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Expérience Professionnelle – PGE3 Classique

Mémoire « Master en Management »


PGE3
2012 / 2013

L’industrie pharmaceutique:
Nouveau "Business Model"

Réalisé par Thibault PEUDON

Professeur Tuteur : Christophe COMBAUDON

Déposé le : 14/06/2013
Soutenu le : 26/06/2013
SOMMAIRE

RESUME .................................................................................................................................... 3

LISTE DES FIGURES ............................................................................................................... 5

LISTE DES TABLEAUX .......................................................................................................... 6

GLOSSAIRE ET ABREVIATIONS ......................................................................................... 7

INTRODUCTION ...................................................................................................................... 8

I. ETAT DES LIEUX DU SECTEUR................................................................................. 10

A. Eléments de cadrage .................................................................................................. 10

1. La filière du médicament : éléments de cadrage ....................................................... 10

2. Réglementation .......................................................................................................... 14

B. Analyse du marché .................................................................................................... 18

1. Analyse de la concurrence : 5(+1) forces de Porter ................................................... 18

2. Analyse de l’offre et de la demande .......................................................................... 21

C. Conclusion sur le macroenvironnement .................................................................... 25

II. ANALYSE DU BUSINESS MODEL DE L’INDUSTRIE ............................................. 27

A. La pharma 1.0 : blockbusters et Big Pharma ............................................................. 27

1. Les caractéristiques du modèle 1.0 ............................................................................ 27

2. Dysfonctionnements .................................................................................................. 28

B. La pharma 2.0 : portefeuille produit diversifié .......................................................... 30

1. Diversification du portefeuille: Acquisition et partenariats ...................................... 30

2. Management du portefeuille produit ......................................................................... 33

3. Disfonctionnements ................................................................................................... 36

C. Stratégies des groupes : continuité du développement du modèle 2.0 ...................... 40

1. Acquisitions & partenariats ....................................................................................... 40

2. Restructuration interne et externalisation .................................................................. 41

3. Innovation: investissement R&D............................................................................... 42

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III. LE MODELE 3.0 : RECOMMANDATIONS .............................................................. 43

A. Théranostique : médecine spécialisée........................................................................ 43

1. La médecine personnalisée ........................................................................................ 43

2. Bénéfices probants pour l’ensemble des acteurs du marché ..................................... 44

3. Analyse du marché .................................................................................................... 45

4. Conclusion ................................................................................................................. 49

B. Recherche et partenariat ............................................................................................ 49

1. R&D : ressources internes, ressources externes ........................................................ 49

2. Alliances et partenariats............................................................................................. 53

IV. CONCLUSION ............................................................................................................. 57

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 58

TABLE DES ANNEXES ......................................................................................................... 59

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RESUME

La disparition progressive du business model du secteur pharmaceutique basé sur une


industrie entièrement intégrée sur sa chaîne de valeur et sur l’exploitation exclusive des
blockbusters (médicaments vendus au plus grand nombre avec des marges importantes) a
conduit les laboratoires pharmaceutiques à revoir leur modèle de développement économique.
En effet, plusieurs facteurs sont en cause : la perte des brevets de ces médicaments princeps
qui a permis l’arrivé de nouveaux entrants spécialisés dans la fabrication de médicaments
génériques ; le renforcement des politiques de santé dans les pays développés qui complique
la mise sur le marché des médicaments et qui favorise également le développement du marché
des génériques, au détriment du marché des médicaments princeps ; la diminution du
caractère innovant des médicaments des portefeuilles produit des grands groupes, consécutive
à l’assèchement du pipeline de leurs centres de recherche, étant donné la diminution des
découvertes et l’attrition plus drastique des étapes de développement. L’ensemble de ces
facteurs oblige donc les laboratoires à réinventer leur mode de développement.

Passant par un modèle axé sur la diversification et le management du portefeuille


produit, l’industrie est en « phase transitoire ». Il s’agit de comprendre comment elle est passé
à ce modèle en analysant le fonctionnement du secteur et ses perspectives de croissance mais
aussi de comprendre pourquoi l’ancien modèle n’est plus d’actualité. Plusieurs
dysfonctionnements du model 2.0, le « modèle transitoire », montrent sa non pérennité : les
forts investissements dans la recherche mal gérés, qui ne conduisent pas à un meilleur
rendement puisque les laboratoires investissement plus mais sont victimes de taux d’attrition
plus élevés ; le management de la mise en place du modèle de la Big Pharma virtuellement
intégrée sur sa chaîne de valeur (VIPCO) n’est pas suffisant ; un réel besoin de traitements
adaptés aux patients et possédant un rapport bénéfices/risques plus faible n’est pas comblé par
les médicaments actuellement mis sur le marché, qui plus est au regard du nombre d’effets
secondaires importants pour certains traitements.

C’est ainsi que plusieurs recommandations sur le développement d’un nouveaux


business model pour l’industrie peuvent être faites. Ce mémoire s’intéresse notamment à deux
axes de développement.

Le premier axe de développement est la médecine spécialisée qui répond à beaucoup


des disfonctionnements évoqués précédemment puisqu’elle permet : de diminuer la durée des

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phases de développement clinique, mais aussi leur coût ; simplifier la commercialisation des
médicaments grâce à l’obtention de meilleurs taux de remboursement et d’un accès au marché
plus rapide ; de fournir aux patients des traitements plus adaptés à leur pathologie grâce à de
meilleurs diagnostics établis par les médecins, étant donné la rapidité et la spécificité des tests
conjoints à chaque traitement ; ou encore d’améliorer le rapport bénéfice / risque et donc de
minimiser les indemnisations qu’auraient à fournir les autorités de santé en cas d’effets
secondaires importants.

L’autre axe majeur de développement réside dans l’intégration par les laboratoires de
la nécessité de travailler en réseaux interconnectés via la mise en place d’alliances
stratégiques avec des centres académiques, des partenaires disposants de ressources impropres
au laboratoire, voire avec des laboratoires concurrents.

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Cycle de vie du médicament .................................................................................... 11


Figure 2: La chaîne de valeur de l'industrie pharmaceutique simplifiée .................................. 12
Figure 3: Les leviers de création de valeur de l'industrie pharmaceutique .............................. 12
Figure 4: Schéma des 5+1 Forces de Porter de l’Industrie Pharmaceutique ............................ 18
Figure 5: Graphique présentant les ventes annuelles de l'industrie pharmaceutique (effectives
ou prévisionnelles) entre 2010 et 2017 .................................................................................... 22
Figure 6: Facteurs clefs de l’analyse de la demande ................................................................ 22
Figure 7:Analyse PESTEL de l'industrie pharmaceutique ....................................................... 25
Figure 8: L’escalade aux investissements pour obtenir des bestsellers (en million de $) ........ 29
Figure 9: Compréhension et mesure du marché ....................................................................... 34
Figure 10:Les 5 étapes pour valoriser un portefeuille produit mature ..................................... 35
Figure 11: Dépenses en R&D des laboratoires pharmaceutiques en 2011 .............................. 37
Figure 12: De l'approche FIPCO à l'approche VIPCO de l'industrie pharmaceutique ............ 39
Figure 13: Schéma des 5+1 Forces de Porter ........................................................................... 47
Figure 14: Complexité des différents types d'alliance stratégique en fonction de leur degré
d'innovation .............................................................................................................................. 52

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Montant des campagnes publicitaires de produits de grande consommation aux


USA en comparaison avec des médicaments blockbusters en 2000 ........................................ 28
Tableau 2: Domaines d'activité stratégique des 10 premières Big Pharma (classement en
fonction des revenus de 2012) .................................................................................................. 31
Tableau 3:Montants des acquisitions les plus chères entre 1999 et 2009 ................................ 32
Tableau 4:Acquisitions et joint-ventures du groupe TEVA ..................................................... 33
Tableau 5: Augmentations des taux d'attrition dans les étapes de développement cliniques au
cours des 20 dernières années .................................................................................................. 38
Tableau 6: Typologie des alliances et objectifs associés ......................................................... 54
Tableau 7: Typologie des stratégies en fonction du degré de coopération et de compétition .. 55
Tableau 8: Typlogies de d'alliances en coopétition .................................................................. 55

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GLOSSAIRE ET ABREVIATIONS

 AFSSAPS : ancien nom de l’ANSM


 AMM : Autorisation de Mise sur le Marché
 ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament
 ASMR : Amélioration du Service Médical Rendu
 Biomarqueur : « paramètres moléculaires, biochimiques ou cellulaires qui peuvent servir
d’indicateur pour dépister précocement une maladie, réaliser un diagnostic précis, établir
un pronostic, déterminer le traitement le plus adapté (stratification des patients) et aussi
suivre la réponse et l’évolution du patient au traitement afin de l’adapter encore en cas de
besoin. » (Source : http://www.nature.com/clpt/journal/v69/n3/full/clpt200113a.html )
 Blockbusters : médicament générant plus de 500 millions de dollars voire 1 milliard
chaque année
 CDER : Center for Drug Evaluation and Research
 CEPS : Le Comité Economique des Produits de Santé OTC : medicament Over the
counter, autrement dit remboursé
 CHMP: Committee for Medicinal Products for Human Use, ce qui correspond au Comité
des Médicaments à Usage Humain
 CMO : Contract Manufacturing Organization
 CRO : Contract Research Organization
 CSO: Contract Sales Organization
 CT : Commission de Transparence
 EMA: L’European Medecine Agency
 FDA: Food And Drug Administration
 ICH : International Conference Harmonization »
 IND : Investigational New Drug application
 JO : Journal Officiel
 NDA : New Drug Application
 SMR : Service Médical Rendu
 UNCAM : Union National des Caisses d’Assurance Maladie

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INTRODUCTION

Depuis les années 1980, l’industrie pharmaceutique a construit un modèle économique


basé sur la vente de médicaments princeps destinés au plus grand nombre, brevetés pour des
durées moyennes de vingt ans. La découverte de ces médicaments blockbusters a été
grandissante jusqu’à la fin des années 1990, où elle a connu une stagnation puis un déclin dès
les années 2000. C’est ainsi que sont apparues des innovations dite mineures, c’est-à-dire des
améliorations factuelles des médicaments par de simples modifications de la structure des
principes actifs de ces blockbusters. Si l’innovation dans ce domaine a fini par se ralentir,
parallèlement plusieurs princeps sont arrivés au terme de leur brevet entraînant des pertes
financières importantes. En 2012, plus de 30% du chiffre d’affaire de plusieurs numéros 1
mondiaux étaient par exemple menacés. Or ce phénomène va se poursuivre jusqu’à la perte
massive de l’ensemble des brevets des blockbusters. Ainsi de nouveaux entrants sur le marché
ont profité de cette conjoncture pour développer des médicaments dits génériques, des copies
des médicaments princeps pour lesquelles ces groupes s’affranchissent de lourds
investissements de recherche et développement. A cela s’ajoute un contexte de crise
économique, qui tend à pousser les gouvernements des pays riches à appliquer des mesures
réglementaires qui mettent en péril la croissance de l’industrie en question suivant ce modèle.

Dans ce contexte défavorable au modèle de l’industrie pharmaceutique que l’on a


connu, une évolution stratégique s’est avérée nécessaire pour l’ensemble des grands groupes
pour lutter contre la nouvelle concurrence, mais aussi et surtout pour développer une stratégie
pérenne. Actuellement, le Business Model de l’industrie pharmaceutique est dans ce que l’on
pourrait appeler une phase transitoire : il s’agit de mettre en place des stratégies permettant de
passer progressivement à un nouveau modèle économique de développement sur le long
terme comme a pu l’être celui basé sur l’exploitation des blockbusters. En effet même si les
prévisions de croissance sont plutôt limitées dans les pays développés, les pays émergeants
offrent d’importantes perspectives de croissance, contribuant ainsi, d’ici 2020, à faire doubler
(en volume de vente) le marché du médicament.

On peut alors se demander, si à l’instar des produits brevetés, le business model de la Big
Pharma exploitant des médicaments blockbusters arrive lui aussi en fin de vie, et que celui sur
lequel l’industrie pharmaceutique se développe actuellement n’est pas viable sur le long
terme, sur quel business model l’industrie pharmaceutique est-elle amenée à se développer ?

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Afin de pouvoir répondre à cette question, cette étude s’appuiera sur plusieurs analyses
sectorielles et rapports sur les perspectives d’avenir de l’industrie pharmaceutique, avec entre
autre quatre documents essentiels :

FEDRIGO Olivier, 2010, Filière santé, état des lieux, organisation de l'innovation et
perspectives, ALCIMED, présentation faite à Marseille le 30 septembre 2010, 22 p.
DUTHOIT Aurélien, 2012, World Pharmaceutical Groups, Global Xerfi, 193p.
XERFI, 2012/2013, Laboratoires pharmaceutiques, Xerfi 700.
PWC, 2012, From vision to decision Pharma 2020, Price Waterhouse Cooper.
(disponible sur le site http://www.pwc.com/pharma2020) 56 p.

