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REALISME ET NATURALISME

Du Roman de Renard à Villon, de Rabelais à Furetière, de Boileau à La Bruyère, de Marivaux à Diderot,


le courant réaliste reparaît sans cesse dans notre littérature. Dans la première moitié du XIXe siècle
la tendance à l’observation réaliste s’affirme plus nettement dans les romans de STENDHAL, les
nouvelles de MÉRIMÉE et surtout l’œuvre de BALZAC.

LE RÉALISME, défini par une doctrine et une esthétique, ne s’impose toutefois qu’après 1850.
Engagée par des peintres (Daumier, Millet et surtout Courbet), la bataille est menée par Champfleury,
Duranty, Murger (Scènes de la vie de Bohème, 1851) et le réalisme triomphe à la publication de
Madame Bovary (1857). Bien qu’il soit de tempérament romantique et artiste, c’est FLAUBERT qui, par
l’exemple et la doctrine (cf. p. 456), a engagé le roman dans la voie de l’observation méthodique et
objective.

GUSTAVE FLAUBERT

Adolescence Né en 1821, FLAUBERT a grandi dans le cadre mélancolique de l‘Hôtel-Dieu de Rouen où


son père, chirurgien réputé, était médecin-chef il y a puisé dès l’enfance un fond de tristesse et de
pessimisme et sans doute aussi le goût de la science, de l’observation méticuleuse et objective.

UN HÉRITIER DE RENÉ. Au lycée de Rouen, de 1832 1839, élève doué mais indiscipliné, FLAUBERT
partage l’exaltation romantique des adolescents de province qui traînent encore la mélancolie de RENÉ
et font des rêves «superbes d’extravagance»

Les premiers écrits de ce lycéen romantique sont des contes fantastiques, des confidences
autobiographiques, un roman «métaphysique et à apparitions».

«L’UNIQUE PASSION» DE FLAUBERT. Au cours de l’été 1836, à Trouville, quelques paroles banales
échangées avec Elisa SCHLÉSINGER, femme d’un éditeur de musique, troublent son jeune cœur : c’est
le début d’une passion muette qui deviendra chez l’homme mûr une adoration discrète et quasi
mystique. Il ne lui écrira sa première lettre d’amour que 35 ans plus tard, lorsqu’elle sera veuve. Elisa
Schlésinger sera l’inspiratrice des Mémoires d’un Fou (1838), de Novembre (1842) et de la première
Éducation Sentimentale (1845), avant de reparaître sous les traits de Marie Arnoux dans la seconde
Education Sentimentale (1869).

L’ÉTUDIANT PARISIEN. Après son baccalauréat, FLAUBERT poursuit à Paris des études de Droit
qui le passionnent moins que la littérature (1842-1844). Accueilli chez le sculpteur Pradier où il
rencontre les célébrités du romantisme, il se lie avec Hugo, sa grande admiration. Il vient
d’entreprendre la première Éducation Sentimentale quand, brusquement, un jour d’octobre 1843, il est
terrassé par une maladie nerveuse.

Le solitaire Toujours à la merci d’une crise, FLAUBERT se retire dans sa propriété de Croisset, sur la
rive droite de la Seine, non loin de Rouen. Rendu encore plus pessimiste par la perte de son père et de
sa sœur il se consacre à sa mère et à une nièce orpheline, renonce à la vie mondaine et se donne au
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culte fanatique de l’Art, seule consolation à la «triste plaisanterie» de l’existence. Les événements de
sa vie seront désormais ses voyages, ses relations avec ses amis), sa liaison avec Louise Colet; sa
correspondance avec cette femme de lettres nous renseigne sur son travail et ses idées littéraires.

Il se consacre désormais à ses romans, composés patiemment, au prix d’un labeur méthodique et
acharné. Au retour d’un voyage en Égypte, il passe 53 mois à écrire Madame Bovary (ce roman lui vaut
un procès qui se termine par un acquittement et le rend célèbre, 1857) ; s’il entreprend un voyage en
Tunisie (1858), c’est pour se préparer à la rédaction de Salammbô (1862). Enfin il reprend le projet,
trois fois abandonné déjà, de retracer le douloureux roman de sa passion pour Mme Schiésinger : il
passe cinq ans à rédiger l’Education Sentimentale (1869) dont l’échec lui cause une immense déception.

Repris par ses crises nerveuses, FLAUBERT aura la douleur de perdre sa mère (1872) et ses amis les
plus chers : Bouilhet (1869), Sainte-Beuve (1869), J. de Goncourt (1870) et George Sand (1876). Ses
dernières années seront encore assombries par l’insuccès de la Tentation de Saint Antoine (1874) et
de ses essais dramatiques (Le Candidat, 1874). Avec une admirable générosité, il sacrifie toute sa
fortune pour sauver sa nièce de la faillite les ennuis matériels viennent donc s’ajouter à ses
déceptions.

Toutefois quelques satisfactions viennent adoucir ses dernières épreuves. Le recueil des Trois Contes
(1877) est salué unanimement comme un chef-d’œuvre; la jeune génération «naturaliste» groupée
autour de ZOLA donne un dîner en son honneur, et il a la joie d’assister au succès de son filleul
MAUPASSANT, dont il avait encouragé les débuts en le soumettant à une rigoureuse discipline (cf. p.
492). C’est ainsi, écœuré par la « sottise bourgeoise » et pourtant réconforté par l’influence
croissante de son œuvre, que FLAUBERT meurt subitement en 1880 Flaubert

LA TENTATION ROMANTIQUE. Le premier de ces «bonshommes », c’est l’admirateur de Hugo,


l’héritier de René, grandi en plein romantisme et «ravagé» par la passion dès l’adolescence,
s’abandonnant au délire de l’imagination avec «un infini besoin de sensations intenses » (cf. p. 455). A
partir de 1849, la discipline réaliste va brider mais non briser cette nature fougueuse : sa
Correspondance en fait foi, FLAUBERT restera un cœur sensible et vibrant, plein de tendresse et
d’enthousiasme. Si son réalisme lui impose de «peindre des bourgeois» dans Madame Bovary,
l’Éducation sentimentale, Bouvard et Pécuchet, il s’offre la revanche de libérer son imagination en
écrivant Salammbô, la Tentation de Saint Antoine, la Légende de Saint Julien, Hérodias.

LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE LE RÉALISME FLAUBERT a passé sa jeunesse dans un milieu


médical où l’observation rigoureux des phénomènes était de règle et où s’affirmait déjà la croyance au
déterminisme physiologique Delà l’idée d’étendre à la Psychologie la méthode des sciences biologiques
c’est-à dire de multiplier les observations objectives afin de peindre les choses dans leur réalité et
peut-être de s’élever jusqu’aux lois des phénomènes Psychologiques La documentation est donc
devenue la condition, de son labeur d’écrivain,

Puisque ses romans s’inspirent, pour la plupart, d’événements réels — contemporains ou historiques —,
il se livre à de vastes enquêtes,’ il recherche ce qu’étaient ses personnages, leur hérédité, leur

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conduite, les lieux où ils ont vécu, et il reste généralement aussi près de la réalité que son art de
romancier le lui permet (cf. p. 458 et 469).

Ce souci de l’exactitude documentaire était devenu pour FIAUBERT une hantise. Avant de décrire de
Mme Bovary, il consulte plusieurs traités médicaux Dans I ‘Éducation Sentimentale, au prix de
recherches écrasantes il reconstitue l’atmosphère parisienne, et en particulier les journées
révolutionnaires avec une Précision qui a provoqué l’admiration de l’historien Georges Sorei.

Par la documentation, il se proposait d’acquérir « ce coup d’œil médical de la vie, cette vue du vrai qui
est le seul moyen d’arriver à de grands effets d’émotion ».

L’ART OBJECTIF Le romancier ne peut être vrai que s’il observe l’âme humaine « avec l’impartialité
qu’on met dans les sciences physiques» C’est à dire sans faire intervenir ses sentiments personnels «

A vrai dire, en dépit de tous ses efforts, FLAUBERT n’est pas parvenu â réaliser une œuvre
parfaitement impersonnelle. Il laisse parfois deviner son humeur, surtout quand il raille la sottise
bourgeoise.

