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« Nous sommes fermes,

mais pas fermés. »

Nº 87 – Mai/juin 2004

Editorial
Pour l’honneur de Notre-Dame de Fatima
Un grand merci à vous tous qui avez su répondre, avec les pèlerinages de toutes les religions. C’est à elles qu’il
tant de générosité, à notre appel ! Grâce à vous de nom- faudra faire adresser les prochains numéros de Nouvelles
breux « sympathisants » recevront Nouvelles de Chrétien- de Chrétienté. Les menaces qui pèsent sur Fatima leur fe-
té, et deviendront, nous l’espérons, de nouveaux « mili- ront comprendre très concrètement ces questions doc-
tants » de la Tradition ! trinales qui parfois les rebutent. Elles verront les méfaits
du syncrétisme religieux à l’œuvre, là même où le Ciel a
Encouragés par cette vague de réponses enthousias- visité la Terre.
tes, et certains que nous pouvons désormais la transfor- Tous ensemble nous livrerons bataille pour Notre-
mer en raz-de-marée, nous poursuivons notre campagne Dame, et Dieu donnera la victoire !
d’« abonnement-découverte » pendant l’été. Vous trouve-
rez à l’intérieur de ce numéro un bulletin à nous retour- Abbé Alain Lorans
ner.

Dans la dernière Lettre aux amis et bienfaiteurs de la SOMMAIRE


Fraternité Saint Pie X — diff usée en avant-première
dans DICI n° 98, du 19 juin 2004 —, Mgr Bernard Fel-
lay fait part de son intention d’organiser un grand pèle- ➤ Pour l’honneur de Notre-Dame de Fatima
rinage à Fatima pour combattre le projet sacrilège d’une
basilique interreligieuse sur le lieu même des apparitions ➤ Entretien avec le cardinal Castrillon Hoyos
de Notre-Dame. Nouvelles de Chrétienté vous tiendra in-
➤ Entretien exclusif de DICI avec Mgr Fellay
formés, tout au long de l’année, de ce combat pour l’hon-
neur de Marie. ➤ Regard catholique sur la laïcité (suite)
Abbé Hervé Gresland
Vous connaissez autour de vous des âmes de bonne
volonté, parfois timides, qui n’ont pas encore bien com- ➤ Combien de prêtres dans dix ans ?
pris la crise de l’Eglise, mais qui n’hésiteraient pas une Abbé Alain Delaroche
seconde à manifester leur piété mariale si elles appre-
naient que Fatima risque de devenir un sanctuaire pour
Nouvelles de Chrétienté Nº 87
Mai-juin 2004 •

Entretien avec le cardinal Castrillon Hoyos

Entretien écrit accordé au Latin Mass par Son Éminence le Card. Darío Castrillón
Hoyos, Préfet de la Congrégation pour le Clergé et Président de la Commission Pontificale
« Ecclesia Dei ». Rome, le 5 mai 2004.

Q. Éminence, un an après la célébration à Sainte Marie la chapelle hongroise de la


Majeure de la Messe dans le Rite de Saint Pie V, quelles ont été Basilique Vaticane, pour les prêtres qui le demandent et
les réactions que vous avez reçues de la part du monde dit « tra- qui sont munis d’une permission régulière.
ditionaliste » ?
Q. Vous, Éminence, en quel Rite célébrez-vous la Messe
R. Je dirais qu’elles ont été très positives. J’ai reçu à d’habitude ?
ce jour des centaines de lettres, provenant de toutes les
parties du monde, exprimant la gratitude et l’espoir sus- R. Dans le Rite dans lequel elle est célébrée en tou-
cités par cette célébration, qui d’ailleurs a été suivie par te l’Eglise catholique latine, c’est-à-dire selon le Novus
de nombreux Þdèles à Sainte-Marie Majeure. Ordo. En célébrant la Messe selon le Rite approuvé par
Paul VI, je dois dire que je trouve une richesse d’amour
Je crois que cela a été vraiment providentiel : qu’en et de dévotion qui, personnellement, me satisfont aussi.
l’année du Rosaire, dans le cadre du vingt-cinquième De plus, j’apprécie que les plus simples puissent partici-
anniversaire de Souverain PontiÞcat de Jean-Paul II, per dans leur langue à la richesse de la liturgie sacrée.
les Þdèles liés aux formes liturgiques et disciplinaires
précédentes de la Tradition latine aient également pu ex- Mais cela ne m’empêche pas de conserver un grand
primer leur proximité spirituelle au Saint-Père par l’ac- amour également pour la Messe selon le Rite de S. Pie
te le plus important qui soit, le SacriÞce Eucharistique, V : c’est la Messe de mon ordination sacerdotale et de
précédé de la récitation du Chapelet ; et tout ceci, en la mes premières années de sacerdoce.
fête de Sainte Marie Auxiliatrice, dans la Basilique Mère
de toutes les Eglises dédiées à la Vierge Marie, et où re- Q. Pourriez-vous nous dire, Éminence, comment le Saint-
pose le corps de Saint Pie V. Père considère le mouvement des Þdèles liés à la Tradition ?

Parmi tant d’expressions de reconnaissance, de nom- R. Je voudrais rappeler que Paul VI lui-même avait
breux Þdèles ont insisté sur l’émotion causée par ce nou- déjà permis que des prêtres, sous certaines conditions,
veau geste de sollicitude pastorale envers ceux qui, sans puissent continuer à célébrer comme avant la réforme li-
nier la validité de la réforme liturgique actuelle, se recon- turgique ; ensuite en 1984, la Congrégation pour le Culte
naissent cependant dans la célébration du Saint SacriÞce Divin, avec la lettre « Quattuor abhinc annos », a auto-
selon le Missel Romain de l’édition typique de 1962. risé sous quelques conditions la célébration de ce Rite,
et, Þ nalement, le même Souverain Pontife régnant, en
En outre, cette célébration a rassuré de nombreux Þ- 1988, avec le Motu proprio « Ecclesia Dei », a recom-
dèles sur le fait que le vénérable Rite de Saint Pie V bé- mandé ce qui suit : « il faudra respecter en tous lieux
néÞcie bien, dans l’Eglise catholique de Rite Latin, d’un les sentiments de tous ceux qui sont attachés à la tra-
« droit de cité », comme je l’ai dit dans l’homélie. Ce dition liturgique latine, par une application large et gé-
Rite n’est pas éteint, il n’y a pas de doutes en la matière. néreuse des directives déjà publiées depuis longtemps
L’événement de Sainte Marie Majeure a contribué à dis- par le Siège Apostolique, concernant l’usage du Missel
siper ce doute, là où une sorte de désinformation aurait Romain selon l’édition typique de 1962 », (MP « Ecclesia
pu l’entretenir. Dei », 2.7.1988, n. 6). On ne peut oublier non plus que
le Rite dit de S. Pie V est le Rite ordinaire accordé le
Je tiens à préciser cependant que l’unique motif de cet- 18 janvier 2002, par décision de Sa Sainteté, à l’Adminis-
te célébration tient à une demande qui m’a été adressée tration Apostolique personnelle S. Jean-Marie Vianney
légitimement, en tant que Président de la Commission de Campos (Brésil). Tout ceci fait voir clairement que
PontiÞcale Ecclesia Dei, de la part de différents groupes ce Rite, par concession du Saint-Père, a plein droit de
de Þdèles, qui voulaient exprimer ainsi leur proximité cité dans l’Eglise, sans que cela veuille diminuer la vali-
au Saint-Père ; n’oublions pas que le Pape aussi a autori- dité du Rite approuvé par Paul VI et actuellement en vi-
sé la célébration privée de la Messe de Saint Pie V dans gueur dans l’Eglise latine.
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• “Nous sommes fermes, mais pas fermés.”

Je pense que les signes répétés d’ouverture que le Dans l’Eglise il y a une telle variété de dons mis à la
Saint-Père a donné aux Þdèles liés à la Tradition témoi- disposition de consciences et de sensibilités différentes,
gnent largement de l’affection de Sa Sainteté pour cet- avec leurs spéciÞcités, qui trouvent leur place justement
te portion du Peuple de Dieu que l’on ne peut absolu- dans cette richesse abondante de la catholicité. On ne
ment pas négliger ni encore moins ignorer ; ces Þdèles, peut pas refuser qu’au sein d’une telle variété de dons et
en pleine communion avec le Siège Apostolique, s’effor- de sensibilités les Þdèles dits « traditionalistes » soient
cent, même si c’est à travers de nombreuses difficultés, aussi présents ; et il ne faut pas les traiter comme des « Þ-
de maintenir vivantes la ferveur de la foi catholique et la dèles de seconde zone », mais il faut protéger leur droit
dévotion, à travers l’expression d’un attachement parti- à pouvoir exprimer la foi et la piété selon une sensibili-
culier aux formes liturgiques et dévotionnelles de l’an- té particulière, que le Saint-Père reconnaît comme tout
cienne Tradition, dans lesquelles ils se reconnaissent da- à fait légitime. Il ne s’agit donc pas d’opposer deux sen-
vantage. sibilités différentes comme si elles étaient antagonistes :
celle qu’on dirait « traditionnelle » et celle qu’on appelle-
Il me semble en effet que l’adhésion de ces Þdèles à rait « moderne » ; il s’agit, par contre, de la liberté de con-
l’ancien Rite veut exprimer légitimement une perception fesser la même foi catholique, avec des insistances et des
religieuse, liturgique et spirituelle, particulièrement liée expressions légitimement diverses, dans un plein respect
à la Tradition ancienne : quand cela est vécu en commu- fraternel et réciproque.
nion avec l’Eglise, c’est un enrichissement.