Ainsi, il s’agit dans un premier temps de recadrer l’environnement du secteur pharmaceutique


en analysant son fonctionnement global par une étude des éléments clefs d’un point de vue
macroenvironnemental et via une étude du marché. Dans un deuxième temps, il est important
de comprendre pourquoi le secteur est tel qu’il est aujourd’hui, en analysant l’ancien business
model sur lequel les grands laboratoires pharmaceutiques se sont développés ces dernières
décennies, celui sur lequel ils continuent de se développer et enfin quelles sont les stratégies
actuelles qui laissent apparaitre un nouveau business model. Enfin il s’agira de faire des
recommandations sur ce que devrait être le nouveau business model du secteur via les
différentes lectures et analyses que j’aurais pu effectuer.

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I. ETAT DES LIEUX DU SECTEUR

Afin d’appréhender le nouveau business model sur lequel l’industrie pharmaceutique


doit se développer, il est dans un premier temps nécessaire d’analyser le fonctionnement
actuel du secteur pour comprendre quels en sont les disfonctionnements.

A. Eléments de cadrage

1. La filière du médicament : éléments de cadrage

a) Définition du médicament
Une première définition du médicament peut se faire par celle qui est donnée par le
code de santé publique français :

« On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des
propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que
toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou
pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer,
corriger ou modifier leur fonction physiologiques en exerçant une action pharmacologique,
immunologique ou métabolique. » Art. L 5111-1 CSP

Cette étude va principalement s’intéresser aux produits de consommation que sont


médicaments vendus par les différents laboratoires et définis comme précédent. Plusieurs
critères permettent de les distinguer : l’objectif de leur prise (préventif ou curatif) ou leur
mode d’action (pharmacologie, immunologie ou métabolique). Une segmentation du
médicament sera apportée plus loin, mais il est avant cela primordial de s’intéresser au cycle
de vie particulier de ce produit.

b) Cycle de vie et chaîne de valeur


Le médicament fait partie des produits de consommation les plus encadrés et
réglementés, puisque pour assurer un rapport bénéfice/risque favorable, il doit répondre à un
ensemble de critères très stricts.

(1) Cycle de vie


Le cycle de vie du médicament peut se résumer par le schéma suivant :

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Figure 1 : Cycle de vie du médicament

10 000 100 10 1
Molécules Molécules Candidats Médicament
testées testées Médicament

Procédures
Commercialisation
Recherche Tests Recherche administratives
&
exploratoire Précliniques clinique (AMM, prix,
pharmacovigilance
remboursement)

0 5 ans 10 ans 15 ans 20 ans + 5 ans


Maximum
10 ans de R&D 2 à 3 ans

Dépôt du Expiration Si CCP


Brevet du Brevet (Certificat
Complémentaire
de Protections)

Source : Leem.org

Cette version simplifiée du cycle de vie du médicament montre qu’il faut en moyenne
13 à 15 ans entre le moment où un brevet est déposé et la mise sur le marché du médicament
fini, via l’AMM (autorisation de mise sur le marché). Etant donné qu’un brevet dure 20 ans, il
ne reste en moyenne que 5 ans d’exploitation aux laboratoires pour tirer profit d’un
médicament.

Même si des extensions de brevets peuvent être accordées, on comprend bien que le
retour sur investissement d’une molécule doit être rapide. En d’autres termes, le modèle actuel
tel qu’il est nécessite d’avoir un médicament pour lequel la marge du laboratoire est
conséquente et qu’il soit vendu au plus grand nombre. Cette conception est celle qui a permis
le développement de l’industrie pharmaceutique via les blockbusters, qui répondent
entièrement à cette logique. Une fois que le brevet a expiré, le médicament tombe dans le
domaine public est peut alors être "génériqué". [L EEM, 2013]

(2) Chaîne de valeur


Ce cycle de vie se retrouve sur toute la chaîne de valeur de l’industrie et peut être représentée
de la manière suivante:

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Figure 2: La chaîne de valeur de l'industrie pharmaceutique simplifiée

Source : Pricewater house Cooper

La principale source de création de valeur de l’industrie pharmaceutique vient de la


R&D qui amène des produits innovants à forte valeur ajoutée. Cependant la productivité de
cette fonction clef ayant diminué [DUCRUET, 2013], conjointement à un nombre
conséquent de brevets arrivant à terme, le marketing et la réduction des coûts de production
sont devenus des leviers de création de valeur efficaces mais non illimités. L’ensemble des
leviers de création de valeur peuvent se résumer dans le schéma suivant :

Figure 3: Les leviers de création de valeur de l'industrie pharmaceutique

Source: www.pwc.com/pharma2020 - From vision to decision Pharma 2020

Malgré l’exploitation de ces « nouveaux » leviers de création de valeur, l’innovation


reste toujours le principal levier et se doit d’être optimisée, même si certains laboratoires font
appel à d’autres moyens pour dégager un avantage concurrentiel, comme nous le verrons plus
loin dans cette analyse.

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c) Segmentation du marché du médicament
Afin d’étudier ce secteur complexe qu’est l’industrie pharmaceutique, plusieurs
segmentations du marché sont possibles. Dans cette analyse, j’ai choisi de retenir deux types
de segmentation.

(1) Segmentation géographique


Comme nous allons le voir lors de l’analyse de l’offre et de la demande, ainsi que d’un
point de vue réglementaire, une segmentation géographique peut s’avérer pertinente
[DUTHOIT, 2012]. Elle peut se faire suivant trois zones :

Le marché des États-Unis, caractérisé par de fortes dépenses en produits de santé, les
produits les plus innovants et les plus chers du marché mondial ;
Le marché Européen et les pays développés, caractérisé par un durcissement des
politiques de santé publique afin de palier aux déficits publics aggravés par la crise
économique ;
Les pays émergeants, qui présentent un fort taux de croissance grâce à une forte
demande en médicaments et une forte densité de population.

(2) Segmentation par aires thérapeutiques


Pour ce qui est de caractériser les produits, une segmentation par aire thérapeutique peut
s’avérer pertinente, sept catégories différentes peuvent ainsi être définies [XERFI 700,
2012]:

Produits éthiques brevetés : ce sont les médicaments princeps qui détiennent


toujours une protection intellectuelle garantissant au laboratoire l’exclusivité en termes
de fabrication et de commercialisation via un brevet d’une durée de 20 ans minimum.
Leur délivrance est soumise à la prescription d’un spécialiste de santé.
Produits génériques : pour faire simple, ce sont les médicaments copies d’un
princeps dont le brevet a expiré. Une définition complète peut se faire via celle du
code de santé public français: « une spécialité qui a la même composition qualitative
et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la
bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de
biodisponibilité appropriées.» article L.5121-1
Produits OTC/ d’automédication : ce sont les médicaments grand public délivrés
sans ordonnance (« Over The Counter »). Cependant il faut distinguer deux sous-
catégories :

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o Les semi-éthiques, qui peuvent être prescrits par un médecin en vue d’être
remboursés ;
o Les OTC purs, qui ne sont pas remboursables. [IRDES, 2013]
Produits de santé animale
Vaccins
Biomédicaments : cette catégorie regroupe l’ensemble des médicaments issus des
biotechnologies (biosimiliares y compris).
Matériel médical /produit de diagnostic : ce sont les produits de santé destinés à
l’usage privé des malades ou par le biais de professionnels de santé, visant à établir
un diagnostic au sujet d’une pathologie, en vue ou non d’administrer un médicament.
Ces derniers sont également soumis à autorisation de mise sur le marché.

2. Réglementation
Afin de garantir la sécurité des consommateurs dans la prise de médicaments,
plusieurs instances publiques et privées sont chargées de réguler ce marché. Pour comprendre
comment est structuré cette réglementation, nous l’étudierons à l’échelle internationale, puis
sur différents marchés : aux États-Unis, en Europe et en France.

D’un point de vue général, quelque soit le pays, la réglementation du médicament porte sur
les aspects suivant [XERFI 700, 2012]:

l’autorisation de mise sur le marché (AMM);


les règles de prescription et de délivrance ;
les prix et les conditions de remboursement ;
le retrait des médicaments ;
la pharmacovigilance ;
les essais cliniques et la recherche ;
la propriété intellectuelle (brevet et marque).

a) Réglementation internationale
A l’échelle internationale, l’instance réglementaire qui fait loi est l’Organisation Mondiale
de la Santé (OMS). [RAYNEAU A., 2010] Depuis 1946, l’OMS dirige et coordonne
l’ensemble des actions de sécurité sanitaire et met notamment en place les normes de santé
internationales applicables à l’ensemble de ses Etats membres. Concernant la réglementation
des différents marchés, avec entre autre la question de l’autorisation de mise sur le marché
(AMM) d’un médicament, elle est assurée principalement par trois instances majeures:

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La Food And Drug Administration (FDA) sur le marché des Etats-Unis ;
L’European Medecine Agency (EMA) sur le marché européen ;
Le « Ministry of Health, Labour and Welfare (MHLW) sur le marché japonais.
Chaque instance ayant ses propres caractéristiques, elles restent indépendantes puisque
l’évaluation d’un médicament est propre à chaque agence suivant des critères qu’elle a
définis. Par ailleurs à l’échelle de chaque pays, des agences nationales gèrent également ces
aspects réglementaires. [RAYNEAU A., 2010]
Ces trois agences en question se réunissent au cours de conférences internationales,
l’ « International Conference Harmonization » (ICH). Elles permettent des discussions entre
les trois agences afin d’harmoniser la réglementation sur les trois marchés respectifs, sur des
problématiques telles que les critères d’évaluation des médicaments. Elles sont également un
fort moyen de transmission d’informations entre les trois instances réglementaires et
s’inscrivent dans une volonté de développement de médicaments à l’échelle internationale
toujours plus sûre et plus efficiente. [ICH, 2012]

b) Réglementation Américaine
Aux États-Unis, la FDA est l’agence de santé publique qui s’intéresse à la fois à la
sûreté des denrées alimentaires et des produits de santé. Elle est entre autre responsable de
délivrer les autorisations de mise sur le marché des médicaments et dispositifs de santé, mais
aussi d’assurer la pharmacovigilance des produits commercialisés. Pour ce faire, elle est
constituée de neufs centres ayant des spécificités qui leurs sont propres, avec notamment le
« Center for Drug Evaluation and Research » (CDER), qui est le Centre de recherche et
d’évaluation des médicaments. [RAYNEAU A., 2010]

Le CDER est à la fois responsable des médicaments de prescription et des médicaments OTC
(Over The Counter), autrement dit ceux non soumis à une prescription. Il assure ainsi la
révision des dossiers soumis par les laboratoires pharmaceutiques :

l’ « Investigational New Drug application » (IND) est la proposition faite par un


laboratoire pour mener une étude clinique ;
le « New Drug Application » (NDA) est la proposition faite par un laboratoire pour
vendre et commercialiser un médicament.

La mise sur le marché d’un médicament se fait selon une procédure unique qui
englobe l’évaluation positive de l’IND et du NDA. Après approbation de cette deuxième
proposition le médicament obtient l’autorisation de mise sur le marché.

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c) Règlementation Européenne
En Europe, l’EMA est l’agence réglementaire des produits de santé qui est chargée de
l’évaluation, la surveillance et la pharmacovigilance des médicaments destinés aux hommes et
aux animaux. Elle coordonne ainsi l’ensemble des aspects réglementaires des Etats membres.
De plus elle s’impose comme un vecteur d’innovation et d’amélioration de la recherche du
secteur, grâce aux diverses recommandations qu’elle fait aux laboratoires européens. Elle est
constituée de six comités différents, chacun chargé de l’évaluation des médicaments
spécifiques, avec notamment le Comité des Médicaments à Usage Humain (Committee for
Medicinal Products for Human Use, CHMP). [RAYNEAU A., 2010]

Le CHMP assure l’évaluation de l’ensemble des procédures d’autorisation de mise sur le


marché (AMM) des médicaments destinés à l’homme :

Procédure centralisée : obligatoire pour les médicaments issus des biotechnologies,


elle permet d’obtenir une AMM valable simultanément dans tous les Etats membre de
l’Union-Européenne. Le laboratoire ne fait donc qu’un seul dépôt d’AMM auprès de
l’agence.
Procédure de reconnaissance mutuelle : elle permet de déposer un dossier de
demande d’AMM au sein d’un Etat membre, qui une fois validé, pourra s’étendre à
toute l’Union Européenne.
Procédure décentralisée : il s’agit d’un dépôt simultané dans tous les pays de l’UE,
avec un pays choisi comme référent. Une fois l’AMM obtenue dans le pays référent,
elle est étendue à l’ensemble des autre pays.

