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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO

Faculté de Droit, d’Economie,


de Gestion, et de Sociologie
DEPARTEMENT SOCIOLOGIE

THESE DE DOCTORAT NOUVEAU REGIME EN


SOCIOLOGIE

VOLUME I
Présentée par :Mlle ASSOUMACOU Elia Béatrice le 21 Septembre
2010 à 9 heures à l’Espace DEGS

Directeur de thèse : Mr RAJAOSON François


Professeur Titulaire

Année universitaire : 2009 - 2010

A
A
THESE DE DOCTORAT NOUVEAU REGIME EN SOCIOLOGIE

VOLUME I

Présentée par Mlle ASSOUMACOU Elia Béatrice, soutenue le 21


Septembre 2010 à 9 heures à l’Espace DEGS

Président du Jury : Pr RAMAMBAZAFY Ralainony Jacques


Juge : Pr RASAMOELINA Henri
Rapporteur externe : Pr RAZANADRAKOTO Lucien
Rapporteur interne : Pr RANDRIAMASITIANA Gil Dany
Directeur de thèse : Pr RAJAOSON François

Année universitaire : 2009 - 2010

B
REMERCIEMENTS

Nous tenons à exprimer nos profonds et vifs remerciements à toutes les personnes, qui ont
contribué à la réalisation de la présente thèse, et plus particulièrement à:

- Monsieur François RAJAOSON, Professeur titulaire, Responsable du


Troisième Cycle au Département de Sociologie, notre Directeur de thèse qui nous a
accueillis avec bienveillance malgré ses lourdes obligations et ses fréquents déplacements
à l’extérieur.
Durant l’élaboration de cet ouvrage, il nous a aussi orienté vers la bonne voie,
notamment à chaque étape de l’avancement du travail.Ses hautes qualités
humaines et professionnelles nous serviront de guide dans notre future carrière.

- Monsieur Allain RAPANOËL SOLOFOMIARANA, Chef du Département de


Sociologie. Nous avons eu le privilège de profiter de son encadrement qui a beaucoup
contribué à notre formation pédagogique.
Qu’il veuille bien trouver ici l’expression de notre vive admiration et de notre
profonde estime.

- Monsieur Gil Dany RANDRIAMASITIANA, notre professeur de


méthodologie,
Qui a bien voulu nous initier et nous procurer les techniques nécessaires à des
recherches académiques.

- Les enseignants du Département de Sociologie qui ont contribué d’une manière


conséquente à notre formation.
Nous ne saurions passer également sous silence les moments heureux que nous
ayons vécus au sein du département.

- Le prince Dina Guy HERIMISY, qui a bien voulu faciliter la réalisation de nos
recherches sur terrain,
À qui nous voudrions exprimer notre profonde gratitude.

- Monsieur Peter KNEITZ, Enseignant chercheur à l’Université de Halle, Berlin,


Allemagne,

A
Qu’il veuille bien trouver ici l’expression de nos sincères remerciements et
l’assurance que nous resterons fidèles aux bons préceptes reçus à l’issu de notre
entretien durant son séjour à Madagascar.

- Monsieur Bachir Adeham SOUDJAY, ex-sénateur de Madagascar et membre


de l’Académie Malgache,
Qui nous a procuré plus d’informations concernant l’histoire du royaume sakalava,
et tout ce que nous devions savoir sur la région Boeny.

- Monsieur Mômô, descendant du clan Voromahery,


Qui nous a montré le chemin à suivre pour faciliter nos recherches.

- Tous les membres de notre famille,


Qui n’ont pas cessé de nous soutenir moralement et financièrement lors de la
réalisation de ce travail.

- Enfin, nous remercions tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à
l’élaboration et à la réalisation de cet ouvrage.

MERCI DE TOUT CŒUR !

B
SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE: THANATOLOGIE ET CULTURE SAKALAVA

CHAP.I : LES CROYANCES TRADITIONNELLES

1.1. Zanahary : Dieu

1.2. Razana : ancêtre

1.3. La fonction du sacré : hasina

CHAP. II.TROMBA

2.1. Définition et évolution de la pratique du tromba

2.2. Typologie et objets cérémoniels du tromba

2.3. Fady : tabous ou interdits

CHAP III. DIVINATION, ASTROLOGIE ET SORCELLERIE

3.1. Le sikidy

3.2. Le Fanaraham-bintana ou fanandroana

3.3. La sorcellerie
DEUXIEME PARTIE : RITES FUNERAIRES : PRATIQUES IDENTITAIRES DANS
LE « BOENY »

CHAP. IV. EXEMPLES DES PRATIQUES IDENTITAIRES MALGACHES

4.1. Lanonana

4.2. Famadihana

4.3. Fanompoa be

4.4. Rasa harena

4.5. Tsangan-tsaina

4.6. Fitampoha

4.7. Dika vohitra

4.8. Havoria

4.9. Ati-damba

C
CHAP V. ELEMENTS DETERMINANTS DE LA REPRODUCTION SOCIALE

5.1. Triangle Bezavo –Betsioko –Mahabo

5.2. Branches dynastiques : Bemazava - Bemihisatra

5.3. Conflits de pouvoirs royaux

CHAP.VI : LES RITES FUNERAIRES SAKALAVA

6.1. Conception de la mort chez les Sakalava

6.2. Funérailles populaires

6.3. Funérailles royales.

6.4. Trois étapes des rites funéraires.

TROISIEME PARTIE : CHANGEMENT DES FONCTIONS DES RITES


FUNERAIRES SAKALAVA

CHAP VII: CONFLITS ENTRE MODERNITE ET IDENTITE LOCALE

7.1. Adhésion à la modernité et pratique syncrétique

7.2. Relation éducation – tradition

7.3. Accommodation statutaire et complaisance idéologico-religieuse des masses

CHAP.VIII: STATUT DE LEADERSHIP POPULAIRE ET DE L’ESSENCE


ROYALE

8.1 Volonté de pérennisation

8.2. Dimension interculturalitaire

8.3. Synthèse des rites et individuation des rapports sociaux

CHAP.IX: JEUX INTERACTIFS AVEC LA MONDIALISATION

9.1 Pratique moderne et conservatisme identitaire

9.2 Identité véritable de l’universalité

9.3 Logique d’intégration des Malgaches à la mondialisation

D
AVANT- PROPOS

Chaque ethnie située dans les différentes régions de Madagascar a ses propres
ressources : naturelle, humaine, culturelle, économique, etc., qui permettraient de dégager
des efforts pour son développement.Cependant, on ne peut pas s’isoler à soi même,
l’interactivité est un impératif.

Dans la société mondialisée actuelle, l’étude peut s’orienter sous plusieurs


angles. Etudiant au sein du département de Sociologie, le futur enseignant chercheur
devra accentuer l’étude sous les dimensions à la fois théorique et pratique.

La présente thèse de doctorat nouveau régime a été conçue pour aider à


comprendre l’évolution de la société malgache au moment de la modernisation. Elle
essaie de poser une problématique socio-économico-culturelle car certains d’entre nous
ne savent pas sa culture traditionnelle et ignorent qui ils sont ?

Ainsi, l’actuel ouvrage décrit dans ses grandes lignes les croyances
traditionnelles en pays sakalava pour valoriser et pérenniser l’identité , équilibrer les
relations traditionalité et modernité , surtout du point de vue de ralliement et de
compatibilité . On y attribue à chacun un rôle de conscientisation et de prospection aux
changements des fonctions des rites funéraires.

La question qui se pose est : dans quelle mesure les interactions entre l’organisation sociale et
les rites funéraires, peuvent-elles participer à une régénération de la logique du social au
titre de facteurs dynamisant et de moteur pour tout développement et toute pérennisation de
l’identité culturelle ?

Cette thèse essaie de mettre à jour les logiques du fonctionnement social et


symbolique de la société sakalava. Elle permet de retracer alors le chemin que nous
devons suivre pour que la tradition puisse jouer un rôle moteur pour le développement
et non plus comme un blocage qui freine l’évolution .

E
Mais avant d’identifier les problèmes, de recontextualiser la structure et
l’organisation de la société sakalava, il faut disposer d’une vision multidisciplinaire et
d’une analyse socio-anthropologique afin de bien interpréter les phénomènes sociaux.

La sociologie comme toutes les disciplines scientifiques, doit constituer


l’axiomatique du sujet qu’elle étudie. Dans cette recherche, on essaie d’analyser et
d’approfondir le thème dans le cadre de la sociologie du « dedans ».

F
INTRODUCTION GENERALE

Intérêt du thème

Les rites funéraires que l’on retrouve en pays sakalava1, en tant que symbole
d’existence, permettent aux vivants d’honorer leurs membres de famille, de faciliter le
passage de ceux-ci vers l’autre monde et aux défunts de sentir le dernier moment sur terre,
dans le monde visible en sortant par la porte de bois pour entrer à la porte de pierre2.

Ce passage du bois à la pierre , du bonheur au malheur3, de la lumière à l’ombre , du


visible à l’invisible , constitue la base et le fondement de la thanatologie et de la culture
sakalava car il signifie à la fois le début et la fin , le bien et le mal , l’existence et l’absence,
la naissance et la mort.

Les rites funéraires sakalava du Boeny, à l’instar des diverses identités culturelles
régionales et locales à Madagascar, sont à cheval sur l’ensemble systémique de la structure
sociale globale pour pérenniser et l’identité culturelle sakalava et l’identité culturelle
malgache.

L’organisation sociale générée par cette dynamique ravale le statut social de


l’individu à un niveau tout à fait secondaire des préoccupations des Sakalava , alors même
qu’il doit en constituer l’élément moteur ; aussi l’intérêt de notre thème qui s’intitule :
« Les rites funéraires sakalava :essai d’ interprétation socio-anthropologique . Cas de la
région Boeny », heurte-t-il sur la valorisation des formes d’interaction adéquate entre le
culturel (la tradition) et le social (éducation).

Parce que le fonctionnement des rites funéraires sakalava n’est aujourd’hui qu’un
titre symbolique du pouvoir ancestral transformé et influencé par l’acculturation et la
déculturation.

1
Du sud au nord de la côte Ouest de Madagascar.
2
La porte de la maison était toujours en bois dans la société primitive mais il est à signaler qu’on en
voit en métal ou en vitrine de nos jours. Donc l’homme sort par la porte de la maison à sa mort pour
entrer à la porte du tombeau qui est en général en pierre.
3
Car il s’agit, chez les Sakalava, du fahavoazana : qui signifie perte ici et de mauvaise nouvelle
quand on annonce la mort d’un individu.

1
Contexte

Le sujet touchant la sociologie, la thanatologie ou plus précisément les rites


funéraires est tout à fait original au sein du Département de sociologie. Presque aucune étude
n’a jamais été faite sur le Nord- Ouest ; s’il y en a eu, c’est surtout sur le Sud- Ouest de la
Grande Ile.

Dans la région Boeny en général, et au sein des trois doany (Bezavo, Betsioko,
Mahabo), les rites funéraires sont très particuliers chez les Sakalava. Quelles que soient leurs
motivations, les rites funéraires désignent à la fois l’identité culturelle des Sakalava ainsi que
leur volonté de pérennisation.

En effet, ce sont des pratiques qui traduisent aussi bien la diversité ethnique que la
spécificité culturelle existante à Madagascar. Elles sont présentes dans chaque région et
s’orientent vers un même objectif, mais elles ont quand même quelques divergences en ce
qui concerne la forme, la dénomination et le déroulement. Bien qu’il y ait ces variantes
mineures, les rites funéraires permettent de reconstituer les relations entre les morts et les
vivants.

Dans le contexte actuel de la mondialisation, les sciences sociales ont une fonction
autre que celle pour laquelle elles ont toujours été conçues du point de vue des intérêts des
pays riches, principalement des pays américano-occidentaux.

Pour ces derniers, les sciences sociales ont à œuvrer pour la systématisation de
l’économie néolibérale dans le contexte durable de la domination, de l’exploitation des pays
pauvres par les pays riches.

De notre point de vue , celui des pays pauvres ,les sciences sociales ont à se
positionner sur une dimension à la fois des contestations et d’intégrations au sein de cette
logique des pays riches.

La mondialisation c’est le phénomène de la diffusion de la normalisation et


d’uniformisation des valeurs sociales à tous les niveaux (économique, juridico-politique et
idéologique) à l’échelle de tous les pays du monde.

2
Techniquement et relativement, la mondialisation a transité sur 4 étapes dans
l’époque moderne :

-La première à l’époque de Christophe Colomb au moment d’extension des


grands voyages , les voyageurs ont à la fois rapporté des récits sur leurs découvertes
d’autres continents , d’autres peuples , etc. et implantent ici et là , partout et ailleurs des
racines en terme d’individu et des mœurs, rapportés des mœurs qui vont être surajoutées à
leurs propres cultures. Nous sommes là en face d’un phénomène de transmission de culture
visant inconsciemment à l’universalisation de certaines pratiques culturelles.

-La deuxième étape est caractérisée par l’expansionnisme du capitalisme occidental


à partir du XIXe siècle, moment où le capitalisme industriel et commercial devait trouver
des marchés pour l’approvisionnement en matière première, en main d’œuvre et pour le
débouché des produits industriels comme conditions à la fois du surprofit et de la
pérennisation de la relation entre centre et périphérie4.

Relation qui a été formalisée dans le cadre du partage du monde entre pays
colonisateurs et pays colonisés.

-La troisième étape définit la pleine expansion de la modernité en Europe et aux


Etats-Unis d’Amérique à l’issue des 2 grandes guerres mondiales.

Les crises économiques et sociales caractérisées par le développement du sous


développement dans les pays pauvres avec pour slogan des pays riches « les facteurs
socioculturels comme le blocage du développement (famadihana, fanompoa be, tsangan-
tsaina, fitampoha, etc.), comme occasion de dépense improductive » ; le tiers monde,
nécessité du passage de la tradition à la modernité, révolte, insurrection etc.

Alors que pour les pays dominés, cela a été la souveraineté nationale. Cette
troisième étape s’est soldée vers les années 80 par la stratégie de l’ajustement structurel.

Il n’était plus question de procéder à des génocides et des assassinats des chefs
politiques des pays pauvres , il suffisait de poser dans les termes des échanges la volonté de
financement de la part des pays riches dans la mesure où les pays pauvres veulent bien se
soumettre à des conditions imposées par les pays riches pour leur processus de
développement.
4
Centre : pays américaino-occidentaux, périphérie : pays africain, asiatique, américain-latinien,
océanien.Cf.AMIN S. (1970), L’économie à l’échelle mondiale, Paris, Edition Anthropos.

3
Ces conditions posent les règles d’actualisation du système de l’économie de traite
héritée de la colonisation, sauf ici on ne parle plus de métropole mais de banque mondiale,
des fonds monétaires, etc.

-En la quatrième étape, il n’est plus question pour les pays pauvres de se laisser
aller à une attitude attentiste. La mondialisation étant irréversible et incontournable, il
faut y faire face en cherchant une meilleure intégration.

Cette étape témoigne l’utilisation phénoménale de matériels, de logiciels et de services


s'appuyant sur l'informatique, la microélectronique, les télécommunications (notamment les
réseaux), le multimédia et l'audiovisuel de toutes sortes.

On les regroupe sous l’appelation de Nouvelles Technologies de l'Information et de


la Communication (NTIC).L'emploi des NTIC a vu le jour dans les armées en général, et dans
l'armée de terre en particulier. Désormais, elles sont répandues dans tous les domaines
opérationnels : l’administration et les affaires.

Le concept de base de cette dernière est l’altermondialisation : comme le


mouvement par lequel on conteste la mondialisation sur deux choix relatifs de
comportements. Soit on adopte des attitudes extrémistes et violentes dans le rejet de la
mondialisation, soit on passe de compromis à compromis dans les divers domaines pour
amener les pays riches à de meilleures considérations et concession dans l’intérêt des pays
pauvres .

Cette quatrième phase de la mondialisation impose aux pays pauvres des mesures
d’ajustement des dynamiques intra et intersectoriels pour insuffler à la base économique un
élan rationnel dans le sens de l’autonomisation de mouvement de la structure sociale globale.

Le culturel en termes de culture, d’us et coutumes et le social en termes de


fonctionnement et d’organisation, en termes d’ethnicité et de malgachéité constituent des
éléments déterminants dans cette perspective d’autonomisation de la société sakalava qui
risque de perdre leur identité.Le culturel participe à la reproduction du social global dans ce
qu’il y a de plus traditionnel dans les interactions des divers processus sociaux et le social
va se constituer en élément catalyseur de profonde mutation sociale dans le sens de la
modernité.

4
Ainsi , la question est -elle pour l’heure d’identifier et de déterminer le mode
d’intégration de ces deux éléments essentiels dans une logique d’efficacité opérationnelle des
apports de la multiculturalité et / ou de l’interculturalité véhiculée par la mondialisation au
profit des masses ?

Chaque royaume à Madagascar attribue dans ce sens la priorité aux innovations


dans le monde de la culture, pour permettre une meilleure et massive adhésion de la
population aux principes de multiculturalité et d’interculturalité.

Cette pratique, selon nous, engage la pleine responsabilité des chercheurs en


sociologie et anthropologie du point de vue de la caractérisation, de la nature logique actuelle
du social, et de la récupération de cette logique pour le profit de la stratégie de valorisation
et de relativisation de la culture identitaire. C’est dans ce contexte que s’inscrivent l’esprit et
la méthodologie de cette recherche.

Motif du choix du thème et du terrain

Appartenant à l’ethnie sakalava, et étant originaire de la région Boeny, nous y avons


passé toute notre enfance /adolescence, deux décennies durant. Nous aimerons par
conséquent connaitre encore plus notre culture et surtout la partager à autrui. Issue des parents
servant tous les deux dans le domaine social, nous avons toujours rêvé d’être un jour socio-
éducateur et anthropologue .Il est grand temps aujourd’hui que nous transformions notre
utopie en réalité.

En tant que sociologue et compte tenu de l’originalité du sujet au sein du


département, nous aurions voulu nous spécialiser dans la rubrique : anthropologie culturelle et
apporter notre contribution au développement du département en terme de multidisciplinarité
et d’interdisciplinarité.

Donc, la nouveauté du thème au sein du département est le motif principal de notre


choix. Ayant participé aux divers ateliers, stages, formations et recherches se rapportant aux
thèmes à caractère socioculturel et thanatologique à savoir : le tromba, le fanompoabe
sakalava, le famadihana, le vol d’ossement, le rasa harena, le tsangantsaina, etc., nous avons
aimé nous concentrer sur les rites funéraires dans le Nord-Ouest de Madagascar.

Ensuite, après avoir passé une bonne décennie pour des études universitaires à
Antananarivo et à Fianarantsoa, nous aurions encore voulu nous spécialiser dans la

5
rubrique : anthropologie culturelle pour apporter le peu de fruits que nous avons récoltés
d’une part, et mettre en pratique les quelques savoirs dont nous nous sommes appropriés
d’autre part, en savoir faire et en savoir être.

Enfin, pour nous permettre de mieux assumer nos futures attributions dans la
carrière enseignante, le choix du thème : « Les rites funéraires royaux dans le Nord-Ouest de
Madagascar », cas de la région Boeny, a été fait sans hésitation.

Le royaume sakalava qui était le premier et le plus grand royaume de Madagascar,


est le seul, pratiquant le « tromba » et le « fanompoa be » et considère ainsi ces derniers
comme le symbole de son identité culturelle .La connaissance de ladite région nous a permis
de nous intégrer et de nous adapter au terrain et de mener notre analyse dans le cadre de la
sociologie du « dedans ».

La facilité d’approche est renforcée par la maîtrise parfaite du dialecte sakalava et


cela nous sert d’aide précieuse dans la collecte des données et le recueil d’informations auprès
des personnes susceptibles de nous fournir le maximum de renseignements.

Brève présentation du terrain

Située sur la partie Nord-ouest de la Grande Île, la région Boeny est composée de 6
districts dont Mahajanga I comme chef-lieu de région, Mahajanga II au nord, Soalala à
l’extrême sud-ouest, Mitsinjo à l’ouest, Marovoay au centre-sud et Ambato Boeny à l’Est. La
région occupe une superficie totale de 29.830 km25.

Par rapport aux autres régions, celle du Boeny est délimitée géographiquement : au
nord par la région Sofia, à l’est par la région Betsiboka, au sud par la région Melaky, à l’ouest
par le Canal de Mozambique.La carte géographique (cf. Annexe n°02) nous donnera plus de
clarté.

La côte de la région présente généralement un aspect tourmenté avec des estuaires et


un vaste delta. Les mangroves, les plages et les sables s’alternent. Le littoral de la zone va de
la baie de Mahajamba (au nord-ouest) à celle de Baly (au sud-ouest).Les zones de pêche
maritime se caractérisent par leurs conditions physiques, hydrographiques et par leurs
ressources biologiques.

5
Inventaire de Fivondronana / 1989. Ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Pêche. Instat in
PRD Boeny 2005.

6
Toutes les zones de pêche correspondent à des baies ayant des caractères communs :
une profondeur relativement faible, la nature vaseuse ou sablo-vaseuse du fond, la présence de
zones de mangroves bien développées.

Par ailleurs, la région Boeny est largement drainée par un réseau hydrographique
particulièrement dense qui met à sa disposition un capital en eau inestimable, susceptible de
dynamiser les activités liées au transport fluvial et maritime, à l’alimentation en eau et à
l’énergie hydroélectrique. Les rivières sont constituées par : la Mahajamba, la Betsiboka, et la
Mahavavy Sud.

Actuellement, on dénombre environ 570.000 habitants dans la région Boeny avec un


taux de croissance annuel de 3,1%, devançant de quelques points le taux national qui n’est
que de 2,9%. La population urbaine représente 40,30% de la population totale6.

Les flux successifs de migrants ont refoulé vers les franges littorales ou les plateaux
intérieurs, les autochtones généralement allergiques à tout contact avec les étrangers pour des
raisons essentiellement d’ordre culturel et cultuel fondées sur le Doany (c’est-à-dire, le lieu, la
case où reposent les reliques sacrées des principaux souverains du passé).

La religion traditionnelle avec ses rites et interdits, représente encore un élément


fondamental d’identité culturelle et d’unité ethnique dont les Sakalava sont très fiers.
Concernant les immigrés, ils sont venus s’installer dans la région Boeny pour diverses raisons
dont les principales sont la recherche d’emploi et la poursuite des études.

Les conditions féminines sont déplorables, avec la persistance de certaines mœurs et


pratiques traditionnelles, comme l’union libre, la polygamie et l’endogamie dans certaines
ethnies ; ajoutées à cela, une nuptialité précoce chez les jeunes filles, une faible valorisation
du travail de la femme, laquelle est souvent reléguée aux travaux d’appoint.

Comme partout à Madagascar, l’analphabétisme est un phénomène endémique qui


constitue encore un frein au développement régional : les femmes sont majoritairement
analphabètes.

La répartition ethnique : la population régionale est composée d’ethnies et de races


disparates notamment dans les grands centres urbains tels que Mahajanga I et Marovoay.
Toutefois, la prédominance de l’ethnie sakalava sur les zones côtières est plus marquée, il en

6
PRD Boeny 2005.

7
est de même pour les émigrants des Hautes -Terres présents dans la partie centrale : à
Marovoay et à Ambato Boeny. Elle constitue le moyen le plus efficace pour relever, analyser
et comprendre les relations spatiales entre les régions voisines et l’intérieur de ladite région :
la région Boeny (cf. Annexe n°2).

Après avoir présenté la région Boeny, nous allons voir plus particulièrement la
commune urbaine de Mahajanga qui n’est autre que le chef-lieu de la dite région.Sur le plan
géographique, cette commune est située dans le centre-ouest de la province de Mahajanga,
sur la rive droite de la Bombetoka.

La côte de la ville qui s’étire sur 10 km est baignée par les eaux salées du Canal de
Mozambique. Sa superficie est de 53 km2, soit 0,35% de celle de la province. Dans le cadre de
la géographie administrative, la commune en question est à la fois chef-lieu de la province de
Mahajanga et chef-lieu de la région Boeny ; elle est aussi la capitale du royaume Sakalava.
Cette commune est limitée à l’Ouest par le Canal de Mozambique, à l’est, au sud et au nord
par le district de Mahajanga II.

Afin de mieux comprendre le présent, il serait mieux de remonter dans le passé. A


l’origine, la ville était le lieu d’implantation d’une population « Antalaotra7 » qui avait établi
des comptoirs commerciaux sur la côte ouest de Madagascar (dont celui de « Langany » dans
la baie de Mahajamba) et qui s’installèrent à l’embouchure de la Betsiboka vers 1715 ; ils
nommèrent cette ville « Moudzi wa Angaya » ou Moudzangaïa qui signifie « la cité des
fleurs » en langage antalaotra.

Au cours du XVIIIème siècle, bien que faisant partie du royaume sakalava du Boeny,
la cité jouissait d’un statut autonome particulier. Au début du XIXème siècle, le roi Radama 1er
entreprit la conquête du Boeny et combattait à plusieurs reprises les troupes de la royauté
sakalava. Andriamandisoarivo8suivant les directives d’Andriamisara, donna le nom
« Andriamisara Efadahy » (Andriamandisoarivo, Andriandahifotsy, Andriamboeniarivo,
Andriamisara).

C’est un roi sakalava, très célèbre qui avait dirigé Mahajanga pendant une grande
partie de l’époque anti-coloniale. Il avait son propre Doany, renommé depuis 1973 « Doany

7
Terme désignant les populations qui viennent d’au-delà des mers, les Arabes, les Comoriens ou les
Indo-pakistanais, groupes islamisés, ils sont surtout des commerçants.
8
Andriamandisoarivo : le Roi fondateur du royaume du Boeny, fils d’Andriandahifotsy ou
Andrianihanina. Il a quitté le royaume du Menabe pour fonder son propre royaume après un litige
l’opposant à son frère.

8
Miarinarivo » à Mahajanga I, situé dans le quartier de Tsararano Ambony. Il convient de
mentionner que le « Doany » est un lieu sacré pour les communautés traditionalistes.

Selon la traduction orale et étymologiquement, le terme Mahajanga vient de l’arabe


« Moudzi wa angaya » signifiant « ville de fleurs ». Aujourd’hui, à l’entrée de l’Hôtel de ville
le mot Mahajanga en caractères arabes, est écrit sur la balustrade à la jonction des deux
escaliers principaux. Durant l’époque coloniale, les étrangers avaient transformé le mot en
français, et cela donna le terme Majunga.

En outre, les Comoriens avaient aussi construit leur propre expression « Moujanga ».
Fondée en 1745, la capitale du Boeny fut transférée de Marovoay à Mahajanga. A l’époque,
des commerçants ou des négriers, des Arabes et des Indiens se livraient déjà à un trafic
florissant sur les côtes malgaches.

D’après les données statistiques de la Commune Urbaine de Mahajanga I, en 2006,


l’effectif total de la population est estimé à 120.456 habitants. Au cours de cette même
période, le taux de croissance démographique est de 2,4%. L’ensemble de trois phénomènes
sociaux donne ce taux : naissance, décès et migration de la population.

D’une vision globale, la ville est cosmopolite avec la forte présence de divers
groupes sociaux. Les flux successifs de migrants ont refoulé les autochtones sur leurs
pratiques traditionnelles. La religion traditionnelle, accompagnée de ses rites et ses interdits
représente encore un élément fondamental d’identité culturelle et d’unité ethnique dont les
Sakalava sont très fiers. La commune en question est composée de 26 fokontany dans
lesquels on peut faire une légère distinction en matière d’activité quotidienne et d’ethnicité.

Problématique

La dynamique des formations sociales dans le contexte actuel de la


mondialisation/globalisation, et dans l’originalité spécifique des sociétés dites
anthropologiques est très dépendante, semble-t-il, des fonctionnalités de divers éléments de la
superstructure ; compte tenu de l’incapacité de l’économie de marché à constituer ou à
implanter un capital autodynamique.

Il nous revient ainsi, autant que faire se peut, de part les faibles moyens qui sont mis
à notre disposition, d’identifier les mécanismes d’impacts des éléments superstructurels pour
nous permettre de cerner le sens évolutionniste de la logique sociale présente ; ceci donc, afin

9
d’utiliser les éléments nécessaires pour la conception d’une stratégie de développement local,
régional, national.

Dans cet esprit, notre problématique se ramène à la définition de la formation


déterminante et du rôle d’importance de la traditionalité autour des rites funéraires.

Dans quelle mesure les interactions entre l’organisation sociale et les rites funéraires,
peuvent elles participer à une régénération de la logique du social au titre de facteurs
dynamisant et moteur de tout développement et de pérennisation de l’identité culturelle , en
nous limitant au contexte de la région Boeny ?

Objectifs généraux

Une caractérisation du schéma global et des mécanismes de tout développement à


l’échelle nationale s’impose à nous en premier lieu pour en faire ressortir les spécificités au
niveau de la région Boeny, et monographiquement parlant à l’échelon des deux localités
essentielles de notre terrain, en l’occurrence, le doany avaratra et le doany atsimo.

De ce premier objectif découle la nécessité d’identification des mouvements


d’interactions entre les trois niveaux de la structure sociale globale pour ce qui est du facteur
déterminant dans la reproduction sociale , particulièrement en ce qui concerne les fonctions
spécifiques du culturel et de l’organisationnel dans l’esprit de notre problématique et de
notre méthodologie de recherche.

En troisième lieu alors , nous avons à esquisser sur le plan prospectif le mode par
lequel l’unité de ce culturel et de cet organisationnel peut participer à la rationalisation des
rapports dialectiques entre la tradition et la modernité pour une meilleure intégration des
sociétés malgaches à la mondialisation.

Objectifs spécifiques

De ces objectifs généraux se dégage l’approche dimensionnelle des versions


régionale et locale de la dialectique tradition- modernité dans les normes exigibles de la
stratégie nationale de développement :

- Comment se présentent les mécanismes d’intégration régionale et locale à


cette stratégie nationale de développement ?

10
- Comment s’articulent sur le plan régional et local les trois niveaux de la
structure sociale globale dans l’identification spécifique des fonctions du culturel et de
l’organisationnel ?
- Comment les rites funéraires sakalava et les volontés d’innovations culturelles
régionales et locales peuvent – ils être intégrés à une dynamique de synergie pour une
dialectique tradition –modernité, participant à une reconstruction du social œuvrant de
façon positive à l’opérationnalisation des principes d’ouverture proposés par la stratégie
nationale du développement qui est en cours sur le plan politique .

Hypothèses

En hypothèse globale, nous proposons, compte tenu des fonctions récurrentes des
traditions culturelles et identitaires malgaches, l’impossibilité d’opérer une rupture entre la
tradition et la modernité .Quelle qu’en soit la forme et la finalité de cette relation, les forces
d’impacts de la mondialisation et de la globalisation sont considérables.

De là, nous avons voulu nous situer à trois niveaux d’hypothèses spécifiques :

- Les rites funéraires royaux sakalava constituent –ils une base sine qua non de la
pérennisation à la fois des identités culturelles locales et principalement de l’identité
culturelle malgache dans la perspective des fonctionnalités efficientes des principes
de la stratégie ponctuelle et de la politique de développement ;
- Les rites thanatologiques malgaches définissent les aspects à la fois impératifs et
multidirectionnels d’une logique de maintien et de la pérennisation du concept de
malgachéité dans cette optique .L’enracinement psychique de cette dimension
thanatologique de l’identité du malgache détermine l’actualité permanente d’une
tradition de refus de l’ingérence dite étrangère par rapport aux épreuves historiques
d’une conscience nationale aguerrie ;
- A l’exemple du phénomène de genre féminin dans l’Ouest et le Nord –Ouest
malgache , la rationalité économique dans sa logique néolibérale a des dimensions
ponctuelles objectives et prospectives pour ce qui concerne la réussite de
l’entreprenariat rural c'est-à-dire sur une dimension agro-industrielle ,
industrialisant.

11
Ces trois niveaux d’hypothèses nous amènent à la formulation d’une hypothèse
synthétisante dans la part des responsabilités des sciences académiques, dans le domaine des
exigibilités des sciences appliquées.

Les sciences sociales peuvent - elles constituer des forces de synthèse régénératrice
de la dynamique de toute dynamique sociale en terme de synergie pour une mondialisation ,
une globalisation humanisant dans l’intérêt d’un vivre ensemble mondial , excluant ainsi la
vision manichéiste dans le rapport entre tradition et modernité ?

Méthodologie

 Documentation
La recherche documentaire ou la documentation a une place significative dans toutes
les recherches en sciences sociales. Elle aide le chercheur à situer sa position vis-à-vis de la
réalité passée.

Dans cette investigation , la technique documentaire a été faite en consultant les


documents mis à notre disposition par le Centre de Recherche en Sociologie, du
département de ladite filière ainsi que les ouvrages généraux et spéciaux fournis par
diverses bibliothèques , ou par les centres d’informations existants concernant le
sujet étudié comme l’IRD, l’Académie Nationale Malagasy, Bibliothèque
Nationale , Musée Akiba à Mahajanga, l’Office National des Arts et de la Culture
,etc.

Cette documentation peut se présenter sous plusieurs formes, entre autres :

-la consultation des ouvrages généraux et spécialisés relatifs au sujet, la consultation


des documents officiels aux archives du Ministère de Tourisme, et celui de la Culture ;

-la vision et le suivi des réalités quotidiennes à partir de la scène médiatique publique
et privé (journaux, presse écrite, radio, télévision, etc.) ;

-la documentation webographique dans différents sites web sur internet.

Certaines de ces données ont été recueillies durant la phase de pré-enquête et


permettent la familiarisation et/ou l’adaptation, l’élaboration d’hypothèses exploratoires et de
questionnements particuliers. D’autres sont indissociables à l’enquête proprement dite et
intégrées à celle-ci (les productions écrites des auteurs, les archives locales, la presse locale)

12
et peuvent ainsi faire l’objet de corpus autonomes, distincts et complémentaires de ceux que
produit l’enquête sur terrain.

 Démarche
Notre démarche d’investigation qui a été sous-tendue par 3 niveaux d’approches
est à la fois hypotético-déductive et inductivo-déductive :

- Un vécu de proximité dans le contexte du cumul de l’observation participante


et de la participation observante, rendu possible grâce à notre statut d’originaire
de la région ;
- Un itinéraire scientifique voulant toujours réaliser la continuité et la synergie
entre les 3 cycles d’études universitaires dans le triple domaine de la culture
identitaire, de la culture organisationnelle et de la culture de modernité dans les
sociétés à dimension anthropologique ;
- Notre statut féminin qui veut toujours faire en sorte que les rapports de genre ne
peuvent pas être sublimés à l’échelle de la permanence de la supériorité
unilatérale du pouvoir patriarcho-lignager ou de pouvoir royal.

Cette triple approche a orienté notre démarche d’exploration documentaire,


d’instrumentation des diverses et relatives techniques d’enquêtes et notre processus
rédactionnel dans l’exploitation des données.

 Instruments d’analyse
La multiplicité des domaines investis par la science sociale et la multidisciplinarité y
afférente ont été valorisées à leur juste valeur dans le recours relatif simultané mais articulé
aux divers concepts.

Nos instruments d’analyses passent alternativement ou cumulativement de la


monographie circonstancielle et conformément aux exigences des besoins académiques de la
thématique c'est-à-dire au fonctionnalisme et au structuralisme pour réaliser les impératifs de
synthèse sur la dimension holistique.

Pour cette recherche, nous adoptons une approche individualiste, pour laquelle
« tout fait social n’est que la résultante de l’interaction d’un ensemble de comportements
individuels, même lorsque ceux-ci se trouvent soumis à l’influence de normes ou de valeurs

13
collectives »9.Toutefois, il nous faut adopter certains regards holistes, dans la mesure où la
théorie susmentionnée admet les influences des « normes ou des valeurs collectives ».

Notre recherche consiste à une triangulation, d’une part, à des explorations


quantitatives, puisque pour comprendre une réalité, il faut disposer d'instruments de mesure et
de déduction ; et d’autre part qualitatives, pour des situations « individualisées », permettant
de recueillir des informations personnelles, et tout ceci donc pour minimiser le « dark
number »10 ou le chiffre noir, pour se rapprocher plus de la réalité.

Pour ce faire, nous optons une approche socio-anthropologique et une triangulation,


qui combinent à la fois la manipulation de données statistiques et l’exploration sur le terrain.
L'enquête sur terrain, ou enquête socio-anthropologique, repose sur la combinaison de quatre
grandes formes de production de données, que nous avons exploitées : l'observation
participante (l'insertion prolongée du chercheur dans le milieu de vie des enquêtés), l'entretien
(les interactions discursives délibérément suscitées par l’investigateur), les procédés de
recension (le recours à des dispositifs construits d’investigation systématique), et le recueil de
sources écrites.

 Technique d’enquête
Sociologie, anthropologie, et histoire, bien que partageant une seule et même
« épistémologie »11, se distinguent par les formes d’investigation empirique que chacune
d’entre elles privilégie, à savoir les archives pour l’historien, l’enquête par questionnaires
pour le sociologue, et le « terrain » pour l’anthropologue. Il ne s’agit là que de domaines
indépendants, et il n’est pas rare que l’on aille en emprunter chez l'une ou l'autre discipline.

En particulier, l’enquête sur terrain a acquis une place non négligeable en sociologie.
En fait, il n'y a aucune différence fondamentale, quant au mode de production des données,
dite parfois « qualitative », entre la sociologie et l'anthropologie.

Alors, une descente sur terrain s’avère nécessaire et impérative pour vérifier la
validité et la fidélité des hypothèses ainsi qu’assurer la valeur empirique de l’analyse. Une

9
FERREOL G. et alii, (1991 – 1995) Dictionnaire de sociologie, Cursus, Armand Colin, Paris, art.
« Individualisme méthodologique ».
10
FERREOL G. (2007), Les méthodes quantitatives, Cours de DEA en Sociologie, Fac .DEGS,
Université d’Antananarivo.
11
PASSERON J-C., (1991), Le raisonnement sociologique. L'espace non-poppérien du raisonnement
naturel, Paris, Nathan.

14
petite enquête a été effectuée auprès des diverses catégories de personnes dans le but de
compléter les données déjà recueillies.

La principale caractéristique de ladite enquête est de recourir, en vue de la collecte


des données, à l’interrogation systématique des sujets de la population cible pour décrire,
comparer ou expliquer les faits sociaux.

Ainsi, relève-t-elle d’une démarche scientifique. Nos questionnaires se ramènent à


la variété des six catégories de personnes ressources à savoir : autorité royale, autorité
publique, ménages, responsables rituels, devins, médiums.

Des entretiens de face à face, nous sommes passés à l’appréciation de l’opinion de


groupe par l’utilisation contextuelle de techniques vivantes telles que l’entretien directif,
l’entretien semi directif ou l’entretien non directif jusqu’au focus group. Les caractéristiques
probantes de nos résultats ont été justifiées dans leur validité théorique et leur adéquation
empirique par la validation de la loi du grand nombre.

-L'entretien libre laisse à l’interrogé toute latitude de réponse. Il vise à recueillir des
données riches en signification mais rend délicat le contrôle des réponses. Celui-ci a été fait
auprès du Prince Guy Herimisy12, fils du feu Mpanjaka Dezy, (actuel dirigeant du doany
Miarinarivo) ainsi qu’à ses conseillers.

En d’autres termes, nous avons collecté d’innombrables données concernant la


royauté dans le Boeny en question et surtout celles liées à notre thème de recherche.
C'est-à-dire nous avions eu quelques échanges d’idées concernant les rites funéraires,
et ce que le Prince et ses conseillers pensent de la culture identitaire sakalava.Ce système a
aussi été exercé auprès des responsables du doany13notamment les médiums, les conseillers en
vue de collecter des informations spécifiques sur les rites funéraires. Nous avons parfois dû
changer les termes de la question pour faciliter l'interrogatoire.

12
Il est en conflits avec le Prince Richard, un fils naturel et reconnu du feu Commissaire des polices
NANY Charles qui était un fils d’une princesse sakalava et du feu NANY Alfred, président du
ère
parlement de la 1 République 1960 – 1972.
13
Cf. Chapitre V.Les éléménts déterminants de la reproduction sociale.

15
-Enquête par questionnaire

Nous avons mené une enquête par questionnaire qui relève des informations
circonscrites et codées sur la base d’échantillons raisonnés et dotés de critères de
représentativité, dans une situation artificielle interrogatoire dont les réponses sont
consignées. Par contre, dans une optique anthropologique qui se veut au plus près des
situations naturelles des sujets, il nous a fallu produire des connaissances « en situation »,
contextuelles, transversales visant à se rendre compte du point de vue de l’acteur, des
représentations ordinaires, des pratiques usuelles et de leurs significations.

L’enquête par questionnaire permet de saisir une réalité plus vivante bien que les
opinions et attitudes de la collectivité ne fournissent qu’une opinion moyenne. Elle a pour but
d’étudier la collectivité dans son contexte socio-économique ou d’une façon générale, dans
son cadre habituel. Quant au choix du questionnaire, nous avons fait beaucoup d’efforts pour
être plus objective et neutre, et surtout nous avons aussi fait en sorte que les questions soient
simples et compréhensibles.

En effet, après avoir établi plusieurs petites questions, nous avons procédé à
l’enquête aux différentes catégories de population, les devins, les membres de la famille
royale, les autorités, habitants, etc. En fait, l'enquêté n'a plus la latitude de commenter ses
réponses : il répond par oui ou par non ou bien en termes de préférences.

Enfin, cette technique de question fermée rend possible une codification immédiate
des réponses et, par conséquent, leur quantification ainsi que leur traitement statistique.
Comme dans l'interview de type inorganisé, le rôle de l'enquêteur consiste moins à interroger
le sujet qu'à l’aider, à éclairer lui-même l'incidence du stimulus sur ses attitudes et son
comportement.

-Echantillonnage

Il s’agit de choisir un certain nombre de personnes dit « échantillon », si bien que les
observations faites puissent être généralisées à la population mère.

Autrement dit, il faut donc que l’échantillon présente les mêmes caractéristiques que
la population. C’est la représentativité de l’échantillon. Il est évident que la validité et la
fidélité des résultats d’une enquête dépendent de l’échantillon interrogé.
16
Nous nous sommes servies de deux types de démarches : d’une part, nous avons
mené des enquêtes rapprochées, c'est-à-dire que nous avons approché des ménages, pour avoir
un schéma presque semblable à des réalités vécues. D’autre part, nous avons décidé de nous
poster pendant quelques temps dans le doany, pour interviewer les responsables rituels.

Le noyau de ce travail est constitué par 600 personnes (dont 400 de sexe féminin et
200 de sexe masculin), elles sont concernées directement ou indirectement par les rites
funéraires, et elles habitent dans la région Boeny. Nous avons choisies ces personnes selon un
critère précis, et selon leur quota au sein du quartier (pratique ou non du tromba, niveau de
vie, situation matrimoniale, membre ou non de la famille royale, etc.). Le tableau n°01 qui
suit nous donne plus de clarté.

Tableau 1: Répartition de l'échantillon par sexe

Sexe Nombre
Masculin 200
Féminin 400
Total 600
Source, résultats d’enquête, Région Boeny, 2008.

Il existe une fausse idée qui stipule que les traditions constituent un frein pour le
développement. Nous avons relevé cette information au cours de notre pré-enquête. Alors que
chaque individu doit avoir des comportements et des visions moins réticentes de la tradition.
C’est pour cela que des enquêtés qui ne sont pas Sakalava figurent parmi notre échantillon,
pour avoir la perception multiple, concernant notre sujet d’étude.

Tableau 2: Taxation de la tradition comme blocage pour le développement

Variétés des réponses Proportion (en %)


Positives 58
Négatives 30
En cours de réflexion 12
Total 100
Source, résultats d’enquête, Région Boeny, 2008.

Il n’est pas séant de ne considérer que ceux qui pratiquent les rites funéraires. Les questions
de représentativité sont en jeu. C’est pour cela que nous intégrons des gens qui n’en
pratiquent pas, pour avoir leur vision sur la question et les raisons qui les motivent. Nous

17
avons aussi cherché des personnes qui respectent mais ne pratiquent pas les rites funéraires.
Ce qui n’a pas été facile, puisqu’il a fallu mener une exploration poussée et longue pour
pouvoir les approcher.

Tableau 3: La population selon les statuts socio-économiques

Statuts sociaux Nombre


Commerçant 22
Fonctionnaire 18
Ouvrier 11
Agriculteur 30
Sans emploi 19
Total 100
Source, résultats d’enquête, Région Boeny, 2008.

Dans le contexte de la pauvreté malgache, il nous a paru essentiel d’intégrer des


critères économiques ou de niveau de vie dans notre échantillon. C’est pour cela que nous
avons un panel d’emplois assez variés.

Notre échantillonnage combine la méthode de quotas et celle du choix au hasard. La


première, a ciblé les individus et le groupe d’ascendance royale, de statut public officiel
tandis que la seconde s’est tournée vers les strates relatives des masses populaires.

D’où nous présentons l’échantillonnage suivant :

Tableau 4: Taux d'échantillonnage suivant la catégorie de population

Catégories de Effectif de la Effectif des Taux d’échantillonnage


population population totale enquêtés en°/°
Autorité royale 18 18 100
Autorité publique 28 20 71 ,42
Ménages 176 100 56,81
Responsables rituels 86 65 75,58

Devins 76 40 52,63
Médiums 116 100 82,20

Source : Résultat d’enquêtes 2009.

18
 Limites et problèmes rencontrés

L’insertion du chercheur dans une société ne se fait jamais avec la société dans son
ensemble, mais à travers des groupes particuliers. Il s’insère dans certains réseaux et pas dans
d’autres. Ce biais est redoutable autant qu’inévitable.

Le chercheur peut toujours être assimilé, souvent malgré lui, mais parfois avec sa
complicité, à un groupe social donné. Nous faisons sûrement face à de tels problèmes. De ce
fait, la plupart des données sont produites à travers les interactions avec les enquêtés et avec la
mobilisation de la subjectivité. Ces données incorporent alors un facteur personnel non
négligeable.

Il convient de souligner que nous avons rencontré des contraintes et de difficultés


durant la recherche sur terrain. A titre d’exemples, le déplacement fréquent sur le terrain pour
le ramassage des questionnaires remplis par les enquêtés.

En dehors des dépenses financières, le facteur temps et le facteur social (insécurité)


entrent en jeu via la crise politique que le pays a traversé durant toute l’année 2009 jusqu’
aujourd’hui.

A part cela, la réticence des enquêtés nous a empêché de disposer des données
exhaustives. Toutefois, malgré ces obstacles, nous avons quand même essayé d’atteindre les
objectifs.

En effet, nous nous sommes contentés du peu qu’on nous a donné. Tout cela, pour
dire que le travail de recherche était difficile et il y avait des obstacles mais ceux-ci ne nous
ont pas empêchés de continuer notre recherche.

 La thèse comprendra trois grandes parties :


La première partie tentera d’apporter quelques explications sur la thanatologie et la
culture en pays sakalava. En d’autres termes, y seront présentés les croyances traditionnelles,
le tromba, la divination, l’astrologie et la sorcellerie dans lesquelles s’inscrivent, le pays
sakalava dans ses arts divinatoires.

La deuxième partie sera consacrée aux rites funéraires dans le Boeny. C’est dans
cette partie que nous déterminerons l’approche du sujet : les exemples des pratiques
identitaires malgaches (lanonana, famadihana, fanompoa be, rasa harena, tsangan-tsaina,

19
fitampoha, havoria, ati-damba), les éléments déterminants de la reproduction et les rites
funéraires sakalava.

Enfin, la troisième partie, sera constituée par le changement de fonctions des rites
funéraires. Elle aura pour objet de faire des analyses et remarquer certaines précisions en se
référant à des points de vue de quelques auteurs, de voir certaines remarques sur les conflits
entre modernité et identité locale, le statut de leadership populaire et de l’essence royale et
les jeux interactifs avec la mondialisation.

20
Première partie: THANATOLOGIE ET CULTURE SAKALAVA

« Mourir au loin s’apparente souvent, dans les sociétés archaïques, à la pire des mauvaises
morts pour celui qui meurt et ses proches ».

Louis Vincent THOMAS, Le cadavre.Complexe .

21
Introduction de la partie

Autrefois, à la mort d’un grand personnage dans les hautes terres centrales, certains
de ses esclaves étaient mis à mort. La plupart du temps on se contentait du sacrifice d’un seul
esclave, s’il ne s’agissait pas d’un grand seigneur de très haut rang ou d’une personnalité
opulente. Cela se passait habituellement de la façon suivante : les esclaves étaient accusés
d’avoir provoqué la mort de leur maître en usant de sorcellerie.

Ils devaient se libérer de l’accusation au moyen de l’ordalie par le tanguin. Les


esclaves qui étaient particulièrement aimés de leur maître, étaient secrètement désignés pour
« servir le défunt », et recevaient du prêtre païen, qui administrait l’ordalie, une dose si forte
du poison tanguin qu’ils en mouraient.

De ceux qui étaient mis à mort de cette façon, on disait « ils sont morts, non pas par
un jugement ».L’ordalie n’était pas une épreuve qui les condamnait car ils étaient
complètement innocents du crime dont on les accusait. Leur mort était décidée d’avance.

La même coutume se rencontrait chez les Sakalava. Là, on ne cachait pas le sens
qu’on y attachait. Leur maître leurs avait donné des coups de pieds, et les avaient traités
arbitrairement. Ces conditions devaient se perpétuer après la mort. Le « lafika »14était alors
ressenti comme « le sommet de l’esclavage ».

On s’en rend mieux compte lorsqu’on sait combien les Malgaches étaient émus par
la pensée que le corps était perdu, c’est-à-dire ne se trouvait pas dans le tombeau de leurs
ancêtres. Le culte des ancêtres était assez souvent marqué dans le paganisme malgache.

Il avait une grande influence sur la morale. La grande piété envers les parents et le
respect de l’autorité paternelle qui est un si beau trait dans la vie populaire malgache ont
leur origine dans les sentiments qui se groupent autour du culte des ancêtres.

Aujourd’hui, au seuil du XXIème siècle, avec les changements sociaux, l’émergence


de nouvelles religions et la mondialisation dans tous les domaines, le culte des ancêtres
régresse, surtout dans les villes.

14
C’est le fait de « servir les morts ».Durant l’époque royale, les esclaves les plus serviables étaient
choisis pour servir de lit de mort du roi défunt.

22
Mais la crainte ou le « respect » des ancêtres demeure une valeur culturelle de la
société malgache. La pratique toujours courante de diverses coutumes ancestrales est là pour
en témoigner, de même que le soin que l’on apporte à la thanatologie et à la culture.

La première partie va nous développer, les croyances traditionnelles sakalava, on y


montre la vénération du Zanahary, le respect aux razana et la fonction du sacré sera donnée.
Le tromba, étant une pratique identitaire va harmoniser cette première partie, une définition,
une signification matérielle et une typologie seront avancées et tout cela est relié à des
tabous et interdits ou fady. Très souvent la divination, l’astrologie et la sorcellerie dictent
ces croyances traditionnelles.

23
CHAP.I : LES CROYANCES TRADITIONNELLES
Introduction du chapitre

Les gens habitant dans les coins les plus reculés de la campagne et aux confins fonds
de la brousse, préfèrent garder leur religion traditionnelle plutôt que de se convertir au
christianisme qui condamne cette religion et ses pratiques.Les traditionalistes croient en la
vertu de leurs ancêtres comme les chrétiens en leur Dieu.

D’une façon générale, la religion constitue un tout indivisible, formé d’un système
complexe, d’imaginaire, de mythes, de dogmes, de rites et de cérémonies. Il en résulte deux
catégories de phénomènes religieux : croyances et rites. Les croyances sont un mode et un
système de représentation collective. Les croyances constituent une adhésion de tout homme à
une idée ou un objet, à une puissance, un divin sur lesquels se construisent les représentations.
En quelque sorte, c’est à la fois un état de sentiment (émotion) et un acte de volonté (action).

Religions et croyances ont un lien étroit avec la vie au quotidien. Dans ce chapitre
consacré aux croyances traditionnelles, nous exposons Zanahary : Dieu, Razana : ancêtres et
la fonction du sacré : hasina. La réflexion sur le sacré (hasina) a été marquée par les travaux
de DURKHEIM E. sur les rites sacrés et les rites profanes, sur le naturel et le surnaturel.15

1-1 Zanahary : Dieu

1.1.1. Définition
A propos de Zanahary, Andriananahary, et Andriamanitra, qui désignent les êtres
divins en malgache, Otto Christian Dahl écrit : « Ces mots peuvent se référer à toutes les
déités du panthéon malgache et sont alors des noms communs. Quelques fois, on les emploie
aussi pour caractériser les ancêtres morts qui occupent une position divine ».16

Ces désignations divines appliquées aux ancêtres sont donc employées comme noms
communs. Mais les ancêtres n’y ont droit que si les vivants accomplissent les rites funéraires
et post-funéraires indispensables.

A contrario, il n’est pas nécessaire d’être mort pour être ancêtre, des personnes
possédant des connaissances ou des pouvoirs extraordinaires peuvent être considérées comme
ancêtres vivants.

15
Cf.DURKHEIM E., (1912), Les formes élémentaires de la vie religieuse. PUF, Coll.Quadrige(1985).
16
Cf.DAHL OTTO C., (1992), Zanahary, Andriananahary, Andriamanitra, Désignation des Etres divins
en malgache.In Disciplines croisées, hommage à Bernard Phillipier Groslier, Paris, Edition de l’Ecole
des Hautes Etudes en Sciences Sociales.

24
C’est pourquoi, lors d’un enterrement, la distribution des morceaux du bœuf tué à
cette occasion ne s’apparente ni à un holocauste, ni à une offrande, mais manifeste la
participation de chacun à la vie communautaire. C’est un signe d’appartenance. Ce n’est
qu’après six mois ou un an qu’on offrira un holocauste aux mânes des ancêtres.

Lorsque ces mêmes noms sont employés comme des noms propres, alors ils
désignent l’ETRE SUPREME. La question qui vient à l’esprit est la suivante : pourquoi
donner trois noms différents à l’ETRE SUPREME ? D’après O.C. Dahl, chacun des noms met
l’accent sur l’un ou l’autre attribut de l’ETRE SUPREME. Ainsi Zanahary indique le Dieu
Créateur, Andriananahary montre sa supériorité sur tous les dieux (« Seigneur Créateur »).La
signification d’Andriamanitra, qui veut dire le « Seigneur Parfumé », peut être comprise de
deux façons : il est le Seigneur auquel on offre un holocauste odoriférant – et à Lui seul –, ou
bien il est le Seigneur imputrescible, éternel. Quand le riz est cuit et qu’on prolonge la cuisson
sans brûler le riz, l’odeur particulière qui s’en dégage est appelée manitra.

Ces trois noms utilisés dans la religion ancestrale malgache ont été repris par les
missionnaires venus à Madagascar qui les ont donnés au Dieu des chrétiens, utilisés comme
noms propres. Par exemple, là où la Bible française (T.O.B) traduit : « Dieu, le Seigneur »
Josué 22 :22, la Bible malgache (version protestante) a utilisé Andriananahary. De même, au
Psaumes 50 :1, « Le Dieu des dieux, le Seigneur », la version malgache donne Andriamanitra
Andriananahary.

En passant en revue les proverbes qui parlent de Dieu, il est difficile de savoir si les
attributs et qualités qu’ils véhiculent sont issus de la religion ancestrale ou influencés par le
christianisme. Par exemple, Aza ny lohasa mangina no jerena fa Andriamanitra ao an-
tampon’ny loha – « Ne regardez pas la vallée silencieuse mais Dieu qui est au-dessus de
votre tête » (Même si vous vous sentez seul, Dieu est là).

Est-ce une production de la sagesse malgache ou une traduction de la religion


chrétienne en proverbe ? Il en est de même pour le refrain de l’hymne national malgache
quand nous chantons : Tahionao ry Zanahary, ity nosindrazanay ity – « Bénis, ô Zanahary,
cette île de nos ancêtres ».

En revanche, dans les hymnes et cantiques, le doute n’est pas permis, c’est au Dieu
des Chrétiens que l’on s’adresse quand on invoque Zanahary. On peut donc dire que les
chrétiens, en reprenant les noms des anciennes divinités, s’adressent à Dieu au malgache.

25
On peut ajouter que la religion ancestrale qui postule l’existence de l’âme et de la vie
après la mort facilite l’adhésion des Malgaches à la foi chrétienne sans doute davantage que
pour des français formés par les Lumières. Ce point d’attache peut être considéré comme une
pierre d’attente que la révélation chrétienne doit ensuite compléter.

D’ailleurs, il reste beaucoup à faire pour éclaircir les positions respectives de la Bible
et de la religion traditionnelle sur la mort. Les luthériens qui encouragent leurs pasteurs à
participer aux famadihana pour y prêcher l’Evangile, ou même que les catholiques, plus
tolérants à cet égard.

Si les croyances en la magie ou en la sorcellerie sont aussi ancrées que celles en la


religion, c’est néanmoins dans la religion que se sont explicitées le plus les croyances en des
mythes plus ou moins développés. En tant que récit fondateur, le mythe énonce dans un
langage imagé les bases du credo d’un peuple quant à ses dieux, quant à l’origine de certains
faits troublants dans le monde, comme la vie et la mort, et quant aux rapports de l’homme
avec le sacré.

Qu’il soit cosmogonique, expliquant la création et la structure du monde (genèse


biblique) ou bien étiologique et de fondation, justifiant un ordre de chose en le projetant dans
le passé (origine de la mort, installation d’une dynastie, inégalité des castes, fondation d’un
village), le mythe se présente comme situé au début de l’histoire ou d’une histoire dont il
justifierait les traditions.

Il revêt lui-même un caractère sérieux et sacré en ce qu’il renvoie à quelque chose


qui nous dépasse. Il transforme en un acte précis, initial et limité dans le temps, une réalité
physique ou morale permanente en la rattachant à son institution surnaturelle et de ce fait
rapproche la destinée immédiate de chaque homme d’un passé primitif.

Zanahary est le dieu créateur des Sakalava (« ilay nahary »). Il est au-dessus de tout
le monde ainsi que les razana ; parfois, il est considéré comme le dieu des chrétiens et des
musulmans. Il est le propriétaire de tout l’univers.

En malgache, il n’y a pas de genre masculin ou féminin, pourtant des auteurs parlent
de Zanahary lahy et de Zanahary vavy, d’autres encore évoquent le nom de Zanahary
masoandro ou « dieu soleil », pour en savoir plus, il est à conseiller de consulter Charles
RENEL (1920) in Ancêtres et Dieux, Tananarive, Imprimerie Piot de la Beaujardière.

26
Le soleil symbolise l’espoir. Au moyen de la clarté et de la chaleur qu’il apporte, il
redynamise la vie et les activités des humains ralenties après l’obscurité de la nuit. Donc, le
Zanahary masoandro ou dieu soleil, porteur de lumière, chaleur, espoir et bonheur est très
vénéré par certains Malgaches qui le considèrent supérieur aux autres Zanahary.

N’est –il pas vrai qu’ « il y a plusieurs dieux mais un seul soleil ? » : le dieu soleil est
unique. La mythologie grèque a connu de multiple dieu et déesse à l’instar d’Eole (dieu du
vent), Dionysos (dieu de la végétation et vin), Artémis (déesse de la chasse), Aphrodite
(déesse de la beauté et de l’amour).

1.1.2. Zanahary lahy, Zanahary vavy


Dans la croyance traditionnelle sakalava, le terme de Zanahary est associé au couple
des êtres, à savoir : Zanahary lahy et le Zanahary vavy c'est-à-dire le créateur masculin et
le créateur féminin ou la créatrice : déesse.Il en est de même pour la religion chrétienne
monothéiste lorsqu’elle évoque la Trinité (le Père, le Fils et le Saint Esprit).

Si l’on se réfère au concept de la parenté, ce dieu et cette déesse prennent la place


des parents et sont donc liés par une « alliance matrimoniale » en quelque sorte.

Comme tous les couples dans une quelconque société, le Zanahary lahy et le
Zanahary vavy sont soumis à la règle de l’hérédité et vont assurer la reproduction de
génération en génération.Certains ajoutent encore le terme de zanaka Zanahary comme le fils
issu de cette relation.

Les Sakalava ont l’habitude de s’adresser au Zanahary lahy quand il s’agit des
problèmes d’ordre général (argent, santé, relation sociale, etc.) et au Zanahary vavy lorsqu’il
est question des thèmes liés au ménage (relation familiale, stérilité, polygamie, violences
conjugales, etc.).

Il est à signaler que l’on ne se tourne que très rarement au zanaka Zanahary ;
précisément, quand on a affaire aux maladies graves des enfants.

1.1.3. Autres faciès de Zanahary


Il existe différentes figures de Zanahary autres que celles que nous avons déjà
énoncées dans le précédent paragraphe.

Primo, les Zanahary correspondant aux quatre points cardinaux, qui ont pour
fonction de veiller sur les habitants de chaque point cardinal. Il y a ainsi le Zanahary

27
avaratra( dieu qui se trouve au Nord ),le Zanahary atsimo (celui qui est au Sud), ensuite le
Zanahary andrefana (celui de l’Ouest), et enfin , le Zanahary antsinanana ( celui qui est à
l’Est ).

Secundo, on a le Zanahary ambony et le Zanahary ambany, respectivement celui de


la région supérieure et celui de la région inférieure.Le Zanahary ambony, est le dieu que l’on
ne voit mais qu’on croit supérieur par rapport au Zanahary ambany. Ce dernier manifeste
parfois des signes extérieurement visibles, mais via son infériorité, il ne peut pas effectuer
quoi que ce soit sans l’autorisation du Zanahary ambony. Dans chaque institution, il y a
l’ordre hiérarchique à respecter : c’est aussi le cas dans ce concept de Zanahary.

Tertio, il y a le Zanahary masoandro littéralement le dieu soleil, celui à qui on prie


dans certaines religions animistes .Il nous semble aussi opportun de parler de Zanahary
voay : dieu caïman, celui qui est le père de ceux qui ont choisi de mourir dans la mer pour
s’échapper de l’esclavage à l’époque coloniale.

JAOVELO-DZAO R. avance encore les concepts de dieu trine ou les trois dieux,
les sept créateurs de l’homme, les sept /huit hypostases divines.17

1-2. Razana : ancêtre

1.2.1. Statut social des ancêtres : ancestrisme


Pour les Sakalava, le razana ou ancêtre est l’ensemble des ancêtres décédés qui les
surveillent, les protègent dans leur vie quotidienne ; hiérarchiquement ces ancêtres sont placés
en deuxième rang après Zanahary, mais à chaque fois qu’on fait appel à eux, on prononce
toujours Zanahary sy ny Razana, c’est–à-dire, les ancêtres morts sont entrés dans la sphère de
Dieu, font partie de la famille divine, comme ils peuvent aussi être appelés « Zanahary-
Dieu ».

« Lasan-dranahary » = parti pour devenir dieu, est une expression courante pour
parler du défunt. Les razana sont sacrés, ont des pouvoirs quelconques qui leur permettent de
bénir, de protéger, et d’aider les vivants.

L’insulte la plus douloureusement ressentie dans l’organisation sociale sakalava est


la dévalorisation de la personne humaine à travers ses ancêtres (ompa razana). Les secondes
funérailles (sorte de famadihana, famonosan-damba, asa-razana, rangan-dolo etc.) sont pour

17
JAOVELO-DZAO R., 1996, Mythes, rites et transes à Madagascar, Ambozontany, Karthala, pp.60-
62.

28
les Malgaches l’occasion des pratiques ostentatoires dans lesquelles il est en effet encouragé
de faire preuve de prodigalité effrénée en dons et contre dons, condition nécessaire de
resserrement des liens sociaux entre différents groupes lignagers d’une part, entre les vivants
et les morts d’autre part.

La stratégie est certes économiquement coûteuse mais qu’importe si elle s’avère


socialement efficace aux yeux des différents partenaires de cet échange à la fois symbolique
et réel.

La mort n’aura été, pour le mort qu’un accident de parcours, qu’une simple rupture
lui permettant dorénavant de « vivre » autrement. La force mortifère qui a frappé et qui a
déstructuré momentanément la famille du mort (défunt) n’a eu, en dernière analyse, aucune
emprise réelle et définitive sur la vitalité festive et sur la capacité organisationnelle de
l’ensemble de la communauté des survivants.

Au temps du désordre et de l’affliction des premières funérailles (fandevenana), l’on


est propulsé ici dans le temps de la joie, de la fête et de la renaissance post-mortem, faisant
ainsi des secondes funérailles une sorte de rite de passage en vue de l’intégration sociale du
mort (défunt) au sein de la communauté divino-ancestrale.

A Madagascar, les rites funéraires sont l’un de ces précieux ferments de la cohésion
sociale du groupe et du resserrement des liens sociaux des survivants. Face à la force
dissolvante du temps, en égard aux jeux et aux enjeux de la course à la différence que suscite
toute vie en société, ces rites funéraires sont des « temps forts » dans la recherche et dans
l’affirmation d’une identité personnelle et collective toujours à innover et à renouveler à
chaque instant.

Dans la Grande Île, tout groupe lignager ou toute ethnie a ses propres pratiques
ancestrales en matière de rites funéraires et tient autant que faire se peut à les préserver et à se
les voir respecter par d’autres, sans pour autant essayer de les imposer aux autres. Etre privé
des rites funéraires conformes à son statut social et ne pas avoir accès à son tombeau ancestral
signifient que l’on n’a pas joui de ses droits fondamentaux en tant qu’être humain.

C’est là une mort sans appel, la plus terrifiante et la plus humiliante de toutes les
morts possibles. Et l’insulte la plus douloureusement ressentie dans une telle organisation
sociale est la dévalorisation de la personne humaine à travers ses ancêtres (tevateva razana).

29
A Madagascar, la terre où reposent les restes mortels des ancêtres est le lieu
privilégié d’ancrage d’une recherche identitaire toujours à renouveler, toujours au quotidien.

1.2.2. Tanin-drazana : la terre ancestrale


La « terre ancestrale » (traduction littérale du terme malgache Tanin-drazana), avec
ses écosystèmes, est ce qu’il y a de plus sacré. Corps social et spirituel à la fois, cette « terre
ancestrale » ne peut être « ni vendue, ni échangée » : elle est inaliénable et l’on est souvent
prêt jusqu’au sacrifice suprême pour la sauvegarder dans son intégrité. Car c’est là que
« dorment les esprits des ancêtres ».

C’est là également que ceux des générations d’aujourd’hui, une fois libérés de leur
enveloppe charnelle visible, jouiront, eux aussi, du repos éternel puis fusionneront, à leur tour,
avec les éléments constitutifs du milieu ambiant (l’eau, l’air, l’obscurité, la lumière, les
roches, les animaux, les arbres, le bruit, le silence, etc.) pour se transmuer progressivement en
puissances nourricières au service des générations de demain.

C’est bien à partir des profondeurs invisibles et intimes de cette « terre ancestrale »
que va s’opérer, en silence, cette parfaite synergie entre sexualité et fécondité que ne saurait
atteindre, durant cette vie, aucun être vivant même si ce dernier l’appelle pourtant de tous ses
vœux. On est en droit de se demander, si l’eschatologie judéo-chrétienne basée sur cette
dichotomie âme et corps est en vérité la seule voie qui soit réellement opératoire pour se
rendre judicieusement compte de toute la richesse et de toute la complexité du devenir
humain.

1.2.3. Fasan-drazana : tombeau ancestral


A la lumière d’un tel questionnement l’on comprend aisément que les statuts
funéraires avec des sexes turgescents et des seins proéminents, en train de s’accoupler dans
des pauses acrobatiques les inattendues, et qui ornent ainsi les tombes de certains chefs
lignagers sakalava n’ont rien d’érotique, ni de satanique, mais qu’elles relèvent plutôt de ce
profond désir de tout être humain d’accéder au beau, au sacré, à l’immortalité et au divin.

C’est aussi à travers la figure d’une sexualité pleinement assumée, d’une sexualité
rayonnante de cette force génésique à nulle autre pareille et non pas à travers la figure de la
souffrance d’un Christ ressuscité que le mystère de la victoire de la vie sur la mort a été
dévoilée et annoncée aux humains. En tout cas, il faut lire dans ces scènes la vie sexuelle post-
mortem une certaine hiérophanie.

30
Pour les Sakalava de la région de Morondava, ces statuettes funéraires sont les
signes de l’entière participation de leurs ancêtres à la fécondité divine cosmique. Ces illustres
ancêtres, grâce aux rites funéraires appropriés, sont maintenant « béatifiés » voire même
élevés au rang de divinités, sans prétendre pour autant être les égaux de Dieu ou de Zanahary.

De ce fait, leurs lieux de résidence participeront désormais de leur nature intrinsèque.


Y faire intrusion d’une manière intempestive et non concentrée, c’est porter atteinte à la
personne de ces respectables résidents invisibles ainsi qu’aux valeurs cardinales des groupes
lignagers de ces derniers.

Pour de nombreux Malgaches d’aujourd’hui encore, l’espace réservé aux ancêtres


doit être toujours manipulé avec précaution et respect si on ne veut pas qu’il soit dilué dans
l’évanescence et l’éphémérité du présent, pour avoir été instrumentalisé dans les stratégies de
la course à l’avoir et de l’accès au pouvoir.

Les différents « tabous » ou fady, qui y sont intimement liés ont pour fonction
essentielle, non pas tant d’en interdire l’accès, mais plutôt d’indiquer positivement aux
humains les codes secrets pour permettre à ces derniers d’y prélever en toute sécurité et dans
la durabilité, les ressources nécessaires à leur total épanouissement. Ce sont les autochtones,
« les fils de la terre », qui sont les vrais gardiens et les maîtres de ces codes secrets.

La « juridiction sur papier et de l’écrit », fût-elle la mieux conçue du monde, n’est


pas entièrement opératoire pour gérer dans un tel contexte le rapport à la terre et au foncier ; il
faut y adjoindre nécessairement la « juridiction coutumière et de l’oralité » celle qui, d’une
manière ou d’une autre fait toujours référence aux rites funéraires.

A travers tout cela, l’on comprend aisément que la représentation de la« terre
ancestrale » et du tombeau ancestral est ce qui donne effectivement consistance et sens à la
vie.

Toutes ces explications sur les secondes funérailles et la terre ancestrale nous incitent
à poser des questions sur le sens de la vie, le refus de la mort, la vénération de la mort et la
considération du mort comme ancêtre, enfin comment les Malgaches considèrent-ils leurs
morts comme ancêtres.

31
1.2.4. Hasin-drazana ou sacralité ancestrale : ancestralisme
Pour les Sakalava, un mort n’est pas encore considéré comme ancêtre, sans que les
formalités n’aient pas encore été accomplies pour le rendre prestigieux, dotés de puissance.
Les rites funéraires sont les coutumes qui permettent d’élever un mort au grade supérieur des
ancêtres pouvant aider les vivants, c’est ce qui leur donne leur hasina ou sacralité. C’est à
partir de ce moment là que diffère le monde des morts de celui des vivants.

S’il a été susmentionné que la vie comprend 4 étapes (naissance, jeunesse, vieillesse,
mort), l’ancestralisme, il se caractérise par 2 phases distinctes.La sacralité ancestrale
commence par la mort, celle-ci étant la dernière étape de la vie.Donc, il faut d’abord que la
personne soit morte pour que l’on puisse parler d’ancêtre. La première phase consiste donc
aux premières funérailles.

-Les premières funérailles

A la mort , l’âme ou l’esprit se sépare du corps du défunt .Par peur du malheur et


du vagabondage de l’esprit,les membres de sa famille se chargent de l’inhumation, afin de
préparer, et son départ (pour) et son intégration au monde des ancêtres . Cette préparation
consiste donc en la toilette funèbre, la veillée mortuaire jusqu’à l’enterrement, permettant au
défunt de devenir ancêtre d’où le concept de l’ancestrisme.

-Les secondes funérailles :

C’est cette seconde et dernière phase qui octroie à l’ancêtre sa sacralité. Cette
seconde funéraille ne peut avoir lieu qu’à partir d’une année après l’enterrement.

Sur le plan administratif, on ne peut demander l’autorisation pour les secondes


funérailles qu’après un an.

Sur le plan social, pour protéger la santé publique, on doit attendre que le cadavre
soit complètement desséché (faty maina).

Sur le plan économique, après cette période, la famille aurait suffisamment réuni de
l’argent pour l’exhumation vu les dépenses lors de l’enterrement.

Sur le plan psychanalytique, on peut dire que l’âme entretient une relation étroite
avec le corps ; le corps en tant que son ancienne demeure, par habitude, l’âme ne peut pas
s’empêcher de s’en approcher. L’absence du corps dans le tombeau signifie à la fois la
rupture totale entre les deux et l’intégration de l’âme dans son nouveau monde.
32
Les doubles obsèques sont caractérisées par des obsèques définitives après des
obsèques provisoires qui semblent être une pratique assez répandue chez beaucoup de
peuples.

Les doubles obsèques sont pratiquées chez certains Bantous en Afrique, chez les
Papous océaniens, et semble-t-il, chez certaines tribus indiennes de l’Amérique du Nord, et
également dans les Iles indonésiennes, dans certaines tribus des Célèbes et de Bornéo.Dans
cette pratique, il y a les obsèques finales qui s’appellent le « Tengke » dans le centre des
Célèbes chez les Alfourous, et elles se nomment la « Tiwah » à Bornéo chez les Olo Maangan
et les Olo Ngadju. Louis Vincent THOMAS parle beaucoup de ce Tiwah dans son livre « Le
Cadavre ».

Les obsèques définitives peuvent se dérouler suivant différentes modalités selon les
populations considérées, mais il y a une idée commune qui n’est pas très loin de la conception
malgache du famadihana, à savoir l’attente de la dessiccation naturelle du cadavre avant de
donner aux ossements leur sépulture définitive, en sachant que le cadavre ne peut être
considéré comme sec (faty maina) qu’après un an à partir du premier enterrement, et on prend
seulement soin des ossements. Le sujet sur le cadavre sec appelé aussi faty maina en
malgache et sur le cadavre frais – faty lena, sera abordé un peu plus loin. 18

La pratique des obsèques finales est une cérémonie coûteuse. Les familles doivent
avoir suffisamment d’argent pour organiser ce rite où les invités ne doivent pas manquer. Les
vivants peuvent parler, communiquer aux défunts lors du moment de l’enveloppement des
corps aux obsèques finales.

L’objectif de ces doubles obsèques est de réunir tous les morts dans la sépulture
familiale, de changer le deuil en joie et c’est une des raisons principales qui incitent les
Malgaches à pratiquer le famadihana. Le famadihana pourrait donc être considéré comme une
variante malgache des obsèques définitives après les obsèques provisoires.

