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com/science/article/pii/S1775878522000601
Manuscript_5a47f6763e490fe64957efba7047350d

Intoxication aiguë professionnelle au monoxyde de carbone. Mise au point pour le

médecin du travail

Acute occupational carbon monoxide poisoning. Updates for occupational practitioner

Rubrique mise au point.

Julia Niel a,b *, Alexis Descatha a,b,c , Marie Deguigne b

a
Univ Angers, CHU Angers, Univ Rennes, Inserm, EHESP, Irset (Institut de recherche en
santé, environnement
et travail) - UMR_S 1085, IRSET-ESTER, SFR ICAT, CAPTV CDC, F-49000 Angers,
France;
b
CHU Angers, Centre Antipoison et de toxicovigilance, F-49000 Angers, France ;
c
Department of Occupational Medicine, Epidemiology and Prevention, Northwell Health,

New York, USA.

Auteur de correspondance *poustisjulia@gmail.com

© 2022 published by Elsevier. This manuscript is made available under the Elsevier user license
https://www.elsevier.com/open-access/userlicense/1.0/
Points essentiels

- L’intoxication au monoxyde de carbone représente la 1ère cause de mort toxique en

France avec 100 morts par an pour 3500 victimes. Les intoxications professionnelles

représentent entre 7 et 10 % des cas.

- Le monoxyde de carbone est un gaz indétectable par l’appareil sensoriel humain du

fait de son caractère incolore et inodore.

- Ce gaz se forme par une combustion incomplète de matières carbonées, dans un milieu

pauvre en dioxygène. C’est le principal gaz toxique de toutes les fumées.

- Les intoxications professionnelles concernent : des hommes, d’âge moyen, travaillant

dans les secteurs du BTP, de l’industrie, des services techniques à domicile, et du

secteur agricole.

- Les appareils sources sont principalement : des appareils de chauffage défectueux, des

engins à moteurs thermiques, des groupes électrogènes, et des fours utilisés en milieu

pas ou peu aérés.

- La toxicité du monoxyde du carbone s’explique par son affinité pour l’hémoglobine,

210 fois supérieure à celle du dioxygène, engendrant une hypoxie des organes à forte

consommation d’oxygène (le cœur, le cerveau, les muscles).

- Les signes de l’intoxication sont peu spécifiques. Il faut l’évoquer devant l’apparition

de signe fonctionnels neurologiques (céphalée, vertiges, troubles de la vigilance),

digestifs (nausée, vomissements) ou cardiaques (perte de connaissance, douleur

thoracique) dans les contextes professionnels évoqués précédemment, et devant un

caractère collectif des symptômes.

- Les sujets à risque d’intoxication grave sont principalement : la femme enceinte, le

fœtus, et les sujets avec antécédents cardiaques.


- La prise en charge repose sur le retrait de l’atmosphère contaminée et l’administration

la plus précoce d’oxygénothérapie adaptée au niveau de sévérité de l’intoxication.

- Le rôle du médecin du travail est multiple : la vérification des bonnes pratiques de

sécurité au sein des entreprises (pose de détecteurs, incitation à des contrôles

périodiques des engins à risque, mise en place d’une procédure d’urgence avec son

matériel de protection spécifique et sa diffusion auprès des salariés), l’information à

l’embauche et au suivi, des risques et moyens de prévention associés en lien avec le

CO, et le dépistage des sujets à risque pour les écarter des postes exposés.

Keywords : carbon monoxide, occupational exposure, occupational intoxication,

occupational poisoning

Mots-clés : monoxyde de carbone, exposition professionnelle, intoxication professionnelle


1. Epidémiologie :

Le monoxyde de carbone (CO) est la 1ère cause de mort toxique en France. On recense

environ 3500 intoxications aiguë toutes causes confondues, dont 100 décès chaque année (1).

Selon une analyse de 3411 dossiers d’intoxications aiguë recensés entre 2016 et 2021 au

Centre Antipoison et de Toxicovigilance d’Angers (CAPTV) s’occupant de la région Nord-

Ouest, il semble que le nombre d’intoxications en population générale est en légère baisse

alors que l’on constate un nombre relativement stable d’intoxications professionnelles la

même période (figure 1).

Les accidents domestiques concernent 90 % (2)(3) des intoxications et surviennent

essentiellement lors de la période de chauffe du fait de l’allumage d’un appareil de chauffage

(chaudière, chauffe-eau, poêle à charbon …) défectueux dans une habitation, souvent associé

à un défaut d’aération. Les intoxications touchent équitablement les femmes et les hommes,

avec une moyenne d’âge de 35,7 ans (Tableau I).

Les intoxications professionnelles représentent 7 à 10 % des cas et concernent quant à elles,

en majorité des hommes, âgés en moyenne de 38,8 ans, travaillant surtout dans les usines et

ateliers, dans les chantiers du BTP, dans les habitations pour les techniciens intervenant à

domicile, et les métiers du secteur agricole. Les appareils sources incriminés sont par ordre de

fréquence : les engins à moteur thermique, les appareils de chauffage, les groupes

électrogènes puis les fours (Tableau I) (3)(4)(5).

Le reste des cas d'intoxications concernent les incendies ou rarement des intoxications

volontaires à visée suicidaire qui ne sont pas comptées dans les données précédentes.

Concernant la répartition géographique en France, environ 20% des intoxications sont

recensées en Ile de France et dans le Nord-Pas de Calais (2).


2. Propriétés du CO

Le monoxyde de carbone est un gaz chimiquement identifié en 1800 par le chimiste William

C. Cruikshank et c'est Claude Bernard qui en étudia les propriétés toxiques dès 1846. Ce gaz

est d’autant plus dangereux qu’il est incolore et inodore ce qui le rend indétectable par

l’appareil sensoriel humain.

