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DES
GAULOI S
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS
J U S Q U ’A l ’e n t i è r e SOUMISSION DE LA GAULE
A LA DOMINATION ROMAINE
PAR
AM ÉDÉETH IER RY
D IX IÈ M E É D IT IO N
P A R IS
LIBRAIRIE ACADÉMIQUE
DIDIER ET O , LIBRAIRES-ÉDITEURS
35, QUAI DES A UG U STINS
HISTOIRE
DES
GAULOIS
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS
j u s q u ’a l ’ e n t iè h e SOUMISSION D I LA GAULE
A LA DOMINATION DOMAINE
AMÉDÉE THIERRY
MEMBRE DE L I N S T I T U T
D IX IÈ M E É D IT IO N
P A R IS
L I BR A IR IE A C A D É M I Q U E
D 1L) 1E R E T C ' “, L I B R A I R E S - É D I T E U R S
3 5 , QUAI DES AUGUSTINS
\8 7 7
T o u s dr oi t s rés ervés
A MON FRÈ RE
AUGUSTIN THIERRY
Biblioteka Jagiellortska
PRÉFACE,
PREMIÈRE PARTIE.
10 A q u it a in s .
S tra b ., 1. i i i , p. 166, b.
2. 01 8è vuv ôpiov auTYjç TÊOevxai t 9jv ïlu p^vrjv... S tra b ., ib id .
3. Touç ’Axouïtocvoùç teXécû; è^May^évouç où tÿî yXtoTTtt) jaovov, àXXà
xai toÏç aw{xaatv, èjjiçepeïç "Iêiripffi {xaXXov ÿ] ra>aTcuç. Strab., 1. iv, p. 176.
— Atoupépouai tou ya>aTixoû tpOXou, xarà te twv aw^aTtov xaxaGXtuàç, xai
xaTa t9)v y)>wTTav £oixa<ri oè (xaXXov vIêY)p<ri. Idem, 1. iv, p. 189, d.
4. Movov yàp 8r) to twv BiTOuptyaiv toutwv eQvo; £v toÏç ’AxouïTavoT;
àXXo^puXov ÏSpuTai, xai où auvTeXeï aÙToïç. Strab., 1. iv. p. 190, b.
avait én on cé avant l u i , savoir, que le langage et les
institutions des Aquitains étaient autres que ceu x des
Gaulois proprem en t dits, mais il précise la différence,
il la mesure, en quelque sorte, en ajoutant que les Aqui
tains ressem blaient beaucoup m oins aux autres Gaulois
que ceu x-ci ne se ressem blaient entre e u x 1. De p lu s,
les institutions des Aquitains (ce lle des dévouem ents,
par exem ple) les rattachaient aux Ibères; leur costum e
rappelait celui des Ib è re s2 ; e n fin , dans leurs relations
p olitiq u es, on les voyait presque toujours s’allier avec
les Ibères préférablem ent aux Galls, dont ils n’ étaient
pourtant séparés que par la Garonne.
Si l’on com pare les nom enclatures'cle lieux, de villes
et de nations au nord et au m idi des Pyrénées, on y
trouvera une dém onstration nouvelle de l’ origine ibé
rique des A qu itain s3. La langue aquitanique paraît
avoir été celle-là m êm e qui se parlait en I b é r ie 4. On
ren con tre en outre çà et là des nom s à physionom ie
ibérie n n e, au n ord de la G aron n e, dans la partie de la
Gaule m éridionale occu p ée par des tribus de sang gau
lois s, ce qu i fortifie l’ hypothèse d ’une population ibé
rienne établie dans ce pays antérieurem ent aux Galls, et
refoulée par ceu x-ci au pied des Pyrénées. Les médailles
des Aquitains nous viennent en core en aide dans ces con
jectu res: quelques-unes, tout en rappelant par leur fabri
2° L ig u r e s .
1. Aiyu<tt£vy), TroXtç Aiyuwv, xr)ç 8utixy)ç ’lêripiaç èyytfç, xal tîîç Tap-
ty]<7(toü icXv](rCov* ol oîxoûvte; Aiyueç xaXoûvrat. Hecat., ap. Steph. Byzant.
— Avienus (Or. m arit., v. 284) place près de Tartesse le lac Ligusticus.
Les Ligures sont appelés Aiyvcmvot dans Lycophron. Eustath.,ad Dionys.,
v . 30.
2. .... Cespitem Ligurum subit
Cassum incolarurn ; namque Celtarum manu
Crebrisque dudura prœliis vacuata sunt;
Liguresque pulsi, ut sœpe fors aliquos a git,
Venere in ista quæ per horrentes tenent
Plerumque dumos.....
(A vien .., Or. marit., v. 132 et seqq.)
je suis ici le calcul, plaçant vers l’année H 00 avant notre
ère le passage des Sicanes dans l’ île de Sicile S la double
m igration des Celtes en Espagne et des Ligures en
Gaule peut avoir eu lieu dans le cours du xvi® ou du
xvne siècle. Au reste, ce n’ est pas dans les dates que gît
la question. Nous ch erch ion s à quelle race appartenaient
les Ligures, que Strabon n ous dit n ’ être pas de sang
gaulois ; et il sem ble bien dém ontré par ce qui précède
que les Ligures étaient u n e nation ibérien ne.
P ou r surcroît de p reu ves, l’ exam en des n om s de
v illes, de peuples, d’ in divid u s, de can ton s, de m on
tagnes, de rivières, d ém on tre que l’ id iom e parlé par les
Ligures avait les plus grands rapports avec celu i des
I b è r e s 2. Strabon n ous dit que, par l’ effet du voisinage
et du m élange, ils avaient pris en partie les habitudes
gauloises ; ceci se com pren d sans p ein e : toutefois les
grands traits du caractère national ne s’ effacèrent point,
et le L igure se distingua toujours du Gaulois, soit par
ses tendances m orales, soit par ses institutions les plus
im p ortan tes3.
Si je ne m e trom pe p oin t m oi-m êm e, je crois voir
résolue ici la p rem ière des questions ethnologiques qui
ressortent des textes de César et de Strabon :
1° Il existait réellem ent en Gaule deux peuples étran- (
gers à la fam ille gauloise prop rem en t dite : les Aquitains
jL&ures :
2° Ces. deux i étaient Ib ériens.
Ainsi se trouvé conftrmüf1'"ccïte d on n ée de l’ancien ne
S E C T IO N I I .— p e u p le s de la f a m i l l e g a u lo is e .
Celtes ou Galls.
Belges et Armorikes.
bout à l’autre des Commentaires, les Belges sont pour César un peuple
de race gauloise, tout à fait différent des Germains. Quant au mot pte-
rosque, il s’explique en supposant qu’il était resté en Belgique, après la
conquête des Belges, un fond de population antérieure.
1. toùç Ki'(j.ëpouç 6 vop.a(jàvt(ov twv 'liXXrjvuv. S t r a b ., I. vii,
p. 293, d.
2. Oùx àito Tpoitou. Plut., in Mar., 11.
3. Bpa^ù tou xpâvou ttiv Xéljtv çOstpavToç èv vÿ tojv xaXoujj-svtov Ktfiëpwv
npoçTiYopiœ. Diod. Sic., v, 32.
4. Kî(X.ëpoi oü; Tivéç çorai Ki(i[iepîouç. Steph. Byz-, V. "Aépoi.
5. Philemon Murimarusam a Cimbris vocari, hoc est, Mortuum mare,
usque ad promontorium Rubeas, ultra deinde Cronium. Plin., iv, 13.
(3. Adelung’s Ælteste Geschichte der üeutschen, p. 48. — Toland’s
Several pieces, p. 1, p. 150.
Éphore, qui vivait à la m êm e époque, connaissait les
Kimbri et leur don ne le n om de Celles ; mais dans son
système géog rap h iq u e, cette dénom ination très-vague
désigne tout à la fois un Gaulois et un habitant de l’ Eu
rop e occidentale *.
L orsque, entre les années 113 et 101 avant notre ère,
un déluge de Kimbri ou Cimbres vint désoler la Gaule,
l’ Espagne et l’ Italie, la croyance générale fut « q u ’ils sor
taient des extrém ités de l’ Occident, des plages glacées de
l’ Océan du nord, de la Chersonèse cimbrique, des bords
de la Thètis cimbrique 2.
Du tem ps d’Auguste, des Kimbri occu paien t au-dessus
de l’ Elbe une p ortion du Jutland, et ils se reconnais
saient p o u r les descendants de ceux qui, un siècle aupara
vant, avaient com m is tant de ravages. Effrayés des co n
quêtes des Rom ains au delà du Rhin, et leur supposant des
projets de vengeance contre eux, ils adressèrent à l'em
p ereu r une ambassade p ou r obten ir leur pardon 3.
Strabon, qui n ous rapporte ce fait, et Mêla après lui,
placent les Kimbri au nord de l’ Elbe 4 ; Tacite les y re
trouve de son tem ps : « A ujourd’ hui, dit-il, ils sont petits
« p a r le n o m b re , qu oiq u e grands par la re n o m m é e ;
« m ais des cam ps et de vastes enceintes, sur les deux
« rives, fon t fo i de leur an cien n e puissance et de la
« masse én orm e de leurs arm ées 8. »
1. S t r a b ., 1. vu, p. 203.
2. F lor., m , 3. — Polyæn., v m , 10. — Q uintil., Declam. pro milite
Marii. — A m m ian ., x x xi, 5. — Cimbrica Thetis , Claudian., Bell. Get.,
v. 638. — Plut., in Mar. — Voyez ci-après, livre iv, ch. 3.
3. Strab., 1. vu, p. 203. — Voyez ci-après, t. II.
■i. Strab., loc. cit. — Mel., m , 3.
Manent utraque ripa castra ac spatia, quorum ambitu nunc quoque
metiaris molem mauusque gentis, et tain magni exitus (idem. Tacit.,
Germ ., 3 7 .
Pline d on n e une bien plus grande extension à ce
m ot de K im bri; il sem ble en faire un n om g é n é riq u e :
non-seulem ent il reconnaît des Kimbri dans la presqu’île
jutlandaise, m ais il place en core des Kimbri méditer-
ranès 1 dans le voisinage du R h in , com prenant sous
cette appellation com m u n e des tribus qui portent dans
les autres géographes des nom s particuliers très-divers.
Ces Kimbri habitants du Jutland et des pays voisins
étaient regardés généralem ent com m e Gaulois, c’ est-à-
dire, com m e appartenant à l’ une des deux races qui
occu paien t alors la Gaule ; Gicéron, parlant de la grande
invasion des Kimbri que n ous n om m on s C im bres, dit à
plusieurs reprises et de la m anière la plus form elle que
Marius a vaincu des G aulois2; Salluste é n on ce que le
consul Q. Gæpion défait par les Cim bres, le fut par des
Gaulois 3 ; D iodore de Sicile attribue à des Gaulois les
triom ph es et les dévastations des C im bres 4 ; Plutarque
appelle Gaulois le Cim bre qui voulut tuer Marius 5 ; il dit
qu e Sertorius faisait l’ office d’espion dans le cam p des
Cim bres à l’ aide d’ un vêtem ent gaulois et de la langue
Nous voici ram enés, par le résultat de nos rech erch es,
au grand fait eth n ologiq u e q u i n ous avait servi de p oin t
de départ. L’antiquité tout entière est ven ue con firm er
les tém oign ages de César et de Strabon, en y ajoutant
des développem ents n ou v ea u x ; et l’on peut considérer
m aintenant com m e dém on trés les points suivants :
DEUXIÈME PARTIE.
T R A D IT IO N S N A T IO N A L E S .
S E C T IO N 1. — A N C IE N S ID IO M E S DE I.A G A U L E ET D F, S IT, ES
BRITANNIQUES.
Basque.
1. ’ Ipiç, Diod. Sic. ’lvjpvi], Strab. — Du latin Hibernia, les Grecs à leur
tour ont fait le mot 'Iouepvià.
2. Ptolem. ; Æ thic.; Oros. — Cf. O ’Conn., Rer. hib. Script., t. I.
p, 03, seqq.
3. Lhuydh, Pref. to Ir. Dict. et Areh. brit.
4. Cyttie’r Gwyddelod. — Bowland’s Mon. antiq. — Hor. britann., t.
II, p. 31, 327.
m enclatures prod u it un résultat analogue : les d én om i
nations pu rem en t gaeliques s’y m on tren t en core, bien
q u ’en m oin d re n om b re. A l’aide de ce travail que
Lhuydli avait com m e n cé avec une scien ce si p rofon d e,
et qu e d’ autres p h ilologu es on t con tin u é après lui, on
peut suivre, en qu elqu e sorte pas à pas, de l’est vers
l’ ouest, et de l’A ngleterre vers l’Irlande, la d ou ble re
traite de l’ id iom e gaelique et de la race d’ h om m es qui
le parlait. .
Dans le n ord de l’Angleterre, et â m esure q u ’on ap
p roch e de la haute Écosse, le m êm e fait se révèle avec
une évidence plus forte, s’il est possible : ici e n core n ous
p ou von s suivre le m ou vem en t de retraité de la langue
et de la race des Gaels du sud au nord et de l’ est à l’ ouest,
ju sq u ’à YAlbainn, où se parle en core a u jou rd ’h u i le
secon d des dialectes gaeliques *.
Sans d ou te, au pied de l’A lbainn, sur le territoire
occu p é par les Pietés (confédération sortie des ancien n es
tribus calédon ien n es), les nom en clatu res fou rn issen t un
très-grand n om b re d’appellations lcym riques 2 qui in d i
qu ent un grand m élange de Kym ri, ou u n e lon g u e pré
p on déran ce de la race b reton n e ; toutefois on ne peut
dou ter que le fon d de la population ne fût resté gaelique ;
car on voit de très-bonn e h eu re l’ id iom e des Gaels se
d égager en quelque sorte du kym riqu e et reparaître dans
presque tout le pays. Sur les côtes occidentales, les ém i
grations scotiques ne tirent que raviver l’an cien élém ent
ab origèn e ; elles opérèrent sur la race gaelique un effet
pareil à celui de l’ ém igration b reton n e sur l’ élém ent
arm oricain .
1. Natio etiam tune (sub Julio Cæsare) rudis, et solis Britanni Pictis
m odo et Hibernis assueti hostibus. Eum ., Paneg. Const. Cæs., 11.
2. Bed., Hist. eccl., i, 12.
3. Gwyddyl Fficti. Trioedd. yn. Pryd.
4. Bed., ub. sup.
5. Gild., de Excid. Brit., 11, 12, 15, 21. — Bed., loc. cit.
............ Totam cum Scotus Iernem
M ovit, et infesto spumavit rem ige Tethys...
Scotorum cumulos flevit glacialis Ierne.
(Claud., Laud. Stil., n, v. 251, 252; iv. Consul. Honor., v. CJ.)
Les circonstances de leur établissement, telles que Bède
les raconte d’après la tradition, sem blent dém on trer en
outre que la population au m ilieu de laquelle ils étaient
venus s’asseoir ne leur était étrangère ni par le langage,
ni par les m œ urs, ni par le sang.
Si de l’ Écosse n ous passons aux îles H ébrides, nous
y trouvons en core la langue gaelique 1 ; n ous la retrou
von s dans les Orcades, au fon d de l’id iom e en partie nor
végien que leurs habitants parlent depuis le ixe siècle 2.
Il y eut d o n c un tem ps où le gaelique régnait dans
toute la portion de l’archipel britannique n on occu p ée
par les peuples Kym ri, et un tem ps plus éloig n é où il
régnait sur l’archipel tout entier. Ne doit-on pas y re
connaître, sans h ésiter, la langue que parlait la race
a borig èn e d’A lbion et d’ Érin, c’est-à-dire la langue du
p rem ier ram eau gaulois ?
Mais, s’il en est ainsi, dira-t-on, quelle trace cette
langue a-t-elle laissée dans les provin ces de l’ancienne
Gaule ? M alheureusem ent p o u r la ph ilologie, elle s’ y est
éteinte com plètem en t ; et nos m oyens de rech erch e, si
étendus quant au kym rique, se born en t ici, soit au ca
talogue des nom s de lieux, de peuples, de personnes,
soit aux m ots signalés com m e gaulois par les auteurs
rom ains et grecs. Sans doute, les nom enclatures sont
un guide assuré, quand il s’ agit de discern er entre les
id iom es de caractère tout à fait différen t, tels que le
basque et le latin, le latin et les langues gauloises ; elles
le sont m oin s, quand il faut p ro n o n ce r entre deux
id iom es très-voisins, qu i ont presque toutes leurs racines
Leuca, lieue. « Mensuras viarum nos milliaria dicim us, Græci stadia,
Galli leucas. » Isid ., Origin., xv, 16. — AeOy1), |J.éTpov ti raXàtai;. He-
sych. — Au moyen âge, on disait leuga, lega, levia. — Leug, leig, liag,
en gael., pierre, borne; lléch en k y m r.; en armor. lèv, lieue.
"Aêêavaç KeXxoi xoùç xspxoTuQvptouç...... Hesych. Apa, en gaelique,
signifie singe; epa, en kymrique.
U ri « gallica vox est qua feri boves significantur. » Isid. — En gael.
tiras, force, puissance; manque en kymrique.
Volemum, « gallica lingua, bonum et magnum intelligunt. » Isid.,
xvn, 7. En gael. follamhan, grâce, ornem ent; manque en kymrique.
Itix, rigis : mot gaulois qui figure très-fréquemment à la terminaison
des noms propres et parait indiquer le commandement. Gael. righ, chef,
r o i; le kymrique rhuy, qui a le même sens, est plus éloigné; arm. rhy.
Betulla, bouleau. « Gallica hæc arbor, » dit Pline, 1. xvi, c. 30. —
Gael. beilhe; armor. bézô; kymr. bedw.
Ratis, bruyère : mot gaulois suivant Marcellus de Bordeaux, 25. —
Cette plante se nom m e en gaelique raith; en gallois, rhedyne; en armor.
raden.
Brace, fleur de farine, suivant Pline, qui donne ce m ot pour gaulois :
en gael., bracho, braich signifie l ’orge germé, le m alt; en kym r., brâg.
Le latin du moyen âge, entre autres mots encore aujourd’hui gaeliques
nous fournit les suivants :
Lia (Ducange), lie de vin : en gael. lia, flux, hum idité; armor. l i ;
gall. lit.
Mesga, « sérum lactis, » du p etit-lait: en gael. meadgh; en vieux fran
çais, mesgue et mègue.
liraium, « quod lutum interpretatur: » en vieux français, brai; gael.
brugh; ne se retrouve pas en kymrique.
Braca, moles, agger; en vieux français, braye; gael. bruach; n’existe
pas en kymriqne.
Battus, batellus, bateau : gael. bat; kymr. bad.
Aripennis, arpent.
NOMS PROPRES.
T R A D IT IO N S H IS T O R IQ U E S DE L A F A M IL L E G A U L O IS E .
FI* DE L’ i N T R O D r C T I O f U
HISTOIRE
DES GAULOIS
LIVRE PREMI ER
G A U L O IS EN ESPAGNE, EN IL L Y R 1 E , EN IT A L IE . — FON
D A T IO N DE LA GAULE C IS A L P IN E .
C H A P IT R E P R E M IE R
1. Alb paraît avoir signifié élevé et blanc; inn est contracté de tnms,
lie. — V. le dict. gael. d’Armstrong et le beau lexique de la Société écos
saise, flighland, Society of Scolland. — Albion insula, sic dicta ab albis
rupibus quas mare alluit. Plin., xiv, 14.
2. E ir, ou Jar, l’occident.
3. Strab., 1. iv, p. 176 et 189. Aquitani, dans les écrivains latins;
’AxouïTavoi, chez les Grecs. — V. l ’In tro d u c tio n .
4. Cæs., Bell. Gall., v, 24. — Mêla, m , 6 . — Plin., xxir, 2. - - Hero-
dian., 1. ni, p. 83. — Claudian., Bell. Get., v. 417.
5 On trouve fréquemment de ces armes en pierre, soit dans les tom
beaux, soit dans les cavernes qui paraissent avoir servi d’habitation ou
de refuge à la race gallique. Les armes en métal ne les remplacèrent
qu ’ ils n om m a ien t g a is1, et d’autres appelés catèïes q u ’ ils
lançaient tout enflam m és sur l’ e n n e m i2. Leur arm ure
défensive se bornait à un b o u clie r de planches grossiè
rem en t jo in te s, de form e étroite et allon gée. Ce fut le
co m m erce étranger qui leur apporta des arm es en
m étal, et l’art de les fabriquer eu x-m êm es avec le cuivre
et le fer de leurs m ines. De petites barques d’ osier garni
de cu ir com p osaien t leur m a r in e ; e t, sur ces frêles
esquifs, ils affrontaient les parages les plus dangereux
de l’ O cé a n 3.
L eur société politiqu e avait p o u r élém ent la fam ille
ou la tribu ; les tribus se groupaient en peuples ou
n ation s, les nations en confédérations ou ligues qui
portaient des n om s em pruntés soit à la nature topogra
ph iqu e de leur canton, soit à qu elqu e particularité de
leur vie sociale.
Telles étaient la con fédération des Celtes4 ou tribus
des bois, qui habitait les vastes forêts situees alors entre
que petit à petit; et, après leur introduction, les Gaulois continuèrent
encore longtemps à faire usage des prem ières: aussi rencontre-t-on assez
souvent les deux espèces réunies sous les mêmes tombelles.
1. En latin gæsum; en grec Tai^ov et l'aidé?. Le mot gais n’ est, plus
usité aujourd’hui dans la langue gaelique, mais un grand nombre de
dérivés lui ont survécu; tels sont : gaisde, armé ; gaisg, bravoure; gas,
force, etc.
2. Cateia, jaculum fervefactum, clava ambusta. — Cf. Virg., Æ u.,
vu, 741; Cæs., Bell. Gall., v, 43; A m m ., Marcell., x xxi; Isid., Origin.,
x vm , 7. On a cru retrouver le m ot cateia dans le gaelique gath-teth,
qui signifie dard brûlant. — V. Armstr., Gael. dict.
3. Naves vitiles corio circumsutæ in Britannico Oceano. Plin., vu,
57. — S olin., 23.
.................. R ei ad miraculum,
N a vigia junctis semper aptant pellibus,
Corioque vastum sæpe percurrunt salum.
(Fest. A vien ., Or. marit.)
4. V. l'Introduction.
les Cévennes et l’ O céa n , la G aronne et le pied des
m onts Arvernes; celle des Arm orikcs' o u tribus m ari
tim es, qui com p ren ait gén éralem en t les nations rive
raines de l’ O céa n *; celle des nations Alpines, q u i o cc u
paient les vallées des Alpes et se divisaient, suivant les
région s de cette grande c h a în e , en Pennines3 ou des
p ic s , Craighes* o u des rocs, Nanluaks ou des tor
ren ts8, etc.; celle des Allobroges6 ou h o m m e s du haut
pays, répan du e sur le versant occiden tal des Alpes,
entre l’Arve au n o r d , l’Isère au m id i, et le R hôn e au
cou ch a n t; les puissantes ligues des Arvernes o u h om m es
des hautes terres, q u i possédaient le plateau élèv T q u e
nous appelon s en co re a u jou rd ’ h u i l’ A u vergn e7; des
Helvètes", qu i tiraient peut-être leu r n om de la vie pas
torale q u ’ ils m en aien t au m ilieu des pâturages des
Alpes; des>Sèquanes, qu i devaient le leur à la rivière de
S eine (S eq u a n a9), don t ils tou ch aien t la sou rce au cou
ch an t, tandis q u ’au levant ils s’ étendaient ju sq u ’au
1. Herodot., ir, 33; iv, 49. — Strab., nr, p. 139. — Varr. ap. Plin.,
m . 3.
2 . Gallæcia, Callaicia. Ils étaient divisés en quatre tribus : Artabri,
Nerii, Præsamarcæ, Tamarici. P lin., iv, 34, 35. — Mêla, ni, 1. — Strab.,
loc. cit. et p. 152.
3. Plin., loc. cit. — Strab., ubi supr. — Mêla, m , i et seqq. Consultez
Humboldt, Pniefung der Untersuchungen ueber die Urbewolmer Ilispa-
ntens... Bex’lin, 1821,
qu'ils se pressaient dans l’ occid en t et le centre de l’ Es- io°o
pagne, les nations ibériennes, déplacées et refou lées sur 15ua
la côte de l’est, forcèren t les passages orien tau x de ces
m ontagnes. La nation des Sicanes, la prem ière, pénétra
dans la Gaule, qu ’elle ne fit que traverser, et entra en
ftalie par le littoral de la M éditerranée1. Sur ses traces
arrivèrent les Ligures, originaires de la chaîne de m on
tagnes au pied de laquelle coule la G uadiana2, et chassés
de leurs pays par les Celtes conquérants. Trouvant la
côte déblayée par les Sicanes, ils s’ y fixèrent à d em eu re
entre l’ em b ou ch u re de la petite rivière du Ter en
Espagne, et celle de l’ Arno, em brassant dans une zone
d em i-circu la ire, le golfe qui dès lors porta leur n om \
Plus tard, à m esure qu’ ils se m ultiplièrent, leur établis
sem en t en Gaule s’ étendit à l’occid en t du R hône, ju s
qu’ aux Cévennes; à l’ orien t ju sq u ’à l’Isère, aux Alpes et
au V a r4. Mais il resta parm i les tribus ligures, à l’ est du
R hône prin cip alem en t, quelques tribus galliques dont
nous aurons plus d’ une l'ois occasion ë e parler dans le
cou rs de cette histoire.
L’irruption des peuples ibérien s avait révélé aux Galls »oo
l’ existence de l’Italie : ce fut de ce côté q u ’ils se d iri- 10à00
\ . Ltxa vo t aTio toü Eixavoû 7to” a|j.où xoû èv ’lêrjpicf V7tà Aiyucov à v a a rà v -
tê ;... Thucyd., vi, 2. — Serv, ad Æ n., vu. — Ephor. ap. Strab., vi, p. 270.
— Philist. ap. Diod. Sic., v, 6 .
2. Aly'Jotivy], rcoXi; Atyvwv tyj; gvtixy); lêrjpia; *ai tyj<; TapTrjaaoû
7r).r)inov. Steph. Byz.
3. ................................. Celtarum manu
Crebrisque dudum prœ liis............
Ligu res... p u lsi, ut sæpe fors aliquos a git,
Ven ere in ista quæ per horrentes tenent
Plerumque dumos.........................
(Fest. A rien ., Or. marit., v. 133 e t seqq.)
1. P olyb., h, 15 et seqq.
2. Ici., ibid. — Plut., in Marin, 10. — Tac., Hist., n, 17.
3. Plut., in Camillo, 10.
4. P olyb., n, 15 et seqq.
5. Plin., xvi, 15; xvn, 23. — Dionys. PerieR., v. 292. — Marcian.
Heracl., Pcripl. — O vid., Metam., n.
6- P olyb., ub. supr.
Dion. Hal., i, 9 ; n , 1. — P lin., m , 4.
8 . Hcrodut., L I-V.
i4o» l’Italie eût en core été le théâtre *. Vaincus enfin, ils
1000 firent retraite vers la p oin te m éridion ale *, d’ où ils
passèrent dans la grande île qu i prit d’ eux le n om de
Sicile. On peut fix er à l’an 136/i avant notre ère cet
événem ent, qui livrait à la race gallique toute la vallée
du Pô 3. Les vainqueurs ne s’ arrêtèrent pas là ; leurs
conquêtes furent poussées de p roch e en p roch e ju sq u ’à
l’ em b ou ch u re du T ibre ; et ce fleuve, la Néra (Nar), et le
Trento (Truentus), devinrent la lim ite d’ un em pire gau
lois, qui, s’ étendant ju sq u ’aux Alpes, embrassa plus de
la m oitié de l’ Italie \
Possesseurs paisibles de ce grand territoire, les Om
bres s’y organisèrent suivant les usages des nations gal-
liques. Ils le partagèrent en trois rég ion s ou provinces,
déterm inées par la nature du pays. La p rem ière, sous le
n om d 'Is-Ombrie 6 ou Basse-Om brie, com p rit les plaines
circum padanes ; la s e c o n d e , appelée Oll-Ombrie 6 ou
Ilaute-O m brie, renferm a les deux versants de l’ A pennin
èt le littoral m on tu eu x de la m er su périeure ; la côte de
la m er in férieure, entre l’Arno et le Tibre, form a la troi
sièm e, et reçu t la dén om in ation de Vil-Ombria 1, qui peut
sign ifier O m brie littorale. Dans ces circon stan ces, les
\. J u s t . , X LT II, 3 .
2. H e r o d o t., i . 103.
3, Strab., 1. IV, p. 179 . Voyez ci-iprfta, livre IV.
et h éritier Com an nourrissait con tre eu x une haine se
crète. Sans en avoir la certitude, la con fédération ligu
rien n e le sou p çon n a it; p o u r son d er les in ten tion s ca
chées du ro i sé g o b rig e , elle lu i députa un de ses chefs,
qui s’exprim a en ces term es :
« Un jo u r u ne ch ien n e pria un b erg er de lui prêter
« qu elqu e coin de sa cabane p o u r y faire ses petits ; le
« berger y consentit. Alors la ch ien n e dem anda q u ’il lui
'« fût perm is de les y n ourrir, et elle l’ obtint. Les petits
« gran diren t, et, forte de leu r se co u rs, la m ère se dé-
« clara seule m aîtresse du logis. O r o i! voilà ton his-
« toire. Ces étrangers qui te paraissent au jou rd ’ h u ifa ib le s
« et m éprisables, dem ain te feron t la loi, et op p rim eron t
« notre p a y s l. »
C om an applaudit à la sagesse de ce d iscou rs, et ne
dissim ula plu s ses desseins; il se chargea m êm e de
frapper sans délai sur les Massalioles un cou p aussi sûr
qu ’ im prévu.
On était à l’époqu e de la floraison de la vign e, époque
d’allégresse générale chez les peu ples de race io n ie n n e 2.
La ville de Massalie tout entière était occu p ée de joy eu x
préparatifs; on d écorait de ram eaux verts, de rosea u x ,
de guirlandes de lleu rs, la façade des m aisons et les
places p u bliqu es. Pendant les trois jo u rs que durait la
fête, les tribunaux étaient ferm és et les travaux suspen
dus. Coman résolut de protiler du désordre et de l’ in
sou cian ce qu’ une telle solennité entraînait d’ ord in a ire,
p ou r s'em parer de la ville et en m assacrer les habitants.
4).
D’abord il y envoya ouvertem ent, et sous prétexte d’ as
sister aux réjouissances, une trou pe d ’h om m es déterm i
n és; d’autres s’y in trodu isiren t en se cachant avec leurs
arm es au fon d des chariots q u i , des cam pagnes envi
ronnantes, con d u isaien t à Massalie une grande quantité
de feuillage *. L ui-m êm e, dès que la fête com m en ça , alla
se poster en em bu scade dans un petit vallon voisin avec
sept m ille soldats, attendant qu e ses ém issaires lu i ou
vrissent les portes de la ville p lon g ée dans le d ou ble
som m eil de la fatigue et du plaisir.
Ce co m p lo ts ! perfidem en t ou rdi, l’a m ou r d’ une fem m e
le d éjou a. Une p roch e parente du roi, éprise d’ un jeu n e
Massaliote, cou ru t lu i tou t révéler, le pressant de fu ir et
de la suivre*. C elui-ci d én on ça la ch ose aux magistrats.
