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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO

Faculté de Droit, d’Economie, de Gestion et


de Sociologie
DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
……………………………………………………………………………………………

Mémoire de maitrise

LES RITUELS FAGNEFANA BETSILEO


Etude et enquête dans la commune Rurale d’Ambalamahasoa,

District Lalangina, Région Haute Matsiatra

Présenté par
RAKOTOSOLO Njarasoa Harilalaina
Président du jury
Professeur RAJAOSON François
Juge
Monsieur RASOLO André, Maitre de conférences
Rapporteur
Monsieur RASOLOMANANA Denis, Maitre de conférences

Date de soutenance : 31 juillet 2012

Année Universitaire 2011-2012


LES RITUELS FAGNEFANA BETSILEO

Etude et enquête dans la commune rurale d’Ambalamahasoa, District de


Lalangina, Région Haute Matsiatra
REMERCIEMENTS
Rendons gloire et honneur au Dieu Tout Puissant pour sa garde et son éternelle
bénédiction qui nous donne la force et le courage d’entamer tout ce que nous voulons et
devons entreprendre.

Une grande reconnaissance est également exprimée à :

Monsieur Le Professeur RAJAOSON François, Président du Jury pour nous avoir fait
l’honneur en présidant la soutenance de mémoire ;

Monsieur RASOLO André, juge pour avoir accepté d’être membre du jury ;

Monsieur RASOLOMANANA Denis, Enseignant Encadreur et Rapporteur, pour sa


précieuse contribution dès le début de nos recherches malgré ses responsabilités ;

De sincères remerciements aussi à toutes les hautes personnalités, notables et les


familles organisatrices des cérémonies et rites coutumières « fagnefana » auxquelles nous
avons pu assister ; les habitants de la région, pour leur bonne volonté durant nos enquêtes et
sans qui nous n’aurions pas ces résultats, en particulier Messieurs : R Jeannot et Ratsimba
pour avoir facilité nos investigation vu la difficulté de la gestion de ces événements
familiaux ;

Il en est de même pour tout le personnel enseignant du Département de Sociologie qui


nous a donné tout notre bagage intellectuel durant notre parcours au sein du Département ;

Tout le personnel administratif au sein du département ;

Enfin, une profonde reconnaissance à toute notre famille et nos proches pour leur
soutien matériel, moral et surtout financier.

Pour toute l’aide et les informations données gratuitement sur le terrain m’ont été
précieuses dans l’élaboration de ce mémoire.

Que tous ceux qui de près ou du loin ont contribué à la réalisation de ce mémoire
trouvent encore ici l’expression de nos sincères remerciements
SOMMAIRE
AVANT PROPOS
REMERCIEMENTS
LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES IMAGES
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : CADRE THEORIQUE

Chapitre 1.CONSIDERATION THEORIQUE DE BASE


Section1- Définitions de quelques concepts clés
Section 2- Quelques théories du rite
Chapitre 2.CONSIDERATION GENERALE DES PRATIQUES CULTURELLES A
MADAGASCAR
Section 1- Aspects de l’héritage culturel malgache
Section 2- Les théories à l’origine des rituels malgaches
PARTIE II : LE RITUEL FAGNEFANA BETSILEO

Chapitre 1.ELEMENTS MONOGRAPHIQUES


Section 1-Aperçu général de l’espace socioculturel
Section 2-Les différentes ressources et infrastructures de la commune
Chapitre 2.LES RITUELS FAGNEFANA ET L’ENVIRONNEMENT SOCIOLOGIQUE
Section 1-Portrait d’un rite commun
Section 2-Les étapes du rituel fagnefana
PARTIE III : ANALYSES, INTERPRETATION ET REFLEXIONS

Chapitre 1.VALEUR CULTURELLE DU FAGNEFANA


Section 1-Le fagnefana et ses aspects
Section 2-Les fonctions culturelles du fagnefana
Chapitre 2.ANALYSE SUR LA VIE SOCIOCULTURELLE BETSILEO
Section 1-Le forces sociale du rituel fagnefana
Section 2-La dynamique socioculturelle betsileo
Chapitre 3.FAGNEFANA FACE AU DEVELOPPEMENT
Section 1-Fagnefana et problème socio-économique
Section 2-Réflexion sur les rapports entre culture et développement
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE,
TABLE DES MATIERES,
ANNEXES
LISTE DES ABREVIATIONS

CEG : Collège d’Enseignement General


CSB : Centre de Santé de Base
EPC : Ecole Primaire Catholique
EPL : Ecole Primaire Luthérienne
EPP : Ecole Primaire Public
PPN : Produit de Premier Nécessité
RN7 : Route National N°07
VOZAMA : VOnjeo ny ZAza MAlagasy
VAOFA : VAOmieran’ny FAhasalamana
LISTE DES TABLEAUX

Tableau N°01 : Liste de Fokontany, localisation, et distance par rapport à la commune


Tableau N°02 : Tableau récapitulatif de la condition climatique du milieu
Tableau N°03 : Hydrographie
Tableau N°04 : Taille de ménage, taux de fécondité et taux de natalité
Tableau N°05 : Répartition de la population par fokontany
Tableau N°06 : Formation culturelles
Tableau N°07 : Tableau récapitulatifs du rituel fagnefana et famadihana
Tableau N° 08 : Tableau récapitulatifs des dépenses
LISTE DES IMAGES
Image N°01 : La commune rurale d’Ambalamahasoa

Image N°02 : Les établissements scolaires

Image N°03 : Le Centre de Santé de Base

Image N°04 : Tombeau de forme traditionnelle construit avec des pierres locales

Image N°05 : Les tokolava (trépieds traditionnels)

Image N°06 : Le part du razana (offrande de riz et viande crue)

Image N°07 : Les invités et leurs dons

Image N°08 : Le sacrifice de zébu (sur le lieu du tombe)

Image N°09: Le repas commun

Image N°10 : Le kabary et grillade de viande du rite saotsa

Image N°11 : Le sao-drazana

Image N°12 : Le vatolahy

Image N°13 : Le tranondrazana, valanomby, trano maitso

Image N°14 : L’entrée des invités

Image N°15 : Le mpisaotsa

Image N°16 : Les familles face au razana dans la maison ancestrale

Image N°17 : Les assistants au rite « saotsa »

Image N°18 : Le toa-drazana

Image N°19 : Le tolon’omby

Image N°20 : Le sacrifice de zébu (dans le valan’omby)

Image N°21 : Le henan-tsaotsa avant grillade

Image N°22 : Le henan- tsaotsa grillée

Image N°23 : Le rite sao-drazana


INTRODUCTION GENERALE
Selon Max Weber « la science sociale appartient à la catégorie des sciences de la
culture »1. Ce qui est confirmé par Edward Tylor : « la culture ou la civilisation est une réalité
complexe qui comprend les connaissances, les croyances, les arts, les lois, les morales, les
coutumes et toute autre capacité ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la
société »2.

Cette définition stipule l’existence d’un rapport étroit entre une société et sa culture.
Elle souligne également le rôle de l’apprentissage car la culture est le domaine de ce qui est
acquis par l’apprentissage au sein d’une société donnée.

Ce qui revient à dire que l’anthropologie de la culture est un instrument de découverte


et d’étude des diverses réalités socioculturelles pour une société donnée.

Cette discipline intervient principalement dans l’étude des éléments socioculturels des
sociétés traditionnelles. Elle nous permet donc une prise de conscience de la diversité des
cultures, et fait comprendre l’être profond des sociétés.

L’anthropologie de la culture est une discipline à la fois théorique et appliquée. Il


convient alors de réaliser une analyse au sein d’une société vivante déterminée. Pour cela,
nous avons choisi un espace culturel betsileo comme terrain d’enquête et d’investigation.

Ainsi, nous avons choisi le thème : « Les Rituels Fagnefana Betsileo. Etude et enquête
dans la Commune rurale d’Ambalamahasoa, District Lalangina, Région Haute Matsiatra ».

Choix du thème

Le choix du thème repose sur le fait que Madagascar est un pays dont la majorité de la
population se trouve dans le milieu rural. Ce qui fait que le développement et la lutte contre la
pauvreté doivent commencer dans les campagnes, plus précisément par l’amélioration des
conditions de vie des paysans. Mais pour y arriver, il est très important de connaître leur
culture, leur manière de penser et de faire, ainsi que les conditions favorables et adaptées à ces
milieux cibles. Zone éloignée de la ville, habitée par une population à majorité paysanne, cette
zone représente un aspect du monde rural malgache.

1Max weber, Essais sur la théorie de la science. L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales. Premier essai
(1904)
2Tylor, 1871, p. 1 ; études de terrain au Brésil

1
Malgré les évolutions technologiques et les divers changements dans le monde actuel
y compris à Madagascar, les coutumes et rituels tiennent toujours une place considérable dans
la vie des gens, surtout en milieu rural.

A chaque fois qu’un événement heureux ou malheureux arrive dans la vie, on se


retourne vers les ancêtres afin de demander la bénédiction et/ou protection nécessaires. D’où
la persistance des différents rituels dans la Grande Ile.

L’anthropologie de la culture ne consiste plus seulement alors à décrire les croyances


et les pratiques relatives, mais à les analyser en vue de revaloriser la place de la culture
d’identité face à l’ingérence étrangère et aux inévitables contacts avec d’autres cultures.

D’ailleurs, les nombreux discours sur les questions de conservation, de préservation de


la culture d’identité, le respect de la tradition non seulement à Madagascar mais aussi dans de
nombreux pays du monde, par rapport aux autres discours sur la nécessité d’une culture
moderne, de changement et de développement nous ont incité à faire une focalisation sur cette
étude socioculturelle.

Il convient ensuite d’exprimer notre intérêt pour notre sujet qui nous paraît pertinent
dans la mesure où d’une part, la conservation de la tradition n’est plus d’actualité, considérée
comme « un fait dépassé de mode », n’intéressant plus la plupart des gens, et qualifiée en plus
comme blocage au développement, face à la prépondérance de la culture étrangère par rapport
à la culture locale, surtout en milieu urbain à Madagascar. Et d’autre part, selon nos
observations, la culture est une notion très présente dans les esprits des fidèles à la tradition en
milieu rural, elle assure et maintient leurs relations sociales, la cohésion et la solidarité malgré
l’intégration des cultures modernes. Il n’est jamais trop tard alors pour étudier, montrer et
analyser la culture et son importance dans la vie des paysans qui y tiennent toujours.

En effet, longtemps méconnues à cause de la colonisation, du christianisme ou de la


mondialisation, voire mises à l’index, certaines traditions ancestrales fondées sur le culte des
ancêtres, relues sous l’angle de l’anthropologie sociale, retrouvent leur dignité. Nous,
Malgaches, nous allons donc étudier nous-mêmes notre société dans le but de mieux la
connaître pour la respecter mais aussi pour la faire connaître aux autres.

Et en tant qu’apprenti sociologue, notre objectif en abordant ce sujet est d’essayer de


percer à travers la culture locale son importance par l’observation et l’analyse du rituel
« Fagnefana » chez les Betsileo. De plus, un autre objectif de la recherche est de montrer si ce
rituel est un facteur ou un blocage pour le développement.

2
Objectifs généraux :

- Identifier la pratique culturelle betsileo et la spécificité régionale ;

- Chercher en profondeur pourquoi le« Fagnefana » est entrepris ;

-Déterminer la conception du « Razana » et sa répercussion sur la vie des paysans ;

-Identifier les raisons principales, les motivations, les manières de penser et d’agir des
pratiquants ;

-Identifier les aspects ;

-Identifier les rapports entre pratique culturelle et dynamique sociale betsileo ;

-Enfin, identifier des prospectives adaptées aux réalités locales si nécessaire pour que
la culture traditionnelle ne soit pas jugée comme blocage au développement.

Objectif spécifique :

L’objectif principal est alors de mettre en évidence l’existence de ce rituel et son


importance dans la vie des pratiquants et conservateurs de la pratique.

Problématique :

A partir de ces objectifs se dégage la formulation de notre problématique : pour

quelles raisons faut-il pratiquer le rituel « Fagnefana » et pourquoi le

« Razana »occupe-t-il tant de place dans la société betsileo ?

Hypothèses :

D’après les informations acquises au cours de la phase de documentation et de pré-


enquête, nous avons tiré les hypothèses suivantes :

- Le rituel « Fagnefana » est un acte de reconnaissance envers les « Razana » et/ou


accomplissement des devoirs envers eux ;

- L’image d’une personne au sein de la famille et de la société l’incite à accomplir le


« Fagnefana » ;

- Les gens qui vivent en Tanindrazana s’attachent beaucoup au « Razana » ;

- Le respect et la crainte des Razana ont leur place dans la société paysanne ;

- Le développement du milieu rural est lié avec la tradition.

3
Méthodologie :

Les théories et approches

Dans le cas de l’anthropologie, le questionnaire polysémique et instable de l’objet d’étude


implique le recours aux principes et disciplinarités c'est-à-dire à l’utilisation simultanée et
articulée ou successive de tous les méthodes et instruments d’analyses ; entre autres le
fonctionnalisme, l’ethnométhodologie et l’actionnisme.

Le fonctionnalisme de R Brown : la place des ancêtres au sein de la vie sociale


betsileo est rattachée à la théorie fonctionnaliste de R Brown. Selon lui, le concept de fonction
se fonde sur une analogie entre la vie sociale et la vie organique c'est-à-dire la
complémentarité des fonctions de chaque élément. L’harmonie se produit lorsque chaque
élément accomplit sa fonction suivant le rôle et le statut que lui sont attribués. La vie
organique est la totalité fonctionnelle. Ainsi, l’analyse fonctionnelle de la culture part du
principe que : dans les types de civilisation, chaque coutume, chaque objet matériel, chaque
idée et chaque croyance remplissent une fonction vitale et représentent une partie
indispensable à l’ensemble.

L’actionnisme d’A Touraine : explique la participation de chaque membre de la


société à la célébration des rituels betsileo. Selon lui, les individus ne sont pas de simples
agents passifs mais au contraire, ils sont des « acteurs sociaux » qui constituent la pièce
maîtresse ou le noyau de la société. Et d’après « l’actionnisme » d’A Touraine, l’analyse
d’une société repose sur les principes qui motivent « l’action individuelle ». Ces principes
orientent, construisent et reconstruisent selon la logique de conditions psycho-sociales
individuelles, la réalité sociale.

L’ethnométhodologie de H. Garfinkel : c’est une méthode d’approche de la société,


non pas dans sa globalité ou sa totalité mais d’un point de vue de microsociétés qui évoluent
et interagissent pour donner la logique sociale globale. L’intérêt de cette méthode porte sur les
interactions entre les individus et la scène sociale. Cette approche tient compte de l’individu
en situation, c’est-à-dire dans les circonstances pratiques, successives, le groupe. Egalement
l’espace et le temps au sein desquels il évolue.

Ainsi, notre méthodologie s’appuie sur l’analyse qualitative des données de terrain.
Issue de l’ethnologie, elle fonde son argumentation sur l’approche ethnographique qui
consiste à recueillir les données dans un échantillon restreint de population, à l’échelle de la

4
communauté, du village ou du groupe social. Elle travaille à partir de l’interprétation de ces
données qu’elle relie à leur contexte économique, social, religieux, historique, etc.….

Chacun de ces aspects se rapporte exclusivement à l’interprétation de ces rituels. Et


comme cette étude concerne toute une culture, le travail monographique a été indispensable.
Ici entre autres, les recherches géographiques, coutumières ont été mises en exergue.

Techniques de travail

Au départ, les recherches documentaires ou bibliographiques. Elles ont consisté à


rechercher la documentation existante traitant de tout ou partie du thème d’étude. Cet exercice
avait pour but de prendre en compte les données et informations contenues dans les travaux
antérieurs.
Puis, les recherches sur terrain à travers les observations participantes, des enquêtes
et des entretiens libres ont été privilégiés. Pour avoir les informations spécifiques, une série
d’entretiens ont été réalisés auprès des notables, des autorités, de la famille promotrice du
fagnefana et de la population. Notre technique d’échantillonnage à consisté à cet effet à
sélectionner les types d’individus à enquêter : les notables et les membres de la famille
promotrice du fagnefana (30) ; les leaders (mairie, fokontany, village : 10) ; les membres de la
communauté villageoise (30) et donc au total de 70 individus interviewés.
Ensuite, l’exploitation des données collectées. Les données collectées et synthétisées
ont fait l’objet de restitution préliminaire pour permettre la vérification des informations et de
les compléter par la suite. Les données supplémentaires à collecter ont alors pu mieux être
précisées. Des petites contre-enquêtes ont été nécessaires.
Enfin, à l’issue de l’analyse des informations recueillies, nous procédons à la rédaction
du présent mémoire.
Plan du travail
Il se divise en trois grandes parties :

La première partie présente le « CADRE THEORIQUE » de notre étude grâce à des


considérations théoriques afin de mieux le percevoir dans sa complexité et de pouvoir cadrer
nos analyses à partir de nos enquêtes.

La deuxième partie expose les « RITUELS FAGNEFANA BETSILEO ET SES


ASPECTS » par la description des éléments monographiques et celle du rituel fagnefana
proprement dit dans la commune rurale d’Ambalamahasoa.

5
La troisième partie nous permet de développer les résultats des enquêtes en faisant
des « ANALYSES, des INTERPRETATIONS et des REFLEXIONS »en fonction des avis
partagés par la population sur la pratique culturelle fagnefana, des appréciations sur la vie
socioculturelle betsileo et celle de la liaison entre contraintes de développement et les rituels
fagnefana.

6
PARTIE I : CADRE THEORIQUE

Savoir déceler l’objet de recherche constitue une étape majeure dans la démarche pour
une étude en sciences sociales. Il s’agit de présenter et décrire les concepts clés et les théories
à la base de notre thème d’étude afin de mieux comprendre et d’expliquer les conceptions et
les faits sociaux.

Il s’agit donc d’identifier comment les rites et les cultures traditionnelles sont
importants dans la vie des gens qui vivent surtout en milieu rural. Cette partie présente
comment l’anthropologie porte une attention spécifique dans la réalité socioculturelle
malgache. D’ailleurs, en mettant l’accent sur les conduites et le vécu, on s’interroge sur la
crise des pratiques traditionnelles face à l’émergence ici et là de rites nouveaux ou remodelés.

7
Chapitre 1. CONSIDERATIONS THEORIQUES DE BASE.

L’anthropologie socioculturelle étudie la variabilité sociale et culturelle des sociétés


humaines, tant du point de vue de leur organisation traditionnelle (parenté, politique,
économie, rapports entre les sexes, religion, écologie, santé, droit, technologie, etc.) que de
leur réalité contemporaine (migrations et exils, productions culturelles, mondialisation, etc.).

Pour l'anthropologue socioculturel, derrière une coutume, un rite, un récit ou même un


simple objet, c'est toute la société et la masse d'individualités qui se profilent et qu'il faut
décoder. Ceci se fait par un travail de recherche empirique qui se concentre sur les individus,
leur quotidienneté et leur vécu à des niveaux locaux.

Dans une recherche sociologique, la délimitation du cadre de recherche est très


importante. Dans ce cas, nous allons d’abord définir les concepts clés qui touchent notre
thème et par la suite, nous entamerons une approche théorique afin d’expliquer les faits et les
pensées.

Section1. Définitions de quelques concepts clés.

1- Rite

1.1. Généralités

Selon l’Encyclopédie en ligne Wikipédia : « Un rite ou rituel est une séquence


d'actions stéréotypées, chargées de signification (action « symbolique »), et organisées dans le
temps. Le rite n'est pas spontané : au contraire, il est réglé, fixé, codifié, et le respect de la
règle garantit l'efficacité du rituel »3... Le rite est un élément d'un rituel.

D’ailleurs elle ajoute que « Les rituels peuvent intervenir dans la plupart des
circonstances de la vie. On distingue ainsi des rituels sacrés (messe, prière…) et des rituels
profanes (vœux de Nouvel An, manifestations sportives…); des rituels sociaux (rites de
politesse, discours de promotion ou de fin d'année...) et des rituels privés (rites de la toilette,
de la séduction…) »4.

Cette situation explique que les sciences humaines dans leur ensemble s'intéressent à
la question : sociologie, psychologie sociale, anthropologie, histoire.

On peut dire ainsi que le rituel a une dimension collective et marque la vie sociale et
les périodes importantes d'une société. Il a aussi une dimension spatiotemporelle précise (à un

3 www.wikipedia.org/rite
4 idem

8
certain lieu et à un moment précis) qui instaure une coupure entre temps quotidien et temps du
rituel.

1.2. Le rituel

Avant d’entamer la suite de notre travail, nous jugeons utile de signaler dès le départ
que cette partie théorique s’est beaucoup inspiré de l’analyse faite par Jean Maisonneuve dans
son ouvrage intitulé Les rituels.5

Le rituel désigne le système de rites dont ceux-ci sont les composantes. Par exemple,
le rituel funéraire chez les malgaches comprend une pluralité de rites pour permettre
l’accession du défunt dans l’au-delà. L’adjectif « rituel » n’est autre alors que cette conformité
aux prescriptions du rite.

• Rites et rituels :

Tout d’abord, il faut reconnaître que les termes « rites » ou « rituel » ne sont pas
faciles à définir, d’autant plus qu’ils correspondent à un concept transdisciplinaire que l’on
rencontre chez les ethnologues, les sociologues, les psychologues sociaux, les psychanalystes,
sans parler du sens commun qui en fait parfois usage.

En ethnologie et en sociologie, « les rituels désignent un ensemble (ou un type) de


pratiques prescrites ou interdites, liées à des croyances magiques et/ou religieuses, à des
cérémonies et à des fêtes, selon les dichotomies du sacré et du profane, du pur et de l’impur ».
Une telle définition semble écarter les rites séculiers qui n’ont aucun rapport avec la magie ni
la religion.

En psychologie sociale, il s’agit de saisir la dimension interactionnelle d’une ritualité,


en s’attachant en sens vécu et au niveau de conscientisation des conduites chez les acteurs.

Mais les différentes disciplines semblent s’accorder sur certains points, à savoir au fait
que les rites désignent toujours des conduites spécifiques liées à des situations et à des règles
précises, marquées par la répétition.

Ainsi, le rite désigne ce qui se fait, s’accomplit selon la coutume traditionnelle tandis
que les rituels désignent l’ensemble des pratiques, des gestes rituels, l’ensemble des règles

5 MAISONNEUVE J. « Les rituels", Paris, PUF, col « Que sais-je»?

9
que l’on suit. Dans le rituel fagnefana par exemple, c’est un rite d’invoquer d’abord les
ancêtres avant la cérémonie.

Pour mieux cerner ce terme, il nous est commode de le comparer avec des mots
voisins et analogues, des notions adjacentes.

• Cérémonie-culte

Ces termes sont étroitement associés pour certains auteurs tandis que d’autres sont
tentés d’établir entre eux une distinction.

Premièrement, on fait de la cérémonie une catégorie très générale de la


communication sociale dont le rite serait la forme mystique qui peut prendre d’ailleurs un
caractère privé tel que la prière solitaire par exemple.

Deuxièmement, on désigne par culte ces pratiques spécifiques exprimant la vénération


(envers Dieu, une entité, une personne). Par ailleurs, l’étymologie « cérémonial » assimile
aussi le culte par le respect du sacré.

On appréhende alors le terme cérémonie aux formes ou aspects de pratiques


collectives fortement organisées.

• Coutumes routines

Evidemment, on est tenté facilement de réduire le rite à certains usages présentant un


caractère routinier et stéréotypé. Cependant, par la routine, on se contente de répéter sans
assimiler la raison et le sens de ce que l’on fait. On cherche toujours à se référer à certaines
valeurs, quelquefois constatées mais qui sont encore largement prégnantes sans toutefois en
comprendre la signification. Beaucoup de rites archaïques subissaient l’effet rongeur de la
routine ; certaines complications et preuves avaient pu aller jusqu'à la mutilation, sans que ces
rites soient pour autant absurdes ni gratuits.

Afin de mieux comprendre, on peut distinguer aussi « ritualité » et « ritualisme. Le


second a beaucoup de trait à la routine des comportements des rituels, dépourvue de
signification, elle tend facilement vers la caducité. A côté, le rite présente un caractère
immuable à travers de très longues périodes de temps et cela le distingue d’une simple
coutume. Il fait référence à des formes latentes ou à des valeurs insignes ; bref à certains
sacrés.

Toujours dans le but de mieux saisir le concept, il s’avère aussi indispensable de parler
un peu des éléments qui lui sont étroitement liés et de noter qu’il ne pourrait exister ni

10
fonctionner sans eux. Il s’agit des trois concepts : la foi, le sacré et le corps que l’on dénomme
les « corrélats du rite ».

On entend par « foi », cette attitude mentale rattachée à un ensemble de croyances à un


être suprême, à des forces occultes ou à des valeurs (idéales) qui revêtent pour le croyant un
caractère sacré. S’il peut exister des rites sans dieu et sans mystique, il ne saurait y avoir de
rite sans foi. 6

Etymologiquement, le sacré s’oppose au profane en désignant ce qui est séparé, le non


initié qui ignore les usages et les règles. Comme la notion de valeurs, vue précédemment le
sous-tend, le champ du sacré ne se borne exclusivement à la transcendance, la communication
avec un monde surnaturel, supra-humain, il peut concerner aussi le domaine de l’immanence,
rattachée à des valeurs séculières. C’est ainsi qu’on peut par exemple parler des lois sacrées
de l’hospitalité.7

Quant au troisième terme, on peut dire que sans le corps, la foi ne peut pas s’exprimer
et s’incarner. Il n’existe sans doute aucun rituel qui ne prenne le corps comme support direct
ou indirect de son action ou de son projet.

Après avoir épié les allées et venues du concept, on s’accorde alors à faire sienne la
définition de Jean Maisonneuve du rituel en ces termes : « C’est un système codifié de
pratiques, sous certaines conditions de lieu et de temps, ayant un sens vécu et une valeur
symbolique pour ses acteurs et ses témoins, en impliquant la mise en jeu du corps et certain
rapport au sacré »8.

2- Le rôle des rituels

Dans la problématique, nous parlons des raisons qui poussent les gens à pratiquer les
rituels, de l’importance du razana et de sa place dans la société betsileo. C’est pour cela que
doit être étudié le rôle des rituels.

Ainsi, nous posons la question : quels effets sociaux peuvent avoir le rite ? Le rituel
n'est plus alors seulement le signe d'une organisation sociale, il est l'un des moteurs de cette
organisation. C'est déjà le cas chez Durkheim qui décrit, dans Les formes élémentaires de la

6 MAISONNEUVE J. « Les rituels", Paris, PUF, col « Que sais-je»?


7 MAISONNEUVE J. « Les rituels", Paris, PUF, col « Que sais-je»?
8idem

11
vie religieuse, la fonction du rituel comme permettant de resserrer périodiquement le lien
social qui, de lui-même, aurait tendance à se dissoudre :

« […] les rites sont, avant tout, les moyens par lesquels le groupe social se réaffirme
périodiquement. »9

Je remarque au passage que Durkheim appelle « forme symbolique » cette forme, propre à la
religion, servant de travestissement à des enjeux sociaux :

« […] les intérêts religieux ne sont que la forme symbolique d'intérêts sociaux et moraux ».10

Il apparait que la seule définition ne semble pas suffisante pour mieux appréhender la
signification des rituels. Il faut la compléter par les objectifs visés. Qu’est-ce que l’on entend
vraiment avec ces pratiques quasi-inimaginables ? Cette question nous amène alors aux rôles
des rituels.

Selon l’approche psychologique, il importe de dégager les fonctions, les significations,


en se référant à la fois au climat groupal lors du déroulement du rite et au vécu propre des
acteurs, donc à l’ensemble des situations, sentiments, représentations dont il assure à la fois
l’expression et la régulation.

Les buts des rituels sont variés, avec des obligations religieuses ou des idéaux, la
satisfaction des besoins spirituels ou émotionnels des praticiens, le renforcement des liens
sociaux et l'éducation morale, la démonstration du respect ou de soumission, en indiquant son
appartenance, obtenir l'acceptation sociale ou d'approbation pour certaines événements ou,
parfois, juste pour le plaisir du rituel lui-même. Ainsi, au-delà des buts explicites : protection
divine, fécondité, intronisation, etc.…Maisonneuve assigne aussi aux rituels trois fonctions
majeures11 :

- Fonction de maîtrise du mouvant et de réassurance contre l’angoisse :

Les pratiques rituelles libèrent l’inquiétude humaine devant les péripéties de la vie. En
accomplissant le rite en honneur des ancêtres tel le fagnefana par exemple, les betsileo se
sentent libérés et tranquilles après avoir accompli leurs devoirs envers les ancêtres et les
sociétés et ont eu le courage de vivre et de réussir.

9 Durkheim E., Les formes élémentaires de la vie religieuse : 553


10 Durkheim E., Les formes élémentaires de la vie religieuse : 452
11MAISONNEUVE, Jean. Les rituels, Paris, P.U.F, 1988, p13

12
- Fonction de médiation avec le divin ou avec certaines formes et valeurs occultes
ou idéales :

Il s’agit d’une conciliation avec des puissances qui nous échappent : divinité, esprits
bénéfiques ou maléfiques, idéaux aléatoires. Reconnaissant ses limites face aux aléas de la
vie, l’homme recourt toujours à des opérations symboliques : gestes, signes, objets figuratifs
auxquels il prête une certaine efficacité. Tel est le sens par exemple des prières et des
invocations des ancêtres durant les rituels, dans le but de leur demander la bénédiction et la
protection nécessaire dans la vie.

- Fonction de communication et de régulation, par attestation et renforcement du


lien social :

Chaque société ou chaque communauté partageant le sentiment d’identité collective


éprouve toujours le besoin d’entretenir et de raffermir les croyances et les sentiments qui
fondent son unité. Cependant, cela ne peut pas être obtenu qu’au moyen de réunions, de
rassemblements où les individus réaffirment en commun leurs communes valeurs. C’est le cas
donc de toutes les fêtes religieuses ou cérémonies rituelles.

Généralement, on peut d’une manière synthétique déduire de toutes ces fonctions que
le rituel, malgré la forme irrationnelle et un certain attachement aux forces occultes, ne vise
que l’épanouissement effectif de l’être ; un être qui ne vit pas seulement dans le monde
sensible mais aussi dans le monde du spirituel ; un être non seulement individuel mais
également social. De plus, le rite favorise la tranquillité individuelle et collective. Son rôle est
de rendre possible et durable le bien-être psychique de l’espèce humaine. Par sa capacité à
réguler les angoisses, le rite demeure, sans aucun doute, une « technique » efficace pour le
maintien et le renforcement du lien social. L.-V. Thomas reconnaît bien cette fonction du rite.
Aussi pense-t-il « qu’une société ne peut vivre sans rites ». Le rite est une nécessité vitale en
ce sens qu’il nous aide à « négocier avec l’altérité ». C’est, en définitive, « une assurance
qu’on s’invente pour maîtriser l’épisodique et l’aléatoire »12.

12THOMAS, L.-V., Rites de mort. Pour la paix des vivants, Paris, Fayard, 1985, p.7-8. « Toute notre vie en est tissée : ceux qui ponctuent la
quotidienneté (la succession et l’agencement des repas, l’étiquette professionnelle) ; ceux qui marquent les temps forts de la vie personnelle
(naissance, mariage, décès) ou de la vie collective (intronisation d’un chef, commémoration d’un événement)... Il permet de dépasser
l’angoisse de l’incertitude face à une entreprise ou à une situation dont l’issue engage la sécurité de l’individu ou du groupe... Sa finalité
profonde est bien de sécuriser... »

13
3-L’action rituelle :

Un rituel peut être effectué lors d'occasions particulières, ou à la discrétion des


individus ou des communautés. Il peut être effectué par un seul individu, par un groupe, ou
par toute la communauté; dans des endroits arbitraires, ou dans des lieux spécialement
réservés pour elle ; soit en public, en privé, ou avec des gens spécifiques. Un rituel peut être
limité à un certain sous-ensemble de la communauté, et peut activer ou souligner le passage
entre les états religieux ou sociaux.13

Les rituels ont souvent un lien étroit avec respect, donc un rituel dans de nombreux
cas, exprime la vénération d'une divinité ou un état idéalisé de l'humanité.

Les rituels peuvent aider à créer un sens aigu de l'identité du groupe. Les êtres
humains ont utilisé des rituels pour créer des liens sociaux et même nourrir les relations
interpersonnelles. Par exemple, presque toutes les fraternités et sororités ont des rituels dans
leur structure, à la structure formelle de la convocation d'une réunion. Ainsi, de nombreux
aspects du rituel et des procédures rituelles sont ancrés dans le fonctionnement de ces
sociétés.

Parallèlement à la dimension personnelle du culte et de la vénération, les rituels


peuvent avoir une base plus sociale dans l'expression de la fonction, la fixation et le
renforcement des valeurs et des convictions partagées d'une société. On peut dire alors que les
rituels ont une fonction plutôt sociale.14

Section 2. Quelques théories du rite

1. Le rite et efficacité symbolique

C’est Durkheim qui a abordé en premier le problème. Il l’a attaqué alors sous l’angle
de la psychosociologie. Partant d’étonnement et de questionnement : « comment les hommes
ont pu en avoir l’idée et surtout comment ils y sont restés si fidèlement attachés ».15En fait,

13MAISONNEUVE, Jean. Les rituels, Paris, P.U.F, 1988

14 idem
15 Durkheim E., Les formes élémentaires de la vie religieuse : 553

14
l’efficacité du rite réside dans sa capacité d’entretenir d’une manière continue le social et le
relationnel.

Le rituel se présente aussi comme action symbolique, comme acte de représentation.


Ainsi, Rodrigo Diaz Cruz propose une lecture du rituel comme cérémonie définitionnelle, qui
sert à représenter l’identité d’un groupe et à maintenir sa cohésion, son unité.

« C’est au travers de ces cérémonies que les groupes se définissent tels qu’ils sont, affichent
la manière dont ils se conçoivent eux-mêmes et, finalement, montrent la manière par laquelle
ils désirent être vus par l’autre…. »16

On peut dire alors que les rites sont « "l'expression symbolique" des sentiments
collectifs », de la vie sociale et surtout de l’identité du groupe.