Une fois l’AMM obtenue, plusieurs évaluations sont faites au niveau national dans le but de
fixer le prix final du médicament et déterminer son positionnent sur le marché. [SITE LEEM,
2013]

d) Réglementation Française
En France, la réglementation en matière de produits de santé s’est faite de plus en plus
stricte suite aux pressions gouvernementales ayant entre autre pour but une réduction du
déficit de l’assurance maladie. L’autorité compétente en matière de santé sur le marché
Français est l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM, anciennement
AFSSAPS). Fondée en 2011, elle est caractéristique d’une évolution de la réglementation des
pays développés, puisque la création de cette nouvelle agence de sûreté des médicaments
concrétise de nouveaux objectifs réglementaires du marché français [SITE ANSM, 2013]:

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« Mesurer régulièrement l’évolution du rapport bénéfice/risque des médicaments
commercialisés
Favoriser un accès rapide à l’innovation thérapeutique avant l’obtention de l’AMM
Assurer la transparence des travaux des commissions et des groupes de travail
Promouvoir la recherche académique sur la sécurité d’emploi des médicaments
Renforcer la gestion des conflits d’intérêt
Faire évoluer les relations avec les professionnels de santé et les patients
Mieux encadrer la publicité »

L’ANSM assure également l’évaluation d’AMM via une procédure nationale de moins en
moins utilisée puisqu’il s’agit uniquement d’une autorisation sur le marché français ; les
procédures via l’EMA restant privilégiées.

Par ailleurs, la délivrance d’une AMM ne marque pas la fin de l’évaluation du médicament.
En France, après cette autorisation, le médicament est évalué par la Commission de
Transparence (CT) qui détermine son niveau d’intérêt via deux facteurs :

Service Médical Rendu (SMR) : il prend en compte plusieurs critères tels que
l’efficacité et les effets indésirables que présente le médicament, la pathologie à
laquelle il est associé ou encore son intérêt pour les patients. Quatre niveaux de SMR
sont définis, allant de « majeur » à « insuffisant ». Le SMR permet ensuite de justifier
d’une éventuelle prise en charge par les services de santé.
Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) : c’est un critère qui vise à
comparer le médicament par rapport à d’autres issus de la même aire thérapeutique.
L’ASMR comprend ainsi cinq niveaux de « majeure » (I) à « inexistante » (IV)1

Grâce à ces deux niveaux la Commission de Transparence (CT) va ensuite inscrire ou non le
médicament comme produit remboursable (en fonction du niveau de SMR). Suivant cette
décision :

L’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) fixe le taux de


remboursement grâce au niveau de SMR,
Le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) fixe le prix final du médicament
suivant une négociation avec les laboratoires pharmaceutiques, en prenant en compte
le niveau d’ASMR définit par la CT

1
Cf. ANNEXE 1 : Niveaux de SMR et ASMR

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Après la publication du médicament au Journal Officiel (JO) le médicament est
commercialisé. Le laboratoire a cependant plusieurs obligations pendant toute la durée de
commercialisation : pharmacovigilance (par les médecins et les pharmaciens), mise en place
d’un plan de gestion des risques liés à la prise du médicament par les patients ou encore la
communication d’un rapport de suivi périodique. [SITE LEEM, 2013]

B. Analyse du marché
Ces premiers éléments de cadrage permettent de comprendre la complexité du secteur
de l’industrie pharmaceutique. L’évolution du marché du médicament est dictée par des règles
en constante évolution qui se ressentent dans l’environnement microéconomique.

1. Analyse de la concurrence : 5(+1) forces de Porter


L’évaluation de l’attractivité du secteur et l’analyse de son environnement
concurrentiel peuvent se faire grâce à une analyse des 5 (+1) forces de PORTER. [XERFI
700, 2013]

Figure 4: Schéma des 5+1 Forces de Porter de l’Industrie Pharmaceutique

fournisseurs Clients
2/5 3/5

Intensité Industrie Autorités de


concurrentielle santé
Pharmaceutique
4,5 / 5 4,5 / 5

Produits de Nouveaux
substitution entrants
1/5 1,5 / 5

Source : Cours sur le marketing des produits de santé

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18
a) Pouvoir de négociation des fournisseurs
Trois types de fournisseurs doivent être identifiés afin de pouvoir évaluer le pouvoir de
négociation global des fournisseurs. Ces derniers se distinguent via trois types de matières
premières :
Les excipients délivrés par les fournisseurs agricoles : ces derniers ont un faible
pouvoir de négociation puisqu’ils sont nombreux sur le marché et que les
laboratoires pharmaceutiques représentent des clients importants.
Les principes actifs, délivrés par les startups de biotechnologies ou les laboratoires de
R&D de l’entreprise elle-même : bien que l’industrie soit très intégrée, elle tend à
s’externaliser de plus en plus. Le pouvoir de négociation est donc plutôt en défaveur
des laboratoires pharmaceutiques.
Les médicaments eux-mêmes, fabriqués par des « façonniers » qui gèrent la chaine
de fabrication pour le laboratoire pharmaceutique. Le pouvoir de négociation tend à
être du côté des laboratoires, même s’ils dépendent beaucoup des façonniers, qui
restent tout de même encore peu présents sur le secteur.
Globalement, le pouvoir de négociation est en faveur des laboratoires, compte tenu de
l’importance qu’ils représentent pour leurs fournisseurs ce qui leur confère un pouvoir de
négociation plus fort : 2/5.
Les modes d’approvisionnement en matières premières de l’industrie pharmaceutique ne
semblent pas être amenés à beaucoup de bouleversement. [XERFI 700, 2013]

b) Produits de substitution
Le développement des produits de substitution de plus en plus important
(phytothérapie, cures thermales…) ainsi que les campagnes de santé publique, incitant à la
pratique du sport ou à une meilleure alimentation dans les pays développés, encouragent la
substitution des médicaments. Malgré ces quelques possibilités qui pourraient constituer des
produits de substitution, la thérapie médicamenteuse est largement majoritaire, sans compter
que dans le cas de pathologies lourdes il n’existe pas de substituant. [XERFI 700, 2013]
L’importance des produits de substitution reste donc faible : 1/5.

c) Intensité concurrentielle
L’intensité concurrentielle est très importante dans le secteur, compte tenu des
mutations qu’il a subies. En effet, les nouvelles réglementations ont notamment permis
l’avènement des laboratoires spécialisés dans les génériques, acteurs qui n’étaient pas présent
auparavant. [XERFI 700, 2013]

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


19
L’industrie pharmaceutique est donc très concurrentielle : 4,5/5.
A noter au passage que la concurrence dans l’industrie pharmaceutique se joue sur la capacité
d’innovation et la gestion du portefeuille produit.

d) Nouveaux entrants
Les nouveaux entrants sur le marché de la dernière décennie sont essentiellement les
laboratoires spécialisés dans la fabrication des génériques. Ces derniers se dispensent des
coûts importants de R&D liés au développement des médicaments. En effet, le coût de
développement de médicaments génériques est estimé à environ 20% de celui d’un
médicament princeps, puisque le laboratoire doit seulement prouver la bioéquivalence du
médicament générique par rapport au médicament princeps.
Depuis plusieurs années, les laboratoires de biotechnologies sont devenus les nouveaux
entrants sur le marché. Cependant ces derniers sont très souvent contraints de travailler en
partenariat avec les laboratoires pharmaceutiques, puisque qu’ils ne disposent pas de moyens
suffisants pour palier aux barrières à l’entrée du marché. [XERFI 700, 2013]
Les nouveaux entrants sont donc peu nombreux et ne présentent pas une menace conséquente
pour bouleverser le marché: 1,5/5.

e) Pouvoir de négociation des clients


Quatre types de client peuvent être identifiés, selon le niveau considéré:
Les prescripteurs (médecins, pharmaciens et autres professionnels de la santé) : 80%
des échanges passent par eux, même si leur indice de confiance tend à diminuer
(actuellement 4/5). Leur pouvoir de négociation est donc important, même s’il est
plutôt en déclin dernièrement.
Les payeurs : mutuelles, assurances ou sécurité sociale (selon les pays) gardent un très
fort pouvoir de négociation compte tenu de l’appui que leur octroient les différents
gouvernements.
Les distributeurs : les grossistes ou groupements de pharmaciens, possèdent un
pouvoir assez faible mais qui tend à augmenter. En effet, la création de groupements
de pharmaciens, par des économies d’échelle, leur permet d’imposer une nouvelle
forme de pouvoir face aux laboratoires.
Les consommateurs : seuls les OTC leur permettent d’avoir un pouvoir de négociation
notable. Les clients finaux gardent donc un pouvoir de négociation modéré car il est
fortement dicté par le remboursement des médicaments.
Cette disparité des pouvoirs permet de faire une moyenne de : 3/5.

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20
f) Etats et organismes
La forte législation, comme nous l’avons vu précédemment, ainsi que le pouvoir des
organismes d’état à introduire ou retirer un produit du marché sont autant d’indicateurs d’un
très fort pouvoir étatique : 4,5/5.

g) Bilan de l’analyse
Cette analyse nous permet de mettre en évidence la forte intensité concurrentielle du
secteur, qui ne laisse pas la place à de nouveaux entrants compte tenu des nombreuses
barrières à l’entrée (financières et réglementaires). Les nouveaux entrants identifiés sont les
laboratoires de biotechnologies qui ont une part de plus en plus importante dans le secteur,
grâce aux différents partenariats que ces sociétés mettent en place avec les laboratoires
pharmaceutiques. En effet, si l’on prend par exemple le nombre d’essais cliniques mis en
place entre 2009 et 2011, une étude de l’institut Biomérieux met en évidence seulement 6
projets de développement de médicaments utilisant les biomarqueurs, contre 55 en 2011.
[BEELER, 2013]

De plus, le marché est caractérisé par le fort pouvoir étatique et un pouvoir de


négociation à la fois des fournisseurs et des clients plutôt modéré.

Globalement le marché du médicament est donc fortement concurrentiel, bénéficie de


fortes marges de négociations mais n’est pas propice à l’arrivée de nouveaux entrants étant
donné les nombreuses barrières à l’entrée.

2. Analyse de l’offre et de la demande


Lorsque l’on s’intéresse à l’évolution des ventes du secteur pharmaceutique jusqu’en
2017, on constate une augmentation de plus de 40% des ventes mondiales comme le montre
ce graphique.

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21
Figure 5: Graphique présentant les ventes annuelles de l'industrie pharmaceutique (effectives
ou prévisionnelles) entre 2010 et 2017

Ventes globales de l'industrie pharmaceutiques (millions de $)

1300
1243
1250
1200 1180
Ventes (millions de $)

1150 1118
1100
1058
1050
1001
1000
955
950 919
900 876
850
800
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Année

Source : Global pharmaceutical groups XERFI 2012

Afin de comprendre les facteurs responsables de cette évolution et notamment d’une


croissance annuelle moyenne de 5,5%, une analyse de l’offre et de la demande du marché
s’impose. [DUTHOIT, 2012]

a) Analyse de la demande
Plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour évaluer la demande globale du secteur :
Figure 6: Facteurs clefs de l’analyse de la demande

Augmentation de la population
Vieillissement de la population
Urbanisation
Prise en charge des dépenses de santé
Crise financière Source : Adaptation Xerfi 700 2013

D’ici 2020 la population mondiale devrait atteindre les 7.6 millions (contre quasiment
7 milliards aujourd’hui) ce qui devrait contribuer à faire croître la demande mondiale en
médicaments. [DUTHOIT, 2012]

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22
Avec une augmentation du nombre de personnes de plus de 65 ans estimée à +5%
entre 2010 et 2020 dans les pays développés, ainsi qu’une augmentation de 5 % entre 2010 et
2030 dans les pays émergeants, le vieillissement de la population contribue à augmenter la
demande mondiale du marché. En effet cette augmentation de l’âge moyen de la population
est un vecteur de croissance de la demande sur le marché puisqu’une population âgée présente
des risques plus grands de présenter des maladies chroniques ou des pathologies lourdes
(diabète, cancer…). [PWC, 2012]
Dans les années à venir, l’urbanisation de plus en plus importante des populations des
pays développés, mais aussi et surtout de celle des pays en développement devrait fortement
contribuer à une croissance de la demande. Cela vient du fait que cette dernière s’accompagne
d’un meilleur accès aux soins et produits de santé et d’un accroissement de mauvaises
habitudes de vies, elles-mêmes responsables du développement de certaines maladies liées à
l’environnement socioculturel.
A nouveau l’Etat joue un rôle important dans l’évolution de la demande, puisqu’il est
à l’origine du prix final dont bénéficiera le client ; la prise en charge des dépenses de santé
étant liée aux décisions étatiques, avec des différences notables d’un pays à l’autre. A noter
que l’Europe fait partie des régions où la demande est fortement soutenue par la prise en
charge des dépenses de santé par l’Etat, contrairement aux pays émergeant ou aux USA.2

Sous un autre aspect, la demande dépend grandement du marché lui-même. Trois différents
marchés peuvent ainsi être identifiés, avec des demandes qui leur sont propres :
les USA,
l’Europe et les pays développés (Japon, Canada),
les pays émergeants.

Les États-Unis sont une exception notable en matière d’évolution de marché, puisque l’on
y observe une faible espérance de vie et un accès restreint aux médicaments, malgré les
innovations thérapeutique présentes. Cela s’explique par deux facteurs principaux conjoints :
 Une faible intervention étatique dans la fixation des prix, en comparaison avec la
France par exemple, qui permet la mise en place par les laboratoires de prix très
élevés, malgré la réforme du gouvernement Obama.