MADAME BOVARY (1857)

Consultés en 1849 sur la première version de la Tentation de Saint Antoine, BOUILHET et MAXIME
DU CAMP auraient exprimé leur déception devant cette œuvre trop lyrique, et conseillé à FLAUBERT
un sujet plus terre à terre. Le choix de l’écrivain se fixa sur un fait divers récent: l’histoire d’un
ancien élève de son père, Eugène DELAMARE, médecin à Ry, dont la femme infidèle avait fini par
s’empoisonner, et qui lui-même était mort de chagrin. Dès son retour d’Égypte (1851), FLAUBERT se
mit à ce «terrible pensum» et après plus de quatre ans d’un labeur acharné, Madame Bovary parut
dans la Revue de Paris (1856) puis en librairie (1857).

I. LE ROMAN RÉALISTE. L’écrivain s’était inspiré de l’aventure réelle avec une exactitude presque «
scientifique ». Sous le nom de Yonville, c’est la bourgade de Ry qui nous est minutieusement décrite,
dans sa platitude banale : la pharmacie, l’auberge du Lion d’Or, la diligence L’Hirondelle ont réellement
existé (cf. p. 463).

Étude de mœurs et étude de femme


Comme l'indique son sous-titre, Mœurs de province, le roman s'inscrit dans la tradition balzacienne de
l'étude sociale : le gros bon sens et l'âpreté du paysan riche (le père Rouault), la vanité désœuvrée de
l'aristocratie terrienne (Rodolphe) et surtout la mesquinerie et la bêtise de la toute petite
bourgeoisie (M. Homais) sont observés et révélés par mille détails ou traits de langage. Le romancier,
à la différence d'un Balzac cependant, ne commente pas, ne théorise pas : il montre le geste ou
l'objet significatifs, il laisse se dévider le langage de la bêtise. Tel est le fondement de l'objectivité
flaubertienne.
Madame Bovary est aussi une étude de femme et, à travers le personnage, l'étude d'une maladie
psychologique à laquelle on donnera désormais le nom de « bovarysme » : « bovaryse » tout sujet
maladivement porté à se nourrir d'illusions sur lui-même, sur ses talents et capacités, qu'il s'imagine
étouffés par la platitude de sa vie. Cette forme dégradée du « mal du siècle » préexistait à la

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création d'Emma Bovary, mais l'héroïne lui a prêté tout d'un coup une incarnation qui a pris force de
modèle. Flaubert a donc créé un type (on parle d'« une Bovary » rêve balzacien, issu lui-même de la
tradition classique (Molière).

L'ironie et le tragique
L'ironie du romancier à l'égard des rêves et des clichés sentimentaux dont se berce l'héroïne ne peut
manquer de frapper le lecteur. Le rapport du créateur à son personnage est toutefois complexe : car
Emma porte en elle une tendance de Flaubert lui-même, poussée jusqu'à la caricature. Elle incarne
l'idéal de jeunesse de l'écrivain, prisonnier des rêves romantiques, mais un idéal dégradé dans le
banal, et privé de toute distance réflexive. Aussi est-elle à la fois ridicule et pathétique, comme tout
être qui s'aveugle, fût-ce par sottise. On peut même parler, comme le fait Charles à la fin du roman,
de fatalité à l'ouvre dans cette déchéance : fatalité au visage certes dérisoire, qui par exemple
pousse Charles à favoriser sans le vouloir les adultères d'Emma, mais qui permet de mesurer la
dimension tragique du roman.
Madame Bovary est donc riche d'une continuelle ambiguïté, qui procure un plaisir de lecture très
particulier : le pathétique y est mis à distance par l'ironie, le lyrisme par la dénonciation de ses excès,
le tragique par la médiocrité des êtres que la tragédie choisit pour victimes et le comique involontaire
des agents qu'elle utilise.

L'obsession de la forme
Le style a coûté au romancier des efforts et des souffrances rares : une heure parfois pour écrire
une phrase ! Flaubert a pourchassé les répétitions, les épithètes trop attendues, les métaphores
rendues banales par l'usage ; il a recherché l'effet rythmique à l'intérieur de la phrase ou du
paragraphe, l'harmonie phonique. Tout commentateur du texte se doit de repérer et de peser chacun
de ces éléments : pas un mot n'a été laissé au hasard et tout effet est intentionnel !
Le souci de la forme se manifeste aussi dans l'équilibre entre la part de la description et celle de la
narration, dans le passage insensible de l'une à l'autre, qui crée un effet de fondu enchaîné très
habile. Signalons aussi l'emploi fréquent du style indirect libre, grâce auquel le point de vue d'Emma
et celui du narrateur se confondent : les rêveries de l'héroïne sont ainsi prolongées, amplifiées et
simultanément minées par une ironie sourde dans le mouvement même de leur expansion

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Madame Bovary (1856)

GUSTAVE FLAUBERT (1821- 1880)

1. RÉSUMÉ

Emma Rouault, la fille d’un fermier de Tostes, petit village normand, a épousé Charles Bovary, un
officier de santé (il n’a pas le titre de médecin). La jeune femme très vite s’ennuie. Elle trouve
insupportable de médiocrité son mari, son milieu, la vie qu’elle mène, qui ne correspondent en rien aux
images du bonheur qu’elle s’était figurées dans ses lectures et ses rêveries. Son mari décide alors de
s’installer dans un gros bourg : Yonville-l’Abbaye.

Mais Emma retrouve l’ennui, en dépit de Léon Dupuis, jeune clerc de notaire qui l’aime en silence mais
qui, bientôt, quitte Yonville. Ni le pharmacien Homais et sa famille, ni le curé Bournisien, incarnations
de la mesquinerie provinciale, ne lui offrent le moindre appui. Si bien qu’à la suite de comices agricoles,
Emma s’abandonne à une passion exaltée pour un hobereau du voisinage, Rodolphe Boulanger. Ce
séducteur, effrayé par la violence de cette passion, l’abandonne.

Remise de la maladie consécutive à cette rupture brutale, Emma renoue avec Léon. Elle s’engage alors
dans une liaison frénétique avec le clerc, qu’elle va retrouver chaque semaine à Rouen. Emportée par
une passion dont elle est pourtant bientôt déçue, Emma s’endette, encouragée par Lheureux,
marchand de nouveautés. Pour échapper à une situation sans issue sur le plan sentimental et financier,
la jeune femme finit par s’empoisonner. Ruiné, désespéré, son mari meurt peu de temps après.

2. PERSONNAGES PRINCIPAUX

 Charles Bovary, officier de santé, épouse en deuxièmes (vers 25 ans, en 1838) Emma Rouault.
 Emma Bovary, l’héroïne du roman (vers 1838, à 20 ans).
 Le père Rouault, son père. Veuf, fermier aisé.
 Rodolphe Boulanger, propriétaire du domaine de la Huchette à Yonville, un homme à femmes.
Premier amant de Madame Bovary.
 Léon Dupuis, clerc de notaire chez Maître Guillaumin à Yonville, puis à Rouen. Deuxième amant
de Madame Bovary.
 Homais, le pharmacien d’Yonville. II fréquente assidûment les Bovary, qu’il conseille en toutes
occasions.
 Justin, commis d’Homais. Adolescent, amoureux de Madame Bovary.
 Bournisien, le curé d’Yonville. Esprit borné.
 La mère Rouet, la nourrice à qui Emma confie sa fille Berthe.
 Lheureux, marchand de nouveautés et usurier. Cause la ruine de Madame Bovary.
 Binet, percepteur et capitaine des pompiers d’Yonville.
 Hippolyte, le garçon de l’auberge du Lion d’Or, que Charles a essayé de débarrasser de son
pied-bot.

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3. TROIS AXES DE LECTURE

1. Un roman de mœurs

«Mœurs de province» est le sous-titre de ce roman où Flaubert évoque Rouen et la campagne


normande sous la Monarchie de Juillet, et le milieu des paysans comme celui de la petite bourgeoisie
et de aristocratie.

2. Un roman d’amour et d’adultère

A travers son héroïne, le roman offre l’analyse critique et parfois parodique de la passion amoureuse
dans la vie d’une femme du XIXe siècle, avec ses frustrations, ses révoltes.