2- Le rite et vie sociale :

Le contexte rituel constitue la trame de la corde sociale : cette belle image des fibres
qui se rassemblent pour devenir une corde rejoint l’idée de ce lien social représenté par la «
matrice rituelle », qui réunit les individus.
Le philosophe Martin Buber affirme que « la communauté est là où la communauté
advient »17: elle existe alors, de manière puissante, dans un courant qui passe, elle fait que
l’on n’est plus à côté des autres, mais avec. Le contexte rituel est donc une disposition
mentale produite collectivement, puis partagée par les acteurs rituels.
L’éventail rituel est très large, et avec cette définition, on peut embrasser beaucoup de
situations sociales, depuis les interactions quotidiennes engageant deux personnes jusqu’aux
grands rassemblements réunissant de grandes communautés. D’une porte devant laquelle on
se présente à deux, à une grande cérémonie, politique ou religieuse, on voit que le rite touche
toutes les séquences de la vie sociale.

Ainsi, quelles « formes culturelles et sociales » meilleures que les rites permettent « de
lire une communauté », avec en filigrane, toujours, ses idéaux, ses valeurs, ses hantises et ses
mythes… ?

16DIAZ CRUZ, Rodrigo. « L’exploration de la distance : idolâtries, superstitions, résistances rituelles » dans Les formes de reconnaissance
de l’autre en question, 2004, p 411.Presses Universitaires de Perpignan, Ben Naoum, Ahmed dir.pub, 589 p.

17 Martin Buber, dans Victor Turner, Le phénomène rituel. Structure et contre-structure, Paris, PUF, 1990, p. 124.

15
De plus, selon Mary Douglas en tant qu’« animal social, l’homme est un animal rituel.
Supprimez une certaine forme de rite et il réapparaît sous une autre forme avec d’autant plus
de vigueur que l’interaction sociale est intense. Sans lettre de condoléances ou de félicitations,
sans carte postale, l’amitié d’un ami éloigné n’a pas de réalité sociale. Il n’y a pas d’amitié
sans rite d’amitié. Les rites sociaux créent une réalité qui, sans eux, ne seraient rien »18.
D’ailleurs, le rite possède toujours une structure formelle, dans laquelle on doit en
quelque sorte entrer. Il s’agit d’une forme sociale particulière qui renvoie à l’ordre. On ne
peut pas inconsidérément toucher à l’ordre rituel, sinon on attaque l’ordre social, ou la
tradition. Le rite établit un ordre prescrit, auquel on doit se conformer. Il y a dans chaque pays
par exemple une manière de saluer, et l’on doit la respecter, sinon on passe pour un déviant ou
un touriste.
Le rite est alors le garant d’une relation sociale.

3-Le rite et fait social total

Marcel Mauss a le souci de saisir les réalités dans leur totalité : il élabore en ce sens le
concept de « fait social total ».

Les faits sociaux totaux sont « ceux où s'expriment à la fois et d'un coup toutes les
institutions », où l'objet nécessite qu'on se penche sur tous les domaines de la vie sociale
(religion, politique, économie, culture, histoire, esthétique...).

Les rituels en font partie car la pratique rituelle fait intervenir toutes les dimensions de
la vie humaine que ce soit politique, économique, socio- culturelle ou religieuse. De plus,
c’est à travers les rituels que l’on peut saisir la notion de phénomène social total car il
véhicule un échange en général entre les communautés et groupes sociaux différents.

En général, dans tous les rites, l'obligation d'inviter est tout à fait évidente. En
revanche, la plupart des invités apportent des cadeaux liés aux fêtes et/ou une action d’aide en
faveur de l’organisateur. Il y a aussi les offrandes lors de cérémonies rituelles tels le « toaka,
bœuf... ».

De plus, durant les rituels betsileo, on observe le phénomène « d’atero ka alao » qui
ressemble à ce que Mauss nomme « le don », dans son livre intitulé : L'Essai sur le don.
Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques, paru en 1923-1924.

18 Mary Douglas, De la souillure. Essai sur les notions de politesse et de tabou, Maspero, Paris, 1971.

16
Dans ce cas, on peut différencier trois sortes de don / contre-don:

 L'échange rituel : il s'agit alors d'honorer des puissances avec l'espoir d'obtenir des
faveurs terrestres ou la clémence des dieux.

 L'échange intercommunautaire : il s'agit alors de garantir les bons rapports entre


deux communautés par le biais de relations privilégiées.

 La marque d'une distinction sociale : il s'agit de faire reconnaître sa primauté par le


biais d'une compétition du don.

Ces trois formes de don se trouvent généralement entremêlées dans la réalité


socioculturelle betsileo.

Si le don crée un lien social, il peut aussi être une forme de contrat social où l'on est
redevable par le don / contre-don, très important par rapport aux autres formes de liens :
familiaux, communautaires. Autrement dit, tout en créant un lien social, ce don est agoniste (il
« oblige » celui qui reçoit, qui ne peut se libérer que par un « contre-don »). Pour Mauss, le
don est essentiel dans la société humaine et comporte trois phases : l'obligation de donner,
l'obligation de recevoir et l'obligation de rendre. Ainsi, il pose la question : « Quelle est la
règle de droit et d'intérêt qui, dans les sociétés de type arriéré ou archaïque, fait que le présent
reçu est obligatoirement rendu ? Quelle force y a-t-il dans la chose qu'on donne qui fait que le
donataire la rend ? »19.

En fait, dans la vie, on est obligé de donner, de recevoir puis de rendre pour que l’on
puisse avoir de bonnes relations avec autrui, et aussi pour éviter ce que Durkheim nomme
l’anomie social. D’abord, refuser de donner, négliger d'inviter, comme refuser de prendre,
équivaut à déclarer la guerre; c'est refuser l'alliance et la communion. Ensuite, on n'a pas le
droit de refuser un don car agir ainsi c'est manifester qu'on craint d'avoir à rendre. Enfin,
l'obligation de rendre dignement est impérative car on perd la « face » à jamais si l’on ne rend
pas.

En principe, tout don est toujours accepté et même loué. On doit apprécier à haute
voix la nourriture préparée pour vous. Mais, en l'acceptant, on sait qu'on s’engage. On reçoit
un don « sur le dos ». On fait plus que de bénéficier d'une chose et d'une fête, on a accepté un

19 MAUSS, M., Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïque, Edition électronique réalisée par Jean-Marie
Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi, février 2002, p 07

17
défi; et on a pu l'accepter parce qu'on a la certitude de rendre, de prouver qu'on n'est pas
inégal.

Mais normalement le don doit toujours être rendu de façon usuraire.

Le but est avant tout moral, l'objet en est de produire un sentiment amical entre les
deux personnes en jeu, et si l'opération n'avait pas cet effet, tout en était manqué.

Au fond, ce sont des mélanges. On mêle les âmes dans les choses; on mêle les choses
dans les âmes. On mêle les vies et voilà comment les personnes et les choses mêlées sortent
chacune de sa sphère et se mêlent : ce qui est précisément le contrat et l'échange.

En réalité, ce symbole de la vie sociale, la permanence d'influence des choses


échangées, ne fait que traduire assez directement la manière dont les sous-groupes de ces
sociétés segmentées, de type archaïque, sont constamment imbriquées les uns dans les autres,
et sentent qu'ils se doivent tout.

Le don se base donc sur une valeur de sociabilité primaire : la réciprocité.

D’ailleurs, plus que toute autre théorie économique, règle sociale, loi, principe moral
ou religieux, le don est pacificateur puisque l’échange de valeurs s'effectue dans le cadre de
rapports sociaux librement acceptés.

On peut dire ainsi que le phénomène d’ « atero ka alao » dans les rituels betsileo est
un fait social total car le don influe sur toutes les dimensions de la vie sociale :
économiquement par les échanges ; politiquement par la relation entre statut du donateur et
valeur du don ; culturellement par l'espoir d'obtenir des faveurs terrestres ou la clémence des
dieux ; et historiquement par la continuation de cet échange socioculturel de génération en
génération. Tout cela dans le respect du lien social.

18
Chapitre2 : CONSIDERATIONS GENERALES DES PRATIQUES
CULTURELLES A MADAGASCAR

Cette partie de notre étude portera sur une brève description des pensées et des faits
qui ont jalonné l’aspect socioculturel malgache, surtout celui qui touche la tradition. Cette
approche nous permettra de mieux connaitre les faits qui ont pu être à l’origine des différents
rituels et pratiques culturelles à Madagascar. Donc, le besoin de cette approche réside dans le
fait qu’elle peut expliquer les raisons de certaines conceptions.

Dans les croyances traditionnelles malgaches, le monde des ancêtres fait partie de ce
qu'on appelle la « vie ». Ainsi, la vie comprend des étapes distinctes, chacune ayant une
importance et un rôle déterminés. Les ancêtres se situent au rang supérieur. Comme tous les
autres « vivants », ils ont un devoir spécifique à accomplir : celui de donner la bénédiction à
leurs descendants. La mort ne signifie donc pas la fin de l'existence, ni la disparition définitive
d'une personne. Ce n'est qu'une porte ou un passage vers le monde invisible. C’est d’ailleurs
la cause principale de différentes pratiques culturelles et/ou rituelles à Madagascar.

Section1 : Aspects de l’héritage culturel malgaches

1-Conception de la société

• Le fihavanana :

Le fihavanana est une des valeurs fondamentales de la culture malgache, le fondement


même de la société malgache.

« Le lien fihavanana vient du mot « havana » (parent), qui se cristallise par l’entité
« fianakaviana » (de anaka=enfant), laquelle dépasse les coordonnées naturelles que sont
l’histoire généalogique et l’espace territorial. Ce lien comprend deux dimensions : la
consanguinité et l’alliance »20.

De ce fait, il existe toujours un lien de parenté entre les membres d’une communauté
restreinte. Mais la dimension spatiale peut également créer un lien entre des unités lignagères
différentes, lien qui sera consacré à jamais dans le temps et dans l’espace, d’autant plus
fortement si l’union donne des enfants.

Le "fihavanana" est donc une idéologie fondée sur des relations matrimoniales et
parentales ayant servi à asseoir la cohabitation pacifique de groupes de populations, qu'elle

20 E. D. RASOLOMANANA .Valeurs traditionnelles et communautés villageoises à Madagascar, étude d’une collectivité du Nord Betsileo,
bureau d’études coopératives et communautaires, paris 1971, p 48

19
soit réelle ou construite. C’est un fait de société qui lie les Malgaches entre eux. D’ailleurs, un
proverbe malgache dit : « Ny fihavanana ohatra ny landy : maty isika ifonosana; velona
itafiana, ka ny madilana arahim-panondro » Littéralement, « l'Amitié est comme la soie :
morts, nous en sommes enveloppé ; vivants, nous en somme habillé. Et, quand un fil est trop
mince, le doigt le raccommode ». Quoi de plus naturel que d'entretenir le fihavanana chez les
Malgaches ?

Le lien fihavanana peut être alors un lien de parenté ou bien un lien social. Mais ce
dernier est plus concret car il implique le respect réciproque, la cohésion, la solidarité et
surtout une responsabilité.

Par le fihavanana, et avec sa communauté, les gens vivent ensemble, ils fêtent les
moments heureux, affrontent les difficultés et subissent les peines : « Miara-miaina, miara-
mifaly, miara-ory ». Parce qu'ils partagent le même cadre de vie, les mêmes aléas de
l'existence, ils constituent une unité vivante. Le fihavanana est le lien social qui découle de
cet esprit d’unité.

En pays betsileo par exemple, lors d’une cérémonie rituelle, tous les membres de la
communauté que ce soit familiale ou sociale, arrivent pour apporter leur dons et leur soutien à
la famille organisatrice, dans le but de maintenir ce lien social. Ainsi, le plus important dans
cette relation, c’est le fait de se sentir en sécurité et entouré de tout le monde en cas de besoin,
dans le bien comme dans le mal.

A l'évidence, le Malgache lie définitivement le concept de paix à celui de survie. Il


sent et donc il sait qu'il doit entretenir des relations harmonieuses avec sa famille, sa
communauté et son environnement, tout en vivant son individualité pour pouvoir s'épanouir.
Son approche de la vie moderne ne saurait faire fi de cette manière de penser, de vivre, d'être.

On peut dire alors que c’est la capacité de l’individu de nouer une relation sociale qui
définit la notion de fihavanana ; ce dernier est inséparable à la notion du fiarahamonina21, et
que l’évolution de la vie socioculturelle des Malgaches en dépend.

• Le fomba :

Le fomba désigne à la fois la coutume et la tradition d’une société.

Le fomba, en tant que coutume peut être défini comme une manière habituelle d’agir
répandue dans une société tel : la manière de saluer quelqu’un; la façon de parler et d’agir

21 Fiarahamonina : communauté sociale

20
selon les circonstances (respect, politesse), la manière de s’habiller, la manière de garder la
tradition etc.…

Le fomba, en tant que tradition, désigne l’ensemble des coutumes établies et des lois
non écrites héritées des ancêtres. D’où l’existence de l’appellation « fombandrazana »22.

De ce fait, les Malgaches ont une manière de voir, de penser et d’agir définie par le
« fombandrazana », qui ordonnait tout, définissant une morale et des règles à suivre aux
différents moments de la vie.

On peut observer le fomba dans les différentes manifestations de la vie sociale mais
surtout dans les différents cérémonies et rituels.

Une cérémonie organisée par le devin pour définir un acte rituel, comme le partage du
rhum, le moment propice à l’ouverture du tombeau est une coutume. L'usage peut au fil du
temps aboutir sur une tradition ou « fombandrazana ».

S’opposer à la coutume entrainerait un châtiment de la part des ancêtres. Selon la


croyance, toutes les formes de malédiction qui arrivent dans la vie humaine : les accidents, la
maladie, l’échec etc.… sont dus au non-respect de la tradition.

Dans ce cas, toutes les cérémonies et coutumes sacrificielles doivent être observées
très rigoureusement, en conformité avec le fombandrazana. Dans la société betsileo par
exemple, c’est une tradition de tuer un bœuf en l’honneur du défunt avant son enterrement
sinon on encourt un « tsinin-drazana », blâme des ancêtres.

On peut dire alors que le fomba a un caractère social car il peut empêcher la vie
sociale d’être troublée.

D’ailleurs, le fait de « mahalala ny fomba », connaitre la tradition, est très important


dans la vie en société malgache. C’est pourquoi, il y a l’organisation des différents rituels
pour transmettre aux générations qui suivent les coutumes traditionnelles telles : le respect des
ancêtres et des aînés; les tabous ; les discours ; les différents rites ; les responsabilités de
chacun envers la famille et la société etc.

Si un anthropologue interroge alors les héritiers sur leurs façons de faire, la plupart
vont répondre que : « Izany no fombandrazana », « telle est la coutume héritée des ancêtres,
ou tel est le chemin qu’avaient suivi les ancêtres »23.

22 Fombandrazana : désigne les us et coutumes d’une société, autrement dit la tradition (ancestrale).

21
Enfin bref, on peut dire que le fomba et/ou fombandrazana est une institution de
caractère social et religieux qui fut décidée par nos lointains ancêtres et confirmée par les
générations ultérieures qui l’ont transmise aux générations actuelles ; c’est une norme dont le
respect nous assure une vie harmonieuse dans le monde auquel nos ancêtres ont donné un
sens; en la respectant et en en suivant les prescriptions, nous sommes assurés de continuer à
bénéficier de leur bénédiction.

• Le Fady

De l’omniprésence des ancêtres découle l’idée de « fady »24. Autrement dit, le razana,
qui désigne à la fois les ancêtres et le respect qui leur est accordé, consiste en un système
complexe de "fady"

Le fady correspond à un système de tabous locaux en respect des ancêtres. Il se réfère


habituellement par rapport aux us et coutumes au sein d’une société donnée. Les principales
coutumes malgaches concernent le culte des ancêtres.

Chaque tribu, chaque région, chaque ethnie, voire chaque clan familial, possède son
lot de comportement ou d'actions " interdites ".Il en existe pour chaque étape de la vie :
naissance, circoncision, mariage, construction de sa maison, travail à la rizière, enterrement
etc. Mais également selon le lieu (espace) et la période (le temps). Nous en donnerons
quelques exemples :

- fady communautaire : interdits de manger du porc,

-fady temporel : éviter de procéder à un enterrement le mardi, s’abstenir de tel genre


de travail le jeudi…;

-fady géographique : interdits de transporter telle matière sur une rivière ou parler
devant un endroit précis.

-fady sur des actes : prohiber le sifflement sur une plage près d'un village, ou le
passage devant un arbre sacré, interdit d’uriner près de la tombe etc.

D’ailleurs, dans les cérémonies rituelles, il existe tant de tabous qu’on devrait
respecter. Dans ce cas, tous les habitants du même village appliquent les mêmes tabous à tous
les étrangers qui viennent d’arriver tels les tabous alimentaires : durant les rituels funéraires

23 Jean-Pierre Domenichim et Bakoly D-Ramiaramanana, dans le journal de l’ile, édition électronique.


24 Le fady : l’idée de tabou se retrouve dans les dérivés de fady, s’abstenir de quelque chose en général.

22
betsileo par exemple, on ne peut pas manger ni boire sans avoir offert en avance la part des
ancêtres.

Ainsi, le fady a un caractère social. Ce caractère social se manifeste avec plus de


netteté encore dans les tabous qui accompagnent des rites, ou qui sont pour mieux dire, des
éléments négatifs de certaines cérémonies. C’est pourquoi un anthropologue affirme que
« Tous les tabous dont on constate l’existence au moment de la consommation de cérémonies
comme la circoncision, funérailles, le commencement de culture et le changement de l’année
sont sociaux puisqu’ils garantissent l’accomplissement d’actes nécessaires au maintien de
l’équilibre matériel et moral de groupes humains diversement considérables »25.

Dans ce cas, le fady est un élément fondamental de la vie sociale et individuelle des
habitants à Madagascar. Il règle l’existence quotidienne, il décide de la parenté, du genre de
vie, il règle la manière de travailler, il dicte le menu, il écarte le vivant du mort, il perpétue la
forme des actes rituelles.

Au pouvoir attribué aux ancêtres et au maintien de la vie sociale sont alors attachés ces
interdits de toutes natures. La tradition orale entretient une foule d’anecdotes relatant les
malheurs consécutifs à toute infraction. C’est pourquoi Van GENNEP disait dans son livre
intitulé « tabou et totémisme à Madagascar » que « le fady est là, il ne faut pas l’enfreindre,
mieux vaut laisser les choses en l’état ».26Ainsi, malheur à quiconque transgresse un fady, car
« enfreindre un fady équivaut à se rendre coupable envers les ancêtres, … »27. Il est préférable
de respecter ces interdits afin de ne pas les offenser, même si leur bien fondé est parfois
discutable.

Bref, on peut dire que les tabous ont un caractère social. Ils continuent à réguler une
partie importante de la vie malgache. Ils se transmettent de génération en génération et que
tout ce qui est interdit pour les ancêtres l’est également pour leurs descendants, qui doivent du
« fadin-drazana »28 lequel date d’un passé lointain.

Ainsi, la vie sociale est réglementée par le fady, et que grâce à cela, chaque individu membre
de la communauté a un repère à suivre pour ne pas dévier de la norme de la société, afin de
garder une vie harmonieuse.

25 Van GENNEP (Arnold). Tabou et totémisme à Madagascar, paris 1904, p15


26 Van GENNEP (Arnold). Tabou et totémisme à Madagascar, paris 1904, p19
27Raymond Decary-ethnologue (éclairage sur certain « fady »- Mission.mepasie.org
28 Fadin-drazana : désigne tout ce qui est interdit pour les ancêtres et évidemment aussi pour les générations qui s’en suivent.

23
D’ailleurs, le sujet des tabous est encore très important pour la société malgache. Ce terme
est une telle obsession que la traduction malgache de « s’il vous plaît » est « qu’il ne soit pas
interdit » : aza fady ; pour dire excusez-moi, on se sert de l’expression « aza fady aho ».
De plus, l’expression courante malgache qui dit que : « tsy ny tany no fady fa ny vavam-
bahoaka » traduit improprement en français, ce n’est pas la terre qui nous interdit un acte
déterminé, mais c’est la perception par les autres, explique beaucoup de choses.

De ce fait, il est très important de connaitre les us et coutumes malgaches pour ne pas tomber
dans une situation délicate qui peut donner du tort dans la vie sociale, et même pire, entrainer
les châtiments de la part des ancêtres car selon la croyance malgache, le non-respect du fady
entraine le « tsiny » qui représente un malheur menaçant les humains à tout instant. Il est donc
conseillé de suivre les conseils des locaux lorsque l'on voyage à travers le pays et/ou se
renseigner sur les fady locaux lorsqu'on arrive dans un nouveau lieu à Madagascar. Ainsi, le
tabou joue à Madagascar un rôle important dans la vie sociale, religieuse, politique,
économique; partout il intervient, en quelque sorte comme régulateur.

2-Conception du monde et de l’humanité

Face à la diversité d’origine et des modes de vie, la conception du monde et de


l’humanité demeure un facteur d’unité profonde.

• Forme de liaison entre le temps et la vie

Pour organiser la vie en général, les malgaches ont une façon de voir définie par la
tradition dans le temps. Le fait de respecter l’ordre rythmé par le mouvement de l’astre en fait
partie. Nous en donnerons quelques traits marquants.

Les Betsileo ont l’habitude de se référer à l’ordre solaire et à l’ordre de la lune pour
organiser la vie coutumière. Et pour que les prières soient exaucées, ils avaient l’obligation de
choisir des moments précis de la journée ou de l’année.

C’est de bon matin, juste avant le lever du soleil par exemple, qu’ils se tournent vers
l’est pour faire leurs demandes à « Zanahary », le créateur, et aux ancêtres. L’après-midi,
quand le soleil descend vers l’ouest, sera le moment des rites concernant les défunts,
enterrements et manipulations des restes mortels lors des secondes funérailles traduit
improprement « retournement des morts ».

24
Cet ordre solaire, on le retrouve jusqu’à la disposition et l’aménagement de la maison.
C’est une tradition betsileo par exemple d’orienter toute les portes de la maison vers l’ouest.

Relevons quelques règles et leur justification : un grand nombre de Malgaches


disposent leur lit de telle façon que leurs pieds ne soient pas dirigés vers l’est pour ne donner
de coups de pied ni au soleil levant : « ny masoandro tsy dakàna » ; de même , l’est est le coin
des ancêtres, car, en chaque maison, c’est dans le coin nord-est, appelé « zoro firarazana »
« coin des prières », que se trouve, à la jonction du Nord, symbole de la Puissance, et de l’Est,
symbole du Sacré, l’autel des cultes domestiques.

Concernant la référence à la lune, c’est le moment de « tsignam-bolana » ou pleine


lune qui est favorable pour la célébration des rituels tels la circoncision, le « lagnonana »29 ou
festivité …, pour que la joie soit pleine d’après la croyance betsileo.

Pour éviter les désordres dans la vie alors, beaucoup de gens se référent toujours à une
telle conception du monde et de l’humanité en faisant preuve de respect, en s’efforçant de
vivre en harmonie avec elle, pour avoir l’esprit tranquille.

Ce comportement de respect des règles constitue en quelque sorte une garantie pour
avoir une vertu ou force de vie qui, entretenue et respectée, leur assure une dignité
irrépréhensible dans le monde et dans la société, mais aussi parce que le « fombandrazana »
leur a enseigné la voie à suivre.

D’ailleurs, il faut souligner aussi que dans le monde rural, « Les différentes périodes
de l’année ne sont pas de simples saisons, mais correspondent respectivement aux catégories
de manifestations de la vie »30 :

- Le printemps (juillet à septembre) est le début de l’année. Tel que consigne


l’appellation : « lohataona » (loha=tête + taona=année), c’est la période des grands labours,
mais aussi celle des exhumations. On avancerait ainsi l’hypothèse de la demande de
bénédiction aux ancêtres, afin que les travaux agricoles rapportent les meilleures récoltes.

- La saison froide (avril à mi-juillet) est la période de diverses manifestations. Nous


parlerons entre autres de la circoncision car toute blessure est censée guérir plus vite par le
temps froid.

29Lagnonana : c’est un terme betsileo qui désigne toutes les célébrations rituelles dont on observe un grand événement et une festivité.
30 RASOLOMANANA E. D,Valeurs traditionnelles et communautés villageoises à Madagascar, étude d’une collectivité du Nord Betsileo,
bureau d’études coopératives et communautaires, Paris 1971, p 96

25
On peut dire alors qu’il y a une liaison entre le temps et les différents visages de la vie
paysanne. Mais il y a aussi une association globale entre le cadre naturel et la vie.

• Les devins et astrologues :

Les devins et astrologues jouent un rôle très important dans la vie des Malgaches.

Ils ont un art de divination, qui est très important dans la manifestation de la vie
socioculturelle des gens surtout en milieu rural. On les nomme en général « mpanandro ».

Le « mpanandro » est un personnage important qui fait office d'astrologue, et dont la


connaissance est intimement liée au « vintana »31. Il est une des figures les plus respectées du
village puisqu'il détermine les jours des meilleurs auspices pour les cérémonies, célébrations
familiales ainsi que l’entreprise des activités importantes de la vie. Une méthode appelée
« sikidy »32 est utilisée pour déterminer l'avenir. Les prédictions sont analysées et
influenceront les décisions et autres actions de la vie communautaire.

Les Betsileo croient toujours à la divination de l’astrologue. Et pour eux, ce dernier


s’appelle « ombiasa »33.

L’ « ombiasa » a des pouvoirs plus étendus car, à part d’être celui qui est capable de
pouvoir choisir le jour faste et le jour néfaste pour la construction ou pour la célébration des
rituelles, c'est aussi le gardien des connaissances rituelles et religieuses. Ainsi, il est
un « olona be hasina » qui se traduit par « personne de grande vertu ».

Avant de faire une cérémonie rituelle par exemple, ils n’oublient jamais de le consulter pour
éviter les malédictions.

D’ailleurs, il y a aussi des « ombiasa » qui ont des dons pour guérir les gens à l’aide des
plantes médicinales. En fait, on lui attribue des pouvoirs de guérison car il connaît l’usage des
plantes médicinales .Sa parfaite connaissance des plantes lui permet de guérir les maladies les
plus sérieuses. D'après les déclarations des villageois d'Ambalahambana, il est capable de
donner une force à n'importe quelle plante afin d'obtenir l'effet souhaité. C'est ainsi qu'un jour,
un petit garçon vivant dans la région s'est fait piquer par une abeille mortelle. L'ombiasa, dans
l'urgence, a pris une des plantes qui l'entouraient, sans vraiment la choisir, l'a mâchée et a
ensuite appliqué la salive sur la piqûre. Au bout de quelque jours, la blessure a guéri et n'était

31Vintana : c’est une manière de définir le destin d’une personne


32Sikidy: c’est un art de divination
33Ombiasa: ou mpanandro ou encore mpisikidy , est un terme utilisé pour appeler les devins et astrologues à Madagascar.

26
plus qu'un mauvais souvenir. Dans ce cas-là, ce ne sont pas les propriétés médicinales de la
plante qui sont utilisées, mais c'est l'ombiasa qui lui a transmis une force permettant de guérir
la plaie. C'est la seule personne capable de faire cela. Pas mal des gens qui vivent dans le
monde rural ont confiance en lui, plus qu’au médecin et le consulte en cas de maladie, et ils
ne vont à l’hôpital que lorsqu’ils ont perdu tout espoir.

On peut dire alors que les devins et astrologues jouent un rôle important au sein de la
communauté tant au point de vue social que politique. Et que toute manifestation de la vie
socioculturelle des gens dans le monde rural ne peut se faire sans eux.

• Terre d’ancêtres et culte des ancêtres

En général, à Madagascar, on dit qu’une terre vierge devenait terre d’ancêtres en


recevant les restes mortels des pionniers : c’est vrai mais tout à fait insuffisant. De fait, tout
nouvel établissement en terre vierge était normalement précédé d’un rite de fondation qui,
dans les anciens temps, requérait notamment un sacrifice humain et/ou d’autres sacrifices
sanglants.

Les sacrifices sanglants s’accompagnaient le plus souvent de diverses incantations


symboliques, et de l’érection de monuments de pierre, appelés non seulement à en perpétuer
le souvenir mais aussi à recevoir les âmes des grands ancêtres protecteurs.

L’esprit du mort pouvait être dangereux pour ses descendants. Mais l’ancêtre est en
principe bienfaisant, pour ceux qui se montrent dignes en respectant correctement le
« fombandrazana ».

Le « fombandrazana » mériterait en fait la plus grande attention. C’est pourquoi, la


plupart des gens qui vivent en « tanindrazana »34 respectent et gardent toujours la tradition.
Ce sont les gardiens et conservateurs des coutumes et traditions. Ils pratiquent souvent les
rituels traditionnels pour transmettre aux générations qui suivent l’importance de la
bénédiction des ancêtres.

Dans ce cas, il y a tant de rites et coutumes à célébrer tous les ans, dans différentes
régions de Madagascar. L’objectif est le même c'est-à-dire honorer les ancêtres, mais c’est la
manière de le faire qui fait la différence.

34Tanindrazana : terre des ancêtres.

27
Mais il faut dire que quiconque célèbre dans les formes le culte des ancêtres, il
commence par invoquer Zanahary et les grands ancêtres divinisés, avant d’appeler ses
propres razana. Et en cas de sacrifice, il les convie tous à venir assister aux réjouissances et à
prendre leur part de l’offrande.

Pour pouvoir continuer de bénéficier des protections et des bénédictions des ancêtres
alors, les générations qui suivent doivent les honorer à l’aide des cultes.

Selon les régions et les époques, le culte des ancêtres revêt deux aspects différents,
suivant qu'il s'adresse à l'ensemble des ancêtres ou à un héros particulier : ancêtre mythique,
dispensateur des éléments de culture, organisateur des institutions sociales.

Se rattachant à un culte encore plus répandu, celui des morts, il a pour objet de faire du
trépassé (et, souvent, de l'ensemble des trépassés) l'intercesseur (ou les intercesseurs) des
vivants auprès de la divinité et de rapprocher les uns et les autres comme si la mort n'avait pas
causé la moindre brisure.

Ainsi, trois cérémonies importantes accompagnent la mort et/ou culte des ancêtres à
Madagascar. Il s'agit des funérailles, du Famadihana (exhumation) et des sacrifices. Bien
entendu, les formes que peuvent prendre ces cérémonies diffèrent suivant les régions.

Dans le pays betsileo du sud par exemple, c’est le rituel fagnefana qui est le plus
pratiqué pour honorer les ancêtres et faire des sacrifices. C’est le moment parfait aussi pour le
rite « saotsa » ou remerciement, se communiquer, demander la bénédiction et la protection
aux ancêtres car ils sont ceux qui doivent veiller à l’ordre sur terre.

Mais dans tous les cas, il est nécessaire de souligner que l’une des caractéristiques les
plus intéressantes du culte des ancêtres tient souvent aux liens d'identification et de solidarité
que les vivants établissent avec ceux-ci sur le mode de la plus intime dépendance.

Bref, on peut dire alors que le culte des ancêtres vient d’abord de l’héritage des terres
des ancêtres « tanindrazana », puis de l’héritage du « fombandrazana » ou traditions qui vont
avec, et qu’on doit respecter et conserver. De plus, pour que la vie puisse parfaitement rentrer
dans l’ordre, la croyance malgache dit que c’est dans le respect formel des rites traditionnels
que les hommes peuvent vivre et s’installer pleinement sur la terre des ancêtres. Ainsi, le
culte des ancêtres continue à réguler une partie importante de la vie sociale malgache
puisqu’il garantit l’accomplissement d’actes nécessaires au maintien de l’équilibre matériel et
moral de groupes humains de différentes dimensions.

28
Section 2 : Les théories à l’origine des rituels malgaches

1- Croyance et coutume traditionnelle

Le peuple malgache d'origine complexe a des croyances et des coutumes diverses et


très particulières. Selon une croyance propre à tout Malgache, il y a un dieu créateur, le
Zanahary. Mais ce dieu est lointain, alors les hommes s'adressent plutôt aux ancêtres qui sont
de véritables médiateurs entre les hommes et le monde surnaturel. On les invoque à toutes les
occasions rituelles afin qu’ils veillent et protègent leurs descendants de toute adversité.

Cependant, le Malgache porte un culte beaucoup plus important à ses ancêtres et se


rattache plus facilement aux ancêtres divinisés appelés « Razana ». Ce culte est une
célébration de la science de la vie et serait défenseur de la vie sur la terre, matérielle et
spirituelle.

Comme les principales coutumes malgaches sont liées au culte des ancêtres ; le dieu «
Razana » est invoqué à toutes les grandes occasions de la vie : mariage, construction d'une
maison ou d'une pirogue, naissance d'un enfant, etc. A ces occasions, on lui offre en sacrifice
des animaux (poulets ou zébus) ou des aliments (rhum, miel, etc.).

Ainsi, « la coutume est dans son principe, religieuse ; d’où suit la nature religieuse des
sanctions ; quiconque transgresse la coutume en est puni par les ancêtres ».35

S'opposer à la coutume entraînerait un châtiment de la part des ancêtres. Selon la


croyance malgache, certains sinistres comme les accidents ou les maladies seraient les
conséquences d'un manquement au culte des ancêtres. Ce serait un châtiment infligé par
exemple à ceux qui auraient violé un « fady »(tabou).

La coutume est alors l’ensemble des obligations sociales. Le respect de la coutume


traditionnelle devrait être accompli de la même manière par les mêmes individus en vue d’un
bien commun, et obligatoire pour tous au même degré. Ce qui revient à dire que l’idée
d’obligation générale se manifeste dans la vie sociale. Chaque membre de la communauté est
soumis a cette obligation : « l’obligation est, donc elle est bonne, elle est, et elle est bonne
parce qu’elle est la coutume»36. Ainsi, il ne lui vient même pas a l’esprit qu’il pourrait s’y
soustraire, qu’il pourrait en discuter la légitimité ou la nécessité.

35 Van GENNEP (Arnold). Tabou et totémisme à Madagascar, paris 1904, p19


36 Van GENNEP (Arnold). Tabou et totémisme à Madagascar, paris 1904, p16

29
Si nous passons aux croyances à caractère mythique, comme dans les autres régions, la
crainte de la force occulte des « zavatra » (esprits)37, entraine le respect de la coutume
traditionnelle. Dans la société betsileo par exemple, une femme qui vient d’accoucher ne doit
pas se promener dehors sans avoir à apporter sur la main un couteau de table, pour se
protéger, de la peur d’être suivie par des esprits qui peuvent perturber le nouveau-né.