2
Cf. ANNEXE 2 : dépenses publiques de l’industrie pharmaceutique par zone géographique

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


23
 Une mauvaise hygiène de vie courante, qui conduit à l’apparition importante de
maladies, que beaucoup d’américains ne sont pas en mesure de soigner compte tenu
des prix élevés des traitements.

Concernant l’Europe et les pays développés, ces derniers présentent une faible croissance
due à l’augmentation des déficits et de la crise financière qui ont forcé les gouvernements à
mettre en place des réductions des coûts et une régulation plus marquée dans l’industrie de la
santé. Cependant, d’importantes disparités sont notables au sein de l’ensemble de ces pays,
comme par exemple l’Espagne qui fait partie des plus touchés.

Enfin les pays émergeants présentent une forte demande et des perspectives de croissance
accrues. En effet, ils représentent plus de 20% de la demande mondiale du secteur avec plus
de 80% de la population mondiale. La croissance dans ces pays étant fonction de facteurs à la
fois économiques et politiques.

b) Analyse de l’offre
La croissance annuelle du marché mondial est estimée à 5% jusqu’en 2015, selon une
étude de l’IMS Health de 2011. Cette croissance est en grande partie due aux pays
émergeants, puisqu’entre 2005 et 2010 ils contribuaient à hauteur de 38% à cette dernière,
contre 48% entre 2010 et 2015 selon les prévisions de cette même étude.

Par ailleurs, l’offre devrait se caractériser par une augmentation massive des médicaments
génériques au détriment des médicaments princeps, avec 27% de génériques et 64% de
princeps en 2010 contre respectivement 39% et 53% en 2015 selon cette même étude.
[DUTHOIT, 2012]

c) Conclusion
Globalement, cette analyse met en évidence trois facteurs en faveur d’une forte
augmentation de la demande qui sont : l’augmentation et le vieillissement de la population, et
l’urbanisation. Un quatrième facteur dépend quand à lui fortement de la zone géographique
dont il est question, puisque la prise en charge des dépenses de santé dépend elle-même de
décisions gouvernementales en faveur ou non de cette dernière. Or d’un pays à l’autre comme
nous l’avons vu, les politiques à ce sujet ne sont pas les mêmes.

Pour ce qui est de l’offre, elle devrait suivre ces tendances, avec une augmentation massive
dans les pays émergeant. Dans le détail de cette dernière, une augmentation de la part des
génériques est également à prévoir.

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24
C. Conclusion sur le macroenvironnement
Cette première partie nous a permis de mettre en évidence les éléments majeurs
caractérisant le secteur de l’industrie pharmaceutique, l’ensemble des facteurs ayant un
impact sur le macroenvironnement du secteur peuvent se synthétiser dans une analyse
PESTEL.

Figure 7:Analyse PESTEL de l'industrie pharmaceutique

Source : Global pharmaceutical groups XERFI 2012 & PWC

D’un point de vu politique, les gouvernements des pays émergeants mettent en place
des mesures en faveur de l’amélioration à l’accès des soins, tout comme au États-Unis. A cela
s’opposent des mesures draconiennes dans les autres pays développés afin de réduire les
déficits publiques de santé, ainsi qu’une favorisation des médicaments génériques.
Globalement, l’impact politique reste plutôt neutre.

Economiquement, la forte croissance dans les pays émergeants compense le


ralentissement de celle dans les pays développés et la crise économique mondiale. Il y a donc
un impact plutôt positif.

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


25
Pour ce qui est des comportements socioculturels, ils ont un impact très largement
positif, comme nous l’avons vu dans l’étude de la demande, malgré une tendance à
l’utilisation des médicaments génériques qui devrait s’accroitre.

D’un point de vue de l’innovation technologique, l’impact reste malgré tout positif,
étant donné qu’elle constitue de nouveaux challenges pour le secteur et de nouvelles
perspectives de croissance, même si plusieurs technologies ne sont pas encore maîtrisées par
les laboratoires.

Au niveau environnemental, l’impact est modérément négatif si l’on considère les


réformes prônant des modes de fabrication plus respectueux de l’environnement.

Enfin, d’un point de vu légal, le seul point positif notable reste la propriété intellectuelle qui
existe grâce aux brevets et aux extensions que les laboratoires peuvent obtenir, mais les
difficultés réglementaires et l’expiration progressive des brevets constituent autant de points
négatifs qui permettent de classer l’impact des aspects légaux comme étant majoritairement
négatif.

Cette analyse PESTEL nous permet de mettre en évidence les facteurs clefs de succès sur
lesquels l’industrie peut capitaliser :

Innovation : c’est le principal facteur clef de succès de l’industrie. En effet


l’innovation est primordiale pour développer de nouveaux médicaments toujours plus
efficace et moins toxiques. Les deux principaux enjeux sont :
o Le management de l’innovation, autrement dit savoir identifier ce qui est
commercialement et « thérapeutiquement » innovant.
o Améliorer la productivité des laboratoires, puisque les fonds engagés en R&D
sont plus importants et le nombre de molécules commercialisées est plus
faible qu’auparavant [PWC, 2012]
Prix des médicaments : la maitrise du prix des médicaments est un facteur essentiel
pour pouvoir fournir aux patients des médicaments à des prix abordable. Cela sous-
entend une maîtrise des coûts de production et un soutien de la part des autorités de
santé.
Alliances et partenariats : la maitrise de la gestion des partenariats allant de
l’alliance simple à la joint venture.

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26
II. ANALYSE DU BUSINESS MODEL DE L’INDUSTRIE

Après avoir identifié les différents éléments clefs pour comprendre comment le secteur
est structuré et les enjeux à maîtriser, nous allons nous intéresser au fonctionnement de
l’industrie pharmaceutique et appréhender le nouveau business model sur lequel ce secteur va
pouvoir se développer pendant les prochaines années.

Nous verrons donc dans un premier temps comment le secteur a progressivement


changé de business model pour arriver à celui sur lequel il se développe actuellement, puis les
différentes stratégies des grands groupes qui permettent d’appréhender le nouveau business
model de l’industrie pharmaceutique

A. La pharma 1.0 : blockbusters et Big Pharma


Depuis les années 2000, le modèle basé sur l’exploitation des blockbusters connait un
déclin progressif. En cause majeure, l’expiration progressive des brevets de ces médicaments
générateurs de forts revenus, conjointe à une diminution de l’efficience de la recherche et du
durcissement des politiques de santé. [ERNST & YOUNG, 2012]

1. Les caractéristiques du modèle 1.0

a) Les aspects financiers


Contrairement à beaucoup d’autres secteurs industriels au sein desquels on retrouve
généralement différents business model, les laboratoires du secteur pharmaceutique ont tous
convergé vers l’établissement d’un seul et même business model. Ce dernier, que nous
appellerons le modèle « Pharma 1.0 » s’est basé sur un fort investissement pour le
développement de médicaments princeps appelés blockbusters. Derrière ce nom, on qualifie
un médicament permettant de générer un profit global de plus de 1 milliard de dollars. Afin
d’assurer un lancement de produit le plus profitable possible, des coûts publicitaires pour le
lancement de blockbusters aux USA pouvaient atteindre des sommes supérieures à celles
consacrées à des produits alimentaires ou des biens de consommation de masse.
[DESMARTEAU R., EBRAHIMI M. & SAIVES A.L., 2007] L’exemple le plus flagrant
est le médicament Vioxx© développé par Merck et mis sur le marché en 1999, comme le
montre les chiffres du tableau suivant :

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27
Tableau 1: Montant des campagnes publicitaires de produits de grande consommation aux
USA en comparaison avec des médicaments blockbusters en 2000

Montant des dépenses


Médicament ayant un budget
Entreprises publicitaires pour ses
publicitaire supérieur
produits phares
Dell 160 millions de dollar
Pepsi 125 millions de dollar < Vioxx (160 millions de $)
Budweiser (bière) 146 millions de dollar
Nike 78,2 millions de dollar < Les 7 médicaments les plus publicisés
Campbell’s 58 millions de dollar < Les 13 médicaments les plus publicisés
Source : La chaîne des médicaments, perspectives pluridisciplinaires NIHCM, 2001

On estime que ce modèle a permis d’engendrer des bénéfices de quasiment 1 trillion de


dollars à l’ensemble des Big Pharma .

b) Les aspects organisationnels


Concernant l’organisation, ce modèle a axé son développement sur une industrie
fortement intégrée le long de sa chaîne de valeur, garantissant un contrôle global : c’est le
modèle de la Big Pharma, du “bigger is better". On parle aussi du modèle FIPCO (Fully
Integrated Pharma COmpany model) selon lequel le laboratoire pharmaceutique gère en
interne la recherche, le développement, la fabrication, le marketing et la vente pour
l’ensemble des produits de son portefeuille. [FEDRIGO OLIVIER, 2010]

Cependant le problème de cette intégration horizontale est qu’elle fait naître des risques
importants qui sont conjoints à des investissements R&D incertains.

2. Dysfonctionnements
Malgré un fort développement économique, cet âge d’or a été mis à mal par plusieurs facteurs
[FEDRIGO OLIVIER, 2010] :

Déclin des découvertes R&D


Augmentation des coûts de commercialisation
Importance plus grande accordée aux payeurs
Durées d’exclusivité plus courtes et expiration des brevets

Il en résulte un retour sur investissement plus faible, consécutif aux coûts de développement
plus élevés. En effet, comme l’illustre la figure 8, de la recherche à la commercialisation,
l’ensemble des coûts a augmenté de 55% en seulement quelques années, atteignant quasiment

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


28
1,7 millions de dollars. [DESMARTEAU R., EBRAHIMI M. & SAIVES A.L., 2007]
Actuellement, avec en moyenne des montants de 30% du chiffre d’affaire annuel consacrés à
la R&D, l’industrie pharmaceutique est le secteur qui consacre le plus grand budget à la
recherche.

Figure 8: L’escalade aux investissements pour obtenir des bestsellers (en million de $)

2
Investissement en million de dollar

1,5
Investissement nécessaire à la Commercialisation
commercialisation d’un médicament. Phase III- AMM

1 Phase II
Phase I
Etudes Pre-clinique
0,5 Recherche exploratoire

0
1995 - 2000 2000 - 2002

9% 5% RSI* moyen
30% 15% Probabilité d’atteindre 12%
du RSI
* Retour Sur Investissement
Source : Bain drug economics model, 2003

Au début des années 2000, les blockbusters représentaient la principale source de


revenus. Il s’agit donc d’un problème sur le long terme qui a commencé à se manifester,
puisque si une diminution du nombre de découvertes de nouveaux médicaments à destination
du plus grand nombre s’accentue, la pérennité du système de pharma 1.0 n’est plus assurée.

Ces pertes de brevet successives permettent quant à elles, aux autres laboratoires de copier ces
molécules grâce aux médicaments génériques. Ces produits ont permis l’arrivé de nouveaux
entrants spécialisés uniquement dans le développement de tels médicaments, comme nous le
verrons un peu plus loin dans cette analyse avec le leader mondial sur ce segment, le groupe
TEVA.

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


29
L’enjeu majeur était donc de s’affranchir au maximum des pertes de brevets de
princeps en les remplaçant par des médicaments générant les mêmes revenus. Autrement dit,
il s’agit de développer un nouveau business model permettant de palier à la perte des brevets
et à la diminution de l’efficience de la recherche.

B. La pharma 2.0 : portefeuille produit diversifié


Afin de répondre à ces différents problèmes s’est développé le business model actuel,
ayant suivi celui basé sur l’exploitation des blockbusters : la « pharma 2.0 ». Il s’appuie sur
un portefeuille produit diversifié qui permet de limiter les risques de fluctuation du marché et
les pertes financières engendrées par des expirations de brevets simultanées.

Pour bénéficier d’un portefeuille produit diversifié, les Big Pharma ont quasiment toutes eu
recours à des acquisitions ou du développement interne pour se positionner sur de nouveaux
segments de marché. En d’autres termes deux orientations stratégiques majeures : la
diversification et l’internationalisation

Nous allons ici nous intéresser aux deux principales caractéristiques de ce modèle : les
acquisitions et partenariats ainsi que le management du portefeuille produit.

1. Diversification du portefeuille: Acquisition et partenariats


Afin de se diversifier et de pouvoir être présents sur de nouveaux marchés, la modalité
stratégique de tous les laboratoires des Big pharma, utilise les mouvements de
fusion/acquisitions ou partenariats. En effet, ces mouvements sont caractéristiques de ce
modèle. Si l’on regarde par exemple les domaines d’activité stratégique des 10 premières Big
Pharma (classement 2012 en CA) ont obtient le tableau suivant :

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


30
Tableau 2: Domaines d'activité stratégique des 10 premières Big Pharma (classement en
fonction des revenus de 2012)

Produits Médicaments Santé Equipements Bio-


OTC Vaccins
brevetés génériques animale médicaux médicaments

Sanofi

Pfizer

GSK

J&J

Novartis

AstraZeneca

Eli Lilly

Abbott

Merck

Roche

Source : sites des différents groupes – étude comparative

Ce tableau témoigne de la stratégie de diversification du portefeuille produit par type de


médicament de plusieurs laboratoires tels que Sanofi, Glaxo Smith & Kline,
Johnson&Johnson ou encore Novartis. Pour les autres laboratoires il s’agit plus précisément
de se recentrer sur certains types de médicament.