3. Un roman de l’ironie

L’ironie est partout dans le roman, sous toutes ses formes. Instrument de la satire sociale.

LES SOURCES DU ROMAN

Il semble que ce soit Louis Bouilhet et Maxime Du Camp qui ont, entre avril et juillet 1851, attiré
l’attention de Flaubert sur un fait divers récent: la mort en 1848 de la deuxième épouse, infidèle, d’un
officier de santé établi à Ry, Eugène Delamare, Ils lui fournirent ainsi le schéma narratif et le cadre
de son roman. L’affaire Delamare n’est pas la seule source de Madame Bovary. Flaubert a pu aussi
penser à une affaire célèbre d’empoisonnement du début du siècle, l’affaire Lafarge, comme il s’est
sans doute inspiré d’un document: les Mémoires de Madame Ludovica, Ces Mémoires, qui furent en sa
possession, étaient consacrés aux aventures amoureuses et aux soucis d’argent de Louise Pradier, la
jeune femme de son ami sculpteur, chez qui il avait rencontré Louise Colet.

LA RÉDACTION

La rédaction de Madame Bovary fut beaucoup plus longue que Flaubert ne l’avait prévue. Elle lui fut
aussi très pénible. Entre le 20 septembre 1851 et le mois d’avril 1856, date à laquelle le manuscrit est
achevé, la correspondance nous livre les plaintes très nombreuses et parfois émouvantes de l’écrivain
qui peine sur le long pensum qu’il s’est imposé, y travaillant chaque jour des heures durant et ne
s’accordant, de loin en loin, que de brèves détentes. « La Bovary m’ennuie ».

Résumé

PREMIÈRE PARTIE

Chapitre I - Présentation de Charles Bovary

Un garçon d’une quinzaine d’années entre au Collège de Rouen dans la classe de 5e Tout en lui, son
maintien comme sa mise, est ridicule. Ce nouveau, Charles Bovary, est un « gars de la campagne ». Il
arrive d’un village aux confins du pays de Caux et de la Normandie où ses parents se sont retirés. Son
père est un incapable qui n’a su qu’accumuler les échecs. Sa mère, aigrie, cherche à compenser ses
déceptions par son amour pour son fils.

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Charles Bovary quitte le collège à la fin de la 3e pour étudier la médecine à Rouen. Très médiocre
étudiant, il réussit cependant à passer l’examen d’officier de santé qui permettait à l’époque
d’exercer la médecine sans avoir le titre de docteur en médecine.

Il s’installe à Tostes et sa mère lui fait épouser une veuve de quarante-cinq ans, Mme Dubuc, qui est
laide mais qui a du bien. La vie conjugale paraît être au jeune homme une nouvelle prison.

Chapitre 2. Premières rencontres de Charles et d’Emma Rouault

Une nuit d’hiver, Charles est appelé à la ferme des Ber- taux. Le père Rouault, le maître des lieux, un
paysan qui paraît assez aisé, vient de se casser la jambe. L’officier de santé est sensible au charme de
Mile Emma, sa fille. Il multiplie les visites aux Bertaux, jusqu’au jour où son épouse jalouse lui interdit
d’y retourner. Au début du printemps, le notaire de celle-ci disparaît en emportant ses fonds, la
laissant à demi- ruinée. Elle meurt brusquement une semaine plus tard. Ainsi s’achève la première
expérience conjugale de Charles.

Chapitre 3. La demande en mariage

Peu après, le père Rouault l’invite aux Bertaux, pour le distraire... Il revoit Emma et, durant l’été,
prend conscience de son amour pour la jeune fille. A l’époque de la Saint Michel il se décide à la
demander en mariage. La noce est fixée au printemps suivant. L’hiver sera occupé par les préparatifs.

Chapitre 4. La noce

Description et récit mêlés: l’arrivée des invités, le cortège, la table, le départ des invités, la nuit de
noces, le retour à Tostes.

Chapitre 5. Vie conjugale. Première déception d’Emma La maison de Charles; il découvre dans mille
petits détails le bonheur près d’Emma. Mais la jeune femme est loin de faire semblable découverte. La
réalité ne correspond pas à ce qu’elle a lu dans ses livres.

Chapitre 6. L’éducation et les rêves de la jeune Emma au couvent

Par un retour en arrière, le chapitre évoque l’influence de la littérature, des images et du couvent sur
« un tempérament sentimental ». Emma à lu Paul et Virginie, s’est délectée de livres pieux, de romans
sentimentaux et historiques, de poèmes romantiques. Elle a rêvé devant des images pieuses, des
assiettes peintes, des gravures anglaises ou exotiques représentant des scènes d’amour.

Chapitre 7. Les réalités de la vie conjugale

Charles s’émerveille de trouver en Emma une épouse accomplie, sachant aussi bien conduire
convenablement son ménage, que dessiner, jouer du piano, recevoir avec élégance. Mais il est, pour son
compte, totalement dépourvu de mystère et de raffinement, et la jeune femme que l’ennui menace
doit se heurter, de plus, à l’hostilité jalouse de sa belle-mère. A la fin de septembre, pourtant, un
événement vient rompre la monotonie de son existence: les deux époux sont invités à un bal à la
Vaubyessard, chez le Marquis d’Andervilliers.

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Chapitre 8. Le séjour au château de la Vaubyessard. Description du château ; dîner, bal, souper.
Emma, émerveillée, découvre un autre monde. Le retour à Tostes est silencieux et morose. Dès le
lendemain la jeune femme se réfugie dans le souvenir de ce bal.

Chapitre 9. Les rêveries d’Emma

Ce qu’elle vient de vivre offre un nouvel aliment à l’imagination d’Emma. Elle rêve de Paris et se met à
lire Balzac et Eugène Sue. Mais rien ne peut assouvir ses désirs vagues et elle s’irrite de plus en plus
de la sottise absolue de son mari. Les saisons se succèdent, l’ennui s’accroît et le caractère de la
jeune femme s’altère. Un an et demi après le bal de la Vaubyessard, on lui trouve une maladie nerveuse
et Charles, qui est resté quatre ans à Tostes, doit se résoudre à déménager à Yonville pour « changer
(Emma] d’air ». Emma est enceinte quand le ménage quitte Tostes.

DEUXIÈME PARTIE

Chapitre 1. Yonville-l’Abbaye et ses habitants

La situation d’Yonville. L’église, les halles et la mairie, la pharmacie, l’auberge du Lion d’Or. Madame
Lefrançois, patronne de l’auberge, prépare le dîner : on attend les Bovary. Monsieur Homais, le
pharmacien, est là; il bavarde inlassablement. Entrent ensuite le percepteur, Binet, et le curé,
Bournisien. Enfin, la diligence arrive: les Bovary descendent en même temps que Lheureux, le
marchand d’étoffes et de nouveautés.

Chapitre 2. Un dîner au Lion d’Or

Pendant que le pharmacien et l’officier de santé s’entretiennent de l’exercice de la médecine, Emma


engage une conversation romantique avec Léon Dupuis, clerc de notaire et habitué de l’auberge, qui
dîne avec eux. Ils se confient leurs goûts communs.

Chapitre 3. Naissance de Berthe; amitié amoureuse Emma donne naissance à une fille, qui sera
prénommée Berthe. Après le baptême, la petite est mise en nourrice, chez MmeRollet. MmeTuvache,
la femme du maire, trouve qu’Emma se compromet pour être allée voir sa fille au bras de Léon.

Chapitre 4. La vie à Yonville

La vie se poursuit avec une monotone régularité. Emma guette chaque jour le passage de Léon. Le
dimanche, Homais reçoit: on joue au trente-et-un, à l’écarté, aux dominos, Léon et Emma regardent
ensemble L’illustration; on échange des cadeaux. Le jeune homme voudrait déclarer sa flamme à Emma.
Sa timidité l’en empêche.

Chapitre 5. Emma découvre l’amour et ses souffrances

En février, une promenade aux environs d’Yonville en compagnie des Homais et de Léon donne
l’occasion à Emma d’opposer la platitude de Charles au charme du jeune homme. Elle comprend qu’elle
est amoureuse de lui. C’est le lendemain que survient Lheureux pour lui proposer des écharpes, des
cols brodés et autres colifichets. Elle résiste à la tentation et s’efforce par la suite d’être une
maîtresse de maison accomplie. Son calme apparent cache, en fait, une douloureuse lutte intérieure

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entre des sentiments violents : amour pour Léon, orgueil de rester vertueuse, haine à l’égard de son
mari.

