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Introduction.
Dans ces listes, l’une des formes les plus intéressantes du point de vue historique est celle des
« listes royales », qui indique, en sumérien, les souverains censés avoir régné sur le pays de Sumer
en général depuis le premier jusqu’à la date de rédaction du document. Sauf exceptions, elles
n’indiquent cependant rien sur ce que ces souverains ont accompli, ceci étant réservé à ce que l’on
appelle les « chroniques ». Le texte présenté ici est l’un des 15 exemplaires connus de la liste
royale sumérienne, appelé « manuscrit G », qui a été retrouvé sur un parallélépipède de pierre d’une
vingtaine de centimètres de hauteur, dit « prisme Weld-Blundell », provenant peut-être de Larsa.
Contrairement à la plupart des autres exemplaires, trouvés sur des tablettes, cette liste comporte
assez peu de lacune ; elle est nécessairement postérieure au dernier roi mentionné, Sin-Magir de
Isin, qui a effectivement régné 11 ans comme indiqué. Etant donné que son fils Damiq-Ilisu, le
dernier roi d’Isin avant la prise de la ville par Larsa, n’est pas mentionné, on peut supposer qu’elle
a été rédigé au moment de la succession, soit vers 1817, ou pendant son règne.
Nous pouvons alors nous demander ce que cet exemplaire de la liste royale sumérienne nous
apporte quant à la compréhension du fonctionnement politique de cette civilisation, par les rois qui
y sont indiqués mais aussi par les choix ou sélections qui ont pu être effectués consciemment par le
scribe en vue d’en orienter la compréhension, et d’autre part ce que nous pouvons en déduire sur
l’écriture de l’histoire à cette époque.
Pour ce faire, nous commencerons par montrer, après avoir décrit l’organisation général de la
liste, que celle-ci laisse de toute façon une large place au surnaturel, surtout dans la première
partout, puis nous chercherons quels éléments peuvent être considérés comme réalistes et nous être
utile, et enfin nous nous intéresseront au rôle politique qu’a pu avoir cette liste au moment de sa
rédaction.
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I) Importance du surnaturel.
Ce type de document n’étant pas très habituel en histoire, il convient tout d’abord d’éclaircir sa
présentation. Contrairement à ce que l’on ferait à notre époque et que les sumériens mettaient aussi
en pratique dans certains documents, les données des règnes ne sont pas présentées sous forme de
tableau mais sous forme littérale. Ainsi, les noms des 134 souverains (dont une reine) sont indiqués
à la suite les uns des autres, avec à chaque fois précisé le nombre d’années de règne du souverain.
Ceux-ci sont regroupés en chapitres sur le texte actuel, et probablement déjà sur l’original, les
chapitres étant habituellement séparés par des lignes horizontales.
3) Totaux intermédiaires.
Enfin, quelques autres éléments viennent d’ajouter à ces informations. Notamment, et c’est une
habitude mésopotamienne dès qu’il s’agit de liste, des totaux sont régulièrement calculés, ici à la
fin de chaque paragraphe, et également un fois pour faire la somme des sous-totaux d’avant le
Déluge (l.6). On récapitule ainsi le nombre de roi et la durée totale de règne pour chaque dynastie,
avec quelques erreurs éventuellement, que l’on indique par « sic » : à la ligne 28 le scribe a ainsi
indiqué un total de 2310 ans alors qu’il aurait du trouver 2311. Il faut donc se garder de considérer
ceci comme étant la mention de rois anonymes comme on pourrait le croire de prime abord : dans
ce cas, le scribe l’indiquera clairement, comme à la ligne 46 : « un roi dont le nom n’est pas
connu ». Ainsi, l’essentiel de la tablette est constituée par cette liste de rois et de durées de règne
regroupés par villes, et synthétisés par des totaux. Ne s’y rajoute que quelques rares informations
remarquables et sans doute connues de tous à l’époque, que le scribe a jugé utile de rappeler, et
pour clore la tablette la mention comme colophon du nom du scribe qui a recopié la tablette, donc
qui est peut-être à l’origine de l’ajout des derniers rois mais qui n’a fait que recopier une liste
préexistante pour les anciens (« Nur-Ninsubur »).
