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Partie VII.

L'environnement English

Chapitre 53 - Les risques pour la santé liés à


l'environnement
LES RISQUES POUR LA SANTÉ LIÉS À
L’ENVIRONNEMENT
Annalee Yassi et Tord Kjellström

Le développement, et l’industrialisation en particulier, ont contribué


considérablement à la santé, y compris en facilitant l’épanouissement personnel et
social, ainsi qu’en améliorant sensiblement les services sanitaires et éducatifs, les
transports et les communications. Il ne fait aucun doute qu’à l’échelle mondiale les
gens vivent plus longtemps et en meilleure santé que dans les siècles ou même les
décennies passés. Cependant, l’industrialisation a aussi des retombées négatives sur
la santé, non seulement de la main-d’œuvre, mais aussi de la population en général.
Ces effets sont attribuables soit directement à l’existence de problèmes de sécurité
et d’agents nocifs, soit indirectement à une dégradation de l’environnement au
niveau local et planétaire (voir l’article «La pollution industrielle dans les pays en
développement» dans le présent chapitre).

Cet article décrit la nature des risques pour la santé liés à l’environnement et les
raisons pour lesquelles on fait le lien entre la santé en relation avec
l’environnement (dite santé environnementale) et la santé au travail.

Qu’ils soient attribuables à l’environnement ou au travail, les risques sanitaires


peuvent être d’ordre biologique, chimique, physique, biomécanique ou
psychosocial. Dans les risques pour la santé liés à l’environnement, on range les
risques classiques créés par de mauvaises conditions d’hygiène et de logement,
ainsi que la pollution agricole et industrielle de l’air, de l’eau, des aliments et des
sols. Ces risques s’accompagnent de multiples incidences sur la santé, allant de
catastrophes qui en découlent directement (comme l’épidémie de choléra en 1991
en Amérique latine et les nombreux cas d’intoxication d’origine chimique à
Bhopal, en Inde) à des effets chroniques (comme à Minamata, au Japon), ou bien à
des effets subtils, indirects, voire contestés (par exemple, à Love Canal, aux Etats-
Unis). Le tableau 53.1 est un résumé de quelques grandes catastrophes notoires
survenues pendant la deuxième moitié du siècle dernier et qui ont provoqué une
éclosion de «maladies environnementales». Il existe indéniablement une foule
d’autres exemples de flambées de maladies, dont certaines ne sont pas faciles à
détecter au niveau macrostatistique. Pendant ce temps, plus d’un milliard de
personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable (OMS, 1992c) et plus de
six cents millions d’individus vivent dans des milieux dont la teneur en dioxyde de
soufre dépasse largement les niveaux recommandés. En outre, les pressions qui
s’exercent sur l’agriculture et sur la production alimentaire en raison de
l’augmentation de la population et de la demande par habitant vont probablement
mettre davantage l’environnement à rude épreuve (voir l’article «L’alimentation et
l’agriculture» dans le présent chapitre). Les conséquences de la qualité de
l’environnement sur la santé englobent donc les effets indirects d’une dégradation
par l’industrie des conditions d’alimentation et de logement, et une détérioration
des systèmes mondiaux dont dépend la santé de la planète.

Tableau 53.1 Quelques épisodes majeurs de «maladies environnementales»

Lieu et année Risque environnemental Type de maladie Nombre de victimes


Londres, Pollution atmosphérique Multiplication des 3 000 morts, de
Royaume-Uni, grave par du dioxyde de affections cardiaques et nombreux malades
1952 soufre et des particules en pulmonaires
suspension
Toyama, Japon, Cadmium dans du riz Affections rénales et 200 personnes
années cinquante osseuses (maladie «Itai- gravement atteintes et
itai») beaucoup d’autres plus
légèrement
Sud-est de la Hexachlorobenzène dans Porphyrie; affection 3 000
Turquie, 1955- des semences neurologique
1961
Minamata, Japon, Méthylmercure dans du Affection neurologique 200 personnes
1956 poisson («maladie de Minamata») gravement atteintes, 2
000 cas suspectés
Villes américaines, Plomb dans de la peinture Anémie, troubles Plusieurs milliers
années soixante- comportementaux et
soixante-dix mentaux
Fukuoka, Japon, Biphényles polychlorés Dermatoses, faiblesse Plusieurs milliers
1968 (BPC) dans de l’huile générale
alimentaire
Irak,1972 Méthylmercure dans des Affections neurologiques 500 morts, 6 500
semences personnes hospitalisées
Madrid, Espagne, Aniline ou autres toxines Divers symptômes 340 morts, 20 000 cas
1981 dans de l’huile alimentaire
Bhopal, Inde, 1985 Méthylisocyanate Pneumopathie aiguë 2 000 morts, 200 000
personnes
empoisonnées
Californie, Etats- Pesticide au carbamate Troubles gastro- 1 376 cas signalés
Unis, 1985 dans des pastèques intestinaux, troubles attribuables à la
musculo-squelettiques, consommation, 17
affections des systèmes personnes gravement
nerveux autonome et atteintes
central (maladie du
carbamate)
Tchernobyl, Iode 134, césium 134 et Mal des rayons 300 blessés, 28
URSS, 1986 césium 137 provenant de (augmentation du nombre décédés dans les 3
l’explosion d’un réacteur de cancers et d’affections mois, plus de 600 cas
de la thyroïde chez les de cancers thyroïdiens
enfants)
Goiânia, Brésil, Césium 137 provenant Maladies radio-induites Quelque 240 personnes
1987 d’une machine de (suivi continu des ont été contaminées et
traitement du cancer expositions in utero) 2 sont mortes
abandonnée
Pérou, 1991 Epidémie de choléra Choléra 139 morts, plusieurs
milliers de malades

Dans beaucoup de pays, l’agriculture intensive et, parallèlement, l’emploi massif de


pesticides toxiques portent gravement atteinte à la santé des travailleurs et de leur
famille. La pollution par les engrais ou par les déchets biologiques des industries
alimentaire, papetière et autres peut également avoir des effets nocifs sur les cours
d’eau, en réduisant les prises de poissons et autres organismes destinés à
l’alimentation. Les pêcheurs et les récolteurs d’autres produits de la mer doivent
parfois aller beaucoup plus loin pour effectuer leurs prises quotidiennes et courent
de la sorte des risques accrus de noyade et autres types d’accidents. La propagation
de maladies tropicales du fait des mutations écologiques liées à des activités
comme la construction de barrages ou de routes constitue un autre type de risques
pour la santé environnementale. Un nouveau barrage peut créer des zones de
reproduction pour la schistosomiase, maladie débilitante qui touche les riziculteurs
travaillant les pieds dans l’eau. La construction d’une nouvelle route peut accélérer
la communication entre une région où le paludisme est endémique et une autre
jusque-là épargnée par cette maladie.

Il faut souligner que la principale cause d’un environnement nocif au travail ou en


général est la pauvreté. Les menaces classiques qui pèsent sur la santé dans les pays
en développement ou dans les secteurs démunis de n’importe quel pays
comprennent une mauvaise qualité des installations sanitaires, de l’eau et des
aliments, propice à la transmission de maladies, de piètres logements qui sont très
exposés à la fumée de cuisson et à des risques d’incendie, ainsi que des risques
d’accident importants dans les petites exploitations agricoles, et dans l’industrie à
domicile.

La réduction de la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie et de travail sont


essentielles à une amélioration de la santé au travail et de la santé environnementale
pour des milliards de personnes. En dépit des efforts déployés en faveur des
économies d’énergie et du développement durable, l’incapacité de s’attaquer à la
répartition inéquitable sous-jacente de la richesse menace l’écosystème planétaire.
Les forêts, par exemple, qui représentent l’aboutissement du cycle écologique, sont
détruites à un rythme alarmant, à cause de l’abattage et du défrichement
commerciaux que pratiquent des populations appauvries pour cultiver et se procurer
du bois de feu. Le déboisement cause, entre autres, une érosion des sols qui, si elle
est extrême, peut conduire à la désertification. La diminution de la biodiversité est
une conséquence importante (voir l’article «L’extinction d’espèces, la diminution
de la biodiversité et la santé humaine» dans le présent chapitre). On estime qu’un
tiers des émanations de dioxyde de carbone proviennent du brûlage de forêts
tropicales (le rôle des ces émanations dans le réchauffement de la planète est
analysé dans l’article intitulé «Le changement climatique à l’échelle planétaire et
l’appauvrissement en ozone» dans ce même chapitre). Lorsqu’on s’intéresse à la
santé environnementale à l’échelle de notre planète, il est donc impératif de
s’attaquer à la pauvreté autant qu’au bien-être des individus, des populations
locales, voire de régions tout entières.

Pourquoi associer santé environnementale et santé au travail

Le principal lien entre le milieu de travail et l’environnement général tient au fait


que l’origine du danger est habituellement la même, qu’il s’agisse d’une activité
agricole ou d’une activité industrielle. Dans la lutte contre les risques sanitaires, la
même démarche devrait permettre d’obtenir de bons résultats dans l’un et l’autre
secteurs. Cela est particulièrement vrai du choix de substances chimiques pour la
production. S’il est possible d’obtenir un résultat ou un produit acceptable à l’aide
d’une substance chimique relativement peu toxique, le choix de cette dernière peut
conduire à une atténuation ou même à une élimination des risques sanitaires, en
utilisant, par exemple, des peintures à base d’eau, plus sûres que les peintures à
base de solvants organiques toxiques, ou encore en préférant, chaque fois que
possible, les méthodes non chimiques de lutte contre les parasites. En fait,
notamment dans les pays en développement, il n’existe fréquemment aucune
séparation entre logement et lieu de travail; autrement dit, on a affaire exactement
au même milieu.

Il est aujourd’hui bien admis que les connaissances scientifiques et la formation


nécessaires pour évaluer et limiter les risques qui pèsent sur la santé
environnementale sont, pour la plupart, les mêmes que les compétences et
connaissances requises pour faire face aux risques sanitaires qui existent sur le lieu
de travail. La toxicologie, l’épidémiologie, l’hygiène du travail, l’ergonomie et les
techniques de sécurité — en fait, les disciplines dont il est précisément question
dans cette Encyclopédie — sont les outils de base de la science de l’environnement.
Le processus d’évaluation et de gestion des risques est aussi le même: définition
des dangers, classement des risques, évaluation du degré d’exposition et estimation
des risques. On procède ensuite à un jugement des méthodes de lutte, à un
abaissement de l’exposition, à une information du public sur les risques et à
l’instauration d’un programme de surveillance continue de l’exposition et des
risques. C’est pourquoi la santé au travail et la santé environnementale sont
étroitement liées par des méthodes communes, en particulier pour l’appréciation de
l’état de santé et la diminution de l’exposition.

Souvent, c’est à la suite de l’observation de problèmes de santé parmi les


travailleurs que l’on prend conscience des risques liés à l’environnement qui
menacent la santé et c’est indubitablement au travail que les retombées des
expositions de nature industrielle sont les mieux comprises. Les données dont on
dispose en matière d’effets sur la santé proviennent en général de l’une des trois
sources suivantes: des expériences sur des animaux, ou autres, en laboratoire (avec
des cobayes ou avec contrôle sur des humains), des expositions accidentelles d’un
niveau élevé ou encore d’études épidémiologiques qui font habituellement suite à
de telles expositions. Pour réaliser une étude épidémiologique, il faut savoir définir
à la fois la population touchée et la nature de l’exposition et son degré, et vérifier
l’existence des retombées sur la santé. En général, il est plus facile de définir un
groupe de travailleurs qu’une population, surtout dans le cas d’une population qui
n’est pas stable; la nature de l’exposition et son intensité parmi les divers membres
de la cohorte sont généralement plus clairement déterminés dans un milieu de
travail que dans une communauté; il est presque toujours plus aisé de cerner les
conséquences d’une forte exposition que les changements plus subtils attribuables à
une faible exposition. Il arrive bien que l’on relève en dehors des usines des taux
d’exposition proches des pires résultats enregistrés dans le cadre professionnel (par
exemple, exposition au cadmium provoquée par l’exploitation minière en Chine et
au Japon, émanations de plomb et de cadmium provenant de fonderies en haute
Silésie (Pologne)), mais les niveaux d’exposition sont habituellement beaucoup
plus élevés chez les travailleurs que dans la population environnante (OMS,
1992c).

Etant donné que les retombées sur la santé sont plus visibles parmi les travailleurs,
l’information concernant les effets de nombreux produits toxiques en milieu de
travail (comme ceux de métaux lourds tels que le plomb, le mercure, l’arsenic et le
nickel, et des cancérogènes avérés tels que l’amiante) sert à calculer le risque que
court la collectivité tout entière. S’agissant du cadmium, par exemple, on a signalé
dès 1942 des cas d’ostéomalacie accompagnée de fractures multiples chez des
travailleurs d’une fabrique de piles alcalines en France. Dans les années cinquante
et soixante, l’intoxication au cadmium passait pour une maladie strictement
professionnelle. Mais les données recueillies dans les entreprises ont aidé à faire
reconnaître que l’ostéomalacie et les troubles rénaux observés au Japon à cette
époque, la maladie «Itai-itai», étaient biens dus à une contamination du riz par une
eau contenant du cadmium d’origine industrielle utilisée en irrigation (Kjellström,
1986). Cette épidémiologie professionnelle a ainsi permis d’enrichir sensiblement
les connaissances sur les effets d’une exposition au milieu ambiant et a été une
raison supplémentaire de lier les deux domaines.

A l’échelle individuelle, les maladies professionnelles nuisent au bien-être au


domicile et dans la collectivité; à l’échelle universelle, un individu qui souffre de
mauvaises conditions à domicile et dans la collectivité ne peut être productif au
travail.

D’un strict point de vue scientifique, il importe de considérer les expositions dans
leur ensemble (environnementales et professionnelles) pour avoir une idée exacte
de leurs conséquences pour la santé et pour établir le rapport existant entre le degré
d’exposition et la réaction. L’exposition aux pesticides est un exemple classique de
cas dans lesquels, à l’exposition professionnelle, peut venir se greffer une très forte
exposition environnementale par une contamination des aliments et des sources
hydriques et par le contact avec un air vicié à l’extérieur du travail. Parmi les
événements recensés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (OMS, 1991)
dans lesquels plus de 100 intoxications étaient dues uniquement à des aliments
contaminés, plus de 15 000 cas et plus de 1 500 décès pouvaient être attribués à
l’absorption de pesticides. Une étude sur des cultivateurs de coton en Amérique
centrale qui utilisaient des pesticides a démontré que non seulement très peu d’entre
eux disposaient de vêtements de protection, mais que presque tous vivaient à moins
de 100 m des champs de coton et beaucoup dans des logements temporaires sans
murs qui les protègent pendant l’épandage aérien de pesticides. En outre, les
travailleurs se lavaient souvent dans des canaux d’irrigation contenant des résidus
de pesticides et se trouvaient ainsi d’autant plus exposés (Michaels, Barrera et
Gacharna, 1985). Pour comprendre ce qui lie l’exposition aux pesticides et les
problèmes sanitaires recensés, il convient de prendre en considération toutes les
sources d’exposition. En évaluant le degré d’exposition tant au travail que dans le
milieu ambiant, on ne peut qu’améliorer l’exactitude des données recueillies de part
et d’autre.

Les problèmes de santé liés au travail et à l’environnement sont particulièrement


graves dans les pays en développement qui appliquent plus rarement des méthodes
bien établies pour limiter les risques parce qu’ils sont peu conscients des dangers,
parce que la protection de la santé et de l’environnement n’est pas vraiment une
priorité politique, parce que les ressources sont restreintes, et parce qu’ils n’ont pas
de systèmes efficaces de gestion de la santé au travail et de la santé
environnementale. Un obstacle important à la limitation des risques
environnementaux dans beaucoup de régions du monde tient au nombre insuffisant
de gens formés de manière adéquate. On peut lire que les pays en développement
pâtissent d’une sérieuse pénurie d’experts en santé au travail (Noweir, 1986). En
1985, un comité d’experts de l’OMS a aussi conclu qu’ils manquaient cruellement
de personnel formé dans le domaine de l’hygiène du milieu; d’ailleurs, le plan
Action 21 adopté par la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le
développement (CNUED, 1992a) désigne la formation (renforcement des capacités
nationales) comme étant un élément clé du travail de promotion de la santé
humaine par le développement durable. Quand on ne dispose que de maigres
ressources, il n’est pas possible de former un groupe d’individus à prendre en
charge les problèmes de santé sur le lieu du travail et un autre à s’occuper des
risques survenant à l’extérieur.
Les pays développés eux-mêmes font beaucoup d’efforts pour mieux utiliser les
ressources en formant et en employant des professionnels de la santé au travail et
en relation avec l’environnement. Aujourd’hui, les entreprises doivent trouver les
moyens de gérer leurs affaires avec logique et efficacité, compte tenu des
obligations qui leur incombent, de la loi et de la politique financière qu’impose le
cadre sociétal. Une façon d’y parvenir est de regrouper sous un même toit la santé
au travail et la santé environnementale.

Au moment de concevoir un lieu de travail et d’arrêter des stratégies d’hygiène


industrielle, il est capital de prendre en compte un large éventail de questions
environnementales. Le remplacement d’une substance par une autre moins toxique
peut aller dans le sens d’une meilleure hygiène du travail, mais, si cette nouvelle
substance n’est pas biodégradable, ou si elle endommage la couche d’ozone, ce
n’est pas une solution à retenir, car elle ne fait que déplacer le problème. Les
chlorofluorocarbures, actuellement très utilisés comme réfrigérants de préférence à
l’ammoniac plus dangereux, sont un exemple classique de solution de
remplacement dont on sait aujourd’hui qu’elle n’est pas écologique. En liant la
santé au travail à celle du milieu, on réduit ainsi le risque de prendre des décisions
inadéquates pour limiter le degré d’exposition.

Ce que l’on sait des effets de diverses substances nocives provient habituellement
de l’entreprise, mais l’incidence de ces mêmes agents sur la santé publique en
général est souvent un élément moteur des actions curatives menées à la fois dans
l’entreprise et dans la collectivité. Ainsi, la découverte par un hygiéniste du travail
de taux de plombémie élevés chez des travailleurs d’une fonderie, à Bahia (Brésil),
a conduit à effectuer des prélèvements sanguins de contrôle sur des enfants habitant
à proximité. Il s’est vérifié que le sang des enfants présentait une teneur élevée en
plomb, ce qui a fortement incité l’entreprise à prendre des mesures pour diminuer le
degré d’exposition de son personnel, ainsi que les émanations de plomb produites
par l’usine (Nogueira, 1987), encore que les niveaux d’exposition dans ses locaux
demeurent très supérieurs à ce que tolérerait la population.

En fait, les normes d’hygiène du milieu sont habituellement plus strictes que les
normes qui régissent la santé au travail. En témoignent les chiffres recommandés
par l’OMS pour certains produits chimiques. Cet écart s’explique en général par le
fait que la population se compose de groupes sensibles, dont les personnes très
âgées, les malades, les jeunes enfants et les femmes enceintes, alors que les salariés
sont, au moins, suffisamment en bonne santé pour travailler. On entend souvent
dire que le risque est plus «acceptable» pour les travailleurs qui ont la chance
d’occuper un emploi et qui sont donc plus disposés à accepter le risque. La question
des normes suscite beaucoup de débats politiques, éthiques et scientifiques.
L’établissement d’un lien entre la santé au travail et la santé environnementale peut
contribuer à éclaircir cette question. A cet égard, l’instauration d’un rapport plus
étroit entre le travail et l’environnement peut aider à fixer des normes d’une
manière plus cohérente.
Probablement inspirés, du moins en partie, par le débat animé que suscite le plan
d’action adopté par la CNUED sur l’environnement et le développement durable,
beaucoup d’organismes de professionnels qui se vouent à la santé au travail ont
changé de nom pour devenir des organismes centrés sur «la santé au travail et en
relation avec l’environnement» en reconnaissance du fait que leurs membres
accordent une attention accrue aux risques d’origine environnementale qui existent
à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. Par ailleurs, ainsi qu’on l’a signalé au
chapitre no 19, «Les questions d’éthique», le Code international d’éthique pour les
professionnels de la santé au travail stipule que le devoir de préserver
l’environnement fait partie intégrante de leurs obligations éthiques.

En résumé, la santé au travail et en relation avec l’environnement sont fortement


liées par:

• le fait même que l’origine du risque pour la santé est habituellement la


même;
• des méthodes communes, notamment pour l’évaluation de l’état de santé et
le contrôle de l’exposition;
• la contribution que l’épidémiologie professionnelle apporte aux
connaissances sur les effets d’une exposition de source environnementale;
• les effets des maladies professionnelles sur le bien-être de l’individu à son
domicile et dans la collectivité et, inversement, les effets de troubles liés à
l’environnement sur la productivité du travailleur;
• le besoin scientifique de prendre en considération l’ensemble des expositions
pour déterminer le lien entre la dose absorbée et la réaction;
• les avantages obtenus en établissant un tel lien sur le plan du développement
et de l’utilisation des ressources humaines;
• l’amélioration des décisions prises pour limiter les expositions, grâce à une
optique plus large;
• une plus grande cohérence, dans la fixation des normes, facilitée par le lien
établi;
• le fait qu’en prenant en compte environnement et santé au travail, on incite
davantage à limiter les risques pour les travailleurs et la collectivité.

L’intérêt d’un rapprochement entre la santé au travail et la santé environnementale


ne doit cependant pas faire oublier que l’une et l’autre ont un objectif qui leur est
propre. La santé au travail doit rester centrée sur la santé des travailleurs, et la santé
environnementale sur la santé de la population en général. Cependant, même s’il est
souhaitable pour les professionnels d’exercer exclusivement dans l’un de ces
domaines, une bonne appréciation de l’autre domaine ajoute à la crédibilité de la
démarche globale, aux connaissances qu’elle demande et à son efficacité. C’est
dans cet esprit que ce chapitre a été rédigé.

L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE1
1
Cet article a été rédigé par le docteur F.K. Käferstein, chef de l'unité Salubrité des
aliments de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il s'inspire largement du
rapport d'un comité d'experts de l'OMS chargé de l'alimentation et de l'agriculture
qui a aidé la Commission de la santé et de l'environnement de l'OMS à préparer un
document pour la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le
développement (CNUED) à Rio de Janeiro, 1992.

Friedrich Karl Käferstein

La production nécessaire compte tenu de l’accroissement démographique et


d’autres pressions

La population continue de croître rapidement dans certaines régions du monde. En


2010, il faudra nourrir 1,9 milliard de personnes de plus qu’en 1990, soit une
augmentation de 36% (7,2 milliards contre 5,3).

La croissance que l’on escompte au cours des vingt prochaines années devrait se
produire, pour 90%, dans les pays qui font aujourd’hui partie du monde en
développement. La société s’urbanise peu à peu. La population urbaine à l’échelle
planétaire va atteindre 3,6 milliards d’individus, en hausse de 62%
comparativement aux 2,2 milliards d’urbains recensés en 1990. Par ailleurs, la
population urbaine des pays en développement va progresser de 92% (de 1,4 à 2,6
milliards) entre 1990 et 2010, et aura donc quadruplé depuis 1970. Même si la
planification des naissances reçoit toute l’attention qui s’impose de façon urgente
de la part des pays à forte croissance démographique, cette croissance et
l’urbanisation continueront d’occuper une place prépondérante pendant les deux
prochaines décennies.

Uniquement pour suivre l’évolution démographique, il faudra augmenter de 36% la


production d’aliments, d’autres produits agricoles et d’eau potable au cours des
vingt prochaines années; la nécessité pour un demi-milliard de personnes de se
nourrir correctement au lieu de rester sous-alimentées, et la demande croissante de
populations dont le revenu s’accroît conduiront à une très forte augmentation de la
production alimentaire globale. Une demande excessive en nourriture d’origine
animale continuera de caractériser les individus appartenant aux tranches de
revenus supérieures, ce qui entraînera une hausse de la production d’aliments pour
animaux.

Les pressions qui s’exercent sur la production agricole et alimentaire, du fait de la


croissance de la population et de la demande par habitant, alourdiront la charge qui
pèsera sur l’environnement. De par son origine, cette charge ne sera pas égale
partout et aura des effets inégaux. Dans l’ensemble, ceux-ci seront nocifs et
exigeront une action concertée.
Cette augmentation de la demande se répercutera sur des ressources hydriques et
pédologiques qui sont limitées: les zones les plus productives ont déjà été
exploitées et il en coûtera très cher pour transformer des terres médiocres en terres
productives et pour utiliser des ressources en eau moins faciles d’accès. La plupart
de ces sols médiocres risquent d’avoir une fertilité seulement temporaire, à moins
que l’on prenne des mesures pour les conserver; d’autre part, la productivité des
pêcheries naturelles est aussi extrêmement limitée. La superficie des terres arables
va diminuer pour plusieurs raisons: érosion des sols provoquée par le surpâturage,
latérisation des zones défrichées, salinisation des sols et autres formes de
dégradation des terres, expansion des zones urbaines, industrielles et assimilées.