On peut dire alors qu’il y a une liaison entre la croyance et la coutume. Un autre
exemple pour affirmer : la coutume veut par exemple qu'avant de boire ou de partager une
boisson au cours d'un événement, on verse en guise d'offrande aux ancêtres un peu d'alcool
sur le sol symbolisant la terre ; si on est à l’intérieur, il faut verser un peu d’alcool dans le
coin nord-est de la salle qui est le coin des ancêtres. Et si on respecte la coutume, c’est qu’on
croit en sa vertu.

Bref, la base même des croyances est simple mais varie à travers le pays. Les relations
Dieu/Hommes sont régies par l’intermédiaire des âmes et des esprits ou, des ancêtres. Ces
derniers sont chargés par le créateur de veiller sur les vivants. Les âmes des ancêtres qui
contrôlent ainsi la soumission des descendants aux règles de la tradition, sont les garantes de
l’ordre sur terre et peuvent apporter leur bénédiction mais aussi punir. C’est cette crainte des
esprits et/ou des ancêtres qui est à l’origine du culte des morts et le respect des coutumes
traditionnelles.

2-La place des ancêtres dans les rites malgaches

Selon les croyances malgaches, le défunt contemple le monde et devient juge du bien
et du mal des nouvelles générations. Bien que Madagascar soit marqué par une croyance
monothéiste réservée à Andriamanitra (le Seigneur Parfumé), l'ancêtre divinisé a une place
centrale dans les cultes de la Grande île.

La mort marque donc le passage du rang d'être humain au rang supérieur d’ancêtre
désigné par le terme « Razana ». C’est pourquoi, le peuple malgache accorde des rites
particuliers à la mémoire des défunts. Nous en donnerons quelques exemples :

- Les rites funéraires : qui font passer du monde des vivants à celui des morts. La famille
s'obstine à voir dans le corps inerte l'être toujours présent et s'efforce de le retenir en
multipliant les marques de respect et d'amour envers lui. La toilette mortuaire, est un fait
37Zavatra (litt.choses) : nom générique désignant toute force invisible, mis a part le créateur et les ancêtres. Ces forces sont bienveillantes ou
malveillantes. Les zavatra occupent alors une place spécifique dans la représentation de l’univers et de la structuration de la « grande
société » qui comprend le monde visible et le monde invisible.

30
quasiment universel. Une fois le mort lavé, revêtu de ses plus beaux habits, il est enveloppé
d’un linceul de soie. Le corps est alors exposé pendant quelques jours dans la maison, entouré
de tous les membres de la famille et des amis, illustre bien cette intention d'exprimer les
égards dus à la personne du disparu et de prolonger la relation avec lui. Ensuite, le transport
de la dépouille jusqu’au tombeau est précédé d’un passage à l’église pour les chrétiens : "Qu'il
soit purifié dans son âme et rejoigne au Ciel tous les Saints" dit le prêtre catholique. Selon
Vincent Thomas, « ce rite est, comme une élégance, une façon de charmer l’angoisse….
puisque toute mort induit un sentiment de culpabilité, les rites funéraires sont l'occasion d'un
rachat symbolique... On tient à "faire ce qu'il faut" pour n'avoir rien à se reprocher, pour se
dédouaner à l'égard du mort dont on craint le souvenir obsédant »38
- En hommage aux ancêtres : qui font entrer le défunt dans le monde des ancêtres. Cette
cérémonie est synonyme de réjouissances et de dépenses extraordinaires. C’est un rite de
commémoration et de retrouvailles. On parle entre autre du rituel tel le famadihana,
exhumation des morts en vue de renouveler les linceuls. Ce rite joue un rôle primordial à
Madagascar. Il a lieu pendant les mois d’hiver (juillet, août…). La date de la cérémonie est
fixée par un devin astrologue. En pratique, le tombeau est ouvert, les corps sont exhumés puis
dépouillés de leurs vieux linceuls. Ils sont ensuite enveloppés dans des linceuls de soie neufs,
synonyme de soin et d’affection. Les participants promènent les corps autour du tombeau et
les replacent dans leur demeure. La cérémonie se déroule dans l’allégresse générale car c’est
important de fêter l’entrée du mort au royaume des ancêtres.

- Le culte des ancêtres : les ancêtres pivots de la société malgache font l’objet d’un respect
mêlé de craintes, qui s’expriment à travers de nombreuses cérémonies rituelles. A travers
toute l'île, presque toutes les cérémonies rituelles témoignent de la vénération des ancêtres : le
Fitampoha ou le bain de reliques royales chez les Sakalava de la région du Boina et du
Menabe ; le Sambatra, cérémonie de circoncision collective chez les Antambahoaka sur le
cote-sud est ; ou le Famadihana, retrouvailles avec les morts sur les hautes terres ; le
Fagnefana, hommage aux ancêtres chez les Betsileo du sud etc. Divers rituels tels l’offrande
de miel, le sacrifice de zébu sont également pratiqués à chaque événement marquant :
mariage, construction d’une maison…

Mais il est nécessaire de souligner qu’il existe un dénominateur commun à toutes ces
cérémonies, c'est le respect profond que les malgaches vouent à leurs ancêtres. Et selon la

38 Texte Louis-Vincent THOMAS, EFSSM-SCIENCES HUMAINES DE LA MORT, cours en ligne. P05

31
croyance, tout manquement à ce culte se traduirait par des punitions infligées par les ancêtres
: échec dans la vie, accidents, insuffisance de récolte, maladies, inondation etc.…Le plus
important dans toutes les cérémonies rituelles est alors le fait de pouvoir bénéficier de la
bénédiction des ancêtres.

Les ancêtres garderaient alors leur individualité et leurs attaches familiales. Leurs
âmes et leurs esprits accompagnent toujours les vivants. Leur pouvoir est révélé à travers les «
ordres sacrés » qui dictent l'organisation politique, culturelle et médicale de la famille ou de la
communauté.

Bref, selon la croyance malgache, les ancêtres se trouvent au rang supérieur, proche
du « Zanahary », le créateur. Ils voient tout ce que les vivants font sur terre et sont les
médiateurs entre les hommes et le monde surnaturel. Ils domineront d'un autre monde les
générations nouvelles qui le respecteront, le craindront et l'honoreront à leur tour. On les
invoque dans toutes les occasions rituelles, sacrifices, circoncisions…, pour qu'ils protègent
leurs descendants. On pourrait dire qu’ils sont les anges gardiens des vivants. Mais il est
nécessaire de souligner qu’ils peuvent être dangereux si on leur manque de respect.

CONCLUSION PARTIELLE

Ce cadrage théorique de notre thème a permis non seulement de donner une approche
globale du sujet et de toutes les notions qui le concerne, mais aussi d’expliquer par la suite la
raison des manifestations de ces théories dans le cadre de la vie socio culturelle malgache.

Par ailleurs grâce à toutes les explications des concepts, les éclaircissements sont à
espérer dans la compréhension de la suite de ce travail.

32
Partie2 : LE RITUEL FAGNEFANA BETSILEO

Pour parler du phénomène lui-même, le rituel fagnefana, est une sorte de festivité
organisée par les vivants en l’honneur d’un mort dont on considère parce que l’enterrement
n’a pas été satisfaisant, soit en tant qu’ un acte de reconnaissance et/ou fête pour rendre
hommage aux ancêtres en invoquant une raison déterminée.

Le rituel fagnefana est pratiqué depuis longtemps dans le pays betsileo. Il a une valeur
importante dans l’espace de la vie socioculturelle en général. Selon la croyance locale, ce
rituel consiste à faire entrer les défunts dans le monde des ancêtres. De plus, c’est un devoir et
/ou une obligation des vivants envers la mort car la paix de la vie sur terre en dépend. C’est
pourquoi, tous les membres de la société se soutiennent pour accomplir ensemble ce rituel.
Ainsi, il a une fonction de renforcer et maintenir à la fois les liens avec les ancêtres et aussi
les liens sociaux.

Une enquête et une étude sur terrain ont été faites dans le but de découvrir,
comprendre et expliquer cette réalité socioculturelle betsileo. Mais avant de montrer le
résultat de la recherche, il s’avère nécessaire de présenter le cadre d’étude.

Comme cette étude concerne toute une culture, la présentation de l’espace


socioculturel est indispensable. Ici entre autres, nous allons présenter les éléments
géographiques et coutumiers du milieu en question qui est la commune rurale
d’Ambalamahasoa.

33
Chapitre 1 : MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE

La description de notre terrain d’étude est utile pour mieux situer de façon précise le
cadre d’étude spatial. En effet, une recherche sociologique nécessite la connaissance
approfondie de l’origine, des caractères de sa population ainsi que les potentiels socio-
économiques.

Section 1. Aperçu général de l’espace socioculturel

1-Historique

A l’époque de la royauté, la région a été connue sous l’appellation de Tambohonivita.


La population de la zone était en permanente relation avec « les Hova » ou princes habitant
dans la zone de Vohimasina.

Un jour, lorsqu’un fils des Hova tomba malade, il a exprimé l’envie de boire l’eau de
source de Lematsiria localisée à Tambohonivita, au nord de l’actuel chef-lieu de la commune
où il fut amené selon sa volonté. Après avoir bu l’eau de la source, il se sentit mieux, se
traduisant « soasoa » en langage local, et il dit : ce village me fait du bien, « VALA39
MAHASOA ity vala ity ». Il y est resté jusqu'à sa mort, sans aucune envie de se déplacer de
temps en temps comme il le faisait auparavant. Ce qui a conduit au changement de
l’appellation de la localité, désormais Ambalamahasoa, qui est devenue actuellement le chef-
lieu de la commune, et cela depuis la deuxième république (à partir de 1975), début de
décentralisation sous le régime de la deuxième république.

Ex-canton d’Alakamisy Ambohimaha à l’époque de la colonisation.

La commune fut peuplée uniquement par des Betsileo dès le début de la migration
dans la région. Viennent ensuite les immigrants venant de la région Merina suite à la
réunification pendant la période royale (à l’époque du 17e siècle).

La population est composée en grande majorité des Betsileo, les migrants sont
constitués par des fonctionnaires, des religieux…

39 Vala : village traditionnel

34
2-Situation géographique

La commune rurale d’Ambalamahasoa est située à 25km de la ville de Fianarantsoa,


dans la région Haute Matsiatra, district de Lalangina, dans la partie sud du haut plateau de
Madagascar.
Elle a une superficie de 117 km2.
Elle est limitée au nord par la commune rurale d’Alakamisy ambohimaha, au sud par
la commune rurale d’Ivoamba, à l’est par la commune rurale de Mahatsinjony et au nord-
ouest par la commune rurale de Befeta.

Photo N°01 : la commune rurale d’Ambalamahasoa

3-Organisation administrative

La commune rurale d’Ambalamahasoa est composée de sept(7) fokontany.

Tableau N°01 : Liste des fokontany, localisation et distance par rapport à la commune

N* Fokontany Localisation Distance par rapport à la


commune (km)
1 Ambalamahasoa Centre- ouest 0

2 Ambalafenomby Sud- est 2,5


3 A. vohidravina ouest 8
4 Andranomenanjaza Est 3
5 Bevoanjo Ouest 1
6 Miandriarivo Est 6
7 Soazanga Sud Est 1,5

Source : enquête

35
La gestion de la commune est assurée par le maire et ses adjoints, les conseillers
municipaux et les différentes commissions, les personnels administratifs, sans oublier les
présidents du fokontany.

Le Maire se trouve au sommet de la hiérarchie de la commune car on le considère


comme le Ray aman-dReny, le « guide » du Fokonolona40. Il est chargé de l’Administration
de la commune. En cas d’absence, ce dernier est remplacé par un adjoint. La durée du mandat
est de 4 ans renouvelables.

La commune rurale d’Ambalamahasoa comprend sept (07) fokontany dont chacun a


son chef ou président, qui est le premier responsable de son territoire. Chaque fokontany a son
registre et ses disciplines à respecter. En cas de problème, la personne en difficulté doit
d’abord s’adresser au chef fokontany. Puis, si l’affaire n’est pas résolue, le maire prend le
relais en tant que conciliateur avant de remettre l’affaire entre les mains des autres autorités
compétentes.

4-Organisation fonctionnelle

La commune dispose d’une organisation sociale formée par les notables « Ray aman-
dreny to-teny », le comité de sécurité, et le comité de santé.

*Le Notable ou « Ray aman-dreny to-teny » : c’est le représentant des chefs de famille
dans chaque village de la commune. Il veille sur le respect de la « Fiarahamonina »41. Il peut
aider aussi les comités de sécurité pour défendre l’intérêt du « Fokonolona » en dehors du
village.

*Le comité de sécurité est dirigé par le président de DINA42, en collaboration avec le
« quartier mobile »43 et les « mpiambina »44 Le président de DINA est élu par et parmi les

40Fokonolona : signifie le groupement de personnes vivant dans un fokontany (tany=terre). Peut signifier aussi un groupement de personnes
territorialement indifférenciées, ou le rassemblement occasionné par une manifestation communautaire, ou encore un rassemblement
occasionné par une communication administrative.

41 Fiarahamonina : c’est un mode de relation interne qui définit la relation au sein de la communauté villageoise et la sociabilité malgache.

42 Le DINA est une forme de convention créée et appliquée par les membres de la société dans le but de se faire respecter et de se faire
protéger. Il est aussi pour la sécurisation .Tout se fait sans intervention de l’Etat. Mais le DINA est toujours soumis à la loi et textes en
vigueur, il n’est pas contre l’Administration.

43 Le quartier mobile est pour la sécurité publique. Il joue le rôle de la police rurale dans le village, par exemple la vérification des étrangers.

36
habitants eux-mêmes. Il est le représentant du Fokonolona dans la gestion des affaires socio-
économiques du village, les principales rubriques étant :

- Application des règles relatives au « Fiarahamonina » ou cohabitation ;

- Application des règles sur les conventions de travail du fokonolona ou « dinan’asa ».

Il y a donc deux aspects de règle du fait du DINA :

- Règles (pénales) sur la protection sociale : par exemple, le voleur doit payer parfois le
double ou le triple de ce qu’il a volé.

- Règles (conventions) sur le mode de travail : par exemple, celui qui ne finit pas sa tâche
dans la construction d’un barrage ou dans le nettoyage des canaux d’irrigations est puni par le
DINA et doit payer une amende.

* Le comité de santé : son rôle est de sensibiliser les habitants sur le plan sanitaire, ex :
propreté, construction de WC

Quelques remarques :

Le maire et les agents administratifs résolvent les problèmes sociaux par l’application
des règles en vigueur. Ainsi la résolution d’un problème pourra aller jusqu’au tribunal s’il le
faut. Tandis que le président du DINA résout le problème social par la délibération des
membres de la communauté, c'est-à-dire que le problème peut être résolu sur le lieu où il
apparait. Le maire, le chef fokontany et le président DINA collaborent pour le bien être des
habitants. Ainsi, les problèmes sociaux se résolvent d’abord sur place (dans le village,
fokontany ou commune) avant d’être envoyés à l’instance supérieure (tribunal).

44 Le « mpiabina » vient du terme « fiambenana » qui est une sorte d’organisation sociale pour la sécurité du village. Il existe dans la
plupart des villages de la commune. Dans ce cas, les jeunes gens sont organisés en groupes (au nombre de 4 a 8) et le tour de garde de nuit
sera en fonction du nombre de groupes, selon le nombre de garçons au sein du village et cela dès qu’ils ont l’âge de 18 ans. En cas de
problème (vol de bœuf par exemple), ces derniers doivent alerter tout le monde. Et si par exemple, il y a une attaque au sein d’une famille et
qu’aucune personne n’est mise au courant ou alertée, les « mpiambina » ou gardes doivent être pénalisés.

37
5- Condition naturelle du milieu

5.1-Relief

Le relief est caractérisé en général par des montagnes et des basses collines à faible
altitude et couvert de forêt en grande partie. Le nord de la commune est caractérisé par des
chaînes de montagnes formées par des successions de collines. On y trouve aussi les lieux
d’habitations et des cultures. Le sud est formé de plaines traversées par les rivières Matsiatra
et Iboaka ; le reste est formé de vallées.

5.2-Climat

Il s’agit, en général d’un climat qui est de type tropical, caractérisé par l’alternance
d’une saison des pluies et d’une saison sèche.

La commune fait partie aussi d’une zone très sensible au passage d’une calamité
naturelle telle que l’inondation à cause de l’imperméabilité du sol et aussi des cyclones. En
effet, la période de pluie peut donner lieu à la crue des rivières qui détruit la culture de riz. On
peut dire alors que les événements pluvieux sont intenses, soit de type orage, soit de type
cyclonique.

Tableau N°02 : Tableau récapitulatif de la condition climatique du milieu

Calamités naturelles Cyclones Inondation Sécheresse

Période de passage Janvier-Février Janvier-Mars Octobre-Novembre


Source : la commune

5.3-Hydrographie

Le fleuve Matsiatra et celui d’Iboaka alimente les rizières dans la commune en général.

Tableau N°03 : Hydrographie

Dénomination Type Localisation Utilisation Caractéristique

Matsiatra Fleuve Ouest, sud, nord, est Riziculture, Irrigation Permanent

Iboaka Fleuve Est, Ouest, sud Riziculture, Irrigation Permanent


Source : la commune

38
5.4- type de sol

Arrosé par le fleuve d’Iboaka et du Matsiatra, les rizières sont caractérisées par des
sols moyens et hydromorphes. Dans ce cas, les riverains l’exploitent en procédant à la
riziculture traditionnelle et extensive. D’habitude, ils y fabriquent aussi des briques qui
servent à construire des maisons, surtout durant la période sèche. Mais généralement, dans la
commune d’Ambalamahasoa, les sols sont classés de type ferralitique, alluvionnaire,
volcanique, argilo-sablonneux.

En effet, les collines et les versants sont caractérisés par des sols ferralitiques rouges.
Les plaines sont de terre argileuse et les sols des bas de pente sont essentiellement des
tamboho fertiles.

Section 2. Les différentes ressources et les infrastructures de la


commune

1- Population et données humaines

Selon le dernier recensement effectué par les responsables de la commune en 2008, la


commune rurale d’Ambalamahasoa compte environ 11.503 habitants dont6005 hommes et
5498 femmes. La taille de ménage est en moyenne de 6 et la densité est de 98,32hab/km2. Le
taux de fécondité dans la commune est de 8,4% et celui de la mortalité est de 2%.Le taux de
fécondité est de l’ordre de 3,27%.Le nombre d’électeurs est compté à environ 5526.

Tableau N°04 : Taille de ménage, taux de fécondité, et taux de natalité

COMMUNE POPULATION TAILLE TAUX DE TAUX DE


TOTAL DE FECONDITE(%) NATALITE(%)
(habitant) MENAGE
(personne)
AMBALAMAHASOA 11.503 6 8,4 2

Source : la commune

39
Tableau N°05 : Répartition de la population par fokontany

COMMUNE POPULATION POURCENTAGE


RESIDENTE (Année
2008)
AMBALAMAHASOA 1832 15,92
AMBALAFENOMBY 1667 14,49
AMBATOLAHY VOHIDRAVINA 1686 14,65
ANDRANOMENANJAZA 1549 13,47
BEVOANJO 1713 14,89
MIANDRIARIVO 1549 13,64
SOAZANGA 1509 13,12
TOTAL 11.505 100
Source : la commune

2 –Le secteur culturel

• Religion

La majorité des habitants sont des chrétiens (catholiques et protestants) mais cela ne
les empêche pas de pratiquer leur coutume et rites traditionnels en cas de besoin.
Actuellement, des nouvelles églises s’éparpillent au sein de la commune rurale
d’Ambalamahasoa car à part la religion catholique, on peut remarquer aussi d’autres formes
de confessions religieuses dérivées du protestantisme tels : les « jesosy mamonjy,
les apostoly , les « rhema »45, qui sont devenus des concurrents car un grand nombre de
chrétiens se tournent vers eux.
Tableau N°06 : Formations culturelles

RELIGION Nombre Nombres des pratiquants Taux des


d’Eglise pratiquants(%)

EKAR(Catholique) 1 1356 11,79

FLM (protestante) 2 1954 16,98

APOKALYPSY 1 26 0,23

RHEMA 1 356 3,09

JESOSY MAMONJY 1 129 1,12

APOSTOLY 2 997 8,69


Source : la commune

45 Jesosy Mamonjy, Apostoly, Rhema : sont des nouvelles « églises », avec des méthodes et manières nouvelles pour attirer les gens à les
suivre ; les autres Chrétiens les considèrent comme des sectes.

40
Interprétation :

Le taux de pratiquants du christianisme est encore faible (40%) même si le nombre de


confessions a augmenté.

• Us et coutumes

La population pratique différents rituels :

-le lagnonana qui est une fête (remerciement) organisé par quelqu’un ou une famille dont les
vœux ont été exaucés par Dieu et les ancêtres ;

-le rite « saotsa », remerciement adressé aux puissances divines (fahasivy) pour
l’accomplissement des faveurs demandées ;

-le rituel « fagnefana », qui est un acte en honneur des ancêtres pour avoir leur protection et
bénédiction dans la vie.

- le rituel « tsangambatolahy », qui consiste à installer ou à lever une pierre bien taillée pour
symboliser le corps et l’image d’un défunt dont le corps n’a pas pu être retrouvé par exemple
etc.

-Le rituel « fahafatesana »ou les funérailles qui consistent à honorer suffisamment le défunt
pour mériter sa protection et éviter sa vengeance ;

-le rituel « famadihana » ou exhumation pratiquée lors du transfert des cadavres au nouveau
tombeau construit ;

-le rituel « fidirana an-dragno » ou inauguration d’une maison à la façon betsileo ;

-le rituel du « forazaza » ou circoncision qui est une épreuve par laquelle tous les garçons en
bas âge (2-3ans) doivent passer pour être intégré dans le monde des hommes ;

-le rituel « ala fady » ou enlèvement des tabous et « tandra vady » ou mariage traditionnel : ce
sont des rites pratiqués par les Betsileo à leur manière, lors du passage du célibat a la vie
conjugale.

Ces types de manifestations traduisent la fidélité à la tradition.

41
3-Vie économique

En tant que monde rural, il y a la prédominance du secteur primaire. Les principales


activités des habitants dans la commune sont alors l’agriculture et l’élevage. Mais il existe
aussi d’autres activités professionnelles qui se présentent sous différentes formes.

• L’agriculture

Tous les paysans vivent de l’agriculture dans la commune.

Il existe deux périodes de récolte de riz dans une année : mi-mars et mi-juin.

Le moyen de production est encore manuel et traditionnel.

Les produits cultivés sont souvent : le riz, le manioc, le maïs ; les patates, les légumes ;
les fruits et la canne à sucre.

• L’élevage

L’élevage est une activité associée à l’exploitation agricole dans le monde rural. Il prend
une place plus importante dans la vie socio-économique des paysans. Bien que la technique
reste encore traditionnelle, il représente des ressources financières non négligeables à part
l’agriculture.

La majorité des éleveurs pratique l’élevage de bétail car il a une valeur importante dans la
vie des paysans :il assure la fumure de la terre, le piétinage des rizières et surtout il dore le
prestige de leurs propriétaires.

L’élevage des cochons et des volailles est pratiqué traditionnellement.

En ce qui concerne les productions animales, elles constituent les principales ressources
financières dans la vie quotidienne des paysans.

• L’artisanat

Le tressage est une des activités féminines témoignant du dynamisme des femmes dans le
village ; permettant de résoudre les problèmes à l’intérieur de leur famille, de satisfaire leurs
besoins primaires comme l’achat de PPN (Produit de Premier Nécessité) tels que café, sucre,
pétrole, savon, sel et…

42
La plupart des femmes du village pratiquent le tressage. Dès l’âge de 14ans, une jeune
fille sait déjà trouver de l’argent pour aider sa famille. Le 20% du produit fini assurera le
besoin du ménage et le 80% sera vendu au marché. Les femmes qui ne savent pas faire du
tressage sont considérées comme nulles.

• Le commerce

Le « tsena » ou marché c’est le lieu de rencontre des gens dans le monde rural. C’est
dans ce lieu qu’ils vendent les fruits de leur travail et achètent les choses dont ils ont besoin
dans la vie quotidienne(PPN).

Au chef-lieu de la commune, il y a un petit marché (jour de mercredi).Le problème est


que ce marché ne fonctionne qu’à la saison de récolte « hasotry ».

Ainsi, pour écouler ou vendre leurs produits, les paysans sont obligés de faire une
marche à pied de plusieurs km pour trouver un marché tel celui d’Andohanisana, sur la RN7,
qui se trouve à 7km de la commune. Dans ce cas, la commune ne tient aucun avantage des
ventes de produits car ceux-ci sont commercialisés dans le marché le plus proche.

Les paysans vont au marché au moins une fois par semaine. Ils ont cinq(5) jours de
marché dans la semaine :

 Lundi à Andohanisana, sur la RN7, route vers Fianarantsoa ville, à 7km de la


commune ;
 Mardi à Talata Iboaka,sur la RN7,route vers Ambohimahasoa, à 8km de la commune ;
 Mercredi au chef-lieu de la commune rurale d’Ambalamahasoa ;
 Jeudi à Alakamisy Ambohimaha,sur la RN7, à 15km de la commune ;
 Vendredi à Anjoma, ville de Fianarantsoa, à 24km de la commune.

4-Services sociaux de base

• Enseignement

Sur le plan éducatif, la commune rurale d’Ambalamahasoa est marquée par l’existence
des différentes écoles.

43
Les enfants en général vont à l’école. Dans la commune, il y sept (07) EPP et des écoles
privées : 02 EPL (Ecole privée Luthérienne), 02 EPC (Ecole Privée Catholique), 13 écoles
VOZAMA46 et un CEG.

Photo N°02 : Les établissements scolaires

La population d’âge scolaire est de 6 à 17ans. Ils ont au nombre de 3262 dont 1565
filles te 1697 garçons.

Le taux de scolarisation est de 49,60% dont 26,11% filles et 23,48% garçons.

Le taux d’alphabétisation des adultes est de 45% dont 21% filles et 24% garçons.

Des écoles privées VOZAMA se situent partout dans les villages de la commune.
C’est une forme d’école implantée par le missionnaire catholique. Dans ce cas, les parents ne
payent rien car il y a un financement extérieur. Mais le problème se pose sur le taux de
réussite. Il peut y avoir des défections à cause du travail dur qui attend l’enfant avant le départ
et au retour à la maison. De plus, de nombreux enfants ne vont pas à l’école pendant la saison
de récolte « hasotry »47 pour profiter des « tamby »48 afin de gagner un peu d’argent pour leur
besoin personnel et aussi par manque de suivi de la part des parents.

En ce qui concerne le CEG, la commune vient d’en avoir un, l’année dernière. Les
Japonais ont financé la construction.

46 VOZAMA :VOnjeo ny ZAza MAlagasy ; éducation subventionnée par les catholiques, seulement une participation ou droit de 2000ar/an
est payé par les parents.

47 Hasotry : période de récolte de riz

48 Tamby : c’est une sorte de gain en échange de travail rendu pour le transport des paddy vers le lieu destiné.

44
Il n’y a pas de collèges ni de lycée.

Le taux d’analphabétisme est difficile à déterminer.

• Santé

La commune dispose d’un CSB (Centre de Santé de Base) qui se trouve au chef-lieu de la
commune et possède aussi une maison pour loger le médecin.

Le personnel comprend un médecin, une sage-femme, sans aucun personnel d’appui ni


d’aide sanitaire. Il n’y a pas de formation sanitaire privée.

Il y a aussi au niveau de la commune une organisation locale appelée VAOFA


(VAOmieran’ny Fahasalamana) qui est chargée bénévolement des activités paramédicales
telles que : vaccination, planning familial, hygiène sociale, alimentation du bébé, etc. A vrai
dire, le VAOFA sensibilise les mères de famille sur la santé et tout ce qu’il y a autour.

Malgré l’existence de CSB2 et le VAOFA, la plupart des habitants pratiquent l’auto


médication ou la médecine traditionnelle. C’est seulement en cas de maladie grave qu’ils sont
obligés d’aller à l’hôpital. Les maladies les plus fréquentes dans la commune sont le
paludisme, la maladie de dent, la diarrhée, la galle et la grippe.

Photo N03 : Le CSBII

45
5-Potentialités et problèmes de la commune en général

• Les atouts :

-existence de piste reliant la commune à la RN7 ;

-espace à majorité exploitable ;

-existence de taxi-brousse reliant journalièrement Ambalamena et Iboaka vers Fianarantsoa ;

-existence de piste et sentier piétonne reliant les fokontany et les communes environnantes
(Iboaka, Alakamisy Ambohimaha…) ;

-accès au réseau radiophonique implanté à Fianarantsoa : Radio Mampita, radio Tsiry, radio
Tohivakana, radio Sofia, radiom-paritra etc… ;

-Accès aux réseaux téléphoniques : Zain, Telma, Orange ;

-proximité de la place du marché d’Andohanisana ;

-existence d’une étendue cultivable ;

-existence d’opportunité d’écoulement de la production locale par le biais des marchés


environnants ;

• Les faiblesses :

-impossibilité d’implantation de nouveau marché suite à l’existence des grands marchés


hebdomadaires (Andohanisana, Alakamisy Ambohimaha,Andremizaha,…) ;

-manque de moyens de transport suffisant par absence de terminus de taxi-brousse à


l’intérieur de la commune

-mauvais état de la piste reliant la commune à la RN7 étant donné le mauvais état du pont et
non accessibilité de la piste pendant la période de pluie ;

-faiblesse voire absence des ressources financières au niveau commune ;

-faiblesse des recettes fiscales ;

-insuffisance d’encadrement technique en matière d’Agriculture et d’Elevage ;

-manque d’éclairage public.

46
• Les menaces :

-risque d’inondation de surfaces cultivées par crue provenant de la rivière Matsiatra ;

-existence de pratique de feux de brousse non contrôlés notamment au niveau des communes
entourant Ambalamahasoa.

47
Chapitre 2 : LES RITUELS FAGNEFANA ET L’ENVIRONNEMENT
SOCIOLOGIQUE

Les gens qui vivent en milieu rural respectent toujours la tradition. Ce sont eux qui
sont les gardiens de la tradition et /ou des rituels traditionnels, et seulement les générations
qui y habitent ou le fréquentent peuvent acquérir et connaitre les héritages culturels. C’est
pourquoi, notre intérêt pour cette partie est de montrer comment se présente le rituel
fagnefana au sein de la communauté betsileo et quelles sont les raisons particulières justifiant
l’obéissance aux us et coutumes traditionnels tel le fagnefana.

Section 1. Descriptif d’un rite commun

1-Aperçu historique et motifs

La signification originale du fagnefana 49était un lever de deuil c'est-à-dire une fois le


deuil accompli, il faut sécher les larmes et on le pratique un an après le décès. On peut parler
du statut de défunt à celui d’ancêtre, ce qui mérite d’être fêté. Puis plus tard, les conservateurs
le célèbrent aussi comme un acte de reconnaissance envers les ancêtres. Il a ainsi une valeur
importante dans l’espace de la vie socioculturelle en général.

Le fagnefana s’accomplit selon les possibilités de la famille. Pour les uns, une fois
qu’il est fini, on ne le refait plus. Mais pour les autres, à chaque occasion heureuse, la famille
se souvient des ancêtres et tient à les remercier et les honorer en faisant ce rituel.

Une réunion familiale est alors organisée pour décider du fagnefana et donner une date
approximative mais la vraie date ne sera fixée que suivant l’avis du mpanandro.

L’essentiel c’est de prendre une décision sans s’attarder car un malheur pourrait
arriver ou frapper la famille surtout en cas de réticence.

La cérémonie est organisée après la saison de récolte (à partir du mois de mai).

49Fagnefana : traduit improprement en français finition, vient de la racine du terme betsileo « efa » qui signifie finit ou accompli.

48
2- Proposée définition

Le fagnefana, est une sorte de festivité organisée par les vivants en l’honneur d’un
mort dont on considère parce que l’enterrement n’a pas été satisfaisant, soit en tant qu’ un acte
de reconnaissance et/ou fête pour rendre hommage aux ancêtres en invoquant une raison
déterminée.

Sans négliger les différents préparatifs et les diverses manifestations qui gravitent
autour de cette coutume, on peut avancer que le fagnefana constituerait l’accomplissement
des actes de réincarnation des ancêtres pour qu’ils soient bien placés dans l’autre monde et
acquièrent des forces surnaturelles, afin de veiller et donner la bénédiction nécessaire aux
vivants pour qu’ils puissent réussir dans leur vie.

D’ailleurs, le terme fagnefana, traduit improprement en français par « finition »


constitue un ensemble de rites qui consiste en l’accomplissement d’une obligation
inaccomplie et due envers les razana : « adidy tsa efa ary tsy maintsy efaina ». Il est pratiqué
particulièrement dans le Betsileo du sud. Nous mettons très bien l’accent sur la question de
betsileo sud car dans le betsileo nord, Ambositra et Fandriana, on pratique le Famadihana50 ou
retrouvailles avec les morts.

3- Ressemblance, différence entre Fagnefana et Famadihana

• Ressemblance

Le Famadihana comme le fagnefana, fait partie des obligations envers chaque défunt
dans la conception religieuse traditionnelle betsileo. Car les vivants doivent honorer leurs
ancêtres.

L'ensemble de la manifestation est exécuté dans une ambiance de fête et de


réjouissance. La musique, les chants et les rythmes se mêlent au sacrifice d'un zébu et au
partage de la nourriture. Un discours est prononcé en l’honneur de la mémoire du mort et de
la destinée des vivants.

50Famadihana : exhumation, retrouvailles avec les morts.

49
• Différence

Famadihana : Il est rare que les Betsileo du Sud (de Fianarantsoa) pratiquent le
Famadihana, sauf en cas de destruction du tombeau ancestral ou en cas de construction d’une
nouvelle tombe. Dans ce cas, ils ont la joie de montrer leur affection envers leurs ancêtres en
leur construisant une nouvelle demeure, en leur donnant plus de valeur lors du transfert.
D’ailleurs c’est une preuve de soin et d’amour pour les Razana afin de pouvoir compter en
retour sur eux pour leur protection et de pouvoir profiter aussi de leur bénédiction qui est un
élément fort et important pour les Malgaches. Par contre, les Betsileo du Nord pratiquent
fréquemment le famadihana, car ils pensent que l'ancêtre a froid et a donc besoin d'un
nouveau linceul. Il peut s’agir de ramener dans le tombeau ancestral le défunt décédé loin de
son village natal, ou d’envelopper de nouveaux linceuls les corps d’ancêtres enterrés depuis
un certain temps. Dans ce cas, le famadihana consiste à faire sortir les corps déjà enterrés
mais considérés comme secs dans le tombeau, puis à les envelopper dans de nouveaux
linceuls. Le corps est donc exhumé et transporté vers l’extérieur du tombeau afin qu’il puisse
profiter du soleil et des réjouissances des vivants.