Si l’inhumation provisoire est toujours individuelle, la sépulture définitive est très


souvent collective. Le rituel des doubles obsèques est aussi un « processus de purification »,
car la terre a été souillée par le corps pourrissant et il fallait replacer les restes épurés en un
lieu intact.

18
Cf.RAJAOSON F. (1969), Contribution à l’étude du famadihana sur les Hauts-Plateaux de
Madagascar, Thèse de Doctorat de IIIème Cycle, Paris, pp.208-213.

33
Notons que cette seconde funéraille est pratiquée dans toutes les régions de l’île et
se différencie seulement sur la dénomination et le déroulement.Par exemple, le famadihana
chez les Merina, le rasa harena chez les Tsimihety, l’ati – damba chez les Betsimisaraka,
etc.).19

Cette 2ème phase, par le biais de ses rituels, permet au défunt de se hisser au rang
des ancêtres sacrés, lui attribuant ainsi le hasin-drazana : ancestralisme.La section suivante
développera ces questions ayant trait à la fonction du sacré : hasina.

1.3. La fonction du sacré : hasina

1.3.1. Définition du hasina : sacré


Le « rite » d’inspiration religieuse, désigne initialement un ensemble d’actes
répétitifs et codifiés, souvent solennels, d’ordre verbal, gestuel et postural à forte charge
symbolique, fondés sur la croyance en la force agissante d'êtres ou de puissances sacrées, avec
lesquels l’homme tente de communiquer, en vue d’obtenir un effet déterminé.

Extension, il désigne toute conduite stéréotypée, répétitive et compulsive (rites de


séduction chez l’animal, de soumission, de marquage d’un territoire). Il compte des séquences
d’actions, des jeux de rôles, des formes de communication, des moyens réels et symboliques
ordonnés à des valeurs décisives que la communauté cherche à traduire par des
comportements adéquats.

Les rites constituent un mode d’action ; ils signifient une classification des choses
réelles ou idéales. Ici, la classification est toujours dichotomique entre le sacré et le profane.

Le hasina20 ou le sens du sacré désigne la force spécifique des certains êtres et de


certaines choses, ce qui les rend différents, dotés de puissance pour exercer des actions
exceptionnelles. Le hasina donne du pouvoir à la personne et aux choses qui le portent. Le
sacré est créé par la croyance, et c’est cette dernière qui offre le pouvoir et la sacralité elle-
même.

Comme dans d’autres religions aussi bien modernes que traditionnelles, la religion
traditionnelle sakalava distingue aussi ces deux mondes. Le sacré et le profane sont conçus
par la pensée humaine comme mondes séparés. La dissemblance entre les deux est

19
Cf. Chapitre IV : Exemples des pratiques identitaires malgaches.
20
Plante : hasina (dracoena reflexa lam.) classée parmi les arbres sacrés chez les sakalava.

34
universelle. Une chose sacrée suppose une place hiérarchique. Le sacré suppose une
supériorité en dignité et en pouvoir.

Chez les Sakalava donc, tout tourne autour de Zanahary, ancêtres, rois, princes,
princesses; et tout ce qui touche à ces derniers est considéré comme sacré. Il convient de
mentionner que ce sacré ne dépend pas nécessairement de l’ordre social. L’aspect sacré de
Zanahary dépend d’une relation réciproque entre Lui et les hommes.

Quant au profane, la croyance traditionnelle religieuse n’existe plus quand tout est
réduit au profane. Elle ne provoque plus de système de représentation du sacré. Pour le rite
cérémoniel du tromba, par exemple, on peut distinguer des choses sacrées et des choses
profanes. En d’autres termes, la séparation est nécessaire car l’esprit humain ne supporte pas
la confusion de ces deux mondes.

1.3.2. Le hasina chez JAOVELO-DZAO


Il distingue six acceptions du hasina ou sacré.

1) La première a été tirée de la définition de DAHL O .C .de l’austronésien


comme restitué « gat’in »21, toupie qui signifie le toron d’une corde tordue, action de
rouler ,comme en filant , en tordant des cordes .

2) Le même radical désigne le péricarpe des fruits surtout des citrons, les filaments
des viandes, des bois et des blocs d’un rocher.

3) C’est aussi la plante , une liliacée arbustive à tige souple (Dracoena reflexa
Lam. ) , sur la tige des cicatrices circulaires quand elles deviennent fanées. Le hasina
demeure pour les Sakalava l’arbre sacré par excellence.

4) En pays sakalava de Menabe, le hasina désigne l’ensemble de connaissances


des hommes qui s’arrêté juste devant Zanahary, dieu. Il ne constitue pas sa qualité
intrinsèque et s’oppose à hazary qui se réclame de la toute puissance de la divinité.

5) Dans la communauté merina , le hasina est le gage d’allégeance remis au


souverain dans le temps de la royauté , sous forme généralement d’une piastre d’argent
non couplé. Ce geste symbolique voulait signifier la soumission absolue à sa volonté. C’est
à la fois la reconnaissance de son pouvoir discretionnaire sur son peuple et ses sujets, d’où la
nécessité et l’obligation de le lui offrir.

21
Dahl, 1951, Malgache et Maanjan, Oslo, EI, p.40.

35
6) Hasina, est enfin le sacré, la force spéciale particulière à certains êtres et à
certaines choses, les hasina les rendent efficaces et capables d’actes extraordinaires.22

1.3.2. Le sens du sacré


Le hasina en tant qu’ une force surnaturelle, cherche à entrer en communication avec
des êtres et aux choses par des rites spéciaux à savoir : le jôro ou la demande de bénédiction,
l’invocation du tromba, la confection des amulettes (aody), l’intronisation du roi, l’initiation
de la divination, etc.La sacralité peut perdurer éternellement mais peut aussi s’affaiblir au
cours du temps (surtout pour les amulettes: aody qui ont un délai d’utilisation péremptive
comme dans le cas des médicaments pharmaceutiques). Cet épuisement de force est souvent
provoqué par une transgression des tabous ou fady.

Dans ce cas, il y a obligation de renouveler les amulettes ou charmes (aody) pour les
sacraliser. En un mot, les êtres et les choses sacrées ne sont pas à l’abri de l’évaporation du
hasina car ils peuvent à tout moment, en être privés : lany hasina ou maty hasina dépourvu
de la force surnaturelle. Selon RIVIERE C. «c’est toujours l’homme qui décide de
l’investissement par une puissance qu’il pense supérieure d’un être, d’un animal, d’un objet,
lequel fonctionne comme principe de conjonction du profane et du sacré »23.

Donc, le hasina est un produit de la valorisation et de la survalorisation d’un acte


exogène entretenu par l’homme lui-même. Le sacré n’est-il donc pas la force redoutable de
l’au-delà de notre conscience, de notre pouvoir que notre croyance a inventé pour établir
l’ordre social? Le sens du sacré s’oppose alors à tout champ religieux institutionnalisé ou
moderne si on peut le considérer ainsi, puisqu’il se trouve être au cœur de la traditionalité
religieuse ou de la religiosité traditionnelle.

Masina est le dérivé du radical hasina et désigne le corps du roi défunt dans la
thanatologie sakalava. Il est interdit de dire «corps du défunt», « corps du décédé », « faty »
ou encore «razana» lors de la mort d’un roi. Il faut tout simplement appeler ou nommer ce
dernier de «masina»24 car le roi fait partie des êtres dotés de pouvoir mystérieux, redoutables,
extraordinaires : hasina.

22
JAOVELO-DZAO R. 1996, Mythes, rites et transes à Madagascar, Ambozontany Anatananarivo,
Karthala, Paris, pp. 108 -109.
23
Rivière C. 1995, « Introduction à l’anthropologie », Hachette supérieur, Paris, pp.119.
24
Masina peut aussi être le caractère salé d’une chose chez les Sakalava mais toujours considéré

36
1.3.3. Les variétés du hasina
Souvent confondu avec le fady25ou tabou, car toute chose sacrée est considérée
comme interdite, le hasina a trois variétés : les êtres sacrés, les choses sacrées, les animaux
sacrés.

Il existe donc plusieurs êtres sacrés : Zanahary (le créateur, le chef suprême de tout
univers) ,razana, tromba (les ancêtres protecteurs ainsi que leurs esprits qui se réincarnent
dans des corps vivants pour transmettre des messages) , roi (le souverain au trône), divins ou
devins (le maitre de la divination et souvent guérisseur : mpisikidy), astrologue (le maître des
destins, bienfaiteurs, guérisseur : mpanandro) ,cadavre royal (le corps du roi défunt, il est
interdit de considérer le cadavre royal comme faty ou razana, car il est sacré : masina).

Les animaux sacrés sont ceux que l’on abat lors d’une grande cérémonie rituelle dans
laquelle ils se servent d’un sacrifice. Il y a donc : le zébu (bœuf), (mariage, enterrement, bain
de reliques, jôro, etc.) ; le poulet (poule), (fatidrā, enlèvement des sorts (mosavy ou tolaka),
remède.

Parmi les choses sacrées, on peut citer : les endroits et les arbres sacrés : Lac (lieu de
promesse aux ancêtres), doany (temple royal, tombeau), tamarinier (sacrifice, objet de
divination (graine).

Le hasina est d’une grande et spéciale valeur pour les Sakalava. Il est utilisé dans
toute cérémonie traditionnelle et pratique identitaire pour l’ethnie sakalava. Donc, toutes les
prières, les sollicitations engendrées par le culte des ancêtres sont sacrées pour les Sakalava et
marquent leurs identités culturelles. On peut affirmer que le hasina fait partie intégrante de la
pratique identitaire sakalava et également de celle de toutes les autres ethnies de la Grande
Ile.

Conclusion du chapitre

Pour conclure ce premier chapitre, on peut affirmer que malgré toutes les réserves
qu’on peut faire, l’explication de toutes ces croyances religieuses semble être dans la ligne du
symbolisme. La tradition sakalava est caractérisée par la vénération du Zanahary, le respect
du Razana et est constituée par la crainte de la mort : la sacralité ou le hasina de cette
dernière. Constituant la pierre angulaire du culte de ladite ethnie, le hasina caractérise, le

comme sacré car on ne verse jamais du sel par terre, on donne à ce qui en demande, seulement on
ne l’achète pas ni l’offre pas à quelqu’un à partir du coucher du soleil.
25
Cf.Section 3.2, Le fady, tabou ou interdit, pp.58.

37
hataka (demande de bénédiction), le fanompoa be (bain de relique royale), le jôro (sacrifice),
le tolotro (offrandes), le tromba (rite de possession, de transe).

Les morts peuvent communiquer avec le monde des vivants grâce à la réincarnation
c'est-à-dire la naissance d’un nouveau né qui prend le portrait d’un ancêtre et à la cérémonie
du tromba lorsque l’esprit prête le corps d’un individu pour lui posséder. Du reste, le chapitre
suivant va nous faire une description du tromba, un culte de possession.

CHAP. II.TROMBA
Introduction du chapitre

Cette cérémonie est une pratique magico-religieuse lors de laquelle sont provoqués
un contact et une communication avec les Esprits par l’entremise d’un médium en transe ou
saha26.

Le saha effectue un voyage dans les cieux pendant lequel il procure la guérison ou la
divination en combattant les Dieux ou les Esprits. Il est fondé sur la croyance en la
réincarnation d’un roi, d’une personnalité célèbre ou d’un aïeul dans le corps d’une personne
vivante.

L’esprit s’empare du médium et par son entremise parle, donne des conseils, prend
des décisions, résout les litiges et soigne les malades dans un état de transe totale. Ses
directives sont suivies aveuglément par l’assistance et la cérémonie se termine lorsque l’esprit
quitte le corps de la personne possédée qui s’affaisse à bout de force, de tension et de fatigue.

2.1. Définition et évolution de la pratique du tromba

2.1.1. Origine étymologique


La possession est l’état d’un individu que l’on estime être sous l’emprise d’une force
surnaturelle, laquelle en fait l’instrument de sa volonté, soit dans un but thérapeutique
personnel, soit comme médiation par le possédé d’un message divinatoire pour la société.

On distingue la transe, favorisée par des techniques (tambour, jeûne, etc.)


accompagnée d’automatismes dans une situation de tension psychique, mais sans

26
Le saha est un médium possédé par l’esprit d’un roi défunt, considéré comme une sorte
d’intermédiaire entre les ancêtres royaux et les descendants vivants.

38
envahissement de l’individu par des agents extrahumains, de la possession par un esprit,
n'impliquant pas nécessairement transe, ou seulement au cours de l'exorcisme.

Le tromba vient du mot swahili27 « Djomba » ou « Zimba » qu’on retrouve dans


Zimbabwe qui veut dire Zomba = maison ou refuge, bwe ou boe = pierre, d’où Zimbabwe
signifie refuge en pierre ou tout simplement une grotte.

Ainsi par déformation le « dj » du Djomba est devenu « tr » et qui a donné tromba.28

D’une manière générale, le tromba est un esprit qui vient chercher momentanément
refuge dans le corps d’une personne encore vivante.Et durant cette période, la personne
vivante sera capable d’agir comme le Mpanjaka quand il était encore en vie même si elle n’a
jamais vu ni connu le Mpanjaka. Quand la mort d’un Mpanjaka survient, on dit qu’il est
folaka ou miamboho (car il est interdit de dire que le Mpanjaka est décédé ou mort), c’est-à-
dire qu’il tourne le dos.

Evidemment, le corps d’un roi qui a tourné le dos n’est pas un cadavre normal. On
l’appelle ny masina ou le saint ; on n’enterre pas le saint, mais on le cache (afenina ou
asitrika) tout simplement. Il est à signaler que jusqu’à maintenant, des membres proches de la
famille royale ne mangent pas de la viande de bêtes abattues lors d’un enterrement ou d’un
famadihana. Cette viande est appelée hena ratsy ou mauvaise viande, et elle est réservée au
peuple.

L’âme du roi défunt se transmet à une personne vivante qu’il appréciait de son
vivant. Parfois, une réincarnation de l’esprit de ce Mpanjaka se manifeste juste quelques
heures après sa mort afin de révéler ce qu’il faudra faire pour son inhumation, quels
vêtements il doit porter, quel jour et à quelle heure devra avoir lieu son enterrement, etc.

Cette personne s’appellera désormais le SAHA du tromba. Le saha peut boire un ou


deux litres de rhum. Et quand l’esprit s’en va, il n’est pas du tout saoul et se relève quelques
minutes après le départ de l’esprit.

2.1.2. Nom du tromba


Le nom29 d’un roi ne sera plus prononcé après sa mort, il portera un nouveau nom du
genre : Andria + ……. + arivo. Un mot qui désigne les actes et les gestes qu’il a accomplis

27
Le swahili est la langue principale parlée en Afrique de l’Est (Tanzanie, Kenya, Ouganda, Rwanda
et Burundi).
28
ASSOUMACOU E.B. (2007), Tromba : pratique royale ou populaire d’identification royale chez les
Sakalava de Boeny, Mémoire de DEA en Sociologie, Fac DEGS Université d’Antananarivo.

39
juste avant que la mort ne le surprenne, ou bien durant toute sa vie ; le suffixe arivo signifie
que son peuple est très nombreux.

Les opinions et les attitudes de la royauté à propos du tromba sont, de nos jours, dans
le Boeny, constituées d’éléments de bases principales dont : l’individualisation des rapports
sociaux de production et du syncrétisme religieux qui se traduisent par les mariages entre
famille royale et famille populaire.

Mais est-ce que cela va apporter des bouleversements ? Est-ce que, finalement,
l’individualisme va dissoudre le tissu social établi jusqu’à remettre en question l’identité de la
personne du Sakalava ? La religion traditionnelle doit faire face à un syncrétisme de façade.

L’origine du tromba doit être recherchée en pays Sakalava : la conquête merina s’y
est traduite par un culte aux rois locaux décédés qui étaient censés revenir parmi leur peuple.
La cérémonie est le jeu des relations imaginaires avec le roi. Donc au départ, l’esprit du roi
mort se réincarne dans le corps d’une personne vivante pour indiquer comment doit se
dérouler son enterrement, comment il doit être habillé pour ses funérailles, quel jour il doit
être enterré, à quelle heure et en quel endroit.

Il se réincarne donc dans le corps d’une personne de la famille royale (de sa famille
ou d’une autre famille royale). C’est à ce moment aussi qu’il donne ou prononce son nouveau
nom car il ne portera plus son nom de vivant une fois qu’il a tourné le dos
(mort).Actuellement, c’est une personne du groupe appelé « Ragnibia 30» qui choisit le nom
du roi après sa mort. De son vivant, le roi est souvent en contact avec une personne du groupe
Ragnibia via son choix pour elle comme possédée.

Dans la conception sakalava du tromba, il y a des tromba mâles, des tromba


femelles, des grands tromba ainsi que des petits tromba, des mauvais tromba ou sorciers, et
enfin des bons tromba ou guérisseurs. Il existe aussi des tromba que l’on appelle
« tandrano » ; on les reconnaît à leur façon de s’habiller, et dès leur arrivée ils s’annoncent en
prononçant leur nom.

La famille royale a toujours tendance à penser que le tromba est une propriété royale
car il doit son origine à la réincarnation de l’esprit des rois morts. Pour elle donc, le tromba

29
Les Mpanjaka changent de nom après leur mort pour leur accorder plus d’honneur, car leur mort
les rend beaucoup plus sacrés.
30
Ragnibia : groupe désigné par le roi de son vivant pour le servir et aussi pour s’occuper de ses
funérailles.

40
est quelque chose de sacrée, sainte, propre, qui doit être respecté, vénéré et à qui on peut
demander de l’aide, des bénédictions, la santé et la richesse.

Le tromba est une tradition et une culture royale sakalava, il a sa propre spécificité
par rapport aux autres pratiques dans l’île. Il marque et constitue ainsi l’identité culturelle
sakalava.

On doit toujours respecter les rois pour avoir leur bénédiction car ils sont présumés
avoir un pouvoir imaginaire et des forces symboliques. Le tromba, une pratique magico-
religieuse lors de laquelle sont provoqués un contact et une communication avec les esprits
par l’entremise d’un médium en transe ou Saha est l’illustration parfaite de cette puissance
symbolique.

L’esprit s’empare du médium et par son intermédiaire parle, donne des conseils,
prend des décisions, résout les litiges et soigne les malades dans un état de transe totale. Ses
directives aveuglément par l’assistance et la cérémonie se terminent lorsque l’esprit quitte le
corps de la personne possédée qui s’affaisse à bout de force, de tension et de fatigue.

2.1.3. Evolution de la pratique du tromba


Tableau 5: Consultation du tromba
Groupes sociaux Effectifs Taux de consultation (en%)
Sakalava 103 20,60
Merina 69 13,80
Betsileo 63 12,60
Betsimisaraka 50 10
Antandroy 82 16,40
Tsimihety 96 19,20
Antemoro 15 3
Bara 10 2
Tanala 12 2,40
Source : Résultats de l’enquête – 2008, Mahajanga.

41
Au cours de nos enquêtes à Mahajanga, nous avons eu la possibilité d’interroger plus
de 500 habitants issus de groupes sociaux divers.Une chose que nous avons remarquée durant
les interviews est que la pratique et la consultation des tromba est d’une valeur populaire,
mais non pas uniquement royale.

Nous avons constaté la présence de différents types de groupes sociaux en


provenance des six provinces de Madagascar qui consultent et pratiquent le tromba. Le
résultat de l’enquête montre aussi que les Sakalava restent nombreux dans la pratique par
rapport aux autres ethnies (Cf.Tableau n°05).

Les Sakalava respectent beaucoup les ancêtres et pour eux la pratique du tromba est
une obligation, cela leur dicte le futur de leur vie. C’est aussi dans le but de recevoir la
bénédiction des ancêtres, et en même temps ceci a pour signification le respect du contrat
entre les vivants et les ancêtres qui sont sacrés et qui ont des pouvoirs surnaturels.

Les Merina, les Betsileo, ainsi que les Tsimihety sans oublier les Antandroy,
consultent aussi des tromba et la raison est surtout de vouloir améliorer leurs conditions de vie
matérielles (devenir riches, avoir une famille stable et heureuse. Les Antandroy et les
Tsimihety sont plus nombreux à Mahajanga, et essaient de s’intégrer dans la société
sakalava.Les gens se déplacent à Ambalakida (un village des rois sakalava du clan
Voromahery, un endroit où on prend le miel pour le Fanompoa be) pour consulter des tromba.

Au moment de l’actualisation des rapports sociaux, cette puissance symbolique


impose donc une logique de reproduction dans la société sakalava, et en seconde fonction, la
sacralisation et la continuité de reproduction du pouvoir royal. Les profits vont toujours du
côté des plus forts, c’est-à-dire des rois : c’est pour avoir leurs bénédictions ainsi que leurs
protections.

Leur pouvoir symbolique peut maudire et peut causer une grave maladie ou bien la
mort à ceux qui leur manquent de respect. Les rois continuent toujours à devenir riches ainsi
que leurs descendants tandis que leur peuple reste, de leur côté, serviteurs du maître d’où la
pérennisation et la continuation des rapports de domination entre le roi (maître) et le peuple
(serviteurs).

Cela ne cesse pas jusqu’à nos jours car l’identité culturelle sakalava est basée sur le
royaume et son histoire ainsi que les rapports de parenté qui constituent leur organisation
sociale. Cette puissance symbolique est donc le noyau de la structure sociale ainsi que de la

42
culture sakalava et elle est toujours très forte tant dans la cosmologie que jusqu’à la
thanatologie.

Tableau 6:Evolution de la pratique du tromba au doany Miarinarivo

Années Effectifs

1998 782

1999 793

2000 971

2001 1006

2002 1065

2003 836

2004 854

2005 968

2006 998

2007 1000

2008 1042

2009 1998

Source : Résultat d’enquête, doany à Mahajanga ,2009.

La modernité a stimulé le conflit de pouvoir entre la religion traditionnelle et la


religion moderne. La tradition est laissée de côté et c’est la religion moderne qui occupe la
place la plus importante. Parler de la tradition d’une part et la respecter de l’autre sont
devenus inhabituels. Mais le conflit de pouvoir ne sert pas à grande chose car les gens vont à
l’église pour suivre la religion moderne mais pratiquent et consultent en même temps le
tromba en cachette.

En se basant sur l’aspect phénoménologique du Tromba, la proportion de pratiquants


a augmenté durant la crise politique de 2002 jusqu’à nos jours car lapopulation desesperée se
tourne vers le tromba dans l’espoir de remédier à leurs problèmes quotidiens. Pourtant

43
après une légère regression de 2003 -2007 à cause de la stabilité de la vie économico –
politique, cette proportion s’est nettement accrue de 2008 à nos jours (Cf.Tableau n°06).

Les gens continuent toujours à le pratiquer mais en cachette (dans les données du
tableau n°06 et du graphique récurrent, l’enquête s’étant déroulée durant le mois de février
2007 jusqu’au mois de juillet 2009, certainement le nombre de pratiques dépasserait l’effectif
des autres années), surtout durant ces temps-là. Le Tromba, une pratique qui s’est faite
auparavant d’une manière formelle est devenue actuellement une pratique informelle.

Graphique 1:Evolution de la pratique du tromba au Doany Miarinarivo

2500

1998
2000

1500

Effectifs
1065 1042
1000
1006
971 968 998 1000
793 836 854
782
500

0
1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010

Source : Auteur, enquête (2007-2009).

Nous pouvons dire que le Tromba est une pratique tant royale que populaire. Elle a
une double fonction en l’occurrence, la logique de reproduction sociale, la sacralisation et la
reproduction du pouvoir royal. Tout ceci nous permet déjà d’anticiper sur les prospectives de
la dialectique pratique populaire et identité royale.

44
2.2. Typologie et objets cérémoniels du tromba

2.2.1. Catégorisation des tromba


Dans la catégorisation des tromba chez les Sakalava, on peut en distinguer le tromba
mauvais « tromba ratsy » ou « tromba lolo », et le bon tromba (guérisseur) « tromba tsara »
ou « tromba mpanajary ».

On classe parmi les « tromba ratsy », ceux qui sont adeptes de la sorcellerie et qui
peuvent causer la mort à une personne. Ils ont toujours tendance à créer des problèmes dans la
vie des autres.

Les « tromba mpanajary », sont les tromba guérisseurs, faiseurs de biens. Leur
travail, c’est de donner la richesse, l’enfant (rendre enceinte une femme stérile par le biais de
leur médicament et de leur bénédiction), la réussite dans la vie (étude, travail), etc.

A part ces deux catégories de tromba, il existe encore le « vady tromba ». On parle
de ce dernier lorsque le possédé ou le médium est une femme et que l’esprit ou le tromba en
elle est un homme.Ainsi, le tromba entretient une alliance matrimoniale avec son saha. Le
saha sera donc appelé « vady tromba ».

Tableau 7:Les différents types de tromba

Types Effectifs Proportion (en%)

Tromba be 38 32,75

Tromba madiniky 19,82


23

Tromba vavy 15 12,93

Tromba lahy 25 21,55

Tromba zaza 5 4,31

Tromba tandrano 10 8,62

Source : Résultat d’enquête (février 2009).

45
Le tableau n°07 nous montre les différents types de tromba chez les Sakalava du
Boeny. Les « tromba be » ou les « grands tromba » représentent 32,75% des 116 tromba
enquêtés. Ils sont les plus nombreux, ce sont les grands rois du Boeny et ceux qui
appartiennent à la famille royale.

Viennent ensuite les « tromba lahy », les tromba de sexe masculin qui occupent
21,55% de l’effectif total. Ils sont aussi nombreux car chez les Sakalava, les femmes ne
tiennent pas le pouvoir royal sauf si dans un cas très spécial.

Le « tromba madiniky » ou les petits tromba appelés encore « roturiers», 19,82%


sont des tromba qui ne sont pas de la famille royale, mais leurs proches, leurs serviteurs ainsi
que ceux qui ont été servi comme lit de mort pour le Mpanjaka.

Les « tromba vavy » qui représentent 12,93%, sont des tromba de sexe féminin,
elles s’occupent très souvent de la guérison des enfants malades et aussi de l’établissement de
la recupération d’un partenaire perdu, d'établir le calme et l’ordre dans une famille.

Les « tromba tandrano » sont les tromba qui sont morts noyés lors de la guerre entre
les royaumes à Madagascar.Ils occupent 8,62% des tromba enquêtés, et sont également
réputés être très sévères et guérisseurs.

Et enfin, les « tromba zaza » qui sont en dernière place avec seulement 4,31%, ils ne
sont pas nombreux car ce sont les esprits des enfants qui sont morts avant d’atteindre la
dixième année de leur existence.

2.2.2. Objets cérémoniels du tromba


Il convient d’indiquer que parmi les objets utilisés pour la cérémonie du tromba, il y
a les costumes ou les vêtements qui sont bien rangés dans un endroit spécial dans la maison
car ils sont sacrés.

Mais nous n’allons pas nous étaler sur ces derniers car cela nécessite une analyse
profonde et un long développement et tout simplement, cela a une autre signification et
appartient à un autre domaine.

46
Tableau 8:Les matériels utilisés lors de la cérémonie d’invocation du tromba

Objets Effectifs Taux d’utilisation (en %)

Emboko 94 81,03

Vaka 32 27,58

Barisa 57 49,13

Tany malandy 90 77,58

Ranomanitra 68 58,62

Rano 22 18,96

Kitarafa 22 18,96

Fanjava 23 19,82

Sigara 20 17,24

Fandrama 36 31,03

Source : Résultat d’enquête (février 2008), Mahajanga I.

Le matériel utilisé dans la cérémonie et la pratique du tromba sont très souvent des
objets qui ont des significations sacrées dans les croyances et tranditions sakalava. En
l’occurrence, le fandrama (miel), le barisa (alcool), le sigara (cigarette), l’emboko (encens),
le ranomanitra (eau de toilette et /ou parfum), l’eau, le miroir, les pièces de monnaie, le
kaolin, les perles (Cf.Tableau n°08).

Ces objets sont utilisés pour guérir des personnes malades, pour une demande de
bénédiction. Ils servent aussi à faciliter l’arrivée des tromba, à les sacraliser, etc.

Le respect et la vénération des tromba nécessitent l’utilisation de plusieurs objets, et


ces derniers ont chacun leurs fonctions et leur signification propres.

Sur 116 tromba et cérémonies assistées, on a constaté que 81,03% des tromba
utilisent l’encens. Ce dernier a pour objet de faciliter l’arrivée de l’esprit, raccourcir l’appel,

47
et chasser les mauvais esprits. Mais le plus important c’est que l’encens sert aussi à sacraliser
le tromba. Avant, l’utilisation de l’encens est obligatoire pour tous les tromba, mais à présent,
il peut être toléré car on n’en a besoin que lors d’une cérémonie de demande de bénédiction
ou « hataka ».

Le kaolin ou « tany malandy », (77,58%) est aussi très utilisé ; signifiant pureté et
sainteté de l’esprit, il sert aussi de médicament pour guérir plusieurs maladies. De part sa
vertu thérapeutique , le kaolin sert de remède pour les consultants et /ou patients . Il joue
un rôle d’une boussole car il est employé pour guider l’esprit dans sa direction. En outre, le
kaolin se révèle être d’une utilité politique délimitant ainsi le territoire de l’esprit afin
d’assurer la protection de la personne marquée.

Le ranomanitra ou le parfum et l’eau de toilette (58,62%) servent aussi à purifier et à


sacraliser le tromba.Ce dernier les utilise après avoir guéri une personne, pour chasser les
mauvais esprits afin de se purifier lui-même. Le parfum et l’eau de toilette l’attirent
également de l’endroit où il se trouve lors de la cérémonie d’appel.

Le barisa ou la boisson alcoolique (49,13%) est surtout utilisé par les tromba jeunes
et les esprits de sexe masculin. Il existe beaucoup de tromba qui ne boivent pas de l’alcool. Le
barisa a aussi un caractère sacré qui lui permet d’établir une communication entre le monde
réel et le monde irréel, c’est pourquoi on verse toujours un peu d’alcool dans le coin Nord –
Est réservé aux ancêtres. Dans la pratique du tromba, le barisa n’est plus une boisson
alcoolique mais une boisson sacrée qui va faciliter le voyage de l’esprit depuis le point de
départ jusqu’à l’arrivée.

Le fandrama ou le miel (31,03%) sert de médicament et on l’utilise aussi lors de la


demande de bénédiction et de purification. Il est considéré comme un aliment sacré dans la
croyance sakalava. On le sert en offrande car non seulement il est symbole de la sainteté et
de la propreté mais, il signifie aussi sagesse et politesse et par conséquent, il renforce le lien
entre les vivants et les morts.

Les vaka ou les perles (27,58%) sont nécessaires pour l’accommodation des
amulettes (aody).Existant en plusieurs variétés , plus de centaine, les perles ont chacune ,
des vertus spécifiques . Les unes se différencient des autres selon leurs couleurs et leurs
formes.

48
Citons les exemples de « vaka miary » ou perle droit, debout, qui aide une personne
à se relever d’un problème, elle est de couleur transparente, un centimètre de diamètre et en
forme de bouton.

Le « vaka tsy misaraka » ou perle inséparable, comme deux boules colées, cette
perle est en verre transparente et prend la forme cylindrique. Elle a pour objet d’éviter la
séparation.

Le « vaka be maneky » ou perle acceptée donne à son propriétaire le pouvoir de


toute domination, toujours en forme cylindrique et multicolore (bleu, rouge, blanc et orange
parfois), elle est percée au centre afin de faciliter la confection des amulettes.

Le « vaka tsy leon-doza » ou perle impalpable est une perle que le malheur ne peut
atteindre. Elle est de couleur rouge et présentée sous forme d’une boule.

Le « vaka tsy leon –drivotra » ou perle inébranlable est en forme cylindrique, de


couleur rouge teintée en trois points blancs.

Enfin, le « vaka fanarim-bita » ou perle régulatrice de vintana (destin ou sort) de


couleur jaune est présentée sous forme d’une boule à quatre tons ou dents des deux côtés.

Le fanjava ou la pièce de monnaie (19,82%) est utilisée lorsqu’il y a un vol, une


sorcellerie, le tromba l’utilise pour trouver le coupable. Donc, le miroir et la pièce de monnaie
ont une fonction divinatoire31 qui permet au tromba de faire un diagnostic pour savoir ce qu’il
faut faire. Dans le cadre rituel du tromba, la pièce de monnaie indique la totalité du pouvoir
du devin ainsi que sa force sociale et psychanalytique. Si employée dans le sikidy, elle
symbolise l’acte de jugement.

Le kitarafa ou le miroir (18,96%) est un instrument magique qui aide à éloigner


les esprits maléfiques. Les Sakalava ont l’habitude de peindre leur miroir de kaolin ou de le
couvrir de lambaoany ou paréo pour éviter tout type de sorts.

Le rano ou l’eau (18,96%) symbolise la fécondité dans la croyance sakalava.


Considérée comme source de vie elle est dotée du hasina ou sacralité dont la fonction est
de purifier et de tonifier .Il est évident que l’eau est une matière sacrée dans l’invocation du

31
Cf. Chapitre III: Divination, astrologie et sorcellerie.

49
tromba mais cette sacralité tient une autre forme « un peu familière » dans la vie
quotidienne chez les Sakalava.32

Le sigara ou la cigarette (17,24%) justifie l’habitude de l’esprit de son vivant. Mais


le plus important est la fumée qui élimine les esprits sorciers et sert de guide qui illumine le
chemin de tromba jusqu’à la personne qui a demandé à lui parler.

2.2.3. Discours cérémoniel et appel du tromba


Le discours cérémoniel du tromba commence à l’appel de l’esprit jusqu’à son
arrivée. L’appel se fait par un chant ou une récitation ; cela dépend de l’esprit à appeler.
L’appel est composé de plusieurs manifestations : de gémissements, tremblements.

La récitation ou « hataka » se fait comme suit :

Ao ianareo Zanahary sy ny Razana ; Ô Dieux et ancêtres, nous voici nous sommes


izahay zanakareo indreto ; mangataka vos enfants ; nous vous prions ; nous vous
aminareo ; mikaiky anareo ; miavia appelons ; venez lentement ; venez sans
moramora ; ka aza manday heloka ; colère ; salut, salut maîtres.
koezy, koezy, tompoko ô.

Le chant est accompagné de claquements des mains et de battements de tambours,


l’accordéon et la valihaou marovanyfacilite l’arrivée de l’esprit. Ce chant est appelé
« kolondohy »33.

Le plus souvent, l’esprit répond à l’appel de ses gens ; le chant s’arrête. C’est
l’incarnation de l’esprit qui parle à la bouche du possédé. Il s’habille selon le sexe de l’esprit.
Ainsi le possédé change de visage et de paroles suivant l’ethnie de l’esprit. C’est là qu’on lui
offre les boissons qu’il aime, ses cigarettes, etc.Le possédé révèle le personnage réel de
l’esprit, explique ce qu’il aime, et ce qui lui met en colère, etc.

Le dialogue est direct dans la plupart des cas, mais il y a toujours des cas où un
intermédiaire est appelé pour servir d’interprète car l’esprit ne parle pas souvent dans la
langue de la personne qui l’appelle. Cette soumission est appelée : lamalamaqui n’est autre

32
Il est jugé comme interdit et /ou tabou de ne pas accepter d’offrir de l’eau à celui qui en
demande car cela peut engendrer malheur.
33
Chant traditionnel chanté lors des veillées funèbres et pour rassembler les gens car les sakalava
ont passé le tiers de leurs vie à un conflit de pouvoirs : guerrier, cela change selon le rythme comme
dans la formation musicale militaire, donc, il y des consignes à passer et chaque membre de groupe
doit s’y connaitre.

50
que l’acte de se soumettre, contrairement au ringiringy : signification du respect envers
l’esprit qui va venir.

D’où l’existence de l’ordre hiérarchique entre mort et vivant, esprit et homme,


maitre et serviteur. Il y a toujours un problème lorsque l’on appelle un esprit ou pour lui
remercier après une bonne nouvelle ou peut être à cause d’une promesse d’offrande.

Miavia moramora dadilahy Venez doucement grand –père ;

Aza manday heloko Venez sans colère ;

Manelo bitiky reo Ces enfants sont malades.

Le tromba est salué longuement :

Tonga soa tompoko ô ! Bienvenu, merci d’être venu, maître

Nanao akory ny dia ? Comment s’est passé le voyage ?

Kabarinao bakany ; Quelles nouvelles vous nous apportez ?

Nakôry ireo jiaby any Comment vont votre famille et vos amis ?

Avant de répondre, le tromba examine d’abord les gens, les dons apportés, touche les
assiettes qu’on lui présente, compte l’argent offert, goûte et boit le contenu des bouteilles avec
des grimaces, de dégoût. Il mine un air très sévère et coléreux, car il est toujours insatisfait, il
donne des ordres accompagnés d’insultes, qui devront être obéis immédiatement.

Le discours cérémoniel est à tout moment constitué de menaces, d’ordres et


d’insultes. La réponse est souvent la supplication et le rajout de dons, tout en lui promettant
de nouveaux vêtements, de nouvelles assiettes, encore de l’argent et un accueil plus
chaleureux au prochain appel.

Ainsi, l’esprit annonce à l’assistance qu’il veut bien rester en leur présence et en
celui de l’individu à qui il veut s’adresser ou passer un message. Le discours cérémoniel
change selon le tromba mis le rapport de domination est toujours présent, et le degré de
domination dépend du comportement et de l’humeur de l’esprit.

Donc, il n’y a pas de rituel précis. Le discours est basé sur une preuve de respect sans
limite envers le tromba à partir de son appel jusqu’à son départ.

51
On a vu à travers ce discours cérémoniel, la sacralisation du tromba ainsi que sa
vénération par ses serviteurs pour avoir sa bénédiction. Cela nous incite à voir l’essence des
bénédictions royales.

2.3. Fady : tabous ou interdits


Tabou, du polynésien tapu, désigne un interdit sacralisé en même temps que la
qualité de ce qui est frappé de prohibition parce que consacré ou parce que impur. Sa
transgression est sensée entraîner une calamité, une infortune, ou une souillure.

Souvent, il est établi par des personnes d’autorité après interprétation d’expériences
fâcheuses, de rêves, de visions ou de mythes. Il a pour fonction de protéger la valeur de
certains biens et d’êtres fragiles, tout en soumettant l’individu à la loi du groupe.34

Toute la croyance des Sakalava tourne autour du fady qui provoque, par exemple, la
stérilité, la pauvreté, la maladie, etc. comme les conséquences de sa transgression.

2.3.1. Essai de définition


FREUD35 considère le tabou comme une contrainte limitatrice du désir, réglée par loi
du père, et donne comme exemple l’évitement de la belle-mère.

Pour LEVI-STRAUSS36, le tabou entrerait dans des jeux d’opposition logique


marquant la différence et l’ordre des valeurs.

Selon DURKHEIM37 qui précise que les rites sont des règles de conduites qui
prescrivent comment l’homme doit se comporter avec les choses interdites, il existe deux
rites : rites négatifs qui consistent en tabous (tabou alimentaire) et les rites positifs qui
prescrivent des comportements (sacrifice).

Il nous est impossible de faire un long exposé sur les tabous malgaches, car cela
exigerait un développement plus important mais il est à conseiller de consulter le livre de
VAN GENNEP A. « Tabou et Totémisme à Madagascar » pour en savoir plus.38Nous nous
contenterons de mentionner seulement les tabous qui peuvent être regroupés en trois
catégories :

- le tabou qui repose sur le « serment des ancêtres » ;


34
RIVIERE C.1995, Introduction à l’anthropologie, Hachette Supérieur, Paris, p.119.
35
cf. FREUD S. (1913), Totem et Tabou, Payot, Paris.
36
cf. LEVI-STRAUSS (1949), L’Efficacité symbolique, in Revue d’Histoire des Religions.
37
DURKHEIM E., Les formes élémentaires de la vie religieuses, 1912, PUF, Coll. Quadrige, 1985,
Paris.
38
Cf.VAN GENNEP A., (1904), Tabous et Totémisme à Madagascar, Paris, Edition Ernest Leroux.

52
- le tabou par l’usage ;
- le tabou qui a une relation avec les charmes.

- Le tabou qui repose sur le « serment des ancêtres ». Autrefois, lorsqu’ un clan
se réunissait pour faire un serment quelconque, le doyen posait ses mains sur les épaules du
deuxième en âge, et ainsi de suite jusqu’au plus jeune de l’assemblée ; tous juraient alors que
ce qu’ils s’étaient promis de s’interdire de faire, serait tabou dans le clan ;

- Un usage qui, au cours du temps est devenu tabou. Ici, il est difficile de
distinguer entre « fomba » (usage) et « fady » (tabou). Agir à l’encontre de ce qui est d’usage,
déshonore ; pécher en bravant un tabou, entraîne toujours un châtiment ;

- Le tabou qui a une relation avec les « ody » (charmesou amulletes). A chaque
charme sont attachées plusieurs choses qui sont tabous. Les Malgaches ont un nombre élevé
de tabous. Et ils prennent au sérieux le respect des tabous. Pécher contre un tabou est puni par
une maladie, un accident corporel dont la gravité dépend de la gravité du péché accompli, et
même la mort. Un péché à l’encontre d’un tabou rattaché à un charme, enlève à ce dernier le
pouvoir de protéger celui qui le détient ou l’adore.

Ces trois catégories de tabous nous permettent de faire appel à A. COMTE, le père
du positivisme. Il propose d’instituer un nouvel ordre social fondé, non sur des croyances
d’ordre théologique, mais sur les acquis de la philosophie positive. Selon COMTE, le
positivisme peut être appréhendé à partir de deux règles élémentaires : « observer les faits à
l’écart de tout jugement de valeur et énoncer des lois », et c’est le cas de ces tabous
(interdits).

Le caractère fondamental de la philosophie positive est de regarder tous les


phénomènes comme assujettis à des lois naturelles invariables, dont la découverte précise et la
réduction au moindre nombre possible sont les buts de tous nos efforts, en considérant comme
absolument inaccessible et vide de sens la recherche de ce qu’on appelle les causes soit
premières, soit finales.39

Les changements survenus dans les coutumes ont fait que les jeunes se posent des
questions sur la valeur des fady en révélant une défaillance dans les idées vis-à-vis de certains
fady dont le respect et l’obéissance présentent des inconvénients indéniables.
39
Cf. COMTE A. (1830), Ière Edition, (1842) Nouv. Edition, «Cours de philosophie positive », Tome I.

53
En outre l’éducation moderne exerce une grande influence dans le nouvel état d’âme
des jeunes. L’opinion actuelle pense que les ancêtres n’auraient plus créé de fady, mais que ce
seraient seulement les anciens (gardiens de la tradition) et les interprètes des us et coutumes
ancestraux qui peuvent dispenser de l’observation des fady décidée par les ancêtres.

Le fady est l’interdiction magique et religieuse appliquée aux personnes, aux lieux,
aux choses, aux temps. Pour les Malgaches, les morts participent à la vie divine, ils sont les
protecteurs naturels de leurs propres descendants.

Pour mieux comprendre, il est intéressant d’approfondir l’idée du fomba : violer un


fomba est un déshonneur pour celui qui n’a pas suivi la tradition lorsque la violation d’un fady
exige une sanction, une peine ou punition.

2.3.2. Variétés des fady


Tabou appliqué aux personnes

La prohibition de l’inceste ou antambo dans le dialecte sakalava est l’exemple précis


du tabou appliqué aux personnes. C’est l’interdiction sociale de relation sexuelle entre deux
personnes de sexe différent à cause d’une liaison de parenté étroite. Le rapport sexuel entre
parents biologiques et enfants, entre frères et sœurs, est donc jugé tabou et interdit. Le
filongoa40 chez les Sakalava a pour rôle d’assurer la continuité de la vie qui impose à la fois
aux groupes unité et dispersion.

Selon LEVI-STRAUSS41, dans sa conception de la parenté, le tabou de l’inceste a


pour but d’étendre les relations sociales ainsi que d’empêcher l’éclatement des conflits au sein
de la famille. Il qualifie la prohibition de l’inceste de positif car elle instaure la nécessité
d’échanger.

Selon MANGALAZA R.E.42, c’est l’une des qualités essentielles propre à l’homme
qui consiste à renoncer aux femmes de son lignage pour élargir le cercle de ses relations
sociales, en réservant aux autres les femmes de son groupe lignager.

Tabou appliqué aux lieux

40
Fihavanana dans la langue malgache officielle, il est l’équivalent de fraternité.
41
Idem.
42
MANGALAZA E.R., 1998, « Vie et mort chez les Betsimisaraka », Essai d’anthropologie
philosophique, L’Harmattan, Paris, p.36.

54
Les tabous appliqués aux lieux sont souvent liés au doany, lac sacré et grotte .Nous
prendrons l’exemple de doany ici car il a beaucoup d’importance pour les Sakalava.

Etant fady ou tabou, les secrets de doany ne doivent jamais être révélés en n’importe
quelles circonstances même aux pouvoirs et /ou autorités pouvoirs publics. Il est interdit de
s’asseoir en pointant les pieds vers le doany.

Certains tromba interdisent leur saha d’entrer à l’église car c’est la source de leur
conflit avec les Merina (les tromba antandrano).Par contre, d’autres le font car leurs ancêtres
étaient chrétiens (cas des tromba betsimisaraka).Mais il en existe d’autres qui autorisent
l’entrée à la mosquée (cas des tromba bemazava).

Tabous appliqués aux choses et aux temps

Souvent, sont effectués des charmes auxquels sont attachés des tabous : pécher
envers un tabou d’un charme cause une maladie et enlève à celui-ci le pouvoir de protéger la
personne qui le possède ou l’adore. Cette croyance est utilisée par exemple, par les bandits,
qui, lorsqu’ils veulent attaquer un village ou une propriété, introduisent des charmes qui
poussent les villageois à violer leurs tabous, perdant ainsi par la suite leur pouvoir de
protection.

Les amulettes sont mises dans des morceaux de bambous cachés sur le mur de
l’enceinte ou enterrés devant les portes. La même ruse est utilisée dans un combat amenant
l’ennemi à violer les tabous de guerre en lui faisant perdre tout pouvoir ou force. Les charmes
du tabou deviennent efficaces lorsque par l’entremise d’une petite corde on attache à la
poignée ou au biceps des perles magiques, des morceaux de bois sacré, des écorces d’arbre et
une bague rituelle en argent.

Le choix des jours favorables obtenu en lisant l’horoscope par la divination ou le


sikidy recouvre une énorme importance et chaque événement signifiant de la vie d’un
Malgache est conditionné par ce choix. Ainsi, toute la vie est réglée par les fady, les rêves, le
fanandroana qui varient suivant la tribu et le clan.

Les enterrements, les retournements des morts ou les bains de reliques ne devraient
pas être faits un jour néfaste. Beaucoup de gens croient que si l’on néglige de suivre l’ordre
du mpanandro les ancêtres seraient déshonorés. Les désobéissants seraient poursuivis par leur
colère. Pauvreté, maladies ou autres malheurs, mort prématurée seraient les châtiments

55
inévitables pour ceux qui commettent une offense pareille. La superstition joue un rôle
important.

On n’ouvre pas, généralement, un tombeau ou un doany un jeudi43 à cause de la peur


du sens du nom de ce jour. Jeudi se dit en malgache alakamisy. Les deux dernières syllabes
« misy » signifie – il y a. Au futur, misy devient hisy, c’est-à-dire, - il y aura. L’ouverture d’un
tombeau le jour d’alakamisy présage alors, qu’ « il y aura » d’autres personnes qui suivront
(au tombeau).

En ce qui concerne le mardi, il n’y a pas d’explication exacte sauf, si on interprète le


dicton populaire disant « Talata gorobaka » qui veut dire – littéralement, mardi éventré.
Talata (mardi) indique l’idée d’une porte ouverte, donc toute chose accomplie ce jour risque
de se répéter plusieurs fois. Ainsi, on évite d’ouvrir le tombeau et le doany un mardi par
crainte de répéter souvent l’acte. Ce jour a une nature astrologique maléfique : c’est le jour
des soucis et des difficultés, des guerres et des jours noirs.

Seulement pour quelques uns de ces fady (tabous), on peut demander au tromba
concerné, au devin ou divin et aux razana de donner une autorisation pour ne pas les
respecter. Cela peut se faire mais, moyennant de l’argent ou autre chose telles qu’un zébu, un
mouton, une poule de couleur unie (blanche ou noire), etc.

Quoiqu’il en soit, ces fady ne peuvent pas tous être achetés ou autorisés.Chaque
tromba a un ou deux jours néfastes propres à lui. Il y a aussi les interdits imposés par les
ancêtres ainsi que ceux qui sont en correspondance avec l’astrologie et que doivent respecter
les devins. D’une manière générale, c’est le jour où il est tombé malade ou est décédé.

Par conséquent, on ne les appelle pas ces jours-là et même si on insiste à les appeler,
ils ne viennent pas. Cette période néfaste commence la veille même du jour néfaste en
question à partir de 16 heures et se termine au coucher du soleil.

Par exemple, si le jour néfaste est le jeudi, le tromba ne vient pas à partir du mercredi
à 16 heures jusqu’à jeudi au crépuscule. Il arrive même que les saha ne sont pas autorisés à
faire des achats, de sortir de l’argent durant cette période néfaste. S’ils sont obligés de le faire,
ils laissent d’avance l’argent nécessaire à cet effet dans une autre maison qui n’est pas la leur.

43
Les doany sont des temples, des lieux sacrés liés au royaume chez les sakalava et les merina ;
c’est le domaine de quelques rois ou reines, mais aussi parfois des tombeaux de plusieurs ancêtres
royaux.

56
Tableau 9:Les variétés des interdits

Interdits (tabous) Effectifs Proportion (en %)

Jours 03 6,38

Aliments 20 42,55

Endroits 14 29,78

Vêtements 10 21,27

Source : Résultat de l’enquête (février 2009).

Le tableau n°09 nous montre que le taux le plus élevé est celui des tabous
alimentaires car ils prennent souvent les aliments comme cause de la mort .Les aliments qui
ont causé la mort aux rois sont tabous pour son saha et ses descendants.

- Interdits alimentaires

Les plus importants sont les fady alimentaires car très souvent, ils ont été à l’ origine
de la mort du roi, ou encore ce sont ces aliments qui ont permis sa guérison lors d’une maladie
grave, par conséquent, la transgression des tabous alimentaires est à éviter car cela suppose
des sanctions et punitions inimaginables.

- Interdits vestimentaires

Les fady vestimentaires viennent après et occupent les 33% de la proportion totale.
Ce sont les vêtements que le roi a porté avant que la mort lui surprenne, et aussi les vêtements
qui lui ont porté malheur (par exemple, défaite lors d’une guerre, perte du pouvoir, etc.).

-Interdits journaliers

Et enfin, les jours fady de consultation ou d’invocation, ils sont moins importants car
on peut demander au tromba de supprimer l’un d’entre eux, sauf le jour où le tromba est
tombé malade, ou le jour de sa mort.

57
2.3..3. Synthèses et domination à travers le fady

La mort, purificatrice de toutes les fautes commises sur terre, ramène tout le monde
directement à Zanahary (Dieu)44, et on dit de celui qui est mort qu’il est lasa-razana, c’est-à-
dire qu’il est devenu ancêtre. Le fady est créé par les ancêtres pour éloigner les descendants
d’un mal ou pour perpétuer le souvenir d’un bénéfice. La transgression d’un fady est jugée
comme une faute devant les ancêtres et non devant Dieu. Ainsi la rémission de la faute est
demandée au représentant le plus qualifié des ancêtres.

Quand il est question de la notion malgache du péché, de la culpabilité des actes et


des châtiments qui doivent s’en suivre, il ne faut pas oublier leurs fady ou tabous.

Les changements survenus dans les coutumes ont fait que les jeunes se posent des
questions sur la valeur des fady en révélant une défaillance dans les idées vis-à-vis de certains
fady dont le respect et l’obéissance présentent des inconvénients indéniables.Le non respect
de ces fady peut entraîner la mort, la maladie, la folie chez les saha même s’ils ont oublié ou
si quelqu’un d’autre les ont fait à leur place. Ils subissent directement la punition avant l’autre
personne.

A ce moment-là, il faut faire immédiatement un « hataka » (demande de pardon)


avant que le pire n’arrive chez l’individu ou bien même ses proches. En d’autres termes, il
faut faire appel à un tromba qui est une personne vivante envahie par un esprit et qui agit
selon les volontés de ce dernier.

45
WEBER M. distingue le pouvoir de la domination .Le pouvoir (la puissance),
signifie toute chance de faire triompher au sein d’une relation sociale sa propre volonté
même contre des résistances. La domination signifie la chance de trouver des personnes
déterminables prêtes à obéir à un ordre de contenu déterminé. Toutes les dominations
cherchent à éveiller et à entretenir la croyance en leur légitimité. Donc, tout rapport de
domination comporte un minimum de volonté d’obéir, par conséquent un intérêt à obéir.

44
Il s’agit ici du Dieu des chrétiens et des musulmans qui sont au-dessus de tout le monde ainsi que
des razana, et non d’un dieu quelconque.
45
WEBER M., « Le savant et le politique », Plon, Trad.fr., 1963 (1919 Ière Ed.) Paris.

58
WEBER M. distingue trois types de dominations :

-la domination traditionnelle : fonde sa légitimité sur la croyance quotidienne en la sainteté


des traditions (toute chose fady ou interdite est sacrée) ;

-la domination charismatique : repose sur la soumission au caractère sacré , à la vertu


héroïque ou à la valeur exemplaire d’une personne(le tabou dans la divination et la
sorcellerie) ;

-la domination légale rationnelle : repose sur la croyance en la légalité des règlements arrêtés
et du droit de donner des directives qu’ont ceux qui sont appelés à exercer la domination (fady
dans la pratique du tromba).Ces trois types de domination sont présents dans le fady et
surtout en ce qui concerne la vie quotidienne et la croyance des Sakalava.

Conclusion du chapitre

Dans ce deuxième chapitre, on a pu constater que le tromba étant une


communication imaginaire avec le monde surnaturel, par le biais des quatre éléments de la vie
(eau : fécondité, terre : création, feu : assistance, air : souffle), fait foi de la présence de la vie
après la mort ou de l’au –delà. En un mot, le tromba témoigne à la fois la continuité et la
pérennité.

Le tromba est une pratique tant royale que populaire. Il a un double fonction, en
l’occurrence, la logique de reproduction sociale, la sacralisation et reproduction du pouvoir
royal. Le fady est lié à la catégorie de l’impur et joue un rôle de régulation permettant
d’écarter ce qui menace la condition sociale. Le tabou en tant que règle surdétermine tout art
de divination, tout acte de sorcellerie et toute manifestation du tromba.

Le tromba est une pratique de statut anti et altermondialiste card’une part, il voit une
autre forme de colonisation à travers la mondialisation et d’autre part, il se méfie du
phénomène d’acculturation véhiculée par l’interculturalité.

Il favorise l’interaction entre le monde magico-religieux et le monde divin. Tout ceci


nous permet déjà d’anticiper sur la notion de la divination : sikidy, astrologie : fanaraham-
bitana ou fanandroana, sans oublier la sorcellerie : mosavy.

59
CHAP III. DIVINATION, ASTROLOGIE ET SORCELLERIE
Introduction du chapitre

On s’accorde à croire que le sikidy, le fanaraham-bita, et le mosavy rélèvent d’un


même domaine, il s’est avéré que dans les pratiques, des grandes différences ont été
remarquées. Si les deux premiers sont qualifiés de générateur de bien, le dernier quant à lui
est réputé de destructeur.

Ces trois pratiques orchestrent les activités quotidiènnes des Malgaches.


Miraculeusement, nous nous sommes aperçus qu’hormis les analyses qui relèvent des
sciences nomothétiques, les explications sont du domaine des sciences exactes telles que
l’arithmétique et la géométrie.

3.1. Le sikidy

3-1-1- Considérations générales


JAOVELODZAO46 affirme que depuis 1617, Luis Mariano, dans ses
correspondances, parlait déjà de la réputation du sikidy sur la côte ouest de Madagascar.
Etienne de Flacourt, en 1660, dans son ouvrage «Histoire de la grande Isle de Madagascar »,
faisait état de la technique et des termes spécialisés en la matière.

GRANDIDIER, auteur de nombreux ouvrages sur l’Île Rouge, affirmait que le tiers
des Malgaches savait exercer l’art divinatoire par graines. A ces observateurs précurseurs ont
succédé des missionnaires, tels que Dahl, Vig, Callet, Rusillon qui ont réalisé un début
d’étude sur le sikidy des Hautes-Terres malgaches, tandis qu’au Nord-Ouest de Madagascar,
Dandouau entreprit le même travail.

La vie dans la campagne sakalava est profondément conditionnée par les esprits, et
par leurs représentants terrestres, les sorciers (les moasy) qui utilisent des intermédiaires
végétaux afin de pouvoir communiquer avec eux. Les Sakalava ont beaucoup de respect pour
les grands arbres parce qu’ils pensent qu’en offrant de l’ombre, ils sont dotés naturellement de
vertus protectrices.

46
JAOVELO-DZAO R., 1996, « Mythes, rites et transes à Madagascar », Karthala, Ambozontany,
Paris, Madagascar, p. 273.

60
Certains, presque toujours loin des autres, sont l’objet d’une vénération particulière
puisque, ils sont considérés comme la demeure des esprits ; ils acquièrent une considérable
importance sacrée jusqu’à être utilisés comme autel sur lequel des offrandes sont déposées.

Dans la campagne sakalava, le tamarin (madiro ou kily) est vénéré en tant qu’arbre
sacré.Le rôle de médiateur entre l’homme et le monde surnaturel est valorisé dans toutes les
régions sakalava par l’emploi du sikidy ou la divination par les graines ou les cartes. Cette
pratique est réputée pouvoir répondre à toutes les questions et résoudre tous les problèmes,
notamment, ceux concernant les maladies qui seront soignées, ensuite par le respect des fady
(tabous et interdits).

Le mot « sikidy » trouve son origine dans la langue arabe, « chickel » qui signifie
figure, du fait que la divination est faite par l’interprétation des figures créées par disposition
des graines jetées sur une natte, lesquelles graines sont réparties en trois principales variétés :

- fano (piptadenia chrysostack);

- tsiafakomby (coesalphina separia);

- madiro ou kily (tamarindus indica).

Le futur sage est admis à la consultation et à la divination seulement après un long


stage d’apprentissage (on parle de 20 à 30 ans) et lorsque ses cheveux deviennent blancs.
Avant l’admission à la consultation des graines chez un devin guérisseur, il faut se renseigner
sur les fady existants sur la maison et sur les lieux de la consultation pour mieux les observer.

Lors d’une consultation, après échange de politesse, le sage prend une position
tournée vers l’Est, le point cardinal le plus favorable, place devant lui une pierre bleue claire
appelée « vatomahita », c’est-à-dire pierre qui voit, et pose des graines de madiro ou kily sur
une petite natte.

Ces préparatifs terminés, il commence alors à les déplacer en prononçant des


formules, des incantations aptes à réveiller les divinités et esprits.Ces incantations terminées,
le mpisikidy révèle aux esprits le motif de la consultation indiquée par le requérant qu’il soit
sakalava ou non. Il lance alors les graines sur la natte, les remue, les soulève plusieurs fois
avec quatre doigts.

61
Après avoir proposé aux divinités les questions du requérant, le mpisikidy ou le
moasy prend les graines, en lance une poignée sur la natte et commence à les ranger suivant
différentes méthodes de sikidy choisies ; avec la main gauche, il forme quatre tas, et de
chaque tas, il enlève les graines deux à deux suivant les règles du chickisme jusqu’à former
16 colonnes dont chacune a un nom bien spécifique.

A la fin de l’interprétation, le mpisikidy lance pour une dernière fois les graines pour
demander l’accord des divinités.

3.1.2. Orientation des figures


L’orientation des figures a pour fondement les quatre points cardinaux.
L’interprétation de ces colonnes donnera la réponse aux demandes formulées par le requérant.

Figure 1:Figures du sikidy

oooo oooo ooo oooooo


ooo ooooo oooo ooooo
oooo oooo ooo oooooo

1 2 3 4
1er tirage
oo oo oo oo
5 6 7 8
2ème tirage
oo oo oo oo
9 10 11 12
3ème tirage
oo oo oo oo
13 14 15 16
4ème tirage
oo oo oo oo

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo oo

Source : Auteur, enquête 2009.

62
Si la requête du demandeur concerne la richesse et les enfants, l’oracle se basera sur
la consultation et l’interprétation des cases 2 et 5.

Si la requête concerne une maladie ou un événement malheureux, la case 8 sera


consultée.

Pour un voyage, ce sera la case 14.

Ces figures, dans la tribu, si nous pouvons nous exprimer ainsi, Sakalava présentent
la différence confirmant son identité, la forme de sa divination, et aussi l’origine arabe de
cette même divination.

Selon le nombre et la disposition des graines, chacune des colonnes ci-dessus a un


nom spécial et une signification particulière qui sont les suivants.

Le tableau ordinaire du sikidy est présenté par 16 figures. Chacune des axes présente
des intérêts vitaux de l’existence du consultant.

1- TALE, la première figure représente le consultant, l’intéressé, le requérant,


l’interrogeant ou le malade. Tale vient de l’arabe « talah » qui signifie montrer. Cette
première case réservée au Tale correspond au destin de l’ascendant si l’on se réfère à
l’astrologie lunaire.

2- MALY ou MADY, la deuxième figure représente les richesses, les zébus.


D’origine arabe : « el-mal », maly qui signifie le bien, la fortune et la richesse.

3- FAHATELO, la troisième ou la tierce personne, considérée comme frère du


consultant, représente les parents et dès fois le sujet de la divination lui-même.

4- BILADY, la quatrième case, représente le foyer, le domicile, et le pays, ainsi


que la terre. Trouvant son origine dans l’Arabe « bil’ad », il signifie pays.

5- FIANAHA (fianahana) ou FIENAHA, le cinquième casier, correspond à la


descendance aux enfants ainsi qu’à la jeunesse.

6- ABILY, de l’arabe « abid » qui veut dire esclaves, le sixième casier, représente
les esclaves. Il est à noter que le mot vidy ou vily est le dérivé d’abid signifiant achat.

7- BETSIMISAY ou ALISAY ou BETSILISAY, la septième figure représente la


femme légitime ou l’épouse.Betsimisay ou betsilisay est la composition des deux mots arabes

63
« baity » ou « beity » : maison et « al-nisaa » : épouse. Donc betsilisay ou épouse de maison
indique la femme à la maison (vady an-trano, vady be), la première femme dans
l’anthropologie de la parenté c’est-à-dire, celle qui vit avec soi à la maison, évidement,
différente de la petite et seconde femme (vady kely ou vady masay) dans le deuxième cas de
la polygamie : polygynie.

8- FAHAVALO, la huitième figure, représente les ennemis, le sorcier et la


maladie (parfois la mort).

9- FAHASIVY, le neuvième casier, représente les aïeux donc relié aux esprits
protecteurs, esprits des morts.

10- OMBIASA, OMASINA, la dixième case, indique le devin guérisseur. Tiré de


l’arabe «minshan » qui veut dire le bienfaisant, le généreux, le verbe est « éashan » : faire le
bien. On l’entend souvent dans l’expression arabe « Incha Allah » qui signifie si Dieu le veut
ou si Dieu fait le bien, en dialecte sakalava, « kojalia ndranahary».

11- HAJA ou hanja, de l’arabe « ainch » ou « einch », signifiant nourriture, la


onzième case représente ce qu’on mange. Quand les Sakalava disent « Avia ihaja » cela
signifie venez manger.

12- HAKY, le douzième casier représente le créateur. D’origine arabe « hakim »,


et d’où haky, l’un des noms de Dieu indique le « juge suprême » ou tout simplement le droit.

13- SORONTA, SOLONTANY, la treizième figure du sikidy, correspond aux


chefs et aux anciens, aux sages du village. Il est dérivé de l’arabe « solthan » qui signifie
« sultan ».

14- SALY ou SAILY ou SELY, la quatorzième figure de l’art divinatoire


correspond aux voyages. Il vient du verbe arabe « safar » qui veut dire voyager.

15- SAFARA ou LALANA, constitue la quinzième figure qui trouve son origine
dans le nom arabe « safara » qui signifie route, chemin et voyage. Elle représente le chemin.

16- AKIBA, la dernière figure est le dérivé de l’arabe « el-kuouba » ou « kân’ba »


qui signifie maison. D’ou « kân’ba » : l’édifice cubique au centre de la grande Mosquée de la
Mecque, vers lequel les musulmans se tournent pour prier lors du pèlerinage. Dans sa paroi
est scellée la pierre noire, apportée par Ibrahim ou Abraham par l’ange Jibril ou Gabriel, selon

64
le Coran : le livre saint. Cette dernière figure de sikidy représente donc la maison et ses
habitants ainsi que l’économie ou l’épargne que l’on y cache.

3.1.3. Différentes formes de sikidy


Dans l’art divinatoire sakalava, il existe plusieurs variétés de sikidy : le sikidy
kitarafa à l’aide d’un miroir, le sikidy alagna qui s’effectue avec du sable, le sikidyfano ou
sikidy voan-kazo qui emploie des graines et enfin le sikidy karata qui se fait par le tirage des
cartes. Ces deux dernières formes de sikidy sont les plus utilisées et s’opposent car la première
forme et l’ancienne : le sikidy par graine est un héritage oriental tandis que la deuxième et le
nouveau : le sikidy par carte est d’origine occidentale.

 Le sikidy be ou sikidy fano appelé aussi sikidy voan-kazo est la divination qui
consiste en l’utilisation des graines de fano (piptadenia chrysostack). Il se réalise par une
création d’une figure en rectangle à l’aide des graines en leur donnant une forme juxtaposée.

Toujours groupées par trois, les graines ont pour objectifs de former les quatre
angles qui représentent les quatre points cardinaux. A l’Ouest se trouvent alokola, alikisy et
alakarabo mais les deux destins alakaosy et alohotsy les accompagnent après le coucher de
soleil c'est-à-dire à partir de 18h. A l’Est se dirigent adabaray,alitsimay ainsi qu’alahamora,
ilssont renforcés par alakaosy et alohotsy au levé jusqu’à la monté du soleil donc à partir de
4h du matin jusqu’à 10h de la journée. Au Nord se fixent alimizà, alibiavo, karija et adalo et
ils sont complétés par alakaosy et alohotsy dès 14h jusqu’à 18h.Enfin, vers le Sud s’orientent
tareky, asombola, alahasady et betsivongo qui sont suivis par alakaosy et alohotsy entre 12h
à 14h.

Le divin débute la divination par des excuses pour le dérangement des esprits.
Ensuite il sort les graines dans un petit sac de couleur blanche (unie) et les étendre sur une
natte spéciale pour l’art divinatoire. Elle mesure 1m de longueur et 50 cm de large. Le divin
dépose le vatomahita un morceau de cristal (pierre qui voit) pour réveiller le sikidy. Le
consultant doit payer Ar 200 comme droit à la divination. Ainsi, il met en état le
fonctionnement, l’incantation. Toute la scène se déroule au coin nord-est de la demeure de
divin qui tourne vers l’est et remue à plusieurs fois les graines et continue de murmurer et de
plaidoyer pour appeler les divinités.

65
Après cette longue invocation, le divin procède à l’aménagement des graines et
présente enfin la figure et le résultat obtenu. Il range les graines et les reprend ; il forme
quatre tas sur la natte. Il enlève les graines de chaque tas deux par deux jusqu’à ce qu’il n’en
reste qu’ une ou deux graines. Le divin recommence les mêmes gestes et opérations pour
obtenir une deuxième colonne verticale qu’il dispose à gauche de la première et continue pour
avoir la troisième et enfin la quatrième colonne. Ce sont ces quatre colonnes fondamentales
qui font naître les autres.

Les quatre colonnes sont nommées respectivement de droite à gauche 47 : tale (1),
maly (2), fahatelo (3), bilady (4).

A l’extrême gauche, en suivant horizontalement ces 4 colonnes, on obtient une autre


à quatre cases verticales qui sont respectivement appelées fianaha (5), abily (6), alisay (7),
fahavalo (8). Les autres lignes et colonnes (9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,16) seront ensuite
formées par les graines restantes.

Tableau 10:Dika sikidy ou fono sikidy


Fianaha (5) BILADY FAHATELO MALY TALE
Abily (6) (4) (3) (2) (1)
Alisay (7) Terre Parents Fortune Chef
Fahavalo (8)
SORONTA SAILY SAFARY AKIBA
(13) (14) (15) (16)
Sage Ancêtre Chemin Maison
FAHASIVY MOASY HAJA HAKY
(9) (10) (11) (12)
Charmes Devin /Divin Nourriture Juge /Dieu
Source : Auteur, enquête, 2008-2009.

Chaque opération et figure du sikidy s’effectue de droite à gauche comme dans l’écriture arabe ce
47

qui justifie l’origine orientale de cette art divinatoire.

66
Ainsi le divin trie des graines d’un angle et commence à effectuer la divination
ou la recherche. La signification et l’interprétation dépendent du résultat ou de la figure
obtenue. Le divin interprète alors les figures et donne au consultant les réponses qu’il cherche.

 Le sikidy karata est l’art divinatoire qui se réalise par un tirage des cartes. Elle
consiste à lire par les cartes afin d’élucider les problèmes difficiles à résoudre tout simplement
les énigmes de la vie. Si la totalité des cartes en général est au nombre de 52, le sikidy n’en
utilise que 32. Les cartes inférieures à 7 c’est à dire 2, 3, 4, 5 et 6 ne sont d’aucune nécessité
ni utilité dans l’art divinatoire.

Chaque carte à partir de 7 a donc une signification spécifique selon la couleur et la


forme. Le tableau qui suit va nous donner plus de clarté sur l’interprétation de ces cartes.

Tableau 11:Les significations des figures sur les cartes du sikidy

N° des cartes Trèfle Coeur Pique Carreau


7 Larme et/ou Cœur d’une Esprtit d’un Cœur d’un
souffrance femme mort homme
8 Chagrin et/ou Amour et Charmes (aody) Empêchement
sorcellerie passion
9 Maladie et/ou Discours et Mauvaise Retard et
mort disputes nouvelle obstacle
10 Argent, femme Joie et bonheur Obscurité et Chemin et
enceinte problème avenir
Dame Femme à teint Femme à teint Femme à teint Ancêtre et/ou
clair blanche noir possession
Valet Jeune homme à Jeune homme Jeune homme Jeune tromba
teint clair blanc noir male
Roi Homme âgé à Homme blanc Homme noir âgé Zanahary be /
teint clair âgé de 50 et + de 50 et + Grand tromba
As Enfant et/ou Maison et /ou Honneur et Mauvaise
famille foyer respect nouvelle
Soucre : Auteur, enquête, 2008-2009.

Il convient de noter que certaines cartes correspondent aux sept jours de la semaine
et ceci est en grande collaboration avec l’interpretation du sikidy.

67
-Le lundi correspond à 10 de cœur qui signifie joie et bonheur ;

-Le mardi correspond à 9 de pique qui apporte les mauvaises nouvelles ;

-Le mercredi lié à 10 de pique est synonyme de problème et de l’obscurité :

-Le jeudi attaché à l’as de carreau engendre aussi des mauvaise nouvelles ;

-Le vendredi correspondant à l’as de pique est le jour de la visite pleine de respect et
d’honneur ;

-Le samedi associé à l’as de trèfle est réservé aux enfants et à la famille ;

-Et le dimanche est en collaboration avec l’as de cœur qui indique la maison et le foyer.

Le mardi et le jeudi qui sont des jours tabous pour les Sakalava engendrent toujours
des mauvaises nouvelles et c’est la raison pour laquelle on ne doit pas pratiquer le sikidy ces
deux jours. Ces derniers sont dangereux, n’apportent que du malheur tant au requérant qu’au
devin.

3.2. Le Fanaraham-bintana ou fanandroana

3.2.1. Considérations générales

L’astrologue ou le mpanadro signifie littéralement celui qui fait le jour. C’est


l’individu qui a la connaissance et la maîtrise des jours et des destins. Le mpanandro opère
cette astrologie par le respect de la nouvelle lune et la fin de l’ancienne.

Dans ce fanandroana , à part la division des douze mois lunaires ,il y a les divers
destins qui sont au nombre de 28,les destins fastes(tsara) ,les destins forts(mahery), les
destins mauvais (ratsy).Donc, l’astrologie a pour but d’indiquer et de fixer les jours
favorables pour chaque cérémonie ou évènement.

Appelé encore « fanaraham-bintana » (l’art de suivre les astres) en dialecte


sakalava, l’astrologie ou le fanandroana joue le rôle de modificateur et de réparateur des
destins néfastes en destins favorables et quelque fois de réduire la puissance des destins
dangereux et forts. Le fanandroana est l’un des éléments d’astrologie malgache et sakalava.
C’est la science des mpanandro qui sont, en quelque sorte, les prêtres.

68
Par ailleurs, les habitants de la région Boeny ont l’habitude d’aller consulter
l’astrologue : le mpanara-bintana ou le mpanandro pour déterminer les jours favorables et
fastes pour réaliser, organiser ou débuter un événement dans leur vie telle que la circoncision,
la première coupe de cheveux pour un bébé, un mariage, la construction d’une maison, les
achats et ventes de marchandises, l’ouverture et la fermeture des tombeaux lors d’un
enterrement, etc.

La plupart des mpanandro ne révèlent pas tout le secret du fanandroana. Leurs


réponses reposent toujours sur l’héritage des ancêtres lorsqu’on leur demande l’origine et le
pourquoi de leur savoir.

Les mpanandro n’ont pas la faculté d’interpréter les règles, ils sont tout juste les
dépositaires de ces interprétations anciennes.

Le fanandroana trouve son origine dans la civilisation et la culture arabe car les
mpanandro se servent du calendrier lunaire pour exercer leur science par le biais des éléments
principaux du système du fanandroana qui sont présents dans les douze mois lunaires arabes.

3.2.2. Les douze mois lunaires


Les douze mois lunaires concordent chacun aux douze mois islamiques ainsi qu’aux
douze moischrétiens dans le calendrier grégorien qui appartient à l’année solaire dont les
douze mois sont immobiles contrairement aux calendriers arabe ,islamique, et malgache
suivant l’année lunaire et qui sont mobiles.

Il est à noter que dans un mois, il y a 29 à 30 jours, cela varie et donne au maximum
360 et au minimum 354 jours. Ainsi on a 6 mois de 29 jours ou de 30 jours ce qui fait qu’il
y a un décalage de 10 jours chaque année en avance, cela ne cesse de décaler d’année en
année et dès fois la fin de ramadan(l’aidil fitri ) coïncide avec le nouvel an du calendrier
grégorien , ce qui correspond aussi à la tradition malagasy : l’alahamady be qui se déroule
aussi le premier jour après la fin du ramadan.