L’approvisionnement en eau et sa qualité, déjà très insuffisants dans la majeure


partie du monde, continueront de poser de graves problèmes aux régions rurales des
pays en développement, ainsi qu’à beaucoup de populations urbaines, lesquelles
devront peut-être faire face, de surcroît, à des taxes de consommation élevées. Les
besoins en eau vont augmenter fortement et, dans plusieurs grandes villes, satisfaire
cette demande sera de plus en plus coûteux, car il faudra faire venir l’eau de bassins
d’approvisionnement très éloignés. La réutilisation de l’eau doit satisfaire des
normes de traitement plus rigoureuses. L’augmentation du volume d’eaux usées
exigera, outre de gros investissements, des installations de traitement plus grandes.

Le développement de l’industrie, qui va devoir se poursuivre pour produire des


biens, des services et de l’emploi, conduira à une intensification de la production
alimentaire et, partant, à une industrialisation accrue de celle-ci. En conséquence, et
surtout à cause de l’urbanisation, la demande et les ressources employées ayant trait
à l’emballage, à la transformation, au stockage et à la distribution des aliments vont
augmenter en volume et en importance.

La population devient beaucoup plus consciente de la nécessité de produire, de


préserver et de commercialiser les aliments en limitant les atteintes à notre
environnement et elle se montre plus exigeante à cet égard. L’apparition d’outils
scientifiques révolutionnaires (en biotechnologie, par exemple) ouvre la voie à une
augmentation de la production alimentaire, à une diminution des déchets et à une
amélioration de la sécurité considérables.

Le principal enjeu consiste à satisfaire une demande croissante en nourriture, en


autres produits agricoles et en eau par des moyens qui favorisent une amélioration
durable de la santé et qui soient également viables, économiques et compétitifs.

Certes, on possède aujourd’hui de quoi nourrir toute la population mondiale, mais


d’énormes obstacles devront être levés pour garantir un approvisionnement continu
et équitable en aliments sains, nutritifs et à prix abordables afin de répondre aux
besoins sanitaires de nombreuses régions de la planète, notamment de celles qui
connaissent une forte croissance démographique.
Lorsqu’on se propose d’étudier et de mettre en application les politiques et les
programmes concernant l’agriculture et la pêche, on néglige bien souvent
d’envisager les conséquences qu’elles sont susceptibles d’avoir sur la santé.
Pensons, par exemple, à la production de tabac, qui a des incidences très graves et
négatives sur la santé humaine, ainsi que sur la rareté des terres cultivables et des
ressources en bois de feu. Par ailleurs, faute d’une approche concertée par rapport
au développement de l’agriculture et de la sylviculture, on saisit mal le lien
important qui existe entre ces deux secteurs et la préservation des habitats de la
faune, de la diversité biologique et des ressources génétiques.

Si l’on ne prend pas des mesures adéquates en temps opportun pour atténuer les
impacts de l’agriculture, de la pêche, de la production alimentaire et de la
consommation d’eau sur l’environnement, les situations suivantes vont se produire:

• à mesure que la population urbaine va augmenter, il deviendra plus difficile


de conserver et d’étendre un système efficace de distribution des produits
alimentaires. Il pourra s’ensuivre une aggravation de l’insécurité alimentaire
des ménages, de la malnutrition qui lui est liée et des risques d’atteinte à la
santé chez des populations urbaines démunies, en nombre croissant;
• les maladies microbiennes, virales et parasitaires engendrées par la
contamination de la nourriture et de l’eau continueront de poser de graves
problèmes sanitaires. L’apparition de nouveaux agents importants pour
l’hygiène publique va se poursuivre. Les maladies diarrhéiques liées aux
aliments et à l’eau, qui provoquent une mortalité infantile et une morbidité
générale élevées, prendront de l’ampleur;
• les maladies transmises par vecteur, résultant de l’irrigation, d’autres
aménagements et d’eaux usées non traitées, vont se multiplier. Le paludisme,
la schistosomiase, la filariose et les maladies dues aux arbovirus
demeureront de graves fléaux;
• les problèmes susmentionnés se traduiront par un maintien ou une
accentuation de la malnutrition et de la mortalité des nouveau-nés et des
jeunes enfants, ainsi que de la morbidité à tous les âges, mais surtout chez
les pauvres, les jeunes, les personnes âgées et les malades;
• les maladies chroniques liées à de mauvaises habitudes de vie, au tabagisme
et à l’alimentation (comme l’obésité, le diabète ou la coronaropathie),
caractéristiques des pays riches, commencent aussi à se manifester, d’une
façon sensible, dans les pays en développement et l’urbanisation croissante
ne fera qu’accélérer cette tendance;
• à mesure que la production alimentaire va s’intensifier, les risques de
maladies et d’accidents professionnels chez les travailleurs de ce secteur et
des secteurs connexes croîtront nettement si l’on ne prend pas de mesures de
sécurité et de prévention suffisantes.

Les répercussions sur la santé de la contamination biologique et de l’usage de


produits chimiques dans les aliments
Malgré les progrès scientifiques et technologiques, la contamination des aliments et
de l’eau représente encore aujourd’hui un important problème d’hygiène publique.
Les maladies d’origine alimentaire sont probablement les problèmes de santé les
plus répandus dans le monde et les causes importantes d’une productivité
économique réduite (OMS/FAO, 1984). Elles sont provoquées par un large éventail
d’agents et elles passent par tous les degrés de gravité, allant de l’indisposition
légère à la maladie mortelle. Pourtant, seule une faible proportion de cas attire
l’attention des services de santé et les troubles recensés sont encore moins
nombreux à faire l’objet d’une enquête. En conséquence, on pense que, dans les
pays industriels, seulement 10% environ des cas sont déclarés, tandis que dans les
pays en développement, on ne dépasse sans doute pas 1% du total.

En dépit de ces limites, les données recueillies révèlent que les maladies
alimentaires gagnent du terrain sur toute la planète, dans les régions en
développement comme dans les pays industriels. La situation du Venezuela illustre
cette tendance (OPS/OMS, 1989) (voir figure 53.1).

Figure 53.1 Maladies d'orogine alimentaire au Venezuela

La contamination biologique

Les pays en développement


D’après les données disponibles, les contaminants biologiques (bactéries, virus et
parasites) sont clairement la principale cause des maladies transmises par les
aliments (voir tableau 53.2).

Tableau 53.2 Quelques agents de maladies importantes transmises par les aliments,
avec leurs principales caractéristiques épidémiologiques

Agents Réservoir ou Voie de transmissiona Multiplication Exemples


vecteur dans la d’aliments en
important nourriture cause
Eau Nourriture Personne à
personne
Bactéries
Baccillus cereus Sol — + — + Riz cuit,
viandes cuites,
légumes,
desserts à base
d’amidon
Espèces des Brucella Bovins, — + — + Lait cru,
chèvres, produits laitiers
moutons
Campylobacter jejuni Poulets, + + + —b Lait cru,
chiens, chats, volaille
bovins, porcs,
oiseaux
sauvages
Clostridium Sol, — + — + Poisson,
botulinum mammifères, viande,
oiseaux, légumes
poissons (conserves
domestiques),
miel
Clostridium Sol, animaux, — + — + Viandes et
perfringens humains volailles cuites,
jus de viande,
haricots
Escherichia coli
Entérotoxigènes Humains + + + + Salade,
légumes crus
Entéropathogènes Humains + + + + Lait
Entéro-invasifs Humains + + 0 + Fromage
Entérohémorragiques Bovins, + + + + Viande mal
volaille, cuite, lait cru,
moutons fromage
Listeria Environnement + + —c + Fromage, lait
monocytogenes cru, salade de
chou cru
Mycobacterium bovis Bovins — + — — Lait cru
Salmonella Humains + + ± + Produits
typhi et paratyphi laitiers,
produits de la
viande, fruits
de mer, salades
de légumes
Salmonella (non- Humains, ± + ± + Viande,
typhi ) animaux volaille, œufs,
produits
laitiers,
chocolat
Espèces des Shigella Humains + + + + Salade de
pommes de
terre et salade
aux œufs
Staphylococcus — + — + Jambon, salade
aureus (entérotoxines) de volaille et
salade aux
œufs,
pâtisseries à la
crème, glace,
fromage
Vibrio cholerae , 01 Humains, + + ± + Salades, fruits
milieu marin de mer
Vibrio cholerae , non Humains, + + ± + Fruits de mer
01 milieu marin
Vibrio Eau de mer, — + — + Poisson cru,
parahaemolyticus milieu marin crabe et autres
fruits de mer
Vibrio vulnificus Eau de mer, + + — + Fruits de mer
milieu marin
Yersinia Eau, animaux + + — + Lait, porc,
enterocolitica sauvages, volaille
porcs, chiens,
volaille
Virus
Virus de l’hépatite A Humains + + + — Fruits de mer,
fruits et
légumes crus
Agents de Norwalk Humains + + — — Fruits de mer,
salades
Rotavirus Humains + + + — 0
Protozoaires + + + +
Cryptosporidium Humains, + + + — Lait cru,
parvum animaux saucisses crues
(non
fermentées)
Entamoeba histolytica Humains + + + — Légumes et
fruits
Giardia lamblia Humains, + ± + — Légumes et
animaux fruits
Toxoplasma gondii Chats, porcs 0 + — — Viande mal
cuite, légumes
crus
Helminthes
Ascaris lumbricoides Humains + + — — Nouriture
contaminée par
la terre
Clonorchis sinensis Poisson d’eau — + — — Poisson mal
douce cuit ou cru
Fasciola hepatica Bovins, ± + — — Cresson
chèvres
Opisthorclis Poissons d’eau — + — — Poisson mal
viverrini/felinus douce cuit ou cru
Espèces Crabes d’eau — + — — Crabes mal
des Paragonimus douce cuits ou crus
Taenia saginata et T. Bovins, porcs — + — — Viande mal
solium cuite
Trichinella spiralis Porcs, — + — — Viande mal
carnivores cuite
Trichuris trichiura Humains 0 + — — Nourriture
contaminée par
la terre

a
Presque toutes les infections entériques aiguës se transmettent plus facilement
l’été ou pendant les mois humides, sauf les infections à rotavirus et à Yersinia
enterocolitica , dont la transmission augmente pendant les mois froids. b Dans
certains cas, on observe une multiplication, dont l’explication épidémiologique
n’est pas claire. c La transmission directe de la femme enceinte au fœtus arrive
fréquemment.

+ = oui; ± = rare; — = non; 0 = absence de données.

D’après OMS/FAO, 1984.

C’est le cas, dans les pays en développement, pour les pathologies suivantes:
choléra, salmonellose, shigellose, typhoïde et paratyphoïde, brucellose,
poliomyélite et amibiase. Les maladies diarrhéiques, notamment la diarrhée du
nouveau-né, sont le problème prédominant, atteignant des proportions énormes.
Chaque année, quelque 1,5 milliard d’enfants de moins de 5 ans souffrent de
diarrhée, et ils sont plus de 3 millions à en mourir. On pensait autrefois que
l’approvisionnement en eau contaminée était la principale source directe des agents
pathogènes qui provoquent la diarrhée, mais il est aujourd’hui prouvé que 70% des
cas de diarrhée peuvent être dus à des pathogènes alimentaires (OMS, 1990b).
Toutefois, la contamination de la nourriture provient souvent de l’eau qui est
utilisée pour l’irrigation et à des fins semblables.
Les pays industriels

Si la situation concernant les maladies transmises par les aliments est très grave
dans les pays en développement, le problème ne se limite pas à ces pays et, ces
dernières années, les pays industriels ont connu une succession de grandes
épidémies. Aux Etats-Unis, on estime à 6,5 millions le nombre de cas par an, et à 9
000 celui des décès, mais d’après l’Administration fédérale de contrôle des denrées
alimentaires et des produits pharmaceutiques (Food and Drug Administration
(FDA)), ces chiffres sont inférieurs à la réalité, laquelle pourrait atteindre 80
millions de cas (Cohen, 1987; Archer et Kvenberg, 1985; Young, 1987). Dans l’ex-
Allemagne de l’Ouest, on est arrivé à 1 million de cas en 1989 (Grossklaus, 1990).
Il est ressorti d’une étude effectuée aux Pays-Bas que 10% de la population
pourraient être atteints de maladies transmises par les aliments ou l’eau
(Hoogenboom-Vergedaal et coll., 1990).

Aujourd’hui, grâce à l’amélioration des conditions d’hygiène personnelle, au


développement des installations sanitaires de base, au traitement de l’eau de
consommation, à la création d’infrastructures convenables et à l’essor
d’applications techniques, comme la pasteurisation, beaucoup de maladies
d’origine alimentaire ont disparu ou ont très fortement reculé dans certains pays
industriels (par exemple, la salmonellose du lait). En revanche, la plupart des pays
connaissent aujourd’hui une forte poussée de plusieurs autres maladies du même
ordre. Témoin de ce phénomène, l’évolution observée dans l’ex-Allemagne de
l’Ouest entre 1946 et 1991 (voir figure 53.2) (Statistisches Bundesamt, 1994).

Figure 53.2 Entérite infectieuse, fièvre typoïde et paratyphoïde (A, B et C), Allemagne
La salmonellose, notamment, a pris énormément d’ampleur en quelques années sur
les deux côtés de l’Atlantique (Rodrigue, Tauxe et Rowe, 1990). Elle est
fréquemment due à Salmonella enteritidis . La figure 53.3 montre la prolifération
en Suisse de ce micro-organisme par rapport à d’autres souches de Salmonella .
Dans de nombreux pays, la volaille, les œufs et les aliments à base d’œuf passent
pour être les sources dominantes de ce pathogène. Dans certains pays, entre 60 et
100% de la viande de volaille sont contaminés par Salmonella ; en outre la viande
de boucherie, les cuisses de grenouille, le chocolat et le lait sont aussi mis en cause
(Notermans, 1984; Roberts, 1990). En 1985, à Chicago, quelque 170 000 à 200 000
personnes ont été victimes d’une épidémie de salmonellose provoquée par du lait
pasteurisé contaminé (Ryzan, 1987).

Figure 53.3 Sérotypes de Salmonella en Suisse


L’utilisation de produits chimiques et toxiques dans la nourriture

On fait énormément d’efforts aux niveaux national et international pour garantir la


sécurité chimique des produits alimentaires. Deux comités mixtes de l’Organisation
des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’OMS évaluent
depuis trente ans un grand nombre de produits chimiques à usage alimentaire. Le
premier, le Comité mixte d’experts sur les additifs alimentaires (JECFA),
s’intéresse aux additifs alimentaires, aux contaminants et aux résidus de
médicaments vétérinaires, tandis que le second, la réunion conjointe FAO/OMS sur
les résidus de pesticides (JMPR), contrôle les résidus de pesticides. Ils formulent
des recommandations quant à la dose journalière admissible (DJA), à la limite
maximale de résidus (LMR) et aux niveaux maximaux (NM). Sur la foi de ces
recommandations, la Commission du Codex Alimentarius et les gouvernements
fixent des normes et la teneur en ces substances à respecter dans la nourriture. Par
ailleurs, le Programme de surveillance et d’évaluation de la contamination
alimentaire (GEMS/Food), instauré conjointement par le Programme des Nations
Unies pour l’environnement (PNUE), la FAO et l’OMS, apporte des informations
sur les taux de contaminants dans les aliments et sur l’évolution de la
contamination, ce qui permet de prendre des mesures de prévention et de contrôle.

Si les données en provenance de la plupart des pays en développement sont rares,


des enquêtes effectuées dans les pays industriels laissent penser que, chimiquement
parlant, les produits alimentaires sont dans l’ensemble sûrs grâce à l’importante
infrastructure en place (lois et règlements, mécanismes d’application, systèmes de
surveillance et de contrôle) et à la responsabilité générale assumée par l’industrie
alimentaire dans son ensemble. Il arrive cependant que des aliments soient
contaminés ou altérés par accident, ce qui peut avoir des conséquences graves pour
la santé. C’est ainsi qu’en Espagne, en 1981-82, la consommation d’huile de
cuisson frelatée a tué quelque 600 personnes et en a handicapé 20 000 autres, de
façon temporaire ou permanente (OMS, 1984). En dépit des recherches intensives
qui ont été menées, l’agent à l’origine de cette intoxication de masse n’a pas encore
été mis en évidence.

Les substances chimiques présentes dans l’environnement

Plusieurs substances chimiques peuvent se retrouver dans la nourriture à cause


d’une contamination de l’environnement. Elles peuvent avoir des effets
extrêmement nocifs sur la santé et elles suscitent beaucoup d’inquiétude depuis
quelques années.

Les conséquences s’avèrent sérieuses lorsque des aliments contaminés par des
métaux lourds comme le plomb, le cadmium ou le mercure sont absorbés sur de
longues périodes.

Après l’accident de Tchernobyl, on s’est beaucoup inquiété de la santé des


personnes exposées aux émissions de radionucléides. Les habitants du voisinage
ont été touchés, entre autres par les contaminants radioactifs contenus dans la
nourriture et l’eau. Dans d’autres régions d’Europe et d’ailleurs, éloignées pourtant
des lieux de l’accident, on s’est surtout préoccupé des risques présentés par les
aliments contaminés. Dans la plupart des pays, on estime que la dose moyenne
absorbée avec des aliments contaminés ne représente qu’une très faible fraction de
la dose qui provient normalement du rayonnement de fond (AIEA, 1991).

D’autres produits chimiques présents dans l’environnement méritent d’être


signalés: les biphényles polychlorés (BPC) qui servent à diverses applications
industrielles. Les premières informations concernant leurs effets sur la santé
humaine ont été recueillies à la suite de deux catastrophes survenues au Japon
(1968) et à Taiwan, Chine (1979). On a appris à ces occasions que, en plus de leurs
effets immédiats, les BPC peuvent aussi avoir des effets cancérogènes.

Le DDT a été abondamment utilisé entre 1940 et 1960 comme insecticide dans
l’agriculture et pour la lutte contre des maladies transmises par un vecteur. Il fait
aujourd’hui l’objet d’une interdiction ou d’une autorisation restreinte dans
beaucoup de pays à cause des dangers qu’il présente pour l’environnement. Dans
de nombreux pays tropicaux, le DTT demeure très employé contre le paludisme. Il
n’a encore été signalé aucun effet nocif attribuable à la présence de DDT dans la
nourriture (PNUE, 1988).

Les mycotoxines

Les mycotoxines, métabolites toxiques de certains champignons microscopiques


(moisissures), peuvent avoir des effets extrêmement préjudiciables sur l’être
humain, ainsi que sur les animaux. Des études réalisées sur des animaux ont révélé
que, en plus de provoquer une intoxication aiguë, les mycotoxines peuvent se
transformer en agents cancérogènes, mutagènes et tératogènes.

Les biotoxines

L’intoxication par des biotoxines marines (aussi appelée ichtyotoxisme) est un


autre sujet d’inquiétude. Citons, par exemple, l’intoxication ciguatérique et diverses
formes d’intoxication par consommation de coquillages.

Les toxiques végétaux

Les toxiques contenus dans les végétaux comestibles et les végétaux vénéneux qui
leur ressemblent (champignons et certaines plantes vertes sauvages) sont une
importante cause de problèmes de santé dans de nombreuses régions du monde et
compromettent gravement la sécurité alimentaire (OMS, 1990a).

LA POLLUTION INDUSTRIELLE DANS LES PAYS EN


DÉVELOPPEMENT
Niu Shiru

Si l’industrialisation est un facteur essentiel de croissance économique dans les


pays en développement, les pratiques industrielles peuvent aussi avoir des
conséquences regrettables sur la santé environnementale à cause du rejet de
polluants atmosphériques et aquatiques et du traitement des déchets dangereux.
C’est souvent le cas dans les pays en développement, qui prêtent moins attention à
la protection de l’environnement, où les normes environnementales sont souvent
inadéquates ou mal appliquées et où il n’existe pas encore de véritables techniques
antipollution. Du fait de leur essor économique, beaucoup de pays en
développement, comme la Chine et d’autres pays asiatiques, se heurtent à des
problèmes écologiques supplémentaires. L’un d’eux est la pollution engendrée par
des industries ou des technologies dangereuses exportées par des pays industriels,
qui ne les jugent plus acceptables à cause de leurs retombées sur la santé au travail
et en relation avec l’environnement, alors que les pays en développement les
tolèrent encore en vertu de lois sur la protection de l’environnement plus laxistes.
Un autre problème tient à la prolifération rapide de petites entreprises informelles
dans les agglomérations et les régions rurales, qui provoque souvent une forte
pollution de l’air et de l’eau à cause d’un manque de connaissances et de moyens
financiers.

La pollution atmosphérique

Dans les pays en développement, l’air est pollué non seulement par les produits que
rejettent les cheminées des usines des grandes branches, comme celles des métaux
non ferreux et des produits pétroliers, mais aussi par les émanations diffuses de
petites entreprises — cimenteries, raffineries de plomb, fabriques d’engrais
chimiques et de pesticides, etc. — qui suivent des mesures antipollution
inadéquates et qui laissent des polluants s’échapper dans l’atmosphère.

Comme les activités industrielles s’accompagnent toujours d’une production


d’énergie, la combustion de matières fossiles est une importante source de pollution
atmosphérique dans les pays en développement, où l’on fait abondamment usage
du charbon pour la consommation non seulement industrielle, mais aussi de celle
des ménages. En Chine, par exemple, plus de 70% de la consommation totale
d’énergie repose sur la combustion directe de charbon, qui libère de grandes
quantités de polluants (particules en suspension, dioxyde de soufre, etc.) à cause
d’une combus-tion incomplète et d’un contrôle insuffisant des émissions.

Les types de polluants rejetés dans l’atmosphère varient d’une industrie à l’autre et
leurs concentrations varient elles aussi selon le procédé appliqué et en fonction de
la géographie et du climat. Dans les pays en développement, comme ailleurs, il est
difficile d’évaluer le degré d’exposition de la population générale. Si, globalement,
le niveau d’exposition en milieu de travail est beaucoup plus élevé que dans
l’environnement général où les émissions sont rapidement diluées et dispersées par
le vent, en revanche la durée d’exposition est beaucoup plus longue pour la
population générale que pour les travailleurs.

Dans l’ensemble, la population est plus exposée dans les pays en développement
que dans les pays industriels qui prennent des mesures antipollution plus strictes et
où les zones résidentielles sont pour la plupart éloignées des usines. Comme nous
l’expliquons ailleurs dans ce chapitre, il ressort de nombreuses études
épidémiologiques qu’une exposition prolongée aux polluants atmosphériques
courants est étroitement liée à une baisse de la fonction pulmonaire et à une
incidence accrue de maladies respiratoires chroniques.

Une étude de cas des effets de la pollution atmosphérique sur la santé de 480 élèves
du primaire à Cubatão (Brésil), où des polluants mélangés en grandes quantités
étaient émis par 23 usines (aciéries, établissements chimiques, cimenteries,
fabriques d’engrais, etc.), a révélé que 55,3% des enfants présentaient une
diminution de la fonction pulmonaire. Un autre exemple des effets de la pollution
atmosphérique sur la santé nous est venu de la zone industrielle spéciale de
Ulsan/Onsan (République de Corée), dans laquelle sont concentrées beaucoup de
grandes usines (essentiellement des installations pétrochimiques et des raffineries
de métaux). Les habitants du secteur se plaignaient de divers problèmes de santé,
notamment de troubles du système nerveux appelés «maladie de Onsan».

Les rejets accidentels de substances toxiques dans l’atmosphère qui présentent de


sérieux risques pour la santé sont, dans l’ensemble, plus fréquents dans les pays en
développement. Cela s’explique entre autres choses par des mesures de sécurité
inadéquates, un manque de personnel technique qualifié pour entretenir les
installations et des difficultés que pose l’approvisionnement en pièces de rechange.
L’un des pires accidents de ce type s’est produit à Bhopal (Inde) en 1984, où une
fuite de méthylisocyanate a tué 2 000 personnes.

La pollution de l’eau et du sol

Les méthodes souvent inadéquates et inconsidérées par lesquelles on se débarrasse


des déchets industriels — déversement irresponsable dans les cours d’eau, ou
décharges non contrôlées, qui polluent souvent l’eau et le sol — sont une grave
menace pour la santé environnementale et s’ajoutent à la pollution industrielle de
l’air dans les pays en développement, notamment ceux qui comptent beaucoup de
petites entreprises locales, comme la Chine. Certaines de ces petites usines (teinture
des textiles, pâtes et papiers, tannage du cuir, électroplastie, fabriques de lampes
fluorescentes ou d’accumulateurs au plomb, fonderies de métaux) produisent
toujours d’importantes quantités de déchets renfermant des matières toxiques ou
dangereuses, telles que le chrome, le mercure, le plomb ou le cyanure, qui peuvent
polluer les rivières, les ruisseaux et les lacs, ainsi que les sols lorsqu’elles ne sont
pas traitées. La pollution des sols, à son tour, peut contaminer les nappes
phréatiques.

A Karachi, la rivière Lyan, qui traverse la ville, n’est plus qu’un égout à ciel ouvert
dans lequel quelque 300 petites et grandes entreprises déversent leurs effluents
industriels sans les avoir traités. La situation est comparable à Shanghai. Environ
3,4 millions de m3 de déchets industriels et domestiques se retrouvent dans le
ruisseau Suzhou et le fleuve Huangpu, qui passent au cœur de la ville. Fortement
pollués, ces deux cours d’eau sont à peu près dépourvus de toute vie et, en plus,
dégagent souvent des odeurs et sont repoussants à voir, ou même insupportables,
pour les riverains.