Fagnefana : A la différence du Famadihana, pour le Fagnefana, il n’y a pas


d’ouverture de tombeau, ni d’enveloppement des morts avec des nouveaux linceuls mais
seulement des rites et coutumes à l’extérieur de la tombe et dans la maison traditionnelle
appelée « Tranondrazana ». Cela consiste à invoquer les morts pour leur présence et d’être
avec les vivants durant les cérémonies durant lesquelles on leur rend honneur.

En fait, on ne déterre pas le corps, seulement on tue un bœuf en son honneur, et on


invite les amis de la famille à participer aux réjouissances. On peut le considérer comme un
achèvement de l’enterrement ou d’installation du mort.

Si l’on craint d’avoir, dans l’accomplissement des rites funéraires, commis quelque
oubli, si quelque incident fâcheux survient dans la famille, si l’on a quelque motif de penser
que l’on a prêté flanc à quelque « Tahina »51 ou réclamation du mort dernièrement enterré, on
consulte le devin et sur son avis, on multiplie les sacrifices de réparation.

On s’ingénie de toute manière à calmer l’esprit persécuteur, à l’écarter en allumant au


besoin des feux, en renouvelant surtout les offrandes de riz et de viande jugées insuffisantes,
au moyen des rites.

51Tahina : désigne une sorte de perturbation morale ou physique fait par les morts pour transmettre un message aux vivants. Ainsi, le signal
de déclenchement du rituel fagnefana est lié au surnaturel, souvent lors d’un rêve, un membre de la famille a été terrorisé par un défunt car la
famille oublie de finir son enterrement comme il faut, la famille consulte alors un devin « le mpanandro » qui définirait le jour et l’heure le
plus propice à la cérémonie rituelle.

50
Comme il a été évoqué auparavant, il s’agit d’un rite religieux qui sert à réparer les
obligations non satisfaites.

Le plus important dans le rituel fagnefana est le rite « saotsa » c'est-à-dire une sorte
de conversation entre les vivants et les morts. On s’adresse particulièrement au « Fahasivy »
(dieu des ancêtres) pour lui annoncer le but du rituel fagnefana : soit pour accomplir les
obligations non satisfaites, soit pour les remercier pour les bienfaits qu’on a reçus d’eux.
Alors, ce sont les bœufs et le toaka gasy qui jouent le rôle plus important.

51
Tableau N°07 : Tableau récapitulatifs du rituel Famadihana et Fagnefana

Caractéristique du Famadihana Fagnefana


respect du razana
-Betsileo du nord ( Ambositra-Fandriana) -Betsileo du sud(Fianarantsoa)
Groupe exécuteur
Motif
-Montrer du soin, de l’amour et du respect -Réparer les obligations non
envers les morts ; satisfaisantes (finition d’un
enterrement), devoirs envers les
ancêtres ;
-Grande festivité en honneur des morts et
-accomplissement de la promesse faite
des vivants
aux ancêtres (acte de remerciement …)

- Se souvenir des ancêtres ; -se souvenir des ancêtres

Préparatif -consulter les devins pour le choix du -consulter les devins pour le choix du
jour ; jour ;
-inviter tous les membres de la famille et la -inviter tous les membres de la famille
communauté toute entière. et la communauté toute entière.

Déroulement -ambiance de fête et de réjouissance -ambiance de fête et de réjouissance


-ouverture du tombeau -sans ouverture du tombeau ;
-cérémonie à l’intérieur et en dehors du -toutes les cérémonies sont en dehors
tombeau ; du tombeau ;
-contact direct avec les cadavres (faire -pas de contact avec les
sortir les cadavres secs, puis envelopper cadavres (existence du rite « saotsa »,
avec des nouveaux linceuls) ; moment de l’invocation et de la
communion avec les ancêtres).
-Abattage de zébu : « sacrifice »
-Abattage de zébu et cochon : pour nourrir
les invités

Finalité -Rendre honneur aux ancêtres, Rendre honneur aux ancêtres ;


-Montrer aux communautés que les -pour avoir la conscience tranquille et
descendants se souviennent toujours de avoir le courage de continuer dans la
leurs sources et ont les moyens pour faire vie ;
le rituel.
-Demander de bénédiction et remercier
- Demander la bénédiction et remercier les les ancêtres pour la réussite dans la vie
ancêtres pour la réussite dans la vie
Impacts Union, soutien, solidarité Union, soutien, solidarité

Source : enquête

52
4- Types de Fagnefana

Il existe plusieurs circonstances pour la pratique du fagnefana :

 devoir non accompli et qu’on a l’obligation d’effectuer ;

 promesse d’accomplir envers les ancêtres ;

 acte de reconnaissance envers les ancêtres.

4.1- Fagnefana comme acte d’obligation envers les ancêtres

Chez les Betsileo, le dicton qui dit : « fahasivy mahery, tsy sitrapo fa adidy ».Cela
signifie qu’il y a des obligations qu’on doit accomplir envers les Razana.

• Cas du « tandra fasana »52

Ce type de fagnefana est réalisé dans le cas où un homme est mort et que sa famille
décide de lui construire une nouvelle tombe pour l’enterrer. En fait, cette idée était déjà en
tête avant cet évènement malheureux, et que cette circonstance favorise la justification. Mais
la coutume betsileo interdit la finition définitive de ce tombeau en ce moment malheureux, car
comme toute chose, la construction mérite une inauguration. D’ailleurs, c’est une nouvelle
demeure des ancêtres et d’après les croyances betsileo, même si la circonstance est difficile
pour les vivants, les morts sont heureux d’avoir une maison, et on n’a pas le droit de leur
priver de leur joie.

En général, ce rituel se fait cinq (05) ans après l’enterrement, mais actuellement, cela
dépend de chaque famille. Et c’est une chose qu’on doit faire, sinon les Razana ne sont pas
contents « manahina »53 et peuvent perturber les vivants selon la croyance.

La festivité ne dure qu’une journée, elle commence dès que le soleil se lève et doit être
terminée avant le coucher du soleil : « lahy anio »54.Toute la cérémonie se fait sur le lieu du
tombeau car on doit la célébrer avec les Razana.

De bon matin, toute la famille et le « fiarahamonina » (entourage) ainsi que les invités
vont sur le lieu du tombeau pour assister à la cérémonie de la finition du travail de
construction : « Mameno isa fito ny rarivato », littéralement compléter jusqu’au nombre sept

52Tandra fasana : inauguration traditionnelle d’une nouvelle tombe.

53Manahina : perturbe moralement ou physiquement les vivants


54Lahy anio : terme betsileo qui signifie « ce jour même », sans veillée ni attente.

53
(07) le « rarivato »55 ou monument car c’est le nombre nécessaire pour ce genre de tombe.
Selon la croyance betsileo, le nombre sept exprime la fin et dans ce cas de rituel, le
« mpisaotsa »56 dit toujours : « hamito (fito=sept) ny ratsy » c'est-à-dire pour mettre fin au
malheur.

Avant cette finition, ce nombre de pierres était six (06), donc la septième pierre est la
seule partie inachevée lors de la construction.

Photo N° 04 : Tombeau de forme traditionnelle construit avec des pierres locales.

Puis, on procède à l’installation des « toko lava »57ou trépieds en pierre comme celle
des ancêtres, dressés sur le sol d’une manière rectiligne pour la cuisson du repas
del’assistance.

Photo N°05 : Les trépieds traditionnels ou « toko lava »

L’existence des « toko lava » est une coutume betsileo dans ce rituel « tandra
fasana ». Ils sont au nombre de sept(07), soit (06) pour la cuisson des repas des assistants et le
dernier ou septième pour cuisinier le repas du razana. (Voir image ci-dessus)

55Rarivato : édifice en pierre bâti sur le tombeau familial pour sa protection et pour son symbole (identification).
56Mpisaotsa : celui qui dirige la cérémonie, le plus vieux de la famille.
57Toko : trépied en pierre, construit de manière traditionnelle, utilisé pour la cuisson de repas dans la communauté villageoise.
Lava : long

54
Photo N°06 : Le part du razana

Toute la cérémonie se fait sur le site du tombeau : les femmes cuisinent le repas pour
tout le monde, les hommes attendent l’abatage de zébu ; les invités font leur entrée en portant
le « tatim-bary et le « fahenim-bary »58 en guise de bénédiction.

Photo N°07 : Les invités et leurs dons

Après avoir béni le zébu avec de l’eau, le plus vieux de la famille l’offre aux ancêtres.
Le «mpanominda »59 tranche la gorge du zébu et recueille le sang dans un flacon. Puis, un
homme de la famille le répand aux quatre (04) points du monument, comme symbole de
l’inauguration. Après, on découpe la viande de zébu en mettant à part certains morceaux
destinés au rite « saotsa », les autres morceaux étant à cuisiner pour l’assistance et le reste
devant être partagé.

58Tatim-bary ou fahenim-bary : sont des corbeilles en fibres végétales contenant du riz en guise d’aide, de soutient et surtout de bénédiction
de la part des invites dans les rituels betsileo.
59Mpanominda : celui qui s’occupe de la tâche d’abatage de zébu.

55
Photo N°08 : Le sacrifice de zébu

Comme nous l’avons signalé auparavant, toute la cérémonie se fait sur le site de la
tombe : inauguration, cuisson, sacrifice, danse, dégustation de boissons, repas et surtout le rite
« saotsa » (à voir ultérieurement).

Photo N°09 : Le repas commun

Après le repas, le porte-parole de la famille effectue le « kabary » ou discours pour


annoncer l’objet de ce rituel, les jeunes gens effectuent le « tono hena saotsa » littéralement
griller la viande pour le rite d’invocation des ancêtres et les autres assistants attendent le plus
important qui est le « saotsa ».

Photo N°10 : Le kabary et la grillade de viande du rite « saotsa »

56
Le rite « saotsa »60est le plus important dans les rituels Fagnefana. Il se fait au début
et à la fin de la cérémonie. C’est le moment d’invocation et de communication avec les
ancêtres. On les appelle, on les informe de ce que l’on compte faire, on leur demande
bénédiction et aussi qu’ils ne perturbent pas le déroulement de la fête qui est organisée
principalement en leur honneur. On les remercie aussi car selon la croyance, le fait d’avoir le
moyen pour accomplir ce rituel vient d’eux. D’ailleurs, quiconque a un souhait profite de
l’occasion pour faire sa demande, durant le moment où on accomplit le rite « saotsa » car
c’est l’occasion parfaite pour émettre les vœux.

Exemple de « saotsa » pour ce type de cérémonie : « …ko avy anay namita ny


tranonareo, keho ny lavitsa, ilazao ny mariny…nomenay anareo ny omby valagnary votsotra
ko mitahia soa mitahia tsara…» littéralement : « nous sommes venus pour achever votre
demeure, invitez vos familles proche et lointaine …on vous offre un zébu, et que votre
protection et bénédiction soient avec nous… ».

Photo N°11 : Le « sao-drazana »61

• Cas du « tsangambatolahy 62»

Ce type de Fagnefana est réalisé dans le cas où le défunt n'a pas pu être enterré dans le
tombeau de la famille au moment du décès comme le cas des défunts introuvables ou morts
loin du Tanindrazana. Ses proches vivants doivent alors, quelques années après, le ramener
au caveau familial en faisant le rituel Fagnefana ou par l’installation de pierres bien taillées
« tsangam-batolahy » pour symboliser le corps et son image. Cette opération, pour des raisons
sanitaires, est toujours l'occasion de manifester sa joie et de fêter l'évènement.

60Saotsa : rite particulier pour invoquer les ancêtres, d’être venus et présentes parmi les vivants dans un moment spécial et/ou célébration
des rituels traditionnels à leur faveur.
61Sao-drazana : moment d’invocation et de communion avec les ancêtres.
62Tsangam-batolahy : désigne l’installation de pierres bien taillées pour symboliser le corps d’un défunt et son image.

57
Le déroulement est pareil à celle du « tandra fasana », seulement dans ce cas, on ne
parle pas de la finition d’une construction d’un tombe mais d’installation des pierres à l’image
du défunt.

Photo N°12 : Le « vatolahy »

• Cas du « maty tsy nilofo »63

Le Fagnefana est entrepris dans le cas où l’enterrement n’a pas été accompli comme il
se doit. En effet, pour les betsileo, le « maty tsy nilofo » c'est-à-dire un mort enterré sans un
abattage de bœuf n’est pas bien reçu au monde des ancêtres.

Pour le cas des familles pauvres, le mort est parfois enterré sans que soient accomplis
toutes les coutumes et tous les rituels, mais la famille a sur le dos un devoir envers ce défunt
et doit le faire pour le bien des familles vivantes dès qu’elles auront eu la possibilité de le
faire.

Dans ce cas, le Fagnefana est une sorte de rituel qui consiste à finir l’enterrement donc
il s’agit d’une obligation. Mais même s’il s’agit d’une finition de l’enterrement, on n’a pas le
droit de pleurer, mais plutôt de montrer de la joie car c’est déjà une bénédiction des ancêtres,
le fait d’avoir les moyens et possibilités requis à ce moment-là ; et on doit montrer aux
ancêtres une festivité à titre de reconnaissance envers eux. D’ailleurs, on doit le faire
également pour se sentir bien aux plans psychologique et social.

63Maty tsy nilofo : c’est un terme betsileo qui désigne un mort enterré sans abattage de zébu. Ce qui signifie, selon la croyance betsileo, que,
le mort doit apporter un bœuf pour être bien reçu dans leur monde.

58
4.2- Fagnefana comme accomplissement des promesses faites aux
ancêtres

Il s’agit du « vava natao », une promesse faite ou vœu prononcé par une personne
pendant une période difficile de la vie humaine. En fait, les betsileo croient en l’existence du
« Razana mitahy », ancêtre qui protège ou bénit. Ainsi, en cas de difficulté, les gens qui
vivent sur le Tanindrazana ont l’habitude de demander de l’aide auprès de leurs ancêtres qui
ont, selon leur croyance, un pouvoir surnaturel et des pouvoirs suprêmes sur les personnes et
les choses sur terre.

Dans ce cas, celui dont les vœux ont été exaucés par Dieu et les ancêtres, annonce à sa
famille qu’il va exécuter sa promesse de rendre grâce au « Zanahary sy ny Razana »eu regard
de la réalisation de ses vœux. Par exemple un couple qui vit depuis plusieurs années mais qui
n’avait pas eu d’enfant. Très désireux d’avoir un enfant, il a lancé un vœu de tuer un bœuf ou
de procéder au « lagnonana » ou festivité si son souhait est réalisé. Après il a pu avoir un fils
comme dit l’expression malgache « nitady zaza ka teradahy », il doit accomplir le rituel
fagnefana pour remercier le Razana.

Prenons l’exemple d’un homme, lors d’un fagnefana à Ambalahambana, où nous


avons pu assister et voir une foule de fidèles qui était présente pour l’honorer. Ce chef de
famille a été emprisonné pour un vol qu’il n’a pas commis. Pendant son séjour en prison, il a
demandé à ses ancêtres de le sortir et il avait dit :

« Any anareo razako, ity aho zanakareo migadra noho ny hendrikendrikolo, anareo mahita
ny ambany lanitra, ary fantanareo fa tsa nanao ratsy aho, mangataka aminareo aho mba
hitahy ahy ho afaka tato, fa raha mba zaho ro tafavoaka ato ka vitasoanizao loza ratsy
mahazo ahy zao, de tsy ho hadinoko anareo fa hasehoko ho rentany ho ren-danitra ny
fitahianareo ahy ka homeko omby anareo ».

Cela signifie que : « Je m’adresse à vous mes ancêtres, mes protecteurs, vous savez très bien
que je suis en prison pour une faute que je n’ai pas commise. C’est la jalousie des autres qui
m’a fait du tort et je vous demande de bien vouloir m’aider et de me sortir delà, et si mon vœu
est exaucé, et que je sors d’ici, je montrerai au monde entier que c’est grâce à votre
bénédiction et votre protection que je m’en suis sorti, et je vous offrirai un bœuf comme signe
de reconnaissance ».

59
Pour pouvoir continuer à profiter des bénédictions de ses ancêtres, il doit accomplir sa
promesse, sinon cela tournerait mal pour lui d’après la croyance betsileo. Ainsi, il doit réaliser
un fagnefana.

Ce type de fagnefana pourrait être fait pour le cas de quelqu’un qui est traîné au
tribunal pour un« ady tany » ou problème foncier. Il demande à ses ancêtres de l’aider, et une
fois qu’il gagne, il doit accomplir sa promesse en effectuant le fagnefana.

Un autre cas aussi pour illustrer ; celui d’un père de famille désirant construire une
maison, il lance un vœu que s’il finit la maison, il promet de tuer un bœuf c'est-à-dire rendre
honneur aux ancêtres ou faire le fagnefana car pour les betsileo, tuer un bœuf sous-entend un
souhait d’avoir une relation favorable avec les ancêtres car le bœuf est considéré comme un
animal sacré qu’on ne tue pas pour des choses sans importance.

On peut dire alors que ce type de fagnefana est une grande festivité « lagnonana » fait
après la réalisation d’un vœu, pour reconnaitre la bénédiction reçue des ancêtres.

4.3-Fagnefana comme acte de reconnaissance envers les ancêtres

Comme le dicton betsileo « fo faly ro miteraka hehy » c'est-à-dire que c’est le cœur
comblé de joie qui incite le sourire. A la différence du cas évoqué en dernier lieu, il n’y a pas
de « vava natao » ou vœu prononcé, ni d’obligation mais c’est la réussite dans la vie qui
donne envie de remercier les ancêtres.

Un garçon de 15 ans avait reçu une bourse d’étude pour l’extérieur et il doit quitter
son tanindrazana pour son bien. Un an après son départ, sa mère est décédée. Il n’a pas pu
être présent durant l’enterrement car les circonstances l’ont empêché de le faire. Cinq ans plus
tard, il était de retour. A son arrivée au tanindrazana, il se sent heureux car malgré son
absence et le fait d’avoir manqué à son droit et son devoir envers ce défunt qui lui était le plus
cher, il a réussi dans tout ce qu’il a entrepris. De la sorte, il a organisé un fagnefana pour
remercier et se souvenir de sa mère. D’ailleurs c’est une manière de prouver à la famille et à
l’entourage qu’il devient un homme heureux même si sa mère est morte car elle l’aide dans
tout ce qu’il fait, ce qui mérite d’être reconnu par ce rituel fagnefana comme acte de
reconnaissance.

Un autre exemple encore pour illustrer, c’est celui d’un orphelin qui a du s’endetter
durant l’enterrement de son père car il était pauvre. Quelques années plus tard, il dit : « Feno

60
omby ny vala ko feno vary ny hady, andao mba hahatsiaro ny razana fa mahafinaritra andreo
ny fipetrahako amin’ny tanindrazana fa soa sy fanambinana no azoko teto ». Ce qui signifie
« J’ai acquis beaucoup de zébus et une bonne récolte (riche), je souhaite qu’on organise une
fête pour remercier et rendre honneur aux ancêtres. Ils m’ont donné leur bénédiction pour
vivre sur leur terre car j’ai réussi dans la vie grâce à eux ».

Dans ce cas, le fagnefana se présente comme un acte de louange face aux bienfaits
reçus d’eux car cela ne serait pas arrivé sans leurs « fitahiana » (bénédiction).

5- Le fondement des motivations

Des motivations conscientes et inconscientes poussent les Betsileo à pratiquer cette


coutume, mais il faut reconnaître aussi que chaque famille a sa raison particulière.

D’abord, la croyance traditionnelle : En général, les malgaches ont une conception


assez large de la société. Pour eux, il y a continuation entre la vie terrestre (vivant) et la vie de
l’au-delà. Retenons le proverbe malgache : « velona iray trano, maty iray fasana »,
littéralement : « étant vivants dans une même demeure, et une fois morts, dans un même
tombeau ». C’est pourquoi, il y a l’existence des rites et des coutumes diverses.

Puis vient la croyance en la puissance des ancêtres : La crainte des Razanaa sa place
dans la société betsileo. Les Razana sont sacrés et on leur doit du respect car ils sont porteurs
de pouvoir et sont défenseurs de la vie sur la terre, tant matérielle que spirituelle.

Ensuite, l’accomplissement d’un devoir envers les ancêtres : La mort, pour la croyance
traditionnelle malgache, marque le passage du rang d'être humain au haut rang d'ancêtre
(Razana) et si l’enterrement n’est pas bienfait, le défunt n’est pas bien reçu par ses amis dans
l’au-delà. Par exemple un défunt enterré sans bœuf est considéré comme « mal enterré » pour
les Betsileo, il peut être rejeté par les autres. C’est une obligation des vivants alors de bien
finir son enterrement à travers le rituel fagnefana.

Enfin, c’est un acte de reconnaissance pour le bienfait qu’on a eu d’eux (ci-


antérieurement).

Evoquons d’autres raisons : par amour des parents décédés ; par respect du Razana ;
croyance au pouvoir et bénédiction des ancêtres ; pour montrer aux voisins et à l’entourage la

61
réussite économique ;pour se souvenir des défunts ;pour continuer de croire qu’ils sont encore
avec les vivants.

Section 2. Les étapes du rituel fagnefana

Le rituel fagnefana en général comprend six (6) phases : La préparation ; Le rituel


« miatomboka »64 ; Le rituel « magnenga razana »65 ; Le rituel « fanamba fahasivy »66 ; Le
rituel « vono omby »67 ; Le rituel « saotsa ».

Il est nécessaire de souligner que ces étapes sont valables pour tous les rituels
fagnefana sauf sur les cas de « tandra fasana » et « tsangam-batolahy »que nous avons
évoqués auparavant.

1-La préparation

Quand un membre de la communauté veut accomplir un rite lié au fagnefana, la


première chose à faire est d’annoncer le projet à la famille élargie qui doit donner son avis ;
ensuite il faut consulter le notable du village. Une fois que les familles et les« Ray Aman-
dRenin’ny tanana » (notables) n’y voient pas d’inconvénient, on réunit les habitants proches
et on leur demande leur avis avec leur bénédiction pour ce projet en disant : « Aho hagnefa ko
mangataka tso-drano, ka akory ny hevinareo ? » qui veut dire : « je souhaite effectuer
Fagnefana, je sollicite votre avis et votre bénédiction ».

Il y a des cas où un autre membre de la famille a le même projet mais il n’a pas
encore les moyens de le faire. Dans ce cas, le but de l’annonce et de la demande d’avis aux
proches est de savoir si l’intéressé peut le faire seul ou si un autre intéressé veut
l’entreprendre avec lui pour alléger les dépenses.

Dès que la famille et les proches sont d’accord, les initiateurs effectuent la demande
auprès des autorités locales : maire, chef fokontany et chef de village. A ce sujet, il faut au
minimum deux semaines pour les formalités administratives car un fagnefana ne peut se faire
sans l’autorisation de l’autorité locale. De même pour le « Fiarahamonina » ou communauté
villageoise qui doit aussi être mis au courant quelques semaines en avance afin que ses
membres puissent participer à la préparation.

64Miatomboka : c’est le commencement


65Magnenga razana : inviter les ancêtres
66fanamba fahasivy : invocation des ancêtres
67vono omby : abatage de zébu

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La période préparatoire peut durer deux ou trois mois environ. Mais en général, elle
commence à partir du jour où le projet a été dévoilé.

Le déroulement des préparatifs aussi peut varier selon la famille organisatrice, mais il
y a toujours quelques constantes qu’on peut énumérer :

-Si le Fagnefana a été motivé par l’accomplissement des obligations non satisfaites, la
préparation commence à partir du moment où l’on s’est rendu compte de la situation. Ce qui
signifie qu’on a sur le dos un devoir envers les ancêtres et la décision devrait être prise dès
qu’on a les possibilités et les moyens de le faire.

Par exemple, pour le cas d’un enterrement qui n’a pas été accompli comme il se doit,
la famille du défunt ne sera pas tranquille tant qu’elle ne trouvera pas les moyens nécessaires
pour bien terminer l’enterrement. C’est déjà une préparation morale et matérielle.

-Pour le cas de vœu prononcé, dès que le souhait est réalisé, le fagnefana sera organisé
pour s’acquitter de la dette morale prononcée lors de son vœu.

-Pour le cas de reconnaissance envers les ancêtres, la préparation commence dès que la
grande famille est d’accord, ceci pour mieux manifester sa joie à la grande communauté.

Les fonctions astrologiques ne sont pas en reste dans la détermination du jour et du


mois des cérémonies. En général, le« tompon-draharaha » ou initiateur consulte le
« mpanandro » (devin astrologue) pour le choix du jour et du mois propice. Pour ce genre de
rite, on choisit souvent le mois de juillet ou le « andro manara » (période d’hiver) car l’hiver
signifie endurance et pérennité. C’est aussi la période de récoltes et du bon temps donc la fête
aura un éclat particulier et tout le monde pourra y assister. La festivité débute souvent le
vendredi pour continuer le samedi toute la journée. Souvent, on choisit la semaine de la pleine
lune pour que la joie soit également pleine.

Organisation du programme et des rôles :

C’est au cours des réunions préparatoires aussi que sera établie la liste des personnes à
inviter, et la détermination des participations physiques et matérielles de chacun.

 En matière de dépenses, les invariants sont :

- les nombres de bœufs à abattre ;

- l’alimentation : riz et boissons et café ;

- la rémunération des musiciens ;

63
- le coût des taxes diverses pendant les formalités administratives.

 En matière d’aménagement, les constantes sont les suivantes :

-la peinture de la maison traditionnelle de l’intérieur et de l’extérieur ainsi que les


alentours ;

-le renouvellement du toit s’il est en chaume ;

-la réhabilitation du « valanomby » ou parc à bœufs ;

- la construction de « trano maintso », un hangar fabriqué avec des feuilles vertes pour
servir à manger aux invités puisqu’il s’agit d’une grande fête (c’est une tradition).

Photo N°13 : Le « tranondrazana » ou maison ancestrale, le « valanomby » et le


« trano maintso »

Il est nécessaire de souligner que tous ces travaux sont effectués par le fiarahamonina
ou membres de la communauté concernée par la cérémonie rituelle, et les participants aux
travaux le font sans être rémunérés : c’est le principe de la solidarité.

Autres dispositions durant l’organisation :

 Le rôle des « Ray aman-dReny » ou notables qui contrôlent la bonne marche de


tous les préparatifs :

- ils s’assurent que tout le monde a été prévenu et invité pour éviter les blâmes ou
remontrances. C’est une erreur grave dans la société betsileo, le fait d’oublier d’inviter un
membre de la communauté. Cela est considéré comme une coupure de la liaison qui existe, et
mérite une bonne excuse.

- ils s’assurent aussi de la propreté du domaine surtout le « lapa »68 ou


« Tranondrazana » qui sera le centre de toute la cérémonie surtout le rite du « saotsa »,
particulièrement pour le fagnefana.

68Lapa ou tranondrazana : désigne la maison traditionnelle, lieu dans lequel doit se faire la plupart des rituels betsileo.

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 Les jeunes garçons « lahy mahery » :

- ils remplissent la tâche de couper du bois pour toute la cuisson des repas prévus ;

- les autres informent et invitent toute la famille, du côté paternel et maternel,


appelée« ny tany nanala, ny tany nanatera »69, ainsi que les autres invités de près ou de loin ;

- ils informent aussi la famille proche qui par la suite invite ses amis et ses voisins
proches ;

 Les jeunes filles « ampela mahery »:

- elles assurent la confection des nouvelles « tsihy », nattes pour le « lapa » ou


« tranondrazana »

- elles assurent aussi le « totovary »70, le « tsaka rano »71et tout ce qui concerne les
fourneaux.

 La famille organisatrice :

Elle ne prend pas part aux travaux et tâches, elle s’assure seulement d’accueillir et de
prendre soin de ses invités, notamment, donner au « fiarahamonina » toutes les choses
nécessaires tel le riz, les bougies et le toaka gasy pour le « saotsa », les marmites etc.…pour
que la festivité soit une réussite.

2- Le rituel du « Miatomboka »72

Dans l’après-midi du jour prévu, règne une activité sociale intense dans la maison
familiale.

Les Ray aman-dReny s’occupent de l’accueil des invités qui arrivent dans la
tranondrazana ; les femmes commencent à cuisinier, et à préparer les repas ; les jeunes
hommes distribuent le repas aux invités ainsi que les membres du fiarahamonina ; les autres
attendent le moment de l’abattage du bétail et les « sokela »73.

69Ny tany nanala, ny tany nanatera : exprime tout les personnes qui s’invitent pour les célébrations des rituelles traditionnelles.
70Toto vary : piler le riz
71Tsaka rano : chercher de l’eau
72Miatomboka : le commencement
73Sokela : c’est un terme betsileo qui désigne un discours annonçant les causes de la cérémonie et son déroulement.

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Cette étape se déroule comme suit : Les invités et le « fokonolona » des alentours font
leur entrée, accompagnés de chants appelés« horija »74 et de danses traditionnelles ; les jeunes
filles en tenue d’apparat portent chacune sur la tête ce qu’on appelle le « tatim-bary », sac en
fibre végétal de petite taille d’une contenance de deux (2) à quatre(4) mesures de riz comme
bénédiction : « Taty mienga ro miditsa »75 .

Photo N°14 : L’entrée des invités

Un « mpisokela » orateur les accueille, leur souhaite la bienvenue « soa fa tonga »,


explique dans un beau discours plein d’images, propre aux orateurs Betsileo, les causes de la
festivité.

De leur côté, les arrivants y répondent en offrant les « tatim-bary et les fahenim-bary »
avec une somme d’argent en guise de bénédiction « tso-drano ». Puis, on leur sert le repas (riz
avec de la viande) dans la « trano maintso ». Si les pièces disponibles sont étroites, les invités
sont appelés suivant l’ordre de leur venue car certains ont pu déjà amener leurs parts quelques
jours auparavant. Les premiers arrivés sont toujours les premiers appelés à être servis pour le
repas.

3- Le rite « Magnenga Razana76 »

Il s’agit du premier contact et /ou la première invocation des ancêtres. Ce rite consiste
à inviter le razana de venir dans la maison traditionnelle pour assister au rituel à leur faveur et
le fêter ensemble avec les vivants. La cérémonie se déroule comme suit :

74Horija : chant traditionnelle que les jeunes gens font avec des matériels musicaux locaux.

75Taty mienga ro miditsa : ce qui signifie que la valeur de ce qui entre ne peut être que l’équivaut de celle qui sort de cette famille
auparavant, quand l’invité organisait un rituel de même genre.
76Magnenga Razana : inviter les ancêtres de venir dans la maison traditionnelle pour la célébration ensemble du rituel

66
Vers la fin de l’après-midi, avant que le soleil ne se couche, la famille, le
« fiarahamonina », la communauté sociale ainsi que les invités déjà sur place, sans être
obligés, font le « Diabe » ou marchent vers le tombeau où sera accompli le fagnefana, avec
les « aponga » ou tambour traditionnel qui anime le pèlerinage.

Déroulement de la Cérémonie au tombeau :

Il s’avère très utile de parler d’abord de celui qui va diriger la cérémonie durant ce
rituel fagnefana : le « mpisaotsa ».

Le « mpisaotsa » ou « ray aman-dreny be filoha » désigne« le plus vieux de la


famille ». Dans la structure sociale Betsileo et dans tout ce qui touche à la tradition, il tient un
rôle prépondérant en qualité de patriarche. Il est le gardien des traditions, le « mpitan-
kazomanga », gardien de l’histoire de la lignée. Tout ce que la lignée voudrait entreprendre,
doit passer par lui. Il a un pouvoir de décision et peut délibérer dans toutes les affaires
conflictuelles de la lignée. C’est lui et lui seul qui est apte à faire le « saotsa »77.Quiconque
tentera de le faire, sans l’avoir consulté, et sans sa bénédiction, va au devant de la malédiction
des Razana.

Photo N°15 : Le mpisaotsa

C’est lui qui prononce le « saotsa » en tenant dans la main un « taty rindra »78 bien
ouvert. Et il récite : « Agnay avy aty hagnalaka anareo, fa hanome omby anareo.
Hetahetamponay fa agnareo tsa manery, apitso ro hanomezana azy anareo, fa masaka
hatakalo manta. Ko magnenga ambala anareo hiaramifety aminay, fa handihy eny ambala
isika.”

77Saotsa : rite d’invocation et de communion avec les ancêtres


78Taty rindra : corbeille en fibre végétal, de fabrication locale utilisée presque dans toutes les cérémonies betsileo comme accessoires, mais
ici, il est destiné pour emporter les ancêtres à la maison traditionnelle. Cette fibre végétale s’appelle « ravin-dahasa », qui est une plante
aquatique servant à fabriquer des nattes, corbeilles et chapeaux, une fois séchée.

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Ce qui veut dire en traduction libre : « Nous sommes venus pour vous demander de
venir parmi nous, de nous accompagner pour une fête que nous organisons en votre honneur.
Ce n’est pas vous qui nous y avez forcé, mais c’est notre propre vœu. Demain nous vous
offrirons un bœuf. Veuillez nous accompagner chez nous, dans notre maison traditionnelle
pour fêter et danser. »

Après ces paroles, il verse et/ ou offre du « toaka gasy »79 au Razana, et dit : « Io ny
toamasaka ho anareo, ny avaratra hoandramanga, ny atsimo an’ny tovosisa, ny ambany ho
an’ny mpitondra kizotro », traduit improprement : « Voici votre part, du côté nord pour
Ramanga80, du coté sud pour Tovosisa81, le bas pour Mpitondra kizotro82 ». Le reste étant
distribué au « mpanatrika » ou l’assistance, selon la formule : « Zanahary tsa ela homana, ze
tsa laninareo ho haninay » traduit improprement : « les ancêtres ont déjà bu leur part, on va
finir leur reste ».

Mais il y a une coutume qu’on doit respecter avant de boire le supposé reste du
Razana ; en prenant sur la main la tasse de rhum avec les formules spécifiques :

 pour celle de Ramanga, on le tourne six(6) fois83 et après on dit : « ho eninoro. ho


eninkavelomana », c’est une sorte de souhait pour avoir les bienfaits du Razana.

 pour celle du Tovosisa, on le tourne sept(7) fois84 et après on dit : « hamito ny ratsy
tsa mahasoa », pour dire : que les mauvaises choses s’éloignent de nous.

 pour celle du Mpitondra kizotro, on le tourne trois (3) fois85 et après on dit : « telo
velona, soa ho tsara », « que le bonheur soit avec nous pour la vie ».