Les portes fu ren t aussitôt ferm ées, et l’ on fit m ain basse
sur les S égob rig es qu i se trouvèrent dans l’in térieu r des
m urs. La n u it venue, les habitants, tous arm és, sortirent
à petit bru it p o u r aller su rprendre Coman au lieu m êm e
de son em bu scad e. Ce ne fut pas un com bat, ce fut une
b ou ch erie. Cernés et assaillis subitem ent dans une posi
tion où ils pou vaien t à pein e agir, les S égobriges n ’ op p o
sèrent aux Massaliotes au cun e résistan ce; tous furent
tués, y com p ris le r o i 3. Mais cette victoire ne fit q u ’ irriter
davantage la con fédération lig u rie n n e ; la gu erre se p o u r
suivit avec ach arn em en t; et Massalie, épuisée par des
pertes jou rn a lières, allait s u c c o m b e r, lorsqu ’ un événe
m en t q u i bouleversait tout le pays d’alentour survint à
1. Liv., v, 34.
2. Voyez l’Introduction do cet ouvrage.
3. Horodot., iv, 11, 12.
4. Posid. ap. Plut., in Mario, 10 et seqq.
5. Strabon (1. xi, p. 494) appelle Kimrnericum une de leurs villes;
Scymnus lui donne le nom de Kimmeris (v. 201, 202). — Éphore, cité
par Strabon (1. v, p. 244), rapporte que plusieurs d’entre eux habitaient
des caves qu’ils nommaient argil : "Efopôt <pï]<nv ocùtoùç èv xarayeiotî
oîxîaiç oixeiv xaXoümv àpyiXXaç. Argel, en langue cam brienne, signifie
un couvert, un abri. Taliesin. W . Archæol., p. 80. — M efdhin Afallenau.
W . arch., p. 152.
n om *; et l’ on voit les Kimris ou Kimmerii, ainsi qu e les 1100
Grecs les appelaient eu p h o n iq u e m e n t, jo u e r dans les à
631
plus an cien n es traditions de l’ io n ie un rô le im p orta n t,
m oitié historique, m oitié fa b u le u x 2. C om m e la croyan ce
religieu se des Grecs plaçait le royaum e des om b res et
l’entrée des enfers autour du Palus-M éotide, sur le terri
toire m ôm e occu p é par les K im ris, l’im agination p op u
laire, accou p lan t ces deux idées de terreur, ût de la race
k im m érien n e une race in fern a le, a n th ro p o p h a g e , non
m oin s irrésistible et n on m oins im pitoyable que la m ort,
dont elle habitait les d o m a in e s 3.
Pourtant, si l’on en croit d ’autres sources historiques,
ces tribus du Palus-M éotide, si redoutées dans l’A sie,
u’étaient ni les plus belliqueuses, n i les plus sauvages de
leur race. Elles le cédaient de b ea u cou p , sous ces deux
rapports, à celles qui parcou raien t l’ in térieu r du conti
nent eu rop éen \ m archant l’été, se retranchant l’ hiver
dans leurs cam ps de chariots, et tou jou rs en guerre avec
les peuplades illyriennes ou s la v e s , n on m o in s sauvages
q u ’elles. Il est très-probable que ces tribus avancées co m
m en cèren t de b on n e h eu re à in qu iéter la fron tière sep
tentrionale de la G aule, et q u ’elles passèrent le R h in ,
d’abord p ou r p iller, ensuite p o u r co n q u é rir; tou tefois,
ju sq u ’ au vu' siècle avant n otre ère, leurs irru ptions n ’ eu
i/>, etouç xaO’ ËxaffTOv èviauTOV el; toüjiitpotjÔÊv «e! y_<opoârta;, jta'j,
^povoi; irg/,/,oïi; èra/.OeCv -Tqv ipuipov. Plut., in Jlurio, 11.
rent lieu qu e partiellem ent et par intervalles, l a i s à cette
ép oq u e, des m igration s de peuples sans n om b re vinrent
se croiser et se ch o q u e r dans les plaines de la haute Asie.
Les nations scythiques ou teutoniques, chassées en masse
par d’autres nations fu g itiv e s , envahirent les bord s du
Palus-M éotids et du P on t-E u x in ; et, à leu r tou r, chas
sèrent plus avant dans l’ O ccident u n e grande partie des
h ord es kim riqu es d ép osséd ées1. C elles-ci rem on tèren t le
cou rs du Tyras ou Dniester, et, poussant devant elles leur
avant-garde déjà maîtresse du pays, la forcèren t à ch er
ch er vers le su d-ouest un autre territoire. Ce fut alors
que, suivant les traditions nationales, u n e arm ée con si
dérable de K im ris, con d u ite par Hu ou Hesus le Puis
san t, ch e f de g u e r r e , législateur et p r ê tr e 2, longeant
l’Océan « b r u m e u x 3, » fran ch it le llh in , à son cou rs in
férieur, et pénétra dans la Gaule.
L’ h istd ire'ü e n ous a pas laissé le détail de cette co n
q u ête; mais l’état relatif des deu x races, lorsq u ’elle se fut
a ccom p lie et q u e ses résultats se trouvèrent con solid és,
peut ju sq u ’à un certain p oin t n ous en faire devin er la
m arch e. Le grand effort de l’invasion paraît s’ être porté
sur le littoral de l’ Océan, appelé Ai*morike dans les deux
id iom es des Kim ris et des Galls. Ce serait dans la d irec
tion du n ord au sud et de l’ouest à T ed t q u ’elle se serait
avancée su ccessivem en t, soum ettant une partie de la
p op u la tion , et refoulant l’autre au pied des chaînes de
m on tagn es qu i cou pent d iagon alem ent la Gaule, du n ord-
est au sud-ouest, depuis les Vosges ju sq u ’aux m onts Ar-
vernes. Dans quelques endroits, les grands fletivès ser
langue germanique, demeure des Boïes ( Boio-lieim ), lui fut donné par
Marcomans, qui s’en emparèrent après en avoir expulsé les habitants.
le s
G a u lb c is a l p in s . T a b le a u d e la h a u te I ta lie so u s le s É t r u s q u e s ; e n su ite
so u s le s G a u lo is . — C o u r s e s d e s C isa lp in s da n s le c e n t r e e t le m id i d e la
p r e sq u ’ îl e . — L e s iè g e d e C lu siu m le s m e t en c o n t a c t a v e c les R om a in * —
B a taille d ’ A llia . — Ils in c e n d ie n t R o m e e t a s s iè g e n t le C a p it o le . — L ig u e
d é fe n s iv e d e s n a tion s la tin e s e t é t r u s q u e s ; le s G a u lo is so n t b a ttu s p rès
d ’A r d é e p a r F u riu s C a m illu s . — Ils te n te n t d ’e sc a la d e r le C a p i t o le , e t son t
r e p o u s s é s . — C o n fé r e n c e s a v e c le s R o m a in s ; e lle s son t r o m p u e s ; e lle s se
r e n o u e n t ; u n tr a ité d e p a ix e s t c o n c lu . — L e s R o m a in s le v io le n t . — P lu
s ie u rs b a n d e s g a u lo is e s s o n t d é tr u ite s p a r t r a h is o n ; le s a u tre s r e g a g n e n t
la C is a lp in e .
391 — 390.
1. Mantua Tuscorum trans Padum sola relicta. P lin., ni, 19. — Virg.,
Æ n., x, v. 197 et soqq. — Serv., ad Æ n., x.
2. P lin ., m , 17.
3 . ’Ev 8à t o ï ç ë).ô<7i iie y itm ) (iàv è a t l P a o u é vv a SXrjixal ôiàp-
p'j'.'jc . . . '0 |i.8pixw v x a x o tx ta . S t r a b ., 1. v , p . 2 1 3 .
4. Id., ibid. — Plin., m , 15.
5 . A u jo u r d ’h u i R i m i n i . — To 8 ’ ’Apî|J.iMov ’0(j.ëpix£î>v i s r l xa-roixtqf,
xaO ârap x a i i] P a ou év v a ,'S s ô s x u a i ô ’ ètco£xq\;« P œ jM ia u ; é x « i é p a .:S t r a b ., lo c .
c it .
0 . P l i n ., m , 1 7 .
naient les m archandises grecqu es et italien n es, >et p or GS7
à
taient les produits de leurs cham ps ou le butin de leurs 891
guerres. C’étaient de petits États in dépen dan ts, quant à
leur gou vern em en t intérieur, mais tributaires, selon toute
apparence, des nations cisalpines, qui les laissaient sul>-
sister. Aussi les vit-on garder con stam m ent entre ces
nations et le reste de l’ Italie u n e neutralité rigou reu se ;
les nom s de Ravenne, d’ A rim inu m , de M antoue, ne sont
pas m êm e m en tionn és dans la lon g u e série des guerres
que les peuples gaulois et italiens se livreront pendant
trois siècles dans toutes les parties de la pén in su le.
A part ces p oin ts is o lé s , où la civilisation s ’était en
qu elqu e sorte retran ch ée, le pays ne présenta plus que
l’aspect de la barbarie. V oici le tableau q u ’un historien
n ous trace des peuplades cisalpines à cette ép oq u e Elles
« habitaient des bou rgs sans m u ra illes, m anquant de
« m eu b les, dorm an t sur l’ h erbe ou sur la paille, ne se
« nourrissant qu e de via n d e, ne s’ occu p a n t que de In
« gu erre et d’ un peu de cu ltu re ; là. se born aien t leur
« scien ce et leur industrie. L’ o r et les troupeaux eonsti-
« tuaient à leurs yeu x toute la richesse, parce que ce sont
« des biens qu ’ on peut transporter avec s o i, à tou t évé-
« n e m e n t1. » Chaque prin tem ps, des bandes d’aventuriers
partaient de ces villages p o u r aller piller q u elq u e ville
opu len te de l’ Étrurie , de la C am panie, de la Grande-
G rèce; l’ h iver les ram enait dans leurs lo y e rs, où elles
d ép osaien t en com m u n le bu tin con q u is durant l’expé
dition : c’ était là le trésor p u b lic de la cité.
il 'J-l i
o ü te T^yvr,; toco’ a ù n ï ç t o ita p ân av yi'jcom ou.évriç. "V n x pH c yc
\~ r ,i .xutCTTOi; xal l ’ u l ^ b . , I l , 17.
La Grande-G rèce fut d’ abord le but privilégié de ces
courses. La cu pidité des Gaulois trouvait un appât in ép u i
sable, et leur audace une p roie facile dans ces répu bliqu es
si fam euses par leu r lu xe et leu r m ollesse, Sybaris, Ta
rante, Grotone, Locres, Métaponte. Aussi toute cette côte
fut h orriblem en t saccagée. A Colon, on vit la p opulation,
fatiguée de tant de ravages, s’em b a rq u er tout entière, et
se réfu gier en S icile. Dans ces exp éditions lointaines, les
Cisalpins lon geaien t ordin airem ent la m er su périeure
ju sq u ’à l’ extrém ité de la p é n in su le , évitant avec le plus
grand soin le voisin age des m ontagnards de l’A pen n in ,
mais su rtou tles ap p roch es du Latium , petit canton peuplé
de nations belliqueuses et pauvres, p a rm i lesquelles les
R om ains tenaient alors le p re m ie r rang.
R om e com ptait trois cent soixante ans d’ existence.
Après avoir ob éi lon gtem ps à des rois, elle s ’était org a n i
sée en rép u bliqu e aristocratique, sous un e classe de nobles
ou patriciens, qu i réunissaient le triple caractère de chefs
m ilitaires, de magistrats civils et de pontifes. Depuis sa
fon dation, R om e suivait, à l’ égard de ses voisins, un sys
tèm e régu lier de co n q u ê te ; la gu erre, dans le but d’ac
croître son territoire, était p o u r elle ce q u ’ était p o u r les
nations gauloises la gu erre d’aventures et de pillage. Déjà
contraints par ses a rm es, les autres peu ples du Latium
avaient recon n u sa su p rém a tie; et sous le n om d ’a llics,
elle les tenait dans une su jétion tellem en t étroite, q u ’ils
ne pouvaient ni faire ni ro m p re la guerre ou la paix sans
son assentim ent. Maîtresse de la rive gau che du T ib re ,
elle aspirait à s’ étendre égalem ent sur la rive droite ; Yéies
et Faléries, deu x des plus puissantes cités de l’Étrurie
m érid ion ale, venaient de tom b er entre ses m ains, lorsque
le hasard la m it en con tact avec les Gaulois cisalpins.
Malgré leurs con tin u elles expéditions dans les trois
quarts de l’ Italie et ta m ortalité qui devait en être la suite,
les Cisalpins croissaient rapidem en t en p opulation ; et
bientôt, se trouvant trop à l’ étroit sur leu r te rritoire, ils
son gèrent à en recu ler les lim ites. P ou r cela, ils ch oisirent
^ Élrurie septentrionale, don t ils n ’ étaient séparés que par
l’Apennin. Trente m ille gu erriers s e n o n s 1, franchissant
tout à cou p ces m ontagnes, vin ren t p rop oser aux Étrus
ques un partage fraternel de leurs terres. Ils s’ adressè
rent d ’abord aux habitants de C lu siu m , qui, p o u r toute
répon se, p riren t les arm es et ferm èren t les portes de leur
v ille ; les Gaulois y m iren t le siège.
Clu'sium, située à l’extrém ité des marais qui portent
son n om , occu pait dans la con fédération étrusque un rang
distin g u é; m ais cette con féd éra tion , harcelée au nord
par les Gaulois, au m id i par les R om ains, n’ était plu s en
état de p rotéger ses m e m b re s; elle avait m êm e déclaré
dans u n e assem blée solen n elle qu e chaque cité serait
laissée désorm ais à ses p ropres ressources, « tant il serait
« im prudent, disait-on, que l’ Étrurie s’ engageât dans des
» querelles générales, ayant à sa porte cette race gau-
« loise avec laquelle il n’ existait ni gu erre d écla rée, ni
« paix a ssu ré e ! ! »
En ce pressant danger, les Clusins im p lorèren t l’ assis
tance de R om e, dont ils n’ étaient éloignés que de trois
jo u rn é e s de m arch e. R om e, tou jou rs em pressée de mettre
un pied dans les affaires de ses voisins, accu eillit la de
m a n d e; m ais avant de fo u rn ir des secours effectifs, elle
envoya sur les lieu x des am bassadeurs chargés d ’exam iner
les causes de la gu erre, et d’aviser, s’ il se pouvait, à un
’ ■ H e p î T PW ^ P£0 U Î. D i o d S ic ., x iv , 1 1 3 .
2. Novos accolas Galles esse, cum quibus nec pax satis fida, ncc hél
ium pro certo sit. L iv., v, 17.
a ccom m od em en t. Cette m ission fut con fiée à trois jeu n es
patricien s de l’antique et célèbre fam ille des Fabius.
Le caractère hautain et violent des Fabius convenait
mal à u n e m ission de p a ix 1; n éa n m oin s l’ ouverture de la
con féren ce fut assez calm e. Le ch e f su prêm e des Senons,
q u i portait dans leu r langue le titre de Brenn2, exposa
que, m écon ten ts de leurs terres, ses com patriotes et lui
venaient en ch erch er d ’autres dans l’ É tru rie; voyant les
Clusins possesseurs de plus de pays q u ’ils n ’ en pou vaien t
cultiver, les Gaulois en avaient récla m é u ne partie, que,
su r le refus des C lusins, ils enlevaient à m ain a rm é e ;
l’aban don de ces terres était, disait-il, l’ u niqu e con d ition
de la paix, com m e le seul m otif de la g u e r r e 3. Il ajouta :
« Les R om ains n ous sont p eu con n u s ; mais n ous les
« croyon s un peu ple brave, p u isqu e les Étrusques se sont
« m is sous leur protection . Restez d o n c ici spectateurs de
« notre qu erelle; n ous la videron s en votre p résen ce, aûn
« q u e vou s puissiez red ire chez vou s co m b ie n les Gaulois
« l’em porten t en vaillance sur le reste des h o m m e s 4. » À
ces paroles, les envoyés eu rent p ein e à ré p rim e r leu r co
lère. « Quel est ce droit qu e vou s vous arrogez sur les terres
« d’autrui? s’ écria l’ aîné des trois frè re s, Q. A m bu stu s;
« qu e sign ifien t ces m en aces? q u ’avez-vous affaire avec
« l’ É tru rie5? — Ce d ro it, reprit en riant le Brenn se n o -
1. Serv. ad Virg. Æ n ., v in , v. 1.
s, * *um^m ire. L iv ., v , 37. — Movoiç 7roX£[xetv Pa)(xa(oti; toù;
û a/AOvç cpuovç £7uoTa<rôai. Plut., in Camill., 18.
300 grandes batailles \ ils en ton n èren t le chant de guerre
et appelèrent les Rom ains au com bat par des hurlem ents
qu e l’éch o des m ontagnes rendait e n core plus effroya
bles s.
De l’autre côté de l’Allia s’ étendait une vaste plaine
b orn ée à l’o ccid e n t par le T ib re , à l’orien t par des co l
lines assez éloignées : les R om ains s’y ran gèrent en ba
taille. Leur droite s’appuya sur les collin es, leur gau che
sur le fleu ve; mais la distance d ’ une aile à l’ autre étant
trop gran de p ou r que la ligne fût partout égalem ent
g a rn ie, le centre m anqua de p rofon d eu r et d e force.
Outre cela , com m e ils tenaient à la possession de ces
h auteurs, q u i les em p êch aien t d’ être d é b o rd é s, ils y pla
cèren t toute leur réserve, com p osée de vétérans d ’élite
appelés subsidiarii, parce q u ’ ils attendaient le m om en t
de d on n er, un ge n o u en terre, sous le couvert de leur
bou clier 3.
Ainsi que les tribuns m ilitaires l’avaient p rév u , le
com bat s’ engagea par la gau che des Gaulois. Le Brenn
en p erson n e entreprit de d ébu squer l’ en n em i des m o n
ticules ; il fut reçu vigou reu sem en t par la réserve rom aine
soutenue de l’aile droite. L’ en ga gem en t fut v if , et se p r o
lon gea avec égalité de succès de part et d ’autre. Mais
lorsqu e le centre de l’arm ée gauloise s’ ébranla et m archa
sur le centre en n em i avec la fou g u e ordin aire à cette
n a tion , les cris et té b ru it des ai'mes frappées sur les
b ou cliers, les R om ains, sans attendre le c h o c , se déban
d èren t, entraînant dans leur m ou vem en t l’aile gauche,
qui bordait le T ibre. Ce fut dès lors une véritable b ou -
3. In d e , c la a io r e su b la to ac te s tu d in e fa cta , su b eu n t. Id ., ib id .
pas livrer un second assaut, et se contenta d’ établir au
tou r de la m on tagn e une lign e de b locu s *.
Tandis que les deu x partis, dans l’ in a ction , s’ obser
vaient m utuellem ent, les Gaulois viren t un jo u r descen
dre à pas lents du Capitole un jeu n e Rom ain vêtu à la
m an ière des prêtres de sa n a tion , et portant dans ses
m ains des objets c o n s a c r é s 2. Il pén ètre dans leu r cam p ;
et, sans paraître ém u ni de leurs cris ni de leurs gestes, il
le traverse tout entier, ainsi qu e les ru in es am on celées de
la ville, ju sq u ’ au m on t Q uirinal. Là, il s’ arrête, a ccom p lit
certaines cérém on ies religieuses particulières à la fam ille
Fabia, don t il était m e m b r e 3, et retou rn e p a r le m êm e
ch em in au Capitole, avec la m êm e gravité, la m êm e im
passibilité, le m êm e silence. Chaque fois les Gaulois le
laissèrent passer sans lu i faire le m oin d re m al, soit qu’ ils
respectassent son cou rage, soit que la singularité du cos
tu m e, de la d ém arch e et de l’action les eût frappés d’ une
de ces frayeurs superstitieuses auxquelles n ous les ver
ron s plus d ’u n e fois s’a b a n d o n n e r4.
Le siège com m en ça it à p ein e, et déjà la disette tou r
m entait les assiégeants. Dans leu r avidité im prévoyante,
ils avaient dissipé en p eu de jo u rs les subsistances que les
flam m es avaient épargnées, et se voyaient réduits à vivre
du pillage des cam p a gn es, ressou rce faible et p récaire
p o u r u n e m ultitude in d iscip lin é e , et don t le n om b re
s’ augm entait de m om en t en m o m e n t ; car les recru es de
la Gaule cisalpine arrivaient su ccessivem ent, et bientôt
1. Amissa itaque spe per vim atque arma subeundi, obsidionem pa
rant. Liv., v, 43.
2. Gabino cinctu, sacra inanibus gerens... nihil ad vocem cujusquam
torroremve motus; Id., v, 46. — Dio Cass., Fragm. Pciresc., xxix, 1 , 2.
3. Sacrificium erat statum... genti Fabiæ. Liv., v, 46.
4. Seu religione etiam m otis... Id., ibid. — Dio Cass., loc. cit.
l’arm ée du Brenn ne com pta pas m oin s de soixante et
dix m ille h om m es *. Des divisions de cavaliers et de fan
tassins allaient d on c battre la plaine de tous côtés et à de
grandes distances de R om e 2; ils s’avancèrent ju s q u ’aux
portes d ’Ardée, antique ville des llutules, peu éloignée
de la m er in férieure.
Dans Ardée vivait un patricien rom ain , Marcus Fu-
rius Gamillus, qu i, après avoir ren du à la répu bliqu e
d’ ém inents services à la tête des arm ées, s’ était attiré la
haine de ses con citoy en s par la dureté de son com m a n
dem en t, son arrogan ce, son faste aristocratique et l’ im
popularité obstinée de sa con d u ite. Appelé en ju g e m e n t
devant le peu ple co m m e p réven u de con cu ssion , Marcus
Furius, p o u r éch ap per à u n e con d a m n a tion d ésh on o
rante, s’ était exilé volon tairem en t, et, depuis u n e année,
il dem eu rait p arm i les A rdéates3. T out aigri q u ’il était
con tre ceu x à l’in ju stice desquels il attribuait sa disgrâce,
les m alheurs et l’ h um iliation de Home l’affligèrent vive
m e n t; et quand il vit ces Gaulois destructeurs de sa patrie
p orter im p u n ém en t le ravage ju sq u e sous les m u rs q u ’ il
habitait, il sentit se sou lever en lu i le cœ u r du patriote
et du soldat. Jou r et nuit il haranguait les Ardéates, les
pressant de s’arm er, et com battant par ses raison n em en ts
la rép u gn a n ce de leurs magistrats à s’em barqu er dans
u n e gu erre d on t R om e devait recu eillir presqu e tout le
fr u it4. « Mes vieu x am is, et m es n ouveau x co m p a trio te s5,
« leu r disait-il, laissez-m oi vous payer, en vou s servant,
“ l’hospitalité qu e je tiens de vous. C’ est dans la guerre
1 . Ubi usus erit m ei vobis, si in bello non fuerit? Hac arte in patria
steti. L iv., v, U .
2. Ubi nox appétit, prope rivos aquarum, sine munim ento, sine sta-
tionibus ac custodiis, passim, ferarum ritu, sternuntur... M esequim ini
ad cædem, non ad pugnam, Id ., ibid. — Plut., in Camill., 23.
soldats ne son gèrent à autre chose qu’ à s’en ivrer, et la aÿ0
nuit les ayant surpris incapables de con tin u er leur route,
et m êm e de dresser leurs tentes, ils s’ étendirent sur la
terre p êle-m êle au m ilieu de leurs arm es. Le som m eil et
un silen ce p rofon d régn èren t bien tôt sur toute la b a n d e 1.
Ce fut alors qu e Furius Camillus, averti par ses espions,
sortit d’Ardée, et tom ba sur les cam pem ents des Gaulois,
au m ilieu de la nuit. 11 avait o rd o n n é à ses trom pettes de
son n er, et à ses soldats de pou sser de grands cris 2, dès
qu ’ ils seraient arrivés ; mais ce tuin ulte üt à p ein e reven ir
les G aulois d e leu r som m eil : qu elqu es-u n s se battirent;
la plupart fu ren t tués e n co re en d orm is. Ceux qu i, p rofi
tant de l’ obscu rité, parvinrent à s’ éch apper, la cavalerie
ardéate les atteignit au p oin t du j o u r 3; enfin un détache
m en t n om b reu x qu i avait gagn é le territoire d’Antium , à
d ix m illes d ’Ardée, fut exterm in é par les paysans4.
Ce su ccès en cou ragea les peuples du L atiu m ; ils s’ar
m èren t à l’ instar des Ardéates. De l'en cein te des villes où
ju sq u ’alors ils s’ étaient tenus ren ferm és sans co u p férir,
ils se m irent à fon d re de tous côtés sur les bandes qui
cou raien t la cam pagn e, et la rive gau ch e du T ibre ne fut
plus sûre p ou r les fou rrageu rs gaulois. Sur la rive droite,
la défense, m ieu x organ isée en core, agit avec plus d’effi
cacité. L’ Étrurie avait son gé d ’abord à p rofiter des désas
tres des R om ains, et leu r avait d éclaré la g u e r r e 6 ; mais
1. O i 8’ àxoûcravTeç, xai {Jo u k u (îâ (/.£ v o i, tov Kocjj-tXXov o m o & txv û o u a i oix-
tâxMpa. Plut., in Cam ill., 25.
ébou lée en plusieurs endroits, et çà et là l’ em preinte de
pas h um ains. Le bren n se ren dit sur les lieu x, et, après
avoir tou t con sidéré, recom m an d a le secret à ses soldats.
Le soir il con voqu a dans sa tente ceu x de ses guerriers
en qui il mettait le plus de con fian ce, et leur ayant ex
p osé ce qu ’ il avait vu et ce q u ’ on pouvait tenter sans
crainte : « Nous croyion s ce ro c h e r inaccessible, ajouta-
« t-il; eh b ie n , les assiégés eu x-m êm es nous révèlent les
« m oyen s de l’ escalader. La route est tracée : il y aurait
« à h ésiter de la lâcheté et de la h onte. Là où peut m o n -
« ter un h om m e , plusieurs y m on leron t à la file, en
« s’ en tr’aidant. Ceux qui se d istin gueron t peuvent com p
u t e r su r d es récom pen ses d i gn es d’ un e telle e n trep rise1. »
T ous p rom ettent gaiem ent d ’ob éir. Ils partent en effet,
et, à la faveur d’ u n e nuit é p a isse s, ils se mettent à gra
vir à la file, s’accroch a n t aux bran ches des arbrisseaux,
aux poin tes et aux fentes des roch ers, se soutenant les
uns les autres, et se prêtant m utu ellem en t les m ains ou
les ép a u les8. Avec les plus grandes peines, ils parvien
nent peu à peu ju sq u ’au pied de la m uraille, qu i, de ce
côté-là, était peu élevée, parce q u ’ un en droit si escarpé
sem blait tou t à fait h ors d’ insulte. La m êm e raison p or
tait les soldats qu i en avaient la garde à se relâch er de la
vigilan ce o rd in a ire 4, de sorte que les Gaulois trouvèrent
les sentinelles en d orm ies d ’un p rofon d s o m m e il11.
Le m u r qu’ ils com m en ça ien t à escalader faisait partie
1. Tr)v fùv 68àv, eiirev, ^)(xîv i n ’ aùxoù; àYV00 U|iévr)V ol uoXé(Uot Seix-
vûouoi, tu; oûx’ àmôpEuxo; oüx’ dëaxoç àvOptiitoi; èaxlv, x. t . X. Plut., in
Cam ill., 26.
2. Defensi tenebris et dono noctis opacæ. Virg., Æ n., viii , 058.
3. Alterni innixi, sublevantcsque invicem alii alios. Liv., v, 47.
^ 4. Ot çu/ay.tt; r.ap£^pa0'j[ir]v.6t£; r]ffav xŸj; çvXaxîj; 8ià x^v i^\jpéxr,xa
•toü xôrcou. Diod. S ic,, xiv, 116. - Æ lian., de Animal, natur., xn, 33.
sco de l’ enceinte d’ une chapelle de Junon, autour de laquelle
rôdaient qu elques-uns de ces ch ien s préposés à la défense
des tem ples. II s’ y trouvait aussi des oies consacrées à la
déesse, et que, p o u r cette raison, les assiégés avaient épar
gnées au fort de la disette qu i les tourm entait. Souffrants
et abattus par une lon g u e diète, les ch ien s faisaient m au
vaise garde, et les Gaulois leu r ayant lancé par-dessus le
rem part quelques m orcea u x de pain, ils se jetèren t dessus
avec avidité et les dévorèren t, sans aboyer n i d o n n e r le
m oin d re sign e d’a la r m e 1 ; m ais, à l’od eu r de la n ou rri
ture, les oies, qu i en m an qu aien t depuis plusieurs jou rs,
sa m irent à battre des ailes et à pousser de tels cris, que
toute la garnison se réveilla en su rsau t2. On s’arm e à la
h âte; on cou rt vers le lieu d’ où parlen t ces cris : il était
tem ps, car déjà deux des assiégeants avaient atteint le
haut du rem part. Marcus M anlius, h o m m e robuste et
in trép id e, fait face lui seul aux Gaulois : d ’un revers
d’ épée, il abat la m ain de l’ un d’ eu x q u i allait lui fendre
la tête d’ un cou p de h a ch e ; en m êm e tem ps il frappe si
ru dem en t l’autre au visage avec son b o u clie r, q u ’il le
fait ro u le r du haut en bas du r o c h e r 3. T oute la garnison
arrive pendant ce tem ps-là et se porte le lo n g du rem part.
Les assiégeants, repoussés à cou p s d ’épée et accablés de
traits et de p ierres, se culbutent les uns sur les autres;
ils ne peuvent fuir, et la plupart, en vou lan t éviter le îel
en n em i, se p erd en t dans les p récip ices. Un petit n om b re
seu lem en t regagna le cam p.
Cet é ch e c acheva de d écou ra g er les Gaulois. Un fléau
1. Diod. Sic., xiv, 110. — Liv., v, 48. — Plut., in Cam ill., 28. — Val.
Max., v, 6. — Quelques écrivains portent cette rançon au double. Varr.
ap. Non., in Torq. — P lin ., x x x ii , 1.
2. Transvehendos et commeatibus persequendos. Front., Stratag.,
n, 6.
3. nûXriv ^vewy(j.évt|v itapsyciv 6ià navrôî, xal ■pi'1 iprburijuiv. Polyœn.,
Stratag., ynr, 2 5 !
4. Plut., in Cam ill., 28 et 30.
5. Ex ædibus sacris et matronarum ornamentis. Varr. ap. Non. —
Val. Max., v, 6----- L iv., v , 50.
« h eur aux v a in cu s1? » Cette raillerie parut intolérable
aux R om ains; les uns voulaient que l’ or fût enlevé et la
capitulation rév o q u é e ; mais les plus sages conseillèrent
de tout souffrir sans m u rm u rer : « La h on te, disaient-ils,
« ne consiste pas à d on n er plus que n ous n ’avons prom is,
« elle consiste à d o n n e r ; résig n on s-n ou s d o n c à des
« affronts qu e n ous ne p ou von s ni éviter ni p u n ir 2. » Le
siège étant levé, l’arm ée gauloise se m it en m a rch e par
différents ch em in s et en plusieurs d iv ision s, a fin , sans
doute, qu ’ elle pût m oin s difficilem en t se p ro cu re r des
subsistances. Le B re n n , à la tête du prin cipal co rp s,
sortit de la ville par la voie G a b in ie n n e 3, à l’orien t du
Tibre. Les autres prirent, sur la rive droite du fleuve, la
d irection de l’Étrurie.