Je n’aime pas, en effet, les conceptions qui veulent Q. Éminence, l’érection de l’Administration Apostolique
réduire le « phénomène » traditionaliste à la seule célé- Saint-Jean-Marie-Vianney de Campos, au Brésil, semble être
bration du Rite ancien, comme s’il s’agissait d’un atta- une tentative réussie de conjuguer ces différentes sensibilités à
chement nostalgique et obstiné au passé. Cela ne cor- l’intérieur de l’Eglise.
respond pas à la réalité qui se vit à l’intérieur de ce vaste
groupe de Þdèles. En réalité, nous sommes ici souvent en R. Certainement ! Et puis nous devons reconnaître
présence d’une vision chrétienne de la vie de foi et de dé- avant tout l’œuvre de la Providence : qui aurait jamais
votion – partagée par beaucoup de familles catholiques, imaginé, seulement deux ans avant le Grand Jubilé, que
souvent riches de nombreux enfants – qui possède ses d’une situation irrégulière comme celle de Campos vien-
propres particularités ; cette vision comporte par exem- drait un signe d’espoir pour tout le monde traditiona-
ple un fort sens d’appartenance au Corps mystique du liste, et une preuve concrète, parmi tant d’autres, que
Christ, un désir de maintenir solidement les liens avec dans l’unique Eglise du Christ des sensibilités différen-
le passé – que l’on veut considérer non en opposition au tes peuvent coexister ?
présent, mais dans la continuité de l’Eglise – pour con-
server les plus forts points d’ancrage du christianis- En effet, la situation était plutôt compliquée : après
me, un désir profond de spiritualité et de sacralité, etc. le renoncement de S.E. Mgr de Castro Mayer au gou-
L’amour pour le Seigneur et pour l’Eglise trouve ainsi, à vernement du Diocèse de Campos, l’association « Saint-
l’intérieur de la vision chrétienne caractéristique de ces Jean-Marie-Vianney » s’était progressivement formée
Þdèles, son expression la plus haute dans l’adhésion aux — avec des prêtres, des formes de vie religieuse et des
anciennes formes liturgiques et dévotionnelles qui ont communautés de Þdèles -, et elle était de fait une struc-
accompagné l’Eglise tout au long de son histoire. ture parallèle au Diocèse. C’était évidemment une situa-
tion grave, y compris à cause de l’ordination épiscopale
reçue par Mgr Rangel qui était à leur tête ; ordonné par
Il est intéressant ensuite de remarquer comment on les Évêques excommuniés de la Fraternité Saint Pie X,
trouve au sein de cette réalité de nombreux jeunes, nés il encourait à son tour l’excommunication automatique
après le Concile Oecuménique Vatican II. Ils manifes- (« latæ sententiæ »). Dieu merci, le groupe de Campos
tent, je dirais, comme une « sympathie du cœur » pour est sorti d’une situation qui pouvait porter à un état de
une forme de célébration, et aussi de catéchèse, qui en schisme formel.
harmonie avec leur « sensibilité » laisse une large place
au climat de sacralité et de spiritualité qui justement Là donc où il y avait un évêque avec des prêtres, des
conquiert aussi les jeunes d’aujourd’hui : on ne peut cer- religieuses et des Þdèles autonomes, par un acte d’hu-
tainement pas les déÞ nir comme des « nostalgiques » ou milité et de repentir, le même Mgr Rangel et ses prê-
un vestige du passé. Je voudrais rappeler, en outre, que tres, répondant à l’invitation du Saint-Père, ont considé-
ce vénérable Rite a formé pendant des siècles de nom- ré en conscience qu’il était de leur devoir de rentrer en
breux saints, et il a montré le visage de l’Eglise au mon- pleine communion avec l’Eglise, en constatant que les
de. Cette Eglise reconnaît encore aujourd’hui ses mé- conditions qu’ils estimaient être un « état de nécessité »
rites, et l’indult Ecclesia Dei de Jean-Paul II en est la n’existaient plus. Une situation complètement différente
preuve. est donc née ainsi. Il faudrait vraiment rappeler la splen-
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Nouvelles de Chrétienté Nº 87
Mai-juin 2004 •

dide Parole du Seigneur : « Voici que je fais toutes cho- la situation des autres Þdèles répartis dans le monde
ses nouvelles ». entier qui jouissent de l’indult Ecclesia Dei. La solution
trouvée pour Campos est une conséquence de leur si-
Mais je tiens à souligner que cela a été possible grâ- tuation locale spéciÞque.
ce à « un acte d’humilité et de repentir » de la part de
l’Association sacerdotale « Saint-Jean-Marie-Vianney », Je peux dire que le Saint-Père, déjà avec l’indult
qui a reconnu qu’elle ne pouvait pas mener une bataille Ecclesia Dei et la création de la Commission PontiÞcale
au service de la Tradition sans le lien, affectif et effectif, du même nom, a montré son désir de protéger les aspi-
avec le Vicaire du Christ et le Siège Apostolique. rations légitimes des Þdèles attachés à la Liturgie an-
cienne ; c’est dans cette ligne que la Commission con-
L’histoire, en effet, peut-être plus que tout autre tinue à travailler. Plus de quinze ans après ce Motu
maître, enseigne que jamais quelqu’un n’a porté du fruit proprio — en considérant les nombreuses difficultés
dans l’Eglise sans la bénédiction du Saint-Père. qui sont apparues entre ces Þdèles et différents Évêques
qui restent perplexes ou qui sont plutôt hésitants à ac-
Il faut marcher avec Pierre pour ne pas perdre corder les permissions nécessaires —, on pense de plus
le droit chemin. S.E. Liciño Rangel, avec toute la en plus qu’il est devenu nécessaire de pourvoir à la con-
Communauté de Campos, a obtenu après la réconcilia- cession de l’indult à une échelle plus vaste qui corres-
tion un accord historique avec le Siège Apostolique, qui ponde plus avec la réalité de la situation. On considè-
est maintenant en pleine lumière ; tandis qu’auparavant re que les temps sont mûrs pour une forme de garantie
je dirais qu’elle était comme dans l’ombre d’une situa- juridique nouvelle et plus claire de ce droit déjà recon-
tion irrégulière qui faisait souffrir, eux comme nous. nu par le Saint-Père par l’indult de 1988. Les Cardinaux
et les Évêques Membres de la Commission PontiÞcale
Maintenant il n’y a plus « eux » d’un côté, « nous » de Ecclesia Dei ont étudié très attentivement la question,
l’autre : il y a pleine unité ! Car le climat de collabora- en cherchant les meilleures solutions avec l’intention de
tion instauré entre l’administration Apostolique Saint- les soumettre aux autorités compétentes.
Jean-Marie-Vianney et le Diocèse local, et ce non seu-
lement à Campos, mais aussi en d’autres Diocèses du Tout ceci sera évidemment évalué à la lumière de
Brésil, est vraiment positif. Il y a des Évêques qui de- cette prudence et de cette sagesse qui doit toujours ca-
mandent à l’Administrateur Apostolique de leur en- ractériser l’action de la plus haute Autorité de l’Eglise.
voyer des prêtres pour assister dans leur Diocèse les Þ-
dèles liés à la Tradition ancienne. Dans un Diocèse, on Je peux dire que de ma part je ne perds jamais l’es-
a aussi demandé à ces prêtres d’assurer un temps de per- poir ; je n’aime jamais m’avouer vaincu, parce que je sais
manence de confessions à la Cathédrale du lieu. que la patience, comme le disait Sainte Thérèse d’Avi-
la, obtient tout !
L’actuel Administrateur Apostolique, S.E.
Mgr Fernando Rifan est un infatigable lanceur de Q. Sans vouloir abuser de votre temps ni de votre patience,
« ponts. » Son témoignage personnel montre que cet- pardonnez-moi une dernière question : y a-t-il des espoirs de ré-
te collaboration avec les épiscopats locaux est vrai- conciliation avec la Fraternité Saint Pie X ?
ment possible, sans rien sacriÞer de cette identité que
le Saint-Père a reconnue légitime pour les catholiques R. Cet espoir également, je l’ai fortement à coeur ;
attachés aux formes liturgiques et disciplinaires précé- c’est partager l’espoir du Vicaire du Christ, qui gar-
dentes de la Tradition latine. Et le fait que le Saint-Père de les bras ouverts pour attendre la Fraternité Saint-
ait accordé à cette Administration Apostolique le Rite Pie X. Mais je ne nie pas une certaine perplexité devant
de Saint Pie V comme Rite ordinaire montre une fois les hésitations à retourner à la pleine communion des
de plus que Sa Sainteté et le Siège Apostolique ont gé- Supérieurs de la Fraternité Saint Pie X, encore récem-
néreusement répondu aux demandes légitimes des prê- ment exprimées dans le cadre de la fameuse conférence
tres et des Þdèles de Campos. de presse à Rome de S.E. Mgr Bernard Fellay.

Q. Éminence, permettez-moi une question peut-être in- Malgré tous ces signes d’hésitation, je crois cepen-
discrète. Après l’érection de l’Administration Apostolique de dant aux paroles que ce même Mgr Fellay a répétées
Campos, en d’autres milieux traditionalistes est né l’espoir que lors de cette conférence de presse du 2 février dernier, à
ce qui avait été accordé aux Þdèles Brésiliens serait, d’une fa- savoir qu’il ne veut pas rompre le dialogue avec Rome.
çon ou d’une autre, accordé aussi aux Þdèles traditionalistes du
monde entier. Que pouvez-vous nous dire en la matière ? Je souhaite donc que ce dialogue aboutisse à l’éta-
pe tellement désirée d’une pleine régularisation de la
R. Ici il faut avant tout distinguer la situation de Fraternité Saint Pie X, et que l’on puisse construire en-
Campos, qui est limitée à un territoire spéciÞque, et semble dans l’Eglise l’unité souhaitée que le Christ a
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• “Nous sommes fermes, mais pas fermés.”

voulue, tout en respectant les diversités légitimes qu’il Si l’Eglise n’avait pas été fondée sur le Roc de la
faut considérer non comme opposition mais comme Primauté de Pierre, alors les diverses sensibilités ne
complémentarité. pourraient pas trouver leur garantie et le centre de
gravité de leur unité dans le Vicaire du Christ, el-
En conscience je dois dire, en effet, que le Saint-Père les deviendraient inévitablement des oppositions qui
et ses plus proches collaborateurs ont fait et font encore séparent ; mais grâce à la Volonté du Christ, l’Egli-
tout leur possible pour faire comprendre aux Autorités se, même au milieu de la tempête, est toujours soute-
de la « Fraternité S. Pie X » cette conviction profonde nue par l’Esprit Saint, et son gouvernail a été conÞé à
que c’est maintenant le temps favorable pour le retour Pierre pour que les puissances des enfers ne l’empor-
souhaité, l’authentique « Kairós » (temps) de Dieu. tent pas sur elle.