Il est très peu hydrosoluble (21 mg/L), donc pas ou peu liquéfiable, et non absorbable sur

filtre à charbon actif. De plus, il est très inflammable et d’une densité voisine de l’air (0,97)

(6).

La synthèse du CO est issue de la combustion incomplète d’un dérivé carboné dans un milieu

pauvre en dioxygène (O2). Ce composé représente le constituant toxique principal de toutes

les fumées, quelle que soit la nature des matériaux impliqués.

Ce mécanisme de combustion incomplète peut se retrouver dans différentes circonstances,

naturelles et anthropiques (industrielles ou domestiques).

3. Sources de monoxyde de carbone :

a. Naturelles exogènes :

Le CO est présent dans l’atmosphère naturellement à faible concentration : 0,01 à 0,2 ppm

(3). Il peut provenir de phénomènes naturels comme : le dégazage des océans, les émanations

volcaniques, les feux de forêt, la photodissociation du dioxyde de carbone (CO2) en haute

altitude, la dégradation photochimique de certains composés organiques tels que le méthane

retrouvé par exemple dans le gaz des marais qui peut conduire à la formation de CO.

b. Naturelles endogènes :

L'organisme humain produit physiologiquement une faible quantité de CO qui a pour origine

le catabolisme de l’hème qui va conduire à la libération de Fer, de CO, et de biliverdine


(ensuite transformée en bilirubine). Le CO se combine à l'hémoglobine pour former la

carboxyhémoglobine (HbCO) dans des proportions habituellement inférieures à 1 %. En

physiologie, le CO est impliqué dans la transduction de signaux cellulaires, il jouerait

également un rôle vasoactif et pourrait moduler l’action des neurotransmetteurs.

Il existe donc des taux physiologiques de CO qui sont estimés entre 0,2 et 0,4 ml/h de CO

pour 100 ml de sang chez un sujet non-fumeur contre 1,5 ml de CO pour 100 ml de sang chez

un sujet fumeur (3).

Les nouveau-nés et les femmes enceintes ont une production accrue de CO, liée à

une augmentation de la dégradation des globules rouges durant ces périodes de l’existence.

Certaines situations pathologiques conduisent également à une production plus

importante de CO endogène telles que la présence d’une hémolyse intravasculaire

(transfusion sanguine, anémie, thalassémie...), et la consommation de certains médicaments

tels que le phénobarbital, la progestérone, et le diphénylhydantoïne.

Toutes ces situations représentent donc des facteurs de susceptibilité à l’intoxication par le

CO définissant ainsi des populations dites sensibles à l’exposition au CO exogène.

c. Anthropiques : industrielles et environnementales

Dans l'industrie, on peut considérer deux principales sources de CO : celle liée à la production

ou dégradation de matériaux par hausse de température et celle liée au phénomène de

fermentation et autres réactions chimiques.

Voici quelques exemples d’activités industriels pourvoyeuse de CO (3)(7) :

- La synthèse de matières premières chimiques utilisant du CO : phosgène, méthanol,

acide acétique, acrylique et formique, des carbonyles métalliques, carbure de calcium.

- L’industrie pétrolière : forage, raffinage…


- Les fonderies de métaux ferreux

- Le soudage

- Les cimenteries

- Les papeteries

- Les fermentations végétales : silos, champignonnières ...

- Les fermentations animales : porcheries, égouts, fosse à purin ...

- L’incinération des ordures

- Travaux utilisant des moteurs thermiques : véhicules automobiles, travaux dans les

garages, parkings souterrains, tunnels routiers, chariots automoteurs des plateformes

de fret fermées …

- Groupe électrogènes et pompes d’épuisement en locaux confinés

- Tronçonneuses, débrousailleuses et outils divers à moteur 2 temps (plus polluants que

les moteurs 4 temps) utilisés pour l’abattage des arbres et l’entretien des forêts et

espaces verts

- Décolleuse à papiers peints à gaz, surfaceuses pour patinoires, engins de damage dont

le tuyau d’échappement est obstrué par la neige

- Plus rarement, l’exposition au dichlorométhane, solvant chloré partiellement

métabolisé in vivo en CO, peut entraîner une imprégnation non négligeable en CO.

- Le mélange d’acide formique et sulfurique concentrés génère de grandes quantités de

CO.

Au niveau environnemental, ce sont les véhicules à essence qui en majorité libèrent du CO

ainsi que les incendies.


4. La physiopathologie des intoxications :

a. Absorption :

La voie de pénétration du gaz est principalement respiratoire et est très rapide du fait de sa

très faible hydrosolubilité qui induit une diffusion rapide à travers les membranes

alvéolo-capillaires.

L’absorption dans le compartiment sanguin est fonction de :

- La pression partielle alvéolaire (Pa02) équivalant à la concentration dans l’air inhalé.

- La durée d’exposition

- Le débit ventilatoire du sujet (dépendant de l’effort physique ou de la chaleur

ambiante)

b. Diffusion :

Le CO dissous dans le sang va se fixer de manière stable mais réversible sur les structures

héminiques :

- L’hémoglobine des globules rouges formant ainsi l’HbCO

- La myoglobine des muscles striés (environ 10 à 15 %) (3)

- Les autres enzymes contenant un hème telles que : les cytochrome P-450, la

cytochrome-oxydase a3 des mitochondries (à l’origine de l’inhibition la respiration cellulaire),

les catalases, les hydro-peroxydases etc…

Le CO possède une affinité environ 210 fois supérieure à celle de l’oxygène (3), ce qui induit

une baisse importante de la distribution de l’O2 aux tissus périphériques par diminution de la

fixation mais aussi de la dissociation de l’O2 sur l’hémoglobine (dont l’affinité est majorée

par la présence de CO). A noter que la fixation du CO à ces protéines ne constitue pas pour
autant un compartiment réservoir, aussi ce gaz n’a pas un effet toxique cumulatif. Une faible

fraction reste dissoute dans le plasma.