Mais ix pein e étaient-ils à q u elqu e distance de Rom e,
qu ’ une proclam ation du dictateur Marcus F urius vint
annuler, com m e illégal, le traité sur la fo i duquel ils
avaient m is fin aux hostilités. Le dictateur déclarait « qu’à
« lui seul, d’après la lo i rom aine, appartenant le droit de
« paix et de gu erre et celu i de faire des traités, le traité
« du Capitole n ég o cié et co n clu par des magistrats in fé-
« rieurs, qui n ’en avaient pas le p ou v oir, était illégitim e
« et nul ; q u ’ en un m ot, la gu erre n ’avait pas cessé entre
« R om e et les G a u lois4. » Les colon ies rom ain es et les
a illes alliées, se fon dan t sur un pareil subterfuge, refusè
rent partout au x Gaulois les subsides stipulés, et ceu x-ci
G a ü lb c is a l p in e . R o m e s ’o r g a n is e p o u r ré s is te r a u x G a u lo is . — L e s C isa lp in s
ra v a g e n t le L a tiu m p e n d a n t d ix -s e p t a n s. — D u e ls fa b u le u x d e T . M a n liu s
e t d e V a lé r iu s C o r v in u s . — P a ix e n tr e le s G a u lo is e t le s R o m a in s . — I r r u p
t io n d’ u n e b a n d e d e T ra n sa lp in s d a n s la C ir c u m p a d a n e ; sa d e s t r u c t io n p a r
le s C isa lp in s. — L ig u e d e s p e u p le s it a lie n s c o n t r e R o m e ; le s G a u lo is en
fo n t p a r t ie ; b a ta ille d e S e n t in u m .— L e s S e n o n s é g o r g e n t d e s a m b a ssa d e u r s
ro m a in s ; ils so n t d é fa its à la jo u r n é e d e V a d im o n ; le te rr ito ire s e n o n a is
e st c o n q u is e t c o lo n is é . — D ru su s r a p p o r t e à R o m e la ra n ço n d u C a p ito le .
389 — 28 3 .
1 . Liv., vu, i.
2. Oùx ÈxoXjjwidav avie^ayaifEiv i>ü>(ji.aïoi xà irxpaxÔTOÔa. Polyb., u, 18.
3. 01 5c IV/â-.at xaxauXa’fEvtEç xriv ëçoôov aùxüv... Id ., ibid.
4. In Tiburteui agrum ... arcom belli Gullici. L iv., vu, 2. — Polyb.,
u, 18.
passait de beau cou p la stature des autres, s’avança sur
un pont qui séparait les deu x cam ps. 11 était nu ; m ais le
collier d ’or et les bracelets d on t il était orn é in d iqu aien t
son ran g distingué parm i les siens. A son bras gauche
était passée la cou rroie de son b ou clier, et de ses deux
m ains, élevant au-dessus de sa tête deu x én orm es sabres,
il les brandissait d ’un air m e n a ça n t1. Se plaçant ainsi au
m ilieu du pon t, le géant se m it à p ro v o q u e r au com bat
sin gu lier les guerriers rom a in s; et, co m m e n ul n ’ osait
se présenter con lre un tel adversaire, il les accablait de
m oqu eries et d’outrages, et leur tirait, dit-on , la langue
en signe de m é p r is 2. P iqu é d’ h o n n e u r p o u r sa nation, le
je u n e Titus Manlius, descendant d e celu i q u i avait sauvé
le Capitole de l’escalade n octu rn e des Senons, va trouver
alors le dictateur q u i com m an d ait l’a rm ée. « P erm ets-
« m oi, lui dit-il, de m on trer à cette bête féroce qu e je
« p orte dans m es veines le sang des M an lius3. » Le dicta
teu r l’en cou rage, et Manlius, s’arm ant du b o u clie r de
fantassin et de l’ épée espagnole, épée cou rte, poin tu e, à
d eu x tranchants, s’avance vers le p o n t 4; il était d e taille
m éd iocre, et ce contraste faisait ressortir d’ autant plus
la grandeur de son en n em i, qu i, suivant l’ expression de
Tite-Live, le d om in a it co m m e u ne c ita d e lle '.
1. Quibus nec certa im peria, nec duces essent. L iv., vu, 24.
2. Id ., ibid.
3. Prædones maritimi cum terrestribus congressi. Id ., vu, 25.
4. Quia neque in campis congredi nulla cogente re volebat (consul)i
et prohibendo populationibus... satis domari credcbat hostom. Id ., ibid.
I c i, com m e au pon t de l’A n io, le p rovocateu r est un
géant cisalpin qu i m arche à grandes en ja m b ées, et qu i
brandit un lo n g épieu dans sa m ain droite 1 ; le ven geu r
de R om e est un je u n e trib u n , n o m m é Valérius; mais il
ne suffit pas seul à la v ictoire, et il faut que le ciel vien n e
à son aide. Un corb ea u , envoyé par les dieu x 2, descend
sur son casqu e; et de là, attaquant le Gaulois à coups
d’ on gles et de b e c , lui déch ire le visage et les m ains, lui
crève les yeu x , l’ étourdit du battem ent de ses a iles; si
bien qu e le m alheureux n ’a plus qu’à tendre le cou au
R om ain qui l’égorg e 3.
Ce q u ’il y a de certain, c’ est qu e R om e, n e jugeant
pas p ru dent de pousser à b ou t l’ arm ée gau loise, fit avec
elle u n e trêve de trois a n s, en vertu de laquelle celle-ci
pu t se retirer sans être inquiétée ni par la rép u bliqu e, n i
par ses alliés : la rou le qu’ elle p a rcou rut dans cette re
traite reçu t alors et porta depuis le n om de voie Gauloise1.
Bientôt m êm e la trêve se chan gea en une paix définitive que
les Gaulois observèrent scru p u leu sem en t5, q u oiq u e leurs
am is les T iburtins fussent cru ellem en t châtiés à cause
d’ e u x 6. Une seule fois, le bruit de m ouvem ents guerriers,
don t la Cisalpine était le théâtre, vint alarm er le peuple
de Rom e. «Q u a n d il s’agissait de cet en nem i, dit un his-
« torien latin , les ru m eu rs m êm e les plus vagues n ’étaient
1. Non tam quia im minui agrum , quam quia accolas sibi quisquo
adjungere tam efferatæ gentis homines horrebat. Liv., x, 10.
2. Toüto Sè (TÙvriBé; i a x i r<*Xdnaiç irpàrrEiv, èraifiàv <r<pETept(T«ma[ xi
îü v raîia;, xat (iâ^tcrra Sià t a ; àXô-youç otvoepXufîa; xai TtXïio'p.ovà;. P olyb,,
il, 19.
3. Pia arm a... justum bellum . Pax servientibus gravior quam liberis
bellum . L iv., x , 16.
4. Habere accolas Gallos inter ferrum et arma natos, feroces quum
saires q u i, parcou rant la C ircum padane l’argent à la
m ain , solliciteraient les ch efs gaulois à p ren dre les
arm es. L’ Étrurie et l’ O m hrie entrèrent avec em presse
m ent dans le plan des Sam nites; et des ambassadeurs
envoyés à Sena, à B ononia, à M ed iolan u m , parvinrent à
con clu re une alliance entre les nations cisalpines et la
coalition italique.
Cette nouvelle, qu e suivit l’a n n on ce d ’un grand arm e
m en t sur les rives du P ô, rem p lit R om e d’ un trou ble de
puis lon gtem ps in co n n u . Dans cette con ju ration de toute
l’Italie, ce qu i frappait le plus vivem ent les im aginations,
ce qu i excitait surtout la frayeur p opulaire, c’ était la m e
nace de ces Gaulois arrivant, en bandes in n om b ra b les,
p ou r u n e secon d e jo u rn é e d ’Allia. De prétendus p ro
diges, fruit de l’ épouvante, circulant de b o u ch e en b ou
ch e, ajoutaient en core à l’ épouvante : on avait vu , disait-
on , la statue de la V ictoire descen due de son piédestal,
com m e si elle eût voulu quitter R om e , se tou rn er vers
la porte Colline, porte de fatale m ém oire qu i avait d on n é
passage aux Gaulois u n siècle auparavant. Cependant la
constance rom ain e l’ em porta. C itoy en s, a llié s , sujets de
la rép u bliqu e se levèrent en m asse; on organisa ju sq u ’à
des coh ortes d e vieillards *. Trois arm ées ayant été mises
ainsi sur p ied, le sénat en réserva d eu x p o u r garder les
approch es de la v ille, tandis qu e la tro is iè m e , forte de
soixante m ille h om m es, devait agir à l’extérieur.
C’était entre la rive gau che du Tibre et l’Apennin,
dans l’ O m brie, près d e la ville d ’Aharna, que les coalisés
se réu nissaien t, mais lentem ent, à cause de l’ hiver. A
m esure qu e leurs forces arrivaient, elles se distribuaient
1. L iv., x , ül et seqq.
2. Miijori mihi curæ est ut omnes locupletes reducam, quam ut înu'-
tis rem geram militibus. Id., x, 25.
rent par alarm er le sénat, qui le rappela à R om e p o u r le
réprim ander et le contraindre à partager avec son collè
gu e, P . Décius, la con duite de la gu erre. Les deux c o n
suls partirent d o n c ensem ble à la tête de cin qu an te-cinq
m ille h om m es, qu i, avec onze m ille que Fabius avait dis
sém inés dans le pays, form aien t l’effectif de l’arm ée d’ o
pération. Ils approch aien t déjà de G lusium , quand ils
en ten diren t des chants sauvages, et aperçurent à travers
la cam pagn e des cavaliers gaulois qui portaient des têtes
plantées au bou t de leurs la n c e s , ou attachées au p oi
trail de leurs c h e v a u x 1. C’ était la p rem ière nouvelle du
m assacre de toute u n e lég ion .
En e ffe t, à p ein e Fabius a v a it-il quitté l’ Étrurie,
q u ’ une trou pe de cavaliers senons, passant le T ibre pen
dant la n u it, était ven u e cern er dans le plus grand si
len ce la légion can ton née près de Clusium 2. Tout, ju s
qu ’au d ern ier h om m e , y fut exterm in é 3. Un sort pareil
attendait inévitablem ent les autres divisions rom aines
dissém inées en Étrurie, si P. Décius et ses cinquante-
cin q m ille h om m es avaient tardé davantage. A la vue
des en seignes consulaires, les Senons repassèrent p réci-
tam m ent le fleuve.
Le plan de cam pagne prescrit par le sénat aux co n
suls était tracé avec sagesse et habileté. C eux-ci devaient,
à la tête de leurs soixante-six m ille h om m es, faire face
aux troupes réunies des coalisés, m ais en évitant une
affaire gén érale; tandis qu e les deux arm ées qu i co u
vraient R om e pénétreraient, par la rive gau che du T ibre,
dans r o m b r ie m éridion ale, par la rive droite, dans l’ É-
1. Illac fu g aet cædes vertit, ubi sacram Dianæ feram jacentem vide-
tis ; hinc victor martius lupus integer et intactus, gentis nos martiæ et
conditoris nostri admonuit. L iv., x, 27.
2. Essedis carrisque superstans armatus hostis ingenti sonitu equoruni
rotarumque advenit. Id ., x , 28.
3. Id ., ibid.
m ent établie, qu ’ un général qu i, dans une bataille déses
pérée, se dévouait aux dieux infernaux, prévenait par là
la destruction de son arm ée, et q u ’alors, suivant l’ ex
pression consacrée, « la terreur, la fuite, le carnage, la
« m ort, la colère des dieu x du ciel, la colère des dieu x
« des e n fe rs1, » passaient des rangs des vaincus dans
ceu x des vainqueurs. Un évén em en t très-récent, où le
père m êm e de Décius avait jo u é le prin cip al rôle, d on
nait à cette croyan ce religieuse u ne autorité qu i sem blait
la m ettre au-dessus de tout doute. Dans un e des dernières
guerres, entre les Rom ains et les Latins, on avait vu les
p rem iers, déjà vaincus et fugitifs, se rallier par la vertu
d’ un sem blable dévou em en t, et ren trer v ictorieu x sur le
ch am p de bataille. Ce sou venir se retraça vivem ent à
l’ im agin ation de D écius : « O m on père ! s’ écria-t-il, je
« te suis, puisque le destin des D écius est de m ou rir p o u r
« con ju rer les désastres p u b lic s 2. » Il fit sign e au grand
pontife, qui se tenait près de lui, de l’a ccom p a gn er, se
retira à qu elqu e distance, hors de la m êlée, et m it pied
à terre.
Suivant le cérém on ia l établi, D écius plaça sous ses
pieds u n javelot, et, la tête couverte d ’ un pan de sa rob e,
le m en ton appuyé sur sa m ain droite J, il répéta phrase
par phrase la form u le qu e le grand prêtre récita à son
côté. « Janus, Jupiter, père Mars, Q uirinus, Bellone,
« Lares, Dieux n ou vea u x, Dieux in d igètes, Dieux q u i
« avez puissance sur n ous et sur nos en nem is, Dieux
« Mânes, je vous offre m es vœ ux, je vous p rie, je vous
1. Collecta humi pila, quæ strata inter duas acies jacebant, atque in
testitudinem hostium conjecta. L iv., x. 29.
2. Id., ibid. — Paul Orose (iv, 21) fait m onter le nombre dos morts
à 40,000. — Diodore de Sicile n’en com pte pas moins de 100,000.
3. Aujourd'hui Arezzo,
missaires chargés de déclarer aux chefs cisalpins que la
rép u bliqu e prenait Arétium sous sa protection, et qu’ ils
eussent à lever le siège sans délai s’ils ne voulaient entrer
en gu erre avec elle. On ig n o re ce qu i se passa dans la
con féren ce, si les R om ains préten diren t em ployer, à l’é
gard de cette nation û ère et irritable, le langage arrogant
q u ’ils parlaient au reste de l’Italie, ou si, com m e un his
torien le fait entendre, la ven geance p erson nelle d’ un
des chefs cisalpins am ena l’ h orrib le catastrophe; mais
les com m issaires furent m assacrés, et leurs m em bres dis
persés, avec les lam beaux de leurs robes et les insignes
de leu rs dignités, a u tou r des m urailles d’A rétiu m 1.
A cette n ou velle, le sénat irrité lit m arch er deux ar
m ées con tre les Senons. La p re m iè re , con d u ite par Corn.
D olabella, entrant à l’ im proviste sur leu r territoire, y
com m it toutes les dévastations d’ u n e guerre sans quar
tier : les h om m es étaient passés au fil de l’ épée ; les
m aisons et les récoltes brû lées; les fem m es et les enfants
traînés en s e rv itu d e 2. La se co n d e , sous le com m ande
m en t du préteu r C écilius M étellus, attaqua le cam p gau
lois d ’Arétium ; mais dès le p rem ier com bat elle fut m ise
en d érou te; Métellus resta sur la place avec treize m ille
lég ion n a ires, sept tribuns et l’élite des jeu n es cheva
lie r s 3.
Jamais plus violente colère n ’avait transporté les Se
n o n s ; la gu erre leu r paraissait trop lente à quarante lieues
du Capitole. « C’est à R om e q u ’il faut m a rch er, s’ é-
M IG R A T IO N S DES G A U L O IS EN GRÈCE ET EN A S IE . — F O N D A T IO N
DE L ’ O R IE N T .
CHAPITRE PREMI ER
A r riv é e e t é ta b lis s e m e n t d e s B e lg e s d a n s la G a u le . — U n e b a n d e d e T e c t o
s a g e s ém igre d a n s la v a llé e d u D a n u b e . — N a tion s g a lliq u e s d e l ’ I lly r ie e t
d e la P æ o n ie ; le u rs re la tio n s a v e c le s p e u p le s g r e c s . — L e s G a lls e t les
K im r is s e ré u n iss e n t p o u r e n v a h ir la G r è c e . — P re m iè r e e x p é d it io n en
T h r a c e e t en M a c é d o in e ; e ll e é c h o u e . — S e c o n d e e x p é d it io n ; le s G a u lo is
s ’e m p a re n t d e la M a c é d o in e e t d e la T h e ssa lie ; ils so n t v a in cu s a u x T h e r -
m opyles; ils dévastent l’É to lie; ils forcent le passage de l ’ Œ t a ; s iè g e et
prise de Delphes; p illage du temple. — Retraite désastreuse d e s G a u l o is ,
le u r r o i s’enivre e t se tue ; ils regagnent le u r p a y s e t se sé p a r e n t.
281 — 279.
1. On peut voir dans l ’Introduction les bases sur lesquelles j ’ai fondé
ce calcul. J’ajouterai que l ’époque que j ’ai déterminée ainsi approximati
vement, au moyen d ’événements pris dans la Gaule transalpine, coïncide
avec celle d’une longue paix entre les Cisalpins et Rome. (V. le chapitre
précédent à l ’année 299.) Les Cisalpins, inquiets des bouleversements
qui agitaient les Transalpins et les poussaient de nouveau vers l’Italie,
avaient tourné toute leur prévoyance et toutes leurs forces de ce côté.
2. J’ai consacré une partie de l’Introduction à exposer mon opinion
sur les Belges, sur l ’époque approximative de leur arrivée en deçà du
Rhin, enfin sur leur affinité avec les Volkes. Jo ne puis qu’y renvoyer le
lecteur. Pour ce point de ma théorie com m e pour tous les autres, j ’ai
cru devoir réunir toute la discussion dans le morceau général qui pré
cède mon récit, afin de dégager l ’histoire narrative des dissertations qui
ne sont bonnes qu ’à l ’embarrasser et à la morceler : l’histoire, à mon
Nous ne savons rien des guerres que les Belges, avant
de rester possesseurs paisibles du pays q u ’ils avaient en
vahi, soutinrent con tre les populations antérieures. L’ his
toire n ous m on tre seulem ent les Tectosages, vers l’année
281, faisant partir de Tolosa u ne ém igration considéra
ble, sur les m otifs de laquelle les écrivains n e sont pas
d ’accord . Les uns l’attribuent à l’excès de p o p u la tio n 1
qu i de b on n e h eu re se serait fait sentir parm i les Vol-
kes, serrés étroitem en t de tout côté par les peuplades
galliques, aquitaniques et lig u rien n es; d’autres lu i assi
gn en t p o u r cause des révoltes et des guerres intestines.
« Il s’éleva chez les Tectosages, disent-ils, de violentes
« dissensions, par suite desquelles un grand n om b re
« d ’h om m es furent chassés et contraints d’aller ch erch er
« fortun e au d e h o rs 2. » Les ém igrants, quel qu e fût le
m o tif de leu r départ, sortirent de la Gaule par la forêt
H ercynie et entrèrent dans la vallée du D an u be; c’ était
la route qu ’avaient suivie, trois cent vingt et un ans au
paravant, les Galls com p a g n on s de S ig ov èse”. Dans ce
laps de tem ps, ces anciens ém igrés de la Gaule s’étaient
p rod igieu sem en t a ccru s; m aîtres des m eilleures vallées
des Alpes, ils form aien t de grands corp s de nations qui
s’étendaient ju sq u ’ aux m on tagn es de l’ Épire, de la Macé
d oin e et de la T hrace. Bien que placés sur la fron tière
1. Paus., x , 19.
2 . T ov Rpévvov, xàv èTO>0ovTa êwi A e ^ ço ù ç, Ilp aü ffôv tivéç çootiv àXX’ où
toüç npaOtrouç i/ojxev elneïv, 8ttou yfiç üx^rrav npôtepov. Strab., 1. rv,
p. 187. — Draw, en langue galloise, signifie terreur; bras, en gaelique,
terrible.
Des région s de la haute M acédoine, co m m e d’ un p oin t ssi
central, parlent quatre grandes chaînes de m ontagnes.
La plus considérable, celle du m on t Hém us, se dirige vers
l’ est, entoure la T hrace, b ord e le Pont-E uxin et envoie
une bran ch e de collin es vers Byzance et vers l’ H ellespont.
Une secon d e chaîne se détache du plateau de la haute
M acédoine en m êm e tem ps qu e l’ H ém us, mais se p ro
lon g e vers le sud-est : c ’est le R hodope. Une troisièm e
cou rt de l’est vers l’ou est, celle des m onts qu e les Galls
avaient n om m és Alban1. Enfin la q u a trièm e, s’ étendant
au sud et ù l’est, d on n e naissance à toutes les m ontagnes
de la Thessalie, de l’ É pire, de la Grèce p rop re et de l’Ar
c h ip e l2. C on form ém en t à cette disposition géograp h iqu e,
le R renn dirigea sur trois p oin ts les forces de l’ invasion.
Son aile gau che, com m a n d ée par C éréth riu s3, entra dans
la T hrace avec ord re de la saccager et de passer ensuite
dans le n ord de la M acédoin e, soit par le R h o d o p e , soit
en côtoyant la m er É gée. Son aile d roite m archa vers la
frontière de l’Épire p ou r envahir de ce cô lé la M acédoine
m érid ion ale et la T hessalie, tandis que lu i-m ê m e , à la
tête de l’arm ée du centre, pénétrait dans les hautes m on
tagnes qu i bord en t la M acédoine au n ord . Ces m ontagnes
servaient de retraite à des peuplades sauvages d’orig in e
th raciqu e et illy rien n e , con tin u ellem en t en g u erre avec
les Galls. Il im portait au succès d e l’expédition et à la
sauvegarde des tribus gau loises, durant l’ absence d ’une
Partie d e leurs gu erriers, qu e ces peuplades en nem ies
fussent ou soum ises ou détruitesdès l’ ouverture d elà cam
pagn e : mais, retranchées dans d’épaisses forêts, au m ilieu
4. Voyez ci-dessus.
2. ‘HfiEïç... ol t t ) ) . i x o ü t o i xat TOtoÜTOi wpèç toùç oütwç àtrOevetç xal
(iixpo'i; iroX£!J.vi<TO[uv... Polyæ n., Stratag., vu, 35.
de l’ éloq u en ce gauloise, le Brenn peignait la faiblesse de 2sj
la Grèce et sa richesse im m e n se ; les trésors de ses rois
ravageurs du m on d e e n tier; les trésors de ses tem ples,
et surtout de ce tem ple de Delphes, si re n o m m é ju squ e
chez les nations les plus étrangères à la G rèce, où les
plus lointaines con trées envoyaient leur tribut d’ of
fra n d e s1. Les efforts du Brenn fu ren t cou ron n és d’ un
com plet s u ccè s ; il eut bien tôt m is su r pied deu x cent
quarante m ille g u erriers; et de ce n om b re, détachant
qu in ze m ille fantassins et trois m ille cavaliers q u ’ il laissa
dans le pays à la défense des fem m es, des enfants et des
habitations, il organisa le reste en toute hâte *.
Le Brenn se ch oisit p a rm i les chefs un lieutenant ou
collègue, don t le titre, en langue kim riqu e, paraît avoir été
K ikhou ïaour ou A kikhouïaour, m ot que les Grecs ortho
graphiaient K ikhorios et A kikhorios, et q u ’ ils prenaient
p o u r un n om p rop re de p e r s o n n e 3. L’ arm ée réu n ie sous
ses ordres se trouva com p osée : 1° de Galls, 2° de Tecto
sages, 3° de B oïes qu i pren aien t le n o m de T olisto-
B oïes4, h° d’ un corps peu n om b reu x , levé chez les nations
teutoniques, portant la dén om in ation de Teuto-B old ou
T eutobodes, les vaillants, p arm i les Teutons, et com m a n
dés par L u th a r5; 5° d’ un corps d’Illy rie n s6. Ces forces
1. Paus., i, 4.
2. A l’exemple de Malte-Brun, nous avons adopté le m ot de Pho-
"iilipns, pour désigner les habitants de la Phocide, h la place de celui de
Phocéens, plus usité, et plus conform e en effet au génie de la langue
ftrecque. Nous avons cru ce changement nécessaire, afin d’éviter toute
confusion entre les habitants de la Phocide et ceux de P hocée, ville
giecque de l’Asie-Mineure, et métropole de Marseille.
3. Paus., x , 20.
279 pourtant de l’ entrepren dre, mais tandis qu’ il amusait les
Grecs par des préparatifs sim ulés, il descen dit p ré cip i
tam m ent le fleuve avec dix m ille h o m m e s des plus ro
bustes et des m eilleurs nageurs de son a rm ée, ch er
ch ant u n lieu guéable. Il ch oisit celu i où , près de se
p erd re dans la m er, le S perchius déverse à droite et à
gau che sur ses rives et y form e de larges étangs peu p ro
fon d s. Ses soldats, profitant de l’obscu rité de la nuit, tra
versèrent, les uns à la nage, les autres de p ie d ferm e,
plu sieu rs sur leu rs b o u clie rs qu i, lo n g s et plats, p ou
vaient servir de radeaux. Au p o in t du jo u r les Hellènes
apprirent cette n ou velle, et, craign an t d ’être en veloppés,
se retirèrent vers les T herm opyles *.
Le B renn, maître des deu x rives du S percLius, or
d on n a aux habitants des villages en viron n ants d’ établir
un p on t sur le fleuve, et ce u x -ci, im patients de se d éli
vrer du sé jo u r des Gaulois, exécu tèren t les travaux avec
la plu s grande prom p titu d e ; bien tôt les Kim ro-G alls ar
rivèren t aux portes d’ IIéraclée. Ils com m iren t de grands
ravages tou t autour de cette v ille , et tuèrent ceu x des
habitants qu i étaient restés aux ch a m p s; m ais la ville, ils
ne l’assiégèrent pas. Le Brenn s’inquiétait peu de s’ en
ren d re m aître; ce q u i lu i tenait le plu s au cœ ur, c ’ était
de chasser p rom p tem en t l’a?m ée e n n e m ie des défilés,
afin de p én étrer, par delà les T h erm opyles, dans cette
Grèce m érid ion a le si p op uleu se et si opu len te. L orsqu’ il
eut con n u , par les rapports des transfuges, le d én om b re
m en t des troupes grecqu es, p lein de m épris p o u r elles,
il se porta en avant d’ H éraclée, et attaqua les défilés dès
le len d em ain , au lever du soleil, « sans avoir consulté
« sur le succès futur de la bataille, rem arqu e un écrivain
1. Paus., x, 2Ü.
« an cien , aucun prêtre de sa nation, ni, à défaut de «n
« ceu x -ci, aucnn devin g r e c 1. »
Au m om en t où les Gaulois com m en cèren t à pénétrer
dans les T h erm op yles, les H ellènes m arch èren t à leur
ren con tre, en bon ord re , et dans un grand silen ce. Au
p rem ier signal de l’ en g a g em en t, leu r grosse infanterie
s’ avança an pas de cou rse , de m anière pourtant à ne pas
rom p re sa p h alan ge, tandis qu e l’ infanterie légère, gar
dant aussi ses ran gs, faisait p le u v o ir u n e grêle de traits
sur l’ e n n e m i, et lu i tuait b ea u cou p de m on d e à cou p s
de fron d es et de flèches. De part et d'autre la cavalerie
fut in u tile, non-seulem ent, à cause du peu de largeur du
d éfilé, mais en core parce que les roch es naturellem ent
polies étaient, devenues très - glissantes par l’ effet, des
p lu ies du prin tem ps. L’arm ure défensive des Gaulois
était p resqu e n u lle, car ils n’ avaient p o u r se cou vrir
q u ’un m auvais b o u clie r ; et à ce désavantage se joig n a it
u n e in fériorité m arqu ée dans le m an iem ent des arm es
offensives et dans la tactique du com bat. Ils se p récip i
taient en m asse, avec u ne im p étu osilé qui rappelait aux
Hellènes la rage aveugle des bêtes féroces*. Mais p ou r
fen du s à cou ps de h ach e, ou tou t percés de cou p s d’ épée,
ils n e lâchaient, p oin t prise et ne quittaient p oin t cet, air
terrible qui épouvantait leurs e n n e m is 3; ils ne faiblis
saient p o in t, tant qu ’ il leu r restait un souffle de vie. On
les voyait arracher de leu r blessure le dard «pii les attei
g n ait, p o u r le lan cer de n ou vea u , ou p o u r en frapper
qu elqu e G rec qui se trouvait à leur portée.
Paus., x, 21.
leurs m orts, mais les Kim ro-G alls n’en voyèrent aucun m
héraut red em an d er les le u r s , s’inquiétant peu qu’ ils
fussent enterrés ou q u ’ils servissent de pâture aux bêtes
fauves et aux vautours. Cette in d ifféren ce p o u r un de
voir sacré aux yeux des Hellènes augm enta l’ effroi que
leur inspirait le n om ga u lois; tou tefois, ils n’en furent
que plus vigilants et plus déterm inés à repou sser de
leurs foyers des h om m es qu i sem blaient ig n o re r ou
braver les plus com m u n s sentim ents de la nature h u
m a in e 1.
Sept jou rs s’ étaient écou lés depuis la bataille des
T h erm op yles, lorsqu ’un corps de Gaulois entreprit de
gravir 1’ (JEta au-dessus d’ H é ra d é e , par un sentier étroit
et esca rp é, qui passait derrière les ru in es de l’antique
ville de T rachin e. Non loin de cette v ille , vers le haut
de la m on tagn e, était un tem ple de M inerve, o ù les peu
ples du pays avaient déposé d’assez rich es offrandes : les
Gaulois en avaient été in fo rm é s; ils cru ren t qu e ce sen
tier d érobé les con d u ira it au som m et de l’ Olita, e t , ch e
m in faisant, ils se proposaien t de p iller le tem ple. Mais
les Grecs chargés de garder les passages tom b èren t sur
eu x si à p rop os qu ’ ils les taillèrent en pièces et les cu l
butèrent de roch ers en roch ers. Cet é ch e c et la défaite
des T herm opyles ébranlèrent la con fian ce des chefs de
l’ a rm ée, q u i, p réju gean t de l’ avenir par le présent, co m
m en cèren t à désespérer du succès ; le Brenn seul ne
Perdit p oin t cou rage. Sop esprit, fertile en stratagèm es,
lui .suggéra le m oyen de tenter, avec m oin s de désavan
ta ge, u n e secon d e attaque sur les T herm opyles. Ce
m oyen consistait d’ abord à en lever aux con fédérés les
gu erriers étoliens q.ui eu form aien t la plus n om breu se
1. Paus., x, 21.
*79 et la meilleure infanterie pesante; pour y parvenir, il
médita une diversion terrible sur l’Étolie 1.
D’après ses instructions, le ch e f ga u lois G om butis par
tit a ccom p agn é d’ un certain O restorios, que la ph ysio
n om ie grecqu e de son n om pourrait faire regarder com m e
un tran sfu ge, ou du m oin s com m e un aventurier d ’ori
gin e grecqu e établi parm i les G aulois, et parvenu chez
ce peu ple à la dignité de com m an d an t m ilitaire. Tous
les deu x repassèrent le S perchiu s à la tête de quarante
m ille fantassins et de h uit cents ch ev a u x ; et, se dirigeant
à l’ouest vers les défilés du P in d e qui n ’étaient point
gardés, ils les fra n ch iren t; pu is ils tou rn èren t vers le
m id i, entre le p ied occid en ta l des m on tagn es de l’Aclié-
loiis, et fon d iren t à l’ im proviste sur l’ É tolie, qu’ ils trai
tèrent avec la cruauté brutale de deu x chefs de sauvages.
