Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Adeline DEMBO
Pascale HEBEL
Aurélia VITTORI
Avec la participation de
Gilles CAPON
Patrick DUCHEN
Franck LEHUEDE
DÉCEMBRE 2015
www.credoc.fr N° 328
SOMMAIRE
SYNTHESE .......................................................................................................................... 2
INTRODUCTION .................................................................................................................. 3
CONCLUSION ..................................................................................................................... 38
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 39
ANNEXES .......................................................................................................................... 41
1. Présentation du Master Distribution et Relation Client de l’Université Paris-Dauphine .................. 41
2. Rappel méthodologique concernant l’utilisation du tau de Kendall dans notre analyse des
innovations commerciales de 2012 ....................................................................................... 42
3. Ecarts à la moyenne par sous-secteur pour chaque besoin de consommation ............................. 44
4. Les 30 meilleures innovations commerciales détaillées en 2011 ............................................... 45
5. Les 30 meilleures innovations commerciales détaillées en 2015 ............................................... 46
6. Grille d’analyse exploitée en 2012 ........................................................................................ 49
1
SYNTHESE
Lors d’un précédent Cahier de Recherche1, nous avions fait le point sur différents travaux cher-
chant à définir, comprendre et mesurer l’innovation commerciale. En effet, longtemps limitée aux
innovations de procédés et de produits (en lien direct avec la science et les évolutions technolo-
giques observables notamment dans le secteur de l’industrie), l’innovation est devenue progressi-
vement un champ d’étude à part entière, apparaissant comme un des moteurs de la compétitivité
des entreprises. Face aux difficultés rencontrées dans la mesure et l’évaluation des innovations
commerciales, dites non technologiques, les experts du CREDOC ont proposé en 2012 une ap-
proche consistant à évaluer les innovations commerciales à travers la grille des besoins des con-
sommateurs. L’analyse du flux d’innovations permet notamment de comprendre les mutations qui
s’opèrent au sein du secteur du commerce, d’identifier des tendances et certaines bonnes pra-
tiques.
1
C.Funel, M.Vigoureux, A.Vittori, L’innovation commerciale, quelles innovations commerciales au regard des
attentes des consommateurs, Cahier de Recherche n°291, CRÉDOC, novembre 2012.
2
« L’ubérisation de l’économie bouscule les entreprises traditionnelles », LSA, n°2389, 26 novembre 2015.
2
INTRODUCTION
Le premier chapitre de ce rapport vise à rappeler les contours de notre champ d’étude et exposer
les enjeux liés à l’observation de l’innovation commerciale. Le second chapitre, basé sur un travail
de veille et synthétisant différents travaux d’experts, vise à rappeler l’importance des travaux de
prospective comme outil majeur d’aide à la décision. Il permet ainsi de faire le point sur les princi-
pales tendances recensées du côté de la demande (tendances de consommation analysées et sui-
vies qui serviront à constituer notre grille d’évaluation des innovations commerciales) et de l’offre
(recensement des principales stratégies développées par les distributeurs). Enfin, le troisième cha-
pitre s’inscrit dans la continuité de nos travaux de 2012. Il tente avant tout de répondre à la ques-
tion suivante : Est-ce que les 30 innovations commerciales de 2015 répondent aux principales at-
tentes des consommateurs ? Ces 30 innovations issues d’une sélection minutieuse reflètent-elles
les principales tendances recensées dans notre second chapitre ? Il s’agit ainsi dans ce dernier
chapitre d’évaluer les innovations commerciales en fonction des besoins de consommation qu’elles
permettent de satisfaire et de valider ou non leur adéquation avec les évolutions constatées du
côté de la demande. Nous tenterons notamment d’identifier les tendances de consommation les
plus exploitées par les distributeurs en 2015 et d’observer les éventuelles changements par rapport
aux résultats de 2012.
3
1 RAPPEL PREALABLE : DEFINITION ET PRINCIPAUX ENJEUX DE
L’INNOVATION COMMERCIALE
Après un rappel synthétique des différentes définitions et typologies des innovations commerciales,
nous reviendrons dans ce chapitre sur les deux phénomènes majeurs qui justifient l’intérêt crois-
sant des experts à mettre en place une méthode pour analyser ces innovations : l’accélération du
processus d’innovations dans le commerce et leur rôle croissant dans la relation client.
Cette année seule la définition retenue dans le cadre de notre analyse sera présentée de manière
détaillée, puisqu’elle est l’une des plus récentes et résulte de différents travaux d’experts. Toute-
fois, sans revenir aux différentes définitions existantes, nous pouvons rappeler les principaux tra-
vaux fondateurs dans le domaine de l’innovation à travers le tableau suivant :
4
Figure 1 : Rappel des principaux travaux utiles à la compréhension et à la définition de l’innovation
commerciale
Cohen et Démontre Leurs travaux fournis- La capacité d’une firme à exploiter les con-
Levinthal, l’importance de la sent une vision dyna- naissances externes est un déterminant cri-
1989 nature cumula- mique de l’innovation tique de sa capacité d'innovation : une firme
tive des connais- mettant en rapport les sera plus ou moins en mesure d'exploiter les
sances ; Impor- innovations passées opportunités technologiques de son environ-
tance de la capa- des firmes et leur ca- nement selon son savoir de base et le proces-
cité d’absorption pacité actuelle sus d'apprentissage qui s’effectue en son sein.
des firmes d’innovation.
Dernière Propose des prin- Cette version propose L’innovation est alors définie comme « la mise
version du cipes directeurs pour la première fois en œuvre d’un produit (bien ou service) ou
Manuel pour le recueil et une analyse de l'inno- d’un procédé nouveau ou sensiblement amé-
d’Oslo, OCDE l'interprétation des vation non technolo- lioré, d’une nouvelle méthode de commercia-
2005 données sur l'inno- gique ainsi que des lisation ou d’une nouvelle méthode organisa-
vation : liens entre les diffé- tionnelle dans les pratiques de l’entreprise,
l’innovation rents types d'innova- l’organisation du lieu de travail ou les rela-
commerciale une tion. tions extérieures.»
innovation dite
non technolo-
gique.
Dupuis,
Cherche à mesurer Les innovations sont Dupuis distingue la dimension back office
2001 le poids de conditionnées par (innovations de flux et d’organisation) de la
l’innovation dans l’évolution de dimension front office (innovations de con-
le commerce (ty- l’environnement (aussi cept). Il retient ainsi quatre types
pologie retenue bien technologique que d’innovation commerciale :
pour différentes juridique). La combi-
enquêtes de naison (ou mix) des - de concept
l’INSEE) différents types - de flux
d’innovation est alors
nommée innovation - d’organisation
architecturale.
- de relation
Gallouj,
Prendre en compte En se basant notam- Il distingue 7 domaines d’innovation :
2007 les interactions ment sur le modèle de
entre les diffé- den Hertog et Brouwer - Nouvelles méthodes de vente
rents types (2000), il montre la - Nouveaux concepts ou nouveaux formats de
d’innovation nécessaire prise en magasin
compte des interac-
tions entre les diffé- - Nouveaux produits et nouveaux services
rents types distribués dans et par le magasin (innovation
d’innovation (transver- de marché)
salité des nouvelles
- Nouveaux produits et nouveaux services (à
technologies…).
l’initiative des distributeurs)
- Nouveaux process dans un même format
- Nouveaux process externes
- Applications et utilisations de nouvelles
technologies
5
Comme nous l’avions présentée en 2012, l’approche de Michel Choukroun offre une vision plus
pratique et plus pragmatique de l’innovation dans le secteur de la distribution. Sa vision s’oriente
vers une définition plus « humaniste »3. Il définit l’innovation dans la distribution comme étant
« liée à tout ce qui permet d’apporter un progrès à l’homme dans sa façon d’être, de vivre et
d’échanger ». Il identifie alors 7 domaines-clés :
- Le produit : L'enseigne met sans cesse à la disposition de ses clients des produits qui doivent sur-
prendre par leur originalité, leur utilisation, leur niveau de prix.
- L’animation : C'est peut-être un des domaines où l'innovation est la plus forte et la moins chif-
frable. L'inventivité des distributeurs est sans limite pour faire sans cesse revenir des clients forcé-
ment infidèles : prix, jeux, cadeaux, primes, anniversaires, réouvertures, soldes, promotions, dé-
monstrations, dégustations, défilés, flashmobs.
- Le lien client : La révolution de l'Internet et du 2.0 a apporté à la distribution cet outil essentiel qui
lui manquait pour créer des relations individuelles avec ses millions de clients. De la carte de fidélité
aux blogs, aux tchats et aux communautés, le commerce social se développe au rythme du web. De
nouvelles initiatives sont prises chaque jour par les enseignes, à tel point qu'il est difficile d'en suivre
le déroulement. Le distributeur s'est fortement saisi de cette opportunité créée par la technologie et
par un nouveau monde qui a besoin de se "re-lier".
- Le modèle d’organisation : Le choix des structures et la façon de les faire évoluer recouvrent des
domaines en innovation permanente dans la distribution : structures intégrées centralisées ou décen-
tralisées, structures de franchise et groupements du commerce associé liés pour tout ou partie à
l'enseigne, capitaux familiaux, capital-risque ou appel au marché.
- La roue de la productivité : Cela recouvre l'ensemble des outils que développe la distribution pour
agir sur cinq axes essentiels qui consistent à réduire les attentes clients (fluidification des passages
aux caisses), augmenter le service client (fidélisation), atteindre les zéros rupture (chaîne logistique),
mesurer les rentabilités à la famille de produits (contrôle de gestion) et garantir des résultats et des
réalisations en phase avec les budgets (rentabilité et prévisions).
- La relation : Au-delà de la négociation, forcément dure car le rapport de forces entre industriels et
distributeurs est complexe à équilibrer, de nouvelles actions de partenariat sont sans cesse testées.
Des expériences de partage et de coopération sont mises en place dans des domaines aussi variés
que la chaîne logistique et la traçabilité des produits, le merchandising, les actions de communication
ou encore les échanges de données.
3
Choukroun [2012].
6
sur les tendances observées aussi bien du côté de l’offre que de la demande dans le chapitre sui-
vant.
Ainsi, le prix n’est plus le seul facteurs-clé de succès des acteurs de la distribution. Toutes les en-
treprises, quelle que soit leur taille, doivent désormais innover en permanence. Nous avions évo-
qué le rôle stratégique de l’innovation commerciale dans notre rapport de 2012, nous ne revien-
drons pas ici sur ce point. Néanmoins, nous pouvons identifier deux idées principales qui alimen-
tent notre réflexion et notre intérêt pour ce champ d’étude : la montée en puissance de l’innovation
dans la relation client et l’accélération du processus d’innovation dans le commerce durant la der-
nière décennie, deux tendances largement associées à l’accélération du changement technologique.
Le secteur de la distribution est particulièrement soumis à des contraintes qui lui sont propres. Les
acteurs du secteur doivent en effet se montrer très réactifs face aux mutations de leur environne-
ment. Ainsi, comme nous l’avions rappelé dans notre précédent cahier de recherche, deux facteurs
sont déterminants dans la dynamique d’innovation commerciale : la pression concurrentielle et les
comportements et attentes des consommateurs.
4
C.Funel, M.Vigoureux, A.Vittori, L’innovation commerciale, quelles innovations commerciales au regard des
attentes des consommateurs, Cahier de Recherche n°291, CRÉDOC, novembre 2012.