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B) Héros et règnes démesurés.
2) Personnages héroïques.
Une telle précision dans la durée de règne, qui par ailleurs est tout à fait fantaisiste, ne semble
pouvoir s’expliquer que par référence à un mythe dans lequel il doit être possible que calculer
exactement la longueur de son règne. Etant donné que les dieux ne vont pas régner eux-mêmes sur
les cités, il doit donc s’agir d’un personnage héroïque, comme Gilgamesh dont on vient également
de parler. En cherchant dans les rois ayant une durée de règne « impossible », on peut également en
identifier au moins une demi-douzaine d’autres connus par d’autres documents que cette liste
royale.
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C) Rôle du Déluge et des divinités.
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3) Implications divines dans les successions.
D’ailleurs, en plus de cette double attribution de la royauté aux hommes, et du Déluge comme
élément de rupture , les dieux ne sont pas non plus absents des successions plus « banales ». D’une
part, en effet, certains rois ont un rapport plus ou moins direct avec le monde divin : Dumuzi (l.3 et
l.24), dont deux personnages portent le nom et sont tous les deux appelés « le divin », correspond
effectivement au nom d’un dieu, exactement comme pour Lugal-Banda (l.23), Etana (l.16) est allé
voir les dieux pour pouvoir avoir son fils Balih, qui lui succède dans la liste, Meskiaggaser (l.22)
est présenté directement dans la liste comme fils du dieu Utu, et Gilgamesh (l.24) est lui aussi on ne
peut plus lié avec les divinités. Mais de plus, on considère en Mésopotamie qu’une cité est détruite
parce que les dieux l’ont abandonné (cf p. 14 de la brochure), ce qui signifie que chaque
changement de cité dominante induit une implication des divinités : ce sont donc finalement en
dernier ressort les dieux qui ont décidé à qui irait la « royauté » du début à la fin. Toutefois, ceci
conserve un aspect cyclique : la royauté est accordée à une ville qui la développe, puis la perd, mais
l’essence même de la royauté existe en continue en passant d’une ville à l’autre.
Nous voyons donc que cette liste, du moins dans sa première moitié, ne peut absolument pas être
vue comme permettant d’appréhender une réalité quelconque, même si l’on peut émettre
l’hypothèse que certains de ces personnages, surtout ceux dont il est fait mention dans des mythes,
puissent avoir eu une existence réelle déformée au fil des siècles. Toutefois, il apparaît que cette
partie de la liste n’est pas réalisée au hasard non plus : un certain nombre de personnages sont
connus de tous, même si les liens entre eux ne sont pas forcément exactement ceux sous-entendus
par la liste, et les dieux jouent un rôle très important dans la succession des rois. Pour un
observateur de l’époque, cette liste apparaîtrait donc comme tout à fait cohérente, et d’autant plus
qu’elle est forcément telle que les dieux l’ont voulu.
1) Villes réelles.
Toutefois, il convient de constater que, quel que soit la partie du texte considérée, au moins un
élément est toujours réaliste, à savoir le nom des villes. Toutes les cités présentées dans la liste ont
existé, et pour la plupart ont été retrouvé, à l’exception de Larak (l.4), la troisième ville des temps
anté-diluviens, Akkad ou Agadé, et Awan qui est très excentrée en Elam. Globalement, on peut
recenser une demi-douzaine de villes dans le pays de Sumer proprement dit, dont Eridu, Ur et Uruk
qui sont toutes trois des cités de première importance, quatre dans le pays d’Akkad dont Kish,
Sippar et Agadé, également cités de premier ordre, sachant qu’il faut aussi rajouter la cité d’Isin
située plus ou moins à la limite des deux pays. A cela s’ajoutent trois villes situées hors de la basse
Mésopotamie proprement dite, notamment Mari en haute Mésopotamie.
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2) Puissance effective.