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Nouvelles de Chrétienté Nº 87
Mai-juin 2004 •

Entretien exclusif de Dici


avec Son Excellence Mgr Fellay
« NOUS SOMMES FERMES, MAIS PAS FERMÉS. »

DICI : Dans cet entretien à la revue « Latin Mass », le cardi- on ne peut passer sous silence cette réalité, sous pei-
nal Castrillon Hoyos propose plus qu’une main tendue aux Þ- ne de voir — à plus ou moins court terme — tous les
dèles attachés à la Tradition, il affirme que le Saint-Père garde efforts de rapprochement voués à l’échec. La solution
les bras ouverts. Etes-vous insensible à cette off re généreuse ? du cardinal est de proposer un accord pratique, en mi-
nimisant le plus possible les divergences de fond. Est-
Mgr Fellay : Je suis très sensible à ce geste d’ouvertu- ce possible ? Peut-on conjurer la dureté de la crise qui
re, et je ne doute pas de la générosité qui l’anime. Mais secoue l’Eglise avec des expressions adoucies ? Je ne le
je suis obligé de constater, dans le même temps, que le pense pas.
cardinal atténue au maximum les difficultés réelles qui
se posent de part et d’autre. Du côté des évêques diocé- D. C’est donc, à vos yeux, la doctrine et toute la doctrine, si-
sains, il ne veut voir qu’une « perplexité » et des « hési- non rien ? Cette position du « tout ou rien » ne manque-t-elle
tations » à reconnaître le « droit de cité » de la messe tri- pas de réalisme ?
dentine, là où il y a une réelle
opposition à la doctrine tradi-
tionnelle du Saint SacriÞce. Il Mgr F. Nous sommes fer-
suffit pour s’en convaincre de mes, mais pas fermés. La
voir toutes les réactions épis- doctrine est fondamenta-
copales — plus que réservées le sans aucun doute, mais
— au récent document disci- nous pensons bien qu’il y a
plinaire Redemptionis sacramen- des étapes préalables à ob-
tum. Apparemment personne server. C’est pourquoi nous
n’est concerné par ce rappel avons proposé aux autori-
à l’ordre ! Il n’y a ni abus, ni tés romaines, dès le début,
scandales liturgiques ! deux préalables qui permet-
traient de créer un climat de
Et, chez les Þdèles de conÞance favorable à la réso-
la Tradition, le cardinal lution du problème d’Ecô-
Castrillon Hoyos ne veut re- ne : le retrait du décret d’ex-
connaître qu’une « sensi- communication frappant les
bilité » particulière et une évêques de la Fraternité et le
« perception » propre, alors qu’il s’agit de Þdélité à la droit reconnu à tout prêtre de célébrer la messe tradi-
doctrine de l’Eglise de toujours. Tous ces euphémismes tionnelle.
montrent la diplomatie du cardinal, mais ils ne parvien-
nent pas à masquer son embarras : comment régler la si- D. Comment voyez-vous ce retrait de l’excommunication ?
tuation douloureuse de la Fraternité Saint Pie X sans
soulever les questions doctrinales ? Franchement, s’il ne Mgr F. Ce qui a été fait pour les orthodoxes pourrait a
s’agissait que de dissiper la « perplexité » des évêques fortiori s’appliquer à nous. Rome a levé l’excommunica-
et de reconnaître la légitimité de la « sensibilité » tradi- tion qui les frappait sans qu’ils aient en rien changé leur
tionaliste, je crois que la crise aurait été résolue depuis attitude envers le Saint-Siège. Ne pourrait-on prendre
longtemps. Mais ce qui est en jeu est d’une nature qui la même mesure à notre égard, nous qui ne nous som-
dépasse largement et la perplexité et la sensibilité. mes jamais séparés de Rome et avons toujours recon-
nu l’autorité du Souverain Pontife, telle que l’a déÞ nie
D. Ne craignez-vous pas de paraître Þgé dans une attitude le concile Vatican I ? En effet, les quatre évêques sacrés
constamment critique et négative ? en 1988 ont prêté le serment de Þdélité au Saint-Siège,
et depuis ils ont toujours professé leur attachement au
Mgr F. Au contraire, nous faisons, depuis le début des Saint-Siège et au Souverain Pontife. Ils ont pris toutes
conversations avec le cardinal Castrillon Hoyos, des sortes de dispositions pour bien montrer qu’ils n’avaient
propositions positives. Mais il est nécessaire de s’assu- pas l’intention de constituer une hiérarchie parallèle,
rer, avant tout, de la solidité des piliers qui porteront le — ce que j’ai encore rappelé lors de ma conférence de
pont entre Rome et nous. Ces piliers sont doctrinaux, presse du 2 février dernier, à Rome.
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• “Nous sommes fermes, mais pas fermés.”

Ce retrait du décret d’excommunication créerait serait la marque d’un quelconque « particularisme li-
un nouveau climat, indispensable pour aller plus avant. turgique ». Nous demandons un droit qui n’a jamais été
Il permettrait, entre autres, aux prêtres et aux Þdèles perdu : la liberté de la messe pour tous. Car, ce à quoi
persécutés de voir que leur attachement à la Tradition nous sommes attachés est le patrimoine commun de
n’est pas coupable, mais qu’il a été motivé par tous ces l’Eglise catholique romaine.
scandales liturgiques graves que Redemptionis sacramen-
tum relève très justement, sans toutefois en considérer D. Même si vous n’êtes pas fermés au dialogue avec Rome, il
la cause qui est sans doute la réforme liturgique elle- n’empêche que vous donnez l’impression de cultiver un certain
même. attentisme : wait and see ! Attendons voir ! Ne pensez-vous
pas qu’il est temps de se dégager de cette position marginale, et
D. Et vous demandez ce retrait unilatéralement, sans vous de s’engager maintenant, comme on vous y invite, pour être
obliger à aucune contrepartie ? plus efficace dans la situation très grave où se trouve l’Eglise ?

Mgr F. Si le décret d’excommunication était retiré, les Mgr F. La position de la Fraternité n’est pas wait and
évêques de la Fraternité Saint Pie X pourraient se ren- see, mais bien plutôt ora et labora, prier et travailler ! Sur
dre à Rome, comme les évêques diocésains effectuent le terrain, nos prêtres travaillent à la restauration du
leur visite ad limina. Ils rendraient ainsi compte de leur règne de Notre-Seigneur, au quotidien, auprès des fa-
travail apostolique, et le Saint Siège pourrait consta- milles, dans les écoles… Ces 450 prêtres sont plus qu’en-
ter le développement de « l’expérience de la Tradition » gagés, ils sont surchargés. Partout dans le monde, on
que Mgr Lefebvre a toujours souhaité faire pour le bien les réclame. Il en faudrait trois fois plus ! Ce qui nous
de l’Eglise et des âmes. Il ne serait pas nécessaire de marginaliserait vraiment, ce serait une concession con-
prendre davantage d’engagements. Simplement rendre Þ nant la Tradition dans une réserve ou une enclave au
compte — pour la Fraternité —, et se rendre compte — sein de l’Eglise.
pour Rome — du développement de l’expérience de la
Tradition. C’est bien notre souci d’efficacité au service de
l’Eglise et des âmes qui nous oblige à réclamer une
D. N’avez-vous pas l’impression d’avoir été entendu au moins vraie liberté pour la Tradition. L’état présent de l’Egli-
sur votre deuxième préalable, la reconnaissance du « droit de se et du monde est trop grave pour que nous puissions
cité » de la messe tridentine ? faire croire à Rome qu’avec une simple « sensibilité »
traditionnelle — et qui plus est, en liberté surveillée !
Mgr F. Je ne peux qu’approuver l’effort louable du car- — nous pourrions réellement lutter contre « l’apostasie
dinal Castrillon Hoyos pour réhabiliter la messe, mais silencieuse », dénoncée par Jean-Paul II dans Ecclesia in
là aussi je ne peux pas ne pas constater un certain em- Europa. Ce serait profondément malhonnête. Mais les
barras : un droit de cité concédé par le Saint Père, est- autorités romaines peuvent, si elles veulent, rendre à la
ce un droit ou une concession ? La différence n’est pas Tradition son « droit de cité », partout et pour tous.
mince. Nous ne voulons pas de statut particulier, qui

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Nouvelles de Chrétienté Nº 87
Mai-juin 2004 •

Regard catholique sur la laïcité


(suite)

Abbé Hervé Gresland

Après avoir dissous la religion catholique, la religion laïque se retrouve face à l’islam.

La montée de l’islam chers immigrés qu’on accueillait à bras ouverts, et


auxquels on ne pouvait rien refuser ;
Un fait capital s’est produit depuis 1905 qui chan- • d’autre part, le laïcisme républicain est déstabilisé,
ge complètement les conditions de la laïcité en France, mis en péril.
c’est la progression de l’islam. La France est le pays de
l’Union européenne qui compte la plus forte commu-
nauté juive (les Juifs sont au nombre de 500 000), et L’affaire du voile islamique
surtout la plus forte communauté musulmane (les mu-
sulmans sont cinq millions ou plus 1). L’Islam est deve- « Le port du voile à l’école est un phénomène ré-
nu la deuxième religion de France. cent. Affi rmé dans le monde musulman dans la décen-
nie 1970 avec l’émergence de mouvements politico-reli-
La présence d’une forte communauté musulmane gieux radicaux, il ne se manifeste en France qu’à partir
est le fait de l’immigration massive de ces dernières dé- de la Þ n des années 1980. » 2
cennies : l’islam se développe principalement par l’im- La question fait surface pour la première fois en
migration — même si certains 1989, au lycée de Creil (Oise), où
Français s’y convertissent. Cela trois jeunes Þ lles se présentent en
ajoute à la difficulté pour l’inté- classe un voile sur la tête. Le di-
grer, puisque ses adeptes vien- recteur de l’établissement suspend
nent de cultures et de langues dif- les trois lycéennes ; elles acceptent
férentes. de reprendre leur place, tête nue,
comme les autres. Et puis, sous
Face à cette augmentation du l’inßuence des familles et d’orga-
nombre de musulmans en France nisations musulmanes, elles re-
et en Europe, il n’est plus possi- viennent voilées. Le directeur pro-
ble d’esquiver les problèmes que nonce alors leur exclusion et en
pose l’islam et son irruption dans appelle au ministre.
la vie publique. Cette montée en
puissance de l’islam était d’abord Le recteur de la mosquée de
bien vue par le pouvoir politique Paris clame son indignation, par-
et toutes les “autorités” morales. le d’une mesure discriminatoire.
Elle s’est faite avec la bénédiction Face à un déchaînement de pas-
des plus hautes autorités de l’Etat. sions, le ministre de l’Education
Des mosquées ont été Þ nancées nationale, Lionel Jospin, préfè-
illégalement par l’argent public. Le pouvoir judiciaire re saisir le Conseil d’Etat et s’en remettre à son avis,
laisse insulter quotidiennement la religion catholique après avoir affi rmé : « L’école ne peut exclure, elle est
par les télés et les journaux, mais il censure et punit les faite pour accueillir. » C’est un désaveu de l’autorité du
critiques contre l’islam. directeur.