Pour l’ensemble des groupes, cette diversification est plus flagrante lorsque l’on
s’intéresse à l’ensemble des aires thérapeutiques sur lesquels ils sont présents3 . Il est
intéressant de constater que plusieurs laboratoires se recentrent sur certaines aires
thérapeutiques.

3
ANNEXE 3 : Domaines d’activité stratégique, aires thérapeutiques

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


31
Cette diversification a été possible par des mouvements de fusion et acquisition importants
ayant eu lieu lors de la dernière décennie. En effet, si l’on regarde le top 10 des mouvements
de fusion/acquisitions en termes de coût financiers, les sommes sont très élevées comme en
témoigne le tableau suivant :

Tableau 3:Montants des acquisitions les plus chères entre 1999 et 2009

Montant de la
Année Cible Acquéreur transaction (en
milliards de dollars)
1999 Warner-Lambert (US) Pfizer (US) $110.4
2000 SmithKline Beecham (UK) Glaxo Wellcome (UK) $77.2
2009 Wyeth (US) Pfizer (US) $68.1
2004 Aventis (FR) Sanofi-Synthelabo (FR) $67.0
2002 Pharmacia (US) Pfizer (US) $57.8
2008 Genentech (US) Roche Holding (Switserland) $46.7
1998 Astra (Sweden) Zeneca Group (UK) $39.9
2009 Schering-Plogh (US) Merck & Co (US) $32.6
1999 Pharmacia & Upjohn (US) Monsanto (US) $30.7
1999 Hoechst (Germany) Rhone-Poulenc (FR) $27.2
Source : Dealogic; The Wall Street Journal (10 mars 2009)

Par ailleurs selon une étude d’Alcimed [FEDRIGO OLIVIER, 2010], entre 2004 et 2007 les
laboratoires ont passé des accords de licence pour l’obtention de nouvelles molécules afin
d’enrichir leur portefeuille, avec un nombre passé de 30 à 90 milliards de dollar entre ces
deux dates.

De plus, plusieurs laboratoires ont fait le choix de développer des filières génériques pour
capitaliser sur leur savoir-faire ; développant ainsi les médicaments génériques de leurs
propres médicaments princeps ou ceux d’autres laboratoires, pour se positionner sur cette
nouvelle aire thérapeutique.

Ces mouvements ne sont pas seulement propres aux Big Pharma, puisque les leaders
du générique adoptent également les mêmes stratégies de diversification grâce aux
acquisitions, comme par exemple le groupe TEVA. En seulement 3 ans le groupe a ainsi
réalisé sept acquisitions et deux joint-ventures.

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32
Tableau 4:Acquisitions et joint-ventures du groupe TEVA

Acquisition Joint Venture

Taiyo - Mai 2011 ●


Cephalon - Mai 2011 ●
Procter & Gamble - Mars 2011 ●
Theramex - Janvier 2011 ●
Ratiopharm - Août 2010 ●
Taisho Pharmaceutical Industries Ltd. (93%) - Décembre

2009
OncoGenex Pharmaceutical, Inc. (Global License and

Collaboration Agreement) - Décembre 2009

Lonza Group Ltd. (Joint Venture) - Mai 2009 ●


Barr Pharmaceuticals - Juin 2008 ●

Source : http://www.tevapharm.com/About/CompanyProfile/Pages/WhoWeAre.aspx

Ces acquisitions ont ainsi permis au groupe de s’implanter sur de nouveaux marchés, et
diversifier son portefeuille produit.
La joint venture avec P&G, a par exemple permis au groupe TEVA de se positionner sur le
marché des OTC en profitant de l’approche commerciale de P&G. Celle avec Lonza Group
Ltd. s’inscrit dans une stratégie de diversification dans les biomédicaments génériques en
profitant du savoir-faire de cette entreprise spécialisée.

Si les laboratoires ont ainsi tous grandement diversifié leur portefeuille produit, la
nécessité d’améliorer l’efficience de leur gestion s’est d’autant plus fait sentir.

2. Management du portefeuille produit


Afin de valoriser au mieux leur portefeuille produit, les laboratoires se doivent d’avoir
une méthodologie stricte pour évaluer les intérêts financiers que représente chaque produit qui
le compose. En effet, cela permet d’identifier certains produits comme étant peu rentables et
d’appliquer des mesures en conséquence : cession d’activité ou amélioration de la visibilité du
produit. Une méthodologie pertinente est celle que propose l’IMS Health dans son rapport
Brand Renewal. [IMS H EALTH, 2007]

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33
Tout d’abord le laboratoire doit stratifier son portefeuille produit comme l’explique le schéma
suivant :

Figure 9: Compréhension et mesure du marché

Source : IMS Health

Grace à cette analyse, les entreprises du médicament peuvent entre autres identifier les
menaces que représentent les génériques et rendre les stratégies portant sur le cycle de vie des
produits et les investissements plus performantes. Cette pratique à permis l’avènement de
nouveaux métiers de type « portfolio manager ».

AstraZenca, Pfizer ou Novartis ont ainsi mis en place des business units dédiées à la
restructuration de leur portefeuille produit mature pour le rendre plus compétitif. Cela leur
permet d’avoir une vision claire des composantes de leur portefeuille que certaines Big
Pharma peinent à avoir sans de telles unités dédiées dans l’entreprise.

A la suite de cette analyse préliminaire, il est nécessaire de mettre en place une méthodologie
en cinq étapes :

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Figure 10:Les 5 étapes pour valoriser un portefeuille produit mature

Source : IMS Health

FOCUS – Il s’agit d’effectuer une collecte d’informations sur l’ensemble des produits dont
bénéficie le laboratoire. Une gestion des produits récemment lancés ou présentant un fort
apport financier doit être menée par des équipes spécialisées. Plusieurs critères de
remaniement sont ensuite définis pour se fixer des objectifs à atteindre (croissance, marge
etc…) et contribuer à l’amélioration de la stratégie d’entreprise.

RESHAPE – Autrement dit remodeler le portefeuille, ce qui signifie identifier les produits
non conformes aux objectifs stratégiques ou qui ne représentent plus d’intérêt financier
suffisant. Ces derniers peuvent ainsi soit être vendus (en terme de licence) soit être stoppés
s’ils ne sont plus brevetés.

ENHANCE – Il s’agit d’identifier quelles sont les marques prochainement « généricables »,


celles dont des ventes se maintiennent ou progressent. Cette gestion du cycle de vie du
médicament permet en somme d’accroître la création de valeur grâce à un repositionnement
produit éventuel s’accompagnant d’une stratégie publicitaire adaptée (uniquement dans le cas
de médicaments OTC pour la France). In fine cela permet d’étendre la propriété individuelle
pour certains produits brevetés. Avec par exemple des changements de galénique comme la
concentration en principe actif pour vendre le produit à une autre cible de consommateur et
valoriser une molécule toujours brevetée. Le nouveau dosage du médicament Seretide© a par

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exemple permis à GSK de placer son produit au 4ème rang des médicaments les plus vendus
dans le monde en 2005, générant des revenus annuels de 5,6 millions de dollar.

Il est également possible d’effectuer des extensions des indications médicamenteuses pour
générer de nouveaux revenus. Ces nouvelles applications pour le médicament déjà
commercialisé, nécessitent uniquement de nouveaux tests cliniques, des actions marketing
ainsi que des déclarations auprès des autorités d’Etat, mais permettent de prolonger la vie du
médicament.

Enfin passer à un positionnement sur le segment de l’automédication (OTC ou semi-étiques),


peut également générer des profits et ce particulièrement pour les produits qui ne sont plus
brevetés. Une diminution de la concentration en principe actif est souvent nécessaire pour
pouvoir permettre au nouveau médicament d’être directement vendu aux patients sans
ordonnance.

EXPAND – Dans la continuité de cette amélioration du portefeuille, il est également


intéressant de développer certaines marques sur de nouvelles zones géographiques en utilisant
des contrats marketing ou des accords de licences. On peut par exemple citer le partenariat
entre AstraZeneca et P&G Pharma qui leur a permis de rentrer sur le marché canadien, ou
encore Solvay qui a su gérer son portefeuille produit en implémentant ses systèmes de
fabrication et de distribution sur les marchés émergeants. Il s’agit d’une forme de stratégie
d’internationalisation.

VALUE – Pour finir, le potentiel de profit/perte de telles mesures doit être grandement
évalué grâce à des prévisions de retour sur investissement ou de facteurs clefs de succès à
développer. A terme, cette analyse doit permettre de définir les meilleures décisions à prendre
pour rendre le portefeuille produit le plus efficient possible.

3. Disfonctionnements
Ces stratégies qui caractérisent le model 2.0 permettent aux laboratoires de minimiser
l’impact de la perte des brevets de leurs blockbusters, mais sur le long terme elles ne
permettent pas de résoudre les problèmes majeurs du secteur, à savoir l’efficience de la
recherche et la demande de médicaments plus adaptés aux patients. De plus un troisième
problème sous-jacent à ces deux derniers est la durée de développement des médicaments.

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a) La recherche
Pour ce qui est de la recherche, entre 2000 et 2011, le coût de développement moyen
par molécule a doublé, atteignant 4.2 milliards de dollars, selon le rapport Pharma 2020 de
PriceWaterhouseCoopers. [HUXLEY, 2012]

Or, malgré ces investissements plus importants, le nombre de molécules mises sur le marché
n’est pas meilleur. En effet, entre 2007 et 2011 on estimait à 30,4 candidats en recherche
préclinique pour une molécule obtenant une autorisation de mise sur le marché, contre 12.4
candidats pour une molécule entre 2003 et 2007. [HUXLEY, 2012]

De plus ces investissements massifs ne semblent pas être répercutés sur les étapes de
développement des médicaments qui comptent le plus de risques et d’enjeux financiers, selon
ce même rapport. Lorsque l’on s’intéresse à la répartition des coûts en pourcentage sur
l’ensemble des étapes de développement d’un nouveau médicament, on constate qu’un très
faible pourcentage est alloué à la sélection et la validation des molécules cibles, comme en
témoigne le schéma suivant :

Figure 11: Dépenses en R&D des laboratoires pharmaceutiques en 2011

Source : PriceWaterhouseCoopers, Pharma 2020

Avec seulement 7.1% du budget R&D investi dans cette étape clefs, les risques financiers
restent très élevés pour la suite du développement du médicament.

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Il est important de noter qu’il ne s’agit pas d’une diminution de l’investissement qui a été faite
pour cette étape, mais bien d’une plus grande dureté imposée par les autorités réglementaires
quant à l’acceptation d’un dossier de mise sur le marché.

Par ailleurs, cette diminution de la productivité est notable lorsque l’on s’intéresse au
pourcentage d’attrition dans les phases cliniques comme en témoigne le tableau suivant.

Tableau 5: Augmentations des taux d'attrition dans les étapes de développement cliniques au
cours des 20 dernières années

Taux d’attrition Raisons de l’augmentation du taux


1990 2010 d’attrition

Phase I 33% 45%

Efficacité insuffisante (51%)


Phase II 43% 66% Problèmes de sureté (19%)
Problèmes stratégiques (29%)

Efficacité insuffisante (66%)


Phase II 20% 30%
Problèmes de sureté (21%)

Source : PriceWaterhouseCoopers, Pharma 2020

Il est également intéressant de noter que deux types de problèmes sont responsables de ces
chiffres : la dimension purement scientifique des résultats, mais aussi la dimension
managériale des choix qui sont appliqués.

b) Le management
Comme nous l’avons vu, le management du portefeuille produit représente une part
importante dans la rentabilité financière des médicaments d’un laboratoire. La dimension
managériale intervient également dans les étapes de recherche, comme nous venons de le voir
avec la répartition inégale des dépenses en R&D.

Par ailleurs, le modèle de la Big Pharma entièrement intégrée sur sa chaîne de valeur
(FIPCO) tend à être substitué par un modèle dit d’intégration virtuelle [FEDRIGO, 2010].
Les grands laboratoires se tournent ainsi vers un modèle transversal, diversifié et externalisé
afin de pouvoir bénéficier de ressources externes dont ils ne disposent pas en interne, ou tout
simplement pour répondre à une logique de réduction des coûts. On parle alors de modèle

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


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VIPCO (Virtually Integrated Pharma Co.). Il s’agit en somme de passer d’une approche
intégrée à une approche interconnectée.