Le CO franchit la barrière hémato-encéphalique et traverse passivement le placenta.

Chez le fœtus, l’élévation de l’HbCO est retardée de plusieurs heures, et sa demi-vie

supérieure à celle de l’HbCO maternelle en raison d’une affinité de l’hémoglobine fœtale pour

le CO, 3 fois supérieure à celle de l’hémoglobine maternelle (Tableau II) (3).

c. Métabolisation :

Le CO n’est pratiquement pas biotransformé : moins de 1 % de la dose absorbée est oxydée

en CO2. Le reste du CO est éliminé intégralement par voie respiratoire.

d. Modes d’actions toxiques :

Lors de son passage dans les voies aériennes, le CO n’a pas de toxicité directe envers la

muqueuse.

Après sa diffusion dans le sang, le résultat de la fixation du CO sur ses différentes cibles

protéiques tissulaires périphériques est une hypoxie par blocage de la chaîne respiratoire

mitochondriale (cytochrome a3), diminuant ainsi le relargage d’ATP et produisant des

radicaux libres oxygénés engendrant une peroxydation des lipides.

La fixation sur la myoglobine explique la défaillance cardiaque (par ischémie myocardique

relative) et la rhabdomyolyse des muscles striés. La réoxygénation après retrait de

l’atmosphère contaminée est à l’origine de lésions de type ischémie/reperfusion, par libération

d’oxyde nitrique (NO).

Les organes atteints en priorité sont les tissus les plus sensibles à l’hypoxie tels que :
- Le système nerveux central, car le CO augmente le débit sanguin cérébral et

diminue la vitesse de conduction nerveuse pendant et après l’exposition.

Ainsi, on peut observer des lésions à type d’œdème, de nécrose multifocale,

ou de démyélinisation prédominant dans les zones corticales, cérébelleuses,

les noyaux gris, et la substance blanche. Les lésions retardées seraient pour

l’essentiel liées à un processus de démyélinisation de la substance blanche

conduisant à la dégénérescence neuronale.

- Le myocarde, particulièrement sensible chez les sujets coronariens, pouvant

développer des foyers de nécroses, de microhémorragies multiples, et une

dégénérescence des myofibrilles.

Lors de son passage dans le sang, le CO peut également altérer les fonctions plaquettaires et

stimuler l’apoptose.

Concernant le fœtus, sa sensibilité à l’hypoxie est plus importante que la mère, par sa plus

forte consommation en oxygène. Expérimentalement le CO n’est pas directement tératogène,

mais peut provoquer des effets foetotoxiques ce qui le classe dans la catégorie R1 de la

classification des Cancérogènes, Mutagènes et Toxiques pour la Reproduction (CMR). Ce

classement en catégorie 1 signifie que les effets toxiques du CO sur la reproduction ont été

établis de façon certaine par des études épidémiologiques (8).

Les effets retrouvés en lien avec cette hypoxie sont : la mort in utero, des retards de

croissance in utero, une prématurité, une diminution du poids de naissance, des lésions

anatomiques du système nerveux central à de fortes doses d’exposition maternelle, avec

altération des fonctions cognitives, des cardiomégalies compensatrices de l’hypoxémie, une

augmentation de la mortalité néo-natale.

Pour finir, le CO ne possède pas d’action mutagène et donc n’est pas un toxique cancérogène.
e. Elimination :

La durée d’élimination du CO dépendra du taux d’HbCO atteint lors de l’état d’équilibre entre

les pressions partielles de CO dans l’atmosphère contaminée et du compartiment sanguin. Cet

équilibre est atteint plus ou moins rapidement en fonction du temps d’exposition et des

paramètres environnementaux et physiologiques des différents individus.

Il existe une relation dose-effet entre le taux d’HbCO et la gravité des signes cliniques. De ce

fait, l’HbCO est à la fois un marqueur d’effet et un marqueur d’exposition.

On retrouve la correspondance dose-effet suivante (3)(7) :

- 10 % HbCO : réduction de l’acuité mentale, dyspnée lors d’un effort

musculaire intense

- 20 % HbCO : dyspnée lors d’un effort modéré, céphalées, angor chez le sujet

fragile

- 30 % HbCO : céphalées, vertiges, irritabilité, troubles visuels et du jugement,

sensation de sommeil (confusion avec l’imprégnation alcoolique)

- 40-50 % HbCO : céphalées, confusion, agitation, nausées, vomissements,

perte de conscience au moindre effort

- 60-70% HbCO : coma, arrêt respiratoire convulsion, décès en moins de 20

minutes si l’exposition se prolonge.

La demi-vie d’élimination dépendra également du niveau de ventilation d’un individu (3) :

- En ventilation spontanée chez un sujet conscient : la demi-vie moyenne est de 4 heures

en air ambiant.

- Dans le cas d’un sujet inconscient, ayant une ventilation diminuée, la demi-vie peut

dépasser 6 à 8 heures.
Cette demi-vie diminue avec l’administration d’oxygène, qui sera d’autant plus compétitif

avec le CO, que sa pression partielle augmente :

- Demi-vie d’élimination de 60 à 90 min en oxygénothérapie normobare à haute

concentration (12-15 L/min)

- Demi-vie d’élimination de 15 à 25 min sous oxygénothérapie hyperbare à 3

atmosphères absolues (ATA).