Chapitre 6. Emma et le curé. Départ de Léon

Un soir d’avril, l’angélus rappelle à Emma le souvenir de son couvent. La religion, peut-être, pourrait
l’aider: elle se rend à l’église dans le dessein de confier son trouble au curé. Mais le dialogue entre elle
et lui n’est qu’une suite de malentendus grotesques qui laissent la jeune femme aussi malheureuse
qu’avant. Léon de son côté s’enfonce dans la mélancolie. li décide alors de partir pour Paris et vient
faire ses adieux à Emma. Au cours de la soirée qui suit son départ, Homais annonce que des Comices
agricoles auront lieu dans l’année à Yonville.

Chapitre 7. Rodolphe Boulanger

Le chagrin d’Emma s’apaise peu à peu mais les « mauvais jours de Tostes » recommencent. Elle a des
malaises, se passe quelques fantaisies, achète par exemple une écharpe à Lheureux. Un jour de
marché, Rodolphe Boulanger, le nouveau châtelain de la Huchette, entre en contact avec les Bovary à
l’occasion d’une saignée à faire à un de ses fermiers. Il trouve Emma très jolie. Célibataire et coureur
de jupons invétéré, il décide aussitôt de la séduire.

Chapitre 8. Les Comices agricoles

À la mi-août, tout le village est en fête pour la solennité des Comices. Rodolphe n’attendait que cette
occasion pour faire sa cour à la jeune femme. Il s’arrange pour être seul avec elle et c’est ensemble
qu’ils assistent à l’examen des bêtes, à l’arrivée des notables, et que, du premier étage de la mairie, ils
entendent les discours officiels, auxquels Rodolphe apporte le contrepoint de ses lieux communs
séducteurs. Les discours sont suivis de la distribution des récompenses. La fête se termine par un feu
d’artifice. M. Homais rendra compte des Comices dans un article du Fanal de Rouen, dont il est le
correspondant.

Chapitre 9. La chute d’Emma

Aux premiers jours d’octobre, Rodolphe rend visite à Emma. Il joue d’abord la comédie du désespoir,
puis de l’amant romantique et, Charles survenant, suggère pour la santé d’Emma l’exercice du cheval.
Sur l’insistance de son mari, la jeune femme part donc un jour pour une promenade à cheval en
compagnie de Rodolphe. Yonville dépassé, ils pénètrent dans une forêt. C’est là qu’Emma s’abandonne à
son compagnon. Les rendez-vous des deux amants seront désormais quotidiens. Dans son exaltation, la
jeune femme pousse même la hardiesse jusqu’à se rendre de bon matin, et chaque fois qu’elle te peut,
au château de Rodolphe. Celui- ci commence à prendre peur.

Chapitre 10. Évolution des sentiments d’Emma

Emma est elle-même gagnée par la crainte car elle rencontre Binet au retour d’une de ses escapades
matinales. C’est donc sous la tonnelle du jardin des Bovary qu’auront lieu les rendez-vous pendant tout
l’hiver. Mais Rodolphe à la fin se lasse. Emma elle-même, à l’arrivée du printemps, bien que toujours
subjuguée, prend conscience du sentiment douloureux qui l’étreint. Elle rêve à son enfance et dresse
le bilan amer de son existence après la lecture d’une lettre naïve et charmante de son père. Il lui
prend des accès de tendresse maternelle et elle voudrait revenir à son mari.

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Chapitre 11 - L’opération du pied-bot

Sur la sollicitation d’Homais et d’Emma, Charles se laisse convaincre d’opérer de son pied-bot
Hippolyte, le garçon d’écurie du Lion d’Or. L’opération se déroule bien, et Emma se prend à éprouver
quelque tendresse pour son mari. Malheureusement les complications surviennent vite, la jambe
d’Hippolyte se gangrène. C’est M. Canivet, célèbre médecin de Neuchâtel qui doit pratiquer
l’amputation de la cuisse. La déception est totale pour Mme Bovary. Humiliée d’avoir pu croire encore
son mari capable d’être autre chose qu’un médiocre, ses dernières velléités de vie vertueuse
disparaissent, elle se détache irrémédiablement de lui et retrouve Rodolphe avec ardeur.

Chapitre 12. Projets de fuite

Sa passion pour son amant ne fait que croître désormais. Elle s’engage de plus en plus, donnant prise
sur elle à Lheureux par les dettes qu’elle contracte pour offrir des cadeaux à Rodolphe. Celui-ci,
incapable de comprendre cet amour, la traite sans façons. Il acquiesce pourtant à son projet de fuite
ensemble, qui est enfin fixé au début de septembre. Tout est prêt, Lheureux une fois de plus a
procuré le nécessaire et les amants se quittent à minuit l’avant-veille du départ. Mais Rodolphe sait
déjà qu’il ne partira pas avec Emma et sa fille.

Chapitre 13. La lettre et le départ de Rodolphe

Rentré chez lui, Rodolphe écrit une lettre à Emma pour justifier sa décision et la lui fait porter le
lendemain à deux heures. La jeune femme comprend aux premiers mots et s’enfuit au grenier où, dans
un vertige, elle a la tentation du suicide. Redescendue pour le repas, elle entend passer le tilbury de
Rodolphe et perd connaissance. Une fièvre cérébrale la clouera au lit jusqu’au milieu d’octobre, où elle
aura une rechute.

Chapitre 14. La convalescence d’Emma

Lheureux, dont on apprend qu’il est un commerçant avisé et un usurier retors, se montre plus
menaçant et plus arrogant. Charles, qui ne peut rembourser les dépenses engagées par sa femme, doit
souscrire un billet et même lui emprunter de l’argent. Dans l’inaction de sa convalescence cependant,
Emma reçoit des visites du curé et sombre dans la dévotion. Elle a des accès de mysticisme naïf, veut
devenir sainte, s’adonne à des lectures pieuses qui l’ennuient et se livre à des charités excessives.
Mais ces velléités ne durent que jusqu’au début du printemps. Un jour, après une conversation avec le
curé sur la moralité du théâtre, Homais suggère aux Bovary d’aller à Rouen assister au spectacle.
L’idée est mise à exécution dès le lendemain.

Chapitre 15. Au théâtre

Les Bovary arrivés en avance ont tout le temps d’observer la salle, puis le décor. Evocation du ténor
Lagardy et des effets de la musique sur Emma. A l’entracte, Charles, qui est allé chercher un
rafraîchissement pour sa femme, a rencontré Léon. Le clerc vient saluer Emma. Il a acquis plus
d’aisance et, au café où il a emmené les Bovary, s’arrange pour faire rester la jeune femme un jour de
plus à Rouen.

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TROISIÈME PARTIE

Chapitre 1. Les débuts d’une nouvelle liaison

Léon se rend à l’Hôtel de la Croix-Rouge où Emma est descendue. Une longue conversation s’engage, où
les deux personnages s’exaltent en évoquant leurs rencontres à Yonville, leurs peines, leurs rêves. Le
clerc obtient un nouveau rendez- vous pour le lendemain à la cathédrale. Emma dès son départ écrit
une lettre pour se dégager de ce rendez-vous mais, ne sachant pas l’adresse de Léon, décide qu’elle la
lui remettra elle-même.

Le lendemain, Léon se promène dans la cathédrale en l’attendant. Emma arrive enfin, lui tend un
papier, se ravise, puis va s’agenouiller. Comme ils allaient enfin partir, le suisse s’approche et leur fait
visiter le monument, à la grande impatience de Léon qui n’ose l’éconduire et subit sans broncher ses
explications. Débarrassé de l’importun, il peut proposer une promenade en fiacre à Madame Bovary, et
c’est une longue et suggestive traversée de Rouen en voiture fermée qui clôt le chapitre.