Mais voilà que leur laïcité est mise à mal par cet- Le Conseil d’Etat rend son avis le 27 novembre 1989.
te progression rapide ! On a donc vu depuis quinze ans Il se contente, avec prudence, de dire l’état du droit à
l’embarras dans lequel se trouvaient nos hommes politi- l’époque : il faut concilier, d’une part, les règles interna-
ques. C’était même un spectacle réjouissant de les voir tionales et nationales qui protègent la liberté de cons-
empêtrés dans leurs propres contradictions : cience et, d’autre part, le principe constitutionnel de
• d’une part, selon leur principe : « Tout ce qui n’est pas laïcité de l’Etat. Le Conseil d’Etat constate que les élè-
catholique est nôtre », ils voyaient d’un bon œil la ves ont un droit à l’expression, reconnu par le législa-
montée de l’islam dans notre pays, et la favorisaient teur, dans l’établissement scolaire public ; il reconnaît
largement. D’autant plus que cet islam est pour l’es- le principe de la liberté des élèves de porter des signes
sentiel un produit d’importation, la religion de ces religieux. Les signes religieux ne sont donc pas prohi-
8
• “Nous sommes fermes, mais pas fermés.”

bés en soi, mais ils peuvent l’être s’ils revêtent un carac- Depuis la Constitution de 1946, le principe de
tère ostentatoire ou revendicatif. Le Conseil d’Etat in- laïcité a acquis une valeur constitutionnelle. Les
vite donc à une appréciation au cas par cas. Cet avis se Constitutions de 1946 et 1958 affi rment dans leur arti-
décharge en fait sur les chefs d’établissement : qu’ils se cle 1er que « la France est une république laïque ». La laï-
débrouillent ! cité a donc été haussée au niveau le plus élevé de la hié-
rarchie des normes. (Remarquons au passage que dans
Cet avis du Conseil d’Etat a été pendant quinze ans l’Europe des 25, la France est le seul pays à se proclamer
le seul principe apporté pour résoudre une situation laïque dans sa Constitution.)
difficile que le gouvernement n’avait pas voulu traiter.
Celui-ci n’a pas pris ses responsabilités quand il en était Très réticente dans un premier temps, l’Eglise ca-
temps. Les gouvernements suivants n’allaient pas da- tholique craignait d’avoir tout à perdre. Son accepta-
vantage régler la question, ils ont laissé les choses s’en- tion et Þ nalement son adhésion au cadre laïque ont été
venimer, par lâcheté. L’épidémie a gagné peu à peu, les essentiels pour l’apaisement de notre société. Le temps
incidents se sont multipliés, quittant le seul cadre sco- de la laïcité de combat est dépassé, laissant la place à
laire pour gagner les hôpitaux, les administrations… une laïcité apaisée, reconnaissant l’importance des op-
Ces deux ou trois foulards au collège de Creil étaient tions religieuses et spirituelles.
les signes avant-coureurs des affrontements futurs.
En un siècle, sous l’effet de l’immigration, la société
française est devenue diverse, notamment dans le do-
maine spirituel ou religieux. L’enjeu a changé de natu-
La commission Stasi re, il est aujourd’hui de ménager leur place à de nou-
velles religions tout en réussissant l’intégration. Les
Le président de la République a nommé l’an der- gouvernements européens sont confrontés à la diffi-
nier une Commission de réßexion « sur l’application du culté de concilier deux exigences : le souhait d’accorder
principe de laïcité dans la République », présidée par les mêmes droits à l’Islam qu’aux autres religions et la
le médiateur de la République, Bernard Stasi. La com- crainte d’ouvrir des espaces d’inßuence à une aile mili-
mission a auditionné les responsables de tous les partis tante qui ne conçoit pas seulement l’Islam comme une
politiques, les représentants de toutes les religions, les religion mais comme un projet politique global.
Grands Maîtres de toutes les Loges maçonniques, les
présidents de la Libre Pensée, de la Ligue des Droits Nos sociétés sont menacées de fragmentation par
de l’Homme, de la L.I.C.R.A., du M.R.A.P., de SOS- la dérive du sentiment communautaire. La laïcité
Racisme, bref tout ce qui compte en matière d’autori- d’aujourd’hui est mise au déÞ de forger l’unité natio-
tés morales dans le pays. Après cinq mois de travaux, nale, le vivre ensemble, tout en respectant la diversité
elle a remis son rapport le 11 décembre dernier. Elle en de la société. Elle peut être le levain de l’intégration de
a proÞté pour faire un exposé sur la laïcité, qui mérite tous dans la société.
d’être résumé dans ses grandes lignes, car il a une va-
leur officielle. L’Etat laïque s’assure qu’aucun groupe, aucune com-
munauté ne peut imposer à quiconque une apparte-
Et d’abord, le rappel des grands principes maçonni- nance confessionnelle, en particulier en raison de ses
ques de 1789 : origines. Le principe de la laïcité est un garant de la
« La Révolution marque l’acte de naissance de la laï- liberté individuelle, contre l’exacerbation de l’identité
cité dans son acception contemporaine. L’autonomie culturelle ou religieuse, qui est porteuse d’oppression.
de la conscience, y compris sur le plan spirituel et re- L’objectif de la loi est de protéger la liberté de chaque
ligieux, est affi rmée. […] La République française s’est citoyen contre toute pression, physique ou morale, dans
construite autour de la laïcité. […] La France a érigé la le domaine des choix religieux. La défense de la liber-
laïcité au rang de valeur fondatrice. […] La laïcité, pier- té de conscience individuelle contre tout prosélytisme
re angulaire du pacte républicain. […] La laïcité est une vient aujourd’hui compléter les notions de séparation et
valeur fondatrice du pacte républicain, sur laquelle est de neutralité centrales dans la loi de 1905.
fondée l’unité nationale. »
Aujourd’hui les comportements, les agissements at-
Au XIXème siècle, Eglise et République s’affrontent tentatoires à la laïcité sont de plus en plus nombreux.
de nouveau. Les Républicains entendent soustraire la A l’école, le service public est mis à mal dans son fon-
société à la tutelle de l’Eglise catholique et à son em- dement même. Des enseignants estiment qu’ils ne peu-
prise sur les consciences. C’est dans cet esprit que sont vent plus accomplir leur mission. Les hôpitaux ne sont
adoptées les grandes lois scolaires de la IIIe République. plus épargnés par ce type de remises en cause : des cou-
En 1905, la loi de séparation a été conçue essentielle- loirs sont transformés en lieux privatifs de prière ; des
ment par rapport à l’Eglise catholique. cantines parallèles aux cantines hospitalières sont or-
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ganisées pour servir une nourriture traditionnelle. La loi sur la laïcité


Confrontés à ces phénomènes, les personnels concer-
nés sont désemparés. Après avoir pris connaissance du rapport de la com-
mission présidée par Bernard Stasi, le président Chirac
Des groupes communautaristes politico-religieux prononce le 17 décembre un discours laïciste, entouré
développent une stratégie d’agression contre des indi- de la plus grande solennité républicaine, où il annonce
vidus aÞ n de les plier à la norme communautaire qu’ils qu’il a choisi de légiférer sur la laïcité, et réaffi rme les
préconisent. Les premières victimes de cette situation principes fondateurs de la République pour défendre
sont les femmes et jeunes Þ lles, qui subissent des pres- « le sanctuaire républicain ».
sions et des violences verbales, psychologiques ou phy-
siques, pour qu’elles portent une tenue donnée, et bais- La mission d’information parlementaire conduite
sent le regard à la vue d’un homme. Certaines portent par M. Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée na-
volontairement le voile, mais d’autres le revêtent sous la tionale, qui avait pour objet le port des signes religieux
contrainte ou la pression. La République ne peut rester à l’école, ainsi que le groupe socialiste à l’Assemblée,
sourde à leur cri de détresse. auraient préféré l’interdiction de tous les signes reli-
gieux visibles 3 . Mais cette formulation aurait présen-
Il faut être lucides : oui, des groupes extrémistes té davantage d’inconvénients. Selon certains, le terme
sont à l’œuvre dans notre pays pour tester la résistance de « visible » aurait été contraire à la liberté de religion
de la République. garantie par l’article 10 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 et par l’article 9 de la
La commission a entendu les représentants des Convention européenne des droits de l’homme. C’est
grandes religions ainsi que des dirigeants d’associations pourquoi la grande majorité des députés a voté le projet
de défense des droits de l’homme qui ont fait part de de loi présenté par le gouvernement 4 .
leurs objections vis-à-vis d’une loi interdisant le port de
signes religieux. Les motifs invoqués sont les suivants : Nous retrouvons dans le débat à l’Assemblée le di-
stigmatisation des musulmans, exacerbation du senti- lemme auquel les “laïcs” sont confrontés depuis quinze
ment anti-religieux, image à l’étranger d’une France ans : comment concilier le principe de laïcité et celui de
« liberticide », encouragement à la déscolarisation et liberté de conscience et d’expression, tous les deux ga-
développement d’écoles confessionnelles musulmanes. rantis par l’idéologie et la Constitution ? Grand problè-
Les difficultés d’application auxquelles se heurterait me ! Il a fallu trouver un équilibre fragile entre les deux.
une loi ont été soulignées. Nous touchons là un exemple de leurs contradictions :
quand on a perdu la vérité, on n’a plus la lumière pour
D’autres – la quasi totalité des chefs d’établisse- résoudre des problèmes qui deviennent insolubles, on
ments et de très nombreux professeurs – sont convain- tombe dans l’incohérence.
cus qu’il faut légiférer. La commission a été particuliè-
rement sensible à leur désarroi. M. Eric Raoult déclare qu’il faut « un texte de loi
qui rappelle la primauté et la pérennité de princi-
La commission estime qu’aujourd’hui la question pes simples : d’abord, la République est plus forte que
n’est plus la liberté de conscience, mais l’ordre public. toute considération religieuse. » 5 Et M. Jean-Michel
Le contexte a changé en quelques années, du fait des re- Dubernard, président de la commission des affaires
vendications communautaires et des mises en cause du culturelles : « Quand une lycéenne, enfant mineure,
service public. Les tensions et les affrontements autour s’obstine dans le bureau du proviseur à réciter que “l’ex-
de questions religieuses sont devenus trop fréquents. Il pression de sa foi prévaut sur le respect des lois et rè-
est révélateur de noter que la saisine du Conseil d’Etat glements de la République”, elle joue Antigone sans en
ne mentionnait pas la question des discriminations en- avoir l’âge. » 6 Et pourtant cette jeune Þ lle, confrontée
tre les hommes et les femmes. L’évolution des termes à une République « laïque », a entièrement raison ! C’est
du débat en quinze ans permet de mesurer la montée évident s’il s’agit d’une jeune Þ lle catholique ; et même
en puissance du problème. s’il s’agit d’une jeune Þ lle musulmane, elle a raison, au
moins subjectivement : la République et la loi des hom-
La commission préconise l’adoption d’une loi qui mes sont soumises à la loi divine, c’est un « principe
réaffi rme le principe de laïcité, aÞ n qu’il soit reconnu simple ».
et respecté par tous ceux qui habitent sur notre territoi-
re. Elle propose (à l’unanimité des présents moins une M. Dubernard exprime la position qui prévaut
abstention) d’interdire à l’école les tenues et signes re- maintenant chez les hommes publics : « La laïcité ne
ligieux ostensibles, tels que grande croix, voile ou kip- saurait tourner au laïcisme. D’abord parce que Dieu,
pa. Les signes discrets tels que médailles, petites croix, quel que soit le nom qu’ils lui donnent, est dans la vie
étoiles de David, mains de Fatima, seraient autorisés. de millions d’hommes et de femmes en France. Ensuite
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• “Nous sommes fermes, mais pas fermés.”