7
- comportements et attentes des consommateurs : soumis à des impulsions de changement récurrentes,
ces derniers sont amenés à réviser en permanence leurs arbitrages. Les distributeurs, contrairement
aux industriels, se trouvent en première ligne et doivent donc être en veille face à ces évolutions afin
d’y répondre par des solutions concrètes, c’est-à-dire visibles par les clients. Ainsi, alors que les con-
cepts commerciaux étaient en moyenne renouvelés tous les cinq à six ans par le passé, ils le sont au-
jourd’hui tous les deux à trois ans, quand ils ne font pas l’objet d’une adaptation permanente.
L’enjeu est de taille pour les entreprises du secteur : si ces derniers ne veillent pas à réagir suffi-
samment rapidement aux évolutions de leur environnement la sanction se traduit immédiatement
par une perte de parts de marché (cas de Virgin qui n’a pas su s’adapter assez rapidement au dé-
veloppement de la numérisation des produits culturels).
Les distributeurs doivent ainsi associer habilement à leur stratégie et missions de long terme
(image véhiculée, choix de leur clientèle cible…), une véritable culture de l’innovation commerciale
afin de réagir face à l’évolution permanente de leur environnement. Comme nous le soulignions
dans notre précédent cahier de recherche, la force de la distribution se révèle alors dans sa capaci-
té à agir dans l’urgence.
Comme nous l’avons précisé à travers l’étude des différentes typologies de l’innovation commer-
ciale, les innovations sont conditionnées par l’évolution de leur environnement et interagissent
entre elles. Les exemples sont nombreux notamment dans le domaine du commerce connecté. En
effet, les progrès technologiques ont favorisé certains comportements de consommation. En sché-
matisant, les consommateurs étant de plus en plus équipés en tablettes, smartphones et autres
équipements électroniques, les distributeurs ont su repérer ces nouvelles tendances pour les trans-
former en nouvelles pratiques d’achat (offrir au consommateur la possibilité de commander un
produit à n’importe quel moment et en tout lieu) ou du moins pour améliorer la relation client (dé-
veloppement de l’information en ligne sur les produits ou via des bornes consultables en maga-
sin…). Mais un réel travail d’analyse et de veille est nécessaire pour identifier et s’adapter à ces
tendances de consommation. Ainsi, par exemple, une réflexion a été menée par les professionnels
de la distribution pour atténuer les freins à l’achat via internet. Outre, rassurer le consommateur
sur la fiabilité des modes de paiement en ligne, l’identification de ces freins a donné naissance à de
nombreuses innovations dans le domaine de la logistique (notamment autour de la livraison et du
retour gratuits5).
Ainsi, cette « culture de l’innovation commerciale » nécessite avant tout un travail de veille et de
prospective sur les différentes tendances (structurelles, émergentes…). C’est cette approche que
nous avons développé dans notre second chapitre.
5
« Comment l’innovation logistique va transformer le commerce connecté », Lexpansion.lexpress.fr, publié le
21/09/2015.
8
2 REPERER ET COMPRENDRE LES EVOLUTIONS DE LA DEMANDE ET
DE L’OFFRE : UN ENJEU STRATEGIQUE MAJEUR
Tous les décideurs souhaitent anticiper afin de mettre en place leur stratégie. L’outil le plus adapté
à cette aide à la décision est l’analyse prospective qui est se définit comme la méthodologie
d’investigation des futurs possibles. La prospective se propose de donner une vision à long terme,
en prenant en compte les acteurs internes au système mais aussi les acteurs externes constitutifs
de l’offre. L’analyse des tendances du côté de la demande comme de l’offre sont des outils néces-
saires à la constitution de la prospective. On distingue 5 types de tendances qui constitueront la
structuration des tendances identifiées : tendances structurelles ou « lourdes », tendances émer-
gentes (souvent inversions de tendances mais pas toujours), signaux faibles et effets conjonctu-
rels, ainsi que les ruptures dont nous proposons les définitions suivantes :
9
2.1 Évolution du côté de la demande
Pour identifier les tendances, le CREDOC a mis en place, depuis le début des années 1990 à la
création du département « Prospective de la Consommation », des systèmes d’enquêtes et des
outils d’analyses structurels :
6
Hébel P. Coordonnateur (2007), « Comportements et Consommations Alimentaires en France», éditions Tec &
Doc Lavoisier
7
Hébel P. Coordonnateur (2012), « Comportements et Consommations Alimentaires en France», éditions Tec &
Doc lavoiser
10
• Les cahiers de la consommation ont été mis en place en 2011, en partenariat avec la Socié-
té Pair Conseil et réunissent tous les semestres une vingtaine d’acteurs de la consomma-
tion autour de prévisions économiques des marchés et des tendances de la consommation.
Toute cette partie est la synthèse des tendances issues de ces enquêtes et outils alimentant de
nombreux cahiers de recherche.
De nombreux travaux prospectifs réalisés par le CREDOC (Mathé et al (2012), Hébel et al (2010),
Hébel et al (2009), Recours et al (2008), Recours et Hébel (2006), Recours et al (2005)), ont pu
mettre en avant l’intérêt d’utiliser les modèles d’âge-période-cohorte pour identifier les tendances
structurelles. Ces modèles intègrent de fait les effets démographiques et les changements liés à
l’arrivée de nouvelles générations. Appartenir à une génération conditionne les valeurs et les com-
portements. Les conditions économiques et l’offre disponible au moment où chaque génération
entre dans la consommation conditionnent très fortement ses choix. Les générations adoptent des
valeurs et des comportements au moment du passage entre l’enfance et l’adolescence. Selon Préel
(2000) : « Les membres d’une même génération ont en commun de partager un destin inscrit à la
confluence de deux histoires : celle de l’époque introduisant les évènements extérieurs qui les tou-
cheront et les marqueront plus ou moins profondément, et celle du cycle de vie, enchainant inexo-
rablement les âges les uns après les autres ». Les générations nées avant la fin de la guerre sont
caractérisées par une plus forte pratique des normes traditionnelles, une moindre tolérance, une
autorité plus forte, un moindre individualisme et un attachement moins fort à l’hédonisme. Ainsi, le
conflit des générations de la fin des années 1960, corollaire de l’agitation née en 1968 peut-il
s’interpréter comme le mouvement d’une génération opposée aux générations précédentes en rai-
son de références normatives différentes. La génération « sociologique » née au milieu des années
1940, nommée génération « Hypermarché » en référence à l’avènement de cette forme de distri-
bution au milieu des années 1960, est en rupture avec ses aînées. Ces générations sont moins
enclines au respect des normes anciennes, et s’éloignent des pratiques religieuses. Ces cohortes
sont plus homogènes du point de vue de leurs valeurs, elles portent les normes sociales et idéolo-
giques qui ont marqué la fameuse « seconde révolution française ». Le modèle social qui a favorisé
les générations « Mai 68 » et les précédentes – plein emploi, progrès avec mobilité sociale ascen-
dante, perspectives de vie en rapide amélioration, inventions et diffusion de nouveaux modes de
vie – a été le destin d’une génération et n’est plus celui des nouvelles générations. À partir des
générations nées en 1950, la structure sociale par génération semble cesser de se modifier, à
l’exception de l’expansion du chômage. Les cohortes d’après 1950 inaugurent la baisse du niveau
du salaire relatif, la hausse du coût du logement, le ralentissement du niveau de vie, la stagnation
des départs en vacances, mais surtout l’activité des femmes. Ainsi, les personnes appartenant aux
générations nées avant la Seconde Guerre mondiale privilégient les comportements économes,
cherchent des produits qui durent et n’aiment pas jeter. Les deux grandes tendances émanant des
nouvelles générations sont la réalisation de soi autonome et la reliance.
11
• LA REALISATION DE SOI AUTONOME
Les nouvelles générations nées dans un contexte de mise en cause des institutions sont de plus en
plus individualistes. Elles recherchent une autonomie face au conditionnement du milieu social. Se
réaliser, c’est rechercher une identité pour soi. C’est aussi confronter cette identité au regard des
autres pour qu’ils l’acceptent et la valident. La réalisation de soi nécessite donc la recherche d’un
compromis entre ce que chacun revendique d’être et la vision que les autres ont de soi.
Elle passe par la construction de l’identité de l’individu, selon une double dynamique :
Ces deux identités ne sont pas toujours congruentes. L’individu peut s’identifier différemment de la
façon dont les autres le perçoivent. Il n’aura cependant de cesse de chercher à les rapprocher.
• L’identité affectée par soi change au gré des événements de la vie personnelle.
Quelle que soit l’époque, les individus se définissent à travers de ces deux dimensions identitaires
affectées par soi et par les autres. Toutefois, l’ampleur de chacune de ces dimensions fluctue au
cours du temps. En entrant dans une société postmoderne, l’identification individuelle a pris le pas
sur l’identification dont la dimension de groupe est prépondérante. En effet, « La postmodernité
désigne un moment au cours duquel les institutions porteuses de sens et supports de socialisation
s’effritent. On assiste à l’abandon des grands systèmes explicatifs du monde, qu’ils soient religieux,
politiques ou scientifiques, à l’affaiblissement des repères et des structures d’encadrement de so-
ciabilité traditionnelles (familles, partis, Églises, écoles…) et au développement d’un individualisme
intense » (De Gaulejac, 2009).
Avec la postmodernité, les identités attribuées sont remises en question. L’identité s’inscrit dans
un projet de vie long, une quête d’authenticité, un processus biographique qui s’accompagne de
crises et d’appartenances successives, perturbées par les aléas de l’existence. L’action prime sur la
réflexion et l’introspection.
Chacun se définit par ce qu’il fait et par ce qu’il souhaite entreprendre. Se réaliser s’incarne dans
un projet de vie que l’individu construit personnellement, de façon fluctuante au cours de sa vie,
sans prédétermination des groupes d’appartenance mais avec la nécessité d’être reconnu par ses
pairs et par le reste de la société comme appartenant au groupe qu’il s’est choisi. L’affirmation
individuelle prime alors sur l’affirmation collective. Appartenir à un groupe ne signifie plus partager
des croyances et des racines communes avec ses membres. Cela permet de participer à des ac-
tions conjointes afin d’avancer dans son propre projet de vie. L’individu appartient dès lors à des
groupes multiples, variables et éphémères, auxquels il adhère pour des périodes limitées et qui lui
fournissent des ressources pour se réaliser.
Se réaliser, c’est aujourd’hui une question d’histoire que chaque individu décide de construire, une
question de projet, de parcours biographique qu’il décide de poursuivre, une question de « cons-
12
truction identitaire tout au long de sa vie ». « Le problème aujourd’hui se présente plutôt dans une
quête identitaire permanente qui s’exprime par des appartenances multiples, successives, concomi-
tantes, sans que l’individu veuille ou puisse se fixer durablement » (De Gaulejac, 2009). En
d’autres termes, « L’hypermodernité serait plutôt du côté de l’idéal du moi, du dépassement des
limites et de la réalisation de soi-même » car « l’idéal d’être un sujet conscient et responsable se
transforme en exigence. Le sens de son existence ne lui étant plus « donné », il [l’individu] doit le
trouver par lui-même. » (De Gaulejac, 2009).
La consommation devient alors un outil au service de l’individu, lui permettant moins de définir son
nouveau projet de vie que de le réaliser et le faire reconnaître par autrui.
Concrètement, nous avons choisi de caractériser cette tendance structurelle au travers de deux
dimensions :
• RELIANCE
Les jeunes générations, adhèrent moins aux actions collectives telles que les syndicats, partis poli-
tiques ou groupes religieux et affirment leurs valeurs au travers de leurs choix de consommation. A
la suite de cette désimplication des structures collectives, on observe ainsi une augmentation des
petits groupes sociaux qui s’apparentent à des communautés ou à des formes tribales très forte-
ment déterminées par un lien émotionnel. La communauté est davantage centrée sur le plaisir
d’être ensemble que sur un projet auquel tous les individus contribuent. La tribu est un moyen de
renouveler la nature du lien social. Ce lien est accentué par le développement des réseaux sociaux.