Or, ces villes ont toutes eu une puissance notoire au moins à certaines époques de leur histoire : en
pays de Sumer, Ur et Uruk sont connues pour leurs constructions imposantes et leur richesse,
notamment à travers le cimetière royal d’Ur du DA III, et Eridu tient une place religieuse
prépondérante en tant que cité du dieu Enki. Plus au Nord, Kish et Agadé ont toutes les deux
contrôlé à une époque une région importante, prenant même la forme d’un empire pour la
deuxième. Si les autres villes, Isin, Sippur ou Mari par exemple, n’ont peut-être pas joué non plus
un rôle aussi important, ou du moins pas encore, elles n’en demeurent pas moins des cité-Etats à
part entière, ce qui n’est déjà pas rien dans le contexte de l’époque. Toutes ces villes ont donc
existé et ont eu une influence plus ou moins grande sur la région à certaines époques.
1) Règnes datés.
De même que les puissances relatives des cités d’après la liste semblent plus ou moins confirmées
par d’autres sources au moins dans la partie « historique » du texte, certains des règnes les plus
importants ont pu être documentés par ailleurs, permettant d’une part de vérifier la validité de
certaines informations de la liste, et d’autre part de mettre en place des repères chronologiques.
Ainsi, alors même que la capitale de leur empire n’est pas connue, on a pu dater les règnes de
Sargon (l.38) et de son héritier Naram-Sîn (l.40) respectivement de 2334-2279 et de 2254-2218, ce
qui ne correspond pas exactement aux durées de la liste mais restent globalement compatible avec
la durée de règne des deux rois entre eux. De même, un peu plus tard à Uruk, les 46 ans de règne de
Shulgi, qui marquent l’apogée de la période d’Ur III, ont fourni suffisamment de documentation
pour dater son règne de 2094-2047. Même en tenant compte du fait que ces datations ne sont jamais
absolument certaines, on peut ainsi en déduire les grandes lignes des chronologies relatives des
règnes, couplées avec des dates absolues fournies par d’autres moyens. De plus, une fois les dates
des grands règnes établi, on peut en déduire celles des rois intermédiaires, et donc dresser des
chronologies à la fiabilité acceptable de l’ensemble des dynasties.
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2) Eléments généalogiques.
D’ailleurs, lorsque l’historicité de certains rois est établie, on peut supposer que les informations
diverses que le scribe a rajouté, notamment généalogiques, sont plus valable que le père
« invisible » (l.25) de Gilgamesh. On peut donc ainsi, en plus des dates de règnes, reconstituer
quelques aspects sommaires de l’histoire interne de ces dynasties. Le père jardinier de Sargon fait
référence à la légende de sa naissance qu’il s’est bâti lui-même, où il aurait été abandonné dans
l’Euphrate et adopté par un jardinier qui puisait de l’eau (le lien avec l’épisode de la naissance de
Moïse est manifeste), mais il pourrait s’agir d’une trace d’une origine plus modeste que la moyenne
des rois. De plus, il est dit « échanson » d’Ur-Zababa, un roi de la ville de Kish qui a été supprimé
sur ce document ; on peut donc en conclure que, conformément à la mention selon laquelle « il
fonda Akkad » (l.38), il n’est pas né roi mais a du se tailler son royaume par lui-même. Pour cette
dynastie, toute la généalogie est ensuite donnée (les deux fils de Sargon puis son petit-fils et pour
finir le fils de ce dernier), ce qui permet d’en déduire que la royauté dans l’empire d’Akkad est
toujours restée dans le cadre familial. Par contre, dans les périodes de troubles qui suivent la
transmission de père en fils n’est que rarement indiquée (trois fois, l.42, 44, 49) malgré une
trentaine de souverains. On retrouve par la suite, à partir d’Ur-Nammu à la période d’Ur III, la
mention de transmission de père en fils, ce qui est probablement symptomatique d’une situation
revenue à la normale après une période de troubles.
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2) Implication de cités non-sumériennes.