Figure 12: De l'approche FIPCO à l'approche VIPCO de l'industrie pharmaceutique

Source : Adaptation d’une étude Alcimed, Burill & Co

Cette dernière implique donc une obligation de travailler en partenariat et d’apprendre à gérer
l’accroissement du nombre de ces derniers

c) Le médicament adapté
Lorsqu’il s’agit du traitement de maladies orphelines ou de pathologies telles que le
cancer, il est nécessaire de développer des médicaments plus adaptés aux patients. Or dans
cette logique, les médicaments blockbusters destinés au plus grand nombre ne peuvent
répondre à cette demande. Il y a là une nécessité de développement de médicaments
différents, qui ne s’inscrivent pas dans un modèle de distribution de masse.

Concernant les maladies orphelines, les laboratoires pharmaceutiques ont bien compris
cet enjeu puisque 77% des médicaments traitant des maladies orphelines mis sur le marché en
2011 étaient produits par les Big Pharma. Concernant les pathologies du domaine de
l’oncologie, on observe les prémisses d’un développement de médicaments spécialisés. Le cas
le plus connu est celui de Herceptin pour les traitements du cancer du sein.

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Il y a donc à un réal besoin de la part des patients de disposer de solutions qui leur sont
adaptées. [MUSCIACCO, 2013]

C. Stratégies des groupes : continuité du développement du modèle 2.0


L’ancien modèle 1.0 continue de mettre à mal beaucoup des leaders de l’industrie, même si
ces derniers ont déjà changé leurs orientations stratégiques en accord avec un nouveau
business model. C’est par exemple le cas du laboratoire Eli Lilly pour qui une étude xerfi
2013 estime à sept milliards de dollar les pertes engendrées par l’expiration des produits
phares du groupe. Il s’agit en effet de 45% du chiffre d’affaire du groupe d’ici 2013, faisant
de lui la Big Pharma la plus exposée. [DUTHOIT AURELIEN, 2012]

Ainsi lorsque l’on s’intéresse aux stratégies des grands groupes pharmaceutiques et des
leaders du générique, ces derniers ont tous la même stratégie triptyque qui répond aux trois
dysfonctionnements identifiés précédemment :
Internationalisation
Diversification
Domination par les coûts

La seule différence est que les Big Pharma adoptent des stratégies « transitoires » pour
minimiser l’impact de la disparition de l’ancien modèle [FEDRIGO, 2010]. Ainsi les
modalités stratégiques varient d’un groupe à l’autre mais sont souvent similaires pour certains
laboratoires :

Acquisitions & partenariats.


Restructuration interne et externalisation afin de se développer de manière plus
rentable.
Innovation: investissements R&D pour mettre sur le marché des produits plus
innovants.

1. Acquisitions & partenariats


Cette modalité stratégique répond à plusieurs stratégies, notamment la diversification.
Ces acquisitions ou partenariats concernent aussi bien la R&D, le développement ou la
commercialisation des produits. [XERFI 700, 2013]

Concernant les partenariats R&D, cette modalité permet de minimiser les risques liés
aux phases de recherche mais aussi d’accroitre l’innovation.

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Le groupe Sanofi vient par exemple récemment de lancer le projet Sunrise, afin
d’envisager une nouvelle méthode de conduite de projets de recherche et développement. En
d’autres termes il s’agit de mettre en place des projets de recherche en collaboration avec des
partenaires scientifiques en suivant le modèle des startups mais également avec des centres
académiques suivant le modèle de l’innovation ouverte.
Le retournement stratégique majeur à noter est celui du groupe Pfizer qui s’est
toujours accès sur un développement via les acquisitions massives En effet il tend
actuellement à multiplier partenariats académiques et public-privé, avec par exemple plus 20
accords d’alliances stratégiques conclus en France.

Merck & Co et Novartis ont quant à eux fait le choix de l’acquisition pour se
diversifier avec pour Merck celle de Schering Plough, lui permettant de se hisser au rang de
troisième groupe mondial afin de bénéficier d’un portefeuille de produits loin de l’expiration
de brevets, pour palier à la perte actuelle de ses propres brevets.

En termes d’acquisition, Johnson& Johnson a fait de même mais pour poursuivre son
développement de produits parapharmaceutiques.

2. Restructuration interne et externalisation


Les plans de restructuration sont très courants ces derniers temps pour beaucoup de
laboratoires qui font aussi le choix d’externaliser la R&D, la production ou encore la
commercialisation.

Sanofi a par exemple mis en place une grande restructuration visant soit à
complètement arrêter son activité R&D (fermeture de plusieurs sites R&D) soit de
l’externaliser. Ceci dans un but d’optimiser les investissements, diminuer les risques et
optimiser le temps de développement de médicaments.

Pour ce qui est de la production, Merck a mis en place une restructuration dans une
logique de réduction des coûts et donc d’améliorer sa rentabilité, tout comme BMS qui depuis
2007 a lancé une restructuration via une réduction des effectifs (moins 10%) et du nombre de
sites de production (moins 50%), cela dans le but de redistribuer les bénéfices dans l’activité
de l’entreprise.
AstraZeneca a fait de même avec une restructuration pour limiter les pertes financières
causées par les pertes de brevets avec plus de 15 000 postes supprimés tous secteurs
confondus.

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41
Sous un autre aspect, le groupe Ipsen continue de développer le segment de la
médecine spécialisée au détriment de la médecine généraliste, segment que le groupe
souhaiterait à terme externaliser via un partenaire

3. Innovation: investissement R&D


Lorsque l’on s’intéresse aux investissements dans la recherche, les laboratoires ne
peuvent exclure la poursuite d’un fort investissement R&D pour amener de nouvelles
innovations. En effet l’innovation est un facteur clef de succès du secteur et récemment, les
montants de ces investissements tendent à diminuer. Ainsi même si ces derniers ont fortement
diminué (restructuration pour une réduction des coûts), plusieurs laboratoires continuent
d’investir dans la R&D. Par exemple Eli Lilly poursuit un fort investissement afin de
diversifier son portefeuille de médicaments avec notamment le développement de l’aire de la
santé animale. Cette stratégie semble s’avérer payante puisqu’il dispose actuellement de 60
médicaments en cours de développement clinique, la moitié en phase II ou III.

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III. LE MODELE 3.0 : RECOMMANDATIONS

A. Théranostique : médecine spécialisée

1. La médecine personnalisée
Ce concept pourrait simplement se résumer ainsi: “the right treatment, at the right
dose, to the right patient at the right time” [O’D ONELL, 2011]

En d’autres termes, il s’agit de donner au patient le bon traitement, à la bonne dose et au bon
moment. Cela s’appuie sur la mise en place de tests de diagnostic afin de déterminer quel
traitement est adapté à la pathologie du malade, avec une plus grande précision sur
l’identification de cette dernière. En définissant le sous-groupe de patients ayant la pathologie
la plus similaire possible, cela permet de fournir un traitement le plus adapté possible, d’où
l’appellation de médecine personnalisée.

Elle s’appuie sur la découverte de ce que l’on appelle des biomarqueurs, via des tests de
diagnostic in vitro (IVD). Ces biomarqueurs caractérisent précisément le type de pathologie
que le patient présente et permettent donc de lui attribuer le traitement le plus adapté.
[INSTITUT MERIEUX, 2013]

Les tests de théranostic permettent aux industriels pharmaceutiques de réduire la durée, le


coût et le risque financier, des considérations inhérentes au processus de développement.
D’un autre côté cela permet aux autorités réglementaires et aux payeurs de diminuer les coûts
grâce à une sécurisation de l’utilisation des médicaments, même si les produits
test+médicament restent relativement cher. [GOSS & MATHEWS, 2013]

Actuellement, ce marché touche essentiellement les pathologies liées à l’oncologie, or comme


le montre une étude du groupe Biomérieux, [BEELER, 2013] d’autres aires thérapeutiques
réclament également un fort besoin (maladies infectieuses, inflammatoires métaboliques…).

Comme nous l’avons vu, l’un des principaux enjeux de l’industrie pharmaceutique
d’aujourd’hui est de pouvoir développer un médicament qui satisfasse les attentes de
l’ensemble des acteurs de l’industrie (médecins, patient, autorités de santé et payeur) tout en
préservant des revenus importants sur ces nouveaux médicaments. En ce sens, le théranostic
peut permettre d’accomplir ce challenge puisqu’il répond à un besoin de solutions
thérapeutiques plus sûres et plus adaptés au profil de chaque individu. Cela s’inscrit en

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opposition avec le modèle des blockbusters qui lui avait pour objectif d’offrir des
médicaments qui aillent au plus grand nombre, pour un prix le plus rentable possible. [GOSS
& MATHEWS, 2013]

2. Bénéfices probants pour l’ensemble des acteurs du marché


Sur le marché de la médecine spécialisée, quatre acteurs principaux peuvent tirer avantages de
ce nouveau marché [BEELER, 2013]:

Les laboratoires pharmaceutiques


Les « clients » : patients et médecins
Les payeurs et autorités réglementaires
Les sociétés spécialisées dans l’élaboration de diagnostics

a) Industriels pharmaceutiques
Les laboratoires pharmaceutiques peuvent bénéficier de plusieurs avantages notables
concernant l’optimisation et la commercialisation de médicaments :

Réduction du coût et du temps de développement clinique :


Le diagnostic permet de cibler une population de malades via les biomarqueurs qu’ils
détectent. Ainsi, les patients inclus dans l’étude clinique sont potentiellement amenés à bien
réagir au médicament, d’où une diminution notable du taux d’échec et de résultats divergeants
lors de l’étude. Il en résulte une diminution du coût de développement et une accélération de
l’approbation des autorités réglementaires. Cette même étude de Biomérieux montre que le
temps de développement est réduit de 40 à 60% pour ce type de médicaments. [BEELER,
2013]

Commercialisation simplifiée :
La commercialisation peut être grandement simplifiée grâce à l’obtention d’un meilleur
prix et d’un fort taux de remboursement, dans la mesure où les payeurs, ne délivrent le
traitement qu’à un type de patient pour qui le résultat sera probant. Cela se traduit, pour
l’exemple de la France, par un taux de SMR élevé qui justifie un remboursement important.
Une absence de législation bien définie à ce sujet ne peut cependant pas garantir cela.
[BEELER, 2013]

Il s’agit donc d’une opportunité gagnant/gagnant à la fois pour le laboratoire et pour


l’entreprise de diagnostic. Le premier sécurise le développement et la commercialisation de
son produit, tout en réduisant le temps et les coûts de ces deux étapes. La seconde, bénéficie

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quand à elle de l’ouverture d’un marché, assuré par la commercialisation conjointe du
médicament et du diagnostic, tout en profitant de la plateforme commerciale du laboratoire.
Le seul problème notable de cette collaboration est donc la mise en place d’un mode
de fonctionnement conjoint.

b) Patients et médecins
Pour les patients, la prise du traitement présente moins de risques d’effets secondaires
compte tenu du fait que le médicament lui est adapté : c’est le principe du théranostic. De plus
la prise en charge est améliorée et le médicament est plus efficace. Dans le domaine de
l’oncologie, le traitement chimiothérapique est administré au patient positif au test, ce dernier
étant alors informé que les chances d’obtention de résultat sont plus importantes. De plus les
tests sont rapides (entre quelques heures et quelques jours) et le diagnostic peut être
rapidement établi. Concernant les médecins, ils peuvent donc être plus réactifs dans le
diagnostic du type de pathologie dont souffre le patient et ainsi lui prescrire le traitement le
plus adapté.

c) Payeurs et autorités réglementaires


Pour ces derniers, l’amélioration du rapport bénéfice / risque du médicament et donc
l’optimisation des traitements, leur permettent de minimiser la possibilité de complications
que pourraient générer le médicament. Il en résulte ainsi une réduction des coûts liés à la prise
en charge des complications dues à des traitements mal adaptés. De plus, l’attribution de
traitements onéreux à une population spécifique permet une diminution des coûts, que l’on
n’aurait pas avec un traitement destiné au plus grand nombre, pour qui la probabilité d’effets
secondaires serait accrue.

3. Analyse du marché
Afin d’analyser l’attractivité du marché et ses possibilités de croissance nous allons voir
l’ensemble des opportunités et menaces que qu’il présente et analyser les forces qui le
gouvernent via une analyse des 5+1 forces de Porter.

a) Opportunités / menaces du marché


Plusieurs points notables peuvent permettre un développement de ce marché et constituer
de réelles opportunités. [BEELER, 2013] Trois opportunités ont ainsi retenu mon
attention (de la plus importante à la moins importante) :
Les autorités de santé appellent à une réduction des coûts et font pression sur les
laboratoires pharmaceutiques pour fixer des prix plus faibles pour les patients.