Ce phénomène est accentué par l’effet d’âge, le jeune est un inconnu pour lui-même. Il est en
phase de construction identitaire, tout en étant orienté vers l’avenir. L’être humain est un être rela-
tionnel qui se construit par ses liens avec autrui. Sans les autres, l’être humain n’existe pas. L’un
des désirs humains est d’être reconnu par ses semblables. Et c’est bien cette relation avec les
autres qui crée ce désir de consommation. Par effet de mimétisme et d’imitation, nous désirons ce
que l’autre a désigné comme désirable. Les leaders d’opinion jouent un rôle capital dans le jeu du
désir puisqu’ils jouent le rôle du médiateur. Les consommateurs souhaitent le produit porté par une
célébrité dans leur construction de soi afin de se construire. La consommation symbolique signifie
13
souvent que l’individu cherche à améliorer son image de soi . Et c’est bien dans cette recherche
d’identité que la publicité crée l’identification à des stars. L’utilisation de célébrités permet aux gens
ordinaires d’imiter les stars, de penser qu’ils peuvent leur ressembler. Le développement de la
presse people ces vingt dernières années en France participe à l’effet de mimétisme par triangula-
risation : la star devient le médiateur qui nous donne envie de consommer tel produit parce qu’elle
désire ce produit. La société de consommation prône le nouveau et l’inédit suscitant qui créent du
désir. Les hommes prennent alors leurs désirs pour des besoins. Les consommateurs savent très
bien exprimer ce besoin d’être comme les autres.
- Par l'établissement de liens forts avec un cercle relativement étroit de proches (famille,
amis) et l'entretien d'un réseau plus ou moins étendu de liens faibles avec une diversité de
« tribus » auxquelles l'individu décide de s’intégrer librement et, généralement, de façon
superficielle et circonscrite à des centres d'intérêt bien délimités.
- Par un rattachement plus général à la globalité, via par exemple l'adhésion à des valeurs
altruistes à la base de la sensibilité aux causes humanitaires, aux problématiques du déve-
loppement durable, de l'éthique, du commerce équitable... voire à certaines formes de pra-
tiques religieuses.
Nous caractérisons la reliance à travers les items suivants, toujours perçus du point de vue du con-
sommateur :
• L’OPTIMISATION ET LA STRATEGIE
La crise économique de 2008, comme toutes celles apparues depuis le démarrage de la société de
consommation, notamment celle de 1993, ont posé la question de la raison d’être de
l’hyperconsommation. Dans les faits, le consommateur a mis en place une stratégie d’évitement en
simplifiant sa consommation et en comparant les prix. Les facteurs conjoncturels observés en
2008-2009 sont à moindre degré les mêmes que ceux détectés durant la crise de 1993 :
• Retour vers les fondamentaux, mise en place d’une frugalité (voir Siounandan et al,
2013) ;
14
A ces trois facteurs conjoncturels s’ajoute un nouveau facteur, celui de la consommation collabora-
tive qui tend aujourd’hui à stagner avec la reprise économique (voir Hébel et Mathé, 2015).
• LA CONSOMMATION ENGAGEE
Une tendance émergente au début des années 90, la rassurance est en perte de vitesse. Issue de
la crise économique de 1993, elle s’est traduite par l’augmentation des peurs des différents aléas
de la vie (maladie, accident nucléaires, risques alimentaires, …). Ces peurs diminuent dans nos
enquêtes.
L’individu moderne, en tant que consommateur, se trouve confronté à une multitude sans cesse
croissante de choix possibles. Les sociologues expliquent que la contrepartie peut être une certaine
difficulté à assumer cette liberté de choix. En pratique, le besoin de rassurance s’exprime dans les
comportements de consommation, par exemple, par la place de premier plan occupée par les ga-
ranties d'hygiène et de sécurité parmi les critères de choix des produits consommés, mais aussi par
la sensibilité accrue à l'égard des caractéristiques associées à la tradition, aux origines ethniques,
au terroir, par un retour des préoccupations sécuritaires (qui s’exprime notamment lors de la fré-
quentation des commerces en zones urbaines sensibles, où l’encadrement du magasin par un ser-
vice de sécurité discret mais efficace constitue un élément de rassurance fort aux yeux des
clients)… Ce besoin de rassurance n’est pas étranger, par exemple, au regain d’intérêt des con-
sommateurs pour le commerce de proximité.
Nous avons fait le choix de caractériser la rassurance via les items suivants :
15
- Garantie ;
- Image de marque ("J'achète le produit/service car j'ai confiance en la marque") ;
- Sécurité ;
- Santé ;
- Fidélisation.
Les tendances de consommation que nous venons de décrire ont ainsi permis d’établir la grille
d’analyse des comportements des consommateurs que nous utiliserons dans notre troisième cha-
pitre pour évaluer les innovations commerciales.
En 2014, l’activité des secteurs commerciaux repart un peu à la hausse en volume, après deux
années de repli ou de stagnation, grâce à une demande des entreprises et des ménages en légère
progression9 (respectivement +2,0% et +0,6% en volume). Dans le commerce de détail, l’activité
amorce également une légère reprise (+0,8% en volume). Elle reste néanmoins orientée à la
baisse dans les formes de vente à dominante alimentaire (-0,3% en volume). Comme les années
précédentes, la situation est un peu meilleure pour les formes de vente à dominante non alimen-
taire dont les ventes augmentent en volume de 1,9%. Toutefois, tous secteurs confondus, les
ventes du commerce de détail ont été pénalisées par un effet prix à la baisse (-0,4% des ventes en
valeur).
En termes de parts de marché, les ventes des grandes surfaces d’alimentation générale représen-
tent toujours le tiers des ventes du commerce de détail (tous produits confondus), avec une part
stable depuis 2009. En 2014, le commerce non alimentaire spécialisé représente 38,2% des parts
de marché pour l’ensemble des produits commercialisables (+0,2 point en un an) et l’alimentation,
l’artisanat commercial et les petites surfaces d’alimentation générale 10,5% (+0,1 point). Les ac-
8
FUNEL C., VIGOUREUX M., VITTORI A., L’innovation commerciale, quelles innovations commerciales au regard
des attentes des consommateurs, Cahier de Recherche n°291, CRÉDOC, novembre 2012.
9
La situation du commerce en 2014, Rapport établi pour la Commission des Comptes Commerciaux de la Na-
tion, juin 2015.
16
teurs du commerce spécialisé ont su mettre en place des stratégies pour résister face à la grande
distribution non spécialisée et à Internet10 : miser sur des formats plus petits et adaptés aux at-
tentes des consommateurs, favoriser la proximité avec la clientèle dans un souci de gain de
temps…. La part de marché des grands magasins et autres commerces non alimentaires non spé-
cialisés reste stable à 1,5%, tout comme celle du commerce hors magasin à 5,6%.
Tableau 1 : Parts de marché (en %) – ensemble des produits commercialisables, en valeur T.T.C.
Les données 2015 de la Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad) témoignent de la pro-
gression du commerce électronique qui a généré 56,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires selon le
bilan 2014 (+11% par rapport à 2013, soit 6% du commerce de détail et 9% du commerce de
détail hors alimentaire ; la progression était de 13,5% entre 2012 et 2013) avec plus de 700 mil-
lions de transactions réalisées en ligne, même si le montant du panier moyen continue de se con-
tracter (81 euros en 2014, -4% par rapport à 2013).
10
DEMBO A., VITTORI A., CAPON G., SIOUNANDAN N. [2014], Commerce non alimentaire, études des compor-
tements de consommation par circuit de distribution, Cahier de Recherche CRÉDOC n°315, décembre.
17
Le nombre de sites marchands s’élève à 164 200 en 2014, soit une hausse de 14% par rapport à
2013. Néanmoins, seuls 4% des sites réalisent un chiffre d’affaires de plus d’un million d’euros et
concentrent 89% du marché. Le nombre de « cyberacheteurs » est également de plus en plus im-
portant. Les 34,7 millions d’acheteurs en ligne recensés en 2014 (+4% sur un an, ce qui corres-
pond à 62% des Français qui ont acheté en ligne en 2014) ont dépensé en moyenne 1 625 euros
au cours de l’année passée, soit une hausse de près de 7% sur un an.
Parallèlement, le m-commerce affiche des performances en forte hausse, avec un chiffre d’affaires
de 4 milliards d’euros en 2014 qui croît de 54% en un an, ce qui représente 7% du chiffre
d’affaires du e-commerce, une proportion qui devrait atteindre 10% en 2015 selon les prévisions
de la Fevad.
Le commerce en ligne, sous toutes ses formes (m-commerce, tablettes…), devrait ainsi poursuivre
sa croissance. En effet, les enseignes de la distribution traditionnelle, mais aussi les marques-
enseignes sont de plus en plus nombreuses à ouvrir un site marchand. Inversement, les pure-
players disposent très souvent d’un lieu physique pour communiquer avec la clientèle et accroître
leur notoriété. Selon l’enquête TIC 2014 de L’INSEE, trois quarts des acteurs de la vente en ligne
disposent ainsi de leurs propres points de vente physiques (boutiques, guichet, hôtel, etc.) ; ils
sont 90% si l’on considère uniquement le commerce de détail.
Mais surtout, dans un environnement connecté, où les marketplaces de type Amazon occupent une
place croissante, l’adoption de stratégies de distribution omnicanal, fondées sur la complémentarité
des circuits de distribution physique et virtuel devrait contribuer à conforter Internet dans les pra-
tiques d’achat des consommateurs. En témoigne le succès auprès des consommateurs des drives
alimentaires : 3 017 étaient ainsi recensés sur le territoire français en 2015, 3 889 si l’on ajoute les
points de retrait à l’accueil des magasins (source LSA), alors qu’ils étaient autour de 1 500 début
2012. Après une phase d’ouvertures massive destinée à capter des parts de marché, les distribu-
teurs devraient faire évoluer qualitativement le concept pour lui permettre de trouver une meilleure
rentabilité.
De façon plus globale, la nécessité intégrée par les distributeurs est de permettre aux consomma-
teurs, de plus en plus exigeants et impatients, de faire leurs achats à tout moment et n’importe où
grâce à cette complémentarité entre les circuits de vente.
Tous les secteurs intègrent le virtuel à leur offre commerciale. En point de vente, les distributeurs
misent sur la digitalisation, c’est-à-dire l’utilisation d’applications mobiles, de logiciels, d’outils nu-
mériques sous toutes leurs formes (écrans géants, vitrines et bornes interactives, robotique, bea-
cons, casques à réalité augmentée…) dans le but notamment d’optimiser le cheminement du con-
sommateur dans une offre pléthorique (souci de gain de temps, d’efficacité, de confort, de plaisir
d’achat), de lui fournir des informations complémentaires, pertinentes et hyper-spécialisées, ou
tout simplement pour le séduire et lui faire vivre une expérience unique qui lui donnera envie de
renouveler son achat auprès de l’enseigne. Dans ce domaine, les pratiques se multiplient, souvent
18
sur le mode de l’expérimentation avant de sélectionner celles qui apporteront une aide réelle à la
vente (quelques exemples : les bornes interactives pour commander les produits non disponibles
en stock à La Halle aux chaussures, le mur à selfie chez Sephora pour partager ensuite sa photo
sur les réseaux sociaux, les écrans tactiles chez Optic 2000 pour essayer les montures non pré-
sentes en magasin, etc.).