Ceci explique également les différences de résistance à une intoxication au CO observées au

sein d’une population. Les valeurs de référence de HbCO retrouvées dans la population

générale sont (8) :

- Non-fumeur : HbCO de 0,4 à 1,5% ;

- Fumeur : HbCO de 3 à 8% (pour 1 à 2 paquets de cigarettes fumés par jour)

- Femmes enceintes : HbCO de 0,7 à 2,5% ;

Il convient de remarquer qu’il n’a pas été mis en évidence d’effets toxiques pour des niveaux

d’HbCO inférieurs à 2,5 – 2,9 % (7). De fait, le taux d’HbCO de 2,5 % est généralement

considéré comme le niveau seuil à ne pas dépasser pour protéger la population générale, y

compris certaines populations plus sensibles, des effets toxiques du CO.

5. Tableaux Cliniques

a. La phase initiale :

Les symptômes de début d'intoxication sont souvent variés, peu spécifiques et les victimes y

prêtent souvent attention trop tard, d'autant qu'aucune odeur ou fumée particulière n'a pu les

avertir. Des symptômes modérés sont le plus souvent observés (40% des cas) tels que des

céphalées (80 % des cas), associées à une asthénie (15 % des cas), des vertiges (30 % des

cas), des acouphènes et des vomissements (40 % des cas) (3)(7). Ce tableau est souvent
confondu avec une intoxication alimentaire du fait du caractère collectif et concomitant des

symptômes dans un même groupe d’individus.

Dans certaines formes d'intoxication, des signes d’ébriété, un syndrome confusionnel avec

agitation, ainsi que des troubles visuels peuvent survenir. Plus rarement (3% des cas), la phase

initiale est marquée d’emblée par un état clinique sévère marqué par une perte de conscience

transitoire ou prolongée d’origine neurologique (pouvant être associée à des convulsions) ou

cardiaque (infarctus, arythmie, hypokinésie myocardique). Chez l'enfant, des convulsions sont

parfois observées en début d'intoxication également. Il arrive aussi fréquemment, dans 46%

des cas, que la phase initiale soit asymptomatique.

b. La phase d'état :

La coloration rosée des téguments dite “rouge cochenille”, considérée comme un signe

caractéristique de l’intoxication au CO, est en fait rarement retrouvée. Le sujet est le plus

souvent pâle ou cyanosé (à noter que l’oxymétrie de pouls n’est pas fiable chez un intoxiqué

par le CO, car elle ne distingue pas l’oxyhémoglobine de l’HbCO).

La phase d’état peut être marquée par l’apparition de :

- Troubles neurologiques allant des troubles de la vigilance légers au coma profond. On peut

observer une hypertonie généralisée. Les réflexes ostéotendineux sont d’abord augmentés,

puis absents. L'existence d'un coma profond n'exclut pas l'espoir d'une guérison sans

séquelles, bien qu'il soit d'un pronostic sombre. L’imagerie cérébrale peut déjà mettre en

évidence des lésions caractéristiques de l’intoxication par le CO.

- Troubles cardiovasculaires avec une possible ischémie myocardique qui survient surtout chez

les sujets atteints de coronaropathie pouvant se manifester par une douleur thoracique, des
palpitations ou un malaise. Une dépression myocardique peut s’observer dans les cas graves.

Sur l'électrocardiogramme, on pourra retrouver des troubles de la repolarisation cardiaque, de

la conduction et/ou du rythme (extrasystoles, fibrillation auriculaire). Une élévation sanguine

des enzymes cardiaques (troponine et créatine kinase MB) est observée dans 35 % des cas.

Une hypotension artérielle est fréquente, et elle peut être associée ou non à une tachycardie.

Cette hypotension peut évoluer vers un collapsus cardiovasculaire et un œdème aigu du

poumon par la baisse de la fraction d’éjection du ventricule gauche pouvant atteindre moins

de 15 %. Des accidents thromboemboliques sont également rapportés.

- Troubles musculaires par une paralysie et une rhabdomyolyse due à l’hypoxie, pouvant être

majorée par le décubitus prolongé chez les sujets inconscients. On retrouve alors un œdème

douloureux des muscles pouvant parfois se compliquer par un syndrome des loges. La

rhabdomyolyse peut également provoquer une insuffisance rénale aiguë myoglobinurique.

c. Evolution :

L'intoxication peut soit évoluer vers (3) :

- Le décès (la mortalité hospitalière s’élève à 2%)

- Une récupération complète, sans séquelle ni complication.

- Des complications immédiates (1 à 4% des cas). Elles sont le plus souvent liées au

coma plus qu'à l'intoxication elle-même. Il s'agit des complications de décubitus (phlébite,

embolie pulmonaire, sepsis pulmonaire ou urinaire, ulcère de stress, choc septique) ou des

complications centrales immédiates en lien avec l’hypoxie provoquée par le CO (leur

évolution est favorable dans 50 à 75 % des cas). Ces complications neurologiques peuvent

être : un syndrome parkinsonien, des troubles auditifs (hypoacousie), des troubles visuels

(pouvant aller jusqu'à une cécité corticale), des troubles du langage (aphasie), des troubles
moteurs (hémiplégie, tétraplégie), une épilepsie, et des neuropathies périphériques. Des

troubles psychiques peuvent également être la cicatrice d'une intoxication avec des troubles de

la mémoire, de l'attention, une modification du comportement (agressivité, violence), une

apathie, voire un état dépressif.