Dans les pays en développement, la pollution de l’eau et du sol est aggravée par
l’apport de déchets toxiques ou dangereux en provenance de pays industriels. Le
transport de ces déchets vers des sites d’entreposage primitifs dans ces pays ne
coûte qu’une infime partie de ce qu’il en coûterait pour les stocker en toute sécurité
ou pour les incinérer dans leur pays d’origine en application des directives
gouvernementales de ces pays. C’est ce qu’on observe entre autres en Thaïlande, au
Nigéria ou en Guinée-Bissau. Les déchets toxiques contenus dans les cuves
peuvent fuir et polluer l’air, l’eau et le sol, menaçant ainsi la santé des populations
environnantes.

Les problèmes de santé environnementale étudiés dans ce chapitre ont donc


tendance à toucher les pays en développement avec encore plus d’acuité.

LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ET LA


POLLUTION
Tee L. Guidotti

Le problème de la pollution industrielle est plus compliqué dans les pays en


développement que dans les pays industriels. Les obstacles structurels à la
prévention et à l’élimination de la pollution y sont plus importants. Ces obstacles
sont surtout d’ordre économique parce que les pays en développement ne possèdent
pas les ressources nécessaires pour lutter contre la pollution autant que le font les
pays développés. Par contre, la pollution peut coûter très cher à une société en
développement en termes de santé, de déchets, de détérioration du milieu, de
dégradation de la qualité de vie et des moyens qu’il faudra consacrer à
l’assainissement des sites. Pour prendre un exemple extrême, pensons à l’avenir des
enfants exposés aux émanations de plomb dans certaines mégalopoles de pays qui
utilisent encore l’essence au plomb, ou qui vivent au voisinage de fonderies. On a
mis en évidence chez certains de ces enfants des taux de plombémie suffisamment
élevés pour compromettre leurs facultés intellectuelles et cognitives.

Comparativement aux pays industriels, les entreprises des pays en développement


manquent en général de capitaux et, lorsqu’elles peuvent investir, elles le font
d’abord dans l’équipement et dans les moyens de production. Les capitaux
consacrés à la lutte antipollution sont jugés «improductifs» par les économistes
parce qu’ils ne conduisent pas à une augmentation de la production ni du
rendement. Mais la réalité n’est pas aussi simple. Il se peut que l’argent investi
dans la lutte contre la pollution ne rapporte apparemment rien de manière directe à
l’entreprise ou à la branche, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’a aucun
rendement. Dans de nombreux cas, par exemple une raffinerie de pétrole, la lutte
contre la pollution permet aussi de réduire les déperditions et de gagner en
efficacité, ce qui profite directement à l’entreprise. Quand la population sait se faire
entendre, une entreprise a tout avantage à entretenir de bonnes relations avec elle et
peut avoir intérêt à faire un effort pour diminuer la pollution. Malheureusement, la
structure sociale existant dans beaucoup de pays en développement ne le permet
pas parce que les gens les plus touchés par la pollution appartiennent souvent aux
classes démunies et marginalisées de la société.

La pollution peut nuire à l’environnement et à la société dans son ensemble, mais


ce préjudice est «externalisé» et ne porte pas vraiment atteinte à l’entreprise, du
moins financièrement. En effet, le coût de la pollution tend à être supporté par
l’ensemble de la société, et épargné à l’entreprise. On s’en aperçoit surtout lorsque
l’industrie est vitale pour l’économie locale ou pour les priorités nationales et que
l’on fait preuve d’une grande tolérance à l’égard des dommages qu’elle provoque.
Une solution serait «d’internaliser» le préjudice en intégrant, sous forme de taxe
ajoutée aux charges d’exploitation de l’entreprise, les frais d’assainissement ou le
coût estimatif des dommages subis par l’environnement. On inciterait ainsi
l’entreprise à limiter ses dépenses en diminuant la pollution. Cependant, dans les
pays en développement, presque aucun gouvernement n’est en mesure d’agir en ce
sens ni de prélever de telles taxes.
Dans la pratique, sauf lorsque la réglementation de l’Etat l’impose, on trouve
rarement des capitaux à investir dans des équipements antipollution. Or, les Etats
prennent rarement des mesures pour réglementer l’industrie, à moins que des
raisons majeures et la pression de leurs citoyens ne les y contraignent. Dans la
plupart des pays industriels, les gens jouissent d’une sécurité raisonnable quant à
leur santé et à leur vie courante et ils attendent une meilleure qualité de vie, ce
qu’ils associent à un environnement plus sain. Parce qu’elles sont
écononomiquement plus stables, ces populations sont plus disposées à accepter un
sacrifice financier pour assainir leur environnement. Toutefois, pour être
compétitifs sur les marchés mondiaux, beaucoup de pays en développement
hésitent à réglementer leurs industries. Ils espèrent en fait que la croissance
industrielle d’aujourd’hui finira par enrichir suffisamment la société pour que l’on
puisse nettoyer la pollution demain. Malheureusement, le coût du nettoyage
augmente aussi vite, sinon plus, que les coûts liés au développement industriel. Au
premier stade de leur industrialisation, les pays en développement ne devraient
avoir à consacrer que des sommes relativement faibles à la prévention de la
pollution, mais ils n’ont presque jamais les capitaux nécessaires pour cela. Lorsqu’
ils les ont, plus tard, les coûts sont souvent exorbitants et le mal est déjà fait.

L’industrie des pays en développement est généralement moins efficace que celle
des pays industriels. C’est là un défaut chronique, qui tient au manque de formation
des ressources humaines, au coût des équipements et des technologies importés et
au gaspillage inévitable qui se produit quand certains secteurs de l’économie sont
plus développés que d’autres.

Cette inefficacité tient aussi, dans une certaine mesure, à la nécessité de s’en
remettre à des technologies dépassées qui sont faciles à obtenir, n’exigent pas de
licence coûteuse ou dont l’utilisation revient moins cher. Ces technologies polluent
souvent davantage que les technologies de pointe accessibles aux entreprises des
pays développés. Prenons l’exemple de l’industrie du froid, où l’utilisation des
chlorofluorocarbures (CFC) comme réfrigérants est beaucoup plus économique que
les autres techniques, bien que ces produits chimiques contribuent fortement à
l’appauvrissement de la couche d’ozone dans la haute atmosphère et, partant, à
l’érosion du bouclier qui protège la terre contre les rayonnements ultraviolets;
certains pays ont été très réticents à une interdiction des CFC parce qu’il leur aurait
été alors financièrement impossible de fabriquer et d’acheter des réfrigérateurs. Le
transfert de technologie est manifestement la solution, mais les entreprises des pays
développés qui ont mis au point ces technologies, ou qui en détiennent la licence,
hésitent naturellement à les faire partager. Ils hésitent parce qu’ils ont consacré
leurs propres ressources à l’élaboration de ces technologies, qu’ils désirent en
conserver la maîtrise pour maintenir l’avantage qu’ils possèdent sur leurs propres
marchés et que l’usage ou la vente de ces technologies risque de ne leur rapporter
de l’argent que pendant la durée limitée du brevet.
Les pays en développement se heurtent à un autre problème: le manque de
compétences et de connaissances quant aux effets de la pollution, aux méthodes de
surveillance et aux techniques antipollution. Ils comptent relativement peu
d’experts dans le domaine, en partie parce que le nombre d’emplois est limité et
parce qu’il existe pour leurs services un marché restreint, même si, en réalité, les
besoins sont importants. Comme le marché des équipements et des services de lutte
contre la pollution s’annonce réduit, il leur arrive de devoir importer ces
compétences et ces techniques, ce qui ajoute aux coûts. De façon générale, il se
peut que les cadres moyens et supérieurs de l’industrie n’aient pas conscience du
problème ou qu’ils n’en soient qu’en partie conscients. Et quand bien même un
ingénieur, un directeur ou un contremaître d’une entreprise sauraient pertinemment
qu’une activité est polluante, ils peuvent éprouver de la difficulté à persuader leurs
collègues, leurs supérieurs ou les propriétaires de l’entreprise qu’un problème se
pose, qui doit être résolu.

L’industrie de la plupart des pays en développement se situe au bas de l’échelle des


marchés internationaux, ce qui signifie que ses produits sont compétitifs sur le plan
du prix mais pas sur celui de la qualité ou de l’originalité. Peu de pays en
développement, par exemple, se spécialisent dans la production d’acier de qualité
supérieure pour la fabrication d’instruments chirurgicaux et de machines haut de
gamme. Ils produisent de l’acier de moindre qualité pour le bâtiment et le secteur
manufacturier, car le marché est beaucoup plus vaste, les compétences techniques
nécessaires sont moins poussées et leurs prix demeurent compétitifs tant que la
qualité demeure acceptable. La lutte contre la pollution rend les prix moins
compétitifs en accroissant les coûts de production apparents sans augmenter ni le
volume de la production, ni le chiffre d’affaires. Le principal enjeu des pays en
développement est de trouver un équilibre entre cette réalité économique et le
besoin de protéger leur population, leur environnement et leur avenir, en sachant
que, à terme, les coûts seront encore supérieurs et que les dommages risquent d’être
irréversibles.

LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE
Isabelle Romieu

La pollution atmosphérique s’aggrave régulièrement depuis les origines de la


révolution industrielle, il y a 300 ans. Quatre facteurs principaux expliquent cette
aggravation: une industrialisation croissante; une augmentation des transports; un
développement économique rapide et une plus forte consommation d’énergie.
D’après les informations disponibles, les limites fixées par l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) pour les polluants atmosphériques dominants sont régulièrement
dépassées dans beaucoup de grands centres urbains. Bien que ces vingt dernières
années de nombreux pays industriels aient progressé dans la lutte contre la
pollution atmosphérique, la qualité de l’air — notamment dans les grandes
agglomérations du monde en développement — se dégrade. On a tout lieu de se
préoccuper, en particulier, des incidences des polluants atmosphériques ambiants
sur la santé dans beaucoup de zones urbaines où les concentrations sont suffisantes
pour augmenter les taux de mortalité et de morbidité, donner lieu à des déficits de
la fonction pulmonaire et engendrer des troubles cardio-vasculaires et
neurologiques (Romieu, Weitzenfeld et Finkelman, 1990; OMS/PNUE, 1992). La
pollution de l’air intérieur due à la combustion de divers produits dans les ménages
constitue aussi un fléau dans les pays en développement (OMS, 1992c); elle n’entre
toutefois pas dans le cadre de cette analyse, qui traite uniquement des sources de la
pollution de l’air extérieur, de sa dispersion et de ses effets sur la santé, et qui
comprend une étude de cas sur la situation au Mexique.

La source des polluants atmosphériques

Les polluants atmosphériques les plus répandus dans les villes sont le dioxyde de
soufre (SO2), les particules en suspension, les oxydes d’azote (NO et NO2,
regroupés sous le terme NOX), l’ozone (O3), le monoxyde de carbone (CO) et le
plomb (Pb). La combustion de carburants fossiles dans des installations fixes
entraîne la production de SO2, de NOX et de particules, y compris la formation
d’aérosols de sulfates et de nitrates dans l’atmosphère du fait de la transformation
du gaz en particules. Les véhicules à essence sont la principale source de NOX, de
CO et de Pb, alors que les moteurs diesel dégagent d’importantes quantités de
particules, de SO2 et de NOX. L’ozone, oxydant photochimique et principal
composant du smog photochimique, ne provient pas directement de matières en
combustion, mais se forme dans la basse atmosphère par le contact de NOX et de
composés organiques volatils (COV) avec la lumière du soleil (PNUE, 1991b).
Le tableau 53.3 résume les principales sources de polluants de l’air extérieur.

Tableau 53.3 Principales sources de polluants de l'air extérieur

Polluants Sources
Oxydes de soufre Combustion de charbon et de pétrole, fonderies
Particules en suspension Produits de combustion (carburant, biomasse), fumée du tabac
Oxydes d’azote Combustion de pétrole et de gaz
Monoxyde de carbone Combustion incomplète de pétrole et de gaz
Ozone Réaction photochimique
Plomb Combustion de pétrole et de charbon, production de piles,
câbles, produits de soudure, peintures
Substances organiques Solvants pétrochimiques, vaporisation de combustibles non
brûlés

Source: d’après PNUE, 1991b.

La dispersion et le transport des polluants atmosphériques


Les deux principaux facteurs de la dispersion et du transport des polluants
atmosphériques sont la météorologie (y compris les phénomènes de microclimats
tels que les «îlots de chaleur») et la topographie, en rapport avec la répartition de la
population. Beaucoup de villes sont entourées de collines qui peuvent empêcher le
passage du vent et bloquer les polluants sur place. Sous des climats tempérés et
froids, les inversions thermiques contribuent à la concentration de particules. Dans
des conditions de dispersion normales, les gaz polluants chauds prennent de
l’altitude à mesure qu’ils entrent en contact avec des masses d’air plus froides.
Dans certains cas, il arrive cependant que la température augmente avec l’altitude
et qu’une couche d’inversion se forme, enfermant ainsi les polluants près de leur
point d’émission et en en retardant la diffusion. Le transport sur de longues
distances de polluants atmosphériques dégagés par les métropoles peut avoir des
incidences nationales et régionales. Les oxydes d’azote et de soufre peuvent
faciliter la formation de dépôts acides loin du point d’origine. On relève
fréquemment de plus fortes concentrations d’ozone en aval des régions urbaines à
cause du décalage dû à la durée des réactions photochimiques (PNUE, 1991b).

Les effets des polluants atmosphériques sur la santé

Les polluants et leurs dérivés peuvent avoir des effets nocifs en altérant, par leur
interaction, des molécules essentielles aux processus biochimiques ou
physiologiques du corps humain. Trois facteurs agissent sur le degré de toxicité de
ces substances: leurs propriétés chimiques et physiques, la dose de polluant qui
atteint les zones tissulaires clés et la réaction de ces tissus au polluant. Les
conséquences des polluants atmosphériques sur la santé peuvent aussi varier selon
les groupes démographiques; les jeunes et les personnes âgées, en particulier, sont
souvent sensibles à leurs effets délétères. Les personnes ayant déjà de l’asthme ou
une autre affection respiratoire ou cardiaque peuvent, si elles y sont exposées,
connaître une aggravation de leurs symptômes (OMS, 1987).

Le dioxyde de soufre et les particules

Durant la première moitié du XXe siècle, des phases de stagnation marquée de l’air
ont provoqué une forte mortalité dans les régions où la combustion de combustibles
fossiles produisait d’importantes quantités de SO2 et de particules en suspension.
Des études sur leurs effets à long terme sur la santé ont aussi révélé l’existence
d’un lien entre les concentrations moyennes annuelles de SO2 et de particules et les
taux de mortalité et de morbidité. Des études épidémiologiques ont montré que
certains niveaux de particules inhalables (PM10) à des concentrations relativement
faibles (ne dépassant pas la norme) sont nuisibles à la santé, ainsi que l’existence
d’une relation dose-effet entre la dose de PM10 absorbée et les taux de mortalité et
de morbidité en rapport avec des problèmes respiratoires (Dockery et Pope, 1994;
Pope, Bates et Raizenne, 1995; Bascom et coll., 1996) (voir tableau 53.4).
Tableau 53.4 Synthèse de la relation dose-effet d'une exposition de courte durée à des
particules halables (PM10) selon différents indicateurs des effets sur la santé

Effets sur la santé Pourcentage de variation pour une


augmentation de 10 µg/m3 de PM10
Moyenne Fourchette
Mortalité
Total 1,0 0,5-1,5
Troubles cardio-vasculaires 1,4 0,8-1,8
Troubles respiratoires 3,4 1,5-3,7
Morbidité
Admissions à l’hôpital pour un 1,1 0,8-3,4
problème respiratoire
Admissions aux urgences pour un 1,0 0,5-4
problème respiratoire
Exacerbation des symptômes 3,0 1,1-11,5
chez les asthmatiques
Variation du débit respiratoire 0,08 0,04-0,25
maximum

Les oxydes d’azote

Il est ressorti d’études épidémiologiques que l’absorption de NO2 est nocive,


notamment parce qu’elle augmente l’incidence et la gravité des infections
respiratoires et aggrave les symptômes respiratoires, surtout après une longue
exposition. On a aussi observé une dégradation de l’état clinique de personnes
sujettes à l’asthme, à la bronchopneumopathie chronique obstructive et à d’autres
infections respiratoires chroniques. Toutefois, d’autres chercheurs n’ont remarqué
aucun effet contraire du NO2 sur les fonctions respiratoires (OMS/ECOTOX, 1992;
Bascom et coll., 1996).

Les oxydants photochimiques et l’ozone

Les effets sur la santé d’une exposition à des oxydants photochimiques ne peuvent
être attribués aux seuls oxydants, car le smog photochimique se compose toujours
de O3, de NO2, d’acide, de sulfate et d’autres réactifs. Ces polluants peuvent avoir
des effets additifs ou synergiques sur la santé humaine, mais le O3 s’avère le plus
actif biologiquement. Une exposition à l’ozone peut causer une diminution de la
fonction pulmonaire (dont une augmentation de la résistance des voies aériennes,
une baisse du débit respiratoire et une diminution du volume pulmonaire) à cause
d’une constriction des voies aériennes, des symptômes respiratoires (toux,
respiration sifflante, essoufflement, douleurs thoraciques), une irritation des yeux,
du nez et de la gorge et une perturbation de l’activité (baisse des performances
sportives, par exemple) due à une réduction de l’apport d’oxygène
(OMS/ECOTOX, 1992). Le tableau 53.5 résume les effets les plus graves de
l’ozone sur la santé (OMS, 1992a, 1995). D’après plusieurs études
épidémiologiques, il existe un rapport de cause à effet entre, d’une part, la dose
d’ozone absorbée et, d’autre part, la gravité des symptômes respiratoires et la
détérioration des fonctions respiratoires (Bascom et coll., 1996).

Tableau 53.5 Problèmes de santé liés aux variations quotidiennes de la


concentration maximale d'ozone dans l'air ambiant selon diverses études
épidémiologiques

Problème de santé Variations du 1-h Variations du 8-h


O3 (µg/m3) O3 (µg/m3)
Exacerbation des symptômes chez des enfants
et des adultes en bonne santé ou des
asthmatiques ayant une activité normale
Augmentation de 25% 200 100
Augmentation de 50% 400 200
Augmentation de 100% 800 300
Admissions à l’hôpital pour des problèmes
respiratoiresa
5% 30 25
10% 60 50
20% 120 100

a
Etant donné la forte corrélation existant entre les concentrations de 1-h O3 et de 8-
h O3 selon des études sur le terrain, on devrait obtenir une amélioration presque
identique en diminuant les taux de 1-h O3 ou de 8-h O3.

Source: OMS, 1995.

Le monoxyde de carbone

L’absorption de CO a pour principal effet de freiner l’alimentation des tissus en


oxygène par la formation de carboxyhémoglobine (COHb). Quand la teneur du
sang en COHb augmente, on peut observer les effets suivants: troubles cardio-
vasculaires chez les sujets faisant déjà de l’angine de poitrine (de 3 à 5%); baisse de
la vigilance (>5%); céphalées et étourdissements (≥10%); fibrinolyse et mort
(OMS, 1987).

Le plomb

Une exposition au plomb perturbe principalement la biosynthèse du sang, mais peut


aussi agir sur le système nerveux et d’autres systèmes tel le système cardio-
vasculaire (tension artérielle). Les nouveau-nés et les enfants de moins de cinq ans
sont particulièrement exposés, car il suffit d’un niveau de plombémie d’environ 10
µg de plomb par décilitre de sang pour perturber leur développement neurologique
(CDC, 1991).
Plusieurs études épidémiologiques traitent de l’effet de la pollution atmosphérique,
en particulier de l’absorption d’ozone, sur la santé des habitants de Mexico. Des
études écologiques font apparaître une hausse de la mortalité due à un contact avec
des particules fines (Borja-Arburto et coll., 1995) et une augmentation du nombre
d’enfants asthmatiques reçus aux urgences (Romieu et coll., 1994). Des études sur
les retombées d’une exposition à l’ozone parmi des enfants en bonne santé révèlent
une augmentation de l’absentéisme scolaire attribuable à des troubles respiratoires
(Romieu et coll., 1992), et une diminution de la fonction pulmonaire après une
exposition aiguë ou subaiguë (Castillejos et coll., 1992, 1995). Des enquêtes
réalisées auprès d’enfants asthmatiques ont révélé une multiplication des
symptômes respiratoires et une baisse du débit expiratoire de pointe après une
exposition à l’ozone (Romieu et coll., 1994) et à des particules fines. Bien qu’une
exposition aiguë à l’ozone et à des particules puisse à l’évidence être associée à des
problèmes de santé vécus par la population de Mexico, il importe d’évaluer les
effets chroniques d’une telle exposition, notamment compte tenu des taux élevés
d’oxydants photochimiques relevés à Mexico et de l’inefficacité des mesures de
prévention.

Etude de cas: la pollution atmosphérique à Mexico

La zone métropolitaine de Mexico (ZMM) est située à une altitude moyenne de 2 240 m dans un
bassin de 2 500 km2 entouré de montagnes dont deux dépassent 5 000 m. Sa population était
estimée à 17 millions d’habitants en 1990. A cause de sa géographie particulière et de la faiblesse
des vents, la ventilation est insuffisante et on observe de fréquentes inversions thermiques, surtout
en hiver. Les 30 000 entreprises et plus que compte la ZMM et les 3 millions de véhicules à
moteur qui y circulent quotidiennement comptent pour 44% de la consommation d’énergie totale.
Depuis 1986, la pollution atmosphérique est contrôlée, y compris la présence de SO2, NOx, CO,
O3, particules et hydrocarbures autres que le méthane. Les principaux problèmes de pollution
atmosphérique sont liés à l’ozone, surtout dans le sud-ouest de la ville (Romieu, Weitzenfeld et
Finkelman, 1990). En 1992, la norme nationale fixée pour l’ozone (110 parties par milliard (ppm)
par heure au maximum) a été dépassée dans ce secteur durant plus de 1 000 heures et on a atteint
un maximum de 400 ppm. Les taux de particules sont élevés dans la partie nord-est de la ville,
près de la zone industrielle. En 1992, la moyenne annuelle de particules inhalables (PM10) s’est
établie à 140 µg/m3. Depuis 1990, le gouvernement a pris des mesures importantes pour réduire la
pollution atmosphérique, dont un programme qui interdit l’utilisation des voitures un jour par
semaine en fonction du numéro de plaque minéralogique, ainsi que la fermeture de l’une des
raffineries les plus polluantes de Mexico et la mise sur le marché d’essence sans plomb. Ces
mesures ont entraîné une baisse de la quantité de divers polluants atmosphériques, notamment du
SO2, des particules, du NO2, du CO et du plomb. En revanche, la teneur en ozone demeure
inquiétante (voir figures 53.4, 53.5 et 53.6).

Figure 53.4 Niveau d'ozone dans deux zones de Mexico. Maximum quotidien en une
heure, par mois, 1994
Figure 53.5 Quantité de particules (PM10) présente dans deux zones de Mexico, 1988-
1993
Figure 53.6 Teneur en plomb dans l'air de deux zones de Mexico, 1988-1994

LA POLLUTION TERRESTRE
Tee L. Guidotti et Weiping Chen

La quantité de déchets produite par l’être humain est en augmentation. Les déchets
solides commerciaux et domestiques posent fréquemment un important problème
pratique aux autorités locales. Les déchets industriels sont habituellement beaucoup
moins volumineux, mais davantage susceptibles de renfermer des matières
dangereuses, telles que produits chimiques toxiques, liquides inflammables et
amiante. Bien qu’ils soient moins importants en quantité, leur traitement suscite
plus d’inquiétudes que celui des déchets domestiques à cause des problèmes de
santé à craindre et des risques de contamination de l’environnement.

La production de déchets dangereux est devenue un problème majeur partout dans


le monde. La cause première en est la fabrication et la distribution industrielles. Il y
a pollution terrestre lorsque des déchets dangereux contaminent le sol et les eaux
souterraines à cause de mesures de traitement inadéquates ou irresponsables.
L’existence de décharges à l’abandon ou mal tenues pose un problème de société
particulièrement délicat et coûteux. Les déchets dangereux sont parfois éliminés
dans l’illégalité et d’une façon d’autant plus dangereuse que leur propriétaire ne
peut trouver un moyen économique de s’en débarrasser. L’un des principaux
dilemmes à résoudre en matière de gestion des déchets dangereux est de trouver des
méthodes de destruction qui soient à la fois sûres et peu coûteuses. Les
préoccupations exprimées par le public concernent essentiellement les risques pour
la santé d’une exposition à des substances chimiques toxiques et, notamment, les
risques de cancer.

La convention de Bâle signée en 1989 est un accord international qui a pour


objectif de limiter les mouvements transfrontières de déchets dangereux et
d’empêcher que ces derniers ne soient expédiés vers des pays dépourvus
d’installations aptes à les traiter en toute sécurité. Elle prévoit que la production de
tels déchets dans le monde et leur transport transfrontalier doivent être limités au
minimum. La circulation de déchets dangereux est assujettie à l’obtention de
l’autorisation du pays destinataire et à sa législation, auquel on aura fourni les
renseignements requis. Les mouvements transfrontières de déchets dangereux
doivent se faire dans le respect de l’environnement et sous réserve que le pays
d’accueil ait garanti qu’il peut les traiter d’une manière sûre. Tous les autres
mouvements de déchets dangereux sont jugés illégaux et, donc, avec intention
criminelle, ils sont passibles des lois et sanctions nationales. Cette convention
apporte un cadre capital pour lutter contre ce problème à l’échelle internationale.

