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24/07/2023 12:44 Les congés illimités, un rêve sous étroites conditions | Alternatives Economiques

TRAVAIL
Les congés illimités, un rêve sous étroites conditions
LE 21 JUILLET 2023 6 min

Une dizaine d’entreprises françaises permettent à leurs salariés de prendre des congés
« illimités », mais derrière ce terme qui fait rêver, le dispositif reste, au contraire, limité.

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PHOTO : Charles Monnier

Par Chloé Rabs (url:/users/chloe-rabs)

Prendre des vacances sans compter. Aux Etats-Unis, au Canada, et même en France, des entreprises
ont fait le choix de déplafonner le nombre de jours de vacances autorisés et payés.

Tout droit débarqué de la Silicon Valley, le dispositif des congés illimités a été popularisé par des
entreprises exerçant souvent dans le monde de la tech comme Netflix, LinkedIn, Microsoft ou
Adobe. Mais très loin de l’idée d’accorder six mois de vacances par an aux collaborateurs, les

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entreprises mettent en avant la volonté d’offrir de la flexibilité, tout en responsabilisant les salariés.

Aux Etats-Unis, environ 6 % des employeurs américains ont adopté cette modalité selon une
enquête de la Society for Human Resource Management. En France, les employeurs sont plus timides.
Seules une dizaine d’entreprises se sont lancées dans l’expérience. Et pour cause, les congés
illimités sont « légalement impossibles à mettre en place dans l’Hexagone », soutient François Taquet,
avocat et professeur en droit du travail.

« C’est surtout un outil d’affichage pour les entreprises, qui espèrent en réalité que leurs salariés
prennent moins de vacances que le minimum légal. »

Alors que de l’autre côté de l’Atlantique, les entreprises – en l’absence de réglementation – n’offrent
pour la plupart que dix à vingt jours de congés payés par an, en France, les salariés ont en effet le
droit à cinq semaines de congés payés. Les employeurs ne peuvent donc pas y déroger.

« Le dispositif n’intervient qu’après avoir épuisé ses congés légaux, cela ne peut être que du
supplémentaire », rassure Charles Chantala, directeur commercial chez Indeed France
(150 salariés), qui a mis en place ce dispositif depuis 2016.

Même fonctionnement chez Alan (530 salariés), une start-up dans le domaine de l’assurance santé
qui préfère parler de « congés flexibles ». Cette mesure est nécessaire afin que les congés non pris
soient bien indemnisés en cas de départ des salariés.

« La politique de congés flexibles offre avant tout une souplesse adaptée aux besoins des employés
qu’on essaye d’accompagner dans tous les moments de la vie », précise Juliette Raimbault, « People
lead » ou responsable des compétences au sein de cet assureur.

Des effets variables selon les pays


Alors comment ça marche ? Selon les entreprises qui ont mis en place ce dispositif, l’objectif est
d’offrir un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Chez Indeed, les salariés
qui souhaitent bénéficier de la mesure en parlent tout d’abord à leur équipe et soumettent ensuite
une demande à leur manager.

« Le processus est encadré. Refuser la demande si la charge de travail est trop importante ou si cela
va à l’encontre des intérêts fondamentaux de l’entreprise reste la prérogative du manager. »

D’autres directions font, elles, le choix de la liberté totale. C’est le cas d’Anikop (34 salariés), une
entreprise d’informatique lyonnaise. « Il n’y a aucun contrôle. Les congés sont validés
automatiquement jusqu’à cinq jours et les salariés peuvent les déposer le matin même », indique le
directeur Nicolas Perroud.

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D’après une enquête réalisée aux Etats-Unis en 2022 de la société Namely, spécialiste des ressources
humaines, ceux qui bénéficient en principe de congés illimités ont pris onze ou douze jours de
congés, ce qui correspond précisément à la moyenne de la plupart des salariés américains, selon
une étude du Bureau of Labor Statistics.

Dans certaines entreprises, le dispositif a même eu l’effet inverse. Charlie HR, basé à Londres, a
ainsi arrêté l’expérience après s’être rendu compte que les salariés prenaient moins de vacances
qu’avant.

En France toutefois – grâce aux congés légaux – le pari est davantage réussi. Chez Luko
(180 salariés), une entreprise de produits d’assurance, « les salariés prennent en moyenne 37 jours de
vacances par an », comptabilise Florian Giraud, secrétaire général – soit presque une semaine de
plus que la moyenne française. Même résultat du côté d’Indeed où, dans le monde, les
collaborateurs prennent en moyenne six à huit jours de congés « supra-légaux ».

Salariés et employeurs sceptiques


Mais malgré ses belles promesses, le concept de congés illimités ne convainc pas tout le monde.
Selon une étude réalisée par SD Worx, prestataire européen de solutions et de services RH, 46 %
des salariés n’ont pas d’avis sur la question et 15 % affirment être contre.

Autrement dit, moins d’un salarié sur deux y serait favorable, tendance visible aussi bien dans
l’Hexagone que plus largement en Europe. Du côté des employeurs, l’étude relève les mêmes
réticences. Un tiers n’a pas d’avis, un second tiers est pour, et enfin le dernier tiers pense que c’est
une mauvaise idée.

« Ce modèle américain est difficilement transposable car, en France, les salariés ont un nombre de jours
de congés relativement élevé et il existe une vraie inquiétude dans les boîtes pour que les gens réussissent
à tous les prendre. Je ne vois donc pas vraiment l’intérêt », livre Pascale Levet, professeure associée en
sciences de gestion, à l’Université Jean-Moulin-Lyon-3.

Surtout, ce dispositif pourrait pousser les salariés à une productivité accrue, à leurs propres dépens.
« Le piège est que les salariés se mettent la pression et augmentent l’intensité de travail pour finir au plus
vite leurs missions et prendre des congés. Cela entretient l’usure professionnelle et ce n’est pas
soutenable », appuie Pascale Levet.

« Lorsque c’est bien fait, ça marche »


Autre limite pointée par Sébastien Hof, psychologue du travail, ce concept revient sur les
fondamentaux du contrat de travail liant l’employeur et le salarié :

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« L’employeur se doit de remplacer le salarié qui en congé, d’organiser l’activité professionnelle et la


charge de travail. Or, si l’on part du principe que c’est au salarié de gérer ses propres congés, cela
déresponsabilise l’employeur de ses obligations et inverse la charge. »

Chez Anikop, une charte morale écrite par les collaborateurs prévoit ainsi que les salariés qui
posent leurs congés doivent s’assurer que cela ne mette pas en péril un projet ou n’empêche pas
quelqu’un d’autre de partir.

Pour les entreprises, forcément, les congés illimités comportent un coût financier dès lors qu’ils
viennent se rajouter aux congés légaux. Toutefois, toutes parlent d’une opération gagnant-gagnant.
Et si les expériences citées sont plutôt positives, les dirigeants sont conscients d’évoluer dans un
milieu propice à la mise en place de ce type de procédure.

Ce cadre favorable suppose une petite structure, une échelle hiérarchique réduite, une population
de cadres, une forte culture d’entreprise et une vision très claire des objectifs, précise le directeur
commercial d’Indeed France. « Ce n’est pas un dispositif qui peut être instauré dans toutes les
entreprises, mais, lorsque c’est bien fait, ça marche. »

Retrouvez notre dossier « Bosser moins pour bosser mieux » (url:https://www.alternatives-


economiques.fr/bosser-bosser-mieux/00107549)

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