Après, le mpisaotsa (celui qui officie durant le rite pour invoquer les ancêtres et pour
les amener à la maison traditionnelle) donne le toaka à celui qui veut le boire. La tasse de
Ramanga est destinée pour les adultes, celle du Tovosisa pour les jeunes et celle Mpitondra
kizotro pour les enfants.

79 Toaka : rhum traditionnel de fabrication local


80 Ramanga : c’est un surnom donné par les Betsileo pour appeler le(s) personne(s) dont la cérémonie Fagnefana ou l’abattement de bœuf
est l’objet. Certainement les ancêtres qui sont dans la tombe.
81Tovosisa : c’est une sorte de « fiarahamoninin’ny razana » ou communauté des ancêtres comme celle des vivants « ety antany tahaka ny
any andanitra ». En fait ce sont les Razana dans les tombeaux environnants du tombeau familial concerné.
82Mpitondra kizotro : étaient de gens appartenant à la classe des serviteurs dans la société betsileo. Selon la croyance, ces hommes
continuent de servir le « Hova » même dans l’au delà, donc on devrait les honorer, on devrait leur donner leur part d’offrande lors du saotsa.
D’autres disent que ce sont les enfants décédés, car selon la tradition, les enfants n’ont pas le droit d’être enterrés dans le tombeau ancestral,
appelés les « zaza rano » ; Néanmoins d’autres ont pu avoir un enterrement d’adulte après un sacrifice de bétail.
83 On tourne sept fois : car selon la croyance toujours, le chiffre sept exprime la fin donc pour mette fin au malheur.

84 On tourne Six fois : selon la croyance betsileo, le chiffre six exprime le bonheur.

85 On tourne Trois fois : car le chiffre trois exprime la vie en rose, la jeunesse et la continuation de la vie.

68
Enfin, on prend le« taty rindra », corbeille en fibre végétale, et le mpisaotsa
dit« magnenga ambala anareo fa hatao any ny dihy, ko agnay magnenga anareo ambony
loha » traduit de façon libre en français : « nous allons vous amener chez nous, pour fêter et
danser avec nous, dans notre maison traditionnelle, et nous vous apportons respectueusement
sur notre tête ». On referme le taty rindra et une femme de la famille l’emporte sur sa tête en
dansant, toute l’assistance danse aussi. Et tous les dix mètres environ, l’officient regarde vers
l’arrière et fait un signe avec la main « Magnatsika Razana » ; c'est-à-dire il communique
symboliquement avec les ancêtres pour qu’ils suivent jusqu’à la maison. Telle est la croyance.
Ce trajet à pied constitue un moment très important pour la famille organisatrice.

Il est nécessaire de souligner que durant le Diabe (progression) vers le tombeau, le


tambour traditionnel anime seul, personne n’a le droit de danser car il faut être sérieux pour
avoir une conversation avec les Razana. Seulement, après la cérémonie au tombeau et en
croyant que les Razana sont avec eux, ils disent que la fête peut commencer avec des chants
et des danses.

A l’arrivée, il fait presque nuit, les personnes qui sont allés auprès du tombeau doivent
tous rentrer dans le Tranondrazana,personne ne peut tourner, ni sortir, ni rester à l’extérieur
qu’après avoir eu une certaine coutume d’accueil (sorte de fady) et d’installation du Razana
dans le Tranondrazana (signe de respect) à l’exemple de la manière de mettre à l’aise un
invité dans une maison. L’officient récite à cet effet :« Ato ro lapa, ato ro hametrahana
anareo, de mandihiza miaraka amin’ny ona, fa ny ona handihy ato, ehe, aza mandofidofitsa
fa mahaiza mifety ». « Ici est notre maison traditionnelle, c’est ici qu’on va vous mettre, c’est
ici aussi que tout le monde va danser, et fêter avec vous, pour votre honneur, ne leur faites pas
de mal ». Et en même temps, celle qui apporte le Razana sur la tête, le met à sa place, au coin
Nord-est du Tranondrazana. Après ce rituel, chacun peut sortir s’il le veut, et la fête
continue : on peut manger, boire, chanter, danser.

Photo N°16 : Les familles face au razana dans la maison ancestrale

69
4-Le rite du « Fanamba fahasivy » 86 »

Il s’agit de la deuxième invocation des ancêtres.

Vers minuit, tous les membres de la famille entrent dans le « lapa » où sont installés
les Razana et on procède au « Fanamba fahasivy » ou invocation des ancêtres.

En effet, on cherche à invoquer et à rassembler tous les ancêtres qui errent encore
ailleurs. Cependant Dieu est partout et il suffit de parler pour qu’il l’entende. On les appelle,
les informe de ce que l’on compte faire afin de leur demander leur bénédiction et qu’ils ne
perturbent nullement le déroulement de la fête : « …Ao ny omby sadamena votsotsa tamana
be voho, atolotra anareo, ko apitso ro hamonoana azy ko ambeno soa… koa zao ro ilazanay
aminareo, keho ny namana sy ny fianakavianareo, ilazao ny lavitsa, keho ny mariny ».

En ce moment, malgré la dénomination du « Fahasivy » ou « Razana » (ancêtres), le


nom de Dieu est toujours prononcé en premier lieu dans l’invocation : « Any anareo
Andriamanitra sy ny razana, … »

Photo N°17 : Les assistants au rite « saotsa »

Toute l’assistance est assise sur le plancher, se tourne vers le côté nord Est de la
maison, tandis que le maître de cérémonie le « Mpisaotsa» accroupi face au « zoro
firarazana »87 implore les mânes. Il ouvre le« taty rindra »et y met du « toaka gasy »88dans
un verre. Puis, il débite d’une voix monocorde les noms de tous les ancêtres de la famille, que
l’assistance terminera par « Ho soa ho tsara, andriantompo, andriananahary » « pour notre
bien mon seigneur, mon créateur ».Puis, on distribue le « toaka gasy ».

86Saotsa : sorte de remerciement des ancêtres, donc il y des fêtes et des cadeaux ou offrandes dans le but de maintenir une bonne relation et
de pouvoir bénéficier des avantages de cette relation

87Zoro firarazana : coté nord-est de la maison traditionnelle, lieu sacrée pour la prière.
88 Taty rindra, toaka gasy : voir note page 66

70
Photo N°18 : Le « toa-drazana » ou rhum des ancêtres

La fête continue toute la nuit dont l’allégresse et des réjouissances diverses se


produisent. Les femmes et les jeunes gens dansent le « kidodo »89.

5- Le rite « vono omby » ou le sacrifice de zébu

Le lendemain matin, tout le monde se réunit autour du « valan’omby » ou parc à bœufs


pour attendre le « tolon’omby » ou domptage de bœufs. C’est une facette de la culture
traditionnelle betsileo. Et à chaque fois qu’un événement heureux se produit au sein du
village, on assiste toujours à ce jeu car, c’est le type de distraction traditionnelle préféré des
ancêtres betsileo selon l’expression suivante : « Raha nitsinian’ny ntaolo io, io no mba
kilalaony ».
Les jeunes hommes y participent surtout afin de séduire leur bien-aimée. Les
combattants s’en servent aussi pour le prestige des ancêtres, du groupe, du clan, de l’équipe
d’appartenance et du village tout entier.
Ce divertissement n’est pas en voie de disparition car même durant les « diongy » ou travaux
rizicoles, lors des marchés hebdomadaires de bétail, on l’observe encore. .
Mais ce jeu est aussi un moyen pour les Betsileos d’exprimer le lien fort qu’il les unit au
zébu, animal qu’ils considèrent avec un grand respect.
C’est un jeu dangereux, donc réservé particulièrement pour les jeunes gens mais ils
n’ont pas peur de le faire car la croyance dit que les ancêtres sont contents de les voir
continuer de perpétuer leur jeu, et ils les protègent.

89Kidodo : danse traditionnelle local

71
Photo N°19 : Le « tolon’omby »

Après le rite « tolon’omby », on fait le « fandrika omby » qui consiste à piéger le zébu
destiné au sacrifice. Si le zébu piégé hurle, on le laisse et on choisit un autre car cela est
considéré comme un refus des ancêtres.

Il est à noter que le choix de la couleur du zébu dépend surtout de la cause du « sao-
drazana » ou remerciement des ancêtres. Ainsi : le bœuf « mazava loha », qui a une couleur
brillante, pour la prospérité ; le « fotsy =blanc » ou « mena= rouge » pour la guérison des
différentes maladies, le « votsotsa tamanabevoho » c'est-à-dire le plus grand et le plus en
forme (physiquement), pour la reconnaissance et le souvenir.

Durant cette étape, l’officiant et quelques membres de l’assistance entrent aussi dans
le parc à bœufs, se tournent vers le Nord Est et procèdent au rite « soron’omby » ou sacrifice
du zébu.Un feu est utilisé pour écarter les mânes (mauvais esprits).

Après avoir béni le zébu avec l’eau, l’officiant dans la longue triade composée
d’invocations, de prières et de remerciements (quelques fois sans toaka gasy) offre aux
ancêtres, Razana ou Fahasivy, le sacrifice.

72
Photo N°20 : Le sacrifice de zébu

Après le rituel sacrificiel, on découpe le zébu et on met à part certains morceaux de


viande pris dans la partie qui anime cet animal, pour la suite de la cérémonie du « saotsa ».
Ce sont : « trafony, tratrany, valahan-kena, atiny, tsinaimpotsiny, vorovoron-kena,
vahadrony ».

Photo N°21 : Le « henan-tsaotsa »90 avant grillade.

Ces morceaux sont à griller dans la maison traditionnelle, sans être lavés et sans sel
(symbolisant l’union et la communion autant dans le bien que dans le mal), pour être partagés
durant la cérémonie du saotsa. C’est une sorte de « fiaraha-misakafo amin’ny Razana » ou
manière de partager le repas avec les ancêtres.

Photo N°22 : Le « henan-tsaotsa grillé »

90Henan-tsaotsa : désigne la part de viande à consommer et à se partager avec les ancêtres au moment du rite de remerciement ou
« saotsa ». C’est comme un repas commun entre les invités (les ancêtres) et ceux qui invitent (les vivants) durant une célébration.

73
6-Le rite « Saotsa » ou remerciement

Le saotsa est un acte oratoire fait par un gardien de la tradition pour établir la relation
entre les vivants et les morts. C’est le moment le plus important pour le rituel fagnefana car il
symbolise la communion avec les ancêtres : « évoquer l’esprit des ancêtres car ils sont censés
entendre les paroles, puis les remercier et leur demander leur bénédiction ». En fait, selon la
croyance, les ancêtres ne sont pas morts, ils sont vivants dans une autre forme, entendent les
paroles là où ils se trouvent.

Comme dans tous les saotsa, toute la lignée doit être présente dans le lapa (maison
traditionnelle), assise face au « zoro-firarazana », aux côtés de l’officient.

Photo N°23 : Le rite « sao-drazana »

Avant de commencer l’invocation des ancêtres, l’officiant doit goûter à la


viande :« Miala volovolo fa hamahana » pour dire « goûter avant d’offrir aux autres ».Cela
pour prouver qu’il aime ce qu’il va partager avec les ancêtres et l’assistance.

Puis, il commence le saotsa : il s’adresse aux Razana qui sont déjà supposés être
devant lui. Il les remercie de leur présence durant toute la cérémonie, réalisée particulièrement
en leur honneur.

Ensuite, il expose les raisons de la cérémonie (réalisation d’un vœu : l’initiateur avait
eu un problème, emprisonné pour une faute qu’il n’avait pas commise. Il a lancé un vœu que

74
son défunt père puisse l’aider à sortir de là où il était car s’il sortait de prison, il se
souviendrait de vous (ancêtres) et tuerait un bœuf en votre honneur. Son vœu est exaucé car il
a été libéré….et il tient à faire le fagnefana en guise de remerciement et aussi pour montrer
qu’il tient sa parole. Aussi, sommes-nous venus pour offrir un zébu à vous tous, nos ancêtres).

L’officiant implore les Razana d’accepter l’offrande. Après, il dépose sur le coin des
ancêtres leur part et partage le reste aux assistantes.

Enfin, pour terminer, le vieux les remercie et demande leur bénédiction en disant :
« Vous qui êtes proches de la lune et du soleil, qui voyez tout ce qui se passe sur terre,
protégez-nous, donnez-nous votre bénédiction, effacez celui qui nous veut du mal et guidez
celui qui veut nous faire du bien. Maintenant, retournez chez vous se joignez vos familles et
vos amis, laissez-nous en paix ». (Texte intégral concernant le discours sur le rite « saotsa » :
voir annexes)

Bref, le fagnefana est un rite particulièrement organisé pour s’acquitter de l’obligation


envers les ancêtres ou les remercier après la réalisation d’un vœu. La journée, on fête, le soir
on fait la veillée, les invités apportent leur don, il y a un repas commun, et la nuit,
l’organisateur adresse une prière aux ancêtres « saotsa ». Sans le saotsa, les Betsileo se
sentent séparés de leurs ancêtres, considérés comme source de toutes les bénédictions.

Durant la cérémonie fagnefana ; on croit vivre avec l’ancêtre, du moins en communion


symbolique avec les Razana (surtout au moment du rite saotsa), c’est le moment où on
communique avec eux.

L’idée fondamentale est d’obtenir la bénédiction des ancêtres dans tout ce qu’on
entreprend afin qu’il n’y ait aucun malheur sur les vivants. Le rituel tend aussi à renforcer la
cohésion de la grande famille et/ou la cohésion sociale.

En principe, les membres de la famille sont heureux d’accomplir leur devoir vis-à-vis
des ancêtres selon ces termes : « nahavita adidy ». Mais il est à noter que la croyance en la
bénédiction et en la protection des ancêtres connaît une tonalité particulière au sein du rituel
fagnefana betsileo.

75
CONCLUSION PARTIELLE

Une présentation monographique est toujours utile pour pouvoir situer un cadre
d’étude.

Nous avons pu voir que les gens qui vivent en monde rural ont du respect profond
pour la tradition. Ils s’attachent et croient beaucoup aux puissances des ancêtres. La pratique
du rituel fagnefana betsileo en est la preuve.

Dans toutes ces pratiques et étapes différentielles du fagnefana betsileo, nous avons pu
constater que, ce qui motive les Betsileo d’effectuer ce rituel, c’est respectivement la crainte
et le respect du razana ainsi que la croyance en la bénédiction et protection des ancêtres.

Dans la suite de notre travail, par les résultats d’enquêtes, nous pourrions analyser,
interpréter et réfléchir sur la valeur culturelle du fagnefana et la vie socioculturelle betsileo et
par la suite voir si pratiquer ces rituels ont des impacts sur le développement local.

76
Partie III- ANALYSES, INTERPRETATION ET

REFLEXIONS

Dans la recherche, l’analyse des entretiens dans les sciences humaines et sociales d’un
point de vue méthodologique est évidente. L’analyse constitue une étape importante après une
présentation des résultats d’étude et elle permet non seulement de montrer des réflexions, elle
ouvre aussi des discussions et des perspectives nouvelles.

Force est de souligner que nous parlons ici de l’importance du razana et sa


répercussion sur la vie des paysans. C’est dans ce sens que nous allons mettre en évidence la
valeur culturelle du fagnefana et apprécier la vie socioculturelle betsileo, et enfin déterminer
la liaison entre le développement du milieu rural et la tradition.

A tout cela nous répondons tout simplement que dans une recherche anthropologique,
il faut laisser parler le terrain, quitte à se remettre en question et se laisser ainsi bousculer dans
ses idées. L’écoute du terrain est une donnée incontournable en anthropologie. Sans les
données de terrain, le travail d’interprétation n’est que coquille vide. L’étude du fagnefana
n’échappe pas à cette règle.

77
Chapitre1. VALEUR CULTURELLE DU FAGNEFANA

Au début de notre travail, nous nous sommes demandé pourquoi le fagnefana est
entrepris ?pourquoi le razana occupe-t-il tant de place dans la vie des pratiquants ?et pourquoi
cet attachement ? Quelle est la raison qui pousse les betsileo à pratiquer ce rituel ? Nous
allons essayer de répondre à cette problématique au fur et à mesure de nos réflexions dans
cette partie. Ce volet d’analyse présente non seulement les aspects socioculturels betsileo
mais elle touche en général tous les aspects des pratiques culturelles dans toutes les régions de
l’ile de Madagascar.

Section 1. Le Fagnefana et ses aspects

1-Les significations sociales de la pratique du fagnefana.

Pour bien comprendre l’essentiel du fagnefana, une explication des croyances


malgaches sur la mort et les morts s’avère utile.

Aucun malgache n’aime mourir car on dit toujours : « la vie est comme un fils unique»
et aussi « mieux vaut mourir demain qu’aujourd’hui » ; et pourtant elle n’est pas appréhendée
pour autant car « le corps meurt mais jamais l’âme ». De ce fait, la mort n’est pas la « fin de
tout » mais juste un passage de la vie des vivants à la vie des morts. En d’autres termes, les
morts sont bel et bien vivants, ils ont seulement changé de lieu pour habiter un autre endroit et
pour cela on ne doit pas les ignorer ni les oublier et surtout pas les craindre.

1.1-L’importance du razana

Malgré l’ampleur de la tristesse à la mort d’un membre de la famille et surtout de


l’être aimé, le Malgache a toujours l’esprit lucide et croit que la personne décédée deviendra
razana et prodiguera sa protection aux vivants et particulièrement à ses proches. La croyance
en une telle protection est fortement ancrée chez les Malgaches à tel point qu’à chaque souhait
formulé, on dit toujours « que Dieu et les ancêtres vous bénissent ».Les bonnes choses de la
vie, succès, réussite, richesse…..viennent en partie de la bénédiction des razana ,et c’est
pourquoi on doit prendre soin d’eux.

De plus, tout individu n'est reconnu dans la société que par le nom et le groupe de ses
ascendants, appelés « razana » car tout un chacun a ses origines d’ascendance. Ainsi, pour

78
mieux connaitre une personne, on demande toujours d’où elle vient ?quelle est son origine ?
Pour les Betsileo, c’est le razana qu’on met en question. Et quoi que l’on fasse, ou que ce
soit, on ne peut pas se désintéresser de ses ascendances car ces dernières font partie de la vie
quotidienne, bien qu'ils restent invisibles.

Ainsi, le razana a une valeur importante dans les croyances betsileo. Ils n'osent rien
entreprendre sans avoir obtenu l'accord des anciens et demandé la bénédiction de leurs
ancêtres.

Cet attachement au razana est observé dans la vie quotidienne des betsileo. Un grand
nombre de gens qui vivent loin de son tanindrazana y reviennent de temps en temps pour
honorer les razana à travers les rites et rituels traditionnels différents, les plus pratiqués sont
le fagnefana et le lagnonana91. Et ils ne laissent jamais tomber tout ce qui concerne le razana
tels le « tanindrazana, tranondrazana, fombandrazana, et surtout le fasandrazana »92 pour le
respect et l’amour du razana. Et si quelqu’un est mort loin du tanindrazana, la famille engage
tous les moyens pour y ramener le corps même en s’endettant pour honorer le razana. Ceux
qui font le contraire sont considérées comme anormaux, perdent leur sens et leur dignité,
n’ont aucune valeur au sein de la communauté ; et si des malheurs leur arrivent, tout le monde
va penser que c’est une malédiction et/ou punition venant des ancêtres.

Ainsi, c’est une honte et une grande humiliation, que d’oublier son ascendance dans la
société betsileo. Accomplir des rites et rituels en leur faveur par contre facilite la vie, rendre
honneur non seulement au razana mais surtout pour les vivants car faire cela peut leur donner
plus de valeur et un bon statut social au sein de la communauté.

De ce fait, le razana est non seulement la source de toute la génération et de la vie,


mais il est toujours présent dans la vie des vivants. Il mérite alors le grand respect.

Le fait de ne pas respecter son « razana » entraine des malheurs. Par contre, pouvoir
compter sur eux, et profiter de leur bénédiction porte chance, entraine la réussite et beaucoup
de bonheur dans la vie.

91Lagnonana : langage betsileo désignant une grande festivité organisée par quelqu’un ou une famille dont ses vœux ont été exaucés par
Dieu et les ancêtres
92 Tanindrazana, tranondrazana, fombandrazana, et fasandrazana : voir précédemment

79
C’est pourquoi, les gens qui vivent en milieu rural préfèrent être aux côtés du razana
c'est-à-dire s’attachent à eux, qu’être de l’autre côté car ils tiennent beaucoup à cette croyance
traditionnelle.

1.2-Le respect et la crainte du razana

1.2.1-La place du concept razana dans la croyance

Il s’agit essentiellement de phénomène à caractère religieux et social, dont les


principaux sont l’idée d’un être supérieur, maitre de la vie et de la mort.

Comme tous les malgaches et les chrétiens, les betsileo croient également en la vie
dans l’au-delà, les différents rituels précédents l’ont bien montré. Pour eux, les morts sont
encore en vie dans l’au-delà auprès de « Zanahary » (Dieu) et ils ne cessent pas de surveiller
et de donner protection aux vivants. On croit que les malédictions et bénédictions viennent
d’eux et c’est par le respect ou le non-respect qu’on en tire bienfaits ou malheurs.

Si par exemple, plusieurs malheurs se succèdent, l’interprétation en sera qu’il s’agit


d’un devoir non accompli envers les ancêtres, ou que les vivants ne les ont pas suffisamment
honorés. Un quelconque membre de la communauté n’a peut-être pas tenu une promesse de
procéder au rituel « Fagnefana » ou a oublié tout simplement d’accomplir des obligations
dues.

Et si dans le cas contraire, les bienfaits arrivent, ils sont censés aussi venir de la
bénédiction des Razana qu’il faut toujours savoir remercier. D’où le recours de l’ethnie
Betsileo de notre zone d’étude à toutes les circonstances de la vie au « Fitahian’ny
Razana »ou protection des ancêtres.

Il semble que les vivants sont à chaque instant obligés de procéder au rite
« Saotsa »(voir ultérieurement) de peur d’encourir à la malédiction ou encore afin de
bénéficier de la bénédiction de ceux-ci.

Les Fahasivy93sont très exigeants et il ne faut pas lancer une parole en l’air qu’ils
puissent entendre : « Aza manao vava ren’andriamanitra ». La croyance dit qu’on doit
accomplir ce que l’on a exprimé sinon on risque d’être rattrapé par ses paroles et un malheur
risque d’arriver.

93Fahasivy : une autre appellation des ancêtres

80
Ils acceptent toujours en guise de remerciement (Saotsa) certains sacrifices : bœuf, riz,
rhum « toaka gasy ». Mais pour se mettre en contact avec eux, il faut toujours recourir à
l’usage du « toaka gasy » car le processus d’invocation de l’ancêtre ne se fait jamais sans ce
breuvage.

On peut dire alors que le respect et la croyance aux ancêtres entrainent des craintes et
des angoisses profondes pour les gens qui vivent en milieu rural et celles-ci ne se terminent
que s’ils accomplissent leur supposé devoir envers le « razana ».

Ainsi, célébrer un rituel fagnefana exprime un acte de bienfait pour soulager la


conscience, pour mieux avoir le courage de continuer à vivre. Dans ce cas, les paysans
peuvent aller jusqu'à dépenser toute la récolte de l’année pour célébrer un rituel en l’honneur
de son ancêtre.

1.2.2- La place du concept razana dans la vie quotidienne

Au sein de la communauté betsileo, le respect et la crainte du razana joue un rôle


important :

 D’abord pour régler le différend du groupe parental

Il s’agit de voir comment se règlent les différends qui surgissent au sein de groupe
parental, pour le respect d’un ancêtre commun. Il appartient à tout un chacun d’analyser par
lui-même la vie du groupe, qu’il s’agisse d’intérêt commun ou de bonne à rétablir.

Si par exemple, il y a des conflits au sein de la famille tel le « ady tany ou ady
lova »ou conflit d’intérêt entre les héritiers, car c’est le facteur principal de la destruction du
relation familiale des gens qui vivent surtout en milieu rural, c’est dans leur intérêt de régler
leur problème avant une célébration rituelle car en plus de représenter une honte pour la
famille envers la société , il est une nécessité pour le respect de l’ancêtre commun.

Alors, par peur de châtiment de la part des ancêtres et pour pouvoir compter sur leur
bénédiction, pour montrer aussi à la communauté que les descendants sont solidaires, ils
doivent régler leurs différends et se disent : « nos ancêtres ne seront jamais contents si notre
famille se détruit à cause de l’héritage qu’ils ont laissé, au contraire on devrait les remercier et
s’unir toujours dans la vie pour les honorer ».

81
En plus, ils ont l’habitude de se demander et se partager leurs avis sur un évènement
qui va se produire au sein de la communauté et cela reste toujours maintenu quel que soit le
différend.

D’ailleurs, la célébration des rituels est le moment opportun pour que les ainés
donnent leurs bénédictions à tous les descendants. Or ceci est impossible s’il y a une plaie au
sein la famille.

Ainsi, en célébrant les rites et rituels traditionnels tel le fagnefana, ils se souviennent
de leur ancêtre commun, prennent conscience de leurs erreurs, s’invitent et s’unissent pour
fêter ensemble.

De ce fait, quels que soient les problèmes et les litiges qui peuvent exister entre eux, la
célébration de fagnefana et le fait d’être issus d’un même razana facilitent et jouent une
influence considérable dans le règlement du conflit au sein du groupe parental.

 Ensuite, au niveau de la communauté ou « tany amamonina »

Il s’agit de voir comment s’opère la prise de conscience devant la vie de la


communauté considérée dans son ensemble.

Comme on le dit toujours depuis longtemps, le fihavanana94 est une valeur précieuse
héritée des ancêtres. C’est la plus importante dans la culture malgache. Autrement dit, les
ancêtres s’aimaient, s’entraidaient et restaient unies dans la vie. De nombreux proverbes et
préceptes malgaches l’affirment, tels « ny firaisankina no hery …» « aleo very
tsikalakalambola toy zay very tsikalakalam-pihavanana » traduits improprement en
français : « l’union fait la force… » « Mieux vaut perdre toute une fortune que de perdre une
relation », donc ils tiennent beaucoup à leur relation.

Dans ce cas, les générations qui se suivent devraient respecter une valeur si précieuse
s’ils veulent honorer les ancêtres dans leur vie car non seulement cela donne plaisir au razana
mais aussi c’est une nécessité dans la vie humaine car « l’homme est un être social ». C’est
pourquoi, les gens en milieu rural célèbrent toujours le rituel tel le fagnefana avec la
communauté toute entière pour montrer leur respect envers l’ancêtre commun, pour maintenir
les relations qui existaient depuis longtemps et surtout pour pouvoir compter sur la
bénédiction des ancêtres.

94 Fihavanana : voir antérieurement

82
De ce fait, nous assistons à la manifestation du sentiment de la vie commune .Ainsi,
toute l’organisation du rituel est faite conjointement par les membres de la communauté et
avec une grande solidarité comme le dicton disait : « razana iraisana, iaraha-manana »95.

Dans ce cas, les gens s’aiment, s’entraident et s’épaulent dans le moment difficile et
aussi dans le moment de bonheur grâce au « razana ».

Par respect et crainte des ancêtres alors, les gens tiennent à garder leur lien avec les
razana et aussi la solidarité que ces derniers ont mise depuis des générations pour que tout le
monde sente toujours le bienfait de la vie en communauté.

 Le respect du « fadin-drazana »96au sein de la communauté

Le respect et la crainte du razana ont des influences sur le comportement des gens qui
vivent en milieu rural. Cela les incite à bien suivre la tradition et les coutumes qui vont avec.

Par peur du châtiment de la part des ancêtres par exemple, tout le monde suit et respecte les
coutumes et tout ce qui est tabou comme ils se doivent durant les célébrations des rites et
rituels tel le fagnefana car une erreur commise par une personne pourrait avoir des impactes et
perturbe la vie de la communauté tout entière selon la croyance betsileo.

Prenons un exemple : Selon les villageois pour le rituel Fagnefana ou les autres rites
funéraires, la viande de zébu doit être découpée dans un endroit spécial nommé « kianja ».Ce
lieu est un abattoir des Ntaolo (ancêtres) quand il fallait effectuer des offrandes ou des
sacrifices. Et il est strictement interdit d’y construire une maison car il se trouve que beaucoup
de sang s’est déjà écoulé sur le dit lieu, et cela ne signifie pas bonne chose. Jusqu’à
maintenant, cette tradition a été maintenue. De ce fait, la crainte des esprits pourra
conditionner certains actes de la vie quotidienne.

Ainsi, le respect et la crainte du razana réglemente la vie sociale car non seulement les
gens ont de norme à suivre, mais en plus ils se respectent. Ce n’est pas pour rien alors que les
gens qui vivent en milieu rural tiennent à garder leur tradition. D’où la persistance des rites et
rituels qu’ils pratiquent et célèbrent tous les ans malgré l’évolution que porte le monde actuel.

Il est nécessaire de souligner aussi que dans chaque pratique rituelle, il y a de


« fomba »ou coutume traditionnelle à suivre et de « fady »ou des interdits à respecter pour

95 Ancêtre commun pour le village tout entière


96Fadin-drazana : Ensemble des interdits ancestraux

83
montrer le respect des ancêtres , et aussi pour que ces derniers puissent donner leur
bénédictions aux vivants. Par exemple, le fait de sortir durant le rite d’invocation du razana
dans le rituel fagnefana est interdit par la coutume car cela signifie le manque de respect
envers les ancêtres .

Bref, on peut dire que le respect et la crainte du razana ont sa place au sein de la
famille, au sein du fiarahamonina (de la communauté) et dans la vie des gens membres mais
pas seulement pour le besoin de bénédiction des ancêtres.

De façon générale, l’ensemble de ces croyances à caractère religieux imprime son


autorité sur la vie sociale. Ceux qui contreviennent aux interdits sont assimilables à des
criminels envers la société et pareillement ceux qui agissent à l’encontre des anathèmes
ancestraux sont des renégats.

2-La bénédiction des ancêtres

La bénédiction des ancêtres est toujours souhaitée.

2.1-place du concept razana au niveau de la croyance :

A Madagascar, les rites et les coutumes sont omniprésents. Les gens ne font pas
quelque chose sans bénédiction des ancêtres.

Ainsi, bénéficier de la bénédiction des « razana » est très important pour les Betsileo.
D’ailleurs, la croyance dit que le « razana mitahy »97.Ce n’est pas pour rien alors que les
Malgaches ont le dicton qui dit : « hotahian’andriamanitra sy ny razana » littéralement: « que
le Dieu et les ancêtres nous bénissent » car la bénédiction a une valeur importante dans la
culture malgache. Et même les Chrétiens actuels le disent toujours dans le langage courant
malgache.

Il est nécessaire alors de nouer une bonne relation avec les ancêtres, en prenant soin
d’eux par des offrandes, en leur rendant honneur par les célébrations des rituels et les respects
des coutumes traditionnelles.

97Razana mitahy : ancêtres qui guident et protègent les vivants contrairement au « razana manahina »

84
En effet, les gens qui vivent avec la tradition qui y tiennent avec conviction. Pour ces
conservateurs, personne n’arrive jamais à s’en sortir dans la vie s’il n’est pas béni par les
ancêtres qui sont censés et avoir la vertu de veiller sur les vivants, et rempli le rôle
d’intercession auprès de Zanahary pour avoir sa grâce.

Selon la croyance betsileo par exemple, le fait de ne pas respecter son ascendant (ne
pas accomplir le fagnefana par exemple) entraine une malédiction. Ainsi toutes formes de
malheur ou d’échec qui perturbent la vie humaine sont considérées comme des châtiments à la
suite de manquement au respect des ancêtres.

On peut dire dans ce cas que le razana tient une dimension importante dans la pensée
car par une seule épreuve de la vie (maladie), on est conscient de l’erreur personnelle, se sent
abandonné par ses ancêtres et a besoin d’être béni par ces derniers.

Ainsi, la bénédiction des ancêtres n’est pas seulement une pensée ou une tradition
mais surtout une nécessité vitale.

2.2-place du concept razana au niveau de la communauté :

Il s’agit de savoir comment se présente la dimension du razana au sein de la société


betsileo.

 Bénédiction des ancêtres et problème d’intimidation entre les membres de


la communauté

Le razana est l’objet d’un devoir pour les vivants. Un homme qui n’accomplit pas le
fagnefana est jugé par les autres comme quelqu’un qui perd son droit et sa dignité au sein de
la communauté. Prenons un exemple ; « tsy hendry ianao fa raha hendry tsy ny razana ro
efaina…….. », traduit de façon libre en français « tu n’es pas un homme sage sinon honore tes
ancêtres avec un rituel fagnefana.. ». Par peur du jugement des autres alors, et pour être un
digne héritier des ancêtres, il accomplit le fagnefana.

Ainsi, le fagnefana n’est pas entrepris seulement pour la croyance à la bénédiction des
ancêtres mais aussi par peur des jugements des autres membres de la communauté. D’ailleurs,
plus on célèbre les rituels en faveur des ancêtres, plus on est béni, et plus on est respecté au
sein de la société.

85
 Bénédiction des ancêtres et problème de conscientisation

Il s’agit de voir comment s’opère la prise de conscience devant la vie en société en


général.

Le non-respect des ancêtres stimule un problème de conscientisation entre les


membres de la communauté. C’est pourquoi, toute forme d’échec ou de malheur qui arrive
dans la vie est considérée par les autres comme une malédiction. Prenons un exemple : « ny
tsy firaharahianao ny razana no tsy mahazarizary ny fiainanao, manaova fagnefana ko
mangataha tsodrano... », traduit de façon libre en français : « ton manque de respect envers
les ancêtres est la cause de tes malheurs, honore les à travers les fagnefana et demande de
bénédiction… ». De ce fait, par pression sociale, à travers le phénomène de chantage
psychologique qui surgit au sein de la communauté, il se sent redevable envers le razana et
fait le rituel fagnefana. De plus, il est conscient de son erreur personnelle, sent la nécessité et
le besoin de la bénédiction des ancêtres dans la vie.

Ainsi, le fagnefana n’est pas entrepris seulement pour la croyance à la bénédiction des
ancêtres mais aussi par pression sociale.