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45
Les tests permettent d’avoir une meilleure tolérance des patients aux médicaments, à
laquelle il faut ajouter une meilleure efficacité de ces derniers grâce à des traitements
plus adaptés.
Les diagnostics compagnons permettent de réduire les coûts de développement, mais
surtout son temps, qui implique quant à lui une exploitation commerciale plus longue
des brevets.
Cependant même si ces opportunités semblent permettre un potentiel de développement
important, plusieurs menaces pourraient ralentir, voire mettre en péril ce développement :
D’un point de vue réglementaire, il n’existe actuellement pas de processus clair pour
la mise en place d’un diagnostic compagnon. Seule une note de conduite diffusée par
la FDA sur son site, propose une marche à suivre.
Il existe également plusieurs disparités d’un pays à l’autre concernant la
réglementation. Ceci est d’autant plus vrai que les politiques de répartition des coûts
entre patients et payeurs varient fortement d’un pays à l’autre, il en est de même pour
la couverture assurantielle de santé. Ainsi l’accès au marché est problématique pour
certains pays.
Concernant la recherche, l’identification de biomarqueurs est très complexe et
nécessite la mise en place de partenariats en amont d’un processus de développement
de ce type de produits.
Il est à noté que ces menaces réglementaires sont amenées à avoir un impact moins important,
compte tenu de la forte volonté des autorités pour formaliser et sécuriser un processus de
développement de ce type de produits. [GIBBS, 2011] De plus beaucoup de médicaments de
ce type ont été approuvés par la FDA.4

b) Les 5+1 forces de Porter


L’évaluation de l’attractivité du secteur de la médecine spécialisée et l’analyse de son
environnement concurrentiel peut se faire grâce à une analyse des 5 (+1) forces de PORTER :

4
Cf. ANNEXE 4 :Companion Diagnostic Devices: In vitro and Imaging Tools

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46
Figure 13: Schéma des 5+1 Forces de Porter

Autorités de
Clients
santé
2/5
4/5

Intensité
Marché du
Marché du fournisseurs
concurrentielle
théranostic 2/5
3/5

Produits de Nouveaux Barrières à l’entrée


substitution entrants
1/5 4/5

Source : adaptation de la présentation Biomérieux sur le théranostic, Beeler

Pouvoir de négociation des clients : 2/5


Le pouvoir de négociation des clients est très limité. En effet, pour une pathologie donnée,
identifiée via un test de diagnostic, si le patient est positif au test, il devra utiliser le
médicament qui y est associé.

Intensité concurrentielle : 3/5


Deux types d’acteurs majeurs peuvent être identifiés : ceux étant directement spécialisés
dans ce domaine mais qui ne représentent que de petites structures (en comparaison avec
les grands laboratoires pharmaceutiques) comme le groupe Quiagen et ceux intégrés dans
au sein de grandes firme pharmaceutique comme Roche Ventana (société Ventana
rachetée par le groupe Roche).
Il s’agit d’un marché peu concentré, où l’intensité concurrentielle tend à augmenter.

Produits de substitution : 1/5


Ce type de produit n’est pas substituable étant donné qu’un médicament est associé à un
test auquel se soumet le patient. Il y a ainsi une exclusivité assurée pour le laboratoire
pharmaceutique si le patient est positif au test.

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47
Pouvoir de négociation des fournisseurs : 2/5
Les fournisseurs, autrement dit les sociétés de diagnostic, on un pouvoir de négociation
faible face aux géants de l’industrie pharmaceutique, à qui le choix du partenaire
appartient. Dans le cas de sociétés de diagnostic plus importantes et spécialisées dans une
aire thérapeutique, le pouvoir de négociation est plus important. Quoiqu’il en soit il
demeure toujours un risque de rachat du laboratoire de diagnostic par le laboratoire
pharmaceutique.

Nouveaux entrants : 4/5


Ce marché est peu développé puisque peu d’acteurs sont présents. De plus, de nombreuses
barrières à l’entrée mettent à mal l’accès au marché.

Pouvoir des autorités de santé : 4/5


Les autorités ont un fort pouvoir puisqu’elles permettent ou non la mise sur le marché des
produits, mais aussi car elles peuvent enlever à tout moment les produits du marché, s’ils
représentent un risque qu’elles auraient identifié. Cependant, malgré ce fort pouvoir, elles
affichent une volonté de développer le marché pour les raisons évoquées précédemment.
Des efforts restent à faire, mais elles jouent un rôle essentiel dans la croissance de ce
marché.

En somme le marché est peu risqué puisque qu’aucune technologie de substitution ne


le menace et l’impact des autorités de santé semble être favorable à son développement. C’est
donc un marché à fort potentiel, qui nécessite cependant de s’affranchir des barrières à
l’entrée qu’il présente.

Barrières à l‘entrée : (de la plus importante à la moins importante)

Technologique : il y a une nécessité d’expertise forte qui impose d’externaliser via des
partenariats (biologie, diagnostic moléculaire…).

Réglementaire : c’est un processus qui est exigeant et mal défini.

Commerciales : il y a un besoin important en forces de vente qualifiées, et une forte


expertise scientifique est requise.

Economique : un coût élevé de développement est à prévoir, mais il permet de


disposer de bénéfices financiers potentiels importants.

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4. Conclusion
Les tests de diagnostic sont fondamentaux pour le développement de l’industrie
pharmaceutique [FDA, 2011]. En effet une meilleure compréhension des maladies et des
variations biologiques d’un individu à l’autre devraient à terme permettre aux laboratoires
pharmaceutiques de conduire des études cliniques de manière plus efficiente.
Comme nous l’avons vu, au-delà de cette dimension scientifique, le marché est promu
à une grande croissance dans les prochaines années puisqu’il répond aux attentes des
différents acteurs de l’industrie pharmaceutique. [BEELER, 2013] L’enjeu majeur dans le
développement de tels produits est double [ERNST & YOUNG, 2012].

Il faut dans un premier temps mettre en place avec les autorités réglementaires des
processus clairs de mise sur le marché, avec des lois garantissant la propriété intellectuelle des
fabricants (diagnostics et médicaments) ainsi que des systèmes de remboursement adaptés.

Dans un deuxième temps, il est nécessaire de mettre en place dans les laboratoires
pharmaceutiques des départements spécialisés dans la gestion de partenariats entre
laboratoires et entreprises de diagnostic. En effet les laboratoires doivent intégrer la mise en
place d’un diagnostic compagnon dans le développement de leur médicament, et gérer la
relation avec l’entreprise partenaire qui développe le test.

B. Recherche et partenariat
La logique de l’alliance contribue fortement au développement de la recherche, mais
cette modalité stratégique permet également de répondre à plusieurs orientations stratégiques
prises par les laboratoires. L’alliance, simple ou complexe, est primordiale pour le
développement de la médecine spécialisée ou encore le développement de médicaments qui
nécessitent des ressources externes, compte tenu du niveau d’expertise lié à certains domaines
qui n’est pas toujours propre au laboratoire pharmaceutique. Cependant plusieurs axes de
développement permettraient d’améliorer l’efficience de la recherche.

1. R&D : ressources internes, ressources externes


Comme nous l’avons vu les performances de la recherche du secteur pharmaceutique
ont grandement diminué au fil de la dernière décennie avec le remplacement de médicaments
blockbusters par des médicaments moins rentables. D’ici fin 2013, une récente étude
d’Alcimed prévoit ainsi des pertes de 36% pour Sanofi et 54% pour AstraZeneca, engendrées
par la perte de plusieurs brevets cette même année. [FEDRIGO OLIVIER, 2010]

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L’autre option possible pour les laboratoires est de se développer via des ressources
externes. En effet, bien qu’ils soient fortement intégrés et diversifiés, les laboratoires sont très
souvent recentrés sur le cœur de métier sur lequel ils se sont développés, qui ne comprend pas
généralement des domaines d’expertise tels que la fabrication de diagnostics ou de
médicaments issus des biotechnologies.

a) Restructuration interne
A l’instar des startups qui développent des médicaments innovants, plusieurs
laboratoires ont fait le choix de restructurer leurs départements R&D, en restructurant
l’ensemble de leur département pour certain, ou en créant de nouvelles entités pour d’autres.

C’est ainsi que GlaxoSmith and Kline, AstraZeneca ou encore récemment Sanofi avec son
projet « Sunrise » ont mis en place des pôles d’excellence sur une ou plusieurs aires
thérapeutiques [FEDRIGO OLIVIER, 2010] [XERFI 700, 2013]. On peut également citer
deux autres exemples :

Le Center of Excellence for External Drug Discovery (CEEDD) ouvert par GSK en
2005, a pour but d’améliorer la capacité R&D du groupe, en utilisant des ressources
externes pour développer un budget et un portefeuille produit propre à l’entité. Plusieurs
collaborations avaient déjà été mises en place par le groupe avec le programme ADI
(Alternative Discovery Initiative) liant majoritairement le groupe à des centres de
recherches académique ou à d’autres entreprises. [OUTSOURCING PHARMA, 2005]
De même Roche avait mis en place un programme similaire avec Disease Biology Area
en 2007. Ce model opérationnel avait pour but d’avoir une vision stratégique globale de
la vie d’un médicament, de la recherche à la commercialisation. [ROCHE, 2007] Cette
vision intégrée permet donc de minimiser les risques, en anticipant la rentabilité du
produit le plus en amont possible.

Cette méthode de développement interne permet donc de diminuer les risques liés au
développement de médicaments, dans les phases de recherches les plus en amont, qui comme
nous l’avons vu présentent le plus de risques. Cependant, l’enjeu majeur du management de la
résistance au changement doit être relevé.

Ces restructurations internes sont en somme bien souvent conjointes à une volonté
d’améliorer le rapport des laboratoires au développement de partenariats d’ « open
innovation ».

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b) Logique d’open innovation : partage des ressources internes
Comme nous l’avons vu, le développement de nouveaux produits pharmaceutiques est
de plus en plus complexe. Conjoint à la forte intensité concurrentielle globale du secteur,
nombre de laboratoires ont recours aux partenariats. Mais lorsqu’il s’agit à proprement parlé
de recherche, c’est bien souvent de l’exploitation du concept d’open innovation (ou
innovation ouverte en français) dont il s’agit.

(1) Fonctionnement et avantages


Le concept d’innovation ouverte a été développé par Henry Chesbrough en 2003, dans
son livre « Open innovation: the new imperative for creating and profiting from technology ».
Ce concept peut se définir comme étant une façon collaborative de travailler permettant une
meilleure efficience, grâce à un partage des innovations internes de plusieurs partenaires
(facilitation des échanges d’idées) et un partage des risques.

Cette dimension de recherche est primordiale pour les grands laboratoires


pharmaceutiques, car elle répond pleinement à la complexité du processus d’innovation. Or
tous les laboratoires s’accordent sur ce point : « la R&D 100% interne ne suffit pas »
[CARRIVE, 2012]. Exploiter les ressources des laboratoires universitaires va donc dans ce
sens puisqu’ils possèdent des connaissances plus théoriques et certains appareillages
techniques que ne possèdent pas forcément les laboratoires. En effet, ces derniers ont des
connaissances plus axées sur des découvertes visant à mettre sur le marché des nouveaux
médicaments. Combiner ces deux dimensions permet ainsi d’obtenir des synergies.

Ce développement en partenariat est hybride entre le partenariat externe et le


développement interne puisqu’il est généralement appliqué à des partenariats avec des centres
de recherche académiques, qui ne possèdent pas non plus d’approche commerciale de
développement de médicaments.

Le groupe Teva est par exemple très impliqué dans le processus d’innovation ouverte,
puisqu’il travaille entre autre avec les huit centres de recherche académiques suivant :
University of Haifa, Ben Gurion University, Bat Ilan University, Tel Aviv University,
Weizmann Institute, Technion, Hebrew University. [DUTHOIT AURELIEN, 2012]

(2) Inconvénients d’une telle organisation


La mise en place de partenariats de type open innovation fait parti de ceux les plus
difficiles à gérer, comme nous l’explique Chris Wilks et Christian Prothmann dans leur étude

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


51
sur ce type d’alliances [WILKS CHRIS & PROTHMANN CHRISTIAN, 2012], au travers du
schéma suivant :

Figure 14: Complexité des différents types d'alliance stratégique en fonction de leur degré
d'innovation

Source: Open Innovation Alliances, ASAP 2012

Il est donc nécessaire de développer en interne des compétences et structures managériales


pour gérer ce type d’alliance et donc éviter des problèmes de choc de culture ou de résistance
au changement, ce qui en soit est également valable pour tout partenariat.

c) Licensing in
Afin d’enrichir leur pipeline, limiter les risques d’investissement lourds qui ne sont
pas toujours rentabilisés ou encore développer des médicaments pour des aires thérapeutiques
dont l’expertise à leur développement n’est pas propre au laboratoire, plusieurs ont fait le
choix de profiter des éléments de recherche d’autres laboratoires spécialisés, dans les
biotechnologies par exemple. Cette méthode de rachat de molécules est ce que l’on appelle le
« licensing in ». Par ailleurs, plus le projet est avancé, plus le coût de rachat est élevé.
[FEDRIGO, 2010]

En 2009, une étude du cabinet Ernst & Young comptabilisait 189 accords signés entre
les laboratoires pharmaceutiques et les laboratoires de biotechnologie, d’où un axe de
développement en pleine expansion [ERNST & YOUNG, 2012]. Pour ces sociétés, qui sont

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


52
bien souvent des startups, il s’agit d’une opportunité de réaliser du co-développement de
produit, puisqu’elles profitent de la surface logistique et de l’expertise technique des
laboratoires pour conduire des études cliniques et mettre un produit sur le marché. Il s’agit
ainsi soit de rachats simples ou d’accord propre types alliance.