Plusieurs v illes, celle de Caltion en particulier, furent
le théâtre d’h orreu rs dont le sou ven ir effraya lon gtem ps
les peuples de ces contrées. Nous re p rod u iron s ic i le ta
bleau de ces scènes affligeantes, tel que Pausanias le re
cu eillit dans ses voyages, tableau tou ch ant, m ais em p rein t
dans qu elqu es détails de cette exagération q u i s’ attache
ord in airem en t aux traditions p o p u la ir e s 2. « Ce furent
« eux, dit-il (G om butis et Orestorios), q u i saccagèrent la
« ville de Gullion, et q u i ensuite y autorisèrent des bar-
« baries si h orribles q u ’il n’ en existait, que je sa ch e,
« aucun exem ple dans le m o n d e ... L’ hum anité est forcée
« de les désavouer, car elles ren draien t croyable ce q u ’ on
« raconte des Gyclopes et des L estrigon s... Ils m assacrè-
« rent tout ce qu i était du sexe m asculin, sans épargn er
u les vieillards, n i m êm e les enfants, q u ’ ils arrachai.Mit
1. Paus., x, 22.
2. Id., ibid.
« du sein de leu r m ère p o u r les é g org er. S’ il y en avail 2 19
2. Id ., ibid.
3 . id ., ib id ., et vu.
270 qualités n ’ étaient pas m oin d res chez leurs a dversaires,
qui avaient p o u r eux la force du n om b re 1; les Patréens
fu ren t écrasés, et Patras ne se releva jam ais de cette
perte de toute sa jeu n esse. Cependant les événem ents de
l’Étolie avaient produit au cam p des T herm opyles l’effet
que le Brenn en attendait; les n e u f ou dix m ille Éto-
liens, altérés de v e n g e a n ce , quittèrent su r-le-cham p les
confédérés p o u r retou rn er dans leur patrie. Alors Com -
butis battit en retraite, com m e il en avait l’o rd re , in c e n
diant tou t sur sa rou te; mais la pop ulation a ccou ru t de
toutes parts sur lu i; tou t le m on d e s’a rm a , ju sq u ’aux
vieillards et aux fem m es : celles-ci m êm e m on trèren t
plus de résolu tion et de fu reu r que les h om m es 2. Tan
dis qu e les troupes régu lières poursuivaient l’arm ée en
n em ie, la p opulation soulevée lu i tom bait sur les flancs,
et l’ accablait sans in terru ption d’ une grêle de pierres et
de p rojectiles de tout gen re. Les Gaulois s’arrêtaient-ils
p ou r riposter, ces paysans, ces fem m es se dispersaient
dans les bois, dans les m ontagnes, dans les m aisons des
villages p ou r reparaître aussitôt que l’en n em i reprenait
sa m arch e. La perte des Gaulois fut im m e n s e , et Com -
butis ram ena à p ein e la m oitié de ses trou pes au cam p
d ’ H éraclée, m ais le bu t était r e m p li3. J?
Le B ren n , pendant ce tem p s, n ’éKut pas resté oisif
en T hessalie; il accablait le pays de ravages et les h abi
tants de mauvais traitem en ts, p rin cip a lem en t vers la
lisière de l’ OEta; son but, en agissant a in si, était de les
con train dre à lui d écou vrir, p o u r se délivrer de sa pré
sen ce, qu elqu e ch em in secret qui le con duisit de l’autre
1. P a u s ., x , 2 2 .
2. Xvvecxpaxs'jovxo ôé <7cpi<Jt al yuvaïxeç éxouaico; tcXsov èç roùç Ta),axa;
xai xu>v avSpwv xw ôu(j.a> xpo)(jt.evat. ici., ibid.
3. Id., ibid.
côté de leurs m on tagn es; c’ est à q u oi ces m alheureux nt
con sen tiren t enfin *. Ils p rom irent de gu ider une de ses
division s par un sentier assez praticable qui traversait le
pays des Énianes. C’ était précisém ent l’ époqu e où les
Étoliens venaient de quitter le cam p des H ellèn es, et
circon stan ce plus favorable ne pouvait se présenter au
B ren n ; il résolut d o n c de tenter tout à la fo is , dès le
len d em ain , les attaques sim ultanées des Therm opyles et
du sentier des Énianes. Conduit par ses guides h éra-
cléotes, lu i-m êm e, avant qu e la nuit fût dissipée, entra
dans la m on tagn e avec quarante m ille guerriers d’ élite.
Le hasard vou lu t qu e ce jou r-là le ciel fût couvert d’ un
brou illard si épais, q u ’on pouvait à p ein e a percevoir le
soleil. Le passage du sentier était gardé par un corps de
P h o cid ie n s, mais l’ obscu rité les em pêcha de d écou vrir
les Gaulois avant que ceu x-ci fussent déjà à p ortée du
trait. L’ en gagem en t fut chaud et m eurtrier, les Grecs se
con d u isiren t avec bra vou re; débusqués enfin de leur
p o ste , ils arrivèrent à toutes jam bes au cam p des con fé
d é ré s, criant « q u ’ils étaient to u rn é s, qu e les barbares
a p p roch aien t. » Dans le m êm e instant, le lieutenant du
B re n n , in form é de ce succès par un signal c o n v e n u ,
attaquait les T herm opyles, C’en était fait de l’arm ée grec
que tout en tière, si les A lh én ien s, approch an t leurs na
vires en grande h âte, ne l’ eussent re cu e illie ; en core y
eut-il dans ces m anœ uvres b ea u cou p de fatigue et de
p éril, parce que les galères, surchargées d’ h o m m e s, de
chevaux et de bagages, faisaient e a u , et no pouvaient
s’ é loig n er qu e très-len tem en t, les ram es s’ embarrassant
dans les eaux bou rbeuses du golfe *,
1. Paus., x, 22.
2 . Id ., ibid. — Id.. * 4 .
Le Brenn ne voyait plus u n seul en n em i devant lui
dans toute la P h ocid e. Il s’ avança à la tête de soixante-
cin q m ille h om m es ju sq u ’à la ville d ’Élatia, sur les bords
du fleuve Géphise, tandis que son lieutenant, rentré dans
le cam p d’ Héraclde, faisait des préparatifs p o u r le suivre
avec u n e partie de ses forces. Une petite jo u rn é e de
m arche séparait Élatia de la ville et du tem ple de Del
p h es; la route en était facile, q u oiq u ’ elle traversât une
des branches du Parnasse, et entretenue avec soin , à
cause du con cou rs im m en se de Grecs et d ’étrangers qui,
de toutes les parties de l’ Europe et de l’Asie, venaient
chaque année consulter l’oracle d’A pollon D elphien. Le
ch ef gaulois se dirigea de ce côté im m édiatem ent, afin
de m ettre à profit l’ éloign em en t des troupes con fédérées
et la stupeur qu e sa victoire inattendue avait jetée dans
le pays. L’ idée que des étrangers, des barbares allaient
p rofan er et dép ou iller le lieu le plus révéré de toute la
Grèce, épouvantait et affligeait les H ellènes; un tel évé
nem ent, à leurs yeux, n ’était pas une des m oin d res cala
mités de cette guerre funeste. Plusieurs fois, ils tentèrent
de d étou rn er le Brenn de ce q u ’ils appelaient u n acte sa
crilège, en s’ efforçant de lu i in sp irer qu elqu es craintes
superstitieuses; m ais le Brenn répon dait en raillant « que
« les d ieu x rich es devaient faire des largesses aux
« h o m m e s 1. Les im m ortels, disait-il en core, n ’on t pas
« besoin qu e vou s leu r amassiez des bien s, quand leur
« occu p ation jou rn a lière est de les répartir parm i les
« h u m a in s2. » Dès la secon d e m oitié de la jo u rn é e , les
Gaulois aperçu rent la ville et le tem ple, d on t les avenues,
Cette prom esse leur rendit la con fian ce, et ils firent
avec activité leurs préparatifs. Durant cette nuit, Delphes
reçu t de tous côtés, par les sentiers des m ontagnes, de
n om b reu x renforts des peuples voisins. Il s’y réu nit suc-
4. Paus., x , 23.
2. HPbtcrno mero saucii. Just., xxiv, 8.
3. Id ., xxiv, 7.
d épouiller les oratoires qui avoisinaient l’édifice, et enfin
le tem ple lu i-m ê m e 1.
On était alors en autom ne, et durant le com bat, il s’ é
tait form é un de ces orages soudains si fréquents dans
les hautes chaînas de l’ H ellade; il éclata tout à cou p,
versant sur la m on tagn e des torrents de pluie et de grêle.
Les prêtres et les devins attachés au tem ple d’Apollon se
saisirent d’ un in cid en t propre à frapper l’esprit supersti
tieux des Grecs. L’ œil hagard, la chevelure hérissée, l’ es
prit com m e a lié n é 2, ils se répandirent dans la ville et
dans les rangs de l’arm ée, criant que le Dieu était arrivé.
« Il est ici, disaient-ils; n ous l’ avons vu s’ élancer à tra-
« vers la voûte du tem ple, qui s’ est fendue sous ses pieds :
« deux vierges arm ées, Minerve et Diane, l’accom pagn en t.
« Nous avons entendu le sifflem ent de leurs arcs et. le
« cliquetis de leurs lances. A cco u re z, ô G recs! sur les
« pas de vos d ie u x , si vous voulez partager leur v ic-
« toire 3 ! » Ce spectacle, ces discours p ron on cés au bruit
de la fou d re, à la lueur des éclairs, rem plissent les Hel
lènes d’ un enthousiasm e surnaturel; ils se reform ent en
bataille et se précip iten t, l’épée h aute, vers l’en n em i.
Les m êm es circonstances agissaient n on m oin s én ergi
q u em en t, mais en sens con tra ire, sur les bandes victo
rieu ses; les Gaulois cru ren t reconnaître le p o u v oir d ’ une
1. Paus., x, 23.
2. Id., ibid.
3. Id ., ibid.
p rofon d e ne leu r perm ettant pas de recon n aître leur
m éprise, ils jetèrent l’alarm e, et crièren t q u ’ils étaient
su rp ris, qu e l’ en n em i arrivait. La fa im , les dangers et
les événem ents extraordinaires qui s’ élaient su ccédé de
p u is deu x jo u rs avaient ébranlé fortem en t toutes les
im agin ation s. A ce cri : « L’ en n em i arrive! » les Gaulois,
réveillés en sursaut, saisirent leurs a rm es, et croyant le
cam p déjà en va h i, ils se jetaient les uns contre les au
tres, et s’entre-tuaient. L eur trou ble était si grand q u ’à
ch aqu e m ot qui frappait leurs oreilles, ils s’im agin aien t
en ten dre parler g r e c , co m m e s’ils eussent ou b lié leur
p ro p re langue. D’ ailleurs l’ obscu rité ne leur perm ettait
n i de se recon n aître, ni de distin guer la form e de leurs
b ou cliers l . Le jo u r m it fin à cette m êlée affreuse; mais,
p en dan t la n u it, les pâtres p liocid ien s, qui étaient restés
dans la cam pagne à la garde des tro u p e a u x , cou ru ren t
in fo rm e r les H ellènes du désordre qui se faisait rem ar
qu er dans le cam p gaulois. Ceux-ci attribuèrent un évé
n em en t aussi inattendu à l’ intervention du dieu P a n 2,
de qui provenaient, dans la croyan ce religieuse des Grecs,
les terreurs sans fon d em en t réel. Pleins d ’ardeur et de
co n fia n ce , ils se p ortèren t sur l’arrière-garde en n em ie.
Les G aulois avaient déjà repris leur m a rch e , m ais avec
la n g u eu r, com m e des h om m es d écou ra g és, épuisés par
les m aladies, la faim et les fatigues. Sur leur passage, la
p op u lation faisait disparaître le bétail et les viv res, de
sorte q u ’ ils n e pouvaient se p ro cu re r q u elqu e subsis
tance q u ’ après des peines infinies et à la poin te de l’ epée.
Les h istorien s évaluent à dix m ille le n om b re de ceux
à v à jx É p o ; Ix x e C v o v x o , o v t e y X u x k t y i; t y j ; è ir i^ a ip t o u tr u v ié v x E ;, o u x e x à ; àXXr|Xü)v
jxopçà', o u t e x u > v ô u p e w v x a O o p a m E ç x à axa. Paus., x, 23.
2. *H è x x o ô Osoû ( x a v i a . Id., ibid.
q u i su ccom bèren t à ces souffrances-, le froid et le com bat
de la n uit en avaient enlevé tout au ta n t, et six m ille
avaient p éri à l’assaut de D e lp h e s1; il ne restait d o n c
plus au Brenn que tr e n te -n e u f m ille h om m es lorsqu ’ il
rejoign it le gros de son arm ée dans les plaines que tra
verse le C éph ise, le quatrièm e jo u r depuis son départ
des T herm opyles.
On a vu plus haut q u ’après la déroute des Hellènes
dans ce d éfd é fam eux, le lieutenant du Brenn était ren
tré au cam p d ’H éraclée; il y avait can ton né u n e partie
de ses forces p o u r le garantir d’ u ne surprise durant son
absence, et il s’était rem is en route sur les traces de son
gén éra l; mais u n seul jo u r avait bien ch an gé la face des
choses. L’arm ée étolienne était arrivée dans la Phocide,
et les troupes grecques qu i s’étaient réfugiées sur les
galères athéniennes dans le g olfe Maliaque venaient de
débarquer en Héotie. La p ru d en ce ne perm ettait d o n c
p oin t au ch e f gaulois de s’en gager dans les défilés du
Parnasse avec tant d’en n em is d errière lu i, et force lui
fut d’attendre, sur la d éfen sive, le retour de la division
de D elp h es; il se trouva à tem ps p o u r en cou v rir la
retra ite2.
Les blessures du Brenn n’ étaient pas d é se sp é ré e s3;
cependant, soit crainte du ressentim ent de ses com pa
triotes , soit d ou leu r causée par le mauvais succès de
l’ entreprise, aussitôt q u ’il vit son arm ée h ors de danger,
il résolut de quitter la vie. Ayant con voq u é autour de lui
les p rin cipau x c h e fs , il rem it son titre et son autorité
entre les m ains de son lieutenant, et s’adressant à scs
1. Paus., x , 23.
2. Id ., ibid.
3. Tw 8è Bpévvti) xotîà (jièv t à Tpaûjj.aTa é k tT O to êrt o w n jp î » ,
Id., ibid.
com p a gn on s : « Débarrassez-vous, leu r dit-il, de tous vos 2™
« blessés sans excep tio n , et brûlez vos ch ariots; c ’est
« le seul m oyen de salut qui vous r e s le 1. » Il dem anda
alors du v in , en bu t ju sq u ’à l’ ivresse, et s’ enfonça un
p oig n ard dans la p oitrin e 2. Ses derniers avis furent sui
vis p o u r ce qui regardait les blessés, car le nouveau
B renn fit égorger dix m ille h om m es q u i ne pouvaient
sou ten ir la m arch e 3; mais il conserva la plus grande
partie des bagages.
C om m e il approchait des T h erm op y les, les G r e c s ,
sortant d’ une e m b u s c a d e , se jetèrent sur son arrière-
g a rd e, qu ’ils taillèrent en pièces. Ce fut dans ce pitoyable
état qu e les Gaulois gagnèrent le cam p d ’ H éraclée. Ils
s’y rep osèren t quelques jo u rs avant de repren dre leur
rou te vers le nord. Tous les ponts du Sperchius avaient
été rom p u s, et la rive gauche du fleuve était occu p ée par
les Thessaliens accou ru s en m asse; n éanm oin s l’arm ée
gauloise effectua le p a ssa g e4. Ce fut au m ilieu d ’une
popu lation tout entière arm ée et altérée de vengeance
qu ’ elle traversa d’ une extrém ité à l’autre la Thessalie et
la M acédoin e, exp osée à des périls, à des souffrances, à
des privations tou jou rs croissantes, com battant sans re
lâch e le jo u r, et la nuit n ’ayant d ’autre abri q u ’ un ciel
froid el p lu v ie u x 5. Elle atteignit enfin la fron tière sep
ten trionale de la M acédoine. Là se fit la distribution du
butin ; pu is les Kim ro-G alls se séparèrent en plusieurs
P a s s a g e d e s G a u lo is da n s l ’ A s ie -M in e u r e ; ils p la c e n t N ic o m è d e s u r le trô n e d e
B ith y n ie . — I ls se r e n d e n t m a îtres d e t o u t le lit t o r a l d e la m e r É g é e ; situa
tio n m a lh e u r e u s e d e c e p a y s . — T o u s le s É tats d e l’ A s ie le u r p a y e n t tr ib u t.
— C o m m e n c e m e n t d e ré a c t io n c o n t r e e u x ; A n t io c h u s S a u v e u r ch a sso le s
T e c t o s a g e s ju s q u e d a n s la h a u te P h r y g ie . — G a u lo is s o ld é s a u s e r v ic e d es
p u is s a n c e s a s ia t iq u e s ; le u r im p o r ta n c e et le u r a u d a c e . — F in d e la d o m i
n a tio n d e s h o r d e s ; a v a n ta g e r e m p o r t é p a r E u m ô n e s u r le s T o l i s t o b o ï e s ; ils
s o n t v a in cu s p a r A tta le , e t r o p o u s s é s , a in si q u e le s T r o c h m e s , d a n s la
h a u te P h r y g ie ; r é jo u is s a n c e s p u b liq u e s d a n s t o u t l ’O rie n t.
278 — 241.
*>cii toi;, xai Ka),j(r|8ovioiç, xal Ktepavoï;, xai xiaiv éTépotç iOvüv ipyouai.
M em n., ub. supr.
1. Liv., xxxvm , 1G. — Strab., 1. x ii, p. 5G0.
2. P olyb., iv, 40.
3. M emn., ap. P hot., 20.
4 - P olyb., iv , 40. — 440,000 fr.
J- Coeunt deinde in unum rureus Galli, et auxilia Nicomodi dant.
L iv-, xxxvm , 1 0 .
il éch oua, et c’ est aux services des Gaulois que les histo
riens attribuent le salut de C lialcédoine et des autres pe
tits États dém ocratiqu es. « L’in trod u ction de ces barbares
« en Asie, disent-ils, fut avantageuse, sous quelques rap-
c ports, aux peuples de ce pays. Les rois successeurs
« d’Alexandre s’ épuisaient en efforts p o u r anéantir le
« peu qu ’ il restait d ’États lib re s; les Gaulois s’en m o n -
« trèrent les protecteu rs; ils repoussèrent les rois, et raf-
« ferm iren t les intérêts d é m o cra tiq u e s1.» Cet événem ent,
que l’histoire p rocla m e h eu reu x p o u r l’ Asie, il ne faut
p oin t se trop hâter d’en faire h o n n e u r aux affections ou
au d iscern em en t politiqu e des G aulois; la suite d é m o n
tra qu e ces considérations m orales n ’ y tenaient aucune
place : car N icom ède, à q u elqu e tem ps de là, s’ étant
b rou illé avec les citoyens d’ H éraclée, les Gaulois s’ em
parèrent de cette ville par surprise, et offrirent de la
livrer au roi, à con d ition q u ’ il leur aban donn erait toutes
les propriétés tra n sp orta b les2. Ce traité de brigands eut
lie u , et vraisem blablem ent la p opulation héracléote
com pta au n om b re des b ien s m eu b les don t les Gaulois
s’étaient réservé la possession.
Tant de grands services m éritaient u ne grande ré co m
pense : le ro i bith yn ien con céd a au x Gaulois des terres
considérables sur la fron tière m érid ion a le de ses États 3.
Sa gén érosité pourtant n’ était pas tou t à fait exem pte de
ca lcu l; il espérait, par là, d o n n e r à son royau m e une
1. Aiiro xoivuv xu>v raXaxwv èrtl xrjv ’AcrCav ûtàéacriç, xax’ àpyà; jxàv
Ittî xaxto xwv oixyjTopwv repos),Qstv âvo[u<jOY)* xà 8è xeXo; ëSsiSjsv àreoxpiOèv
repô; xô av^ spov. Tu>v yàp {JaffiXsttV x^v xu>v reoXewv 8Y]|ioxpax''av àçeXstv
<77iou3aÇ6vTtov, aOxoc [jiàXXov aux^v I6s6ociovv àvxixaQi<rxà[Jievot xoî; êreixiQs-
psvoi;. Meinn., ap. Pliot., 20.
2. Id., ibid.
3. Regnum diviscrunt. Just., xxv, 2.
population forte et belliqueuse, du côté où il ëlait le plus 27s
vulnérable, et élever en q u elqu e sorte u n e barrière qui
le garantirait des attaques de ses voisins de P ergam e,
de Syrie et d’ Égypte. Mais N icom ède n ’avait pas bien
réfléch i au caractère de ses n ouveaux colon s, en les pla
çant si pi’ès des ricb es cam pagnes arrosées par le Méan
d re et l’ H erm us, si près de ces villes de l’ É olide et de
l’ Ion ie, m erveilles de la civilisation antique, où le génie
des H ellènes se m ariait à toute la délicatesse de l’Asie.
Aussi à p ein e furent-ils arrivés dans leurs concessions
q u 'ils com m en cèren t à piller, et bien tôt à envahir le lit
toral de la T roade. L’ organisation des bandes gauloises
n ’était plus la m êm e alors q u ’à l’ ép oqu e de leu r passage
en B ith yn ie; L éon or et Luthar étaient m orts ou avaient
été d épouillés du com m a n d e m e n t, et leurs arm ées, fo n
du es en sem ble et augm entées de renforts tirés de la
T hrace, s’ étaient form ées en trois h ord es sous les nom s
de Tectosages, T olistoboïes et T rocm es '. P ou r éviter tout
con flit et tout sujet de qu erelle dans la con quête q u ’elles
m éditaient, ces trois hordes, avant de quitter la frontière
bith y n ien n e, distribuèrent l’Asie-M ineure en trois lots
q u ’ elles se partagèrent à l’ a m ia b le*; les T rocm es eurent
l’ H ellespont et la T roade, les T olistoboïes l’ É olide et
l'Io n ie , et la con trée m éditerranee, qui s’étendait à l’o c
cid en t du m on t Taurus, entre la Bithynie et les eaux de
r.hodes et de C h y p re , appartint aux T ectosa g es3. Tous
1. Antiocliu? llierax.
2. Galli arbitrantes Seleucum in prælio cecidisse, in ipsum Antio-
ebum arma vertere : liberius depopulaturi Asiam , si omnem stirpom
rogiam exstinxissent. Just., x x v i i , 2.
3. Volut. a prædonibus, auro so redimit. Id., ibid.
4. Socictatem cum mcrccnariis suis jungit. Id., ibid.
payait tribut aux T olistoboïes ; et son plus ardent désir 213
était d e secou er cette sujétion h u m ilia n te; il ne souhai
tait pas m oin s vivem ent de se v en ger des Séleucidës, qui
faisaient revivre de vieilles prétentions sur l’État de P er-
gam e. La qu erelle d’A ntiochus et de Séleucus, ainsi que
l’ éloig n em en t d’ une partie de la h ord e tolistoboïe, favori
saient ses plans secrets; il avait rassem blé une arm ée en
toute hâte; et, s’approch an t du théâtre de la guerre, il
attendait l’ issue de la bataille p o u r tom b er in op in ém en t
sur le vain qu eu r quel q u ’il fût. 11 arriva dans le m om en t
où le cam p syrien, en core trou blé des scènes de révolte,
n’ était rien m oin s qu e préparé à soutenir l’attaque : au
p rem ier c h o c les Gaulois, les Syriens et A ntiochus prirent
la fuite '. Cette v ictoire exalta la con fia n ce d’ E um ène, qui
travailla dès lors à réu n ir dans une ligue co m m u n e contre
les Gaulois toutes les cités de la Troade, de l’ ÉoIide et de
l’Ion ie. La m ort le surprit au m ilieu de ces patriotiques
travaux, d on t il légua l’accom plissem en t à Attale, son
cou sin et son successeur.
Le prem ier acte du nouveau p rin ce fut de refuser aux 211
T olistoboïes le tribut qui leur avait été payé ju squ e-là 2.
Q u oiqu e les esprits dussent être préparés à cette m esure
décisive, lorsqu ’ on apprit que la h o rd e gauloise m archait
vers P ergam e, les villes liguées furent saisies de frayeur,
et les soldats d ’Attale firent m in e de l’aban donn er. Attale
avait auprès de lui un prêtre chaldéen, son am i et le
devin de l’arm ée : ils im a gin èren t p o u r la rassurer un
stratagèm e bizarre, m ais in g én ieu x . Le devin ordon na
qu ’ un sacrifice solen n el fût offert au m ilieu du cam p, à
( , Plin., x x x i v , 8.
i - Paus., i, 8 et 23.
C HAP I T RE III.
21k — 220.
1. P olyb., i, 43.
2. Zonar., vin, p . 386.
3. "Ovieç tote uXeîou; xüv P olyb., u , 7. — Circiter qua
tuor millia. Front., Stratsg., n i, 16.
dre u ne ville v oisin e, où il s’était pratiqué des i n t e l
lig e n ce s , et d on t il leur abandonnait le p illa g e : c’ était
la ville d’ Entelle, qui tenait p o u r la rép u b liq u e r o m a in e 1.
Le p iège était trop séduisant p o u r qu e les Gaulois n ’y
donnassent pas aveuglém ent. Le jo u r fixé par H a n n o n ,
ils partirent à la nuit tom b a n te, et priren t le ch em in
d’E ntelle; mais le Carthaginois avait fait p rév en ir, par
des transfuges sim ulés, l’arm ée ro m a in e , q u ’il préparait
un cou p de m ain sur la ville-, à p ein e les Gaulois eu-
renl-ils perdu de vue les tentes d’ H an n on , qu’ ils furent
assaillis à l’ im proviste par le con su l Otacilius et exter
m in é s 2.
Cependant, le m écon ten tem en t croissant avec la m i
sère et les traitem ents rig ou reu x des chefs carthaginois,
les Transalpins se m iren t à déserter de toutes parts, et
il ne s’ écoulait pas de jo u r que q u elqu e détachem ent ne
passât au cam p en n em i Les Rom ains les accueillaient
avec em pressem ent et les in corp ora ien t à leurs tr o u p e s 3 :
ce furent, dit-on , les p rem iers étrangers adm is dans les
arm ées rom ain es en qualité de stip en d iés4. Il n’est pas
de m oyens que les généraux carthaginois ne m issent en
œuvre p o u r rép rim er ces désertions. Un historien affirm e
qu ’ils firent m ou rir sur la croix plus de trois m ille Gau
lois 5 coupables ou seulem ent suspects de com p lots de ce
genre : enfin Am ilcar, qui rem plaçait H annon au gou ver
1. ’E ra î Ôè x a x e x p ï)< y a v T O [A è v à a e é â ); to ù ç a t y j J 'a X t t T O u ç , x p o ^ r j t o v t o i;
1. P olyb., i, 85.
2. Id., i, 80, 87, 88.
3. Ato xai 'jacfwç èTreyvtoxoxeç Ptupiatoi x9)v àffg&eiav aùxwv, <Jc[ia xw 8ia-
XOtfaa-Oai xov 7ipo<; K a p ^ S o v i o u ; 7roXe[J.ov, o v o è v STrot^aavxo T rp ou pytatxepov
to u TOxpo7r),{(TavTaç a ù x o ù ç è ^ -ê a ) e îv e iç TrXota, x a i x ^ ç ’I x a X t a ; 7râ(7Y)ç eSopt<j-
x o u ; x ax a < m i< T a i. Id., ii, 7.
la défense de P h én ice, ville m aritim e, située dans la *ao
Chaonie, une des plus rich es et des plus im portantes de
tout le royau m e. Les lllyriens exerçaient alors la pira
terie sur la côte occiden tale du con tin en t g re c; ils abor
dèrent, un jo u r, au p ort de P hén ice, p o u r s’ y p rocu rer
des vivres, et, étant entrés en conversation avec quelques
Gaulois de la garnison, ils com p lotèren t en sem ble de
s’em parer de la place. La trahison s’accom p lit. Au jo u r
con v en u , les lllyrien s s’étant approch és en force des
m urailles, les Gaulois, dans l’intérieur, se jetèren t l’ épée
à la m ain sur les habitants, et ou vriren t les portes à
leurs com p lices 1.
Cependant A m ilcar Barcas, vain qu eu r d’ Autarite et 2*o
des Gaulois révoltés, était passé d’Afrique en Espagne
p ou r y com battre en core d’autres Gaulois. La peuplade
gallique des Celtici, établie, com m e n ous l’avons dit
plus h a u t 2, dans l’angle sud-ouest de la presqu’ île ibé
rique, entre la Guadiana et le grand Océan, pendant
tou t le cou rs de la guerre p u n iq u e, n’ avait cessé de har
celer les colon ies carthaginoises voisines. A m ilcar fut
en voyé p o u r la châtier, et con q u érir à sa rép u b liq u e la
partie occiden tale de l’ Espagne, qui était e n core indé
pendante ou mal .soum ise. A la tête des Celtici co m
battaient deux frères d’ une grande intrépidité, et dont
l’ un, n o m m é Istolat ou Istolatius, avait étonné plus d’ une
fois les C arthaginois par son a u d a ce; mais, con tre un
en n em i tel q u ’Am ilcar, le cou rage seul ne suffisait pas.
Istolat et son frère furent tués dans la p rem ière bataille
qu ’ ils livrèrent; de toute leur arm ée, il ne se sauva que
trois m ille h om m es, qui m irent bas les arm es, et co n -
*• P olyb., u , 7.
2 . L iv ie i , ch .
220 sentirent à se laisser in co rp o re r parm i les m ercenaires
d ’A m ilca r1.
Indortès, parent des deu x frères, et leu r successeur
au com m a n d em en t des Geltici, entreprit de v en ger leur
défaite. Il m it sur pied une arm ée de plus de cinquante
m ille h o m m e s; m ais il fut com p lètem en t battu. P our
s’ attacher ce peu ple brave, et l’attirer dans les intérêts
de sa rép u bliqu e, A m ilcar accorda la liberté à dix m ille
p rison n iers que la victoire fit to m b e r en son p ou v oir.
Il se m ontra m oin s g én éreu x à l’ égard d ’In dortès; car,
après lui avoir fait arracher les yeux, et l’avoir fait dé
ch irer de verges, à la vue de son arm ée, il le condam na
au su pplice de la cro ix . A m ilcar su bju gu a pareillem ent
la plupart des autres peuplades galliques ou g a llo-ib é-
riennes, qui occu p a ien t la côte occiden tale de l’ Espagne-,
il trouva la m ort dans ces conquêtes2. Son gen dre As-
drubal, qu i le rem plaça, périt assassiné par un Gaulois,
esclave d’ un ch e f lusitanien q u ’ Asdrubal avait mis à
m ort par trahison. L’esclave gaulois s’attacha pendant
plusieurs années aux pas du Carthaginois, épiant l’ occa
sion de le tu er; il le poign arda enfin au pied des autels,
dans le tem ps qu ’ il offrait un sacrifice p o u r le succès de
ses entreprises. Le m eu rtrier fut saisi et appliqué à la
torture ; mais, au m ilieu des plus grands tourm ents, in
sensible à la dou leu r et heu reu x d’ avoir vengé, u n h om m e
qu ’il aim ait, il expira en insultant aux A frica in s3.
C H A P IT R E P R E M IE R
238 — 222.