Les enseignes utilisent aussi le digital pour proposer de nouveaux moyens de paiement. Le sans
contact, avec carte bancaire ou téléphone mobile, doit permettre d’après les distributeurs de facili-
ter le passage en caisse, surtout en GSA. D’autres fonctionnalités se développent autour du m-
paiement : introduction du programme de fidélité ou de coupons de réduction dans l’application,
propositions d’offres de sites marchands partenaires, etc.
La gestion numérique permet de connaître en temps réel les stocks, donc de mieux gérer les ap-
provisionnements et d’apporter une information immédiate au client sur la disponibilité du produit,
parfois couplée avec un service de réservation en ligne.
• LES FORMATS DE VENTE NOUVELLE GENERATION MISENT SUR LA RAPIDITE, L’ECHANGE ET L’EXPERIENCE
LUDIQUE
D’autres enseignes souhaitent créer la surprise et l’envie chez leurs clients en ouvrant des pop-up
stores, véritables outils de communication. Ces boutiques éphémères permettent d’aller à la ren-
contre du consommateur, de tester des concepts, de présenter des séries limitées ou de nouvelles
gammes (exemple : Kiabi a ainsi lancé en septembre 2015 une boutique éphémère dans le Marais
à Paris pour tester un format de petite boutique adaptée au centre-ville). La distribution alimen-
taire devrait notamment multiplier les initiatives dans le domaine de l’innovation commerciale au
cours des prochaines années. A titre d’exemple, la retail-restauration, c’est-à-dire l’offre de restau-
ration au sein des commerces commence tout juste à se développer en France (exemple : des sa-
lons de café Starbucks ont ouvert dans les magasins Monoprix).
Les centres commerciaux sont également repensés avec de nouveaux concepts qui allient une offre
abondante – parfois exclusive –, des prestations et services haut de gamme (exemple : service
global de retrait d’achat de type drive au centre commercial Labège 2), des loisirs (cinéma, casino,
jeux pour les enfants, etc.), le tout dans un cadre souvent contemporain et design (exemple : le
centre commercial Polygone Riviera de Unibail-Rodamco/Socri à Cagnes sur Mer).
Toutes ces évolutions poussent les enseignes à repenser leur organisation et à se différencier tou-
jours plus, non seulement sur l’offre proposée elle-même, mais aussi sur la façon dont elle est mise
19
en valeur auprès du consommateur, avec des services très personnalisés (conseils, informations,
services et produits complémentaires, etc.).
Si la guerre des prix anime l’univers de la distribution depuis de nombreuses années, les enseignes
savent que pour conquérir de nouveaux marchés elles doivent axer leur stratégie sur la pertinence
de leur offre commerciale et sur de nouveaux services dont l’utilité doit être directement ressentie
par le consommateur. La croissance repose désormais sur la connaissance des clients et la maîtrise
des outils de marketing relationnel. La première étape consiste donc pour les distributeurs, à tra-
vers le marketing prédictif, à collecter et analyser un nombre de données toujours croissant sur les
consommateurs, leurs attentes, leurs modes de vie, leurs façons de consommer, afin de leur pro-
poser en amont et tout au long de leur parcours d’achat un accompagnement adapté et personnali-
sé, destiné à les satisfaire et à les fidéliser.
• LES DISTRIBUTEURS PROPOSENT UNE OFFRE DE SERVICES A PLUS FORTE VALEUR AJOUTEE
Par ailleurs, pour apporter une solution aux coûts de transport et limiter les délais d’attente, les
services web-to-store ou store-to-web se développent. Le click & collect est de plus en plus sou-
vent proposé par les enseignes et les points de retrait fleurissent : le cyberacheteur récupère son
colis grâce à des systèmes de casiers implantés à l’accueil du magasin, en gare, sur un parking,
etc. Ainsi, 30% à 50% des achats Internet seraient retirés en magasin12. Dans la même veine, le
reserve & collect se pose comme un bon outil pour générer des ventes additionnelles en point de
vente. Ces concepts sont repris dans l’alimentaire, Intermarché ayant déjà équipé certains de ses
magasins de casiers de retrait disponibles 24h/24h. Les distributeurs s’engagent aussi dans la ré-
11
Source magazine Stratégies n°1822, juillet 2015.
12
Source magazine Point de vente n°1182, 05 décembre 2015.
20
duction des délais de livraison, ce qui impose un outil logistique performant. Les exemples dans ce
domaine sont nombreux, parmi lesquels : la livraison garantie le lendemain avec le service « Li-
vraison express » de Boulanger, le test de la livraison par drones chez Amazon, la livraison collabo-
rative par les clients eux-mêmes en réflexion chez Intermarché, etc. Au-delà de la seule relation
client, le traitement des données et de leurs flux (big data, machine to machine, etc.) doivent éga-
lement permettre d’optimiser l’organisation de l’entreprise (gestion des stocks, logistique, trans-
port…). D’autres services sont proposés pour fluidifier le parcours client et réduire le temps
d’attente en magasin, telles que les zones d’encaissement rapide en magasin via des circuits courts
(La Fnac, Darty, Boulanger…) ou la file d’attente unique.
Toujours dans l’optique d’améliorer la relation clients, les programmes de fidélité sont aussi repen-
sés avec un plus fort ciblage de la clientèle (exemple : offre d’abonnement à un club chez Orches-
tra pour que le client se sente privilégié) et une sélection d’offres personnalisées en fonction des
derniers achats. Ils permettent aussi aux enseignes de communiquer un discours engagé (actions
en faveur de l’environnement, projets solidaires…) et d’améliorer leur image auprès des consom-
mateurs.
Face aux attentes fortes de consommateurs de plus en plus défiants vis-à-vis des grands acteurs
économiques, les distributeurs se donnent comme objectifs d’apporter de la lisibilité dans une offre
surabondante, de donner du sens et de la qualité. Les labels, normes et certifications sont un des
moyens déployés par les industriels et les distributeurs pour apporter des garanties en termes de
qualité. Les engagements écologiques et sociaux sont aussi mis en avant. Des concepts de maga-
sins économes et écologiques voient le jour, visant à réduire l’impact environnemental et à amélio-
rer l’image et la notoriété de l’enseigne. Fabricants et distributeurs sont également les garants de
la traçabilité des produits, de l’étiquetage et de la sécurité auprès des consommateurs, des enjeux
primordiaux, notamment dans les domaines de la santé et de l’alimentaire. Avec l’essor des ventes
par Internet, les enseignes doivent désormais assurer la sécurisation des échanges numériques,
que ce soient les informations bancaires ou les données client, quitte parfois à pénaliser la fluidité
de la navigation. En effet, la fraude à la carte bancaire reste encore vingt-cinq fois supérieure lors
des achats en ligne par rapport au magasin physique13. Un autre enjeu pour les marques est la
sécurisation des informations transmises par les objets connectés, afin de garantir aux utilisateurs
la protection de leurs données personnelles.
13
Rapport annuel de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement, exercice 2014.
14
DAUDEY E., HOIBIAN S. [2014], La société collaborative, mythe et réalité, Cahier de Recherche CRÉDOC
n°313, décembre.
21
significatif de leurs produits et services et donc mettre en avant la valeur d’usage c’est-à-dire la
valeur fonctionnelle ou symbolique des produits. L’offre cherche à associer des produits et des ser-
vices complémentaires dans l’usage, pour proposer des solutions complètes au consommateur. Le
groupe d’électroménager SEB a ainsi lancé Eurêcook à Dijon, un service de location de petits appa-
reils électroménager. Lorsque le client vient louer son appareil, il peut trouver sur place les ingré-
dients, les recettes et les accessoires associés nécessaires à la réalisation de son plat. Avec le pas-
sage de la fourniture du produit à la coproduction d’effets utiles, l’entreprise devient apporteuse de
solutions et accompagne ses clients dans leur besoin.
Certains distributeurs sont déjà particulièrement engagés dans cette « orientation client ». Ils cher-
chent à recréer du lien, de la proximité avec leurs consommateurs. Quelques-uns sont ainsi à
l’initiative de la création de communautés de consommateurs qui permettent aux clients ou aux
acheteurs potentiels d’échanger entre eux des avis, conseils et astuces sur les produits et services
proposés. Des sites collaboratifs thématiques voient également le jour, en réponse à l’engouement
des consommateurs pour le « do it yourself » (exemple : le site collaboratif Wiki for home lancé par
Castorama et alimenté par les internautes eux-mêmes). Des ateliers participatifs sont créés, sur le
modèle du Tech Shop de Leroy Merlin, le premier atelier de l’enseigne en France situé à proximité
d’une de ses boutiques et qui met à disposition de tous, moyennant un abonnement, des machines
semi-industrielles pour bricoler, réparer, personnaliser son intérieur. Des professionnels présents
sur place peuvent dispenser des formations et montrer les techniques aux débutants. L’objectif est
là encore de donner du relief à l’expérience client et d’accroître l’intérêt des consommateurs pour le
bricolage et donc indirectement pour l’enseigne.
A l’heure actuelle, l’innovation dans la distribution semble donner ainsi l’avantage à la fois à
l’expérientiel – destiné à apporter du plaisir au consommateur –, aux technologies ciblées et aux
services d’utilité reconnue, le plus souvent en interface avec le client, plutôt qu’à une refonte en
profondeur du système de distribution. Les enseignes évoluent afin de proposer un commerce glo-
bal et serviciel qui réunit l’ensemble de l’offre, physiquement et virtuellement selon plusieurs mo-
dalités de vente (en magasin, sur le net via le drive ou la livraison à domicile, en click & collect)
pour apporter au client une expérience unique et personnalisée.
Dans ce chapitre nous avons ainsi volontairement recensées dans un premier temps les principales
attentes des consommateurs, puis les principaux axes développés par les distributeurs. Cela nous
amène à nous questionner sur l’adéquation entre l’offre proposée par les distributeurs et les princi-
paux besoins des consommateurs.
22
3 ANALYSE DES INNOVATIONS COMMERCIALES DE 2015 : QUELLES
EVOLUTIONS PAR RAPPORT A 2011 ?
Cette partie vise à illustrer la partie précédente en analysant les innovations commerciales de 2015
via le prisme de la grille des différentes attentes des consommateurs. Elle cherche à pointer quelles
sont les tendances de consommation qui sont bien exploitées par les professionnels du secteur ou à
l’inverse, celles qui devraient faire peut-être l’objet d’un développement.
Dans un premier temps, nous reviendrons sur la méthodologie mise en œuvre pour recenser les
innovations commerciales, les qualifier au travers d’une grille d’analyse ayant pour focale le con-
sommateur, et établir les différents indicateurs nécessaires à notre étude. Dans un second temps,
nous nous intéresserons à l’évaluation des innovations commerciales de 2015. Les résultats obte-
nus seront, dans la mesure du possible, rapprochés de ceux de notre précédente étude de 2012.15
Enfin, cette année nous nous sommes interrogés sur les corrélations qui peuvent être établies
entre la satisfaction de telle ou telle attente des consommateurs. Par exemple, est-ce qu’une inno-
vation répondant au critère de plaisir est souvent associée au marketing expérientiel ?
3.1 Méthodologie
- l’alimentation,
- l’équipement de la personne,
- l’équipement de la maison,
- la banque, l’assurance et l’immobilier,
- l’énergie, la mobilité et les télécoms,
- le luxe.
15
L’Innovation commerciale, Quelles innovations commerciales au regard des attentes des consommateurs ?, ,
Cahier de Recherche CRÉDOC n°291, 2012.
16
Ces cinq catégories sont à l’origine du sigle SCOPS (cf. page suivante).
23
- Services : d’une manière générale, les services retenus sont ceux qui facilitent l’accès à un
produit/service ou le processus d’achat de ce produit/service.