 La bénédiction des ancêtres vivants

C’est une tradition betsileo de demander le « tso-drano » des parents pour toutes les
choses que l’on entreprend dans la vie, En fait, ce sont eux qui sont les représentants des
ancêtres sur terre, donc les transmetteurs de la bénédiction des ancêtres.
Par exemple, de partir loin d’eux, pour travailler par exemple, on a besoin de leur
bénédiction. Pour cela, les Betsileo ont leur manière de faire spécifique : il s’agit de
l’aspersion d’eau.

De même, ces autorités parlent au nom de toute la société visible et invisible, donc au
nom de Dieu, des morts et des vivants. L’illustration la plus frappante s’observe dans une
réunion de fianakaviana : quand un « ancêtre vivant » a décidé solennellement de ne pas
bénir un projet de mariage, il n’est pas question de le contredire, et de passer outre son
verdict. Pourtant, il ne recourt pas nécessairement à des termes violents, sauf dans un cas
extrême où les personnes concernées afficheraient une attitude manifeste de désobéissance
caractérisée.

86
Quoi qu’il en soit, le groupe unitaire se subordonnera à la sentence ; cette obligation
procède de l’idée de responsabilité collective de l’unité devant une situation touchant la vie
commune, et à laquelle les membres nommément concernés ne peuvent se soustraire. Cette
responsabilité est liée à la peur du « tsiny », en l’occurrence celui venant directement des
« raiamandreny », qui est « comme le coup de patte d’un taureau : s’il vous atteint, vous en
mourez, et s’il ne vous atteint pas, vous en attrapez quand même un vertige » (« ny tsinin-dray
amandreny toy ny tsipak’ombalahy ka mahavoa mahafaty, tsy mahavoa mahafanina ».Ce fait
du langage exprime précisément le caractère sacré de l’autorité considérée.

Bref, tout cela montre que la bénédiction des ancêtres est une chose précieuse dans la
vie des vivants, et généralement les betsileo y croient.

3- Le respect de la tradition

Des motivations conscientes et inconscientes poussent les habitants ruraux à continuer


de préserver, de conserver, de respecter et de pratiquer toujours les rituels traditionnels malgré
l’évolution dans le monde d’aujourd’hui.

D’abord, face à la dureté de la vie, les hommes ont besoin de quelque chose pour
s’accrocher et avoir la force d’aller de l’avant. De ce fait, la croyance aux bénédictions et
protections des ancêtres tient une place considérable dans leur pensée. C’est pourquoi les
Betsileo pratiquent la fagnefana car c’est le meilleur moment pour invoquer les ancêtres afin
qu'ils aident et protègent leurs descendants. Ainsi, le respect de la tradition est une nécessité
car il amène les vivants à la rencontre des morts, pour résoudre le problème terrestre. Comme
il a été énoncé auparavant, par le fagnefana par exemple, les différends qui surgissent au sein
de la famille se résolvent car ils se rendent compte qu’ils sont issus d’un même ancêtre et que
ces derniers ne les béniraient jamais s’ils ne vivent pas dans le respect de l’amour familial.

Puis, le fait de vivre en « tanindrazana » incite les gens à respecter la tradition et à


croire en l’importance du razana. A chaque fois qu’ils prévoient d’organiser quelque chose
sur le lieu, ils ont l’habitude de le faire de la même manière que les ancêtres : « izay no
fanaon’ny razantsika ka tsy maintsy lovaintsika taranany mba hitahiany antsika »traduit
improprement en français : c’est comme ca que nos ancêtres ont fait, et on doit faire de même
pour que leur bénédiction soit toujours avec nous. Et cela est observé non seulement dans la

87
pratique des us et coutumes mais également par le respect de diverses règles de vie : les
rituels des invocations, le recours à l’astrologue etc…

D’ailleurs, c’est durant les pratiques des rituels traditionnels tels le fagnefana que les
aînés recommandent aux enfants de ne jamais oublier ni délaisser les parents décédés car les
héritages qu’ils ont laissés doivent être utilisés pour leur rendre hommage, et pour cela, les
betsileo n’accepterons jamais, autant que possible, de se faire déshériter ou vendre l’héritage.
C’est un grand déshonneur et la fin de la bénédiction des razana.

En plus, la célébration des rituels traditionnels tel le fagnefana donne au betsileo


l’occasion de se revoir, de se réunir, de se distraire, de s’entraider et surtout de se sentir la
sécurité d’appartenir en une communauté vivante.
D’un côté alors, la tradition aide les gens à se souvenir toujours de leurs ascendants et
de les respecter. D’autre coté, elle offre l’occasion de renforcer le lien familial, parental et
social qui sont en train de se détruire. C’est pourquoi, ils tiennent à le garder malgré le
changement que porte le monde actuel. Mais outre les valeurs que sont la solidarité et
l’affection, la conservation de cette culture dépend de la croyance au surnaturel, omniprésente
dans la vie des Malgaches.

On peut dire que les gens en monde rural sont les conservateurs de la tradition à
Madagascar. Mais quoi qu’on dise, on ne peut pas se détacher de la tradition. C’est pourquoi,
même ceux qui se considèrent comme plus civilisés et disent qu’ils ne croient plus aux
coutumes traditionnelles et au respect du razana retournent quand même vers le tanindrazana
au dernier moment c'est-à-dire à leur mort pour être enterrés dans le fasandrazana.
Cela est encore vrai dans le monde d’aujourd’hui : si quelqu’un est mort, même très loin du
tanindrazana (à l’extérieur du pays), sa famille fait, même en dépensant une grande fortune si
c’est nécessaire, ou même en s’endettant pour rapatrier le razana vers sa terre d’origine car
c’est une tradition. Les morts enterrés loin du tanindrazana sont considérés comme perdus et
une honte pour les vivants.

Ainsi, il est nécessaire de maintenir la tradition et de se souvenir de la source « razana,


tanindrazana et fasandrazana » de temps en temps car on ne peut pas s’en détacher même si
on le veut.

88
Section 2- Les fonctions culturelles et spirituelles du fagnefana

1- Fagnefana, expression de la communion sociale

Il s’agit de voir sous quelle forme la participation de chacun selon son statut constitue
un acte procédant de l’unité de la société. Nous parlerons entre autres d’un double degré de
communion : avec la communauté des morts, et avec la communauté des vivants.

-l’entraide : il s’agit de la participation de la communauté sociale à tous les tâches de


réalisation de la cérémonie fagnefana, tels l’abatage de zébu, la cuisson etc...De ce fait, ils
retrouvent autour de leur devoir commun le sentiment d’unité.

-le don : il s’agit d’un don individuel en somme d’argent et en riz, selon les règles de
réciprocité. La pratique veut que l’on rende un peu plus que ce que l’on a reçu soi-même dans
une occasion antérieure. Cette obligation relève en somme de la condition d’existant, en vertu
du devoir commun envers une société.(Voir le phénomène d’atero ka alao ultérieurement).

La succession de présentation de dons se fait à l’arrivée, manière de prouver à l’organisateur


qu’ « on est venu pour vous aider et vous soutenir », pour honorer l’ancêtre commun et aussi
pour affirmer la continuation des liens familiaux et /ou sociaux.

Il est important de noter ici que le fagnefana représente souvent l’occasion de déclencher le
phénomène de réciprocité dans l’espace familial ; en effet, la présentation d’un don
correspond généralement à la consécration indéfectible de la parenté.

-le repas commun : tout participant à un fagnefana ne peut en repartir sans avoir pris
part au repas commun. Pour des raisons de commodité organisationnelle, la masse des invités
est sectionnée en groupes géographiques, qui sont sollicités à prendre place dans le « trano
maintso », hangar de fabrication végétale tapissée préalablement de nattes. Ceux qui ne
peuvent pas attendre le service général pour quelque raison majeure sont servis isolément au
fur et à mesure. Le repas typique est constitué d’un plat de riz ou « vary » accompagné de
viande de zébu bien grasse, « be menaka ». Pour cette coutume, il faut faire attention à
satisfaire les invités pour ne pas s’exposer aux moqueries et au déshonneur des invités.
Rappelons que le service de riz est assuré par les femmes, et celui de la viande et du bouillon
par les hommes.

-le zara-hena98 : La « communion » des vivants autour du repas commun connait un


autre aspect : « le nofonkena mitam-pihavanana ».De ce fait, des morceaux de viande sont

98Zara hena : terme betsileo désignant la répartition de viande aux participants de la cérémonie rituelle

89
distribués aux participants lors de l’enregistrement des dons individuels en proportions de
l’importance des dons respectifs. Mais en tout état de cause, les « ray aman-dreny », de même
que les « mpikabary », les porte-parole de la famille, reçoivent des morceaux provenant de
parties bien déterminées du bœuf. De leur côté, les piliers de la réalisation se partagent au sein
de leurs groupes ou catégories des parties qui sont pour ainsi dire symbole et leur rôle
matériel99.

A leur tour, les différentes entités qui composent la communauté des vivants prodiguent leurs
bénédictions aux promoteurs. Ils le font au nom de dieu, des morts et des vivants. Les termes
comprennent principalement les éléments suivants : des souhaits de prospérité « pour que les
dépenses engagées soient rendues en centuple », des souhaits de nombreuse descendance, en
vue de la perpétuation de l’honneur des ancêtres.

-le « saotsa »ou remerciement des ancêtres :est une prière adressée aux ancêtres et à
dieu pour avoir une bénédiction. Ce rituel symbolise en quelque sorte la liaison entre les
promoteurs, la manifestation en tant que telle, la communauté des morts et celle des vivants.
Le groupe familial des promoteurs se dispose la tête tournée vers le nord –est, qui est le point
cardinal de la communion. Un ancien prononce les paroles rituelles qui s’adressent aux
autorités invisibles pour les remercier, demander leur soutien et bénédiction.

-la valeur sacrée de la communion : les autorités invisibles sont censées participer à
cette communion. Et comme les morts sont vivants ce jour-là, tout le monde leur parle, leur
demande bénédiction. Ainsi, ils sont traités comme des invités, on les informe, on les donne
leur part de viande et de riz, de rhum. De ce fait, ils sont présents pour renforcer le lien social,
et la cérémonie exprime par la même occasion l’idée d’une société unie dans le temps et dans
l’espace.

En dernière analyse donc, le fagnefana constitue une expression d’une idée de grande
société formée par les communautés visibles et invisibles. Pour nous, les différents aspects de
cette conception ne sauraient trouver leur explication au niveau d’une seule idéologie
métaphysique et configurationnelle. Il s’agirait plutôt d’une survivance à l’état d’acquis

99 Voici la répartition selon une tradition à caractère universel :


-pour les ray aman-dreny : fo-kena(le foie)
-pour le mpikabary : tsivalan-kena (travers?)
-pour les femmes « ampela mahery » : tohan-kena (la chair qui soutient le ventre)
-pour les jeunes gens « lahy mahery » : vozon-kena
-pour les vinanto : havokavo-kena (poumons)
-pour les membres de la communauté : lohan-kena (la tête)
-pour les familles qui ont des relations approfondies « fifampitondrana » avec la famille organisatrice : tongo-kena (les pattes)

90
culturel de cette communauté de vie qui remonte au premier temps de l’histoire du corps
social.

La famille étendue et les membres de la société ne ratent donc pas une occasion de
manifester la solidarité et le sens de la communauté. Ceux qui vivent loin font tout leur
possible pour venir, tout au moins ils participeront financièrement pour ne pas manquer la
bénédiction des razana. D’ailleurs, l’entraide et l’union sont en permanence présentes à toutes
les étapes de l’accomplissement du rite.

2-Fagnefana, occasion de relaxation et de distraction

Le commerce et la vente locale du rhum local « toaka gasy » sont importants durant le
fagnefana. On peut dire que c’est la kermesse « tosika » pendant laquelle la raison première
de la réunion est oubliée. C’est l’occasion rêvée pour les jeunes gens de se livrer à la libation
et à la prouesse des « coureurs des jupons ». Il arrive même que des gens parcourent des
kilomètres à pieds pour assister à ce festin, même sans y être invités. Le lagnonana (festin) est
devenu un rassemblement de foule dans la mesure où les danses folkloriques et les chants
traditionnels tendent à disparaître peu à peu. D’ailleurs, ce type de rituel est également une
occasion festive où tous s’amusent et se distraient.

Mais sur un autre plan, nous avons les familles d’alliés qui viennent de loin, et aussi
les jeunes de la communauté qui viennent créer une atmosphère de festivité. Le sommeil est
alors un souci mineur pour ces jeunes qui viennent s’amuser, chanter, danser, nouer des
relations plus ou moins passagères. On organise des concours de chants rehaussés par la
présence de troupes flutistes, et l’alcool de canne contribue pour une bonne part au
rehaussement des réjouissances.

On parlerait d’une véritable libération plutôt que d’une simple forme de loisir. Durant
la veillée par exemple, les jeunes gens chantent les chants des terroirs betsileo : «
Zafindraony » (voir ultérieurement), horija…. De ce fait, il peut y avoir des émotions fortes
qui se partagent entre les participants. En chantant le « Hira Sambatra ny mpampihavana »
dans le « tranondrazana » par exemple, le différend du groupe parental se résout et il arrive
même que deux ennemis se réconcilient. En réalité, les gens qui vivent en milieu rural
tiennent beaucoup encore au lien du « fihavanana » malgré les problèmes de la vie
quotidienne qui les perturbent. Grâce à la célébration des rituels en l’honneur des ancêtres tel
le fagnefana, non seulement ils ont l’opportunité de se rapprocher mais ils prennent
91
conscience aussi de leurs erreurs et se réconcilient facilement. Ainsi, les gens ruraux sont
encore unis et solidaires, car les ancêtres les rassemblent, et par la même occasion, ils se
disent : « on ne peut être séparés », exprimé en ces termes : « tsy afa-misaraka, tsy afaka ho
aia fa mpihavana ».

Comme c’est une fête, il n’y a pas de fagnefana sans musique. Les musiciens locaux
utilisent notamment les tambours traditionnels « aponga »100 pour animer le festin durant la
journée.

Ainsi, le fagnefana est plus une fête qu’un rite funéraire car effectivement, ceux qui ne
peuvent pas retenir leurs larmes au cours de la cérémonie devront le faire en toute discrétion.
La fête marque le retour définitif des ancêtres parmi leurs descendants dont ils deviendront
les protecteurs.

Considérant maintenant l’atmosphère sociale du jour de la manifestation. A côté des


rôles respectifs des groupes et catégories de participants, nous résumerons ainsi la ligne
générale de l’atmosphère circonstancielle : les participants de ce rituelle sont là ; non
seulement pour accomplir un devoir et se retrouver les uns les autres, mais aussi pour se
retrouver eux-mêmes, pour sentir au sein de la communauté que leurs personnes sont des
réalités.

3-Fagnefana, une occasion pour déployer la culture betsileo

-Le kabary101 : Dans la société malgache, le « kabary »est lié à des évènements
importants de la vie : naissance, mort, cérémonie rituelle, etc...

Le kabaryconstitue l’un des éléments les plus importants de la manifestation des


rituels betsileo :« aleo tsa henin-kena toy izay tsa henin-dahatra », littéralement « il vaut
mieux ne pas être rassasié de viande que ne pas écouter le kabary ».

Le contenu comporte les propos pour informer tout le monde sur ce qu’on compte
faire, et tout ce qui a trait à la manifestation.

Pour ce faire, l’orateur se tient debout, entouré de représentants de la famille


promotrice. Ce porte-parole de la famille expose aux participants l’objet de la manifestation,

100Aponga : sorte de grosse caisse qui sert d’instrument musical pour animer les festins dans le milieu rural betsileo.

101 Ce terme désigne génériquement toute forme de discours dans le cas précis. Tous les notables et les responsables étatiques sont cités en
tant que participants, du fait qu’elles ont accordé l’autorisation pour la tenue de la manifestation.

92
essentiellement l’énumération des ancêtres à honorer, histoire généalogique à l’appui. En
connectivité, il parle de ce qui a été prévu pour « faire honneur aux vivants », soit les bêtes
abattues et le riz produit. En terminant, il adresse le remerciement aux entités responsables, à
tous les participants.

Comme dans les festivités malgaches, en général, la cérémonie se termine par un


discours de remerciements. Ainsi, le porte-parole de la famille promotrice remercie tous ceux
qui sont venus, tous ceux qui ont contribué à l’accomplissement du rituel, mais il parle en
proverbes avec de multiples détours, si bien que dire merci à une assistance peut durer
plusieurs minutes, voire même une demi-heure.

L’essentiel s’en résume ainsi : notre reconnaissance se situe à trois niveaux, soit
l’acquittement du devoir envers les ancêtres, la mise en relief des liens de parenté, et le fait
d’honorer les vivants par les dons matériels ; recevez en bénédictions, prospérité et
nombreuse descendance…..(voir annexe l’extrait en intégral)

-Les Zafindraony sont chants des terroirs. Au plan musical, c’est l’alternance solo-
chœur, qui n’a de sens que comprise dans un ensemble, c’est-à-dire dans l’unité du groupe qui
chante et dans la relation horizontale entre les chanteurs et le public. Il sert à accompagner les
rassemblements sociaux, festifs ou funéraires. Les paysans betsileo ont fait de ces cantiques
un des lieux d’affirmation de leur identité culturelle et religieuse.
Qu’importe alors le lieu ou le moment de son exécution ! Que ce soit à l’église, lors
d’une messe dominicale, en famille, après les durs labeurs de la journée, en taxi-brousse, lors
d’un voyage en groupe ou encore, au cours des veillées mortuaires, pour honorer le défunt
avant son « Grand Voyage », le « zafindraony » exprime la solidarité et l’amour. C’est pour
cela que les betsileo le pratique toujours lors des célébrations des rituels traditionnels tel le
fagnefana car c’est un héritage culturel, et les ancêtres vont être contents d’entendre les
générations le chantent encore.

-La musique et la danse traditionnelle betsileo : ce sont des composantes


essentielles de la culture et de l'expression populaire malgaches. Dans le pays betsileo, elle est
omniprésente, que ce soit à l'occasion de fêtes familiales ou communautaires et surtout lors
des cérémonies religieuses et traditionnelles.

De ce fait, la musique et la danse prolonge la vie sociale et culturelle de la


communauté. Ainsi, les villageois betsileo se regroupent et improvisent sur des instruments

93
locaux tel lekabosy102, accompagnées d'instruments à vent « kasody »et d'une sorte de
tambour, l'Aponga qui donne la cadence. Sur ce fond d’instrument traditionnel, les chants
seront alors improvisés. On parle entre autre de « horija » rythme vif accompagné de chants
très riches en mélodie et en poésies. Puis viennent les danses traditionnelles Betsileo, dont« le
kidodo », qui est une claquette traditionnelle avec les pieds nus, durant lequel on voit le
bonheur senti par les participants, car ce n’est pas tous les jours qu’ils ont l’occasion de
danser et de s’amuser comme cela en milieu rural.

On peut dire sous un autre angle que les célébrations des rituels traditionnels, sont
prétextes à l'amusement, à la danse, aux manifestations de joie et d'oubli des difficultés de la
vie quotidienne.

4. Résumé de la valeur culturelle du fagnefana

4.1-La dimension des rapports entre les vivants et les morts

Il s’agit de :

-La continuation de la vie après la mort car il y a croyance à l’immortalité de l’âme,


les morts sont toujours considérés comme toujours parmi les vivants. C’est une conception du
monde des malgaches.

-La croyance à la puissance des ancêtres en respectant des inconnus et des


invisibles « les razam-be »ou vieux ancêtres.

-Le respect et culte des ancêtres qui est une tradition, habitude des gens vivant en
milieu, les conservateurs ;

- Un devoir familial d’honorer les morts pour se souvenir du ou des défunts pour
lesquels on fait la cérémonie ; dont le souci est de prendre soin d’eux dans l’espoir d’obtenir
ainsi leur bénédiction. Autrement dit c’est une « adidy », obligation, devoir vis-à-vis des
ancêtres : « adidiko ny manatsara levenana ny havako » où il est d’usage de se sentir libéré
du « tsinin-drazana » (blâme des ancêtres) et du « tsinin’ny fiarahamonina » (blâme des gens
en société) .Ainsi, chacun vient accomplir son devoir. Dans cet ordre d’idée, « l’enterrement

102 Le kabosy : En pleine brousse, nous pouvons être surpris de découvrir des instruments de musique, copies de guitares électriques, taillées
dans des bois locaux et utilisant pour toute corde, du fil de pêche en nylon ! Les mécanismes sont, eux, fabriqués avec des bouts de ferraille
de récupération. Le tout produisant des sons justes

94
avait une double dimension : d’abord en tant que rite de passage, et ensuite, le fait que ce rite
constitue un devoir pour l’ensemble indivis des vivants. Et puisque les morts sont des
existants à l’état d’ancêtres, les vivants ne pouvaient oublier cette présence, ne fût-ce qu’au
titre d’un devoir filial envers les parents ».Ceci serait alors l’origine du fagnefana

- Une occasion pour retourner la tristesse en joie. C’est la fin du deuil « mamarana
fisaonana »donc mérite d’être fêter .En fait, après l’enterrement, la famille du défunt pense
toujours au parent décédé, avec une certaine tristesse. Mais lorsqu’on organise le fagnefana
en l’honneur du disparu, cette tristesse est changée en joie, car les vivants ont accompli leur
devoir et le mort peut entrer dans le monde des ancêtres. D’ailleurs, une des règles à respecter
au cours de la cérémonie est de ne pas pleurer car c’est une joie de revoir les ancêtres.

4.2-La dimension de la communion sociale

Le fagnefana offre à tous les descendants d’une même famille et à la


communauté sociale villageoise l’opportunité de se réunir dans la joie et le bonheur. En effet,
sa fonction est de maintenir la cohésion du corps social dans le temps et dans l’espace.
La famille étendue et les membres de la société ne ratent donc pas une occasion de
manifester la solidarité et le sens de la communauté. D’ailleurs, l’entraide et l’union sont en
permanence présentes à toutes les étapes de l’accomplissement du rite.

Il permet également de toujours bien agir car le « razana » n’aidera jamais et ne bénira
jamais une mauvaise personne.

En définitive donc, nous avons deux grandes catégories de manifestation : d’un côté
les devoirs envers les morts, de l’autre les devoirs envers les vivants, catégories qui procèdent
de l’idée unique de base qui est l’unité de la société.

Bref, nous parlons d’une dimension dynamique de fagnefana, à côté de son rôle de
garant de relation sociale et politique. A ce propos, une question se poserait : la disparition
d’un tel phénomène ne compromettrait-elle pas sérieusement l’équilibre fonctionnel, et
partant, la cohésion sociale de la communauté traditionnelle ?

95
4.3-La dimension des rapports entre l’initiateur et la communauté

Un individu ou une famille qui n’accompli pas le fagnefana a une mauvaise


considération sociale. En effet, il est ainsi dévalorisé, sous-estimé et ne peut pas avoir la tête
haute vis-à-vis des autres au sein de la communauté jusqu'à ce qu’il se rattrape en célébrant
un fagnefana.

Par contre, celui qui pratique le fagnefana est très respecté, retrouve sa place, sa
dignité sociale. C’est pourquoi, il y a ceux qui profitent de cette situation, et pratique le
fagnefana fréquemment, pour montrer et utiliser leurs richesses, afin d’attirer l’intention des
gens, dans le but dominer ou d’avoir une place politique au sein de la communauté.

Ainsi, la réalisation de fagnefana est une question d’image et d’honneur. Quiconque


manquerait à ce type de devoir ne serait passible pour manque de respect envers la
communauté des vivants, et par la même, envers la communauté des morts.

96
Chapitre 2 : ANALYSE SUR LA VIE SOCIOCULTURELLE BETSILEO

Nous avons pu expliquer la valeur culturelle du fagnefana. Maintenant, il s’agit de voir


comment la pratique de ce rituel affecte t- elle la vie socioculturelle betsileo ? Quelle réalité
observe t- on dans le monde rural durant la période de célébration des rituels ? Pour mieux
répondre aux questions, nous allons présenter l’importance des forces sociales en faisant des
analyses sur la situation existante durant les rituels et les aspects de ces pratiques culturelles
dans la vie des gens en société paysanne.

Section 1 : La force sociale du rituel fagnefana


L’étude de cérémonie rituelle fagnefana ne peut se concevoir en dehors de son
environnement social. Celui-ci englobe non seulement les liens que les groupes nouent entre
eux, mais aussi les déterminants qu’il impose à l’individu, à la famille et à la communauté
toute entière.

1-Les aspects significatifs

1.1-Le « Tosika »

C’est un grand évènement socioculturel qui se produit dans les sociétés betsileo après
la récolte du riz. Il exprime surtout le festin durant les cérémonies coutumières.

Le mot « tosika » (foule) vient de « fifanosefana » (afflux) désignant un grand festin


avec une multitude de personnes rassemblées indistinctement et sans ordre. Autrement,
« tosika » veut dire « pousser quelqu’un » mais pas violement, on parle plutôt d’une grande
foule d’ambiance. C’est pourquoi, on entend toujours le terme : « Aza mifanosika fa samy
nilazana ro avy eto » traduit librement en français : « arrêtez de me pousser car on a tous reçu
une invitation » dans ce genre de manifestation socioculturelle.

En réalité, les gens profitent au fond que dans une telle ambiance, ils n’arrivent plus à
contrôler leurs émotions, leur bonheur, et peuvent faire n’importe quoi pour manifester leur
réjouissances. D’ailleurs, comme c’est une fête, le toaka gasy joue un rôle prépondérant
durant toutes les manifestations.

97
Ainsi, le tosika est une grande festivité « vorovoron-kafaleana ».Il n’exprime que du
bonheur, de la joie. Et comme toutes les célébrations, la présence d’un grand nombre d’invités
présents, l’abattage des zébus, ainsi que le toaka gasy sont évidents.

L’essentiel dans cet évènement socioculturel est que tous les participants s’amusent et
soient satisfaits de la fête. Prenons un exemple : pour le betsileo, quand quelqu’un dit qu’il va
au tosika, particulièrement les jeunes, il fait surtout référence à la nourriture « vary be
menaka », à la boisson alcoolisée et à la relation plus ou moins passagère.

Dans ces conditions, les gens oublient la cause principale de la réunion « fagnefana »,
finition et /ou accomplissement des devoirs envers les ancêtres. Ils se livrent plutôt au plaisir
et à la libation.

Bref, la célébration du rituel fagnefana permet aux gens de se réunir, de se distraire


ensemble pour éloigner un peu de la dureté de la vie.

1.2-Le fiarahamonina Betsileo

Lefiarahamonina103désigne la vie communautaire .Il est formé par l’ensemble des


membres d’un groupe descendant d’un ancêtre commun et regroupés au sein d’un village liés
les uns aux autres par un grand sentiment de solidarité vécue au fihavanana.

Le fiarahamonina peut être aussi une communauté administrative, sociale et


économique à l’échelle d’une communauté.

Pour le betsileo, la vie communautaire est la base même de la vie et de l’existence de


l’homme. Toutes ses activités se fondent sur deux concepts : le fihavanana (parenté) et le
firaisankina (solidarité).
- le fihavanana au sein duquel, on peut constater trois éléments fondamentaux : fitiavana
(l’affection), fifampitsimbinana (le soutien réciproque) et fifanajana (le respect),
- le firaisankina, c’est la suite logique du fihavanana et il raffermit l’unité dans une
communauté.
Ces différents concepts se retrouvent dans les différentes parties du fagnefana.

103Fiarahamonina vient de deux mots « fiarahana- monina » ou vivre ensemble.

98
 Le fihavanana

Les betsileo vivent et respectent toujours le fihavanana malagasy. Il peut être fondé
sur une relation parentale, qui est considéré comme quelque chose de sacré, unissent
l’individu à son père, à sa mère, et à l’au-delà c'est-à-dire à ses ancêtres. (Terre, tombeau sur
le tanindrazana...) ; Peut-être issue de la cohésion sociale, de la solidarité : c’est le
fiarahamonina ou relation communautaire.

La vie communautaire betsileo est définie alors par le fihavanana qui est un mode de
relation interne au sein de la famille et du fokonolona104 . En réalité, ce dernier lien est
beaucoup plus concret que le lien de parenté car il implique une responsabilité.

Ce lien de fihavanana est très important pour le betsileo. Ainsi, quand il y a une
cérémonie coutumière à célébrer tel le fagnefana, la première chose à faire c’est d’inviter
toute les entités (familiale, parentale, amicale, voisinage…). Et c’est une grave erreur de la
part de la famille promotrice, le fait d’oublier l’invitation d’un membre de la communauté car
cela est considéré comme une manque de respect envers le sujet, violation du règlement du
fiarahamonina, et peut être traduit comme une demande de coupure de relation. De ce fait,
quelle que ce soit la raison de cet oubli, il mérite une bonne excuse, et la famille promotrice
doit se déplacer pour donner une explication et demander pardon. Mais pour cela, elle
emporte de toaka gasy ou des petits cadeaux ou même de bœuf, selon le degré de relation qui
unit les deux familles.

Bref, le fiarahamonina betsileo est cimenté par une relation se fondant sur le
fihavanana.

 Le firaisankina

Les paysans Betsileo vivent en villages communautaires et sont très soudés entre eux.
Le concept de « fihavanana », et de firaisankina sont au centre de leur culture. Cette
harmonie sociale s'exprime dans la pratique de l’entraide et cela dans un évènement heureux
et malheureux. Elle s’observe dans différentes manières, suivant la situation qui se produit ou
se manifeste au sein de la communauté sociale.

104Fokonolona : signifie groupement de personne vivant sur un territoire déterminé. Il peut être aussi un rassemblement occasionné par une
manifestation communautaire.

99
Cette solidarité fait partie des valeurs malgaches en général. Ainsi, quel que soit
l’évènement au sein de la société, les gens présentent certaines formes de solidarité, de
soutien.

Durant l’organisation des festivités lors du fagnefana par exemple, c’est le « Firaisana
» où la communauté villageois qui assure tout le travail nécessaire. La famille promotrice ne
fait que superviser les activités et voir la situation. Les gens du village laissent et/ou cessent
toutes les activités quotidiennes dès le jour du miatomboka, commencement de la célébration
rituel et cela jusqu’au dernier Saotsa où se termine la cérémonie coutumière à célébrer. C’est
une preuve de solidarité.

Pour cela, chaque entité a sa part de responsabilité et participation durant la


célébration du rituel tel le fagnefana :

-La communauté sociale (fokonolona) s’assure des activités contribuant à la réalisation de la


cérémonie rituelle tels l’accueil des invités, la cuisine etc…. ;

- Les invités apportent leurs aides sous forme de « don » en riz et en argent pour compenser
les dépenses de la famille promotrice.

A ce sujet, on peut dire que la population rurale a contracté un pacte de solidarité pour
faire face à tous les événements survenant dans le village ou la région. C’est une « go-
drazana » ou principe établi par les ancêtres qui dit « miray maina, miray lena » c'est-à-dire
« toujours ensemble dans le meilleur et mauvais moment ».

En effet, même la famille qui vit loin du Tanindrazana mais membre de cette
communauté n’est pas en général déchargée des obligations à remplir dans leur village
d’origine. Il doit y avoir un représentant provisoire en cas d’absence, sinon, personne ne
s’occupe ni se soucie de lui s’il lui arrive quelque chose ou s’il doit retourner dans le
Tanindrazana pour accomplir un rituel à son nom.

Ainsi, beaucoup de familles doivent effectuer des retours fréquents dans leur
Tanindrazana pour ne pas manquer à son « adidy » ou devoir envers la communauté surtout
en période de rituels.

L’essentiel est de s’unir et se soutenir ensemble pour mieux affronter la réalité vivante.

100
Au niveau de la vie quotidienne, des « slogans » sont internalisés en vertu de cette
solidarité : « ny firaisan-kina no hery, mita be tsy lanin’ny mamba, akanga maro tsy
vakin’amboa.. » littéralement : « l’union fait la force, à travers la rivière en groupe, on ne se
fait pas dévorer par les caïmans, les pintades allant en groupe ne se font pas disperser par les
chiens … ». Il est important alors de maintenir la solidarité pour faciliter la vie.

De ce fait, lors de la célébration de rituel fagnefana, chaque entité devrait être


présente pour participer et assumer sa part de responsabilité vis-à-vis de la communauté. Et
d’après ce qu’on nous a dit, l’ensemble des dons apportés par les membres peuvent
récompenser les dépenses de la famille promotrice en riz et en argent. Il arrive même qu’elle
en reçoit plus que ce qu’elle a dépensé.

Dans ce cas, on peut en déduire que si les villageois ont continué à célébrer les rituels
traditionnels face à la dureté de la vie qu’ils subissent dans le monde rural, c’est grâce à cette
force de solidarité. Il est clair que cette solidarité communautaire permet de maintenir
l’identité culturelle malgache.

2-Les règles qui régissent la vie en société

Sur la base d’un schéma de référence de la communauté, tout un chacun a un rôle à


jouer durant un événement qui se produit au sein de la société. Même les vieux qui ne peuvent
pas accomplir des activités physiques doivent assister à la cérémonie. Le fait de manquer à
son rôle peut avoir des retours désagréables pour le sujet.

La réalité est que tout le monde se connaît au sein de la société, et si une famille est
absente, les gens peuvent l’observer facilement et cela s’interprète comme la réticence envers
la communauté. Et si elle organise une fête ou s’il lui arrive quelque chose de mal, le
fiarahamonina n’est plus responsable, elle doit se débrouiller toute seule. Et on nous a dit que
cela est déjà arrivé.

Ainsi, par référence naturelle au modèle de vie illustré par l’ensemble du corps social,
chaque membre accepte sa position et remplit son rôle en conséquence.

-Le collectif ray aman-dreny : constitué par les chefs de famille dans la société. Il
veille sur le respect de la tradition et règle la vie dans le fiarahamonina. Et on doit le
consulter avant de faire quelque chose dans la société, sans leur accord et consentement, on ne

101
peut rien faire. Durant les cérémonies rituelles, ce sont les ray aman-dreny qui s’assurent que
tout le monde soit invité. Ils reçoivent avec les regards d’usage les participants qui arrivent ;
ils servent de relais entre les participants et les responsables ; ils s’occupent de
l’enregistrement des dons individuels auprès du « bureau » ; ils veillent à ce que le service de
repas se déroule bien et souhaitent le bon appétit aux convives. Plus tard, au moment du
« saotsa », l’un d’entre eux s’adressera aux ancêtres pour expliquer à ceux –ci les motivations
du présent acte : les vivants qui accomplissent leur devoir, avec l’espoir d’obtenir
bénédiction, saveurs et bienveillance. Le choix d’un homme âgé pour faire le rite saotsa est
que c’est lui qui est le mieux placé pour connaître la tradition et aussi il est le plus proche des
ancêtres. Ainsi, ils assument les taches des relations sociales avec les vivants d’une part,
d’intermédiaire entre les vivants et les morts de l’autre.