Ces douze mois sont projetés sur la surface terrestre plus précisément le pourtour des
quatre murs de la maison qui constitue le plan de référence des douze mois en question.

69
Figure 2:Représentation des destins correspondant aux douze mois lunaires
10 11 12 1

9 2

8 3

7 6 5 4
1-Alahamady;

2-Adaoro;

3-Adizaoza;

4-Asorontany;

5-Alahasaty;

6-Asombola;

7-Adimizana;

8-Alakarabo;

9-Alakaosy;

10-Adijady;

11-Adalo.

12-Alohotsy.

Source : Auteur, enquête, 2008- 2009

70
Nom malgache Nom arabe Signes du zodiaque Nom islamique Nom grégorien

1 Alahamady El-hamal Bélier Moharam Janvier

2 Adaoro El-thour Taureau Safar Févrrier

3 Adizaoza El-djouza Gémeaux Rabil’awal Mars

4 Asorontany Es-saratan Cancer Rabil’khani Avril

5 Alahasaty El-assad Lion Jamadil’awal Mais

6 Asombola Es-sounboul Vierge Jamadil’khani Juin

7 Adimizana El-mizan Balance Rajab Juillet

8 Alakarabo El-agrab Scorpion Schaaban Août

9 Alakaosy El-qoûs Sagittaire Ramadan Septembre

10 Adijady El-djadi Capricorne Shawalzul’kand Octobre

11 Adalo Ed-dalou Verseau Shawalzul’ciad Novembre

Poissons Zoul hadj’ Décembre


12 Alohotsy El-hoûts

Source : Auteur, enquête 2008-2009.

Chaque mois représente une caractéristique qui le différencie des autres.

1. Alahamady : est un destin faste, une période favorable, correspond au destin du grand
roi .Etant un destin mère ou majeur, il n’a pas besoin d’être réparé mais il faut quand
même faire attention à la bouche d’alahamady (1er décan) qui est dangereuse ;
2. Adaoro : période favorable mais toujours recherchée par la foudre. Cette période
peut parfois entraîner une incendie ;
3. Adizaoza : est un destin assez favorable, il est ni bon ni mauvais ;
4. Asorontany : un destin mère et très puissant, il est lié à la mort et à la période faste
pour la construction des tombeaux ;
5. Alahasaty : un destin du sorcier, un destin noir et défavorable. Ce destin nécessite
une réparation et une modification ;
6. Asombola : un destin favorable, il recherche toujours la richesse et la fortune.Il
entraîne une dépense folle mais apporte beaucoup de gain ;

71
7. Adimizana : est un destin mère, il est placé à la porte de la maison où entre et sort le
bonheur et le malheur ;
8. Alakarabo : est un destin fécond, placé à l’Ouest de la demeure auprès de la porte
d’entrée, il fait partie des destins mineurs. Les plantations faites durant cette
période seront chargées de fruits ;
9. Alakaosy : un destin très puissant et propice aux actes des rois quels qu’ils soient. Les
enfants du peuple nés pendant cette période des rois, des princes et des aristocrates
seront éliminer de leurs existences ;
10. Adijady : appartient généralement aux quatre destins mères, il est puissant et indique
l’emplacement de la fenêtre de la maison (cf. Figure 04).Sa période est faste et
favorable au mariage, à la construction et à l’inauguration d’une maison. Chaque
chose effectuée cette période est durable ;
11. Adalo : est un destin toujours en larme et malheureux. Il est placé à l’Ouest du pilier
Nord de la maison ;
12. Alahotsy : destin instable, peu stable. Il est placé à l’Est du pilier Nord de la demeure
et correspond, durant l’époque royale, au jour interdit.

Il existe 4 destins mère qui sont : alahamady, asorontany, adimizana et adijady. Ces
destins majeurs s’opposent deux à deux (alahamady se contrarie avec adimizana et
asorontany à adijady) et se divisent en 3 jours astrologiques (vava, bouche, vonto : enflur,
vody : queue). Nous les expliquons largement dans la sous section qui va suivre (les 28
destins).

Les destins mineurs sont au nombre de 8 et eux aussi se contrarient deux à deux.
Adaoro s’oppose à alakarabo, adizaoza à alakaosy, alahasaty à adalo, et enfin asombola à
alohotsy. Ils se divisent en deux jours seulement : le vava (bouche) et le vody (fin). A chaque
fois qu’on compte 07, on obtient deux destins opposés. La figure ci-dessous nous donnera
plus de clarté.

72
Figure 3:Les destins qui se blessent.

Adolo Alohotsy

11
11 12
Adijady 10 1 Alahamady

Alakaosy 9 2 Adaoro

Alakarabo 8 3 Adizaoza

Adimizana 7 4 Asorontany
6 5

Asombola Alahasaty

: Destins mères
SOURCE : Auteur, enquête à Majunga, 2009
: Destins mineurs

73
D’après cette figure l’astrologie utilise la géométrie et l’arithmétique car on obtient
4 triangles rectangles pour les destins principaux (mères) qui se blessent et 8 autres triangles
rectangles pour les destins secondaires.

Il y a donc :

Le triangle n°1: 1 – 4 – 7; Alahamady-Asorontany-Adimizana;

Le triangle n°2: 4 – 7 – 10; Asorontany-Adimizana-Adijady;

Le triangle n°3: 7 – 10 – 1; Adimizana -Adijady-Alahamady;

Le triangle n°4: 10 – 1 – 4; Adijady-Alahamady -Asorontany;

Il est à signaler que les chiffres formant les 6 triangles correspondent respectivement
à chacun des 12 mois lunaires. Les deux angles complémentaires des triangles rectangles
c'est-à-dire les angles 30° et 60° (1 et 7) correspondent à deux destins qui s’opposent.

Les destins ont chacun leur opposé mais il faut également remarquer leur
compatibilité. Chaque fois qu’on compte 8, on obtient les destins compatibles et
complémentaires.

Ils sont donc :

1) Alahamady : asombola, alakarabo ;

2) Adaoro : alakaosy, adimizana ;

3) Adizaoza : alakarabo, adijady ;

4) Asorontany : alakaosy, adalo ;

5) Alahasaty : adijady, alohotsy ;

6) Asombola : alahamady, adalo ;

7) Adimizana : adaoro, alohotsy ;

8) Alakarabo : alahamady, adizaoza ;

9) Alakaosy : asorontany, adaoro ;

74
10) Adijady : adizaoza, alahasaty ;

11) Adalo : asorontany, asombola ;

12) Alohotsy : alahasaty, adimizana.

Les destins correspondant aux chiffres pairs sont compatibles à deux destins
correspondant aux chiffres impairs et vice-versa.

La bouche du destin est toujours néfaste, le milieu est mitigé et à la fois favorable.
Les jours les plus puissants sont : la bouche d’alahamady, la bouche d’Asorontany, la bouche
d’Adimizana, la bouche d’Adijady et la bouche d’Alakaosy. Ce sont tous des destins majeurs
excepté la bouche d’alakaosy qui appartient aux destins mineurs mais réputé être le plus fort,
puissant et dangereux de tous.

Les quatre destins mère se situent dans les quatre coins de la maison : alahamady se
trouve au coin Nord-est réservé à la vénération et l’adoration des ancêtres ; on y conserve des
charmes (aody). Asorontany est au Sud-est, ensuite Adijady au Nord-Ouest et enfin au Sud-
ouest est placé Adimizana. Les 10 destins mineurs sont placés à chaque côté de la maison, qui
porte deux destins, à savoir :

- Côté Nord : adalo et alohotsy ;

- Côté Sud : alahasaty et asombola ;

- Côté Ouest : alakarabo et alakaosy ;

- Côté Est : adaoro et adizaoza.

A l’instar de ces quatre coins de la maison, les quatre éléments fondamentaux de la


vie (Terre, Eau, Feu, Air) entrent également en jeu. Ces quatre éléments individualisés sont
distingués en deux catégories dans le système astrologique Sakalava: deux destins mâles et
deux destins femelles.

Les trois destins alahamady, alahasaty, alakaosy appliqués au feu et adimizana,


adizaoza et adalo correspondent au vent (air), donc ces 6 destins sont des destins mâles.

Les 6 destins femelles sont : adaoro, asombola et adijady qui sont associés à la terre
et viennent enfin ceux qui sont liés à l’eau : asorontany, alakarabo et alohotsy.

75
Selon les mpanara-bintana sakalava (astrologue) les destins du même sexe sont
favorables mais ceux de sexe différent sont néfastes en général. C’est dans ce deuxième cas
que l’astrologue joue son rôle de modificateur et de réparateurs des destins. Les destins de
sexe différent peuvent se relier sous la condition que l’on arrive à éviter chaque discordance
entre les deux ce qui est rarement le cas car on a souvent tendance à l’oublier.

3.2.3. Les 28 destins malgaches


Les destins des Malgaches sont au nombre de 2848. Chaque mois avec ses 28 destins,
est une lunaison : espace de temps qui s’écoule entre deux nouvelles lunes consécutives.

Les noms des douze mois se trouvent déjà cités plus haut. Quatre de ces mois, à
savoir, Alahamady, Asorontany, Adimizana, et Adijady, ont chacun 3 destins.

Il est à signaler que le mot destin est ici utilisé comme l’équivalent du « vintana » en
malgache.

Ils sont placés, avec leurs destins, dans les quatre coins de la case.

Alahamady, qui est placé au coin Nord-Est49 et les autres, à la suite, aux autres coins.
Les huit (8) mois restant, qui ne comprennent chacun que 2 destins, sont placés sur les murs, 2
sur chaque mur (cf. figure 02).

Dans certaines régions où l’on construit des cases en bois, la charpente est faite de28
poteaux, un poteau pour chaque destin. Dans chaque coin sont placés 3 poteaux et quatre sur
chaque côté. On a ainsi son almanach et son livre de destins à l’intérieur de la case, toujours
bien en vue. La figure suivante montre comment sont placés ces 28 destins faisant le tour de
la case.

48
Le mois lunaire compte entre 29 et 30 jours mais à chaque mois, les mpanandro retranchent 1 ou 2
jours.
49
Coin de l’adoration des ancêtres, où sont conservées les idoles de la maison.

76
Figure 4:Dispositif des quatre grandes divisions astrologiques lunaires sur les faces de la
maison

ADIJADY X XI NORD XII I ALAHAMADY


Adalo Pilier Alohotsy

Fenêtre
Alakaosy

Adaoro
IX II

OUEST EST
Pilier central

Foyer
Alakarabo

Adizaoza
VIII III

Porte d’entrée

Pilier
Asombola Alahasaty
ADIMIZANA VII VI SUD V IV ASORONTANY

SOURCE : Auteur, enquête ,2008-2009.

77
Figure 5:Les 28 destins

Postérieur

Postérieur
Bouche

Bouche
Postérieur 24 25 26 27 28 1 Bouche

ALAHAMADY
Enflure 23 ADALO ALOHOTSY 2 Dépression
ADIJADY

Bouche 22 3 Fin

Postérieur 21 4 Corne
ALAKAOSY

ADAORO
Bouche 20 5 Postérieur
ALAKARABO

Postérieur 19 6 Feuille
ADIZAOZA

Bouche 18 7 Fertilité

Postérieur 17 8 Bouche
ASORONTANY
ADIMIZANA

Elévation 16 ASOMBOLA 9 Assemblage


ALAHASATY

Bouche 15 14 13 12 11 10 Secouement
Postérieur

Postérieur
Bouche

Bouche

SOURCE : Auteur, enquête 2008.

Chacun de ces douze mois lunaires correspond à un vintana, par exemple le mois alahamady
correspond au destin alahamady. Donc chaque mois comportant un vintana est divisé à son

78
tour en jours astrologiques, dont chacun correspond à un tonon’andro particulier, qui est en
quelque sorte un dérivé du vintana. Les jours astrologiques ou tonon’andro sont aussi projetés
sur le pourtour de la maison.

D’après la figure 2, les quatre coins de la maison sont censés véhiculer les quatre
destins-mères, appelés aussi reny vintana [alahamady, asorontany, adimizana, adijady]. La
terminologie que l’on utilise pour distinguer les 3 jours astrologiques dans chaque destin-mère
est la suivante :

- vava… signifiant début de …

- vonto … signifiant milieu de …

- vody … signifiant fin de…

Exemple : -vava alahamady veut dire début d’alahamady, 1er jour

-vontoalahamady veut dire milieu d’alahamady, 2ème jour

-vodyalahamady veut dire fin d’alahamady, 3ème jour.

Pour les quatre coins, on a donc quatre fois trois jours, ce qui fait 12 tonon’andro.
Les huit autres sont appelés destins-enfants ou zana-bintana, et ils ne comportent chacun que
2 tonon’andro ou 2 jours astrologiques qui correspondent respectivement au début et à la fin
en se référant à l’explication précédente.

Exemple : vava alakaosy : début d’alakaosy, 1er jour.

vody alakaosy : fin d’alakaosy, 2ème jour.

En général, les destins qui comportent chacun deux ou trois jours astrologiques sont
véhiculés d’une force spécifiques à chaque journée (tonon’andro). Le début du destin est plus
fort que sa fin.Exemples d’explication de destin :

- Le destin-mère alahamady qui s’étale sur 3 jours est considéré comme le plus
fort et le plus important des destins.

- Le destin-mère asorontany50 est aussi très fort, mais dans le sens

50
Asorontany est le signe de la mort et du tombeau ; on pose la première pierre de la tombe au milieu
ème
de asorontany (2 jour ou vonto asorontany). C’est le coin Sud-est et un jour faste pour les travaux

79
d’exceptionnel, il peut être dangereux. Le destin adijady est incompatible avec le destin
asorontany d’après les mpanandro. Ces deux destins se blessent : la pleine lune survient
autour du 13ème et du 14ème jour pour le mois adijady, or le 15ème jour est déjà asorontany. La
pleine lune du mois adijady est donc interprétée dans le fanandroana comme étant due au
destin asorontany (d’où leur incompatibilité).

- Les trois grands rois de l’Imerina (Ralambo, Andriamasinavalona,


Andrianampoinimerina) étaient nés un jour de vava alahamady. Dans notre tablec’est le coin
Nord-est, coin des ancêtres, mais aussi le destin de royauté, jour de la cérémonie du bain royal
avant le changement sous la reine Ranavalona III.

- Alakaosy est le destin le plus dangereux et le plus puissant. On redoutait (et on


le redoute encore jusqu’à présent !) un enfant né sous le signe ou destin alakaosy dans
l’ancien temps ; car un enfant né sous ce signe est considéré comme capable de gestes
anormaux sans être associal ou fou. Les jours astrologiques déterminent l’avenir des hommes
qui les portent.

- Le vava adalo est un destin néfaste pour le retournement des morts, par contre
le vody adalo en est un très bon. Adalo est un destin trop léger comme Alohotsy qui est le plus
léger, et encore plus léger que les autres destins réputés légers.

- Le vody adalo est un jour faste pour le retournement des morts, mais seulement
pendant l’après-midi à partir de 13 heures. Et le vava alohotsy est au contraire faste pendant la
matinée.

Le choix d’un jour faste pour organiser un famadihana est conseillé par le
mpanandro aux familles organisatrices ; ce jour doit correspondre aux quatre destins
suivants : asorontany, adizaoza, alahamady, alohotsy.

3.3. La sorcellerie
Les sages qui interprètent le sikidy sont appelés « mpisikidy », et le mpanadro ou
astrologue sont réputés bienfaisants, par contre les sorciers ou mpamosavy ne font que jeter
des mauvais sorts et des maléfices. Ces derniers sont tant redoutés comme porteurs de
chagrins et de malheurs.

de construction d’une tombe en respectant toujours la règle d’incompatibilité des destins. Pendant le
famadihana le coin Sud-est doit être laissé vide par crainte de la mort que le puissant asorontany est
capable de provoquer.Pour en savoir plus, voir RAJAOSON F. (1969), Contributuion à l’étude du
famadihana sur les Hauts –Plateaux de Madagascar .Thèse de IIIème Cycle, Sorbonne, Paris.

80
3.3.1. Précision sur le moasy
Avant de parler de la sorcellerie et du sorcier, permettez-nous de faire une précision
sur le guérisseur ou moasy appelé encore « masy » ou « mpimasy ».

Spécialiste de plusieurs maladies, le moasy occupe la fonction de guérisseur et porte


souvent le nom de divin car la guérison est liée étroitement à la divination ou sikidy et c’est
aussi parce qu’il en connait beaucoup de choses. Le moasy devient donc le maître des aody51
car il les fabrique et les sacralise afin d’offrir le résultat souhaité aux consultants : la guérison.

Le moasy ou masy est le dérivé du radical hasina, souvent utilisé dans le dialecte
sakalava et parfois employé comme prénom d’un enfant. Il désigne le divin guérisseur,
trouvant ainsi son origine dans le mot swahili « mwasi » qui signifie désobéissant.

Le moasy peut donc être considéré comme le rebelle de zanahary (dans ce sens) pour
certains individus, mais étant guérisseur, il est l’auteur des bonnes choses et prend le statut de
l’adversaire de mpamosavy ou sorcier : jeteur des sorts.

Si l’aody constitue l’objet de la guérison, contrairement à cela, le sort né de la


sorcellerie. L’aody sert à guérir mais nous tenons à insister sur le fait qu’il a un delai
péremptoire et devient dangereux.

A ce moment-là, le aody peut changer de fonction et est encore plus redoutable,


surtout quand la date du non renouvellement est dépassée et que cela correspond aux 14 jours
après la pleine lune. C’est pourquoi il est si fréquent dans la société de trouver des femmes
devenant sorcières à force de jouer avec et de garder un aody pour que son partenaire ne
l’abandonne pas.

3.3.2. Sorcier : être maléfique


La sorcellerie en tant que pouvoir et/ou force de détruire, de nuire aux autres par un
acte maléfique, se différencie de l’envoûtement conçu par le jeteur de sorts, car ce dernier use
des éléments matériels.

Si l’on se réfère à la conception Evans-pritchardienne52, la sorcellerie n’est qu’un


produit d’une substance génétique hérité du parent du même sexe et que personne ne connait

51
Il n’existe pas vraiment de vocabulaire approprié pour traduire le mot dans la langue de Molière,
mais certains auteurs l’ont selon leurs disciplines traduit en : amulettes, médications, idoles, fétiches,
talismans, charmes, etc.
52
EVANS-PRITCHARD. E. E., «Les Nuers. Anthropologie sociale », Ière édition, Oxford, (1940), trad.

81
si elle a la substance en elle ou pas. Cette conception justifie la sorcellerie transmise par la
grand-mère à la petite fille ou par le grand-père à son petit-fils.

La sorcellerie se traduit parfois comme le résultat et la conséquence d’un acte


conflictuel au milieu d’une société. Elle est classée parmi les activités maléfiques et provoque
la mort, la faillite, la maladie, la stérilité, la folie, la pauvreté, etc.

Sur le plan sociologique, la sorcellerie entretient la peur et la force pernicieuse au


sein de la société mais paradoxalement, elle maintient l’ordre social. Elle peut donc être
qualifié de séduisante car la société est soulagée d’avoir identifié le mal et de pouvoir y
apporter remède.

Cet aspect sociologique de la sorcellerie illustre bien le proverbe malgache « aleo


mifanena amin’ny mpamosavy toy izay mifanena amin’ny mpangalatra » : mieux vaut
rencontrer un sorcier que croiser un voleur ».

Sur le plan psychologique, elle exerce un rôle anxiogène permettant de détourner


l’inimitié vers un chemin du péril. La sorcellerie est donc un acte terroriste auquel le sorcier
subjugue et donne la mort à un individu en marchant sur son ombre et en dansant sur les
tombeaux la nuit.

3.3.3. La différence entre moasy (guérisseur) et mpamosavy (sorcier)

La sorcellerie contrairement à la guérison, le sorcier à l’instar du guérisseur qui est le


bienfaiteur, prend le statut de malfaiteur, d’hypocrite en employant les aody ratsy ou charmes
dangereux.

La divination, l’astrologie et la sorcellerie sont rangées dans le genre de


communication instrumental car elles visent intentionnellement et expressément un but,
cherchent à produire un effet sur le récepteur. Donc, capable de se modifier pour s’adapter au
récepteur et atteindre par-là leurs objectifs : la guérison et la nuisance.

Il faut un canal pour qu’il y ait communication. Donc, il n’y a pas de transmission de
message possible sans réseau53 de communication qui est ici remplacé par le sikidy,
fanandroana et le mosavy.

français, Gallimard. (1968), (1969), Payot, Paris.


53
Un ensemble de canaux de transmission reliés les uns aux autres et qui constituent les voies par
lesquelles doit passer nécéssairement la communication. On distingue 4 types de réseau de

82
Le réseau de communication est de type en étoile ou en Y. Etant un réseau centralisé,
il a pour but de centraliser les messages au point de vue de réception (l’irréel) mais également
au point de vue d’émission (le réel).

Conclusion du chapitre

L’astrologie , la divination et la sorcellerie sont étroitement liées par les tabous et les
interdits qu’elles imposent aussi bien dans leur pratique que dans ce qu’elles peuvent
conseiller. Les traditionalistes sakalava, suivent méticuleusement ce qui est ordonné par les
mpanandro, les mpisikidy et les autres vieux sages de leur village.

Mpanandro (astrologue), mpisikidy (devin ou divin)54 et mpamosavy (sorcier), sont


tous en interaction avec les esprits et le surnaturel mais la différence c’est que les deux
premiers communiquent avec les bons esprits et le dernier est relié aux mauvais esprits.

La divination, l’astrologie et la sorcellerie consistent donc à rassembler le monde


d’ici-bas et le monde d’au delà.Leur efficacité repose sur l’obsolescence des aody
(charmes) et le respect des fady (interdits, tabous).

communication : les réseaux de communication en étoile ou en y, en chaîne, en cercle, en ciruit.


54
Les deux mots ont chacun leur signification dans le français courant mais dans cet ouvrage, nous
les utiliseront pour designer le maître de la divination. Donc, il n’y a aucune différence entre devin et
divin.

83
Conclusion de la partie

La thanatologie et les cultes identitaires sont la base de l’identité culturelle


sakalava, ils constituent le noyau du pouvoir royal et permettent la sacralisation de ce
pouvoir vis-à-vis des peuples. L’indépendance ainsi que les religions modernes (l’Islam et le
Christianisme) ont volé une partie de ce pouvoir. Tenant le statut d’anti moderniste, la
royauté lutte pour pouvoir perpétuer car à cause de la modernité, elle va perdre une grande
partie de son identité alors qu’une société sans culture et sans histoire ne vaut pas la peine
d’en être une et ne pourra jamais se développer.

Les Sakalava ne veulent pas d’une culture occidentale, ils veulent respecter leurs
ancêtres et garder leurs traditions. Ils ont grandi dans ces pratiques et pensent donc avoir
une dette envers leurs ancêtres : c’est de les respecter et les obéir pour avoir leurs
bénédictions, c’est comme si ils ont signé un contrat avec les ancêtres.

La colonisation les a tenu à l’écart et a fait en sorte que le pouvoir traditionnel est
devenu un témoin ou plus précisément un titre vaniteux. Ce n’est plus un pouvoir réel ou un
plein pouvoir. Ils ne peuvent plus contrôler leurs enfants quant à la transmission des savoirs
et des sciences traditionnelles, avant c’était facile parce qu’il n’y avait pas d’autres
religions ni d’autres pouvoirs.

L’analyse de la relation entre le fady et les vivants à l’égard de la divinité dans les
croyances traditionnelles (le tromba, le sikidy, le fanandroana et le mosavy), utilise les
apports psychanalytiques qui nous permettent de comprendre pourquoi ce tabou se pérennise
et pourquoi il ne peut se résumer à « une superstition ».

A présent, la modernité qui a apporté des changements, est presque devenue le seul
maître à bord alors que pour les Sakalava, c’est la tradition qui devrait l’être. La deuxième
partie qui suit va nous exposer les pratiques identitaires , en rappelant l’existence des
différentes pratiques identitaires malgaches et en montrant la spécificité des rites funéraires
populaires et royaux chez les Sakalava de Boeny .

84
Photo n° 1

Le Mpanjaka Be Dezy accompagné de son fils Anjara à droite et un policier de clan


Bemihisatra à gauche, son garde du corps entrant au Zomba pour une scéance de
reconnaissance avant le rituel. Doany Miarinarivo en 2006.

Photo n° 2

Le cortège rentrantdans le village éscorté par six gaillards en torse nue. Mitsinjo en 2007.

85
Photo n° 3

Les quatre Bemanangy, responsables respectives des quatre reliques d’Andriamisara


Efadahy Manankasina ramenant les offrandes déstinées à chacun d’eux. Photo prise lors de
notre descente sur terrain en 2008.

Photo n° 4

Les Sambarivo jouant le rôle d’éclaireur, suivis par la délegation de la famille


royale et des autorités locales revenant du fleuve Mahavavy Sud après le bain de reliques.

Source : Auteur, terrain à Bezavo en Août 2008.

86
Photo n° 5

Un saha de Ndranikehindraza en pleine possession, un esprit qui a comme interdits


principaux la banane et le canard sauvage. Il se présente toujours avec ce chapeau
d’Istamboul avec la cavité oculaire droite entourée de kaolin. Photo prise par l’auteur à
Mahajanga en 2008.

Photo n° 6

Prince Tefindrazana et grand médium d’Andriamandisoarivo, roi fondateur du


royaume de Boeny. Doany Miarinarivo, en 2006.

87
Photo n° 7

Assiette cérémonielle du tromba ; toujours en porcelaine et de couleur blanche,


servant à conserver les pièces de monnaie et le kaolin.

Source : Auteur, terrain, 2008.

Photo n° 8

Le zébu sacrifié avant le tampoky ou bain de relique ; le sacrifice se fait au


misandratra andro : entre 9h et 10 h du côté Nord du Zomba Be dans le valamena.Le
premier zébu à sacrifier doit être un mazava loha, ayant une couleur blanche sur le front, la
tête ou la gorge et parfois aussi la queue.

Source : Auteur, terrain, 2008.

88
Photo n° 9

Ndamarofaly en sobahia rouge et d’autres tromba antandrano habillés en blanc


menasisy.

Source : Auteur, terrain, 2008.

Photo n° 10

Le doany Bezavo à Mitsinjo rénové en parpaing.

Source : Auteur, terrain, 2009.

89
Photo n° 11

Bachir Sodjay Adeham, ex-sénateur de Madagascar et membre de l’Académie


Malgache, expliquant l’histoire du royaume sakalava à la famille royale et quelques invités
en guise de la clôture de fanompoa à Bezavo en 2008.

Source : Auteur, terrain, Mitsinjo, 2008.

Photo n° 12

Mpanjaka Amina Said, princesse de Marambitsy, régnant au doany Bezavo en


résidence à Mitsinjo.

Source : Auteur, terrain, 2009.

90
Photo n° 13

Le saha de grand roi Andriamadisoarivo en pleine possession donnant sa


bénédiction à ses descendants qui s’agenouillent pour le saluer.

Source : Auteur, terrain, 2008.

Photo n° 14

La princesse Amina assistant les Sambarivo entrain d’ouvrir le varavara menalio,


après avoir sacrifié un zébu déstiné à cet effet.

Source : Auteur, terrain, Bezavo, 2008.

91
Photo n° 15

Saha de l’esprit Zamakely en pleine transe, esprit d’un enfant qui est mort à l’âge de 7 ans,
il est classé parmis les zana tromba ou tromba madiniky.

Source : Auteur, terrain, Mahajanga, 2009.

Photo n° 16

Les femmes, cheveux tressés et lachés, chantent et dansent pour manifester leur
satisfaction en revenant du fleuve Mahavavy Sud. Photo prise à Mitsinjo en 2008.

Source : Auteur, terrain à Mahajanga ,2009

92
Deuxième partie : RITES FUNERAIRES : PRATIQUES IDENTITAIRES DANS LE
« BOENY ».

« L’histoire n’est pas liée à l’homme, ni à aucun objet particulier : elle consiste entièrement
dans sa méthode ».

LEVI-STRAUSS C., (La pensée sauvage), Plon.

93
Introduction de la partie

On parle de culte lorsque divers rites s’articulent entre eux et avec des croyances.
En un sens large, un culte est constitué par l’ensemble des marques de soumission et de
déférence à l’égard d’un pouvoir sacralisé que l’on honore.

En un sens restreint, il désigne les cérémonies et rites destinés à rendre hommage à


des êtres sacrés (dieu, ancêtres) ou à des objets (idoles, reliques) dont la puissance est censée
émaner de leur relation avec une entité surnaturelle ou avec la personne à laquelle ils se
rapportent sous le terme de « culte populaire », phénomène très étudié par les folkloristes.

On classe des pratiques, dites parfois superstitieuses, en marge des religions


instituées et souvent tolérées par elles, comme la vénération des images pieuses, des animaux
amis des saints, des témoins symboliques de puissances sacrées : feu, source, rocher, soleil,
etc.

Tout peuple a sa propre histoire et ses propres us et coutumes qui le diffèrent des
autres .L’origine complexe du peuple malgache a créé des coutumes diverses et particulières
suivant les régions où elles sont pratiquées .En dépit des nombreuses configurations
ethniques, certaines coutumes sont présentes dans presque toute l’Ile mais marquent
quelques discordances par leur nomination et leur déroulement .Ces traditions sont toutes la
base de l’identité culturelle malgache.

Comme les autres royaumes de Madagascar, notamment durant l’époque


précoloniale, celui des Sakalava possédait aussi sa propre identité culturelle. Avant d’en
discuter, nous devons mentionner ici que le royaume sakalava se subdivisait en petits
royaumes selon leurs fiefs respectifs.

A titre illustratif, citons par exemple, les royaumes sakalava du Menabe,


d’Antakarana et du Boeny .Ce dernier reste la capitale du royaume. D’abord, cette identité
culturelle a été fondée durant l'époque des royautés par les rois fondateurs du royaume
sakalava. Le plus connu d’entre eux est le roi Andriamisara.

La croyance au Zanahary, le respect des ancêtres, les us et coutumes traditionnels


pratiqués et suivis depuis ces temps anciens jusqu’à l’heure actuelle constituent cette fameuse

94
identité culturelle sakalava. Parmi ces pratiques traditionnelles, on peut citer le fitampoha, le
fanompoa be, le famadihana, le rite de possession et les rites funéraires.

En tant que sujet de notre réflexion, ces derniers nous intéressent plus
particulièrement car la pratique des rites funéraires reste toujours vivace au temps présent.
Malgré l’interculturalité entre le traditionalisme et le modernisme, l’arrivée massive de
croyances et de religions modernes, ce rituel est toujours pratiqué par les Sakalava dans la
région Boeny.

95
Chap. IV. EXEMPLES DES PRATIQUES IDENTITAIRES MALGACHES

Introduction du chapitre

Madagascar est un pays composé de plusieurs ethnies dont chacune a ses


propres pratiques qui les différencient les unes des autres.

Il est évident que c’est seulement à partir des cultes des ancêtres et /ou cultes
des identités que l’on témoigne notre identité et notre unité qui vont juger notre
existence , notre culture ,et notre histoire.

Madagascar, étant le centre de diversité culturelle présente donc de multiple


forme de culte identitaire qui tourne toute autour de l’identité culturelle nationale :
malgachéité.

Il esiste une relation etroite entre les rites funéraires et les pratiques identitaires
malgaches car ces dernières ne peuvent pas être organisées sans les rites funéraires.

Force est ici de proceder à une description de quelques pratiques identitaires


malgaches en dehors de la région Boeny pour justifier l’attachement de certains à
l’identité culturelle qui se manifeste par divers habitus55 : lanonana, famadihana, ati-
damba, tsangantsaina, fanompoa be, fitampoha, havoria, rasa harena, dika vohitra, etc.

4.1. Lanonana
La description ci-dessous est le résultat des entretiens effectués auprès de quelques
Betsileo lors de notre descente sur terrain dans le fonkotany de Sahamena – Ambovoka
à Fianarantsoa en (Juin-Août) 2008

4.1.1. Définition
Littéralement, lanonana signifie fête ou réjouissance. Chez les Betsileo, ce
terme désigne les cérémonies rituelles de réjouissance où il y a sacrifice d’un ou
plusieurs zébus. Autrement dit, ceci est festoyant des grands rites tels que le famadihana,
le saotra ou le fanefana.

Le lanonana est préparé et célébré en famille, avec l’assistance de quelques


invités. La célébration se fait dans le village ancestral : là où est le tombeau familial
55
BOURDIEU P : l’habitus est un produit des conditionnements qui tend à reproduire la logique
objective des conditionnements mais en lui faisant subir une transformation in Science de la
science et réflexivité. Paris, Raisons d’agir, (2001), pp.05-58.

96
puisque le rite met en relation les vivants et les non-vivants ou lesrazana.La période et la
durée du déroulement du lanonana varie selon les coutumes. Il est à noter que les points
principaux des rites sont le sacrifice de bœufs ou zébus suivi d’une offrande et de
l’enveloppement des morts avec des nouveaux linceuls.

Historiquement, cette coutume vient d’un rite malaisien dont les Malgaches
sont originaires ; et qui consiste en une obligation d’être enterré sur la terre
ancestrale.Lors de l’installation des asiatiques à Madagascar, la dite coutume ne pourrait
être pratiquée qu’occasionnellement. C’est alors l’occasion de grandes fêtes.

4.1.2. Préparatifs
La première étape des préparatifs est la concertation des membres de la famille.
Cela définira les modalités de la cérémonie ; entre autre ; la réparation des dépenses et de
la date du rite ainsi que le nombre de convives et la durée des évènements. Cette étape
implique tout spécialement les zoky olona ou les anciens, et particulièrement le
patriarche de la famille, sans être le plus riche et le plus âgé des hommes.

Les dépenses peuvent alors être collectives ou à la charge d’une seule personne,
celui-ci ayant les moyens de le faire. Une explication plus détaillée sur cela sera donnée
dans la sous-partie enjeux et implication.

La seconde étape est celle du Mpanandro(ou astrologue) ; dont la consultation


est nécessaire (et d’une obligation) pour fixer la date exacte, propice et faste pour
l’organisation du lanonana.

Ensuite, la famille fait un joro ou prière et offrande envers lesrazana pour


demander le droit, la bénédiction pour la préparation du Lanonana. C’est aussi le moment
d’informer les razana de la tenue de ce rite. Cette « invitation » sera renouvelée la veille
du début des festivités, les dernières préparations consistent aux formalités légales,
papiers et autorisation ainsi qu’invitation des personnes (vivant) ; et aux différents
travaux de nettoyages et de réparation nécessaires au niveau du village.

4.1.3. Déroulement
Le kabary, discours officiel prend une part omniprésente dans le rite. Le premier
est le Tambànina ny Fahasivy56, appel des esprits ancestraux, ceci est fait la veille des

56
Sorte de médium guérisseur.

97
cérémonies en vue de préparer les razana. Cet acte est le début du rite à lanonana. Le
lendemain, tôt le matin, le sacrifice du zébu entame la cérémonie.

Un kabary57 est prononcé pour remercier Zanahary, le Créateur et le Fahasivy et


aussi pour leur préparer aux suites des évènements .Le zébu est immobilisé, lié aux pattes
puis couché sur le flan droit. Le Hovampanominda58 égorge la bête avec un
antsifioloha59 mais le laisse en vie. Ce sera une autre personne qui finira son travail.

Le sang du zébu, du moins une partie, est recueillie dans un tandro- potsy60 et
sera utilisé pour marquer les cadres des portes.

Le « kabary an –danonana » est ensuite entamé, ceci est un kabary propre et


typique du lanonana et celui qui le prononce se tient assis et non débout comme à
l’accoutumée ce qui symbolise le respect des vivants envers les ancêtres. Il concerne
principalement l’explication et les raisons de l’organisation du lanonana et du sacrifice
du zébu.

Par suite, la bête sacrifiée est enflammée afin de la débarrasser de ses poils
car sa peau est aussi consommée. Des échantillons sont alors prélevés sur chaque partie
du bovidé, le reste sera dépecé pour le repas des convives en partie, et séché pour être
conservé.

Un morceau spécial le vody hena : la partie postérieure qui symbolise le respect


et l’honneur aux parents servira d’une offrande à Andriantompomenakely61 sinon il
héritera du garrot .Les autres échantillons prélevés au début seront bouillis et la viande
cuite sera réservée en offrande à Zanahary et aux Fahasivy.

Ce dernier rituel est dirigé par le chef de famille dans la maison principale du
village. Présentée sur des feuilles de bananier, l’offrande est placée au zoro
firarazana62.Une fois les rites terminés, la viande est passée au –dessus du feu pour être
purifiée, puis elle est partagée et consommée sur place.

57
Discours cérémoniel que l’on prononce lors des évènements pour débuter et pour terminer. Il
est aussi utilisé lors des réunions ou des sacralisations dans les pratiques rituelles.
58
Notable religieux responsable du sacrifice.
59
Poignard spécialement utilisé pour le sacrifice rituel.
60
Corne de zébu.
61
Divinité principale de la terre.
62
Le coin Nord-est réservé aux ancêtres et considéré comme un lieu sacré de la maison.

98
4.1.4. Repas
A part le riz, alimentation de base des Malgaches, le laoka63 est constitué
principalement de la viande des zébus sacrifiés. Typiquement pour le famadihana ,
l’huile ou la graisse fondue de la viande est mélangée avec le riz pour faire du vary be
menaka (littéralement du riz graissé) .Ce mets est particulièrement riche et gras. Le
galeoka64 , est une boisson très prisée par les Betsileo, hommes et femmes .Sa
consommation est en grande quantité et fait partie de la culture du pays betsileo en temps
de fêtes.

4.1.5. Enjeux et implications


Comme pratique identitaire malgache, le lanonana a une implication religieuse.
Le sacrifice et l’offrande sont les marques d’une relation constante et sans cesse
réaffirmée entre les vivants et les morts. Ces derniers étant les intermédiaires auprès de
Zanahary, font passer le message à travers un rêve ce qui entrainera la cérémonie du
lanonana.

D’autres signes de cette croyance aux ancêtres sont constatables par la


proximité des maisons et des tombeaux, ces derniers sont d’ailleurs situés toujours en
hauteur par rapport aux premiers , ainsi que l’établissement d’un lieu sacré réservé aux
razana, le zoro firarazana , dans le foyer.

Bien qu’inapparent, il existe un aspect politique dans la pratique du lanonana


car des luttes politiques et conflits de pouvoir au sein des familles sont des causes et des
conséquences importantes du lanonana. Susmentionné, théoriquement et officiellement,
le patriarche est le chef de la famille et donc le décideur principal.

Or, l’organisation du lanonana revient au plus offrant, car cela nécessite des
moyens financiers mais rapporte un prestige énorme et une grande considération, vis-à-
vis de sa famille et des invités. Organiser le lanonana est donc le privilège du chef de la
famille.

Sans oublier les aspects socioéconomiques, le lanonana se déroule dans le


village ancestral et pour la plupart, ce sont les membres de la famille qui ont émigré
vers les villes qui organisent ces fêtes lors de leurs passages occasionnels. Cela
symbolise l’attachement et la considération que le Betsileo a pour ses racines.

63
Accompagnement.
64
Rhum artisanal.

99
Mais quelques points pertinents font que le lanonana ne soit pas une
réjouissance totale pour l’ensemble des participants. Une manie locale, plus coutumière
qu’autre, oblige les invités à offrir un don, riz dans les débuts du peuplement, en
l’occurrence, l’argent, aux organisateurs.

Appelé adidy (devoir), le fond du dilemme se situe sur le fait que l’adidy sera
rendu quand les rôles se renverseront en doublant la somme et ainsi de suite, il y a donc
la présence du phénomène de « potlatch »65 comme dans le « atero ka alao » lors du
famadihanadans les Hautes-Terres Centrales.

Cela est complexe puisque avec l’actuelle inflation, il est possible que des
agriculteurs, pour s’acquitter de leurs adidy, vendent des récoltes sur pieds. De plus,
cette occasion est vue comme étant le reflet du statut social de l’organisateur donc un
lanonana mal préparé peut exposer ce dernier à l’exclusion sociale et / ou à l’ostracisme
volontaire ou involontaire.

4.2. Famadihana

Nous avons été invités à des cérémonies de famadihana à Sambaina, Antsirabe


II, en Juillet 2005, durant lesquelles 1134 tombeaux y fuent ouverts et 108 corps ont
été enveloppés. Cette occasion nous a permis de faire une étude descriptive du
famadihana.

Le famadihana, c’est le retournement des morts qui se pratique surtout sur les
Hautes -Terres malgaches. C’est aujourd’hui un rite d’initiation qui a pour objectif
d’unifier tous les descendants d’un même ancêtre et parfois déplacer un mort d’un
tombeau à un autre.

Au famadihana toutes les couches sociales sont reinhumées en plus ce sont les
corps qui sont renveloppés et non les reliques. Tout cela nous affirme qu’il y a une
grande différence entre le famadihana et le fanompoa be selon leurs dénominations mais
aussi selon leurs déroulements sur le fonds et dans la forme.

65
Terme utilisé par Marcel Mauss pour la théorie de donner recevoir et rendre.

100
4.2.1. Les étapes du famadihana

1ère étape : les préparatifs de la cérémonie


L’organisation d’un famadihana ne s’improvise pas car il faut au minimum un
mois de préparation, sans oublier la demande d’autorisation à la mairie. Prononcer le mot
famadihana est interdit lors des préparatifs de peur de subir la colère des ancêtres lors
d’un contre-programme car l’ « homme propose, mais c’est Dieu qui dispose ». Il faut
dire tout simplement hanao raharaha.

La préparation commence par la pose de la première pierre ou « famakian-


tany », s’il y a une construction d’une nouvelle tombe (elle dépendra de la famille
organisatrice). La consultation d’un mpanandro ou astrologue est marquée dans cette
première étape. C’est ce mpanandro qui détermine les jours fastes et néfastes pour les
cérémonies : tsimandrimandry, manokatra, manitrika.

Selon l’astologie malgache, asorontany est le destin le plus favorable pour le


famadihana car il est placé au coin Sud-Est par rapport au dispositif des quatre grandes
divisions astrologiques lunaires sur les faces de la maison. Le coin Sud-Est symbolise la
mort donc toute cérémonie en relation avec la mort est faste au destin
asorontany.(Cf.Figure n°04).

Il ne faut pas oublier les préparatifs matériels suivants :

- achat de lambamena (linceul)


- nombre de bœufs et de porcs à abattre
- riz et boissons
- rémunération des musiciens
- prix de transport pour les cadavres lointains
- achat des parures, choix de la couleur du tissu
- coût des taxes diverses des formalités administratives.

Le choix du porteur de Androm-pasana ou responsable principal de la


cérémonie appelé aussi tompon-draharaha fait partie de ces préparatifs ainsi que la veille
du famadihana où l’on procède à un bal jusqu’aux premières lueurs du jour appelé
« mampidi-bahiny » ou accueil des invités. Elle se fait dans une grande maison familiale.
Cette fête peut durer deux jours quelques fois.

101
Tous les membres de la famille étendue prennent part à la préparation matérielle
du festin. On abat des bœufs ou des porcs. La cuisson de la viande dure toute la nuit et
elle est réservée généralement aux gendres.

Le soir, un groupe de personnes de l’organisateur principal accompagné de


quelques dignitaires de la grande famille, se dirige vers le tombeau pour appeler les
ancêtres : « miantso razana » en allumant du feu avec des herbes sèches au tombeau pour
faire venir les esprits avant de leur annoncer que le groupe viendra les honorer le
lendemain.

Le tantana ou la distribution des repas se passe dans la matinée du jour où l’on


va procéder à la cérémonie au tombeau. Les invités se dirigent un à un vers la table du
trésorier et du secrétaire qui est à un coin de la cour pour y apporter leurs dons en argent.
L’un reçoit l’argent et l’autre inscrit le nom du donateur dans un cahier avec le montant
de la somme. Cet argent s’appelle aussi « atero ka alao » car il revient toujours au
visiteur plus tard (lorsqu’il organisera un famadihana).

2ème étape : La cérémonie au tombeau ou le famadihana proprement dit


C’est l’étape la plus importante du famadihana, et c’est le point final du rituel.

Le trajet se fait à pied accompagné de danses et quelqu’un porte le drapeau


malgache et aussi le portrait agrandi d’un ancêtre.

Il n’y a pas de trajet à faire si la tombe est dans la cours de la maison ou très loin
(dans ce cas ce déplacement se fait en voiture).

En arrivant au tombeau, il faut suivre méticuleusement les ordres et


recommandations du mpanandro. On éclate de joie pendant toute la cérémonie, et il ne
faut pas pleurer mais il y en a toujours qui pleurent et qui disent qu’ils se rappellent de la
mort des cadavres mais cela ne dure que quelques minutes.

Tout ce qui va suivre, ainsi que les danses doivent se faire du côté Ouest et Nord
de la cour du tombeau, le coin Sud -Est devait être laissé vide, car il abrite le destin-mère
asorontany66.

66
L’un des quatre destins mères (Alahamady, asorontany, adimizana et adijady) dans
l’astrologie malgache, réputé d’être dangereux car il symbolise la mort et les ancêtres.

102
On procède au déterrement pour les sépultures souterraines, c’est un homme âgé
qui donne le premier coup de bêche, et ce sont les gendres de la famille qui terminent la
tâche. Sur les Hauts-Plateaux, un tombeau doit être orienté normalement vers l’Ouest,
avec une légère inclinaison vers le Sud.

Le principal organisateur aidé des « ray aman-dreny » et des gendres entrent


dans le tombeau qui vient d’être ouvert pour faire sortir les corps. Les razana sont sortis
par ordre d’importance, c’est le grand ancêtre qui est sorti le premier, puis les autres
suivent.

Il est à signaler que chaque membre de la famille est concerné dans ce qui va
suivre et il n’y a pas d’individus déterminés par le système de parenté pour accomplir
telle ou telle tâche. Chaque fois qu’un corps est sorti, son nom est annoncé et ses plus
proches parents vivants l’accueillent avec une natte. A la fin, tous les corps sont étalés
sur des nattes du côté Ouest et Nord de la cour du tombeau.

Le moment de parler avec les ancêtres est donc arrivé. Les enfants enduisent le
corps de leurs grands-parents de graisse, on enveloppe les parents avec des objets ou des
comestibles qu’ils aimaient de leur vivant.

Au moment de l’enveloppement avec des linceuls, on peut grouper un couple


dans les même suaires, ou bien un grands-parents avec un enfant, mais jamais on ne doit
grouper un frère et une sœur, car les malgaches pensent que ce serait de l’inceste dans la
vie d’outre-tombe.

Le procédé classique d’enveloppement est de déchirer en longueur un bout de


linceul pour en faire quelques bandes ou cordelettes qui vont servir de ligatures pour
l’enveloppement. On fait en général trois ou cinq ligatures. Les ligatures sont toujours
aux nombres impairs. Lorsque l’enveloppement de tous les corps est achevé, on procède
au ré-enterrement.

Chaque corps, enveloppé de linceul mais encore étalé sur une natte, est porté sur
les épaules par les proches parents vivants. Ceux-ci les portent en dansant au milieu de
cris divers, on leur fait faire le tour de la tombe dans le sens des aiguilles d’une montre
(ouest-nord, est-sud) avant de les enterrer de nouveau.Le nombre de tours, toujours

103
impair, varie de un à sept67. Au ré-enterrement, c’est le grand ancêtre qui rentre le dernier
pour fermer la porte selon la coutume.

Pendant un court laps de temps, les femmes se précipitent pour arracher une des
nattes qui viennent de recueillir les razana, ces nattes sont chargées de superstitions. Il y
a la croyance selon laquelle une femme stérile est censée avoir un enfant si elle se couche
sur une de ces nattes.

Comme presque toutes les festivités malgaches, la cérémonie se termine par un


kabary fisaorana ou discours de remerciement. Celui qui fait le discours se tient debout
au-dessus du tombeau, entouré de représentants de la famille organisatrice.

4.2.2. Les formes


Dans le culte malgache, il y a une relation très étroite entre le coin Nord-est de
la maison et les tombes. C’est ce que montre déjà l’usage mentionné plus haut de placer
les lambeaux de viande dans cet angle et d’aller faire des offrandes d’eau de vie au
tombeau.

Les tombes sur les Hauts-Plateaux sont des chambres de pierres


quadrangulaires. On creuse d’abord un trou dans le sol dur ; ordinairement, on édifie la
partie inférieure des murs avec de grandes dalles de pierre tandis que l’extérieur au-
dessus du sol est bâti en pierres ordinaires. Les tombeaux des gens riches sont faits de
pierres taillées.

En certains endroits, la partie souterraine de la chambre funéraire n’est pas à


angles droits, mais l’un des petits côtés est un peu plus court que celui d’en face. Cela
correspond à l’idée suivante : si la tombe était exactement disposée comme la maison
avec ses angles droits, la mort serait semblable à la vie et acquérait trop de pouvoir sur
les vivants.

Le toit de la tombe est fait de grandes pierres plates. Il y a quelques années, on


transporta une dalle de pierre de dix-huit pieds68 de long sur neuf de large pour la tombe
d’un noble. Ce fut un très rude travail d’amener cette pierre à destination et il fallut
plusieurs centaines de personnes pour la tirer. On la traîna de distance en distance.

67
Sept tours de tombeau pour désorienter et éviter les Razana de retrouver le chemin du village.
C’est le chiffre sacré réservé autrefois au souverain ou à sa royauté. C’est le nombre complet
pour les Malgaches.
Un pied = 33 cm environ. 18 pied  6 mètres ; 9 pied  3 mètres environ.
68

104
Entre temps on se reposait quelques semaines avant de se remettre à l’œuvre. La
pierre était solidement attachée par des cordes d’herbes tressées sur une sorte de traîneau
en bois et était tirée par un câble fait de la même façon.

Il ne faut jamais mélanger la construction d’une maison et d’un tombeau. La


tombe est construite d’un parpaing appelé « malao » et lorsque les murs sont élevés avant
de construire le toit, on procède au « fanamaizinana » où l’on fait le « tsok’afo ou le toko
lava ».

Dans un tombeau il peut y avoir 9 lits et 12 dalles, cela dépend de la famille


propriétaire. Le plus haut et le coin Est sont réservés aux grands ancêtres, ensuite les
parents et enfin les enfants et les petits enfants.

Durant nos enquêtes à Sambaina, Antsirabe II en Juillet 2005, on a vu 5 types de


tombeaux :

- mosaïque ;
- anglais ;
- versoir ;
- tombeau souterraine ;
- tombeau extérieur.

Dans la région des Hauts -Plateaux, un tombeau doit être normalement orienté
vers l’Ouest, avec une légère inclinaison vers le Sud. L’intérieur ressemble à une
maisonnette, et les dalles sur lesquelles sont allongées les corps, sont disposées en étage
sur les trois murs : Sud, Est, et Nord.

Du côté Ouest se trouve toujours la porte. L’importance d’un tombeau est


évaluée au nombre des lits ou dalles qu’il contient (farafara selon les spécialistes). Les
dalles au niveau du sol sont, en principe, réservées aux faty lena ou cadavres frais. Sur les
dalles supérieures, on met les faty maina (cadavres secs).

En général, le niveau supérieur Est est la place du grand ancêtre (comme on


vient de le dire).Enfin, il y a une règle très important relative aux tombeaux, à savoir
qu’on ne doit pas fermer une tombe avant que le soleil ne descende vers l’Ouest,
(mihilana ny masoandro), à peu près vers 13 heures 30.

105
Figure 6:Tombeau sur les Hautes -Terres Centrales69
Vu de dessus (extérieurement)

NORD

Sens normal des tours

OUEST EST

Asorontany (destin-mère) :
côté à laisser vide
SUD

Vu de face (intérieurement)

Dalle pour les grands ancêtres

Dalle pour cadavres secs

Dalle pour cadavres frais

4.2.3. Buts et valeurs de la pratique

Le famadihana est une ritualisation des valeurs ancestrales le but étant de


pousser les descendants à respecter les traditions ancestrales , en faisant des grandes
festivités en leurs honneurs et des ornements avec de nouveau linceul pour que le
défunt ne sente pas ni le froid ni la honte par rapports aux autres ancêtres dans leur
monde , selon la croyance .

Le famadihana est un grand devoir des vivants envers les morts pour éviter
leurs punitions, leurs sanctions et leurs jugements négatifs mais aussi et surtout pour
gagner leurs bénédictions.

69
RAJAOSON F. (1969), « Contribution à l’étude du famadihana sur les Hauts-Plateaux de
Madagascar », Sorbonne, Paris, Thèse de IIIème Cycle, pp 50-51.

106
Cette pratique est donc le maintien de l’identité culturelle qui se caractérise
par une manifestation de l’alliance permanente entre les vivants et les morts, les
ancêtres et les ascendants ce qui constitue la base de l’univers traditionnel malgache.

4.2.4. Famadihana face à la modernité

Le famadihana est une occasion de rencontres familiales, il y a lieu de


retrouvailles entre tous les descendants d’une même famille et cela va engendrer une
cohésion sociale, une solidarité et entraide pour l’organisation de la festivité dédiée aux
ancêtres d’où la division sociale du travail.

La réalisation de ce famadihana est une obligation des vivants, un


accomplissement des attentes sociales et permet aux vivants de ne pas oublier leurs
ancêtres .Donc, c’est à la fois un honneur pour la famille en question mais aussi pour les
ancêtres.

Nombreux sont ceux qui disent que le famadihana est inutile, que c’et de la
sorcellerie, de la religion ancestrale et constitue un blocage pour le développement ; il
s’agit ici des occidentaux et ceux qui suivent les religions modernes70 .

Le famadihana étant une pratique identitaire ne signifie guère qu’on prie aux
ancêtres mais plutôt qu’on rend hommage à ces derniers pour qu’ils puissent s’intégrer
facilement à leur nouveau monde dans la vie après la mort. Et c’est tout simplement un
rite d’où le conformisme suite à la conscience collective.

Aussi, le famadihana n’est pas un frein pour la civilisation ni le développement


car en payant les préparatifs les familles organisateurs contribuent à l’économie d’autrui
(mpihira gasy, commerçant, etc.) et en recevant le don, elles tirent des profits qui vont
aussi changer son état financier avec la bénédiction des ancêtres satisfaits et honorés
qui, selon la croyance, participeront à l’amélioration de mode de vie des vivants.

De plus, prenons l’exemple de la Chine qui a toujours tenu son identité


culturelle et a su l’adapter à la modernité ce qui l’a permis de se hisser maintenant au
rang des pays les plus riches du monde.

70
Le christianisme et l’islam.

107
4.3. Fanompoa be

Nous tenons à préciser que la description du fanompoa be qui va suivre est la synthèse
des résultats de nos enquêtes au doany Miarinarivo, Mahajanga I lors du fanompoa be,
2007 - 2009.

4.3.1. Définition

Le fanompoa be est une manifestation culturelle accompagnée de festivités »


artistiques. C’est le bain des reliques royales qui se pratique chaque année à Mahajanga
chez les Sakalava du Boeny et tous les 5 ans chez les Sakalava du Menabe à Morondava.

Le fanompoa be ressemble plutôt au fandroana qui est le bain royal que les
Merina pratiquaient pour intensifier la sainteté des rois ou reines. Le alahamady be dans
la région des Hauts-Plateaux de l’Imerina qui est le Nouvel an lunaire malgache
caractérisé par le Bain Royal et le culte des ancêtres, qui fait la reconnaissance officielle
de l’identité merina, à travers tous les lieux sacrés de l’merina, a beaucoup plus de points
communs avec le fanompoa be que le famadihana.

Car pendant l’alahamady be, on implore la bénédiction de Dieu et des ancêtres


par des séances de purification et de sacrifices de zébus et c’est ce qu’on fait aussi lors de
la cérémonie du fanompoa be. Le fanompoa be est le bain des reliques royales, donc on
ne fait que faire prendre leurs bains aux reliques royales.

4.3.2. Déroulement

Comme au famadihana avant la cérémonie il y a des préparatifs à faire comme


le nettoyage appelé haranisation, la cotisation qui se fait quelques fois avant le
famadihana appelée « kao-drazana » ou « sao-drazana ».

La différence est donc qu’au fanompoa be le nettoyage se nomme « mikipa » et


la cotisation « tati-bato », et cela se pratique pendant le mois d’avril et mai si le
fanompoa be aura lieu le mois de juillet ou août, pas comme au famadihana, un mois à
l’avance.

108
Les participants sont invités par le Mpanjaka au trône et doivent verser ce qu’ils
peuvent pour ce tati-bato encore appelé « famoria fanompoa ». Par contre, dans le cas
du famadihana, c’est la famille organisatrice qui invite les participants, sans oublier les
dépenses énormes de ces invités.

Le fanompoa be se déroule en trois étapes tandis que le famadihana se déroule


en deux étapes. Avant de détailler et d’expliquer ces deux étapes nous allons étudier et
voir les trois étapes du fanompoa be.71

1ère étape : Le mikipa et tati-bato


Dans la première étape, les participants procèdent à un nettoyage, recyclage
pour préparer le terrain de la cérémonie au mois d’Avril. Cette étape consiste à nettoyer
le domaine du doany aussi bien à l’intérieur (valamena) qu’à l’extérieur (tsandrarafa).
Après cela, on commence à collecter le tati-bato, cotisation organisée avant le rituel
de bain de relique. Tout participant, invité par le Mpanjaka doit verser ce qu’il peut
pour ce « tati-bato » encore appelé « famoria fanompoa ».

2ème étape : Le fanompoa fandrama ou fanompoa toamainty


Dans cette deuxième étape, on procède durant tout un mois à la préparation du
miel provenant d’un endroit très précis, Ambalakida Mahajanga II, dans la forêt appélée
Antsahanafindra aux deux rives du fleuve Mahavavy pour l’amener à Ambalamanga
Mahajanga I au Fokontany d’Antanimasaja à 29km (après un mois de préparation).

Ce miel préparé à Ambalakida, appelé aussi « gorago », arrive à Ambalamanga


un samedi avant la nuit ; et il reste là pendant deux jours, le samedi et le dimanche
accompagné d’un « tsimandrimandry ».

Ensuite, on l’amène au Doany Miarinarivo d’Andriamisara Efadahy


Manankasina Tsararano Ambony Mahajanga I, un mois après ces deux jours pour
accéder à la deuxième étape.

71
ASSOUMACOU E.B. Mémoire de maîtrise en sociologie, Le fanompoa be et le famadihana,
Université d’Antananarivo, 2006, pp. 85-87.

109
Tout transport du miel au Doany Miarinarivo Tsararano Ambony doit être
effectué à pied ; il est interdit de transporter ce miel en voiture ou en avion même si le
transport à pied dure plusieurs jours de marche. Le fanompoa toamainty consiste à la
cuisson du « gorago » (miel) avec du « barisa », ou « toaka gasy » (boissons
alcooliques) pendant des heures et des heures, des jours et des jours jusqu’à ce qu’il
devienne noir, d’où le nom de toamainty (toaka mainty.

Un mois après ces préparatifs, on procède à la 3ème étape.

3ème étape : Le fanompoa be

C’est là que l’on commence à faire le mélange du toamainty avec de l’huile de


ricin (kinagna) venant de la région Sud de Madagascar, région d’origine des rois
sakalava. Quatre types de personnes sont autorisés à faire ce mélange : le Tsiarana, le
Jingoa ou Jongô72, les Zafindramahavita, et les Voromahery (descendants des rois).

4.3.3. Le bain des reliques


Quelques hommes, premiers responsables (Jingoa) du rituel, s’affairent autour
de la table comme s’ils attendaient le top. Ils décident de sortir finalement les armes
royales anciennes composées d’un coupe-coupe, de deux haches à tête effilée, de sept
fers de lance, d’un bout de fer ayant la forme d’une petite bêche.

Chacune de ces armes est portée par un homme et les porteurs s’alignent en rang
serré. Quatre hommes en « uniforme » et en bonnet rouge pénètrent alors dans le
« Zomba Vinda » pour en ressortir chacun avec un coffret attaché à l’aide d’un « Lamba
Landy » marron et blanc à rayures sombres (ce lamba landy est appelé sobahia par les
sakalava) sur le dos.

Les quatre coffrets taillés de la même manière renferment respectivement les


reliques d’Andriamisara, d’Andriamandisoarivo, d’Andriamboeniarivo et
d’Andriandahifotsy. D’ailleurs, leur nom respectif est marqué sur le
sobahia73enveloppant leur coffret individuel. Les porteurs de reliques s’approchent de la

72
Les jongô ou jingoa sont les compagnons d’Andriamandisoarivo et aussi ses « lafika ». Le
lafika d’un roi est une personne qui se sacrifie volontairement ou involontairement pour servir de
lit de mort au roi défunt.
73
Sorte de linceul et tissu de haute qualité spécialement utilisé pour envelopper et honorer le
roi.

110
table. Aidés de leurs congénères, ils dénouent le sobahia et posent chacun son tour les
quatre coffrets sur la table, geste symbolisant le déshabillage des rois prêts à prendre leur
bain.

Ils baignent maintenant « Andriamisara Efadahy Manankasina » : dans un


mouvement identique et répétitif, chaque porteur prend un chiffon, la trempe, à l’aide de
la main droite, dans le mélange d’un liquide d’une cuvette métallique et d’un verre, avant
de laver avec soin et tendresse. Le bain est abondant. On remet plus tard les coffrets sur
le dos des quatre baigneurs. On rhabille de cette manière les idoles. Toute cette scène de
purification se déroule sous le regard attentif et attendri du Mpanjaka Be Dezy et des
invités de marque.

Quand les quatre coffrets sont bien propres, débarrassés de la poussière, c’est au
tour des armes royales anciennes de recevoir le lavage. Les uns après les autres, leurs
porteurs passent devant la table et se servent des mêmes chiffons pour les nettoyer. Ils
commencent par le bout du manche et remontent jusqu’à la pointe de l’arme. Cette
opération se poursuit dans un concert de chants.

Une fois le bain terminé, on s’applique à promener dehors les reliques


d’Andriamisara Efadahy Manankasina, rafraîchies et sanctifiées par la ferveur populaire.
Les armes précèdent cette promenade royale, faisant le tour du Zomba Be, du Sud au
Nord en passant par l’Est avant de revenir par la porte du Sud : « varavara mena lio »,
cette porte est réservée aux différentes catégories de personnes qui sont les descendants
des rois, les compagnons d’Andriamandisoarivo, les Tsiarana et Jingoa. Elle est ouverte
à la nouvelle lune de chaque mois.

Dans la grande cour, cette procession passe entre quatre zébus de sacrifice,
étendus sur le sol. Chaque année, les Tsiarana (descendants d’Andriamandikavavy
épouse d’Andriamandisoarivo et mère d’Andriamboeniarivo) sacrifie un zébu pour
demander l’accord d’Andriamandikavavy. On doit avoir sa bénédiction et son accord car
elle s’est sacrifiée pour donner le royaume à son époux et après à son fils
Andriamboeniarivo ; sans elle, il n’y aurait jamais de royaume du Boeny.

Les quatre coffrets sont remis à leur place dans le Zomba Vinda et y resteront
jusqu’à la prochaine édition du Fanompoa. Juste après cela, on commence à faire le

111
rebiky : les gens dansent ainsi que les tromba dans la grande cour, le tsandrarafa. Jeunes
et vieux, tous sont habillés en rouge. Tout le monde félicite le Mpanjaka.

Les différences consistent donc dans la nomination du tombeau et du doany, des


matériaux de construction ainsi que dans le plan et dans l’organigramme de gestion.

4.3.4. Doany Miarinarivo Tsararano Ambony Mahajanga

Autrefois, le fanompoa be au Doany Miarinarivo d’Andriamisara Efadahy


Manankasina avait lieu à Tsahabingo Mahajanga où les reliques prenaient leurs bains
avant d’être remontées vers leurs palais au Rova (ou Androva, l’actuel CHU de
Mahajanga), à l’instar de celles de Mitsinjo dans le fleuve de Mahavavy du Sud, et celles
du Menabe qui prennent leur bain dans le fleuve de Belo-sur-Tsiribihina.

Le fanompoa devait revêtir la même forme dans les régions, comme Tsahabingo
est sali actuellement par des pollutions de toutes natures (physiques, chimiques et
spirituelles) : les quatre rois (Ndramisara Efadahy Manankasina) ont donné l’ordre de ne
pas leur faire prendre leur bain là-bas. C’est ainsi qu’a été prise la décision de leur faire
prendre leur bain au Doany Miarinarivo Tsararano Ambony. Les quatre rois pensaient
qu’ils y seront vraiment à l’aise.

Après leur bain, on leur fait faire le tour du Zomba pour faire connaître aux gens
que le bain est tout à fait terminé et que ces derniers peuvent maintenant danser, chanter
pour montrer leur joie, sans oublier les coups de fusil pour marquer cette fin (au nombre
de sept ou vingt et un).

Apres la visite du Doany, une fine pluie tombe sur le Doany surprenant les
couples continuant une idylle contractée lors du « tsimandrimandry » de la veille. Pour
les traditionalistes cette eau tombée du ciel est signe de l’acquiescement des ancêtres.

Le manantany vit dans la partie nord du Doany. Si le roi est considéré comme
président, le manantany est alors le vice-président.

Le fahatelo vit dans la partie sud du Doany, c’est-à-dire dans le tsandrarafa. Il


rempli à la fois le rôle de directeur général, de manager, de commissaire aux comptes, de
réceptionniste, de trésorier, et de représentant du Doany.

112
Les Bemanangy : ce sont les conseillères et les agents de recouvrement. Elles
sont aussi trésorières et animatrices lorsqu’il y a une activité particulière dans le Doany
ou dans le royaume.

Les Ampangataka vivent dans la partie ouest du Doany ; ce sont des contrôleurs,
des sortes d’intermédiaires à travers les esprits des ancêtres ; ils apportent les demandes,
prières et requêtes des sujets sakalava, et reçoivent leurs sacrifices, l’argent pour les
ancêtres, mais aussi le prix d’entrée dans le doany. C’est à eux qu’incombe la tâche
d’ouvrir le Zomba Vinda et d’y faire le ménage si besoin est. Ils s’occupent aussi de la
sécurité du doany. Le fahatelo peut aussi accomplir leurs tâches mais seulement à
certaines occasions.

4.4. Rasa harena

Dans cette section, nous allons développer les résultats de nos enquêtes dans la région
Sofia. Nous avons eu la chance d’assister à une cérémonie de rasa harena lors de notre
passage à Bemololo, Port-Bergé, en Août 2009. Nous nous sommes tournés vers
quelques « sojabetsimihety »(les plus âgés, les sages) résidant dans la Commune Urbaine
de Mahajanga car le passage à Bemololo qui a duré une semaine n’était pas
satisfaisant.

4.4.1. Définition

Le rasa harena présente en pays des Tsimihety74 dans la région Sofia75 est
aussi une pratique identitaire. Il se caractérise par le besoin des ancêtres à vouloir
partager leurs richesses et préparer leur intégration et adaptation au monde et au rang
des ancêtres.

Toujours par le biais d’un rêve, le razana transmet un message au chef de


famille vivant, durant lequel, il lui fait part de son objectif et du mode d’organisation
de la cérémonie.Des fois le razana en question provoque une maladie chez l’un des
enfants vivants de la famille, ceci dans le but d’attirer l’attention des membres de sa
famille d’aller voir un mpimasy afin de savoir ce qui se passe c'est-à-dire ce que le
razana désire.

74
Ethnie, issue des Sakalava et des Betsimisaraka, habitant dans le Nord- Ouest de
Madagascar : dans la région Sofia.
75
Une des quatre régions constituant l’ex-province de Mahajanga.

113
Ainsi, le chef de famille réunit toute la famille pour annoncer qu’il va faire un
rasa harena. Le rasa harena s’effectue à partir de un an après la mort du défunt au
minimum et a lieu pendant la saison sèche entre le 15 juillet et le 15 novembre à peu
près la même période que le famadihana dans les hautes terres et c’est seulement après
la cérémonie du rasa harena que l’on peut toucher à l’héritage et le partager.

4.4.2. Préparatifs

Avant de procéder à la cérémonie proprement dite, la famille du défunt doit se


concentrer à différents préparatifs. Il est de la capacité du divin de fixer la date et le jour
de la manifestation et chaque jour peut être désigné sauf le mardi 76 le plus souvent tabou
ou interdit pour les grandes cérémonies. Il est évident que le lieu et l’heure aussi seront
dictés par le divin.

Le rasan-joro77 sera préparé, tous les moyens matériels et financiers seront


réunis sans oublier le lemadio / betsa78 , la boisson alcoolique spécialement utilisée pour
la cérémonie.

Un bœuf sera choisi et il n’y a pas vraiment de préférence pour la couleur mais
ceux qui n’ont pas de cornes et de couleur zébrée rouge sont tabous et interdits car ils
sont jugés non présentables et anormaux donc inappropriés pour honorer les ancêtres.

4.4.3. Déroulement
Dès le matin, le chef de famille et le sojabe79 se consultent pour débuter la
cérémonie .Arrivant au lieu de la célébration80 , le sojabe fait une demande de
bénédiction ou le « jôro », il verse donc de l’alcool et du miel sur l’endroit pour
donner aux razana leur hasina et aussi pour avoir leur autorisation . Voici un extrait du
jôro du sojabe lors du rasa harena :

Ao are razagna jiaby; A vous tous les ancêtres ;

76
Le jour le plus néfaste pour tout les Malgaches durant lequel on se prive de tout évènement
important de la vie.
77
L’eau que l’on cherche de beau matin à la rivière et que les êtres vivants hommes et
animaux n’ont pas encore traversée ni bue.
78
Boisson alcoolique d’origine malgache comme le galeoka chez les Betsileo et le barisa chez
les Sakalava.
79
Sorte de sage qui tient le même rang que le tangalamena et l’olobe, le plus âgé du village qui
sait beaucoup de choses sur la tradition.
80
Un endroit spécialement choisi pour la festivité, se trouvant hors du village et loin du
tombeau : dans la forêt.

114
Ao koa anà razana nangao rasa; A toi surtout qui a demandé le rituel ;

Ka tônga eto zahè hangao lalagna ; Nous voulons l’autorisation ;

Hagnanôvana zany ke ; Pour réaliser le rasa harena ;

Miangavy anà hanôntrono; Votre présence est primordiale ;

Aza tônga hankarary; Ne nous rend pas malade;

Aza mampiditry masantôko; Ne nous cause pas de malheur ;

Mbo ho velono zahè amaraigny ; Pour que dans l’avenir ;

Hahazo anjara aminà. Nous bénéficions de votre bénédiction.81

Quand le jôro est fini, le chef de famille et le sojabe accompagnent les


membres de la famille, les jeunes et les fokonôlono82 .Le sojabe prend donc une assiette
contenant du miel et de l’eau sacrée et procède au fafy rano 83 en prononçant le discours
rituel : « Tônga tô ny andro amitrahana fanomezagna ho an’ny razagna zè mitaky, tô
aomby agnanovagna sôrono amin’ny rasa harena mba tsy ankarary ka mandria tsara »
ce qui signifie qu’est venu le jour consacré aux offrandes pour le rasa harena et voici
le zébu pour le sacrifice , reposez en paix et ne provoquez pas des maladies.

84
Les ziva font circuler un morceau de bois à feu autour du zébu pour chasser
les mauvais esprits et éviter les sorts. Les gens dansent et boivent de l’alcool traditionnel
(lemadio et betsa) et font cuire la viande de la cérémonie ou henan-jôro et il est à
signaler que la préparation de ce menu est sans sel et coupé en grand morceau. Une fois
cuite, on procède au « sôrontsôrogno »85 et la cérémonie se termine par le grand repas et
la danse.

81
Source : Auteur, enquête à Port-Bergé en 2009.
82
Les invités, le peuple.
83
Donner la bénédiction à la famille et à tous les invités ainsi que le zébu à sacrifier.
84
Frère par plaisanterie.
85
Rituel de guerre de viande effectué par les jeunes ayant des parents vivants, avant que le
sojabe et tous les invités n’en mangent.

115
4.4.4. Aspects socio anthropologiques
Le rasa harena fait partie de la coutume tsimihety et il est considéré comme le
moyen de garder le lien entre les vivants et les morts : les ancêtres ne cessent de
transmettre à chaque génération leurs traditions et les vivants croient au fait que les
ancêtres sont des intermédiaires et les protègent.

Le rasa harena a donc une valeur phénoménologique, qui, en tant que partage
de richesse entre les héritiers, permet aux deux mondes, l’un qui est réel et l’autre qui
est invisible de s’échanger aussi des richesses : les morts assurent aux vivants de la
protection et de la bénédiction tandis que les vivants les respectent, les honorent et les
vénèrent en retour.

Sa valeur psychanalytique lui permet de rehausser le défunt en question au


rang des mitahy (ceux qui protègent), sera sacralisé et peutpar la suite être appelé
ancêtre une fois passé par le rituel du rasa harena.

4.5. Tsangan-tsaina86

4.5.1. Définition
Le tsangan- tasina pratiqué par les Antakarana87 est une cérémonie périodique
de 05 à 07 ans et consiste à ériger un mât de pavillon royal d’Antakarana dont
l’emblème est un croissant de lune et une étoile à 06 branches88.

L’origine de cette cérémonie se présente sous deux formes : l’une sous forme
de mythe fondateur du tsangan-tsaina communiquée par Said Abdourahim Solotany
Andoany Ambatoharagnana, et l’autre selon l’histoire du royaume antakarana depuis
son origine.

Le tsangan-tsaina ou couronnement du mât est l’une des coutumes les plus


significatives de la région Diana. Il se pratique en saison sèche et le jour de la cérémonie
doit toujours être un vendredi, le jour saint dans l’islam, qui est un jour faste pour une

86
MANIRY S., Le tsangantsaina, Emission « Couleurs des Iles », à la Télévison Malagasy, le
Samedi 19 Septembre 2009, à 21h.
87
Une branche du groupe ethnique sakalava, vivant dans l’extrême Nord de Madagascar, qui
vient des roches calcaires Ankarana. Ces roches forment à l’intérieur une route spacieuse qui
servira de refuge et de siège aux peuples.
88
Ce qui marque la forte présence de la religion musulmane dans la région et les 06 plus une
lune qui est égal à 07, symbolise la sacralisation du drapeau et du rituel car le 07 est un chiffre
complet et sacré dans la croyance sakalava.

116
grande fête. Ce rituel de tsangan-tsaina consiste à manifester l’attachement du peuple à
sa tradition, surtout à son roi et s’accompagne de l’érection d’un nouveau mât
remplaçant l’ancien abimé par le temps.

Le choix du nouveau mât qui portera les valeurs traditionnelles antakarana est
de plus méticuleux. La phase préparatoire se déroule à Ambilobe, après la délibération
du conseil composé des membres de la famille royale et des gardiens des rites : les
manantany et fahatelo, les rangahy.

