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Cette inflation des titres fait écho à une conception de la royauté pour
l'essentiel inchangée depuis les textes les plus anciens. On devient roi par la
naissance, de préférence dans la famille royale (la primogéniture n'est pas
nécessaire), du moins dans la classe héréditaire des kshatriyas*, la seule à
vocation guerrière, la seule apte à fournir des souverains, d'où son autre
nom de rajanya, « royale ». C'est la même idée que véhicule le
terme rajaputra, « fils de roi ». Les Rajputs* sont certes pour la plupart des
paysans, mais ils ont vocation à être rois si les circonstances et leur valeur
militaire le permettent. Si toute une catégorie sociale se dit royale ou
descendante de roi, il faut donc bien que le souverain s'en distingue, d'où le
titre de maharaja qu'avaient le droit de porter jusqu'en 1947 les souverains
des États princiers hindous (Jaipur, Udaipur, Gwalior, etc.) non directement
administrés par les Britanniques.
Le devoir du guerrier est de combattre, même s'il y est réticent (c'est l'une
des leçons de la Bhagavadgita, l'un des textes fondamentaux de
l'hindouisme*), et celui du roi, d'agrandir ses territoires. Pour cela, il est
dit vijigishu, « désireux de conquête/victoire ». Ashoka lui-même, le seul
souverain indien qui ait pourtant ouvertement renoncé aux aventures
guerrières, ne peut échapper à cette rhétorique : il désigne constamment son
empire par le mot vijita « [pays] conquis », même s'il tient à indiquer que la
seule victoire qui importe n'est pas celle des armes, mais celle du dharma*,
qu'ici on peut traduire par « justice ».
Dominer le sous-continent
On ajoutera que, pour les Indiens, la conquête universelle est un but en soi :
elle permet d'instaurer la paix et la justice et ne s'accompagne d'aucune
mesure de conversion, encore moins de conversion forcée. Tout au plus le roi
hindou est-il tenu d'installer et entretenir des brahmanes* partout sur son
territoire. C'est une différence majeure avec les empires musulmans.
Protection divine
Les dynasties d'origine étrangère, elles, justifient leur domination sur l'Inde
par la protection divine et le droit de conquête. Nous ne connaissons
quasiment rien de la façon dont les royaumes ou empires indo-grecs et
kouchans étaient administrés. Il existe quelques indices du maintien de rois
ralliés ou précédemment en place, mais les dénominations des hauts
fonctionnaires sont grecques dans un cas, iraniennes (bactriennes) dans
l'autre, même dans les inscriptions en langue indienne. Les souverains
Kouchans, dès Kanishka, reprennent la titulature des empereurs
achéménides (« Je suis Darius, le Grand Roi, le roi des rois, le roi de peuples
nombreux, le fils de Vishtashpa, l'Achéménide ») et, sur leurs monnaies,
utilisent seulement le bactrien en écriture grecque : shaonano shao Kaneshki
Koshano, « Kanishka, roi des rois, le Kouchan ».
Pour les Grecs comme pour les Kouchans, l'assimilation se fit très vite. Ils
pratiquaient les langues et écritures locales et beaucoup, peut-être tous,
adoptèrent des croyances religieuses indiennes. Mais l'apparence du pouvoir
(le droit des monnaies) resta toujours ou grecque ou iranienne, rappel
constant d'une domination par élection divine et droit de conquête.
Avec l'arrivée des musulmans, qui ont gouverné l'Inde du Nord près de mille
ans (jusqu'en 1857) et, moins longtemps, une partie de l'Inde du Sud, tout
change : ils sont monothéistes, porteurs d'une révélation, en contact
constant avec l'Iran et le Turkestan d'où surgissent sans cesse soldats
potentiels, religieux, lettrés et administrateurs. Ils implantent en Inde une
nouvelle lingua franca, le persan, et créent un nouvel idiome littéraire et
juridique écrit en caractères arabes, syntaxiquement indo-aryen2*, au
vocabulaire indo-aryen, persan et arabe : l'ourdou. Souverains et officiels
portent des noms et des titres persans ou arabes seulement. Les nouveaux
venus veulent répandre la foi musulmane et convertir les idolâtres (Kafir,
Guèbres). Ceux-ci n'ont en principe que le choix entre la conversion et la
mort ou l'esclavage.
Les territoires conquis sur eux sont placés sous administration directe du
souverain ou des officiels qu'il nomme, assez souvent des immigrés de date
récente. Les souverains se font gloire de détruire les temples hindous et de
les remplacer par des mosquées. Quoi qu'en disent les annales en persan, les
hindous ne furent toutefois pas systématiquement écartés du pouvoir. Il y
avait des soldats hindous, des princes hindous alliés, des administrateurs
hindous, et la majeure partie de la population put continuer à honorer les
dieux hindous. Mais c'était une tolérance.
À SAVOIR
La confédération marathe
Empire maurya
Royaume indo-grec
Administration inconnue.
Empire kouchan
Administration inconnue.
Empire gupta
(320-540)
Empire moghol
(1526-1857)