-Le collectif lehilahy mahery : constitué par les jeunes gens vivants dans la
communauté villageoise, avec une organisation élaborée. En effet ils ont leur chef, qui détient
la liste complète des garçons dans le village et celle des invités. De ce fait, la diffusion de
l’invitation est assurée par les lehilahy mahery, littéralement les hommes forts, qui sont des
jeunes gens jouant les messagers (iraka).Effectivement, ils doivent effectuer des marches
fréquentes de plusieurs kilomètres de leur village, uniquement dans le but d’annoncer
oralement qu’un tel va organiser un tel rite à tel jour. Imaginer si seulement vingt(20) familles
différentes organisent des rituels, mais cela pourrait être plus. Mais ils n’ont pas le droit de
refuser et ni de perdre le message, ils doivent trouver le lieu ou la personne en question. Si
leur chef apprend qu’un des leurs n’a pas bien rempli son rôle, il est pénalisé.

En plus, ils doivent accomplir une tâche précise lors du Fagnefana initié par un habitant du
village. Ils doivent couper du bois pour les cuissons durant les cérémonies, abattre le bétail,
inviter les gens à manger pendant le repas commun et distribuer la viande crue, on doit
également leur donner de la viande crue.

En revanche, la famille organisatrice doit leur offrir du toaka gasy et une part de la viande
« henan-dehilahy » en guise de remerciement « fanajana ».

-Le collectif Ampelamahery : Elles ont un chef nommé « mpanendry » et personne n’a
le droit de discuter ses ordres.

Elles doivent participer activement à la préparation du repas commun lorsqu’une


famille organise une festivité au sein du village.

102
Dans le même ordre que les lehilahy mahery, les ampelamahery ou femmes dotées de
force, ont droit à une part de « toakagasy » de la part de la famille organisatrice ainsi que du
viande appelée « henafiahiana » ou « henan’ampela » comme sorte de récompense.

Au total, la famille promotrice ne s’inquiète de rien car le firaisana (communauté


sociale) s’assure de réaliser tous les travaux nécessaires durant la cérémonie car c’est l’union
qui fait la force: « ny firaisan-kina no hery ».Dans ce cas, à part l’existence de la famille
organisatrice, les activités de la société « fiarahamonina » rendent possible le rituel

Nous pouvons en dire que cette règle de la place et le rôle adéquat pour chacun a une
valeur importante dans le village et dans la réalisation des rituels traditionnels. Ainsi, les
familles absentes, qui n’accomplissent pas leur part de responsabilité dans le travail d’aide
commun, sont considérées comme des personnes qui ont fui leur devoir et elles doivent
présenter leurs excuses auprès des Ray aman-dreny ou notables, sinon, elles seront exclues de
la société.

Ici, la célébration de rituel fagnefana oblige les gens à suivre la norme de la société
c'est-à-dire s’entraider, être responsable au sein de la communauté et par rapport à la
communauté.

Section2. La dynamique socioculturelle betsileo

1-Le fonegnana betsileo

C’est un réseau de relation qui existe dans une communauté villageoise. C’est une
culture spécifique du groupe ethnique sud-betsileo. Les populations qui le composent sont
liées par des conventions implicites, en ce sens que toute organisation du rituel que ce soit par
une famille ou par un ami implique la participation et la responsabilité de tous les membres à
travers les dons divers. Autrement dit, c’est une forme de concrétisation des liens sociaux
betsileo.

Le fonegnana peut se définir comme le principe relationnel établi depuis les temps
anciens, et qui s’étend de façon à se reproduire. Il peut aussi être une liaison et/ ou relation
profonde entre générations, familles, proches, amis dans une communauté villageoise, sur des
bases d’ordre historique.

103
Le fonegnana peut être une liaison sociale plus développée reconnu comme tel par la
société en cause et formée par des groupes d’individus qui ont des intérêts communs, qui
participent aux valeurs du groupe, qui ont des obligations et de droits.

Les membres de cette communauté sociale sont appelés les mpiray foneganana et ils
partagent les même valeurs, la même culture, la même pratique et le même intérêt. Mais, les
obligations qui découlent du fonegnana sont les plus importantes dans toutes les relations.

Par exemple, si une fille vient de se marier avec un homme même d’une autre société
plus loin, cette liaison entre deux personnes crée déjà une fonegnana entre les deux familles
de deux cotés et qu’à chaque fois qu’un évènement heureux ou malheureux arrive , ils doivent
se soutenir ; d’où l’origine du diam-ponegnana (voir ultérieurement). Ainsi, la famille devrait
honorer sa présence à n’importe quelle cérémonie au niveau de la société en emportant une
cotisation pour bénir la famille d’accueil. Mais au niveau de la communauté betsileo, cette
relation ne s’arrête pas entre les deux familles mais doit être partagée avec toute les mpiray
fonegnana ou ceux qui ont déjà des relations avec eux.

1.1-Le « fitondram-ponegnana »

C’est un concept important dans le système de relations betsileo.


Les descendants doivent continuer de garder, de respecter et de protéger les relations
que les ancêtres avaient construites avant. Cela implique une responsabilité, comme le
langage courant betsileo affirme : « ny taty miditsa ro mienga, ka ny fitia mifamaly ro
mahasoa fihavagnana» traduit improprement en français qu’ « on devrait rendre ce qu’on
avait reçu car c’est l’amour et le respect réciproque qui maintient la relation ». Un homme
ou une famille est considéré comme « mahaleo fonegnana » dans le cas où il /elle arrive à
maintenir ses relations avec les communautés familiales et sociales, sans avoir jamais oublié
ses responsabilités envers eux à tout moment et circonstances existantes. Et cela rend honneur
non seulement sur le sujet mais aussi sur ses origines ou ses razana : « mameno maso ny
anarandray ».
Dans ce cas, cette fonegnana est une chose importante dans la société Betsileo car
l’individu n’est pas isolé, il peut compter sur un groupe social et/ ou parentale en cas de
besoin. De ce faite, pour chaque individu, de nombreuses relations en fonegnana sont

104
possible car cela peut se développer suivant le degré de participation du sujet, par rapport aux
différents évènements socio culturel qui se manifestent dans la vie sociale.

En conclusion il apparaît donc que diverses possibilités existent à propos de


déterminer le fonegnana, de limiter une unité sociale ; le groupe de ceux qui se
disent « mpiray fonegnana », d’y inclure certaines personnes, en excluant d’autres, et de
déterminer par ce moyen des droits, des obligations des privilèges. En plus, les mpiray
fonegnana se comportent de la même façon car ils ont été exposés à la même culture.

1.2-Le « diam-ponegnana »

Par le fonegnana, il y a un comportement socialement acquis par les membres, c’est un


ensemble de pratiques, de valeurs, de cultures et de normes traditionnelles concertées et
adoptées au niveau de la communauté pour la bonne marche de la société. Pratiquement ; il
s’agit d’une entraide réciproque dans la vie en société et durant les évènements heureux et
malheureux. Ainsi, la tradition oblige les membres à se soutenir dans la vie.

Les diam-ponegnana sont des obligations qui découlent du fonegnana et qui sont les
plus importantes dans toutes les relations. La base de cette coutume c’est la solidarité.

Le « Diamponegnana »105 se définit ainsi comme le rattachement social qui existe


entre les habitants d’un même village ou d’une communauté donnée.

En fait, le diam-ponegnana est le fait de se déplacer pour répondre à l’appel ou à


l’invitation du membre de la communauté sociale (mpiray fonegnana), dans
l’accomplissement en commun des rituels traditionnels. Par le diam-ponegnana, on a
l’opportunité de se retrouver, de connaitre sa famille, de rencontrer ses proches et ses amies,
de se partager les expériences et aussi de développer sa liaison sociale.

Dans ce cas, si quelqu’un organise un rituel, il peut être sûr d’avoir le soutien de tout
le monde car par le fonegnana, aucun obstacle ni excuse n’est valable pour ne pas assister à
l’évènement. Le diam-ponegnana efface alors tout obstacle à la réunion familiale ou sociale
dans une communauté betsileo. Le maintien du lien qui unit les membres est en jeu dans ce
mode de relation car s’il arrive qu’on manque l’occasion de la réunion avec les mpiray

105 RAINIHIFINA (J) ,1975 dans le Boky voalohany Betsileo, librairie Ambozontany Fianarantsoa, volumes 240p70

105
fonegnana dans les événements qui ont eu lieu au sein de la société, cela peut être considérée
comme l’acte de se retirer ou de couper les liens qui unissent le groupe.

Ainsi selon les dictons, les membres de la communauté sont :

- « comme l’eau et le riz ; ils sont inséparables dans les champs et sont ensemble au
village »

- « comme la main gauche et la main droite ; celle qu’on coupe fait mal »

Face à tout cela, il est difficile et dur pour un individu ou d’une famille d’être
abandonné par le fokonolona.

Le diam-ponegnana est alors une sorte d’obligation et de responsabilité qui maintien


la relation sociale dans une société betsileo.

Dans le diam-ponegnana, il ne suffit pas d’assister simplement à l’évènement ou à la


réunion, mais il y a une part de responsabilité à prendre. D’où la notion de « atero ka alao
betsileo »(apportez puis retirez).Ainsi, le diam-ponegnana est le moyen favorable pour
accomplir cette échange socioculturelle car tout les invités sont obligés de se déplacer pour
aller au lieu en question (lieu de l’évènement) et apporter leur part d’aide en paddy et en
argent pour soutenir l’organisateur.

En conséquence, chaque famille se trouve dans l’obligation de créer à partir de rien


pour faire face au « Diamponegnana » parce qu’elle doit accomplir le devoir de « solidarité
villageoise » qui est le don contre don ou bien l’atero ka alao, un principe de justice qui
consiste à offrir du riz et de l’argent à chaque évènement. De ce fait, cela nous permet
d’affirmer que la culture spécifique du sud-betsileo par le « Diamponegnana » est
indissociable de la vie quotidienne de la population du monde rural.

Chaque année, la population du monde rural betsileo est impliquée et engagée dans ce
« Diamponegnana »durant presque six mois, d’avril après la moisson du riz jusqu’au mois de
septembre. Il est constaté alors que le temps consacré à cette culture est log par rapport au
temps aux activités économiques (agriculture ; élevage et artisanat…)

Pour conclure, le Diamponegnana est une culture ancestrale qui fait la particularité du
pays betsileo .Il est difficile pour eux de l’abandonner car il fait partie intégrante des valeurs
106
originales de la société betsileo. Abandonner cette culture signifie perdre leur identité
culturelle en tant que betsileo. Ainsi, les gens vénèrent cette culture en dépit du temps perdu
et des conséquences économiques que cela entraine. Mais en revanche, ils tiennent à rehausser
les vertus que procure cette culture telles que la solidarité, l’entraide pour ne pas s’exposer
aux sanctions sociales réservées aux anti-conformistes, à savoir l’exclusion sociale et la perte
de considération sociale vis-à-vis des autres membres de la société.

1.3-Le « culte » du fonegnana betsileo :

Beaucoup d'évènements socioculturels permettent de réaliser le fonegnana betsileo.


Une famille peut recevoir plus de vingt (20) invitations par an. Les plus connues dans le pays
Betsileo sont la circoncision et le fagnefana mais la construction d'une maison ou une
naissance engendre aussi la préparation d'une fête.

Les frais liés à ces fêtes comportent beaucoup de dépenses, aussi bien pour les familles
qui invitent que pour les invités. En effet, pour ces évènements, il faut inviter toutes les
personnes avec lesquelles on a des relations ou fonegnana (famille, amis, voisins...) et leur
offrir l'hospitalité, c'est-à-dire le repas. Ainsi, plus d'une cinquantaine de personnes sont
invitées à chaque fête. Chaque famille conviée, quant à elle, doit se déplacer pour rejoindre le
lieu de la cérémonie (faire le diam-ponegnana) et emmener une certaine quantité de riz à la
famille ainsi qu'un peu d'argent. La famille qui invite doit ensuite verser une somme d'argent
et une quantité de riz au moins égale à celle que chaque invité lui offre si ces derniers les
invitent à leur tour; c'est le système d'atero ka alao (voir ultérieurement).

Ainsi, le fonegnana est lié à la tradition. C’est durant les célébrations des rituels
traditionnels que les betsileo réalisent leur fonegnana. C’est évident, car ce sont les ancêtres
qui étaient à l’origine de ce lien socio-parental. Alors, tout ce que les gens font durant cette
occasion se fait dans le respect des ancêtres.

L’essentiel c’est la concrétisation des liens sociaux betsileo (fonegnana) et cela pour
mieux affronter les différents évènements qui se manifestent dans la vie humaine. Il est
nécessaire de souligner aussi que dans ce phénomène socioculturel, on ne se présente jamais à
titre personnel mais toujours à titre familial pour exprimer la valeur de la solidarité.

107
2-Le « atero ka alao »106betsileo

C’est le don contre don (cf. MARCEL Mauss).Ce système en tant que contrat social,
s’agit d’une solidarité réciproque et mutuelle qui se manifeste au niveau des membres de la
communauté tant aux évènements malheureux qu’aux évènements heureux.

Les populations villageoises sont liées par des conventions implicites. A l’occasion de
l’organisation du rituel par les membres ou ses proches, tout un réseau de relation doit y
participer par des dons divers.

D’abord, une famille invitée informe aussi ses proches et par la suite celle-ci invite ses
amis ou voisins proches. Ces derniers collectent du riz et de l’argent. On met le riz collecté
dans les « tatim-bary », sorte de corbeille couverte. On note sur une liste la somme d’argent
collectée, afin de pouvoir augmenter ou réduire la somme collectée suivant la somme que la
famille promotrice a donné quand l’invité avait organisé une festivité de la même objet
auparavant :« Taty mienga ro miditsa » ; ce qui signifie que la valeur de ce qui entre ne peut
être que l’ équivaut à celle qui sort de cette famille ..

Les familles ayant un lien de parenté ou lointain ou seulement appartenant à un même


lignée sont toujours obligées de vénérer cette culture pour ne pas briser le fihavanana. Même
si l’une des familles est en difficulté financièrement, elle est obligée de se débrouiller pour
honorer l’invitation de la famille d’accueil en cas de demande de cette dernière. Exemple :
crédit de riz, d’argent….Car cette culture exige des dons.

Le montant apporté par la famille invitée peut varier suivant le degré de relation de
cette dernière avec la famille organisatrice.

En effet, si l’invité qui vient donner son « tso-drano » (don au fagnefana), organise à
son tour un rituel de ce genre, la famille organisatrice se trouve dans l’obligation de lui
apporter aussi le « tso-drano » mais avec une différence : surplus ou moins. On ne peut pas
rendre le même montant car cela signifie la coupure de liaison.

C’est pour cette raison que le secrétaire de la famille inscrit minutieusement le


montant des sommes versées par les invites107. Ainsi, pour l’obligation de rendre, il suffira de
consulter ce qui a été inscrit.

106 Portez et reprenez

108
PhotoN° :Le mpitan-tsoratra ou secretaire de la famille

A leurs entrées, les invités dansent en portant sur la tête les cadeaux. La danse signifie
que le cadeau vient du cœur.

A l’arrivée sur les lieux des festivités, un « mpisokela »108ou orateur accueille les
convives, souhaitant la bienvenue : « soa fa tonga », expliquant dans un beau discours en
images, propre aux orateurs betsileo, les causes de la festivité.

De leur côté, les arrivants y répondent en offrant le tatim-bary (riz) et le volatsy


mivaky (argent) en guise de bénédiction.

Il y a existence de transparence car on doit lister et prononcer les cadeaux, par


exemple : paddy 4 vata, toaka 2litre, vola 100000ar.

Ainsi, ces dons proviennent soit de la communauté sociale, soit de famille d’alliées qui
s’étendent sur un éventail généalogique très large (celles qui ont pris des filles et celles qui
ont données).Chaque don comprend obligatoirement une somme d’argent (pour récompenser
les dépenses de la famille organisatrice) présentée au titre de la solidarité familiale, une
quantité de riz (pour récompenser le riz dépensé) et éventuellement une ou des têtes de
zébus109.

Il est important de noter qu’ici, le fagnefana représente l’occasion de déclencher le


phénomène de réciprocité dans l’espace communautaire.

107 Les invités se dirigent un à un vers le secrétaire pour y apporter les dons en argent. Le trésorier reçoit l’argent, le secrétaire inscrit sur un
cahier le nom du donneur et le montant de la somme versée, son adresse aussi si c’est nécessaire.

108 Le mpisokela vient du racine sokela (petit discours de bienvenue ou de remerciement) est très important dans la coutume betsileo. Il est
honteux de ne pas savoir faire ou répondre à un discours surtout pour un homme car même pour les femmes, il est nécessaire de le savoir
faire. Et il arrive qu’une famille doive apporter un discoureur étranger pour offrir le don à leur place pour éviter de perdre la face.

109 A l’heure actuelle, cet élément disparait d’une manière quasi définitive de la masse des dons présentés. Ceci illustre que les lois de la
réciprocité s’adaptent aux conditions économiques globales.

109
En résumé, les garants de la stabilité de ces comportements sociaux sont :

-l’existence d’un modèle culturel transmis de génération en génération ;

-l’omniprésence du tsiny (châtiment) qui peut venir des autorités spirituelles invisibles
ou la société visible

-la mémoire du defunts « ny iterahan-ko dimby »avoir des enfants c’est assurer la
continuation de soi-même.

Analyse sociologique :

Selon nos analyses, le mécanisme de « atero ka alao » ressemble à celui du potlatch


présenté par Marcel Mauss dans l’Essai sur le don.

Effectivement, dans l’atero ka alao, d’une part, on rencontre les trois obligations
contenues dans le potlatch, à savoir donner, recevoir et rendre. D’autre part, le tso-drano(le
don) reçu est rendu de façon usuraire. Enfin, nous savons que dans le Fagnefana, les notions
d’honneur, de prestige ainsi que les âmes des morts sont présentes.

Ces dons jouent dans l’un et l’autre des cas un rôle très important car en plus de
l’argent, il est d’usage d’apporter du riz. Parfois, les proches de la famille organisatrice
profitent d’offrir aussi un bœuf pour les ancêtres unis mais qui sera à rembourser aussi après.

On peut en dire que cette coutume occasionne beaucoup de dépenses mais celles-ci
sont amoindries par le mécanisme de « atero ka alao ». Cependant, le Fagnefana reste toujours
bénéfique dans la mesure où il raffermit la cohésion sociale et le lien avec les ancêtres
communs. Le social et le culturel dominent donc sur l’économique.

Normalement, le bœuf immolé et le riz consommé sont remboursés par ce « atero ka


alao ».Si ce n’est pas le cas, c’est une honte d’une part et la famille doit réfléchir, peut-être
qu’elle n’a pas bien accompli son devoir envers la communauté par le passé.

Enfin bref, on peut dire que ces différentes relations sociales constituent un garant de
la perpétuation du principe patrilinéaire, et aussi créateur de liens de parenté cumulatif. Ce qui
lui confère en quelque sorte un rôle de contrôle permanent sur l’ensemble du corps social.

110
3-Impact de l’évolution socio-historique sur la vie socioculturelle Betsileo

Dernièrement, les éléments de la vie communautaire ont connu une évolution très
rapide et cela affecte la vie socioculturelle betsileo.

D’abord, le nombre important des générations est la cause principale. En effet, les
biens d’héritage s’amincissaient au fil des générations, et la question de revenu se posait avec
une importance accrue. Par le gonflement des unités familiales par exemple, le problème de
« ady tany » (combat de terre) apparait car ce dernier permet plus de satisfaire les besoins des
gens habitant dans le monde rural, et cela provoque une destruction du lien parentale. En
effet, plus les héritages se réduisaient, plus les difficultés apparaissent…

Puis, le développement de l’éducation et la recherche du travail provoquent la


dispersion résidentielle de la population. De ce fait, plus les gens sont cultivés, plus ils
adoptent une nouvelle vision et une autre manière de penser concernant la tradition.

En plus, la difficulté de la vie entraine l’égoïsme, incite l’individu de penser plutôt à


son intérêt personnel qu’à l’intérêt commun. Par conséquent, il y a la destruction de la
conscience collective comme l’a dit Durkheim ; la perte de la valeur morale et de l’identité
culturelle malgache. L’entraide, la solidarité et l’harmonie sociale disparaissent petit à petit, la
seule chose qui reste est le respect qu’il voue aux ancêtres. C’est grâce à l’existence des gens
conservateurs (gardiens de la tradition), vivant sur le terre des ancêtres, pratiquent toujours les
rituels traditionnelles, et par respect des ancêtres, que les groupe parentale trouvent le seule
moment et l’occasion de se soutenir et se réunir ensemble.

D’ailleurs, les chrétiens font tous les moyens pour empêcher les gens de suivre la tradition.

En effet, il est si difficile de perpétuer l’esprit familial et communautaire. Cela est


observé dans la réalité de la vie socio- culturelle betsileo.

Durant la célébration des rituelles fagnefana par exemple, il y a :

-ceux qui sont introuvable et injoignable ;

-ceux qui sont joignable mais ne répondent pas à l’invitation sans raison ;

111
-ceux qui ne veulent rien savoir de ce rituel car ils pensent que c’est une perte de
temps et ils pensent que mieux vaut travailler car les ancêtres ne vont pas donner de l’argent
en retour ;

-ceux qui pensent que cette tradition est déjà démodé, n’est plus une actualité, non
intéressante. Ainsi, ils pensent que ca sert à rien de croire aux pouvoirs des ancêtres car les
morts sont morts, ils ne sentent rien, ne voient rien et ils peuvent être enterré n’importe où
dans le monde. Le pire est que ils ne pensent pas avoir une dette morale ni avec la famille, ni
avec la société pour son absence durant les célébrations coutumières. On parle ici de déclin
de la culture d’identité malgache (le fihavanana et la solidarité).

Enfin bref, on peut dire que le sens de la communauté est peut être vivante au fond
de la pensée, mais dans la réalité, cela s’affaiblit.

112
Chapitre 3-FAGNEFANA FACE AU DEVELOPPEMENT

Section 1. Fagnefana et problèmes socio-économiques

1-Généralité

Les gens dans le monde rural vivent en général dans un cadre essentiellement dominé
par les activités agricoles. Les paysans betsileo pratiquent surtout comme moyen de
subsistance la riziculture.

C’est pourquoi, la pratique et la fréquence des divers rituels en période d’hiver


connaissent une certaine ampleur car c’est la saison de l’achèvement des grands travaux
agricoles.

Pour parler des riziculteurs, notons que la fin des récoltes de riz coïncide avec
l’ouverture de la saison des « tosika » ou cérémonie coutumière betsileo. C’est donc le
moment où on a les ressources nécessaires pour faire les dons, et cela devient le moment de
réaliser tous les vœux ou les projets prononcés pendant l’année, mais c’est la période où le
rythme des travaux des champs laisse un peu de temps pour la distraction, le divertissement et
les réjouissances après les bonnes récoltes.

Dans le temps vécu par les paysans, c’est bien le moment où normalement il doit y
avoir des rituels dans le village.

En ce qui concerne les festivités, le promoteur est tenu d’inviter tous les habitants
environnants. En échange, ces derniers doivent participer de diverses manières à
l’accomplissement de la cérémonie.

Il est nécessaire de souligner aussi que dès que la cérémonie ou festivité commence,
tout les habitants du village doivent laisser les activités quotidiennes et doivent assister à toute
les événements et /ou soutenir la famille organisatrice.

2-Les dépenses occasionnées par le fagnefana

Des dépenses sont occasionnées par le fagnefana tant du côté de la famille promotrice
et de celui des invités, mais pose aussi de problème sur l’évolution de l’économie en général.

113
2.1-Dépense de la famille organisatrice

Le prix du fagnefana organisé par une famille varie en fonction du nombre des invités
et la situation socio-économique de l’organisateur. Mais en général, les dépenses se résument
comme suit : (fagnefana durant trois jours et avec 3000 personne)

Tableau N° 08 : Tableau récapitulatif des dépenses

Libelles des charges (dépenses) unité Prix par unité Quantité total

(Ariary)
Renouvellement de la maison 40000
et du parc à bœuf (valanomby)
taxes pour les formalités 20000
administratives
5000
.mairie
1
.fokontany

Paddy vata 15000 30 450000

Bœuf nombre 450000 3 1.350.0


00
Toaka gasy Litre 4000 38 152.000

Musiciens et danseurs Personne 1500 12 pers 54000


/jour et 3j
Autres depenses:

Café 3000

Sucre 40000

sel 5000

bougie Paquet 1800 06 10800

petrole litre 2600 03 7800


TOTAL 2083600

Source : Enquête

114
Cette somme est très importante pour une paysan qui n’a pas de revenu fixe et qui
travail dans un secteur primaire. Ainsi, le poids de cette dépense sur sa vie futur peut être très
remarquable.

2.2-Dépense de la part des invités

Du côté des invités aux différents cérémonies, des dépenses monétaire et non
monétaire (paddy, bœufs, toaka etc.…..) .Ces dépenses pèsent sur le budget de la famille dans
la mesure où elle est souvent invitée à plusieurs rituels. Il se peut que durant la période de
rituel ou « tosika », une famille doit assister à une vingtaine de cérémonie ou même plus. Ce
rythme a de poids sur la vie social des paysans car même en donnant seulement peu d’argent,
le total peut être assez élevé.

2.3-Dépense au fagnefana et problème économique en général

Des pertes économiques sont engendrées par la célébration des rituels traditionnels
betsileo même si les participants ne s’en rendent pas compte.

D’abord, la perte d’épargne monétaire par les biens dépensés dans une activité non
productive.

Puis, la perte de temps de travail pour les jours chômés durant les cérémonies ;

Enfin, la perte pour les personnes concernées mais aussi pour la société qui ont besoin
d’évolution économique.

Réflexion économique :

Dans un pays pauvre comme Madagascar, la célébration des coutumes traditionnelles


telles le fagnefana constitue un frein au développement socio-économique car il limite
l’épargne et le travail, et peut affecter la productivité.

Au quotidien, les célébrations rituelles perturbent le bon fonctionnement du secteur


primaire dont dépend la vie des gens en milieu rural. Alors, ces pratiques traditionnelles ne
sont pas favorables à la pauvreté.

115
Réflexion sociologique :

Des gens sont motivés pour travailler dur, seulement dans le but d’avoir les moyens
d’honorer leurs ancêtres .Pour le razana, ils sont capables de tous les sacrifices, car dans leur
esprit, c’est grâce à leurs ancêtres qu’ils sont là.

S’agissant de la vie paysanne, c’est seulement au moment de la récolte qu’ils ont


heureux, ils vivent très dur durant l’année sans se rendre compte de la gravité de la situation
ni de la façon de sortir de cette crise.

Par conséquent, on peut dire ainsi que le développement ou non développement du


milieu rural est lié dans une certaine mesure à la place de la tradition.

3-Dynamique socio-économique et fagnefana

Il s’agit de définir la fonction économique du fagnefana. C’est pourquoi on se pose la


question : dans quelle mesure le fagnefana peut-il être considéré comme un facteur de
développement socio-économique des pratiquants ?

La célébration de la cérémonie coutumière fagnefana betsileo demande beaucoup de


ressource car l’objectif c’est de rendre honneur aux vivants et aux ancêtres. Pour cela, on doit
penser à un grand festin car c’est l’honneur parental qui est enjeu.

Au début, le fagnefana n’est qu’un projet. En effet, dès que l’initiateur est décidé de
réaliser son projet, il a une grande motivation qui provoque un dynamisme dans l’activité
économique. En fait, il est évident que s’il n’y a pas de travail, il n’y pas de production, et
sans ressource on n’a pas le moyen de mettre en œuvre le projet.

C’est pour cela qu’on trouve des betsileo cherchant du travail partout à Madagascar
des mois avant la saison du manifestation des évènements socioculturels .Entre autre, on parle
ici du côté positive des rituels traditionnelles dans l’évolution économique global.

Par conséquent, on peut dire que le respect et l’amour que les betsileo vouent envers
le razana les motivent à faire des efforts dans l’activité économique.

116
Bref, nous avons pu voir que le fagnefana incite les gens à bien travailler pour avoir
les ressources nécessaires. Il y a donc amélioration d’un comportement économique des gens.
La réalisation d’un fagnefana montrant des signes d’aptitude à travailler et à réussir dans la
vie humaine. Les bons travailleurs perçoivent de meilleurs revenus. Mais le problème est que
cela ne peut pas améliorer leur qualité de vie économique et sociale, c’est seulement une
question d’honneur au sein de la communauté et auprès des ancêtres car les revenus sont tous
dépenser durant les cérémonies.

Section 2. Réflexion sur les rapports entre culture et développement


Dans le monde actuel, le développement des cultures dites « modernes »(ne pense qu’à
la vie économique) entraine, une mise à l’écart des pratiques culturelles traditionnelles. Or
celles-ci sont ancrées dans la vie quotidienne des gens comme l’affirme M. Mauss en
définissant « le phénomène sociale total » en le considérant du point de vue social et culturel.

Ainsi, une question se pose : est-ce vrai que la culture traditionnelle soit un blocage au
développement ou est- ce que c’est juste une accusation mal fondé ?

L’analyse fonctionnelle d’une culture donnée se fonde sur le principe que chaque
coutume ou chaque idée ou chaque activité remplit une fonction vitale pour les individus.
C’est donc à l’intérieur d’un groupe social précis qu’une telle analyse trouve les significations
qu’il faut savoir bien distinguer.

1-culture traditionnelle, blocage au développement

1.1-Problème de mentalité

D’abord, par rapport à l’éducation, les gens qui vivent en milieu rural refusent que
leurs enfants perdent leur temps à l’école, la seule éducation nécessaire pour eux c’est
l’éducation parentale, concernant la culture, rites et coutumes traditionnelles. Ils apprennent
aussi à leurs enfants à aider les parents et à travailler dur dans la vie. Pour eux, le plus
important est que ses enfants ne fassent pas quelque chose de honteux envers le
fiarahamonina ou agit mal par rapport aux ancêtres, lors des célébrations des coutumes

117
traditionnelles. En fait, les parents disent toujours que « l’école n’est pas une priorité dans la
vie, on n’est pas besoin d’aller à l’école pour pouvoir subvenir à votre besoin ».

De même, pour ce qui concerne la santé. En réalité, les campagnards ont l’habitude de
consulter les ombiasy ou pratiquent l’auto- médicament. Ils pensent qu’ils n’ont pas besoin
d’aller à l’hôpital pour être guéri, ils ont confiance au médicine traditionnelle plutôt qu’au
médecin.

En effet, avec ces conditions, c'est-à-dire sans éducation, ni bonne condition de santé, il
est difficile de pouvoir espérer un développement.

1.2Problème d'accomplissement de cérémonies rituelles

Les cérémonies coutumières constituent un déterminant de la pauvreté dans la mesure


où parfois, elles obligent les membres pauvres de la communauté à louer ou à vendre leurs
rizières varo-maty/varo-belona et même à s'endetter pour honorer les charges sociales.

En effet, les diam-ponenana « don et contre don » pèsent lourd pour les paysans. Les
familles invitées doivent selon leur degré de parenté avec la famille organisatrice venir avec
un zébu, des mesures de riz et de l’argent. Mais les traditions sont des faits également
économiques comme soulevés plus haut. Les organisateurs de fagnefana pensent souvent
pouvoir rentrer dans leurs fonds après les rituelles. Des cahiers de versements sont
rigoureusement tenus pour chaque rituel et dans chaque famille.
Les formes de paiement sont en argent liquide ou en nature: mesure de riz, bœuf, selon le
degré de parenté (fihavanana) et l’importance des relations quotidiennes (fifandraisana). Il
faut cependant signaler que la participation des familles invitées doit être plus élevée par
rapport à celle versée par leur hôte lors de leur dernière prestation.
Riche ou pauvre, les betsileo accomplissent les rituels. Ces participants ne se rendent
compte pas à travers l’accomplissement des cérémonies rituelles qu’ils sont pauvres ou qu’ils
se sont appauvris.
Le problème soulevé réside dans les contradictions de pauvreté évidente et des
dépenses jugées inouïes. Cependant, il y a une impossibilité d’une épargne ou d’un crédit
pour les moyens de production et les travaux agricoles, qui nécessitent également des
liquidités d’autre part.

118
Par conséquent, on peut dire que la culture traditionnelle empêche le développement en
milieu rural.

Il est important alors de trouver de solution portait sur la possibilité pour les ruraux
de faire face à ces dépenses rituelles.

2. culture traditionnelle, facteur de développement

Cela dépend de la mentalité de chacun, néanmoins, le fonegnana est déjà fortement


ancré au niveau de la société betsileo donc ne risque pas d’être abandonné facilement, et il
faut faire avec car :

-il encourage la solidarité ;

-c’est un moteur car s’acquitter de sa responsabilité est une forme de développement :


les gens ne prenant pas leur responsabilité sont considérées comme des personnes anomiques
qui n’ont pas de repères et risque d’être rejetées par la communauté.

-il entretient l’unité de la société : à cette occasion, toute la famille est réunie pour se
soutenir et s’entraider. Sans la pratique de cette culture, les malgaches vont perdre la sagesse,
l’amour d’autrui dont nous sommes si fiers, donc pour c’est une raison valable pour préserver
la cohésion sociale ;

-C’est la fierté des betsileo, donc c’est important à préserver pour la population, car
l’harmonie de la vie en société peut être perturbée si cette culture disparait. Toutes les entités
concernées doivent réfléchir à deux fois avant de le juger comme blocage au développement
et de suggérer la disparition de cette culture symbole de fraternité et de solidarité entre
familles, amies et la communauté tout entière.

Ainsi, la culture traditionnelle renforce la cohésion sociale des habitants au monde rural.

D’ailleurs, la cohésion sociale est une chose importante dans la réalisation d’un
développement socio-économique tels la construction de canal, la réhabilitation des routes,
etc... En fait, c’est la communauté tout entière qui se mobilise pour l’intérêt commun. De
même pour la réalisation en commun de tous les travaux lors de la célébration coutumière car
c’est dans l’intérêt de l’ensemble de se sentir entouré, soutenu pour affronter le bon et
mauvais moment de la vie.