- Une récupération avec séquelles retardées : Il s'agit du syndrome post-intervallaire qui

survient dans 2 à 3 % des cas d'intoxication. La symptomatologie de ce syndrome est la même

que celle observée à la phase séquellaire immédiate. Cependant, elle se distingue par

l'existence d'un intervalle libre sans symptôme entre la phase initiale de l'intoxication et

l'apparition de ce syndrome. La durée de cette phase de latence clinique est très variable, et

peut aller de 2 et 40 jours après l'intoxication. L’IRM révèle des lésions prépondérantes des

noyaux gris centraux, des lésions bilatérales diffuses ou focales de la substance blanche,

périventriculaire, pouvant s’étendre au corps calleux, à la capsule interne, au cortex pariéto-

occipital et cérébelleux. La guérison est possible mais interdit tout pronostic immédiat.

Lorsque des tests neuropsychiques sensibles sont employés, environ 30 % de séquelles

cognitives sont mises en évidence dans certaines séries de sujets intoxiqués (3).

Les formes graves touchent préférentiellement les populations sensibles telles que :

- Les personnes avec des pathologies cardiovasculaires

- Les personnes avec pathologies pulmonaires obstructives du fait d’une

mauvaise oxygénation sanguine préexistante

- Les personnes atteintes d’anémie ou d’hémoglobinopathies, du fait de la

capacité réduite de fixation de l’oxygène par l’hémoglobine préexistante

- Le fœtus, pour les raisons en lien avec les particularités toxicocinétiques et

physiologiques vues précédemment

- Les enfants, du fait d’une consommation accrue en oxygène


- Les femmes enceintes, du fait de la synthèse de CO endogène 2 fois plus

importante pendant la grossesse

- Les personnes sous traitement médicamenteux pourvoyeurs d’une synthèse

accrue de CO endogène tels que le phénobarbital, la progestérone, et le

diphénylhydantoïne.

6. Métrologie et bio-métrologie :

a. Dans l’air ambiant :

Des détecteurs portatifs à lecture directe peuvent fournir en continu une indication sur la

concentration en monoxyde de carbone : passage de l’air ou diffusion passive au travers d’une

cellule électrochimique, affichage digital, alarme et/ou enregistrement des données mesurées.

D’autres détecteurs à semi-conducteur en oxyde métallique ou à disque enduit de gel pour

une détection optique ont également été commercialisés.

Ces détecteurs à lecture directe sont pratiques du fait de leurs résultats rapides mais

fournissent des données imprécises du fait d’interférences avec de nombreux polluants gazeux

atmosphériques.

Leur utilisation nécessite le respect de la procédure de calibrage.

Il existe une autre méthode par prélèvement du gaz dans un sac d’échantillonnage en matériau

aluminisé avec un dosage par chromatographie en phase gazeuse couplée à un détecteur à

ionisation de décharge. Cette méthode, moins simple d'utilisation, donne des résultats plus

précis et spécifiques, malgré quelques interférences avec d’autres gaz restant possibles (9).

b. Dans l’air expiré :

Les secours peuvent utiliser des appareils portatifs mesurant le taux de CO dans l’air expiré

qui présentent l’avantage d’être des appareils donnant un résultat immédiat, précoce et de
manière non invasive. Cependant, les résultats sont parfois contestables du fait de l’existence

de quelques faux positifs et négatifs même si cela reste un appareil de mesure relativement

fiable (9).

c. Dans le sang :

Par CO-oxymétrie digitale (ou RAD-57) :

Cet appareil portatif et non invasif appelé le carboxymètre ou RAD-57, est le plus utilisé par

les équipes de secours. Il utilise un capteur positionné au bout du doigt de la victime qui

permettra de donner une valeur immédiate et précoce d’HbCO. Les résultats sont cependant

peu précis (+/- 3% d’HbCO selon le fabricant) et il existe de nombreux faux positifs ou

négatifs, pouvant induire une erreur diagnostique (10).

Par prélèvement sanguin :

Les dosages dans le sang sont la méthode de référence et peuvent être regroupés sous deux

méthodes. Une méthode destructrice qui consiste à dénaturer l’HbCO afin de libérer le CO

pour le doser, et une méthode non destructrice qui consiste à déterminer le pourcentage

d’HbCO présent dans l'échantillon à analyser, par spectrophotométrie infrarouge. Dans tous

les cas, le prélèvement de l'échantillon doit être effectué le plus rapidement possible (car

l’HbCO dégaze spontanément : - 40 % au bout de 3 heures) (3)(7), et de préférence sur une

seringue à gaz du sang car des faux positifs non expliqués ont été observés avec les autres

tubes de prélèvements.

7. Prise en charge :

a. Curative :

Soustraire la victime à l’atmosphère contaminée :


Il est impératif de tenir compte du risque d'intoxication pour le sauveteur. Il est donc

nécessaire d'être équipé de masques spéciaux comme des masques à cartouches d'hopcalite ou

à adduction d'air (ARI : Appareil Respiratoire Isolant). L'hopcalite est un mélange d'oxydes

de cuivre et de manganèse, qui catalyse à température ambiante l'oxydation du CO en CO2 au

contact de l'air.

Il ne faut pas non plus oublier le risque explosif lié aux propriétés physico-chimiques du CO,

il est donc nécessaire, en cas de suspicion d’une source émettrice, d’éteindre tous les appareils

à proximité susceptibles de provoquer une étincelle (appareils électriques, briquet etc…).

Il faut, dès que possible, appeler le SAMU qui évaluera l’état des victimes afin d’envoyer des

secours adaptés (SMUR et/ou pompiers) afin de réaliser les soins et mesures le plus

précocement possible et les transporter vers le centre hospitalier le plus proche. Le SAMU

transférera également simultanément l’appel au CAPTV référent qui s’occupera d’évaluer la

situation et de donner un avis médical spécialisé aux différents agents de soin puis suivra les

victimes sur le long terme si besoin.