1. P olyb., U, 21.
« « de laver la h on te de leurs défaites; et les chefs suprêm es,
ou rois du p e u p le .b o ïe n , At et Gall \ tous deu x ardents
en nem is des Rom ains, et am bitieux de se signaler, favo
risaient hautem ent ces dispositions belliqueuses. Mais
les anciens dont les conseils nationaux étaient com posés,
et la masse du peuple, désapprouvaient les m en ées des
rois boïen s et l’ardeu r des je u n e s gens, q u ’ ils traitaient
d’in ex p érien ce et de folie 2. Après un dem i-siècle de
tranquillité, ils craign aien t d ’en gager de nouveau une
lutte qui paraissait devoir être d’autant plus terrible que
la répu bliqu e ro m a in e , depuis les dern ières g u erres,
avait fait d’ im m en ses progrès en puissance. At et Gall
ch erch èren t des secours au d e h o rs; à p rix d’argent, ils
firent descendre en Italie plu sieu rs m illiers de m onta
gnards des Alpes 3, dans l’esp oir qu e leur présen ce d on
nerait de l’ élan aux peuples cisalpin s; et, à la tête de
ces étrangers, ils m archèrent sur A rim inu m , celle des
colon ies rom aines qui touchait de plus près à leu r fron
tière. Déjà la jeu n esse b o ïe n n e s’agitait et prenait les
arm es, quand les partisans de la paix, in d ign és qu e ces
rois précipitassent la nation, con tre sa volonté, dans une
g u erre qu ’ elle redoutait, se saisirent d’ eu x et les massa
crè re n t4. Ils tom bèren t ensuite sur les m ontagnards, q u ’ils
con traign iren t à rega gn er leurs Alpes en toute hAte; de
sorte qu e la tranquillité était déjà rétablie lorsque l’ar
m ée rom ain e, a ccou ru e à la défense d’A rim inu m , arriva
sur la fron tière b o ïe n n e 6.
1. Ates et Galatus, "A tti; xai râXaTOç, dans Polybe, II, 21. — Al ou
Atta, père : Galatos ou Galatus est l’altération grecque de Gall.
2. Néot, 6v (aoü à),OYÎ<JTOU 7iXiipeiç, foteipoi... P olyb., loc. cit.
3. 'Hpijavro... èiuanàraOai t o ù ; ix tu>v ’ AXtocov r a ).« a ç . Id ., ibid.
4 . ’A veO.ov çièv t o u ; IS Îo v ; pamXeî; ’ A tyjv xai I’aXatov. Id., ibid.
5. Id ., ibid.
Cependant ces m ou vem en ts inquiétèrent le sénat; il
défendit par u ne loi, à tous les m arch an ds soit rom ains,
soit sujets ou alliés de R om e, de vendre des arm es dans
la C ircu m p ad an e; il suspendit m ôm e, si l’on en croit un
historien, tout co m m e rce entre ce pays et le reste de
l’ Ita lie 1. Au m écon ten tem en t violent que de telles m e
sures durent exciter sur les rives du P ô, d’autres m e'
sures en core plus hostiles vin ren t bien tôt m ettre le
co m b le ; celles-ci étaient relatives au partage de l’ an
cien territoire senonais.
Rom e, longtem ps absorbée par les soins de la guerre 232
Zonar., 1. vm , p. 402.
2. La colonie de Sena date de l’an 283; Ariminum de l’an 268.
3. P olyb., il, 21. — C ic., de Senect.
fon dées était in calcu lable. A rim in u m , a n cien n e ville
om b rien n e, qu e les Sen ons avaient jadis laissée subsister
au m ilieu d’ eux, avait été transform ée par les Romains
en u ne place de gu erre form id able, sans cesser d’ être le
p rin cip al m arch é d e la Cispadane. Sentinelle avancée
de la p olitiqu e rom a in e dans la Gaule \ A rim inum était,
depuis tren te-cin q ans, un foyer de corru p tion et d’in
trigues qu i m alheu reu sem en t avaient porté fruit. De
l’argen t distribué aux chefs, et des prom esses qui flat
taient la vanité nationale, avaient gagné les Cénom ans
à l’ alliance de R o m e 2. Sous m ain, ils la secondaient
dans ses vues am bitieu ses; et, ju sq u ’à ce qu’ ils pussent
trahir leurs com patriotes ou vertem en t et sur les cham ps
de bataille, ils les vendaient dans t’ om b re, sem ant la
d ésu n ion au sein des conseils nationaux, don t ils révé
laient à l’ en n em i les projets les plus secrets. Par le m oyen
de ces traîtres et des Vénètes, dévoués d e tou t tem ps aux
en n em is de la Gaule, l’ in flu en ce rom a in e dom in ait déjà
sur la m oitié de la Transpadane.
Dans la Cispadane, les intrigues de R om e avaient
é c h o u é ; mais ses arm es poussaient avec activité, depuis
six ans, l’ asservissem ent des L igures de l’A pennin, et
n’ inquiétaient pas m oins la con féd ération b oïe n n e de
ce côté qu e du côté de l’Adriatique 3. Ces dangers de
jo u r en jo u r plus pressants, et ceu x dont le nouveau
partage était ven u subitem ent m en a cer la Gaule, justi
fiaient les prévisions, ou tout au m oin s l’ h u m eu r gu er
rière d ’At et de Gall. Les Boïes recon n u ren t leu r faute,
et travaillèrent à form er entre toutes les nations circu m -
P olyb ., I I , 23.
(ia j(e tv .
1. P olyb,, n , 22.
2. Id., n , 23.
3 . A 10 x a i |AÉpo; t i TÎj; Suv àfiew ; xaTaXiTCEÏv ^vayttarcOYicrav ot fla'TiXeTç
■twv KeÀTÙ>v, 9 'j / a x r j; x®Ptv TŸjç y w p a ;. I d ., i b id .
Co nom parait signifier le grand Breton. Mor, en langue gaelique,
mawr, en cam brien, voulait dire grand.
lois pren draien t possession de R om e. Le sénat s’ em pressa
de con su lter le collèg e des prêtres sur le sens de cette
p rop h étie m enaçante : il lu i fut rép on d u qu e le m alheur
préd it pouvait être d étou rn é et l’oracle rem p li, si quel
ques Gaulois étaient enterrés vifs dans l’en cein te des
m u ra illes; car, par ce m o y e n , ils prendraient possession
du sol de R om e. Soit superstition, soit politiqu e, le sénat
accu eillit cette absurde et atroce interprétation. Une
fosse m a çon n ée fut préparée dans le quartier le plus p o
pu leu x de la ville, au m ilieu du m arch é aux bœ ufs Là
fu ren t descendus, en grande p o m p e , avec l’appareil des
plus graves cérém on ies re lig ie u s e s, deu x G a u lo is , un
h o m m e et u ne fem m e, afin de représenter toute la ra ce;
p u is la p ierre fatale se referm a sur eu x. Mais les b o u r
reaux eu rent p eu r des v ictim es; et p o u r apaiser, com m e
ils disaient, « leurs m ânes, » ils instituèrent un sacrifice
qu i se célébrait sur cette p ie rre , ch aqu e a n n é e , dans le
m ois de n ov em bre 2.
226 C ependant des levées générales s’organisaient dans
le centre et le m idi de la p resq u ’île, car les peuples ita
liens croyaien t tous leur existence en péril. De toutes
parts on am enait à R o m e , co m m e dans le boulevard
co m m u n de l’Italie, des vivres et des arm es, et « l’on ne
« se souvenait p a s , dit un h istorien , d’ en avoir jam ais
« vu un tel a m a s3. » La rép u b liq u e fut b ien tôt en m e
sure d ’ op p oser aux Gaulois sept cent soixan te-dix m ille
soldats, don t une partie fut can ton née dans les provin ces
1. P olyb., n , 27.
2. Ol (ièv ouv ’ I< j 0 |j.ëp0 i x a l Roiol T a ? à v a ? v p !6 a ; êx0VTE? xa'1T°ù? eÙTCexeï;
Id., I I , 28.
tü>v <rav£i>v Ttepi aù x o ù ç è ^ T a Ç o v .
P olyb., 1 1 , 3 0 .
2. I d .. 11 , 30, 31.
3 . 'O 8’ £repoç aÙTwv ((ia ffiX E v ;) ’A v ï)poé< m ); e t; Tiva tottov <nj|içvy<î>v
ôXiyw v, 7tpotrrivEYxE r à ; x E Ïp a ; aÛTÜ y.ai x o î ; à v a f x a t o i ; . Id ., ibid. —
••• Tov (jléykjtov aùt/àv pœaiXeoi iavixoù Oepiuai tôv Tpây_iÿ.ov.„ Diod. Sic..
Xxv, 13.
gaulois, furent traînés devant son char, revêtus de leurs
baudriers, « p o u r a ccom p lir, dit un historien, le vœu
« solennel qu’ ils avaient fait de ne p oin t déposer le bau-
« drier, qu’ ils ne fussent m on tés au C a pita le4. » Les en
seignes, les colliers et les bracelets d’ o r con q u is sur les
vaincus furent suspendus par le triom ph ateu r dans le
tem ple de Jupiter.
P ou r m ettre à profit sa victoire, la rép u b liq u e envoya
im m édiatem ent dans la Cispadane les deux consuls n ou
vellem ent n o m m é s, Q. Fulvius et T. Manlius. La con fé
dération b oïen n e d écou ragée n’ était plus en état de ré
sister : les Anam ans, les p rem iers, se sou m iren t, et leur
exem p le entraîna les L in gon s et les Boïes. Ils livrèrent
des otages, et plusieurs de leurs villes, entre autres Mu
tine, Tanète et cia stid iu m , reçu ren t des garnisons e n
nem ies.
L’an née 223 fut célèbre dans les annales rom aines
p ou r avoir vu les enseignes de la rép u b liq u e fra n ch ir le
P ô , et flotter sur le territoire in su b rie n ; ce furent les
consuls L. Furius et C. Flam inius qui effectuèrent ce
passage, près de l’e m b o u ch u re de l’Adda. Les A n am an s,
nouveaux am is de R om e , avaient ouvert le ch em in et
d im in u é les difficultés du p a ssa g e2. N éanm oins l’im pé
tuosité tém éraire de F lam inius occasion n a de grandes
pertes aux légion s. Au delà du P ô, les co n su ls, assaillis
bru squ em en t tandis q u ’ils faisaient retran ch er leur cam p,
éprou vèrent un nouveau revers; leurs m eilleures troupes
périren t ou dans ce com bat, ou dans la traversée du
fle u v e 3. Affaiblis et h u m iliés, ils furent contraints de de-
1. Plut., in M arcell., 7.
2. P olyb., n , 34. — Plut., in M arcell., 7. — Liv., Epit., xx. — Flor.,
n , 4. — O ros., iv, 13. — Val. Max., m , 2. — Virg., Æ n., v i, v. 855
et seqq.
lesln su b res furent bien tôt contraints d’ ou vrir toutes leurs 222
autres places. La rép u b liq u e leu r im posa u n e in dem n ité
con sidérable en argent, et confisqua plusieurs portions de
leu r territoire, afin d’y établir des c o lo n ie s 1. Marcellus
fut reçu avec enthousiasm e par le peu ple et par le sénat,
et la cérém on ie de son triom p h e fut la plus brillante
q u ’ on eût en core vue dans Rom e.
Le triom p h e, com m e on sait, était chez les Rom ains
le plu s grand de tous les h on n eu rs m ilitaires ; il consis
tait en une m arche solen n elle du général vainqueur et
de son arm ée au tem ple de Jupiter Capitolin. Rom ulus,
fondateur et p rem ier ro i de R om e, en avait institué
l’ usage en p rom en an t sur ses épaules, à travers les rues
de sa ville naissante, les arm es et les vêtem ents de l’ en
n em i qu ’il avait terra ssés. L orsque le général en ch ef
de l’arm ée rom a in e, com m e avait fait Rom ulus, tuait de
sa p rop re m ain le général en c h e f de l’arm ée en n em ie,
cette circon stan ce rehaussait l’éclat de la solennité, et
les dépouilles con quises p ren aien t le n om de dépouilles
op im es3. Dans la série presque in n om b ra b le des triom
phes décern és par la rép u bliqu e, elle ne s’ était e n core
présentée que deu x fois ; tout ce qu e l’appareil des fêles
rom aines avait de plus m agn ifiqu e fut d o n c déployé p ou r
céléb rer la victoire de Claudius M arcellus, troisièm e
triomphateur op im e4.
Le cortège partit du Champ-de-Mars, se dirigeant par
lu voie des T riom p h es et par les prin cipales places, p ou r
b(‘ ren dre au Capitole : les rues q u ’il devait traverser
1. C ic., in V err., v, 30. — L iv., xxxvi, 13. — Dio Cass., xl, 41;
x u ii ,19.
2. Joseph., Bell. Jud., vu. 24.
3. Plut., in Marcell., 7.
CHAPITRE II.
218 — 202 .
T<ov’ y-at toù; £tù t o 8 e, xœl toùç i'j aÙTaïç tatç ’ AXrceffiv èvotxoüvra;. P olyb.,
m , 34. — Liv-i XH< 25t 29i 52-
*• P olyb., m , 3 4 . _ L iv., xxi, 23.
- Nova terribilisque spccics visa est : quod armati (ita mos gentis
erat) m c o n c i l i a venerunt. Liv., XXI, 20.
bien pis lorsqu e, après a voir vanté la gloire et la gran
deur de R om e, ils exposèrent l’o b jet de leur m ission . Il
s’ éleva dans l’ assem blée de si bruyants éclats de rire,
accom p agn és d’ un tel m u rm u re d’in d ign ation, que les
magistrats et les vieillards q u i la présidaient eurent la
plus grande p ein e à ra m en er le c a lm e 1, tant ce peu ple
trouvait d ’extravagance et d’ im p u d eu r à ce q u ’on lui
proposât d’attirer la gu erre sur son p rop re territoire,
p o u r qu ’elle n e passât poin t en Italie. Quand le tum ulte
fut apaisé, les chefs rép on d iren t qu e, « n’ayant point à
« se plaindre des Carthaginois pas plus qu’ à se lou er des
« Rom ains, nulle raison ne les portait à p ren d re les ar-
« m es con tre les p rem iers en faveur des secon d s; qu’ au
« con traire, il leur était co n n u qu e le peu ple rom a in d é-
« possédait de leurs terres en Italie ceu x des Gaulois qui
« s’y étaient établis; q u ’il leur im posait des tributs, et
« leur faisait essuyer m ille h um iliation s pareilles. » Les
am bassadeurs reçu ren t le m êm e accu eil des autres na
tions de la Gaule, et ils n e rapportèrent à Massalie que
des duretés et des m en a ces2. Là, du m oins, leurs fidèles
am is ne leu r épargn èrent pas les consolations. « Annibal,
« leu r disaient-ils, n e peut com p ter longtem ps sur la ficlé-
« lité des Gaulois ; nous savons trop co m b ie n ces nations
« sont féroces, inconstantes et insatiables d’a rg e n t3. »
Le sénat apprit tout à la fois le m auvais su ccès de son
am bassade, la m arch e rapide d’Annibal, qui déjà avait
passé l’ Èbre, et les arm em ents secrets, s y m p tô m e de la
défection p roch a in e des Roïes. Il s’ o c c u p a d’ abord de
I. Aià xà xaî; èy. xr,; ôaXàxxrjç èjMtopsiatç iroXXoù; y_pf,d0at twv ixapo.-
xoûvxüjv xèiv Po5ow6v. P olyb ., ut, 42.
-■ Liv., xxi, 26.
] nde inillia quinque et viginti ferme. Id ., xxi, 27.
r *' p° 'y b ., m , 42.— Au-dessus d’Avignon, entre Roquemaure et Cade-
218 B om ilcar, avec une partie des troupes, effectuer dans cet
en d roit le passage, le plus secrètem ent possible, lui d on
nant l’ ord re d’ assaillir à l’ im proviste les cam pem en ts des
Volkes, dès que l’ arm ée com m en cera it son débarqu em en t. '
H annon partit; con d u it par des guides gaulois, il arriva
le lendem ain au lieu in d iq u é, et ût abattre en toute dili
gen ce du b ois p o u r construire des radeaux ; mais les
Espagnols, sans tous ces apprêts, jetant leurs habits sui
des outres et se m ettant eu x-m êm es sur leurs b ou cliers,
traversèrent d’un b ord à l’a u tre1; le reste des troupes
et les chevaux passèrent au m oyen de trains grossière
m en t fabriqués. Après vingt-quatre heures de h a lte,
Hannon se rem it en m arch e, et par des signaux de
feu x inform a Annibal q u ’il avait effectué le passage, et
qu ’ il n ’était plus q u ’à une petitç distance des Volkes. C’est
ce qu’ attendait le général carthaginois p ou r co m m e n
ce r l’em barqu em en t. L’infanterie avait d é j à ses barques
toutes prêtes et con ven ablem en t rangées ; les gros bateaux
étaient p ou r les cavaliers, qui presqu e tous conduisaient
près d’ eux leurs chevaux à la nage ; et cette file de
navires, placés au-dessus du courant, en rom pait la
p rem ière im pétuosité, et rendait la traversée plus facile
aux petits esq u ifs2. Outre les chevaux q u i passaient à la
nage (c’était le plus grand n om b re), et que du haut de
la p ou p e on con duisait par la b rid e, d’autres avaient été
placés à b ord tou t harnachés, afin de p o u v o ir être m o n
tés lors du d éb a rq u em en t3. Jusqu’à ce qu e l’affaire eût
cus et Græca, in foro boario sub terra vivi demissi sunt in locum saxo
conseptum. L iv., xxu, 57. — P lut., Quæst. R om ., 33.
1. Non enim receperunt m odo Arverni eum, deincepsque aliæ Gallicæ
atque Alpinæ gentes; sed etiam secutæ sunt ad bellum . I jv ., xxvu, 39.
— App., Bell. A nnib., 6 . — Sil. Ital., xv, v. 496 et seqq.
Ion ie ayant perm is aux Rom ains de réu n ir des forces, le 207
consul Livius Salinator vint se poster dans l’ O m brie, sur
les rives du fleuve Métaure, a u jou rd ’h u i le Métro, tandis
qu e Claudius Néron, l’autre co n su l, alla tenir Annibal
en écliec dans le B rutium , avec une arm ée de quarante-
d eu x m ille h om m es. Asdrubal sentit sa faute, et voulut
la rép a rer; m a lheu reu sem en t il était trop tard. Gom m e
le plan de son frère était de transporter le théâtre de la
gu erre en O m brie, afin de s’appuyer sur la Cisalpine, il
lui écrivit de se m ettre en m arch e, que lu i-m êm e s’avan
cait à sa ren con tre ; m ais ayant n égligé de p ren d re toutes
les p récau tion s nécessaires p o u r lui faire ten ir cette
d ép êch e, elle fut interceptée, et le con su l Néron co n n u t
le secret d ’oïl dépendait le salut des Carthaginois
Il con çu t alors un p rojet hardi qui eût fait h o n n e u r
à A nnibal. Prenant avec lui sept m ille h om m es d’élite,
il part de son cam p dans le plu s grand m ystère, et après
six jou rs de m arch e forcée il arrive sur les bord s du
Métaure, au cam p de son collègu e Livius; ses soldats sont
reçu s de n u il sous les tenles de leurs co m p a g n on s; et
rien n ’est ch an gé à l’ enceinte des retranchem ents, de
p eu r q u ’ A sdrubal, sou p çon n a n t l’arrivée de N éron, ne
refuse le co m b a t; les consuls con vien n ent qu’ on le livrera
le lendem ain. Le lendem ain aussi Asdrubal, qu i venait
d ’arriver, se proposait d ’offrir la bataille; mais, a cco u
tu m é à faire la guerre aux R om ains, il observe que la
trom pette son n e deux fois dans leur cam p : il en con clu t
qu e les deu x consuls sont réunis, qu’ Annibal a éprouvé
u 'ie grande défaile ou que sa lettre a été interceptée et
*e nr pian d écon certé. N’osant livrer bataille en de telles
Clrconstances, il fait retraite à la hüte, en rem ontant la
1. Liv., xxix, 5.
2. To TpiTOv rrçç (irpaxiaç, KeXxoc xat Acyus;. App., Bell. Pu n., 50.
3. Galli proprio atque insito in Romanos odio inceuduntur. Liv»,
i x x , 33*
CHAPITRE III.
201 — 17 0.
1. Qui nisi quod populatus est Boiorum fines, nihil quod esset m e-
■norabite aliud gessit. Liv., xxxi, 2.
8. Direpta urbe, ac per iram magna ex parte incensa, vix duobus
millibus hominum inter incendia ruinasque relictis... Liv., xxxi, 10.
^*Uarum coloniarum, quæingentem illam tempestatem punici belli
J wl f i s s e n t , alteram captam ac direptam ab hostibus, alteram op-
pugnan. i d., ibid, r
4, Id ., ibid.
cette d ép êch e, le sénat d on na ordre à C. Aurélius, l’un
des consuls, de se ren dre su r-le-ch am p à A rim inum :
quelques affaires retardèrent le départ du con su l ; mais ses
légion s se d irigèrent vers la Gaule à grandes jou rn ées.
Dès q u ’elles furent arrivées, le préteu r L. Furius se
m it en route p ou r C rém one, et vint cam per à cin q cents
pas de l’arm ée des con fédérés. Il avait une belle occa sion
de les battre par surprise, si, dès le m êm e jo u r, il eût
m en é droit ses trou p es attaquer leu r cam p ; car les Gau
lois, épars dans la cam pagn e, n’ avaient laissé à sa garde
qu e des forces tou t à fait insuffisantes. Furius voulut m é
n ager ses soldats fatigués par u ne m arche lon g u e et pré
cipitée, et il laissa aux Gaulois restés dans te cam p le
tem ps de son n er l’alarm e. Les autres, avertis par leurs
cris, eurent bien tôt regagn é les retranchem ents. Dès le
lendem ain, ils en sortirent en bon ord re p o u r présenter
la bataille; Furius l’accepta sans b a la n c e r 1. La charge
des confédérés fut si im pétu euse et si bru squ e, que les
Rom ains pu rent à grand’p ein e o rd o n n e r leurs troupes.
Réunissant tous leurs efforts sur un seul poin t, ils atta
quèrent d’abord l’aile droite en n em ie, q u ’ ils se flattaient
d’écraser fa cilem e n t; voyant q u ’elle résistait, ils ch er
ch èren t à la tou rn er, tandis q u e , par un m ou vem en t
pareil, leur aile droite essayait d’ en velop p er l’aile gauche.
Aussitôt qu e Furius aperçut cette m anœ uvre, il lit avan
cer sa réserve, dont il se servit poui' étendre son fron t
de bataille; au m êm e instant, il fit ch arger à droite et
à gauche par sa cavalerie l’ extrém ité des ailes gauloises;
et lu i-m êm e, à la tête d’ un corps serré de fantassins, se
1. La livre romaine est évaluée, com m e nous l’avons dit plus haut, à
10 onc. 5 gr. 40 gr., ou 327 gram., 18.
2. C’était une monnaie romaine qui portait le nom de bigati (scil.
num m i), et équivalait à un denier.
3. L’as valait à cette époque une onco (as uncialis) ; le denier peut
être évalué à 82 centimes.
4. Ceterum magis in so convertit oculos Cremonensium Placentino-
rum que colonorum turbapileatorum ,currum sequentium .L iv., x x x i i i , 2 3 .
: quarante m ille h o m m e s 1. La forte ville de Com ou
C om um , située à l’extrém ité m éridion ale du lac Larius
et d on t le n om signifiait garde ou protection*, tom ba en
son p ou voir, ainsi que vin gt-hu it châteaux q u i se ren
d ire n t3. Le consul revint ensuite sur ses pas p o u r faire
tôte aux Boïes, qu i s’ étaient rassem blés en n om b re con si
dérable. Mais le jo u r m ôm e de son arrivée, avant q u ’il
eût achevé les retranchem ents de son cam p, assailli brus
quem ent, il éprouva de grandes pertes, et, après un
com bat lon g et opin iâtre, laissa sur la place trois m ille
légionnaires, ainsi qu e plusieurs chefs de distinction*.
Néanm oins il réussit à term in er les travaux, et, une fois
retranché, il soutint avec assez de b o n h e u r les assauts que
les Gaulois lui livraient sans relâch e. Telle était sa situa
tion, lorsque son collègu e Furius P urpu réo entra dans
la partie du territoire boïen qu i con û n e avec l’ O m brie et
q u ’on n om m ait la tribu Sappinia.
A cette nouvelle, les lloïes levèrent le siège du cam p
de Marcellus, et cou ru ren t sur la route que l’autre consul
devait traverser, route boisée et p rop re aux em buscades
m ilitaires. P urpu réo approch ait déjà du fort de M utilum,
lorsqu ’ayant eu vent de q u elqu e chose, il rétrograda; et
com m e il connaissait parfaitem ent le pays, par de longs
détours en plaine, il réussit à re jo in d re sans d a n ge r son
collègu e. Les deu x consuls réu nis dévastèrent un grand
1. Boiorix tune régulus eorum ... L iv., xxxiv, 40. Righ, roi, en gae-
li(iue; rhûy (kim r.), un petit roi, un chef.
Nuncium ad collegam m ittit, ut si videretur ei, maturaret venire;
80 '"g iv e rs a n d o in advontum ejus rem tracturum. Id ., ibid.
batur 'J'" ' n angust'>s pugnatum est; nec dextris magis gladiisqne gere-
’ scutis corporibusque ipsis obnixi urgebant : Romani ut
lorsque le p rem ier cen tu rion de la secon d e lég ion et un
trib u n de la quatrièm e tentèrent un stratagème qui sou
vent avait réussi dans des m om ents critiqu es; ils lancè
rent leurs en seignes au m ilieu des rangs en n em is ; ja
lou x de recou vrer leur drapeau, les soldats de la secon de
légion ch argèrent avec tant d ’im pétuosité, q u ’ ils parvin
rent les prem iers à s’ ou vrir une route.
Déjà ils com battaient hors des retranchem ents, et la
quatrièm e légion restait en core arrêtée à la porte, lorsque
les Rom ains en ten d iren t un grand b ru it à l’autre extré
m ité de leur cam p ; c’ étaient les Gaulois qui avaient forcé
la porte qu estorien n e, et tué le questeur, deux préfets
des alliés et en viron deu x cents soldats ‘ . Le cam p était
pris de ce côté, sans une coh orte extraordinaire, laquelle,
envoyée par le consul p o u r défendre la porte questorienne,
tailla en pièces ou chassa ceu x des assiégean ts qui avaient
déjà p én étré dans l’ enceinte, et repoussa l’irru ption des
autres. Vers le m êm e tem ps, la quatrièm e lég ion , avec
deux coh ortes extraordinaires, vin t à b ou t d ’effectuer sa
sortie. 11 se livrait d o n c trois com bats sim ultanés en trois
différents endroits autour du cam p, et l’attention des
com battants était partagée entre l’ en n em i q u ’ils avaient
en tête, et leurs com p a g n on s, don t les cris con fu s les
tenaient dans l’in certitu de sur leu r sort et sur le résultat
de l’affaire. La lutte dura ju sq u ’au m ilieu du jo u r , avec
des forces et des espérances égales. Enfin les Gaulois,
cédant à une ch arge im pétueuse, recu lèren t ju sq u ’à leur
cam p, mais ils s’ y rallièrent, et à leu r tour, se précipitant
signa foras clïerrent, Galli ut aut ipsi in castra pénétreront, aut exire
Romanos prohibèrent. L iv., xxxiv, 40.
I . In portam quæstoriam irruperant Galli ; resistentesque pertinacius
occiderant L. Posthumium quæstorem, et M. Atinium et P. Sempronium,
præfeçtos sociorum, et ducentos ferme milites. Id., ibid., 47.
sur l’e n n e m i, ils le culbutèrent et le pou rsuiviren t ju s
q u ’à ses retranchem ents, où. il se renferm a de nouveau.
Ainsi, dans cette jo u rn é e , les deu x partis se virent suc
cessivem ent v ictorieu x et su ccessivem ent en fu ite 1. Les
Rom ains p u blièren t qu’ ils n’avaient perdu que cin q m ille
h om m es, tandis q u ’ ils en avaient tué on ze m i l l e m a l
h eu reu sem en t, les Gaulois ne n ous on t pas laissé leur
bulletin. S em p ron iu s se réfugia dans Placenlia. Si l’on en
croit quelques historiens, S cip ion , après avoir op éré sa
jo n ctio n avec lui, dévasta le territoire des Boïes et des
Ligures, lant que leurs b ois et leurs m arais ne lui o p p o
sèrent p oin t de b arrières; d’ autres préten den t que, sans
avoir rien fait de rem arquable, il retourna à R o m e 3.
Cette cam pagne n ’ avait pas été sans gloire p o u r la
nation b o ïe n n e ; mais u ne guerre ch aque année renais
sante con su m ait rapidem en t sa p op ulation. Elle ren ou
vela cepen dan t le m ou v em en t d e l’ année précédente, prit
les arm es en masse, et parvint à so u lev er la L igurie. Le
sénat alarm é p roclam a q u ’ il y avait tum ulte4; des levées
extraordinaires furent mises sur pied, et les deu x consuls
C ornélius Mérula et M inucius T erm us partirent, celu i-ci
pou r la L igurie, celui-là p o u r le pays b oïen . Tant de ba
tailles perdues, m algré tant d’ efforts de cou rage, avaient
enfin en seign éa u x Gaulois que le m an qu e de d isciplin e et
l’ig n ora n ce de la tactique étaient les véritables causes
de leur faiblesse; ils ren on cèren t d on c, mais trop tard,
au x batailles rangées et aux affaires décisives par masses
1. Ita varia liinc atque illinc nunc Victoria, nunc fuga fuit. Liv.,
**xiv, 4 7 .
Gallorum tamen ad undecim millia, Romanorum quinque miilia
sur>t occisa. Id., ibid.
5. Agri parte fere dimidia eos mulctavit. Liv., xxxvi, 39. — Obsidoa
tbduxit. Id., ibid., 40.
2- Senes pucrosque Boiis superesse. Id., ibid.
3. Cum captivis nobilibus equorum quoque captorufli gregem tradiïxit.
Id ., ibid.
4. Aureos torques transtulit si. cccc. i.xx, ad hæc auri pondo cc. xi.v;
argenti infecti factique in gallicis vasis, non infabre suo m ore factis, dua
>i. ccc. x l p o n d o ; bigat. nom m . cc. xxxnr. Id., ibid.
si m inutieusem ent leurs défaites, garde un silence pres
que absolu sur ce tou ch ant et dern ier acte de leu r vie
nationale. Un historien se contente d’ én on cer vague
m ent que la nation entière fut ch a s sé e 1; un géographe
ajoute qu’ elle traversa les Alpes n oriqu es p o u r aller se
réfu gier sur les bord s du D anube, au con flu en t de ce
fleuve et de la Save 2. Là, elle devint la sou ch e d ’ un petit
peuple dont il sera parlé plus tard 3. Le n o m des Boïes,
des L in gon s, des Anam ans, fut effacé de l’ Italie, ainsi
qu e l’avait été, quatre-vingt-treize ans auparavant, le
n om senonais. Les an cien n es colon ies de C rém one, Pla
centia 4 et M u tin e 8 fu ren t rep eu p lées; Parm e 6 reçu t
une colon ie de citoyens ro m a in s; l’an cien n e capitale,
B ononia, trois m ille colon s du L a tiu m 7.