Ces derniers se rendent le jour fixé dans la forêt pour couper les deux troncs
du hazoambo, mâle et femelle d’une hauteur de plus de dix mètres, soigneusement
choisis dans la forêt .Les deux parties seront imbriquées l’une sur l’autre puis entourées
d’une chaine en argent symbolisant l’union .

Quand les deux arbres sont abattus, deux groupes de jeunes guerriers miment la
guerre entre les deux dynasties antakarana89.

Après avoir versé un breuvage sur le mât sacré, on porte le mât du lieu
d’abattage vers le village d’Ambatoharagnana, là où se trouve le palais du roi.

4.5.2. Déroulement

La cérémonie comporte deux étapes dont la fusion des arbres sacrés et l’érection
du mât c'est-à-dire mettre les arbres fusionnés dans le sol.Mais depuis la menace
d’intégration monarchique antakarana dans le royaume merina pendant le règne de
Tsimiharo I, les lieux se replient de la communauté antakarana durant cette période
éprouvant ont constitué de nouvelles phases dans les rituels du tsangan-tsaina.
Actuellement, il se présente sous quatre étapes, à savoir :

-le pèlerinage à Nosy Mitsio : en 1838, TSIMIHARO I s’installa à Nosy Mitsio


avec son peuple pour fuir l’annexion Merina .Dans cet endroit il y a une stèle qui
témoigne ces périodes difficiles. Avec le témoin de son peuple, le roi TSIMIHARO II,
devant cette stèle, prononce les invocations pour le prochain tsangan-tsaina.90

89
Les Zafinimena et les Zafinifotsy.
90
MANIRY S.Idem.

117
Le roi TSIMIHARO I a formulé le vœu et a fait une promesse de se convertir à
l’islam s’il connaitrait un jour l’issue heureuse à l’occupation merina et c’est à ce
moment là que les Antakarana sont devenus musulmans.

Mais il est à noter que cette conversion à l’islam n’empêche pas les Antakarana
de s’attacher à leur croyance traditionnelle ni à la combinaison des deux religions
(moderne et traditionnelle) ;

-la visite des grottes sacrées : avec son peuple, le roi se déplace pour effectuer la
visite à la grotte sacrée. Afin de marquer le rang social qui différencie le roi du
commun du mortel, on le transporte sur un rahangy.91

Le déplacement avec ce rahangy est accompagné par le tambour sacré et


l’occupation du zomba92 témoigne de la qualité distinctive du monarque .Le manantany,
le premier responsable de l’administration royale communique avec les ancêtres pour
implorer leur bénédiction.

Ensuite, ils vont à Ampamahambahiny, une petite vallée au pied de la falaise à


laquelle ils se campent. Durant cette période, toute action de prédation est défendue :
acte sexuel, querelle, etc. car le lieu est saint et qu’il faut le respecter au nom des
ancêtres. Ainsi, le jour est consacré à la reconstitution de la vie et la nuit se passe dans
la joie.

Une autre demande de permission est faite par le manantany avant d’effectuer
la visite. Il est à noter que cette grotte n’est pas seulement un refuge providentiel pour
les vivants en temps de guerre, mais et surtout un lieu de repos du premier roi
antakarana. Le roi TSIMIHARO I est le dernier roi inhumé dans cette grotte, ceux qui
ont régné après reposent aux tombeaux musulman d’Ambatoharagnana ;

-La recherche et la fusion des arbres du mât : les Antakarana conduits par le
manatany vont chercher les arbres du mât à Antsahamahavelona, qui veut dire

91
Une chaise spéciale de voyage royal transportée par 04 ou 06 jeunes hommes costaux.
92
Résidence royale.

118
littéralement forêt de vie .Mais avant d’y aller les princesses préparent le toa-mainty93
appelé également toa-drazana.

Les arbres du mât doivent être au nombre de 02, ce chiffre paire symbolise la
possibilité d’union et assure la continuité du royaume, qui était la prédiction du roi
Andriandahifotsy : «Ton royaume sera petit mais il durera longtemps ».Ils doivent être
d’une longueur qui surpasse tous les autres arbres de la forêt. C’est pourquoi on les
appelle hazo ambo ou tsitakon’ala qui exprime le caractère distinctif de la royauté afin
de conserver sa transcendance par rapport à ses sujets.

L’arbre femelle est plus long que le mâle et une fois les arbres coupés, la
conque annonce leur départ pour Ampasimbe où aura lieu la fusion. Durant le cortège, la
femelle est toujours devant pour montrer que dans la société malgache la femme ouvre
le chemin tandis que son époux derrière elle assure sa protection en cas de danger
éventuel.

-La fusion des arbres du mât : elle s’effectue à Ampasimbe, le centre entre le
Sud et Nord (la forêt et le village royal). Il se trouve à la rive gauche de la Mahavavy et
la cérémonie est appelée la cérémonie du fitohizana qui signifie d’une part, la continuité
de la monarchie et d’autre part, l’unité du peuple Antakarana. Cette fusion rappelle
qu’aucune continuité n’est possible sans l’union du mâle et de la femelle. Or cette
dynastie est appelée à se perpétrer selon la prophétie du grand ancêtre sakalava
Andriandahifosy.

Une fois que l’assemblage est fait, l’arbre devient hazo manjaka ou un arbre qui
règne. C’est à cet instant que les princesses versent le toa –mainty ou toa- drazana sur
l’arbre du mât pour redonner son pouvoir redoutable. Avant de le transporter à
Ambatoharanana, le manantany implore la bénédiction et protection des ancêtres pour
que cet arbre soit dépourvu de tous les mauvais sorts ou des malédictions.

-L’érection du mât à Ambatoharanana94 : après ce long trajet l’arbre du mât est


maintenant arrivé à Ambatoharanana. Il est posé devant le zomba ou la maison royale, le
roi y est déjà mais il n’en sort qu’après l’érection du mât parce que le hazo manjaka le
représente. Le mode de l’érection se présente comme suit :enterrer la racine du mât dans

93
Boisson sacrée à Ankiabe dans le sud de la Mahavavy, préparée avec du miel et de l’alcool.
Ce toamainty est redoutable car il est doté de pouvoir réunir les forces invisibles.
94
La capitale rituelle ou tout simplement le temple royal.

119
le sol, un membre de la famille royale ,en l’occurrence, le prince, monte l’arbre du mât
glissant pour accrocher la corde du drapeau ou « saigny ».Du haut du mât , il fait savoir
au cosmos qu’une fois de plus le mât d’Ambatoharanana est érigé.

A la fin de la cérémonie du tsangan-tsaina qui est une régénérescence du


pouvoir royal parce que : « pas de roi, pas de peuple », on procède à une fête de
circoncision qui signifie la réaffirmation de la continuité et de la fécondité hautement
valorisée durant toute la cérémonie du tsangan-tsaina. Elle est un rite d’initiation qui
monte l’individu à sa vie d’homme.

4.5.3. Aspects religieux et socio politique


Le tsangan-tsaina a comme raison d’être d’assurer la pérennité de la monarchie
antakarana. La pérennité du royaume antakarana est déjà recommandée dès le début par
leurs ancêtres.

Ce souci se transmet alors de génération en génération, donc, la cérémonie est


également l’image de la force du royaume depuis son existence jusqu’à nos jours.
Actuellement c’est le roi TSIMIHARO III qui assure la cérémonie du tsangan-tsaina.

L’unité du peuple Antakarana garantie par conséquent la perpétuité du


royaume. Cela est exprimé lors de la fusion des arbres du mât assurant la possibilité de
production grâce à l ‘assemblage de ceux –ci. Le mâle et la femelle unis donnent
l’abondance de la génération .Plus le peuple est uni, plus il est fort et invincible.Le
pouvoir royal doit être légitimé par son peuple. Etant l’autorité suprême de celui-ci, il
doit assurer leur protection. Pour y parvenir, il doit disposer de certain pouvoir sacré et
légitimé par le peuple. Le roi est aussi le représentant des ancêtres, c’est pour cette
raison que le peuple en exprimant leur vénération, lui doit du respect et lui accorde le
hasina ou sens du sacré.

4.6. Fitampoha
Comme la région centre Ouest ne nous est pas familière, nous aurions voulu y rester plus
longtemps pour pouvoir visiter le MENABE mais notre statut d’étudiant ne nous a pas
permis de faire. Nous avons focalisés nos observations sur deux localités
importantes :Morondava et Belo sur Tsiribihina pendant 10 jours, lors du dernier
fitampoha de 2008. Le prochain fitampoha se deroulera en 2013.

120
4.6.1. Définition
Dans les sociétés sakalava de centre Ouest, le culte des reliques est un système
ancien, pratiqué dans un cadre familial, avant la formation de la monarchie. Il évolue en
culte dynastique au fur et à mesure de la constitution des dynasties.

Dès lors, des reliques sont confectionnées à partir d’éléments prélevés sur le
corps des rois défunts .Par leur médiation, l’ancêtre royal prend la même place
protectrice que le saint médiéval pour les descendants royaux, mais aussi pour
l’ensemble des sujets. La protection reconnue aux reliques se transforme au XVIIIème
siècle en légitimation du pouvoir dynastique.

Désormais, les restes du corps des rois défunts sont conservés dans un
reliquaire et tiennent un rôle fondamental dans l’exercice du pouvoir.Si les reliques ont
une condition du pouvoir, elles peuvent être objet de convoitise. Source de légitimation,
source légitimant, elles ont un rôle déterminant lors d’une perte d’indépendance des
royautés de l’Ouest.

Le fitampoha, fête du bain royal des reliques, est analysé sous l’angle de
plusieurs acteurs : les porteurs des reliques, les gardiens des tombeaux, les possédés ou
sazoka. Le fitampoha est un culte dynastique qui marque la légitimité et la
reconnaissance de la royauté.

La fête du bain concerne aussi bien le roi régnant qui peut ainsi réactualiser son
pouvoir, que les reliques royales, identité remarquable d’ancêtres réputés « fondateurs
d’un groupe bara, clan et auquel on attribue une force protectrice pour les sociétés qui les
vénèrent».

Ainsi, la cérémonie, pratiquée sous le nom d’ « asaramanitra » dans le Sud -


Est, « ramahava » en pays antanosy, le plus communément connu sous le nom de
fandroana, en Imerina est apparenté au « fitampoha »et au fanompoa be dans le Nord -
Ouest .Le fitampoha du menabe se pratique tous les 5 ans.

Les sages « enjike » ont une grande importance pour les Masikoro95.Les ancêtres
se manifestent directement aux vivants à travers les sages pour réclamer du respect, la
célébration d’un bain doit être exécutée si on ne veut pas avoir des punitions de la part

95
Masokoro : une branche du groupe ethnique sakalava vivant dans le sud ouest de
Madagascar.

121
des ancêtres ( les maladies , les accidents , la mort du bétail , la mauvaise récolte, voire
la mort, etc.).

Le fitampoha étant un acte de « tampoke », est une réactualisation de l’histoire


par la présence des sazoke96 qui rappelle à la mémoire les conflits des successions
touchant les anciens rois. Dans cette réactualisation, le pouvoir « ampaninto »97doit
s’affirmer car c’est traditionnellement lui qui tranche et qui décide de tout.Le
fitampoha est donc un acte de purification, de bénédiction et de légitimation officielle
du statut du groupe.

4.6.2. Préparatifs
La maison qui est le centre de ralliement, appelée zomba be est semblable à une
grange de feuilles de palmier.N’ayant que 2 portes et une fenêtre, l’intérieur en est
sombre. Le sol est recouvert de natte et la grande pièce est divisée en lieu réservé et
lieu sacré par une immense bande de calicot qui sert de rideau.Dans le lieu réservé ne
peuvent entrer que les femmes de certains clans.

Dans le lieu sacré le zomba faly , la case sur pilote avec un petit escalier ou
échelle au coin nord est du bâtiment se réunissent les descendants des anciens rois et
on expulse avec vivacité les intrus . Cette case est jugée sacrée et on y conserve des
reliques, des armes, etc.

Le zomba faly contient le reste des trois grands rois, conservé dans petite boite
d’argent et de bois. Elles ne sont pas visibles en temps ordinaires et ce n’est qu’avec
des protections spéciales qu’on peut être admis à l’heure du bain, derrière la grande toile
pour les contempler.

Deux ou trois semaines à l’avance, des émissaires sont envoyés à travers tous
le pays pour faire part à chaque clan , à chaque lignage , de la prochaine tenue du bain
de reliques dont chaque groupe est dans l’obligation d’offrir un zébu et une certaine
somme d’argent .Derrière l’immense toile, les princes et les princesses arrangent le lit
qui prend l’aspect d’une table. On le recouvre d’une natte puis une grande nappe
blanche est étendue par-dessus.

96
Les possédés royaux.
97
Maître de la cérémonie.

122
Sous le meuble ainsi préparé, on place les petites coupes dans lesquelles brûle
« l’emboka » 98qui répand une odeur âcre ; pendant ce temps un ancêtre s’empare du
corps d’un vieillard. Celui-ci avance péniblement, le corps secoué par de violents
spasmes.

Il monte avec lenteur l’échelle du « zomba faly », et son bras droit se met à
trembler, sa cause apparente, cela dure près d’une heure. Une femme, cette fois, veut
s’approcher de l’échelle d’où la discussion entre les esprits. Ils semblent s’étendre, un
mot circule : « la clé »99.

Enfin, on ouvre la porte du zomba faly .Au pied de la petite case, tous les
princes se rangent ; une cruche en terre pleine d’eau sacrée, dans laquelle on lave la
lance, est remise à un individu possédé, qui asperge avec générosité tous ceux qui
viennent se présenter.

Il demande alors la bénédiction à Andriamisara pour toute sa descendance.Une


semaine avant le bain, une assemblée restreinte composée du prince et des notables se
réunit pour désigner les principaux acteurs et délimité leurs rôles.

4.6.3. Déroulement
Elle dure une semaine :

-le jeudi, jour d’ouverture, on immole et sacrifie un zébu100 devant le doany où


sont conservées les reliques royales, pour prévenir les ancêtres de l’imminence de la
célébration de bain de reliques et pour demander leur bénédiction ;

-le vendredi, les reliques sont sorties du zomba par les mpibaby101.C’est le
gardien du sanctuaire qui ouvre la marche, suivi par le porteur de sagaie ensuite par les
mpibaby et enfin par les mpinday basy et les andevon-janahary102 portant les ustensiles
nécessaires à l’organisation du rituel.

Un climat de fête règne sur l’îlot où chaque soir des femmes étonnent des
chants, des olo be racontent des tantaran-draza et des tapasiry. Les jeunes se mesurent

98
Encens qui sert à chasser les mauvais esprits et protège contre le mal.
99
Le mot est tantôt en français et tantôt en malgache.
100
Doit être un bœuf à tête blanche qui est une couleur signifiant la sainteté et la propreté.
101
Les femmes du clan royal, choisies pour porter les reliques dans leurs dos lorsqu’est venue
l’heure du bain.
102
Les serviteurs des rois qui sont des descendants des lafika (des personnes qui sont servis
pour le lit de mort des rois à l’époque royale) du roi.

123
entre eux par le morengy ; des zébus sont abattus pour nourrir la foule et c’est à la
tombée de la nuit qu’aura lieu l’annonce officielle de la tenue du bain par le prince
détenteur des reliques. La veillée « tsimandrimandry » va alors commencer.

Cependant, une femme mavesatse ou enceinte, un raty raza ou une personne de


mauvais groupe clanique, un garçon « mbo tsy afa-davenoke » qui n’a pas été circoncis,
une jeune fille « mbo tsy vaky taola » qui n’a pas encore atteint la puberté et n’a pas
encore eu ses premières règles, ne peuvent ni assister ni participer à la veillée.

Car durant cette nuit, les hommes cherchent leurs futures moitiés et il y a aussi
l’excès sur la prise de la boisson alcoolique qui peut entrainer une certaine liberté
sexuelle proche de règle de la polygamie ;

-le dernier vendredi, la fête atteindra son point culminant « androm-


panjaka »ou journée des rois, un jour sacré On baigne les reliques dans le fleuve de
Tsiribihina, elles sont ensuite mises à sécher sur des poteaux de bambous puis elles sont
enduites avec la graisse du zébu sacrifié avant la sortie du zomba à Belo .Il est à signaler
qu’aucune fête ne doit être célébrée durant les jours interdits, en l’occurrence, le mardi
, le mercredi, le dimanche ;

-le bain de relique proprement dit : sous l’ordre du prince, le cortège se met en
marche pour Ambinany, le lieu du bain. Le fahatelo ou le responsable du doany est à la
tête de la marche, viennent ensuite les mpibaby, la porteuse d’eau et le souffleur de
conque marine.

L’assistance continue, suit en rang serrés et on s’arrête à chaque village pour


présenter les rois .A chaque arrêt, les habitants des villages traversés viennent grossir les
rangs des participants.

Arrivé sur les lieux du bain, les cortèges s’arrêtent sur la berge, alors que les
gens, par centaine, prennent d’assaut les monticules qui les confluent pour ne perdre
aucun détail du rite qui va être célébré : le bain des reliques. On les lave abondamment,
avec soin, avec tendresse et l’opération se poursuit sans le moindre bruit.

4.6.4. Les valeurs socioculturelle et politique.

124
Le fitampoha tient un rôle très important dans la région Menabe et surtout
dans la vie des pratiquants. Ces derniers se divisent en deux catégories, d’une part,
ceux de la famille royale et d’autre part, ceux qui sont proches de la famille royales ou
les serviteurs et les Sakalava toute entière.

Pour la famille du roi, le fitampoha insiste sur le renforcement du lien familial


et aussi sur la bénédiction et en la protection contre les mauvais sorts.

Pour les proches de la famille royale et le peuple, le fitampoha est un moyen


de rassembler tous les Sakalava ce qui les conduit à un renforcement de lien entre le roi
et le peuple et de la cohésion sociale.

Cet évènement est pratiqué pour maintenir le pouvoir et la place de la famille


royale dans la société. En effet, c’est la famille royale qui est le garant de la
descendance du royaume et de la continuité de la pratique des coutumes et les traditions.

4.7. Dika vohitra

4.7.1. Définition
Le dika vohitra est une pratique identitaire Antemoro .Etymologiquement,
Antemoro vient des mots « ante » et/ ou « anta » qui signifie quitter un lieu pour
s’installer dans un autre. Le mot antemoro se différencie du mot antaimoro, mais ce qui
est vrai, ilssont tous des musulmans. Sur un autre sens, le mot antemoro a été donné
par des Antesavana qui sont des « Maures » venant d’Algérie migrant vers l’Arabie, ils
sont donc des vraies « antes -maures».103

Après leur arrivée sur l’île, bon nombre de leur coutume surtout aux funérailles
sont imités par les Malgaches. C’est pour cela que ce groupe ethnique malgache précise
les rites au moment des funérailles.

Chez eux, quand un Antemoro est mort, il doit être emporté dans le
« tranobe »104.Durant cet événement, des zébus sont choisis et abattus.

Au sens propre « dika » veut dire enjambé et « vohitra » signifie colline. Le dika
vohitra rappelle à la fois l’identité du village et du tombeau. Ce dika vohitra est alors

103
Source : Archives du Tahala Rarihasina, Analakely, Antananarivo.
104
Une maison commune pour faire passer le deuil ,il est interdit d’apporter et de manger
quelque chose à l’intérieur sauf le toaka gasy (rhum artisanal).

125
l’enjambement qui est une pratique voisine du famadihana dans les hautes terres
centrales.

Pourtant, ce dernier est un ensevelissement des reliques alors que le dika vohitra
un recouvrement des reliques par des « raribe »ou tsihy (natte).Outre, différents
interdits caractérisent aussi le dika vohitra. C’est une pratique xénophobe par crainte de
vol d’ossement.

4.7.2. Déroulement105
Lorsque le « katibo »106 finit de choisir, le jour favorable qui correspond
souvent au mois Alakarabo107 et cela durant la nouvelle lune, et le zébu du sacrifice, les
hommes du groupe les emportent près du tombeau et ils se regroupent pour le dika
vohitra. C’est tout les 5 ou 6 ans que les membres masculins du groupe rénovent le
tombeau commun. Cette rénovation est à entendre au sens large car elle désigne au delà
des tous entretiens et réfection de la construction.

L’opération fondamentale consiste de faire passer les morts de l’Ouest à l’Est.


L’intérieure du tombeau est divisée en deux parties : l’Ouest où se trouvent les faty
lena108, et l’Est où sont entreposés les faty maina109.

L’enjambement consiste non pas à passer d’une colline à une autre mais, à
passer, l’intérieur du tombeau, d’une partie Ouest à l’Est. Les morts enjambent les
couloirs qui séparent l’Ouest de l’Est comme ils changent de collines en accédant au
tombeau familial.

Pendant le déroulement, tous les hommes boivent le toaka gasy, c’est pour les
encourager de finir le travail de réfection. Avant que les jeunes hommes emportent les
défunts dans le tombeau, enfermés entre deux pirogues en bois (madriers), les jeunes
femmes chantent quand le cercueil est fermé car cela permet de faciliter le transport
car « c’est un homme qui rentre chez lui » donc, il n’y a pas lieu de pleurer.

105
Source : Archives Nationales, Tsaralalana, Antananarivo.
106
De l’arabe hatwib qui signifie prêtre et maître de la cérémonie ou tout simplement le divin.
107
Onzième mois dans le calendrier lunaire malgache et arabe.
108
Les morts récents ou humides.

Les morts secs qui sont passés au passage vers l’ancestralité.


109

126
De part et d’autre du couloir de séparation, des cadavres sont entreposés selon
l’ordre de séniorité et selon le sexe, les plus âgés se trouvent au sud. Les compartiments
sont constitués par des cloisons de bois faites avec des madriers assemblés par une
traverse perpendiculaire aux madriers.Parfois, les femmes et les enfants ne peuvent pas
assister à cette manifestation, de peur qu’ils pleurent près du tombeau110.

4.7.3. Valeurs socio -culturelles


Grâce au dika vohitra, des Antemoro de la région et d’autres peuvent se
rencontrer. C’est le moment pour les vivants de se regrouper et aussi pour rendre
hommage (aux) et vénérer les ancêtres, demander leurs bénédictions afin que les liens
qui se tissent, se renforcent et ne perdent pas son intensité : d’où la cohésion sociale.

Pour renforcer la persistance de la conscience collective ou « fihavanana » au


sein du groupe, le respect : norme et la vénération : valeur des ancêtres ne se dissout pas
face à la modernisation.

Le dika vohitra occupe une grande place chez lesAntemoro et ces rites sont
importants car ils représentent leurs identités culturelles. Ainsi, les péripéties ici relatées
révèlent les jeux de la tradition alors que la dialectique des pouvoirs, invite ici, à réfléchir
sur l’inévitable dérangement causé par les contraintes de ceux qui jugent la tradition
comme un frein pour le développement.

4.8. Havoria
Cette étude du havoria a été réalisée à partir des informations reccueillies lors de nos
entretiens auprès de la communauté Antandroy dans les deux fokontany :Maromiandra,
Commune Rurale deBoanamary, et Amparemahitsy dans celle de Belobaka, dans le
District de Mahajanga II en 2009.

4.8.1. Définition
Le « havoria » est une cérémonie religieuse et traditionnelle dans le Sud, chez
les Antandroy. Le radical « vory » signifie littéralement réunion ou rassemblement de
plusieurs personnes et présider par un chef bien déterminé du groupe.

110
Car cela peut porter un malheur et selon leur tradition, les femmes sont faites pour donner
une vie donc on les éloigne du tombeau et de la mort.

127
Donc, havoria est l’acte de rassemblement et/ou de réunion organisée par le
groupe ethnique Antandroy pour fêter un évènement spécial rendant hommage aux
morts.

Toutes les régions de Madagascar font des réunions familiales mais leurs
appellations, motivations et significations diffèrent d’une région à l’autre. Par exemple,
chez les Bara d’Ihosy, le havoria est une cérémonie d’intronisation d’un nouveau roi
après la récolte, accompagné par des sacrifices de zébus, des danses, et de grand festin.

Le havoria désigne une cérémonie, que les Antandroy ont l’habitude de faire,
avant de placer les « lolo »111 dans leurs tombeaux ancestraux appelé « kibory »112. Le
havoria se fait dans un endroit particulier et bien choisi d’avance que l’on appelle
« haravane » qui n’est autre que le lieu du rituel. C’est un endroit spacieux, déserte, loin
du village et assez ombré pour que le défunt ou lolo ne se détériore pas par le soleil et
la chaleur.

La cérémonie est présidée par un sage ou divin, choisi dans le groupe


« tsimahaivelo »113, c’est le premier fils de la femme la plus âgée du clan qui regroupe
les gens de même consanguinité.

Il est important de préciser que ce tsimahaivelo qui est le maître de


cérémonie, doit être un homme dont les parents sont encore en vie, et c’est lui seul qui
peut donner des ordres. Dans les préparations du havoria, le choix de la date, du lieu et
de l’heure du rituel, fait partie de la responsabilité de ce divin tsimahaivelo et personne
ne pourra s’y opposer.

4.8.2. Déroulement
La cérémonie peut durer plusieurs jours, elle est en fonction de la richesse du
défunt, au cours de laquelle, l’entièreté du troupeau de zébu (qui peut atteindre parfois
une centaine de tête) lui ayant appartenu sera sacrifiée et consommée par les invités.
Les festivités se termineront le dernier jour par le partage des restes de la viande entre
les convives.

Les havoria est donc la cérémonie d’adieu entre le défunt et tous les proches,
car bon nombre de Malgaches pratiquent le famadihana ou le retournement des morts
111
C’est l’appellation du défunt avant le havoria.
112
De l’arabe Kabîr’, appelé kabory par les Sakalava de Boeny, il signifie tombeau ou cimetière.
113
Autre clan qui est lié par la règle du frère par plaisanterie : ziva.

128
,mais les Antandroy , eux ,sont obligés de dépenser le maximum des biens du défunt
pour lui rendre un dernier hommage .

Après l’invitation des proches et de tous les habitants du village, la famille


consultera alors le tsimahaivelo, afin de choisir la date propice et faste pour la
cérémonie.

Une fois la date est choisie, le havoria se tiendra dans un lieu loin du village,
vaste et ombré pour protéger le défunt contre la chaleur. Cette réunion définit les
démarches à suivre ainsi que la répartition des tâches pour la famille du défunt.

Le matin du jour du rituel, les hommes vont préparer le « karantsa » ou bois, et


construire le « fitsombe »114 , qui servira à transporter le défunt jusqu’à
l’ « haravane ».A côté du cercueil, on met une photo du défunt s’il y en a, de son vivant
pour que tout le monde puisse le reconnaître. Durant cette marche, les hommes vont
faire le « tsinjake » et le « beko » 115 suivant le fitsombe.

Tous les zébus du défunt ainsi que ceux qui sont offerts par les gendres, vont
suivre cette parade, suivie des femmes qui vont chanter.

Arrivé sur le lieu, les tâches sont réparties comme l’avait dit le tsimahaivelo,
les hommes abattent le zébu à coup de lance et cet acte est appelé « mitomboke ». Tandis
que les femmes s’occupent de la cuisson .Elles se chargent aussi donc de servir et de
nourrir les invités.

L’après - midi venu, le défunt ne sera pas directement enterré mais il sera
transposé dans un endroit appelé « fanalate » avant de le mettre dans le tombeau des
ancêtres ou bikory qui est un endroit désert, loin du village. On y laisse le défunt
pendant une journée entière. Et pendant la nuit, des chants et des danses se font entendre
dans le fanalate.

Le matin venu, tous les proches ainsi que les invités se réveillent pour
transporter le défunt vers le kibory. Ce sont les hommes qui épauleront le fitsombe en
chantant le beko et en dansant le tsinjake. En même temps le coup de fusil se fait
entendre derrière eux jusqu’à l’arrivée au tombeau.

114
Sorte de lit de mort avec lequel on porte le corps du défunt
115
Respectivement, la danse et le chant traditionnel des Antandroy.

129
Une fois près du tombeau, un ou deux zébus bien choisis sont abattus pour
l’ouverture du tombeau dont la bosse ainsi que le foie sont brûlés à l’intérieur du
tombeau pour faire le « evoke »116.Cette pratique est faite dans le but de demander aux
ancêtres de ne pas prendre les vivants mais de donner leur bénédiction

4.8.3. Essai d’interprétation

La religion moderne a modifié et changé la manière de pratiquer le havoria, car


il existe des Antandroy modernisés qui sont chrétiens et les non chrétiens qui sont
appelés « jentilisa ».

En effet, à la fin du havoria, les Antandroy font le « fandofohane » qui consiste à


faire le « tomboke aombe » c'est-à-dire abattre les zébus restant à coup de lance .Une
fois abattus, ces zébus sont distribués crus aux invités. Les Antandroy chrétiens ne
dépensent pas autant les richesses du défunt, ils se contentent juste de tuer quelques
zébus.

Et certains Antandroy christianisés vont même jusqu’à ne pas manger la


viande du « aombe voatomboke » qui est jugée de hena raty ou viande mauvaise .Tandis
que les « jentilisa » vont jusqu’à en abattre des centaines, dans le but d’affirmer leur
richesse. Durant la marche, qui va de la haravane au kibory, des chants évangéliques
sont ajoutés au tsinjake et de beko.

Le deuil se faisait avant par le port du « satro-bory », chapeau traditionnel


antandroy et la coupure des cheveux mais de nos jours, on se contente juste de
s’habiller tout en noir.

On peut dire alors que le havoria a subi à la fois les phénomènes d’acculturation
et de déculturation. Une déculturation, du fait que certains rites ont été considérés
comme des cultes dédiés à des fausses divinités via la présence du christianisme et une
acculturation car des nouvelles coutumes , traduites par le fait de chanter des chants
évangéliques lors de la marche vers le kibory et durant les nuits du tsinjake et beko, se
sont introduites et ont pris racine.

116
Qui va servir d’encens pour purifier le tombeau et éloigner le mal, la sorcellerie.

130
4.9. Ati-damba

4.9.1. Définition
Le ati-damba est une cérémonie de reenveloppement des morts .Elle est présente dans le
pays betsimisaraka. Comme tous les Malgaches, les Betsimisaraka croient en la sacralité
des ancêtres et en la vie après la mort.

Un dicton disait : «le corps meurt mais jamais l’âme », ce qui sous entend que
les ancêtres n’ont plus de contact physique avec les vivants mais leurs âmes et leurs
esprits se correspondent de temps en temps lorsqu’il y a un message à transmettre.

Lorsqu’il est question de la pratique du « ati-damba », les mouvements


débutent par un rêve qu’un ou plusieurs membres de la famille ont été victimes. Ces
derniers vont réunir la famille au grand complet et vont par la suite raconter les rêves tels
qu’ils sont durant le sommeil : les défunts ont froid et il faut organiser un ati-damba.

La famille décide donc d’aller voir le tangalamena, qui est connu comme le
sage, le plus âgé du village et le plus respecté, considéré comme le chef suprême dans la
société pour l’accompagner chez les « mpanandro » ou astrologue.

C’est lui qui fait la confirmation de l’importance d’organiser le rituel après


avoir analysé le rêve. Il décide du jour et de l’heure de la cérémonie et détermine les
matériels spécifiques nécessaires du rite.

4.9.2. Préparatifs

Toute la famille concernée se réunit pour établir les démarches à suivre


concernant l’ati-damba, discuté de tout ce qu’elle doit faire. Il est important de signaler
que le zébu constitue le cœur de la cérémonie et tient la deuxième place après le lamba
ou linceul car il caractérise le joro oudemande de bénédiction qui marquera le rituel.

Ceci dans le sens de remettre aux défunts leurs hasina ou leur fonction sacrée.
Le lamba symbolise le soin accordé aux défunts et leurs part de couverture afin qu’ils ne
se sentent plus froid.

Mais il faut aussi diviser les tâches, ce qui est nécessaire pour le bon
déroulement de la cérémonie, à savoirs, l’achat du matériel, la distribution des

131
invitations, la préparation du toaka gasy, l’abattage des zébus, la réception du
« soron’afo »117, etc.

4.9.3. Déroulement118
-Le premier jour : il est marqué par l’offrande du « soron’afo » et le
« lavoan’omby » ou le joro puis la distribution de la nourriture et enfin la festivité qui
sera prolongée toute la nuit.

Dès le petit matin, au premier chant du coq, les femmes vont cuir le riz qui va
être conservé dans le « volo »119. Il y a un discours spécial et l’on échange de parole
pendant la remise du soron’afo qui est ainsi marqué dans un cahier ou carnet car la
famille organisatrice va en avoir besoin lors du partage du riz et de la viande du joro.

Le « mpijoro », tangalamena ou maître de cérémonie proclame donc


l’ouverture de la cérémonie débutée par l’abattage du zébu, tout ceci se déroule près de
la pierre levée là où se trouve le « fisokony » qui est une sorte de poteau où est penchée
la tête du zébu lors du fampakara-dohan’omby.

Il faut remarquer que lorsqu’on abat le zébu, sa tête doit tourner vers l’Est, on le
tranche en deux parties verticalement et la partie droite va servir de déjeuner pour la
famille organisatrice et les invités , la partie gauche va servir de henam-pokonolo ou
viande du peuple ou viande partagée entre ceux qui assistent à la cérémonie .

Les restes de la partie gauche seront préparés en viande boucanée ou kitoza en


guise de récompense à ceux qui ont participé au soron’afo. Ceci symbolise la négativité
du fait qu’on se bat de la nourriture car presque toute la moitié sera renversée sur le sol ;
on croit que les défunts ne mangent pas mais sur le sol ils peuvent sentir l’odeur de la
viande et savourent le goût.

-Le deuxième jour : après l’ouverture de ce deuxième jour, on procède au fanati-


damba proprement dit. L’institution est proclamée comme suit : si le défunt est une
femme alors seules les femmes peuvent l’emballer et si le défunt est un homme seuls les

117
Le don ou la participation des invités pour la cérémonie : synonyme de « atero ka alao » au
famadihana et le « mosarafa » au fanompoa be.
118
Cf.LAHADY P. (1979), Le culte betsimisaraka et son système symbolique, Fianarantsoa,
Librairie Ambozontany.
119
Feuille de bananier spécialement préparée pour la cuisson du riz et pour servir d’assiettes.

132
hommes qui ont le droit de l’emballer. Car on imagine que les défunts ressentent
toujours de la honte et c’est aussi et surtout le hasina qu’on les octroie.

Tous les membres de la famille du défunt doivent être présents par respect et
solidarité vis-à-vis de la famille mais envers le défunt lui –même. Il faut noter que l’ati-
damba s’effectue toujours dans la matinée vers le misandratra andro mais jamais à
midi ou le soir.

Ceci fait, on entre à la phase de fampakaran-dohan’omby qui est l’évènement


le plus amusant de la cérémonie car il y aura plusieurs animations. Si le défunt est un
homme alors on donne la tête du zébu à une femme et vice- versa.

Un groupe d’hommes suit la femme et se bat pour avoir la tête du zébu et on


donne du toakagasy à celui qui a gagné car il va monter jusqu’en haut du fisokona pour
mettre le lohan’aomby à sa place.

« Le fafa lapa », consiste à remercier les invités de leur présence, à faire des
vœux et le « rasa volagna » le discours d’au revoir. C’est le mpijoro qui va porter la
parole ainsi tout le monde s’en va et la cérémonie se termine. La pierre levée sera
recouverte par un lamba soga ou tissu spécialisé à ceci et on procède à la dernière
demande de bénédiction.

Conclusion du chapitre

Pour conclure ce premier chapitre de la deuxième partie, on peut dire donc que
les cultes identitaires occupent une grande place et les rites y afférentes sont intéressants
pour la continuité de l’histoire des Malgaches mais aussi pour l’organisation et le
fonctionnement de la société toute entière.

Ces cultes authentifient donc l’identité des Malgaches et permettent de rendre


un dernier hommage aux défunts, ceci dans le but de pérenniser le pouvoir ancestral et
d’obtenir en retour leurs bénédictions.

133
CHAP V. ELEMENTS DETERMINANTS DE LA REPRODUCTION SOCIALE

Introduction du chapitre

Les pratiques identitaires sont considérées comme des instruments d’ordre


social et reflètent en même temps la structure sociale des Sakalava car chaque rituel
évoque et valorise l’histoire du royaume dans un but religieux et politique. Pour les
Sakalava, il faut lutter contre l’érosion causée par la modernité afin de rejoindre le
dynamisme de leur société initiale.

C’est aussi un moyen de réactualiser , de tonifier le pouvoir royal ainsi que de


tracer la place et la fonction de la reproduction sociale qui vont présenter la hiérarchie
politique de la société sakalava .

5.1. Triangle Bezavo –Betsioko –Mahabo

5.1.1. Les doany du Nord-Ouest

L’appareil politique assure la perpétuité du pouvoir des Maroseraña par les


reliques royales, mais également par un certain nombre de marques telles que les
demeures royales (doany) et les tombeaux (mahabo).

La structure des doany et mahabo, la socialisation de l’espace et le cérémonial


qui en découlent, en dehors du rituel du bain, posent le problème des rapports entre les
vivants et les morts d’une part, et des relations entre le roi et son peuple d’autre part : « le
tombeau, point d’ancrage de l’idéologie religieuse sakalava est aussi le lieu privilégié
d’expression des statuts sociaux ».

Nous ne pouvons pas dissocier les rites funéraires et le tromba, de ce qui les
contient. Il en est de même pour le roi mort de sa demeure funéraire. Les différents lieux
de résidence du roi dans les deux phases principales de sa nature de vivant et d’ancêtre,
sont autant de repères de l’idéologie sakalava et concrétisent la territorialisation du sacré
autour des sanctuaires liés à la royauté.

134
Nous pouvons distinguer deux types de sites. D’abord, le doany, lequel
représente la demeure du roi dans le Nord-Ouest. Puis, le mahabo qui est le tombeau
royal.

La plupart du temps, les lieux sacrés sakalava se distinguent par certains arbres
« privilégiés » tels que le tamarinier, le kily(tamarindus indica L.) et le manguier
(Manguifera indica L.). D’autre part, ce type de végétation entre dans la composition des
talismans.

Ces arbres sont les vecteurs du pouvoir sacré et font partie, avec la terre et l’eau,
des éléments vitaux du système cosmique et de ce fait, ils servent de piliers principaux
de l’espace cultuel. A cause de la sacralité des lieux de culte d’Andriamisara, et par
respect de la confidentialité, nous ne pouvons pas divulguer certaines informations.

Précisons que la plupart du temps, aujourd’hui, la spécificité du vocabulaire


permettant une différenciation entre le doany, le mahabo ou le zomba, n’est plus marquée
et on utilise les trois termes comme étant synonymes.

De même, la distinction entre les lieux de culte bemazava et bemihisatra, ne


s’est pas faite sentir dans la mesure où chaque village comporte souvent des membres
des deux familles. Mais il semble quand même que les Bemihisatra soient les plus
nombreux dans la région.

Le doany Miarinarivo d’Andriamisara Efadahy Manakasina sis au fokontany de


Tasararano Ambony dans le district de Mahajanga I, seul, témoigne de quelques soins.

On peut y distinguer deux enceintes, la première : tsandrarafa la cour


principale et à l’Est de laquelle se trouve la deuxième cour : le valamena. Au milieu de
ce valamena, est construit un bâtiment en dur (parpaing) d’environ 15 m sur 10 m. 120

A l’intérieur de ce bâtiment et du côté Nord –Est du Safodahy 121


, se dresse
une case en bois ressemblant aux cases sur pilotis de la côte Est.

Elle s’appelle zomba kely, zomba vinda ou zomba faly, seconde maison, une
reduction au tiers. Celle-ci a été faite sur le modèle de l’ancienne case royale. Ce zomba

120
Source : auteur, enquête au doany Miarinarivo, Mahajanga en 2008.
121
Sorte de paravent qui sépare en deux le zomba ou le bâtiment en dur, pour plus de clarté, voir
le plan du doany dans l’annexe

135
faly sert spécialement de demeure des reliques des dady : Andriamisara Efadahy
Manankasina, dont on parle comme s’ils étaient encore en vie.

Le toit de la maison qui était pendant très longtemps en satraña (latanier) a été,
sous le règne de Mpanjaka be Dezy, renové en T.O.G. (Tôle Ondulé Galvanisé). Le
bâtiment a deux protes et une fenêtre. Les portes sont de simples battants qui s’ouvrent
vers l’intérieur.

A l’intérieur, le sol est couvert de nattes. La grande pièce est divisée en un lieu
réservé (dans lequel, ne peuvent entrer que des femmes de certains lignages) et en un lieu
sacré protégé par une toile blanche : safodahy. Dans cet endroit sacré, qui est le lieu de
réunion des descendants des rois, se trouve le zomba faly.

Il s’agit d’une case sur pilotis avec un petit escalier au coin nord-est de la
construction. Là sont conservées les reliques d’Andriamisara Efadahy Manankasina dans
de petites boites en or et en argent que nous avons déjà évoqué.

5.1.2. Le tombeau de Bezavo


Dans le Boeny, les trois tombeaux historiques sont :

 Tombeau de Bezavo (Tongay) : Andriamandisoarivo, Andriamboenarivo


sont considérés comme les plus traditionalistes ;

 Tombeau de Betsioko (Ambato Boeny): Andriamanilitsiarivo et


Andriamamelonarivo (Ravahiny) ;

 Tombeau de Mahabo (Ambararatafaly–Manaratsandry) :


Andriamahatindriarivo, fils aîné d’Andriamboeniarivo.

Le tombeau de Bezavo est considéré comme le plus ancien. Il accueille le corps


des fondateurs du royaume du Boeny.

Le doany est constitué par trois enceintes successives : la première est de 40m sur 40m,
faite de pieux de 2m de haut ; dans cette première enceinte se trouve la case contenant les
reliques.

Une deuxième enceinte, faite d’un mur cimenté de 20m sur 20m englobe des tombeaux
divers : tumulus de pierre et cercueils exhaussés.

136
Une troisième enceinte symbolique de 6m sur 6m délimite un enclos où sont disposés le
cercueil d’Andriamandisoarivo à gauche et celui de Ndramandikavavy à droite. Une
porte en bois à deux battants sur laquelle sont sculptés quatre larges fers de lance.

Devant le premier enclos, deux grandes jarres de terre cuite (sajoafaly), d’un mètre de
haut, sont couchées, l’orifice vers l’enclos. Par devant, d’autres cercueils, on a pu
remarquer des ustencils brisés, provenant de l’Iinde et enfin deux gargoulettes de
cuivre. Le village est alors près des tombeaux bien que les rizières soient à trois
kilomètres. Il est désert au moment des cultures.

Dans la case des reliques, sont exposés :

- une hache manambaly behao, très lourde, ayant appartenu à Ndramandisoarivo ;

- un couteau jambiafalyqui était utilisé par les Français lors de la conquête ;

- des sabres vearava : celui d’Andriamandikavavy est conservé à Bemololo /Ankijabe –


Ambato Boeny ;

- des cruches sajoafaly, reproduisant celles apportées du Menabe qui auraient été cassées
(toutefois les jarres brisées ont été remplacées par d’autres faites sur place). Lors d’un
décès royal, les Morarivo les remplissent d’eau sacrée (ranofaly), l’une s’il s’agit d’un roi
défunt mais l’autre d’une reine), et les jingoa lavent les cadavres royal ;

- des sabres : ceux utilisés à l’occasion des fanompoa. On les faisait une tournée dans
chaque village pour réclamer des bœufs et de l’argent. Ceux qui refusaient de donner
étaient considérés comme des mpamosavy.

Il y aurait donc au tombeau de Bezavo, la tombe d’Andriamandikavavy, qui se


serait sacrifiée pour qu’Andriamandisoarivo puisse conquérir son royaume. Les
descendants d’Andriamanikavavy ont régné et la plupart d’entre eux est restée à
Betsioko. 122

5.1.3. Les tombeaux de Mahabo et de Betsioko


A Marovoay, dans le quartier de Tsimahajao, il y a un doany secondaire :
Tsinjoarivo, qui est probablement une construction tardive, après celui de Tsararivotra –
château d’eau. Ce doany joue le rôle d’escale ou de relais lorsque, six semaines avant le

122
Source : auteur, enquête au doany Bezavo, Mitsinjo, 2007.

137
grand rituel pour récuperer, la clé et le manandriabe123, qui sont des éléments essentiels
pour le culte, partent dejà de leur lieu de conservation.

Les groupes venant des villages environnant (Manaratsandry, Ankaboka,


Bemololo, Ambalatany) se réunissent pour se rendre à Majunga et célébrer le fanompoa
be. Le sanctuaire le plus ancien est en fait le tombeau de Mahabo, à environ 15-17 km de
Marovoay (à Ambararatafaly).

Actuellement, l’organisation du doany de Tsinjoarivo est similaire à celle du


doany de Miarinarivo (manantany, fahatelo, ampangataka, ben’ni saha, etc.).

Lors de notre passage, nous pu retenir ceci : un large espace carré, entouré de
rondin de bois pointus à un bout : c’est la « valabe » ou grande enceinte. A l’intérieur de
celle-ci se trouve une deuxième enceinte plus petite appelé « valamena » ou enceinte
sacrée.

L’espace entre ces deux barrières est accessible à tout le monde, seulement il
faut avancer le pied droit en franchissant le seuil de la porte. Les tombes surmontées
chacune d’une Maison Sainte en bois sont éparses dans la cour de la valamena.

Des dessins sculptés sur presque chaque colonne de soutiennement révèlent un


art naïf qui aurait voulu se perfectionner, mais ne pouvait pas davantage, tantôt c’est un
serpent qui y est représenté, tantôt une lance, un bœuf, un caïman, et même on a essayé
de représenter une partie de la cérémonie du tromba.

Dans ces sanctuaires se déroulent les mêmes rituels à savoir le nettoyage de la


zone sacrée (mikipa à Mahabo et à Betsiboko) et la réhabilitation des clôtures en cas de
destruction ou d’érosion. A Betsiboko, le nettoyage débute par un sacrifice de zébus et
une demande de bénédiction. Une fois les deux zébus abattus, on ouvre la porte de la
trano-madioprès des tombeaux et le manantany qu’on aura convoqué, entre avec le
manadriabe.

Le tour fait environ 100m, le nettoyage ne se fait donc pas en une seule journée.
Un autre jour sera fixé pour le nettoyage de valamena. A Tsinjoarivo, les zébus font le
travail mais comme la clôture est unique, ils ne rentrent pas à l’intérieur.
123
Sorte de grand tambour utilisé lors du fanompoa be.

138
Il y a deux moments :

- A l’intérieur de la fiaro omby, la surface est nettoyée par les zébus, mais près
des tombeaux, seuls les mains peuvent approcher.

- A l’extérieur, le vendredi, samedi et lundi, à la périphérie du valamena. Le


travail de nettoyage se fait au moyen de l’angady (bêche). Les mauvaises
herbes sont récupérées et brulées.

Le deuxième jour, on prépare du toa-mainty qui sera distribué après le rituel de


nettoyage, le lundi. Il s’agit, sans aucun doute, d’une boisson qui soude le corps social.
Le second rite est la réfection des clôtures, que l’on retrouve dans le Nord-Ouest.124

Il est à signaler que les chronogrames, les activités ainsi que le plan de ces deux
sanctuaires à savoirs : Mahabo et Betsioko sont identiques à quelques points près.

5.2. Branches dynastiques : Bemazava - Bemihisatra

5.2.1. Histoire du royaume sakalava du Boeny

Le pays des Sakalava proprement dit se trouve le long de la côte ouest de


Madagascar, du fleuve Mangoky au sud jusqu’à l’île de Nosy Be au Nord. C’est une
bande de terre, longue de 1000 km et large de 100 à 200 km. Les Sakalava sont donc
ceux qui ont le plus grand pays ancestral de toutes les tribus malgaches.

La première capitale des rois sakalava, au XVIèmesiècle était le village de Bengy


(osy  chèvre) dans le district de Manja, au bord d’un affluent du Mangoky appelé
Sakalava. C’est cette rivière qui a donné son nom à la tribu et non la tribu à la rivière.
Saka signifie une petite dépression dans la plaine où coule un ruisseau ou une rivière, et
lava veut dire long. Le mot Sakalava peut donc se traduire par « vallée longue », ce qui
correspond bien au caractère de l’affluent.

Le royaume sakalava était le plus vaste royaume qui a vu le jour à Madagascar


vers le XVIIème siècle avant respectivement les royaumes Betsimisaraka (début du
XVIIIème siècle), Betsileo (mi-XVIIIème siècle) et Merina (XIXème siècle).

124
Observation de l’auteur lors de la visite des doany à Marovoay et Ambato Boeny en 2007 et
2008.

139
Il s’est répandu sur à peu près les 2/3 de l’île, de la côte Sud-Est (région
ANTASAIKA), au fleuve Mahavavy Nord (région de l’ANKARANA) en passant par le
Sud-Ouest (Maroseranana), le Centre-Ouest (Menabe) et le Nord-Ouest (Boeny).125

Ce célèbre royaume, initialement fondé par Andriandahifotsy (1610-1685) et


fortifié par Andriamandisoarivo (1685-1712) a été divisé en deux zones principales :

-le Menabe, du fleuve Onilahy au Sud au fleuve Manambolo au Nord, avec


comme capitale la ville de Bengy (Manja actuellement).

-le Boeny, du fleuve Manambolo au Sud du district de Soalala, au fleuve Sofia,


au Nord (baie de Narindra), près d’Analalava, avec comme capitale Tongay126, tout près
de l’actuelle ville de Mahajanga qui n’est autre que la déformation du swahili « Moudzi
wa angaya ».

Moudzi = ville

Wa = de

Angaya = fleur.

Autrefois, des commerçants de l’île de Zanzibar venant en boutre pour acheter


des épices, furent attirés par les fleurs Yasmins du bord de la mer de la ville de
Mahajanga. C’est ainsi qu’ils donnèrent à cette dernière le nom de « Ville des fleurs » ou
« Moudzi wa angaya ».

Andriandahifotsy, comme son nom l’indique, avait comme ancêtre un certain


Andriamanalimbe, qui avait une peau blanche (on dirait un arabe) venant de la région de
l’ISAKA de la Côte Est et probablement Manakara ou Vohipeno, c’est-à-dire la région
occupée par les Antemoro.Cela nous amène à croire d’une part, la présence des papiers
antemoro sur lesquels ils écrivaient le sorabe.127

125
Cf.DESCHAMPS H. (1965), Histoire de Madagascar, Paris, Editions Berger-Levraut.
126
Capitale originelle du royaume sakalava du Boeny. Là où son fondateur – Andriamndisoarivo,
parti d’un autre royaume sakalava, celui du Menabe, s’est établi dans le but de créer son propre
royaume. D’où la naissance du royaume sakalava du Boeny.
127
Source : auteur, entretien avec Soudjay Bachir Adeham, ex-Sénateur de Madagascar,
membre de l’Académie Nationale Malgache, Mahajanga, 2006.

140
Exemple :

‫ س‬, ‫ ش‬, ‫ ﻅ‬, ‫ ﺹ‬, , , ‫ ﺈ‬, ‫ ﺕ‬, ‫ ب‬, ‫ ﻡ‬, ‫ﻕ‬, ‫ ﺂ‬, et de l’autre : l’existence de
quelques mots ou vocabulaires arabes dans la langue malgache comme :

-baraka = honneur ;

-afa-baraka = déshonoré.

Les noms des sept jours de la semaine viennent de l’arabe ainsi que ceux des
douze mois du calendrier lunaire (constellation du zodiaque) :

-al wahed ou Alahady : le premier (jour) ;

-al tsinain ou Alatsinainy : le deuxième (jour) ;

-al hamsz ou Alakamisy : le cinquième (jour) ;

-al sabaan ou Asabotsy : le septième (jour) ;

-el hamal ou Alahamady : le premier (mois) ;

-es saratan ou Asorontany : le quatrième (mois) ;

-ed dalou ou Adalo : le onzième (mois).

Les reliques royales servent de fil à la description historique et à l'analyse des


relations entre le pouvoir et ses symboles, les pratiques religieuses et la représentation du
monde, les rapports sociaux, l'usage de l'espace.

L’ancestralité, premier facteur de l'identité collective et individuelle à


Madagascar, est au fondement du « système des reliques » dont on trouve des éléments
dans les pratiques religieuses de toutes les régions de l'île.

Le royaume sakalava du Menabe fut créé par les Maroserana, une des dynasties
venues du Sud-est fondatrices des premiers royaumes du Sud et du Sud-ouest. .

Des conflits dynastiques entraînèrent, par des scissions successives, la création


du Boeny puis d'autres royaumes dans le Nord-Ouest. Après l'apogée du Boeny à la fin du
XVIIIe siècle, le démantèlement progressif des formations politiques fut achevé au XIXe
siècle par l'occupation des Merina des Hautes Terres puis par la conquête coloniale ;

141
mais l'appareil monarchique subsista sous des formes symboliques, centrées autour des
reliques, qui ont des effets politiques et économiques encore importants de nos jours.

Dans le passé, les vols de reliques et les guerres qui s'en suivirent montrent que
la domination politique fut toujours liée à leur détention. La permanence de ce lien, en
analysant lamésentente qui dure depuis quarante ans, offre une nouvelle lecture des
rapports de pouvoir, non seulement entre les branches dynastiques qui se disputent les
reliques, mais aussi avec les forces politiques nouvelles, nées sous la colonisation et
depuis l'indépendance sous les régimes successifs.

Cependant l'institution royale du Boeny est en partie démantelée ; les nombreux


petits souverains des deux branches dynastiques rivales, en majorité des femmes, sont
éparpillés dans tout le Nord-Ouest, soumis ou résistants. La région abrite une population
très hétérogène composée des commerçants étrangers islamisés, des autorités et du
personnel administratif merina, de la population servile. L'islam y est présent depuis
longtemps, le christianisme s'y est installé aussi.

Au moment de la conquête française, les reliques apparaissent comme l'enjeu


essentiel pour toutes les parties. Les Français, comme les Merina avant eux, y voient un
gage de soumission ; mais les Merina n'osent pas s'en défaire de peur d'être vaincus
tandis que les prétendant(e) s sakalava y voient le seul moyen de s'imposer sur leurs
rivaux. Vols ou disparitions se multiplient. .

L’administration coloniale tente par la suite de contrôler « le monde des


mpanjaka » de l'Ouest et du Nord-Ouest en utilisant les rouages existants, c'est-à-dire en
mettant en place une administration autochtone confiée aux chefs locaux détenteurs des
reliquaires qu'on finira par leur confisquer pour plus de sûreté. Puis c'est au tour des
mouvements nationalistes, menés dans la région par des personnalités merina, à
s'immiscer dans les conflits qui divisent les branches dynastiques, tout en dénonçant la
politique de conservation des anciennes structures et en utilisant parallèlement les
réseaux des temples et des associations.

L’ethnicisation des rapports politiques s'intensifie à partir de1946 et on


s’interroge sur la portée de la symbolique monarchique dans ce contexte politique. Dans
le Menabe et le Nord-Ouest bien centralisés, les rois sakalava ont gardé en grande partie

142
leurs prérogatives sous l'administration française. L'Ambongo et le Sud-ouest n'ont pas
d'héritiers royaux suffisamment puissants pour devenir des notables influents.

Dans le Boeny, déjà morcelé dès le début du XIXe siècle, les oppositions
internes aux branches dynastiques reflètent les tensions nationales entre le soutien au
colonisateur et le nationalisme. Ces oppositions donnent finalement lieu
auxdesaccordscommencés en 1947, mettent au jour une réalité disparate et reconstruite,
bien éloignée de l'histoire idéologique des dynasties ; la légitimité même des reliques y
est controversée. Les reliques jouent toujours un rôle aujourd'hui pour des affirmations
identitaires locales, ethniques, liées à de nouvelles stratégies de pouvoir.

La possession des reliques conférant la légitimité ancestrale à ses détenteurs.


Pour garder leur efficacité cependant, les reliques doivent être périodiquement baignées,
car le hasina, leur vertu divine, est censée à défaut s'affaiblir peu à peu.

Tsimenate de son vivant, Andriamandisoarivo après sa mort vers 1718, l’un


des fils d’Andriandahifotsy ,fonde le royaume Boeny après un conflit de succcession
qui l’oppose à son frère . Il a emporté avec lui une partie des reliques d’Andriamisara
qui sont devenues le symbole du pouvoir royal. Il crée ainsi la dynastie des
Zafimbolamena qui après avoir traversé la région de l’Ambongo, règne jusqu’à la baie
de Mahajamba. Andriamandisoarivo s’installe dans la baie de Baly assurant ainsi le
contrôle du port maritime.

Il fit de Tongay sa résidence, près de la rivière Mahavavy du Sud, un peu au


sud de la Baie de Baly. Il régna environ 30 ans, et fut enterré à Tongay.
Andriamboeniarivo, son fils eut un règne paisible de dix ans. (1720-1730). Il poursuivit
les conquêtes vers le Nord. A sa mort, il eut pour successeur son fils, le cruel
Andriamahatindriarivo, qui établit sa résidence à Marovoay, emportant les reliques de
ses ancêtres. Ses restes furent déposés dans un autre doany, celui de Mahabo, près du
fleuve Betsiboka, commune de Manaratsandry, district de Marovoay dans le Fokontany
d’Ambararatafaly.

Le nom de Tongay ne dit sûrement rien au grand public, sauf à ceux qui
connaissent l’histoire, base de l’identité culturelle nationale. Tongay est donc la
capitale originelle du royaume sakalava du Boeny. Là où son fondateur

143
Andriamandisoarivo, parti d’un autre royaume sakalava , celui du Menabe, s’est
établi dans le but d’instituer son propre royaume .

Bezavo, ce nom ne dit certainement rien aux historiens. Sauf à quelques


aventuriers qui auraient dejà pu repérer ce petit village sur une carte topographique
du district de Mitsinjo. Bezavo est un petit village perdu dans un lambeau de fôret
tropophile que l’on rejoint de Katsepy après 60 km et de poussières dans une forêt
de « satrana ».

Bezavo et Tongay ne font pourtant qu’un. Le nom de Tongay lui fut attribué
après l’arrivée du roi Andriamandisoarivo et de sa suite , sur les directives
d’Andriamisara : « Tonga ahay » qui veut dire « nous sommes arrivés ».

Plus tard, l’endroit est rebaptisé du nom de Bezavo en raison de la


persistance de fumées émanant des feux défrichements « tetik’ala », mal nécessaire
pour l’aménagement de ce territoire assez difficile à irriguer malgré la présence du
fleuve Mahavavy Sud . C’est que les lieux sont rocailleux.

Bezavo est le théatre d’une cérémonie rituelle perpétuée depuis au moins deux
siècles : le « fanompoa ». Ce terme désigne tout ce qui est service lié aux « doany »,
là où reposent les restes mortelles des rois sakalava . A Bezavo, il s’agit de celles
des premiers rois du Boeny, Andriamandisoarivo en tête, ensuite Andriamboeniarivo,
Andriamanarinarivo, Andrianiveniarivo, Andriamihantanarivo, Andriamanatoarivo,
128
Andriamandikavavy.

5.2.2. Relation Bemazava-Bemihisatra


Aux environs de 1780, on a assisté à une querelle perpetuelle et à une
alternance inévitable entre Bemazava et Bemihisatra qui prendra une dimension
dramatique sous la colonisation.

Selon BALLARIN M.P.129 , le debut du XIX ème siècle, est le théatre des
velléités conquérantes des souverains merina . Andrianampoinimerina, puis son fils
Radama I, entament une politique expansionniste avec le concours des Anglais. La prise

128
ASSOUMACOU E-B. (2004), Le Fanompoa be sakalava, Mémoire de Licence en Sociologie,
Universit é d’Antananarivo.
129
BALLARIN M.P. (2000), Les reliques royales à Madagascar : source de légitimation et
enjeu de pouvoir (XVIII -XX siècle), Karthala, Paris, pp.43-44.

144
de Mahajanga en 1822 puis 1824 par l’armée merina a brisé la structure de la royauté
du Boeny.

Andriantsoly, héritier direct de la monarchie entre en lutte ouverte avec


Radama I. Il s’enfuit à Mayotte après avoir échappée au souverain d’Imerina. Sa sœur
Ouantiti, avec les principaux membres de la famillle royale du Boeny, s’installe
desormais à Amorontsanga sur les littoraux de la presque’île d’Ampasindava.

A la mort de Radama , Andriantsoly, converti depuis 1823 à l’islam , avec


l’aide des familles aristocratiques comoriennes , est rappelé par sa sœur qui lui rend le
pouvoir , fait une tentative de réunification des chefs Antalaotra et des membres de
l’ancienne dynastie. Il marche contre Ranavalona I mais sera définitivement battu.

Après de nouvelles incursions infructueuses à partir de Mayotte et avec


l’aide des chefs Antalaotra,les conseillers royaux sakalava lassés ,le déposent au profit
de la sœur Ouantiti . Celle-ci mène alors une politique de négociations avec les Merina
, et prête serment auprès de Ranavalona I . Elle meurt bientôt laissant le pouvoir à
Tsiomeko , fille de sa demi-sœur ,Taossy alors âgée de huit ans .

La jeune souveraine règne par l’intermédiaire de conseillers Antalaotra, qui


accueillent parmi eux Tsimandroho, roi de la branche Bemazava, ancien gouverneur de
Vohémar sur la côte Nord- Est. Les Merina réagissent et envoient une expédition de
deux mille hommes, chargés de ramener Tsimandroho.

Tsiomeko d’après NOEL130 , écrit au sultan de Mascate à Zanzibar, lui


demandant de l’aide ( pour la contruction de ports le long de la côte par exemple ) en
échange de la souvereineté de Boeny. Les troupes merina obligent Tsiomeko à
s’exiler et à se retirer sur l’île de Nosy –Be.

Les Sakalava de Nosy – Be se mettent sous la protection de la France. En


1840, ils passent avec le Capitaine Passot une convention dans laquelle Tsiomeko,
reine du Boeny , cède son territoire à la France . Ainsi est fixé le nouveau cadre
territotial des monarchies Bemihisatra par la conjoncture de la guerre et de la fuite. Le
royaume d’Analalava fondant le segment des Bemihisatra du Nord , en opposition aux

130
NOEL ,(1844),Recherches sur les Sakalava ,Bulletin de la Société Géographique de Paris ,
ème
2 série ,pp.53 -54.

145
Bemihisatra du Sud , est crée vers 1850 à la suite des conflits ayant accompagné
l’abolition de l’esclave en 1848 .

La relation Bemazava – Bemihisatra est marquée par la querelle prolongée sur


les reliquaires. Cette opposition incessante conduit la société sakalava à un
effondrement total car d’une part , elle desacralise le doany et d’autre part , devalorise
la personnalité royale . Force est ici de constater que les conflits ne sont jamais
terminés jusqu’à ce jour.

5.3. Conflits de pouvoirs royaux


Les Sakalava sont de guériers , l’opposition entre les grandes familles a
toujours existé depuis l’époque de la royauté jusqu’à nos jours. Ceci a favorisé le
déchirement interne du groupe ethnique sakalava qui était le premier et le plus grand
royaume de Madagascar à l’époque.

5.3.1. Début du conflit


Les Bemihisatra et les Bemazava se heurtent ouvertement pour la garde du
Doany de Mahajanga, de 1930 à nos jours. L’affaire prend une mauvaise tournure
jusqu’à ce que les autorités coloniales et la justice interviennent pour arbitrer la
querelle des deux branches .

Dès lors , l’ histoire du doany de Mahajanga et celle du culte d’Andriamisara


ont accueilli une politisatiion orientée vers la modernité .

En aout 1957 ,Vahoaka , reine des Bemihisatra porte plainte contre inconnu
pour vol et violation de domicile avec constitution de partie civile au Tribunal de
131
Première Instance de Mahajanga . Cette décision se situe dans le prolongement des
tentatives de Me Laforest , avocat de la partie Bemazava, lequel ,depuis1952 essaie de
porter l’affaire des manantany en justice .

Ceci est possible puisque depuis 1946, en matière pénale, la justice de droit
traditionnel, réservée aux indigiènes est rattachée aux juridictions de droit commun,et
passe ainsi de l’administrateurr au juge, permettant ainsi une séparation des pouvoirs
judiciaire et politique. De plus, c’est un moyen de contrer l’ administration , car en

131
Archives procès, Mahajanga, 21 Août 1957, au juge d’instruction près du Tribunal de
Première Instance.

146
1957 au moment des élections aux Assemblées Provinciales (mars – avril) , NATAÏ
J.J. promet les clés du doany au clan Bemazava s’ il vote pour lui 132.

L’afffaire en prenant une tournure judiciaire, s’est concentrée sur l’illégitimité


de la détention des clés par le manantany Solondrazana.

La légitimité du clan Bemihisatra représenté par la princesse Vahoaka est


justifiée par son appartenance (au) et sa descendance du lignage d’Andriamifefiarivo
qui a tenu tête à Radama vers 1820 car les ascendants de Vahoaka ont reçu de
l’administration coloniale , les reliques en 1902. Les Bemihisatra ont donc pris
position dans la lutte contre les Merina , et plus tard , dans l’obéissance envers la
nation française .

A la fin du procès, le 29 Septembre 1961, l’acceptation de Vahoaka en tant que


princesse de Boeny est officielle mais le manantany Solondrazana ou Solo a été
remplacé par Laza. La partie Solondrazana tente de transférer les reliques et le lieu
sacré mais cela a été sans succès car toute modification avant les conciliations est
interdite . Malgré les efforts de Me Laforest, Solondrazana doit renoncer au doany.

Vahoaka est donc reconnue comme la plus grande princesse du Boeny voire
même l’héritière légale du royaume.

5.3.2. Création du doany Nord à Mahajanga


Non satisafait de la décision de la justice , à la fin de l’année 1961, Solo
s’est tourné vers la construction d’un nouveau doany appelé doany Nord ou
Mandresiarivo ( doany avaratra ) . Ceci a été fait , pour opposer directement au doany
Sud des Bemihisatra ou Doany Miarinarivo( doany atsimo).

L’inauguration du doany Nord a eu lieu le 16 Octobre 1961. Il a été déclaré


que les reliques des quatre grands rois (Andriamisara Efadahy) seront déplacées dans ce
doany Mandresiarivo le vendredi 19 Mars 1962 à 9 heures. Cette déclaration a rendu
officielle la rupture entre les deux branches dynastiques. 133

Le jour dit, les quatre reliques ont été transférées illégalement au doany
avaratra. Depuis ce moment, les cérémonies des cultes des ancêtres se sont déroulées
en ce doany. L’opposition entre les deux branches dynastiques continue de se renforcer
132
BALLARIN M.P. (2000), pp. 356-358.
133
Informations reccueillies auprès du feu Mpajaka be Dezy, Mahajanga, 2006.

147
jusqu’à la mort de la princesse Vahoaka qui est succedée par son fils , le prince
Andrianirina Désiré Noël .

La première phase des procès concernant le doany s’achève au décès de


Vahoaka et la deuxième phase opposera le prince Andrianirina Désiré Noël aux
princes Moanjy ( successuers de Tongozo ) et Kamamy Laguerre , ainsi que les
fidèles du Président Tsiranana au gouvernement de la 2ème République ; encore une
fois , les Bemihisatra ont gagné au procès car le prince Dezy a été reconnu Mpanjaka
be du Boeny .

En 2004 , les reliques majeures des rois sakalava sont prévues de changer
de doany du site sacré de garde , c'est-à-dire du doany Sud au doany Nord . Les
reliques d’Andriamisara Efadahy Manankasina qui étaient supposées quitter le doany
Sud le lundi 02 Août 2004 n’ont pas bougé d’un iota.

Les deux parties belligérantes campent sur leurs positions, empêchent le


transfert selon un arrêt de la Cour Suprême .Il resterait donc à savoir à l’époque si
les reliques vont être transférées au doany Nord ou non.

La capitale du Boeny accusait les ricochets d’une sourde rivalité séculaire au


sein de la société sakalava attisée, par le brutal déplacement manu militari, en 1972 ,
des reliquaires du « Doany Nord » vers le « Doany Sud » au cœur de la Commune
Urbaine de Mahajanga. A l’époque, un decret octroyait au prince Andrianirina Désiré
Noël la qualité offficielle de membre du Conseil National pour le Développement
(CNPD).

Les autorités centrales et provinciales ont toujours repoussé l’exécution de


l’arrêt rendu en 1994 par la Cour Suprême qui enjoint de rendre les reliques au Doany
Nord. Pierre TSIRANANA , l’ex- PDS de Mahajanga n’a pas osé le faire durant son
mandat ; l’ex-PDS Vincent TOTO , malgré l’engagement solennel de le faire (en 2003)
, a reculé devant l’échéance de l’après fanompoa en juillet 2003 . Jusqu’en 2009,
personne n’a daigné rendre ces reliques au « Doany Nord ».

En 2005, Dadilahy Jaomora du Doany Nord a mentionné qu’au Doany Sud ,


les reliques ne sont pas bien installées car elles sont entourées de tombeaux, l’endroit
est souillé, sali par les gens . Le prince Dezy , quant à lui , a vu les choses autrement
car il a pensé que les reliques sont bien là où elles sont , c’est- à-dire dans le doany

148
sud , et que si aucun message ou aucun signe ne lui seront transmis par les
« ancêtres « ou « dady » c’est qu’ellles veulent tout simplement rester là .

Actuellement, on assiste à la troisième phase des procès opposant les


Bemihisatra et les Bemazava. Cette phase a débutée lors du décès du Mpanjaka be
Dezy en Mai 2007. Cette fois , on est en face d’une guerre de pouvoir car depuis
2007, il y a eu dejà deux morts au sein du doany Miarinarivo lors de l’affrontement
entre les deux groupes .

Le conflit est entre le prince Guy Herimisy fils, successeur du Mpanjaka be


Dezy et le prince Richard Nany, fils reconnu du feu Commissaire Nany Charles.

Dès la création du royaume sakalava jusqu’à nos jours , la succession au


pouvoir a été la cause d’un nouveau conflit conduisant ainsi à la lutte entre les
deux branches dynastiques et à la lutte interne car Guy Herimisy et Richard Nany sont
tous les deux de branches bemihisatra . Il va sans dire alors que les conflits de pouvoirs
royaux dans la société sakalava constituent à la fois des éléments déterminant de la
reproduction sociale. 134

Conclusion du chapitre

Tous les conflits commencent par des accusations de vols des bijoux et
reliques, de détournements d’argent, de non respect des rites, etc. Les Bemihisatra et
les Bemazava entrent naturellement en guerre et cela se traduit, par la suite, en lutte
politique. La royauté étant instrumentalisée par l’administration, les partis politiques et
quelques princes puissants du Boeny, est exposée à la fracture entre les dominants et
les dominés. La société sakalava est une société conservatrice et hiérarchisée mais ce
statut est changé par l’introduction de l’économie de marché et le prolongement de la
querelle interne incessante .

Cette situation donne naissance à une crise identitaire car les Sakalava sont
en face d’une incapacité économique qu’idéologique. Tout cela conduit les Sakalava à
l’affaiblissement, à l’éffondrement de leur royaume.

134
Source : auteur, enquête auprès du Tribunal de Première Instance de Mahajanga et entretien
avec Dadilahy Kassim, un médium au doany Miarinarivo.

149
CHAP.VI : LES RITES FUNERAIRES SAKALAVA

Introduction du chapitre

Il existe une vision dialecticienne entre les pays du Nord et les pays du sud en ce
qui concerne la mort.Les uns repoussent la mort, éludent le deuil et optent pour
l’importance de la vie des survivants. Tandis que les autres, issus d’une société primitive,
croient en la vie après la mort et hissent les défunts au rang de la sacralité.

Ainsi, ils respectent les ancêtres et les versent jusqu’à interpréter les rites
funéraires comme un moyen, d’entretenir les relations entre les vivants et les morts d’une
part et d’accepter les continuités d’autre part. Dans le monde occidental, la mort est
phénomène individualiste car elle véhicule discrètement ou indirectement une exclusion
sociale : toute organisation est confiée au service funèbre et non à la famille du défunt.
Contrairement à cela, en tenant le statut holiste, la mort témoigne chez les Sakalava, la
cohésion sociale du groupe et renforce le fihavanana.

On dit souvent que « olo tsy miady amin’ny faty » : chaque conflit doit se
dissoudre et tout le monde doit s’entraider car si la mort a frappé à la porte d’autrui
aujourd’hui elle peut aussi rendre visite chez soi demain. La croyance traditionnelle des
Sakalava tourne autour de la naissance et de la mort. Ces dernières sont liées par un
contrat dont l’objet est de faire passer chaque individu au fameux pont de la vie, qui
va même en constituer la cause.

Caractérisé par des forces surnaturelles, imaginaires et phénoménologiques, le


dit contrat a pour but de renforcer la relation dialectique entre les contractants (entre le
réel et l’irréel, entre le visible et l’invisible, entre les vivants et les morts).On parle de la
thanatologie et on se réfère aux rites funéraires car cette puissance de domination
symbolique est encore très forte et respectée après la mort des rois d’où leur sacralisation.

Les Sakalava ont donc recours aux rites funéraires pour pérenniser cette relation
dialectique afin de faciliter le voyage, dès le point de départ : naissance en passant par la
mort, jusqu’à la destination : l’au delà. Dans ce chapitre nous allons mettre en évidence la
différence entre les funérailles populaires et les funérailles royales et dans un essai
d’analyse, donner les trois étapes des rites funéraires.

150
6.1. Conception de la mort chez les Sakalava

6.1.1. Approches socio-anthropologiques


La mort est un fait social135 qui est considérée comme inévitable et que
personne ne peut contrôler. C’est un phénomène que la société subit car elle finit
toujours par triompher.

Etant le seul rendez-vous qui ne figure pas dans notre agenda, il est toujours
raté puisque sa présence signifie notre absence et à l’inverse notre présence souligne
son absence.

On constate entre la mort et la naissance une relation dialectique caractérisée


par le malheur et le bonheur, la tristesse et la joie, les pleurs et le sourire. Si paradoxale
que cela puisse paraître, à la naissance, le nouveau –né, lui seul pleure tandis que la
famille toute entière souri. Alors qu’à la mort d’un individu, la société pleure, et c’est au
tour du défunt de sourire dans l’espoir d’être bien accueilli au monde de l’au –delà.

La mort peut aussi être interprétée comme la séparation biologique et la


décomposition du cadavre marque aussi la continuité de la vie, car celui-ci subit encore
une métamorphose, que son anéantissement parce que le mort n’existe plus en tant
qu’être humain.

D’où l’utilisation du concept de faty lena et de faty maina.

-Le faty lena appelé aussi cadavre frais, ou cadavre pourrissant est en général, le
cadavre enterré depuis moins d’un an. C’est le cadavre durant la période de
pourrissement, de salissement, c’est-à-dire à partir de la mort absolue (arrêt du travail du
cœur-poumon-cerveau) en passant par les obsèques provisoires jusqu’aux obsèques
définitives.