De plus, comme nous l’avons déjà signalé, un certains nombres de cités nommées dans la liste ne
font pas partie de la zone géographique d’origine de la civilisation sumérienne : ainsi Awan et
Hamazi son rattachées à la culture élamite plus que mésopotamienne, Mari est une ville de haute-
Mésopotamie largement excentrée par rapport à toutes celles dont il est question dans la liste, et
même les villes de Kish et Akkad, entre autres, font plus partie de la région akkadienne à
dominante sémitique que de la zone sumérienne à proprement parler. Ceci semble très étrange pour
une royauté « unifiée » et donnée par les dieux sur le pays de Sumer, surtout pour les élamites que
la littérature mésopotamienne a souvent tendance à voir comme des barbares. Et de même, il
semble assez peu probable que ces villes lointaines, par exemple Mari, aient pu exercer une vraie
domination sur le pays de Sumer, vu la puissance toute relative que possédaient même les cités les
plus importantes.
Ainsi, au moins pour la deuxième partie du texte, il apparaît que les informations mentionnées
sont finalement relativement fiables : contrairement aux premiers rois, les cités indiquées dans
l’ensemble du texte ont presque toutes existé de façon certaine en ayant eu pour la plupart une
certaine importance au moins à une période donnée, et dans la deuxième partie du texte l’ordre de
succession de la liste pourrait correspondre approximativement à une certaine réalité. De même,
dans la deuxième partie du texte, les règnes les plus importants ont pu être documentés par ailleurs
et permettent de dire que cette partie de la liste correspond globalement à la deuxième moitié du IIIe
millénaire, débutant juste avant l’empire d’Akkad au XXIVe siècle, et se terminant peu après la
chute de la troisième dynastie d’Ur au tournant du millénaire. Les quelques informations
supplémentaires permettent par ailleurs de se faire une idée des modes de successions des
souverains à l’intérieur d’une dynastie, et de quelques éléments idéologiques. Toutefois, il semble
clair que cette unité de la royauté est, au mieux, une vue de l’esprit et n’a pas pu exister telle qu’elle
dans la réalité, d’autant qu’elle semble légèrement contredite par la mention de villes largement
extérieures au pays de Sumer. Il faut donc à présenter tenter de comprendre quel a été l’intérêt de
déformer la réalité pour aboutir à cette royauté unifiée.
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III) Un document de propagande.
A) Unicité artificielle de la royauté.
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B) Absence de villes clés.
1) Villes manquantes.
Or, on peut commencer à se poser des questions en ce sens en remarquant que certaines villes
marquantes de la période « historiques » couverte par la liste ne sont jamais mentionnées. Par
exemple, Umma et Lagash ont toutes les deux eu une certaine importance dans le pays sumérien,
surtout Lagash pendant la période d’Ur III avec les règnes de Gudéa ; elles ont d’ailleurs du faire
appel à Kish pour régler un conflit entre elles, preuve d’une certaine supériorité au moins de
renommée de cette ville à une époque où la liste indique Ur comme ville de la royauté. De même,
Lagash avait effectivement exercé une certaine hégémonie sur Sumer sous le règne d’Eannatum,
juste avant l’empire d’Akkad, ce qui n’est pas mentionné ici, peut-être parce que Lagash avait sa
propre liste royale. En tout cas, la liste présentée ici ne semble donc même pas faire le tour de
toutes les cités ayant effectivement exercé une certaine forme d’hégémonie, et ce même en
s’arrangeant avec la chronologie.
2) Absence de Larsa.
Une autre ville peut également être mentionnée dans les oublis, à savoir celle de Larsa. En soi,
cette ville ne peut pas être comparée à des cités comme Uruk, Kish ou Akkad, n’ayant pas
d’importance vraiment particulière au IIIe millénaire, mais il faut tout de même remarquer qu’elle
commence à apparaître dans les sources à peu près à l’époque où Isin est indiqué comme devenant
la ville de la royauté, soit à la chute d’Ur III au tournant du millénaire, et à cette date la ville d’Isin
ne semble en fait pas beaucoup plus puissante qu’elle. Pour preuve, ces deux cités ont été en conflit
à peu près depuis cette date, soit à l’époque où elles apparaissent dans les sources, jusqu’en 1794
où Larsa finit par vaincre Isin avant de succomber 30 ans plus tard face aux babyloniens
d’Hammourabi.
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C) Document de propagande d’Isin.
2) Absence d’opposition.
