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INTRODUCTION
Valentin Mudimbe dans The Invention of Africa démontre que la perception occidentale de
l’Afrique est très liée à la « bibliothèque coloniale » qui renvoie à des textes produits par les
missionnaires, les administrateurs coloniaux et les ethnologues, tous ces acteurs qui ont
travaillé à assujettir l’Afrique (cf. Amselle, 2005 : 16).
« C’est dans une conjoncture tiers-modiste, sinon afrocentrée, que le CODESRIA voit le jour
en 1973. Issu de l’Institut des Nations Unies pour le Développement et la Planification
(IDEP), institut basé à Dakar et dirigé par Samir Amin, le CODESRIA, lors de sa fondation,
est censé se consacrer à la définition d’une paradigme africain dans les sciences sociales » »
(Amselle, 2008 ; 65). Selon J.-L. Amselle, les objectifs étaient :
« 3) formuler une perspective continentale qui exprime la spécificité des problèmes et des
processus de développement en Afrique
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Le CODESRIA travaille à la mise en place de sciences sociales ayant une perspective
africaine qui puissent faire le poids face à la pensée européenne et nord-américaine. Il vise le
recrutement de chercheurs africains dans une optique assumée de discrimination positive. Le
CODESRIA travaille à l’autonomie des chercheurs et le développement de leur pensée pour
rompre d’avec les théories importées et de construire des paradigmes plus à même de penser
la spécificité africaine (Amselle, idem : 67).
Samir Amin-
Fondateur du CODESRIA, il réfléchit sur des termes qui vont être phares dans sa pensée :
centre-périphérie et anti-eurocentrisme. Il s’inspire du marxisme et développe la théorie de la
dépendance. Cette théorie essaye de faire comprendre les disparités entre le Nord et le sud ce
qui va être appelé le « développement inégal ». Il va développer ses idées dans les années
1970-1980 au sein de l’IDEP puis au sein du CODESRIA. Il va développer une vision anti-
eurocentriste par lequel l’Europe s’arroge le monopole de la rationalité grecque et du
christianisme et à nier les valeurs culturelles non européennes, légitimant ainsi le nouvel ordre
capitaliste.
Selon lui, deux options s’offrent aux pays du Sud : 1) retourner à leurs anciennes valeurs
culturelles ou 2) s’accommoder du pluralisme socioéconomique et culturel. Ces deux options
ne sont, toutes deux, pas satisfaisantes. La première exposerait l’Afrique à un recul du fait de
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son caractère réactionnaire et aveugle au progrès scientifique et la deuxième du fait de son
provincialisme avec les pays constituant la communauté internationale. Il opte finalement
pour le capitalisme jugé pas satisfaisant mais capable d’offrir un compromis acceptable
puisque porter d’une rationalité universelle. Il en appelle à l’avènement d’un autre ordre
économique, culturel et politique non européen, mais reposant sur un ordre reposant sur un
universalisme socialiste et rationnel. Cela permettra ainsi de dépasser les contradictions
inhérentes à l’universalisme capitaliste.
Il étudie à l’Université du Cap puis ensuite à Cambridge sous la direction de Audrey Richards
directrice du centre d’études africaines. N’ayant pas obtenu de poste en Afrique du Sud, il
obtint un poste à l’Université de Dar-es-Salaam en Tanzanie à la fin des années 1960. Il va
faire une enquête en Ouganda sur les paysans. Il fait plusieurs universités et instituts : La
Haye (Hollande), Caire (Egypte), Namibie, etc. Il se pose en faux contre des penseurs du
Nord comme Sally Falk Moore. Avec d’autres chercheurs de sa génération (la première selon
la classification de Mkandawire), il rejette les interprétations colonialistes et néocolonialistes
de l’Afrique.
Mahmood MAMDANI
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politologie, en tant que professeur à l’Université de Columbia (New York) où il dirige
l’Institute of African Studies. L’ouvrage qui l’a vraiment lancé sur la scène africaine
internationale est Citoyen et sujet, l’Afrique contemporaine et l’héritage du colonialisme
tardif (1996 en anglais et traduit en français en 2004). Ce livre a reçu le Prix Herskovits de
l’African Studies association. Il a été président du comité exécutif du CODESRIA de 1998 à
2002. Il interroge l’Etat africain à travers son origine et son enracinement dans la période
coloniale. Il se situe ainsi dans le courant postcolonial des études africaines. Il rejette l’idée de
« société civile », je savoir africaniste « blanc » et plus spécifiquement francophone, il
contribue à la construction d’un « paradigme africain dans les sciences sociales ».
Thandika MKANDAWIRE
- La première est composée d’étudiants allés faire leurs études à l’étranger et revenus
ensuite dans leurs pays exercer le métier d’enseignant ou de chercheur
- La deuxième regroupe des chercheurs partis étudier dans les années 1970 et se sont
fixés à l’étranger. Ils ont été les premiers cerveaux drainés par l’étranger.
- La troisième vague a été formée en Afrique et constitue localement un pilier de la
communauté des chercheurs africains
Il s’illustre dans l’analyse des politiques d’ajustements structurels en demandant aux africains
de s’en approprier. Il est pour la définition d’un paradigme africain en matière de sciences
sociales. Il s’interroge sur les conditions de possibilité d’un savoir « autonome » africain.