Il est en même temps vulnérable et dangereux durant cette période (mérite d’être
pris en soin et son double risque de roder autour des vivants). La conduite des vivants à
l’égard du mort est marquée par la sollicitude et le rejet quise manifestent de manière
symbolique ou réaliste selon des aspects variés suivant les ethnies. Le cadavre est aussi
appelé « faty lena » durant la période de deuil.

135
Selon la conception durkheimienne de la sociologie est « toute manière de faire fixée ou
non susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure ».

151
-Le faty maina, appelé aussi cadavre sec ou intégrant, est en général le cadavre
enterré déjà depuis plus d’un an et prêt à passer aux obsèques finales ou définitives.

Le sort du cadavre sec est réglé au moment des secondes obsèques : on procède
à des rites d’intégration, c’est-à-dire, intégration du cadavre dans la société des ancêtres.
Le défunt est alors invité à rejoindre les ancêtres, et à préparer son après-mort
(métamorphoses, réincarnation, séjour près de Dieu, etc.). Le plus important est
d’orienter l’âme du cadavre pour qu’elle atteigne le ciel. Le cadavre sec ou faty maina est
aussi considéré comme étant un signe pour la rupture de deuil pour les vivants.136

La mort d’un membre du groupe est souvent considérée comme une perte
mettant ainsi en danger sa survie et sa cohésion sociale .La mort renforce non
seulement la collectivité du groupe mais veille aussi à sa solidarité qui va jouer un
rôle important dans sa pérennisation .En d’autres termes, si la vie présente un aspect
holiste, la mort quant à elle, montre son aspect individualiste.

Nul ne peut connaître l’origine de la mort, elle est souvent causée par une
maladie, un accident et d’autres encore. On cherche toujours un coupable alors qu’il
faut tout simplement se consoler par le fait que « la mort vient de dieu » ou « kabarin-
dranahary » en dialecte sakalava.

Donc, la mort ne doit pas être perçue comme mauvaise car c’est la volonté
divine, étant donné qu’elle possède deux variantes : négative parce que de perte,
dommage et échec, et positive puisqu’ elle signifie une nouvelle vie, une continuité et
une réincarnation.

Cette dynamique nourrit l’échange, qui signifie la notion de réciprocité, de


contrepartie et/ou d’équivalence dans les vocabulaires de LEVI-STRAUSS. Le monde
invisible offre un nouveau-né au monde visible : la naissance et à son tour le monde
visible donne aussi un nouveau –né au monde invisible : le mort.

Pour en savoir plus, voir RAJAOSON F., 1969, « Contribution à l’Etude du Famadihana sur les
136

Hauts Plateaux de Madagascar », Thèse de III ème cycle, Sorbonne, Paris, pp. 208-213.

152
La mort est le voyage sans billet retour que chaque individu doit effectuer,
seul ou accompagné. La date de départ pour ce voyage n’est jamais déterminée
auparavant et la destination peut donc être qualifiée d’eidétique.

Tout le monde n’accède pas à un tombeau. Les gens très pauvres et sans parenté
bien établie courent le risque d’être « alevina » c’est-à-dire mis dans un simple trou, en
terre. Isolés, ils ne seront pas visités et seront rapidement oubliés. « Mourir et ne pas être
enterré par ses parents, c’est mourir comme un chien » dit le proverbe. « Même le
fangaraka (abeille sauvage) fait des funérailles à sa grand-mère ».

Beaucoup de gens pauvres économisaient pour avoir au moins un lambamena137,


fermaient les yeux sur les humiliations pour pouvoir être intégrés par un parent riche ou
puissant sur la banquette réservée aux pauvres dans le tombeau.

D’autres connurent un sort plus dur encore : les gens réputés mpamosavy
(sorciers) étaient enterrés dans la « terre mauvaise », à fleur de sol, après avoir été traînés
là au moyen d’une corde. Leur tête était orientée vers le Sud, direction des sorciers, ou
bien leur corps était jeté dans le fleuve. Etaient aussi interdits de tombeau, les gens morts
du tanguin ou condamnés à la peine capitale, les varioleux et les lépreux.

Ces derniers, enterrés dans une fosse d’allure provisoire, devaient attendre
plusieurs années une autorisation royale donnée à la famille. Préoccupant aussi pour leur
famille fut le cas des gens morts au loin qui sont sur les marges, souvent dans des
engagements militaires.

Si l’on n’avait pu rapatrier leurs ossements au tombeau, on dressa pour eux un


cénotaphe sous forme d’une pierre levée (tsangam-bato). Dans le pays Betsileo, celles-ci,
appelées orimbato, prirent une forme humaine ou furent gravées d’une inscription portant
l’identité du destinataire.

Lors de la mort, s’imposent deux convictions. La première, est que le mort est
malheureux de quitter cette vie, qu’il peut être jaloux des vivants si ces derniers ne lui
donnent pas des témoignages de respect, d’affection assez évidents, et qu’il est

137
Lambamena : suaire rouge, de soie sauvage, dont on enveloppe les morts. Une insulte
particulièrement pénible pour un malgache est encore de lui souhaiter de ne pas avoir de lamba
pour linceul.

153
potentiellement dangereux. Pour assurer un bon rapport avec lui, il faut dépenser sans
compter pour l’enterrement.

La deuxième idée est que le mort part pour une autre société où il retrouvera les
membres de la famille, foko, etc., une société où se reproduit la hiérarchie des statuts. Il
faut donc lui assurer la possession des objets symbolisant une position sociale : les
bœufs, l’argent. Les bœufs abattus dont les morceaux sont distribués aux participants
suivront le mort dans l’au-delà.

L’enterrement est un rite de passsage du monde des vivants au monde des


ancêtres, razana. Il comprend trois étapes.

1- Le fitsapana alahelo qui consiste à « sentir, toucher la douleur ». Il s’agit en


général d’une visite de recueillement devant le mort pour dire à la famille rassemblée que
vous avez appris sa douleur et que vous venez la partager. Vous asseyant auprès d’elle,
vous participez à l’accueil des autres visiteurs qui se succèdent.

2 - Le famangiana, c’est le fomba principal, la visite rituelle. Les membres de


la parenté et les connaissances prononcent des paroles de consolation, évoquant soit les
ancêtres, soit chez les chrétiens l’espérance de la vie éternelle offerte par le christianisme.
Au cours des remerciements d’usage prononcés par lereprésentant de la famille du
défunt, il est « que la douleur est plus légère à plusieurs pour la supporter. »

3 - Le fandevenana, l’enterrement proprement dit. Bien que le caractère


grandiose des enterrements urbains les masque un peu, c’est un rite de passage où les
vivants conduisent ensemble le nouveau mort dans sa communauté d’accueil constituée
de ses ancêtres. Aller à un enterrement est non seulement une obligation, mais un
investissement social, car celui qui enterre souvent sera enterré à son tour avec le faste
d’une foule nombreuse venue le conduire là où ses ancêtres reposent déjà.

Avant l’enterrement, on procède au nettoyage des environs du tombeau pour la


cérémonie. Cette tâche a été confiée préalablement aux villageois restés à la terre. Le
plus souvent d’origine servile, ce sont les « sauterelles gardiens de tombeaux », valala
mpiandry fasana.

C’est au moment de l’ouverture du tombeau que l’on annonce aux ancêtres


qu’un nouveau venu les rejoint et qu’il faut l’accueillir. On nomme ceux qui sont enterrés

154
là, au moins les principaux. La cérémonie se déroule à l’heure indiquée par l’astrologue.
Après un culte chrétien ou une apostrophe debout, joro, les jeunes de la famille
transportent le corps dans le tombeau grand ouvert.

Les femmes, quant à elles, n’ont pas le droit d’y pénétrer pour y mettre ou
prendre un mort. Chez les chrétiens la mise au tombeau s’achève par une célébration et
un chant de résurrection. Sinon, le joro faty appelle les ancêtres à recevoir le nouveau
mort qui va habiter désormais chez eux, dans ces termes :

« Nous voici, vivants, nous nous tenons débout devant vous, les grands ancêtres.
Nous venons ici, descendants d’untel, nous vous portons ici untel, nous l’accompagnons
dans sa nouvelle demeure. Ne le repoussez pas parce qu’il risque de nous faire du mal, de
rendre nos terres infertiles, de tuer nos enfants en bas âge. Accueillez-le parce que c’est
maintenant votre parent et non plus le nôtre. Il vous appartient, tenez-le bien, qu’il ne
vienne pas troubler notre vie ».

Autant les nourritures servies avant l’enterrement sont empreintes de l’esprit du


deuil par leur sobriété, leur absence de goût, de sel et parfois l’interdiction de certaines
viandes selon le rang du défunt, autant le repas communautaire qui suit l’enterrement
peut être joyeux et même comporter des gâteaux. Lors de ce repas, les représentants des
diverses familles expriment leurs remerciements selon la formule : « les morts sont bien
enterrés (par les rites) et les vivants sont bien honorés (par le nombre de personnes qui y
assistent) ».

Une fois la porte du tombeau fermée, des rites de purification peuvent être
accomplis comme, par exemple, allumer au seuil de la maison un feu que chacun doit
enjamber pour entrer ; brûler les effets du mort ou même sa maison pour éviter qu’un
vivant ne l’habite ; aller se laver dans un cours d’eau ou, plus symboliquement, y tremper
un coin de lamba. Ces rites ont pour but d’effacer toute trace de contact avec le mort.

Un mort dont l’enterrement n’a pas été accompagné de tous les rituels
nécessaires (tsy vita fomba) peut revenir troubler les vivants car il regrette sa vie
antérieure et n’accepte pas son nouveau statut. Pour marquer sa tristesse, il sort de
satombe et exerce des forces destructives et négatives sur les vivants. On l’appelle un
lolo.

155
Il est nécessaire d’exposer ces grands traits pour saisir ce qui change, sous quel
effet et dans quel but. L’enterrement est un effet marqué dès le XVIIIème siècle et
jusqu’à nos jours par des modifications qui tiennent aux prescriptions du pouvoir,
intéressé par la cohésion sociale, c’est à la mode, donc aux effets de distinction
poursuivis par les élites, deux processus parfois contradictoires. Interdiction est faite aux
descendants du mort de l’enterrer discrètement, sans faste, entre parents. L’enterrement
doit être une affaire sociale large, remise aux mains de la communauté.

L’enterrement est surveillé dans la mesure où c’est un des lieux et moments


essentiels de régulation de la vie économique. Il y avait donc, lors de l’enterrement,
renforcement de l’idéologie de la parenté, non pas tant pour elle-même que pour les
conséquences, favorables envers l’Etat, qu’elle pourrait encourager. On dissociait, dans
l’évaluation des dépenses à faire, ce qui était l’héritage provenant du travail des ancêtres :
les rizières surtout, qui constituaient le cœur du tanin-drazana, et devaient rester intactes,
et les harena (richesses acquises par le mort de son vivant) sur lesquelles étaient prélevés
les bœufs abattus aux funérailles, dont les bucranes orneraient la tombe ou ses alentours.

Tous ceux qui sont partis ne sont jamais revenus et n’ont jamais donné de
leurs nouvelles, est ce parce que leur nouveau monde est paisible pour oublier leur
ancien monde ou bien il est rebutant qu’ils ne veulent pas alerter les vivants ? Ou est-ce
tout simplement un secret ? Personne ne connaît la réponse ?

6.1.2. La mort et le mort

La mort est inévitable. Après la disparition de la vie, il n’y a que le corps qui
reste et qui va devenir « poussière ». La mort est donc différente du mort qui n’est autre
que le défunt lui-même ou la personne décédée.

 La mort est sentie comme une mutation pour le vivant, car elle se caractérise par
la séparation du corps et de l’esprit ou de l’âme, séparation très relative d’ailleurs,
car lorsqu’on veut honorer le corps au tombeau, l’esprit y est aussi présent.
Après la mort, le fanahy, ou l’avelo, ou l’ambiroa, c’est-à dire l’âme ou l’esprit,
se sépare du corps et continue de vivre selon la croyance malgache.

Certains pensent et croient que les morts éprouvent quelque fois les mêmes
besoins que les vivants : par exemple, ils peuvent avoir soif et on leur apporte de l’alcool,

156
ils peuvent avoir froid et on les enveloppe dans de chauds linceuls, ils aiment aussi avoir
de jolies demeures, et on leur construit de somptueux tombeaux.

Un proverbe malgache affirme que la pierre placentaire (vaton-tavony) est déjà


l’annonce de la pierre tombale (rangolahy). Cela pour nous rappeler que non seulement
la mort est la marque de notre humaine condition, mais qu’elle s’inscrit également sous le
signe de l’irréversibilité et de la violence.

La mort n’est rien d’autre que « la force dissolvante du temps qui finira bien, un
jour ou l’autre, par nous soustraire définitivement à la vie ».

En tout cas, la mort ne peut pas nous laisser entièrement indifférent et ne pas
susciter en nous une certaine émotion, surtout quand cette mort vient de frapper un
proche parent, un visage familier et intime, éveillant ainsi, au plus profond de nous-
mêmes, une angoissante perspective de notre propre disparition.

Dans ce sens, elle ne peut être perçue que comme négativité et comme désordre.
« La mort n’est jamais bonne s’il y a un événement qui nous fait réellement violence, en
effet, et qui désorganise radicalement la conception organisatrice de la vie », c’est bien
cet événement là.

Car la mort nous déstructure dans la mesure où elle nous prive pour toujours de
notre « existence corporelle visible » au sein de la communauté des vivants, pour nous
précipiter, sans ménagement, dans un monde inconnu, et tout à fait autre ; c’est en
fonction de la représentation que nous avons de la mort que nous apprécierons ou
n’apprécierons pas à sa juste valeur ce qu’est cette vie. En tout cas, si paradoxal que cela
puisse paraître, c’est la mort qui donne un sens à la vie.

Le fait de savoir que les hommes doivent tous mourir ne suffit pourtant pas pour
rassurer l’individu sur sa propre mort. Cet individu deviendrait désormais le mort ou le
défunt lorsqu’arrive ou se produise le caractère inexorable de la marche du temps et de
l’humaine condition.

 Avant de parler du mort avançons quelques précisions sur l’homme (car avant de
mourir chaque individu est appelé ainsi, mais immédiatement après sa mort il sera
appelé le défunt ou le mort).

157
L’homme est différent des animaux d’après les écritures saintes. L’homme a été
créé avec des spécificités particulières : sa place, sa supériorité par rapport aux autres
êtres vivants. Toutefois, il est important de faire connaître qu’au même titre que les
animaux, l’homme a été fait avec de la terre.

Dans les croyances malgaches, le monde est composé de trois sphères, à savoir :

- les cieux ;
- la terre (là où vivent les hommes), ils prient Dieu ;
- le sous terre (là où les morts vivent), plus de prière.
Les morts se dirigent vers une vie invisible que les vivants ne maîtrisent pas et à
laquelle ils ne sont pas liés. L’on croit que c’est le mort dans le tombeau qui va se lever
lors de la résurrection. Qu’en est-il alors pour les accidentés d’avion, les naufragés de
bateau, etc. dont les corps n’ont pas pu être enterrés ? D’où vont-ils se lever ? Si l’on se
réfère aux écritures saintes, c’est complètement faux.

Dans de nombreuses sociétés d’hier comme dans celles d’aujourd’hui encore,


les différents mythes relatifs à la thanatologie doivent être doublés par toute une série
d’actions rituelles (toilette du cadavre, veillées funèbres, premières et secondes
funérailles, don d’habit et de sa part de richesse au nouveau défunt, etc.) pour tenter de
colmater précisément la brèche provoquée par la douloureuse disparition d’un être cher
(le mort).

Pour ces sociétés là, il s’agit d’inscrire collectivement la mort à l’intérieur de la


vie et ce, en s’appuyant sur l’efficience et sur la dynamique de la démarche symbolique
par rapport au poids sclérosant de la réalité brute et immédiate.

Dans un tel contexte, la mort revêtira toute une autre signification. Elle cessera,
pour les différents acteurs sociaux en phase avec leur ritualité, d’être perçue comme étant
cet événement sans appel, d’ordre uniquement biologique, qui rend impossible toute
possibilité de changement.

Au contraire, grâce aux rites funéraires, la mort devient ce par quoi le mort n’a
fait seulement que « changer de peau », lui permettant d’accéder ainsi à une autre
dimension de l’existence, invisible celle-là, mais qui reste néanmoins aussi réelle, et
peut-être même plus exaltante et plus épanouissante encore que celle qu’il apprécie tant
actuellement.

158
A Madagascar, le mort est le personnage principal à partir duquel s’articulent les
rites funéraires. C’est donc en fonction de l’intégration sociale de ce dernier, de
l’importance du rôle social qu’il a pu jouer durant sa vie au sein de la communauté que
les survivants vont devoir se mobiliser plus ou moins massivement pour lui.

Selon une telle logique, les rites funéraires restent finalement l’une des grilles de
lecture apparemment les plus pertinents pour mesurer la surface sociale ainsi que le poids
politique du mort et de son groupe lignager.

Etre pleuré par toute la communauté des vivants d’une part, rester longtemps
présent dans la mémoire collective des générations à venir d’autre part, signifient dans un
tel contexte que l’on a su mener une vie humainement bien remplie et socialement
reconnue.

Par ailleurs, cette affection profonde et cette mobilisation collective des


survivants lors des funérailles doivent être également interprétées comme étant des gages
de réussite en vue de la pleine insertion sociale du nouveau mort (défunt) au sein de la
« communauté des ancêtres ».

Rupture, marginalité et intégration sont donc les trois temps forts qui ponctuent
ces rites funéraires. En un mot, ces rites ont pour fonction essentielle de faciliter le
passage du monde familier des vivants à celui tout à fait autre des morts, tout en assurant
aux survivants la tranquillité des jours qu’ils ont encore à vivre. De la « mort surprise » à
la « mort reprise » : telle est donc la métamorphose opérée grâce aux rites funéraires.138

Les exhumations des morts pratiquées par les Malgaches ont suscité
l’élaboration de divers hypothèses heuristiques, toutes produites en référence aux
« secondes funérailles » ou à la fin sociale du deuil.

6.1.3. Du refus à la vénération de la mort

La non acceptation de la mort en tant que fin apparaît clairement dans les rites
funéraires, particulièrement s’ils concernent un vieillard. Puisque celui-ci a pleinement
rempli son existence terrestre (voky andro, littéralement « rassasié de jours »), il mérite

138
Cf. MANGALAZA E.R., 1998, « Vie et mort chez les Betsimisaraka de Madagascar, Essai
d’anthropologie philosophique », L’Harmattan, Paris, p.154.

159
de « monter » au stade supérieur. Il est arrivé au terme de ce qu’on appelle hasina, la
sagesse ou la sainteté que toute personne n’acquiert qu’avec l’âge.

Ainsi, lors du décès d’un individu très âgé, il n’y a pas lieu de pleurer comme on
le fait quelque temps pour un jeune homme. Au contraire, c’est une occasion de
réjouissance : pendant des jours et parfois des mois selon la région, on danse, on rit, on
boit de l’alcool, on mange la viande des zébus qui appartenaient au défunt et qu’on a
abattus pour la circonstance. On parle au mort, on lui adresse des plaisanteries à
connotation sexuelle. Puis le corps, soigneusement enveloppé ou déposé dans un cercueil
fait d’un bois spécial, est transporté dans le tombeau familial parmi les siens.

La mort est un passage particulier, parce que l’être change à la fois d’état et de
statut. De l’état corporel, il passe au spirituel. La transformation qu’il subit correspond à
une croissance.

D’où les propos « osés », inhabituels, lancés au défunt et les différentes


représentations « érotiques » trouvées sur les tombes ou aux alentours de celles-ci.
L’ancêtre parfaitement intégré dans le monde invisible devient un être nouveau, spirituel
et éternel. Il gagne alors un pouvoir surnaturel.

Pourtant, malgré ce passage du défunt à un stade supérieur de la vie, la crainte


de la mort ne disparaît pas chez les vivants. C’est la raison d’être du culte des ancêtres :
les vivants réclament l’assistance des razana en communiquant avec eux à des moments
et des endroits bien précis, pendant les sacrifices. En dehors de ces rites, la séparation
entre le monde des vivants et celui des morts est nette : à chacun sa place.

6-2- Les funérailles populaires


Les rites funéraires varient selon les statuts sociaux chez les Sakalava et peuvent
durer de 3 jours à 2 mois. Les rites funéraires royaux durent plus longtemps que ceux du
peuple.

6-2-1- La séance de pleurs et de lamentations

Selon MANGALAZA E- R., « la mort est comme un départ. Normalement,


celui qui part, même pour un long voyage, ne doit pas tout emmener pour laisser ainsi un
vide total derrière lui.

160
Il doit, laisser à ceux qui viennent résider à son ancien campement les marques
de son séjour (biens matériels ou spirituels). Par ailleurs, quand on a à voyager (et c’est le
cas du moment) il n’y a pas lieu de se surcharger inutilement des bagages ».139

Si pour MANGALAZA E-R,140 la mort n’est jamais quelque chose de


souhaitable « faty tsy raha tsara fijoroaña » et qu’il existe 7 conditions optimales pour
qu’un homme soit « mort à point nommé » (tsara fahafatesana), elle est la volonté de
Dieu (kabarin-drañahary) qu’il faut toujours accepter chez les Sakalava.

Voici donc les 7 conditions optimales pour le « mort à point nommé » de


MANGALAZA E-R. :

1- Mourir de vieillesse après avoir réellement épuisé tout son « quota de


jours à vivre » sans que cette mort ait été provoquée par un mauvais sort ;

2- Ne pas mourir d’une mort infâmante comme à la suite de l’ordalie (par le


tangêna par exemple.) ;

3- Mourir en étant socialement important. Celui qui, pendant sa vie a pu, par
la force de son travail, accumuler beaucoup de biens matériels et, par la ferme volonté,
progresser dans la voie de la connaissance et de la sagesse peut porter avec quiétude. Non
seulement sa place future est assurée là-bas, mais ici, même ses descendants continueront
à jouir de son prestige social ;

4- Mourir en ayant eu suffisamment de temps pour préparer son départ (maty


tsy nitampohim-paty ; lôsoño tsy voan’ny dia tampoko). Quand on sait longtemps à
l’avance qu’il faut partir, on prend soin de faire tranquillement ses adieux (mirasa vôlaña
mbola fahaben’andro) et de bien vérifier les attaches de ses bagages ;

5- Mourir en laissant une descendance nombreuse (manaranaka


sadynanjafiaña) ;

6- Mourir avec la perspective d’être bien enterré (ho tsara fandiveñaña) ;

139
MANGALAZA E. R. (1998), Vie et mort chez les Betsimisaraka de Madagascar. Essai
d’anthropologie philosophique, l’ Harmattan, Paris, p.167.
140
Idem, pp. 168-169.

161
7- Mourir sans que l’agonie soit trop longue. Selon la croyance populaire le
« sorcier maléfique » ou mpamosavy n’a jamais un départ facile (tsymôra fialaña) car il
doit payer une partie du mal qu’il a causé à la société. « sorcier maléfique qui agonie
finira bien à la longue par s’en aller », affirme précisément un proverbe betsimisaraka.141

Ces 7 conditions optimales caractérisent le degré du chagrin et règlent la séance


des pleurs chez les Sakalava si deux ou trois de ces conditions optimales ne sont pas
représentées. (Par exemple, le défunt est mort en étant jeune, sans avoir mis au monde un
enfant et n’a pas été bien enterré car sa famille n’a pas trouvé le corps), le pleur sera
intensifié parce qu’on parle plutôt de la mauvaise mort.

Il convient de noter qu’il existe plusieurs façons chez les Sakalava d’annoncer
qu’une personne est décédée. Les Sakalava disent donc : tsy nisyizy : il n’est plus, il est
absent, rôso izy : il est parti, robaka izy : il est détruit,nihilaña izy : il est incliné et folaka
izy : il est brisé. Ou niambôho : parti pour de bon, à tourner le dos. (Les deux derniers
sont pour annoncer la mort d’un souverain).

La famille du défunt prévient et informe donc tous les membres sans exception.
Dès lors, hommes et femmes se mettent en tenue de deuil.

Les hommes portent un sikiny (paréo) et les femmes se revêtent des salovana de
couleurs sombres (complet de paréo). Tous les bijoux sont donc interdits et les cheveux
des femmes doivent être tressés.

Ainsi, on crie, on pleure, on se désole. Les femmes semblent souvent être les
plus touchées par l’évènement car elles ne cachent pas leurs douleurs contrairement aux
hommes qui versent tout simplement de larmes sans faire du bruit. Tout le monde est
invité à assister à cette scène des lamentations.

Mais les pleurs et les lamentations doivent suivre les règles imposées car
onn’en a le droit que lorsqu’un membre de la famille vient d’arriver sauf au moment des
pleurs collectifs qui se font à l’aube, après la mise en bière, à la levée du corps, en partant
du tombeau et en rentrant au village.

Les pleurs s’intensifient et quelques hommes ou femmes procèdent aux rites de


purification ou à la toilette funèbre.

141
MANGALAZA E.R., op. Cit. pp. 168-169.

162
6-2-2- La toilette et la veillée funèbre.142
Généralement, ce sont les ziva (ou parent à plaisanterie) accompagnés d’un
parent143 qui se chargent de la toilette funèbre car tout rite chez les Sakalava exige une
purification. Que ce soit par l’eau mélangée avec du kaolin ou par l’encens brulé au feu,
etc.

La séparation entre les vivants et les morts est marquée par le changement de
nom car le défunt est désormais appelé razana (ancêtre), faty (mort), fahavoaza (perte),
baraka (honte), raha (chose), faharobata (déstruction).

Le corps du mort est placé sur l’Est, la tête tournée vers l’Ouest où le soleil
rejoint l’obscurité, les deux bras sont tendus sur les côtés. On commence alors la
purification en versant de l’eau trois fois, de la tête aux pieds pour que les impuretés du
corps inférieur ne viennent pas salir le corps supérieur et on lave le corps mortuaire par la
suite.144

Une fois la toilette achevée, les deux bras sont déployés sur le ventre et liés
avec du raphia, les deux gros orteils sont liés aussi à leur tour.

On met une pièce de monnaie ancienne en argent dans la bouche du défunt et


lui revêt à l’aide d’un soga145 avant de le déposer dans le « trano raty » ou mauvaise
maison146.

Dans cette toilette funéraire, l’eau joue un rôle purificateur sans laquelle le
défunt ne peut entrer facilement dans le monde sacré des ancêtres. Cela nous rappelle
l’échange entre le monde des vivants et celui d’un mort car à l’arrivée d’un nouveau-né
on procède aussi à la toilette du bébé pour qu’il devienne un être humain social à l’instar
d’un produit biologique.

La toilette funèbre est un rite nécessaire pour la pénétrationdu défunt à la


nouvelle vie donc, elle assure le passage du monde d’ici-bas vers le monde de l’au-delà.

142
Auteur, enquête, Mahajanga, 2008.
143
Un membre âgé dans la famille mais pas forcément les parents biologiques.
144
Enquête et observation des funérailles populaires à Ambatomalama, Mahajanga II, 2008.
145
Un tissu de couleur unie (blanche) qui sert de drap et d’habit pour le défunt.
146
Chambre funèbre construit immédiatement après la mort à l’écart de la maison avec une
petite dimension (3m de long-2m de large) et qui sera brulée après l’inhumation : on le purifie
avec de l’eau ensuite avec du feu.

163
On se contente d’un rituel symbolique par quelques gouttes d’eau lorsque l’état
du cadavre ne permet pas la toilette funéraire complète, toutes les choses utilisées pour
cette purification seront enterrées ou jetées très loin pour éviter toutes sortes de
sorcellerie.

La famille restreinte du défunt se charge de nourrir tout le monde ; des zébus


sont abattus tous les jours jusqu’à la sépulture. Le suif (jabôra) est mis de côté pour
servir au moment de la mise en bière et de l’inhumation.

La viande est partagée selon un ordre hiérarchique spécifique. La tête (loha), les
cornes (ampôndo) ainsi que les os (taola) sont brûlés et les hommes et les femmes ne
mangent pas ensemble.

La toilette funèbre rattachée à des interdits, est en relation étroite à la vie. Il


s’agit d’assurer le chemin du défunt vers l’ancestrisme et de confirmer que le monde des
vivants et le monde des morts sont hétérogènes.

Dans la croyance sakalava, les morts suivent de près les faits et gestes des
praticiens de la thanatologiecar leur intégration parmi les ancêtres en dépendent. Le
trépassé veut donc en savoir plus. Les praticiens sont ainsi mis sous l’obligation et le
serment de ne rien révéler en ce qui concerne le corps du défunt.

Les interdits reposent aussi sur la norme que : si le défunt est une femme ce sera
aux femmes de procéder à la toilette funèbre et aux hommes lorsqu’il s’agit d’un homme.

Les praticiens de la thanatologiequi sont en contact avec les morts grâce à leur
travail doivent passer à un bain purificateur après la toilette funéraire pour pouvoir
réintégrer à la communauté des vivants. Ils se lavent les mains, le visage et boit un peu de
cette eau de purification avant de verser les restes de la tête au pied en une seule fois
(purification de l’habitation, les éléments purificateurs).

Après la toilette funèbre, le mort n’est plus en présence au village que


provisoirement, dès lors on se concentre sur la veillée funèbre mais pourquoi a-t-on
besoin de veiller sur le cadavre ?

Rongés par la culpabilité d’avoir développé des comportements individualistes


qu’est la mort, les survivants se serrent les coudes et organisent la veillée funèbre.

164
La veillée funéraire est chez les Sakalava l’opposé des rites positifs qu’ils
appellent « tsimandrimandry », littéralement le fait de veiller en s’amusant : la veille du
jour cérémonial.

La veillée funèbre est donc un rite négatif marqué par la mort qui n’est autre que
le droit acquis à chaque individu mais que chacun a sa propre date pour s’en jouir.

La veillée funéraire peut durer au moins une nuit et les autres jours se
déterminent par le statut social et la personnalité du défunt car il y a de quoi à dépenser
en offrant du riz, de zébu, de la boisson alcoolique (barisa), du café (kafe) et du thé (dite)
à ceux qui sont venus.

Il nous semble opportun ici de signaler que la veillée funèbre n’aura pas lieu
quand il s’agit d’un défunt reconverti à l’islam de son vivant. S’il a atteint la mort dans
l’après-midi à partir de 14h, ou loin du pays, dans ce cas, la veillée funéraire sera
organisée mais autrement.

La veillée funèbre valide donc le séjour du défunt au monde visible tandis que
l’enterrement lui serve du passeport pour accéder au monde invisible. Ainsi, le mort
passe de l’état matériel à l’état spirituel.147

Il faut veiller sur le cadavre au moins une nuit chez les Sakalava pour être sûr
qu’il est parti à jamais et abandonne le chemin de retour. Car il se peut que l’esprit (âme)
quitte le corps pendant un moment et tente de revenir pour permetre au corps de vivre
normalement, c’est pourquoi, on ne cesse pas de masser le cadavre avec de l’eau tiède
lors de la toilette funèbre pour éviter toute sorte de paralysie, afin de connaître si un
retour est possible.

Avant de terminer cette veillée funèbre il importe de noter qu’il est interdit de
faire une visite de condoléance pendant la nuit et la mise en bière ainsi que la sépulture se
mesurent en fonction des dons collectés lors de cette visite de condoléance.

6-2-3- La mise en bière et la sépulture.


Le cercueil ou tamango est fabriqué avec un bois imputrescible. L’abattage de
l’arbre dans la forêt suit une invocation durant laquelle, celui qui invoque verse du barisa
ou du sang de zébu au pied de l’arbre et commence son discours.

147
Auteur, enquête sur terrain, Ambatomalama, Mahajanga II, 2008.

165
- Oh kakazo, oh kakazo ; oh arbre, oh arbre ;

- Zay ty avy hanapaka anao ; nous sommes venus te couper ;

- Fa hanao tamango ; pour fabriquer un cercueil ;

- Kaza mitôndra ratra ; ne cause pas de blessure ;

- Mifolaha moramora ; coupe toi doucement ;

- Mbo hasay mora koa ; pour être facile à travailler.

On abat l’arbre après et on retourne au village une fois le cercueil fabriqué. La


bière est construite en deux parties et prend la forme d’une pirogue. La partie supérieure
ou couvercle est appelée lahiny (mâle) et la partie inférieure ou auge est nommée vaviny
(femelle).

De nos jours, on se contente de commander le tamango ou d’acheter des


planches toutes prêtes et de fabriquer le cercueil au village même.

Quelques groupes de sakalava islamisés n’ensevelissent pas leur proches avec


du cercueil. La mise en bière est un moment sacré car sa date est fixée par l’arrivée de
membres de la famille venant de loin et le devin astrologue qui veille à ce que le rituel et
le moment ne soient pas néfastes pour entrainer d’autres morts.

La présence des zanaka (enfants) et des zafy (petits-enfants) est conseillée car
ils ont été isolés durant la période des funérailles pour les épargner de la souffrance et de
toute sorte d’émotions.

On procède ensuite à la purification du tamango. Une jeune fille appartenant à la


famille restreinte, ayant des parents (mère et père) vivants sera chargée de verser le suif
fondu des zébus dans l’auge et puis dans le couvercle de la tête au pied. Les autres
membres de la famille l’assistent et on porte le cercueil dans le trano raty (maison
mortuaire).

Le corps est déjà enroulé dans plusieurs148 draps blancs : des tissus appelés
« bafota » qui vont servir de linceul et/ou de jabo : un tissu de raphia ou encore la trame
de coton et attend l’emballage dans une grande natte attachée avec du raphia au niveau de
148
Au nombre de 3 (trois) en minimum et 7 (sept) au maximum mais toujours avec les chiffres
impairs.

166
7 (sept) endroits : la poitrine, le ventre, les reins, les genoux, les pieds et les deux
extrémités. La dépouille est placée dans l’auge (femelle) et les chants et la danse sacrée
s’exécutent. On fixe enfin le couvercle avec 7 clous149.

La date de l’enterrement désignée par le devin ainsi que les interdits y afférents
seront respectés. Parmi ces tabous on peut donc citer l’interdiction de : ne pas peigner, ne
pas siffler, ne pas allumer la radio, ne pas voyager, etc.

Une fois la date indiquée, on procède aux discours funèbres. Il existe trois temps
de discours funéraires :

- Les premiers, à la veille de l’inhumation, annonçent l’heure, le jour et le


lieu de l’enterrement ;

- Les secondes, avant la levée du corps, présentent et précisent les modalités


de déplacement ;

- Les derniers, au retour du cimetière, expriment les remerciements à


l’endroit des parents et de l’assistance.

En arrivant au cimetière, l’officiant doit aussi procéder à trois discours :

- La première, à la levée du corps pour qu’il ne tombe pas et ne soit pas


difficile à lever ;

- La deuxième, au seuil du cimetière pour éviter toute sorte de sorcellerie et


de malheur ;

- Et la dernière, avant le dépôt du tamango dans le tombeau. Un quatrième


discours s’ajoute aux trois derniers, si le défunt était marié et que le conjoint ou la
conjointe est encore en vie, pour affirmer la séparation.

A la fin, l’officiant demande au défunt de laisser les vivants et lui interdire tout
retour au village ou de se venger de son sorcier s’il y a eu ensorcellement.

149
Le chiffre 7 est considéré comme sacré et complet dans la croyance sakalava. Ce chiffre est
autrefois réservé au souverain ou à sa royauté .C’est le nombre complet pour les Malgaches.

167
Pour suivre la disparition du soleil et respecter la loi de l’astrologie sakalava
(fanaraham-bintana) l’enterrement doit avoir lieu dans l’après-midi mais jamais dans la
matinée. On fait retourner le défunt 7 fois autour du trano raty avant d’aller au cimetière ;
ceci pour que l’esprit ne se souvienne pas du chemin de retour.

A cet instant les membres de la famille se lamentent, crient et pleurent alors que
les ziva se moquent de façon grossière de la dépouille mortuaire en la traitant d’animal de
viande à jeter et de fou et dansent avec le cercueil. Les ziva et le défunt sont liés par la
parenté à plaisanterie et la mort en tant que rupture va briser cette relation .Donc, la mise
en bière est un moment pour les ziva de montrer leurs dernières affections au défunt.

Chez les Sakalava, on accompagne le défunt en courant et en chantant. Arrivée


au lieu de la sépulture, toute l’assistance se tourne vers l’Est, 7 jeunes filles se lèvent
pour jeter un par un des cailloux au nombre de 7de la tête (Est) au pied (Ouest) de la
fausse et avec deux cordes, quatre hommes y font descendre doucement, lentement le
tamango couvert de bafota (le linceul). On dépose des pierres sur le cercueil et on
comble la tombe avant de placer la pierre principale à l’Est du côté de la tête.

La famille prend ensuite le chemin de retourau village. Elle doit proceder à une
purification dans l’enceinte de la maison ou à la mer.
Nous allons voir à présent les funérailles royales qui font aussi partie des rites
funéraires sakalava.

6-3- Les funérailles royales.


Dans cette section nous parlerons des funérailles du feu Mpanjaka Dezy
auxquelles nous avons assisté en mai 2007.Les funérailles royales dans le Nord-ouest ont
été largement décrites par plusieurs auteurs pendant l’époque coloniale par exemple :
Poirier, Dandouau, Decary, etc.

6 -3 -1 . La sanctification lors des funérailles royales

Dans la société sakalava comme dans toute autre ethnie : le roi ne meurt jamais,
il est interdit de dire que le roi est décédé ou mort. Il faut dire tout simplement qu’il a

168
tourné le dos et son corps défunt n’est pas un cadavre, on l’appelle « ny masina » ou le
saint ; on n’enterre pas un saint, mais on le cache (asitrika ou afenina).

Il est à signaler que jusqu’aujourd’hui encore, des membres proches de la


famille royale ne mangent pas de la viande de bêtes abattues lors d’un enterrement. Cette
viande est appelée « hena fotsy ou hena raty» ou mauvaise viande, et elle est réservée au
peuple. Cette mesure est prise pour sacraliser leur pouvoir.

La mort d’un roi est un événement capital qui interrompt la liaison avec les
puissances symboliques. La dépouille royale est appelée « raha sarotro » (chose difficile
et dangereuse) dans les mêmes termes que les reliques royales,il faut donc inhumer le roi
avant de trouver son successeur si non cela constitue une menace sur les vivants.

Les femmes sont obligées de dénouer leurs cheveux, s’habiller en « salovana »,


drapant un « lambahoany » (paréo) autour du corps et garder leurs épaules nues. Les
hommes sont nu-pieds et nu-tête. On procède au rite de bain purificateur après
l’enterrement, et il est interdit de se laver avant cette cérémonie. La mort est un passage
qui renforce les relations avec les ancêtres royaux.

Les rites funéraires royaux se déroulent toujours dans le « valamena150 ». Une


tente en toile blanche est dressée en forme d’une maison à quatre murs et toit, destinée à
conserver le corps. Deux bœufs sont tués pour la cérémonie d’ouverture de la porte de la
tente avant l’introduction du roi défunt dans celle-ci.

Ensuite, on abat un troisième bœuf car sa peau sert à envelopper le corps. Une
pièce en or est enfouie dans la bouche du défunt, puis le corps est lavé enduit de miel et
enroulé dans une étoffe blanche151. Les jingoa152 se chargent de la récuperation des
sanies dans des cruches qui seront versées dans des lacs dits « matsabory faly » (lac
interdit).

Cette cérémonie d’enterrement durait au moins deux mois avant la période


coloniale. Elle a dû être écourtée sous la colonisation (15 jours seulement) pour ne durer

150
Enceinte, palissade qui entourent les constructions funéraires et maisons reliquaires. C’est là
qu’on tue les bœufs pour les sacrifices lors du fanompoa be.
151
Decary R. (1962), Rites et coutumes funéraires, pp.254-256, C’est à ce moment là que l’on
prélève les reliques. Le miel correspond à la nourriture des groupes tompon-tany de chasseurs,
substance essentielle du monde de la nature.
152
Groupes de personnes, compagnons des rois et en même temps serviteurs, ils sont souvent
choisis pour servir de lit de mort des rois et autorisés à nettoyer les reliques lors du fanompoa be.

169
qu’une semaine actuellement. On ne cesse pas de brûler de l’encens jusqu’à
l’enterrement ; c’est pour faciliter le passage et l’entrée dans le monde du surnaturel :
pour transformer le défunt en ancêtre.

Ensuite vient le transport du corps au tombeau, là où il est exposé sous une


tente. Chaque soir au coucher du soleil, et le matin à son lever, les femmes, cheveux
dénoués et épaules nues, chantent devant l’enceinte mortuaire, pendant que résonne le
tambour « hazolahy » et qu’éclatent des coups de fusils.

Le corps est porté par quatre hommes, qui prennent soin à ce que les pieds
soient toujours devant la tête tournée à l’Est vers les ancêtres. Avant de commencer il
faut verser un mélange de miel et d’eau à l’endroit où sera creusée la tombe.

A l’intérieur d’une construction entourée par deux clôtures en bois, propres aux
sanctuaires royaux, la profondeur de la tombe ne devrait pas dépasser un mètre cinquante
La dépouille mortelle est isolée de la terre par des pierres plates. A l’origine, ce sont les
jingoa qui étaient sacrifiés et placés sous le corps dans la fosse funéraire. La fosse est
comblée par des pierres blanches, mélangées à du sable.

Le discours d’adieu se fait comme suit et devant toute la famille royale :

« Ecoutez-nous, nous t’en prions, nous te léchons les pieds ! Nous devons te
laisser à présent, protège-nous, qui sommes ta famille, contre ceux qui ne nous aiment
pas, nos ennemis, nos adversaires. Tu les transformeras en sel qui fond dans l’eau et en
œuf qui se bat contre une pierre. Défends aussi le régime en place « fanjakana » qui a
bien voulu nous autoriser à effectuer cette cérémonie pour toi et toute la région Boeny
qui t’a rendu hommage ; que les habitants fassent de bonnes récoltes et réussissent dans
toutes leurs vies ! Reste ici où reposent tes ancêtres, car tu comptes parmi les divinités, à
partir de ce jour tu porteras le nom de Andrianahavitaniarivo ».153

Le nom du roi défunt ne sera plus prononcé après sa mort, il portera un nouveau
nom. Un mot qui désigne les actes et les gestes qu’il a accomplis juste avant que la mort
le surprenne, ou bien durant toute sa vie ; le suffixe -arivo signifie que son peuple est très

153
Auteur, terrain à Ambato Boeny en Mai 2007.

170
nombreux. Le Mpanjaka change de nom après leur mort pour leur accorder plus
d’honneur car leur mort les rend beaucoup plus sacrés154.

Les funérailles royales ont donc une fonction de resserrer et de renforcer les
liens sociaux. Après l’enterrement, on procède à une cérémonie de purification familiale
et un grand repas pour la famille royale et la population. Tout cela c’est pour la cohésion
sociale et la préservation du pouvoir royal.

La sacralisation ne se limite pas aux rites funéraires, on voit aussi des


sacralisations dans les discours et introjection : des rites aux mythes.

6-3-2- Le déroulement de la séance.


Les funérailles royales sont appelés chez les Sakalava « fomba mafana » (service
chaud) si le bain de reliques est nommé « fanompoa be » (grand service).
Etant d’une particularité remarquable, ces funérailles durent deux mois ou un
peu moins (un mois et demi). Il est du devoir des Marovavy155 et aux Sambiarivo156
d’annoncer la mort du roi au village et à tout le monde. Ils disent alors que le roi a tourné
le dos (niamboho), ou le roi est incliné (nihilana) et le plus souvent le roi est brisé
(folaka).

On met une pièce d’or dans la bouche du roi et on la bande avec de la soie. Les
sambiarivo chauffent de l’eau, et les Maharitra et les Bahary157 se précipitent à liés les 2
gros orteils et les 2 pouces par de la soie importée. L’assistance se lamente, verse des
larmes et crient dans la cour à l’Ouest de la case dans laquelle est déposé le corps du roi,
pendant plus d’une heure.

Ensuite les membres de la famille royale montrent aussi leur douleur durant une
demi-heure après tout le monde se relève pour les consoler.
Les ministres (manantany et fahatelo) ainsi que les conseillers
(ranitriniampanjaka) envoient des messagers pour informer les divers villages du

154
Pour en savoir plus, cf. Decary R. (1962), Rites et coutumes funéraires à Madagascar, p.244.
155
Marovavy : servantes et hétaires du roi.
156
Sambiarivo : clan qui se charge de tous les travaux du doany ; ils gardent les tombeaux
royaux.
157
Autres clans qui se chargent de la toilette funèbre. Le corps est lavé avec du miel, un ongle
d’un doigt de la main droit et une mèche de cheveux sont coupés pour être conservés en tant
que reliques royales dans le Zomba vinda à l’intérieur du doany (temple royal).

171
royaume. Les messagers sont chargés d’annoncer la mauvaise nouvelle. Les Sambiarivo
et les Maharitra ainsi que quelques esclaves accomplissent la toilette funéraire.
Après le bain de purification, on enveloppe le masina (cadavre royal) dans le
sobahia (tissu de soie spécial que personne n’appartenant pas à la famille royale n’a pas
le droit de porter).
On choisit un zébu gras de couleur unique du troupeau royal, on l’abat et
enlève délicatement la peau qui va servir d’emballage pour le corps du roi défunt.

Ce dernier est enroulé dans ce corps de zébu et une ouverture est envisagée pour
laisser se répandre et le corps corrompu et la plus spécialement appelée (ronono) lait,
venus du cadavre royal. Cette dépouille mortuaire est allongée sur un lit d’argent (kibany
fanjava) et on place des couches (appelées balasy) en terre en dessous pour que les
liquides putrescibles ne se versent pas par terre.
Ceci dure plusieurs semaines et il faut renouveler la peau de la bête et la soie
enveloppant le défunt hebdomadairement. A chaque changement on jette l’ancienne peau
et la soie à la mer ou les enterre dans un lieu sacré (interdit). Les mêmes gestes se
produisent jusqu’à la dessiccation complètedu masina (cadavre).

Les chants, danses, les tambours (hazolahy) ainsi que les pleurs ne cessent
jamais que lorsqu’arrive le temps pour inhumer le corps du roi défunt.
Les femmes effectuent une danse sacrée réservée aux funérailles royales tandis
que les hommes s’amusent avec des chants érotiques et plus osés à l’égard des organes
sexuels.
A l’instar du trano raty (mauvaise maison) ou la chambre mortuaire dans les
funérailles populaires, le corps du roi folaka est déposé dans le zomba faly (maison
interdite). Ce dernier est construit dans la cour du doany appelé « tsandrarafa »158, il est
aussi provisoire et se présente sous deux grandes cases : dans l’une est placée la dépouille
royale et dans l’autre est fabriquée le cercueil nommé fiaravonotra (véhicule humide).
La fabrication est interrompue durant les jours tabous, en l’occurrence, le mardi,
le jeudi et le dimanche. Le fiaravonotra est aussi composé d’un couvercle (lahiny) à la
forme de toit de case avec des pigeons aigus décoré de sculpture en argent et en or.

158
Cf. plan du doany Miarinarivo d’Andriamisara Efadahy Manankasina dans l’annexe n°05.

172
Si les Jingoa ou Jingô sont destinés à porter le corps royal dans le doany et à
servir de lit de mort (lafika) parce ce qu’ils étaient les serviteurs les plus fidèles
autrefois, les Antakoala159 seuls ont le droit de descendre la dépouille mortuaire dans la
fausse alors que le manantany et le fahatelo160 sont appelésà ouvrir la porte de la tombe.

Sans dessiccation complète, il ne peut y avoir inhumation. On procède à


l’ensevelissement lorsque les chairs disparaissent et se séparent entièrement des
ossements du roi défunt. Le jour faste indiqué est toujours le vendredi et comme c’est un
grand jour, une veillée (tsimandrimandry) a lieu durant la nuit du jeudi précédant le
vendredi de l’inhumation. Le grand jour présent, les Sambiarivo sous les regards attentifs
des membres de la famille royale et le manantany préparent les restes du corps c’est-à-
dire le squelette pour la mise en bière.
On met du parfum, des bijoux et de pièces d’or et d’argent avant d’emballer le
squelette avec de nombreux sobahia pour le placer dans l’auge (femelle) sacrée du
cercueil (fiaravonotra).

Tous les princes de la famille royale (enfants et petits enfants) sont


recommandés à assister à la mise en bière. La sépulture doit avoir lieu le vendredi soir
de la pleine lune et la fosse (ou kinga) est creusée la nuit précédente lors du
tsimadrimandry : on la dénomme « famakian-danitry »161 ou action de creuser le ciel.
Le tombeau mesure environ 2,5 mètres de long, 1,5 mètre de large et 3 mètres
de profondeur mais certaines dynasties ne font pas l’enterrement. Elles déposent juste les
masina dans des grottes. On couvre le lahiny (male) à la tombée de la nuit mais avant a
lieu le mosarafa162 .

Les deux parties du cercueil sont attachées : le male avec une chaîne ou en
argent et la femelle avec de la soie, ainsi on passe au sacrifice d’un jingô pour asperger la
fosse avec son sang mais cette pratique n’est plus d’actualité. Huit Antakoala descendent
dans la fosse et 8 autres font passer les pierres et le varimalandy (sable fin).

159
Un autre groupe de clan sakalava.
160
Ministre et adjoint du roi.
161
Activité de creuser la fosse.
162
Partage de tissu blanc aux principaux chefs sakalava en guise de cadeau de la part du défunt
pour son souvenir ; les dons collectés lors du fanompoa be sont aussi appelés ainsi.

173
On descend l’auge, puis le couvercle, une fois pleine on dresse des pierres plates
en bordures. Chacun rentre chez soi après le bain collectif obligatoire et la purification.

6.3.3. L’enterrement du Mpanjaka be Dezy

Le roi Andrianirina Désiré Noël, le Mpanjaka be du Boeny, est celui qui est
resté au pouvoir pendant 36 ans.
Arrivé au trône en 1971, et plus précisément le 27 Août 1971 pour succéder à sa
défunte mère connue sous le nom du princesse VAHOAKA (littéralement peuple) et qui
revêt le nom post mortem d’Andriatsifoinarivo (celle que le peuple ne s’en passera
jamais).
Le Mpanjaka be Dezy était surtout célèbre par les diverses réhabilitations,
constructions et/ou innovations qu’il entreprenait tout le long de son règne et ce, dans
tout son territoire du Nord au Sud et d’Est en Ouest pour réactualiser et adapter aux
exigences du temps les infrastructures du doany163.

Il avait surtout pu démontrer ses qualités : calme et non belliqueuse, pendant


l’ardent conflit qui opposaient les Bemazava et les Bemihisatra. Tout au début de son
règne jusqu’en 1974 et qui était à l’origine de la scission entre doany avaratra
(Bemazava) et celui du doany atsimo ou Miarinarivo (Bemihisatra).
Cette qualité n’a jamais été le fruit d’un simple hasard mais, étant déjà dans
l’administration en tant que chef de canton, il a su réconcilier et se tenir calme devant de
telles situations.

Il est en quelque sorte Louis XIV car entre sa mère et son fils actuellement il
était le 14ème roi de son royaume sakalava du Boeny. Ainsi toutes ses réalisations lui a
permis de porter le nom post mortem d’Andrianahavitanarivo (celui qui a beaucoup fait)
ou zaman’ady (oncle de disputes).Le Mpanjaka Dezy (1934-2007) est un mpanjaka mena
(souverain de lignée rouge) car ses parents sont tous de la grande famille royale (mère :
princesse et père : prince). Resté 36 ans au pouvoir, il a été décoré grand officier
malgache a son décès, le 19 mai 2007 à Ambato-Boeny.

163
Infrastructures relatives au doany (temple royale, sa demeure et son tombeau).

174
La conjointe du mpanjaka n’est plus appelée par son nom, immédiatement, après
le départ du mpanjaka, elle porte désormais le nom de « sava ». Mais le conjoint vivant
sera appelé « biby » dans le cas où c’est la conjointe qui a tourné le dos.
Dès lors un trano vorona(tranofaly) ou maison interdite est construite au coin
Sud-Est où est placé le destin Asorontany qui indique la mort et tout ce qui est en rapport
avec. Dans cette maison interdite est déposée la dépouille mortuaire dans l’angle Nord-
Est : Alahamady qui est associé au destin du souverain. Des cries, pleurs, lamentations,
chants et danses se mélangent et les travaux ne s’arrêtent pas sauf le mardi et le jeudi
ainsi que le dimanche.

La veillée funèbre a duré plus de 3 semaines car il a fallu attendre la nouvelle et


la pleine lune pour inhumer le masina dans le zomba vinda. Le kinga ou la fosse est faite
une journée avant le grand jour c’est-à-dire le vendredi de la sépulture. Mais on procède
à un sacrifice de zébu et à un récit de demande bénédiction avant.
La mise en bière est effectuée sous la surveillance de la « sava » et ses enfants
ainsi que les membres proches de la famille royale. Dans la partie inférieure (vaviny) du
cercueil on verse du suifchauffé et fondu de la bosse du zébu, le corps mortuaire purifié
avec du miel et de l’eau qui n’a été traversée par aucun être vivant (rano tsy dikaim-
borona), lors de la toilette funèbre, est placé soigneusement dans l’auge.
On commence à remplir la fosse ou kinga des petites pierres ensuite des
varimalandy164 qui vont servir de lit de mort du roi (lafika) jusqu’à 50 centimètres du sol.
Une fois terminé, on cache165 la première partie du cercueil : l’auge (inferieure),
c’est toujours vendredi qu’aurait lieu la sépulture. Eclairée par la pleine lune,
l’inhumation est faite tard dans la nuit car il est 23h-40mn et il faut attendre 10minutes
pour cacher la deuxième partie du fiaravonotra (cercueil). Le couvercle est donc déposé
23h-50mn et à partir de ce moment, on dit que le servir est achevé : « tombo fanompoa ».
Il est à signaler que le zombavinda dans le mahabo a toujours deux portes. L’une
à l’Est est réservée aux services mafana lors des obsèques, appelée aussi « varavara
maloto » ou mauvaise porte elle ne doit jamais être ouverte que lorsqu’il y a un décès.
L’autre à l’Ouest : « Varavara madio » ou la bonne porte est ouverte lors du fanompoa
be «grand service du bain de reliques », et de demande bénédiction ou « joro ».

164
Sable blanc très fin que l’on prend à la levée du soleil le jour indiqué.
165
On n’enterre pas le masina mais on le cache (manitrika Mpanjaka)

175
A la fermeture du zomba et mahabo, on sacrifie encore un zébu pour avoir la
bénédiction du roi, la santé et la paix. Durant les funérailles du Mpanjaka be Dezy, les
disputes entre les membres de la famille royale n’ont jamais cessé. Il n’est pas encore
enterré que tout le monde veut s’entretuer pour le succéder. D’où le choix du nom post
mortem du Mpanjaka « Zaman’ny ady » : oncle de disputes.
De son vivant, juste quelques temps avant son inclinaison, le Mpanjaka a
annoncé à son épouse le nom de son successeur qui n’est autre que l’un de ses fils
« HERIMISYDina Guy», et qu’il sera inhumé au Doany Mahatsinjoarivo à
Maromandalo auprès de son père et non pas au Doany Betsioko à côté de sa mère. Tout
ceci n’a fait qu’aggraver le conflit de pouvoir au sein du doany.

On se pose la question pourquoi le Mpanjaka Dezy a choisi d’être enterré au


tombeau paternel en sachant que son père est de famille royale mais n’a jamais été au
pouvoir. Alors que sa mère est déposée dans un autre Doany à Betsioko.

6-4- Les trois étapes des rites funéraires.


Les rites funéraires permettent aux Sakalava de voir l’aspect phénoménologique
de la mort qui, est considérée comme dangereuse et étrangère auparavant, se
transformant en protectrice respectée et vénérée : d’où le concept d’ancestralité. Il existe
donc trois étapes des rites funéraires avant d’entrer dans cet ancestralisme.

6-4-1- La première étape : rites d’isolation


La mort représente une rupture et une séparation, du coup elle fait naitre chez les
Sakalavades sentiments d’angoisse. La relation du défunt avec les vivants n’est plus
étroite car non seulement qu’on lui donne une autre nomination mais on l’isole aussi dans
le trano raty ou encore dans le zombavinda.
Il devint une chose ou (raha : zaka), un razana, et cela va élargir l’écart entre
vivant et mort donc le divorce est prononcé. Ainsi, l’isolation est complète car on élimine
directement le défunt du monde des vivants : ses biens seront détruits hormis les objets
de valeur qui vont être laissés en héritage ; on les brûle, on les jette à la mer, ou on donne
à ceux qui en ont besoin. Le regroupement de ces biens s’effectue durant les funérailles
et continue parfois jusqu’à la fin du deuil.
En un mot, on se presse à oublier le défunt et à lui interdire tout accès à la vie
sociale humaine : l’isolation est radicale. Le discours d’adieu récité par l’officiant lors de

176
l’enterrement illustre parfaitement cette séparation car il sert à empêcher le retour du
mort dans la société des vivants. Le mort ne doit pas revenir parmi les vivants puisqu’il
peut être dangereux, incontrôlable.

En quittant la vie, le défunt lui-même se sépare des vivants et choisit d’adhérer


au monde des ancêtres. Tous ceux qui sont en rapport avec le décès sont classifiées
d’impurs et demandent une purification soit avec de l’eau via sa sainteté soit avec du feu
en raison de son statut de chasseur des mauvais esprits.

Ces rites d’isolation, d’interruption et de séparation ont pour but de préparer le


défunt à la deuxième étape des rites d’exclusion.

6-4-2- La deuxième étape : rites d’exclusion.


Les rites funéraires sont les produits d’une exclusion sociale. Une
personne exclue occupe une position socialement reconnue comme extérieur par rapport
à celle des autres membres de la collectivité. Donc, le mort, étant différent des vivants est
ténu à l’écart et exclu de la nature humaine. Les rites funéraires marginalisent le défunt
lui-même mais les personnes en deuil aussi car elles sont soumises aux divers tabous, ce
qui les exclu de la société durant la période du deuil.

Cela nous rappelle les deux des quatre concepts (le concept de membre, le
concept de réflexivité, le concept d’indexicalité et le concept de descriptibilité ou
accountability en anglais) qui jouent un rôle important dans l’ethnométhodologie
d’Harold Garfinkel166. Les rites funéraires mettent en valeur le concept d’indexicalité car
ils désignent l’isolation, l’exclusion du défunt dans le trano raty lors des funérailles et
favorisent et la marginalisation et l’exclusion du trépassé.

Le concept de descriptibilité : une activité sociale est descriptible car le


discours rationnel par lequel cette activité est décrite, rendue intelligible par les membres,
est constitutif de cette activité elle-même. Les attitudes du conjoint du défunt, en
s’habillant d’une manière spécifique, en s’isolant dans une chambre à part, et en étant
invisible par tous à l’exception de ses proches, illustre parfaitement cette descriptibilité.

Le deuil caractérise à la fois le temps de purification après le contact avec le


cadavre et le temps de consolation nécessaire pour effacer la douleur. Le deuil commence

166
Pour en savoir plus voir GARFINKEL H. (1987), Les travaux de l’Ecole de Chicago, Edition
Coulon, Paris.

177
au moment des funérailles et il n’est pas temporaire donc peut durer 40 jours, 6 mois ou
une année (la durée seulement à partir delaquelleon peut organiser le retournement des
morts, le rasa harena etc.).Les rites funéraires par le biais de cette exclusion facilitent
l’ancestralisation c’est-à-dire l’intégration du mort dans la communauté des ancêtres
sacrés.

6-4-3- La troisième étape : rites d’intégration.

L’intégration sociale se définit comme le processus par lequel un individu


devient membre d’un groupe social. Etre intégré à un groupe c’est intérioriser les normes
sociales et les valeurs de celui-ci et acquérir un statut social spécifique.

Donc les rites funéraires manifestent les sentiments d’identification du mort au


groupe des ancêtres et des individus en deuil aux autres vivants. Ils permettent la
cohésion sociale se traduisant ainsi aux rites de bienvenue dans la communauté des
ancêtres ainsi que dans celle des humains.

La mort en tant que dysfonctionnement chez les vivants favorise le désordre, la


désorganisation et la paralysie, mais grâce aux rites funéraires (enterrement, deuil,
exhumation), qui vont établir l’ordre social, les secondes funérailles certifient
l’intégration des morts à l’au-delà.

Certains Sakalava ne pratiquent pas les secondes funérailles donc pour eux tout
se passe lors des premières funérailles. La relation qui unit les vivants et les morts chez
les Sakalava est interdépendante puisque les premiers ont besoin de protection et de
bénédiction des ancêtres, et les derniers en retour assurent à ce que les vivants leur
donnent leur sacralité et leur pouvoir en les faisant passer aux trois étapes des rites
funéraires.

Les Sakalava classent les ancêtres par un ordre hiérarchique en suivant leurs
statuts : de morts anciens, de morts ritualisés et de morts récents.

178
Conclusion du chapitre

Les rites funéraires sont aussi considérés comme des cultes des ancêtres. Pour
les Sakalava, il est impossible de mener sa vie de façon solitaire et individuelle. Tenant
ce statut d’holiste, les Sakalava croient donc en la vie après la mort qui doit être
préparée non pas par le défunt lui-même mais par les membres de sa famille vivants
pour qu’il puisse accéder au rang des ancêtres.

Ceci permet au défunt de revivre les sentiments affectifs et associatifs, faisant


de lui un être social car le corps meurt mais jamais l’âme.Les rites funéraires ont pour
objectif d’adapter et d’intégrer le défunt dans un domaine holiste dans lequel
l’individuation et l’individualisation sont des éléments perturbateurs de l’ordre
socialement établi. Il n’y a que la cohésion sociale et la collectivité qui sont les
bienvenues.

Faute de pouvoir empêcher la mort qui est d’une puissance irrésistible, les
vivants ne peuvent que se contenter d’affirmer leur unité et pérennité en défiant ainsi la
mort par le biais des différents rituels funéraires.

Les enfants qui n’ont pas atteint l’âge de 6 mois n’auront pas droit aux
funérailles par contre une place leur sera réservée dans le tombeau familial. Les rites
funéraires donnent aux vivants la force et le courage de continuer le chemin malgré la
défaite face à la mort.

179
Conclusion de la partie

Pour conclure cette deuxième partie, on peut affirmer qu’il y a trois typologies
de hasina si on se referait aux fonctions et aussi à la sacralité.

Le sens du sacré existe dans toutes les régions de la Grande Île et souvent il est
source de motivation des Sakalava et des Malgaches en général à organiser et à
pratiquer les différents cultes identitaires. Ces derniers, malgré lesnombreuses variantes
ont les mêmes significations car c’est le moment de tisser le lien social entre les vivants
lors de leurs réunions pour la vénération des ancêtres.

La croyance aux cultes des ancêtres valorise d’abord la culture de chaque


région et renforce les liens existant entre les vivants et les morts. A chacun de prôner sa
propre identité ainsi que d’apprendre à s’intéresser aux autres cultures pour vaincre
l’inconvénient de la mondialisation qui ne cesse de faire face dans les pays en voie de
développement.

En aucun cas, les cultes identitaires ne peuvent être ni un frein, ni une des
causes du sous-développement. Les rites funéraires sont des miroirs qui affichent les
consciences collective et individuelle de la population malagasy et en même temps un
moteur qui rend possible l’intégration du défunt au monde des morts.

Donc, le mort passe par des moments d’apprentissage et de socialisation car il


subit un processus de transformation qui est traduit par le passage du monde
habituellement connu à un monde nouveau inconnu.

De l’existence corporelle visible et palpable, le défunt va se présenter sous une


autre forme c’est-à-dire en une manifestation spirituelle qui est parfois rendue visible et
palpable momentanément par l’intermédiaire du tromba lors de la procession. En
d’autres termes, le défunt ne part pas pour de bon car il reste dans l’esprit des vivants du
fait qu’il peut revenir faire ses habitudes en empruntant un autre corps vivant .Tout cela
nous incite à orienter notre vision sur la réincarnation mais c’est un sujet qui mérite
d’être analysé profondément, donc, nous nous limitons juste à sa définition. La vie est
un apprentissage permanent évolutif dans laquelle l’âme apprend à se parfaire à travers
des incarnations successives.

180
La réincarnation est la migration de notre âme (nos sentiments, nos désirs
cachés), de nos vies successives antérieures, dans un autre corps humain juste avant
notre naissance. Notre vie actuelle est la résultante de nos vies antérieures .Donc, la
réincarnation donne un sens à toutes les inégalités présentes dans le monde : chaque
vie transforme un esprit , une âme , grâce à nos nouvelles expériences, notre chemin
,nos réalisations de vie , nos années personnelles , en fonction de nos existences
antérieures profondément ancrées dans notre subconscient.

Le mystère est là car il se souviendra de toute sa vie et reconnaitra ses proches


mais ne peut rien leur révéler car étant sous engagement et serment de la vie de l’au-
delà, il ne peut que se contenter de la visite de son ancien monde car ilest privé de
l’existence physique (le corps). Il n’a pas besoin de cette dernière pour accomplir ses
rôles d’intermédiaire et de protecteur.

La mort prête un corps vivant pour pouvoir accéder encore une fois au monde
visible qui n’est pas le sien puisque son monde à lui est spirituel et en tant qu’ancêtre, il
a le devoir de veiller sur les membres de sa famille. Pour ce faire, il a recours au rituel
de possession : tromba.

Ainsi, le tromba signifie à la foi l’esprit, le corps possedé et la cérémonie


rituelle mais aussi la communication entre vivant et morts. Ce sont ces rites funéraires,
l’histoire du royaume sakalava, les relations entre groupe et les conflits autour du
pouvoir royal qui constituent les éléments déterminant de la production sociale.

181
Photo n° 17

Le mpanjaka be Dezy dans la chambre royale attendant les autorités locales et


d’autres invités de marques.

Source : Auteur, doany Miarinarivo à Tsararano Ambony, 2006.

Photo n° 18

L’épouse du Mpanjaka Dezy et son conseiller Dadilahy Kassim, trois mois


après le décès du Mpanjaka be.

Source : Auteur, Bezavo en Août, 2007.

182
Photo n° 19

Le prince Guy Herimisy et la Princesse Amina dans sa demeure à Mitsinjo.

Source : Auteur, 2007.

Photo n° 20

Le prince Guy HERIMISY, successeur du Mpanjaka be Dezy, son père, du


doany Miarinarivo accompagé de son fahatelo Solondraza Edouard.

Source : Auteur, photo prise lors de notre descente sur terrain en ,2007 .

183
Photo n° 21

Avant le bain de relique, une ultime demande de bénédiction et un sacrifice de


zébu sont effectués en présence de tous les participants au bord du fleuve. Source :
auteur, terrain, 2007.

Photo n° 22

La dépouille mortelle du Mpanjaka Dezy dans un cercueil prete à être soulevée


par quatres jingoa robustes , deux devant et deux derrière . Ambato Boeny, Mai, 2007.

184
Photo n° 23

Les représentants de l’armée en pleine céremonie d’élevation du défunt Mpanjaka Dezy,


à la dignité de commandeur de l’ordre national malagasy à titre postum et avant le
levée du corps. Ambatoboeny, en 2007.

Photo n° 24

Le cortège funèbre se dirigeant vers Maromandalo, obligatoirement à pied


quelque soit la distance, en passant par Befelipatika de l’autre côté de Betsiboka.
Ambato Boeny, en Mai 2007.

185
UNIVERSITE D’ANTANANARIVO
Faculté de Droit, d’Economie,
de Gestion, et de Sociologie
DEPARTEMENT SOCIOLOGIE

THESE DE DOCTORAT NOUVEAU REGIME EN


SOCIOLOGIE

VOLUME II
Présentée par :Mlle ASSOUMACOU Elia Béatrice le 21 Septembre
2010 à 9 heures à l’Espace DEGS

Directeur de thèse : Mr RAJAOSON François

Professeur Titulaire
Année universitaire : 2009 - 2010
Troisième partie : CHANGEMENT DES FONCTIONS DES RITES
FUNERAIRES SAKALAVA.

« La culture ne s’hérite pas elle se conquiert. Une culture ne meurt que de sa propre
faiblesse ».

MALRAUX A. (Oraisons funèbres, Hommaga à la Grèce). Gallimard.

186
Introduction de la partie

Dans cette dernière partie, nous nous proposons de donner les prospectives de
changement des fonctions des rites funéraires. Etant originaire de Mahajanga,
descendante d’une famille royale sakalava, et ayant des parents résidant dans le chef-
lieu de la région Boeny, notre choix de terrain a été fait sans hésitation. L’application de
la sociologie du « dedans» nous a été d’une grande aide, et a été un atout certain dans
la réalisation de notre recherche.

De plus, financièrement parlant, cette région nous a permis de ne pas trop


dépenser.

Dans nos convictions profondes, nous pensons qu’une bonne maîtrise et une
bonne connaissance de sa culture et de son histoire, que le fait de savoir les utiliser à
bon escient permettrait un développement de la personne même et de son pays.

Il est évident qu’il existe plusieurs points de divergeances entre les coutumes
funéraires et la mondialisation mais le but de cette partie c’est de repérer l’angle de
compatibilité entre les deux pour que la tradition et le respect du culte des ancêtres ne
constituent pas un obstacle pour le développement.

La modernité est irréversible et la Grande Île est immergée dans la


mondialisation. Donc les Sakalava ne peuvent rien que de s’adapter et de s’intégrer à
ses exigences tout en gardant l’authenticité de leurs traditions afin de pouvoir les
valoriser et les pérenniser dans la norme de la multiculturalité et de l’interculturalité.

Cette partie est donc composée de trois chapitres : premièrement, les conflits
entre modernité et identité locale, deuxièmement, le statut de leadership populaire et de
l’essence royale, troisièmement, les jeux interactifs avec la mondialisation.

187
CHAP VII: CONFLITS ENTRE MODERNITE ET IDENTITE LOCALE

Introduction du chapitre

La modernité a accordé une importance particulière à l’individu avec comme


conséquence l’isolement et une certaine perte d’identité. L’individu est devenu un rouage
d’une chaîne anonyme dans la société. Dans un sens très général, elle peut être définie
comme l’époque où s’effectue le passage de la pensée d’enracinement à la pensée de
déracinement.

Avec le concept de développement durable et la culture qui sont mis au


premier plan actuellement, l’être humain doit être au centre ou impliqué dans les projets
de développement, d’où l’approche participative. On doit chercher les logiques
paysannes, par exemple, pour pouvoir bien adopter les politiques de développement
rural, ils’agit de valoriser les pratiques traditionnelles.

Cette période coïncide avec le cinquantenaire de l’indépendance des pays


colonisés d’Afrique y compris Madagascar. A partir de ce moment les Malgaches vont
commencer à retourner vers leurs sources, malgré les changements apportés par la
modernité. Nous pouvons donc évoquer l’apparition de facteurs de changement tels que
la rupture des jeunes générations avec l’univers culturel, ou les apports culturels
nouveaux dûs à l’éducation ou à la confession religieuse.

Avec la modernité chaque ethnie essaie de marquer leur différence par le biais
de l’identité locale pour échapper à l’uniformisation de la culture véhiculée par la
mondialisation .Madagascar et plus précisément la région Boeny ne constituent pas une
exception à ce phénomène. D’où, l’attachement des Sakalava aux rites funéraires.

7.1. Adhésion à la modernité et pratique syncrétique

7.1.1. Rites funéraires : pratique cérémonielle anti-modernité


Selon E. GOFFMAN167, les rites sacrés peuvent être religieux ou magiques et il
existe aussi des rites profanes. Les gestes, paroles, postures et objets qui composent les

167
GOFFMAN E. (1973), Mise en scène de la vie quotidienne, Edition de Minuit, Paris.

188
rites funéraires n’ont pas de justification utilitaire, mais une portée symbolique orientée
vers la communication avec les puissances surnaturelles : les ancêtres et leurs pouvoirs.

On peut donc affirmer que ce sont des rites d’interaction car ils sont considérés
comme des rites de la vie quotidienne dans l’analyse de GOFFMAN. Car d’après ce
dernier, la mise en scène de la vie quotidienne a une dimension fortement rituelle.

Les rites funéraires sont une propriété populaire et en même temps royale, donc
ce sont des rites collectifs. Il n’est seulement pas d’une valeur royale, c’est une valeur
qui fait corps de la valeur historique des deux entités en l’occurrence, le peuple et la
royauté.

Beaucoup d’auteurs ont déjà mené des études surles rites funéraires, mais c’était
sur sa dimension sociopolitique : le rapport de pouvoir et la domination dans les rapports
sociaux dominants –dominés. L’aspect culturel ou anthropologique est un peu mis de
côté alors que l’ensemble du vocabulaire de Lévi-Strauss est employé dans ces rites.

Quand on parlede ces derniers, il y a toujours une liaison en permanence avec


l’écosystème si on se réfère à la dimension socio-économique. Du point de vue religieux,
la structuration des rapports entre les uns et les autres pour constituer l’identité culturelle
des Sakalava est basée sur eux. Ils sont donc considérés comme un médiateur entre les
vivants et les morts : vivants – ancêtres – Zanahary.

Le rituel funèbre est aussi un « processus de purification», car la personne


ritualisée est considérée comme une personne impure, il faut la passer à la cérémonie
funéraire alors pour la purifier.

La transe est l’une des manifestations les plus prégnantes de l’issue heureuse
d’un tel cheminement personnel puisqu’il s’agit d’affirmer d’une part, sa capacité de se
délester de la pesanteur de sa corporéité et de sa matérialité (en s’appuyant sur tel objet
particulier), et d’autre part, d’assurer son incorporation avec l’invisible et sa
transcommunication avec le monde divino-ancestral.

La démarche cognitive ne vise pas seulement le sujet en tant qu’intellect mais


s’adresse également à ce dernier en tant que personne. L’action n’est pas uniquement de
l’ordre théorétique.

189
Il s’agit plutôt d’un véritable travail de « construction de soi » dans un
mouvement ternaire qui va de la rupture (mort initiatique) à l’intégration (renaissance
initiatique) en passant par une période de marge (réclusion).

Chez certaines ethnies de Madagascar, trois moments initiatiques qui sont


finalement une véritable métamorphose de l’esprit et du corps s’inscrivent précisément
sous le signe de telle ou telle partie du corps (œil, oreille, bouche), ou de tel ou tel type
d’outil (le couteau, la hache, le ciseau en même temps que le maillet par exemple).

Mais quel que soit le degré d’élévation auquel est parvenu le « maître du
tromba » dans cette quête du savoir et du pouvoir, il ne doit jamais s’enfermer sur soi
mais il est plutôt appelé à éclairer les autres de sa luminosité divino-ancestrale.

