Vous êtes sur la page 1sur 10

FONCTION RÉSIDENTIELLE

ET STRATÉGIES
DE PLANIFICATION URBAINE

Synthèse no.2, 2019 HABITER LE VIEUX-MONTRÉAL ET SES ANCIENS FAUBOURGS

Directrice Priscilla Ananian


de recherche professeure-chercheure ESG UQAM

Assistante Ariane Perras


de recherche
Directrice Priscilla Ananian
de recherche professeure-chercheure ESG UQAM

Assistante Ariane Perras


de recherche

Mise en page Ariane Perras

Réalisation Marie-Axelle Borde


des figures Ariane Perras
Jean-Philippe Dallaire

Pour plus d'informations Ananian, P. (2017). Cinquante ans de développement de la fonction résidentielle dans le Vieux-Mon-
tréal et les anciens faubourgs : quelles leçons en tirer ?
Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], 12(2017). doi:10.7202/1050581ar
h�ps://omv.esg.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/90/Ananian-2017-EUE.pdf

Remerciements Pour leur participation, leurs conseils et les informations fournies, nous
souhaitons remercier, au nom de l’équipe de recherche et de ses partenaires,
pour leur temps et leurs apports précieux :

Mario Lafrance de la SDC Vieux-Montréal, Christine Caron de l’ARVM, tous les


acteurs du développement ayant participé aux entretiens, les fonds d’archives
du Service de mise en valeur du territoire de la Ville de Montréal, de la BAnQ,
du ministère de la Culture et des Communications (MCC) et de l’UQAM, de
même que l’équipe d’édition de la revue Environnement Urbain.

Nous remercions également nos partenaires et subventionnaires :


Mise en contexte Le Vieux-Montréal et ses faubourgs Québec et des Récollets, situés entre le centre-ville et le fleuve
Saint-Laurent, composent un secteur couvrant environ 1,86 km2. En raison de son caractère
multifonctionnel, ce secteur est confronté à différents enjeux de cohabitations entre usages et
usagers. Principal pôle touristique de Montréal incluant le site patrimonial désigné par le ministère
des Affaires culturelles du Québec (MAC) en 1964, puis agrandi en 1995, le quartier a vu sa
population résidentielle presque tripler entre 1996 et 2016.

Les stratégies de développement citées dans le Plan de protection et de mise en valeur du


Vieux-Montréal de 2013 présupposent un arrimage possible et souhaitable entre ses statuts à
titre de quartier habité, de quartier d’histoire et de quartier tourné vers l’avenir répondant aux
impératifs de l’internationalisation de Montréal.

L’habiter figure en tête de liste des fonctions discutées dans ce plan. Toutefois, la conception de la
fonction résidentielle dans la ville et le quartier a évolué au fil du temps, pour devenir un élément
structurant d’une nouvelle identité urbaine sur le long terme. L’accroissement du nombre de
résidents est peu à peu conçu comme un levier de développement contribuant durablement à la
qualité des milieux de vie urbains.

Les stratégies déployées pour développer la fonction résidentielle durant les 50 dernières années
ont contribué à refaire du Vieux-Montréal un quartier habité. Le présent volet de l’étude Habiter
le Vieux-Montréal visait à interroger l’évolution du rôle de la fonction résidentielle, dans le but de
révéler les valeurs et le sens accordés à la qualité du milieu de vie résidentiel face à d’autres
objectifs comme la mise en valeur du patrimoine et la mise en tourisme.

Quelles leçons et perspectives d’avenir peut-on en tirer ?

Méthodologie 1. Revue de la li�érature scientifique. 5. Analyse documentaire, sur la base de


documents de planification urbaine sur
2. Identification et cartographie des différents le Vieux-Montréal, les faubourgs Québec
immeubles résidentiels présents dans le et des Récollets, le Vieux-Port et le
Vieux-Montréal et ses faubourgs Québec centre-ville, publiés entre 1965 et 2016.
et des Récollets. Les 41 documents jugés pertinents ont été
retenus dans le cadre de cet exercice
3. Analyse de données issues du rôle d’analyse.
d’évaluation foncière de la Ville de
Montréal (2017). 6. Entrevues semi-dirigées réalisées auprès
de 7 acteurs publics et de 4 acteurs privés
4. Visites sur le terrain, observation et analyse du développement. Les entretiens ont
typomorphologique du bâti. servi à apporter des nuances quant à la
conception de la fonction résidentielle
telle qu’exprimée dans les documents de
planification.
Les stratégies de La construction d'une vision pour le Vieux-Montréal
planification
Depuis la désignation patrimoniale du Vieux-Montréal en 1964, plusieurs documents ont participé
à la formulation de stratégies de planification urbaine et ont influencé les visions de
développement du centre-ville de Montréal dans son ensemble, ainsi que celles énoncées pour le
redéveloppement du Vieux-Port de Montréal et des faubourgs Québec et des Récollets.