Chapitre 2. La mort du père Bovary et la procuration. Emma est à peine rentrée à Yonville qu’elle
doit passer chez Homais, dont elle trouve la maison toute bouleversée: Justin, l’aide de l’apothicaire, a
commis une faute grave, il a pris, pour faire les confitures, une bassine dans le « capharnaûm » où son
maître range l’arsenic. Homais apprend enfin brutalement à Emma la nouvelle qu’il était chargé
d’annoncer: le père de Charles est mort. Le lendemain, les deux époux, aidés de Mme Bovary mère,
préparent les affaires de deuil. C’est alors que Lheureux se présente pour faire renouveler un billet
et suggérer à Emma d’obtenir une procuration de son mari. Elle offre à Charles de se rendre à Rouen
pour consulter le clerc de notaire sur cette question. Prétexte à un séjour de trois jours.

Chapitre 3. Une vraie lune de miel

Evocation des trois jours passés à Rouen en compagnie de Léon, leurs dîners dans une île, les retours
en barque au clair de lune.

Chapitre 4. Visite de Léon à Yonville, ardeurs musicales d’Emma

Impatient de revoir sa maîtresse, Léon vient à Yonville. Il dîne au Lion d’Or et rend visite aux Bovary.
Les deux amants décident de trouver un moyen de se voir régulièrement. Emma fait de nouvelles
dépenses auprès de Lheureux. Elle s’arrange pour que son mari lui permette de se rendre une fois par
semaine à Rouen, le jeudi, pour y prendre des leçons de piano.

Chapitre 5. Les jeudis d’Emma

Les jeudis d’Emma s’écoulent de façon rituelle: le départ d’Yonville au petit matin, la route, le
panorama de Rouen, la ville qui s’éveille, la chambre douillette des rendez-vous, puis le retour et la
rencontre d’un horrible aveugle, qui la trouble. Emma s’abandonne avec fougue à sa passion.

Elle prend l’habitude de mentir pour tenir secrets les motifs réels de ses voyages. Mais Lheureux, un
jour, l’aperçoit au bras de Léon. Il profite de la situation pour la pousser à vendre une propriété,
après lui avoir demandé le remboursement de ses dettes et il lui fait signer de nouveaux billets à

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ordre. La situation financière du ménage est de plus en plus précaire et quand la mère Bovary dont on
a demandé l’aide l’apprend, elle fait une scène qui provoque une attaque de nerfs de sa belle-fille.
Rien pourtant n’arrête Emma qui même, un soir, reste à Rouen. Charles s’y rend en pleine nuit et ne la
retrouve qu’à l’aube. Après cet incident, Emma ira désormais à la ville quand l’envie lui en prendra. Léon
est de plus en plus subjugué.

Chapitre 6. Déceptions

Un jeudi, Homais prend la diligence pour Rouen en même temps qu’Emma. Il veut y retrouver Léon qui
l’avait un jour invité à revoir les lieux de sa jeunesse. Le clerc doit subir son bavardage pendant de
longues heures sans oser se débarrasser de lui. Emma, exaspérée, quitte l’hôtel où elle l’attendait. Elle
se rend bien compte, alors, de tous les défauts de son amant et, bien que toujours avide de ses
caresses, elle ne peut plus se cacher désormais l’alternance de déception et d’espoir que connaît sa
passion affaiblie. Une menace de saisie la ramène à la conscience des questions matérielles.

Lheureux lui fait signer de nouveaux billets, à échéances rapprochées, Il lui faut de l’argent: elle se
fait payer des factures de son mari, vend de vieilles choses, achète dans ‘intention de revendre,
emprunte à tout le monde, engage même un cadeau de noces au mont-de-piété1. Tout dans sa maison
annonce la ruine et le laisser-aller... Léon, cependant, soucieux de respectabilité au moment de devenir
premier clerc, est fatigué d’Emma et s’ennuie avec elle. La jeune femme en est aussi dégoûtée mais n’a
pas le courage de le quitter.

Un soir, en rentrant à Yonville après une nuit passée au bal masqué de la mi-carême, elle apprend la
nouvelle de la saisie de ses meubles. Une visite à Lheureux ne fléchit pas le négociant, qui se montre
brutal et cynique.

Chapitre 7. La saisie

Madame Bovary se sent traquée. Le procès-verbal de saisie (un samedi), suivi le surlendemain de
l’annonce de la vente, la contraint aux démarches les plus humiliantes. A Rouen d’abord où, le
dimanche, elle n’essuie que refus de la part des banquiers et ne reçoit qu’une promesse vague de Léon
(elle va même jusqu’à lui suggérer de voler à son étude l’argent dont elle a besoin). À Yonville ensuite,
Me Guillaumin le notaire la reçoit sans égards mais s’enhardit à lui déclarer une passion cachée, tandis
que Binet, sollicité, s’esquive. Réfugiée chez la mère Rollet dans l’attente, vite déçue, de l’arrivée de
Léon, elle a soudain l’idée de s’adresser à Rodolphe.

Chapitre 8. Dernière démarche, et la mort

Emma est d’abord toute tendresse en retrouvant son premier amant. Mais Rodolphe ne peut lui donner
les 3 000 francs qu’elle demande. Il ne les a pas. La jeune femme alors s’emporte et le quitte
bouleversée. Dans sa souffrance, elle a des hallucinations. Elle court chez Homais, y avale de l’arsenic
du « capharnaum », puis rentre chez elle. Les premiers effets de l’empoisonnement se font vite
sentir. Charles affolé ne sait que faire, Homais propose une analyse, et quand, après les adieux
d’Emma à sa fille, Canivet puis le grand Docteur Larivière arrivent, ils constatent qu’il est impossible
de la sauver. Après le dîner des médecins chez un Homais ébloui de tant d’honneurs, Madame Bovary

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reçoit l’extrême-onction. Elle meurt en entendant pour la dernière fois la chanson de l’aveugle, qui
arrive à Yonville pour y prendre une pommade que l’apothicaire lui a proposée lors de sa rencontre sur
la route de Rouen.

Chapitre 9. La veillée funèbre et la douleur de Charles. La douleur de Charles est immense. Il


conserve à peine assez de bon sens pour ordonner les dispositions funèbres. Homais et Bournisien
veillent la morte tout en discutant âprement de questions « théologiques ». Après l’arrivée de Mme
Bovary mère, les visites et la toilette funèbre, la deuxième veillée commence. Homais et le curé se
disputent de nouveau entre deux sommes et Charles, éperdu, sombre dans le désespoir. Puis Emma est
mise en bière.

Chapitre 10. L’enterrement

Le père Rouault s’est évanoui en voyant les draps noirs. Obsèques religieuses, cortège funèbre dans
une campagne printanière, inhumation, douleur du père et son départ. Ce soir-là, tandis que Rodolphe
et Léon dorment, Charles veille en pensant à sa femme disparue.

Chapitre 11. La fin de Charles

Tous les créanciers, alors, s’acharnent sur le pauvre Bovary. Félicité, la bonne, le quitte en emportant
la garde-robe d’Emma. Léon se marie. Charles retrouve au grenier la lettre de Rodolphe. Il choisit un
mausolée pompeux pour la tombe, et se brouille définitivement avec sa mère. Sa fille seule lui reste. Il
découvre un jour toutes les lettres de Léon et ne peut plus douter de son infortune. Un jour du mois
d’août il rencontre Rodolphe et lui dit ne pas lui en vouloir. Le lendemain, sa fille retrouve Charles
mort sur le banc du jardin. Homais, lui, est comblé « Il vient de recevoir la croix d’honneur. »

Les personnages

MADAME BOVARY

Portrait physique

Flaubert ne trace pas dès le début de son roman un portrait physique définitif de son héroïne. C’est
par petites touches dispersées d’un bout à l’autre de son livre qu’il la décrit, et le plus souvent à
travers le regard d’un personnage.

Elle apparaît au chapitre 2 (Ire partie), sur le seuil de la maison pour recevoir Charles Bovary, « en
robe de mérinos bleu garnie de trois volants » (p. 37). Un peu plus tard, dans le décor de la chambre
du Père Rouault, puis dans la salle à manger (p. 39 et 40), elle est dépeinte de manière plus détaillée.
Le jeune médecin remarque la blancheur de ses ongles « taillés en amande » (p. 38), la forme
imparfaite de ses mains, la beauté de ses yeux bruns qui « semblaient noirs à cause des cils » (p. 38),
ses cheveux coiffés en bandeaux, ses pommettes roses.