- Concepts de vente physique ou en ligne.
- Opérations promotionnelles : ces opérations associent industriels et distributeurs autour de
category management ou trade marketing. Il s’agit principalement de réalisations origi-
nales en matière de promotion ou de merchandising.
- Programmes de fidélisation matérialisés ou non par une carte de fidélité.
- Stratégies de relation client qui s’inscrivent dans une logique plus large que les pro-
grammes de fidélisation. Elles impliquent un ciblage nouveau, l’ajustement de l’offre et des
canaux de commercialisation, le soutien d’un ou plusieurs partenaires.
Au sein de chaque secteur, une trentaine d’innovations ont été repérées chaque année. Chaque
innovation est décrite dans une fiche de synthèse qui comporte plus de 20 critères. À la suite de ce
repérage large, les projets les plus innovants sont retenus et analysés de manière très approfondie
par les étudiants. La pertinence des projets sélectionnés est évaluée en termes de bénéfice pour
les clients et d’efficacité pour l’entreprise innovante. Un système de vote électronique instantané
donnant 50% des voix à un jury d’experts et 50% des voix au public (professionnels, journalistes
et étudiants) permet de sélectionner 30 innovations commerciales parmi les 90 meilleures, puis les
5 victorieuses (une dans chaque catégorie) des Trophées SCOPS dont l’évènement clôture l’année
universitaire.
3 innovations rete-
nues par catégorie
d’innovations pour
chaque secteur
(5 catégories et
6 secteurs analysés).
Les travaux réalisés par le CRÉDOC dans le cadre de cette recherche porteront, pour l’année 2015,
sur les 30 meilleures innovations commerciales.
24
3.1.2 Présentation de la grille retenue pour analyser les innovations commerciales
L’analyse ci-après cherche à décrire les innovations commerciales au regard des tendances de con-
sommation qu’elles visent à satisfaire. Elle s’appuie sur une grille d’analyse dont l’élaboration est le
fruit d’un travail itératif entre l’identification des attentes des consommateurs par les chercheurs du
CRÉDOC et l’analyse conjointe du corps enseignant de l’Université Paris-Dauphine.
Sur la base de différentes études et travaux d’experts, cinq grandes tendances de consommation
ont été identifiées auxquelles correspondent, pour chacune d’entre elle, un certain nombre de be-
soins de consommation particuliers17. Ces derniers (au nombre total de 22) constituent la grille
d’analyse présentée ci-dessus, à partir de laquelle les experts du CRÉDOC ont noté des innovations
commerciales. En 2015, deux nouveaux besoins de consommation ont été identifiés et ajoutés à la
grille : le design universel et la santé. C’est pourquoi aucune donnée en évolution ne sera donnée
pour ces besoins-là dans notre analyse qui va suivre.
17
Cf. chapitre 2.1 Evolution du côté de la demande.
25
L’objectif de la notation est de juger de la pertinence de chaque besoin dans chacune des innova-
tions commerciales sélectionnées. Les notes s’échelonnent de 0 à 5, sachant que 0 indique que le
besoin n’est absolument pas satisfait par l’innovation, 1 correspond à une faible satisfaction et 5 à
une très forte. Pour une même innovation commerciale, une même note a pu être attribuée à plu-
sieurs besoins. Il ne s’agissait pas d’effectuer un classement des items les plus représentatifs, mais
de noter l’intensité de chacun. Enfin, l’attribution des notes s’est faite du point de vue des con-
sommateurs et non des distributeurs. Pour chaque item, il s’agissait de se poser la question :
« Est-ce que l’innovation commerciale me permet de… ? ».
La méthodologie adoptée en 2015 diffère de celle de 2012 étant donné que cette année seuls les
experts du CRÉDOC ont noté ces innovations commerciales. En effet, en 2012 un groupe de travail
constitué de professeurs et d’étudiants de l’Université Paris-Dauphine s’ajoutait aux experts du
CRÉDOC. Chaque groupe d’étudiants avait noté les innovations correspondant à son secteur
d’expertise uniquement et les professeurs avaient noté les 30 meilleures innovations de 2011. Les
disparités dans le nombre d’innovations notées par chacun des groupes de travail avaient donc
nécessité des choix méthodologiques importants et des traitements statistiques spécifiques pour
rendre les données exploitables. Cette année, la méthodologie adoptée est donc simplifiée.
Afin de bien distinguer ces différents niveaux d’analyse, deux ensembles de variables sont considé-
rés. Pour chaque innovation commerciale, l’ensemble de variables de réponse , où , correspond
à la note de l’individu i pour la tendance de consommation p (1≤p≤5) de l’innovation k. D’autre
part, l’ensemble de variables , où , désigne la note attribuée par l’individu i à l’item s (1≤ s
≤20) de l’innovation k.
18
Toutefois, l’analyse par type d’innovation n’a pas révélé d’écarts très significatifs et semble difficilement
interprétable. Le classement par type d’innovation est néanmoins un préalable nécessaire à notre analyse, car il
permet de rechercher les innovations sur tous les terrains de l’innovation commerciale et vise ainsi à obtenir un
recensement le plus exhaustif possible.
26
Nous avons donc, par exemple, dans le secteur alimentaire pour lequel 6 innovations ont été rete-
nues, la variable :
,
⋮
,
⋮
étant le vecteur des notes attribuées par l’individu 1 aux 22 items de la
,
⋮
,
de l’innovation 1 ;
,
,
⋮ ,
⋮
étant le vecteur des notes attribuées par l’individu 1 aux 22 items de
,
⋮ , l’innovation 6.
,
,
où est la note attribuée à la réalisation de soi-autonome (tendance de consomma-
Les permettent une analyse au niveau item par secteur tandis que les variables décrivent le
niveau grande tendance de consommation par innovation.
Pour obtenir une photographie de l’innovation commerciale en 2015 à travers les attentes des con-
sommateurs et déterminer les tendances sur lesquelles se concentrent les efforts des distributeurs,
nous souhaitons allouer une seule note à chaque item de chaque innovation sélectionnée.
Afin d’allouer une note globale à chaque item de chaque innovation à partir des réponses de
l’échantillon, il est nécessaire d’examiner au préalable les conséquences d’une opération sur les
notes des répondants. Lorsqu’on crée un indicateur (et en particulier dans le cadre de notre étude,
il s’agit de faire la moyenne des notes), une partie de l’information issue de l’ensemble des notes
est perdue. Il est donc important de mesurer cette perte afin de s’assurer qu’elle ne soit pas trop
importante et de la restreindre au maximum. En effet, plus les évaluations diffèrent, plus
l’hétérogénéité des réponses est difficile à résumer et plus la quantité d’information perdue est
grande. Ceci est tout particulièrement vrai lorsqu’on souhaite opérer sur des variables quantitatives
discrètes alors que, pour ceux qui les ont générées, elles s’apparentaient à des variables catégo-
rielles. On ne peut donc considérer la moyenne des notes attribuées par l’échantillon que si celles-
ci engendrent une hiérarchie des items, cohérente entre chaque répondant19.
19
En effet, si, par exemple, pour une innovation k, le répondant a donné une note de 0 à un item alors que,
dans le même temps, lui a donné une note de 5, il est difficile de considérer que la moyenne - soit 2,5 -
rende bien compte de cette notation opposée. En effet, une note de 0 exprime que le répondant 1 considère
cette attente comme n’étant pas du tout satisfaite, alors qu’une note de 5 indique au contraire que le répondant
2 considère que cette innovation la satisfait pleinement. Il est alors pas satisfaisant de considérer que 2,5 rend
compte du décalage entre ces deux points de vue, ce qui traduit donc la limite du raisonnement. Ainsi, moyen-
ner les évaluations ne peut être réalisé que si les notes présentent un certain degré d’homogénéité dans les
jugements.
27
En 2012, nous avions montré la concordance des classements des différents experts du CRÉDOC à
l’aide du tau de Kendall20.
Nous allons voir ici comment calculer une moyenne de notes pour chaque tendance et pour chaque
innovation, sans altérer de manière importante l’information initiale issue des notations de chaque
individu.
Chaque personne note de façon singulière, ce qui peut impacter le poids des réponses de chacune
au sein de son groupe. Chaque évaluation personnelle se traduit sous deux formes : son intensité
et son étendue. L’intensité de la notation traduit la tendance qu’a un examinateur à donner systé-
matiquement des notes très élevées ou au contraire très basses, ce qui se traduit par une moyenne
de notes différente pour chacun des membres du groupe. L’étendue de la notation, quant à elle,
caractérise la manière dont l’examinateur distribue ses notes, soit de façon très resserrée, soit
avec une amplitude forte, ce qui se traduit donc dans les écarts-types des notes attribuées. Ces
différences de notations conduisent, au moment de la création de l’estimateur, à donner un poids
implicite différent aux examinateurs : dans un contexte où les notes attribuées sont relativement
faibles – de nombreux items ne caractérisent pas l’innovation et reçoivent donc un poids nul -, une
tendance systématique à donner des notes élevées et/ou sur une amplitude forte obtiendra une
contribution plus importante que d’autres.
L’ensemble de l’évaluation d’un individu détermine donc l’information divulguée par une seule note.
Ce n’est pas tant la note donnée qui importe que le classement des items et des innovations qu’elle
induit.
Afin d’être objective, il est indispensable que l’évaluation soit indépendante de l’observateur. Il est
donc nécessaire de rendre comparables les notes entre elles tout en conservant la hiérarchie in-
duite par l’évaluation. C’est pourquoi les données ont été centrées-réduites afin que chaque répon-
dant ait la même moyenne et la même dispersion. Ainsi, on utilise les données répétées d’un indi-
vidu pour déterminer ses caractéristiques de notation et remettre à égalité l’ensemble des répon-
dants, sans trahir chaque évaluation particulière.
La dispersion des notes attribuées à chacun des items peut se décomposer en deux composantes dis-
tinctes : la dispersion intra-individuelle – c’est à dire l’amplitude des notes données par un même répondant
– et la dispersion inter-individuelle – c’est à dire la différence des notes données entre deux répondants dif-
férents. La première composante traduit la hiérarchie entre les items introduite par un répondant, selon une
échelle de valeurs qui lui est propre, tandis que la seconde matérialise simplement la différence d’intensité
dans la notation entre les individus.
L’information qui nous intéresse ici est la hiérarchie des items entre eux. Il s’agit donc d’éliminer les diffé-
rences de notations entre les différents individus. Pour cela, nous proposons d’uniformiser les réponses des
individus à la fois dans l’intensité de la réponse mais également dans l’amplitude de l’échelle de valeurs uti-
lisée. Il s’agit alors de centrer-réduire la variable des réponses d’un individu.
20
Voir méthodologie en annexe.
28
Soit la variable de réponse que nous souhaitons centrer-réduire, son espérance (ici, sa moyenne) et
son écart-type. Alors, centrer-réduire consiste à calculer pour chaque observation , la valeur ,
!
=
, "
comme , #"
.
Ainsi, nous obtenons des variables de moyenne 0 et d’écart-type 1. La moyenne étant à 0, cette nouvelle
notation comporte des valeurs négatives.
Pour plus de clarté dans cette étude, nous avons décidé par convention de ramener la moyenne à 2,5 et de
maintenir ainsi une notation positive.
En considérant ces nouvelles données, les répondants notent alors avec la même intensité et la
même étendue dans chaque secteur.
3.2 Innovations commerciales en 2015 : quelles sont les tendances les plus
exploitées par les distributeurs ?