Favoriser la dissociation de l’HbCO :

La liaison entre le CO et l'hémoglobine est réversible. La dissociation du CO de

l’hémoglobine se fait par l’administration d'O2 qui agit comme un véritable antidote par effet

compétitif. L'oxygénothérapie doit être la plus précoce possible et peut s'effectuer en

condition normobare ou hyperbare.

• Oxygénothérapie normobare : Elle est indiquée pour toute suspicion d’intoxication.

Elle se pratique par masque à oxygène haute concentration uniquement, à raison d’un débit de

12 à 15 L/min avec de l’O2 100% (FIO2 = 1). Dans de telles conditions, la demi-vie

d'élimination du CO est de 60 à 90 minutes. Ce type d’oxygénothérapie peut être réalisé dès la

prise en charge des secours sur le lieu d’exposition.


• Oxygénothérapie hyperbare : Elle est indiquée lorsque les signes cliniques sont

sévères, lorsqu’il y a eu une perte de connaissance initiale et dans tous les cas d'intoxication

chez une femme enceinte (11). Ce traitement a un double effet : d'une part on augmente la

quantité d'O2 dissous, directement utilisable par les tissus, et d'autre part, en augmentant la

pression partielle en O2, la dissociation de la carboxyhémoglobine est fortement activée. En

pratique, le patient est placé dans un caisson hyperbare à 2,5 Atmosphère (2,5 ATA, ou

Atmosphère Absolue). Il existe actuellement 17 centres en France métropolitaine et 6 en

Outre-mer. Dans de telles conditions, la demi-vie d'élimination du CO est de 15 à 25 minutes

(3)(7). Les indications de cette technique restent limitées et certaines études tendent

actuellement à remettre en question son efficacité par rapport à une oxygénothérapie

normobare dans ces situations particulières (12).

Diagnostiquer et traiter les défaillances d’organes :

Il s'agit tout d’abord du traitement symptomatique d’urgence :

• En cas de troubles sévères de la conscience, une ventilation assistée peut être

nécessaire.

• En cas d'insuffisance circulatoire, un remplissage vasculaire ainsi que l'administration

d'un inotrope positif peuvent s'avérer indispensables.

Il s’agira ensuite de faire le bilan des lésions notamment des lésions cérébrales immédiates

par une imagerie (IRM ou TDM) ainsi qu’éventuellement un EEG. Le bilan cardiologique

comportera un ECG, le dosage des enzymes cardiaques, et une échographie cardiaque en cas

de défaillance circulatoire. Par ailleurs, un gaz du sang ou un prélèvement veineux sera réalisé

pour mesurer le taux d’HbCO, ainsi que le taux de lactates, marqueur important de l’hypoxie

tissulaire. Un bilan sanguin pourra être réalisé à la recherche d’une rhabdomyolyse par le
dosage des CPK, ainsi que d’autres défaillances d'organes comme le rein et le foie, en

fonction de l’état clinique de patient.

Dépister les séquelles à distance :

Après plusieurs jours à semaines sans symptôme, les victimes peuvent développer un

syndrome post-intervallaire, particulièrement si une perte de connaissance ou des troubles de

la vigilance ont été présentés au moment de l’intoxication. Pour ces personnes il faudra que

les agents impliqués dans le suivi de ces victimes (CAPTV, médecin traitant et médecin du

travail), soient vigilants à dépister des signes d’altération des fonctions cognitives et

psychologiques vues précédemment, et ainsi programmer une imagerie cérébrale, de

préférence une IRM, une consultation avec un neurologue et éventuellement avec un

neuropsychologue pour un bilan des atteintes cognitives.

Enquête environnementale :

En réponse à l’alerte déclenchée lors du signalement à un CAPTV (par les pompiers, le

SAMU, les urgences, un médecin libéral ou du travail, un professionnel chauffagiste, un

particulier, un policier etc…), une déclaration est envoyée à l’ARS (Agence Régionale de

Santé), qui réalisera une enquête environnementale via sa délégation territoriale en

missionnant différents acteurs :

- La DREETS (Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des

solidarités)

- Le SCHS (Service Communal d’Hygiène et de Santé).

Grâce aux informations médicales recueillies par le CAPTV et aux informations récupérées

par l’enquête environnementale sur le lieu d’exposition et le(s) appareil(s) sources, des actions

de prévention collective pourront être mises en place (1).


Il est important de comprendre que la définition d’un cas d’intoxication aiguë reste délicate

car elle comporte un faisceau d’arguments cliniques et bio-métrologiques qu’il n’est pas

toujours possible d’obtenir au moment de l’accident. Il est donc fréquent de prendre en charge

une suspicion d’intoxication aiguë qui ne sera confirmée qu’après enquête médicale et

environnementale.

Pour homogénéiser le recensement des cas d’intoxication aiguë au CO sur le territoire

français, l’InVS a proposé en 2000 (1), la définition d’une liste de situations, basées sur des

paramètres clinico-biologiques et environnementaux, qui peuvent être définies comme des cas

certains d’intoxication :

- Un sujet présentant des signes cliniques évocateurs d’intoxication au CO et

un taux d’HbCO ≥ 6% chez un fumeur ou ≥ 3% chez un non-fumeur,

- Un sujet présentant des signes cliniques évocateurs d’intoxication au CO et

une concentration de CO mesuré dans l’atmosphère > 10 ppm,

- Un sujet présentant des signes cliniques évocateurs d’intoxication au CO

avec une installation défectueuse retrouvée après enquête,

- Un sujet avec un taux d’HbCO mesurée dans le sang ou estimée (dans l’air

expiré) ≥ 6% chez un fumeur ou ≥ 3% chez un non-fumeur avec une

installation défectueuse après enquête,

- Sujet avec taux d’HbCO mesurée dans le sang ou estimée (dans l’air

expiré) ≥ 10% chez un fumeur ou ≥ 6% chez un non-fumeur,

- Sujet avec taux d’HbCO mesurée dans le sang ou estimée (dans l’air

expiré) ≥ 6% chez un fumeur ou ≥ 3% chez un non-fumeur avec une


exposition dans les mêmes conditions (locaux, véhicule…) qu’un patient

appartenant à une des catégories précédentes,

- Sujet présentant des signes cliniques évocateurs d’intoxication au CO

associé à un sujet exposé dans les mêmes conditions (locaux, véhicule…)

qu’un patient appartenant à une des catégories précédentes.

b. Préventive

Métrologie et réglementations :

L’atmosphère des postes de travail exposés au CO doit respecter la valeur limite d’exposition

professionnelle (VLEP) suivante : 55 mg/m3 (soit 50 ppm) (6).