Les yeux, les cheveux, le teint: ces trois traits sont fréquemment évoqués par le narrateur, Ils
caractérisent le mieux l’héroïne et lui assurent dans le roman tout son pouvoir de séduction, sur
Charles d’abord, puis sur Léon, puis sur Rodolphe.

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Au chapitre 2 de la deuxième partie, Emma toute juste arrivée à Yonville se réchauffe devant la
cheminée de la cuisine de l’auberge du Lion d’Or. Léon est là qui la regarde. Il remarque « son pied
chaussé d’une bottine noire » qu’elle tend à la flamme, « les pores égaux de sa peau blanche et même
les paupières de ses yeux qu’elle clignait de temps à autre. » (p. 119).

Lorsque Rodolphe rencontre Emma aux Comices, il admire son profil qui « se détachait en pleine
lumière, dans l’ovale de sa capote », ses yeux « aux longs cils courbes », la finesse de sa peau sous
laquelle on devine « le sang qui battait doucement », « le bout nacré de ses dents blanches » (p. 187-
188).

Il est intéressant de remarquer que la chevelure est un attribut majeur de la féminité d’Emma. Sa
coiffure reflète ses états d’âme. Lorsqu’elle se veut sage, elle discipline ses cheveux et les coiffe en
bandeaux: les cheveux sont partagés sur le milieu du front et lissés de chaque côté du visage. C’est
ainsi que Charles la voit pour la première fois. Cependant, il remarque sur sa nuque de» petits cheveux
follets» (p. 41), indice d’une certaine sensualité. Plus tard, à Yonville, après e départ de Léon, Emma
s’ennuie et s’amuse à changer de coiffure: « Souvent, elle variait sa coiffure: elle se mettait à la
chinoise, en boucles molles, en nattes tressées ; elle se fit une raie sur le côté de la tête et roula ses
cheveux en dessous, comme un homme » (p. 174). Lorsqu’elle retrouve Rodolphe au petit matin, des
gouttes de rosée sont suspendues à ses bandeaux et elle se recoiffe avec le peigne de son amant;
après ses rendez-vous avec Léon à Rouen, elle va chez le coiffeur pour faire remettre ses cheveux en
ordre avant de rentrer à Yonville (p. 343). Enfin, la chevelure d’Emma révèle une sensualité parfois
troublante: le jeune apprenti pharmacien, Justin, en visite chez Madame Bovary, est fasciné et
effrayé lorsqu’il la voit enlever son peigne et que se déroulent les «anneaux noirs » de sa chevelure «
qui descendait jusqu’aux jarrets » (p. 282). Et ce n’est certainement pas un hasard si la dernière
image que nous ayons de Charles est celle d’un homme mort qui tient dans ses mains une longue mèche
de cheveux noirs» (p. 440).

Éducation

Le séjour au couvent des Ursulines de Rouen est déterminant pour Emma. C’est là que son imagination
s’enflamme à la lecture des livres, à la contemplation des gravures romantiques, et dans la
participation aux offices religieux. Mais elle ne retient de ces expériences que ce qui flatte sa nature,
sans aucun esprit critique, sans acquérir le sens d’aucune discipline. La discipline, du reste, est
‘<quelque chose d’antipathique à sa constitution ». Elle n’aime la littérature que pour ses « excitations
passionnelles » et l’église que « pour ses fleurs » (p. 69).

On comprend bien, dès lors, qu’à sa sortie du couvent Emma ait pris la campagne en dégoût, se soit
ennuyée aux Bertaux, et n’ait guère aidé son père. Celui-ci « l’excusait intérieurement, trouvant qu’elle
avait trop d’esprit pour la culture » (p. 49). Croyant éprouver de l’amour, elle épouse le premier
prétendant qui se présente. Tout le développement du roman est dans cette situation initiale: une
jeune fille rêveuse, sans réelle formation intellectuelle et morale, exaltée par des lectures mal
conduites, et qui épouse un médiocre destiné à mener une vie médiocre. Sous cet angle, Madame
Bovary est un roman d’apprentissage.

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Insatisfaction et désillusion: le bovarysme

Entre l’idéal et la médiocrité quotidienne, l’esprit d’Emma se meut sans cesse de la torpeur à
l’exaltation, du désir d’évasion à l’impatience de la réclusion. Elle est excessive en tout et elle retombe
toujours dans les mêmes ornières. S’il y a évolution chez elle, c’est dans le sens d’une plus profonde
souffrance. La répétition des amants accroît la déception.

Madame Bovary a aimé, pourtant, et elle a été aimée. Elle a été heureuse. Sa liaison avec Rodolphe lui
a vraiment apporté une révélation, celle de l’amour. Dès son premier abandon « quelque chose était
survenu de plus considérable que si les montagnes se fussent déplacées » (p. 218). Elle a été
transfigurée (voir p. 219).

Mais elle ne savoure vraiment son amour qu’après s’être appelé « les héroïnes des livres qu’elle avait
lus. C’est ce qui la perd. Car, dans l’incapacité de croire à ce qui ne se manifeste que par des formes,
elle n’accorde de réalité Elle ne comprend pas que le bonheur aurait pu être à sa portée si elle avait su
lutter pour le conquérir et sortir de ses rêves romantiques. A cause de livres qu’elle a lus, elle reste
hors de la réalité dans un monde irréel.

Certes, la société ne lui laissait guère les possibilités de s’affranchir des liens de toute nature qui
emprisonnaient les femmes au xix° siècle. Mais Emma est, de toute façon, faible. Elle ne sait pas
toujours clairement ce qu’elle veut, partagée parfois concassement entre les souhaits
contradictoires de voyager ou de retourner vivre dans son couvent, de mourir ou d’habiter Paris . (voir
p. 95).

Le drame d’Emma c’est de se faire toujours illusion sur elle-même, soit en niant ou en reniant les
sentiments vrais qu’elle éprouve ou a éprouvés, soit en croyant vivre des sentiments qu’elle n’éprouve
pas. Elle se conçoit toujours autre qu’elle n’est. C’est ce que l’on a appelé le bovarysme.

Finalement, la seule expérience qu’Emma vivra sans se référer aux modèles de ses livres sera le
suicide. Il lui aura fallu affronter l’épreuve de la mort pour rencontrer l’authenticité.

CHARLES BOVARY

Le roman de Flaubert s’ouvre par l’arrivée du jeune Charles Bovary au collège. C’est lui qui, dès les
premières pages, occupe notre attention. Emma ne sera vue, d’abord, qu’à travers lui et c’est en lui que
le drame trouvera sa résonance la plus tragique après le suicide de la jeune femme. Précédant
l’apparition de l’héroïne et lui succédant dans la mort, comme l’agent pitoyable du destin, c’est lui enfin
que le romancier charge, à la dernière page, de prononcer « le grand mot » qui éclaire ses intentions: «
C’est la faute de la fatalité » (p. 440).

Une éducation négligée

Comme pour Emma, Flaubert s’étend assez longuement aux premiers chapitres sur l’éducation de
Charles. C’est par ces « préparations » que le personnage échappe au type pour acquérir, lui aussi,
dans le roman, un peu de l’épaisseur de l’individu. Tiraillé entre des parents désunis, son instruction a
été fort négligée. Entre ses courses vagabondes dans la campagne, qu’on devine heureuses, et les

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leçons dérisoires de son curé, son intelligence s’est moins développée que son corps. L’étudiant en
médecine dépassé par ses études, sans curiosité, sans énergie et qui ne connaît de la ville que les
cabarets, ne le sera guère plus. De « tempérament modéré », on sent bien qu’il ne fait qu’obéir aux
désirs de sa mère, qui a de l’ambition pour lui.

Un homme sans caractère

Charles apparaît d’abord comme un faible, destiné à être dominé. Par sa mère d’abord, qui choisit pour
lui sa première femme, par cette première épouse ensuite, qui le tient sous sa coupe, comme un
enfant, par Emma enfin, qui le mène à sa volonté. Son absence de caractère est totale, comique
lorsqu’on nous le montre entre sa mère et sa femme, désireux de ménager l’une et l’autre sans pouvoir
prendre parti.