L’analyse qui va suivre est basée sur la grille présentée dans le chapitre précédent (expliquée en
détail dans notre second chapitre). Nous tâcherons de répondre aux questions suivantes : Quelles
sont les tendances de consommation les plus exploitées par les innovations commerciales en
2015 ? Les innovations commerciales de 2015 reflètent-elles les mêmes tendances que celles de
2011 ? Existe-t-il un écart entre les tendances exploitées par ces innovations commerciales et les
tendances réellement identifiées dans notre chapitre précédent ?
Ainsi, il apparaît que toutes les grandes tendances sont représentées de manière assez proche,
avec tout de même un nombre de points accordés toujours supérieur concernant les tendances
liées à la réalisation de soi (Accomplissement par la participation et Accomplissement par de nou-
velles expériences). Ce résultat va dans le sens de ce que nous avons décrit dans notre chapitre
relatif à l’analyse de la demande : la réalisation de soi autonome s’explique notamment par les
effets d’âge et de génération et apparaît comme une tendance structurelle (évolution lente, sou-
mise à une forte inertie). Selon cette tendance, la consommation est alors un outil au service des
individus « en quête identitaire permanente ». L’acte d’achat est alors un moyen de se réaliser,
d’affirmer son identité. Les innovations commerciales de 2015 s’appuient ainsi sur une tendance
structurelle majeure pour satisfaire les consommateurs.
29
Figure 4 : Répartition globale des tendances de consommation
selon les points attribués par grande tendance de consommation en 2015
OPTIMISATION / ACCOMPLISSEMENT
STRATEGIE; 14,7% PAR LA
PARTICIPATION;
17,4%
CONSOMMATION Réalisation de
ENGAGEE; 13,6%
soi autonome
RASSURANCE;
16,1% ACCOMPLISSEMENT
A TRAVERS DE
NOUVELLES
EXPERIENCES;
RELIANCE; 16,6% 21,6%
Guide de lecture : La rassurance totalise 16,1% de la somme des moyennes des points attribués pour chaque
grande tendance.
Afin d’étudier plus précisément les évolutions en termes de points accordés par grande tendance
de consommation, nous avons mis en parallèle les résultats observés en 2015 avec ceux observés
en 2011 (répartition de la somme des moyennes par grande tendance de consommation selon la
grille de 2015 des besoins de consommation).
30%
24%
25% 22%
20% 21% 21%
20% 19%
20% 17% 18%
17%
15% 2011
10% 2015
5%
0%
REALISATION DE RELIANCE RASSURANCE CONSOMMATION OPTIMISATION /
SOI AUTONOME ENGAGEE STRATEGIE
Guide de lecture : La réalisation de soi autonome totalise 24% de la somme des moyennes des points attribués
pour chaque grande tendance en 2015 contre 22% en 2011.
Il apparait ainsi qu’en termes de grandes tendances de consommation, les résultats observés en
2015 sont similaires à ceux de 2011 avec tout de même une légère accentuation du poids de la
réalisation de soi autonome dans les innovations commerciales de 2015 (24% en 2015 contre 22%
en 2011). Par ailleurs, cette année, la reliance arrive en seconde position avant la rassurance.
30
Remarque sur les résultats par sous-secteur :
Notre précédent cahier de recherche avait montré que les 30 meilleures innovations commerciales
reflétaient bien les tendances observées dans chacun des sous-secteurs. Néanmoins, pour l’analyse
par secteur nous nous étions appuyés sur 90 innovations commerciales (15 par secteur). L’analyse
par sous-secteur nous apprenait qu’en moyenne ces derniers exploitaient les mêmes tendances de
consommation avec quelques différences au niveau des besoins de consommation. Par souci de
rigueur méthodologique nous ne présenterons pas cette année les résultats détaillés par secteur
puisque notre analyse se base sur les 30 meilleures innovations de 2015 (seulement 5 innovations
commerciales par secteur).
Néanmoins, afin de présenter de manière synthétique les principales différences entre les secteurs,
nous avons calculé les écarts à la moyenne de l’ensemble des secteurs pour chaque besoin de con-
sommation. Le tableau des résultats est disponible en annexe.
• CES TENDANCES DOMINENT AUSSI BIEN EN NOMBRE DE TENDANCES CONCERNEES QU’EN TERMES DE
DEGRE D’INNOVATION
Notre méthode d’analyse permet d’identifier dans chacune des grandes tendances de consomma-
tion, les principaux besoins que permettent de satisfaire les innovations commerciales. Le gra-
phique suivant vise à établir une classification de ces derniers en croisant leur degré d’innovation
(correspondant à leur poids dans l’ensemble des innovations en fonction du nombre de points qui
leur a été attribué) et de la proportion d’innovations commerciales concernées par ces critères (si
au moins deux des cinq experts ont attribué au moins un point à ce critère pour une innovation
commerciale, alors nous avons considéré que cette dernière cherchait à répondre à ce besoin).
Comme nous l’avions déjà remarqué lors de notre précédente analyse, l’analyse détaillée de la
représentativité de chacun des critères dans l’ensemble des innovations commerciales démontre
cette année encore l’importance accordée par les distributeurs à l’expérientiel dans leur processus
d’innovation.
Adidas :
Adidas a souhaité développer la pratique du running en lançant en juin 2014 la Boost Battle Run Pa-
ris. Il s’agit de la première compétition de running communautaire, opposant 10 quartiers de Paris.
Les équipes s’affrontent aussi bien sur des épreuves sportives que sur les réseaux sociaux, pendant 9
mois durant. Au final, la compétition a regroupé 10 000 participants, invitant Adidas à renouveler ce
concept pour une seconde saison démarrée en avril 2015.
En effet, pour se démarquer de la concurrence, ces derniers proposent de faire vivre au consom-
mateur une expérience unique (accompagnement personnalisé, actions événementielles…) ou du
moins particulière autour de l’enseigne ou de la marque. A noter que ce critère est souvent associé
à celui de plaisir et s’appuie également sur la digitalisation du parcours client.
31
Chronodrive :
Muni de l'objet connecté Hiku qui s'aimante à son réfrigérateur, le client peut scanner le code-barres
d'un produit ou dicter son nom pour que celui-ci s'ajoute automatiquement à la liste de course con-
nectée sur son application mobile Chronodrive. Ce service a permis à Chronodrive de générer 5% de
chiffre d'affaires additionnel sur les clients qui ont déjà adopté ce nouveau geste.
Ainsi, tout comme en 2011, on retrouve les trois critères « plaisir », « nouvelles technologies » et
« marketing expérientiel » en tête de liste. Ces derniers ont le degré d’innovation le plus élevé (ils
ont collecté le plus de points) et concernent également le plus grand nombre d’innovations com-
merciales (plus de 75% des innovations commerciales analysées). Les six premiers besoins de
consommation en termes de degré d’innovation appartiennent à la tendance de consommation
« Réalisation de soi autonome ». Apparaissent ensuite certains besoins liés à la « Reliance » (Ré-
enchantement du lien social et lien communautaire). Ainsi, il semblerait que les innovations com-
merciales s’appuient davantage sur les tendances qualifiées de structurelles.
0 2 4 6 8 en %
Degré d'innovation
Guide de lecture : Le gain de temps, qui concerne entre 50% et 75% des innovations commerciales, totalise
5,4% des points totaux distribués.
21
D’un point de vue méthodologique, il convient de nuancer les résultats obtenus pour les dimensions éthique
et responsable des attentes des consommateurs. En effet, la nature du recensement et le champ de
l’Observatoire des innovations commerciales du Master Distribution & Relation Client de l’Université Paris-
Dauphine conduit à sous-estimer ces deux notions car elles font souvent l’objet de moins de médiatisation.
32
• LA FIDELISATION DE LA CLIENTELE ET L’ACHAT MALIN AFFICHENT UN REPLI TANDIS QUE LA
PERSONNALISATION DEVIENT UNE DES PRIORITES DES DISTRIBUTEURS
Alors qu’en 2011 plus de 75% des innovations recensées cherchaient à fidéliser les consommateurs
afin d’éviter des comportements de type « consommateur zappeur » (comportement à la fois ob-
servable sur les marques, mais aussi sur les enseignes, les canaux de distribution…), l’exploitation
de cette tendance est en net repli en 2015 (perd 8 places dans le classement des tendances de
consommation). L’achat malin est également moins présent (-11 places) en témoignent les résul-
tats du tableau suivant :
Guide de lecture : Le plaisir est la tendance qui obtient le plus de points (plus fort degré d’innovation) en 2015
et gagne deux places par rapport au classement de 2011.
En 2011, les résultats traduisaient davantage la volonté des distributeurs de « compenser » d’une
certaine manière le sentiment de dégradation du pouvoir d’achat des français lié la crise écono-
mique via une forte présence de l’achat malin. L’évolution du classement démontre bien le poids
croissant accordé par les distributeurs à la tendance « Réalisation de soi autonome » à travers
33
notamment le renforcement de la présence des tendances suivantes : plaisir (+2 places), marke-
ting expérientiel (+2 places) et de la personnalisation (+5 places).
Voici notamment un exemple d’innovation commerciale (dans le secteur du luxe) qui mise sur la
personnalisation :
Yves Saint Laurent Beauté, Maquillage à emporter : Yves Saint Laurent Beauté propose à ses
clientes une session de maquillage par des professionnels munis de Google Glass. Une fois la session
terminée, les clientes reçoivent par mail la vidéo de leur session, une sorte de tutoriel sur-mesure.
Tous les secteurs sont désormais concernés par la personnalisation de l’offre, notamment avec la
révolution digitale et la montée des outils de marketing prédictif (cf. chapitre 2.2.3). En effet, « à
consommateur digital, marketing digital. La discipline reine des années 1980 apprivoise les sup-
ports et canaux digitaux et s’essaie au big data »22. En collectant des données personnalisées sur
les clients, les enseignes cherchent à enrichir la relation client en proposant par exemple une liste
de produits basée sur les achats les plus fréquents du client, en adaptant les publicités à ses goûts
ou en fonction de son âge.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la Reliance reste également une des tendances bien
exploitée par les innovations commerciales, en témoigne la montée du Réenchantement du lien
social dans le classement. Son développement s’appuie notamment sur la présence des enseignes
sur les réseaux sociaux ou via la mise en place de blogs. Ce besoin de consommation peut être
couplé avec celui du « pair à pair », en témoigne l’exemple suivant :
Toky Woky, click-to-chat entre visiteurs : Toky Woky est un module web se greffant à n’importe
quel site marchand et qui permet à un visiteur de poser directement une question aux visiteurs pré-
sents en même temps que lui et d’échanger en temps réel.
A noter également, un renforcement des tendances Image de marque et Seconde vie des objets/
Désintermédiation. Ces deux tendances gagnent 4 places par rapport à 2011. Toutefois, si l’image
de marque concerne plus de 75% des innovations commerciales analysées en 2015, la Seconde vie
des objets/ Désintermédiation demeure marginale (concerne moins de 25% des innovations com-
merciales étudiées).
Enfin, en 2015, la plupart des tendances liées à l’Optimisation/ stratégie (à l’exception de la Se-
conde vie des objets) ainsi que l’ensemble des tendances relevant de la Consommation engagée
perdent de 5 à 10 places dans le classement. Toutefois, il convient de nuancer les résultats obtenus
pour les dimensions éthique et responsable des attentes des consommateurs. En effet, la nature du
recensement et le champ de l’Observatoire des innovations commerciales du Master Distribution &
Relation Client de l’Université Paris-Dauphine conduit à sous-estimer ces deux notions car elles font
souvent l’objet de moins de médiatisation.
22
Dossier Marketing au cœur de la révolution digitale, RIA n°772, novembre 2015.