parce qu’en expulsant le sacré, le laïcisme n’est rien se couler dans le cadre laïc, et on veut que l’islam, du
d’autre qu’une idéologie religieuse. La laïcité, si elle af- moins l’islam « de France », en fasse autant, qu’il accep-
Þ rme que le monde doit être regardé comme profane, te la laïcité, et s’intègre dans le paysage religieux fran-
considère que les traditions religieuses doivent être ad- çais, même si cela demande du temps.
mises à offrir l’apport de leurs richesses. […] C’est cet-
te idée de la laïcité qui doit nous conduire à rester Þdè- Cette illusion d’inscrire l’islam dans une société dé-
les au discours que Rabaud Saint-Etienne adressa à la mocratique et pluraliste est très répandue chez nos in-
Représentation nationale en août 1789 : nous devons ga- tellectuels, qui parlent souvent de ce qu’ils ne connais-
rantir aux juifs, aux musulmans, aux chrétiens et à tous sent pas. On lit ainsi dans le rapport de la commission
les croyants, quels qu’ils soient, “l’égalité des droits, la Stasi : « Pourtant la théologie musulmane a produit,
liberté de leur religion, la liberté de leur culte, la liberté dans sa période la plus brillante, une réßexion novatrice
de la pratiquer dans des maisons consacrées à cet objet, sur le rapport entre politique et religion. Les courants
la certitude de ne pas être plus troublés dans leur reli- les plus rationnels en son sein refusaient la confusion
gion et l’assurance parfaite d’être protégés comme tous, entre pouvoir politique et spirituel. La culture musul-
autant que tous, et de la même manière que tous par la mane peut trouver dans son histoire les ressources lui
commune loi. » 7 permettant de s’accommoder d’un cadre laïque. »

On admirera le désir de s’inscrire dans la continuité On rêve d’un islam modéré, tolérant, ouvert, qui
des “grands ancêtres” de la Révolution. Et on comprend s’intégrerait dans la laïcité… A Tunis, M. Chirac a lancé
que l’Eglise conciliaire approuve un tel discours, qui que « l’islam est totalement com-
n’est que la liberté religieuse du concile Vatican II. patible avec la laïcité française. »

L’Assemblée et le Sénat ont voté à une immense ma- Mais un tel islam est-il pos-
jorité (93 % des voix ; 88 % si on tient compte des abs- sible ? L’idée qu’il puisse exister
tentions) le texte de loi dont voici l’essentiel : « Dans les quelque chose qui échapperait à
écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes l’autorité directe de la religion, ce
ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensible- que les langues de la chrétienté désignent sous le nom
ment une appartenance religieuse est interdit. […] Les de temporel ou séculier, est totalement étrangère à la
dispositions de la présente loi font l’objet d’une évalua- pensée musulmane. L’islam est une religion politique,
tion un an après son entrée en vigueur. » La formula- qui commande la conquête de la Terre tout entière. Il
tion retenue introduit l’intention de l’élève de manifes- ne connaît aucune distinction entre le temporel et le
ter sa religion. spirituel, il ne distingue pas loi religieuse et loi civile : le
Coran est sa loi, toute la loi, civile et pénale. On conti-
Contrairement à certains, je ne crois pas trop à la nue de faire comme si cette réalité n’existait pas.
« laïcité radicale » (c’est solliciter les textes) ou au « re-
tour de l’intégrisme laïc » qu’ils discernent dans la loi
sur la laïcité. Il y a toujours eu des laïcistes enragés, l’in- Un problème surtout politique
tégrisme laïc est un courant toujours persistant, mais
minoritaire, et les grandes manifestations pour l’école En réalité, l’affaire du voile islamique n’est pas
libre de 1984 ont montré que ce n’était pas la bonne fa- d’abord une question religieuse liée à la laïcité : c’est
çon de procéder, même contre le catholicisme ; l’islam en effet une affaire d’ordre public, il s’agit donc d’abord
se laisserait encore moins faire. Le courant dominant d’un problème politique. Le voile islamique ne peut
parmi les responsables est toujours pour l’enseignement être réduit à un symbole religieux ; bien qu’il soit insé-
à l’école de ce qu’on appelle « le fait religieux », car l’in- parable de la religion, il a davantage une signiÞcation
culture religieuse des jeunes « les laisse désarmés face socio-politique que proprement religieuse.
aux pressions et aux instrumentalisations des activistes
politico-religieux qui prospèrent sur le terreau de cet- En islam, le voile reßète une conception particulière
te ignorance. En cela, l’école doit permettre aux élèves du statut de la femme, de ses rapports avec les hommes
d’exercer leur jugement sur les religions et la spirituali- et la société. Il montre aux yeux de tous son infériorité
té en général » (rapport Stasi). Mais cela, bien sûr, dans juridique et s’accompagne de mesures discriminatoires
le cadre de la « neutralité ». qui en font une mineure à vie. On est loin du respect et
de la liberté qui caractérisent les rapports entre hom-
Pas de distinction du religieux et du politique dans mes et femmes dans la conception chrétienne. Le voi-
l’islam le protège aussi la femme de la concupiscence masculi-
ne. Si beaucoup de musulmanes y reviennent à présent,
Nos hommes politiques s’imaginent pouvoir conci- c’est en réaction à l’impudicité qui s’étale dans notre so-
lier islam et laïcité. Les autres religions ont accepté de ciété déchristianisée. C’est sans doute pour toutes ces
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raisons que le voile suscite tant de passions, voire de Alors ils n’osent même pas nommer l’islam à ce pro-
malaise, dans le monde moderne. pos. La loi ne doit pas blesser ou humilier les musul-
mans, elle ne doit pas être ressentie comme discrimi-
On ne peut reprocher aux musulmans d’obser- nante par eux. Comme l’a dit M. Sarkozy : par cette loi,
ver leur religion, tout en notant que cet engouement « il n’y a personne
pour le voile islamique est très loin des traditions du qui est montré du
Maghreb, et c’est un phénomène qui, paradoxalement, doigt. » « Ce n’est
est celui de générations qui n’ont jamais vécu en pays pas du tout une
d’islam. Des pays à population musulmane comme la loi contre l’is-
Tunisie et la Turquie interdisent le voile à l’école, sans lam », s’exclame
que là-bas cela pose de problème. Chez nous, il s’agit Bernard Stasi, « il
donc d’autre chose. n’y a pas de pro-
blème avec l’is-
Pour le socialiste jacobin Jean-Luc Mélenchon, lam » 12 .
seuls les naïfs peuvent mettre ce communautarisme
sur le compte d’un retour aux racines : il est en réalité Mais si la loi
« le résultat d’une stratégie délibérée conduite par des veut prétendre
groupes organisés qui testent la capacité de défense des n’être pas « con-
institutions laïques de notre République. » 8 Les jeunes tre l’islam », il lui
Þ lles qui portent le voile sont le plus souvent contrain- faut s’en prendre
tes de se soumettre aux exigences de réseaux islamis- à toute religion. M. Nicolas Sarkozy
tes bien organisés. Ceux qui se dissimulent derrière el- Pour éviter d’of-
les et les manipulent veulent tester la détermination de fenser, donc de désigner l’islam, on ne condamne pas le
l’Etat français, dont ils connaissent la faiblesse. Dans voile islamique, mais « les signes religieux ostensibles »
son rapport devant la commission de l’Assemblée natio- en général, et on prévoit donc un traitement égal pour
nale au sujet des affaires de voile à l’école, M. Bertrand, les signes religieux chrétiens et musulmans. Dans ce
directeur central des Renseignements généraux, affi r- pays où l’on rencontre partout des témoignages de plus
me : « Tous les cas recensés ont toujours été contrôlés de quinze siècles de christianisme, on en vient à fai-
par les mouvements. Quand je parle de mouvements, re comme si l’héritage religieux de ce pays était autant
je parle toujours des mêmes, c’est-à-dire U.O.I.F. 9 ou musulman que chrétien. Recevant le député de Vendée
F.N.M.F. 10 » 11 Les auditions réalisées par la commis- Philippe de Villiers, M. Chirac lui a dit : « Les raci-
sion Stasi ont révélé que le problème avait une ampleur nes de l’Europe sont autant musulmanes que chrétien-
particulièrement inquiétante, pas seulement à l’école, nes. »13 Il fallait oser !
mais aussi à l’hôpital, dans la fonction publique et dans
les entreprises. Le rapport de M. Bertrand montre aus- Au lieu de juguler la menace politique de l’Islam,
si que le foulard à l’école n’est qu’un épiphénomène d’un l’Etat pénalise en particulier la religion catholique et
vaste réseau de propagande religieuse qui est en train s’attaque au peu de liberté dont elle jouit encore. La
de s’implanter rapidement dans le monde du travail. Le persécution contre le christianisme augmente d’un
véritable enjeu est donc plus profond que la simple af- cran. Mgr Henri Brincard, évêque du Puy-en-Velay, a
faire du voile à l’école. publié un communiqué dans lequel il avertit : « Je tiens
à dire ceci : si les principales conclusions du rapport
Stasi devaient être entérinées par l’autorité législative
On ne veut pas nommer l’islam de notre pays, une nouvelle étape serait franchie, celle
d’une progressive mise hors la loi de la tradition chré-
Les autorités de la République font une loi sur la tienne. » 14
laïcité, qui interdira tout signe religieux « ostensible »
à l’école. Force est de constater que l’islam seul pose Cette nouvelle loi est antichrétienne, il faut le dire.
aujourd’hui un grave problème à la société française. Je ne pense pas qu’elle le soit dans son intention pre-
Aucune des menaces de type religieux que signale le mière, qui vise l’islam. Ceux qui l’ont votée se satis-
rapport Stasi ne concerne de près ou de loin le christia- faisaient de la laïcité « apaisée » dans laquelle vivait la
nisme. Alors, pourquoi ne pas le dire clairement ? C’est France, et auraient sans doute préféré ne pas modiÞer
bien l’islam et ses pratiques qui ont provoqué cette loi, cette situation. Mais elle est antichrétienne, en ce sens
et qui sont visés par elle. Mais la laïcité officielle n’ose que la seule religion dont elle lèse les droits est le catho-
pas s’affi rmer contre l’islam. Nos hommes politiques licisme. Les autres religions n’ont aucun droit lésé par
sont pétriÞés par la présence de quelque cinq ou six elle, elle ne commet aucune injustice envers elle, mais
millions de musulmans en France ; il sont terrorisés à la envers la seule religion catholique.
seule idée de braquer une partie de cette communauté.
12
• “Nous sommes fermes, mais pas fermés.”