Un médiocre

Quel mari pour Emma! Il est à l’opposé de ses rêves de jeune fille: « Il n’enseignait rien, celui-là, ne
savait rien, ne souhaitait rien. » Sa conversation est « plate comme un trottoir de rue» (p. 72). Il
parle du reste très peu. Et puis tout dans son allure est mesquin. Il ne porte que de vieilles bottes,
des gants déteints, ronfle la nuit et a des manies.

Cette médiocrité, Charles en fait preuve aussi dans l’exercice de sa profession. Certes, c’est un
homme honnête, consciencieux, et tant qu’il ne s’agit que de réduire une fracture simple, de saigner
des paysans ou d’arracher une dent, il peut acquérir une réputation à peu de frais. Mais l’opération du
pied-bot se révèle catastrophique, et le Docteur Canivet n’aura même pas recours à son aide pour
l’amputation de la jambe d’Hippolyte. Dans les grands moments d’ailleurs, il perd la tête et ne fait
qu’appeler au secours lorsqu’Emma s’évanouit au départ de Rodolphe (p. 272) ou quand il apprend
qu’elle s’est empoisonnée (p. 402).

Un mari aimant et bafoué

Mais Charles n’est pas dénué de qualités humaines. Il aime sa femme d’un amour sincère et profond. Il
est touchant de spontanéité naïve dans l’expression de sa tendresse, aux premiers temps de son
mariage (p. 62), comme plus tard au moment de la grossesse d’Emma (p. 129-130). Même, il sait vivre
cette grossesse comme une authentique et enrichissante expérience: « C’était un autre lien de la
chair s’établissant, et comme le sentiment continu d’une union plus complexe » (p. 129). Plus tard, il
s’occupera bien mieux de son enfant que ne le fera sa femme. Il pensera avec ferveur à l’avenir de
Berthe alors qu’Emma s’abandonnera à de vaines rêveries (p. 258). C’est lui qui jouera avec sa fille et
lui apprendra à lire quand sa mère la négligera complètement (p. 368).

Il est maladroit, certes, mais en toutes occasions, il cherche à plaire à sa femme. A Tostes, il lui
trouve une voiture pour satisfaire son goût de la promenade (p. 60) et à Yonville une pouliche (p. 218).
Il est toujours prompt à s’inquiéter de sa santé (p. 175) ou de son bien-être (qu’on pense à l’épisode du
châle, par exemple, qu’il lui fait porter à Rouen de crainte qu’elle ne prenne froid, p. 349) et son
dévouement semble infini. Il ne comprend pas, hélas !, qu’il ne rend pas sa femme heureuse, et il se
montre pitoyable dans sa situation de mari bafoué et qui va toujours au-devant de son infortune. Car

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c’est lui qui a insisté pour que sa femme fasse de l’équitation avec Rodolphe (p. 212); pour qu’elle
assiste à la soirée à l’opéra de Rouen (p. 286) et pour qu’elle prenne régulièrement des leçons de
musique (p. 337).

Une fin pathétique

Charles devient pathétique à la mort de sa femme, et la profondeur de son désespoir lui confère
même une certaine grandeur. La douleur l’élève alors au-dessus de la médiocrité. Il ne vit plus que
dans le souvenir passionné d’Emma, adoptant ses goûts et ses idées: « Pour lui plaire, comme si elle
vivait encore, il adopta ses prédilections, ses idées ; il s’acheta des bottes vernies, il prit l’usage des
cravates blanches » p. 433). Sa fin est pitoyable dans sa solitude désespérée: meurt de chagrin et
d’amour sous la tonnelle du jardin, tenant dans ses mains « une longue mèche de cheveux noirs» (p.
440).

LES BOURGEOIS

Rodolphe

Si ce bel homme de trente-quatre ans, immédiatement séduit par la grâce d’Emma Bovary, sait lui
débiter très vite des propos fades, il n’a rien de l’amoureux fou capable de tout sacrifier aux
sentiments. Son expérience des femmes et son tempérament l’en empêchent. Pour lui qui est doté,
nous dit-on, d’un solide « bon sens bourgeois » l’amour n’est qu’un « tas de blagues » et la conquête
d’une femme une simple affaire de stratégie.

Le narrateur le dit « d’intelligence perspicace ». Il est vrai qu’il sait bien comprendre l’état d’âme
d’Emma au moment de leur rencontre, pour la séduire.

Rodolphe est épris, pourtant. Mais l’exaltation l’effraie, il craint de s’engager. Et il prend sans doute
la passion de sa maîtresse d’autant moins aux sérieux qu’il veut pouvoir s’en détacher sans trop de
remords. Il partira sans elle le jour où ils devaient fuir ensemble (p. 264) et il se dérobera de nouveau
le jour où, traquée par les dettes, elle viendra lui demander de l’argent (p. 396).

Léon

Emma trouve Léon «charmant». Blond aux yeux bleus, la mise soignée, le clerc de notaire de Maître
Guillaumin a de quoi séduire une femme comme elle, en effet: « il possédait des talents, il peignait à
l’aquarelle, savait lire la clef de sol, et s’occupait volontiers de littérature après son dîner, quand il ne
jouait pas aux cartes » (p. 127). Aussi sait-il tourner des phrases « poétiques », ce dont est incapable
le mari d’Emma. En fait, au moral, Léon est le pendant plus féminin de Charles Bovary. Flaubert est le
premier à le faire remarquer: « ... mon mari aime sa femme un peu de la même façon que mon amant.
Ce sont deux médiocrités dans le même milieu et qu’il faut différencier pourtant » (lettre du 15
janvier 1853). Économe à l’excès, peureux, prosaïque, c’est lui aussi un « tempérament modéré », et il
manque absolument de personnalité. Il finit par se laisser dominer par Madame Bovary: « Il ne
discutait pas ses idées ; il acceptait tous ses goûts; il devenait sa maîtresse plutôt qu’elle n’était la
sienne» (p. 356).

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La peur de se compromettre et le désir de se conformer au modèle bourgeois dans l’intérêt de son
futur état lui inspirent l’ennui de sa liaison et l’envie de rompre. Mais il est trop faible pour s’y
décider, l’ « absorption de sa personnalité» par celle d’Emma est trop complète. Il représente assez
bien le contraire du viril Rodolphe. Les deux hommes se rejoignent pourtant dans leur commune
incapacité à aider la jeune femme au moment de la saisie de ses biens, et dans leur attitude semblable
au soir de l’enterrement: « Rodolphe, qui, pour se distraire, avait battu le bois toute la journée,
dormait tranquillement dans son château ; et Léon, là-bas, dormait aussi. » (p. 430).

Lheureux

La figure grasse et molle, les cheveux blancs, les yeux noirs « à l’éclat rude », le marchand d’étoffes
et de nouveautés est un personnage redoutable. On ne connaît pas très bien ses antécédents mais il
est insinuant, flatteur. Madame Lefrançois, la patronne de l’auberge du Lion d’Or, le définit en deux
mots: « un enjôleur, un rampant » (p. 187).

C’est le lendemain même du jour où elle se rend compte de son amour pour Léon qu’il se présente pour
la première fois chez elle, le lendemain du premier cadeau à Rodolphe qu’il dépose sa première
facture, trois jours après l’avoir vue à Rouen au bras de Léon qu’il mitre dans sa chambre et lui
propose de prendre une procuration. Profitant de toutes les occasions, prêt à tous les changes, son
activité lie intimement deux thèmes du roman: adultère et le drame de l’usure. Rien ne compte pour lui
que l’argent: sa fortune s’élève sur la ruine des Bovary et de Tellier, le patron du Café Français. On
sent qu’il ne s’arrêtera pas en si bon chemin, que le Lion d’Or lui-même est menacé. Ce sont
décidément toujours les plus profonds coquins qui triomphent.

Homais

Monsieur Homais est correspondant pour Le Fanal de Rouen. Membre de la société d’agronomie et de
Rouen. Membre de la société agronomie et de la commission consultative pour les Comices, c’est un
notable d’Yonville. Il est pharmacien de son état et se fait la plus haute idée de son art. Il est
toujours prêt à exposer ses opinions à qui veut l’entendre. Grand lecteur de Voltaire et de Rousseau —
du moins cite-t-il ces auteurs—, le progrès n’a pas plus ardent défenseur que lui, ni le fanatisme et
l’Eglise, de plus féroce adversaire.