34
3.2.3 Analyse des corrélations existantes entre les différentes tendances exploitées par les
innovations commerciales
L’approche en termes de classement des tendances exploitées nous a permis de démontrer les
principaux axes sur lesquels s’appuient les innovations commerciales. Nous pouvons, par ailleurs,
nous demander si les tendances les plus présentes au sein de ces innovations ont un lien entre
elles. Il convient tout de même de rester prudent dans l’interprétation des résultats. Nous ne pou-
vons pas réellement conclure à un effet de cause à effet entre la satisfaction d’une tendance et la
présence d’une autre tendance, tout particulièrement s’il s’agit d’une tendance peu présente au
global dans les innovations commerciales observées en 2015. Ainsi, par souci de rigueur méthodo-
logique, nous n’effectuerons cet exercice que pour les tendances qui concernent le plus grand
nombre d’innovations commerciales. Le nombre d’innovations commerciales analysées limite pour
cette année notre analyse.
• LA DIMENSION « PLAISIR »
La tendance plaisir est observée dans la totalité des 29 concepts commerciaux. Elle est associée le
plus souvent à la notion de digitalisation ou nouvelles technologies, au marketing expérientiel, à la
personnalisation. Il s’agit d’ailleurs des tendances les plus représentées. L’utilisation des nouvelles
technologies et du numérique dans le parcours d’achat semble ainsi être fortement corrélée à la
notion de plaisir.
Guide de lecture : Parmi les 29 concepts associés à la notion de plaisir, 25 concepts sont également associés à
la tendance digitalisation ou nouvelles technologies, 25 à la tendance marketing expérientiel, 24 à la tendance à
la personnalisation, etc.
35
A noter ici, l’importance du design universel (8ème tendance exploitée par les innovations com-
merciales en 2015). Cette tendance (produit ou service accessible tous) apparaît donc comme la
4ème tendance la plus associée à la notion de plaisir.
Darty, Bouton Darty : Au moyen d’un abonnement, Darty propose à ses clients un bouton permet-
tant d’être contacté par l’assistance téléphonique à tout moment, pour tous les produits du foyer,
quel que soit leur âge, achetés chez Darty ou non.
Concernant le Digital/ Nouvelles technologies, les tendances les plus associées sont les mêmes
que celles vu précédemment puisque l’on étudie les tendances les plus fréquemment exploitées. Il
est néanmoins intéressant de constater que cette tendance est fortement associée à la personnali-
sation et beaucoup moins à des tendances relevant de la Reliance (Réenchantement du lien social
ou lien communautaire) qui pourtant concernent plus de 50% des innovations commerciales de
2015. Ce résultat pourrait ainsi traduire l’effort des distributeurs à développer des outils à fort con-
tenu technologique au service de l’individu pour offrir des produits et des conseils adaptés aux
goûts et aux besoins de chacun.
Guide de lecture : Parmi les 25 concepts associés à la notion de digitalisation ou nouvelles technologies, 25
concepts sont également associés à la tendance plaisir, 22 à la tendance personnalisation, 21 à la tendance
marketing expérientiel, etc.
36
L’intégration des nouvelles technologies au parcours client ne se résume donc plus à développer un
site internet ou à investir les réseaux sociaux. Il s’agit bien de s’appuyer sur les outils du digital
pour informer, accompagner et conseiller dans le but de faciliter l’acte d’achat, comme en témoigne
l’exemple suivant :
37
CONCLUSION
Les résultats en termes de classement des besoins de consommation confirment notre intuition de
départ : l’innovation commerciale apparaît comme un champ d’étude à privilégier pour observer les
mutations à l’œuvre au sein du secteur du commerce et de la distribution. Les enseignes font
preuve de réactivité et adaptent leurs stratégies aux principaux changements qui s’opèrent dans
les tendances de consommation tout en tenant compte de l’influence de la conjoncture (achat ma-
lin moins présent en 2015).
Par ailleurs, l’analyse des innovations commerciales de 2015 démontre que les acteurs du com-
merce s’appuient avant tout sur des tendances de long terme. C’est la réalisation de soi autonome
qui est privilégiée au sein de ces innovations, comme c’était déjà le cas en 2011. Cette tendance se
renforce en 2015 (en termes de nombre de points collectés). La progression de cette tendance
passe notamment par davantage de personnalisation qui est elle-même largement associée à la
dimension Digital/ Nouvelles technologies. La présence du digital en boutique et l’utilisation accrue
des technologies mobiles par la clientèle permettent de multiplier les points de contacts avec les
consommateurs et constituent ainsi un atout majeur dans la relation client. Toutefois, si la plupart
des enseignes sont capables d’intégrer les nouvelles technologies en boutique (bornes digitales
pour informer, vérifier la disponibilité des produits, proposer un service qui s’appuie sur une tech-
nologie digitale…), seules les plus importantes structures sont capables de « capitaliser » sur les
informations collectées - par ces différents objets connectés - relatives aux achats, goûts et be-
soins des clients. La collecte et le traitement de ces données – compétences rattachées au « big
data » - constituent encore un défi à relever pour beaucoup d’enseignes, tandis que certaines
d’entre elles ont déjà fait le choix de renforcer leurs moyens sur cet axe stratégique qui vient bou-
leverser l’écosystème du marketing.23
23
« le digital réinvente le CRM en étendant les données clients à tout ce que l’internaute peut laisser sur le
web. La convergence entre les datas clients et digitales est une réalité qui oblige le marketing à revisiter son
ecosystème ». Stratégies, n°1837, CRM, A l’heure de la convergence, décembre 2015.
38
BIBLIOGRAPHIE
CAVALLO N., [2015], Les acteurs de la vente en ligne en 2014 : Vers une meilleure articulation
avec les points de vente physiques, INSEE Première n°1547, mai.
DAUDEY E., HOIBIAN S. [2014], La société collaborative, mythe et réalité, Cahier de Recherche
CRÉDOC n°313, décembre.
FUNEL C., VIGOUREUX M., VITTORI A. [2012], L’Innovation commerciale, Quelles innovations
commerciales au regard des attentes des consommateurs ?, Cahier de Recherche CRÉDOC n°291,
novembre.
HEBEL P. (DIR), DUJIN A., LEHUEDE F., MATHE T., SIOUNANDAN N. [2010], « Étude de l’impact du
vieillissement de la population sur l’offre et la demande de biens et de services de consomma-
tion », CREDOC, Juin, rapport pour la DGCIS (cf. www.gouv.Minefi.fr).
HERPIN N., MICHEL C. [2012], Avec le passage à la retraite, le ménage restructure ses dépenses
de consommation. INSEE. France, portrait social - édition 2012.
RECOURS F., HEBEL P., BERGER R., [2008], Effets de générations, d’âge et de revenus sur les arbi-
trages de consommation , Cahier de Recherche du CRÉDOC, n° 258.
RECOURS F., HÉBEL P., GAIGNIER C., [2005], Exercice d’anticipation des comportements alimen-
taires. Modèle Age-période-cohorte. CR n°222.
SIOUNANDAN N., HÉBEL P., COLIN J. [2013], VA-t-on vers une frugalité choisie ?, Cahier de Re-
cherche CRÉDOC n°302, décembre.
VAN DE WALLE I., HEBEL P. et SIOUNANDAN N. [2011], Les secondes vies des objets : les pra-
tiques d’acquisition et de délaissement. CRÉDOC, Cahier de Recherche, n°290.
Presse – Revues
Journal du Textile, n°2270, 27/10/2015, « Deux centres commerciaux géants ouvrent leurs
portes »
Journal du Textile, n°2271, 03/11/2015, « Connect s’est focalisé sur la relation client »
39
Journal du Textile, n°2268, 13/10/2015, « Paris Retail Week a illustré la montée en puissance du
commerce omnicanal »
Marketing, n°188, octobre 2015, dossier Marketing prédictif, quand la data remplace la boule de
cristal
Marketing, n°189, novembre 2015, article : Communautés de marques, animer, fédérer, les clés
du succès
Point de vente, n°1181, 21 septembre 2015, dossiers : on/offline, dualité dépassée, Interactions
mobiles, nouveaux leviers du retail digital
Point de vente, n°1182, 5 octobre 2015, dossier Digital média, PLV, ILV, vers le full service
Point de vente, n°1183, 19 octobre 2015, dossiers : GMS, restaurants de demain ?, Internet des
objets, quelle réelle (r)évolution pour le retail ?
40
ANNEXES
Depuis plus de 20 ans, le Master Distribution et Relation Client forme chaque année une trentaine
d'étudiants aux métiers du commerce et de la relation client.
41
2. Rappel méthodologique concernant l’utilisation du tau de Kendall dans notre ana-
lyse des innovations commerciales de 2012
Le degré d’accord entre les experts doit être suffisamment élevé pour pouvoir déterminer une note
moyenne sans altérer l’information initiale. Il est donc nécessaire d’évaluer le degré d’homogénéité
des classements induits par les différentes évaluations. Pour ce faire, nous avons mesuré la con-
cordance des classements à l’aide du tau de Kendall.
Le tau-b de Kendall permet de mesurer la concordance des rangs de variables dont les observa-
tions ne sont pas obligatoirement distinctes les unes des autres. Néanmoins, il est préférable de ne
pas avoir au sein d’une même variable trop d’observations identiques ce qui améliore artificielle-
ment la valeur du tau. Or, comme une innovation commerciale répond rarement à l’ensemble des
attentes des consommateurs à un niveau détaillé, nos variables de réponses contiennent un
grand nombre de 0. Le calcul du tau-b n’est donc pas pertinent à ce niveau, et il est nécessaire de
travailler sur les variables .
Le tau-b de Kendall mesure le degré de concordance entre les classements induits par une évaluation. Il
s’appuie sur les rangs des valeurs combinées des différentes observations. Soit et deux des variables
dont on souhaite déterminer le degré de concordance des rangs.
&' − )*
$% =
1- .&/&/ − 1* − 0 2 *&/&/ − 1* − 0 3 *
2 1 1
Où ' est le nombre d’inégalités concordantes 4 , > ,6 78 , > ,6 9: ;<9=> , < ,6 78 , < ,6 @ , ce
qui signifie que les deux items sont classés dans le même ordre chez les deux répondants
et ) est le nombre d’inégalités discordantes 4 , > ,6 78 , < ,6 @, ce qui signifie que l’ordre des deux
01 2 = ∑ :1 2 &:1 2 − 1* 01 3 = ∑ :1 3 &:1 3 − 1*
items est inversé chez les deux répondants
Pour chaque innovation k, et pour chaque couple de répondants (i,j), le tau-b de Kendall du couple
de variables 4 , @ a été calculé. En moyenne, pour tous les couples de variables et pour chaque
N
innovation, le tau de Kendall est de 0,47 ; ce qui montre que la hiérarchie des tendances induite
par la notation des individus est assez homogène, bien que nuancée.
D’autre part, une étude des différentes valeurs du tau de Kendall entre les individus révèle que
parmi l’ensemble des répondants, deux groupes plus homogènes encore se distinguent : le groupe
42
de travail du CRÉDOC ($% = 0,68), et le groupe de travail de l’université Paris-Dauphine ($% = 0,54).
De plus, entre ces deux groupes, le tau de Kendall n’est que de 0,40. La cohérence interne dans
chacun des groupes est donc largement supérieure à celle entre ces deux groupes.
Afin de restreindre au maximum la perte d’information issue d’une opération sur les notes, nous
allons considérer ces deux groupes distincts pour lesquels le tau de Kendall est le plus élevé et
obtenir ainsi, dans un premier temps, deux notes moyennes pour chaque innovation et chaque
item.