Une loi aventureuse sera bientôt plus d’actualité. Comme le dit de maniè-
re imagée Georges-Paul Wagner : « A force d’avoir pen-
On espère qu’en interdisant les signes religieux os- dant deux siècles mangé du curé, notre République laï-
tensibles à l’école, la laïcité de la République sera sau- que Þ nira par se voir interdire de manger du porc. » 17
ve. Mais le vote d’une loi ne sera pas la solution à toutes
les difficultés, loin de là. Comment discerner par exem- Maintenant qu’ils ont détruit l’Europe chrétien-
ple entre l’« ostensible » et le discret ? Comment tracer ne, quelle défense reste-t-il aux maçons face au péril
la frontière entre le signe ostentatoire illicite et le si- de l’islamisme ? C’est pourquoi nos hommes politiques
gne non-ostentatoire licite ? L’Etat laïciste refusant mê- n’ont plus qu’un mot à la bouche : laïcité. La laïcité est
me jusqu’à l’idée d’un ordre moral, n’ayant de ce fait pas désormais célébrée, de la droite à la gauche, comme un
d’échelle des valeurs, est incapable de distinguer entre rempart. Mais dans une société déchristianisée, elle ne
ce qui est légitime et ce qui est illégitime : cette distinc- peut servir qu’aux religions les plus convaincues et mi-
tion suppose le sens de la vérité et du bien commun. litantes. A commencer par l’islam. La laïcité ne suffi ra
certainement pas à régler le problème de fond qui doit
Après la loi, il faudra affronter les choix quotidiens. être pris de plus haut, dans ses causes et non dans ses
Que donnera la résolution laïque à l’épreuve des faits ? seuls effets. Que pèsent les gesticulations des « laïcs »
De plus cette loi est un pari, car nul ne sait vraiment devant l’islam ? Que vaut le « Non à une loi morale… »
quelles en seront les conséquences sur le comportement de M. Chirac en face du Coran ?
des intéressés.
Dans les banlieues où s’affi rme un islam militant et
La loi est censée rétablir l’ordre troublé, en com- conquérant, on assiste à un vaste mouvement de réisla-
mençant par l’école, lieu par excellence où doit se fa- misation, en particulier dans la jeunesse. Certains trou-
çonner « l’âme citoyenne ». Mais le communautarisme, vent dans les formes d’un islam radical une identité et
c’est-à-dire le repli d’un groupe sur lui-même, qui s’est une Þerté qui ne leur sont pas fournies par ailleurs. Le
beaucoup développé dans la société française, risque de problème est commun à l’ensemble de l’Europe. Face à
s’en trouver renforcé. Au lieu de donner un coup d’ar- un islam fortement identitaire, il faut que nos nations
rêt aux revendications des musulmans et d’endiguer le de vieille chrétienté retrouvent l’amour de leurs raci-
communautarisme, la loi risque d’ampliÞer ce mouve- nes. Qu’avons-nous, en effet, à faire aimer à des jeu-
ment, en particulier en multipliant les écoles confes- nes déracinés issus de l’immigration ? Aucune identi-
sionnelles musulmanes. Certains craignent qu’elle ne té clairement affi rmée dont les Français devraient être
crée davantage d’exclusion des jeunes Þ lles musulma- Þers, un passé sans cesse raillé, un mépris pour la pa-
nes. Régis Debray, membre de la commission Stasi, a trie, la religion, la morale, un individualisme qui exige
mis ses pairs en garde : « Vous tomberez dans le piège toujours plus de droits à mesure que les devoirs dispa-
classique : réprimer, donc répandre. » 15 raissent. Aujourd’hui, l’islam n’est fort que de notre fai-
blesse et de notre aveuglement à appréhender les vrais
On peut aussi poser la question : que va-t-on faire à problèmes. Les progrès de l’islam sont d’abord l’effet de
la Réunion (où l’on assiste à une forte poussée islami- la démission spirituelle de l’Occident chrétien.
que), et à Mayotte qui compte 97 % de musulmans ?

EnÞ n la loi ne prévoit aucune sanction, ce qui est ex- Les évêques en face de l’islam
trêmement curieux et singulier.
Les évêques de France étaient opposés l’an dernier à
une loi sur la laïcité. Lors de leur assemblée plénière à
Le fond du problème Lourdes, ils ont réaffi rmé leur refus d’une loi pour plu-
sieurs raisons :
Nous avons montré ce qui se cache derrière le voi-
le ; il n’est qu’un des emblèmes, une des provocations - certaines bonnes raisons : ils craignaient qu’une loi
de l’islamisme. Cet islamisme veut la victoire, non le ne suscite des interdictions nouvelles pour les chré-
compromis. Certaines personnalités musulmanes ont tiens, des raidissements dans le domaine religieux,
pour objectif de soumettre le christianisme à l’Islam, et n’aie des répercussions sur les aumôneries de ly-
et ne s’en cachent pas, comme le cheikh Youssef el- cées, d’hôpitaux, de prisons, mais aussi sur les sub-
Qaradaoui : « L’Islam reviendra en Europe en conqué- ventions à l’enseignement catholique ;
rant ! » Des Saoudiens avaient dit à un Français qui vi- - et surtout de mauvaises raisons : ils étaient satisfaits
vait alors en Arabie Saoudite : « Vous nous aviez arrêtés à de la situation actuelle, ils ne voulaient pas d’une re-
Poitiers, mais aujourd’hui nous sommes déjà à Lille. » 16 mise en cause de la loi de 1905, et souhaitaient le
Ce qui signiÞe qu’à moins d’une réaction catholique et maintien du statu quo ; les catholiques se sont bien
française forte, le problème de la laïcité en France ne intégrés dans la laïcité française : ils ne voulaient pas
13
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voir menacer cet équilibre, qui leur convient pleine- Si le catholicisme semble mort en France, c’est qu’on
ment. ne le voit plus. Alors ce désert devient une aubaine pour
l’islam et les sectes. La faute à qui ? Les évêques conci-
Les évêques se font tantôt les avocats de la laïcité, liaires, spécialement dans nos pays occidentaux, refu-
tantôt ceux des musulmans, mais non ceux des droits sent la dimension sociale de la religion, ils veulent un
souverains de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de son catholicisme strictement « religieux et spirituel », ils
Eglise. Selon le titre d’un ouvrage paru récemment 18 , sont apeurés à l’idée d’une grande visibilité. Le clergé
ils sont « pour une laïcité ouverte ». Ils encouragent conciliaire a abandonné ses signes religieux ; bon nom-
l’implantation de l’islam dans nos pays, et soutiennent bre d’institutions ou d’écoles ont renoncé à leur nom.
la construction de mosquées. Donnons quelques spéci- Alors un peu plus un peu moins, la destruction de tous
mens récents. ces signes d’appartenance au catholicisme étant déjà
bien entamée, pourquoi s’arrêter en chemin ? « Que la
Mgr Jean-Pierre Ricard : « Concernant le port du petite croix soit portée sous le vêtement ne nous gê-
voile islamique et l’interdiction à l’école de tout signe ne pas », a même affi rmé Mgr Ricard à la commission
religieux, je pense qu’il faut éviter une loi qui risquerait Stasi ! 23
d’avoir comme effet de provoquer chez un certain nom-
bre de musulmans le sentiment qu’ils sont les mal aimés EnÞ n, sur le lundi de Pentecôte, qui est bien une fê-
de la République et qu’il sont victimes d’une discrimi- te catholique et que le gouvernement veut supprimer,
nation religieuse. » 19 les évêques français ont eu comme d’habitude un com-
portement terne et fuyant, ils l’ont « offert » au gou-
Le cardinal Bernard PanaÞeu, archevêque de vernement dès qu’il en a soulevé l’idée. Sur une telle
Marseille : « Nous avons une tradition d’intégration qui question, nul doute qu’une protestation vigoureuse et
fait notre richesse, une capacité à accueillir les différen- unanime des évêques aurait eu quelque inßuence sur le
ces et à respecter les diversités. Restons Þdèles à nos ra- choix du gouvernement.
cines. Ce sont elles qui donnent à notre pays une image
de tolérance, de respect d’autrui… » 20
Le projet de Constitution européenne.
Mgr Joseph Doré, archevêque de Strasbourg, avec
son conseil épiscopal, s’est dit fa- Le débat sur la laïcité a été aus-
vorable à l’enseignement de l’islam si d’actualité à propos du préambu-
dans les écoles alsaciennes au même le de la Constitution européenne
titre que les autres religions qui sont rédigée par Valéry Giscard d’Es-
reconnues par le concordat toujours taing, dont l’inspiration maçonni-
en vigueur dans cette région ; c’est- que est évidente : « La Constitution
à-dire que des imams autoproclamés […] s’inspire des héritages culturels,
enseigneraient l’islam dans les éco- religieux et humanistes de l’Europe
les, en étant rétribués par les contri- qui, nourris d’abord par la civilisa-
Mgr J. Doré buables 21. La conséquence probable tion hellénique et romaine, marqués
serait l’élargissement du statut con- par l’élan spirituel qui l’a parcourue et est toujours pré-
cordataire à l’islam. sent dans son patrimoine, puis par les courants philoso-
phiques des Lumières, ont ancré dans la vie de la socié-
« Ces sociétés [occidentales] sont à ce point déchris- té sa perception du rôle central de la personne humaine
tianisées, elles offrent un tel vide moral et spirituel, et de ses droits inviolables et inaliénables, ainsi que du
qu’il est absurde de s’étonner que l’islam y gagne cons- respect du droit. »
tamment du terrain. » Cette citation est de l’ex-terro-
riste Carlos, dans son livre L’islam révolutionnaire 22 . Si Ainsi, au nom du principe de laïcité, il nous est
l’islam grignote sur tout, et progresse chaque jour dans proposé de passer directement de la civilisation anti-
le monde, la mollesse des chrétiens, vis-à-vis de l’islam que aux « Lumières ». L’Europe chrétienne n’aurait ja-
comme pour le reste, y est certainement pour beau- mais existé, alors que toute notre civilisation est pé-
coup. trie de christianisme. Il ne peut y avoir de référence à
Dieu, ni surtout à l’Eglise catholique. Le ferme et net
refus de Jacques Chirac de voir mentionné dans cette
Quelle est la réalité du catholicisme français Constitution l’héritage chrétien de l’Europe au prétex-
aujourd’hui ? La France est devenue un désert spirituel, te que la France est une République laïque montre en-
certains diocèses n’auront quasiment plus de prêtres core une fois ce qu’est la laïcité : loin d’être « neutre »,
d’ici quelques années et les mentalités sont de plus en elle cherche à rejeter Dieu hors de la société, elle favo-
plus étrangères au christianisme. rise de fait l’athéisme. 24
14
• “Nous sommes fermes, mais pas fermés.”