L’éducation, dans sa finalité essentielle, c’est d’amener l’individu, quelle que


soit son appartenance sociale, à être le lieu de rencontre entre l’humain et le divin, entre
le visible et l’invisible pour devenir chacun à son rythme et selon ses capacités, l’un des
piliers fiables et toujours disponibles de l’architecture sociale : c’est comme dans
l’alphabétisation où l’on crée une rencontre entre l’apprenant et le formateur, entre
l’apprenant ,son besoin ,et le formateur .

L’essentiel c’est de faire de son mieux et de se mettre en route sur les voies de la
connaissance. La différence est au cœur du social. N’est-il pas vrai d’ailleurs, selon
l’adage populaire malgache que « les arbres d’une même forêt n’atteindront jamais les
mêmes hauteurs et qu’un arbre, quelle que soit sa taille, ne constituera jamais à lui tout
seul une forêt » ?

N’est-il pas vrai que « ce sont les branches les plus élevées qui bénéficient le
mieux des rayons du soleil et qu’il leur appartient en contre partie de s’exposer plus que
les autres aux caprices du vent » ?

Le phénomène traditionnel offre donc à travers cette quête de la connaissance


une sorte de paradigme à la solidarité humaine (paradigme que l’on trouve également,
sous d’autres formes peut-être, dans de nombreuses civilisations du monde).

La connaissance est en général à l’image d’une source de lumière appelée


naturellement à briller de toutes ses forces pour éclairer l’espace environnant. Plus cette
source est puissante et lumineuse, mieux également elle arrive à donner aux objets leur

190
vrai contour ainsi que les nuances éventuelles de leur couleur, nous permettant ainsi de
les distinguer puis de les situer les uns par rapport aux autres.

Dans une telle perspective, le renfermement (le conservatisme), c’est cette sorte
d’opacité de notre intelligence qu’il faut combattre de toutes nos forces, précisément,
parce qu’elle nous empêche de réaliser judicieusement notre humanité.

Dans la vision du monde des Sakalava, le cosmos est comme un grand tambour
sur lequel, entre l’intervalle qui va de la naissance à la mort, chacun est appelé
incessamment à tambouriner en s’efforçant d’être en phase avec le rythme divino-
cosmique.

Or, comment tambouriner correctement si on est dans la méconnaissance de la


symphonie à laquelle il faut s’ajuster ? C’est par l’éducation que l’individu arrive à se
familiariser graduellement à cette symphonie divino-cosmique.

Au cas où ces moyens offerts par l’éducation ne suffisent pas, d’autres adjuvants
sont là pour aider l’individu à retrouver intimement sa mélodie intérieure pour essayer
d’être de nouveau en vibration avec ce rythme divino-cosmique.

7.1.2. Identité de fonction


On peut établir une « parenté profonde » entre identité de fonction : régulation
sociale et identité des faits : la compréhension des faits.

L’identité qui confère le droit d’exercer une fonction de régulation, constitue le


pouvoir de fonction à travers les pratiques cérémonielles identitaires. Le système de
parenté dépend des règles qui surdéterminent, par exemple, les alliances matrimoniales,
l’adoption et l’accès des morts aux tombeaux.

Ces règles remontent toutes via le domaine de Zanahary jusqu’à l’homme, etc.
La construction structuraliste réduirait le fady à une « simple fonction de régulation
sociale assurant rétroactivement et activement la permanence du groupe » et serait apte à
interpréter notamment la violence et l’absence des conflits au sein d’une société.

L’analyse des relations entre l’affection des vivants à l’égard des morts durant
le déroulement du rituel utilise les apports psychanalytiques qui nous permettent de
comprendre pourquoi ces rituels se répètent et pourquoi ils ne peuvent se résumer aux
funérailles.

191
Une analyse de la notion « d’ambivalence » du point de vue de la psychanalyse
permet certaines interrogations sur l’épisode relativement « violente » des rituels à
l’égard des désirs incestueux auxquels on doit renoncer. Cette interprétation via le conflit
de l’ambivalence tel que proposé par FREUD168 au sujet de la lutte éternelle entre l’eros
et l’instinct de destruction ou de mort, se conclut sur la conversion de sentiments
d’amour à l’égard desdéfunts, afin de maintenir l’ordre social.

En effet, la famille royale vit dans la hantise permanente de sa division et de la


discorde, de la perte de « hasina » et de pouvoir, etc. Le rite réalise le renoncement à la
division au bénéfice de l’unité supérieure de la famille, et assure la mutation de la
violence en amour.

Enfin, la hantise de la possible perte d’union avec la puissance sacrée des


ancêtres royaux, entraînerait la répétition des rites funéraires.La violence exécutée
collectivement permettrait l’appropriation et le partage par le groupe de l’ « ego
collectif » et non pas des membres individuels, de la puissance des ancêtres.

Le processus psychique peut être appliqué au social sans toutefois réduire le


social aux transpositions de la psyché-individuelle. Car, dans le cadre de l’évolution et
de la perception du rituel funèbre , l’ordre hiérarchique et les rapports interculturels ont
entraîné des emprunts culturels et des rapports de domination influents qui sont relégués
au second plan, sans doute dans le but de bien souligner l’influence et la pertinence de la
psyché-individuelle dans l’importance de la répétition des rites funéraires .

En ce qui concerne l’identité de fait, c’est la compréhension des Sakalava qui


nous intéresse.

L’approche psychanalytique vise à repousser à de nouvelles limites la


compréhension et l’analyse du rituelpar le dévoilement de l’inconscient collectif. Il faut
donc comprendre le « registre de causalité » de l’efficacité des rites funéraires en tant que
pratique culturelle collective, en se concentrant sur le phénomène de la « répétition ».

En effet, si le rituel a été analysé par plusieurs auteurs (Rusillon, Jaovelo-Dzao,


Lombard, Goedefroit, Ramamonjisoa, Mangalaza, Pacaud, etc.) comme étant « magico-
religieux », quelle serait la relation entre son efficacité et sa répétition ? Si ces rites

168
FREUD S. (1921-1968), « Psycholgie collective et analyse du moi », Traduction de
l’Allemand par Dr JANKELEVITCH S., Paris, Editions Payot, pp.83-176.

192
funéraires consistent en une « identité culturelle », et en une liaison entre le monde
des vivants et celui des morts, pourquoi ces rituels se répéteraient ils dans le temps et ce,
pour des différénts défunts mais toujours à l’égard des mêmes ancêtres.

Abandonnant d’entrée de jeu la maladie et la folie comme étant les causes de la


planification du rituel, qui peuvent être considérées comme un fait collectif issu d’un
contexte culturel particulier comprenant un ordre symbolique, en cela, la psychologie des
masses de Freud nous permet de considérer « l’individu collectif » par analogie au sujet
psychique individuel.

Lévi-Strauss analyse la parenté comme système de communication et d’échange


entre statuts et rôles sociaux selon un principe de réciprocité consistant à s’interdire le
parent proche pour l’échanger contre un conjoint venant d’un autre groupe. Lorsqu’il
recherche « les lois universelles qui régissent les activités inconscientes de l’esprit », le
structuraliste rejette la question de l’origine des phénomènes au profit d’une étude de
leurs formes.

L’activité inconsciente de l’esprit est d’imposer des mêmes formes à des


contenus divers, mais l’inconscient dont on parle ici peut voir sa fonction d’occultation,
avec celui de la psychanalyse, fortement marqué d’affects.

En réalité, le cacher dans toute structure sociale, c’est sa raison d’être, son
principe explicatif169.Il est très important de s’interroger aux hypothèses de Lévi-Strauss
sur les choix préférentiels et les dualistes en fonction du sang ou de la terre dans son
analyse du rapatriement des reliques et de choix d’être possédé : Les rites funéraires
assurent une fonction presque équivalente, complémentaire à celle que remplit le
mariage entre voisins pour les vivants ; ils sont créateurs rétrospectifs et posthumes de
parenté réelle, résolutifs de dualisme race / terre .170

On peut donc reprocher à Lévi-Strauss d’avoir isolé la parenté du reste de la


culture et propose de restituer le sacré au fondement de l’échange (hasin-drazana, la
puissance sacrée des ancêtres), la notion profane du « prestige » l’ayant fait disparaître.

Les rites funéraires sont des illustrations de la servilité de fait chez les
Sakalava. Si l’on se réfère à la pratique du tromba où la personne qui va être possédée

169
Cf.RIVIERE C. (1995), Introduction à l’Anthropologie, Hachette, Paris, p.47.
170
Cf. LEVI-STRAUSS C., (1967), Les structures élémentaires de la parenté, Paris, Mouton.

193
tombe malade. Ses proches iront voir un médecin. Si celui-ci ne peut rien faire pour le
guérir, ses proches consultent un voyant, plus précisément un « moasy » confirmant ainsi
qu’il s’agit vraiment d’un tromba qui veut venir.

On procède alors à un « hataka171 » (demande de bénédiction) auquel quelques


grands tromba viennent assister : Andriamandisoarivo, Andriamisara,
Andriamandamigny, Andriamanilitsiarivo, etc. C’est à ces derniers de juger selon les
gestes, mimiques et paroles du nouveau tromba, s’ils correspondent vraiment aux
habitudes du défunt Mpanjaka.

Si le Mpanjaka est mort après avoir bu du rhum et mangé du « vary sosoa »


avec du poulet, obligatoirement son saha ne mangera plus jamais ces aliments. Il existe
donc une exactitude trop étroite dans l’imitation quand on parle de ce phénomène de
tromba.

Le prélude de la cérémonie est fort long. Le saha dirige les chants qui sont
systématiquement orientés vers la supplication ; les tambours résonnent avec violence et
le saha invoque, supplie, énumère les dons ; on implore l’esprit de venir à travers tous les
modes possibles de communication : longues prières, chants, danses exprimant le
désespoir et toutes formes de servilité.

C’est la recherche intense, frénétique même, désespérée souvent de


l’établissement du dialogue avec lui. Le saha joue son rôle d’intermédiaire, dirige la
supplication des assistants et il en est l’acteur principal.Si l’attente est trop longue, on
s’interroge dans l’angoisse : y a-t-il un coupable dans l’assistance ? Y a-t-il eu une faute
dans le choix de la date de la cérémonie ?

Parfois des gens confessent des fautes (le plus souvent : transgression
d’interdits) qu’ils ont commises ; pour les effacer, ils rajoutent des dons en monnaies ;
parfois, il y a dénonciation d’un coupable qui est censé être la cause de la réticence de
l’esprit à apparaître : il est tout de suite chassé172.

Malgré toutes les réserves que l’on peut faire, l’explication du tromba semble
être dans la ligne du symbolisme constitué par la crainte de la puissance symbolique. Le

171
Peut être traduit par une séparation, écartement, éloignement mais aussi demande, requête,
prière et sollicitation. Dans cet ouvrage, on emploie le deuxième sens.
172
ALTHABE G. (1969), Oppression et Libération dans l’Imaginaire, Maspero, Paris, p.98-99.

194
tromba est donc un phénomène purement symbolique et c’est un simple instrument qui
permet au contraire de renforcer la cohésion sociale.

Le Tromba un phénomène social total, car il n’est pas réduit à un simple fait
culturel : il véhicule un système complexe de valeurs politique, sociale, économique et
religieuse. Bref, le Tromba représente la même forme et la même valeur que le
« potlatch » de Mauss M173.

Le fait de donner, recevoir et rendre donne la preuve que le Tromba revêt un


aspect très lié à cet esprit, dans les sociétés « archaïques », et ne peut être réduit à un
simple échange économique qui est transposable par le biais des dons offerts aux esprits,
la bénédiction retournée mais aussi à une alliance mutuelle entre les vivants et les
morts.174

La modernité a introduit beaucoup de changement sur les comportements


économiques de la population sakalava, voire même la population malgache tout entière.
Entre autre l’arrivée du christianisme et du capitalisme.

L’argent en particulier a pris une place importante, même si le proverbe


malgache dit : « mieux vaut perdre de l’argent plutôt que de remettre en cause les valeurs
du fihavanana (consanguinité, solidarité, amitié) ». La notion de « culture universelle »,
de mentalité logique, s’est accompagnée d’une dépréciation de la culture malgache.

La puissance du symbolique sur le réel a déjà existé et continue toujours


d’exister actuellement. Pour expliquer ce phénomène on va parler des enjeux socio-
économico-historiques et culturels ainsi que des funérailles royales, car cela nous montre
la domination symbolique de l’imaginaire sur le statut de l’individu chez les Sakalava.

Depuis l’époque de la royauté jusqu’à l’heure actuelle de la globalisation et de la


mondialisation, c’est-à-dire la généralisation de l’économie de marché, la puissance du
symbolique persiste toujours. Le développement de l’économie de marché ne peut donc
que se mettre à sa logique.

173
MAUSS (M), Essaisur le don : forme et raison de l’échange dans les sociétésarchaïques, in
« Sociologie et Anthropologie », Paris, PUF,
174
Idem.

195
Toutes les bases et tous les éléments constitutifs du social surtout au point les
plus reculés du monde sont implacables et là, on doit avoir recours à la théorie marxiste
où tout devient marchandise : tout se vend, tout s’achète.

Bon nombre de Sakalava pensent que le tromba est un moyen pour demander la
bénédiction des ancêtres royaux et avoir leurs protections. La servilité symbolique chez
les Sakalava est donc considérée comme le contre don en échange de ces protections et
bénédictions.

Cela nous rappelle dans une certaine mesure les caractéristiques du potlatch175 et
ses trois obligations : donner, recevoir et rendre. La servilité symbolique reçue est
rendue. Dans le tromba, les notions d’honneur, de prestige ainsi que de respect des morts
et des ancêtres royaux sont toujours présentes.

Malgré tout cela, la servilité n’atteint pas le niveau complet du potlatch, elle
représente des prestations totales de type agnostique, pour reprendre la terminologie de
Mauss. Mais les ancêtres royaux et les Sakalava n’arrivent pas à tout donner, jusqu’à leur
vie, pour rivaliser contre l’autre comme dans le potlatch.

Donc, c’est par le don et le contre don que l’on entretient une alliance et une
communication. Dans la pratique rituelle comme le tromba, les dons réciproques sont
destinés non à amasser des avantages socioreligieux ou à retirer des privilèges
psychologiques pour les esprits et les Sakalava, mais à entretenir des relations d’alliance.

La servilité symbolique échangée n’est pas de la commodité psychologique,


mais un véhicule, un instrument de la communication. Mais la vraie raison de cette
servilité est que les Sakalava veulent se libérer du mécontentement des ancêtres et des
conséquences qu’ils pourraient y avoir : pauvreté, mort à un âge tendre, mort subite et
autres malheurs.

Ils veulent obtenir leur faveur avec la bénédiction qui, pensent-ils


l’accompagne une longue vie, de l’honneur, de la puissance et toutes sortes de
jouissance de la vie.

175
Analysé par MAUSS M. in Essai sur le Don, Editions PUF, p.145-249.

196
La demande de bénédiction aux ancêtres est la principale philosophie sur
laquelle repose le tromba, car on pense que l’ancêtre va devenir un dieu176 auprès duquel
on va pouvoir demander de l’aide.

7.2. Relation éducation – tradition

Avant de parler de la modernisation de l’éducation qui est un élément crucial


pour la valorisation et la pérennisation de l’d’identité culturelle, il nous serait utile de
faire un essai d’analyse du système éducatif malgache ainsi que de ses lois
d’orientation.

7.2.1. Essai d’analyse du système éducatif

Pour commencer nous allons essayer de donner une vision globale sur l’éducation.Dans
le passé, l’éducation était essentiellement perçue comme un processus d’apprentissage de
la dynamique de la vie et d’acquisition de la compétence professionnelle précédant
l’entrée sur le marché du travail. Ainsi, le concept de l’éducation se rapporte
habituellement au processus par lequel les connaissances, les compétences et les valeurs
sont transmises d’une génération à l’autre.

Selon DURKHEIM, l’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles
qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de
développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux
que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel
il est particulièrement destiné.

Il affirme que l’éducation est un fait social ; « chaque société, considérée à un moment
déterminé de son développement, a un système d’éducation qui s’impose aux individus
avec une force généralement irrésistible ».177

Pris dans son sens le plus général, selon FERREOL178, le terme « éducation » recouvre
toute activité sociale visant à transmettre à des individus l’héritage collectif de la société
où ils s’insèrent. Son champ de compréhension inclut alors tout autant la socialisation du
176
Les ancêtres morts sont entrés dans la sphère de Dieu, et font partie de la famille divine,
comme ils peuvent aussi être appelés dieu.
177
BEITONE, A. al. , (2002), Aide mémoire en sciences sociales, Paris, Editions Sirey, pp.211-
215.
178
FERREOL, G. (2002), Dictionnaire de sociologie, Paris,Armand Colin ,pp.53 - 54.

197
jeune enfant par sa famille, la formation reçue dans des institutions ayant une visée
éducative explicite (écoles, mouvements de jeunesse) ou dans le cadre de groupement
divers (associations sportives, culturelles, groupes politiques), l’influence du groupe des
pairs, des masse médias, etc. A la limite, le champ de l’éducation est tellement vaste
qu’aucune action visant une quelconque transmission de la culture et des valeurs d’une
société ne peut en être exclue.

L’éducation traditionnelle est à l’origine de l’histoire de l’éducation à Madagascar : elle a


été faite en famille et on formait les enfants aux diverses activités familiales .Il y avait
donc des formations : morales sociales (angano, tafasiry), intellectuelles (kabary,
ankamantatra, ohabolana), physiques (moraingy, ringa), esthétiques (tononkalo, hira,
dihy).C’était surtout la période de la gérontocratie, la domination des anciens, des vieux
(Géron : ancien).

Ensuite l’éducation a été dispensée par les Missionnaires LMS (London Missionnary
Society).Ils ont appris aux enfants à lire, écrire, compter, et évangéliser. La première
école a été ouverte à Tamatave et plus précisément à Manangareza le 08 septembre
1818.Celle d’Antananarivo en 1820 à BesakanaanatyRova de Manjakamiadana. Le roi
Radama I a appris le français et l’anglais respectivement avec les sergents Robin et
Hastie.179

Plusieurs éléments tels que : enseignants-infrastructures- apprenants- curriculum-loi


d’orientation et manuels doivent fonctionner en complémentarité ou en synergie
lorsqu’on parle du système éducatif.

Le cœur du système éducatif était la scolarisation extramuros, où se faisait


essentiellement l’acte éducatif, plus ou moins réduit à l’enseignement et à la rencontre
entre le système d’enseignement et l’ensemble de ceux qui sont éduqués.Il est évident
que lorsqu’on passe au deuxième modèle, l’ensemble des relations entre le système
éducatif et son environnement, surtout l’environnement social, économique et les
partenaires sociaux, les élus, mais aussi les parents, ne va plus se jouer au niveau de la
classe mais au niveau de l’établissement. Le passage de l’un à l’autre est aussi un
changement de réalité.

179
Source : Archives de la CISCO (Circonscription Scolaire) Mahajanga I

198
Selon la définition de la Banque Mondiale, le système éducatif est une structure,
un mode de fonctionnement et de service assurant la formation et le développement
intellectuel d’un être humain. Dans ce chapitre, nous allons voir un aperçu historique du
système éducatif malgache puis ses typologies et enfin les enseignants. A Madagascar,
les lacunes de l’enseignement public ont été combinées par l’enseignement privé, qui a
quelque fois supplanté le premier.

Ainsi, c’est par différentes vagues et selon des modalités différentes, nous le
verrons, que ces deux systèmes ont vu le jour dans le pays.Avec les graves crises
politiques, Madagascar a fait l’objet d’un changement de régime au profit d’une
Révolution Nationale Démocratique qui a imposé sans le vouloir la malgachisation du
système éducatif.Ce dernier visait à malgachiser le contexteà partir des réalités locales
a pourtant tourné en malgachisationà outrance avec rejet .

Ce changement qui visait à faciliter l’accès à l’éducation pour toute la


population malgache, a eu pour conséquence, le rejet de l’enseignement français et aussi
de la culture française. Ce qui a entraîné le renvoi des coopérants et enseignants français
ayant servi (dans le primaire et le secondaire), qui étaient remplacés par des enseignants
malgaches peu ou pas formés. Ce système doit être régi par au moins un texte
réglementaire : une loi d’orientation qui fixe les structures, les modes de fonctionnement
les acteurs principaux etc.

Depuis l’indépendance jusqu’à nos jours ce pays a connu plusieurs lois


d’orientation du système éducatif qui avec la nouvelle reforme180 vont bientôt être
reléguées aux archives.

On est passé de l’arrêté 3180 AC du temps de la 1ère République avec le MAC


(Ministère des Affaires Culturelles), à la loi 78-040 du 17/07/78 de la 2èmeRépublique, la
loi 94-033 du 13/03/95 de la 3èmeRépublique, la loi 2004-04 du 25/07/2004, et nous voici
enfin avec la loi 2008-011 du 17/07/08(modifiant certaines dispositions de la loi n°2004-
004).

Toutes ces lois régissant l’enseignement, l’éducation et la formation à


Madagascar, ont été bien rédigées et avaient des objectifs vraiment prometteurs.

180
Plan de réforme (MAP éducation) primaire en sept années.

199
A titre d’exemple, la loi 94-033 du 13/03/95 en son article 2 stipule que
« l’Education et la formation à Madagascar visent à favoriser l’épanouissement
physique, intellectuel, moral et artistique de la personnalité de l’individu, de la pleine
puissance de la liberté ».

Mais la question qui doit être posée est que : « Quels sont ou quelles ont été les
mesures prises ou les moyens mis en place pour un « suivi-évaluation » de l’atteinte de
ces objectifs ? Personne ne pourra répondre à cette question car ces lois n’ont pas changé
à cause de leur inefficacité mais à chaque avènement d’un nouveau régime (en 1978,
1994-95, 2004, 2008-2009).

Il en est de même pour les programmes scolaires, les curricula. Les décisions
n’ont jamais été pédagogiques, prises par des techniciens mais plutôt idéologiques,
dictées par des politiciens.

A l’heure actuelle181, tout le monde parle de la fameuse reforme éducative. De


quoi s’agit t- il exactement ? On pourra dire que la base de cette reforme serait la
« 732 » (7ans du primaire, 3 ans du secondaire et 2 ans de lycée).

L’administration : MEN (Ministère de l’Education Nationale) pense que le fait


de garder les enfants malgaches le plus longtemps possible au niveau primaire (6ans à
l’entrée +7 ans) les rendrait plus mûrs et faciliterait leur entrée au secondaire (vers 13
ans).

Un des plus remarquables points de cette reforme est la langue d’enseignement,


le « tenin-dreny » ou langue maternelle qui sera utilisée durant les cinq premières
années d’études.

Enfin le troisième point c’est de vouloir améliorer le taux d’achèvement scolaire


et par conséquent réduire le taux d’analphabètes. Comme nous le savons tous, dans tout
projet, nous devons toujours impliquer les bénéficiaires en vue d’éviter des réactions
néfastes et de résistances.

Ceci nous amène à nous interroger sur la manière dont cette réforme a été
décidée. Y- à t il eu une consultation au niveau de la population, des enseignants ? Mais
si, c’est seulement le ministère, les circonscriptions qui ont décidé, la décision serait

181
La fin de l’année 2008 et le début l’année 2009.

200
minoritaire et nous savons tous quel serait l’impact d’une telle décision. C’est la raison
pour laquelle des spots télévisées, des publicités à la radio sont très fréquents pour
essayer de récupérer, d’impliquer et les enseignants et les parents.

Les dispositifs de mise en œuvre et de vérification étaient insuffisants pour ne


pas dire inexistants ; en d’autres termes les décrets d’application et les mesures
d’accompagnement manquaient ou étaient inadéquats.

Comment voulez-vous par exemple imposer comme langue d’enseignement à


partir du CE (Cours élémentaire) la langue de Molière cf. NC 15.418182 MIP/DEP du
07/07/92 alors que nos enseignants n’arrivent même pas à rédiger une demande d’emploi
ou animer une séance pédagogique en français.

Nous parlons ici des cas de 90% de nos enseignants connus sous le nom
d’instituteurs FRAM ou ENF (enseignant non fonctionnaire) qui sont actuellement au
nombre de 38.000 (environ) soit la moitié des fonctionnaires du MEN. Ces enseignants
n’ont jamais reçu de formation initiale et sont laissés à la merci de tous dans des villages
les plus reculés de brousse.

Avec une telle situation, notre chance de réussir semble être minime et ne laisse
pas prétendre grand chose.

Pourtant, jusqu’en 1972, une bonne partie (plus de la moitié) des élèves
fréquentant les lycées dont il n’en existait qu’un seul par province à l’exception de celle
de Tananarive qui en possédait six (06), étaient des enfants de coopérants ou de
commerçants français fortunés, et la plupart des enseignants étaient des Français183.

En 1975, le Président de la République Démocratique de Madagascar, Didier


RATSIRAKA a développé dans la Charte de la « Révolution Socialiste
Malgache »(RSM) ou « Livre Rouge » les grandes lignes de l’Education à Madagascar :

- gratuité des écoles primaires publiques dans tous les fokontany, implantation
des collèges d’enseignement général à chaque chef lieu des Communes, un

182
NC 15.418 : Français langue d’enseignement.
183
RANDRIAMASITIANA, G.D. (2002) : « Forces et Faiblesses du Système Educatif Malgache
durant la Première Décennie de l’Indépendance ». In Revue Historique des Mascareignes, N°4,
2002. Les années soixante dans le Sud-ouest de l’Océan Indien : La Réunion, Madagascar,
Maurice, Mayotte, Sainte Clotilde, AHIOL, p.43-66

201
lycée par District et un Centre Universitaire Régional (CUR) pour chaque chef
lieu des provinces;
- définition d’un plan d’études de base pour l’enseignement primaire ;
- formation des enseignants malgaches en malgache ;
- mise en place d’un service national pour le recrutement des enseignants.
Ces idées ont été inspirées des régimes chinois, nord-coréen et soviétique,
visaient à former des citoyens révolutionnaires aptes à combattre l’impérialisme français
car le gouvernement a voulu résister contre toute forme de colonisation que ce soit
économique, politique ouculturelle.

En outre, il voulait défendre la révolution malgache en adoptant une nouvelle


idéologie. Madagascar jusqu’alors un pays capitaliste s’est allié au socialisme.

La Grande s’est intégrée dans un système de trois productions collectivistes


géré par des comités de travailleurs .Ainsi, on a assisté à une nationalisation
massive des entreprises privées telles que les compagnies lyonnaise,
marseillaise et la SICE (Société Industrielle et Commerciale de l’Emirne).
Ceci s’est fait dans le but de montrer que l’enseignement est un acte civique et
révolutionnaire visant la formation et l’édification des masses populaires selon les
principes marxistes.

Après la période transitoire et l’apparition de la fameuse loi 78-040 du 17 juillet


1978 184
portant Cadre général du système d’éducation et de formation à Madagascar, les
intentions étaient de supprimer l’enseignement du français à l’école primaire, mais
finalement on l’a retenu avec un horaire très réduit. Car l’objectif était de démocratiser et
de malgachiser l’enseignement c'est-à-dire une malgachisation de la langue, du contenu
et du personnel : « démocratiser, c’est donner à tous des chances égales d’accéder au
savoir et de se faire éduquer en fonction des aptitudes et des mérites de chacun, sans
considération de situation sociale ou de fortune. Malgachiser, c’est adapter non
seulement les programmes mais également les méthodes, aux réalités et aux besoins de
la Nation et de l’économie .Ce qui suppose notamment la reconversion d’un certain
nombre d’établissements existants ».185

184
KOERNER, F (1999), Histoire de l’Enseignement privé et officiel à Madagascar (1820 –1995),
L’Harmattan, Paris.Elle prévoit la décentralisation, la démocratisation et la
malgachisation de l’enseignement.
185
Cf.RAJAOSON, F., (1985), L’enseignement supérieur et le devenir de la société

202
Le statut du français était presque inconnu par suite de l’autorisation du
bilinguisme.La malgachisation prenait place ; les résultats étaient non satisfaisants pour
des raisons d’ordre socio-politico-pédagogique et matériel. Par manque d’encadrement,
aucune instruction méthodologique concernant les manuels à utiliser ne fut donnée. D’où
la dévalorisation des cadres locaux qui sont considérés comme des gens peu formés et
incompétents.

La malgachisation de l’enseignement sans de minutieuses préparations se


traduisait par l’emploi de la langue malgache qui n’était pas non plus tout à fait bien
maîtrisée par tous, d’où l’émergence du « frangasy », sorte de langue créole, mélange de
structure linguistique de malgache et de vocabulaire français.

La génération d’enseignants qui ont donc vécu cette expérience au cours de


leurs études ont un niveau de français médiocre et éprouvent de véritables difficultés à
s’exprimer dans cette langue aussi bien oralement que par écrit, à plus forte raison à faire
leur cours en français.

Nous constatons que bon nombre d’enseignants n’ont pu jusqu’à présent se


détacher de ce sentiment d’infériorité vis-à-vis de la langue française et de son utilisation.
La maîtrise du français confère une sorte de réussite à celui qui en a un bon usage.

C’est sûrement, en partie, une des conséquences de la période de malgachisation


durant laquelle la langue française symbolisait le colonialisme, l’impérialisme.

D’après ces analyses, nous avons pu constater par-ci et par-là divers obstacles
d’ordre sociologique, économique, matériel et méthodologique en ce qui concerne le
système éducatif malgache. Tout ceci constitue pour nous, sociologue et formateur et
futur responsable du système éducatif, un problème à résoudre ; et ce problème mérite
d’être étudié au sérieux. On dit souvent qu’un homme averti en vaut deux, nous le
sommes à l’heure actuelle.

Encore une fois, il est bon de rappeler que l’éducation occupe une place très
importante dans ce monde moderne où nous vivons et constitue un tremplin pour le
développement. Non seulement parce qu’elle permet un développement humain, social

malgache.La dialectique Université /Société.Thèse de Doctorat d’Etat ès-lettres et sciences


humaines, Université René Descartes (Paris V), Sorbonne, pp.200-201.

203
et économique (en terme de résultats), mais aussi et surtout, elle constitue la base de
l’identité et l’avenir de chaque individu.

A propos de la méthode actuellement utilisée, elle ne répond plus, du moins en


partie, à nos besoins contextuels dès que le système éducatif a changé dans notre pays
(référence à la loi 2008-011 du 17 juillet 2008 portant orientation du système éducatif
malgache).

En tant que sociologue, nous dirons que si la majorité des écoles, des
enseignants des parents et pourquoi pas des apprenants n’épouse pas cette idée, la
décision, la reforme de l’état et / ou du ministère risquerait de tomber dans l’eau. Ce
système en général et la reforme en particulier ne pourraient pas être le moteur du
développement mais resteraient plutôt une remorque à trainer.

Nous craignons fort que cette reforme ne devienne pas comme l’APC (approche
par les compétences) qui tend déjà à être reléguée au rang des archives et remplacée par
l’APS (approche par les situations) parce qu’elle n’a pas été mûrement réfléchie.

Les décisions prises d’une manière hâtive, ceci sans consultation ni


consentement risque toujours d’être vouées à l’échec, ceci fait couler actuellement
beaucoup d’encre et fait parler les muets.

L’application de cette reforme a été freinée par la crise politique qu’a connu le
pays et le changement de régime et plus précisément l’actuel Ministère de l’Education
Nationale a annulé le prolongement du primaire et des questions se posent car la loi a
été remplacée par une ordonnance ; ce qui est sûr c’est que personne n’est plus en mesure
de savoir ce qui se passe dans le pays en ce qui concerne l’orientation du système
éducatif .

La réforme aurait pu augmenter le taux d’analphabète parce qu’on essaie de


garder les élèves le plus longtemps possible à l’école alors qu’à 13 ans les élèves entrent
déjà en phase très difficile de l’éducation ; le chemin sera donc divisé en deux : une
majeure partie d’élèves va abandonner et se décrocher de l’école et une minorité va
continuer et peut être réussir.

Il existe également le problème d’ordre économique et social qui pousse les


enfants à travailler et à aider leurs parents ; de leur coté les parents se battent pour la

204
survie des membres de leur famille .Ainsi, l’éducation est placée au second plan. Ceci
nous amène à voir la mise en application des programmes en vigueur depuis 1995.

Conçu pour lutter contre toute sorte de décrochage scolaire186, l’EPT (Education
Pour Tous) ne pourra pas, d’un seul coup, devenir une stratégie de valorisation éducative.

Quant à nos enseignants, leur comportement pédagogique n’est pas le fruit de


leur volonté, mais du manque d’encadrement, de la dévalorisation de leurs diplômes. Ils
méritent d’être aidés sur le plan linguistique, matériel, technique, psychologique et
pédagogique.

La formation permanente et l’encadrement pédagogique doivent prendre une


ampleur et une fréquence maximale, mais de peur de trop déranger les instituteurs, la
formation et l’encadrement doivent diminuer au fur et à mesure que la situation
s’améliore. Notre insularité nous oblige à nous procurer d’une prospective d’interaction
de la modernité à la traditionnalité.

Bref, le système éducatif évolue et les éléments qui le constituent, à savoir


enseignants, parents, méthodes et apprenants, doivent eux aussi évoluer.

Le pays devrait complètement redéfinir ses priorités en matière d’éducation afin


de hisser à un autre stade de développement grâce à la conciliation entre tradition et
éducation car on ne peut pas laisser cette dernière pour pouvoir pérenniser la culture
identitaire et la tradition ne peut pas être considérée comme étant un blocage pour la
modernité et le développement.

7.2.2. Distance entre éducation et tradition

Si l’on se réfère à la conception durkheimienne de la division sociale du


travail , on constate que les rites funéraires jouent le rôle d’organisateur et de
regulateur présentant un caractère collectif car ils renforcent la cohésion du groupe

186
Le fait de ne pas réussir à l’école. Ou bien l’élève abandonne en cours de route sans atteindre
la fin de l’année scolaire (en pleine année scolaire) ou bien il arrive à terme de l’année scolaire
sans obtenir aucun diplôme et il finira par quitter l’école ou cesse d’y aller. Probablement, il va
redevenir « analphabète ».

205
ainsi que l’identité commune . Le travail divisé selon la règle ancestrale (tâches
spécifiques pour chaque groupe) authentifie l’origine et l’histoire des Sakalava.
La division sociale du travail dans les rites funéraires permet d’organiser la
société après le désordre causé par la mort et rappellle déjà la compléxité de l’univers
traditionel et l’intégration des Sakalavaau monde moderne. La vie dans la société
sakalava tourne autour de la préparation de la mort, comme on le dit : « pour mieux
vivre, il faut préparer la mort ».
La division du travail générée par la société industrielle a affecté les liens
communautaires et de la « solidarité mécanique », on est donc passé à la solidarité
organique selon E. DURKHEIM187 dans la division de travail social, la solidarité a cédé
la place à la singularité de l’individu ; ceci a creusé l’écart entre éducation et tradition.
Les relations sociales traditionnelles basées sur le « fihavanana » ont cédé la
place à une politique d’assimilation aux valeurs européennes louant les mérites de la
civilisation scientifique, de l’individualisation.
Dès lors, les pratiques traditionnelles se sont soumises par la force au
modernisme. Depuis, la conscience collective s’est beaucoup amenuiséeet actuellement
un aphorisme cynique tend à s’installer : « Samy mandeha, samy mitady » : chacun pour
soi.

Parmi les caractéristiques de modernisme notons également le scientisme, la


confiance au processus de la civilisation scientifique à la rationalisation. Ce que le
moderne privilégie, c’est un certain type des raisons à tendance calculant, car elle fait
appel à la mesure, à la qualification, et à la technique ; elle n’a cessé d’améliorer la
production que par l’usage de procédésde plus en plus perfectionnés.
Le sujet moderne se fait remarquer à travers des rationalités qui lui procurent
un sentiment de maître de soi et du monde, ce qui explique sa suspicion envers la
tradition.
Bref, la modernité a dédaigné les pratiques traditionnelles et religieuses pour
affirmer sa suprématie, son hégémonie et sa pertinence pour résoudre le problème
matériel de l’homme. Elle a mis beaucoup d’importance sur le matériel qui a été tout au
contraire au rituel du culte des ancêtres, d’où la non compatibilité.

187 ème
DURKHEIM E. (1967), La division du travail social, 8 Ed. , PUF, Paris.

206
Le postmodernisme désigne une idéologie qui rompt avec les idéaux de la
modernité et qui prend des formes très diverses, il y a un postmodernisme passéiste qui
veut un retour en arrière, qui adopte un esprit critique, négatif, ne débouchant sur aucun
projet d’avenir mais se refugie dans un passé obsolète et atrophique, ainsi qu’un
postmodernisme dynamique, constructif qui a tant proposé des solutions prospectives.

La société sakalava ne cesse d’évoluer et de changer, les rites funéraires ne


représentent presque plus l’origine, ni l’histoire mais restent juste des souvenirs du
passé répétés et transmis de génération en génération . Tout ceci est dû à
l’acculturationde la structure socialequi s’est basculée vers le côté de la modernité.

L’organisation des rites funéraires signifie dans ce concept de division social


du travail qu’il existe une relation entre les deux mondes d’une part, et elle affirme
d’autre part, l’unité des vivants. L’objectif est de garder en permanence une relation
avec les morts car il faut connaître le passé pour mieux assurer le présent, le futur et
connaître le présent pour marquer la continuité du passé.

Nous pouvons évoquer antérieurement l’apparition de facteurs de changement


tels que la rupture des jeunes générations avec l’univers culturel, ou les apports culturels
nouveaux dûs à l’éducation ou à la confession religieuse. La modernité a accordé une
importance particulière à l’individu avec comme conséquence l’isolement et une certaine
perte d’identité : l’individu est devenu un rouage d’une chaine anonyme dans la société.

Dans les années 90, un changement d’orientation et de stratégie a été adopté à


Madagascar. Ceci afin d’associer la population paysanne comme les gens des villes, à
identifier leurs besoins, à faire des réalisations sur l’appui matériel et financier extérieur.
Le développement ne se décrète pas, il doit être l’œuvre convergente d’acteurs selon les
dires des communautés rurales.

7.2.3. Ralliement de la tradition à l’éducation

Ici, nous allons prendre l’exemple du fanompoa be qui représente un champ


plus vaste, mais dans une perspective comparative, nous allons y ajouter aussi d’autres
pratiques, qui selon nous ont une même portée.
Le fanompoa be et le famadihana ont des impacts positifs dans la vie socio-
économique. Pour les étrangers, la meilleure période pour se rendre à Madagascar

207
demeure l’hiver australe, de juin à septembre. En août surtout, plusieurs famadihana se
déroulent dans les Hautes-Terres, entre Antsirabe et Fianarantsoa, sans oublier le
fanompoa be sakalava qui est une manifestation culturelle accompagnée de festivités
artistiques. Il est célébré annuellement.
Ces deux cérémonies permettent aux Sakalava dans la région Boeny et
auxVakinankaratra de tenir, garder, conserver et préserver leur culture, leur histoire, et
leur identité.
Le développement du tourisme (culturel, d’investigation, etc.) dans la région Boeny
s’appuie largement sur les particularités propres à leurs natifs. Dans lesdifférentes
sociétés, on retrouve pour la circulation des biens les limites que celles de l’endogamie,
la sphère dans laquelle on échange dons et repas pour entretenir l’amitié (et où l’on se
marie) celle qui est extérieure à l’endogamie, avec laquelle on n’échange pas, mais avec
laquelle on se bat.

Il y a aussi trois domaines de relation :

- Celui de la famille avec coopération, solidarité, mais ni échange, ni mariage ;

- Celui des alliés avec échanges, rituels d’amitié, commerce, mariage ;

- Celui des étrangers, éventuellement ennemis : ni échange, ni mariage.

Il existe aussi la fonction principale de la division du travail dans ces deux


rituels. Cette fonction est de produire de la solidarité sociale. Le but serait d’accroître la
productivité du travail : « le plus remarquable effet de la division du travail n’est pas
qu’elle augmente le rendement des fonctions divisées, mais qu’elle rend solidaires.

Chacun prend part à des tâches sans attendre l’autre dans un but de réussir
ensemble et de renforcer la solidarité sociale car c’est le progrès de la division du travail
qui permet de transformer la nature du lien social et qui rend possible le passage d’une
forme de solidarité à l’autre.

Dans cette solidarité, tout changement dans une partie se traduit par un
changement dans les autres. Il peut donc y avoir un développement national si l’on se
réfère au fanompoa be.

208
Chaque année, la célébration du fanompoa be est pratiquée non seulement par
les Sakalava mais assistée aussi par les autres tribus royales malgaches. Durant cette
cérémonie, des familles et des familles sont invitées, des chercheurs étrangers y
viennent également.

Il ne faut non plus négliger la présence de touristes étrangers venant de


l’Europe, de l’Amérique du Nord, d’Afrique du Sud, qui est fortement constatée, car les
citoyens de ces pays s’intéressent véritablement, sinon ont un engouement certain aux
cultures, à l’histoire et aux traditions des tribus malgaches.

Lors des préparatifs du fanompoa be, on procède à une collecte d’argent et


chaque membre de la famille royale, les Saha, quelques consultants ainsi que les autorités
sur place ou de l’extérieur, plus précisément venant des îles de la Réunion et de Mayotte
y participent.

En tant que culture, le fanompoa be qui est une réunion des temples de Tromba
favorise le développement de l’écotourisme à Mahajanga; le va et vient des étrangers lors
de cet événement en est la preuve concrète.

Pendant les quelques jours du fanompoa be on aperçoit des commerçants qui


montent des stands et débarquent des marchandises. Ceci montre que lors du fitampoha,
le « doany » n’est pas seulement un lieu de culte mais aussi un lieu du « marché » ou on
peut y rencontrer tous les produits de la ville.

Pour les saha du tromba, l’entrée des cultures occidentales à Madagascar est la
cause du désordre de la communauté, et perturbe l’harmonisation de la société. Ils ont
ajouté que ces nouvelles cultures leur ont incité à aimer encore plus l’argent, leur a
poussé à devenir égoïstes et le pire c’est le fait qu’elles n’ont pas pu maintenir
l’importance du « Fihavanana » à Madagascar.

Les temples du Tromba que nous avons enquêtés ont affirmé qu’ils reposent sur
le même et unique Dieu, celui des chrétiens, En d’autres termes, leur Dieu n’est pas
différent du Dieu créateur. Seulement pour eux, le Dieu a donné le pouvoir de la nature
qui a recours aux feuilles, aux plants et aux arbres. Ces temples ont aussi affirmé que
c’est le même « Zanahary » qui a divisé en deux la voie qui mène vers lui.

- d’une part la voie de la nature (le cas du Tromba) ;

209
- et d’autre part, la voie du christ (le cas du christianisme).

Ceux qui ont choisi la voie du christ vont à l’église tandis que ceux qui ont
choisi l’autre voie vont avoir recours au rite tromba. Ces temples du Tromba ont aussi
ajouté que nous les Malgaches, nous devons vénérer nos ancêtres et non celui des autres.

« Les Vazaha ou les garamaso » c’est ainsi qu’ils appellent les étrangers, bien
que ces derniers ont leurs ancêtres qu’ils respectent (Jésus christ), ils n’ont pas le droit de
préjuger notre religion, car nous, on ne dit jamais du mal sur leur religion. Tout le monde
s’adresse au même Dieu, mais c’est seulement l’intermédiaire qui diffère.

En effet, la majorité des temples du Tromba n’ont pas le droit d’aller à l’église,
parce que pour eux, cela signifie laisser ses ancêtres pour aller glorifier l’ancêtre des
autres. Les temples de l’esprit Jao, de l’esprit Kotomola et de l’esprit Ravoay qui, selon
l’histoire, ont préféré se suicider en se jetant dans la mer entre Antsohihy et Analalava
(vavan’ny Laloza)188, plutôt que de se soumettre à la domination Merina et au
christianisme. Ils n’accepteraient jamais que leurs temples aillent à l’église, pour eux,
aller à l’église est une forme de trahison et de sousmission étrangère.

Par ailleurs, quelques uns des temples de Tromba n’ont pas de problème avec le
christianisme. En d’autres termes, ils vont à l’église tout en étant temples du Tromba. Ces
derniers ont affirmé qu’il n’existe pas de différence entre le Dieu que les Tromba
glorifient et le Dieu des chrétiens.

« C’est le même Dieu qui se trouve là haut, donc il n’y a pas de mal à prier les
deux », ils pensent même que c’est plus bénéfique. Les temples de l’esprit
Tsimandefitrarivo (qui était une métisse Merina par exemple) ont affirmé qu’aller à
l’église ne veut point dire trahir sa tradition.

7.3. Accommodation statutaire et complaisance idéologico-religieuse des masses

7.3.1. Logique d’accointance entre modernité et traditionnalité

Si le mode d'expression dominant des revendications identitaires est exprimé


dans le registre du symbolique, ceci ne veut pas dire pour autant que les enjeux en étaient
188
Vava signifie enbouchure ici.

210
symboliques, tant s'en faut. Al'évidence, ce ne sont pas des querelles de succession à la
tête d'une monarchie dont le siège est bien hypothétique qui peuvent expliquer la
multiplication des cérémonies royales et le très grand succès d'audience qu'elles ont su
rencontrer.

A Madagascar, 85 % des emplois sont liés au secteur agricole, la terre constitue


le premier et le plus important des facteurs de production; mais, la terre, à Madagascar,
n'est pas seulement un moyen de production, un élément neutre ; c'est au contraire un
élément fondamental de la symbolique à travers laquelle se décrivent les rapports
sociaux.

En général, les Malgaches sont affiliés à une terre mère, celle de leurs ancêtres,
identifiée par leurs tombeaux et sur laquelle leurs droits sont légitimes et
imprescriptibles. Comme ils ne peuvent passe référer à une terre ancestrale réelle ou
mythique, ces gens deviennent dépendants, symboliquement : esclave du tanin-drazana
(terre mère).

Du moins en était-il ainsi au temps des royaumes ; car la législation foncière


aujourd'hui en vigueur ne reconnaît plus guère le droit traditionnel qui favorise le premier
occupant et l'héritage lignager, mais bien plutôt soit l'acquisition marchande (qui favorise
ceux qui sont bien insérés dans l'économie monétaire), soit le droit d'usage qui favorise
celui qui a effectivement mis en valeur le terrain revendiqué.

Alors que le contexte économique et la désagrégation de l'Etat ont encore


augmenté l'importance du terroir comme lieu de repliement sûr pour survivre, la
compétition foncière se joue ainsi sur deux registres opposés : une logique
« traditionnelle » et une logique « moderniste »; selon les cas, on jouera de l'une ou de
l'autre, on se réclamera soit du droit coutumier et de tel ou tel ancêtre reconnu, soit des
lois de la République et de ses dispositions foncières.

Le fait d'être ou de ne pas être d’un clan noble ou roturier, de tel outel lignage,
né dans la région ou venu d'ailleurs, de religion chrétienne ou rendant culte aux ancêtres
royaux etc., sont autant de signes, de déterminants ou de stratégies qui vont définir la
Place de chacun, ce qui n'est pas nouveau, mais dans une compétition foncière qui tend à
s'exacerber, avec les difficultés économiques de pays, liées à une pression
démographique (notamment migratoire) également croissante.

211
Et comme y participent nombre d'immigrés venus d'autres parties de l'Ile, on
comprend d'autant mieux que les malgaches affirment que l'accès aux biens fonciers
passe toujours par l'intermédiaire des ancêtres. D'autant plus que, entre ces deux
logiques opposées, la balance de la Loi, finalement, est plutôt en faveur de l'un.

Afin de justifier l'application de la logique foncière antérieure aux lois modernes


(aux lois mises en place par la colonisation, même si elles ont été quelque peu modifiées
depuis l'Indépendance) il convient de poser avec ostentation les droits sacrés des
ancêtres, d'afficher toutes les marques de la vigueur et la permanence des traditions.

De ce fait, et de plus en plus frénétiquement à mesure que s'accroît la pression


foncière, on les voit multiplier les cultes de possessions royales. Al'inverse, on ne
s'étonnera pas que les immigrés se réclament d'une logique « anti-traditionelle » : ce sont
eux qui se convertissent aux sectes protestantes fondamentalistes celles dont le message
biblique essentiel est de guérir les malades, c'est-à-dire les possédés, de chasser le démon
sous toutes ses formes (les formes les plus virulentes étant bien entendu celles que
revêtent les possédés des rois païens).

Expulser les démons, c'est expulser le sacré traditionnel, c'est expulser les
médiateurs obligés entre le sacré et la terre en expulsant les référents qui fondent leur
prétention.

7.3.2. Diachronie des changements de fonction des cultures d’identités

La diversité culturelle malgache masque une unité profonde du système de


parenté, la tradition considérant partout que l’individu, unité empirique dont personne ne
met en doute la capacité de pensée et d’action, ne constitue pour autant nullement l’unité
sociale de base.

Sans même considérer le cas des lignées royales dont la généalogie s’étire sur
plusieurs centaines d’années (on ne remonte guère au-delà du XVIe siècle), ni celui des
lignages côtiers qui se réfèrent à un ancêtre mythique fondateur, l’individu est
socialement inexistant en-dehors de la référence à un ancêtre connu et effectivement
enterré dans le tombeau collectif, dont l’écart généalogique avec les aînés vivants ne
dépasse guère, dans les pratiques, cinq ou six générations.

212
C’est par rapport à lui que chaque catégorie identitaire de base accède à un
groupe de descendance plus large, autrefois précisément territorialisé, que l’on pourrait
appeler un clan.

Rappelons enfin que la sociabilité de chacun est déterminée par la présence


invisible des ancêtres considérés dans leur ensemble, pourvoyeurs de protection concrète
ou de blâme (tsiny), toujours assorti de punition.

La langue oppose ainsi les vivants visibles (olona hita maso en malgache
officiel) et les vivants invisibles (olona tsy hita maso). Tout individu est comptable en
permanence devant ces derniers du maintien d’un ordre cosmique normatif (lahatra) dont
ils sont les gardiens.

Pour limiter les risques d’erreur (en particulier dans le respect des préséances
dont la vie sociale est émaillée), la tradition recommande de n’entretenir de relations
suivies qu’avec la parentèle ou au moins avec ses voisins les plus proches, qui, en tout
état de cause, partagent une communauté de résidence et sont également associés de plus
aux rituels du cycle de vie et à ceux, annuels, des prémisses du riz .Ce sont des mpiara-
monina : ceux qui résident ensemble en malgache officiel. Mangeant le même riz, ils
partagent le même fluide vital (aina) dont les ancêtres sont la source.

Cette société malgache traditionnelle, réfractaire à un contrat social consenti par


l’individu-sujet, n’a jamais conçu l’émergence d’un centre étatique de pouvoir que dans
le cadre de la monarchie sacrée, machine symbolique mettant régulièrement en scène une
transaction fondatrice entre le souverain (ou ses défunts prédécesseurs) et un groupe
social en quête de prospérité et de sécurité.

Ce dernier se situe au niveau des catégories identitaires de référence que nous


venons d’évoquer, non à celui de la société globale (c’est-à-dire en l’occurrence la
nation).

Aussi, les rituels monarchiques de récapitulation du lien social instituaient-ils


une interdépendance entre l’ordre politique et l’harmonie à l’intérieur de la parenté,
substituant une dualité entre l’État et les groupements d’ancestralité à la dualité moderne
entre la société politique et la société civile.

213
Cette construction symbolique traditionnelle a connu un destin inégal :
maintenue avec un affaiblissement de sens dans beaucoup de sociétés périphériques, elle
se réduit sur les hautes terres à un certain nombre de formes culturelles héritées,
déconnectées de l’idéologie monarchique qui fournissait la plénitude de leur sens.

Dans tout le pays, la fête de l’indépendance est ainsi une échéance majeure du
calendrier familial de l’année : achats de vêtements pour les enfants, jeux organisés par
les mouvements de jeunesse des paroisses, visites familiales des cadets aux aînés, des
jeunes couples à leurs ascendants immédiats ou aux anciens (ray aman-dreny).

Conclusion du chapitre

La communauté Sakalava a sa propre organisation sociale et économique. Cette


structure formelle favorise une cohésion interne et externe de la société, pour les
Sakalava, les rites funéraires servent de moyen de s’identifier et de s’exprimer dans le
contexte actuel qu’est la mondialisation.

Comme un destin contre lequel on ne peut rien et auquel il faut se plier. En fait,
ce sont les dirigeants de la cérémonie funèbre qui se sont pliés à la mort et ils nous
présentent le phénomène comme incontournable dans son intégralité.

Mondialisation, par les mécanismes, maintient l’ordre aussi bien économique


que culturel qu’elle véhicule sous un vocable volontaire neutre et fédérateur de toutes les
situations de domination et d’exclusion.

Madagascarouvert à touteculture étrangère sans qu’il se donne les moyens de


s’exprimer, est à son tour sous l’obligation de donner, de développer ce qu’elle possède.

A la limite, une mondialisation médiatique montrant les possibles et le réel des


différents du monde permettrait de connaître et de réfléchir sur le mode d’être et les
solutions trouvées ailleurs. A Madagascar, sauf peut être pour la minorité qui a accès aux
émissions de voyages et cultures de canal satellite, nous devons subir de façon
unilatérale les modèles dominants totalement étrangers aux notres mais qui retiennent
notre attention.

214
CHAP.VIII: STATUT DE LEADERSHIP POPULAIRE ET DE L’ESSENCE
ROYALE

Introduction du chapitre

La famille royale a conscience d’un certain nivellement social au niveau des


richesses et du mode de vie du peuple sakalava. Ce niveau de conscience porte-t-il
atteinte aux logiques sociales ? Certainement cette conscience contribue à la cohabitation
avec la modernité.

Dans ce chapitre, nous allons parler de l’adapatation de la famille royale à la


population avec la modenrité .Ensuite, la dimension interculturelle sera exposéeet enfin,
la synthèse des rites et individuation des rapports sociaux sera effectuée.

8.1 Volonté de pérennisation

8.1.1. Volonté libre de cohabitation

D’une part, il y a la volonté libre de cohabitation car grâce à ce nivellement de


richesse, le rapport de domination diminue de jour en jour et les relations de la
population avec les rois s’améliorent. On continue de respecter la famille royale et de
vivre librement. Ainsi le rapport maître-serviteur est transformé en une relation sociale
qui renforce la cohésion entre la famille royale et la famille populaire.

Le mélange de la tradition à la modernité est tout à fait possible et cela permet à


la région Boeny de se développer sans perdre la culture et la tradition. Ainsi la famille
royale peut conserver son identité culturelle et ne se sent pas écartée ou exclue de la
société moderne. La famille royale ne peut plus fuir ou échapper à la modernité car on est
immergé dans la mondialisation.

D’autre part, la famille royale se sent obligée et elle n’a pas le choix sur la
question de la cohabitation ou de lanon cohabitation. Elle est plongée dans l’obligation
car le développement de l’économie de marché a favorisé ce nivellement de richesses et
il est devenu difficile de contrôler le pouvoir royal.

Les gens ne respectent plus leur tradition et le plus souvent, ils ne savent même
pas ce que sont leurs cultures. Ils sont influencés par les religions modernes et la religion

215
traditionnelle est mise de côté. Personne ne s’intéresse plus vraiment à la pratique
traditionnelle.

La famille royale est donc contrainte de s’intégrer et de s’adapter à cette logique


sociale tout en respectant et en continuant les pratiques d’identité, mais elle ne pourra
plus contrôler le peuple quant à respecter la tradition.

La cohabitation avec la modernité n’est pas volontaire pour la famille royale et


constitue une menace certaine sur elle en sachant que son pouvoir n’est actuellement
qu’un titresubreptice, un pouvoir incomplet, qu’elle ne peut que garder pour ses ancêtres
et pour les prochaines générations.

La famille royale et la population sakalava sont obligées de s’intégrer à la


modernité mais inévitablement, la famille royale cohabite aussi avec la population de
Mahajanga. Il nous semble opportun de donner un brèf rappel historique sur la création
de la ville de Mahajanga avant de parler de cette cohabitation.

Selon les uns, Mahajanga vient du swahili : Moudji wa Angaïa qui signifie « la
cité ou la ville des fleurs ». Selon les autres, ce nom fut attribué à ce grand port de
l’ouest par le roi Andriamandisoarivo, fondateur du royaume de Boeny au XVIIIè siècle
qui guérissant de quelque maladie mystérieuse, la baptisa MAHAJANGA c’est à dire « la
ville de la guérison ».

Vers 1705, le roi du Boeny Andriamandisoarivo voulant tester l’appui de ses


ancêtres, plaça sa fille seule dans une pirogue, qui partit de la rive de Katsepy. Après
avoir été portée par les vagues et les marées la pirogue la ramena sur la plage de l’actuel
port de MAHAJANGA. Rassuré, le roi nomma ce lieu MONZANGAE ou « terre de
choix ».

Cette énorme cité habitée par une population cosmopolite à vocation maritime
mérite les trois interprétations. Dans cette ville toutes les ethnies de Madagascar sont
présentes mais il y a en plus des étrangers vahiny et zanatany189. La majorité des
Zanatany sont les Indo pakistanais ou les karana et les comoriens ou Ratalata (l’avion
n’arrive que le mardi).

189
Zanatany vient du mot Zanaka qui veut dire fils ou enfant et du mot tany qui veut dire terre ;
zanatany désigne donc les étrangers qui ont déjà cons truit leurs tombes à Mahajanga.
Egalement, ce mot veut signifier autochtone.

216
Dans cette cohabitation on peut reconnaître les gens à partir de leurs
comportements et de leur culture. Les Sakalava par exemple sont des individus
xénophobes, en étant descendants des rois, ils se considèrent supérieurs par rapport aux
autres habitants.

Par contre les Tsimihety sont des gens n’éprouvant pas de problème de vivre en
société avec les étrangers. Ils aiment se sentir libre et ont une facilité d’adaptation aux
autres communautés. Le mot « fihavanana » est très important à leurs yeux, la preuve en
est que, assumer l’hospitalité d’un ami constitue un grand plaisir pour eux.

Les Merina ; à Mahajanga comme en d’autres pays côtiers de Madagascar


d’ailleurs ; sont réputés par leur caractère malin, d’où la méfiance des
autrescommunautés envers eux.Néanmoins, ils sont connus pour leur solidarité et leur
cohésion. Les Betsileo, comme les Tsimihety, s’adaptent facilement aux autres
communautés. Ce sont des gens calmes qui n’aiment pas beaucoup le bruit. Ils ont un
comportement de compréhension et éprouvent une passion pour les études.

Les Betsimisarakasont surtout connus par leur amour de solidarité et de droiture.


Ils ont une grande considération pour les aînés et le Dina. Pour eux, la décision des aînés
est indiscutable. A part les originaires des autres régionsde l’île, la ville est aussi habitée
par les Zanatany et les étrangers tels que les Comoriens et les Indo-pakistanais ou
Karana (ces gens ne sont pas très ouverts dans la société, pour eux la relation s’arrête
dans le cadre du commerce).

A part cela ; on reconnaît aussi les gens à partir de leurs activités. Les activités
principales des Sakalava à Majunga sont : la pêche en mer, l’élevage extensif de bovins
et l’agriculture. Les raisons qui amènent les Tsimihety à Manjunga sont le travail et les
études ; d’où l’abondance des fonctionnaires et des étudiants Tsimihety à
MAHAJANGA.

La majorité des Merina demeurant à Majunga sont des commerçants ; quelques


uns d’entre eux s’occupent du transport urbain dans la ville de MAHAJANGA.
Concernant les Antandroy, ils gagnent leur vie en vendant des produits agricoles comme
le riz, la banane et aussi surtout la patate douce.

Ils travaillent aussi souvent comme gardien auprès des Karana et comme tireur
de pousse-pousse. Comme les Tsimihety, la raison qui pousse les Comoriens à

217
MAHAJANGA est l’étude. Quand aux Indo-pakistanais ou Karana c’est le commerce
qui les retient.190

Il est à noter que dans cette cohabitaion, il existe quand même une hiérarchie à
respecter en ce qui concerne l’organisation du pouvoir dans le cadre de la royauté
sakalava symbolisée par l’existence du Mpanjaka.

L’Ampanjaka, souverain que les Sakalavaappellent Zanaharin- tany, Dieu sur


Terre, est entouré d’une grande vénération. Dans le cadre de la monarchie traditionnelle,
il est le chef suprême qui cumule à la fois les quatre pouvoirs exécutif et législatif,
judiciaire et charismatique. Immédiatement après lui vient le « Manantany » (propriétaire
de la terre) ou Premier Ministre ou Ministre de l’Intérieur. Il doit être obligatoirement
accompagné de Bemanangy, la princesse qui collabore avec le Souverain.

Vient le troisième en dignité ou le Fahatelo ; le souverain transmet ses ordres au


Manantany, de ce dignitaire au Fahatelo et ce dernier les communique aux Rangahy qui
doivent se réunir en conseil et donner leur avis sur la proposition royale.

Une fois le conseil entendu et quelle que soit l’opinion émise par ses membres,
si le roi persiste dans sa volonté, ses ordres sont immédiatement exécutoires. C’est le
droit de véto. Sur le plan de la stratification, il est possible de répartir en cinq niveaux les
classes sociales.

- Ampanjaka Be : Le souverain.

- Jadon’nyAmpanjaka : les collatéraux du souverain, aptes à recevoir sa succession.

- Anadoany : groupes de descendances déclassés à la suite de « mésalliances » ou au


contraire des groupes de sang royal provenant de couches inférieures «anoblies ». Les
Sakalava manoran’ aomby forment un clan spécifique qui constitue la strate des
sacrificateurs du roi. Ils occupent pratiquement les mêmes rangs que les Anadoany.

- Vohitry : la strate qui correspond aux gens du peuple ou roturière. Le sakalavavohitry


désigne les individus « libres » n’ayant pas de relations consanguines avec les nobles
nommés « ampanjanaka ».

190
DE FOY (G.P), Madagascar aujourd’hui, Éd. Jaguar, 2004

218
- Andevo : le terme andevo est par contre connu mais n’est utilisé que de manière
péjorative. Les descendants des anciens andevo sont actuellement confondus avec les
groupements de roturiers.

L’organisation actuelle comprend, de plus, deux catégories d’individus nommés


Jingoa et Sambarivo. Naguère, c’était dans le rang de leurs jeunes gens et jeunes filles
que l’on choisissait des lafiky, les victimes sacrificielles humaines à l’occasion des
funérailles royales. On les appelle aussi Antilikoa.

Ils sont assimilés à des esclaves (andevo) par certains dignitaires roturiers. Ils
occupent, en fait, une place institutionnelle très particulière, selon qu’ils soient chargés
de la garde des tombeaux royaux, Mahabo, et d’un grand nombre de prestations
funéraires (fanompoanamafana), ou qu’ils servent de serviteurs et de gardiens.

8.1.2. Les pratiques identitaires à travers les récits de vie

Voici quelques témoignages, des points de vue qui affichent des positions des gens
concerant cette cohabitation avec la modernité.

- Une personne de notre échantillon : « La cohabitation est une astreinte, une contrainte
indirecte pour la famille royale, il faut donc lui donner une place spécifique dans la
société pour qu’elle puisse pérenniser son pouvoir ».

- Une autorité politique : « La cohabitation doit se passer très bien et sans aucune
difficulté. La famille royale doit s’adapter à la modernité et elle continuera à pratiquer
les traditionnels sans aucun souci. On pourra médiatiser la tradition et faire un
marketing sur lui afin de contribuer à l’économie touristique du pays et d’attirer des
visiteurs».

- Un migrant : « La cohabitation doit se faire comme la migration. Mahajanga est une


ville cosmopolite et tout le monde sera toujours la bienvenue et personne n’a jamais
éprouvé le sentiment d’être marginalisé.Donc la cohabitation devra se passer ainsi et les
gens peuvent apprendre et connaître la tradition sakalava ainsi que leur identité
culturelle. On respecte mieux la culture sakalava ainsi, et tout le monde saura que cette
ethnie existe toujours».

219
-Auteur : « Les rites funéraires ont le but de rappeler l’origine, le statut social et /ou
rang social du défunt. A l’heure actuelle de la mondialisation, le secteur tertiaire prend
une place décisive au sein de la population active.

Et on a insisté sur la récupération des classes moyennes pour assurer les services
marchands (commerce, transport, télécommunication, tourisme, services aux entreprises
et aux ménages) ou non marchands (santé publique). On assiste donc à une
« tertiairisation191 » du secteursecondaire pour éliminer le système de classe aggravé
par l’économie de marché.

La classe moyenne ne se décroche jamais car elle sert d’équilibre ou de


moyenne entre les deux autres classes (classe dominante et classe populaire). Donc
comprendre l’inégalité de capital dans la région sakalava permet de comprendre
l’inégalité devant les rites funéraires auxquels conduit la différence dans les rituels.

Bourdieu conçoit la société comme un vaste espace social structuré


essentiellement par les relations entre les agents sociaux, c’est-à-dire par les individus
dont l’action est déterminée par leur socialisation192.

Leur position sociale de dominant ou de dominé est déterminée en grande


partie par leur capital global qui comprend l’ensemble de leurs biens économiques et
moyens de production (capital économique) et l’ensemble de leurs « qualifications
intellectuelles », qu’elles soient intériorisées dans l’attitude et dans les actions, ou
qu’elles apparaissent dans certains biens culturels.

Si la société apparaît pour Bourdieu, comme une unité relativement


fonctionnelle, le type de solidarité qui la maintient cache des rapports de force qui
servent les dominants (la famille royale). Dans cette solidarité, des privilégiés imposent
leur façon de voir et gardent pour eux les instruments qui permettent d’occuper les plus
hautes sphères de l’espace social.

Les rites funéraires ont une seule finalité qui est de préparer le défunt à
occuper une place dans la société des morts et pour participer moralement à établir
l’ordre dans la société des vivants.

191
Tertiarisation : phénomène qui correspond à l’augmentation du poids du secteur tertiaire au
sein de la population active.
192
BOURDIEU P. et PASSERON J.C. (1964), Les héritiers : les étudiants et la culture, Les
Editions de Minuit, Paris, p.106-109.

220
Il faut donc recycler et renover ces rites funréraires pour qu’ils deviennent
emblématiques d’une culture nationale afin de respecter et de s’engager dans le
nouveau système de l’économie libérale. II est ici question de renforcer les capacités
culturelles du pays pour pouvoir cohabiter avec la modernité».

8.2. Dimension interculturelle

Pour mieux appréhender la dimension interculturelle, il convient de définir au


préalable deux principaux concepts : mondialisation et culture. Que faut-il entendre par
mondialisation, puisque beaucoup s'accordent à dire que ce processus n'est pas le premier
dans l'histoire ? Dans cette thèse nous voulons valoriser la culture, or, la mondialisation
avec sa dimmension interculturelle ravale la tradition dans une position précaire.

8.2.1. Mondialisation et culture

« La mondialisation exprime le stade de développement planétaire sans barrière


où tout est proche, accessible, où tout communique et où, par conséquent, les solidarités
et les interdépendances s'accroissent. C'est l'état de notre monde tel qu'il se forme,
depuis les années 1970 et surtout 1980. La mondialisation est, on le voit, un
aboutissement de l'internationalisation (qui n'affecte qu'une section de pays et d'activités)
et se distingue de la globalisation (qui ajoute à l'effacement des distances et des
obstacles, celle du temps, que les technologies de l'information ont rendu possible) ».

Elle est remarquable par son irrésistible extension à l'ensemble des activités
humaines et à la totalité de la surface de la terre, même si, ici ou là, sa pénétration est
inégale.

Elle s'identifie, en fait, à la généralisation de l'économie de marché doublée


d'une adhésion, au moins de principe, aux valeurs de la démocratie pluraliste et des droits
de l’homme193.

Selon le Lexique des Sciences Sociales :

193
Dictionnaire de la mondialisation », sous la direction de Pascal Lorot, Edition Ellipse

221
Au sens anthropologique, « Tout individu né dans une société, participe à une
culture. Si les besoins sont innés et universels, la façon de les satisfaire varie : façon de
se nourrir, de dormir, etc. ». Une culture est la configuration des comportements appris et
de leurs résultats dont les éléments qui la composent sont partagés et transmis par les
membres d'une société donnée » .La culture n'est donc pas un ensemble de connaissances
intellectuelles, mais l'ensemble des valeurs, des façons de vivre et de penser de tous les
membres d'une société.

Au sens sociologique, « la culture est conçue, non seulement comme accession à un


patrimoine artistique et culturel, mais surtout comme hiérarchie de valeurs. Le patrimoine
n'en est qu'une expression. C'est aussi la défense des droits de l'homme, le statut de la
femme, la notion de profits, le respect de la nature, le civisme, le sens du travail, etc. »

Selon l'UNESCO, «La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme
l'ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui
caractérisent une société ou un groupe social.

Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de
l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances». Conférence mondiale
sur les politiques culturelles (Mondiacult) en 1982 à Mexico.
Nous y incluons également la langue, la religion etc.

D'une manière générale, la culture est une manière d'être relativement stable dans un
espace donné, pour une période donnée. Elle organise les comportements particuliers
(notamment les habitudes de consommation), à travers des procédures techniques, des
normes, des rites, des valeurs.La culture façonne notre vision sur le monde et peut
devenir une manière de vivre ensemble en partageant dans la paix et la solidarité.

Dans le débat autour de la mondialisation de la culture, il paraît important de bien


distinguer ceci : d'une part, la « culture-tradition », c'est-à-dire celle qui nous est
transmise depuis la petite enfance, à savoir la pratique et les croyances éducatives,
alimentaires, religieuses, artistiques.

8.2.2. Les logiques interculturelles

En mettant à jour les postulats qui commandent l’approche des problèmes


démographiques et qui hantent les institutions internationales, nous sommes amenés à

222
rompre avec les formes occultes de la pensée unique qui tend à situer les défis de la
croissance démographique en dehors du système monde où la société malgache est
désormais confrontée aux contraintes de la globalisation.

La crise de l'appareil d’Etat a posé la question de la légitimité du Pouvoir. De


nouvelles légitimités ont alors surgi ; elles existaient déjà, certes, mais, dans la
représentation du jeu politique, le rôle de leur porte-parole était plus souvent en coulisse :
ceux qui s'en réclamaient ont alors occupé le devant de la scène. Les principales de ces
revendications identitaires peuvent se regrouper autour de trois pôles : des affirmations
de la légitimité religieuse, des réaffirmations des anciennes légitimités (de la part des
anciens dominants), et des affirmations « ethniques ».

Pour une analyse approfondie des crises, nous avons tenté d’ouvrir la recherche
sur l’impact des transformations qui s’opèrent lorsque les Malgaches doivent passer à
une «modernité » économique mettant en cause le modèle de croissance et de
développement lié à l’avènement de l’État post-colonial. L’épuisement de ce modèle a
obligé le pays écrasé par le fardeau de la dette à se soumettre à un ajustement qui
s’apparente à une colonisation rampante et engendre l’appauvrissement et l’enlissement.

A partir des choix de société que les bailleurs de fonds imposent à


Madagascar.Il faut apprendre à observer les sociétés en crise au-delà des sentiers battus
en vue de prendre conscience de l’ampleur des déséquilibres qui résultent de l’intégration
de millions d’hommes et de femmes dans l’économie de marché.
Nous sommes en train de nous habituer à parler de développement local à partir
d'une constellation de termes conceptuels dont les significations sont souvent
équivoques. Il en est ainsi des expressions de «prise en main», d'autonomie, de processus
endogènes, de partenariat, de concertation, de dynamismes locaux, etc. Nous pourrions
en dire autant des notions d'identité, de sentiment d'appartenance, de mentalité rurale. Au
fond, il s'agit d'expressions couramment employées tant par les chercheurs, les
intervenants, que les politiciens ou les technocrates pour désigner souvent des
conceptions bien différentes.

Au moment où l'on parle de plus en plus d'enracinement des Malgaches, de leur


ancrage territorial, il importe d'interroger les dynamiques identitaires du développement
local et de questionner à nouveau nos habitudes de penser le clivage rural-urbain ainsi

223
que nos conceptions d'appartenance territoriale et sociale. Par exemple, il est significatif
d'entendre parler de promoteurs du développement local en misant sur le sentiment
d'appartenance des malgaches sans que l'on sache véritablement quelles en sont la
signification théorique et la portée empirique.

C'est dans ce contexte que nous nous sommes intéressés à mieux cerner
l'expression apparemment banale et devenue «clichée» du «sentiment d'appartenance», à
mieux comprendre les processus de construction identitaire pour se rendre compte des
solidarités de base nécessaires au développement local ou régional, et en particulier
l'apport des lieux.

Nous voulons mieux explorer les liens qui se nouent entre les individus et
l'espace qu'ils habitent. Pour certains, engagés dans des mobilisations territoriales ou
pour d'autres confrontés à des mobilités géographiques, les relations sociospatiales sont
révélatrices du «sentiment d'appartenance» manifesté et déclaré.

Nous verrons que c'est sur cette base que pour certains s'articulent des
engagements mobilisateurs pour le développement local ou régional alors que pour
d'autres, le lien à l'espace peut devenir un obstacle majeur à la réinsertion sociale et à
l'implication communautaire.

Le lien à l'espace devient contraignant alors que l'exclusion sociale est doublée
de l'exclusion territoriale. Appartenance et exclusion sont ici antinomiques.

Le présent texte s'inscrit dans une démarche exploratoire. Nous dégageons


quelques pistes de réflexion qui nous guident dans l'enquête amorcée. Nous voulons
rendre compte, dans un premier temps, de l'importance de l'espace dans la construction
identitaire tant individuelle que collective. Nous verrons comment les processus
identitaires s'inscrivent à la fois dans une dynamique de solidarité sociale et territoriale
pour contrer des processus d'exclusion.

Dans un deuxième temps, nous procéderons à partir de deux illustrations


inspirées d'enquêtes sur terrain, en cours, pour mieux expliciter ces dynamiques
différenciées du lien à l'espace et de l'importance des processus identitaires et
d'appartenance, à la base des pratiques d'insertion sociale et de développement territorial.

224
Dans un premier cas, celui du « village », bien que l'appartenance soit dite
territoriale, nous verrons qu'elle demeure fragile au regard des intérêts en jeu. Dans
l'autre cas, celui de l'organisme communautaire, l'appartenance territoriale peut apparaître
comme étant un handicap à l'insertion sociale.

8.2.3. Impacts de la mondialisation sur la culture traditionnelle

Les cultures traditionnelles sont en effet confrontées au changement et à la


mondialisation qui échange les hommes et les idées. La mondialisation, ou plus
précisément le changement, tend à éclater les supports socioculturels qui constituaient
autour de l'individu une solide armature d'identité collective.

La profondeur de cette évolution, son étendue géographique et peut-être sa


persistance sont néanmoins variables. Les cultures peuvent constituer des pôles de refus
ou d'interprétation du changement : soit par maintien de structures profondément
enracinées dans l'histoire des hommes, soit par réaction au mondialisme dans sa version
anglo-saxonne.