Les dangers attribués aux produits chimiques

On entend par substances dangereuses des composés et des mélanges qui présentent
une menace pour la santé et les biens due à leur toxicité, leur inflammabilité, leur
explosibilité, leur rayonnement ou à d’autres propriétés. L’attention du public se
porte plutôt sur les substances cancérogènes, les déchets industriels, les pesticides
et les rayonnements. D’innombrables composés qui n’entrent pas dans ces
catégories peuvent toutefois constituer une menace pour la sécurité et la santé de la
population.

Les produits chimiques dangereux peuvent présenter des risques physiques, surtout
lors du transport ou d’accidents industriels. Les hydrocarbures peuvent
s’enflammer, voire exploser. Les incendies et les explosions peuvent générer leurs
propres effets toxiques en fonction des produits chimiques présents à l’origine. Les
incendies qui surviennent dans des entrepôts de pesticides donnent lieu à des
situations particulièrement dangereuses, car les pesticides peuvent se transformer
par leur combustion en produits encore plus toxiques (comme les paraoxones dans
le cas des organophosphates) et peuvent libérer d’importantes quantités de dioxines
et de furannes nocifs pour l’environnement lorsqu’ils brûlent en présence de
composés du chlore.

En ce qui concerne les déchets dangereux, c’est leur toxicité qui inquiète le plus les
populations. Des produits chimiques peuvent être toxiques pour l’être humain, mais
aussi porter atteinte à l’environnement par leur toxicité pour certaines espèces
animales et végétales. Ceux qui ne se dégradent pas rapidement dans le milieu
ambiant (que l’on qualifie de biopersistants ) ou qui s’y accumulent (on parle
de bioaccumulation ) méritent une attention particulière.

Le nombre de substances toxiques d’usage courant et les risques qu’elles présentent


ont énormément évolué. Au cours de la dernière génération, les activités de
recherche et de développement en chimie organique et en génie chimique ont donné
naissance à des milliers de nouveaux composés largement employés à des fins
commerciales, dont des composés rémanents comme les biphényles polychlorés
(BPC), des pesticides plus puissants, des accélérateurs et des plastifiants aux effets
inhabituels et mal compris. La production de produits chimiques est en très forte
hausse. Rien qu’aux Etats-Unis, par exemple, la production de composés
organiques synthétiques était inférieure à 1 million de tonnes en 1941. Aujourd’hui,
elle dépasse largement les 80 millions. Beaucoup de composés aujourd’hui
répandus ont subi peu de tests et sont mal connus.

Les produits chimiques toxiques sont aussi beaucoup plus présents dans notre vie
quotidienne que par le passé. Nombre d’usines chimiques ou de décharges autrefois
isolées ou en bordure d’une ville ont été absorbées par la croissance des banlieues.
Les populations se trouvent ainsi plus près des sources de problème que naguère.
Certains quartiers sont construits directement sur d’anciennes décharges. Si les
incidents liés à des substances dangereuses peuvent prendre de nombreuses formes
et se révéler très spécifiques, il semble que la majorité d’entre eux soit attribuable à
un éventail relativement restreint de substances dangereuses: solvants, peintures et
enduits, solutions métalliques, biphényles polychlorés (BPC), pesticides, acides et
bases. Selon des études menées aux Etats-Unis, les dix substances dangereuses les
plus courantes que l’on a trouvées dans des décharges ayant nécessité une
intervention des pouvoirs publics sont les suivantes: plomb, arsenic, mercure,
chlorure de vinyle, benzène, cadmium, BPC, chloroforme, benzo[a]pyrène et
trichloroéthylène. Cependant, le chrome, le tétrachloroéthylène, le toluène et le
phtalate de di(2-éthylhexyle) étaient aussi très présents parmi les substances dont
on a pu voir qu’elles migraient ou qu’elles pouvaient atteindre des êtres humains.
L’origine de ces déchets chimiques est extrêmement variable et dépend de la
situation locale, mais les solutions électrolytiques, les produits chimiques mis au
rebut, les sous-produits des industries manufacturières et les solvants constituent le
plus gros des déchets.

La contamination des eaux souterraines

La figure 53.7 illustre les problèmes qui peuvent se poser et représente la coupe
d’une décharge de déchets dangereux fictive (dans la pratique, un site de ce type ne
doit jamais se trouver près d’un plan d’eau ni au-dessus d’un banc de graviers).
Une installation d’élimination (de confinement) de déchets dangereux bien conçue
est isolée par une enveloppe parfaitement étanche qui empêche les substances
chimiques de s’échapper dans le sol. Elle est aussi munie de dispositifs pour traiter
les produits chimiques qui peuvent être neutralisés ou transformés et pour réduire le
volume de déchets qu’elle accueille; les produits chimiques qui ne peuvent être
traités sont conservés dans des conteneurs imperméables (la perméabilité,
cependant, est relative, comme nous l’expliquons ci-dessous).

Figure 53.7 Coupe transversale d'une décharge fictive de déchets dangereux


Des produits chimiques peuvent fuir si un conteneur est endommagé, filtrer si de
l’eau y pénètre, ou déborder pendant des manutentions ou en cas de
bouleversement du site. Une fois qu’ils ont traversé l’enveloppe de protection, ou
bien si l’enveloppe est déchirée ou inexistante, ils entrent dans le sol et s’y infiltrent
sous l’effet de la pesanteur. Leur déplacement est beaucoup plus rapide en terrain
poreux qu’en terrain argileux ou lorsqu’ils atteignent un substrat rocheux. Même
dans le sous-sol, l’eau suit une pente descendante et passe par les endroits qui
offrent le moins de résistance; le niveau de l’eau souterraine s’abaissera donc
légèrement dans le sens du flux et celui-ci s’accélèrera nettement dans le sable ou le
gravier. Les produits chimiques finiront par atteindre la nappe phréatique. Les plus
légers tendent à flotter et à former une pellicule en surface. Les plus lourds et les
composés solubles dans l’eau tendent à se dissoudre ou sont entraînés lentement
par l’eau à travers les roches poreuses ou le gravier. Il est possible de dresser un
plan du passage de matières liquides contaminées au moyen de puits ou de sondes.
Le passage grossit peu à peu et se déplace dans le sens de l’écoulement souterrain.

Les eaux de surface peuvent être contaminées par des écoulements de la décharge,
si la couche superficielle du sol est touchée, ou par les eaux souterraines. Lorsque
ces dernières se déversent dans une masse d’eau, par exemple une rivière ou un lac,
les polluants y pénètrent du même coup. Certains produits chimiques tendent à se
déposer dans les sédiments de fond et d’autres sont entraînés par le courant.

La contamination des eaux souterraines peut prendre des siècles à disparaître.


Lorsque des habitants de la région s’approvisionnent en eau dans des puits peu
profonds, ils risquent d’être contaminés par ingestion et par contact cutané.

Les risques pour la santé humaine

Les gens peuvent se trouver en présence de substances toxiques de toutes sortes de


façons. L’exposition à une substance toxique peut se produire à plusieurs stades de
son utilisation. Des travailleurs amenés à toucher des déchets industriels négligent
de changer de vêtements ou de se laver avant de rentrer chez eux. D’autres, qui
habitent près d’une décharge de déchets dangereux illégale, mal conçue ou mal
exploitée, peuvent être exposés à la suite d’un accident ou d’une manipulation
imprudente, ou faute de moyens de rétention ou de barrières pour tenir les enfants à
l’écart. Un individu peut être exposé à son domicile parce qu’il ingère un produit
mal étiqueté, stocké dans de mauvaises conditions ou malencontreusement laissé à
la portée des enfants alors que son emballage ne répond pas aux normes de sécurité.

On distingue essentiellement trois voies par lesquelles la toxicité des produits


dangereux s’exerce: inhalation, ingestion et pénétration par la peau. Une fois
absorbées, et selon la voie empruntée, les substances toxiques peuvent avoir sur les
personnes de multiples effets, dont la liste est particulièrement longue. Cependant,
les préoccupations du public et les études scientifiques se concentrent plutôt sur le
risque de cancer et de troubles de la reproduction. De manière générale, cet intérêt
correspond au danger que présentent les produits chimiques que l’on trouve à ces
endroits.

Beaucoup d’études sont effectuées sur des personnes habitant autour ou à proximité
de décharges. A quelques exceptions près, ces études ne nous renseignent que très
peu sur des problèmes de santé qui soient vérifiables et d’un intérêt clinique réel.
Les exceptions tiennent essentiellement à des situations dans lesquelles la
contamination apparaît exceptionnellement forte et que le mode d’exposition est
clairement défini, que les individus habitent en bordure immédiate du site ou qu’ils
s’approvisionnent dans un puits alimenté par une source contaminée. Plusieurs
raisons peuvent probablement expliquer cette absence étonnante d’informations
sérieuses concernant les effets sur la santé. Premièrement, à la différence de la
pollution de l’air et des eaux superficielles, les substances chimiques à l’origine de
la pollution terrestre ne sont pas à portée immédiate des personnes touchées. Ces
dernières peuvent vivre dans un secteur fortement contaminé par des produits
chimiques, sans pour autant en ressentir les effets toxiques si elles n’entrent pas en
contact avec ces produits par les voies susmentionnées. Une autre explication
possible est le fait que les effets chroniques d’une exposition à ces produits
toxiques prennent beaucoup de temps à se manifester et sont très difficiles à
étudier. Il se peut enfin que ces substances chimiques aient sur la santé humaine des
effets chroniques moins violents qu’on ne le suppose habituellement.

Outre ses répercussions sur la santé humaine, la pollution terrestre peut nuire très
gravement aux écosystèmes. Des espèces végétales et animales, des bactéries du sol
(qui contribuent au rendement agricole) et d’autres éléments des écosystèmes
peuvent être irrémédiablement endommagés par une pollution plus ou moins
importante qui n’a aucune incidence visible sur notre santé.

La maîtrise du problème

La répartition spatiale de la population, les restrictions relatives à l’utilisation des


terres, les coûts de transport et les préoccupations écologiques de la société
constituent autant de pressions pour que l’on trouve une solution à une élimination
économiquement viable des déchets dangereux. C’est pourquoi on s’intéresse de
plus en plus à des méthodes comme la réduction à la source, le recyclage, la
neutralisation chimique et l’aménagement de centres d’élimination (confinement)
sûrs pour des déchets dangereux. Les deux premières solutions visent à diminuer la
quantité de déchets produite. La neutralisation chimique réduit la toxicité des
déchets et peut les transformer en solides plus facilement manipulables. Autant que
possible, il vaut mieux procéder à cette opération sur le lieu de production des
déchets pour limiter le volume de déchets qui doit être déplacé. Pour les déchets
résiduels, on a besoin d’installations bien conçues, qui fassent appel aux meilleures
techniques de traitement et de conditionnement des substances chimiques.
La construction de sites d’élimination (confinement) pour produits dangereux coûte
relativement cher. Il convient de choisir avec soin chaque site pour prévenir toute
pollution des eaux superficielles et des principales nappes aquifères (eaux
souterraines). Chaque site doit être conçu et construit avec des barrières
imperméables pour éviter une contamination du sol et des eaux souterraines. Ces
barrières consistent habituellement en une enveloppe de plastique épais qu’on pose
sur une couche d’argile comprimé. Dans la réalité, on se sert d’une barrière pour
retarder les ruptures et ralentir les infiltrations qui finissent toujours par se produire,
mais qui sont acceptables dans la mesure où elles n’entraînent aucune accumulation
et où elles ne polluent pas gravement les eaux souterraines. La perméabilité désigne
une propriété d’un matériau et n’est autre que la résistance de ce dernier à la
pénétration d’un liquide ou d’un gaz dans des conditions de pression et de
température données. Même la barrière la moins perméable qui soit, par exemple
une enveloppe en plastique ou de l’argile comprimé, ne pourra totalement
empêcher un liquide chimique de la traverser, bien que cela puisse ne se produire
qu’après des années voire plusieurs siècles; une fois la brèche ouverte,
l’écoulement peut devenir permanent, mais son débit restera très faible. L’eau qui
passe directement au-dessous d’une décharge de déchets dangereux est donc
toujours exposée à certains risques de contamination, ne fût-ce que minimes. Une
fois que de l’eau souterraine est contaminée, il est très difficile, et souvent
impossible, de la purifier.

Beaucoup de décharges de déchets dangereux font l’objet de contrôles réguliers par


des prélèvements et de vérifications des puits avoisinants pour s’assurer que la
pollution ne se répand pas. Les plus modernes sont équipées de dispositifs de
recyclage ou de traitement installés sur place ou à proximité, ce qui permet de
réduire le volume des déchets entreposés.

Le confinement des déchets dangereux n’apporte pas de solution parfaite au


problème de la pollution des sols. La conception des installations requiert les
services coûteux d’experts, leur construction coûte cher et elles peuvent nécessiter
un travail de surveillance, ce qui ajoute encore aux frais d’exploitation. Elles
n’apportent aucune garantie contre une contamination future des eaux souterraines,
bien qu’elles en limitent sensiblement les risques. L’un des principaux
inconvénients est le fait que, inévitablement, quelqu’un doit vivre à proximité. Les
collectivités dans lesquelles les décharges de déchets dangereux sont installées ou
en projet s’y opposent en général fortement et font obstacle à l’agrément des
pouvoirs publics. C’est ce qu’on appelle le syndrome du «d’accord chez les autres,
mais pas chez moi», réaction courante à l’implantation d’installations jugées
indésirables. Lorsqu’il est question de décharges de déchets dangereux, ce
syndrome tend à se manifester avec une vigueur particulière.

Malheureusement, en l’absence de sites d’élimination (de confinement) des déchets


dangereux, notre société risque de perdre complètement le contrôle de la situation.
Quand il n’existe pas de tels sites, ou qu’il revient trop cher d’en utiliser un, les
déchets dangereux sont souvent éliminés d’une façon illégale. D’aucuns, par
exemple, répandent des déchets liquides à même le sol dans des lieux à l’écart, s’en
débarrassent dans des caniveaux ou des égouts qui se déversent dans des cours
d’eau voisins, ou expédient leurs déchets dangereux vers des pays où leur
traitement est régi par des lois plus laxistes. Cela peut aboutir à des dérives encore
plus dangereuses que l’utilisation d’un site aménagé et exploité de manière peu
satisfaisante.

Il existe plusieurs techniques pour éliminer les déchets résiduels. Les incinérateurs
à haute température sont à cet égard l’un des moyens les plus propres et les plus
efficaces, mais ils sont extrêmement coûteux. Une des solutions les plus
prometteuses consiste à incinérer les déchets toxiques liquides dans des fours à
ciment, qui fonctionnent à des températures suffisamment élevées et que l’on
trouve dans tous les pays en développement et industriels. L’injection dans des
puits profonds situés sous la nappe phréatique est une option à retenir pour les
produits chimiques dont on ne peut se défaire autrement. Cependant, les eaux
souterraines peuvent suivre des chemins compliqués et il arrive qu’elles soient
finalement contaminées par une pression inhabituelle dans le sous-sol ou par une
fuite dans un puits. La déshalogénation est une technique chimique qui consiste à
retirer les atomes de chlore et de brome à des hydrocarbures halogénés, comme les
BPC, pour que l’on puisse facilement les détruire par incinération.

Il reste un important problème à régler concernant les déchets municipaux solides:


la contamination attribuable à l’élimination accidentelle ou intentionnelle de
déchets dangereux. On peut limiter ces risques par des collectes séparées. Dans la
plupart des municipalités, les substances chimiques et autrement dangereuses sont
traitées séparément pour qu’elles ne contaminent pas les déchets solides. L’idéal
serait que, pour leur élimination, on les achemine vers une installation offrant la
sécurité voulue.

On a cruellement besoin d’endroits où l’on puisse collecter et éliminer de petites


quantités de déchets dangereux à un coût minime. Habituellement, les personnes en
possession d’une bouteille ou d’une boîte contenant un solvant, un pesticide ou
quelque poudre ou liquide inconnu ne peuvent s’offrir le luxe de s’en débarrasser
convenablement et n’ont pas conscience des risques correspondants. Il faut donc
qu’il y ait un système quelconque pour la collecte de ce genre de déchets afin de
dissuader le consommateur de les déverser sur le sol, de les vider dans les toilettes
ou d’empoisonner l’air en les brûlant. Un certain nombre de municipalités
organisent des journées de collecte durant lesquelles les habitants peuvent apporter
de petites quantités de substances toxiques en un lieu central pour qu’elles soient
évacuées et éliminées de manière sûre. Des systèmes décentralisés ont été mis sur
pied dans certaines zones urbaines, grâce auxquels les substances toxiques à jeter,
en petites quantités, sont ramassées à domicile ou localement en vue de leur
élimination. Aux Etats-Unis, l’expérience montre que les gens sont disposés à faire
une dizaine de kilomètres pour se débarrasser de leurs déchets toxiques ménagers
en un lieu sûr. La sensibilisation des consommateurs à la toxicité possible de
produits courants s’impose fortement. Les pesticides en bombes aérosols, l’eau de
Javel, les produits ménagers nettoyants, liquides ou autres, peuvent présenter un
danger, surtout pour les enfants.

Les décharges de déchets dangereux abandonnées

L’existence de décharges de déchets dangereux à l’abandon ou peu sûres est un


problème mondial. Celles de ces décharges qui doivent être décontaminées créent
d’énormes risques pour la société. L’aptitude des pays et des autorités locales à
assainir les décharges les plus importantes varie grandement. La logique voudrait
que le propriétaire de la décharge ou la personne qui l’a installée en paie
l’assainissement. Dans la pratique, ces décharges changent souvent de mains:
l’ancien propriétaire a mis la clé sous la porte, le propriétaire actuel n’a pas l’argent
nécessaire pour procéder aux travaux d’assainissement qui sont souvent retardés
pendant une très longue période à cause d’études techniques coûteuses suivies de
batailles juridiques. Les pays plus petits ou moins riches ont peu de pouvoir pour
demander aux propriétaires actuels, ou aux responsables, de se charger de la
décontamination, et trop peu de ressources pour s’en occuper eux-mêmes.

Les méthodes classiques d’assainissement des décharges de déchets dangereux sont


très lentes et coûteuses. Elles demandent des gens extrêmement spécialisés qui font
souvent défaut. On commence par examiner la décharge pour établir dans quelle
mesure le sol est atteint et si les eaux souterraines sont contaminées. On évalue la
probabilité que les riverains puissent entrer en contact avec les substances
dangereuses et, dans certains cas, on fait une estimation des risques pour la santé
qui en découlent. Il faut ensuite s’entendre sur un niveau de décontamination
acceptable et décider dans quelle mesure l’exposition doit être réduite pour protéger
la santé humaine et l’environnement. Pour déterminer l’ampleur du travail de
décontamination, les pouvoirs publics appliquent les lois en vigueur sur
l’environnement, ainsi que les normes sur la pollution atmosphérique et l’eau
potable et ils se fondent sur une évaluation des risques sanitaires engendrés par telle
ou telle décharge. La décontamination à effectuer est alors fixée dans le souci de
préserver la santé et l’environnement. Il s’agit d’établir le mode de réhabilitation du
site, ou la meilleure façon de diminuer l’exposition. Techniquement parlant, la
réhabilitation consiste à décontaminer une décharge au niveau souhaité avec des
moyens industriels ou autres. Parmi les techniques employées, mentionnons
l’incinération, la solidification, le traitement chimique, l’évaporation, le lavage
répété du sol à grande eau, la biodégradation, le confinement, l’enlèvement de la
terre et le pompage des eaux souterraines. Ces techniques industrielles sont trop
complexes et trop particulières à chaque situation pour que l’on puisse les décrire
en détail ici. Il faut que chaque solution soit adaptée aux circonstances et que l’on
dispose des fonds nécessaires à son application. Parfois, la réhabilitation n’est pas
faisable. On doit alors établir à quel usage le site pourra être affecté.
LA POLLUTION DES EAUX
Ivanildo Hespanhol et Richard Helmer

Depuis au moins deux millénaires, l’eau naturelle a vu sa qualité se dégrader peu à


peu et elle est aujourd’hui contaminée au point que ses usages sont extrêmement
restreints ou qu’elle peut même être nocive à l’être humain. Certes, cette
dégradation est liée au développement socio-économique d’un bassin fluvial, mais
le transport de contaminants dans l’atmosphère sur de grandes distances a changé la
donne: désormais, des régions éloignées peuvent aussi être indirectement polluées
(Meybeck et Helmer, 1989).

Les récits et les griefs qui nous ont été transmis du Moyen Age concernant le dépôt
sauvage d’excréments, ou les cours d’eau nauséabonds qui traversaient des villes
surpeuplées, constituent, parmi d’autres problèmes semblables, les premières
manifestations de la pollution des eaux urbaines. C’est en 1854 que l’on a établi
pour la première fois un lien de cause à effet évident entre la mauvaise qualité de
l’eau et des problèmes de santé humaine, lorsque John Snow attribua à une source
d’eau de consommation bien localisée l’épidémie de choléra qui sévissait à
Londres.

Depuis le milieu du XXe siècle, et parallèlement à l’accélération de la croissance


industrielle, différents problèmes de pollution des eaux sont apparus à un rythme
élevé. La figure 53.8 illustre le genre de problèmes que les eaux douces posent en
Europe.

Figure 53.8 Problèmes dus à la pollution de l'eau


Pour résumer la situation européenne, on peut dire que: 1) les problèmes du passé
(agents pathogènes, bilan de l’oxygène, eutrophisation, métaux lourds) ont été
établis et étudiés et que les moyens de lutte nécessaires ont été définis et plus ou
moins appliqués; 2) les problèmes actuels sont d’une nature différente, car on a,
d’un côté, des sources de pollution ponctuelles et non ponctuelles «classiques»
(nitrates) et des contaminants présents partout dans l’environnement (produits
organiques synthétiques) et, de l’autre, des facteurs «de la troisième génération»
qui perturbent les cycles planétaires (acidification, changement climatique).

Autrefois, la pollution des eaux dans les pays en développement s’expliquait


principalement par le déversement d’eaux usées non traitées. Elle est aujourd’hui
plus complexe, résultant de la production de déchets dangereux par des industries et
du développement rapide de l’usage de pesticides en agriculture. De fait,
actuellement, la pollution des eaux dans certains pays en développement, et en tout
cas dans les pays en voie d’industrialisation, est pire que dans les pays industriels
(Arceivala, 1989). Malheureusement, les pays en développement dans leur
ensemble accusent un très grand retard en ce qui concerne l’élimination des
principales sources de pollution. En conséquence, la qualité de leur environnement
se détériore progressivement (OMS/PNUE, 1991).

Les types et les sources de pollution

Un grand nombre d’agents microbiens, d’éléments et de composés peuvent polluer


l’eau; on peut les classer comme suit: organismes microbiologiques, composés
organiques biodégradables, particules en suspension, nitrates, sels, métaux lourds,
nutriments et micropolluants organiques.

Les organismes microbiologiques

Les organismes microbiologiques sont courants dans les cours d’eau pollués
essentiellement par le déversement d’eaux ménagères non traitées. Ces agents
microbiens comprennent les bactéries pathogènes, virus, helminthes, protozoaires
et plusieurs organismes multicellulaires plus complexes qui peuvent provoquer des
maladies gastro-intestinales. D’autres organismes, par nature plus opportunistes,
infectent les individus fragiles par contact du corps avec de l’eau contaminée ou par
inhalation de gouttes d’eau de mauvaise qualité avec divers aérosols.

Les composés organiques biodégradables

Des substances organiques d’origine naturelle (détritus terrestres allochtones ou


débris autochtones de plantes aquatiques) ou de source humaine (déchets ménagers,
agricoles et certains déchets industriels) sont décomposées par des microbes
aérobies, tandis que la rivière poursuit son cours. Il en résulte un abaissement de la
teneur en oxygène en aval du point de déversement des eaux usées, ce qui nuit à la
qualité de l’eau et à la survie du biote aquatique, notamment des poissons nobles.
Les particules en suspension

Les particules sont un important vecteur de polluants organiques et inorganiques.


La plupart des métaux lourds toxiques, des polluants organiques, des pathogènes et
nutriments, comme le phosphore, sont présents dans les particules en suspension.
On trouve aussi dans ces particules une quantité appréciable de matières organiques
biodégradables qui consomment l’oxygène dissous dans les cours d’eau. Ces
particules proviennent de l’urbanisation et de la construction de routes, du
déboisement, de l’exploitation minière, du dragage de rivières, de sources
naturelles liées à l’érosion terrestre ou de catastrophes naturelles. Des particules
plus grosses se déposent dans les lits des cours d’eau, les réservoirs, les plaines
d’inondation, ainsi que dans les marais et dans les lacs.

