint leurs limites et que seule la mise en
œuvre de programmes complets de prévention permettra de passer à la phase
suivante de la protection de l’environnement de manière pratique et efficace.

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