Par ailleurs, il est recommandé de procéder à un diagnostic des appareils dès que la teneur en

CO dépasse 10 mg.m-3 (soit 10 ppm) pendant plus d’une minute.

Les autres indices utilisés comme repères pour évaluer la dangerosité de ce gaz en France

sont (1)(7) :

- IDLH (immediately dangerous to life and health) : 1200 ppm

- VLCT (valeur limite d’exposition court terme) : 100 ppm (1 ppm = 1,14

mg/m3) et de manière plus précise :

▪ 87 ppm (100 mg/m³) pendant 15 minutes

▪ 52 ppm (60 mg/m³) pendant 30 minutes

▪ 26 ppm (30 mg/m³) pendant 1 heure


▪ 9 ppm (10 mg/m³) pendant 8 heures (également appelée VLEP-

8heures)

Ces valeurs ont été établies pour que le taux de 2,5 % d'HbCO ne soit pas dépassé, même si le

sujet se livre à une activité physique légère ou modérée.

Rôle du médecin du travail et des acteurs de prévention en santé au travail

Il faut chercher avant tout à substituer ce produit de combustion par un produit ou un procédé

non ou moins dangereux.

Le médecin du travail et les acteurs de prévention en santé au travail devront avertir dès

l’embauche et lors des visites périodiques, du risque lié au monoxyde de carbone, en

s’assurant que le salarié à une bonne connaissance des signes d’intoxication, des gestes

d’urgence, et des mesures de prévention. Le médecin devra également dépister les sujets à

risque d’intoxication grave et statuer sur leur aptitude ou non à exercer sur des postes à

risques. Le code du travail (articles D.4153-36 et D. 4152-10) (6) statue sur l’interdiction aux

mineurs d’occuper des postes à risques d’exposition au CO et pour les femmes enceintes

d’être en contact avec des agents toxiques pour la reproduction (R1) dont le CO fait partie.

Le médecin pourra s’appuyer sur des mesures atmosphériques et dans le sang facilement

réalisables et disponibles afin de s’assurer d’un risque d’exposition mal établi.

Les procédures d’urgence doivent être définies et diffusées auprès de tous les salariés, en

particulier auprès des secouristes du travail.

Les salariés doivent avoir accès facilement à des masques ad hoc, type hopcalite ou à

adduction d’air en cas d’accident, afin de porter secours aux victimes en sécurité et d’éviter le

phénomène d’intoxications en série.


Du fait de l’inflammabilité du CO, il est préférable de favoriser un équipement électrique anti-

étincelle.

Les locaux de travail où sont manipulés des appareils sources de CO doivent bénéficier d’une

bonne ventilation, et éventuellement de l’installation de détecteurs.

Une vérification périodique des réglages de ces appareils devra être effectuée de manière à

minimiser la production de CO par une combustion la plus complète possible.

Des mesures d'ordre organisationnel devront être mises en place comme la limitation du

temps de travail aux postes exposés.

Le médecin du travail sera également un acteur de prévention secondaire en dépistant les

séquelles neuropsychologiques à distance d’une intoxication, pouvant se manifester par une

difficulté à reprendre ou à effectuer son travail. Il pourra ainsi déclencher une prise en charge

adaptée en lien avec le médecin traitant, le neurologue. Si des séquelles sont présentes, il

devra mettre en place des mesures d’adaptation du poste de travail en fonction du bilan

neuropsychologique.

Réparation :

Les intoxications aiguës au CO professionnelles sont reconnues depuis 1974 comme maladie

professionnelle sous le tableau n°64 (pour le régime général) et le tableau n°40 (pour le

régime agricole).

Le délai de prise en charge est de 30 jours. La prise en charge au titre de cette maladie

nécessite un tableau clinique associant 4 symptômes simultanés, associé à un taux de CO de

1,5 ml/100 ml de sang (6).

CONCLUSION
L’intoxication au CO est un risque important à connaître pour le médecin du travail car il peut

entraîner des accidents du travail potentiellement graves. Ce risque peut se retrouver dans de

nombreux secteurs d’activité, dont les plus fréquemment retrouvés sont importants à connaître

(le BTP, les ateliers en usines, les lieux d’interventions des techniciens chez des particuliers,

et le milieu agricole) afin d’identifier les entreprises à risque. De plus, il est important de se

rappeler des appareils sources principalement incriminés (engins à moteur thermique,

appareils de chauffage, groupes électrogènes et fours) afin de cibler la prévention auprès des

salariés exposés à l’utilisation de ces appareils, d’autant plus qu’ils présentent des facteurs de

risque d’intoxication grave. Les actions de prévention peuvent se situer au niveau primaire,

secondaire et tertiaire pour le médecin du travail. Sur le plan collectif, il s’agira de réduire

l’apparition du risque par des conseils aux entreprises tels que la pose de détecteurs de CO,

l’installation d’une ventilation adaptée, des contrôles périodiques des engins à risque, la mise

en place de procédures d’urgences et sa bonne assimilation par les salariés. Au niveau

individuel, il s’agira d’informer chaque salarié à l’embauche et périodiquement lors des

visites de suivi, du risque et des mesures de prévention associées. Il devra également repérer

les profils à risque d’intoxication grave et tenter au maximum de les écarter des postes les

plus exposés. Le médecin peut également avoir un rôle à jouer concernant le maintien dans

l’emploi pour les salariés victimes d’intoxications compliquées de séquelles

neuropsychologiques, et peut les accompagner également dans une déclaration en maladie

professionnelle.