Sept documents de planification ont été identifiés comme ayant participé de manière principale
à la construction d'une vision de développement du Vieux-Montréal au fil du temps. Globalement,
ces documents expriment la volonté des parties prenantes d'assurer une mixité de fonctions tout
en conservant le caractère historique des lieux.

Plan directeur du
Vieux-Montréal
(1965)

Orientations de développement pour le


Vieux-Montréal 1995-2005
(1996)

Pour une vision stratégique du


Plan d’action du Vieux-Montréal
développement de Montréal SIMPA
TCVM (1996)
(1996)

Plan d’action du Vieux-


Montréal Service d’urbanisme
(1998)

Le Vieux-Montréal 2017
TCVM
(2008)

Plan de protection et de mise en


valeur du Vieux-Montréal
(2013)

Organigramme des principaux exercices de planification du Vieux-Montréal


(tiré de Ananian, 2017)
Cadre bâti L’analyse du cadre bâti du quartier montre que ce dernier porte les traces des différentes
résidentiel approches mises de l’avant pour le développement de la fonction résidentielle. Le tissu urbain
présente ainsi une variété de typologies, dont des maisons unifamiliales ou en rangées, des
logements au-dessus des commerces, des immeubles à appartements, plusieurs immeubles à
condos, cinq coopératives d’habitation et un immeuble de logement social.

Plex montréalais Immeubles mixtes de la rue Saint-Paul Complexe du Chaussegros-de-Léry

Cours Le Royer Premiers immeubles du faubourg Québec Tours du Saint-M et Saint-M2

Coopérative d'habitation Cercle Carré Immeubles du Solano Tours du 21e Arrondissement


Reconstruction L’année de construction des immeubles résidentiels du quartier témoigne également de l’évolution
progressive du quartier, quant aux processus de redéveloppement urbain et de redéploiement progressif de la
fonction résidentielle dans le Vieux-Montréal et ses faubourgs.

Carte montrant la localisation des immeubles résidentiels présents en 2016 *

Carte montrant l'année de construction des immeubles résidentiels présents en 2016 *

* données traitées à partir de l'extrait du rôle d'évaluation foncière, 2017


Vision Phases de développement
du résidentiel
La distribution de la fonction résidentielle sur le territoire, conjuguée aux opportunités du marché
immobilier et à la formulation des politiques publiques depuis les années 1960, nous laisse
entrevoir une certaine complexité pour un processus se déroulant en trois phrases successives :

Phase 1.
La reconversion résidentielle et la valorisation patrimoniale
1965-1988

La fonction résidentielle est vue comme un levier pour la conservation du bâti et


la mise en valeur du cœur patrimonial du Vieux-Montréal. Les acteurs municipaux
ciblent la promotion d’un quartier historique agréable pour tous les Montréalais.

Un accent est mis sur la rénovation d’anciens immeubles et magasins-entrepôts grâce


à certains programmes municipaux et provinciaux.

Malgré les subventions, le coût des opérations de rénovation est favorable aux lo�s
et condos de luxe. Des projets pionniers de reconversion résidentielle, soit le projet
des Cours Le Royer et des Cours Saint-Pierre, sont emblématiques de ce�e phase.

Phase 2.
Le réaménagement des faubourgs et le développement économique
1988-2000

Le processus de réflexion relatif au premier plan d’urbanisme finalisé en 1992 est


lancé à la fin des années 1980. Les acteurs municipaux visent le repeuplement du
centre-ville marqué par une mixité fonctionnelle, et désormais conçu comme un
milieu de vie potentiel à me�re en valeur. On souhaite répondre aux besoins des
résidents à ramener en ville.

Dès 1988, le potentiel des faubourgs Québec et des Récollets est ciblé afin de
relancer le développement du centre-ville. Différents exercices de planification
privilégient une vision d’ensemble pour développer de grands ensembles urbains
mixtes et denses.

Ce�e approche de planification globale est freinée par le manque d’investissements


et d’engouement dans les années 1990.

Phase 3.
Le remplissage des derniers espaces vacants et la mise en tourisme
2000-2016

On assiste à une reprise du développement urbain, notamment résidentiel, selon


une vision axée sur le développement urbain, touristique et d’affaires pour un
centre-ville concurrentiel et a�ractif pour les investisseurs, les visiteurs et les
résidents. Ceci privilégie surtout des aménagements « à la pièce » et au gré des
opportunités, mais perme�ra le remplissage progressif des derniers lots vacants.