On va aborder les impacts négatifs avant de parler des impacts positifs de la


mondialisation sur la culture traditionnelle.

Au XIXème siècle en Europe, l'industrialisation, la grande ville et l'état


centralisé ont suscité le recul des vieilles structures sociales : paysannerie, artisanat,
corporations, notables locaux, communication villageoise, solidarité de la famille élargie.

Le XXème siècle finissant, renvoie la même image en Afrique et dégrade


d'autres structures: état nation, famille parentale, classes sociales (éclatées dans leurs
comportements au sein même des comportements individuels).Les sociétés se dissolvent
donc au profit de l'individu et de ses divers rôles (consommateur, producteur, amant, père
de famille etc.).

Les meneurs de la mondialisation ne sont pas à l'abri des aléas de la logique


financière (faillites, pertes, véritables krachs tels que connus par l'industrie du
multimédia ces dernières années) leur chute est d'autant plus grave qu'elle jette des
milliers d'individus dans la précarité.

225
Dans ce sens, la mondialisation aggrave la précarité de l'emploi dans le domaine
culturel. Telle est la limite de la binarité dominante de l'approche culture ; y adjoindre un
deuxième pôle essentiel de nature socio- économique est-il envisageable ?

Mais la mondialisation aide à rendre universel ce qui est éminemment local.Si


le patrimoine culturel est profondément lié à une communauté de personnes déterminées
par une localisation géographique et culturelle, il peut devenir accessible à quiconque
grâce au processus d'universalisation ; et cela est bon pour le producteur autant que pour
le jouisseur.

Les produits culturels passent d'une civilisation à l'autre et s'insèrent aisément


dans l'une ou l'autre en donnant naissance à de nouvelles formes et filiations, à d'heureux
métissages de cultures, à d'étonnantes hybridations.Les acteurs, ce sont les individus, les
collectivités, les Etats.

Les civilisations, elles, sont des viviers où les peuples puisent leurs valeurs,
leurs goûts, leurs langues, leurs modes de vie et d'habitat, autant d'éléments
caractéristiques que la mondialisation permet de transmettre à d'autres civilisations pour
qu'ils soient connus par l'autre, sinon adoptés par lui.

La mondialisation favorise donc l'interaction heureuse entre les peuples et


l'unité profonde du genre humain, suscite également l'émergence de nouveaux produits
qui lui sont propres afin de pouvoir les transmettre comme elles le requièrent, dans le
temps comme dans l'espace.

8.3. Synthèse des rites et individuation des rapports sociaux

8.3.1. Synthèse des rites

Les pratiques identitaires sont un rituel de réaffirmation de la communion avec


des ancêtres royaux. Elles marquent l'existence d'une relation étroite entre les morts et
les vivants, selon toujours la croyance, en faisantl'objet de la vie quotidienne de la
population sakalava.

Par exemple il y a le « tromba », un rituel qui requiert la participation de


souveraines défuntes sources de conseils et autres messages délivrés par l’intermédiaire

226
du « saha » qui n’est autre que le possédé. Une partie de la communauté sakalava
pratique deux religions différentes : l'islam sunnite et le catholicisme, qui malgré leur
différence arrivent à vivre en harmonie.

Actuellement, les pratiques funéraires sakalava, l'un des principaux attraits


touristiques surtout dans la région Boeny, dans la partie da Mahajanga, font l'objet d'une
protection stricte à cause des vols effectués par certains touristes. Au quotidien, les
sakalava sont des agro- pasteurs dont les ressources sont essentiellement basées sur
l'élevage de zébus et les cultures vivrières comme le riz, le maïs et le manioc.

Dans la philosophie sakalava, la mort est perçue comme une étape nécessaire
qui va permettre au défunt de quitter le monde visible de la matière pour accéder au
monde invisible de l’esprit. Il est donc important que l’âme d’un trépassé puisse
rejoindre, dans de bonnes conditions, le monde des ancêtres et acquérir son statut de
protecteur et de masina, le seul qui lui permet d’agir efficacement pour sa descendance.

Néanmoins, le défunt ne peut être qualifié d’ancêtre que s’il a été correctement
« installé » dans l’au-delà par une longue série de pratiques obituaires. L’entretien
mortuaire, l’enterrement, le deuil et le culte offerts par les vivants sont autant de rituels
nécessaires pour marquer la purification de l’âme du défunt, pour faciliter son accession
définitive au statut d’ancêtre et rétablir l’ordre social qui a été perturbé par la mort.

Le processus de purification du « mort : faty » (corps mortuaire) commence par


la toilette funéraire qui vise à magnifier le corps et masquer toute putréfaction. Ceci
commence par la tête pour éviter que les souillures remontent et salissent la partie noble
du corps.

Si l’état du cadavre ne le permet pas, le corps est tout de même aspergé de


quelques gouttes d’eau pour permettre au défunt de pénétrer - proprement - dans le
monde sacré des morts. Une pièce d’argent est placée dans la bouche du défunt pour
éviter « qu’il ne maudisse les vivants ».Cette pièce d’argent est également remise à la
sœur ou l’épouse du défunt pour couvrir symboliquement la nudité du beau-frère ou de la
belle sœur pendant la toilette funéraire.

227
Le corps nettoyé et habillé est ensuite exposé aux proches et aux membres de la
communauté pour une veillée mortuaire. Tout défunt, quel que soit son rang social, a
droit au moins à une nuit de veillée funéraire. Chez les Antandroy, quelques mois
peuvent s’écouler entre le décès et l’inhumation. La dépouille d’un roi peut être
conservée plusieurs mois avant qu’il ne soit rendu des obsèques auxquelles peuvent donc
assister des milliers de personnes.

La famille endeuillée est responsable de l’organisation des funérailles. Pour


témoigner le respect et l’affection qu’on puisse manifester à l’égard du défunt et surtout
pour éviter le « tsiny » (reproches) de ne pas avoir fait les choses comme il se doit, les
dépenses peuvent être parfois considérables.

Pour ne pas attirer la rancune du défunt, les Sihanaka prenaient - lors du


fampisehoam-paty (exposition du mort) - la collectivité à témoin en lisant la liste
énumérant toutes les dépenses qui ont été engagées. La totalité du troupeau d’un défunt
Antandroy est abattue lors de sa veillée mortuaire.

Les membres de la communauté vont - au nom du fihavanana (cohésion sociale)


- assister les familles endeuillées en remettant lors des visites de condoléances une
collecte d’argent. Le nom donné à l’obole varie selon les cas : fahan-kanina (nourriture
des proches parents), fao-dranomaso (essuie-larmes), tsentin-dolo (contribution aux
charges funéraires). L’argent est principalement destiné à compléter l’achat des
lambamena (linceuls de soie) qui servirontà envelopper le mort. Il est à noter que chez
les Betsimisaraka, les visites de condoléances ne se font pas pendant la veillée.

Des chants funèbres accompagnent les prières et les airs cantiques lors des
veillées mortuaires. Dans les Hauts-Plateaux, le Zafindraony - chant polyphonique
typique de l’art vocal betsileo - prône le fihavanana. Chez les Antakarana, le passé du
défunt est relaté sur un ton mélancolique lors d’un baheza. Les Betsimisaraka mettent en
avant les exploits réalisés par le défunt dans un tsikaretiky. En pays sakalava, les pleurs
et lamentations sont « réglementés » et se font en chœur.

Les funérailles donnent lieu à des repas mortuaires qui impliquent l’abattage de
plusieurs bêtes. La fortune d’une famille est estimée au nombre de zébus abattus. La
répartition des morceaux de viande est codifiée selon les régions. Pour les Sakalava, les

228
gardiens de la dépouille mortuaire gardent le loha (tête) et les tomboky (membres) des
zébus.

Le tratra (la poitrine), le vodihena (la partie postérieure) et une bonne portion du
trafo (la bosse) sont réservés aux charpentiers et aux chanteurs. Le reste est distribué aux
invités sachant que le jabora (suif) ne sera servi qu’au moment de la mise en bière et de
la sépulture.

Chez lesSakalava, les prochesparents du défunt, contrairement au reste de la


communauté villageoise, ne peuvent pas consommer la chair des zébus funéraires (hena
raty). Les restes de viande qui n’ont pas été consommés après l’inhumation sont frappés
d’interdits et jetés.

Le désordre ontologique que constitue la mort se traduit par un désordre social


qui requiert, dans certaines régions, un rite d’inversion. L’itinéraire du cortège funèbre
vers le lieu d’ensevelissement est souvent complexifié de façon à ce que le défunt ne
retrouve plus le chemin du retour. Souvent, on accompagne la dépouille en courant.

Dans la société sakalava, le cadavre est balancé d’épaule en épaule sous prétexte
qu’il pèse trop lourd et reçoit des injures de la part de ceux qui le transportent malgré les
supplications des proches du défunt.

Les porteurs Antandroy secouent violemment le cercueil jusqu’au tombeau et se


livrent à des fêtes frénétiques. Pour les Sakalava, l’intégrité d’un défunt est symbolisée
par l’échec d’une partie du cortège qui cherche à enlever le défunt des mains des porteurs
pour le jeter par terre.

Ce rite qui incarne la résistance finale du défunt à quitter le monde des vivants
se termine peu avant l’arrivée au tombeau pour marquer la force de la vie sur celle de la
mort.Les tombes reflètent - à travers les sculptures, fresques ou nombre de cornes de
zébus exposés- les goûts, les préoccupations et le statut social de ceux qui y sont enterrés.

L’art funéraire malgache a donné lieu à des constructions des tombeaux avec
des motifs et des inspirationsoriginales.Les formes des tombes varient selon les régions :
cubiques (pour les Mérina), parallépipèdes (Mahafaly et Sakalava) ou pyramidales (chez
les Antanosy).

229
La solidité des demeures aménagées pour les ancêtres détonne bien des
habitations des vivants qui sont le plus souvent construites en végétaux. Généralement
situées en dehors des villes, elles peuvent être visibles en hauteur (en Imérina), situées
dans un îlot (Nord -Ouest), au bord des routes (chez les Antandroy) ou en pleine forêt.
Pour les Betsimisaraka, le simbon-trano (littéralement : « le pagne de la maison qui
abrite les morts » désigne l’espace forestier où s’établissent les sépultures.

L’introduction du défunt dans sa dernière demeure répond également à certains


rites. Le corps doit être inhumé l’après-midi ou vers le soir pour disparaître avec le soleil.
Il est installé dans le tombeau familial selon un ordre strict. En Imérina, Le « razam-be »
(ancêtre fondateur) occupe seul la dalle la plus élevée du côté Est. Les autres
emplacements se trouvent, par ordre décroissant, au Nord puis au Sud. Comme pour les
habitations, le côté Ouest correspond à la face où se trouve la porte. Les zaza rano
(enfants-eau dont les squelettes ne sont pas encore formés) ne sont pas admis dans les
tombeaux. Ils sont placés dans les « fasan’anirotra », sépultures temporaires à l’extérieur
du tombeau ancestral.

Les malgaches conçoivent qu’entre la fin de la vie corporelle visible et


l’accession à « l’ancestralité », il existe une période de marge pendant laquelle l’âme
errante peut se manifester de manière effrayante voire malfaisante pour les vivants.

Si certains usages n’ont pas été accomplis comme cela se doit, l’âme du défunt
risque de rejoindre la cohorte des esprits sans attache qui errent aux alentours des vivants
et, à l’occasion, les tourmentent. Les vatolahy (pierres levées) sont dressées en mémoire
des défunts qui sont morts au loin sans sépulture.

L’ensemble des rites funéraires vise donc à s’assurer la protection des ancêtres
en les attachant à un lieu qui est le tombeau familial. La réintégration d’un défunt qui n’a
pu être enterré dans le tombeau familial au moment de sa mort ou l’apparition en rêve
d’un ancêtre qui se plaint d’avoir froid sont autant de facteurs que les descendants, dans
certaines régions, se doivent de prendre en compte pour envisager une cérémonie
consistant à faire passer l’âme du défunt d’une vie marginale à une vie « socialement
reconnue et valorisée ».

230
Le « famadihana » en Imérina ou les deuxièmes funérailles Betsimisaraka
permettent donc aux proches de se ressaisir de la douleur éprouvée lors des premières
funérailles pour célébrer la vie. La dessiccation du corps - à savoir la transformation du
faty lena (corps non encore débarrassé de sa chair) en faty maina (restes du corps réduits
à l’état de squelette ou en poudre) marque la dernière étape de la marche pour accéder au
statut de « Razana » et symbolise ainsi le retour à l’ordre normal des choses. Le rituel
déclenche le processus « de revitalisation, deresocialisation et de réintégration » aussi
bien pour le défunt que pour les survivants.

La cérémonie doit être organisée pendant la saison froide, c’est à dire entre juin
et août. Il a, par ailleurs, été avancé que « l’opposition chaleur-fraîcheur permet de cerner
la dialectique de la vie et de la mort ».

La fraîcheur symbolise en effet l’harmonie, la paix et la sérénité tandis que la


chaleur incarne plutôt le feu, les affrontements et le trouble. Néanmoins, un mpanandro
(astrologue) doit être consulté pour déterminer la date la plus favorable à la réouverture
du tombeau ainsi que l’itinéraire précis qu’il faut suivre pour s’y rendre.

La veille de la cérémonie, le mpanandro - accompagné des tompon-draharaha


(proches du défunt, organisateurs) - se rend au tombeau suivant le parcours recommandé
pour un fampilazana (annonce). Le doyen de la famille a en charge d’attirer l’attention
des ancêtres par trois cris aigus pour les prévenir de l’intrusion qui sera faite dans leur
monde en invoquant les noms des ancêtres qui seront exhumés.

A la différence des Hautes Terres qui montent sur le tombeau pour faire
l’annonce, les Bestimisaraka touchent la tombe avec un bâton qui symbolise à la fois la
rupture et le lien de communication entre les vivants et les morts. A la fin du discours, les
personnes présentes se partagent du taoka gasy (alcool local) tout en prenant soin de ne
pas oublier la part des ancêtres.

Dans les Hautes–Terres, c’est le mpanandro qui, le jour de la cérémonie, ouvre


le cortège avec un zana-drazana (un descendant du défunt) portant un drapeau national
fixé à l’extrémité d’une longue perche. La procession se dirige allègrement, toujours
selon le même itinéraire, vers le tombeau en dansant sous le rythme d’un hira gasy.

231
Parvenu au tombeau, les femmes et les adolescents continuent à danser tandis
que quelques hommes entrent dans le tombeau pour sortir les restes des razana identifiés
au fur et à mesure, par leur nom de vivant prononcé à voix haute sans les faire précéder
du Tompokolahy ou Tompokovavy (feu ou feue) qui marque la mort.

Les corps exhumés, par ordre d’aînesse, sont ensuite confiés aux zana-drazana
qui les tiennent un temps sur leurs genoux. Les restes, séchés un moment au soleil, sont
ensuite réenveloppés dans des suaires neufs.

Ensuite, les zana-drazana élèvent les linceuls enveloppant les restes de leurs
ancêtres à bout de bras et au dessous de leurs têtes. La coutume veut qu’on fasse tourner
les ancêtres, au rythme des chants et de la musique, sept fois autour du tombeau avant de
les replacer sur les dalles qu’ils occupaient précédemment. Les femmes s’arrachent
quelques morceaux des nattes avec lesquelles les corps ont été enroulés car, placés sous
le lit, ces morceaux de nattes sont réputés favoriser la fécondité.

Avant que le soleil se décline et après un discours de remerciement prononcé par


un aîné, le mpanandro procède au hidim-pasana (fermeture du tombeau).Des « vary be
menaka » (riz accompagné de viandes « graissées » de porcs et de zébus) sont servis aux
invités. Pour les Hauts-plateaux, le premier famadihana est d’abord effectué dans les
trois années qui suivent le décès puis tous les cinq, sept, neuf ans ...et ainsi de suite.

Pour les Betsimisaraka, deux ans séparent les premières des deuxièmes
funérailles. Pendant que les femmes fredonnent des chants traditionnels (ôsi-drazana), les
hommes valides se relayent pour creuser la tombe. Seuls les proches parents et les amis
intimes peuvent procéder, en silence, au « fitsimponana » (ramassage des ossements).

Dès que le ramassage est terminé, un tronc de bananier fraîchement coupé est
jeté dans la fosse pour combler le « trou mortuaire ». Les restes sont rassemblés et
déposés sur des nattes neuves. On assiste ensuite à des jeux de rôle entre le groupe
agnatique (les zanaka ny lahy -maître des cérémonies et des terres) et le groupe utérin
(les zanaka ny vavy - maître de la sécurité et de la paix) où des combats ritualisés sont
simulés.

Dès que le soleil est au zénith, les restes mortels sont enveloppés dans des
linceuls neufs puis installés dans le tombeau ancestral. Les descendants des autres

232
ancêtres qui sont dans le même tombeau familial profitent, par ailleurs, de cette occasion
pour demander aux leurs d’intervenir en leurs faveurs.

La fermeture du tombeau déclenche un dernier affrontement symbolique entre


les deux groupes mais cettefois-ci c’est le groupe agnatique (zanaky nylahy) qui doit
emporter l’avantage pour symboliser le couronnement de la vie et de l’ordre.

Pour clore la cérémonie, un adieu est adressé à l’ensemble des défunts en


touchant le caveau avec le même bâton sacrificiel qui a été utilisé lors de l’annonce. A la
fin du discours, le bâton est cassé ou brisé en deux puis jeté à terre en signe
d’achèvement. Par ailleurs, les nattes qui ont servi pour déposer les restes des défunts
seront déchirées puis abandonnées au côté sud du tombeau. Un repas collectif clôturera la
cérémonie au village.

Le Razambe (ancêtre fondateur) ne peut pas être déplacé. Les restes du corps
sont ré enveloppés sur place. Les représentants des différentes branches (teraka)
marquent donc leurs déférences en procédant au safon-drazana. Cette pratique est à
rapprocher des coutumes d’autres ethnies qui réenveloppent leurs morts sans sortir les
corps des tombeaux (comme lors d’un atin-damba).

D’autres ethnies honorent leurs ancêtres à travers des bains de reliques dont les
plus connus comme le « fanompoa be » chez les Sakalava du Boeny, sont le
« Fitampoha » des Sakalava du Menabe et le « Tonintany » des Masikoro.

Les Malgaches entretiennent des relations permanentes avec les défunts qui,
promus aux statuts d’ancêtres, servent de médiateurs entre les vivants et les divinités.
L’expression consacrée « Que Dieu et les Razana vous bénissent » atteste cette croyance
aux capacités des ancêtres à inspirer des rêves ou des idées à leurs descendants comme,
en sens inverse, à transmettre aux divinités des demandes d’intervention en leur faveur.

Mais un ancêtre ne peut faire l’objet d’un culte que s’il est reconnu comme tel
par ses descendants qui, en retour, se chargent de perpétuer, de génération en génération,
les pratiques et traditions prescrites par leur ascendant.

Cette notion de parenté permet d’affirmer que la société malgache est structurée
selon une hiérarchie bien précise : l’aîné - qui exerce une très grande influence au sein de

233
la cellule familiale - sert d’intermédiaire auprès de l’ancêtre qui à son tour intercède
auprès de Dieu. La mort d’un individu ne doit pas altérer la sauvegarde voire la survie
d’un groupe. Les rites funéraires visent à minimiser le pouvoir de la mort singulière en
exaltant la force de la vie collective.

Le recours à la synthèse des autres cultes identitaires, à titre comparatif, en


l’occurrence, ceux de Betsimisaraka, Merina, Antandroy, etc. est nécessaire pour avoir
une vision assez claire en ce qui concerne leur relation avec les rites funéraires.

8.3.2. Réaffirmation des identités collectives et des comportements individuels

Ce qui gêne le plus dans la forme actuelle de mondialisation c'est, d'une part,
son caractère fortement américano- centriste, d'autre part sa foi naïve (ou peut-être
cynique) dans la vertu de l'entreprise capitaliste et du marché. Dans ces conditions, la
résistance culturelle peut provenir d'un refus de domination économique et politique
américaine ou d'un sage désir de recentrer la vie autour d'objectifs qui ne se limitent pas à
la surconsommation d'excédents.

Devant les risques possibles d'une mondialisation bien pluraliste et bien


multiculturelle, on peut constater ou envisager plusieurs réactions collectives. On
constate particuliairement trois phénomènes géostratégiques : le protectionnisme, les
troubles des Etats Nations et les réactions religieuses. Deux mouvements internes sont
encore mal clarifiés : on se pose la question sur la gestion des entreprises et la
consommation de masse.

L'Afrique ne cultive plus le sorgho parce qu'elle doit absorber les surplus
agricoles européens ou américains, surplus artificiellement gonflés par des méthodes
polluantes (nitrates) et potentiellement dangereuses (génétique) et par le clientélisme
électoral. Le décollage de l'Asie orientale ne s'est pas produit grâce à la démocratie de
marché mais à la culture. En Europe, les cultures nationales défendent en principe « les
produits biens de chez eux » et dénoncent « la concurrence sauvage » et « la camelote
étrangère » mal contrôlée.

De la même manière, la culture peut être utilisée par Madagascar pour imposer
leurs règles aux investisseurs étrangers. Ex : langue malgache à utiliser pour les produits
à importer à Madagascar.

234
Malgré le côté conservateur, voire rétrograde de certaines résistances, il faut leur
maintenir un certain rôle dans l'équilibre des marchés. En effet lorsqu'une collectivité,
fût-ce une grande démocratie, atteint une position d'extrême domination, avec les
technologies correspondantes, elle peut pousser sa logique au-delà du raisonnable. Sauf si
elle implose de l'intérieur, à la manière de l'Union Soviétique par exemple.

Ce serait également le cas si la mondialisation devait uniformiser le monde sur


une pensée unique outrageusement simplificatrice. Il est sans doute indispensable de
préserver une certaine diversité du patrimoine génétique des entreprises et des modes de
satisfaction sociales, c'est à dire des cultures dans leur dimension économique.

Face aux dérives de la mondialisation, des pays et des acteurs de la culture se


sont naturellement regroupés pour mieux défendre leurs libertés créatrices tant au niveau
régional qu'au niveau international.

La modernité ne conduit pas nécessairement à la mondialisation, conçue comme


la version américaine de « la démocratie de marché» .Elle ne conduit pas non plus
nécessairement au changement matériel par innovation technique et nouveaux
lancements de produits. Parallèlement, la mondialisation a favorisé le développement de
valeurs humaines partagées.

La mondialisation repose sur une société en réseau (technique et institutionnel)


qui conduit davantage à une organisation multipolaire du monde et qui peut écarter toute
structure monopolaire hégémonique. La société mondiale réticulaire peut ainsi favoriser
l'autonomie personnelle.

Le processus de destruction/création des cultures est normal, comme celui de


leur « métissage ». S'il faut insister sur les dangers de l'altération, il faut aussi reconnaître
les bienfaits de l'interpénétration de la culture. Elle est alors protégée dans le sens où elle
fait désormais partie d'un « patrimoine commun ». La mondialisation intègre les peuples
et les cultures les rapprochent.

8.3.3. Diversité culturelle

Le processus de réflexion sur la diversité culturelle s'est déclenché en réaction à


la problématique posée par la libéralisation des échanges. Elle a conforté la conviction

235
selon laquelle les industries culturelles, tout en étant capables d'être les clés précieuses
d'un développement durable, de par leur contribution substantielle au produit national,
doivent cependant bénéficier d'un régime différent.

« Les cultures sont faites pour dialoguer ». Cette phrase suggère que non
seulement une culture est riche, mais que par sa diversité elle contribue aussi au dialogue
et au partage avec l’autrui.

Il est peut - être extrêmement difficile de définir la notion de « diversité


culturelle », mais on l'envisagera sous une forme bien spécifique : celle de l'aspiration
des peuples à s'épanouir et à se développer dans un environnement qui est ouvert à toutes
les cultures sur le plan international et qui favorise un dialogue et un échange entre les
différentes cultures. Le principe de la diversité culturelle présente une conception
moderne du monde fondée sur le respect des pluralités.

A l'ère postcoloniale,le rapport de force entre les pays du Nord et du Sud


bascule, numériquement et idéologiquement, dans l'ensemble du système des Nations -
Unies ; il y a la crise d'une philosophie du développement qui se fait patente, pour
laquelle modernisation équivalait à « occidentalisation » , une version requinquée des
programmes ethnocentriques d'assimilation culturelle.Quelle action faut-il engager pour
que les groupes sociaux puissent maîtriser et contrôler les industries culturelles afin
d'assurer leur propre développement ?

L’enjeu est que l’instauration ou la restauration d'un dialogue des cultures qui ne
serait plus seulement celui des producteurs et des consommateurs, mais qui réaliserait les
conditions d'une création collective , véritablement diversifiée, et qui mettrait le
récepteur en mesure de devenir émetteur tout en s'assurant que l'émetteur institutionnalisé
réapprenne à devenir récepteur.Il faut suciter le développement harmonieux dans la
diversité et le respect réciproque ,souligner le lien entre : économie et culture ;
développement économique et culturel.

La politique culturelle fondée sur la reconnaissance de la diversité se donne pour


objet d'accroître les facultés créatrices, tant individuelles que collectives, ne se borne plus
au seul domaine des arts et s'étend aux autres formes d'invention.

Les principauxpoints essentiels sont les suivants :

236
- L'extrême variété des centres d'intérêt, des provenances linguistiques et
culturelles des nouveaux et des anciens sujets sociaux et culturels ainsi que de leurs
formes d'action démontrent que s'il y a une source d'une nouvelle diversité, c'est bien
celle de la pluralité des protagonistes qui ont surgi dans la sphère civique mondiale
depuis la fin du siècle dernier.

- les combats pour la diversité culturelle ne prennent sens qu'à la lumière d'une
interrogation plus vaste sur le modèle de société : quel statut pour l'ensemble des biens
publics communs ?

- Ces biens incluent : culture, information, communication et éducation, la


santé, l'environnement, l'eau, le spectre des fréquences de radiodiffusion, etc., tous ces
domaines qui devraient constituer des « exceptions » par rapport à l'appropriation privée.

- Tous ces biens devraient être produits et répartis dans des conditions d'équité
et de liberté selon les principes constitutifs de la définition même du service public, quel
que soit le statut des entreprises qui assurent cette mission.

Le principe de la diversité culturelle implique la reconnaissance du fait que la


production culturelle est essentielle à l'unité sociale, à l'identité, et qu'elle est intimement
liée à l'expression des pensées et des valeurs d'une société. La grande île est fortunée du
fait qu'elle y englobe plusieurs ethnies et dialectes. Voilà pourquoi il est important que
chaque culture trouve la place digne qui lui revient dans sa propre région et pourquoi la
plupart des populations doivent intervenir pour soutenir leur culture et leur production
culturelle.

Dans cette convention, le principe de souveraineté est encadré par un ensemble


d'autres principes directeurs : respect des droits de l'homme, égale dignité et respect de
toutes les cultures, solidarité et coopération internationales, complémentarité des aspects
économiques et culturels du développement, développement durable, accès équitable,
ouverture et équilibre.

La priorité que revêt la convention internationale sur la diversité en disant que,


si la mondialisation favorise les interactions qui enrichissent les cultures et qu'une culture
isolée ne peut survivre ; on ne peut jamais prédéterminer les résultats pouvant provenir

237
des frottements des cultures et dans l'ordre naturel des choses, lorsque deux cultures sont
en présence car la plus forte domine sur la plus faible.

Si un arbitrage ne permet pas de réduire les influences négatives de la plus forte


sur la plus faible, l'une finira par tuer l'autre. Rechercher un instrument d'arbitrage d'ordre
juridique et conventionnel au niveau international est donc apparu comme un impératif
urgent et une priorité pour tous.

Ceci est dans le but de prévenir et d'empêcher des situations où des peuples sont
déshumanisés parce que dépouillés de ce qui est leur raison d'être, leur identité,
pourraient leur faire conduire comme des désespérés, en perpétrant des désordres
préjudiciables à la paix et à la sécurité dont tout le monde a besoin pour se développer et
s'épanouir.

La diversité culturelle bien comprise nourrit jusqu'à la démocratie parce que les
qualités d'écoute et d'ouverture aux autres sont alors magnifiées pour évacuer les risques
de désordres que génère le dialogue des sourds. En d'autres termes, cette convention est
une nécessité vitale, car défendre la culture, c'est simplement défendre la vie.

Et enfin, afin de conserver l’identité, Madagascar doit entretenir, valoriser,


renouveler le patrimoine hérité du passé. A ce titre, on note nos efforts dans la recherche
des voies et moyens pour sauvegarder la tradition.En tenant compte de ces trois volets,
que pouvons-nous concrètement faire ?

- Le renouvellement du patrimoine serait défendu par des politiques culturelles


locales : celles-ci permettraient de mettre en avant les trésors patrimoniaux d'une
commune, d'une région (ex. Donia, Sobahia, Sambatra...). Il est à relever que cette
politique de proximité sera confrontée aux industries culturelles qui ont pour vocation
une certaine homogénéisation de l'offre culturelle afin de vendre davantage.

En ce sens, elles demeurent un rempart de taille. Il est aussi à noter qu'il ne


s'agit pas de prôner une politique passéiste glorifiant le passé au détriment de pratiques
culturelles contemporaines.

- L'Etat au sens large peut aider à maintenir l'existence de pratiques culturelles


qui disparaîtraient sans lui.

238
-Quant aux politiques culturelles « visant le monde » (cinéma, livres,
communications...), elles passent aujourd'hui par des négociations âpres au niveau de
l'OMC, car les produits culturels font l'objet d'un commerce, et donc soumis à des règles
commerciales, quelle est donc la place de Madagascar dans ce domaine ?

La politique culturelle doit prendre de plus en plus acte de l'importance du


processus créatif dans les arts et la nécessité d'encourager la créativité, l’importance
économique des industries culturelles qui rayonnent.

La nécessité de la conservation du patrimoine culturel qui est la base de la


diversité culturelle, la nécessité d'impliquer les jeunes dans le secteur culturel et les
métiers de l'art de l'audiovisuel se trouvent être des impératives.

Aussi faut-t-il donner plus d'importance aux ressources et aux potentialités dont
dispose chaque culture face au développement et renforcer ces qualités dynamiques tout
en favorisant la créativité.

La diversité culturelle dont il est question ici n'est pas un simple repli identitaire
mais une recherche de l'unité et de la solidarité dans la diversité. En tout état de cause, si
Madagascar laisse la culture lui échapper, il ne lui restera que les yeux pour pleurer,
marginalisée qu'elle est déjà aux plans politique, économique et industriel.

Conclusion du chapitre

Les Sakalava sont en conflit avec la modernité et à l’évolution de la Grande


Ile. Les mpanjaka continuent à exercer leur pouvoir et incitent leur peuple à rester
fidèles à la croyance traditionnelle ainsi qu’à sa sacralité.

Chaque gouvernement consulte la royauté avant de nommer quelqu’un à un


poste politique ou non, mais la pénétration aux milieux royaux est souvent difficile et
presque impossible.

Tout ceci renforce le rejet de l’enseignement et de la christianisation ce qui


explique le faible taux de scolarisation des Sakalava. Le modernisme effraye ces
derniers. Leur refus exprime l’affirmation de l’identité culturelle par rapport à la
migration des étrangers, des originaires des Hautes -Terres, du Sud et du Sud -Est.

239
CHAP.IX: JEUX INTERACTIFS AVEC LA MONDIALISATION
Introduction du chapitre

Il s'agit de ne pas confondre la mondialisation et la culture ; la première cherche,


par les biens culturels, à faire du profit, la seconde cherche à produire de l'être, à lui dire
d'où il vient et à l'aider à se construire. Une vraie mondialisation de la culture, au sens de
patrimoine commun à toute l'humanité reste donc bien à construire. Et c'est bien dans
cette construction que les pouvoirs politiques ont un rôle essentiel à jouer. Les instances
publiques ont en effet un rôle de rééquilibrage et de contre-pouvoir à jouer.

À l'échelle mondiale, la globalisation des marchés affecte les cultures nationales,


certains plus que d'autres. Toutefois, il y a une dialectique dans le processus de
mondialisation entre l'ouverture aux autres et la légitime affirmation des identités
particulières, notamment culturelle. C'est un défi dont il faut tenir compte ; face à ce défi
et aux opportunités, que chaque peuple, chaque personne doivent exprimer des ripostes.
C'est le cas en particulier pour Madagascar.

Mais une riposte ne doit pas être une attitude de refus mais plutôt une attitude
d'adaptation : comme dans les sports de combat, une riposte consiste à utiliser les forces
en présence. Elle implique un état d'esprit d'ouverture.Certes la mondialisation favorise la
liberté mais il convient d'y introduire de la justice, de la sécurité et le sens de la
solidarité.

La mondialisation n'est ni une espérance à célébrer ni une facilité : elle est une
évolution à maîtriser. Il est possible de se développer dans la mondialisation.La pire des
attitudes à l'égard de la mondialisation, qui est d'ailleurs souvent adoptée spontanément
en face d'un phénomène inconnu, nouveau et complexe, est celle de la peur.

9.1 Pratique moderne et conservatisme identitaire

9.1.1. Débat dans un contexte de postmodernité et d’hypermodernité


Nous allons prendre l’exemple du tromba dans ce débat dans un contexte de
postmodernité et d’hypermodernité. La transe est l’une des manifestations les plus
prégnantes de l’issue heureuse d’un tel cheminement personnel puisqu’il s’agit
d’affirmer d’une part, sa capacité de se délester de la pesanteur de sa corporéité et de sa

240
matérialité (en s’appuyant sur tel objet particulier), et d’autre part, d’assurer son
incorporation avec l’invisible et sa transcommunication avec le monde divino-ancestral.

La démarche cognitive ne vise pas seulement le sujet en tant qu’intellect mais


s’adresse également à ce dernier en tant que personne. L’action n’est pas uniquement de
l’ordre théorétique. Il s’agit plutôt d’un véritable travail de « construction de soi » dans
un mouvement ternaire qui va de la rupture (mort initiatique) à l’intégration (re-naissance
initiatique) en passant par une période de marge (réclusion).

Pour certaines ethnies de Madagascar, trois moments initiatiques qui sont


finalement une véritable métamorphose de l’esprit et du corps, s’inscrivent précisément
sous le signe de telle ou telle partie du corps (œil, oreille, bouche), ou de tel ou tel type
d’outil (le couteau, la hache, le ciseau en même temps que le maillet par exemple).

Mais quel que soit le degré d’élévation auquel est parvenu le « maître du
tromba » dans cette quête du savoir et du pouvoir, il ne doit jamais s’enfermer sur soi
mais il est plutôt appelé à éclairer les autres de sa luminosité divino-ancestrale.

L’éducation, dans sa finalité essentielle, c’est d’amener l’individu, quelle que


soit son appartenance sociale, à être le lieu de rencontre entre l’humain et le divin, entre
le visible et l’invisible pour devenir chacun à son rythme et selon ses capacités, l’un des
piliers fiables et toujours disponibles de l’architecture sociale. L’essentiel c’est de faire
de son mieux et de se mettre en route sur les voies de la connaissance.

La différence est au cœur du social. N’est-il pas vrai d’ailleurs, selon l’adage
populaire malgache que « les arbres d’une même forêt n’atteindront jamais les mêmes
hauteurs et qu’un arbre, quelle que soit sa taille, ne constituera jamais à lui tout seul une
forêt » ? N’est-il pas vrai que « ce sont les branches les plus élevés qui bénéficient le
mieux des rayons du soleil et qu’il leur appartienne en contre partie de s’exposer plus que
les autres aux caprices du vent » ?

Le phénomène « tromba » offre ici à travers cette quête de la connaissance une


sorte de paradigme à la solidarité humaine (paradigme que l’on trouve également, sous
d’autres formes peut-être, dans de nombreuses civilisations du monde.

La connaissance est pour les Malgaches à l’image d’une source de lumière


appelée naturellement à briller de toutes ses forces pour éclairer l’espace environnant.

241
Plus cette source est puissante et lumineuse, mieux également elle arrive à donner aux
objets leur vrai contour ainsi que les nuances éventuelles de leur couleur, nous permettant
ainsi de les distinguer puis de les situer les uns par rapport aux autres.

Dans une telle perspective, l’ignorance, c’est cette sorte d’opacité de notre
intelligence qu’il faut combattre de toutes nos forces, précisément, parce qu’elle nous
empêche de réaliser judicieusement notre humanité.

Dans la vision du monde des Malgaches, le cosmos est comme un grand


tambour sur lequel, entre l’intervalle qui va de la naissance à la mort, chacun est appelé
incessamment à tambouriner en s’efforçant d’être en phase avec le rythme divino-
cosmique.

Or, comment tambouriner correctement si on est dans la méconnaissance de la


symphonie à laquelle il faut s’ajuster ? C’est par l’éducation que l’individu arrive à se
familiariser graduellement à cette symphonie divino-cosmique.

Au cas où ces moyens offerts par l’éducation ne suffisent pas, d’autres adjuvants
sont là pour aider l’individu à retrouver intimement sa mélodie intérieure pour essayer
d’être de nouveau en vibration avec ce rythme divino-cosmique. Le tromba en est ici l’un
de ces adjuvants.

Le « tromba » n’existe pas seulement dans les pays sakalava. En effet, il y en a


un peu partout dans toute l’île ou même au-delà de nos frontières.Le « tromba » se
manifeste au cours d’un rituel spécifique et secret, dans chaque région, avec une
personne douée pour l’invocation.

Il n’est qu’une infime partie du monde du surnaturel malgache. Il y a encore les


« ambalavelona », les « fanainga lavitra », le « sikidy », le « kalanoro », le « sampy »,
mais c’est encore une toute autre histoire.

9.1.2. Christianisme
Les misssionnaires jésuites se sont heurtés à des obstacles majeurs pour la
christianisation de la région d’Andriamisara à l’époque et jusqu’à l’heure actuelle. Les
Sakalava sont islamisés, pour la plupart ; une petite communauté seulement est
christianisée, composée des migrants dont peu sont Sakalava.

242
Avec le travail d’ évangélisation actuelle , le christianisme connaît une grande
expansion aussi bien dans la région Boeny que dans toute la grande île alors que la
religion traditionnelle occupe toujours la première place .

La politique du gouvernement, appuyée par diverses associations (par exemple


l’association Fikambanan’ny Mpiara Mamaky Baiboly : FMMB) sur l’action
d’alphabétisation par la lecture de la bible, renforce cette christianisation.

La scolarisation , plus précisément , l’alphabétisation est un moyen pour le


christianisme de se faire une place dans la nouvelle société sakalava. L’adhésion à
l’église marque également la présence des jeux interactifs avec la modernité.

Mais force est ici de constater que les Sakalava sont réfractaires à la parole
évangéliste même si la conversion au christianisme exige la scolarisation.

9.1.3. Islamisme
La majorité de la population dans la région est islamisée. C’est un islam
« maritimisé » limité à la communauté antalaotra,qui n’a pas de territoire réel, à
l’époque mais soutenu par une forte présence comorienne à l’heure actuelle.

A Mahajanga, la présence de mosquées dans presque tous les quartiers (23 /


26 fokontany) atteste cette islamisation. Il est à signaler que ces islamisés n’ont pas fait
beaucoup de prosélytisme même si les Sakalava sont sensibles à cette religion
d’origine orientale .

Les Indiens sur la côte Ouest relayent les Antalaotra (Arabe) et se métissent
peu à peu avec les Sakalava . Le culte d’Andriamisara et l’islam cohabitent et la
famille royale convertie se multiplie d’annné en année.

Ce geste est traduit par plutôt un acte politique qu’un acte de foi. L’islam
apparait comme un moyen d’échapper au christianisme puisque l’identité sakalava
passe toujours et avant tout par le culte des reliques.

243
9.2 Identité véritable de l’universalité
Cette section traitera le fihavanana sur une dimension altermondialiste car il est
la raison, la base et le facteur d’interculturalité dans la multiculturalité.

9.2.1. Des culturalités régionales à la malgachéité


Le « fihavanana », consanguinité, convivialité, solidarité et relations
interpersonnelles, a pour objectif premier de toujours épanouir le « hegny ou aina », la
vie dans toutes ses dimensions, physique, psychologique et éthique au moyen du
« fanahy » conscience morale et instance suprême de tout l’agir.

Ce qui nous intéresse ici, c’est de voir la pérennité du « ziva formel » et du


« ziva informel ». Ces concepts de « ziva » ont déjà existé dès l’époque
d’Andrianampoinimerina et se basent sur le respect et l’acceptation de la culture
d’autrui.Dans le phénomène de ziva donc, on part de « fiziva » (interculturalité) pour
arriver au « filongoa » ou « fihavanana » (multiculturalité).

Les rites, les langages changent selon la localité, mais chaque ethnie pratique le
tromba et l’un et l’autre assiste à la cérémonie du tromba car le but est de garder la
multiculturalité. Chacun respecte la culture de l’autre, et ceci étant pour garder et
respecter leur identité respective.

Ainsi, la malgachéité trouve sa pérennité car les gens cohabitent quand même
sur le plan culturel en sachant pertinemment que chacun a sa propre culture et tout cela
prend la direction vers la multiculturalité/malgachéité et ne peut pas s’en cacher.

9.2.2. Impératif de la dichotomie d’exercice du pouvoir politique

On ne peut pas passer outre la malgachéité, car cet exercice du pouvoir devient
l’essence de la politique à partir du pouvoir de l’Etat jusqu’à l’échelle plus bas en
l’occurrence le fokontany : c’est l’impératif de la dichotomie.

Chez nous le capitalisme n’est pas parvenu en sa maturité. C’est plutôt du


capitalisme parasite que nous devrons parler à Madagascar. Ainsi la dynamique
dichotomique repose-t-elle sur deux aspects :

244
 le pouvoir légal officiel, lequel constitue la structure publique, basé sur les
trois séparations du pouvoir (exécutif, législatif, judiciaire) ou Etat légal
(moderne) ;

 le pouvoir hiérarchique traditionnel qui s’impose (vizir, tangalamena,


mpanjaka, tompon’ny anaran-dray, etc.) ou Etat traditionnel (royauté). Sans
oublier, la tradition de lutte nationale et la tâche historique que nos élites ont
entreprises dans le Sud, le Nord et l’Ouest de Madagascar. Nous voulons
signaler en passant les mouvements nationalistes de la 1ère moitié du 20ème
siècle (1900 à1947) et connus sous l’appelation de Sadiavahy, de Jina, de
Panama, le MDRM.

Nous sommes plongés dans l’obligeance d’accepter la multiculturalité mais


chacun vit son interculturalité. Le but c’est de rehausser ou remonter la régionalité et la
localité pour la nationalité car le tromba est d’une envergure nationale.

Le but de cette dichotomie est de dire que la relation entre ces aspects est
toujours là. Il y a toujours une alliance entre le pouvoir traditionnel (tangalamena), et le
pouvoir légal (Etat).Maintenant nous allons parler de la malgachéité à l’universalité.

9.2.3. De la malgachéité à l’universalité


L’enjeu ici, c’est la malgachéité qui est considérée comme étant incontournable
et irréversible.

Compte tenu de la puissance tutélaire des bailleurs, l’Etat national ne peut que
se soumettre au régime des conditionnalités imposées. Il dispose cependant d’une large
manœuvre d’action à l’échelle du culturel pour préserver une identité nationale face aux
manœuvres d’instrumentations des différences culturelles.

En l’occurrence, l’Etat peut se constituer en un organisme à la fois centralisateur


et diffusionniste de normes répondant aux attentes relatives mais consensuelles des
masses travailleuses et des autorités à la fois publiques et civiques.

Cette version implique :

- l’horizontalisation des manœuvres d’intervention de quatre à cinq


ministères au minimum : le ministère de l’environnement, le ministère d’art et de la

245
culture, le ministère de la fonction publique, et enfin le ministèrede l’éducation
nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ;

- la volonté politique de l’Etat pour la légitimation / légalisation /


participation aux financements des projets relatifs aux problématiques énoncées comme
pointues.

La mémoire populaire sur l’essence oppressive et dictatoriale de l’Etat fait partie


d’un habitus populaire qui constitue un capital de maintien et de reproduction du statu
quo pour les fractions dirigeantes plutôt qu’une occasion d’extériorisation de frustrations
accumulées dans tous les sens.

L’intégration participative des masses relève alors d’un principe d’alignement


pour ce qui concerne les exigences méthodologiques d’unités d’interventions extérieures
(le PNUD par exempe)des attitudes comportementales opposées aux règles de projet
conduirait à des sanctions négatives sur la pérennité de l’emploi.

Il s’agit en conséquence de faire en sorte que la dynamique de projet soit


stimulée par le consensus intra-inter-institutionnel et formel, supposant une dynamique
informelle assumant la fonctionnalité des institutions. Les masses ne jouent à ce titre que
le rôle de figurant en fonction de diktat de leadership.

Il est question de la dépendance durable des pays pauvres. Les impondérables


vont finalement à l’encontre de la mondialisation et de la globalisation : il y a toujours la
notion de dysfonction ce qui constitue pour nous à l’occasion une fonction.

Le développement durable et humain n’est pas fonction de l’APC (Approche par


les Compétences) mais de l’approche par activité et créativité, ce qui suppose la
dépendance durable des pays pauvres via les multiples projets de développement.

Cela nous va nous conduire à parler de deux aspects :

- la construction pérenne des relations sociales par le diktat du pouvoir


patriarco-lignager (féodal) ;

- l’anthropologie locale de la modernité : la modernité est limitée à une


instrumentation des produits marchands aux services des exigences cérémonielles
identitaires.

246
Quasiment, il n’y a pas de logique d’entreprise si la valorisation des règles de
l’économie néolibérale s’impose, il est nécessaire de recourir à une approche horizontale
de la problématique.

9.3 Logique d’intégration des Malgaches à la mondialisation

9.3.1. Modernité traditionnalisée et tradition post-modernisante

Connaissant les mésaventures du « fanompoa be » dans ses rapports séculaires


avec la modernité, les élites, les leaders locaux peuvent sciemment concevoir, en
authentiques stratèges, les modalités d’un réajustement du processus de modernité dans
les cadres normatifs de la tradition. Il n’est nullement question à ce propos de se
complaire dans des solutions de facilité propre à l’esprit de modèle.

C’est une question d’approche par créativité et par activité. Il ne revient pas,
semble-t-il, à la modernité d’imposer ses règles à la tradition. C’est du néo-libéralisme
sauvage. C’est à la tradition de s’approprier la modernité dans une démarche
normativiste. Quelle est à ce titre la place à attribuer au post-modernisme ?

La tradition ne peut que rationaliser, sur son itinéraire d’appropriation de la


modernité, les modes d’accession du malgache à une connaissance, à une maîtrise et à un
pouvoir d’orientation sur les assises et le mouvement de la démocratie mondiale. C’est
une alternative d’adhésion critique aux discours et aux pratiques d’édification de la post-
modernité.

Le but est d’être admis au rang de partenaire légal, même en l’absence d’une
base économique proportionnelle au rang accordé. De ceci semble découler la pleine
appropriation du devenir par la tradition, sur le moyen et le long terme. Le court terme
est dédié à des pratiques d’ajustement et de réajustement de structures, du vertical à
l’horizontal.

Les Malgaches doivent opter pour une marchandisation de la culture et entrer


dans la concurrence culturelle, en valorisant la spécificité des traditions régionales et, en
gardant l’authenticité de ces traditions, et rompre avec l’idéologie de considérer la
culture comme un spéctacle global.

247
Les pouvoirs publics ont l’obligation d’assurer une éducation et un
enseignement adéquat pour toute la population à des fins de développement, et d’apporter
des réformes nécessaires aux traditions et aux pratiques pour mener à bien leur mission.
Malheureusement, ils n’ont pas donné aux traditions le poids qui convient.

La région a tendance à invoquer ses traditions pour ne pas affecter les ressources
adéquates propres pour le processus de développement. L’Etat peut, en outre, sensibiliser
directement les gens de la campagne, en envoyant des instituteurs pour enseigner les us et
coutumes de chaque tribu dès la classe primaire, pour faire visiter aux élèves les musées
et temples dans le but de montrer et de démontrer l’importance de la tradition.

Pour les employeurs et le patronat, il leur incombe évidemment de surveiller le


travail de ceux qui ont des jours fady, et de les faire travailler, par exemple, le samedi en
sortant un peu plus tard que les autres employés pour rattraper le temps perdu. Ils
peuvent également les conseiller d’arriver plus tôt au bureau ou à l’usine et d’emmener à
la maison le travail non terminé si c’est le cas et si besoin est.

Au sujet des parents ; ils retirent leurs enfants de l’école pour les jeter dans la
vie traditionnelle et les livrer à la pratique des tromba car ils pensent que l’école éloigne
leurs enfants des traditions et par conséquent, ils craignent d’être accusés à tort (par leur
groupe) de comportement irresponsable.

Au contraire, il serait plus efficace, sinon efficient, de débattre du problème avec


les enfants, de les apprendre les us et coutumes, et aussi l’histoire de leur région sans les
contraindre à respecter cette tradition.

Sur le rôle central joué par les enseignants. Il leur incombe de transmettre aux
élèves la connaissance des traditions. Ils doivent aussi inculquer aux élèves l’envie de
savoir et de connaître. Ils peuvent également leur apprendre à suivre parallèlement
l’école et les traditions et enfin de les adapter à la situation prévalante.

Quant aux médias, ils jouent un très grand rôle sur les informations concernant
ces traditions. Ils peuvent montrer, à travers des reportages, les conséquences du fait de
s’attacher trop aux traditions, non seulement, le côté positif, mais aussi le côté négatif
(l’abêtissement, l’ignorance, le refus du progrès, etc.) qui est source de la pauvreté.

248
En outre, les médias sont aussi responsables du côté de l’encouragement de
chaque citoyen à voir le bon côté des traditions et les concilier à la modernisation.

9.3.2. Considérations synthétiques

A l’issue de ces appréciations socio-qualitatives, il ressort que l’équilibre


mondial est encore loin de jouer en faveur d’un pays pauvre comme Madagascar.

Si les pays riches en sont au stade de la détermination des stratégies les plus
appropriées pour la sécurisation de leur avoir, et la surcapitalisation de celui-ci au-delà
des possibilités des ressources humaines ainsi que des conditions-limites de la stabilité
écologique, les pays pauvres dépensent leurs décennies, voire même leurs siècles
d’existence à faire fébrilement la décompte de leurs misères dans des processus
multiples de recherche, d’affirmation ou de préservation d’identité, rien de plus .C’est là
le niveau atteint par la démocratie mondialisée.

Le Nord fait une économie de pauvreté, le Sud conforte ses capitaux d’identités.
Au-dessus, les Etatsdébattent sur les avancées démocratiques et la vocation humanisant
des bonds technologiques, symboles de réussite de la postmodernité ; ils appelent à
l’adhésion aux idéaux du post-modernisme.

Dans l’informel, sinon dans les coulisses de la pauvreté, le transnational


s’attribue l’exclusivité dans le contrôle et la direction du pouvoir politique aux niveaux
respectifs de l’Etat, des organisations, des sociétés civiles, des entreprises, des
organismes non gouvernementaux, bref, de tout pouvoir en général.

Exception à la règle, les organisations interculturelles inhérentes aux


dynamiques des pratiques cérémonielles identitaires semblent échapper à ce diktat du
transnational. Elles sont en l’occurrence les garanties d’une identité nationale souveraine,
inaliénable, pérenne et authentiquement humanisant.

9.3 .3.Le post-modernisme et la censure

L’économie de marché a accéléré l’intégration des Malgaches à la


mondialisation. Par conséquent, les Sakalava se trouvent dans l’obligation d’éléver et
de vendre plus de bœufs qu’auparavant.

249
La crise économique mondiale frappe sévèrement les pays du Nord mais les
pays du Sud ne sont pas non plus épargnés.

Elle accélère le processus de mondialisation et aggrandit l’écart entre les pays


avancés et ceux qui sont en voie de développement. Car la mondialisation permet à
l’Etat de se lancer dans une politique d’investissement et de développement qui va
servir plus aux pays riches et aux bailleurs des fonds qu’à la masse populaire .

On assiste souvent à des politiques de développement imposées par les


bailleurs de fonds et non pas à un programme élaboré par les techniciens locaux qui
savent identifier les besoins de la Grande Ile en matière de développpement . Il serait
donc opportun à l’avenir, de poser la question sur l’adéquation entre la politique de
développement envisagée pour le pays et les réalités locales.

Le développement de l’économie de marché a arraché, de leur terre, bon


nombre des Sakalava. Ces derniers n’ont pas su défendre leurs droits fonciers car ils
sont inexpérimentés en matière agricole. D’où la pratique du système de métayage qui
s’avère être défavorable pour les Sakalava puisqu’ils se replient de plus en plus dans des
zones désertées : le processus est ici irréversible.

Une analyse ethnicisante est combinée à l’analyse sociale dans la communauté


sakalava. L’objectif étant de montrer que derrière la manipulation idéologique et
politique de l’ethnicité, il y a la déstructuration de la sociéte qui mérite d’être prise en
compte.

Les rapports politiques dans le Nord-Ouest sont marqués par l’opposition entre
les deux branches (Bemazava et Bemihisatra). Actuellement, le problème entre ces
deux branches révêt une connotation politique qui oppose les Bemihisatra, pro -régime
en place appuyés par les opérateurs économiques, des élus et les Bemazava proches de
l’opposition.

Tout tourne donc autour du doany et les deux branches luttent pour mettre en
place ( à la garde dedoany ) des notables qui leur seraient favorables . Le débat
politique est en terme ethnique car les deux parties s’affrontent sans cesse. Cet
affrontement est doublé par l’opposition ethnique entre les Merina et les Côtiers.
Tout ceci nous amène dans la logique des adversités : Bemazava/Bemihisatra, Merina
/Côtiers.L’opposition cède ici la place au conflit lignager.

250
Plus on se rapproche de leur territoire, plus les Sakalava s’éloignent et cette
« autoexclusion » est dûe à la forte volonté de pérenniser leur identité et de valoriser
leur culture .

Le doany représente un enjeu à multiples façettes chez les Sakalava. D’une


part, les grands dignitaires et les conseillers bénéficient de la rente importante, en
controlant les ressources financières pour le culte des ancêtres. D’autre part, les
mpanjaka assurent une légitimité héritée de l’ancienne royauté de Boeny, en nommant
des officiants. Ainsi, ils peuvent constituer des fidèles politiques.

Mais l’opposition entre les deux branches dynastiques expose la royauté à la


pénétration des éléments étrangers , au déchirement interne . A partir de ce moment ,
l’école est vécue par les Sakalava comme l’ instrument d’une infime partie . Une
minorité seulement a su profiter de la situation ;un nouveau peuple composé des
Merina , Tsimihety , Betsileo ont pris place dans les grandes écoles régionales car on
ne croit plus aux Sakalava .

Ces derniers n’envoyent à l’école que les enfants issus des lignées secondaires
qui n’ont aucune chance d’acceder au pouvoir royal. Le rejet de l’école et de l’étranger
à travers les structures traditionnelles, s’explique par le refus du christianisme et cela se
solde par un faible taux de scolarisation des Sakalava.

Il n’est pas nécessaire de rappeler que les Hautes -Terres jouissent d’une
avance remarquable par rapport aux côtes depuis l’époque coloniale si l’on se réfère aux
domaines de l’enseignement et du christianisme .

Mais cette dynamique a permis la promulgation du merina et du français


comme langues officielles au détriment des dialectes régionaux. Ce bilinguisme qui
est devenu l’apanage des élites marque ainsi les mouvements d’affranchissement qui
concernent surtout les intelectuels.

Ceci va déboucher sur la valorisation du français comme la langue des élites,


voire même, la langue d’enseignement.

L’implantation des églises est subordonnée à l’initiative de migrants des


Hautes -Terres avant même la conquête coloniale. La resistance au christianisme et à
l’enseignement est pour les Sakalava un moyen de préserver l’identité.

251
L’appartenance à l’église protège les migrants et l’opposition entre doany et
église garde les chrétiens du monde ancien, polythéïste. La concurrence entre les
principales confessions et la condamnation des traditions sakalava ont aggrandi le fossé
entre les deux parties et ont empêché la christianisation en profondeur.

L’église reste l’associé des groupes des migrants et des étrangers mais
certains Sakalava rejoignent les lieux de culte chrétien à l’instar des originaires des
Hautes Terres qui praticipent au culte d’Andriamisara .

Les Sakalava sont divisés en deux branches , l’une conservatrice qui se


bat pour la sauvegarde de l’ identité et du mode de la tradition et qui est en opposition
avec l’autre moderniste , qui se limite au mode de la modernité .

Une réflexion sur les élites côtières et l’intellectualité sakalava mérite donc
d’être effectuée à partir de cet instant. La resistance des populations sakalava du
Boeny se réalise sur le mode réactionnaire : cette attitude de refus est leur réponse au
phénomène de la mondialisation.

Les immigrations merina et betsileo ont existé avant et pendant la


colonisation et continuent à exister jusqu’à nos jours. En fait, ces deux groupes
ethniques forment la grande majorité des fonctionnaires. Mais cette immigration
s’oppose à celle des Betsirebaka originaires, du Sud –Est via l’insuffisance des terres
cultivables dans leur région.Cette dynamique se réalise au détriment des Sakalava qui se
replient dans des zones réculées n’intéressant pas les nouveaux venus et où ils peuvent
continuer leurs activités pastorales.

On a constaté que les Sakalava choisissent de s’installer ailleurs et de


chercher de nouveaux terrains pour leurs bœufs ,ouvrant ainsi à la culture
autosubsistante , plutôt que de rester avec les migrants et devenir employés sur leurs
propres domaines . Ainsi, on assiste au transfert des terres au profit des migrants
(Commoriens, Indiens, Merina, Betsileo et Tsimihety).

Le milieu sakalava se réduit donc et devient minoritaire sous l’effet des


migrants, entre autres les Tsimihety qui ont pris des forces remarquables surtout sous
le régime du Président TSIRANANA P.

252
La communauté Tsimihety acquiert sur le plan national , un souffle nouveau
qui ne peut se répercuter à l’échelle locale ; rien d’étonnant alors à ce que les
Sakalava évoquent la présence des Tsimihety au doany .

L’idée de modernisation de toute vie traditionnelle, (née de la colonisation),


perturbe l’organisation politique du pouvoir au sein du doany mais renforce également
la manifestation du rejet de la modernité. Tous ces processus ont provoqué une crise
d’identité chez les Sakalava jusqu’à l’effondrement de la royauté.

Conclusion du chapitre

Le dernier chapitre de cet ouvrage a été consacré aux jeux interactifs avec la
mondialisation. Le traditionalisme sakalava, l’opposition : traditionisme / modernisme, la
domination étrangère nous ont permis d’effectuer une approchescientifique en vue de la
lisibilité et de la visibilité de la réalité sociale dans le Boeny.

Tout cela a fait appel à l’analyse du post –modernisme et de la censure, c’est-à-


dire l’étude de la stratégie de développement adéquate et l’ethnicisation des rapports
politiques dans le but susciter le régime de partenariat entre le gouvernement et les
bailleurs de fonds en ce qui concerne la culture traditionnelle pour qu’il y ait
développement intégré. Des impératifs et des responsabilités sont imposés et suggérés
pour concilier la dynamique des relations existantes entre culture et
mondialisation.Entant que sociologue, nous avons orienté notre recherche dans un
domaine multi et l’interdisciplinaire ainsi que l’approche holistique .Des nouvelles
démarches sont donc à identifier et à adopter.

253
Conclusion de la partie

Faire connaitre à tout le monde l’importance de savoir sa propre culture ainsi


que de connaitre celle des autres est plus que jamais nécessaire pour le développement et
la modernisation de son pays.

Aucun développement ne peut être envisagé sans connaitre la culture,


l’histoire, etc. dans le but d’en extraire des analyses, d’en décortiquer les freins et les
obstacles pouvant nuire à toute action d’épanouissement culturel et de développement
économique. L’exemple est donné par certains pays d’Asie qui ont su concilier tradition
et modernisation, qui ont su « façonner » leurs traditions et pratiques religieuses pour
les besoins du développement.

Nous admettons que la conscience historique sakalava et les souvenirs sont


dispersés dans le paysage et distribués parmi les différents types d’individus. Les
premiers adhérents de l’histoire ancestrale sont les médiums et ils ne sont pas des
résidus conservés du système traditionnel. D’une part, leur nombre a augmenté, et
d’autre part, ils sont positivement engagés à la modernisation et sont issus de l’ère
contemporaine.

Ce que nous aurions aimé montrer dans cette dernière partie, c’est la place de
la tradition sakalava au sein de la société malgache moderne, l’importance de son
histoire et de son identité face à la modernisation mais c’est le partage des pratiques et
des connaissances qui est mal communiqué.

La tradition est la faculté de comprendre que les participants d’un dialogue


partagent le même langage et pourquoi pas la même pratique, la même foi, et le même
engagement.

254
Photo n° 25

L’esprit Zamakely ou Maromalahy avant la transe.

Source : Auteur enquête au doany, Mahajanga, 2008.

Photo n° 26

Le médium du grand roi Andriamanisoarivo portant sur le dos le reliquaire en


or et argent. Mitsinjo en 2007.

255
Photo n° 27

Un zébu à tête claire : omby mazava loha, sacrifié expréssement au bord du fleuve pour
purifier ce dernier avant le fitampoha. Mitsinjo en 2007.

Photo n° 28

Le bain de reliques étant achevé, les participants prennent aussi les


leurs.Mitsinjo en 2007.

256
Photo n° 29

Les jeunes garçons s’amusant à faire des morengy pour degager la route afin
de permettre au cortège de passer librement le retour au village. Mahavavy Sud, en
2007.

Photo n° 30

Les invités composés des autorités administratives locales et des élus. Mitsinjo
en 2007.

257
Photo n° 31

Dadilahy Besomotra, le saha ou le médium d’Andriamisara dans le


Tsandrarafa, la première enceinte du doany Miarinarivo à Tsararano Ambony
Mahajanga I lors du fanompoa be 2006.

Photo n° 32

La porte d’entrée dans le valamena au doany Miarinarivo.

Source : Auteur, terrain à Mahajanga en 2006.

258
Photo n° 33

La femme du groupe razan’olo porte sur sa tête les nattes sur lesquelles vont
être étalées les mosarafa et les offrandes .Auteur, terrain, 2008.

Photo n° 34

Les musiciens traditionnels qui accompagnent et qui animent le cortège


funèbre du Mpanjaka Dezy, prennent aussi part à la cérémonie. Ambato Boeny, en Mai
2007.

259
Photo n° 35

Une jeune fille portant sur le front une marque en kaolin en forme de lune et un
point signifiant la réussite du fanompoa : tombo. Auteur, terrain, en 2009.

Photo n° 36

Le groupe des tromba en possession qui se rejouissent pour le rebiky, la


cérémonie festive pour la fermeture de fanompoa. Auteur, terrain, 2009.

260
CONCLUSION GENERALE

Pour les Malgaches, la mort est aussi importante que la vie. Ils pratiquent avec
ferveur le culte des morts en bâtissant et en entretenant des monuments funéraires
somptueux. Ils espèrent ainsi en être récompensés en attirant la bénédiction de leurs
aïeux qui leur donnera bonne santé, fertilité et richesse, avant d’accéder eux-mêmes, un
jour, au glorieux statut d’ancêtre immortel.

Nombre de vieux Malgaches respectent les traditions et restent en dehors du


zomba be lors du fanompoa be ou le bain des reliques. Leur silence, leur visage et
l’ombre de leurs yeux devant les étrangers les poussent à focaliser leur attention sur les
relations existantes entre les Merina et les Sakalava depuis 1824 marquées par des scènes
tristes et tragiques.

Il n’y a pas de discontinuité entre le passé et le présent, le contemporain et le


moderne, car tout objet transmet à chaque moment, sans restes, le système de croyances
et les notions qui y sont fondées de l’expression.

Pour être plus précis, dans le système de ce genre, il est impossible de parler de
la culture indépendante de sa transmission car il n’y a pas de trésor d’idées collecté, ni
de conduites qui constituent la séparation d’objet de transmission sans la valeur et la
réalité.

Il est indispensable de répondre à la question d’ancienneté historique du rite et


aussi des changements et de ses variations historiques, d’essayer de résoudre l’énigme
du nom des rites funéraires.

Brèf, le fanompoa be, est une manifestation culturelle caractérisée par le bain
des reliques royales honorant et respectant les ancêtres alors que le famadihana et les
autres pratiques funéraires, quant à eux, consistent à exhumer des morts familiaux pour
renouveler des linceuls. Ils sont tous des coutumes funéraires mais totalement différents
en ce qui concerne les denominations, les formes et le déroulement. Ils organisent le
rapport entre vivants et morts, en un mot entre le passé et le présent.

261
Dans le champ laissé vacant par l’interruption du récit historique, en l’absence
d’initiatives du pouvoir, les individus assument cette relation sans laquelle le présent perd
tout sens.

Ce que nous aurions aimé montrer dans cette recherche, c’est la valorisation des
pratiques identitaires, leurs places au sein de la société moderne malgache ainsi que leurs
importances face à la modernisation. En outre, la richesse, la vie, la vigueur et la force
de ces traditions ne sont pas opposées à la modernisation, mais c’est le partage des
pratiques et des connaissances qui est mal communiqué.

Cherchez votre chemin, votre fomba, à travers le dédale de vos lectures et de


vos discussions, vous le trouverez. Vous arriverez à la conclusion que toutes les cultures
ont répondu aux mêmes questions vitales pour l’homme. Nous sommes tous issus du
même ancêtre : le premier être humain. Comme le dit un dicton malgache : « les êtres
vivants sont comme les ramifications d’une citrouille, à la force de chercher, on trouve
une même origine ».

Aujourd’hui, les psychanalystes disent que pour mieux vivre, il faut préparer la
mort. Ils semblent redécouvrir ce que la société malgache connaît et pratique depuis
toujours. « La tradition est la communauté de comprendre que les participants d’un
dialogue partagent le même langage » et pourquoi pas la même pratique, la même foi, et
le même engagement.

Les traditions malgaches sont complètement historiques, non seulement elles


sont situées dans un moment particulier de l’histoire, conscientes et capables de décrire
leur propre histoire pour former le présent, mais aussi elles sont incapables de faire
autrement.Une société qui n’a pas sa propre histoire ne peut pas répondre à une telle
considération, profonde, autonome du présent.

Il est important de signaler la permanence de la symbolique royale sakalava


exprimée par le culte des reliques même si le dernier a connu des transformations
incessantes et son aspect diachronique l’inscrit dans un processus de continuité . Les
Sakalava sont de nos jours , économiquement défavorisés par le passage du semi-
nomadisme pastoral à l’agriculture sédentaire , menacés culturellement par la
mondialisation , la christianisation et la présence de groupes de populations originaires
d’autres régions de l’île .

262
Le rapport au sacré reste alors un enjeu essentiel car la référence aux ancêtres
royaux fonctionne donc dans les tournants de l’histoire politique de la côte Ouest , sans
cesse instrumentalisée par les différentes formes de pouvoirs qui se sont succédé . Le
culte des ancêtres est remodelé en fonction des intérêts du moment. Cette réhabilitation
de certains rituels participe à l’expression d’une logique identitaire au niveau local
mais aussi à l’échelle nationale.

La reviviscence actuelle des cultes des ancêtres, perçue sur l’ensemble de l’île,
renvoie, en première approche, à une logique de reconstruction identitaire locale. En
deuxième approche, on perçoit une réelle tentative de légitimation de la logique
ancestrale dans le cadre d’un Etat laïc.

Malgré toutes les réserves qu’on peut faire, l’explication de toutes ces croyances
religieuses semble être dans la ligne du symbolisme. La tradition sakalava est
caractérisée par la vénération du Zanahary, le respect du Razana et est constituée par la
crainte de la mort.

Les morts peuvent communiquer avec le monde des vivants grâce à la


réincarnation c'est-à-dire la naissance d’un nouveau né qui prend le portrait d’un ancêtre
et à la cérémonie du tromba lorsque l’esprit prête le corps d’un individu pour lui
posséder.

Le tromba est une pratique cérémonielle qui représente l’identité culturelle des
malgaches, et plus précisément des Sakalava. Il cherche la valorisation et la pérennisation
face aux défis de la post modernité (mondialisation / globalisation). Il faut donc chercher
et identifier les modes et les angles de compatibilité entre les pratiques rituelles telles que
le tromba et la dynamique marchande (économie de marché).

Le tromba étant une communication imaginaire avec le monde surnaturel, par le


biais des quatre éléments de la vie (eau : fécondité, terre : création, feu : assistance, air :
souffle), fait foi de la présence de la vie après la mort ou de l’au –delà. En un mot, le
tromba témoigne à la fois la continuité et la pérennité.

Dans les sociétés sakalava du Boeny, letromba est un système très ancien, à la
fois pratiqué aussi bien par la classe populaire que par la famille royale. Il est d’une

263
valeur tant royale que populaire. Il entretient la friction d’une continuité symbolisant
ainsi les anciennes formes de pouvoir. Il reste un enjeu à l’époque coloniale et
postcoloniale.

Le tromba permet aux Sakalava de recréer et de rénover l’idéologie


aristocratique, mais il légitime également les gouvernants en place qui se vantent d’avoir
récupéré la symbolique royale.

Du point de vue psychanalytique, le tromba occupe deux fonctions qui


caractérisent les rapports de domination : maître – serviteur. En l’occurrence, la logique
de reproduction sociale et la sacralisation, la reproduction du pouvoir royal.

Quoi qu’il en soit, le tromba entretient, quant à son rapport avec l’économie de
marché, une relation horizontale.De statut anti et altermondialiste, le tromba favorise
l’interaction entre le monde magico-religieux et le monde divin.

L’astrologie , la divination et la sorcellerie sont étroitement liées par les tabous


et les interdits qu’elles imposent aussi bien dans leur pratique que dans ce qu’elles
peuvent conseiller. Les traditionalistes sakalava, suivent méticuleusement ce qui est
ordonné par les mpanandro, les mpisikidy et les autres vieux sages de leur village.

Mpanara-bintana (astrologue), mpisikidy (devin ou divin)194 et mpamosavy


(sorcier), sont tous en interaction avec les esprits et le surnaturel mais la différence
c’est que les deux premiers communiquent avec les bons esprits et le dernier est relié
aux mauvais esprits. La divination, l’astrologie et la sorcellerie consistent donc à
rassembler le monde d’ici-bas et le monde d’au delà.

La divination , l’astrologie , la sorcellerie sont en interaction avec le tromba et


favorisent la mise en valeur de la dynamique des rites . L’univers traditionnel
sakalava englobe à la fois le monde visible et le monde invisible.

Leur efficacité repose sur l’obsolescence des aody (amulettes) et le respect


des fady (interdits, tabous).Le fady est lié à la catégorie de l’impur et joue un rôle de

194
Les deux mots ont chacun leur signification dans le français courant mais dans cet ouvrage,
nous les utiliseront pour designer le maître de la divination. Donc, il n’y a aucune différence entre
devin et divin.

264
régulation permettant d’écarter ce qui menace la condition sociale. Le tabou en tant que
règle surdétermine tout art de divination, tout acte de sorcellerie et toute manifestation
du tromba.

Cette règle affermit l’ordre établi dans le domaine de Zanahary jusqu’à celui
de l’homme, etc.La construction structuraliste réduirait le fady à une « simple fonction de
régulation sociale assurant rétroactivement et activement la permanence du groupe » et
serait apte à interpréter notamment la violence et l’absence des conflits au sein d’une
société.

Il nous serait indispensable d’identifier les mécanismes d’impacts des éléments


superstructurels pour nous permettre de cerner le sens évolutionniste de la logique sociale
présente afin d’avoir les éléments nécessaires pour la conception d’une stratégie de
développement local et national.

Ainsi, la royauté joue un rôle important et une fonction déterminante dans la


pratique du tromba car elle constitue la base ouvrière de toute dynamique de formation
sociale en pays sakalava.Le tromba en tant que pratique antimoderniste veut plaider,
dans l’optique altermondialiste, le principe de la légitimité des identités culturelles.

D’une part, il y a l’identité pérenne en terme de malgachéité à travers le tromba


qui légitime et légalise sur le plan ethnique, la notion d’appartenance à une seule et
même souche ; d’autre part, on veut (à tout prix) valoriser des identités cultuelles
relatives du local au régional, et du régional au national.

Nous avons vu à travers cet ouvrage les ressemblances et les dissemblances


entre la royauté , la divination ,l’astrologie , la sorcellerie , et le tromba qui ont comme
acteur principal le saha ou médium . La mort , les fady (tabous et interdits) forment
l’univers symbolique des Sakalava , guident ainsi leur chemin jusqu’au monde des
ancêtres et de la divinité : Zanahary .

Le sens du sacré existe dans toutes les régions de Madagascar et souvent il est
source de motivation des Sakalava et des Malgaches à organiser et à pratiquer les
différents cultes identitaires. Ces derniers, malgré les nombreuses variantes ont les

265
mêmes significations car c’est le moment de tisser le lien social entre les vivants lors de
leurs réunions pour la vénération des ancêtres.

Le hasina a une grande valeur pour les Sakalava. Il est utilisé dans toute
cérémonie traditionnelle et pratique identitaire pour l’ethnie sakalava. Constituant la
pierre angulaire du culte de ladite ethnie, le hasina caractérise, le hataka (demande de
bénédiction), le fanompoa be (bain de relique royale), le jôro (sacrifice), le tromba (rite
de possession, de transe), le tolotro (offrandes).

La thanatologie et les cultes identitaires sont à la base de l’identité culturelle


sakalava, ils constituent le noyau du pouvoir royal et permettent la sacralisation de ce
pouvoir vis-à-vis des peuples. L’indépendance ainsi que les religions modernes (l’Islam
et le Christianisme) ont volé une partie de ce pouvoir.

Tenant le statut d’anti-moderniste, la royauté lutte pour pouvoir perpétuer car à


cause de la modernité, elle va perdre une grande partie de son identité alors qu’une
société sans culture et sans histoire ne vaut pas la peine d’en être une et ne pourra jamais
se développer.

Les Sakalava ne veulent pas d’une culture occidentale, ils veulent respecter
leurs ancêtres et garder leurs traditions. Ils ont grandi dans ces pratiques et pensent donc
avoir une dette envers leurs ancêtres : c’est de les respecter et les obéir pour avoir leurs
bénédictions, c’est comme si ils ont signé un contrat avec les ancêtres.

La colonisation les a tenu à l’écart et a fait en sorte que le pouvoir traditionnel


est devenu un témoin ou plus précisément un titre vaniteux. Ce n’est plus un pouvoir réel
ou un plein pouvoir. Ils ne peuvent plus contrôler leurs enfants quant à la transmission
des savoirs et des sciences traditionnelles ; avant c’était facile car il n’y avait pas
d’autres religions ni d’autres pouvoirs.