Les nitrates

La concentration de nitrates dans les eaux superficielles non polluées varie entre
moins de 0,1 et 1 mg par litre (exprimé en azote), de sorte qu’un taux de nitrate
supérieur à 1 mg/l est le signe d’une intervention humaine: déversement de déchets
municipaux, écoulement d’origine urbaine ou agricole, etc. Les précipitations
atmosphériques sont aussi une importante source de nitrates et d’ammoniac dans
les bassins versants, notamment dans les zones où il n’existe pas de sources de
pollution directes, par exemple dans certaines régions tropicales. La forte
concentration de nitrates dans l’eau de consommation peut intoxiquer gravement
les nouveau-nés alimentés au biberon pendant leurs premiers mois, ou encore les
personnes âgées, par un phénomène appelé méthémoglobinémie.

Les sels

La salinisation de l’eau peut avoir des causes naturelles, comme l’interaction


géochimique des eaux avec des sols salins, ou des causes humaines: irrigation des
terres agricoles, apport d’eau de mer provoqué par un pompage excessif des eaux
souterraines dans certaines îles et zones côtières, élimination de déchets industriels
et de la saumure de champs de pétrole, salage des routes, lixiviat de décharges et
fuites d’égouts.

Bien qu’elle empêche d’utiliser l’eau pour l’irrigation des cultures fragiles ou pour
la consommation en particulier, la teneur en sel, même très élevée, n’a en soi pas
d’effets directement nocifs sur la santé, mais elle peut s’accompagner d’effets
indirects catastrophiques. La disparition de terres agricoles fertiles et la diminution
des récoltes dues à la saturation hydrique et à la salinisation des sols irrigués
privent des villages entiers de leur moyen de subsistance et peuvent aller jusqu’à
entraîner des pénuries alimentaires.

Les métaux lourds


Les métaux lourds tels que le plomb, le cadmium et le mercure sont des
micropolluants qui présentent un intérêt particulier, car ils ont une incidence sur la
santé et l’environnement à cause de leur rémanence, de leur forte toxicité et de leur
accumulation biologique.

Les métaux lourds qui polluent l’eau proviennent en général de cinq sources:
l’altération géologique, qui représente la pollution de fond; la transformation
industrielle de minerais et de métaux; l’utilisation de métaux et de composés
métalliques, comme les sels de chrome dans les tanneries, des composés du cuivre
en agriculture et le tétraéthylplomb employé comme agent antidétonant dans
l’essence; les métaux lourds qui fuient des ordures ménagères et des décharges de
déchets solides; et les métaux lourds contenus dans les excréments humains et
animaux, notamment le zinc. Les métaux rejetés dans l’air par les automobiles, la
combustion de carburants et les activités industrielles peuvent se déposer sur les
sols et finir par ruisseler jusqu’à atteindre les eaux superficielles.

Les nutriments

L’eutrophisation est le phénomène de l’enrichissement des eaux par des nutriments


végétaux, surtout du phosphore et de l’azote, qui accélère la croissance des plantes
(des algues comme des macrophytes) et qui provoque en conséquence l’apparition
de fleurs d’eau visibles à l’œil nu, de tapis d’algues ou de macrophytes en surface,
une accumulation d’algues benthiques et des concentrations macrophytiques
submergées. Lorsqu’ils pourrissent, ces végétaux entraînent un épuisement des
réserves d’oxygène contenues dans l’eau qui donne lieu à toutes sortes d’autres
problèmes secondaires, tels que la mort de poissons et le relargage de gaz corrosifs
et autres substances indésirables, comme du gaz carbonique, du méthane, du
sulfure d’hydrogène, des substances organoleptiques (qui donnent un goût et une
odeur aux choses), des toxines, etc.

Les composés du phosphore et de l’azote proviennent principalement des eaux


ménagères non traitées, mais d’autres sources, comme le drainage de terres
agricoles fertilisées artificiellement, les ruissellements de surface engendrés par un
élevage intensif et certaines eaux industrielles usées peuvent aussi accroître
sensiblement la quantité de matières nutritives dans les lacs et réservoirs,
notamment dans les pays tropicaux en développement.

Les principaux problèmes liés à l’eutrophisation des lacs, réservoirs et retenues


sont les suivants: épuisement de l’oxygène dans la couche aquatique du fond;
diminution de la qualité de l’eau, qui entraîne des difficultés de traitement,
notamment lorsqu’on veut retirer les substances responsables du goût et de l’odeur;
limitation des usages récréatifs, augmentation des risques pour la santé des
baigneurs et enlaidissement des sites; baisse des activités de pêche due à la
mortalité du poisson et à la prolifération d’espèces indésirables et de mauvaise
qualité; vieillissement des lacs et réservoirs et diminution de leur volume utile du
fait de l’ensablement; aggravation de la corrosion des tuyaux et autres structures.

Les micropolluants organiques

Les micropolluants organiques peuvent être rangés en groupes de produits


chimiques en fonction de leur usage et, par conséquent, de leur mode de dispersion
dans l’environnement:

• Les pesticides sont des substances généralement synthétiques que l’on utilise
délibérément dans la nature pour protéger les cultures ou éliminer les
vecteurs de maladies. Ils se répartissent en plusieurs familles, comme les
insecticides organochlorés, les insecticides organophosphatés, les herbicides
du type des hormones végétales, les triazines, les urées substituées et autres.
• Les substances à usage domestique et industriel courant comprennent les
substances organiques volatiles comme les solvants d’extraction, les solvants
servant au dégraissage des métaux et au nettoyage à sec des vêtements et les
gaz propulseurs utilisés dans les bombes aérosols auxquels viennent
s’ajouter les dérivés halogénés du méthane, de l’éthane et de l’éthylène.
Comme on en fait grand usage, leurs coefficients de dispersion dans la
nature, comparativement aux quantités produites, sont généralement élevés.
Font aussi partie de ce groupe les hydrocarbures aromatiques polycycliques,
dont la présence dans l’environnement s’explique par l’extraction, le
transport et le raffinage des produits pétroliers et par la dispersion des
matières résultant de leur combustion (essence et mazout).
• Les substances employées essentiellement dans l’industrie comprennent les
agents de synthèse chimique directe ou indirecte, comme le tétrachlorure de
carbone utilisé pour la synthèse des fréons, le chlorure de vinyle pour la
polymérisation du PVC, et les dérivés chlorés du benzène, du naphtalène, du
phénol et de l’aniline pour la fabrication de teintures. Ce groupe comporte
aussi des produits finis utilisés en circuit fermé, comme les fluides servant
aux échanges de chaleur et les appareils diélectriques.

Les micropolluants organiques proviennent de sources fixes ou diffuses, urbaines


ou rurales et, pour la plupart, d’activités industrielles majeures, comme le raffinage
du pétrole, l’extraction du charbon, la synthèse organique et la fabrication de
produits synthétiques, les industries du fer et de l’acier, le textile et le secteur des
pâtes et papiers. Les effluents de fabriques de pesticides peuvent renfermer
d’énormes quantités de ces produits de synthèse. Une forte proportion de polluants
organiques aboutit dans le milieu aquatique à cause des ruissellements urbains;
dans les campagnes, les pesticides répandus sur les cultures peuvent atteindre les
eaux superficielles, entraînés par le ruisselement de l’eau de pluie et par le drainage
artificiel ou naturel. Il arrive enfin que des déversements accidentels causent de
graves dommages écologiques et obligent à fermer temporairement des sources
d’approvisionnement en eau.
La pollution urbaine

Vu l’expansion continue, l’intensité et la très grande diversité de la pollution, le


maintien de la qualité des ressources hydriques est devenu un grave problème, en
particulier dans les zones les plus urbanisées du monde en développement. Il y a à
cela deux raisons: l’impossibilité d’appliquer les mesures antipollution aux sources
principales, notamment les industries, et les insuffisances des systèmes
d’assainissement, ainsi que des méthodes de collecte et d’élimination des déchets
(OMS, 1992c). On trouvera en encadré quelques cas de pollution des eaux observés
dans différentes villes de pays en développement.

La pollution des eaux dans quelques villes

Karachi (Pakistan)

La rivière Lyari, qui traverse Karachi, principale ville industrielle du Pakistan, est un égout à ciel
ouvert sur le plan chimique et microbiologique, qui transporte un mélange d’eaux-vannes et
d’effluents industriels non traités. La plupart de ces derniers proviennent d’un complexe industriel
comprenant quelque 300 grandes usines et presque trois fois plus de petits établissements. Les
trois cinquièmes des établissements sont des fabriques de textile. Les autres industries établies à
Karachi déversent aussi pour la plupart des effluents non traités dans le cours d’eau le plus proche.

Alexandrie (Egypte)

Les usines d’Alexandrie comptent pour environ 40% de la production industrielle de l’Egypte, et
la plupart déversent des déchets liquides non traités dans la mer ou dans le lac Maryut. En dix ans,
le volume de poissons pris dans ce lac a diminué de quelque 80% à cause du déversement direct
d’effluents industriels et domestiques. Conséquence de sa dégradation, le lac a également cessé
d’être un important site récréatif. On connaît une situation semblable le long de la mer, résultat des
eaux usées non traitées qui proviennent d’exutoires mal situés.

Shanghai (Chine)

Quelque 3,4 millions de m3 de déchets industriels et ménagers se déversent essentiellement dans le


ruisseau Suzhou et le fleuve Huangpu, qui traversent le cœur de la ville, dont ils sont devenus les
principaux égouts (à ciel ouvert). La plupart des déchets sont d’origine industrielle, car peu de
foyers sont équipés de toilettes à chasse d’eau. Le Huangpu est un fleuve quasiment mort depuis
1980. Au total, moins de 5% des eaux usées de la ville sont traitées. La nappe phréatique est
habituellement à faible profondeur, ce qui signifie que divers produits toxiques issus d’usines et de
rivières avoisinantes s’infiltrent dans les eaux souterraines et contaminent les puits, qui
approvisionnent aussi la ville en eau.

São Paulo (Brésil)

Pendant sa traversée de l’agglomération de São Paulo, l’une des plus grandes du monde, le fleuve
Tiete reçoit chaque jour 300 tonnes d’effluents provenant de 1 200 usines implantées dans la
région. Le plomb, le cadmium et d’autres métaux lourds figurent parmi les principaux polluants.
Le fleuve reçoit aussi quotidiennement 900 tonnes d’eaux usées, dont seulement 12,5% sont
traitées par les 5 stations d’épuration de la région.

Source: d’après Hardoy et Satterthwaite, 1989.

Les incidences de la pollution microbienne sur la santé

Les maladies provoquées par l’ingestion d’agents pathogènes dans de l’eau


contaminée sont celles qui ont la plus forte incidence dans le monde. On estime que
80% des maladies, et plus du tiers des décès survenant dans les pays en
développement sont causés par la consommation d’eau contaminée et que, en
moyenne, chaque personne perd un dixième de son temps de production à cause de
maladies liées à l’eau (CNUED, 1992b). Les maladies provoquées par l’eau
représentent la plus importante catégorie de maladies transmissibles dont meurent
les nouveau-nés dans les pays en développement et elles viennent au second rang
après la tuberculose pour ce qui est de la mortalité des adultes, avec un million de
décès par an.

Le nombre annuel de cas de choléra déclarés à l’Organisation mondiale de la santé


(OMS) par ses Etats membres a atteint un record pendant la septième pandémie,
avec une pointe de 595 000 cas en 1991 (OMS, 1993). Le tableau 53.6 donne les
taux globaux de morbidité et de mortalité en rapport avec les principales maladies
transmises par l’eau. Souvent, ces chiffres sont nettement sous-évalués du fait que
les déclarations de cas sont loin d’être effectuées de manière systématique dans
beaucoup de pays.

Tableau 53.6 Taux globaux de morbidité et de mortalité attribuables aux principales


maladies transmises par l'eau

Nombre/année ou période étudiée


Maladie Cas Décès
Choléra — 1993 297 000 4 971
Typhoïde 500 000 25 000
Giardiase 500 000 Nombre faible
Amibiase 48 000 000 110 000
Diarrhée (moins de 5 ans) 1 600 000 000 3 200 000
Dracunculose (vers de Guinée) 2 600 000 –
Schistosomiase 200 000 000 200 000

Source: Galal-Gorchev, 1994.

Les effets de la pollution chimique sur la santé

Les problèmes de santé associés à la présence de substances chimiques dissoutes


dans l’eau tiennent principalement au fait que les effets se manifestent après une
longue période d’exposition; sont particulièrement à craindre les contaminants
ayant des effets toxiques cumulatifs, tels que les métaux lourds et certains
micropolluants, les substances cancérogènes et celles qui peuvent perturber la
reproduction et le développement. D’autres substances dissoutes dans l’eau sont un
élément essentiel du régime alimentaire, tandis que d’autres encore sont neutres eu
égard aux besoins d’un être humain. Compte tenu de leur incidence sur la santé, on
peut classer les produits chimiques présents dans l’eau, notamment dans l’eau de
consommation, en trois grandes catégories (Galal-Gorchev, 1986):

• Les substances qui, une fois consommées, présentent une toxicité aiguë ou
chronique . La gravité de leurs effets augmente avec leur concentration dans
l’eau de consommation. En revanche, au-dessous d’un certain taux de
concentration, on n’observe aucun effet sur la santé, ce qui signifie que le
métabolisme humain peut absorber ces substances sans qu’il y ait d’effets
mesurables à long terme. Divers métaux, nitrates, cyanures et autres entrent
dans cette catégorie.
• Les substances génotoxiques, qui peuvent être cancérogènes, mutagènes ou
provoquer des malformations à la naissance. Dans l’état actuel des
connaissances scientifiques, il n’est pas possible de fixer un seuil qui
pourrait être considéré comme sûr, car n’importe quelle quantité de
substances ingérée entraîne une augmentation des risques de cancer et autres.
Pour déterminer ces risques, on utilise des modèles complexes
d’extrapolation mathématique puisqu’on possède très peu de preuves
épidémiologiques. Les substances organiques synthétiques, beaucoup de
microsubstances organiques chlorées, certains pesticides et l’arsenic entrent
dans cette catégorie.
• Certains éléments contenus dans l’eau de consommation, comme le fluor,
l’iode et le sélénium sont essentiels, et leur carence éventuelle peut avoir sur
la santé des effets plus ou moins graves. Toutefois, une concentration élevée
de ces mêmes substances entraîne des effets tout aussi graves, mais d’une
nature différente.

L’impact sur l’environnement

Les effets de la pollution de l’environnement sur la qualité des eaux douces sont
multiples et existent depuis longtemps. L’essor industriel, le développement de
l’agriculture intensive, l’augmentation exponentielle de la population, ainsi que la
production et l’utilisation de dizaines de milliers de produits chimiques
synthétiques, figurent parmi les principales causes de détérioration de la qualité de
l’eau à l’échelle locale, nationale et mondiale. Le principal problème que pose cette
détérioration est le risque qu’elle ne compromette l’usage que l’on fait de l’eau
aujourd’hui et celui que l’on voudrait en faire à l’avenir.

L’une des causes les plus graves et les plus répandues de la dégradation de
l’environnement est le déversement de déchets organiques dans les cours d’eau
(voir ci-dessus «Les composés organiques biodégradables»). Cette pollution est
surtout inquiétante dans le milieu aquatique où de nombreux organismes, entre
autres les poissons, ont besoin de concentrations élevées d’oxygène. L’anoxie de
l’eau a pour effet secondaire sérieux celui de libérer des substances toxiques à
partir de particules et de sédiments de fond que l’on trouve dans les rivières et les
lacs. Le rejet d’eaux ménagères dans les cours d’eau et les nappes aquifères
entraîne aussi une accumulation de nitrates dans les rivières et les eaux
souterraines, et l’eutrophisation de lacs et réservoirs (voir ci-dessus «Les nitrates»
et «Les sels»). Dans les deux cas, la pollution est le résultat d’une synergie entre les
effluents d’eaux usées et le ruissellement ou l’infiltration d’eaux issues de
l’agriculture.

Les incidences économiques

Les conséquences économiques de la pollution des eaux peuvent être assez


importantes étant donné ses effets nocifs sur la santé humaine ou sur
l’environnement. Une mauvaise santé entraîne souvent une baisse de la productivité
humaine, et une dégradation de l’environnement diminue la productivité des
ressources en eau directement utilisées par la population.

Le poids économique des maladies peut s’exprimer non seulement en frais de


traitement, mais aussi en manque à gagner pour les entreprises. Il suffit de penser
aux maladies extrêmement invalidantes comme la diarrhée ou le vers de Guinée. En
Inde, par exemple, on estime à 73 millions le nombre de journées de travail perdues
chaque année à cause de maladies transmises par l’eau (Arceivala, 1989).

Les carences de l’hygiène publique et les épidémies qui en résultent peuvent aussi
pénaliser lourdement l’économie. C’est ce qui est apparu très clairement lors d’une
épidémie de choléra survenue en Amérique latine. Ainsi, au Pérou, la diminution
des exportations agricoles et du tourisme s’est traduite par des pertes estimées à 1
milliard de dollars E.-U. C’est plus de trois fois les sommes investies par le pays
dans les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement durant les années
quatre-vingt (Banque mondiale, 1992).

Une fois polluée, l’eau devient impropre à l’approvisionnement des villes. En


conséquence, celles-ci doivent se doter d’installations de traitement coûteuses ou
acheminer de l’eau propre par des canalisations sur de longues distances, ce qui
revient beaucoup plus cher.

Dans les pays en développement de l’Asie et du Pacifique, le coût des dommages


écologiques a été estimé en 1985 par la Commission économique et sociale pour
l’Asie et le Pacifique (CESAP) à environ 3% du PNB, soit 250 milliards de dollars
E.-U., tandis que pour réparer ces dommages il en coûterait approximativement
1%.

L’ÉNERGIE ET LA SANTÉ
L.D. Hamilton

A la Commission de la santé et de l’environnement de l’OMS (1992a), le Groupe


d’experts sur l’énergie a recensé quatre grands problèmes liés à l’énergie qui
menacent ou vont menacer l’état de l’environnement:

1. l’exposition à des agents nocifs lors de l’utilisation de biomasse et de


charbon à des fins domestiques;
2. l’exposition à des polluants atmosphériques dans de nombreuses métropoles
du monde;
3. les effets possibles du changement climatique sur la santé;
4. les accidents graves ayant des répercussions sur la santé du public en
général.

L’évaluation quantitative des risques pathologiques engendrés par différents


systèmes énergétiques nécessite une estimation globale à toutes les étapes d’un
cycle du combustible, depuis l’extraction des ressources d’énergie brutes jusqu’à
leur consommation finale. Pour que l’on puisse faire des comparaisons valables
entre les technologies, il importe que les méthodes, les données et l’usage ultime du
combustible soient semblables et établis avec précision. Lorsqu’on cherche à
quantifier les effets de la demande des usagers, il convient de calculer les écarts
concernant le rendement énergétique de différents appareils fonctionnant au moyen
d’un type d’énergie ou de combustible donné.

Pour cet examen comparatif, on s’appuie sur le principe du système énergétique de


référence (Reference Energy System (RES)), qui décrit le cycle suivi par un
combustible étape après étape, de l’extraction à l’élimination des déchets en passant
par la transformation et la combustion. Grâce à un cadre de travail commun et
simple, le RES permet de définir les flux d’énergie et les données connexes
utilisées pour l’évaluation des risques. Le RES (voir figure 53.9) représente sous
forme d’un graphe les principales composantes d’un système énergétique pour une
année donnée, en apportant des précisions sur la consommation de la source
d’énergie, le transport du combustible, les procédés de transformation et les
utilisations finales. Il donne ainsi un condensé des grandes caractéristiques du
système énergétique mais aussi les moyens d’évaluer les principaux effets des
nouvelles technologies et nouvelles politiques sur les ressources, l’environnement,
la santé et l’économie.

Figure 53.9 Système énergétique de référence, année 1979


En fonction des risques qu’elles posent pour la santé, les technologies du secteur de
l’énergie peuvent être classées en trois groupes:

1. Le groupe des combustibles, caractérisé par l’utilisation de grandes quantités


de combustibles fossiles ou de biomasse — charbon, pétrole, gaz naturel,
bois etc.— dont l’extraction, la transformation et le transport sont à l’origine
d’un nombre élevé d’accidents, les plaçant en tête des risques professionnels
et dont la combustion produit d’importants volumes de polluants
atmosphériques et de déchets solides, en en faisant le principal risque pour la
population.
2. Le groupe des ressources renouvelables, caractérisé par l’utilisation de
ressources renouvelables diffuses et à faible valeur énergétique — soleil,
vent et eau — que l’on peut se procurer en énormes quantités pour un coût
nul, mais dont le captage requiert d’immenses superficies et la construction
d’installations coûteuses capables de les «concentrer» en des formes
exploitables. Les risques professionnels, élevés, tiennent essentiellement à la
construction des installations. Les risques pour le public sont peu élevés et se
limitent à des accidents dont la probabilité est faible, comme les ruptures de
barrage, les pannes d’équipement et les incendies.
3. Le groupe des combustibles nucléaires , qui comprend les technologies de la
fission nucléaire, se distingue par l’immense valeur énergétique que
présentent les combustibles traités, et en parallèle par la faible quantité de
combustibles et de déchets à traiter, mais aussi par les faibles concentrations
auxquelles on trouve ces combustibles dans la croûte terrestre, ce qui
nécessite un important travail d’extraction ou d’accumulation. Les risques
professionnels sont donc relativement élevés et sont dominés par les
accidents qui surviennent pendant l’extraction et la transformation. Les
risques pour le public, limités, tiennent plutôt à l’exploitation courante des
réacteurs. Il convient d’apporter une attention particulière aux craintes du
public à l’égard des risques d’une exposition au rayonnement nucléaire —
craintes relativement importantes par rapport aux risques pour la santé.

La production d’électricité a, sur la santé, des effets importants, qui sont récapitulés
aux tableaux 53.7, 53.8 et 53.9.

Tableau 53.7 Principaux effets sur la santé des techniques de production d'électricité
— Groupe des combustibles

Technique Risques professionnels Effets sur la santé publique


Charbon Pneumoconiose des houilleurs Effets de la pollution atmosphérique
Traumatismes dus aux accidents Traumatismes dus aux accidents
pendant l’extraction Traumatismes pendant le transport
dus aux accidents pendant le
transport
Pétrole Traumatismes dus aux accidents Effets de la pollution atmosphérique
pendant l’extraction Traumatismes dus aux explosions et
Cancers provoqués par une aux incendies
exposition à des produits de
raffinage
Schistes bitumineux Schistose Cancers provoqués par une
Cancers provoqués par une exposition aux émissions lors de la
exposition aux émissions lors de la distillation
distillation Effets de la pollution atmosphérique
Traumatismes dus aux accidents
pendant l’extraction
Gaz naturel Traumatismes dus aux accidents Effets de la pollution atmosphérique
pendant l’extraction Traumatismes dus aux explosions et
Cancers provoqués par une aux incendies
exposition aux émissions lors du
raffinage
Sables bitumineux Traumatismes dus aux accidents Effets de la pollution atmosphérique
pendant l’extraction Traumatismes dus aux explosions et
aux incendies
Biomasse* Traumatismes dus à des accidents Effets de la pollution atmosphérique
pendant la récolte et le traitement Maladies engendrées par une ex-
Exposition à des produits chimiques position à des pathogènes
et à des agents biologiques Traumatismes dus aux incendies de
dangereux découlant du traitement et maisons
de la transformation

* Utilisée comme source d’énergie, que l’on considère habituellement comme étant
renouvelable.

Tableau 53.8 Principaux effets sur la santé des techniques de production d'électricité
— Groupe des sources d'énergie renouvelables

Technique Risques professionnels Effets sur la santé publique


Energie Exposition à des gaz toxiques — Maladies provoquées par une
géothermique courante et accidentelle exposition à des saumures toxiques
Stress dû au bruit et à du sulfure d’hydrogène
Traumatismes dus aux accidents Cancers provoqués par une
pendant l’extraction exposition au radon
Energie hydro- Traumatismes dus aux accidents Traumatismes dus à une rupture de
électrique, pendant la construction barrage
classique et de Maladies provoquées par une
basse chute exposition à des pathogènes
Energie photo- Exposition à des matériaux toxiques Exposition à des matériaux toxiques
voltaïque pendant la fabrication — courante et pendant la fabrication — courante et
accidentelle accidentelle
Energie éolienne Traumatismes dus aux accidents
pendant la construction et
l’exploitation
Energie solaire Traumatismes dus aux accidents
thermique pendant la fabrication
Exposition à des produits chimiques
toxiques pendant l’exploitation

Tableau 53.9 Principaux effets sur la santé des techniques de production d'électricité
— Groupe des combustibles nucléaires
Technique Risques professionnels Effets sur la santé publique
Fission Cancers provoqués par une exposition Cancers provoqués par une exposition
aux rayonnements pendant l’extraction aux rayonnements à tous les stades du
de l’uranium, le traitement du minerai cycle du combustible — courante et
ou du combustible, l’exploitation de la accidentelle
centrale et la gestion des déchets Traumatismes dus à des accidents
Traumatismes pendant l’extraction et le pendant le transport industriel
traitement, la construction et
l’exploitation de la centrale et la gestion
des déchets

Comme dans le cas d’autres sources d’énergie, pour étudier les effets de la
combustion de bois sur la santé, on a considéré, aux Etats-Unis, les effets obtenus
en fournissant une unité d’énergie, c’est-à-dire la quantité nécessaire pour chauffer
un million d’années-habitations. Elle est égale à 6 × 107 GJ, soit une quantité
d’énergie primaire de 8,8 × 107 GJ avec un rendement de 69%. Les effets sur la
santé ont été évalués au stade de l’extraction (ou de l’exploitation dans le cas du
bois), du transport et de la combustion. Pour le pétrole et le charbon, on s’est fondé
sur des travaux antérieurs (voir figure 53.10). On a retenu un facteur de ~2, pour les
risques courus à l’extraction, un facteur de ~3, pour les risques d’incendie au
domicile et un facteur excédant ±10 pour les risques de pollution atmosphérique. Si
l’on avait estimé les risques électriques nucléaires selon la même échelle, ils
auraient été égaux à environ la moitié de ceux engendrés par l’extraction de
charbon.