D’après les documents de planification stratégique, l’approche de développement


est de plus en plus ancrée dans une vision globale orientée vers le tourisme et
l’événementiel.
Quelques éléments Les différents processus de production du logement que nous avons mis en évidence ont
de discussion contribué à faire évoluer le paysage et l’identité urbaine du secteur. Certes, la population du
Vieux-Montréal et des faubourgs s’est accrue de façon marquée au fur et à mesure que les
friches, terrains et bâtiments vacants ont été recyclés. Nul doute que la fonction résidentielle a
contribué à la régénération urbaine en construisant de nouveaux logements, en ramenant des
résidents et une vitalité urbaine, et en générant une certaine mixité sociale avec la présence des
coopératives de logements.

Toutefois, bien que tous les exercices de planification du Vieux-Montréal témoignent d’une volonté
de développer la fonction résidentielle et d’améliorer la qualité du milieu de vie, ce�e fonction n’a
jamais fait l’objet d’une vision affirmée et à part entière par rapport au développement
multifonctionnel du Vieux-Montréal. Ceci semble contribuer à la reproduction et à l’intensification
au fil du temps de manques, de nuisances et de conflits de cohabitation.

Par ailleurs, malgré le retissage de la trame urbaine rendu possible par différentes opérations de
développement urbain et immobilier, le cadre de vie ne comporte que peu d'espaces publics et
de lieux de socialisation destinés aux résidents. Pourtant, la fonction résidentielle semble participer à
me�re en scène le Vieux-Montréal comme destination touristique et la métropole comme ville
internationale, en s’appuyant notamment sur les caractéristiques distinctives qui font du quartier
un environnement de prestige.

Or, les acteurs de la Table de concertation semblent reconnaître que les outils de gouvernance
mis en place au moment de sa création en 1993 ne sont plus en mesure de répondre aux enjeux
complexes auxquels le quartier fait face. Les acteurs publics et privés interrogés dans le cadre de
la recherche relèvent entre autres l’affaiblissement de leurs marges d’action face à la dichotomie
ressentie entre les volontés de la Ville et celles de l'arrondissement. De même, les rapports de
force se voient transformés par le poids politique grandissant de la Société de développement
commercial (SDC) du Vieux-Montréal, qui représente de plus en plus de cotisants, et par la
nouvelle orientation définie pour le site du Vieux-Port par la Société immobilière du Canada (SIC),
qui souhaite y intensifier les activités événementielles et immobilières pour constituer une source
de revenus.
Conclusions Quelles leçons en tirer ?
et perspectives
L’évolution des conceptions énoncées pour la fonction résidentielle, dans les documents
de planification stratégique, fait passer la vision d’un quartier multifonctionnel vers
la volonté de réaliser un « milieu de vie complet de qualité ». Malgré tout, la fonction
résidentielle a historiquement été surtout instrumentalisée pour la conservation et le
développement du Vieux-Montréal, c'est-à-dire pour d’autres fins que la qualité du
milieu de vie par et pour ses résidents.

Malgré la volonté de favoriser une cohabitation harmonieuse dans le secteur,


requérant une vision partagée par toutes les parties prenantes, la reproduction de
nuisances et de manques en termes de services et commerces de proximité remet
en question le rôle de la fonction résidentielle dans le développement d’une nouvelle
identité urbaine du Vieux-Montréal et des anciens faubourgs. L’analyse des plans et
des entrevues démontre pourtant que l’enjeu de la cohabitation des fonctions et
la manière dont les acteurs locaux construisent une vision partagée d’un équilibre
souhaité sont centraux dans leurs préoccupations.

Le type de développement, axé sur le condo de luxe et l’économie de l’innovation,


puis tendant vers un développement immobilier à la pièce, dénote un manque de vision
cohérente des interventions réalisées. Pour assurer ce�e cohérence, il aurait fallu
un processus de planification plus intégré et coordonné entre les acteurs privés et les
paliers gouvernementaux, et une vision plus axée sur la qualité du milieu de vie.

Bien que la population du Vieux-Montréal et de ses faubourgs s'élève en 2016 à


plus de 7 500 résidents, et malgré la continuité des développements dans le
Vieux-Montréal de même que dans les quartiers limitrophes, la poursuite d’un
développement à la pièce, la mise en marché internationale et le contexte de mise en
concurrence risquent de nuire à la consolidation du quartier. Ceci inclut la possibilité
d’a�eindre une certaine « masse critique » résidentielle, pourtant depuis longtemps
identifiée comme condition pour la consolidation de services et équipements
perme�ant de satisfaire les besoins des résidents.
CONTACT
Priscilla Ananian
professeure-chercheure ESG UQAM
directrice de l’OMV omv@esg.uqam.ca
ananian.priscilla@uqam.ca www.omv.esg.uqam.ca

Vous aimerez peut-être aussi