2. Alliances et partenariats
Comme nous l’avons vu, la plupart des nouveaux axes de développement de
l’industrie pharmaceutique s’appuie sur des logiques de partenariat, et donc in fine de création
d’alliances. En effet, cette modalité stratégique présente beaucoup d’avantages, et est parfois
même incontournable. [TWAIT & THOMPSON, 2012]

a) L’alliance classique
L’alliance répond à une logique de travail en réseau de l’industrie, elle permet de répondre à
des objectifs qui sont propres à l’industrie pharmaceutique (cf. tableau 6 page suivante).
L’alliance présente donc beaucoup d’avantages, puisqu’elle permet, en plus d’accomplir les
objectifs cités dans ce tableau, de profiter des avantages que le partenaire offre (son
expérience, ses compétences, son réseau, sa créativité…).

De plus, elle est également plus attractive qu’une acquisition, car plus rapide à mettre
en place, mais surtout moins coûteuse. Elle est également plus facilement adaptable aux
évolutions de marché et moins risquée. Seul le management peut être difficile à gérer mais
pas forcément plus que pour une acquisition.

L’alliance constitue donc un axe de développement important pour les laboratoires


pharmaceutiques, autrement dit un fort levier de création de valeur, compte tenu du passage
au modèle VICPO sur lequel ces derniers doivent se développer. Plusieurs formes d’alliances
peuvent donc être mises en place pour répondre à différents objectifs, avec notamment une
nouvelle forme d’alliance qui répond à des objectifs communs d’entreprises concurrentes.

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


53
Tableau 6: Typologie des alliances et objectifs associés

Type d’alliance Objectif


Entrer sur de nouveaux marchés
Alliance de marché
Se positionner sur un marché de niche
(co-marketing, ventes, co-promotion, business
Accroitre la satisfaction client
développement)
Augmenter sa part de marché…
Besoin d’innovation
Accroitre sa capacité R&D
Alliance de recherche Bénéficier d’une expertise externe
Partager les risques d’innovation
Réduire la durée de recherche…
Alliance de distribution Réduire les coûts logistiques
Partage des coûts fixes
Alliance de production
Accroitre sa capacité de production

Réduire les coûts d’achat des matières


premières
Alliance avec un fournisseur Etablir des relations avantageuses
fournisseur/client
Bénéficier des innovations du fournisseur
Permet de se développer sur d’autres
segments qui ne sont pas propre au cœur de
métier
Alliance avec un sous-traitant S’adapter au changement
Maintenir un niveau d’offre plus important
Partager les risques et récompenses
Diversification dans un secteur lié à
l’entreprise
Autre Accéder à un niveau d’expertise non
développable en interne
Crée un nouveau business model
Source: The ASAP Handbook of Alliance Management, 2013

b) L’alliance entre concurrents : un levier de création de valeur


Comme nous l’avons vu, les phénomènes de fusion / acquisition se sont multipliés
dans le secteur, en passant par des méthodes d’alliance simple (accords contractuels) à
l’alliance formalisée (la Joint Venture). Cependant, un autre phénomène s’est étendu au
secteur : celui de l’alliance entre concurrents.

L’alliance entre concurrents, peut s’avérer être un moyen de dégager un avantage


concurrentiel pour l’entreprise [HAMEL DOZ ET PRAHALAD, 1989]. Alliant à la fois la
notion de coopération et de concurrence, quelques années plus tard, le concept de coopétition

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


54
a été développé [NABLEBUFF ET BRENDENBURGER , 1996], et Ray Norda a montré que cette
dernière était un moyen probant pour créer de la valeur pour le client. Cette stratégie de
coopétition s’inscrit ainsi dans un besoin d’assoir une position internationale mais aussi un
besoin d’innovation permis grâce à une mutualisation de la recherche. [LE ROY &
PELLEGRIN, 2009]

Comme le montre le tableau matriciel suivant, quatre stratégies différentes peuvent être
adoptées en fonction du degré de coopération et de compétition qu’une entreprise souhaite
développer.

Tableau 7: Typologie des stratégies en fonction du degré de coopération et de compétition

Orientation compétitive

Faible Forte

Orientation Forte Stratégie de coopération pure Stratégie de coopétition

coopérative
Faible Stratégie de coexistence Stratégie de compétition

Source : LE ROY et PELLEGRIN, Coopétition: enjeux et perspectives

La coopétition est donc en somme une alliance qui présente la particularité de se faire entre
concurrents. Cependant leur complexité n’est pas moindre par rapport aux alliances classiques
mais peut être stratifiée de la manière matricielle suivante :

Tableau 8: Typlogies de d'alliances en coopétition

Nombre de firmes impliquées

Deux Plus de deux

Nombre Une Coopétition dyadique Coopétition en réseau simple

d’activités de la
Coopétition dyadique Coopétition en réseau
chaîne de valeur Plusieurs
complexe complexe

Source : LE ROY & PELLEGRIN, Coopétition enjeux et perspectives, adapté de Dagnino


et Rocco, 2009

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


55
Même si cette stratégie peut s’avérer très performante pour l’industrie, elle reste tout de même
sujette à la création de risques spécifiques aux alliances, tels que le transfert de technologie
sauvage, un problème en soit délicat pour les laboratoires pharmaceutiques. Ceci requiert la
mise en place d’un management du risque éclairé, et donc d’entités propres dans l’entreprise
qui y soient dédiés. Actuellement des entreprises formalisent donc des méthodes de gestion
des partenariats via de nouvelles fonctions telles que les alliances Managers. [LE ROY &
PELLEGRIN, 2009] L’autre risque à prendre en compte est le rachat d’un des deux
partenaires par l’autre, et dont il est très souvent nécessaire de se prémunir.

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56
IV. CONCLUSION

Cette étude permet dans un premier temps de comprendre comment le secteur de


l’industrie pharmaceutique fonctionne, aussi bien à l’échelle macroéconomique que
microéconomique. L’analyse du marché met en évidence les fortes opportunités de croissance
que va connaitre le secteur du médicament et que les laboratoires devront saisir. L’étude du
model 1.0 sur lequel l’industrie pharmaceutique s’est développée a permis de comprendre les
raisons pour lesquelles, compte tenu de l’évolution de l’environnement du secteur, le modèle
2.0 s’est progressivement mis en place. Or ce modèle présente plusieurs problèmes de
pérennité, étant donné l’évolution du marché et les besoins des différents acteurs qui le
composent. J’ai ainsi pu proposer plusieurs recommandations visant à définir les facteurs clefs
de succès du nouveau business model 3.0. Comme nous l’avons vu, ce modèle consiste
essentiellement à capitaliser sur le développement de la médecine spécialisée, qui répond à
l’ensemble des besoins des acteurs de l’industrie et qui devrait permettre le développement
d’innovations. Le deuxième point essentiel, est l’intégration de la notion de travail en réseaux
que les laboratoires se doivent de mettre en place. En effet la logique de l’alliance est un fort
vecteur de création de valeur pour l’industrie pharmaceutique, puisqu’elle permet de répondre
à beaucoup d’objectifs que les laboratoires sont ou seront amenés à se fixer.

Malgré ces recommandations, plusieurs problèmes ne sont pas soulevés dans cette
analyse. A savoir par exemple la notion de gestion des alliances, qui à terme, si les
laboratoires poursuivent dans cette logique de « réseaux interconnectés », sera essentielle pour
tirer parti de ces alliances. Il s’agit in fine de développer des entités au sein des entreprises
dédiées à cette problématique. De même, la notion de proximité entre les laboratoires et les
clients n’est pas abordée, mais peut constituer une approche commerciale importante dans le
renforcement de la confiance des clients vis-à-vis des médicaments.

Thibault PEUDON - Mémoire académique - L’industrie pharmaceutique: Nouveau "Business Model"


57
BIBLIOGRAPHIE

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58
TABLE DES ANNEXES

ANNEXE 1 : Niveaux de SMR et ASMR ............................................................................ 60


ANNEXE 2 : Dépenses publiques de l’industrie pharmaceutique........................................ 61
ANNEXE 3 : Domaines d’activité stratégique, aires thérapeutiques.................................... 62
ANNEXE 4 : Companion Diagnostic - In vitro & Imaging Tools ...................................... 63

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59
ANNEXE 1 : Niveaux de SMR et ASMR

Source : Haute Autorité de Santé, Présentation de l’évaluation des médicaments,


www.sante.gouv.fr

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60
ANNEXE 2 : Dépenses publiques de l’industrie pharmaceutique

Global Xerfi, 193p..


Source : DUTHOIT Aurélien, 2012, World Pharmaceutical Groups,

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61
ANNEXE 3 : Domaines d’activité stratégique, aires thérapeutiques
S P G J N A E A M R
a f S  o s l b e o
n i K J v t i b r c
Laboratoires o z a r L o c h
f e r a i t k e
i r t Z l t
i e l
s n y
Domaines d’activités e
c
a
Produits brevetés + + + + + + + + + +
Oncologie + + + + + + + + +
Diabète + + + + +
Maladies rares, sclérose en plaque + +
Autres pathologies + +
Vieillissement +
Urologie + +
Orthopédie +
Neurologie + + + + + + +
Chirurgie + +
Ophtalmologie + + + +
Cardiologie + + + + + + + + +
Virologie + + + + + + + +
Transplantations + +
Pneumologie + + + +
Immunologie + + +
Endocrinologie + + +
Anti-inflammatoires + +
Infertilité +
Anémie +
Gastrologie + + +
Anesthésie +
Traitements d'urgences +
Croissance, Génétique, Pédiatrie + +
OTC + + + + + +
Santé grand public, médicaments en vente libre + + + +
Rhumatologie +
Dermatologie +
Dépendance à l'alcool +
Vaccins + + + +
Médicaments génériques + +
Santé animale + + + +
Equipements médicaux +
Biomédicaments + + + + + + + + +

Source : XERFI, 2012, Laboratoires pharmaceutiques, Xerfi 700, 127p.


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62
ANNEXE 4 : Companion Diagnostic - In vitro & Imaging Tools

Drug Trade Decision


Name Device Trade Name PMA Device Manufacturer date of
(Generic Name) PMA
therascreenKRAS RGQ
Erbitux (cetuximab) P110030 Qiagen Manchester, Ltd. 07/16/2012
PCR Kit
Erbitux
(cetuximab); DAKO EGFR PharmDx P030044
Dako North America, Inc. 09/27/2006
Vectibix Kit S001-S002
(panitumumab)
Exjade Resonance Health Analysis
Ferriscan K124065 01/23/2013
(deferasirox) Services Pty Ltd
Gleevec/Glivec P040011
DAKO C-KIT PharmDx Dako North America, Inc. 11/02/2012
(imatinib mesylate) S001-S002
Herceptin P940004 Ventana Medical Systems,
INFORM HER-2/NEU 08/01/2000
(trastuzumab) S001 Inc.
Herceptin PATHVYSION HER-2 P980024
Abbott Molecular Inc. 02/10/2013
(trastuzumab) DNA Probe Kit S001-S010
PATHWAY ANTI-HER-
Herceptin 2/NEU (4B5) Rabbit P990081 Ventana Medical Systems,
04/02/2013
(trastuzumab) Monoclonal Primary S001-S016 Inc.
Antibody
Herceptin
INSITE HER-2/NEU KIT P040030 Biogenex Laboratories, Inc. 12/22/2004
(trastuzumab)
Herceptin SPOT-LIGHT HER2 CISH P050040
Life Technologies, Inc. 07/06/2012
(trastuzumab) Kit S001-S003
Herceptin Bond Oracle Her2 IHC
P090015 Leica Biosystems 04/25/2012
(trastuzumab) System
Herceptin P100024
HER2 CISH PharmDx Kit Dako Denmark A/S 04/19/2013
(trastuzumab) S001-S004
Herceptin INFORM HER2 DUAL ISH P100027 Ventana Medical Systems,
04/02/2013
(trastuzumab) DNA Probe Cocktail S001-S006 Inc.
Herceptin
(trastuzumab); P980018
HERCEPTEST Dako Denmark A/S 04/18/2013
Perjeta S001-S017
(pertuzumab)
Herceptin
(trastuzumab); P040005
HER2 FISH PharmDx Kit Dako Denmark A/S 02/22/2013
Perjeta S001-S009
(pertuzumab)
cobas EGFR Mutation Roche Molecular Systems,
Tarceva (erlotinib) P120019 05/14/2013
Test Inc.
VYSIS ALK Break Apart P110012
Xalkori (crizotinib) Abbott Molecular Inc. 04/17/2013
FISH Probe Kit S001-S003
Zelboraf COBAS 4800 BRAF V600 P110020 Roche Molecular Systems,
01/10/2013
(vemurafenib) Mutation Test S001-S006 Inc.

Source : http://www.fda.gov/

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