Figure 53.10 Effets sur la santé par unité d'énergie


Pour avoir une meilleure idée des risques, une bonne façon est de les comparer à
ceux que court une seule personne qui appro-visionnerait une famille en bois de feu
pendant 40 ans (voir figure 53.11). On obtient ainsi un risque total de décès égal à
~1,6 × 10–3 (c’est-à-dire, ~0,2%). On peut le comparer au risque de décès dans un
accident d’automobile aux Etats-Unis pendant le même laps de temps, ~9,3 × 10–
3
(c’est-à-dire ~1%), qui est cinq fois plus élevé. L’utilisation du bois présente des
risques qui sont du même ordre que ceux des techniques de chauffage plus
classiques. Les uns et les autres sont beaucoup moins importants que le risque
global attribuable à d’autres activités courantes et ils se prêtent aisément, sous de
nombreux aspects, à des mesures préventives.

Figure 53.11 Risque de décès pour une personne qui approvisionnerait une famille en
bois de feu pendant 40 ans
Les divers risques pour la santé peuvent se comparer comme suit:

• Risques professionnels immédiats. Pour ce qui est du cycle du charbon


susmentionné, les risques professionnels sont nettement plus élevés que dans
le cas du pétrole et du gaz; ils sont à peu près égaux aux risques liés aux
énergies renouvelables quand on prend en compte la construction des
installations, et huit à dix fois plus importants que les risques encourus avec
le nucléaire. Les progrès techniques que l’on va réaliser dans le domaine des
sources d’énergie solaire et éolienne, sources renouvelables, permettront
probablement de réduire sensiblement les risques professionnels immédiats
associés à ces systèmes. En comparaison, la production d’hydroélectricité
recèle beaucoup de risques professionnels immédiats.
• Risques professionnels différés. Aujourd’hui, des décès surviennent sur le
long terme principalement dans le secteur de l’extraction du charbon et de
l’uranium, et ils ont approximativement la même ampleur. On constate
toutefois qu’il est plus dangereux de travailler dans une mine de charbon
souterraine que dans une mine d’uranium souterraine (quand on fait le calcul
sur la base d’une unité normalisée d’électricité produite). En revanche,
l’utilisation de charbon extrait d’une mine à ciel ouvert provoque
globalement moins de décès différés que l’utilisation de l’énergie nucléaire.
• Risques immédiats pour le public. Ces risques, surtout imputables aux
accidents de transport, dépendent fortement de la distance parcourue et du
mode d’acheminement. Ils apparaissent entre dix et cent fois moins élevés
avec le nucléaire qu’avec toutes les autres formes d’énergie, principalement
parce que la quantité de matériau transportée est relativement faible. Si l’on
suit le même raisonnement, on voit que c’est le charbon qui présente le plus
de risques immédiats pour le public à cause des grandes quantités de
matériau transportées.
• Risques différés pour le public . Une grande incertitude demeure quant aux
risques différés que toutes les sources d’énergie présentent pour le public.
Ceux attribuables à l’énergie nucléaire et au gaz naturel s’équivalent et sont
au moins dix fois inférieurs aux risques associés au charbon et au pétrole.
Pour ce qui a trait aux sources d’énergie renouvelables, on devrait obtenir
une forte diminution des risques différés pour le public grâce aux progrès
escomptés.

Il est clair que les effets sur la santé dépendent de la quantité et du genre d’énergie
que l’on utilise et qu’ils diffèrent grandement d’une région à l’autre. Le bois de feu
se classe au quatrième rang dans le monde, après le pétrole, le charbon et le gaz
naturel. Près de la moitié des habitants de la planète, notamment ceux qui vivent
dans les zones rurales et urbaines des pays en développement, en dépendent pour
cuire leurs aliments et se chauffer (ils utilisent le bois ou son dérivé, le charbon de
bois, ou bien, en leur absence, des résidus agricoles ou de la bouse). Le bois de feu
représente plus de la moitié du bois consommé dans le monde; on atteint une
proportion de 86% dans les pays en développement et de 91% en Afrique.

Quand on réfléchit aux sources d’énergie nouvelles et renouvelables, comme


l’énergie solaire ou éolienne et les combustibles à base d’alcool, il faut prendre en
compte l’ensemble du «cycle du combustible» dans des secteurs comme l’énergie
photovoltaïque, qui utilisent des installations dont le fonctionnement ne présente
théoriquement aucun danger, mais dont la fabrication peut créer des risques
importants, souvent sous-estimés.

Pour faire face à cette difficulté, certains étendent le cycle du combustible à toutes
les étapes de l’élaboration d’un système énergétique, en y incluant, par exemple, le
béton que l’on trouve dans l’usine qui fabrique le verre des capteurs solaires.
Quand on s’est demandé quoi inclure dans le cycle, on a remarqué que l’analyse
des étapes de fabrication de l’aval vers l’amont conduit à un ensemble d’équations
simultanées dont la solution — si elle est linéaire — s’exprime par une matrice de
valeurs. Une telle façon de procéder est bien connue des économistes, qui parlent
d’analyses entrées-sorties; on a déjà fait les calculs voulus pour savoir dans quelle
mesure chaque activité économique profite des autres, encore que, pour les
catégories globales qui ne correspondent pas forcément avec exactitude aux étapes
de fabrication, on ait intérêt à approfondir l’examen pour mesurer les dommages
sur la santé.

Il n’existe pas une méthode qui satisfasse à elle seule à une analyse comparative
des risques dans le secteur de l’énergie. Chaque méthode a ses avantages et ses
limites; chacune apporte des renseignements différents. Etant donné l’incertitude
inhérente aux analyses des risques pour la santé, il faut examiner les résultats
fournis par toutes les méthodes pour obtenir l’image la plus précise possible et pour
mieux saisir l’ampleur des incertitudes qui subsistent.

L’URBANISATION
Edmundo Werna

L’urbanisation est l’une des grandes caractéristiques du monde contemporain. Au


début du XIXe siècle, environ 50 millions de personnes vivaient dans des zones
urbaines. En 1975, elles étaient 1,6 milliard et, en l’an 2000, on en comptait 3,1
milliards (Harpham, Lusty et Vaugham, 1988). Ces chiffres dépassent de loin ceux
de la croissance de la population rurale.

Toutefois, l’urbanisation a souvent eu des effets dommageables sur la santé des


individus qui travaillent et vivent dans les villes. Dans une plus ou moins grande
mesure, la construction de logements convenables et d’infrastructures urbaines
ainsi que la maîtrise de la circulation n’ont pas progressé au même rythme que la
croissance urbaine. Il en est résulté une multitude de problèmes de santé.

Le logement

Partout dans le monde, les conditions de logement sont loin d’être satisfaisantes.
Au milieu des années quatre-vingt, par exemple, entre 40 et 50% des habitants de
nombreuses villes de pays en développement vivaient dans des logements non
conformes aux normes établies (OMS, 1992c). La situation s’est aggravée depuis.
Bien qu’ils soient moins inquiétants dans les pays industriels, les problèmes de
logement y sont fréquents: dégradation, surpeuplement et même présence de
personnes sans domicile fixe.

Les principaux éléments de l’environnement domestique qui influencent la santé et


les risques qui leur sont associés sont présentés au tableau 53.10. La santé d’un
travailleur peut se ressentir de l’absence de l’un ou de plusieurs de ces éléments à
son lieu de domicile. Dans les pays en développement, par exemple, quelque 600
millions de citadins habitent dans des maisons et des quartiers qui présentent une
menace pour leur santé ou pour leur vie (Hardoy, Cairncross et Satterthwaite, 1990;
OMS, 1992c).

Tableau 53.10 Logement et santé

Problèmes de logement Risques pour la santé


Mauvaise maîtrise de la température Contrainte thermique, hypothermie
Ventilation inadéquate (fumée dégagée par le Affections respiratoires aiguës et chroniques
foyer)
Poussière excessive Asthme
Surpeuplement Accidents à domicile, transmission facilitée des
maladies contagieuses (tuberculose, grippe,
méningite)
Feux ouverts mal contrôlés, protection Brûlures
insuffisante contre le kérosène ou le gaz en
bouteille
Mauvaise finition des murs, sols ou plafonds Maladie de Chagas, peste, typhus, shigellose,
(qui laissent entrer des vecteurs) hépatite, poliomyélite, maladie des
légionnaires, fièvre récurrente, allergie à la
poussière de maison
Emplacement de la maison (près d’un foyer de Paludisme, bilharziose, filariose,
vecteurs) trypanosomiase
Emplacement de la maison (dans un secteur Accidents
sujet à des catastrophes telles que glissements
de terrain ou inondations)
Défauts de construction Accidents

Source: Hardoy, Cairncross et Satterthwaite 1990; Harpham, Lusty et Vaugham,


1988; Commission de la santé et de l’environnement de l’OMS, 1992b.

Les problèmes de logement peuvent aussi avoir une incidence directe sur la santé
au travail, lorsque la personne exerce son activité au domicile. C’est le cas du
personnel domestique et d’un nombre croissant de petits producteurs qui possèdent
une exploitation familiale. Ces derniers peuvent être d’autant plus touchés que leurs
procédés de production créent telle ou telle forme de pollution. Quelques études
réalisées dans des entreprises de ce type ont révélé la présence de déchets
dangereux qui provoquent, entre autres, des maladies cardio-vasculaires, des
cancers de la peau, des troubles neurologiques, des cancers des bronches, de la
photophobie et de la méthémoglobinémie infantile (Hamza, 1991).

La prévention des problèmes domestiques comprend l’adoption de mesures aux


différents stades de la mise à disposition de logements:

1. emplacement (lieux sûrs et exempts de vecteurs de maladie);


2. conception du logement (espaces dotés de dimensions et d’une protection
climatique suffisantes, utilisation de matériaux de construction non
périssables, protection convenable des équipements);
3. construction (prévention des défauts de construction);
4. entretien (inspections et contrôles satisfaisants de l’équipement, etc.).

L’implantation d’activités industrielles dans le milieu résidentiel peut exiger des


mesures de protection spéciales, en fonction de procédés de production particuliers.

Les types de solutions adoptées pour le logement peuvent varier grandement d’un
endroit à l’autre, selon la situation sociale, économique, technique et culturelle. De
nombreuses villes, grandes et petites, se sont dotées de lois sur l’urbanisme et la
construction, qui prévoient des mesures pour prévenir les risques sanitaires. Mais,
bien souvent, ces lois ne sont pas appliquées, par ignorance, ou encore parce qu’il
n’existe pas d’appareil judiciaire ni les ressources financières nécessaires pour bâtir
des logements convenables. Il est donc important non seulement d’édicter des
règlements appropriés (et de les mettre à jour), mais aussi de créer des conditions
propres à leur application.

L’infrastructure urbaine: la fourniture de services de salubrité de


l’environnement

Le logement peut aussi avoir des conséquences dommageables sur la santé lorsqu’il
n’existe pas de services de salubrité de l’environnement suffisants, comme les
services de ramassage des ordures, d’approvisionnement en eau, d’assainissement
et d’évacuation des eaux. Les effets d’une insuffisance de ces services dépassent
toutefois le cadre strict du logement et peuvent engendrer des risques pour une ville
dans son ensemble. Dans beaucoup d’endroits, la qualité de ces services en est
encore médiocre. Par exemple, entre 30 et 50% des déchets solides produits par les
centres urbains ne sont pas ramassés. En 1985, on comptait 100 millions de
personnes de plus qu’en 1975 qui n’étaient pas alimentées en eau. Plus de 2
milliards d’individus ne possèdent pas d’installation sanitaire pour l’élimination des
excréments (Hardoy, Cairncross et Satterthwaite, 1990; OMS, 1992c). Les médias
citent fréquemment le cas d’inondations ou d’autres accidents attribuables à une
mauvaise évacuation des eaux de ruissellement.

Les risques qui découlent d’une déficience des services de salubrité de


l’environnement sont présentés au tableau 53.11. Il est aussi fréquent que des
risques se répercutent d’un type de service à l’autre: contamination de l’eau
courante à cause d’un manque d’installations d’assainissement, dissémination des
déchets par les eaux non drainées, etc. Pour donner un exemple de l’ampleur des
problèmes d’infrastructure, parmi beaucoup d’autres, rappelons qu’il meurt dans le
monde un enfant toutes les vingt secondes pour cause de diarrhée — fléau dû à
l’insuffisance des services de salubrité de l’environnement.

Tableau 53.11 Infrastructure urbaine et santé

Problèmes liés à la Risques pour la santé


fourniture de services
sanitaires
Ordures non collectées Présence de pathogènes dans les déchets, vecteurs de maladies
(principalement mouches et rats) qui se reproduisent ou se nourrissent
dans les ordures, risques d’incendie, pollution des cours d’eau
Insuffisance de la Diarrhée, trachome, dermatoses infectieuses, infections portées par les
quantité ou de la qualité poux, autres infections engendrées par la consommation d’aliments
de l’eau non lavés
Absence d’équipements Infections des voies digestives et orales (diarrhée, choléra, fièvre
sanitaires typhoïde), parasites intestinaux, filariose
Absence d’égouts Accidents (inondations, glissements de terrain, effondrements de
maisons), infections des voies digestives et orales, schistosomiase,
maladies transmises par les moustiques (paludisme, dengue, fièvre
jaune), filariose à Wuchereria bancrofti

Source: Hardoy, Cairncross et Satterthwaite, 1990; Commission de la santé et de


l’environnement de l’OMS, 1992b.

Les travailleurs dont le cadre de travail immédiat ou élargi n’est pas correctement
pourvu de ce genre de services sont exposés à de nombreux risques professionnels.
Ceux qui travaillent à la fourniture de services ou à l’entretien des infrastructures
urbaines, comme les éboueurs et les balayeurs, sont d’autant plus exposés.

Certes, il existe des solutions techniques pour améliorer les services de salubrité de
l’environnement. On pensera, parmi beaucoup d’autres, au recyclage des ordures (y
compris aux moyens employés pour faciliter le travail des éboueurs), à l’utilisation
de différents véhicules de ramassage des ordures pour diverses viabilités (y compris
dans les secteurs d’habitat spontané), aux dispositifs qui permettent d’économiser
l’eau, au renforcement du dépistage des fuites d’eau et à des installations sanitaires
peu coûteuses comme les latrines ventilées, les fosses septiques ou les conduites
d’égout de petit calibre.

Mais le succès de chaque solution dépend de son adaptation à la situation locale,


ainsi que des ressources et des compétences que l’on possède sur place pour la
mettre en œuvre. La volonté politique est fondamentale, mais pas suffisante. Les
pouvoirs publics ont souvent de la difficulté à fournir des services urbains
convenables par eux-mêmes. Pour réussir, il faut souvent faire collaborer les
secteurs public, privé et bénévole. Le soutien et la participation pleine et entière des
collectivités locales sont importants. Cela exige souvent que l’on reconnaisse
officiellement les nombreux quartiers illicites et semi-licites (notamment dans les
pays en développement, mais pas uniquement) qui contribuent pour une grande part
aux problèmes de santé en rapport avec l’environnement. Les travailleurs préposés
au ramassage des ordures ou à l’entretien des installations de recyclage et des
égouts, par exemple, doivent porter un équipement de protection spécial, comme
des gants, une combinaison et un masque.

La circulation

Les villes dépendent énormément des transports de surface pour le déplacement des
personnes et des marchandises. C’est pourquoi l’essor de l’urbanisation partout
dans le monde s’est accompagné d’une forte augmentation de la circulation. Or,
celle-ci entraîne une multiplication des accidents. Environ 500 000 individus sont
tués chaque année dans des accidents de la circulation, dont les deux tiers
surviennent en milieu urbain ou périurbain. Par ailleurs, d’après de nombreuses
études réalisées dans différents pays, on compte entre 10 et 20 blessés pour chaque
décès. Parmi eux, beaucoup ont ensuite une incapacité de travail permanente ou
prolongée (Urban Edge , 1990a; OMS, 1992b). Dans bien des cas, il s’agit de
personnes qui se rendent à leur travail ou en reviennent; depuis peu, cette catégorie
d’accident de la circulation est assimilée à un risque professionnel.

Selon des études de la Banque mondiale, les principales causes d’accident de la


circulation urbaine sont le mauvais état des véhicules, la dégradation du réseau
routier, la présence de différents types d’usagers (des piétons aux camions en
passant par les animaux) dans une même rue ou une même voie, l’absence de
chemins pour les piétons et l’imprudence (des conducteurs comme des piétons)
(Urban Edge , 1990a, 1990b).

L’expansion de la circulation urbaine a aussi pour conséquence d’aggraver la


pollution atmosphérique et sonore. Entre autres problèmes de santé, mentionnons
les maladies respiratoires aiguës et chroniques, les affections malignes et les
déficits auditifs (la pollution fait aussi l’objet d’autres chapitres de
l’Encyclopédie ).

On ne manque pas de solutions techniques pour améliorer la sécurité des routes et


des voitures (de même que pour réduire la pollution). Le plus difficile semble être
de changer la mentalité des conducteurs, des piétons et des autorités. On
recommande souvent de faire un travail d’éducation en matière de sécurité routière
— de l’école primaire aux campagnes des médias — pour toucher les conducteurs
et les piétons (lorsqu’ils sont appliqués, les programmes de ce type remportent
souvent un certain succès). Les autorités ont pour responsabilité d’édicter et de
faire respecter des règlements de la circulation, d’inspecter les véhicules, de
concevoir et de mettre en application des mesures de prévention technique.
Malheureusement, d’après les études susmentionnées, il est rare que ces autorités
accordent une grande importance aux accidents de la circulation (ou à la pollution)
ou qu’elles aient les moyens de faire de la prévention dans ce domaine (Urban
Edge , 1990a, 1990b). Il importe donc que les services publics dépendant de ces
autorités soient aussi la cible des campagnes d’éducation et qu’on les soutienne
dans leur travail.

Le tissu urbain

Outre les problèmes déjà cités (logement, services, circulation), le développement


global du tissu urbain a aussi une incidence sur la santé. Premièrement, les zones
urbaines sont généralement densément peuplées, ce qui facilite la transmission des
maladies contagieuses. Deuxièmement, ces zones attirent un nombre important
d’industries, avec la pollution qu’elles engendrent. Troisièmement, de par
l’urbanisation, les foyers naturels des vecteurs de maladies peuvent se trouver
inclus dans les nouvelles zones urbaines et les vecteurs de maladies peuvent avoir
ainsi de nouvelles niches. Des vecteurs peuvent s’adapter aux nouveaux habitats
(urbains), par exemple ceux du paludisme urbain, de la dengue et de la fièvre jaune.
Quatrièmement, l’urbanisation a souvent des conséquences psychosociales telles
que le stress, l’aliénation, l’instabilité et l’insécurité, lesquelles engendrent à leur
tour des problèmes comme la dépression, l’alcoolisme et la toxicomanie (Harpham,
Lusty et Vaugham, 1988; OMS, 1992b).

Certaines expériences passées ont montré qu’il est possible (et nécessaire) de
remédier aux problèmes de santé en améliorant la situation en milieu urbain. Par
exemple «... la remarquable diminution des taux de mortalité et l’amélioration de la
situation sanitaire en Europe et en Amérique du Nord à la fin du XIX e siècle
s’expliquent plus par une amélioration de l’alimentation, de l’approvisionnement
en eau, des installations sanitaires et des conditions de logement et de vie sous
d’autres aspects que par l’essor de la médecine» (Hardoy, Cairncross et
Satterthwaite, 1990).

Pour résoudre les problèmes croissants de l’urbanisation, il faut une bonne


intégration entre l’urbanisme et la gestion urbaine (qui sont souvent séparés) et la
participation des différents acteurs publics, privés et bénévoles qui opèrent dans le
milieu urbain. L’urbanisation touche un large éventail de travailleurs.
Contrairement à d’autres sources ou d’autres types de problèmes de santé (qui
peuvent toucher des catégories précises de travailleurs), les risques professionnels
issus de l’urbanisation ne peuvent être traités par une simple action ou pression des
syndicats. Ils requièrent une action intersectorielle ou, mieux, une action de la part
de la collectivité urbaine en général.

LE CHANGEMENT CLIMATIQUE À L’ÉCHELLE


PLANÉTAIRE ET L’APPAUVRISSEMENT EN OZONE
Jonathan A. Patz

Le changement climatique

Les principaux gaz à effet de serre (GES) comprennent le dioxyde de carbone, le


méthane, l’oxyde nitreux, la vapeur d’eau et les chlorofluorocarbures (CFC). Ces
gaz permettent à la lumière du soleil de pénétrer jusqu’à la surface de la terre, mais
empêchent la chaleur radiante infrarouge de s’échapper. D’après les conclusions du
Groupe intergouvernemental d’experts des Nations Unies sur l’évolution du climat
(IPCC), les émanations gazeuses, notamment celles provenant de l’industrie, et la
destruction des «puits» des gaz à effet de serre (en raison d’une mauvaise
utilisation des terres et, principalement, du déboisement) font que les
concentrations de GES ont augmenté fortement au-delà de celles résultant des
processus naturels. Sans un changement radical de politique, on prévoit que les
taux de dioxyde de carbone préindustriel vont grimper, ce qui fera augmenter la
température moyenne de la planète de 1 à 3,5 °C d’ici à 2100.
Les deux principales composantes du changement climatique sont: 1) une élévation
de la température qui s’accompagne de conditions atmosphériques instables et
extrêmes; 2) une élévation du niveau de la mer due à la thermoexpansion. Ce
changement peut entraîner une augmentation de la fréquence des vagues de chaleur
et des épisodes de pollution atmosphérique dangereux, une diminution de
l’humidité du sol, une incidence accrue des accidents climatiques et des
inondations côtières (IPCC, 1992). Sur le plan sanitaire, le changement climatique
peut aboutir à une aggravation des phénomènes suivants: 1) mortalité et morbidité
en rapport avec la chaleur; 2) maladies infectieuses, notamment celles qui sont
transmises par des insectes; 3) malnutrition due à la pénurie d’aliments; 4)
sursollicitation des infrastructures sanitaires publiques découlant de catastrophes
climatiques et de l’élévation du niveau de la mer, aggravée par des migrations
humaines attribuables au climat (voir figure 53.12).

Figure 53.12 Effets des principales composantes du changement climatique au niveau


mondial sur la santé de la population

L’être humain possède une très bonne capacité d’adaptation aux conditions
climatiques et environnementales. Mais l’ampleur des changements climatiques et
écologiques prévus préoccupe le corps médical et les spécialistes des sciences de la
terre. Beaucoup de problèmes de santé découleront de conséquences écologiques de
la modification du climat. La propagation de maladies transmises par un vecteur,
par exemple, dépendra de la façon dont évolueront la végétation, la présence de
réservoirs d’hôtes ou d’hôtes intermédiaires, conjointement avec des effets directs
des variations de température et d’humidité sur les parasites et leurs vecteurs (Patz
et coll., 1996). Pour bien comprendre les conséquences du changement climatique,
il faudra donc une évaluation complète des risques écologiques, ce qui exigera des
moyens nouveaux et complexes comparativement à la méthode classique qui
consiste à analyser pour un seul agent les rapports de cause à effet à partir de
données empiriques (McMichael, 1993).

L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique

L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique résulte principalement de réactions


avec des radicaux libres halogénés de chlorofluorocarbures (CFC), ainsi qu’à
d’autres hydrocarbures halogénés et du bromure de méthyle (Molina et Rowland,
1974). Plus précisément, l’ozone empêche la pénétration des rayonnements
ultraviolets B (UV-B), qui couvrent les longueurs d’onde biologiquement les plus
destructrices (290-320 nanomètres). On s’attend à ce que la quantité d’UV-B
augmente d’une façon disproportionnée dans les zones tempérées et arctiques, car il
est maintenant clair que plus la latitude est élevée, plus la couche d’ozone diminue
(Stolarski et coll., 1992).

On a calculé que pendant la période 1979-1991, la couche d’ozone a diminué en


moyenne de 2,7% tous les dix ans, compte tenu des cycles solaires et d’autres
facteurs (Gleason et coll., 1993). En 1993, des chercheurs de Toronto (Canada) ont
découvert, grâce à un nouveau spectroradiomètre très sensible, que
l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique avait provoqué localement une
augmentation du rayonnement d’UV-B ambiant de 35% en hiver et de 7% en été
par rapport à 1989 (Kerr et McElroy, 1993). D’après des calculs antérieurs du
Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), une diminution de
1% de l’ozone stratosphérique devrait entraîner une augmentation de 1,4% des UV-
B (PNUE, 1991a).