Puisque la royauté est, par définition de pure forme, unifiée et décernée par les dieux, et qu’il se
trouve d’après la liste que cette royauté a échue à Isin, il faut donc en déduire que toute opposition
est futile, et que Larsa ne pourra jamais gagner cette guerre (sauf si l’on considère que les dieux ont
abandonné Isin mais le scribe n’en voyait probablement pas de signe précurseur...). Il peut aussi
s’agir de faire passer les rois d’Isin à la postérité en les privilégiants sur une liste plutôt que les rois
des autres villes : la chose aurait d’ailleurs bien fonctionné puisque la liste qui sert de « référence »
pour les rois sumériens est en général celle-ci ou une variante très proche ou légèrement corrigée,
qui garde donc les rois d’Isin comme dernière dynastie mentionnée et oublie totalement ceux de
Larsa ou des autres cités du moment.
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Conclusion.
Une fois cette réflexion menée à bien, nous voyons donc que ce document représente bien plus
que la simple liste de noms de rois à moitié légendaires qu’elle paraît être de prime abord. Certes, la
première moitié, avec des durées de règnes variant entre un siècle et quelques dizaines de milliers
d’années, ne peut pas refléter de réalité. Toutefois, elle devait sembler parfaitement objective aux
contemporains, en citant des personnages mythiques, comme Gilgamesh, connus par d’autres
sources, et qui peuvent peut-être avoir vécu comme chefs importants à des époques archaïques. De
toute façon, l’ensemble de la liste, et à plus forte raison cette première moitié, sont
fondamentalement marquées par l’influence des divinités qui accordent la royauté, interviennent
dans les successions, et au besoin peuvent tout remettre à zéro avec le Déluge qui coupe cette partie
mythique en deux.
Quant à la dernière partie, avec des durées de règnes à peu près réalistes, on peut la faire débuter
avec le règne de Lugal-zagesi, juste avant la mise en place de l’empire d’Akkad, donc dans la
première moitié du XXIVe siècle. Tout en restant dans l’idée que les dieux ont une influence
fondamentale sur la transmission de la royauté, elle fait clairement intervenir un choix humain dans
la désignation de la ville dominante, chose qui n’a jamais existé dans la région à cette époque, à
part sous l’empire d’Akkad (et encore). Que ce soit sous la troisième dynastie d’Ur où la première
version de la liste a du être rédigée, ou au XIXe siècle pour la version présente, le pays était
morcelé en cité-Etats dont aucune ne dominait clairement les autres, et les scribes le savaient
forcément. Seule la domination purement théorique de la cité contrôlant Nippur pourrait être prise
en compte, mais nous avons vu que le scribe n’en tient aucun compte au moment où Larsa s’en
empare au détriment d’Isin, donc cet élément passe au moins au second plan face à une autre
motivation.
Il semble donc en effet que le vrai but de cette liste était d’être un document de propagande au
service de la dernière ville citée, à savoir Isin. A une époque où elle est en guerre contre Larsa, et
plutôt dans une mauvaise passe, il s’est agi d’appuyer ses prétentions en montrant qu’elle était
l’héritière d’une royauté unifiée vers laquelle veulent tendre les mésopotamiens, qui est décidée par
les dieux et contre laquelle personne ne saurait alors lutter, l’omission totale de Larsa accentuant
encore cette différence. On pourrait toutefois se demander comment un tel document a pu être reçu
par la grande rivale, Larsa, qui était justement implicitement visée...
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Bibliographie :
GARELLI, Paul, Le Proche-Orient asiatique. Des origines aux invasions des peuples de la mer,
Paris, PUF, 1969, 416 p.
GLASSNER, Jean-Jacques, Chroniques mésopotamiennes, Paris, Les Belles Lettres, 2004, 304 p.
JOANNES, Francis Les premières civilisations du Proche-Orient, Paris, Belin, 2006, 255 p.
HUOT, Jean-Louis, Une archéologie des peuples du Proche-Orient. Tome I : Des peuples villageois
aux peuples des cités-Etats (Xe-IIIe millénaire av. J.-C.), Paris, Errance, 2004, 249 p.
FRIBERG, Jorän, A remarkable collection of Babylonian mathematical texts, Springer, Berlin, 2000,
533 p. En ligne sur Google Books.
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