Instruits par l’exem p le de leurs frères, les Insubres
s’ étaient hâtés de faire la paix, c ’ est-à-dire, de se re co n
naître sujets de R om e ; il y avait déjà cin q ans que leur
in action dans la gu erre b oïen n e leur m éritait l’ in d u l
g en ce de cette rép u b liq u e. Quant aux C énom ans, la for
tune récom p en sa leur con d u ite p erfide et lâche. Au m i
lieu des calam ités qu i accablaient depuis on ze ans la race
gallo-k im riqu e, ce fu ren t ceu x qui sou ffriren t le m oins :
peu d’ entre eux p ériren t sur le cham p de bataille, et le
pillage à p ein e toucha leurs terres. Cette richesse m êm e,
2. Me-raorovre; ei; toù; rapt tôv ’ latpov tôtio'jç, nsrà Taupiuxwv cüx&vv.
Strab., 1. v, p. 213.
3. Cæs., Bell. Gall., i, 28. — Strab., 1. v, p . 213.
4. En 190. L iv., xxxvn, 46, 47.
6. En 183. L iv., xxxix, 55.
0. Dans la même année. Id., ibid.
7. En 189. Liv., xxxvn, 57.
il est vrai, excita la cupidité d ’un préteu r rom ain, M. Fu
rius, can ton né dans la T ranspadane; il ne leur épargna
aucune vexation p o u r faire naître, s’ il était possible,
qu elqu e soulèvem ent don t son am bition et son avarice
pussent tirer p a rti; il alla ju squ ’à les désarm er en
masse ‘ . Mais les Cénom ans ne se soulevèrent p o in t; ils
se contentèrent de porter leurs plaintes au sénat, q u i,
peu sou cieu x de favoriser les vues personnelles de son
préteur, le censura et rendit aux Gaulois leurs arm es*.
Les Vénètes aussi se livrèrent sans cou p férir à la ré
p u bliqu e r o m a in e , dès q u ’ elle souhaita leur terri
toire. Il n ’en fut pas de m êm e des L ig u res; cette valeu
reuse nation résista lon g tem p s, retranchée dans ses
m ontagnes et dans ses b o is ; m ais enfin elle céda com m e
avaient fait les B oïes, après avoir été presque exter
m inée.
Maîtres de toule l’ Italie circu m padan e, où de n om
breuses colon ies répandaient rapidem ent tes m œ urs, les
lois, la langue de Rom e, les Bom ains com m en cèren t à
p rovoq u er les peuplades gauloises des Alpes. Ceux de
leurs généraux qui com m andaient: l’arm ée d ’occu pation
dans la Transpadane s’am usaient, par passe-tem ps, et en
p leine paix, à se jeter sur les villages des pauvres m on
tagnards, qu ’ils enlevaient avec leurs troupeaux p o u r les
vendre ensuite à leur profit dans les m archés aux bes
tiaux et aux esclaves, à C rém one, à Mantua, à Placentia. Le
consul C. Cassius en em m ena ainsi plusieurs m illie r s 3.
GAi.r.o-CrFifecB. D e s cr ip tio n g ô o g r a p h iq u o d o c o p a y s ; r a c e s q u i l’ h a b it a io n t ;
s a c o n s titu tio n p o lit iq u e . — C u lte p h r y g ie n d e la G r a n d e -D é e s s e . — Rela~
ii o u d e s G a u lo is a v o c le s a u tres p u iss a n ce s d e l ’ O rie n t. — I.os R om a in s
c o m m e n c e n t la conquête d o l'Asie-Mineuro. — Cn. M a n liu s a tta q u e la
G a l a t i e ; les T o lis t o b o ïe s s o n t v a in cu s s u r le m o n t O ly m p e ; le s T e c t o s a g e s
su r le m o n t M a g a b a . T ra it d e ch a ste té de C h io m a r a . — L a r é p u b liq u e
r o m a in e m é n a g e le s G a la te s . — I.o tr io m p h e e s t r e fu sé , p u is a c c o r d é à
M a n liu s . — L es m œ u r s d es G a la te s s’ a lt ô r o n t ; lu x o e t m a g n ific e n c e d e le u rs
té tra rq u o s. — C a r a c lè r o d es fem m e s g a la t e s ; h isto ir e to u ch a n te d o C a m m a .
— D é c a d e n c e d e la co n s titu tio n p o l it i q u e ; les té tra rq u o s s 'e m p a r e n t do
l'a u t o r it é a b s o lu e . — M ith rid -ito fa it a ssa ssin er le s tétrarejues dans u n festin .
— C o ro i m ou rt d e la m a in d ’u n G a u lo is .
191 — 63.
1. Strab., x i i , 507.
2. Ol S’ tepeïç to jta).atèv [Uv Suvànrat Tivèç ifaav, lepwdûvriv xapnov-
t'.svoi |AEyà),Y|v... Id ., ibid.
3. Quandoque hostis alienigena terræ Italiæ belium intulisset, cum
1>c" i itaija vinciquc p osse, si mater ldæa Pessinunte Romain advccta
Css« . L iv., xxix, 10.
2ii auprès de lui, sur cin q galères à cin q rangs de ram es.
à Attale les reçu t dans sa ville, avec tout l’ em pressem ent
101
d’ un am i d év ou é; de P ergam e, il les con duisit à Pessi
nonte, où il obtint p o u r eu x la p ropriété de la pierre
n oire qu i représentait Agdistis ‘ . Q uoique l’ histoire n’ é
n on ce pas à quelles con d itions les T olistoboïes se dessai
sirent de leu r grande déesse, on peut croire qu ’ ils la firent
payer ch èrem en t; mais cette aventure élablit entre les
prêtres ph rygien s et les Rom ains des rapports dont les
Gaulois ne tardèrent pas à sentir la con séq u en ce.
Après le partage de la P hrygie et leu r organisation
com m e conquérants sédentaires, les Gaulois s’étaient re
levés p rom p tem en t des pertes q u ’Attale leur avait fait
éprouver, et ils avaient repris sur l’Asie-M ineure leur
an cien ascendant. Ils sou tin ren t plusieurs guerres contre
l’em pire de Syrie, et presque tou jou rs avec b o n h e u r; deux
rois syriens périren t de leur m ain 2. R éconciliés m êm e
avec le roi de Pergam e, ils lui fou rn iren t des bandes sti
pendiées au m oyen desquelles cc p rin ce am bitieux éten
dit sa d om ination su r toute la côte de la m er Égée et de
la P ropontide, et su bju gu a en outre plusieurs provin ces
syriennes. Il faut avouer aussi que plus d’ une fois ces
auxiliaires lui causèrent de terribles em barras. Dans une
218 de ses guerres contre la Syrie, Attale avait loué des Tec
tosages qu i, d’après la cou tu m e de leur nation, s’étaient
fait suivre par leurs fem m es et leurs enfants 3. Déjà l’ar
m ée pergam éen n e, après u ne route lon g u e et pén ible,
to O tw v iv T a ï ; â | iâ !;a iç . P o ly b ., v , 78.
était sur le p oin t île livrer bataille, lorsque, effrayes par
u n e éclipse de lune, les Galates refusèrent obstiném ent
de m arch er plus avant il fallut qu’ AUale leur obéît et
retournât sur ses pas. Craignant m êm e de les m écon ten
ter en les licenciant, il leur abandonna quelques terres
sur le bord de l’ Hellespont. Mais les Tectosages, placés
dans u ne con trée enlevée naguère à leurs frères, crurent
p ou v o ir s’ y con d uire en maîtres : ils assaillirent des
villes, ravagèrent des cam pagnes et im posèrent des tri
buts. Leurs com patriotes, ainsi qu’ une m ultitude de va
gabon ds et de bandits, a ccou ru ren t se jo in d re à eux, et
grossiren t tellem en t leur n om b re q u ’il fallut deux ans et
le secours du roi de Bithynie p o u r m ettre fin à cette
nouvelle occupation 2.
Sur ces entrefaites, la secon de gu erre pu nique se ter
m ina. A nnibal, contraint de s’expatrier, vint ch erch er un
refu ge dans l’ A sie-M ineure; là il travailla, de toutes les
ressources de son génie, à susciter aux Rom ains des en ne
m is et u ne autre gu erre. Rome, par ses victoires dans la
Grèce eu rop éen n e, m enaçait l'Asie d ’ une con quête im m i
nente, qu i était m êm e en quelque sorte déjà com m e n cé e .
Attale venait de m ou rir, et le royaum e de P ergam e avait
passé entre les m ains d’ E um ène, plus dévoué e n co req u e
ne l’ éla itson prédécesseur aux volontés du sé n a tro m a in ;
de sorte que la répu bliqu e trouvait en lui m oins un allié
q u ’ un lieutenant. Annibal suivait d’un œil inquiet les in
trigues et les progrès de ses m ortels ennemis; il s'effor
ç â t , par ses discours, d’alarm er les rois d’Asie et d’ai-
g u iiion n er leur in d olen ce ; mais ce u x -ci traitaient scs
l î f i f f ô - v ' Vp |J^ v r ' ' k d e tij/ s io ; usM jvriç... oùx âv aaav £ ti rtpoEXOetv tic 16
appréhensions de frayeurs person nelles et de chim ères.
« Nous serions étonnés, lui disaient-ils un jo u r, qu e les
« Rom ains osassent p én étrer en Asie. — Moi, répliqua ce
« grand h om m e, ce qui m ’ étonne b ien davantage, c ’est
« qu’ ils n ’y soient pas déjà *. » Ses sollicitations réussi
rent enfin auprès d ’A ntiochus, ro i de Syrie, et de son
gen dre Ariarathe, ro i de Gappadoce.
Annibal, dans ses plans d’ une ligu e asiatique con tre
Rom e, avait com p té b ea u cou p sur la coop ération des
Gaulois, dont il connaissait et appréciait si b ien la bra
vou re. A ntiochus, d’ après ses conseils, alla d o n c hiver
n er en P hrygie 2, où il con clu t u n e alliance avec les té-
trarques gâtâtes; mais il n ’ obtin t qu’ un petit n o m b re de
troupes, ceu x -ci prétextant que la Galatie n’ était p oin t
m enacée, et que son éloig n em en t de toute m er la m et
tait à l’ abri des insultes de l’ Italie 3. Les secou rs que le
roi de Syrie ram ena avec lui m ontaient seulem ent à dix
ou douze m ille h om m es, tant auxiliaires qu e volontaires
stipendiés. Il en envoya aussitôt quatre m ille su r le ter
ritoire de P ergam e, où ils co m m ire n t de tels ravages,
que le ro iE u m è n e , alors absent p o u r le service des Ro
m ains, se vit contraint de reven ir en hâte; il eut pein e à
sauver sa capitale et la vie de son p ro p re frère 4.
Mais A ntiochus, si mal à p rop os su rn om m é le Grand,
avait trop de p résom ption p o u r se laisser lon gtem ps diri
ger par A nnibal. Il n’ est pas de notre sujet de ra co n te rici
ses folies et ses revers : on sait que, vaincu en Grèce, il le
1. Magis mirari quod non jam in Asia essent Romani, quam venturos
dubitaro."*Liv., xxxvi, 41.
2. In Phrygia hibernavit undique auxilia accersens. Id ., xxxvn, 8 . —
A pp., Bell, syriac., 6. Suidas, voc, TaXaria.
3. Quia procul mari incolerent,,. L iv., xxxvm , 10.
4. Id., xxxvn, 18.
fut de nouveau en Orient par L. S cipion , près de la ville îoo
de Magnésie. Q uelques jo u rs avant cette bataille fam euse,
lorsqu e l’a n n ée rom a in e était cam pée au b ord d’ une p e
tite rivière, en face des trou pes d’A ntiochus, m ille Gaulois,
traversant la rivière, allèrent insulter le con su l au m ilieu
de son cam p ; après y avoir m is le désordre, cette troupe
audacieuse fit retraite et repassa le fleuve sans beau coup
de perte ‘ . P endant la bataille, ils ne m on trèren t pas
m oin s d ’ intrépidité-, ils avaient aux ailes de l’arm ée sy
rien n e huit m ille h om m es de cavalerie et un corps d’ in
fanterie ; là, le com bat fut vif, et là s e u le m e n t2.
Les Rom ains avaient anéanti à Magnésie les forces asia
tiques et grecqu es; toutefois la con quête du pays ne leur
parut rien m oin s qu ’ assurée 3. Ils avaient ren con tré sous
les drapeaux d’A ntioch us q u elqu es bandes d’ u n e race
m oin s facile à vaincre que des Syriens ou des P h ry g ien s:
à l’arm ure, à la bau le stature, aux ch eveux blonds, ou
teints de rou g e, aux cris de guerre, au cliquetis bruyant des
arm es, à l’audace surtout, les légion s avaient aisém ent
re co n n u ce vieil en n em i de R om e q u ’ elles étaient h abi
tuées à r e d o u t e r 4. Avant de rien arrêter sur le sort des
vaincus, les gén éraux rom ains se d écid èren t d o n c à p o r
ter la gu erre en Galatie ; et dans cette circon stan ce, les
prétextes ne leu r m anquaient pas. Le con su l Cnéius Man
lius, su ccesseu r de Lucius Scipion dans le com m a n d e
m en t de. l’arm ée d ’Orient, se disposa à en trer en cam
pagne dès le p rin tem ps suivant.
1. L iv.yxxxvu i, 48.
2. Tumultuose amno trajecto, in stationes impetum fecerunt; primo
turbaverunt incom positos... Id ., xxxvn, 38.
3. Id., xxxvn, 39, 40 ) xxxvm , 48. — A pp., Bell, syriac., 32.
4. Procora corpora, promiHsæ ctrutilatæ comm, vasta scula, proelongi
B' ad>i, ad hoc cantus inclioantium præ lium ... armorum crepitns... Liv.,
* x x v i„ )
189 Sans doute, les Gaulois avaient été longtem ps pour
l’Asie un épouvantable fléau; mais eux seuls au jou rd ’hui
pouvaient la sauver. Le péril q u i les m enaçait fut p ou r
tous les am is de l’ in dépen dan ce asiatique un p éril vrai
m en t national. Si Antiochus, faisant un n ouvel effort,
était ven u se réu n ir aux Galates, les choses peut-être
eussent ch an gé de face; mais ce ro i pusillanim e ne son
geait plus qu ’à la paix, quelle qu’ elle lïlt. H onteux de sa
lâcheté, le roi de Gappadoce, son gen dre, rallia quelques
troupes échappées au désastre de M agnésie, et les co n
duisit lu i-m êm e à Ancyre. Le roi de P aphlagonie, Mur-
zês, suivit son ex em p le; ces auxiliaires m alheu reu sem en t
ne form aient que quatre m ille h om m es d ’élite, qu i se
jo ig n ire n t aux Tectosages '. Ortiagon était alors ch e f m i
litaire de cette nation, ou m êm e, co m m e le fon t présu
m er quelques circonstances, il était investi de la direction
su prêm e de la guerre. C om b olom a retG a u lotu s com m a n
daient, l’ un les ïr o c m e s , l’ autre les T o listo b o ïe s2. « Ortia-
« gon , dit un historien qui l’ a co n n u p erson nellem en t,
« n ’ était pas exem pt d’am bition ; mais il possédait toutes
« les qualités q u i la fon t p a rd on n er. A des sentim ents
« élevés il joig n a it beau cou p de générosité, d’affabilité,
« de p ru d en ce ; et, ce que ses com patriotes estim aient
« plus que tout le reste, nul ne l’égalait en bravoure 3. »
Il avait p o u r fem m e la belle Chiom ara, n on m oins cé
lèbre par sa vertu et sa force d’âm e que par l’ éclat de sa
beauté.
Cependant le je u n e Attale, frère d’ Eum ène (ce lu i-ci
t. Liv., x x x v i i i , 20.
2. Eo se rati velut castello iter impedituros. Id., ibid., 21.
3. Saxis, nec m odicis, ut quæ non præparassent, sed quod cniqne
faisaient pleu voir sur eux u n e grêle m eurtrière de traits,
de javelots, de balles de p lom b qui les blessaient, sans
qu’ il leu r fût possible d'en éviter les atteintes. L'historien
de cette gu erre, Tite-Live, n ous a laissé un tableau ef
frayant du désespoir et de la fu reu r où cette lutte inégale
jeta les Tolistoboïes.
« Aveuglés, dit-il, par la rage et par la peu r, leur tète
« s’ égarait; ils n ’ im ag in a ien tp lu sa u cu n m oyen de défense
« con tre un genre d’attaque tout nouveau p o u r eu x. Car,
« tant qu e les Gaulois se battent de près, les cou p s q u ’ils
« peu vent ren dre ne fon t q u ’en flam m er leur co u ra g e ;
« mais lorsque, atteints par des flèch es lancées de loin ,
« ils ne trouvent pas sur qu i se ven ger, ils rugissent, ils
« se précip iten t les uns contre les autres com m e des bêles
« féroces que l’ épieu du chasseur a frappées i. Une chose
d rendait leurs blessures e n core plus apparentes, c ’est
« qu ’ ils étaient com plètem en t nus. C om m e ils ne quittent
« jam ais leurs habits qu e p ou r com battre, leurs corps
« blancs et charnus faisaient alors ressortir et la largeur
« des plaies et le sang q u i en sortait à gros b ou illon s.
« Cette largeur des blessures ne les effraye pas ; ils se
« plaisent, au con traire, à agrandir par des in cision s
« celles qu i sont peu p rofon d es, et se fon t gloire de ces
« cicatrices com m e d’ u n e preuve de valeur 2. Mais la
« p oin te d ’un dard affilé leur pénètre-t-elle fort avant
« dans les chairs, sans laisser d’ ouverture bien apparente,
1. L iv., X X X V III, 25. — P olyb., xxn, 22. — A pp., Bell. Syr., 42.
2. Captus est nemo : Romani, ardentibus ira anim is, postero die,
om nibus copiis ad hostem perveniunt, L iv., xxxvm , 25,
et form ant cinquante m ille com battants, occu p a it le cen
tre ; la cavalerie, don t les chevaux étaient inutiles au
m ilieu de ces roch ers escarpés, avait m is pied à terre au
n om b re de dix m ille h om m es, et pris son poste à l’aile
droite. A la gauche étaient les quatre m ille auxiliaires
com m an d és par Ariarathe, ro i de Cappadoce, et Murzês,
ro i de P aphlagonie. Les dispositions du con su l furent
les m êm es q u ’au m on t O lym pe; il plaça en p rem ière
lig n e les trou pes arm ées à la légère, sous la m ain des
qu elles il eut soin de faire m ettre u n e am ple provision
de traits de tou le espèce. Ainsi les choses se trouvaient de
part et d’autre dans le m êm e état q u ’à la bataille précé
dente, sauf la con fia n ce plus grande chez les Rom ains,
affaiblie chez les Gaulois ; car les Tectosages ressentaient
com m e un é ch e c person nel la défaite de leurs frères *.
Aussi l’action, en gagée de pareille m an ière, eu tpareil dé-
n oû m en t. Assaillis par u ne nuée de traits, les Gaulois
n ’osaient s’ élan cer h ors des rangs, de p eu r de s’ exp oser à
d écou vert ; et plus ils se tenaient serrés, plus les projectiles
portaient cou p sur des masses qui servaient de but aux
tireurs. Manlius, persuadé que le seul aspect des drapeaux
légion n a ires déciderait la dérou le, lit ren trer dans les
intervalles les divisions de vélites et les autres auxi
liaires, et avancer le corps de bataille. Les Gaulois, ef
frayés par le sou venir de la défaite des T olistoboïes,
criblés de traits, épuisés de lassitude, ne soutinrent pas
le choc-, ils battirent en retraite vers leur ca m p ; u n pelil
n om b re seu lem en t s’y renferm a, la plupart se disper
sèrent à droite et à gauche. Aux deux a iles, le com bat
1. Octo m illia ceciderunt. L iv., xxxvm , 27. — App., Bell. Syr., 42.
2. Sed alligati miraculo quodam fuere, quum catenas morsibus et ora
tentassent, quum offocandas invicem fauces præbuissent. Flor., ir, I I .
3. Ipse (jam enim medium autumni erat) locis gelidis propinquitate
Tauri montis excedere properans, victorem exercitum in hiberna m ari-
timæ oræ reduxit. Liv., xxxvm , 27.
4. O ' j / O ' j t w ; 'Amô%ov XrifOénoç i i t ï t m S o x e ï v à7io),e>ü<j(Sai,
Ttvàç pisv ç 6 p « v , oi os «ppoupïç, y.a06).o'j 8s TOxvte; fia a O ix w v itpoaT«Y|j.àTMv...
P olyb., xxu, 24. t
5. Tolerabilior regia servitus fuerat, quam feritas inunanium barba-
Voilà ce que pensaient les villes de la Troade, de l’ Éolide
et de l’Io n ie ; et elles envoyèrent en grande p om p e à
Éphèse des am bassadeurs chargés d’offrir des cou ron n es
d’ o r à Manlius, com m e au libérateur de l’A sie 1. Ce fut
au m ilieu de ces réjou issances que les plénipotentiaires
gaulois et ceu x d’Ariarathe arrivèrent auprès du consul,
les p rem iers p o u r traiter de la paix, les secon ds pour
solliciter le pardon de leu r m aître, coupable d’avoir se
cou ru A ntiochus son beau -père et les Galatès ses alliés.
Ce roi, vivem ent réprim andé, fut taxé à deux cents ta
lents d’argent, en réparation de son crim e. Bien au co n
traire, le con su l fit aux Kim ro-Galls l’accu eil le plus b ien
v eilla n t2; n éanm oin s n e voulant rien term in er sans les
conseils d’ Eum ène, alors absent, il fixa, p o u r l’ été sui
vant, une secon d e con féren ce dans la ville d’Apam ée,
sur l’ H ellespont. Satisfait du cou p dont ils venaient de
frapper la Galatie, les Rom ains, loin de pousser à bout
cette race belliqu eu se, qui conservait e n core une partie
d e sa force, em ployèren t tous leurs efforts à se l’attacher.
Aux con féren ces d’Apam ée, il ne fut question ni de tri
but, n i de ch angem ents dans les lois ou le gou vernem ent
des Galatès. T out ce q u ’ exigeait Manlius, c’était qu’ils
rendissent les terres enlevées aux alliés de R o m e 3, q u ’ils
renonçassent à leu r vagabondage inquiétant p o u r leurs
voisins, en fin , q u ’ils fissent avec E um ène u n e alliance
in tim e et d u ra b le 4. Ces con d itions fu ren t acceptées.
1. Xàçitv oioà coi, io 7co>.uti(Xc "Apre^iç, ÔTi (aoi Trapsa^eç ev xto <7tj) leptp
fiîxaç ü r è p t o u avSpo; ).aê s ï v , àSty.w; 8i* ejxs àvatp& ôivT O ç. Polyæn, ub. supr.
2. Soc ôs, w t:âvTü>v àvoo-iovraTS àvQpwTtwv, xàçov àvxi OaXà(xou xai yà[iou
7rapa'7y.£vaÇ£Tcorrav ol Tcpocr/jxovTeç. Plut., loc. cit.
3. Ilist. græc. et latin ; Inscript, galatic. passim.
4. App., Bell. Mithridat.
seule m ain *. Le pays était gou verné par un de ces rois,
lorsqu’ il fut réu ni com m e p rovin ce à l’ em pire rom ain.
Malgré cette usurpation du p ou v oir souverain, le conseil
national des trois cents continua d’ exister et de coop érer
à l’adm inistration du p a y s3. Il est à présu m er que la
con d ition des in digèn es ph rygien s et surtout grecs s’a
m é lio ra ; car les mariages devinrent assez fréquents entre
eu x et les Kim ro-Galls de rang élevé. Cependant il n’y
eut jam ais fusion ; et, tandis que les vaincus parlaient
le grec, la langue gauloise se conserva, sans m élange
étranger, parm i les fils des conquérants. Un écrivain
ecclésiastique cé lè b re , q u i voyagea dans l’ Orient au
ive siècle de no tre ère, six cents ans après le passage des
h ordes en Asie, tém oig n e que, de son tem ps, les Galatès
étaient les seuls, entre tous les peuples asiatiques, qui
ne se servissent p oin t de la langue g re cq u e ; et que leur
id iom e national était à p eu près le m êm e que celui des
Trévires, les différences de l’ un à l’autre n ’étant ni n om
breuses, ni im p orta n tes3. Cette identité de langage entre
les Gaulois des bords du Rhin et les Gaulois des bords
du Sangarius et de l’ Halys s’ explique d ’elle-m êm e si l’on
se rappelle que les Tectosages et les Tolistoboïes» les deux
prin cip au x peuples galatès, appartenaient originaire
m en t, com m e les Belges, à la race des Kimris.
La b o n n e in telligence et la paix subsistèrent pendant
vin gt ans entre les Galatès et les puissances asiatiques.
Au bou t de ce tem ps la guerre éclata, on ne sait pour
1. P olyb., Exc. leg., 97, 102, 106, 10 7,10 8. — Strab., 1. xir, p. 539.
— L iv., xlv , 16 et 34.
2. Querimonia gallici tum ultus... regnum in dubium adductum esse.
L iv., x l v , 19.
3. Mirum videri posset, inter opulentos reg es, Antiochum Ptole-
mæumque, tantum legatorum romanorum verba valuisse... apud Gallos
nullius momenti fuisse. L iv., x l v , 34.
4. Legatos ad Cim bros... auxilium petitum mittit. Just., x x x v m , 3,
— A pp., Eell. M ithrid., 27.
Mithridate exaltait, dans tous ses discours, les services
de ses alliés galatès ; il se vantait « de p ou v oir opposer
« à Rom e u n peu ple des m ains duquel R om e ne s’ était
« tirée q u ’à prix d’ o r 1. » Mais bientôt leu r fidélité lui
devint suspecte, et dans un des accès de son h u m eu r
som bre et sou pçonn eu se, il retint prisonniers auprès de
lui tous les tétrarques et leurs fam illes, au n om b re de
soixante p e rs o n n e s 2. In d ign é de cette perfidie, T oré-
d orix, tétrarque des Tosiopes, com p lola sa m o r t; et
co m m e le roi de Pont avait cou tu m e de ren dre la ju s
tice, à certains jou rs de la sem aine, assis sur une estrade
fort élevée, T oréd orix, aussi robuste q u ’audacieux, ne
se proposait pas m oins qu e de le saisir corps à corps, et
de le précip iter du haut de l’ estrade, avec son tr ib u n a l3.
Le hasard vou lu t que Mithridate s'absentât ce jou r-là et
qu’ il fît m ander, au b ou t de quelques heures, les tétrar
ques galatès; T oréd orix, craignant que le com p lot n’ eût
été découvert, exhorta ses com p a g n on s à se jeter tous
ensem ble sur le roi et à le m ettre en p iè c e s 4. Ce second
com p lot m anqua égalem ent; et Mithridate, après avoir
fait tuer su r-le-ch am p les plus dangereux des conspira
teurs, acheva les autres, u ne nuit, dans un festin où il
les avait invités sous cou leu r de récon cilia tion . Trois
d ’entre eux échappèrent seuls au massacre en se faisant
jo u r , le sabre à la m ain, au travers des assassins; tout
1. Nec bello hostem , sed pretio remotum. Oratio Mithrid. ap. Just.,
xx xv m , 4.
2. P lut., de Virt. m ulier., 23. — App., Bell. M ithrid., 40.
3. xèv M i6pi8âxr)v, crcav èv xà) (3-^jj.axi Tpj[ivaerfo> xpïijjuxuÇr,
j>wapTO«îaç ] &<j£,v aùxtj) xaxà xîiç çàpafyo;. Plut., de Virt. m u-
lier., 23.
CHAPITRE PREMIER
1. Boii (Voy. ci-dessus, liv. i, ch. 1), peuple du pays deB uchs.
2 . B it u r ig e s V iv is c i. O ù ï ££<txoç, B ië ia x o ç .
lccte savoyard, Nant est le nom générique pour désigner les torrents des
Alpes.
1. H p o tep o v S è K opëD xü V Ù Tnip'/ev è|j.7topEÏov to v tm tw h o to ^ m ...
P o l y b . , a p . S t r a b . , 1. i v , p . "190.
2. Andes, A ndi, Andegavi, Andicavi ; peuple do l’Anjou.
I n n o b u lis , M e d u a n a , t u is m a r c e r e p e r o su s
A n d u s, ja m p la c id a L ig e r is re c r e a tu r a b u n d a .
L u c a n ., P h a r s ., i, v . 438.
3. Turones (Cæs., P lin.), Turonii (Tac.), Turini (Amm. Marcel.), Tu-
rupii et Turpii (P tolem .); peuple de la Touraine.
4. Carnutes (Cæs., L iv.), Carnuti (P lin.), Carnutæ (KapvoÜTai) (Ptol.) ;
peuple du pays Chartrain et do l'Orléanais.
5. A ujourd’hui Chartres.
6. Genabum, Genabos, Cenabum : plus tard Aureliani; aujourd’hui
Orléans. Le mot Gen-abum paraît être le même que celui de Gcn-ava,
désigner la position de la première de ces villes à l ’angle formé par la
Loire.
7. Trfvaëov to twv Kapvovtwv èjwtopsTov, Strab., 1. iv ; p. 191.
lim ites de la plupart des cités gauloises, surtout à
l’ép oq u e que nous essayons de retracer. A l’ orien t des
Garnutes, entre la L oire et la Seine, venaient les Senons
d on t le n om fut si lon gtem ps la terreu r de l’Italie, et les
Lingons, qu i portaient au com bat des arm es b a r io lé e s 2;
à l’ occid en t des Carnutes, les Cénomans3, don t les frères,
établis en Italie, avaient été si funestes à la liberté cisal
p in e 4. Les C énom ans transalpins faisaient partie de la
petite confédération aulerke, à laquelle appartenaient en
core les Aulerltes-Êburovikcss, et les Aulerkes-Diablintes6.
Les d om aines des Gallo-Kim ris se term inaient au cou
chant par u n e vaste presqu’ île bifurqu ée, com p rise entre
l’ e m b o u ch u re de la L oire et l’e m b o u ch u re de la Seine.
Q u oique la d én om in a tion d’Armorike, m aritim e, con vîn t
à tou t le littoral de l’ Océan, cepen dan t elle était appli
qu ée d’ u n e m anière plus spéciale à cette presqu’île, soit
à cause du grand d éveloppem en t de ses côtes, et de sa
situation, en qu elqu e sorte plus m aritim e en core que
celle du reste du littoral; soit parce que les peuples qui
l’ habitaient, adonnés u n iq u em en t à la navigation, possé
1. P lin., xxxiv, 8.
2. (Stannum) album incoquitur æreis operibus, Galliarum invento,
ita ut vix discerni possit ab argento. — Gloria Biturigum fuit. Id.,
x xxiv, 17.
3. Deinde et argentum incoquere simili m odo cœpere, equorum
maxime ornamentis, jumentorum jugis, in Alesia oppido. Id ., ibid. —
Fl° r . , m , 2.
4. Plin., vin, 48.
tures n’ étaient pas sans rép u ta tion 1. En agricu lture, elle
im agin a la charrue à r o u e s 2, le crible de c r in 3, et l’em
p lo i d e là m arne com m e e n g ra is 4. Les from ages du m on t
Lozère, chez les Gabales, ceu x de Némausus, et deux es
p èces con fection n ées dans les Alpes, devinrent, par la
suite, fort rech erch és en Italie5, q u oiq u e les Italiens re
proch assent gén éralem en t aux from ages de la Gaule une
saveur trop aigre et un peu m é d icin a le 6. Les Gaulois
com posaient diverses sortes de boissons ferm entées, telles
que la bière d ’ orge, appelée ccrvisia7, la b ière de from en t
m êlée de m ie l8, l’ h y d ro m e l9, l’in fu sion de c u m in 10, etc.
