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Introduction
Mais d’autres difficultés semblent pouvoir être soulevées. Tout d’abord, on peut noter la
dépendance économique des recherches des sociologues africains. Nombre de projets sont
financés par les pays et organismes de recherches étrangers et les thématiques sont souvent
définies ailleurs par d’autres chercheurs que par les sociologues africains eux-mêmes qui
s’invitent dans des recherches dont les inspirations de base leur sont inconnues ou extérieures.
On peut également noter la domination de la pensée d’inspiration occidentale puisque les
concepts, méthodes, paradigmes dominants y ont été développés.
L’articulation des nouveaux et anciens paradigmes dont il est question ne renvoie pas à
l’assujettissement aux savoirs qui viennent d’ailleurs, c’est-à-dire aux « applications locales
du mouvement général de la sociologie néo-positiviste et de ses tendances empirico-
analytique et systémique » (Schwartz 1979 : 133) ; il s’agit de mettre son ingéniosité à profit
pour produire des savoirs qui révèlent la véridicité de l’intimité des réalités locales, celles à
l’œuvre sur le terrain en même temps qu’ils font un écho critique à ce qi se fait dans les autres
espaces de recherche du monde (Abé, id. ib.). L’articulation permet de réconcilier
l’anthropologie et la sociologie en cherchant le traditionnel dans le moderne et vice versa.
Pour Claude Abé, « la construction d’une sociologie africaine digne d’intérêt scientifique
passe alors par le réexamen de ses fondations ontologiques et épistémologiques que doit
alimenter le réchauffement de ses liens avec l’histoire et la culture » (Abé, op. cit. 15).
La sociologie en Afrique doit avoir comme posture de déconstruire les concepts et théories
élaborés dans d’autres contextes pour évaluer leur validité dans les contextes africains. Ils ne
doivent être utilisés, adoptés que quand ils passent l’examen critique consistant à montrer
leur adéquation avec les réalités africaines. Claude Abé résume cette pensée de la sorte : «
c’est une sociologie de la communication en ce sens qu’elle entre en dialogue avec ce qui se
fait ailleurs, elle se met en mesure d’échanger sur la pertinence de ses résultats et sur celle de
ceux des autres ne relevant pas de son aire culturelle. » (Abé, 2008 : 589).
Claude Abé, au même titre que les sociologues qui se prononcent contre une parcellisation de
la sociologie pourrait être rangé parmi ceux que Arjun Appadurai appelle les tenants du
transnational.
Hirchhorn et Tamba résument bien la vocation actuelle de la sociologie africaine : « (…) les
sociologues africains ne pourront faire face à la mondialisation que s’ils sont capables de
proposer au continent une nouvelle vision de son avenir, et ils ne pourront y arriver que s’ils
assument pleinement la responsabilité de la construction de leur discipline, que s’ils
élaborent enfin une sociologie émancipée du prisme de « l’européocentrisme » et libérée à la
fois de « l’afropessimisme » et de « l’afrooptimisme » » ( Hirchhorne, Tamba, 2010 :14).
La sociologie faite par des africains sur des réalités africaines tente, avec des fortunes
diverses, un tel défi consistant à se raccrocher des problématiques mondiales comme l’Etat,
l’espace public, etc. Il y’a là, des voies de recherche, de la part des sociologues africains,
d’une forme de participation à une pensée globalisée mais attachée à une réflexion locale.