Le débat semble clos depuis le 28 novembre, où cette té. Sans sous-estimer les autres traditions religieuses, il
formulation a été entérinée par les ministres européens reste que l’Europe s’est affi rmée en même temps qu’elle
des affaires étrangères. D’après Philippe de Gaulle, ce- était évangélisée. » Voilà ce que le christianisme a ap-
la aurait été la position de son père le général : « Il con- porté à l’Europe : rien de surnaturel. A-t-il seulement
sidérait qu’il était le représentant d’une république laï- sauvé une seule âme ?
que… Inscrire l’origine chrétienne de l’Europe dans la
Constitution ? Il ne l’aurait certainement pas fait. » 25 On ne peut pas défendre la laïcité républicaine, et
Pour tous ces hommes, la religion est une affaire privée, prétendre en même temps défendre la civilisation chré-
qu’il faut cantonner dans le for intérieur. tienne. On ne peut pas appeler les catholiques à adhérer
à cette Europe libérale sur le plan des mœurs et socia-
Dans ses vœux au corps diplomatique le 12 jan- liste sur le plan économique, comme si Dieu n’existait
vier 2004, pas, et demander que soit introduite une référence à
Jea n-Pau l II « l’héritage chrétien » de l’Europe dans la Constitution
a émis quel- de cette Europe. Un catholique n’a pas à entrer dans les
ques regrets, discussions de cette Constitution. Il doit combattre la
mais voyons construction de cette Europe qui détruit les nations, et
en quels ter- ravale l’Eglise catholique au niveau des sectes.
mes :
« La diffi- Ce pontiÞcat, au lieu d’être signe de contradiction
culté à accep- dans le monde, accompagne le désordre du monde.
ter le fait re- Quand a-t-on entendu le pape simplement proclamer
ligieux dans que la religion catholique a des droits, qu’elle est seule à
l’espace pu- posséder, car ils lui viennent de son Fondateur et qu’el-
blic s’est vériÞée de manière emblématique à l’occasion le est la seule vraie ? C’est d’un tout autre ordre que de
du récent débat sur les racines chrétiennes de l’Europe. constater que l’héritage de l’Europe est chrétien, ou
Certains ont relu l’histoire à travers le prisme d’idéolo- rappeler « les valeurs anthropologiques, morales et spi-
gies réductrices, oubliant ce que le christianisme a ap- rituelles chrétiennes [qui] ont largement contribué à fa-
porté à la culture et aux institutions du continent : la çonner les différentes nations européennes ».26
dignité de la personne humaine, la liberté, le sens de
l’universel, l’école et l’Université, les œuvres de solidari-

La place des religions dans le monde moderne


Depuis quarante ans, la sécularisation de la so-
ciété paraît un fait acquis : l’Eglise catholique y exer-
ce de moins en moins d’inßuence publique, la prati-
que religieuse s’est effondrée, la religion est devenue
une affaire individuelle. L’Eglise conciliaire a renon-
cé à la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
L’enseignement catholique, par le biais des contrats
d’association, est devenu une composante de l’Educa-
tion nationale. Entre les religions catholique et maçon-
nique, il n’y a plus de choc, plus de lutte. Si le combat
entre l’Eglise et l’Etat a cessé, c’est qu’un des deux com-
battants a rendu les armes à son adversaire, il est même
passé dans son camp. On est parvenu à un bon équili-
bre et une bonne entente entre l’Etat et « les cultes », à
une laïcité « apaisée », « décrispée ». Faute d’adversaires,
les anticléricaux, les pontifes du radicalisme laïque ont
perdu une bonne part de leur raison d’être.

Parce que la République a cessé sa confrontation


avec l’Eglise, la société se sent libre de demander à la
religion des repères, voire des modèles : Mère Teresa,
l’abbé Pierre, sœur Emmanuelle, voilà quelques héros
contemporains, salués pour leur action sociale. Les fou-
15
Nouvelles de Chrétienté Nº 87
Mai-juin 2004 •

les que le pape déplace lors de ses nous avons le bonheur de reconstruire. » 28 Cette résis-
voyages obligent au respect. tance n’est pas vaine ; si les ennemis de Notre-Seigneur
croient que leur victoire déÞ nitive est proche, ils se
Les hommes politiques s’aperçoi- font illusion. « Ils périront, mais toi, tu demeures. » 29
vent donc que les religions peuvent
contribuer à l’ordre et l’équilibre
social ; en ce sens elles sont utiles.
Nous avons entendu M. Dubernard
1
déclarer : « La laïcité, si elle affi r- L’abbé Pierre « 5 millions de musulmans en France, ou davantage ? On n’en
me que le monde doit être regardé sait trop rien. » (Rapport de M. Yves Bertrand, directeur cen-
comme profane, considère que les traditions religieu- tral des Renseignements généraux, donné le 9 juillet 2003 dans
le cadre de la Commission de l’Assemblée Nationale présidée
ses doivent être admises à offrir l’apport de leurs ri- par Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée Nationale,
chesses. » Le 3 mai 2003, devant l’assemblée générale du ayant pour objet le port des insignes religieux dans les écoles
Conseil français du culte musulman, le Premier minis- publiques)
tre Jean-Pierre Raffarin exprimait aussi sa pensée : « Je 2
Rapport de la commission Stasi.
constate aujourd’hui un retour du religieux, et je vous le 3
La commission présidée par Jean-Louis Debré est allée jusqu’à
dis franchement, c’est pour moi une bonne nouvelle. […] proposer de supprimer tous les signes et symboles religieux des
La vraie énergie se trouve aujourd’hui dans les valeurs écoles, y compris les écoles catholique sous contrat !
spirituelles, humanistes. […] L’avenir, je le crois, du po- 4
Ceux que cela intéresse trouveront l’ensemble des travaux
litique, est dans sa capacité à mobiliser cette énergie en de l’Assemblée nationale sur le thème de la laïcité sur le site
rassemblant plus qu’en divisant. » Internet www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/laicite.asp
5
Le 4 février 2004.
Il rejoignent l’avis du cardinal Etchegaray : « Après 6
Le 3 février 2004.
l’Etat chrétien, dont le Concile a sonné le glas, après
7
l’Etat athée qui en est l’exacte et aussi intolérable an- Idem.
8
tithèse (!), l’Etat laïc ne saurait se contenter d’une neu- Causes républicaines, Seuil, 2003.
tralité par pure abstention : il est de son devoir, sans se 9
Union des organisations islamistes de France.
renier, de faire appel aux valeurs religieuses comme à 10
Fédération nationale des musulmans de France.
une référence capable de nourrir et de fortiÞer le tissu 11
Cf. note 29 de la première partie.
si fragile de la société. » 27
12
Le Figaro du 20 janvier 2004.
13
« Faire appel aux valeurs religieuses » pour apporter Le Figaro du 20 octobre 2003.
un “plus” à la société, telle est l’ambition commune sur 14
Communiqué du 17 décembre 2003.
laquelle “hommes politiques” et “hommes religieux” 15
Ce que nous voile le voile, Gallimard, 2004.
peuvent désormais s’entendre ; c’est en particulier une 16
« Les auditeurs ont la parole », le lundi 17 novembre 2003 sur
des idées chères à Jean-Paul II.
RTL.
17
Présent du 13 janvier 2004.
18
Résister Une République, des religions. Pour une laïcité ouverte (ouvrage
publié sous la direction de Guy Bedouelle, O.P., Henri-Jérôme
Gagey, Jérôme Rousse-Lacordaire et Jean-Louis Souletie.
La laïcité est le point fondamental, le point décisif Editions de l’Atelier, 2003). Signalons que le livre est vendu par
sur lequel « le monde » demande à l’Eglise de se récon- exemple à l’Institut catholique de Paris, où l’un ou l’autre des
cilier avec lui, de s’aligner sur lui. Nous touchons là le auteurs enseigne.
cœur de leurs rapports. Dans cette œuvre de déchris- 19
Intervention devant la commission Stasi le 24 octobre 2003.
tianisation de la société, l’Eglise conciliaire a fortement 20
Communiqué du 21 janvier 2003 envoyé aux médias locaux
prêté la main à la République maçonnique. de Marseille.
21
Communiqué du 11 décembre 2003.
La laïcité veut contraindre la France à renier un peu
22
plus ses origines et son identité catholique. Mais Dieu Editions du Rocher ; cité par Fideliter, novembre 2003.
23
tire toujours le bien du mal : c’est pour nous une invi- La Croix du 27 octobre 2003.
tation à résister. A ces attaques répétées, nous devons 24
« Il convient d’être ferme sur le refus de la référence à Dieu
opposer une résistance sans concession, pour rendre et à l’héritage spirituel de l’Europe dans la future Constitution
à Notre-Seigneur Jésus-Christ la place qui est sienne européenne. Sur ce point, le président de la République, lors des
dans la société. « C’est tout un tissu de vie sociale chré- consultations que nous avons eues avec lui, a été très net et nous
a assuré que la position de la France ne changerait pas d’un io-
tienne, de coutumes chrétiennes, de réßexes chrétiens,
ta ! » (Bernard Brandmeyer, Grand Maître du Grand Orient de
qu’il nous faut restaurer, à l’échelle que Dieu voudra, le France, dans Le Monde du 17 janvier 2004)
temps que Dieu voudra. […] Tandis qu’ils détruisent,
16
• “Nous sommes fermes, mais pas fermés.”