L’écu m e de b ière servait de ferm en t p o u r le p a in 11 ; elle
passait aussi p ou r u n excellent cosm étiqu e, et les dam es
gauloises, q u i s’ en lavaient fréq u em m en t le visage, pen
saient par là en treten ir la fraîcheur de leur te in t12.
Quant au vin , c’ était aux com m erça n ts étrangers que
les Gaulois, et les L igu res en devaient l’ usage, et c’était
des Grecs massaliotes q u ’ils avaient appris les p rocéd és
gén éraux de sa fabrication , ainsi qu e la culture de la
vign e. La Gaule produ isait du vin de qualités fort variées.
1. Plin., vm , 48.
2. Id., xvm , 18.
3. Cribrorum généra Galli e setis equorum invenere. Id., xvm , I I .
4. Id ., xvm , 0, 7, 8.
5. Id ., x i, 49.
G. Galliarum sapor medicam enti vim obtinet. Id ., ibid.
7. Cervisia (P lin., xxn, 15), en vieux français, Cervoise. C w v (k im r .),
or (corn.). — Cf. Anthol., i, 59, epigr. 5.
8. Posidon., ap. Athen., iv, 13.
9. Diod. S ic., v, 20.
10. T outo ('O xOjuvov) eîç to tcotov È(j.ëâ)lXo'j<ji. P osidon., ap. Athen.,
. cit.
11. Plin., xvm , 7.
12. Spuma cutem feminarum in facie nutrit. Id., xxn, 25.
Autour de Massalie, il était n oir, épais, peu estim é on
lu i préférait de bea u cou p le vin blan c récolté par les
Volkes-A récom ikes, sur les coteaux de Biterræ 2. Une
cou tu m e ath én ien n e, naturalisée sur toute cette côte,
consistait à asperger de pou ssière le tron c, les tiges et le
fru it de la v ign e, p o u r accélérer la m atu rité3; si, m algré
cette p récau tion , elle restait in com p lète, on corrigeait
l’acidité de la liqu eur en y faisant infuser de la p o ix -ré
sine 4. C’était d’ord in aire par la fu m ée qu e les Gaulois
con cen traien t le vin, et ce p ro cé d é le gâtait s o u v e n t5. Les
m arch an ds italiens s’ en p la ign iren t; ils se plaignirent
aussi des falsifications qu’ on lui faisait subir en y m êlant
des in gréd ien ts et des h erbes, n om m é m e n t l’aloès, p o u r
lu i d o n n e r de la cou leu r et u n e légère a m ertu m e0. Dans
qu elqu es cantons, en p articulier dans la vallée de la
D urance, on obtenait un vin d o u x et liq u oreu x en tordant
la q u eue des grappes, et les laissant exposées sur le cep
au x p rem ières gelées de l'h iv er 7. Les anciens attribuent
à l’ industrie gauloise les tonneaux et les vases en bois
cerclés p rop res à transporter et à con serv erie v in 8.
Les m aisons, spacieuses et ron des, étaient construites
de poteaux et de claies, en deh ors et en dedans desquelles
on appliquait des cloisons en terre; une large toiture,
1. Qui quum vix equo propter ætatem posset, uti, tamen, consuetudine
Gallorum , neque ætatis excusatione in suscipienda præfoctura usus erat...
•Iirt., Bell. Gall., vin, 12.
2. K s à t o ï 8è x a i T tpo ç t o ù ; 7toXé(iOUÇ y p w v T a i x a i t o û t o i i ; ( xuct I ( î p e x T a v i -
x°'ç) xai toÏç èm/iopicn;. Strab., 1. iv, p. 199. — Canis belgicus. S il.lta l.,
x>v- 77 ; — gallicus. O v., M etam., i, v. 533. — Mart., m , epigr. 47.
H irt., Bell. Gall., vra, 1 4 .— Cæs., Bell. Gall., i, 51.
30
ou m êm e en ligne, en attendant l’instant de com b a ttre1.
Les Gaulois, com m e tous les peuples du m on d e, tuè
rent lon gtem ps leurs p rison n iers de guerre, les crucifiant
à des poteaux, les garrottant à des arbres p ou r en faire un
bu t à leurs gais e t à leurs matras, ou les livrant aux flam
m es des b û ch ers dans d’ effroyables sacrifices. Mais déjà
bien antérieurem ent au secon d siècle, ces usages bar
bares étaient abolis, et les captifs des nations transalpines
n’avaient plus à craindre que la servitude. Une autre
cou tu m e n on m oin s sauvage, celle de cou p er sur le
cham p de bataille les têtes des en n em is m orts, disparut
plus lentem ent. Il fut lon gtem ps de règle, dans toutes
les guerres, que l’arm ée victorieu se s’ em parât de ces h i
deu x troph ées ; les fantassins les plantaient à la pointe
de leurs p iq u es; les cavaliers les suspendaient par la
ch evelure au poitrail de leu rs chevaux ; et l’ expédition
rentrait ainsi en grande p om p e dans ses foyers, faisant
retentir des cris de triom p h e et des h ym n es à sa gloire *.
Chacun alors s’ em pressait de clou er à sa porte ou aux
portes de sa ville l’irrécusable tém oin de sa vaillance ; el
com m e on traitait de m êm e les anim aux féroces tués à
la chasse 3, un village gaulois ne ressem blait pas mal à
un charnier. E m baum ées et soign eu sem en t enduites
d’h uile de cèdre, les têtes des chefs en n em is et des g u er
riers fam eux étaient déposées dans de grands coffres, au
fon d desquels le possesseur les rangeait par ordre de date4;
1. Eîffl xai Tatç çwvaïç p a p u le ??, xai TcavxEXw; Tpa/Oipwvot. Diod. Sic.,
v , 31.
2. Katà t a ; éjuXCaç Ppa/uXofoi xai aîv'.vij.cmat, xai rà itoXXà aïvirtô-
[jxvoi <nivsx8oxw2>Ç> noXXà 8è XéyûVTeç èv OitepëoXaïi;... Id ., ibid.
3. ’AraiXïi'rai, x a i à v a T a x t x o i , x a i x e T p a y o ï S r i i i é v o i Ù T t â p x o v a i - xaïç 8è Sia-
voiai4 0 ?eîç, xai vepôç |iâOr)<nv oùx àçueïç. Id., ibid. *
« saie, assez grand p o u r que le reste lui devînt in u tile 1. »
On accusait gén éralem en t les Gaulois d’ un m alheu
reu x p en ch a n t à l’ iv rog n erie, p en chan t qu i prenait sa
sou rce à la fois dans la grossièreté des m œ urs et dans les
b esoin s d’ un clim at h u m id e et froid. Les m archands ita
lien s, et surtout les Massaliotes, avaient grand soin d ’en
tretenir ce vice afin de l’ exploiter. Des cargaisons de vin
p én étraien t dans les recoin s les plus recu lés du pays, au
m oyen des fleuves et des rivières affluentes, et ensuite
p a r te r r e sur des ch a rio ts2; de distance en distance se
trou vaien t des entrepôts de traite; les Gaulois a cco u
raient de tous côtés p o u r éch a n ger contre le p récieu x
breu vage leurs m étaux, leurs pelleteries, leurs grains,
leurs bestiaux, leurs esclaves. Ce co m m erce était si p ro
d u ctif aux traitants, que souvent un je u n e esclave ne leur
coûtait qu’ u ne cru ch e de vin : « p o u r la liqu eur, dit un his-
« torien , on avait l’é ch a n s o n 3 : » aussi n ’ était-il pas rare
de ren con trer sur les ch em in s des Gaulois ivres m orts ou
ivres fu rie u x 4. Cependant, vers le p rem ier siècle, ce vice
ne se rem arquait plus, à ce degré de brutalité, que dans
les classes inférieures, du m oin s p arm i les nations du
m id i et de l’est. Le lecteu r peut se rappeler com b ien de
défaites sanglantes avait attirées jadis aux arm ées gau
loises l’in tem pérance des soldats et des chefs, et com bien
d e fois elle avait neutralisé le fruil :!n leurs victoires. Les
1 . Te),£'JTatov Sà à ç a t p e ï t o ü c à v o u t o g o ü t o v , ô a o v â)(pvi<rtov n o l i s a i xè
),o(7tôv. Strab., 1. iv, p. 197.
2. Aià (j.èv t w v wv m )T a (j.ü > v T Ù o io i;, Sià 6è TŸjç t o S i â ô o ; x “ Pa î>
x o jju Ç o v te ; tè v ôîvov, àvTiXafJtëtxvoucri Tt[XŸjç TrJ.rjOoç S t i i t t o v . D io d .
S ic., v, 20.
3. A iS ô v t e ; f à p oïvou x E p â | u o v àvti}.a[i.6âvov<n r a û ô a , t o ü 7tô(j.axo; 5t«-
xovov à(j.etëô(j.evot. Id ., ibid.
4. MeôvaûévTeç sîç vrcvov î| (/.aviwSetç SiaOéyet; Tpenovrai, Id ., ibid.
n om breu ses guerres qu i von t suivre ne présenteront pas
un seul fait de cette nature ; nouvelle preuve d’un per
fection n em en t notable dans l’état m oral de la ra ce, à
l’ époque don t n ous n ous occu p on s.
Le lait et la ch air des anim aux sauvages ou dom es
tiques, surtout la chair de p o r c fraîche et sa lé e1, for
m aient la p rin cipale n ourritu re de ces peuplades. Il nous
est resté des repas des Gaulois u n e description curieuse
tracée de la m ain d’ un h o m m e qu i souvent s’ assit à leurs
tables, et souvent aussi dut les intéresser par son savoir,
ou les divertir par le récit de ses aventures variées :
nous vou lon s parler de P osidonius.
« Autour d’ une table fort basse, dit le célèbre voyageur,
« on trouve disposées par ordre des bottes de foin ou de
« paille : ce sont les sièges des convives. Les mets co n -
« sistent d’ habitude en un p eu de pain et beau coup de
« viande bou illie, grillée, ou rôtie à la b roch e : le tout
« servi p rop rem en t dans des plats de terre ou de bois
« chez les pauvres, d’argent ou de cuivre chez les rich es.
« Quand le service est prêt, ch acun fait ch oix de quelque
« m em b re entier de l’anim al, le saisit à deu x m ains, et
« m ange en m ordant à m ê m e ; on dirait un repas de
« lio n s 2. Si le m orceau est trop dur, on le d ép èce avec
« u n petit couteau don t la gaîne est attachée au fourreau
« du sabre. On b oit à la ron de dans un seul vase en terre
« ou en métal, qu e les serviteurs fon t c ircu le r; on boit
« p eu ù la l'ois, mais en y revenant fréqu em m en t. Les
« rich es on t du vin d’ Italie et de Gaule, qu’ ils pren nen t
« p u r ou légèrem en t trem pé d’ eau ; la boisson des pan-
Twat tive; elat, xai tivlov XPE^av “Xr/JCT-- Diod. Sic., v, 28.
4. Est autem hoc gallicæ consuetudinis, ut et viatores etiam invitos
« Après des repas cop ieu x , con tin u e le voyageur que
« n ous ven on s de citer, les Gaulois aim ent à pren dre les
« arm es et à se p rov oq u er m u tu ellem en t à des duels
« sim ulés. D’abord, ce n ’est q u ’ un je u , ils attaquent et se
« défen den t du b ou t des m a in s; mais leur arrive-t-il de
« se blesser, la colère les g a g n e; ils se battent alors p o u r
« tout de bon , avec un tel acharnem ent, que, si l’ on ne
« s’ em pressait de les séparer, l’ un des deux resterait sur
« la place. Il était d’ usage autrefois qu e la cuisse des
« anim aux servis sur la table appartînt au plus brave, ou
« du m oins à celu i q u i se prétendait tel ; si qu elqu ’ un osait
« la lu i disputer, il en résultait un duel à o u tra n ce 1. »
Ils poussaient si loin le m épris de la m ort et l’ ostentation
du cou rage, qu ’ on en voyait s’ en gager p o u r telle som m e
d’ argent ou p ou r tant de m esures de vin à se laisser tuer :
m ontés sur u n e estrade, ils distribuaient la liqu eu r ou
l’ or entre leurs plus ch ers am is, se cou ch aien t sur leurs
bou cliers, et tendaient sans sou rciller la g orge au f e r 2.
D’aulüres, de p eu r de sem bler fu ir, se faisaient un p oin t
d’ h on n eu r de rester sous leurs toits crou lan ts, et de ne se
retirer ni devant l’in cen d ie, ni devant le flux de l’ Océan,
ni devant le débord em en t des fleu ves3. C’ était à ces
folles bravades qu e les Gaulois devaient leu r fabuleux re
n om de race im p ie, en guerre déclarée avec la nature,
1. . . . R é g it id e m sp iritu s a rtu s
Orbe alio : lo n g æ (c a n itis s i c o g n it a ) v itæ
M o r s m e d ia est. L u ca n ., P h a r s ., i, v. 456
— Y ita m a lt e r a m ad mânes . M ê l a , m , 8-.
xotüjv à v a y v w a o jx é v w v r a u r a ç . D i o d . S i c . , v , 2 8 .
faisait é g org er u n certain n om b re de ses clients et les
esclaves qu’ il avait le plus aim és 1 ; on les brûlait ou on
les enterrait à ses côtés, ainsi que son cheval de bataille,
ses arm es et ses parures, afin que le défunt pû t paraître
con ven ablem en t dans l’autre vie et y con server le rang
d on t il jouissait dans celle-ci. La fo i des Gaulois en ce
m on d e à v en ir était si ardente et si ferm e qu’ ils y ren
voyaient souvent la d écision de leurs affaires d’ intérêt;
souvent aussi ils se prêtaient m utuellem ent de l’argent
payable après leur co m m u n décès 2.
Ces deu x notion s com b in ées de la m étem psycose et
d’ u n e vie future form aient la base du système p h iloso
p h iq u e et religieu x des dru id es; m ais leu r scien ce ne se
bornait p a s là. I l s prétendaient c o n n a î t r e la nature des
choses, l’ essence et la puissance des dieux, ainsi que
leu r m od e d ’aclion sur le m on d e, la grandeur de l’ u ni
vers, celle de la terre, la form e et les m ouvem ents des
astres, la vertu des plantes, les forces occu ltes qui chan
gent l’ordre naturel et dévoilent l’ avenir : en un m ot, ils
étaient m étaphysiciens, physiciens, astronom es, m éde
cins, sorciers et d e v in s 3.
M alheureusem ent p o u r l’ histoire, rien n’est resté de
toutes ces discussions m étaphysiques qui agitaient si vi
vem en t les prêtres de la Gaule dans leurs solitudes. Le
peu que n ous savons de leur astron om ie fait pen ser q u ’ils
1 . B a s - r e l ie f d ’A u t u n . — M o n t fa u o o n , A n t iq u it é d é v o ilé e .
2. Ob eam causam (q u od a Dite pâtre sint prognati) spatia omnis
tem poris, non numéro dierum , sed noctium finiunt : dies natales et
m ensium et annorum initia sic observant, ut noctem dies subsequatur.
Cæs., Bell. Gall., vi, 18.
3. P lin ., xxiv, 11. — On croit que le samolus est la plante aquatique
que nous nommons mouron d’eau.
de pain et de vin ; on partait nu-pieds, habillé de b la n c :
sitôt q u ’on avait aperçu la plante, on se baissait com m e
par hasard; et, glissant sa m ain droite sous son bras gau
ch e, on l’arrachait sans jam ais em p loyer le fer, pu is on
l’ enveloppait d’ un lin ge qu i ne devait servir q u ’ une fois *.
C’était un autre cérém on ial p o u r la verveine, très-esti-
m ée co m m e rem ède souverain contre les m aux de tête.
Mais, de tous les spécifiques de la m éd ecin e druidique,
au cun ne pouvait être m is en parallèle avec le fam eux
gui de ch ên e; il réunissait à lui seul plus de vertus que
tous les autres ensem ble, et son n om exprim ait l’éten
due de son efficacité : les druides l’appelaient d’ un m ot
qu i signifiait guèrit-tout2.
Le gui est u n e plante vivace et ligneuse qui ne croît
p oin t dans la terre, m ais sur les branches des arbres, où
elle sem ble greffée ; elle y végète dans toutes les saisons,
et s’y n ou rrit de leu r séve par ses racines fixées dans leur
éco rce . Ses fleurs, taillées en cloch e, jaunes et ramassées
par bouquets, paraissent à la fin de l’hiver, en février ou
en mars, quand les forêts sont e n core dépouillées de
feuilles : elles produ isen t de petites baies ovales, m olles
et blanches, qu i m ûrissent en autom ne. Le gui se trouve
co m m u n ém en t sur le p o m m ie r, le p o irie r, le tilleul,
l’ orm e, le frên e, le peu plier, le noyer, etc., rarem ent sur
le ch ê n e, dont ses radicules on t p ein e à pén étrer l’ é c o r c e 3.
1. P lin ., x xiv, i l .
2. Omnia sanantem appellantes suo vocabulo. Id., ibid.
3. Est autem id rarum admodum inventu. P lin., xvi, 44. — M. D e-
candolle, qui a beaucoup herborisé en France et dans les pays voisins,
n’ a jam ais rencontré le gui de chêne. L ’auteur de l ’article gui, dans le
Dictionnaire des sciences medicales, énonce l’avoir vu une seule fois.
Duhamel le croyait plus comm un. ( Valmont-Bomare, Dict. d’hist. nat.,
t. III.)
A cette rareté qui avait mis en grand crédit le gui né
sur cet arbre, se joig n a it la vénération don t le ch ên e lui-
m êm e était l’o b je t; car les druides habitaient des forêts
de chênes et n ’accom plissaien t au cun sacrifice où le
ch ên e ne fig u r â t1. Ils croyaient qu’ il était sem é du ciel
par u ne m ain d iv in e 2. L’ u n ion de leu r arbre sacré avec
u n e plante dont la verdure perpétuelle rappelait l’ éter
nité du m on de, était à leurs yeux un sym bole q u i a jou
tait aux propriétés naturelles du gu i des propriétés o c
cultes. On le ch erch ait avec soin dans les forêts; et
lorsqu ’ on l’ avait tro u v é , les prêtres se rassem blaient
p o u r l’aller cu eillir en grande p om p e. Cette cérém on ie
se pratiquait en hiver, à l’ ép oq u e de la floraison, lorsqu e
la plante est le plus visib le, et qu e ses lon gs ram eaux
verts, ses feuilles et les touffes jau n es de ses fleurs, en
lacés à l’ arbre d ép ouillé, présentent seuls l’im age de la
vie au m ilieu d’ une nature stérile et m o r t e 3.
C’ était le sixièm e jo u r de la lu n e que le gu i devait
être cou p é, et il devait tom ber, n on pas sous le fer, mais
sous le tranchant d’ une faucille d’or. Une fou le im m en se
accou rait de toutes parts p o u r assister à la fête, et les ap
prêts d ’un grand sacrifice et d’ un grand festin étaient
faits sous le ch êne p rivilégié. A l’instant m arqué, un
druide en robe b la n ch e m ontait sur l’arbre, la serpe
d ’o r à la m ain, et tranchait la racine de la plante, que
d’ autres druides recevaient dans une saie blan ch e, car
1. ’Ev Sà t w (ixsavtj) çaircv eîvat vŸjaov [iix p à v, où uàvu neXayiocv, itp oxst-
|jivY|V TÎjç èxëoXîii; toü A e ifr ip o ; TO Tafioir olxEÎv 8è toûtïiv T a ; tû v Sap.vtTwv
( NafJivtTWv) y u v a tx a ç ... S t r a b ., 1. i v , p . 1 9 8 .
1. H i c c h o r u s in g e n s
F e m in e i cœ t u s p u lc b r i c o l i t o r g ia B a c c h i. '
A v ie n ., D e s c r ip t . o r b is , v. 751-752
— Dionys. Perieg., v. 505 et seqq.
2. e lv a i v r js o v T tp ô; T ï, R p e n a v u r ç ), x a O 1 rjv i> a ü ia t o ïç cv EaiioO pâxij)
1. Neque sæpe accidit ut, neglecta quispiam religione, aut capta apud
se occultare, aut posita tollere auderet. Cæs., Bell. Gall., vr, 17. — Diod.
S ic., v, 27. — Strab., 1. îv, p. 188.
2. Où<jrceiç. Strab., 1. iv, p. 197. — Eubages, ou plutôt Eubates.
Amm. Marc., xv, 9. — Dans les traditions galloises, Ovydd. Ar-
chæolog. of. W a l., passim. — W . Owen, Pref. o f Llywarç. H en., p. 21
et suiv.
3. Bardi, BâpSot, Bard (gael.), Bardd (kim r.), Bars (arm or.). —
Bardus gallice cantor appellatur. Fest. Epit.
4. Druides, Apuîfiat, Drysidœ : Derwydd, Dervyddon, en langue kim
rique. Derw (k im r.), Deru (arm or.), Dair (gael.) : chêne. Diodore de
Sicile traduit en grec le m ot Druides par Eap<<>v£5a;, qui signifie aussi
hommes des chênes.
rêts de c h ê n e s 1. Ils form aient la classe supérieure et sa
vante de l’ord re ; car l’étude des hautes sciences reli
gieuses et civiles, de la th éolog ie, de la m orale, de la
législation, leur était dévolue e x c lu s iv e m e n t2. L’ éduca
tion p u bliqu e form ait aussi u n e partie de leurs attribu
tions, et n’ en était pas la m oin s im portante. L eur en -
seign em en t, tou t verbal, était rédigé en vers p o u r q u ’ il se
gravât m ieu x dans la m ém oire. Ils n’écrivaient rien , ou
du m oin s lorsque, par suite des relations com m erciales
avec Massalie, l’ usage des caractères grecs fut devenu
com m u n dans la G a u le 3, ils ne perm iren t pas aux p ro
fanes de rien écrire de ce q u ’ ils enseignaient.
Les ovales étaient chargés de la partie extérieure et
m atérielle du culte et de la célébration des sacrifices. En
cette qualité, ils étudiaient spécialem ent les scien ces na
turelles appliquées à la religion : l’ astronom ie, la divina
tion par les oiseaux et par lès entrailles des victim es,
la m é d e cin e ; en un m ot, ce que les Grecs entendaient
sous le n om de physiologie4. Us vivaient dans la société,
d on t ils dirigeaient en grande partie lés m ouvem en ts.
Au sein des villes, à la co u r des chefs, à la suite des ar
fouai. Diod. Sic., loc. cit. — Eubates vero scrutantes seriem et sublimia
naturæ pandere conabantur. Amm. Marc, xv, 9 . — Pbysiologiam Græci
appellant. C ic., de Divinat., i.
m ées, dans toutes les circonstances de la vie, ils im p o
saient la volon té du corps puissant dont ils étaient les
in terprètes : au cun e cérém on ie p u bliqu e ou privée, au
cun acte civil ou religieu x ne pouvait s’a cco m p lir sans
leur m inistère.
Le troisièm e et d ern ier degré du sacerdoce com p re
nait les bardes, qui étaient les poëtes sacrés et profanes
de la G a u le1. C om m e les ovates, ils m en aien t la vie sé
cu lière ; leur m inistère était tout d’in stru ction et de plai
s ir : c’ étaient eux qui récitaient dans les assem blées du
peu ple les traditions nationales, au foyer du ch e f les tra
ditions de la fam ille ; eux qu i anim aient les guerriers sur
1 ; cham p de bataille, célébraient leur gloire après le suc
cès, et distribu aien t à tou s le blâm e et l’ éloge, avec une
liberté que pouvait seule donner un caractère inviolable2.
Aussi l’ autorité de leurs paroles était grande et i’ efl'et de
leurs vers tout-puissant sur les âm es. Souvent on les vit,
dans les guerres intestines de la Gaule, désarm er, par
leur seule intervention, des com battants fu rieu x, et ar
rêter l’ effusion du s a n g 3 : à l’ h arm on ie touchante de
leurs lyres, disait un écrivain de l’antiquité, les pas
sions les plus sauvages s’apaisent, com m e les bêtes fé
roces au charm e du m agicien ’ . En chantant, ils s’ ac
com pagn aien t sur un instrum ent appelé rotte, q u i avait
1. BâpSoi u|avï)tk1 xai tcoiyitki. Strab., 1. îv, p. 197. — Diod. Sic., v, 31.
— Posidon., ap. Athen., iv, 13. — Lucan., i, v. 449.
2. Fortia virorum illustrium facta... cantitant. Amm, M arc.,xv , 9 .—
Diod. S ic., v , 31.
V o s q u o q u e q u i fo r te s a n im a s b e ll o q u e p e r e m p ta s
L a u d ib u s in lo n g u m , v a t e s , d im ittitis æ v u m ,
P lu r im a , s e c u r i , fu d is tis c a r m in a , b a r d i.
L u c a n ., i , v . 4 47 -4 49 .
3. Diod. Sic., v, 31. — Strab., 1. iv, p. 197.
4. "Qa-Tivip xtvà ÔYjpia xaTSTîaaavTE;, Diod. Sic., v, 31.
b eau cou p de ressem blance avec la lyre des Hellènes K
L’ ordre des druides était électif, et com m e il possé
dait le m on op ole de l’ éducation, il pouvait à loisir se
form er des adeptes au m oyen desquels il se recrutait.
Le tem ps du noviciat, m êlé de sévères épreuves, et passé
dans la solitude au fon d des b ois ou dans les cavernes
des m ontagnes, durait quelquefois vingt ans ; car il fal
lait apprendre de m ém oire cette im m en se en cyclop éd ie
poétiqu e qui contenait la scien ce du sacerdoce 2. Cha
cu n e des deu x classes in férieu res de la h iérarch ie étu
diait la partie relative à son m inistère; m ais le druide
devait tout savoir. Un druide suprêm e ou grand pontife,
investi, p o u r toute sa vie, d’ u ne autorité absolue, veillait
au m aintien de l’ in stitu tion ; à sa m ort, il était rem placé
par le druide le plus élevé en dignité après lui ; s’ il se
trouvait plusieurs prétendants dont les litres fussent
égaux, l’ ordre p ron on ça it, en conseil général, à la p lu
ralité des voix. 11 n ’était pas sans exem ple que ces élec
tions se term inassent par la v iolen ce ; les candidats ri
vaux déployaient, ch acun de son côté, l’élendard de la
gu erre civile, et l’ épée d é c id a it3. Les druides se for
m aient, à certaines époques de l’année, en c o u r de ju s-
lice. Là se rendaient ceux qui avaient des différends;
on y conduisait aussi les prévenus de crim es et de dé
1. ’ Opyava Taïç W pai; 8|Mia. Diod. Sic., v , 31. — Chrotta britanna ca-
nat. Fortunat., carm. v u , 8. — Cruit (gael.), Crwdd (kimr.). — On ap
pelait rotte, dans le moyen âge, une espèce de vielle dont les ménestrels
se servaient.
2. Magnum ibi numerum versuum discere' dicuntur : itaque annos
nonnulli vicenos in disciplina permanent. Cæs., Bell. Gall., vi, 14. — In
specu, aut in abditis saltibus. Mêla, n i, 2.
3. Hoc mortuo, si quis ex reliquis excellît dignitate, succedit ; at si
sunt plures pares, suffragio druidum deligitur, nonnunquam etiam de
principatu srmis contendunt. Cæs., Bell, Gall., vj, 13.
lits ; les questions de m eurtre et de vol, les contesta
tions sur les héritages, sur les lim ites des p ro p rié té s, en
un m ot, toutes les affaires d’intérêt général et privé,
étaient soum ises à leur arbitrage. Ils infligeaient des
peines, Axaient des d éd om m agem en ts, octroyaient des
ré c o m p e n s e s l . La plus solennelle de ces assem blées se
tenait une fois l’ an sur le territoire des Carnutes, dans
un lieu consacré qui passait p o u r être le p oin t central
de toute la G aule; on y accourait avec em pressem ent
des provin ces les plus é lo ig n é e s 2.
Qu’ on s’ im agin e m aintenant quel despotism e pouvait
et devait exercer sur un e nation superstitieuse cette caste
d’ h om m es dépositaires de tout savoir, auteurs et inter
prètes de toute loi divine et h u m ain e, rém unérateurs,
ju g es et bou rreau x ; en partie répandus dans la vie ci
vile, d on t ils épiaient et obsédaient toutes les acLions, en
partie cachés aux regards dans de som bres retraites, d’ où
partaient leurs arrêts sans appel. Malheur à qui m é co n
naissait ces arrêts redoutables ! Son exclu sion des choses
saintes était p r o n o n c é e ; il était signalé à l ’h orreu r pu
blique com m e un sacrilège et un in fâ m e; ses proch es
l’a b a n d on n a ien t; sa seule p résen ce eût co m m u n iq u é ie
mal con tagieu x qu’ il traînait à sa suite ; on pouvait im
p u n ém en t le dépouiller, le frapper, le tuer, car il n ’exis
tait plus p ou r lu i ni pitié ni ju s t ic e 3. Aucune con sidéra-
1. In hos eadem omnia sunt jura quæ dom inis in servos. Cæs., Bell.
Gall., Vi, 13. — Ambacti, clicntesque. Id., ib id ., 15.
‘2. Plurimos circum se ambactos clientesque liabent ; hanc unam gra-
tiam potentiamque noverunt. Id ., vi, 1 5 .— Factionum principes sunt,
qui summam auctoritatem eorum ju dicio habere existimantur, quorum
ad arbitrium judicium que summa omnium rerum consiliorum que redcat.
Id., ib id ., I I .
3. Id., ibid.
com m e on peut d’avance le p rév oir, et co m m e le m o n
trera la suite de cette h istoire, elle m it en péril la liberté
gauloise q u ’ elle avait été appelée à soutenir.
11 paraît que le sacerdoce ne resta pas neutre et inac
tif en face de cette révolu tion , qu i pouvait lui rendre
qu elqu e ch ose de son autorité passée, ou du m oins le
ven ger de ses en n em is. Dans plusieurs cités, il favorisa
efficacem en t la causedu peu ple, et s’ en trouva bien : quel
ques constitutions adm irent les prêtres parm i les pou voirs
de la cité avec des prérogatives plus ou m oin s grandes.
Ce serait ici le lieu de n ous étendre sur la com b in a i
son des pouvoirs politiques dans les nouveaux gou ver
n e m e n t s , sur l e u r s b a l a n c e m e n t s et l e u r s luttes ; m ais le
détail des événem ents historiques exposera tout ce m é
canism e d’ une m anière à la fois plus claire et plus vi
vante. Nous ferons seu lem en t pressentir un fait. Les
constitutions sorties de la révolu tion populaire ne p or
tèrent p o in t un caractère u n ifo r m e ; variées presque à
l’in fin i d’ une cité à l’autre, par des circonstances parti
culières et locales, elles ne se ressem blèrent qu e par le
p rin cip e : toutes invariablem ent reposèrent sur le droit
de libre élection. Malgré cette m ultiplicité d é fo r m é s , on
;unir toutes sous trois classes générales :
vern em en t des notables1 et des prêtres form és
en sénat, n om m an t un ju ge ou Verÿobr&L*, investi du droit
de vie et de m ort sur tous les citoyens 3. Ce qui con tre
balançait cette dictature redoutable, c’est que le V ergo-
bret était a n n u e l4 ; q u ’ il ne pouvait pas sortir des lim ites
1. Ubi m ajor atque illustrior incidit res, clamore per agros regiones*
que significant, liunc alii deinceps excipiunt et proxim is tradunt. Cæs.,
Bell. Gall., vu, 3.