La réduction de l’ozone stratosphérique, qui provoque une augmentation du


rayonnement UV-B ambiant, a des retombées directes sur la santé: cancers de la
peau, troubles oculaires et immunosuppression auxquels peuvent s’ajouter des
effets indirects dus à une détérioration des cultures par les rayons ultraviolets.

Les effets de la modification des températures et des précipitations sur la santé

L’influence du réchauffement sur les taux de morbidité et de mortalité

Physiologiquement parlant, les êtres humains possèdent une grande capacité de


thermorégulation, cela jusqu’à un certain seuil. Lorsque la chaleur ambiante
dépasse ce seuil et persiste pendant plusieurs jours consécutifs, la mortalité
augmente. Facteur aggravant, les mauvaises conditions de logement s’ajoutent,
dans certaines villes, à la concentration de chaleur en milieu urbain. A Shanghai,
par exemple, les écarts peuvent atteindre 6,5 °C les soirées d’hiver sans vent
(IPCC, 1990). La plupart des décès qui résultent de la chaleur se produisent dans le
groupe des personnes âgées et sont attribués à des troubles cardio-vasculaires et
respiratoires (Kilbourne, 1989). Certaines variables météorologiques clés
contribuent à faire augmenter la mortalité explicable par la chaleur, la principale
étant la température élevée observée pendant la nuit. On pense que l’effet de serre
va faire sensiblement grimper ces températures minimales (Kalkstein et Smoyer,
1993).

On s’attend à ce que les régions tempérées et polaires se réchauffent


comparativement davantage que les zones tropicales et subtropicales (IPCC, 1990).
Si l’on en croit les prévisions de l’Administration nationale de l’aérospatiale
américaine (National Aeronautics and Space Administration (NASA)), un
doublement du taux de CO2 ambiant entraînera, par exemple, une augmentation de
3,1 et 3,9 °C, respectivement, de la température moyenne en été à New York et à
Saint Louis. Même si l’on tient compte de l’acclimatation physiologique, le taux de
mortalité enregistré chaque année en été dans des villes tempérées de ce type
pourrait plus que quadrupler (Kalkstein et Smoyer, 1993).

Les réactions chimiques qui se produisent dans l’atmosphère contribuent fortement


à la formation du smog photochimique urbain, phénomène dans lequel la
photodécomposition de NO2 en présence de composés organiques volatils produit
de l’ozone troposphérique (au voisinage du sol). L’augmentation du rayonnement
UV ambiant et l’augmentation de la température accélèrent toutes deux ces
réactions. Les effets nocifs de la pollution atmosphérique sur la santé sont bien
connus, et l’utilisation continue de combustibles fossiles ne fera qu’ajouter aux
maladies aiguës et chroniques (voir l’article intitulé «La pollution atmosphérique»
dans le présent chapitre).

Les maladies infectieuses et les modifications du climat et des écosystèmes

Des modèles qui reproduisent à la fois la circulation générale de l’atmosphère et


des océans nous font prévoir que c’est aux latitudes élevées de l’hémisphère Nord
que la température à la surface de la terre se réchauffera le plus, d’après les
hypothèses de l’IPCC (IPCC, 1992). Selon toute vraisemblance, les températures
minimales en hiver changeront d’une manière disproportionnée, en conséquence de
quoi certains virus et parasites atteindront des régions dans lesquelles ils ne
pouvaient vivre auparavant. Outre les effets directs du climat sur les vecteurs, la
transformation des écosystèmes pourrait avoir une forte incidence sur des maladies
pour lesquelles l’extension géographique du vecteur, ou du réservoir de l’hôte, est
définie par ces écosystèmes.

Les maladies transmises par un vecteur pourront s’étendre aux régions tempérées
des deux hémisphères et s’intensifier dans les zones où elles ont un caractère
endémique. La température détermine l’infectiosité des vecteurs en influant sur la
réplication des pathogènes, leur maturation et leur période d’infectiosité
(Longstreth et Wiseman, 1989). Une élévation de la température et de l’humidité
peut aussi accroître l’agressivité de certaines espèces de moustiques. Une chaleur
extrême, en revanche, peut raccourcir la durée de vie d’un insecte.
Les maladies infectieuses qui font intervenir dans leur cycle de vie une espèce à
sang froid (invertébrée) sont les plus sensibles aux variations climatiques légères
(Sharp, 1994). Parmi les maladies dont l’agent infectieux, le vecteur ou l’hôte sont
influencés par le changement climatique, on compte le paludisme, la
schistosomiase, la filariose, la leishmaniose, l’onchocercose (cécité des rivières), la
trypanosomiase (maladie de Chagas et maladie du sommeil), la dengue, la fièvre
jaune et l’encéphalite à arbovirus. Le nombre de personnes exposées à ces maladies
est donné au tableau 53.12 (OMS, 1990c).

Tableau 53.12 Situation dans le monde des principales maladies transmises par un
vecteur

N° a Maladie Population Prévalence de Répartition actuelle Evolution possible


menacée l’infection de la répartition à
(millions)b (millions) cause des
changements
climatiques
1. Paludisme 2 100 270 Zones tropicales/ ++
subtropicales
2. Filariose 900 90,2 Zones tropicales/ +
lymphatique subtropicales
3. Onchocercose 90 17,8 Afrique/ Amérique +
du Sud
4. Schistosomiase 600 200 Zones tropicales/ ++
subtropicales
5. Maladie du 50 (25 000 nouveaux Afrique tropicale +
sommeil cas/an)
6. Leishmaniose 350 12 millions Asie/ Europe du ?
infectés Sud/ Afrique/
+ 400 000 Amérique du Sud
nouveaux cas/an
7. Dracunculiose 63 1 Zones tropicales 0
(Afrique/Asie)
Maladies à
arbovirus
8. Dengue 1 500 Zones tropicales/ ++
subtropicales
9. Fièvre jaune +++ Afrique/ Amérique +
latine
10. Encéphalite +++ Asie de l’Est et du +
japonaise Sud-Est.
11. Autres +++ +
maladies à
arbovirus

a
Les chiffres renvoient aux explications données dans le texte.b Sur la base d’une
population mondiale estimée à 4,8 milliards (1989).
0 = peu probable; + = probable; ++ = très probable; +++ = absence d’estimation; ?
= inconnu.

Parmi les maladies transmises par un vecteur, le paludisme est la plus répandue
dans le monde, provoquant entre 1 et 2 millions de morts par an. Selon Martens et
coll. (1995), il pourrait s’y ajouter 1 million de pertes humaines attribuables au
changement climatique d’ici au milieu du siècle prochain. Le territoire de
l’anophèle, moustique vecteur du paludisme, s’étend jusqu’à l’isotherme hivernal
de 16 °C, ce parasite ne pouvant se développer au-dessous de cette température
(Gilles et Warrell, 1993). La survenue d’une épidémie à des altitudes plus élevées
coïncide en général avec des températures supérieures à la moyenne (Loevinsohn,
1994). Le déboisement favorise aussi le paludisme, étant donné que de nombreuses
masses d’eau douce où la larve d’anophèle peut prospérer se forment dans les zones
défrichées (voir l’article intitulé «L’extinction d’espèces, la diminution de la
biodiversité et la santé humaine» dans ce chapitre).

Les efforts déployés depuis deux décennies pour lutter contre le paludisme n’ont
donné que des résultats médiocres. Le traitement ne s’est pas amélioré, la résistance
aux médicaments étant devenue le principal problème posé par la souche la plus
virulente, Plasmodium falciparum , et les vaccins antipaludiques ne s’avèrent que
d’une efficacité limitée (Institute of Medicine, 1991). La grande capacité de
variation antigénique des protozoaires a, jusqu’à présent, empêché la mise au point
de vaccins efficaces contre le paludisme et la maladie du sommeil, ce qui laisse
craindre que l’on ne puisse disposer avant longtemps de nouveaux produits
pharmaceutiques contre ces maladies. Les maladies transmises par un hôte
intermédiaire (comme le cerf et les rongeurs dans le cas de la maladie de Lyme)
rendent quasiment impossible une immunisation des populations humaines avec
des vaccins, obstacle supplémentaire à une prévention médicale.

A mesure que le changement climatique modifiera l’habitat, risquant ainsi de porter


atteinte à la biodiversité, les insectes vecteurs devront trouver de nouveaux hôtes
(voir l’article intitulé «L’extinction d’espèces, la diminution de la biodiversité et la
santé humaine», dans le présent chapitre). Au Honduras, par exemple, des insectes
hématophages comme le scarabée tueur, porteur de l’incurable maladie de Chagas
(ou la trypanosomiase américaine), se replient sur l’être humain à cause d’une
diminution de la biodiversité provoquée par le déboisement. Sur les 10 601
Honduriens que l’on a étudiés dans des régions touchées par l’endémie, 23,5% sont
aujourd’hui séropositifs à la maladie de Chagas (Sharp, 1994). Des zoonoses sont
souvent à l’origine d’infections chez l’humain, qu’elles atteignent en général après
une modification de l’environnement ou de l’activité humaine (Institute of
Medicine, 1992). Beaucoup de maladies émergentes chez l’humain ont en fait
depuis longtemps des animaux pour hôtes. L’hantavirau , par exemple, dont on a
appris dernièrement qu’il est la cause de décès humains dans le sud-ouest des Etats-
Unis, est connu depuis longtemps pour s’attaquer aux rongeurs, et on pense que
l’éclosion récente de cette infection a un lien avec les conditions climatiques et
écologiques (Wenzel, 1994).

Les effets sur la vie marine

Le changement climatique peut aussi influencer la santé de la population de par ses


effets sur la prolifération des variétés nocives de phytoplancton marin (ou
d’algues). Globalement, le développement du phytoplancton résulte d’une
mauvaise maîtrise de l’érosion, de l’usage immodéré d’engrais en agriculture et du
déversement d’eaux usées le long des côtes, autant de phénomènes qui produisent
des effluents riches en nutriments propices à une prolifération des algues. Celle-ci
pourrait être favorisée encore davantage par une élévation de la température en
surface des océans, conséquence prévisible du réchauffement planétaire. La pêche
et la récolte de coquillages (consommateurs d’algues) pratiquées de manière
excessive, ajoutées à une utilisation généralisée de pesticides toxiques pour les
poissons, contribuent également à la prolifération du plancton (Epstein, 1995).

Les diarrhées et maladies paralysantes provoquées par les marées rouges, ainsi que
les amnésies dues à une intoxication par les coquillages, sont de bons exemples de
maladies résultant de la prolifération des algues. On sait que le phytoplancton
marin peut être l’hôte du Vibrio cholerae ; les algues pourraient donc constituer un
véritable réservoir pour les épidémies de choléra (Huq et coll., 1990).

L’approvisionnement en nourriture et l’alimentation humaine

La malnutrition est une cause importante de mortalité infantile et de maladie chez


l’enfant à cause de l’immunosuppression (voir «L’alimentation et l’agriculture»).
Le changement climatique risque d’avoir sur l’agriculture des effets négatifs à la
fois durables, comme la réduction de l’humidité du sol du fait de
l’évapotranspiration, et des effets plus immédiats, sous la forme de phénomènes
atmosphériques extrêmes tels que sécheresse, inondations (et érosion) et tempêtes
tropicales. Au début, certains végétaux pourront profiter de la «fertilisation au
CO2», qui facilite la photosynthèse (IPCC, 1990). Cependant, même dans ce cas,
l’agriculture des pays en développement sera la plus touchée et on calcule, que,
dans ces régions, entre 40 et 300 millions d’individus supplémentaires seront
menacés par la famine à cause de l’évolution du climat (Sharp, 1994).

Il faudra aussi prendre en compte les changements écologiques indirects qui


influent sur les cultures, car la distribution des populations de parasites dans
l’agriculture pourrait se modifier (IPCC, 1992) (voir «L’alimentation et
l’agriculture»). Vu la dynamique complexe des écosystèmes, il ne faudra pas se
contenter, pour faire une évaluation complète, d’examiner les conséquences
directes des changements de l’atmosphère et de l’état du sol.

Les effets des catastrophes climatiques et de l’élévation du niveau de la mer


sur la santé
Sous l’influence de leur expansion thermique, les océans pourront voir leur niveau
s’élever à un rythme relativement rapide de 2 à 4 cm tous les dix ans, et on prévoit
que le cycle hydrologique atteindra des extrêmes qui engendreront un grand
nombre de désastres climatiques et de tempêtes. Des phénomènes de ce type
endommageront directement les logements et les infrastructures de santé publique,
entre autres les réseaux d’assainissement et les égouts d’eaux pluviales (IPCC,
1992). Les populations habitant dans les terres basses le long des côtes et sur de
petites îles, les plus exposées, devront migrer vers des régions plus sûres. Un
surpeuplement et de mauvaises conditions sanitaires parmi ces «réfugiés
climatiques» pourront amplifier la propagation de maladies infectieuses comme le
choléra, et les maladies transmises par un vecteur se répandront à un rythme
accéléré vu la promiscuité et, éventuellement, l’arrivée massive d’individus infectés
(OMS, 1990c). La situation pourra être aggravée par le débordement d’égouts, et il
faudra aussi tenir compte des conséquences psychologiques du syndrome de stress
post-traumatique qui suivra les grandes tempêtes.

Les réserves d’eau douce vont diminuer à cause de la pénétration du sel dans les
nappes aquifères côtières et de la salinisation ou de l’inondation pure et simple de
terres agricoles côtières, qui seront ainsi perdues. Une élévation de 1 m du niveau
de la mer, par exemple, fera reculer l’agriculture de 15 et 20% en Egypte et au
Bangladesh, respectivement (IPCC, 1990). Comme dans le cas des sécheresses, les
méthodes d’irrigation adaptées pourraient avoir des répercussions sur les sites de
reproduction des arthropodes et des invertébrés vecteurs (à l’instar de la
schistosomiase en Egypte), mais il sera difficile d’évaluer les avantages de ces
méthodes par rapport à leur coût.

Les effets de l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique sur la santé

Les effets directs des rayonnements ultraviolets B sur la santé

L’ozone empêche la pénétration des rayonnements ultraviolets B (UV-B), dont la


longueur d’onde de 290 à 320 nanomètres est la plus nocive pour la santé. Les UV-
B entraînent la formation de dimères de pyrimidine dans les molécules d’ADN, qui
peuvent évoluer en cancer si cette formation n’est pas réversible (CIRC, 1992). Les
cancers de la peau non mélaniques (épithéliome malpighien ou basocellulaire) et
les mélanomes malins à extension superficielle sont corrélés à l’exposition au
soleil. Dans les pays occidentaux, l’incidence du mélanome a progressé de 20 à
50% tous les cinq ans au cours des deux dernières décennies (Coleman et coll.,
1993). S’il n’existe pas de lien direct entre des expositions cumulatives aux
ultraviolets (UV) et l’apparition d’un mélanome, une exposition excessive aux UV
pendant l’enfance, en revanche, explique une telle incidence. Si la couche d’ozone
stratosphérique diminuait durablement de 10%, le nombre de cancers de la peau
non mélaniques pourrait augmenter de 26% par an, soit de 300 000 cas dans le
monde, et le nombre de mélanomes malins de 20%, soit de 4 500 cas par an
toujours (PNUE, 1991a).
La cataracte explique la moitié des cas de cécité dans le monde (17 millions de
victimes par an) et est liée aux rayonnements UV-B selon une relation dose-
réponse (Taylor, 1990). Les acides aminés et les systèmes de transport
membranaire dans le cristallin sont particulièrement sujets à une photo-oxydation
par des radicaux oxygène provenant de rayonnements UV-B (CIRC, 1992). Un
doublement de l’exposition aux UV-B pourrait entraîner une augmentation de 60%
du nombre de cataractes corticales par rapport aux chiffres actuels (Taylor et coll.,
1988). Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) calcule
qu’une perte durable de 10% de la couche d’ozone stratosphérique pourrait faire
apparaître presque 1,75 million de cataractes supplémentaires par an (PNUE,
1991a). Une exposition aux UV-B peut avoir aussi d’autres effets oculaires:
photokératites, photokérato-conjonctivites, pinguécula et ptérygion (ou croissance
exagérée de l’épithélium conjonctival), kératite bulleuse (CIRC, 1992).

L’aptitude du système immunitaire à bien fonctionner dépend du traitement de


l’antigène «local» et de sa présentation aux lymphocytes, ainsi que de
l’augmentation du pouvoir de réaction «systémique» par la production de
lymphokine (messager biochimique) et des ratios résultants entre lymphocytes
amplificateurs et lymphocytes suppresseurs. Les UV-B provoquent une
immunosuppression à deux niveaux. Chez l’animal, les UV-B peuvent influencer le
cours de maladies cutanées infectieuses, comme l’onchocercose, la leishmaniose et
la dermatophytose, et entraver l’immunosurveillance des cellules épidermiques
transformées, précancéreuses. Les études préliminaires mettent aussi en évidence
une influence sur l’efficacité des vaccins (Kripke et Morison, 1986; CIRC, 1992).

Les effets indirects des UV-B sur la santé publique

Les végétaux ne sont apparus sur terre qu’après la formation du bouclier d’ozone,
étant donné que les UV-B empêchent la photosynthèse (PNUE, 1991a). La
fragilisation des cultures alimentaires sensibles aux UV-B pourrait aggraver les
effets que le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer auront sur
l’agriculture.

Le phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire marine, sert aussi


d’important «puits» pour le dioxyde de carbone. C’est pourquoi les dommages
créés par les UV à ces algues dans les régions polaires altèrent la chaîne trophique
marine et exacerbent l’effet de serre. Selon le PNUE, une diminution de 10% du
phytoplancton marin ferait baisser de 5 gigatonnes la quantité de CO 2 absorbée
chaque année par les océans, ce qui équivaut aux émanations annuelles produites
par la consommation de combustibles fossiles (PNUE, 1991a).

Les risques professionnels et les méthodes de réduction

Les risques professionnels


Pour réduire les GES produits par les combustibles fossiles, il faudra développer les
sources d’énergie renouvelables. Les dangers créés par l’énergie nucléaire dans la
population et sur le lieu de travail sont bien connus et il sera nécessaire de
sauvegarder les installations, le personnel et le combustible irradié. Le méthanol
peut remplacer une bonne partie de l’essence; mais le formaldéhyde qu’il émet
présentera un nouveau risque environnemental. Les matériaux supraconducteurs
qui permettent de transporter efficacement l’électricité sont surtout des céramiques
composées de calcium, de strontium, de baryum, de bismuth, de thallium et
d’yttrium.

On sait moins comment est assurée la sécurité des gens travaillant dans les usines
qui fabriquent des unités de captage de l’énergie solaire. Pour produire des cellules
photovoltaïques, on se sert essentiellement de silicone, de gallium, d’indium, de
thallium, d’arsenic et d’antimoine. Le silicium et l’arsenic sont nocifs pour les
poumons; le gallium se concentre dans les reins, le foie et les os; et sous ses formes
ionisées, l’indium est néphrotoxique.

Les effets destructeurs des CFC sur la couche d’ozone stratosphérique ont été
reconnus dans les années soixante-dix, et c’est en 1978 que l’Agence de protection
de l’environnement (Environmental Protection Agency (EPA)), aux Etats-Unis, a
interdit l’utilisation de ces gaz inertes dans les aérosols. En 1985, la prise de
conscience du problème s’est amplifiée lorsqu’une équipe britannique basée dans
l’Antarctique découvrit le «trou» dans la couche d’ozone (Farman, Gardiner et
Shanklin, 1985). La signature du Protocole de Montréal en 1987, modifié en 1990
et 1992, a déjà rendu obligatoire une forte réduction de la production de CFC.

Les produits chimiques de remplacement des CFC sont les


hydrochlorofluorocarbures (HCFC) et les hydrofluorocarbures (HFC). La présence
de l’atome d’hydrogène peut faciliter la dégradation de ces composés par des
radicaux hydroxyles (OH–)dans la troposphère, réduisant d’autant les risques
d’appauvrissement de l’ozone stratosphérique. Sur le plan biologique, cependant,
ces produits de remplacement des CFC réagissent davantage que les CFC.
L’existence d’un lien C-H rend ces produits chimiques sujets à une oxydation par le
cytochrome P-450.

L’atténuation et l’adaptation

Pour relever les défis de santé publique posés par les mutations du climat
planétaire, il faudra: 1) adopter une démarche écologique intégrée; 2) réduire les
gaz à effet de serre en limitant les émissions industrielles, réglementer l’utilisation
des sols pour maximiser l’étendue des «puits» de CO2 et établir des politiques
démographiques qui permettent d’atteindre ces deux objectifs; 3) surveiller
l’évolution d’indicateurs biologiques à l’échelle régionale et mondiale; 4) adapter
les politiques de santé publique pour limiter les incidences du changement
climatique inévitables; 5) assurer une coopération entre pays développés et en
développement. En bref, il faudra veiller à une intégration accrue des politiques
d’environnement et de santé publique.

Le changement climatique et l’appauvrissement de l’ozone s’accompagnent d’un


nombre considérable de risques pour la santé à différents niveaux et mettent en
lumière le rapport important qui existe entre la dynamique des écosystèmes et le
maintien en bonne santé des êtres humains. Les mesures préventives doivent donc
être fondées sur une vision systémique et anticiper les importantes réactions
écologiques au changement climatique, ainsi que les risques physiques directs
prévus. Au moment d’évaluer les risques écologiques, il faudra examiner certains
éléments clés, dont les variations spatiales et temporelles, les mécanismes de
rétroaction et l’utilisation d’organismes inférieurs comme bio-indicateurs
primaires.

Le fait de réduire les gaz à effet de serre en passant des combustibles fossiles à des
sources d’énergie renouvelables représente le principal moyen de prévenir le
changement climatique (prévention primaire). De la même façon, une planification
stratégique de l’utilisation des sols et une stabilisation de la charge sur
l’environnement due à la population humaine permettront de préserver
d’importants «puits» naturels de gaz à effet de serre.

Comme on ne pourra peut-être pas éviter certains changements climatiques, il


faudra un travail de coordination sans précédent pour faire de la prévention
secondaire sous la forme d’une détection précoce grâce au contrôle de paramètres
sanitaires. Pour la première fois de l’histoire, des tentatives sont effectuées pour
surveiller le système terrestre dans son intégralité. Le Système mondial
d’observation du climat comprend la Veille météorologique mondiale et la Veille
de l’atmosphère du globe de l’Organisation météorologique mondiale (OMM),
ainsi que des éléments du Système mondial de surveillance continue de
l’environnement du PNUE. Le Système mondial d’observation des océans est le
fruit d’une entreprise commune entre la Commis-sion océanographique
intergouvernementale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la
science et la culture (UNESCO), l’OMM et le Conseil international des unions
scientifiques (International Council of Scientific Unions (ICSU)). On utilisera à la
fois le satellite et des dispositifs sous-marins pour mesurer les changements
survenant dans le milieu marin. Le Système mondial d’observation de la terre est
un nouveau système parrainé par le PNUE, l’UNESCO, l’OMM, l’ICSU et
l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui apportera l’élément
terrestre au Système mondial d’observation du climat (OMM, 1992).

Les moyens d’adaptation qui permettent de limiter les problèmes de santé


inévitables comprennent les programmes de préparation aux catastrophes, des
mesures d’urbanisme pour limiter l’effet des «îlots» de chaleur et améliorer le
logement, des plans d’occupation des sols pour réduire l’érosion, les crues subites
et le déboisement inutile (on arrêtera, par exemple, la création de grands pâturages
pour la production de viande d’exportation), les changements de comportement
personnel (comme la renonciation aux bains de soleil), la lutte contre les vecteurs et
une multiplication des campagnes de vaccination. Il faudra réfléchir aux coûts
imprévus des mesures d’adaptation prises pour mettre fin, par exemple, à un usage
accru des pesticides. Une trop grande dépendance à l’égard des pesticides non
seulement aboutit à une résistance des insectes, mais élimine aussi des prédateurs
naturels utiles. Les effets dommageables des pesticides sur la santé publique et
l’environnement ont un coût que l’on situe aujourd’hui entre 100 et 200 milliards
de dollars E.-U. par an (Institute of Medicine, 1991).

Les pays en développement souffriront nettement plus des conséquences du


changement climatique que les pays industriels, qui sont pourtant les principaux
responsables des rejets de GES dans l’atmosphère. A l’avenir, les pays pauvres
influeront beaucoup plus sur le cours du réchauffement planétaire, à la fois de par
les technologies qu’ils emploieront à mesure qu’ils se développeront, et de par leur
politique d’occupation des sols. Les pays développés vont devoir adopter des
politiques énergétiques plus respectueuses de l’environnement et transférer
rapidement aux pays en développement des technologies nouvelles (à un prix
abordable).

Etude de cas: virus transmis par les moustiques

L’encéphalite transmise par le moustique et la dengue sont de bons exemples de maladies dues à
un vecteur dont l’extension est limitée par le climat. Les épidémies d’encéphalite de Saint Louis
(ESL), l’encéphalite arbovirale la plus commune aux Etats-Unis, surviennent généralement au sud
de l’isotherme de 22 °C de juin, mais des flambées peuvent se produire plus au nord pendant des
années anormalement chaudes. Chez l’être humain, elles se manifestent très souvent après
plusieurs jours où la température dépasse 27 °C (Shope, 1990).