43
3. Ecarts à la moyenne par sous-secteur pour chaque besoin de consommation
Figure 10 : Poids des besoins des consommateurs dans les innovations commerciales de 2015
par secteur (en termes d’écart à la moyenne de l’ensemble des secteurs)
Répartition
Equipe- Mobili-
Equipe- moyenne
Tendances de Alimen- ment de té- Services
Critères ment de la Luxe ensemble
consommation taire la mai- Télé- financiers
personne secteurs
son coms
(en %)
PAR LA PARTICIPATION 0,7 -0,9 1,5 -0,4 -0,5 -0,4 18,3
Co-production 1,3 -0,5 0,3 -0,5 0,0 -0,8 4,2
Conseil, service -1,2 -0,3 1,0 0,3 -0,2 0,5 5,0
Confiance 0,4 -0,4 0,1 -0,3 0,3 0,0 3,7
Personnalisation 0,2 0,3 0,2 0,0 -0,6 -0,1 5,4
Guide de lecture : Un écart à la moyenne supérieur à 0 indique une plus forte exploitation du besoin de con-
sommation par les innovations commerciales pour un secteur donné comparativement à la moyenne de
l’ensemble des secteurs étudiés. Par exemple, la dimension écologique est plus marquée dans les innovations
commerciales recensées en 2015 dans le secteur de l’alimentaire puisque l’écart à la moyenne (3,6 pour
l’ensemble des innovations recensées) s’élève à 1,4.
44
4. Les 30 meilleures innovations commerciales détaillées en 2011
45
5. Les 30 meilleures innovations commerciales détaillées en 2015
Entreprise à l’origine de
Secteur d’activité Descriptif
l’innovation
Le service IZY permet, grâce à un objet fonctionnant par Wifi, de
Chronodrive, IZY – scanner tous les produits terminés dans la maison pour consti-
Alimentaire
Courses Intelligentes tuer sa liste de courses intelligente. Chronodrive entend simpli-
fier les courses et éviter les oublis une fois en magasin.
A Bordeaux, La Recharge est une épicerie qui propose des pro-
duits sans emballage, alimentaires et non alimentaires. Chaque
La Recharge Alimentaire client ramène ses contenants et paye ses achats au poids. La
volonté affichée est de limiter les déchets et également de
favoriser la consommation de produits locaux (max 100 kms).
Campagne lancée par Intermarché pour éviter le gâchis alimen-
Intermarché, Fruits et taire de produits non calibrés et non distribués d’habitude en
Alimentaire
légumes moches grandes surfaces. Ces produits sont proposés à la vente à des
prix attractifs.
Campagne de communication décalée lancée par Monoprix afin
Monoprix – Messages en de créer une image conviviale. Via les réseaux sociaux,
Alimentaire
boîte l’enseigne propose aux clients d’inscrire un message personnali-
sé sur des MDD et de le transmettre par courriel.
L’interprofession du bœuf et de la viande a lancé un site inter-
net réunissant les amateurs de viande afin qu’ils échangent et
Interbev, Bœuf Lovers Alimentaire
se rencontrent autour de leur passion commune pour la viande
de bœuf.
L’entreprise Lunettes pour tous propose une paire de lunettes
Lunettes pour tous Équipement de la personne (verres et montures compris) pour 10€, préparées en 10 mi-
nutes.
Gémo lance un manteau pour enfants muni d’une puce GPS afin
Gémo, Manteau connec- que les parents puissent géolocaliser leur enfant. Le manteau
Équipement de la personne
té peut être vendu avec un abonnement au service Weenect de
géolocalisaiton.
Opération promotionnelle « Ceci est une boutique » : l’enseigne
Comptoir des Cotonniers, placarde sur une affiche des produits de la marque associés à
Équipement de la personne
Fast shopping des QR codes. Le client n’a plus qu’à les scanner pour être direc-
tement redirigé vers la page web de l’article.
Le programme Amazon Famille, destiné aux familles avec en-
fants en bas âge, consiste en un abonnement à 49€/an donnant
Amazon, Amazon Famille Équipement de la personne
accès à des promotions exclusives sur les produits pour bébé,
une livraison gratuite en 24h, ainsi que des conseils.
Application mobile permettant de trouver le maquillage parfait
L’Oréal, Application « en fonction des traits de son visage. S’appuyant sur la réalité
Équipement de la personne
Make Up Genius » augmentée, L’Oréal se place en tant que conseiller en proposant
un maquillage personnalisé.
Service qui propose au consommateur, pour le gros électromé-
Boulanger, Livraison
Équipement de la maison nager, de se faire livrer son produit le lendemain de l’achat,
express
sous réserve d’avoir commandé ce dernier avant 22h.
L’association Laval Mayenne Technopole a conçu un projet de
Laval Mayenne Techno- boutique promouvant les produits innovants fabriqués par des
Équipement de la maison
pole (LMT), Neoshop start up. Neoshop permet de faire connaître les produits et de
recueillir les impressions des clients.
Opération promotionnelle du 16 juin au 6 juillet 2014, avec un
Velux, Opération « tirage au sort à l’issue duquel les gagnants pouvaient remporter
Équipement de la maison
Chambre de rêve » une soirée et une nuit dans une chambre d’hôtel luxueuse,
aménagée par Velux, dans un bus roulant dans Paris.
46
Au moyen d’un abonnement, Darty propose à ses clients un
bouton permettant d’être contacté par l’assistance télépho-
Darty, Bouton Darty Équipement de la maison
nique à tout moment, pour tous les produits du foyer, quel que
soit leur âge, achetés chez Darty ou non.
Le site de vente de meubles et d’objets de décoration Mili-
boo.com a ouvert son premier magasin physique en s’appuyant
Miliboo.com, Milibootik Équipement de la maison
sur une technologie de pointe (puces NFC, QR codes, tablettes,
modélisation 3D, réalité virtuelle…).
AXA a développé une application regroupant à la fois les ser-
AXA, Application « Mon Banque, Assurance, vices de banque et d’assurance pour apporter plus de lisibilité à
AXA » Immobilier ses clients et leur permettre de contacter facilement un conseil-
ler.
Le Compte Nickel propose un circuit original de financement,
Banque, Assurance, indépendant des circuits bancaires classiques. Le compte est
Compte Nickel
Immobilier ouvert chez un buraliste, pour un abonnement de 20€ par an et
sans démarche administrative.
Le groupe bancaire BPCE a lancé le paiement par Twitter.
BPCE, Paiement par Banque, Assurance, Chaque utilisateur peut effectuer un virement à un particulier
Twitter Immobilier ou un organisme avec l’application S-Money, quelle que soit sa
banque.
Habiteo propose de nombreux services aux particuliers recher-
Banque, Assurance, chant un bien immobilier neuf : une visite 3D de son futur bien
Habiteo.com
Immobilier immobilier, une visite du quartier, les atouts de la région, les
données socio-démographiques, etc.
Les Pickup Store sont des boutiques en gares SNCF avec un
Pickup Store Énergie, Mobilité, Télécoms point de retrait de colis et d’autres services comme des corners
de produits, des services de conciergerie et un relais Poste.
Toky Woky est un module web se greffant à n’importe quel site
marchand et qui permet à un visiteur de poser directement une
Toky Woky Énergie, Mobilité, Télécoms
question aux visiteurs présents en même temps que lui et
d’échanger en live avec ceux qui lui répondent.
Expérience sportive en immersion dans un concept box, axée
Reebok & Les Mills, «
autour du fitness, du gaming et du digital. Les participants réali-
Project Immersive Fitness Énergie, Mobilité, Télécoms
sent toutes sortes d’activités sportives en immersion dans des
»
jeux vidéo ou des films.
Free, Distributeurs Free a lancé le distributeur de carte SIM, sous forme de borne
automatiques de cartes Énergie, Mobilité, Télécoms qui permet aux clients Free de régulariser leur compte ou
SIM d’obtenir une carte SIM très rapidement.
Compétition de course à pied qui permet de motiver les indivi-
dus à faire du sport en les réunissant autour d’une équipe, en
Adidas, Boost Battle Run Énergie, Mobilité, Télécoms
suscitant leur esprit de compétition et d’entraide au sein de la
communauté.
Yves Saint Laurent Beauté propose à ses clientes une session de
Yves Saint Laurent Beau-
maquillage par des professionnels munis de Google Glass. Une
té, Maquillage à empor- Luxe
fois la session terminée, les clientes reçoivent par mail la vidéo
ter
de leur session, une sorte de tutoriel sur-mesure.
Site communautaire où les compagnies aériennes peuvent
mettre en vente des sièges sur leurs vols de positionnement et
Cojetage Luxe
permettre ainsi à des clients de bénéficier d’un vol au service
haut de gamme à un prix très avantageux.
A l’occasion de la Fashion Week Automne-Hiver 2014, Karl
Chanel, Chanel Shopping Lagarfeld a créé au sein du Grand Palais un supermarché chic
Luxe
Center mêlant haute couture et grande distribution qui a suscité un
véritable buzz médiatique.
47
Le groupe hôtelier de luxe Hilton a lancé un programme de
Hilton Group, Application
Luxe fidélité numérique qui permet de réserver, de s’enregistrer en
« Hilton Hhonors »
ligne en choisissant certains paramètres de son séjour.
Hermès a lancé une application mobile originale et décalée
Hermès, Application « Tie
Luxe autour du monde de la cravate avec des conseils mode, des
Break »
jeux, des photos, et de l’humour.
48
6. Grille d’analyse exploitée en 2012
INDIVIDUALISME / SINGULARISME
RELIANCE
Réenchantement du lien social "La mise en relation avec d'autres personnes m'est facilitée"
Lien communautaire "J'ai le sentiment d'appartenir à une communauté constituée par l'enseigne"
Ethique / Commerce équitable / "Je participe à une démarche favorisant des entreprises ou des personnes en
Générosité* difficulté"
Responsable / Impact écologique "Je participe à limiter mon impact écologique"
HEDONISME
RASSURANCE
DEFIANCE
Achat malin / "Bon plan" "Je bénéficie de prix bas ou de bonnes affaires"
Fabriqué localement (région /
"On me permet de privilégier la production locale"
territoire national)*
"Cela me permet de conforter mon choix par les avis de mes pairs plutôt que
Pair à pair
par la marque"
Désintermédiation ("anti-système") "On me permet de réduire le nombre d'intermédiaires"
49
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 : Rappel des principaux travaux utiles à la compréhension et à la définition de l’innovation commerciale
........................................................................................................................................................... 5
Figure 2 : Processus de sélection des innovations commerciales ................................................................ 24
Figure 3 : Grille d’analyse des principales tendances de consommation ...................................................... 25
Figure 4 : Répartition globale des tendances de consommation selon les points attribués par grande tendance
de consommation en 2015 .................................................................................................................... 30
Figure 5 : Répartition globale des tendances de consommation selon les points attribués par grande tendance
de consommation en 2015 .................................................................................................................... 30
Figure 6 : Degré d’innovation et proportion d’innovations concernées pour chaque besoin de consommation . 32
Figure 7 : Classement des tendances de consommation (basé sur le nombre de points attribués pour chaque
innovation commerciale par besoin) de 2009 à 2015 ............................................................................... 33
Figure 8 : Les tendances associées à la notion de « plaisir » (29 concepts concernés par cette tendance sur les
29 analysés) ....................................................................................................................................... 35
Figure 9 : Les tendances associées à la notion de « digital ou nouvelles technologies » (25 concepts concernés
par cette tendance sur les 29 analysés) .................................................................................................. 36
Figure 10 : Poids des besoins des consommateurs dans les innovations commerciales de 2015 par secteur (en
termes d’écart à la moyenne de l’ensemble des secteurs) ......................................................................... 44
50