2. Quæ Genabi oriente sole gesta essent, ante primam confectam
vigiliam, in finibus Arvernorum audita sunt : quod spatium est m iliiu m
passuum circiter c l x . Id., ibid.
tron age des S ég ob rig es; puis ses guerres, ses dangers,
sa ru in e im m in en te, au m om en t où Bellovèse et la troupe
q u ’ il conduisait arrivèrent sur les bords de la D u ra n ce 1,
et com m en t leur assistance la sauva 2. A partir de cette
ép oqu e, les L igures, plus inquiets et plus occu p és des
bouleversem ents qui agitaient l’in térieu r de la Gaule
que de l’ existence de la petite ville grecqu e, la laissèrent
vivre et se relever en plein e sécurité.
Tandis que, dans u n recoin d’ une terre sauvage et
loin tain e, les colon s p h océen s éprouvaient ces alterna
tives de b on h eu r et de revers, leur m étropole, à l’autre
bou t de la M éditerranée, se voyait réduite aux plus ex
trêm es périls : Cyrus, ro i de Perse, con quéran t d ’une
partie de l’Asie-M ineure, faisait assiéger P h océe par Har-
pagus, un de ses lieutenants. Une résistance lon g u e et
h éroïqu e, tout en couvrant de gloire les assiégés, épuisa
enfin leurs dernières ressou rces; ils parlèrent alors de
se ren dre, et p o u r e x a m in e r , disaient-ils, les con d ition s
qu ’ Harpagus prétendait leur im poser, ils dem andèrent
et obtinren t u n e trêve de quelques h eures. Mais ce n ’é
tait p oin t réellem en t p o u r un tel acte, h on teu x à leurs
yeux, qu ’ ils sollicitaient u n e suspension d’ arm es; et la
capitulation n’était qu’ un prétexte. Profitant de ce peu
d ’heures, ils tirèrent, à la liâte, des arsenaux et des han
gars, tou s leurs navires, les m iren t à flot, y transpor
tèrent leurs m eubles, leurs vivres, leurs fam illes, leurs
dieu x, et levèrent l’ancre. Quand les Perses im patients,
voyant la trêve expirée, rom p iren t les portes et se pré-
l ipitèrent dans la ville, ils ne trouvèrent plus que des
rues solitaires et des m aisons désertes et dépouillées
L â b o s e t o lim co n d it o r u m d ilig e n s
r-orm a m lo c o r u m a tq u e a rv a n a tu ra lia
E v ic it a r t e ...
Avieu-, Ora marit., v. ÏOO )f. -joqq
2. Civitas pene insula est. Avien., Ora. m arit,, v. 098, — Solis md
passibus terræ cohæret. Eum en., Paneg. Constant., 19.
3. Firmissimus et turribus frequens murus. E u m 9n .,loc. cit. -Vallis
altissima. Cæ s ., Bell, civ il., ir, I .
4. Cæs., Bell, civil., n, 1 et seqq. — Strab., 1. lv , p. 119.
5. Munîtissimo accincta portu in quem angusto aditu mediterraneua
refluit sinus. Eum en., Paneg. Constantin., 19. — 0-,acrpoeifeï Tcéxp<». Strab.,
1. iv, p. 179.
6. Newaoixot xat <5tc),o0ïijc-/). Strab., I. iv, p. 180.
7. Massiliæ animadverterepossum us sine tegu 1is,‘uibactacyitn palcis
terra, tecta. Vitruv., i, 1.
sacrés le m arbre et une espèce de tuile qu’ ils savaient
fabriquer, d’u n e légèreté si éton n a n te, q u e , plongée
dans l’eau, elle surnageait et flottait*.
Massalie fut gou vernée d’ abord par u n e aristocratie
h é ré d ita ire , peu n om breu se et a b s o lu e , en d’autres
term es, par une oligarchieï . Ces fam illes souveraines
étaient issu es, à ce q u ’il paraît, des fondateurs et des
p rem iers habitants de la c o lo n ie ; les P rotiad es, une
d’ entre elles, rem on taient à P rotis, fils d’ Euxène et de
la Gauloise Aristoxène ou P etta 3. Cette form e de gou
vern em en t ne subsista pas lon gtem ps. La paix extérieure
et le c o m m e rce , en enrichissant un grand n om b re de
citoyens, am enèrent u n e révolu tion. L’ oligarchie dépos
sédée fit place à u ne aristocratie fon d ée sur le ce n s, à
une tim ocralie; ou, p o u r parler plus exactem ent, il y eut
eom prom is et alliance entre la puissance fon d ée sur des
droits héréditaires et celle de la fortune. Prem ièrem ent,
.es fam illes possédant un certain revenu ob tinren t l’ac-
îession de leurs aînés aux charges et dignités p u bliqu es;
ensuite elles l’ exigèren t p o u r leurs seconds fils4. Dans
tout cela , il ne fut p oin t question du p eu ple, dont les
droits et l’autorité restèrent sous la tim ocratie ce qu’ ils
étaient avant elle, c’est-à-dire com plètem en t nuls. « Bien
« q u ’à Massalie la puissance des notables citoyens soit
« équitable et d ou ce, écrivait C icéron dans le plus cé-
causas Sexcentis exbibuit, propter quas mors sit illi expetenda. Val.
M m ., n , 6.
K gc>.ôv to K yjwv v6[xiîj.6v <ï»avicc,
'O |iï) o\jvâ[X£voç Çîjv xa),wç, où l7] xaxwî.
Menandr. Fragm. — La même loi ütait aussi en vigueur dans l’Ile de
Céos, du temps de Valère-Maxime (n, 7).
2. Val. Max., u , 7.
3. Id., il, 9.
4. Festis diebus portas claudere, vigilias agere, stationem in mûris
observare, peregrinos recognoscere, curas habere, ac veluti bellu.-n ha-
beant, sic urbein pacis temporibus custodire. Just., x l iii , 4.
S ég ob rig es1. Ce qu i est certain, c’est que de telles pré
cautions n ’avaient rien de superflu dans le voisinage de
tant de tribus belliqu eu ses et en nem ies, don t les IVlassa-
liotes avaient tou jou rs à craindre qu elqu es surprises.
La loi con cern a n t les affranchissem ents était peu h u
m aine, et laissait au m aître un droit presque in d éfin i sur
l’ esclave libéré. On pouvait révoqu er ju sq u ’à trois fois
successives la liberté qu’ on avait con céd ée à son esclave,
sous prétexte qu ’ on s’ était trom p é ou que celu i-ci m an
quait de reconnaissance. La quatrièm e m an u m ission
était pourtant ir r é v o c a b le , m o i n s , il est v r a i, p ou r
que la con d ition du m alheu reu x affranchi fût enfin
garantie, que p ou r châtier le maître de son inconstance
ou de son irré fle x io n 2.
Les Massaliotes se recom m a n d a ien t gén éralem en t par
un caractère affable, une vie tem pérante, des m œ urs
h onnêtes et graves. L’am itié était à leurs yeux la pre
m ière des vertus. Pendant longtem ps une loi som ptuaire
lixa à cent écus d’ o r la dot la plus rich e et à cin q la plus
rich e parure d ’ une fe m m e 3. Les fem m es ne buvaient
pas de v in 4. Les spectacles des m im es étaient sévèrem ent
p roscrits5 com m e p ern icieu x à la m orale. Avec n on m oins
de rigu eu r on repoussait ces m agicien s et ces prêtres
m endiants qui, p o u r n ous servir des paroles d ’un écri-
1. Just., xuii, 5.
2. Meursii Græc. fer. — Otf. M üller., Orchom ., p. 106 et seqq. —
Id ., Dorier, t. I, p. 326 et seqq. — Tzetz., Chiliad., v , 25.
3. Massilienses quoties peste laborabant, unus ex pauperibus se offe-
rebat, alendus anno integro publicis et purioribus cibis. Hic postea, or-
natus verbenis et vestibus sacris, circumducebatur per totam civitatem
cum execrationibus ut in eum recidereut mala civitatis : et sic de rupo
projiciebatur. Petron., Satyr., ad fin.
4. P lin., iv, 1. — Just., x u ii. — Consult. les inscriptions et les mon
naies massaliotes.
5. W o lf., Proleg. in Hom er., p. clxxv.
au titre de véritable patrie du grand poëte. Les sciences
exactes et d ’observation, les m athém atiques, l’astrono
m ie , la p h ysiqu e, la g éog ra p h ie, la m éd ecin e, y furent
cultivées avec autant d’ éclat q u ’en aucun lieu de la Grèce.
Le Massaliote Pythéas, con tem p orain d’Alexandre, déter
m ina la latitude de sa ville natale d’après l’ om b re du
g n o m o n , et l’exactitude de ses calculs a surpris les
savants m od ern es1. 11 fut aussi le p rem ier qui constata
la relation des m arées avec les phases de la lu n e. O bscur
en core et sans fo r tu n e , P yth éas, par son infatigable
persévéran ce, trouva le m oyen d ’a cco m p lir un voyage
p rod ig ieu x p o u r son tem ps : il parcou rut dans toute leur
lon g u eu r les côtes orientale et occiden tale de l’ Europe,
depuis l’em b ou ch u re du Tanaïs dans la m er Noire, ju s
qu’ à la presqu’île Scandinave dans l’océan du Nord. Il
est vrai que des récits exagérés, fruit d’ une im agination
qu i s’ enivrait de ses p ropres découvertes, ou qui, brû
lant de tout con naître et de tou t expliquer, tantôt ac
cueillait des contes popu laires, tantôt s’ égarait dans des
hypothèses trop h a rd ie s, décréditèren t chez les anciens
les travaux et le n om de Pythéas2 : mais ceu x m ôm es qui
le p ou rsuiviren t avec le plus d ’am ertum e ne pu rent
s’ em p êch er de reconnaître son m érite et se parèrent
sans scru pule de ses dépouilles. La scien ce géographiqu e
a u jou rd ’h u i lu i ren d plus de ju stice. Il avait com p osé
un Périple du monde, et un Livre sur l’Océan; ces ouvrages
2 . IIoXùç 8 è x a i ( x a a a i T e p o ç ) e x t y j ç B p e T T a v t x r j ; v i f a o v 8 ia x o [ x iÇ e T a i 7 r p o ;
t 9]v x a T a v T t x p ù x e i jx é v r jv T a X a ita v , x a i âià t y ) ç ^ e f f o y e i o u K eX T iX Y jç.& p ’ Ï t o k o v
U 7to t w v â[X7r6pa)v ày£Tai r c a p à t o ù ç M aaaaXicoTaç. Diod. Sic., v , 3 8 . — I l o -
peuOsvTeç ^(J-épaç w ç T p iàxov T a... I d . , v , 22 .
P l a i n t e s d e s M a s s a l io t e s au sén at d e R o m e co n tre le s L ig u r e s O x y b e s et
D é c é a t e s ; p r e m iè r e g u e rr e d e s R o m a in s da n s la G a u le tra n sa lp in e. —
N o u v e lle s p la in te s d es M a ss a liotes a u s u je t d e s L ig u r e s -S a ly e s ; C . S ex tiu s
so u m e t u n e p a r tie d e la L ig u r ie cisr h o d a n e ; fo n d a tio n d e la v ille d ’Eaux-
Sextiennes; c o m m e n c e m e n t d e la fra tern ité d e s É d u es a v e c les R o m a in s .—
L ig u e d é fe n s iv e d es A llo b r o g e s e t d es A r v e r n e s c o n tr e R o m e . — L e s A llo -
b r o g e s so n t v a in cu s p a r C n. D o m it iu s , le s A r v e r n e s p a r Q . F a b iu s M a x i-
m u s. — D o m itiu s s ’ em p a re d u r o i B itu it p a r tra h ison . — É ta b lis sem en t
d 'u n e province romaine tra n sa lp in e . — T ro p h é e s d e D o m itiu s et d e F a b iu s
d a n s la G a u le ; le u r t rio m p h e à R o m e . — A c c r o is s e m e n t p r o g r e s s if d e la
p r o v in c e . — L e s R o m a in s s ’ e m p a re n t d e s r o u te s d e s A l p e s ; h é r o ïs m e d e la
n a tio n d e s S tœ n e s . — D é fa ite d e C . C a ton p a r les S co r d is q u e s . — C rassus
c o n d u it u n e c o l o n ie r o m a in e à N a rb o n n e . — O rg a n isa tio n d ’u n e p r o v in ce
rom a in e .
L’an 154 avant notre ère, les em piétem ents des Mas
saliotes sur la rive droite du Var soulevèrent les Ligures
Oxybes et Décéates à qui ce pays appartenait : ils inves
tirent Antipolis et Nicæa ; et, com m e ils étaient en force,
le siège m archa vivem ent. Les deux villes allaient suc
com b er, lorsque Massalie envoya à Rom e des ambassa
deurs p ou r se plaindre des attaques des Ligures, exposer
la détresse de ses colon ies et dem ander du secours. Le
sénat accueillit favorablem ent le m essage ; il fit partir
aussitôt avec les ambassadeurs massaliotes trois com m is
saires rom a in s, chargés d’ exam iner sur les lieux les
causes de la guerre, et de décider entre les combattants.
Le vaisseau qui les conduisait vint aborder au port
d’ Ægitna, ville oxybien n e très-voisine d ’Antipoiis.
A pein e le bruit se fut-il répandu dans Ægitna que des
députés rom ains arrivaient p ou r forcer les Oxybes à
mettre bas les a rm es, que tous les habitants cou ru rent
au port, afin d’ em p êch er leur débarquem ent ; mais Fla
m inius, ch e f de la députation, était déjà à terre, occu p é
à faire descendre son bagage. Les Æ gitniens lui ayant
ord on n é de se rem barqu er et de sortir de leur p o r t , il
leur rép on dit avec m épris, et leu r rendit m enaces pou r
m enaces. Pendant cette altercation, quelques h om m es se
jetèrent sur son bagage p o u r le piller, ses esclaves résis
tèrent, et un com bat s’ en ga gea : deux des Rom ains res
tèrent cou ch és sur la place -, les autres, battus, firent
retraite vers la m er. Flam inius tira son épée1; mais m eur
tri de coups, blessé m ê m e assez gravem ent, il rem onta à
grand’p ein e dans son vaisseau, fit cou p er les câbles des
ancres et s’ éloigna de la ville à toutes voiles '. Il alla se
faire guérir à Massalie, où rien sans d ou te ne fut négligé
p ou r exagérer les torts des Æ gitniens, les blessures du
député et les soins don nés à sa guérison.
Le sénat jeta de grands cris à cette nouvelle ; il déclara
qu e le droit des gens avait été in d ign em en t v io lé , et
qu ’une vengeance exem plaire devait être tirée des Oxy
bes et des Décéates, q u oiq u e le crim e fût u niqu em en t
celui des habitants d’ Æ gitna. Les légions destinées à cette
guerre se rassem blèrent en toute hâte à Placentia, sous
la con duite du consul Q. O pim iu s, et de là, en suivant
l’Apennin et le littoral du g o lfe , elles se ren d iren t dans
le pays des Oxybes, sur les rives de l’Apron. Elles y atten
dirent l’ arm ée ligu rien n e qu i se réunissait dans les m o n
tagnes; m ais, com m e celle-ci tardait à paraître, le consul
{56p£to; àTCtrreiXe Seffjitov; elç t9)v Pwjxyjv. Polyb., xxxm , 8, Exc. Légat,
cxxxiv.
2. nspl TETpaxi<Txi)>tou<;. Polyb., loc. cit.
3. ‘O 8è K o ïv to ç x O p t o ç y e v o fx e v o ; t o v t o o v t w v èôva>v, u ap au -u xa jxèv xîjç
X ^ p a ç , ô<7Yiv èveSé^exo, upodeôypie x o ï ; MaacraXtTjTai;. I d ., i b id .
151 de tem ps à autre *. Tout en paraissant n’ avoir vaincu
que p ou r ses alliés, R om e n ’avait poin t n égligé son propre
intérêt; elle laissa des troupes en quartier d’ hiver dans
les villes prin cip ales; elle occupa les principales posi
tions m ilitaires, enlevant sans doute aux Oxybes et aux
Décéates, avec leurs armes et leur liberté, tout ce q u ’ ils
ne pouvaient plus détendre.
La générosité de Home releva les affaires des Massa
liotes; ils s’organisèrent dans le pays, et les intrigues de
la p olitiqu e con solidèren t graduellem ent l’ œuvre de la
violence. Cet accroissem en t p rod igieu x de territoire au
tour de leurs colon ies orientales, leur inspira un vif désir
de s’agrandir pareillem ent autour de leur m étropole : ils
con voitèren t les dépouilles des Salyes, leurs plus proches
voisin s; et, p ou r que les prétextes ne leur m anquassent
pas dans l’ occasion , ils eurent soin d’aigrir ce peuple, et
de fom enter entre eux et lui de continuels sujets de que
relle. Puis, lorsqu ’ils virent Rom e à peu près débarrassée
i 2s de ses guerres lointaines en Asie, ils im plorèren t de
nouveau son assistance contre ces voisins turbulents
qu i les harcelaient, disaient-ils, sans relâch e, jaloux
qu’ ils étaient de cette prospérité que Massalie devait au
peu ple rom ain 2.
R om e s’ inquiéta peu si les plaintes des Massaliotes
étaient bien ou m al fondées, et si ses alliés, dans cette
circonstance, étaient agresseurs ou provoqu és : elle avait
des arm ées disponibles, elle en envoya u n e en L igurie.
m Le consul M. Fülvius Placcus la conduisait. Il défit les
Salyes dans une p rem ière ca m p a g n e ; il les défit en core
dans une secon de : puis il attaqua les v o c o n c e s , dont
1. Paterc., n , 10.
2. Maximus barbaris terror elephanti fuere. F lor., m , 4.
3. Coacervatis inconsulte agrninibus, pontis vincula ruperunt, ac m ot
cura ipsis lintribus mersi sunt. Oros., v, 14.
4. Liv. Epit., lx i. — App., Bell. Gall., Exc. xi. — 130,000, suivant
Pline (vu, 50) ; 150,000, suivant Orose (v, 14).
5. Flor., iu, 2.
dem ander la paix ; le m essage qu’ il envoya au consul
Fabius fut reçu avec assez de faveur, et les n égociations
s’ entam èrent ; u n e honteuse perfidie les rom pit. Ce n ou
veau succès du con su l était un nouveau cou p de p oi
gnard p ou r l’âm e jalouse du p rocon su l Dom itius. Hau
tain et envieux, cet h o m m e ne pouvait supporter que,
dans u n e seule cam pagne, Fabius eût term in é une guerre
si im portante ; que, dans l’ espace de quelques jou rs, il
eût vaincu et pacifié le plus puissant royaum e de la
Gaule, tandis que lui, Dom itius, m is à l’ écart, n e serait
cité qu e p ou r rendre tém oign age des triom ph es d’un
rival. Plutôt que de subir cette hum iliation, il résolut
d’ entraver à tout p rix l’affaire com m e n cé e . Il invita
Bituit à ven ir traiter en person n e avec lui, à son quar
tier, p robablem ent à Eaux-Sextiennes, lui prom ettant
des con d ition s m oin s dures que celles q u ’ exigeait Fa
bius. L’ esp oir rentra au cœ u r du roi déch u ; s’abandon
nant sans défiance à la parole du p rocon su l, il se rendit
en secret à sa m aison. Dom itius, sorti p ou r le recevoir,
l’ accueillit com m e un hôte accueille son h ô te ; mais à
p ein e eurent-ils dépassé le seuil de la porte, que des sol
dats apostés se jetèrent sur le Gaulois et le chargèrent
de chaînes. D’ Eaux-Sextiennes on le transporta, sans
perdre de tem ps, à la côte, où u n navire était préparé,
et de là à Rom e '. En mettant Bituit à la discrétion du
sénat, D om itius enlevait à son collèg u e l’h o n n e u r de
con clu re la paix.
La perfidie était trop criante p ou r que le sénat osât
l’ ap p rou ver; mais, tout en la blâm ant, il en profita. Sous
prétexte que Bituit, de retou r dans son royaum e, pour
1. Flor., m , 4.
2. Liv. Epit., iAïiît — Paterc., h , 8. — Flor., m , 4. — Fast. Capit,
i. Barbariæ fluctibus. C ic., pro Flac,
langage; q u ’elle deviendrait p ou r la rép u bliqu e un b ou
levard contre les dangers du d eh ors, el une sentinelle
vigilante au sein de sa con q u ête; ils firent valoir en core
d’autres m otifs, et entraînèrent à leur op in ion la m ajo
rité du sénat. La colon ie décrétée, Crassus eut m ission
de l’ éta b lir1.
Mais, dans les prévisions profon des de la politique
rom aine, N arbonne n’ était pas dirigée u niqu em en t
contre les indigèn es de la Gaule; on la plaçait, com m e
u ne surveillante et une rivale, auprès de Massalie, dont
la puissance devenue inutile com m en çait à inspirer de
l’ om brage. A p ein e la co lo n ie fut-elle installée, que des
travaux im m enses révélèrent le secret de ses fondateurs.
L’ancien p ort fut ch a n g é ; un bras de l’Aude, détourné
de son lit par une chaussée de. sept m illes de lon g, co n
tribua à form er une rade plus sûre et plus vaste; et des
ponts fu ren t jetés à grands frais dans une étendue de
quatre m illes sur les étangs et les ruisseaux, qui, très-
nombreux; à l’ est de la ville, in on daien t fréqu em m ent
les alentours 2. Narbonne vit s’ élever dans son enceinte
u n capitole, une curie, lieu où se réunissait le sénat
local, des tem ples m agnifiques, des therm es, plus tard
u n e m onnaie, u n am phithéâtre et un c ir q u e 3. Elle de
vint le lieu de station de la flotte militaire qui observait
ces parages. Le com m erce de l’ Italie, de l’ Espagne, de
l’Afrique, de la Sicile, oubliant le ch em in de Massalie,
vint s’y con cen trer peu à p e u ; le co m m erce intérieur de
1. Jus Latii,
2. Municipia à muneribus capiendis,
3. La législation qui les régissait portait le nom de Jus itaticum.
quête et la servilité de leur soum ission, quelquefois leur un
force et l'in dépen dance sauvage de leurs m œ urs, re co m
m andaient aux m énagem ents du vainqueur, recevaient
iés titres de peuples libres ou de cités fédéréesl ; en cette
qualité, ils conservaient leurs anciennes lois, et payaient
seulem ent des redevances en terre, en argent, en h om m es.
Dans certaines villes, des préfets annuels étaient envoyés
de R om e p ou r adm inistrer la justice. Cette suspension
de l’exercice de la ju stice était in fligée d ’ordinaire com m e
un châtim ent aux colon ies et autres villes privilégiées
qui se m ontraient rebelles ou ingrates envers le peuple
rom ain. D escendues à la con d ition d e préfectures2, elles
ne jou issaien t plus ni des droits des co lo n ie s, n i des
droits des cités libres; leur état civil dépendait des édits
absolus des préfets, et leur état politique du sénat ro
m a in , qu i exigeait d ’elles à son gré des con tribu tion s,
des terres et des levées d’ h om m es. Mais la con d ition la
plus d u re de toutes était celle des sujets provinciaux3.
Les p rocon su ls ou les préteurs à qui le gou vernem ent
des pays p rovin ciau x était con fié, cum ulaient tous les
pou voirs à la fois; ils com m andaient les arm ées, faisaient
des lois, rendaient la justice, im posaient des taxes arbi
trairem ent; ils avaient p o u r adjoint un questeur chargé
de la levée de ces taxes et du règlem ent des com ptes.
Jamais despotism e plus du r et plus illim ité ne pesa sur
les peuples. Les provin ces, accablées sous des charges
de toute nature, tantôt étaient soum ises à u n e capita
tion *, tantôt se voyaient dépouillées de leurs m eilleures
terres, qu e la répu bliqu e affermait p o u r son com pte à
1. Pecuarii.
2. Census soli.
3. Portoria, scriptum , decumæ, etc.
r iN DD TOM E P R E M IE R .
T A B L E DES MA T I È R E S
DU T O M E P R E M IE R .
P ages.
P réface, i
I n t r o d u c t io n l
LIVRE P R E M IE R .
E S P A G N E , EN I L L Y R I E , EN IT A L IE . — FONDATION DE LA GAULE C IS A L -
P INE. 119
CHAPITRE I.
D e la ra cb o a lliq u k . S o n t e r r it o ir e ; ses p r in c ip a le s b r a n c h e s .— S e s c o n
q u ê te s e n E s p a g n e ; e lle s r e f o u le n t le s n a tio n s ib é rie n n e s v e rs la G a u le ,
o ù le s L ig u r e s s ’ é ta b liss e n t. — S e s c o n q u ê t e s e n Ita lie ; e m p ir e o m b rie n ;
sa g r a n d e u r , sa d é c a d e n c e . — C o m m e r c e d e s p e u p le s d e l ’O rien t a v e c la
G a u le ; c o lo n ie s p h é n icie n n e s . — H e r c u le t y rie n . — C o lo n ie s rh od ien n es.
— C o lo n ie p h o c é e n n e d e M a s s a lie , sa fo n d a t io n , se s p r o g r è s ra p id e s . —
D e la r a c e k i m r i q u e . S itu a tio n d e c e tte r a c e en O rien t et e n O c c id e n t a u
vu® s iè c le a va n t n o tre è re ; e lle est ch a ss ée d e s b o r d s d u P o n t-E u x in par
le s n a tio n s sc y th iq u e s . — E lle en tre da n s la G a u le ; ses c o n q u ê te s . —
G ra n d e s é m ig r a tio n s d e s G a lls e t d e s K im r is en I lly r ie e t e n Ita lie . S itu a
tio n re s p e c t iv e d es d e u x r a c e s . .........................................................« ................................. 119
G aule cisalpine. T a b le a u d e la h a u te Ita lie so u s le s É t r u sq u e s; e n su ite
so u s le s G a u lo is . — C o u r se s d e s C isa lp in s da n s le c e n tr e et le m id i d o la
p r e sq u ’ île . — L e s iè g e d e C lu siu m le s m e t en c o n t a c t a v e c le s R o m a in s . —
B a ta ille d ’ A llia , — Ils in c e n d ie n t R o m e e t a s s iè g e n t le C a p it o le . — L ig u e
d é fe n s iv e d e s n a tion s la tin e s e t é tru s q u e s ; le s G a u lo is so n t b a ttu s p r è s
d ’A r d é o p a r F u riu s C a m illu s . — Ils te n te n t d 'e s c a la d e r lo C a p it o le , e t son t
re p o u s s é s . — C o n fé r e n c e s a v e c le s R o m a in s ; e lle s so n t r o m p u e s ; e lle s se
r e n o u e n t ; u n tra ité d e p a ix e s t c o n c lu . — L e s R o m a in s le v io le n t. — P lu
s ie u rs b a n d e s g a u lo is e s s o n t d é tr u ite s p a r tr a h is o n ; le s a u tre s re g a g n e n t
la C is a lp in e ........................................................................................................................................ 157
CHAPITRE III.
L IV R E II.
CHAPITRE I.
A r r iv é e e t é ta b liss e m e n t d e s B e lg e s d a n s la G a u le . — U n e b a n d e d e T e c t o
sa g e s é m ig r e d a n s la v a llé e d u D a n u b e . — N a tion s g a lliq u e s d e l ’illy r ie et
d e la P æ o n ie ; le u rs re la tio n s a v e c le s p e u p le s g r e c s . — L e s G a lls e t les
K im r is se ré u n iss e n t p o u r e n v a h ir la G r è c e . — P re m iè r e e x p é d itio n en
T h r a c e e t e n M a c é d o in e ; e lle é c h o u e . — S e c o n d e e x p é d it io n ; le s G a u lo is
■’ e m p a re n t d e la M a c é d o in e e t d e la T h e ssa lie ; ils so n t v a in cu s a u x T h e r -
m o p y l e s ; ils d é v a ste n t l ’ É t o l ie ; ils fo r c e n t le p a ss a g e d e l ’ Œ t a ; s iè g e e t
p r is e d e D e lp h e s ; p illa g e d u t e m p le . — R e tr a ite d és a s treu se d e s G a u lo is ,
leur roi s’enivre et se t u e ; ils r e g a g n e n t le u r p a y s et se s é p a r e n t .. . . . . . . . 2 15
CHAPITRE II.
C H A P IT R E III.
G a u lo is à la s o ld e d e P y r r h u s ; e stim e q u ’ en fa is a it c e r o i ; ils v io le n t le s s é p u l
tu re s d e s r o is m a c é d o n ie n s ; ils a s s iè g e n t S p a rte ; ils p éris sen t à A r g o s a v e c
P y r rh u s . — P r e m iè r e g u e r r e p u n iq u e ; G a u lo is à la s o ld e d e C a r t h a g e ,
le u rs r é v o lt e s e t le u rs tr a h is o n s ; ils liv r e n t É r y x a u x R o m a in s e t p ille n t le
t e m p le d e V é n u s . — I ls se r é v o lt e n t c o n t r e C a rth a g e et fo n t r é v o lt e r le s
a u tres m e r c e n a ir e s ; g u e rr e sa n g la n te s o u s le s m u rs d e C a r t h a g e ; ils so n t
v a in c u s ; A u ta rite e s t m is e n c r o ix . — A m ilc a r B a rca s e s t tu é p a r un
G a u l o is .. ................................................................................... ......................... ............................ 273
LIVRE III.
CHAPITRE I.
CHAPITRE III.
CHAPITRE IV.
CHAPITRE I,
CHAPITRE II.
P l a i n t e s d e s M a ss a liotes a u sén a t d e R o m e c o n t r e le s L ig u re s O x y b e s et
D é c é a t e s ; p r e m iè r e g u e rr e d e s R o m a in s d a n s la G a u le tra n sa lp in e. — N o u
v e lle s p la in te s d e s M a ss a liotes a u s u je t d e s L ig u r e s -S a ly e s ; C . S e x tiu s
s o u m e t u n e p a rtie d e la L ig u r ie cisr h o d a n e ; fo n d a tio n d e la v il le d'Eaux-
Sextiennes; c o m m e n c e m e n t d e la fra te r n ité d e s É d u e s a v e c le s R om a in s .
— L ig u e d é fe n s iv e d es A l lo b r o g e s e t d es A r v e r n e s c o n t r e R o m e ; le s A l lo
b r o g e s so n t v a in cu s p a r C n . D o m it iu s , le s A r v e r n e s p a r Q . F a b iu s M a x i-
m u s. — D o m itiu s s ’ e m p a re d u ro i B itu it p a r tra h is on . — É ta b lis se m e n t
d ’ un e province romaine tra n sa lp in e . — T r o p h é e s d e D o m itiu s e t d e F a b iu s
da n s la G a u l e ; le u r t r io m p h e à R o m e . — A c c r o is s e m e n t p r o g r e s s if d e la
p r o v in c e . — L es R o m a in s s’ e m p a re n t d e s r o u t e s d e s A l p e s ; h é r o ïs m e de
la n a tio n d e s S tæ n e s . — D é fa ite d e C . C a ton p a r le s S co r d is q u e s . —
C rassus c o n d u it u n e c o lo n ie r o m a in e à N a r b o n n e . — O rg a n isa tion d ’ un e
p r o v in c e r o m a in e .............................................................................. ....................... .. 547
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B U X VI B D B S LÉGENDES