119
Dans ce cas, la culture traditionnelle renforce les liens sociaux et éduque les gens à
être responsable et solidaire dans la vie. C’est une nécessité pour développer car s’ils sont
solidaires, ils ne pensent qu’à l’intérêt de l’ensemble, et cela entraine le développement.

Prenons un autre exemple, concernant l’andro fady (jour néfaste).Même si c’est une
tradition de respecter le jour faste ou néfaste avant d’accomplir quelque chose dans la vie
sociale, cette croyance peut être marginalisée par l’ensemble si c’est pour l’intérêt commun.
Cependant, la croyance et coutume traditionnelle peuvent être ignorées par les gens si l’enjeu
est touche l’intérêt d’ensemble. Par exemple, il est interdit de travailler le lundi car cela est un
jour mal chance, or s’il y a de cyclone qui détruit les canaux d’irrigation et peuvent affecter la
production rizicole, même si c’est lundi, tout le monde bouge pour sauver la situation car
sinon, ils doivent tous subir la conséquence etc…..la culture traditionnelle incite la dynamique
l’ensemble social.

Par conséquent, on peut dire la culture traditionnelle entraine une dynamique socio-
économique qui est la base même du développement.

Ainsi, il s’avère nécessaire d’approfondir la recherche concernant la pratique et culture


traditionnelle avant de l’accuser comme le cause principale du non développement en général.

120
CONCLUSION PARTIELLE

Au cours de cette dernière partie, on a pu voir et analyser la valeur culturelle du


fagnefana et sa force sociale. Cependant, on a pu constater que le betsileo tient beaucoup au
razana et il entreprit le fagnefana pour montrer honorer et montrer du respect envers les
ancêtres.

Cette analyse nous a permis de voir que les célébrations des rituels traditionnelles
constituent un phénomène à la fois économique et social : économique, parce qu’ils
comportent des aspects de gestion d’argent et de ressources. Selon les participants, ils se
préparent plusieurs années à l’avance ; social parce que ce sont les seules vraies occasions de
se réunir, de concrétiser les liens sociaux et aussi de maintenir la cohésion social. D’ailleurs,
le fagnefana permet aux membres de la famille élargie de se réunir, à la population de
s’intégrer dans un ensemble social et culturel qui les valorise et qui fait partie de leur raison
d’être. D’où le fait de ne pas penser au dépense lors de l’accomplissement de ces devoirs
même si cela peut affecter la vie économique.

Ainsi, le fagnefana peut être un facteur ou un blocage au développement. Pour le


premier cas, il incite les gens à travailler et à faire des épargne, qui est une nécessité pour se
développer ; et pour le deuxième cas, il pousse les gens à se détruire (s’endetter) et vivre
toujours dans la pauvreté.

121
CONCLUSION GENERALE
Depuis le début, nous avons fixé comme objectif la mise en évidence de l’existence du
rituel fagnefana betsileo et son importance dans la vie des pratiquants et conservateurs de la
pratique.

A la lumière des enquêtes et des analyses, nous pouvons dire que la problématique
formulée au départ était appréhendée de façon la plus claire possible.

Dans le présent travail, et dans le sens des hypothèses avancées au début, nous avons
pu voir une description relative et détaillée de la cérémonie du fagnefana betsileo. Nous avons
pu constater que le fagnefana est entrepris soit comme un acte de reconnaissance envers les
ancêtres, soit pour l’accomplissement des devoirs envers eux ; soit pour réaliser une promesse
faite aux ancêtres. Tout cela dans le but de pouvoir bénéficier de leurs bénédictions et se
protéger contre toute malédiction dans la vie humaine.

Ensuite, nous avons disséqué l’organisation du fagnefana ainsi que toutes les activités
qui y sont liées.

Du point de vue des références théoriques, le fagnefana peut être considéré comme un
phénomène social total au sens de M Mauss dans l’essai sur le don110. En effet, ce rituel
englobe toute les dimensions économique, sociologique, historique, artistique, religieux et
influent sur le fonctionnement du groupe social entre en jeu.

Economiquement, le fagnefana est cristallisé par les dépenses de la famille


organisatrice, le système de don contre don dans le « atero ka alao » et enfin par l’influence
de toutes les dépenses en biens sur l’évolution de l’économie globale de toute la vie
économique du groupe.

Sociologiquement, il est visible que la pratique du fagnefana est une coutume qui
participe à l’expression de concepts de base du monde rural betsileo : le razana, la
communion sociale, et l’affirmation du statut social de chacun.

Le côté artistique du fagnefana est véhiculé par le chant, la danse, les discours
meublés de proverbes et les attitudes stéréotypées qu’adoptent les participants à ces étapes de
la cérémonie ;

110 Leçons de RAJAOSON.F en deuxième année.

122
Le côté religieux peut se saisir par la place du fagnefana au sein du système
symbolique traditionnel betsileo.

Par rapport à l’évolution historique et sociale de la société, la culture traditionnelle


tient encore un place importante dans la vie des gens en monde rural, ses rapports avec les
pratiques se transfert de génération en génération, malgré l’existence des personnes qui ont
tendance à effacer ces pratiques.

Le plus important dans ce rituel est d’honorer les ancêtres, de montrer aussi que les
communautés s’unissent pour mieux affronter les différents évènements qui se manifestent
dans la vie humaine et sociale. Célébrer ces coutumes rend honneur aux morts mais assure
également le bien être des vivants au sein de la société traditionnelle.

En plus, durant toute la cérémonie, nous tenons à souligner que des joies se
manifestent car tout le monde se sent libre d’avoir accompli son devoir envers le razana et la
société.

Au total, le fagnefana occupe une place de choix dans l’ensemble de la vie relationnel
et sociale, ceci sur trois niveau : celui du culte des ancêtres, qui procède de la conception
d’une société unique et hiérarchisée ; au maintien de la cohésion du corps social dans le temps
et dans l’espace ; enfin l’illustration qu’il donne du fonctionnement du système traditionnel
tout entier.

On peut cependant pas ignorer que d’un d’un côté le fagnefana est considéré comme
blocage au développement car il peut être source d’endettement par les dépenses démesurées.
D’autre côté, il stimule la solidarité communautaire en renforçant le système d’entraide qui
s’applique aux différents aspects de la vie socioculturelle et économique rurale. Par ailleurs, il
constitue un facteur de dynamisme car il incite les gens à participer au maximum dans
l’activité économique, dans le but de trouver le moyen nécessaire pour la réalisation de ce
rituel.

Ici, nous n’avons pas l’intention d’inciter la population à faire le fagnefana, nous
pensons qu’avec notre contribution, ce présent mémoire peut nous aider à élargir notre champ
de vision dans toutes les décisions à prendre, à bien savoir distinguer le côté positif et négatif
dans chaque chose pour ne pas se renfermer sur un seul point de vue.

123
Ainsi, nous nous demandons si les Malgaches ne sacralisent pas la mort pour l’amour
de la vie car en célébrant un rituel par exemple, ils croient donner satisfaction aux ancêtres or
c’est leur esprit qui a besoin de paix et eux-mêmes qui, dans leur vie, ont besoin de
réjouissance et d’une bonne image sociale.

Il reste à savoir désormais si le développement de la culture moderne peut arriver un


jour à effacer le culte des ancêtres. Autrement dit, la satisfaction économique peut-elle
satisfaire le besoin spirituel des êtres, en considérant les gens qui vivent en milieu rural ?

124
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrage généraux

1. CAZEUVE « Sociologie du rite ».Ed PUF, 1971


2. DIAZ CRUZ, Rodrigo. « L’exploration de la distance : idolâtries, superstitions,
résistances rituelles » dans Les formes de reconnaissance de l’autre en question, 2004,
p 411.
3. DU BOIS « Monographie du betsileo », institut d’ethnologie, paris 1938
4. Durkheim E. « Les formes élémentaires de la vie religieuse »,1912
5. Edward B.Tylor, « La civilisation primitive » (édition anglaise 1971), traduction
française Paris, Reinwald, 1876-78. E. B.
6. FAUBLEE.J « les esprits de la vie à Madagascar », Ed PUF, Paris, 1954
7. Martin Buber, dans Victor Turner, « Le phénomène rituel. Structure et contre-
structure », Paris, PUF, 1990, p. 124.
8. Mary Douglas, De la souillure. « Essai sur les notions de politesse et de tabou »,
Maspero, Paris, 1971.
9. MAUSS.M, « Essai sur le don ». Forme et raison de l'échange dans les sociétés
archaïque, 1923-1924 Edition électronique réalisée par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi, février 2002, p 07
10. WEBBER. Max, « Essais sur la théorie de la science ». L’objectivité de la
connaissance dans les sciences et la politique sociales. Premier essai (1904)
11. RAINIHIFINA. « Lovantsaina » .Fianarantsoa, imprimerie catholique, 1958
12. RAHAJARIZAFY Antoine de Padoue, « Filôzôfia Malagasy », Tananarive, 1963.
13. RENEL.C, « Ancêtres et Dieux », Tananarive : G. Pitot de la Beaujardière, 1923.

14. THOMAS, L.-V, « Rites de mort. Pour la paix des vivants », Paris, Fayard, R. Caillois,
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15. GENNEP.V (Arnold), « Tabou et totémisme à Madagascar », paris 1904, p19
16. GENNEP.V, « les rites de passage » Mouton 1969
Ouvrages spécifiques

1. ANDRIAMANJATO.R, pasteur, «Le Tsiny et le Tody dans la pensée malgache ».


Paris, Présence africaine, 1957, 97 pages

2. DECARY.R. « La mort et les coutumes funéraires à Madagascar », paris,


Maisonneuve et L ,1962

3. E. D. RASOLOMANANA. « Valeurs traditionnelles et communautés villageoises à


Madagascar », étude d’une collectivité du Nord Betsileo, bureau d’études coopératives
et communautaires, paris 1971, p 48

4. MAISONNEUVE J. « Les rituels, Paris, PUF, col « Que sais-je»? 1988

5. MAUSS.M « essaie sur le don », Année sociologique, 1924

6. RAINIHIFINA Boky voalohany Betsileo, librairie Ambozontany Fianarantsoa,


volumes 240p70, 1975

7. RAINIHIFINA « tantara, lovantsaina betsileo », éd imprimerie catholique


Fianarantsoa, 1985

8. RAJAONARIVONY Sylvain Léonard, « Une étude des rites funéraires dans le


Betsileo d’Isandra ». Contribution à la théologie pastorale à Madagascar, Doctorat du
3° cycle, Faculté de Théologie Catholique, Strasbourg, 1979.

9. RAJAOSON François, « Contribution à l’étude du Famadihana sur les hauts Plateaux


de Madagascar », Thèse de doctorat du 3°cycle, Université deSorbonne, Paris, 1969.

Revues

1. ANDRIANARAHINJAKA. Lucien Xavier Michel « Ramananato, poète betsileo du


début du XIXème siècle », in Présence Africaine, 3°trimestre, 1965, (pp. 42-72).
2. GOETZ Jean, « Rites funéraires et cultes des ancêtres au regard de l’anthropologie »,
in Journal Lumière, n°1981, Fianarantsoa, 26/05/1974.
Sources électroniques

1. http// www.madagascarica.com

2. http// www karthala.com

3. http//.www.wikipedia.org/rite

4. http://razafimalala.free.fr/Fomba/fady.htm

5. http://thanatofrance.wordpress.com/2009/08/15/sens-et-signification-des-rites-
funeraires-double-finalite-des-rites-funeraires-louis-vincent-thomas-extrait-dun-
congres-a-la-societe-de-thanatologie/

6. http://www.haisoratra.org/breve.php3?id_breve=952

7. http://www.madagascar-tribune.com/Economie-culture-us-et-coutume-sur,8284.html

8. http://www.laprocure.com/rituels-jean-maisonneuve/9782130419709.html

9. http://supercdi.free.fr/ses/rites-passage-van-gennep-durkheim-mauss-religion-
bourdieu-totem-profane-agregation-integration-initiation.html

10. http://www.revuedumauss.com.fr/Pages/MMAUSS.html

11. http://www.taloha.info/document.php?id=57&format=print
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS
LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES IMAGES
INTRODUCTION GENERALE................................................................................................ 1
PARTIE I : CADRE THEORIQUE ........................................................................................... 7
Chapitre 1. CONSIDERATIONS THEORIQUES DE BASE. .............................................. 8
Section1. Définitions de quelques concepts clés. ............................................................... 8
1- Rite .............................................................................................................................. 8
1.1. Généralités ............................................................................................................ 8
1.2. Le rituel................................................................................................................. 9
2- Le rôle des rituels ...................................................................................................... 11
3-L’action rituelle :........................................................................................................ 14
Section 2. Quelques théories du rite ................................................................................. 14
1. Le rite et efficacité symbolique ................................................................................. 14
2- Le rite et vie sociale : ................................................................................................ 15
3-Le rite et fait social total ............................................................................................ 16
Chapitre 2 : CONSIDERATIONS GENERALES DES PRATIQUES CULTURELLES A
MADAGASCAR .................................................................................................................. 19
Section1 : Aspects de l’héritage culturel malgaches......................................................... 19
1-Conception de la société ............................................................................................ 19
2-Conception du monde et de l’humanité ..................................................................... 24
Section 2 : Les théories à l’origine des rituels malgaches ................................................ 29
1- Croyance et coutume traditionnelle .......................................................................... 29
2-La place des ancêtres dans les rites malgaches .......................................................... 30
CONCLUSION PARTIELLE ............................................................................... 32
Partie 2 : LE RITUEL FAGNEFANA BETSILEO ................................................................. 33
Chapitre 1 : MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE .......................................................... 34
Section 1. Aperçu général de l’espace socioculturel ........................................................ 34
1-Historique ................................................................................................................... 34
2-Situation géographique .............................................................................................. 35
3-Organisation administrative ....................................................................................... 35
4-Organisation fonctionnelle ......................................................................................... 36
5- Condition naturelle du milieu ................................................................................... 38
5.1-Relief ................................................................................................................... 38
5.2-Climat .................................................................................................................. 38
5.3-Hydrographie ....................................................................................................... 38
5.4- type de sol........................................................................................................... 39
Section 2. Les différentes ressources et les infrastructures de la commune ..................... 39
1- Population et données humaines ............................................................................... 39
2 –Le secteur culturel .................................................................................................... 40
3-Vie économique ......................................................................................................... 42
4-Services sociaux de base ............................................................................................ 43
5-Potentialités et problèmes de la commune en général ............................................... 46
Chapitre 2 : LES RITUELS FAGNEFANA ET L’ENVIRONNEMENT
SOCIOLOGIQUE ................................................................................................................ 48
Section 1. Descriptif d’un rite commun ............................................................................ 48
1-Aperçu historique et motifs ........................................................................................ 48
2- Proposée définition ................................................................................................... 49
3- Ressemblance, différence entre Fagnefana et Famadihana ...................................... 49
4- Types de Fagnefana .................................................................................................. 53
4.1- Fagnefana comme acte d’obligation envers les ancêtres ................................... 53
4.2- Fagnefana comme accomplissement des promesses faites aux ancêtres ........... 59
4.3-Fagnefana comme acte de reconnaissance envers les ancêtres ........................... 60
5- Le fondement des motivations .................................................................................. 61
Section 2. Les étapes du rituel fagnefana ......................................................................... 62
1-La préparation ............................................................................................................ 62
2- Le rituel du « Miatomboka » .................................................................................... 65
3- Le rite « Magnenga Razana » ................................................................................... 66
4-Le rite du « Fanamba fahasivy » » ........................................................................... 70
5- Le rite « vonoomby » ou le sacrifice de zébu ............................................................ 71
6-Le rite « Saotsa » ou remerciement ........................................................................... 74
CONCLUSION PARTIELLE ............................................................................... 76
Partie III- ANALYSES, INTERPRETATION ET REFLEXIONS ......................................... 77
Chapitre 1. VALEUR CULTURELLE DU FAGNEFANA ................................................ 78
Section 1. Le Fagnefana et ses aspects ............................................................................. 78
1-Les significations sociales de la pratique du fagnefana. ............................................ 78
1.1-L’importance du razana ...................................................................................... 78
1.2-Le respect et la crainte du razana ........................................................................ 80
1.2.1-La place du concept razana dans la croyance ........................................... 80
1.2.2- La place du concept razana dans la vie quotidienne ................................ 81
2-La bénédiction des ancêtres ....................................................................................... 84
2.1-place du concept razana au niveau de la croyance : ............................................ 84
2.2-place du concept razana au niveau de la communauté : ...................................... 85
3- Le respect de la tradition ........................................................................................... 87
Section 2- Les fonctions culturelles et spirituelles du fagnefana ...................................... 89
1- Fagnefana, expression de la communion sociale ..................................................... 89
2-Fagnefana, occasion de relaxation et de distraction................................................... 91
3-Fagnefana, une occasion pour déployer la culture betsileo ....................................... 92
4. Résumé de la valeur culturelle du fagnefana ............................................................ 94
4.1-La dimension des rapports entre les vivants et les morts .................................... 94
4.2-La dimension de la communion sociale .............................................................. 95
4.3-La dimension des rapports entre l’initiateur et la communauté .......................... 96
Chapitre 2 : ANALYSE SUR LA VIE SOCIOCULTURELLE BETSILEO ...................... 97
Section 1 : La force sociale du rituel fagnefana ................................................................ 97
1-Les aspects significatifs ............................................................................................. 97
1.1-Le « Tosika » ....................................................................................................... 97
1.2- Le fiarahamonina Betsileo ................................................................................. 98
2-Les règles qui régissent la vie en société ................................................................. 101
Section 2. La dynamique socioculturelle betsileo........................................................... 103
1-Le fonegnana betsileo .............................................................................................. 103
1.1-Le « fitondram-ponegnana » ............................................................................. 104
1.2-Le « diam-ponegnana » ..................................................................................... 105
1.3-Le « culte » du fonegnana betsileo : ................................................................. 107
2-Le « atero ka alao » betsileo .................................................................................... 108
3-Impact de l’évolution socio-historique sur la vie socioculturelle Betsileo .............. 111
Chapitre 3-FAGNEFANA FACE AU DEVELOPPEMENT............................................. 113
Section 1. Fagnefana et problèmes socio-économiques ................................................. 113
1-Généralité ................................................................................................................. 113
2-Les dépenses occasionnées par le fagnefana ........................................................... 113
2.1-Dépense de la famille organisatrice .................................................................. 114
2.2-Dépense de la part des invités ........................................................................... 115
2.3-Dépense au fagnefana et problème économique en général ............................. 115
3-Dynamique socio-économique et fagnefana ............................................................ 116
Section 2. Réflexion sur les rapports entre culture et développement ............................ 117
1-culture traditionnelle, blocage au développement ................................................... 117
1.1-Problème de mentalité ....................................................................................... 117
1.2 Problème d'accomplissement de cérémonies rituelles ....................................... 118
2. culture traditionnelle, facteur de développement .................................................... 119
CONCLUSION PARTIELLE ............................................................................. 121
CONCLUSION GENERALE ................................................................................................ 122
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
ANNEXES
ANNEXES
ANNEXE1

Fiche d’enquête

THEME : le rituel fagnefana betsileo

Enquête et terrain pour mémoire de maitrise de RAKOTOSOLO Njarasoa Harilalaina (2009-


2010)

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1. Identification

Numéro :
1. Sexe ?

Masculin ou Féminin

2. Age ?

3. Fonction ?

Cultivateur ou paysan, Autorités administratives (Maire, Enseignant, Notable,


Opérateurs économiques, Elèves…)

4. Situation matrimonial ?

Marié, divorcé, célibataire, veuf ou veuve

5. Nombre d’enfant ?

6. Niveau d’instruction ?

Analphabète, Primaire, Secondaire, Universitaire

7. Religion ?

8. Fokontany ?

2. renseignement général concernant les pratiques rituelles


1. Que pensez-vous du fagnefana ?est ce que vous pouvez me parler du
fagnefana, son origine, son avantage et son inconvénient depuis votre époque
jusqu’à maintenant ?

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---------------------------------------------------------------------------------------------------
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2. Actuellement, est ce que vous pratiquezencore le fagnefana ?

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---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------

3. Si oui, pouvez- vous me dire la raison principal ? Si non, pouvez-vous me dire


pourquoi ?

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---------------------------------------------------------------------------------------------------
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---------------------------------------------------------------------------------------------------
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4. Selon vous, dans quel cas doit-on pratiquer ce rituel ?

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---------------------------------------------------------------------------------------------

5. Quelles sont les étapes à suivre pour la réalisation du fagnefana ?

---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
----------------------------------------------------------------------------------------------

6. Est-ce qu’il tient encore une grande place dans la société betsileo ?

---------------------------------------------------------------------------------------------------
----------------------------------------------------------------------------------------------
7. Quelles sont vos motivations en pratiquant ce rituel ?est ce que c’est une
question de croyance ? de solidarité ? de relation sociale ? ou d’image
sociale ? ou juste pour fêter et s’amuser seulement ? explique ?

---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
------------------------------------------------------------------------------------------------

8. Est-ce qu’il y a de rapport entre fagnefana et éducation parentale ?

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Si oui, pouvez- vous me donner une petite explication ?

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---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------

9. D’après vous, comment se portent les jeunes d’actuel face à cette tradition ?
est ce qu’ils pensent comme les adultes ou adoptent une autre vision
(retissant), et pratiquent quand même les rituels pour ne pas contredire leurs
parents

---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
--------------------------------------------------------------------------------------------------

10. Selon vous, la pratique rituelle dépend-elle de la situation socio-économique


ou du statut social de l’individu (riche ou pauvre) ? explique ?

---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------
11. S’il y a des gens qui refusent d’accomplir les rituels et leurs responsabilités
envers la communauté (par exemple les chrétiens) ; qu’est ce qu’ils risquent ?

---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------

12. Y a-t-il un lien entre fagnefana et problème de développement socio-


économique des pratiquants ?pourquoi ?

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---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------------------

3. pratique culturel, solidarité dynamique social

1. Quels sont les formes de solidarité qui se présentent durant la cérémonie


rituelle ?

-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------
-------------------------------------------------------------------------------------------

2. Quel rôle jouez-vous durant les cérémonies rituelles ?

-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------

3. En quoi consiste le rôle du fiarahamonina ?

----------------------------------------------------------------------------------------------

-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------
------------------------------------------------------------------------------------------

4. En quoi consiste la responsabilité de :

-L’initiateur ?
-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------

-L’autorité ?

-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------

-La famille ?

-----------------------------------------------------------------------------------------------
------------------------------------------------------------------------------------------

-L’invité ?

-----------------------------------------------------------------------------------------------
---------------------------------------------------------------------------------

-La communauté sociale ?

-----------------------------------------------------------------------------------------------
-------------------------------------------------------------------------------------

5. Que pensez-vous de l’atero ka alao betsileo ? quelle est sa raison


d’être ?comment se présente-t-il ?

-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------
-----------------------------------------------------------------------------------------------
--------------------------------------------------------------------------------------------

6. Avez-vous de réserve de produit destiné aux pratiques rituelles et /ou


l’atero ka alao ?

-----------------------------------------------------------------------------------------------
--------------------------------------------------------------------------------------

7. En tant que pratiquant, à quel genre de problème êtes- vous confronté pour
faire face au dépense des cérémonies rituels ?
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8. Selon vous, la pratique culturelle traditionnelle telle le fagnefana est-il un


facteur de blocage ou un atout pour le développement ? Si c’est un atout,
pourquoi ? Si c’est un facteur de blocage, pourquoi ? Est-ce que vous
pourrez nous proposer des solutions ?

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Merci pour votre contribution qui a une grande importance pour mes
recherches et mes études !
ANNEXE 2

Extrait de discours pour le saotsa

Extraits d’un discours pour le saotsa, enregistré au cours du fagnefana betsileo à


Ambalahambana, dans la commune rurale d’Ambalamahasoa, district de Lalangina, région
Haute Matsiatra, Fianarantsoa, juillet 2009

« …Indroa andro moa zay agnay ro nikaika anareo, agny anao andriananahary
tononina mialaoha, anao hoe mandry mihohoka mijery anay ambonin’ny tany, fa
nangatampitahiana taminao anay,hatramin’ny omaly tolakandro, hatramin’nyalina, izao
vana tsa miegnina.Any anareo razana nahitana volana sy masoandro. Anay mandimby
anareo tsa sitraka fa navelanareo amin’ity tany ity, voajanahary zao.Tsa mikaika anareo
madina anay fa misy atony sady toniany.Mpanonobolana tsamba roa fa ato ny amin-tanan-
dra Jannot mivady, anareo tsa nanahina, anay tsa nahita sikidy, tsa ranomaso toren-tsetroka
fa kibo tsarain’ny tompony, izay ro ikehanay anareo.Lehe ny voalohany taronina de anao
‘‘ranona’’ no nandovana anity tany ity, anay tsa nahita fa lovantsofina, de io ro niteraka
…………de rabia renin’ny janot zay lasa nody ho razana vao kely i jannot.Refa lehibe izy de
nisy zavatra sarotra nahazo azy, nigadra , maty koa rakamisy babany.De teo ro nisy
fangataham-pitahiana,hoe aho rekitsa atoy ro anao nihoatsa rakamisy, mba ataovy vitasoa
tato aho fa hahatsiaro anao.Nifanojo ny hetahetapo, afaka izy .De nandia ny hataka,
nagnambina ny talaho……Tady navona mora ahana, volana natao mora tsiahivina.

Ko zao anay ro manolotsa ny omby any aminareo razana aby, votsotsa, hatolotra
anareo hatramin’ny rambony, hatramin’ny lohany….Io no masaka atakalo mata….mizara
hena masaka sy toamasaka……, zanahary tsa ela homana, zaraina koa ny an’i razana……

Eny anareo,akaikin’ny volana, ambololon’ny masoandro, mitsinjo anay, koa aza


mandofodofitsa , ambeno ny manao ratsy anay, omeo lalana mazava ny manao soa anay.Vita
ny saotsa, mahazo mody zay tehody ».

Littéralement :

« ….Ca fait déjà deux jours qu’on vous a interpellé. On vous nomme au premier Dieu
créateur, vous qui voyez tout ce que nous avons fait sur terre car on a déjà demandé votre
bénédiction depuis hier après-midi, la nuit et jusqu’à maintenant on continue toujours de le
faire. Nos ancêtres, vous qui êtes à l’origine de nos vies, ceux qui nous ont permis de voir le
soleil et la lune. Nous sommes vos successeurs. Vous ne nous avez pas donné le choix, car
vous nous avez abandonné sur cette terre.Ce n’est pas pour rien qu’on vous appelle mais il y a
des raisons particulières. Je ne suis que le porte-parole,mais Mr Jeannot et son épouse, les
organisateurs principaux de ce rituel sont présents.Nous n’avons pas de problème, ni de
malfait venant de vous, mais nous sommes venus de notre propre volonté.

D’abord, nous avons hérité cette terre par vous Ramanga (nom de l’ancêtre
original).Nous ne vous avons pas connu, mais c’est la tradition orale qui nous permet de le
savoir…..Ensuite Rabia (génération d’avant), la mère de Jeannot,qui est morte quand il avait
seulement 5ans. A son âge adulte,il avait eu un problème, emprisonné pour une faute qu’il
n’avait pas commise.Durant cette période, son père (Rakamisy)n’a pas pu tenir le coup et est
décédé. Il a lancé un vœu que son défunt père puisse l’aiderà sortir de là où il était car si il
sortait de prison, il se souviendrait de vous et tuerai un bœuf en votre honneur. Son vœu est
exaucé car il a été libéré….

Comme on dit, corde enchaînée est facile à ouvrir, parole donnée facile à se souvenir.

Aussi,sommes-nous venus pour offrir un zébu à vous tous, nos ancêtres. Il est pour
vous de la tête à la queue…

L’officiant implore lesRazana à accepter l’offrande et à en goûter en disant : « Io ny


hena ko io ny toa-masaka, masaka atakalo mata ». Voici votre part de viande bien grillée et de
rhum,accordez-nous votre bénédiction…
ANNEXE3

Extraits de discours de remerciement

Ici, citons des extraits d’un discours de remerciements enregistré au cours du


fagnefana à laquelle on a pu assister à Fianarantsoa en juillet 2009 :

« …Agnay ary e ! hineanean-dramaty, hitarondraha tsa himpody koa.Voalohany


indrindra hitondrana ny fitenenana dia misaotra an’Andriamanitra nanome fahasalamam-
batana mbola nihaognan’ny mpianakaby amin’ny andro androany.

Ny teny ialana tsiny, ialana fondro, tsa volako fa andrandragnobe, tsa taroko fa
andrangahy rainy ; miarina ao ny amin’ny tenan-drasabo mivady, …...Faharoa manaraka
izay, ny fanjakana…ko mamela ahy hiteny,tompokolahy sy tompokovavy.

Valala tsa hadigno lagnitsa, faty tsamba hadignon’ny tompony,zanak’omby


nampandrian-dreniny ka reniny mampandry ro mamoha ;fahatsiarovana ny razana, tsa vava
natao na fahasivy manery fa kibo tsa ren’ny tompony ;hetahetampon’ny
mpianakaby…….Agnareo e tsa nagnary anay, fa tonga eto amin’ity arintany
Ambalahambana ity, zay tany nagnalana sy agnaterana.Ko heninkaja e ny maty,feno
voninahitra ny velogna…..

Fa ela leha resaka, ko vita lehe taronga.Masina amin-drahova, ny tsa mahaleo


masina mahazoa rano,tsara miatera ny ray aman-dreny, hatanamaintso aminjaza bevety,
hahaleo ny fonegnana efa zaka, soava ny mianavaratsa,tsarà ny miagnatsimo, veloma ny
miakandrefana, mandrampihaona ny miantsinanana. »

Misaotra tompoko o !

En restant fidèle à l’esprit du discours, nous essayons de traduire en français ce texte :


nous sommes présents pour honorer les morts et parler de choses qui ne reviendront jamais.
Premièrement, avant de prendre la parole, permettez-nous de remercier Dieu de nous avoir
donné la santé et nous avoir permis de se réunir aujourd’hui.

Avant de prendre la parole, je voudrais écarter le blâme, car je ne suis que le porte-
parole des anciens du village …et aussi de tous les représentants étatiques.

Tout comme la sauterelle qui a appris à s’envoler dans le ciel, trouve toujours le lieu
pour s’atterrir, le mort n’est jamais oublié par les vivants ou comme un veau endormi à côté
de sa mère, celle qui l’endorme le réveille. Le souvenir et la reconnaissance des ancêtres
qu’on célèbre actuellement n’est pas une obligation par une promesse faite envers les ancêtres
ou une devoir non accompli et dont on a l’obligation d’effectuer, mais c’est un acte volontaire
et souhait de toute la famille à Ambalahambana,à la fois par respect et en l’honneur des
défunts, et pour honorer simultanément les vivants.

C’est déjà long pour un discours, est fini pour la parole…Je tiens à vous remercier
tous.

Longue vie à tous !

A partir de ces extraits, nous pouvons imaginer la longueur d’un discours lors d’une
cérémonie rituelle. Ensuite en lisant ce passage, nous pouvons nous apercevoir que le droit de
prendre la parole en public est en principe réservé aux anciens ou aux aînés.
CURRICULUM VITAE
Mile RAKOTOSOLO
Njarasoa harilalaina
30 ans
Célibataire
CIN : 2022122001644
Tel: 0341362969
E—mail : jakama82@yahoo.fr
I -ETUDES EFFECTUEES
Etudes supérieures: quatre (4) années de formation en sociologie à l’Université
d’Antananarivo;
Etudes secondaires : collège saint joseph ambozontany Fianarantsoa
Etude primaire: saint joseph ouvrier Fianarantsoa
2-DIPLOMES OBTENUS
2009: Deux modules en deuxième cycle (tronc commun de Renforcement Théorique et
technique Professionnelle)
2008: Diplôme de Licence en sociologie
2007 : Diplôme de fin d’études du premier Cycle en sociologie
2002: Titulaire du Diplôme de baccalauréat (BAC A2);
1999 : Diplôme Brevet d’Etude du Premier Cycle (BEPC)
3- EXPERIENCE PROFESSIONNELLE
2009 : Etude sur terrain dans le domaine de la pratique rituelle Betsileo à Fianarantsoa.
2008: Stage pratique dans le domaine de la coopération entre la région 11e de France(RIF) et
Commune Urbained’ Antananarivo (QUA)
2007: Stage pratique (enquête et étude sur terrain) dans le domaine de décentralisation et
léveloppement auprès 4ela Fokontanyd’Amboltkafldrifla Antananarivo (avril);
2007 : Agent observateur électoral du KMF /CNOE dans le district de Fianarantsoa II
(décembre);
2004: Agent recenseur de la DRDR (Direction Régional du Développent Rural de la région
Haute Matsiatra;
2003: Animatrice des jeunes à la campagne pour lutter contre le SIDA à Fianarantsoa
4-CONNAISSANCE EN INFORMATIQUE
Word, Excel, Access, power point, Project
5-CONNAISSANCE LINGUISTIQUE
Malagasy: langue maternelle
Français : bien
Anglais: moyen
6-DIVERS:
Danse, musique, chanson, volley-ball
Qualités active, sociable, dynamique
RESUME

L’effet de changement et d’évolution que porte le monde actuel n’empêche pas les
ruraux de suivre la tradition, et de pratiquer les rituels traditionnels. Au contraire, ils tiennent
à les garder car ils croient toujours au pouvoir, à la protection et à la bénédiction des ancêtres.
C’est pourquoi, les Betsileo pratiquent toujours le rituel fagnefana qui est une des traditions
séculaires véhiculant des valeurs sociales et culturelles. En effet, la célébration de ce rituel
permet de soulager la conscience, de concrétiser le lien du fihavanana et de solidarité dont
tout le monde a besoin pour affronter les différentes situations qui se manifestent dans la vie
sociale. C’est la raison pour laquelle tous les membres de la société se soutiennent pour
l’accomplir ensemble, et ils peuvent aller jusqu’à dépenser toute la récolte de l’année.

D’une part, en relation avec les dépenses en termes de ressources (argent, biens, temps
etc.…) qu’elle engage, cette pratique culturelle peut être considéré comme un blocage au
développement, mais d’autre part, le système de solidarité qu’elle renforce, constitue un levier
au développement.

Mots clés : rite, rituel, croyance, respect, craint, cohésion villageoise, valeur culturelle,
fonegnana, solidarité etc…

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