REFERENCES
1. Ministère des Solidarités et de la Santé. Circulaire interministérielle DGS/7 C n° 2004-
540 du 16 novembre 2004 et DGS/SD7C/DDSC/SDDCPR relative à la surveillance des
intoxications au monoxyde de carbone et aux mesures à mettre en œuvre [Internet].
2004. Disponible sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2004/04-
50/a0503299.htm
2. Verrier A, de Bels F. Les intoxications au monoxyde de carbone survenues en France
métropolitaine en 2007. :12.

3. François TESTUD. Intoxications au monoxyde de carbone. In: Toxicologie médicale


professionnelle et environnementale. Edition ESKA. 2018. p. 101 à 108.

4. Normand J-C, Durand C, Delafosse B. L’intoxication aiguë au monoxyde de carbone :


un risque professionnel persistant. Archives des Maladies Professionnelles et de
l’Environnement. juin 2011;72(3):240‑5.

5. Dos Santos E, Villa A, Garnier R, Dufayet L, Langrand J. Surveillance and Analysis of


Occupational Carbon Monoxide Poisoning in the Paris Region. Annals of Work
Exposures and Health. oct 2017;61(8):986‑93.

6. INRS. Monoxyde de carbone - Fiche toxicologique n’°47 [Internet]. INRS santé et


sécurité au travail. 2021. Disponible sur :
https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_47&sect
ion=generalites

7. Lauwerys R, Haufroid V, Hoet P, Lison D. Intoxication au Monoxyde de Carbone. In:


Toxicologie industrielle et intoxications professionnelles. Elsevier Masson. 2007. p. 807
à 816.

8. Alary R, Cabanes P-A, Le Moullec Y, Mullot J-U, Peel A-E. AFSSET- Valeurs guides
de qualité d’air intérieur -Le monoxyde de carbone - rapport d’experts. In 2007.
Disponible sur : https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2004etVG003Ra.pdf

9. Paquet F. ANSES -Valeurs limites d’exposition en milieu professionnel - Le monoxyde


de carbone - rapport d’expertise collective. In Anses Editions; 2021. Disponible sur:
https://www.anses.fr/fr/system/files/VLEP2007sa0422Ra.pdf

10. Weaver LK, Churchill SK, Deru K, Cooney D. False Positive Rate of Carbon Monoxide
Saturation by Pulse Oximetry of Emergency Department Patients. Respir Care [Internet].
2012 [cité 3 févr 2022]; Disponible sur:
http://www.ingentaconnect.com/content/jrcc/rc/pre-prints/rc01744r2weaver

11. Sivanandamoorthy PM, N. Heming, D.Annane. Intoxication au monoxyde de carbone.


EMC - Anesthésie-Réanimation. janv 2022;41(1).

12. Buckley NA, Juurlink DN, Isbister G, Bennett MH, Lavonas EJ. Hyperbaric oxygen for
carbon monoxide poisoning. Cochrane Injuries Group, éditeur. Cochrane Database of
Systematic Reviews [Internet]. 13 avr 2011 [cité 14 mars 2022]; Disponible sur:
https://doi.wiley.com/10.1002/14651858.CD002041.pub3
Figure 1 : diagramme montrant l’évolution de la prévalence des intoxications au CO
professionnelles et non professionnelles entre 2016 et 2021 au CAPTV d’Angers

Intoxications aiguës au Population générale Population professionnelle


CO

Effectifs 3411 325

Âge moyen 35,7 ans |+/- 22,6] 38,8 ans [+/- 13,2]

% femmes 50,9 % 33,3 %

Mortalité 1,3 % 0%

Lieux d’exposition Domicile : 85 ,0 % Usine et atelier : 18,8 %


Habitation : 13,8 %
Chantier : 7,4 %
Agriculture : 7,1 %
Restaurant / Bar /Cafeteria : 6,2 %
Inconnue : 31,4 %
BTP : 3,1%
Cuve : 0,9%

Gravité 0 : 35,8% 0 : 23,6 %


1 (faible) : 52,2 % 1 : 66,9%
2 (moyenne) : 8,8 % 2 : 8,9 %
3 (forte) : 3,0 % 3 : 0,6 %

Evolution Guérison : 97,9 % Guérison : 98,9 %


Décès : 1,3 % Décès : 0 %
Séquelles : 0,9 % Séquelles : 1,1 %

Appareils Appareils de Chauffage : 2,6 % Moteurs thermiques : 2,8 %


Moteurs Thermique : 2,0 % Appareils de chauffage : 2,5%
Groupe électrogène : 0,9% Four : 1,5 %
Groupe électrogène : 1,2 %

Tableau I : Résultats des données du CAPTV d’Angers entre 2016 et 2021

Intoxication aiguë Intoxication chronique

Délais pour atteindre le 1h30 6h


taux maternel

Pic fœtal 2 fois supérieur au taux 15-20 % supérieur au taux


maternel maternel

Demi-vie d’élimination 2h chez la mère et 7 h chez le fœtus

Tableau II : la toxicocinétique materno-fœtale du CO (3)

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