25
Le Point du 16 janvier 2004. VI à Valence.
26 28
Discours de Jean-Paul II aux évêques de la province ecclésias- Mgr Marcel Lefebvre : Ils l’ont découronné, Fideliter, 1987.
tique de l’Est de la France en visite ad limina, le 27 février 2004. 29
Psaume 102, 27, que saint Paul cite dans l’épître aux Hébreux
27
Le 29 août 1999, devant le préfet de la Drôme à l’occasion de 1, 11.
la commémoration du deuxième centenaire de la mort de Pie


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17
Nouvelles de Chrétienté Nº 87
Mai-juin 2004 •

Combien de prêtres dans dix ans ?


Alain Delaroche

Au cours d’une conférence de presse présen- Mgr Ternyak a répondu que d’après lui il était plus pro-
tant la lettre du pape aux prêtres pour le Jeudi Saint, che de 80 000. Pour la période allant de 1974 à 2000, il
Mgr Csaba Ternyak, secrétaire de la Congrégation a même donné le chiffre précis de 64 610.
pour le clergé – dont le président est le cardinal
Castrillon Hoyos –, a donné des chiffres qui montrent Cette situation plus que préoccupante est désor-
clairement l’avenir inquiétant du clergé en Europe et en mais prise en compte dans tous les pays d’Europe et
Amérique du Nord. d’Amérique du Nord. Ainsi en Grande-Bretagne qui
compte aujourd’hui 4 274 prêtres pour un peu plus de
Il a d’abord fait remarquer que le nombre de prêtres 3 000 paroisses, on sait que ce nombre sera réduit de
dans le monde est passé de 406 509 en 1961 à 439 850 en moitié dans 15 ans. Dans le diocèse de Westminster qui
2001, et que 14 % des paroisses actuelles ont été créées a actuellement 550 prêtres et qui n’en aura que la moi-
ces 30 dernières années. – Pour être vraiment parlants, tié seulement dans dix ans, le cardinal Cormac Murphy
ces chiffres auraient besoin d’être mis en rapport avec O’Connor, primat d’Angleterre et du Pays de Galles,
la courbe de l’évolution de la population mondiale. A ti- projette de créer des unités pastorales dans lesquelles
tre indicatif, notons que l’Eglise catholique compte en- des communautés de prêtres se partageraient la respon-
viron un milliard de Þdèles, contre quelque 749 mil- sabilité de plusieurs paroisses avec une plus grande im-
lions il y a un quart de siècle, c’est donc que le nombre plication des laïques.
de Þdèles augmente plus vite que celui des prêtres.
En Irlande, le nombre des nouvelles vocations –
Pour Mgr Ternyak, « la baisse des prêtres séculiers, religieux et religieu-
vocations dans certains pays occi- ses – a baissé de 75 % en une décen-
dentaux ne doit pas créer une faus- nie, et seuls trois des dix séminaires
se illusion : elle est corrélative au qui sont sous la responsabilité de la
vieillissement progressif de la po- Conférence épiscopale irlandaise
pulation locale, au phénomène pré- sont encore en fonction. Devant ce
occupant de la diminution des nais- désastre, l’épiscopat se résout à trans-
sances et au phénomène culturel de former ces séminaires, tel celui de
l’augmentation de la sécularisation ». Thurles, dans le Tipperary, qui de-
– Autrement dit la déchristianisation Boston : un appartement de vient un centre de formation pour
et la dénatalité des pays riches dont luxe dans une église transfor- de futurs entrepreneurs soucieux de
le pape a dénoncé l’« apostasie silen- mée en co-propriété. Les prix concilier les affaires et l’éthique.
cieuse » dans son exhortation aposto- d’un appartement varient entre
lique Ecclesia in Europa. Le secrétaire 300 000 US$ et 1,2 million US$ En France, selon une étude pa-
de la Congrégation pour le clergé a rue dans La Croix du 29 mai, le nom-
d’ailleurs ajouté : « On peut constater une croissance du bre de prêtres en exercice devrait être divisé par trois,
clergé particulièrement dans les continents les plus jeu- en dix ans. Car les prêtres de moins de 65 ans qui sont
nes, où la procréation représente encore quelque cho- aujourd’hui 13 500 ne seront plus que 4 500 dans une dé-
se et où la culture est moins attaquée par la crise reli- cennie, en tenant compte de la centaine d’ordinations
gieuse ». sacerdotales chaque année. Toujours selon cette étu-
de, en 2000, « pour la première fois, moins de la moitié
C’est ainsi que l’on peut remarquer que le nombre de des enfants nés ont été baptisés ». Leur nombre conti-
prêtres est passé, entre 1961 et 2001, en Asie de 25 535 à nue à baisser d’un pour cent chaque année. Les dispari-
44 446 (+ 75 %) et en Afrique de 16 541 à 27 988 (+ 65 %). tés sont très fortes selon les régions. Si la moyenne na-
Tandis qu’en Europe, ce chiffre tombait de 250 859 à tionale est de 46 % d’enfants baptisés, elle est de 92 %
206 761 (- 20 %) et en Amérique du Nord de 71 725 à dans le diocèse de Saint-Flour (Cantal), mais de 13 %
57 988 (-20 %). dans celui de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Interrogé au cours de cette conférence sur le chiffre Au Canada, selon une lettre de la Conférence épis-
de 200 000 départs de prêtres durant ces 40 dernières copale récemment adressée aux supérieurs des com-
années, avancé dans une récente émission de la BBC, munautés religieuses masculines et féminines, à peine
18
• “Nous sommes fermes, mais pas fermés.”

10 % des membres de ces communauté auront moins de de ces 357 paroisses sont dans le rouge, les bâtiments
65 ans, en 2015. se détériorent et les prêtres prennent de l’âge (130 ont
plus de 70 ans), a expliqué Mgr O’Malley qui a fait état
Aux Etats-Unis, Mgr Sean O’Malley, archevêque d’« une baisse du nombre de catholiques pratiquants ».
de Boston, a annoncé qu’il fermerait d’ici la Þ n de l’an-
née 65 paroisses sur les 357 que compte l’archidiocèse, Telle est la crise de l’Eglise à échéance non pas d’une
en déclarant : « J’aimerais qu’il y ait un moyen de main- génération, mais bien d’une décennie. C’est à dire au
tenir ouverts et remplis ces lieux de vie et de prière. plus tard en 2015.
Mais il n’y en a pas ». Les comptes de plus d’un tiers

19
Nouvelles de Chrétienté Nº 87
Mai-juin 2004 •

Inscriptions et renseignements : Association « Pèlerinages de Tradition » — 23 rue Poliveau 75005 Paris


Tél. : 01 55 43 15 60 — Fax : 01 55 43 15 61
Courriel : pele.trad@wanadoo.fr
Site : www.pelerinages-de-tradition.org

Déroulement général :
FRATERNITÉ SACERDOTALE ST-PIE X
« Grand pèlerinage » MAISON GÉNÉRALE
(386 km – 33 étapes en 35 jours)
Directeur de la publication
Abbé Arnaud Sélégny
• 3 juillet à 17h : Grand-Messe et bénédiction à
Domezain (école Saint-Michel-Garicoïts) Rédacteur
Abbé Alain Lorans
• 4 juillet : grand départ de Domezain, messe, confes-
sion Abonnement
• 4 juillet au 3 août : 29 premières étapes (selon décou-
page type). Messes quotidiennes vers 19h. Normal : 20,- € – Etranger : 24,-- €
de soutien : 40,-
« Petit pèlerinage » Prix au numéro: 3,50 €
France : chèque à l’ordre de :
• 4 août au 7 août : 4 dernières étapes. Bivouacs orga- Association CIVIROMA
nisés aux étapes chaque jour. Messes quotidiennes à Suisse : CCP 60-29015-3,
19h. Priesterbruderschaft St. Pius X.
Schwandegg — 6313 Menzigen
• 8 août : 9h : Grande procession de Monte de Gozo à
Saint-Jacques-de-Compostelle Adresse postale
11h : Grand Messe à l’église St Martin Pinaris DICI-Presse – Etoile du Matin
après-midi : Visite de St Jacques. F – 57 230 EGUELSHARDT

Imprimeur
Plano-Print
« Le pèlerinage jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle Am Gewerbering, 8
est une offrande que la Tradition catholique veut dépo-
D- 84069 SCHIERLING
ser devant le tombeau du Matamore pour en obtenir la
délivrance des périls qui ravagent la Chrétienté ».
CPPAP : 0305 G 77598
Abbé Régis de Cacqueray

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