L’analyse de la relation entre le fady et les vivants à l’égard de la divinité dans


les croyances traditionnelles (le tromba, le sikidy, le fanandroana et le mosavy), utilise
les apports psychanalytiques qui nous permettent de comprendre pourquoi ce tabou se
pérennise et pourquoi il ne peut se résumer à « une superstition ».

De nos jours, la modernité qui a apporté des changements, est presque devenue
le seul maître à bord alors que pour les Sakalava, c’est la tradition qui devrait l’être. Les

266
pratiques identitaires rappelent l’existence des différentes pratiques identitaires
malgaches et montrent la spécificité des rites funéraires populaires et royaux chez les
Sakalava de Boeny.

Donc, toute prière et sollicitation engendrées par le culte des ancêtres sont
sacrées pour les Sakalava et marquent leurs identités culturelles. On peut affirmer que le
hasina fait partie intégrante de la pratique identitaire sakalava et également de celle de
toutes les autres ethnies de la Grande Ile.

Les cultes identitaires occupent une grande place et les rites y afférents
sont intéressants pour la continuité de l’histoire des Malgaches mais aussi pour
l’organisation et le fonctionnement de la société toute entière. Ces cultes authentifient
donc l’identité des Malgaches et permettent de rendre un dernier hommage aux défunts,
ceci dans le but de pérenniser le pouvoir ancestral et d’obtenir leur bénédiction en retour.

Les rites funéraires sont aussi considérés comme des cultes des ancêtres. Pour
les Sakalava, il est impossible de mener sa vie de façon solitaire et individuelle. Tenant
ce statut d’holiste, les Sakalava croient donc en la vie après la mort qui doit être
préparée non pas par le défunt lui-même mais par les membres de sa famille vivants
pour qu’il puisse accéderau rang des ancêtres. Ceci permet au défunt de revivre les
sentiments affectifs et associatifs, faisant de lui un être social car le corps meurt mais
l’âme ne meurt jamais.

Les rites funéraires ont pour objectif d’adapter et d’intégrer le défunt dans un
domaine holiste où l’individuation et l’individualisation sont des éléments perturbateurs
de l’ordre socialement établi. Il n’y a que la cohésion sociale et la collectivité qui sont les
bienvenues.

Les rites funéraires permettent aux Sakalava de bien gérer la communication


tant entre les vivants qu’avec les morts. Ils constituent la base de l’histoire sakalava
et forment les éléments determinants de la reproduction sociale car grâce à eux, la
nouvelle génération peut vivre l’époque et l’histoire de leur ancêtre. Ceci donne à la
société sakalava l’opportunité de connaître son origine, de maîtriser l’évolution de son
histoire dans le but de préserver son identité.

Le mode de communication entre le monde d’ici-bas et le monde de l’au-delà


est donc examiné par ces rites funéraires qui soulignent des correspondances étroites

267
entre les deux mondes.Les rites funéraires sont les prix à payer pour inscrire
définitivement le défunt dans le monde des ancêtres .

Faute de pouvoir empêcher la mort qui est d’une puissance irrésistible, les
vivants ne peuvent que se contenter d’affirmer leur unité et pérennité en défiant ainsi la
mort par le biais des différents rituels funèbres. Les enfants qui n’ont pas atteint l’âge de
6 mois n’auront pas droit aux funérailles par contre une place leur sera réservée dans le
tombeau familial. Les rites funéraires donnent aux vivants la force et le courage de
continuer le chemin malgré la défaite face à la mort.

L’ensemble des règles rituelles et symboliques qu’on trouve autour de doany


correspond au monde des vivants. Mais les dady font partie de la vie, se définissent en
réaction à la mort et s’intègrent ainsi dans une dialectique de l’opposition dans la
complémentarité. Tous les conflits commencent par des accusations de vols des bijoux
et reliques, de détournements d’argent, de non respect des rites, etc. Les Bemihisatraet
les Bemazava entrent naturellement en guerre et cela se traduit, par la suite, en lutte
politique.

La royauté qui est instrumentalisée par l’administration, les partis politiques et


quelques princes puissants du Boeny, est également exposée à la fracture entre les
dominants et les dominés.

La société sakalava est une société conservatrice et hiérarchisée mais ce statut


a modifié, avec l’introduction de l’économie de marché et le prolongement de la
querelle interne incessante . Cette situation donne naissance à une crise identitaire
car les Sakalava sont en face d’une incapacité plutôt économique qu’idéologique.
Tout cela les conduit à l’affaiblissement, à l’éffondrement de leur royaume.

La croyance aux cultes des ancêtres valorise d’abord la culture de chaque région
et renforce les liens qui existent entre les vivants et les morts. A chacun de prôner sa
propre identité ainsi que d’apprendre à s’intéresser aux autres cultures pour vaincre
l’inconvénient de la mondialisation qui ne cesse de s’enraciner dans les pays en voie de
développement.

En aucun cas, les cultes identitaires ne peuvent être ni un frein, ni une des causes
du sous-développement. Les rites funéraires sont des miroirs qui affichent les

268
consciences collectives et individuelles de la population malagasy et en même temps un
moteur qui rend possible l’intégration du défunt au monde des morts.

Donc, le mort passe par des moments d’apprentissage et de socialisation car il


subit un processus de transformation qui est traduit par le passage du monde
habituellement connu à un monde nouveau inconnu.

Lévi –Strauss propose le rite systématique total , le rite systématique


élémentaire; Durkheim et Mauss à leur tour, opposent les rites positifs et les rites
négatifs mais la société sakalava tient compte de l’activité humaine et de l’au –delà
pour classer ses rites . Les rites funéraires embrassent la vie des Sakalava et continuent
dans l’au –delà.

De l’existence corporelle visible et palpable, le défunt va se présenter sous une


autre forme c’est-à-dire en une manifestation spirituelle qui est parfois rendue visible et
palpable momentanément par l’intermédiaire du tromba lors de la procession. En
d’autres termes, le défunt ne part pas pour de bon car il reste dans l’esprit des vivants du
fait qu’il peut revenir faire ses habitudes en empruntant un autre corps vivant.

Le mystère est là car, le défunt se souviendra de toute sa vie et reconnaitra ses


proches mais ne peut rien leur révéler car étant sous engagement et serment de la vie de
l’au-delà, il ne peut que se contenter de la visite de son ancien monde car il est privé de
l’existence physique (le corps). Il n’a pas besoin de cette dernière pour accomplir ses
rôles d’intermédiaire et de protecteur.

La mort prête un corps vivant pour pouvoir accéder encore une fois au monde
visible qui n’est pas le sien puisque son monde à lui est spirituel et en tant qu’ancêtre, il a
le devoir de veiller sur les membres de sa famille. Pour ce faire, il a recours au rituel de
possession : tromba.

Ainsi, le tromba signifie à la fois l’esprit, le corps possedé et la cérémonie


rituelle mais aussi la communication entre vivants et morts. Ce sont ces rites funéraires,
l’histoire du royaume sakalava, les relations entre groupes et les conflits autour du
pouvoir royal qui constituent les éléments déterminant de la production sociale. D’où la
présence d’une forte acculturation et deculturation dans la région Boeny.

269
Il s'agit de ne pas confondre l'industrie culturelle et la culture car la première
cherche, par les biens culturels, à faire du profit, la seconde cherche à produire de l'être, à
lui dire d'où il vient et à l'aider à se construire. Une vraie mondialisation de la culture, au
sens de patrimoine commun à toute l'humanité reste donc bien à construire. Et c'est bien
dans cette construction que les pouvoirs politiques ont un rôle essentiel à jouer. Les
instances publiques ont en effet un rôle de rééquilibrage et de contre-pouvoir à jouer.

À l'échelle mondiale, la globalisation des marchés affecte les cultures


nationales.Toutefois, il y a une dialectique dans le processus de mondialisation entre
l'ouverture aux autres et la légitime affirmation des identités particulières, notamment
culturelle. C'est un défi dont il faut tenir compte

Face à ce défi et aux opportunités, chaque peuple, chaque personne doit


exprimer des ripostes. C'est le cas en particulier pour Madagascar. Mais une riposte ne
doit pas être une attitude de refus mais plutôt une attitude d'adaptation : comme dans les
sports de combat, une riposte consiste à utiliser les forces en présence. Elle implique un
état d'esprit d'ouverture.

Certes la mondialisation favorise la liberté mais il convient d'y introduire de la


justice, de la sécurité et le sens de la solidarité .La mondialisation n'est ni une espérance à
célébrer ni une facilité : elle est une évolution à maîtriser. Il est possible de se développer
dans la mondialisation.

En somme, la pire des attitudes à l'égard de la mondialisation, qui est d'ailleurs


souvent adoptée spontanément en face d'un phénomène inconnu, nouveau et complexe,
est celle de la peur. Cette maîtrise de la mondialisation implique donc des resistances au
niveau national et au niveau international, d’où les mouvements altermondialistes.

Le dernier chapitre de cet ouvrage a été consacré à la cogouvernance et à la


distribution des responsabilités. Le traditionalisme sakalava, l’opposition :
traditionisme/modernisme, la domination étrangère nous ont permis d’effectuer une
approche scientifique en vue de lisibilité et visibilité de la réalité sociale dans le Boeny.

Le conflit n’est jamais soumis aux instances étatiques que lorsqu’il ne peut
plus être réglé au sein du doany ou entre lignages. Il a toujours existé et perdure
même si la forme et les acteurs changent : c’est bien là son intérêt. Sortir de la

270
colonisation au départ , afficher et conserver leur identité , sont des sources de
tensions pour les royautés dans le Nord-Ouest .

L’intervention des gouvernements peut être utile mais n’est acceptée que
dans la mesure où elle est planifiée dans la tactique. Pour les princes, être en
possession des reliques, c’est avoir le prestige et la reconnaissance.

Il font donc appel à l’ Etat pour avoir de la légalité et de la légitimité mais ils
ne s’inclinent pas devant la loi (par exemple le refus absolu de rendre les reliques de
part et d’autre) . Donc, le système des reliques est une structure compressible qui peut
servir les intérêts de chacun.

Ces permutations se font de façon douloureuse et paradoxale et la


malléabilité des oppositions, anciennes et nouvelles ,surgissant et resurgissant , selon
la conjoncture , prouve que les héritiers du royaume du Boeny ne sont plus en mesure
de dominer les situations , et ce ,depuis plus d’un siècle .

A chaque bouleversement politique, ils sont confrontés au changement en


subissant des repercussions. « Suivant les étapes de l’histoire, l’Etat a acculé les gens
pour que le royaume sakalava s’affaiblisse »195.Ils sont donc dominés par l’Etat .

Les autorités nationales imposent aux autorités monarchiques leur


implication dans la modernité. Cela donne à l’Etat le statut d’une structure récente,
mal integré dans les sociétés locales.

Tout ceci nous fait appel à l’analyse du post –modernisme et de la censure


c'est-à-dire le développement inadéquat et l’ethnicisation des rapports politiques pour
susciter le régime de partenariat entre le gouvernement et les bailleurs de fonds en ce
qui concerne la culture traditionnelle afin qu’il y ait développement intégré. Des
impératifs et des responsabilités sont imposés et suggérés pour concilier la dynamique
des relations existantes entre culture et mondialisation.

Entant que sociologue de formation, nous avons orienté notre recherche dans un
domaine multi et l’interdisciplinaire ainsi que l’approche holistique .Des nouvelles
démarches sont donc à identifier et à adopter.

195
Entretien avec le Mpanjaka be Dezy, Mahajanga, 2006.

271
Faire connaitre à tout le monde l’importance de savoir sa propre culture ainsi
que de connaitre celle des autres est plus que jamais nécessaire pour le développement et
la modernisation de son pays.

Aucun développement ne peut être envisagé sans la connaissance de la culture,


l’histoire, etc. dans le but d’en extraire des analyses, d’en décortiquer les freins et les
obstacles pouvant nuire à tout action d’épanouissement culturel et de développement
économique.

Nous admettons que la conscience historique sakalava et les souvenirs sont


dispersés dans le paysage et distribués parmi les différents types d’individus. Les
premiers adhérents de l’histoire ancestrale sont les médiums et ils ne sont pas des résidus
conservés du système traditionnel.

D’une part, leur nombre a augmenté, et d’autre part, ils sont positivement
engagés à la modernisation et sont issus de l’ère contemporaine.

Le pouvoir royal sakalava est efficace dans la mesure où il y a l’omniprésence


de relation des vivants avec les ancêtres dans les sociétés où l’acculturation
occidentale est combinée avec l’affirmation de l’ identité culturelle et historique .

Le culte des ancêtres s’affiche aujourd’hui comme centre des rivalités tant au
niveau interne (organisation) qu’externe (relation avec l’étranger).

Dans le cadre de la traditionalité sakalava, la spécificité des rites funérairres


représente la fonction symbolique et / ou créatrice qui détermine l’accès au pouvoir.
Sans ces rites, il n’y aura pas de succession possible ; c’estdurant les étapes des
funérailles que la prochaine accession au pouvoir est tranchée.

L’essentiel de cette thèse a été consacrée à la région Boeny, qui est un terrain
insuffisamment exploré par les anthropologues et les sociologues contemporains. Nous
avons donc voulu montrer la permanence du pouvoir symbolique sakalava qui
exprime la volonté de conservation de son identité .

Ce travail socio-anthropologique fait la part entre l’individuel et le collectif


dans les actes d’isolement et d’intégration car la tradition n’est autre que le produit de
l’histoire collective.

272
Ce que nous avons essayé de montrer dans cet ouvrage ce sont les
changements de fonction des rites funréraires. La continuité, la pérennité de la tradition
caractérisent le monde ancestral sakalava. La richesse, la vivacité et la force de la
tradition ainsi que sa faiblesse y sont démontrées et analysées. La tradition (les rites
funéraires) présente ici une double face dont l’une s’oppose à la modernité et l’autre
cohabite obligatoirement avec.

Il faut redynamiser par contre la tradition afin d’arriver à certain stade de


développement car l’univers traditionel sakalava est fondé sur l’histoire. Nous
terminons donc cette thèse par la phrase suivante : « Une société sans histoire et sans
culture ne vaut pas la peine d’en être une ».

Face à la mondialisation /globalisation préssente actuelle et bien


qu’appartenant à une famille royale, nous pensons d’une part, qu’un mode de
gouvernance traditionnelle serait inadapté aux exigences des nouveautés et réalités
d’aujourd’hui .D’autre part, notre pays après avoir vécu un régime républicain et
démocartique, un demi siècle durant, supportera mal ce retour ou ce recul de cinquante
années passées.

Toutefois, à l’instar des pays de l’orient à savoir : la Chine, le Japon ou l’Inde,


nos valeurs traditionnelles méritent d’être protégées ou sauvegardées afin qu’elles
servent d’essence au développement aussi bien économique que socioculturel du pays.
Pour ce faire, la royauté et l’Etat malgache devront envisager la mise en place d’une
administration d’alliance.

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par RATSIMINDRAMANANA Charles.
143 -Emission « Talk Gasy : Fanandroana sy ny Finoana » du dimanche 11
décembre 2005 de 20 heures sur RTA, animée par Guilot RAMILISON et Steve
MANIRY.
144 -Emission « Couleurs des Iles » du Samedi 19 Septembre 2009 de 21heures sur
la Télévision Malagasy, animée par Steve MANIRY.
Journaux
145 -RAKOTOARISOA, J-A. (1999), « Madagascar au XXI ème siècle. Comment
le Malgache peut –il s’adapter au monde de demain ». Interview, L’expresse de
Madagascar, 23 Janvier 1999.
146 -RAMAMONJISOA, J. (2005), « L’ethnicisation des rapports sociaux ». Publié
dans le Journal l’Expresse de Madagascar.

284
Documents officiels
147 -LOI 78 – 040 du 17 juillet 1978 portant sur le cadre général du système
d’éducation et de formation à Madagascar.
148 -LOI 94 – 033 du 13 mars 1995 relative à l’orientation générale du système
d’Education et de formation à Madagascar.
149 -LOI 2004 –004 du 25 juillet 2004 relative à l’orientation générale du système
d’Education et de formation à Madagascar.
150 -LOI 2008 – 011 du 17 juillet 2008 relative à l’orientation générale du système
d’Education et de formation à Madagascar.

Webographies

151 -www.primeminister.com

152 -www.haisoratra.org

153 -www.madamaki.com

154 -www.ethnology.gasy.org

155 -www.photolagarde.com

156 -html/retournement.htm

285
REMERCIEMENTS.......................................................................................................... A
SOMMAIRE .......................................................................................................................C
AVANT- PROPOS ............................................................................................................. E
INTRODUCTION GENERALE ........................................................................................ 1
Première partie: THANATOLOGIE ET CULTURE SAKALAVA ...................... 21
CHAP.I : LES CROYANCES TRADITIONNELLES ............................................ 24
1-1 Zanahary : Dieu ............................................................................................... 24
1.1.1. Définition ................................................................................................. 24
1.1.2. Zanahary lahy, Zanahary vavy ................................................................ 27
1.1.3. Autres faciès de Zanahary........................................................................ 27
1-2. Razana : ancêtre............................................................................................. 28
1.2.1. Statut social des ancêtres : ancestrisme .................................................. 28
1.2.2. Tanin-drazana : la terre ancestrale ......................................................... 30
1.2.3. Fasan-drazana : tombeau ancestral ........................................................ 30
1.2.4. Hasin-drazana ou sacralité ancestrale : ancestralisme .......................... 32
1.3. La fonction du sacré : hasina .......................................................................... 34
1.3.1. Définition du hasina : sacré ..................................................................... 34
1.3.2. Le hasina chez JAOVELO-DZAO ........................................................... 35
1.3.2. Le sens du sacré ....................................................................................... 36
1.3.3. Les variétés du hasina .............................................................................. 37
CHAP. II.TROMBA ................................................................................................. 38
2.1. Définition et évolution de la pratique du tromba ............................................ 38
2.1.1. Origine étymologique ............................................................................... 38
2.1.2. Nom du tromba......................................................................................... 39
2.1.3. Evolution de la pratique du tromba ......................................................... 41
2.2. Typologie et objets cérémoniels du tromba .................................................... 45
2.2.1. Catégorisation des tromba ....................................................................... 45
2.2.2. Objets cérémoniels du tromba ................................................................. 46
2.2.3. Discours cérémoniel et appel du tromba ................................................ 50
2.3. Fady : tabous ou interdits ................................................................................ 52
2.3.1. Essai de définition .................................................................................... 52
2.3.2. Variétés des fady .................................................................................... 54
2.3..3. Synthèses et domination à traves le fady ............................................... 58
CHAP III. DIVINATION, ASTROLOGIE ET SORCELLERIE .......................... 60
3.1. Le sikidy ......................................................................................................... 60

I
3-1-1- Considérations générales ........................................................................ 60
3.1.2. Orientation des figures............................................................................. 62
3.1.3. Différentes formes de sikidy ..................................................................... 65
3.2. Le Fanaraham-bintana ou fanandroana ......................................................... 68
3.2.1. Considérations générales ......................................................................... 68
3.2.2. Les douze mois lunaires ........................................................................... 69
3.2.3. Les 28 destins malgaches ......................................................................... 76
3.3. La sorcellerie .................................................................................................. 80
3.3.1. Précision sur le moasy ............................................................................. 81
3.3.2. Sorcier : être maléfique............................................................................ 81
3.3.3. La différence entre moasy (guérisseur) et mpamosavy (sorcier) ............. 82
Deuxième partie : RITES FUNERAIRES : PRATIQUES IDENTITAIRES DANS
LE « BOENY ». ........................................................................................................... 93
Chap. IV. EXEMPLES DES PRATIQUES IDENTITAIRES MALGACHES ....... 96
4.1. Lanonana......................................................................................................... 96
4.1.1. Définition ................................................................................................. 96
4.1.2. Préparatifs ............................................................................................... 97
4.1.3. Déroulement ............................................................................................. 97
4.1.4. Repas ........................................................................................................ 99
4.1.5. Enjeux et implications .............................................................................. 99
4.2. Famadihana ................................................................................................... 100
4.2.1. Les étapes du famadihana ...................................................................... 101
4.2.2. Les formes .............................................................................................. 104
4.2.3. Buts et valeurs de la pratique ............................................................... 106
4.2.4. Famadihana face à la modernité ........................................................... 107
4.3. Fanompoa be ................................................................................................. 108
4.3.1. Définition ............................................................................................... 108
4.3.2. Déroulement ........................................................................................... 108
4.3.3. Le bain des reliques ............................................................................... 110
4.3.4. Doany Miarinarivo Tsararano Ambony Mahajanga ............................. 112
4.4. Rasa harena ................................................................................................... 113
4.4.2. Préparatifs ............................................................................................. 114
4.4.3. Déroulement ........................................................................................... 114
4.4.4. Aspects socio anthropologiques ............................................................. 116

II
4.5. Tsangan-tsaina .............................................................................................. 116
4.5.1. Définition ............................................................................................... 116
4.5.2. Déroulement ........................................................................................... 117
4.5.3. Aspects religieux et socio politique ........................................................ 120
4.6. Fitampoha ..................................................................................................... 120
4.6.1. Définition ............................................................................................... 121
4.6.2. Préparatifs ............................................................................................. 122
4.6.3. Déroulement ........................................................................................... 123
4.6.4. Les valeurs socioculturelle et politique. ................................................ 124
4.7. Dika vohitra .................................................................................................. 125
4.7.1. Définition ................................................................................................... 125
4.7.2. Déroulement ........................................................................................... 126
4.7.3. Valeurs socio -culturelles...................................................................... 127
4.8. Havoria ......................................................................................................... 127
4.8.1. Définition ............................................................................................... 127
4.8.2. Déroulement ........................................................................................... 128
4.8.3. Essai d’interprétation ............................................................................ 130
4.9. Ati-damba ..................................................................................................... 131
4.9.1. Définition ............................................................................................... 131
4.9.2. Préparatifs ............................................................................................. 131
4.9.3. Déroulement ........................................................................................... 132
CHAP V. ELEMENTS DETERMINANTS DE LA REPRODUCTION SOCIALE
................................................................................................................................ 134
5.1. Triangle Bezavo –Betsioko –Mahabo .......................................................... 134
5.1.1. Les doany du Nord-Ouest ...................................................................... 134
5.1.2. Le tombeau de Bezavo............................................................................ 136
5.1.3. Les tombeaux de Mahabo et de Betsioko ............................................... 137
5.2. Branches dynastiques : Bemazava - Bemihisatra ......................................... 139
5.2.1. Histoire du royaume sakalava du Boeny ............................................... 139
5.2.2. Relation Bemazava-Bemihisatra ........................................................... 144
5.3. Conflits de pouvoirs royaux.......................................................................... 146
5.3.1. Début du conflit ...................................................................................... 146
5.3.2. Création du doany Nord à Mahajanga ................................................. 147
CHAP.VI : LES RITES FUNERAIRES SAKALAVA ........................................ 150

III
6.1. Conception de la mort chez les Sakalava ..................................................... 151
6.1.1. Approches socio-anthropologiques........................................................ 151
6.1.2. La mort et le mort................................................................................... 156
6.1.3. Du refus à la vénération de la mort ...................................................... 159
6-2- Les funérailles populaires ............................................................................ 160
6-2-1- La séance de pleurs et de lamentations ................................................ 160
6-2-2- La toilette et la veillée funèbre. ............................................................. 163
6-2-3- La mise en bière et la sépulture. ........................................................... 165
6-3- Les funérailles royales. ................................................................................ 168
6 -3 -1 . La sanctification lors des funérailles royales.................................. 168
6-3-2- Le déroulement de la séance. ................................................................ 171
6.3.3. L’enterrement du Mpanjaka be Dezy ..................................................... 174
6-4- Les trois étapes des rites funéraires.............................................................. 176
6-4-1- La première étape : rites d’isolation..................................................... 176
6-4-2- La deuxième étape : rites d’exclusion. .................................................. 177
6-4-3- La troisième étape : rites d’intégration. ............................................... 178
Troisième partie : CHANGEMENT DES FONCTIONS DES RITES
FUNERAIRES SAKALAVA. ................................................................................... 186
CHAP VII: CONFLITS ENTRE MODERNITE ET IDENTITE LOCALE .......... 188
7.1. Adhésion à la modernité et pratique syncrétique ........................................ 188
7.1.1. Rites funéraires : pratique cérémonielle anti-modernité ....................... 188
7.1.2. Identité de fonction................................................................................. 191
7.2. Relation éducation – tradition ....................................................................... 197
7.2.1. Essai d’analyse du système éducatif ...................................................... 197
7.2.2. Distance entre éducation et tradition.................................................... 205
7.2.3. Ralliement de la tradition à l’éducation ................................................ 207
7.3. Accommodation statutaire et complaisance idéologico-religieuse des masses
............................................................................................................................. 210
7.3.1. Logique d’accointance entre modernité et traditionnalité .................... 210
7.3.2. Diachronie des changements de fonction des cultures d’identités ........ 212
CHAP.VIII: STATUT DE LEADERSHIP POPULAIRE ET DE L’ESSENCE
ROYALE ................................................................................................................ 215
8.1 Volonté de pérennisation ............................................................................... 215
8.1.1. Volonté libre de cohabitation................................................................. 215
8.1.2. Les pratiques identitaires à travers les récits de vie .............................. 219

IV
8.2. Dimension interculturelle ............................................................................. 221
8.2.1. Mondialisation et culture ....................................................................... 221
8.2.2. Les logiques interculturelles .................................................................. 222
8.2.3. Impacts de la mondialisation sur la culture traditionnelle .................... 225
8.3. Synthèse des rites et individuation des rapports sociaux ............................. 226
8.3.1. Synthèse des rites ................................................................................... 226
8.3.3. Diversité culturelle ................................................................................. 235
CHAP.IX: JEUX INTERACTIFS AVEC LA MONDIALISATION .................... 240
9.1 Pratique moderne et conservatisme identitaire ............................................. 240
9.1.1. Débat dans un contexte de postmodernité et d’hypermodernité ............ 240
9.1.2. Christianisme ......................................................................................... 242
9.1.3. Islamisme ............................................................................................... 243
9.2 Identité véritable de l’universalité ................................................................. 244
9.2.1. Des culturalités régionales à la malgachéité ......................................... 244
9.2.2. Impératif de la dichotomie d’exercice du pouvoir politique .................. 244
9.2.3. De la malgachéité à l’universalité ......................................................... 245
9.3 Logique d’intégration des Malgaches à la mondialisation ........................... 247
9.3.1. Modernité traditionnalisée et tradition post-modernisante .................. 247
9.3.2. Considérations synthétiques .................................................................. 249
9.3 .3.Le post-modernisme et la censure ......................................................... 249
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 274
ANNEXES ........................................................................................................................ VI
LISTE DES PHOTOS ................................................................................................ XXVI
LISTE DES TABLEAUX ......................................................................................... XXVII
LISTE DES FIGURES .............................................................................................XXVIII
GRAPHIQUE ...........................................................................................................XXVIII
LISTE DES ABREVIATIONS .................................................................................. XXIX
GLOSSAIRE ................................................................................................................XXX

V
ANNEXES

ANNEXE 1 : Carte de l’ex-province de Mahajanga

ANNEXE 2 : Carte de la Région Boeny

ANNEXE 3 : Guide d’exploration quantitative

ANNEXE 4 : Guide d’exploration qualitative

ANNEXE 4 : Directions cardinales astrologiques, espace domestique et signification


anthropologiques des points cardinaux à Madagascar

ANNEXE 6 : Plan du doany Miarinarivo

ANNEXE 7: Madagascar

ANNEXE 8 : Analyse et précision sur Boeny

ANNEXE 9 : Provenance des reliques

VI
Source : PRD, Boeny, 2005

VII
SOURCE : PRD, Boeny, 2005

VIII
ANNEXE 3 : GUIDE D’EXPLORATION QUANTITATIVE

Age :

Appartenance sociale:

Confession religieuse :

Origine ethnique :

Sexe :

Niveau d’étude :

Métier / occupation / profession :

Situation matrimoniale :

Profession du conjoint :

Adresse :

Nombre d’enfants :

Taux de scolarisation des enfants :

Fréquentation des doany et église :

Raison de la pratique rituelle :

Position à l’égard de la tradition :

Position à l’égard de la modernité :

Raisons de la pratique du tromba :

Possession d’esprit :

Nombre des Interdits :

Les impacts de la tradition sur le développement :

Positif :

Négatif :

En cours d’évaluation :

Pas d’avis :

IX
ANNEXE 4 : GUIDE D’EXPLORATION QUALITATIVE

1. Pratiquez-vous le culte des ancêtres ?

2. Pourquoi avez-vous choisi de le pratiquer ?

3. Quelle est la pratique que vous avez choisie ?

4. Pour vous les rites funéraires sont –ils obligatoires ou non, pourquoi ?

5. Est-ce que vous croyez en la vie après la mort et au pouvoir ancêtres ?

6. Est-ce que vous pratiquer la divination et l’astrologie ?

7. Pourquoi avez-vous choisi ces pratiques ?

8. Que pensez-vous de la mort ? Il faut la préparer ou non ? Pourquoi ?

9. Que pensez-vous du fait de vénérer les ancêtres, face aux religions


modernes ?

10. Comment gérez-vous la relation entre tradition et modernité ?

11. Comment est-ce que votre entourage perçoit le fait que vous pratiquer le culte
des ancêtres ?

12. Que pensez-vous de l’effondrement du pouvoir traditionnel sakalava ?

13. Pensez vous que la tradition constitue un frein ou blocage pour le


développement ?

14. Quelle est la raison de la perte d’identité culturelle des Malgaches ?

15. Pensez vous qu’il y a une possibilité de concilier la culture et le


développement ? Si non pourquoi ?

16. Est-ce que vous pensez que la valorisation de la culture traditionnelle peut
opérer un développement durable pour Madagascar ?

17. Que suggérez-vous pour marchandiser et pérenniser la tradition ?

X
ANNEXE 5

Directions cardinales astrologiques, espace domestique et signification anthropolgiques


des points cardinaux à Madagascar

NORD
Pouvoir
Autorité
Commandement
Domination

ADALO ALOHOTSY
(verseau) (poisson)
ADIJADY 10 11 12 1 ALAHAMADY
(capricorne) (bélier)

ALAKAOSY 9 2 ADAORO
(sagittaire) Foyer (taureau)

Lit

OUEST EST
Profane Jarre Sacré
Impur Divin
Intrus Ancêtres
Etranger Centre Créateur

ALAKARABO 8 3 ADIZAOZA
(scorpion) (gémeaux)

Porte Volailles
Pilon/mortier

ADMIZANA 7 4 ASORONTANY
(balance) 6 5 (cancer)
ASOMBOLA ALAHASATY
(vierge) (lion)
Place du veau
SUD
Soumission
Humilité
Servitude
Dominé

Source : Dadilahy Kassim, devin et médium au doany Miarinarivo, Mahajanga, 2007.

XI
ANNEXE 6
Plan du Doany Ndramisara Efadahy Manankasina
(Doany Miarinarivo Tsararano Ambony)

NORD EST

RELIQUES
Safidahy Varavara menalio
Zomba Vinda (kely)
Manantany

Fahatelo
ZOMBA (be)

OUEST SUD
VALAMENA Varavara (porte principale)

habitations
TSANDRARAFA
Résidences et habitations Mbabilahy GUY Gardien
humaines Antandrano

et
Maison des

Résidences
TROMBA

humaines
Source : Auteur, enquête à Majunga, 2007

XII
ANNEXE 7 : MADAGASCAR

La Population
Madagascar compte aujourd’hui environ 15 Millions d’habitants. La population descend
essentiellement des Malais et des Indonésiens arrivés sur l’île il y a plus de 1500 ans.
La population est très jeune, puisque plus de la moitié à moins de 26 ans. Elle qui croît
déjà rapidement, devrait doubler d’ici 2015.

La population se compose d’Européens, de Comoriens, d’Indiens, de Pakistanais et de


Chinois et en majorité « d’ethnies » malgaches. Les Français, nombreux sur l’île sont
appelés les « Vazaha » et ceux nés sur l'île même sont des 'Zazatany', ce qui signifie
enfants du pays.

Si on parle « d’ethnies » à Madagascar il est cependant plus juste de parler de peuples.


Ceux-ci se distinguent par leurs traditions et une identité propre à chacun d’eux mais
partagent la même langue : le malagasy. On distingue donc 18 « peuples » différents sur
l’île dont la répartition géographique correspond à d’anciens royaumes.

Certains peuples se distinguent par leur origine : les Merina de la région d’Antanarivo et
les Betsileo de la région de Fianarantsoa sont plus marqués par leur origine indonésienne,
alors que les Sakalava de la côte Ouest sont plus proches des peuples africains de l’Est.

Les 18 peuples de Madagascar


Antaifasy : « ceux qui vivent dans les sables ». Côte Est, région de Farafangana.
Antaimoro : « ceux du littoral », principalement d’origine arabe. Côte Est, région de
Manakara conservent d’anciennes traditions islamiques.
Antaisaka: « ceux qui viennent des Sakalava ». Réputés pour leurs qualités de
combattants. Côte Est, région de Vangaindrano.
Antambahoaka : « ceux du peuple », suivent certaines traditions islamiques comme
l’interdit de la viande de porc. Côte Est, région de Mananjary.
Antankarana : « ceux qui viennent de l’Antakara », ont des influences islamiques. Sont
surtout des pêcheurs et des éleveurs. Nord, région de Diego Suarez.
Antanosy : « ceux de l’île ». Ont un mode de vie régie par de nombreux tabous. Sud,

XIII
région de Fort Dauphin.
Antandroy : « ceux des épines ». Sud, région d'Ambovombe.
Bara : Ils ont le type africain. Sont généralement gardiens de zébus. Centre-Sud, région
de Ihosy.
Betsileo : « les nombreux invincibles ». Principalement des riziculteurs et artisans du
bois. Dans la région de Fianarantsoa.
Betsimisaraka : « ceux qui sont solidaires », Cultivateurs de girofle, de café et de canne
à sucre, les Betsimisaraka sont les spécialistes de la 'Betsa-Betsa', jus de canne fermenté.

Dans la région de Tamatave:

Bezanozano : « ceux aux nombreuses petites tresses ». Est, région de Moramanga.


Mahafaly : « qui rend tabou ». Sont de grands sculpteurs, spécialistes des alo-alo. Sud-
Ouest, région de Betioky et Ampanihy.
Merina : « ceux des hauteurs ». Ont le type asiatique plus marqué. Région
d'Antananarivo.
Sakalava : « ceux des longues vallées ». Ouest, de Tuléar à Nosy Be.
Sihanaka : « ceux qui errent dans les marais ». Agriculteurs. Est, région
d'Ambatondrazaka.
Tanala : « ceux qui vivent dans la forêt ». Dans la région forestière de l'Est.
Tsimihety : « ceux qui ne se coupent pas les cheveux ». Grands éleveurs et riziculteurs.
Région du Nord-Centre Zafisoro : Est, région de Farafangana.
Zafisoro : Rivaux des Antaifasy, ils vivent tout comme eux dans la région de
Farafangana.

Les langues du pays


La langue malgache appartient au groupe des langues austronésiennes, ou malayo-
polynésiennes, tout comme l’indonésien. Elle s’est influencée à la fois des concepts
bantous, de l’arabe et des langues européennes.
Si sa structure reste austronésienne, son vocabulaire est d’inspiration diverse : les noms
d’animaux domestiques viennent du bantou alors que l’astrologie, les jours et mois ainsi
que les concepts religieux sont issus de l’arabe.

Toutefois aujourd’hui le français est dominant, ce qui pose problème pour une grande

XIV
partie de la population, notamment en campagne, qui n’utilise que des dialectes.
L’importance du français dans l’île vient de la période prérévolutionnaire durant laquelle
l’enseignement du français débutait dés la maternelle.
En 1972, durant les événements de mai, les étudiants réclamèrent un enseignement
adapté à la réalité malgache. Mais l’enseignement universitaire étant toujours donné en
français, les élèves issus de la « malgachisation » étaient en décalage.
Le français est donc redevenu la langue principale depuis 1993.

La religion et les croyances


Le peuple malgache d’origine complexe a des croyances et des coutumes diverses et très
particulières. La croyance traditionnelle sur l’île est celle qui admet l’existence d’un seul
Dieu omniprésent, le Dieu Créateur « Zanahary » ou « Andriamanitra », dit « le seigneur
parfumé ».
Cependant, Madagascar porte un culte beaucoup plus important à leurs ancêtres défunts
et se rattachent plus facilement aux ancêtres divinisés appelés « Razana ». Ce culte est
une célébration de la science de la vie et serait défenseur de la vie sur la terre, matérielle
et spirituelle. Le dieu « Razana » est invoqué à toutes les grandes occasions de la vie :
mariage, construction d’une maison ou d’une pirogue, naissance d’un enfant, etc. A ces
occasions, on lui offre en sacrifice des animaux (poulets ou zébus) ou des aliments
(rhum, miel, etc.).

Selon la croyance malgache, certains sinistres comme les accidents ou les maladies
seraient les conséquences d’un manquement au culte des ancêtres. Ce serait un châtiment
infligé par exemple à ceux qui auraient violé un « fady » (tabou). Les ancêtres
garderaient leur individualité et leurs attaches familiales. Leur pouvoir est révélé à travers
les « ordres sacrés » qui dictent l’organisation politique, culturelle et médicale de la
famille ou de la communauté.

L’importance de ce culte voué aux ancêtres explique l’ampleur de l’art et des rites
funéraires dans certaines régions.

Les autres religions à Madagascar


En dehors de la religion traditionnelle, Madagascar compte environ 40% de chrétiens qui
se répartissent à travers 4 grandes églises ainsi que 200 000 musulmans, implantés

XV
principalement sur la cote Ouest et dans la capitale. Les musulmans représentent environ
10% de la population malgache.

Le christianisme
Si l’évangélisation a été réussie à Madagascar, cela est dû en grande partie à la souplesse
des missionnaires européens qui ont réussi à adapter la religion chrétienne à celle des
malgaches, fondamentalement monothéiste. Les deux religions s’associent grâce à des
similitudes comme notamment la résurrection du Christ qui peut facilement être admise
pas les malgaches croyant en une mort sans ruptures mais par une transition vers une
autre vie.

La religion protestante domine les Hautes Terres alors que la religion catholique règne
dans les régions côtières. Cette schématisation semble simpliste, mais elle est le fruit de
l’implantation des différents missionnaires français et anglais dans les différentes régions
de Madagascar. Dans certaines villes importantes comme Antananarivo et Fianarantsoa,
les deux religions cohabitent parfaitement et le paysage est ponctué de clochers d’églises
avoisinant ceux des temples.

L’animisme
Inspiré des rites orientaux, l'animisme est à vrai dire la religion des ancêtres. C'est à ce
titre que même les chrétiens s'y attachent.

L’islamisme
Importé par les marchands arabes, il s'est considérablement dilué dans la civilisation
malgache construite par des apports de tous horizons.

Les rites malgaches


Les rites funéraires en Imerina : le défunt est lavé, habillé et enveloppé d’un linceul
traditionnel, en soie, le « Lamba Mena ». Après avoir été exposé quelques temps à ses
proches, il est mis en bière et transporté jusqu’au tombeau. Ce transfert est l’occasion
d’un dernier voyage sur les propres terres du mort.
En pays Mahafaly et Antandroy, la cérémonie peut durer plusieurs jours et son
importance variera selon la richesse du défunt. Le rite débute par le transport du cercueil.
Il est porté par des hommes qui dansent sur un rythme saccadé alors que les femmes les

XVI
accompagnent en battant des mains. Porté au tombeau et enterré, un monument est
ensuite élevé à la mémoire du défunt.
Cette cérémonie se déroule sur plusieurs jours accompagnée de sacrifices d’animaux dont
le nombre augmente selon la richesse du défunt. Ce sont quelquefois des centaines de
têtes qui feront l’objet du sacrifice.

Les croyances
La mort
La mort, pour la religion traditionnelle malgache, marque le passage du rang d'être
humain au haut rang de Razana. Trois cérémonies importantes accompagnent la mort.
Il s'agit des funérailles, du 'Famadihana' (exhumation) et des sacrifices.
Le Famadihana ou retournement des morts : ce n'est pas une simple tradition, mais entre
dans le domaine profond de la culture malgache. L'objectif est de 'rapatrier' les
descendants d'une même lignée dans un même environnement, voire dans un même
caveau. Cette cérémonie festive est l’occasion de purifier un défunt en lui changeant son
linceul.

Ce rituel se fait selon un ensemble de rites précis : le corps du défunt est exhumé du
tombeau puis enveloppé dans une natte. Il est ensuite porté par deux hommes alors
qu’une procession de proches suit le corps en chantant et en jouant de la musique. Après
avoir reçu des onctions de miel, de tabac, de riz ou d’alcool, le défunt est ensuite
enveloppé dans un nouveau linceul.
La coutume veut qu’on fasse ensuite tourner le corps cette fois autour du tombeau avant
de le redéposer dans son caveau. La cérémonie est clôturée par un discours en mémoire
du mort et à la destinée des vivants.

Les fady
'Fady' peut se traduire par tabou. L'autorité de 'Razana' est dictée à travers des ordres qui
s'accompagnent des 'fady'. Enfreindre un fady équivaut donc à se rendre coupable envers
les ancêtres. De nombreux interdits se créent en fonction de chaque personne selon son
sexe, son appartenance familiale ou communautaire, selon le lieu (espace) et la période
(le temps).

XVII
Le fomba (la coutume)
L'usage peut au fil du temps dériver sur une tradition. Or, s'opposer à la coutume
entraînerait un châtiment de la part des ancêtres. La coutume veut par exemple qu'avant
de boire ou de partager une boisson au cours d'un évènement on verse en guise d'offrande
aux ancêtres un peu d'alcool sur le sol (symbolisant la terre).

La Famorana
La circoncision des garçons malgaches dès leur jeune âge, est l'héritage des croyances
hybrides hébraïques et animistes. Elle se pratique à l'hôpital ou à la maison familiale par
un médecin agréé quelle que soit l’ethnie ou la religion d'appartenance.
Cette manifestation se fait généralement dans une ambiance festive.
L’opération de circoncision est indispensable à la virilité de tout enfant pour qu’il assure
la postérité.

L’architecture funéraire est différente selon les régions de l’île


L’art funéraire sacré est très important à Madagascar. Le respect porté aux ancêtres
malgaches est très fort et génère une production architecturale funéraire riche.

Dans les Hautes -Terres


Dans le pays Betsileo, les caveaux sont surmontés d’un entassement de pierres plates et
plantés de Vatohaly. Ces pierres levées indiquent le nombre de défunts enterrés à cet
endroit. Les tombes sont généralement bâties au sommet de rochers, pour être visibles de
loin.

Dans le Sud-Est
Dans l’Anosy, on peut trouver des ensembles de dizaines de mégalithes formés par des
pierres commémoratives. Elles se trouvent à proximité des tombeaux, des poteaux
entaillés (alo-alo), desquels surplombent des sculptures d’oiseaux notamment. On peut
voir ce type de monuments, en bordure de forêt entre Fort Dauphin et Sainte Luce.

Dans le Sud
Les Bara érigent également des mémoriaux surmontés de figurines d’oiseaux. Ils se
distinguent par le caractère géométrique des motifs. Le Musée de l’Homme de Paris a
conservé un modèle de ces poteaux, qui représente une femme avec son enfant.

XVIII
Chez les Antandroy et les Mahafaly, les tombes sont de grandes tailles allant jusqu’à 15m
de côté et 1,50m de hauteur. Les motifs représentés sont notamment « la croix mahafaly
». Leur sommet est planté de poteaux de bois sculpté, d’une hauteur allant jusqu’à 2m.
Ces poteaux appelés les alo-alo sont représentatifs de la personnalité du défunt. On peut
ainsi voir régulièrement des poteaux décorés de sculptures de gendarme, de cycliste ou
d’avion, etc.

Dans l’Ouest
Les sculptures des tombes les plus anciennes représentent souvent des personnages ou
des oiseaux sacrés, comme les hérons. Plus récemment, on a vu apparaître de nombreuses
sculptures érotiques, leur message restant toujours mystérieux. Les tombes les plus
célèbres se situent dans la région de Morondava. Les Malgaches accordent beaucoup
d’importance aux tombes funéraires pour lesquelles ils dépensent souvent plus d’argent
que pour leur propre habitation, qui elle reste souvent précaire.

Les cérémonies et rituels


Dans les hautes terres, le premier jour de l’année lunaire est marqué par l’Alahamadibe.
On implore à cette occasion la bénédiction de Dieu et des ancêtres par des séances de
purification et des sacrifices de zébus. Sont réunis ce jour là tous les participants autour
d’un grand repas, toujours accompagné de danses et de chants.

En juin, le Fisehagna est célébré dans la province de Diegó Suarez afin de conjurer les
malédictions d’un mois généralement néfaste pour l’île.

Tout l'hiver austral se place sous le signe de la circoncision, du retournement des morts,
et de l'hommage aux ancêtres. La circoncision s'appelle Famorana sur les Hautes Terres
ou Tolaza chez les Betsimisaraka du Sud. La cérémonie la plus spectaculaire est le
Sambatra de Mananjary qui a lieu tous les 7 ans en Octobre. Il s'agit d'une circoncision
collective de tous les enfants mâles de la région. La fête dure une semaine mais nécessite
un mois de préparation.

L'hiver est la période où l'on donne de nouveaux linceuls aux morts. Le Famadihana sur
les Hautes Terres, est une période durant laquelle il n'est pas rare que des familles
promènent les dépouilles de leurs disparus dans les rues. On a également le Ati-Damba

XIX
dans la province de Tamatave, toujours accompagné de l'incontournable sacrifice des
zébus.

En juillet, les Sakalava du Boenyse réunissent pour le Fanompoambe. Les alentours des
sanctuaires sont nettoyés, des offrandes de miel et d'alcool sont faites aux ancêtres, et on
procède au bain des reliques sacrées.

En Août, seulement tous les 5 ans, les Sakalava du Menabe se donnent rendez-vous à
Belo sur Tsiribihina pour le Fitampoha où l'on fait allégeance au roi coutumier tout en
demandant la bénédiction de Dieu et des ancêtres. La cérémonie qui dure une semaine
(exceptés le lundi et mercredi, jours néfastes) est marquée par des chants, des danses, des
sacrifices de zébus, ainsi que le bain des reliques royales qui en est le temps fort.

Tous les 5 ans également, le Nord vibre pour le Tsanga-tsaina ou Cérémonie du Mât,
qui est la plus grande fête Antakarana. Le mât s'identifie à la virilité et au roi, alors que le
sol où il est planté représente la fécondité et la terre-mère. Le Tsanga-Tsaina raffermit les
liens entre les descendants du roi Tsimiharo et consacre le pouvoir du souverain. Marqué
par de nombreuses festivités : pèlerinage à l'île Mitsio et dans les grottes de l'Ankarana,
choix et façonnage du bois du mât, danses, chants et salves de fusils, levée du drapeau
national et de celui à croissant et étoiles rouges du roi, cette fête traditionnelle est la plus
impressionnante de la Grande Ile.

La littérature
La littérature malgache est apparue vers 1850, lorsque l'historien Raombana a rédigé 8
000 pages racontant le règne de Ranavalona I.
La littérature et les poésies modernes se développent dans les années 30 et 40, en
particulier sous la plume de Jean-Joseph Rabearivelo (1901-1937) qui fît paraître le
premier recueil en français La coupe de cendres (1924) puis Sylves (1927) ou Presque-
Songes (1934).Charles Renel, un instituteur, publia en français des Contes de
Madagascar (1910 et 1930). Avec Jacques Rabemananjara (Antsa, 1956; Antidote, 1961)
et Flavien Ranaivo (l'Ombre et le Vent, 1947), il forme la «trilogie malgache» dont les
œuvres, puise aux racines de la pensée malgache et se dressent contre la colonisation.
Le premier roman malgache paraît en 1965: « Les Voleurs de bœufs », de Rabearison. La

XX
génération nouvelle de poètes compte notamment Esther Nirina ('Simple Voyelle', 1980),
à l'écriture pure. Les romancières Charlotte-Arrisoa Rafenomanjato, dans le 'Pétale
écarlate' (1985), et Michèle Rakotoson, dans 'Le Bain des reliques' (1988), décrivent le
conflit social entre tradition et modernité. Jean-Luc Raharimanana ('Lépreux', 'Nouvelle',
1992) vient confirmer l'originalité et la maturité de la littérature malgache.

La littérature orale
Madagascar possède, depuis des temps immémoriaux, une riche littérature orale. Elle
fournit des modèles de comportement et d'enracinement dans les valeurs austronésiennes.
Chaque mythe malgache correspond en effet à un récit de la création du monde à Bornéo,
chaque conte est une variante d’un mythe polynésien. On associe également les hain-teny
aux pantoums malais. Les hain-teny sont des poèmes en prose dont les thèmes récurrents
sont la vie, l’amour, la mort ou les ancêtres. Ces joutes oratoires sont nées dans la région
d’Imerina.

Le riz
C’est véritablement la nourriture privilégiée par les Malgaches. Servi seul ou
accompagné de légumes, d’épices, et de toutes sortes de viandes (zébu) ou poisson, c’est
l’aliment de base de tous les plats à Madagascar. Les Malgaches seraient parmi les plus
gros mangeurs de riz de la planète avec près de 135 kg consommés par année et par
habitant. Cet aliment appelé « vary » est visible dans le paysage de l’île puisque trois
quarts des terres cultivées sont occupées par des rizières.
Le zébu
Cette viande que l’on peut aujourd’hui trouver en France, est très présente sur l’île.
Dégusté en filet, en brochette, en pavé, rosbifs ou ragoût, cette viande est toujours très
tendre. Le zébu, très populaire, remplace notre steack - frites national.

Le trembo (vin de palme)


Prononcé (tchemb), le vin de palme est fabriqué à partir de la fermentation du liquide
recueille à partir de jeunes fruits des cocotiers.

Le Toaka gasy
Ce terme désigne tous les alcools locaux fabriqués artisanalement. Distillés
clandestinement, on le fabrique souvent à base de jus de canne de fruits sauvages.

XXI
Le rhum
C’est une boisson fortement consommée sur l’île. Il en existe une multitude de marques
bon marché, comme la Turbo2, la Cazanove ou la Boum-Boum.

Le Betsa bestsa
Rhum particulièrement prisé sur la côte Nord-Est de l’île, est produite à partir de la canne
à sucre et d’écorces. Peu fermentée, elle n’excède pas 5 degrés mais distillée, elle peut
être très forte. On en trouve dans toutes les petites épiceries en brousse.
Source : www.primeminister.com

XXII
ANNEXE 8 : Analyse et précision sur Boeny

Boina et Boeny

On ne devrait plus dire Boina mais Boeny. Le mot vient en effet du terme Boe qui signifie
rocaille, et auquel l’on a tout simplement ajouté le suffixe locatif – ny. Boe est un mot
swahili ; on le retrouve dans Zimbabwe (Zimba = cité, bwe = pierres)

On ne doit pas non plus écrire doany mais dohany car le mot vient de l’arabe doha qui veut
dire prière, demande, ou requête, au quel on a ajouté également le suffixe locatif – ny.

C’est dan le dohany que l’on invoque les ancêtres pour demander quelque chose.

Quand au mot fanompoa, c’est un dérivé du verbe manompo, origine du mot fanompoana que
l’on écrit fanompoa tout court en dialecte sakalava car le suffixe –ana est transformé en – a
comme par exemple :

- fivoriana devient fivoria

- fihavanana devient fihavana

- fanambadiana devient fananambadia

Par contre, le mot fitampoha est écrit avec un – ha à la fin car il vient du verbe mitampoky ,
action que procède lors du fanompoa be quand on fait prendre leur bain aux reliques : on dit
mitampoky et non manompo.

Tout le monde peut respecter, croie et adorer les ancêtres et l’existence des tromba et du
Doany. Mais chacun a sa façon de prendre le sens de ces trois verbes ; il y a ceux qui ne
croient pas mais respectent, d’autres qui respectent, croient mais n’arrive pas à adorer, et
d’autres encore qui finissent par vénérer. Alors pour le bien de tout le monde, les anciens ont
opté pour le verbe « mitampoky ».

Les Sakalava occupent de vastes territoires mais la densité de la population sakalava est très
faible alors que d’autres tribus sont nombreuses.

D’après les traditions sakalava, c’est pendant les expéditions guerrières, parties de Bengy que
le nom de la tribu a été fixé ; les guerriers étant appelés par ceux qui les redoutaient « ceux

XXIII
venant du Sakalava ». Ensuite, les rois sakalava ont étendu leur domaine vers le Nord par des
conquêtes en formant plusieurs royaumes (Menabe, Boeny, Antakarana).

Le Doany Miarinarivo se trouve actuellement à quelques kilomètres du centre ville dans le


quartier de Tsararano Ambony. En 1973, le Doany se situait au palais royal dans le quartier
d’Androva, un quartier se trouvant sur les hauteurs d’où l’on voit toute la ville de Mahajanga.

Les maisons sont en forme de simple rectangle avec une toiture faite en satrana. Pas de literie
mais juste un altar (autel) dans l’angle Nord-Est sur lequel sont placées les reliques. Le Doany
est rempli de vieux et les maisons sont construites avec des matériaux traditionnels.

Aucun toit en tôle métallique, ni de constructions en briques ou cimentées, aucun bar, aucune
boutique, aucun garage, pas d’électricité. La radio est autorisée mais la télévision non. Il est
aussi interdit de courir dans ce Doany. Il y a beaucoup de tabous dans cette petite ville
d’Andriamisasa concernant, notamment les jours (mardi et jeudi), les aliments (porcs,
pistaches, voanjobory) et l’habillement [pantalons, slips, chaussures, chapeaux (excepté pour
le Mpanjaka et les hommes travaillant dans le Doany), lunettes].

Source : ASSOUMACOU, E-B. (2006), Le fanompoa be et le Famadihana, mémoire de


Maîtrise en Sociologie, Université d’Antananarivo, pp.99-100.

XXIV
ANNEXE 9 : Provenance des reliques

Provenance Reliques Reliquaire

Andriamisara

Menabe Andrianihanina En Or massif


(Andrinadhifotsy)

Andriamandisoarivo
Boeny En Argent
Andriamboeniarivo

* Grands tromba :

Ndramisara, Ndramandisoarivo, Ndramboeniarivo, Ndranihanina, Hambabilahimanjaka,


Tsorabolamena, Ndramarofaly, Ndramandaminiarivo, Ndramihantanarivo,
Ndramanisokoarivo, Ndratianiarivo, Mampiaminarivo, Ndraniavianiarivo,
Zaman’iNdragaganiarivo, Dadilahin’iHoussen, Ndranikendraza, Ndranegneliarivo,
Ndratoaninarivo, Ndratsifaniarivo.

* Tromba tandrano :

Ndrandahy, Tsiromasoandro, Kotonandriana, Kotomena, Jao, Kotomôla, Kotofanjava, Fotsy,


Matraba, Kotolevazaha, Faralambola, Jaovita.

* Tromba vavy :

Dady Ndramandikavavy, Ndramifefiarivo, Dady Tokanono, Akanjovola, Ndratsifohinarivo,


Ndravojeniarivo, Ndranasesiarivo, Moana kely, Nenimoana, Safy, etc.
Source : Musée Akiba, Université de Mahajanga.

XXV
LISTE DES PHOTOS
Photo n° 1 ................................................................................................................................. 85
Photo n° 2 ................................................................................................................................. 85
Photo n° 3 ................................................................................................................................. 86
Photo n° 4 ................................................................................................................................. 86
Photo n° 5 ................................................................................................................................. 87
Photo n° 6 ................................................................................................................................. 87
Photo n° 7 ................................................................................................................................. 88
Photo n° 8 ................................................................................................................................. 88
Photo n° 9 ................................................................................................................................. 89
Photo n° 10 ............................................................................................................................... 89
Photo n° 11 ............................................................................................................................... 90
Photo n° 12 ............................................................................................................................... 90
Photo n° 13 ............................................................................................................................... 91
Photo n° 14 ............................................................................................................................... 91
Photo n° 15 ............................................................................................................................... 92
Photo n° 16 ............................................................................................................................... 92
Photo n° 17 ............................................................................................................................. 182
Photo n° 18 ............................................................................................................................. 182
Photo n° 19 ............................................................................................................................. 183
Photo n° 20 ............................................................................................................................. 183
Photo n° 21 ............................................................................................................................. 184
Photo n° 22 ............................................................................................................................. 184
Photo n° 23 ............................................................................................................................. 185
Photo n° 24 ............................................................................................................................. 185
Photo n° 25 ............................................................................................................................. 255
Photo n° 26 ............................................................................................................................. 255
Photo n° 27 ............................................................................................................................. 256
Photo n° 28 ............................................................................................................................. 256
Photo n° 29 ............................................................................................................................. 257
Photo n° 30 ............................................................................................................................. 257
Photo n° 31 ............................................................................................................................. 258
Photo n° 32 ............................................................................................................................. 258
Photo n° 33 ............................................................................................................................. 259
Photo n° 34 ............................................................................................................................. 259
Photo n° 35 ............................................................................................................................. 260
Photo n° 36 ............................................................................................................................. 260

XXVI
LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Répartition de l'échantillon par sexe ...............................................................17

Tableau 2: Taxation de la tradition comme blocage pour le développement ....................17

Tableau 3: La population selon les status socio-économiques ..........................................18

Tableau 4: Taux d'échantillonnage suivant la catégorie de poupulation ...........................18

Tableau 5: Consultation du tromba ...................................................................................41

Tableau 6:Evolution de la pratique du tromba au doany Miarinarivo ..............................43

Tableau 7:Les différents types de tromba .........................................................................45

Tableau 8:Les matériels utilisés lors de la cérémonie d’invocation du tromba ................47

Tableau 9:Les variétés des interdits ..................................................................................57

Tableau 10:Dika sikidy ou fono sikidy .............................................................................66

Tableau 11:Les significations des figures sur les cartes du sikidy ....................................67

XXVII
LISTE DES FIGURES

Figure 1:Les figures du sikidy ...........................................................................................62

Figure 2:Représentation des destins correspondant aux douze mois lunaires ..................70

Figure 3:Les destins qui se blessent. .................................................................................73

Figure 4:Dispositif des quatre grandes divisions astrologiques lunaires sur les faces de la

maison ...............................................................................................................................77

Figure 5:Les 28 destins .....................................................................................................78

Figure 6:Tombeau sur les Hautes terres centrales. .........................................................106

GRAPHIQUE

Graphique 1:Evolution de la pratique du tromba au Doany Miarinarivo..........................44

XXVIII
LISTE DES ABREVIATIONS

APC : Approche Par les Compétences

APS : Approche par les Situations

CE : Cours Elementaire

CNPD : Conseil National pour le développement

CUR : Centre Universitaire Régional

EPT : Education Pour Tous

FMMB : Fikambanan’ny Mpiara Mamaky Baiboly

FRAM: Fikambanan’ny ray Aman-drenin’ny Mpianatra

IRD: Institut de Recherche pour le Développement

MDRM: Mouvement Démocratique pour la Rénovation de Madagascar

MEN: Ministère de l’Education nationale

PDS: Président de la Délégation Spéciale

PNUD: Programme des Nations Unies pour le Développement

RSM : Révolution Socialiste Malgache

SICE : Société Industrielle et Commerciale de l’Emirne

TOB : Traduction Oecuménique de la bible

TOG : Tôle Ondulé galvanisé

XXIX
GLOSSAIRE

- Abily : esclave, de l’arabe abid, il représente le sixième casier du sikidy


- Adabara : en divination, il symbolise le créateur, et le plus sacré
- Adalo : le verseau, le onzième mois du calendrier lunaire
- Adaoro : le taureau, le deuxième mois
- Adizaoza : les gémeaux indiquent le troisième mois
- Adijady : le capricorne, le dixième mois
- Adimizana: la balance, le septième mois
- Akiba : la dernière figure du sikidy, montre la maison
- Alahamady : le bélier, le premier mois
- Alahamora : le devin, la foule, ou les chagrins en divination, de l’arabe Houmra.
- Alahasady : la nourriture ou la colère en divination, de l’arabe nasrat al- karidja
- Alahasaty : le lion, le sixième mois du calendrier lunaire
- Alakaosy : le sagittaire, le neuvième mois, signe de l’enfant ou de mauvaise pensée
en divination, de l’arabe al –qaûs : Outbat al-dakhila
- Alakarabo : le scorpion, le huitième mois, signifie le malheur en divination, de
l’arabeal-aqrab : naki al –khadd.
- Alibiavo : représente dans la divination la joie, ou la présence d’un fantôme, de
l’arabe bayad.
- Alikasajy ou bestivongo : de l’arabe al-kawsadj, présage de deuil et de malédiction
en divination.
- Alikisy : de l’arabe an-kis, en divination, il est signe de la terre et d’un jour faste.
- Alisay : la septième figure de la divination, l’épouse, de l’arabe al –nisaa.
- Alitsimay : mauvaise pensée, esclave en divination, de l’arabe idjrima
- Alohotsy : les poissons, de l’arabe el- h’oût, ledouzième mois.
- Alokola :de l’arabe al-thikaf, signifie maison, nourriture.

- Ambaniandro : ceux qui sont sous le ciel ; les merina.


- Ambany : en dessous, en bas.
- Ambiroa : esprit
- Ampangataka : médium, intermédiaire, personne qui, communique avec les ancêtres
pour toute demande et requête.
- Ampanjakabe : roi au trône
XXX
- Ampanjaka : dauphin, roi successeur, membre du clan royal
- Anabo : au dessus, en haut
- Analalava : village des Bemihisatra sous le règne de la Princesse Soazara.
- Andevo : esclave, serviteur.
- Andrefa : l’Ouest
- Andriamanitra : Dieu, être ou chose extraordinaire
- Andriana : le Roi, les nobles (traduction des auteurs européens).
- Antakarana : royaume Zafinifotsy Sakalava du nord
- Antandrano : esprit des Zafinifotsy qui sont morts noyés
- Antinana : l’Est
- Antsa : chants de louange au souverain.
- Aomby : zébu, bœuf, du swahili niombequi signifie vache.
- Asara be : grande saison humide, le belier, syn. .Alahamady, cérémonie de clôture du
doany.
- Asitrika : cacher.
- Asombola : la vierge signifie l’abondance en divination.
- Asorontany : l’écrevisse, le cancer, le quatrième mois dans l’astrologie malgache.
- Atsimo : le Sud
- Avaratra : le Nord
- Avelo : esprit
- Bemamangy : trésorière et animatrice dans n’importe quel événement au Doany
- Bemazava : clan royal opposant des Bemihisatra
- Bemihisatra : clan royal qui contrôle actuellement les reliques
- Betsioko : pays de l’Ampanjaka Dezy, et des ancêtres des Bemihisatra
- Bezavo Doany : domaine de l’Ampanjaka Amina, et tombeaux de plusieurs ancêtres
royales.
- Bilady : quatrième figure de divination qui représente le pays et la terre.
- Boeny : royaume sakalava du Nord-Ouest dans la ville de Mahajanga, l’une des 22
régions de la grande île.
- Dady : reliques des roi sakalava.

XXXI
- Doany : temple, place sacrée liée au royaume, demeure royale.
- Efadahy : les quatre grands rois de Boeny dont les reliques restent au Doany
d’Andriamisara.
- Emboko : encens.
- Fady : tabou, interdit, interdit individuel ou collectif.
- Fahatelo : Gestionnaire du Doany d’Andriamisara, frère du consultant et troisième
casier dans le sikidy.
- Fahavalo : huitième case de l’art divinatoire, elle indique les ennemis, les maladies.
- Famadihana : « le retournement des morts », réenveloppés de lambamena.
- Fanahy : âme.
- Fandroana : fête du bon loyal ; marque le début de l’année
- Fanjakana : le pouvoir, par extension, les gens du pouvoir, structure politique
monarchique, esprit des rois qui se réincarnent dans un médium.
- Fanjava : argent, monnaie, lune, mois.
- Fano : plante dont les graines sont utilisées pour l’art divinatoire.
- Fatidrà : sacrifice, lien de sang
- Fanompoa : service pour les ancêtres royaux
- Fanompoa be : bain des reliques royales sakalava, grand service célébré annuellement
- Fanompoa mafana: service sacré ; corvée, service lié aux obsèques d’un roi.
- Fatidra : frère de sang
- Faty : cadavre
- Faty lena : cadavre mouillé
- Faty maina : cadavre sec.
- Fianaha ou fienaha : l’enfant, c’est la cinquième case du sikidy.
- Fianakaviana : famille étroite
- Fiar’omby : deuxième enceinte symbolique qui entoure le doany.
- Fihavanana : le fait d’être parents ; mode de relation idéal fait de compréhension
mutuelle et de solidarité.
- Fitampoha : bain des reliques royales sakalava, grand service célébré annuellement.
- Foko : Groupe défini à la fois par la parenté et l’appartenance à un même territoire.

XXXII
- Fomba : coutume, bonne manière de faire les choses.
- Fomba : traditions, us et coutumes.
- Gorago : du miel cuit spécialement pour le Fanompoa be.
- Haky : Dieu créateur, juge, représente la douzième case du sikidy.
- Haja : Respect dignité, considération, onzième figure du sikidy qui indique ce que
l’on mange.
- Hasina : vertu efficace d’un être, d’une chose, force d’origine sacrée qui rend les actes
féconds.
- Hasin-drazana : pouvoir des ancêtres.
- Hataka : demande, prière pour demander la bénédiction.
- Hena ratsy : mauvaise viande.
- Hena tsara : bonne viande.
- Jambia faly : long sabre, orné et recourbé, de style arabe.
- Jingoa ou Jongô : clan des descendants des compagnons d’Andriamandisoarivo
- Kabary : proclamation royale ; discours.
- Koezy : du swahili koedj qui signifie gentillesse, c’est l’acte et le geste pour honner le
roi, l’esprit du tromba, c’est aussi la manière de saluer les plus âgés chez quelques
groupes en terre sakalava du Nord.
- Kolondoy : chants rituels du tromba
- Lambamena : suaire rouge, de soie sauvage, dont on enveloppe les morts, linceul.
- Lanonana : festiité.
- Manantany : Directeur Général du Doany Miarinarivo
- Masina : La personne qui possède le hasina, saint.
- Moasy : divin, devineur, guérisseur
- Mosarafa : natte sacrée, cadeau royal, don au fanompoa be
- Mpanjaka : souverain
- Mpanjaka Amina : Princesse bemihisatra qui règne au Bezavo doany .
- Mpanjaka Dezy : Prince bemihisatra, fils de Princesse Vahoaka et père du Prince
Herimisy Guy : son successeur qui règne au doany sud Miarinarivo.
- Mpanjaka Moanjy : Prince bemazava régnant au doany nord Manongarivo.

XXXIII
- Mpamosavy : sorcier
- Mpanara-bintana : astrologue spécialisé dans la détermination des jours fastes et
néfastes pour une action.
- Ndramisara : Grand devineur, l’un des fondateurs du royaume sakalava.
- Ndramandisoarivo : Fondateur du royaume sakalava du Boeny.
- Ndramboeniarivo : Fils successeur de Ndramandisoarivo.
- Ndranihanina : La quatrième relique constituant Andriamisara Efadahy, il est
considéré comme grand ancêtre du clan Zafinifotsy.
- Ndramandikavavy : épouse de Ndramandisoarivo, mère de Ndramboeniarivo.
- Ndramanilitsiarivo : le dernier fils de Ndramboeniarivo et son successeur, appelé
aussi Mbabilahimanjaka, époux d’Ankanjovola.
- Ndramandamigny : tromba de l’époque coloniale.
- Ndramiantanarivo : frère aîné de Ndramandamigny.
- Ndranikehindraza : frère du Manjaka Amina, associé de Bezavo doany et Nosy Be.
- Ody : charme
- Ombiasy : devin, conseiller politique
- Razana : ancêtres
- Ranitry : gardien du doany et conseillers du roi.
- Safary : représente la quatrième figure du sikidy, constitue le chemin, indique le
voyage.
- Saha : canal, possédé(e)
- Saha : médium possédé par l’esprit d’un roi défunt
- Sajoa : cruches en terre cuite.
- Sakalava : la grande ethnie de la côte Ouest de Madagascar dont le territoire s’étend
du Mangoky au Sud et de Sambirano au Nord.
- Sambiarivo : groupe de serviteurs royaux.
- Satrana : palmier dont les fibres servent à la confection des paniers, des nattes, des
cordes et des toitures.
- Sikidy : oracle, divination, géomancie.
- Sikidy : art et système de divination, de l’arabe schikel.

XXXIV
- Sorona : offrande ; cérémonie d’offrande
- Taha : sacrifice (oie, canard, coq, etc.) dans le but de guérison.
- Talata : mardi de l’arabe thalath, qui signifie le troisième jour.
- Tale : première figure de la divination indiquant les consultants
- Tanindrazana : terre des ancêtres, par extension : patrie
- Tantara : histoire, privilège justifié par un récit historique.
- Tanimalandy : kaolin, boule de terre blanche utilisée aux Fanompoa et tromba.
- Tanin-drazana : terre ancestrale, terre natale, patrie.
- Toaka : boisson alcoolique
- Trano : maison
- Trano manara : maison froide
- Trano masina : maison sainte
- Tromba : esprit d’un roi défunt, cérémonie de possession.
- Tsiarana : descendant d’Andriamandikavavy
- Tsimandrimandry : nuit de festivité
- Tsiny : reproche ; blâme
- Tsodrano : bénédiction
- Tsodrano : don et contre don lors de Famadihana et du Fanompoa be
- Vaka : perle utilisée pour la confection des charmes (aody).
- Valamena : clôture sacrée du doany.
- Varavara ou varavarana : porte ou portière ou portique.
- Varavara mena lio : porte sacrée réservée aux dignitaires du royaume.
- Vary : riz
- Vava : début du destin (astrologie malgache)
- Vazaha : l’étranger blanc
- Vazimba : premier occupants du sol en Imerina ; anciens chefs dont les tombeaux sont
vénérés ; esprits de la terre, de l’eau et des plantes sauvages ; forces redoutables qu’il
est dangereux de mécontenter.
- Vearara : sabre sacré avec lequel on a sacrifié Andriamandikavavy.
- Vinta : destin, système de destins dans l’astrologie sakalava.

XXXV
- Volamena : or
- Volafotsy : argent
- Vody : fin du destin (astrologie malgache)
- Vonto : milieu du destin (astrologie malgache)
- Zanahary : Dieu créateur, l’esprit des grands ancêtres.
- Zafinifotsy : clan qui a fait la 1ère conquête du Boeny, descendant de l’argent
- Zafinimena : clan fraternel des Zafinifotsy, descendant de l’or.
- Zomba be : palais
- Zomba vinda ou Zomba kely : petits palais dans le Zomba be dans lequel sont
gradées les reliques royales
- Zoro firarazana : coin des ancêtres

XXXVI
Nom et Prénoms : ASSOUMACOU Elia Béatrice
Titre : Les rites funéraires : essai d’interprétation socio anthropologique.
Cas de la région Boeny.
Rubrique : Sociologie des rites et Anthropologie culturelle
Nombres de pages : 285
Nombres de photos : 36
Nombres de tableaux : 11
Nombres de figures : 06
Abréviations :17
Annexes : 09
Bibliographies : 156
RESUME
Cet ouvrage est le fruit de la recherche sur « Les rites funéraires sakalava : essai
d’interprétation socio-anthropologique. Cas de le Région Boeny ». En effet, l’analyse sur la
société sakalava permet de dégager plusieurs facteurs pouvant expliquer les conflits entre
tradition et modernité dans une logique interculturalitaire dynamisant la relation des vivants
aux morts. On insiste sur l’identification de l’angle de compatibilité ainsi que la
complémentarité entre développement et culture. Il s’agit de rompre avec l’idée qui taxe la
culture de frein pour le développement. Le point dont on souligne dans la thèse s’inscrit dans
la dynamique où les rites funéraires permettent aux Sakalava de bien gérer la
communication tant entre les vivants qu’avec les morts. Ils constituent la base de l’histoire
sakalava et forment les éléments déterminants de la reproduction sociale car grâce à eux, la
nouvelle génération peut vivre l’époque et l’histoire de ses ancêtres. Ceci donne à la
société sakalava l’opportunité de connaître son origine, de maîtriser l’évolution de son histoire
dans le but de préserver son identité.

Mots clés :
Identité culturelle, rites funéraires, traditionalité, hasina , tabous, tromba, modernité,
culte , ancêtre , bénédiction , funéraille ,mort , divination ,astrologie , sorcellerie , royauté,
intégration , pérennisation , médium , histoire , conflit , dynastie, etc.

Directeur de thèse : RAJAOSON François


Adresses de l’auteur
Résidentielle : Chambre 493, Cité Universitaire Ankatso I, Antananarivo 101
Téléphonique : 032 02 152 78 ou034 02 152 78
Electronique : assoumacoube@yahoo.fr
Tirage : 06 exemplaires
Surname and First names: ASSOUMACOU Elia Béatrice
Title: Funeral Rituals, Identity practices among the Sakalava Case of Boeny
Rubric: Ritual sociology and cultural anthropology
Number of pages: 285
Number of photos : 36
Number of tables: 10
Number of illustrations: 06
Abbreviations: 17
Appendices: 09
Bibliographies: 156
Abstract / Summary
This work is the fruit of a research on “Funeral rituals, Identity practices among the Sakalava
ethny .Case of Boeny Region”. In fact, this analysis of Sakalava ethny allows us to draw
several factors which can explain the reasons for tradition and modernity conflicts within
intercultural rationale keeping the relationship between the living persons and the dead ones
dynamic. The objective is to break the belief that says culture is a handicap to development.
In the thesis, much stress is laid on the compatible and complementary natures of
development and culture. The topic on which much stress is given in the thesis lays in the
dynamism of the Sakalava community as far as funeral rituals are concerned. This allows
them to communicate between living persons and dead ones. These rituals make up the
foundation of the Sakalava history and build up substantial elements of their social
reproduction. Thanks to them, Sakalava new generation can know their ancestors’ life time
and their history. This gives the Sakalava ethny the opportunity to recognize their origin and
to master the evolution of their history as to preserve their identity.
Key words: cultural identity, funeral rituals, traditionality, sacred potency, taboo, spirit
possession, modernity , cult , ancestor , benediction , funerary , death, divination , astrology,
sorcery , royalty , integration , durability , medium , history , conflict, dynasty, etc.
Thesis director: RAJAOSON François
Author’s address: Room 493, University City of Ankatso I, Antananarivo 101.
Phone numbers: 032 02 152 78 or 034 02 152 78
E-mail address: assoumacoube@yahoo.fr
Number of copies: 06

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