Cette optique passe par la critique de l’africanisme occidental. Il leur adresse trois séries de
critiques. i) ils se comportent en Afrique comme des touristes, ii) les collègues africains sont
utilisés comme des informateurs, iii) le manque d’utilisation des travaux africains et
notamment la « littérature grise » produite par ces derniers. Il prône la mise en place d’un
savoir autonome déconnecté du savoir occidental. Cette phase de décrochage panafricain du
savoir lui semble nécessaire mais tout en veillant à ne pas s’isoler définitivement.
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Paul Tiyambe Zeleza
Paulin HOUNTOUNDJI
Paulin Hountondji est né en 1942. Il effectue ses études secondaires à Cotonou (Bénin) et part
continuer ses études en France précisément à l’Ecole Normale Supérieure. Il va faire un
doctorat sous la direction de Georges Canguilhem. Il va enseigner dans différentes
universités : Franche-Comte (Besançon), Université de Lovanium de Kinshasa au Zaïre
(RDC), puis à l’Université de Cotonou où il devient doyen de la faculté des Lettres. En 2005,
il dirige le centre africain des hautes études et l’Ecole doctorale Régionale de la philosophie
de l’Université Abomey-Calavi au Bénin. Il a participé aux débats du CODESRIA.
Il a ainsi commencé par critiquer l’idée d’une « philosophie africaine » telle que la
théorisaient Placide Tempels et Marcel Griaule à travers la « philosophie bantoue » et la
« cosmogonie dogon ». il ne concevait que la philosophie universitaire européenne. Au début
des années 1990, il va abandonner sa position positiviste et épistémologique pour renouer
avec la saisie intuitive de la spécificité des savoirs africains voire avec l’idée d’une « science
africaine » (Amselle : 76-77). Il va théoriser la notion de « savoir endogène » (métallurgie
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traditionnelle, pharmacopée, numérotations traditionnelles, etc.). Il appelle à la réhabilitation
des savoirs rendus caducs, combattus et jetés aux oubliettes par les européens. Ces savoirs
peuvent prétendre à la légitimité universelle, gagner le rang de statut scientifique. Il invite les
africains à l’élaboration d’une épistémologie alternative. Mais, sa perspective reste ouverte
aux influences des savoirs produits en Occident comme s’il invitait à une coproduction de la
science sur l’Afrique.
Ousmane KANE
Il est né en 1955 à Saint-Louis du Sénégal. Après des études au Sénégal, il poursuit ses
humanités à l’Ecole Normale Supérieure en France. Il est philosophe, spécialiste de Nietzsche
et de Boole. Il s’intéresse à l’histoire de la philosophie, la philosophie de la science, la
logique, la philosophie de l’Islam. Professeur pendant plusieurs années à l’université de
Dakar, il va poursuivre son travail à l’Université de Northwerstern d’Evanston aux Etats Unis.
Il convie à dépasser l’approche seulement occidentale pour voir que l’enfermement dans une
pensée unique n’est pas toujours productif. Tous les pays ou cultures qui se sont enfermés ont
régressé.
Au contraire, elle permet d’aller au-delà. Mais Il promeut ainsi une reconsidération des
influences musulmanes et appelle à un « afrocentrisme orientalisé ».
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2- Vers une sociologie recréée
L’articulation des nouveaux et anciens paradigmes dont il est question ici ne renvoie pas à
l’assujettissement aux savoirs qui viennent d’ailleurs, c’est-à-dire aux « applications locales
du mouvement général de la sociologie néo-positiviste et de ses tendances empirico-
analytique et systémique» (Schwarz 1979:133); il s’agit de mettre son ingéniosité à profit
pour produire des savoirs qui révèlent la vérité de l’intimité des réalités locales, celle à
l’œuvre sur le terrain, en même temps qu’ils font un écho critique à ce qui se fait dans les
autres espaces de recherche du monde » (Abé, id. ib.). L’articulation permet de réconcilier
l’anthropologie et la sociologie en cherchant le traditionnel dans le moderne et vice versa.
Pour Claude Abé, « La construction d’une sociologie africaine digne d’intérêt scientifique
passe alors par le réexamen de ses fondations ontologiques et épistémologiques que doit
alimenter le réchauffement de ses liens avec l’histoire et la culture » (Abé, op. cit.15).
La sociologie en Afrique doit avoir comme posture de déconstruire les concepts et théories
élaborées dans d’autres contextes pour mesurer leur validité dans les contextes africains. Ils
ne sont utilisées, adoptées que quand ils passent l’examen critique consistant à montrer leur
degré d’adéquation avec les réalités africaines. Claude Abé résume cette pensée de la sorte :
« C’est une sociologie de la communication en ce sens qu’elle entre en dialogue avec ce qui
se fait ailleurs, elle se met en mesure d’échanger sur la pertinence de ses résultats et sur celle
de ceux des autres ne relevant pas de son aire culturelle » (Abé, 2008 : 589).
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Tamba et Hirchhorn résument bien la vocation actuelle de la sociologie africaine : « (…) les
sociologues africains ne pourront faire face à la mondialisation que s’ils sont capables de
proposer au continent une nouvelle vision de son avenir, et ils ne pourront y arriver que s’ils
assument pleinement la responsabilité de la construction de leur discipline, que s’ils
élaborent enfin une sociologie émancipée du prisme de « l’européocentrisme » et libérée à la
fois de « "l’afropessimisme" » et de "l’afrooptimisme" » (Hirchhorn, Tamba, 2010 : 14).