Des études sur le terrain révèlent qu’une élévation de 1 °C de la température raccourcit nettement
le temps écoulé entre le moment où un moustique pompe sa dose de sang et celui où le virus s’est
suffisamment reproduit pour devenir infectieux à l’intérieur du vecteur (période d’incubation
extrinsèque). Une fois les corrections faites pour tenir compte d’une résistance réduite des
moustiques aux températures élevées, on prévoit une extension nette des épidémies d’ESL vers le
nord (Reeves et coll., 1994), consécutive à une augmentation de la température de 3 à 5 °C.

Le territoire d’Aedes aegypti , vecteur primaire de la dengue (et de la fièvre jaune), s’étend jusqu’à
une latitude de 35° parce que le gel tue les larves comme les adultes. La dengue est très répandue
aux Antilles, en Amérique tropicale, en Océanie, en Asie, en Afrique et en Australie. Depuis 15
ans, les épidémies de dengue deviennent plus nombreuses et plus graves, notamment dans les
centres urbains des régions tropicales. La fièvre hémorragique de la dengue se classe aujourd’hui
parmi les principales causes d’hospitalisation et de mortalité chez les enfants en Asie du Sud-Est
(Institute of Medicine, 1992). La progression observée en Asie il y a 20 ans est en train de se
répéter dans les Amériques.

Il se pourrait que le changement climatique agisse sur la transmission de la dengue. En 1986, on a


constaté au Mexique que le plus important indicateur de la dengue était la température médiane
pendant la saison des pluies, avec un risque corrigé quadruple entre 17 °C et 30 °C (Koopman et
coll., 1991). Les vérifications effectuées en laboratoire vont dans le même sens. In vitro, la période
d’incubation extrinsèque pour le virus de type 2 de la dengue était de 12 jours à 30 °C et de
seulement 7 jours entre 32 et 35 °C (Watts et coll., 1987). Ce raccourcissement de 5 jours
attribuable à la température pourrait équivaloir à un triplement des risques de transmission de la
maladie (Koopman et coll., 1991). Enfin, l’élévation des températures donne des insectes à l’âge
adulte plus petits, qui doivent piquer plus souvent pour pouvoir produire un couvain. En résumé,
une élévation des températures peut créer une population de moustiques plus infectieux et plus
voraces (Focks et coll., 1995).

L’EXTINCTION D’ESPÈCES, LA DIMINUTION DE LA


BIODIVERSITÉ ET LA SANTÉ HUMAINE1
1
Cet article a été adapté avec l'aimable autorisation de Chivian, E., 1993: «Species
extinction and biodiversity loss: The implications for human health», dans E.
Chivian, M. McCally, H. Hu et A. Haines (directeurs de publication): Critical
Condition: Human Health and the Environment (Cambridge, Massachusetts et
Londres, MIT Press). Remerciements à E.O. Wilson, Richard Schultes, Stephen
Morse, Andrew Spielma, Paul Epstein, David Potter, Nan Vance, Rodney Fujita,
Michael Balick, Suzn Strobel et Edson Albuquerque

Eric Chivian

L’activité humaine entraîne l’extinction d’espèces animales, végétales et


microbiennes mille fois plus vite qu’au rythme naturel (Wilson, 1992), extinction
qui est probablement l’une des plus importantes de l’histoire de la géologie.
Lorsque l’Homo sapiens est apparu, il y a quelque 100 000 ans, le nombre
d’espèces qu’abritait la Terre était le plus important de tous les temps (Wilson,
1989). Au rythme où les espèces disparaissent aujourd’hui, on est en train de
retomber au niveau le plus bas depuis l’époque des dinosaures, il y a 65 millions
d’années, puisqu’on estime qu’un quart des espèces seront éteintes dans 50 ans
(Ehrlich et Wilson, 1991).

En plus de poser des dilemmes éthiques — nous n’avons pas le droit de tuer
d’innombrables autres organismes, dont beaucoup étaient sur la planète des
dizaines de millions d’années avant nous —, ce comportement ne peut qu’aboutir à
une autodestruction, en rompant le fragile équilibre écologique sur lequel repose
toute forme de vie, y compris la nôtre, en détruisant la diversité biologique qui rend
les sols fertiles, qui produit l’air que nous respirons et qui nous fournit les aliments
et d’autres produits naturels vitaux, dont le plus grand nombre reste à découvrir.

L’accroissement exponentiel de la population humaine et, parallèlement,


l’augmentation encore plus forte de la consommation de ressources naturelles et de
la production de déchets sont les principaux facteurs qui menacent la survie des
autres espèces. Le réchauffement de la planète, les pluies acides, l’appauvrissement
de l’ozone stratosphérique et le rejet de produits chimiques toxiques dans l’air, le
sol et les écosystèmes d’eau douce et salée conduisent tous à une diminution de la
biodiversité. Mais c’est la destruction d’habitats par les activités humaines,
notamment le déboisement, qui constitue le principal fléau.

C’est surtout vrai des forêts tropicales humides. La superficie qu’elles occupaient
du temps de la préhistoire a été réduite de plus de la moitié, mais on continue de les
couper et de les brûler au rythme d’environ 142 000 km2 par an, ce qui équivaut à
la superficie de la Suisse et des Pays-Bas réunis; il disparaît ainsi chaque seconde
une forêt de la grandeur d’un terrain de football (Wilson, l992). Cette œuvre de
destruction est la cause première de l’extinction massive d’espèces dans le monde.

On estime que la Terre abrite entre 10 et 100 millions d’espèces. Si l’on se base sur
un chiffre prudent de 20 millions d’espèces, ce sont donc 10 millions d’espèces qui
vivent dans les forêts humides tropicales; or, à la vitesse à laquelle on déboise les
régions tropicales, cela veut dire que 27 000 espèces seraient éliminées des forêts
tropicales chaque année, soit plus de 74 par jour ou 3 par heure (Wilson, 1992).

Cet article examine les incidences de cette réduction généralisée de la diversité


biologique sur la santé humaine. D’après l’auteur, si l’on saisissait bien les effets
qu’entraîneront ces extinctions massives — qui compromettront la compréhension
et le traitement de nombreuses maladies incurables et, au bout du compte,
menaceront peut-être la survie des êtres humains —, on verrait alors que les
atteintes actuellement portées à la biodiversité ne constituent ni plus ni moins
qu’une urgence médicale à évolution lente et exigerait que les mesures prises pour
préserver les espèces et les écosystèmes soient reconnues hautement prioritaires.

La perte de modèles médicaux

Trois groupes d’animaux menacés, très éloignés les uns des autres — les
grenouilles vénéneuses, les ours et les requins — montrent de manière éclatante
comment des modèles importants pour la science biomédicale risquent d’être
détruits par les êtres humains.

Les grenouilles vénéneuses

Toute la famille des grenouilles vénéneuses, les dendrobatidés, que l’on trouve
dans les régions tropicales des Amériques, est menacée par la destruction de ses
habitats, c’est-à-dire des forêts humides situées dans les basses terres de
l’Amérique centrale et du Sud (Brody, 1990). Ces animaux aux couleurs vives, qui
se répartissent en plus de 100 espèces, sont particulièrement sensibles au
déboisement, car ils ne vivent souvent que dans certains secteurs précis de la forêt
et ne peuvent évidemment pas vivre ailleurs. Les scientifiques ont fini par
comprendre que les toxines qu’ils libèrent, que les Indiens d’Amérique centrale et
du Sud utilisent depuis des siècles pour fabriquer des flèches empoisonnées, sont
parmi les substances naturelles les plus mortelles que l’on connaisse. Ils sont
également très utiles en médecine. Les éléments actifs de ces toxines sont des
alcaloïdes, composés cycliques azotés tels que morphine, caféine, nicotine et
cocaïne, par exemple, que l’on trouve presque exclusivement dans des végétaux.
Les alcaloïdes se lient de préférence à des canaux et pompes ioniques particulières
dans les membranes nerveuses et musculaires. Sans eux, on connaîtrait de façon
très incomplète les éléments de base de la fonction des membranes que l’on
retrouve dans tout le règne animal.

En plus de l’intérêt qu’elles présentent pour la recherche fondamentale en


neurophysiologie, les grenouilles vénéneuses offrent aussi des éléments
d’information biochimique précieux pour la production de nouveaux analgésiques
puissants qui agissent autrement que la morphine, de nouveaux médicaments pour
les arythmies cardiaques et de nouveaux traitements pour soulager certaines
affections neurologiques comme la maladie d’Alzheimer, la myasthénie grave et la
sclérose latérale amyotrophique (Brody, 1990). Si la destruction des forêts humides
se poursuit au même rythme en Amérique centrale et du Sud, ces grenouilles d’une
grande valeur vont disparaître.

Les ours

Dans de nombreuses régions du monde, des populations d’ours sont menacées


d’extinction parce que certaines parties de cet animal sont de plus en plus
recherchées sur le marché noir en Asie — la vésicule biliaire pour ses qualités
médicinales réputées (elle vaut dix-huit fois son pesant d’or), et les pattes pour des
repas fins (Montgomery, l992), — et parce que la chasse à l’ours et la destruction
de son habitat se poursuivent. Or, tous nous aurons à perdre de l’extinction
d’espèces d’ours, non seulement parce que ce sont des créatures superbes et
fascinantes qui occupent une place importante dans la nature, mais aussi parce que
certaines espèces présentent plusieurs caractéristiques physiologiques particulières
qui peuvent nous apporter des indications utiles pour le traitement de diverses
maladies humaines. Pendant qu’ils «hibernent» (ou, plus exactement, lorsqu’ils
sont dans leur tanière), les ours noirs, par exemple, demeurent immobiles jusqu’à 5
mois en hiver, sans pour autant perdre de leur masse osseuse (Rosenthal, 1993) (les
vrais animaux hibernants, comme la marmotte, la marmotte d’Amérique et le
spermophile, voient leur température corporelle baisser fortement pendant
l’hibernation et sont pro-fondément assoupis. L’ours noir, en revanche, conserve
une température corporelle presque normale et réagit instantanément lorsqu’il doit
se défendre). Contrairement à l’être humain, qui perdrait presque un quart de sa
masse osseuse pendant une immobilisation de cette durée (faute de porter son
propre poids), l’ours continue de produire de l’os, en puisant dans le calcium qui
circule dans son sang (Floyd, Nelson et Wynne, 1990). Une fois que l’on aura
compris comment il réussit ce tour de force, on trouvera peut-être des moyens
efficaces de prévenir et de traiter l’ostéoporose chez les personnes âgées (problème
très important qui entraîne fractures, souffrances et invalidités), chez les individus
longtemps confinés au lit et chez les astronautes placés d’une façon prolongée dans
un état d’apesanteur.

D’autre part, les ours qui «hibernent» se passent d’uriner pendant des mois. Les
êtres humains qui ne peuvent éliminer pendant plusieurs jours les déchets contenus
dans leurs urines accumulent de l’urée dans leur sang et meurent d’intoxication.
D’une certaine manière, l’ours recycle l’urée pour en faire de nouvelles protéines, y
compris celles des muscles (Nelson, 1973). Si l’on pouvait trouver le mécanisme
qui régit cette transformation, on parviendrait peut-être à mettre au point des
traitements efficaces et durables pour les personnes atteintes d’une insuffisance
rénale, qui doivent être régulièrement sous dialyse pour éliminer leurs toxines ou
qui doivent subir une transplantation.

Les requins

Comme les ours, de nombreuses espèces de requins sont en voie de disparition à


cause de la demande dont leur chair fait l’objet, notamment en Asie, où les ailerons
que l’on sert dans les potages se vendent jusqu’à 100 dollars E.-U. la livre (Stevens,
1992). Etant donné que les requins ont peu de petits, qu’ils grossissent lentement et
qu’ils atteignent leur maturité après plusieurs années, ils risquent tout
particulièrement d’être décimés par une pêche excessive.

Les requins, qui existent depuis presque 400 millions d’années, ont acquis des
organes extrêmement spécialisés et des fonctions physiologiques qui les protègent
contre presque toutes les menaces, à l’exception des massacres perpétrés par les
humains. L’élimination de populations et l’extinction de certaines des 350 espèces
connues pourraient se solder par une immense catastrophe pour le genre humain.

Il semble que le système immunitaire des requins (et des poissons qui leur sont
apparentés, les raies) ait évolué à tel point que ces animaux sont aujourd’hui
presque à l’abri des cancers et des infections. Des tumeurs peuvent apparaître chez
d’autres poissons et mollusques (Tucker, 1985), mais rarement chez les requins.
Cela est confirmé par les premières recherches effectuées. Il s’avère impossible, par
exemple, de produire une tumeur chez un requin dormeur en faisant des injections
répétées de substances cancérogènes réputées puissantes (Stevens, 1992). Des
chercheurs de l’Institut de technologie du Massachusetts (Massachusetts Institute of
Technology (MIT)) ont isolé dans le cartilage du requin-pèlerin (Lee et Langer,
1983) une substance, présente en grande quantité, qui inhibe le développement de
nouveaux vaisseaux sanguins alimentant les tumeurs et, donc, la croissance de ces
tumeurs.

Les requins peuvent aussi servir de modèles extrêmement précieux pour la mise au
point de nouveaux médicaments qui permettent de traiter des infections, ce qui est
aujourd’hui d’autant plus important que les agents infectieux acquièrent une
résistance accrue aux antibiotiques actuellement sur le marché.
Autres modèles

Les exemples ne manquent pas de végétaux, d’animaux et de micro-organismes


détenant les secrets de milliards d’expériences vécues au cours de l’évolution, qui
sont de plus en plus menacés par l’activité humaine et que le corps médical risque
de voir disparaître à jamais.

La perte de nouveaux médicaments

Diverses espèces végétales, animales et microbiennes sont en soi à l’origine de


certains des médicaments actuellement les plus importants et comptent pour une
part non négligeable de toute la pharmacopée. Farnsworth (1990), par exemple, a
découvert que 25% des médicaments vendus sur ordonnance par les pharmacies de
quartier aux Etats-Unis entre 1959 et 1980 renfermaient des ingrédients actifs
extraits de plantes évoluées. La proportion est beaucoup plus forte dans les pays en
développement. En effet, 80% de leurs habitants, soit approximativement les deux
tiers de la population mondiale, recourent presque exclusivement à des
médicaments traditionnels composés de substances naturelles, dont la plupart
proviennent de plantes.

Les connaissances détenues par les guérisseurs, souvent transmises oralement au


travers des siècles, ont permis de découvrir beaucoup de médicaments aujourd’hui
largement employés — la quinine, la physostigmine, la d-tubocurarine, la
pilocarpine et l’éphédrine, pour n’en citer que quelques-uns (Farnsworth et coll.,
1986). Mais ces connaissances se perdent rapidement, surtout en Amazonie, car, à
leur mort, les guérisseurs autochtones sont remplacés par des gens qui pratiquent
une médecine plus moderne. Botanistes et pharmacologues se livrent à une course
de vitesse pour apprendre ces méthodes anciennes, qui, comme les plantes
forestières qu’ils utilisent, sont aussi menacées de disparition (Farnsworth, 1990;
Schultes, 1991; Balick, 1990).

Les scientifiques ont analysé la composition chimique de moins de 1% des plantes


connues des forêts humides répertoriées qui pourraient renfermer des substances
biologiquement actives (Gottlieb et Mors, 1980) , ainsi qu’une proportion
comparable de plantes des régions tempérées (Schultes, 1992) et une quantité
encore inférieure d’animaux, de champignons et de microbes connus. Or, il existe
peut-être des dizaines de millions d’espèces à découvrir dans les forêts, les sols, les
lacs et les océans. En procédant à l’élimination massive d’espèces comme on le fait
aujourd’hui, on est peut-être en train de détruire des remèdes inconnus de cancers
actuellement incurables, du sida, de la cardiopathie artérioscléreuse et d’autres
maladies à l’origine d’immenses souffrances humaines.

La perturbation de l’équilibre des écosystèmes


Enfin, la disparition d’espèces et la destruction d’habitats peuvent perturber le
fragile équilibre d’écosystèmes dont dépendent toutes les formes de vie, y compris
la nôtre.

Les réserves alimentaires

Les réserves alimentaires, pour leur part, sont peut-être gravement menacées. Le
déboisement, par exemple, peut entraîner une forte réduction des précipitations
dans les régions agricoles avoisinantes et même dans des contrées plus éloignées
(Wilson, 1988; Shulka, Nobre et Sellers, 1990), diminuant ainsi le rendement des
cultures. La perte de sol arable végétal sous l’influence de l’érosion, autre
conséquence du déboisement, peut avoir des effets irréversibles sur les cultures
dans les régions boisées, en particulier sur les terrains accidentés, comme dans
certains secteurs du Népal, de Madagascar et des Philippines.

Chauves-souris et oiseaux, principaux prédateurs des insectes qui infestent ou


détruisent les cultures, disparaissent par populations entières (Brody, 1991;
Terborgh, 1980), ce qui a des conséquences incalculables pour l’agriculture.

Les maladies infectieuses

Depuis peu au Brésil, le paludisme atteint les proportions d’une épidémie à cause
de peuplements massifs et d’une dégradation de l’environnement dans le bassin de
l’Amazone. Cette maladie, presque entièrement éliminée du Brésil dans les années
soixante, a connu une flambée 20 ans plus tard, 560 000 cas ayant été répertoriés en
1988, dont 500 000 dans la seule Amazonie (Kingman, 1989). Cette épidémie s’est
expliquée en grande partie par l’arrivée d’un très grand nombre de personnes qui
n’étaient pas immunisées — ou très peu — contre le paludisme, qui vivaient dans
des abris de fortune et qui portaient peu de vêtements pour se protéger. Mais elle a
également été due au fait que ces populations sont venues bouleverser le milieu
naturel des forêts tropicales humides, créant partout sur leur passage des mares
d’eau stagnante (construction de routes, terre entraînée par le défrichement,
ouverture de mines à ciel ouvert), mares où Anopheles darlingi , principal vecteur
du paludisme dans la région, a pu se multiplier à son aise (Kingman, 1989).

L’historique des maladies virales «émergentes» peut nous apporter des


renseignements précieux concernant les effets de la destruction de l’habitat sur les
êtres humains. La fièvre hémorragique de l’Argentine, par exemple, affection virale
douloureuse dont de 3 à 15% des victimes ne réchappent pas (Sanford, 1991), a
l’ampleur d’une épidémie depuis 1958 parce qu’on a défriché la pampa à grande
échelle au centre de l’Argentine pour y planter du maïs (Kingman, 1989).

Parmi les maladies virales nouvelles, celle qui cause le plus de tort à l’être humain,
et qui annonce peut-être l’éclosion d’autres infections virales, est le sida, provoqué
par le virus de l’immunodéficience humaine des types 1 (VIH-l) et 2 (VIH-2). On
s’entend en général pour dire que l’épidémie actuelle de sida a son origine chez des
primates non humains d’Afrique, qui ont joué le rôle de réservoirs naturels et
d’hôtes asymptomatiques, pour une famille de virus qui provoque une
immunodéficience (Allan, 1992). La preuve génétique existe manifestement d’un
lien entre le VIH-l et un virus simien de l’immunodéficience présent chez des
chimpanzés africains (Huet et Cheynier, 1990), ainsi qu’entre le VIH-2 et un autre
virus simien découvert chez des mangabeys cendrés (Hirsch et Olmsted, 1989; Gao
et Yue, 1992). Ces transmissions de virus de primates à notre espèce doivent-elles
être attribuées à l’installation d’êtres humains dans des zones forestières dégradées?
Si tel est le cas, nous assistons peut-être avec le sida au début d’une série
d’épidémies virales nées dans des forêts humides tropicales qui peuvent abriter des
milliers de virus susceptibles d’infecter l’humain, dont certains sont peut-être
mortels comme le sida (à presque 100%), mais se propagent plus facilement, par
exemple dans des gouttelettes transportées par l’air. Ces maladies virales
éventuelles pourraient devenir la menace la plus grave qui pèse sur la santé
publique à cause d’une détérioration du milieu naturel des forêts tropicales
humides.

Autres effets

Il se pourrait bien que la rupture d’autres interactions au sein des organismes, des
écosystèmes et de l’environnement planétaire, dont on ne connaît presque rien,
s’avère la plus grande catastrophe pour le genre humain. Qu’en sera-t-il du climat
planétaire et de la concentration des gaz dans l’atmosphère, par exemple, quand un
certain seuil critique de déboisement aura été atteint? Les forêts jouent un rôle
primordial dans le maintien des régimes planétaires de précipitations et dans la
stabilité des gaz atmosphériques.

Qu’adviendra-t-il de la vie marine si une augmentation du rayonnement ultraviolet


entraîne la destruction massive du phytoplancton, notamment dans les eaux riches
situées sous le «trou» de la couche d’ozone dans l’Antarctique? Ces organismes,
qui sont à la base de toute la chaîne trophique marine, qui produisent une partie
importante de l’oxygène mondial et qui absorbent une grande quantité du dioxyde
de carbone de la planète, sont très vulnérables aux ultraviolets (Schneider, 1991;
Roberts, 1989; Bridigare, 1989).

Qu’en sera-t-il de la croissance des végétaux si les pluies acides et les substances
chimiques toxiques empoisonnent des champignons et des bactéries essentiels à la
fertilité des sols? L’Europe occidentale a déjà perdu de 40 à 50% de ses espèces de
champignons au cours des 60 dernières années, dont beaucoup de champignons
mycorhriens symbiotiques (Wilson, 1992), indispensables à l’absorption de
nutriments par les plantes. Personne ne sait quel effet aura leur disparition.

Les scientifiques ignorent les réponses à ces interrogations et à d’autres questions


d’extrême importance. Mais certains signaux biologiques inquiétants indiquent que
les écosystèmes planétaires ont déjà subi de graves dommages. La diminution
rapide et simultanée de la population de nombreuses espèces de grenouilles, partout
dans le monde, y compris dans des endroits isolés, vierges d’habitants, laisse penser
que ces animaux meurent à cause de changements survenus dans l’environnement
planétaire (Blakeslee, 1990). Des études récentes (Blaustein, 1994) révèlent que,
dans certains cas, la faute en est peut-être à l’augmentation des rayonnements
ultraviolets B consécutive à l’appauvrissement de la couche d’ozone.

Plus près de nous, des mammifères marins tels que les dauphins rayés en
Méditerranée, les phoques vivant près des côtes de la Scandinavie et de l’Irlande du
Nord, et les bélugas du Saint-Laurent meurent aussi dans des proportions jamais
vues. Pour ce qui est des dauphins et des phoques, la mort semble parfois
attribuable à des virus morbilleux (famille comprenant les virus de la rougeole et de
la maladie de Carré) qui provoquent des pneumonies et des encéphalites (Domingo
et Ferrer, 1990; Kennedy et Smyth, 1988), conséquence possible d’un système
immunitaire affaibli. Dans le cas des bélugas, des polluants chimiques comme le
DDT, l’insecticide Mirex, les BPC, le plomb et le mercure semblent être en cause,
rendant ces animaux infertiles et entraînant au bout du compte leur mort à la suite
de tumeurs et de pneumonies (Dold, 1992). On trouve de telles quantités de ces
polluants dans les carcasses de bélugas que l’on pourrait ranger ces dernières parmi
les déchets dangereux.

Est-ce que les «espèces indicatrices», comme les canaris qui meurent asphyxiés par
les gaz nocifs dans les mines de charbon, nous avertissent que nous sommes en
train de bouleverser l’équilibre fragile d’écosystèmes qui préside à toutes les
formes de vie, y compris la nôtre? La réduction de moitié, entre 1938 et 1990, du
nombre de spermatozoïdes chez les hommes en bonne santé partout dans le monde
(Carlsen et coll., 1992), l’augmentation prononcée de la proportion de
malformations congénitales au niveau des organes génitaux externes chez les
hommes en Angleterre et au pays de Galles entre 1964 et 1983 (Matlai et Beral,
1985), la forte poussée de l’incidence de certains cancers chez les enfants de race
blanche de 1973 à 1988 (Angier, 1991) et chez les adultes de race blanche de 1973
à 1987 (Davis, Dinse et Hoel, 1994) aux Etats-Unis, ainsi que la progression
régulière, depuis trois ou quatre décennies, des taux de mortalité attribuables à
plusieurs cancers dans le monde entier (Kurihara, Aoki et Tominaga, 1984; Davis
et Hoel, 1990a, 1990b; Hoel, 1992) laissent à penser que la dégradation de
l’environnement commence peut-être à menacer non seulement la survie des
grenouilles, des mammifères marins et autres espèces animales, végétales et
microbiennes, mais aussi celle de l’espèce humaine.

Résumé

L’activité humaine provoque l’extinction d’animaux, de végétaux et d’organismes


microbiens à un rythme qui risque fort d’éliminer dans les 50 prochaines années un
quart des espèces vivant sur terre. Cette destruction a des conséquences
incalculables sur la santé humaine:

• perte de modèles médicaux permettant de comprendre la physiologie et les


maladies propres au genre humain;
• perte de nouveaux médicaments qui pourraient servir à traiter avec succès
des cancers incurables, le sida, l’artériosclérose et d’autres maladies à
l’origine de grandes souffrances humaines.

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