Le pharmacien ne pense pas, ne raisonne pas: il ne fait jamais que réciter. M. Homais est le
dictionnaire incarné des idées reçues et de ce qu’il est convenable de faire et de dire dans toutes les
occasions. Il n’a pour s’opposer aux préjugés du curé que des expressions toutes faites, comme des
formules de catéchisme. Il représente une défaite de la pensée au xixe siècle. C’est dans ses paroles
et ses manières de doctrinaire que se manifeste le plus clairement cette bêtise que Flaubert a
combattue toute sa vie.

Sa conception des formes convenues ne relève que d’une morale bien étriquée et assez basse.
Dépourvu, quoi qu’il en pense, d’imagination et de perspicacité, il ne devine rien des intrigues
amoureuses qui se nouent autour de lui, croyant son apprenti Justin épris de Félicité, attribuant aux
abricots tel malaise d’Emma, prétendant enfin que, chez les Bovary, Léon courtisait... la bonne.

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Quant à ses conceptions de l’amitié, elles trouvent leurs limites dans les intérêts et le sens pratique
du commerçant. Son obséquiosité ne vise qu’à faire oublier à l’officier de santé que lui-même lui fait
une concurrence illégale et déloyale en donnant des consultations dans sa boutique. A la mort d’Emma,
il empêche ses enfants de fréquenter la petite Bovary « vu la différence de leurs conditions sociales
» (p. 434), et il abandonne le pauvre veuf à son désespoir. Ce formidable imbécile donnera toute la
mesure de sa scélératesse lorsque, à fin du roman, il publiera dans Le Fanal de Rouen des articles
contre l’aveugle qu’il n’a pas su guérir. Qu’importe ? Les apparences sont sauves, son commerce
florissant. C’est un ami de l’humanité, il jouit des faveurs de l’autorité et de l’opinion publique. Il ira
loin, peut-être.

PERSONNAGES SYMBOLIQUES

Binet

Binet, Hippolyte et l’Aveugle ne sont que des comparses. Mais ils ont une importance dans la trame du
roman, en y puant le rôle de symboles. Binet, ancien militaire, percepteur et capitaine des pompiers
d’Yonville, à la régularité et à roideur d’une mécanique sans âme. Pour se distraire il fabrique des
ronds de serviette sur un tour. C’est lui qui a surpris Emma au retour d’une de ses visites matinales à
Rodolphe. Heureusement pour elle, il « ne se mêlait jamais des affaires d’autrui » (p. 234). C’est le
bruit continu de cette machine, symbole du destin au cours inexorable, qui produit le vertige de
suicide de Madame Bovary après le départ de Rodolphe « comme une voix furieuse qui l’appelait » (p.
270). C’est encore ce tour qu’elle entendra le jour de sa mort, et le rouet de la nourrice, qui
l’exaspère, en est le substitut.

Hippolyte et l’Aveugle

Hippolyte, le garçon d’écurie au pied-bot et ‘Aveugle de l’auberge du Lion d’Or, ne sont pas, eux, du
monde des bourgeois. Ce sont les petits, les miséreux, sur qui on essaie, dans l‘espoir d’en tirer profit
et gloire, une opération ou une pommade « antiphlogistique », l’une et l’autre du reste parfaitement
inefficaces. Mais ils révèlent par leur présence l’incapacité de Charles. Hippolyte, en effet, garde les
séquelles d’une opération manquée: il porte une jambe de bois.

L’Aveugle a une fonction plus importante encore par rapport à Emma. La jeune femme le rencontrait
au retour de chacun de ses rendez-vous à Rouen, et sa voix rauque la poursuivait et la jetait à chaque
fois dans un trouble profond. Il finit par devenir pour elle une figure, impressionnante, du démon et
de la damnation du pécheur. Elle meurt en effet en l’entendant, lorsqu’il vient chanter sous les
fenêtres de sa chambre de mourante: « Emma se mit à rire, d’un rire atroce, frénétique, désespéré,
croyant voir la face hideuse du misérable, qui se dressait dans les ténèbres éternelles comme un
épouvantement » (p. 412).

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Thèmes : LA SATIRE DES MOEURS DE PROVINCE

Dans le roman, la province semble vivre à l’ombre de la grande ville, Rouen ou Paris. Dans ces
campagnes ennuyeuses et ces « paysages sans caractère », l’imitation est la règle des comportements.
Emma est accusée de jouer les « demoiselles de ville » (p. 42), les dames de la noce ont « des robes à
la façon de la ville » (p. 52) .Le ridicule et l’inconvenance de sa conduite lorsqu’il entre
majestueusement au Café de Normandie, à Rouen, « sans retirer son chapeau », illustre et dénonce la
bêtise du provincial.

Mais c’est Paris qui est le point de convergence de tous les rêves et la référence la plus prestigieuse.
Emma souhaite y vivre, elle est au courant de tout ce qui s’y passe, elle en connaît les bonnes
adresses. Embellie et grandie dans son imagination, la capitale devient mythique. Pour les hommes, la
capitale est le paradis de tous les plaisirs.

ÉCHEC ET DÉSILLUSION

Le thème de l’échec sous-tend le roman tout entier. Charles Bovary offre dès les premières pages
l’image la plus désolante de la médiocrité et de l’échec. En dépit des vœux de sa mère qui avait
reporté sur lui (<toutes ses vanités éparses, brisées » (p. 28), et malgré l’énergie qu’elle déploie à sa
place pour le faire accéder à une «haute position », il n’est reçu qu’à grand peine à l’examen d’officier
de santé. Encore sa vie professionnelle est-elle bien pitoyable et la désastreuse opération du pied-bot
effectuée sur Hippolyte expose aux yeux de son incapacité. Quant a sa vie conjugale, elle se solde elle
aussi par une faillite. Il n ‘aimait pas sa première épouse, laide et autoritaire. La seconde, qu’il chérit,
le méprise et le trompe effrontément. Pour finir, ses rêveries tendres de père attentif qui
envisageait pour sa fille la meilleure éducation et un beau mariage trouveront un cruel démenti. A la
dernière page du livre, on apprend que Berthe, orpheline, a été placée «pour gagner sa vie, dans une
filature de coton ».

Emma, elle, est en grande partie responsable de son propre malheur et de sa déchéance. N’oublions
pas cependant, à sa décharge, qu’elle a été privée très tôt d’une mère par qui elle eût peut-être été
mieux guidée qu’elle ne le fut à la pension. Avec le mariage s’évanouissent ses rêves de vie élégante et
d’ascension sociale. Si encore elle avait pu trouver autour d’elle, dans ses épreuves, le secours d’une
foi vive ou d’une amitié agissante! Mais ni le curé Bournisien — exceptionnellement borné—, ni ses
voisines, les braves Mmes Homais et Tuvache —si parfaitement nulles—, ne peuvent lui offrir le
moindre appui. Même la maternité a été pour la jeune femme une source de désillusion. Elle souhaitait
avoir un fils «comme la revanche en espoir de toutes ses impuissances passées » (p. 130). Moins
heureuse que sa belle-mère sur ce point, cette satisfaction lui est refusée: c’est une fille qu’elle met
au monde.

La chute de Charles et d’Emma reproduit, mais en plus grave, la faillite de leurs parents. Monsieur
Bovary père avait échoué, tant dans l’industrie que dans l’agriculture. Le père Rouault, apprenons-nous,
dépense beaucoup, à des dettes, perd de l’argent tous les ans et finit par devenir paralysé. Le monde
de notre roman est un monde voué à la défaite et à la ruine, où les protagonistes de l’intrigue n’ont

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aucune prise sur leur destin. Ni Charles ni Emma ne sont de ces héros volontaires et conquérants,
comme l’étaient certains héros du romantisme.

L’ENNUI

En 1839, Lamartine déclarait: « La France est une nation qui s’ennuie ». Né de la déception de
générations qui d’abord, ont eu le sentiment que la Révolution de 1789 avait été trahie, puis que celle
de 1830 n’apportait aucun espoir de changement, l’ennui s’est manifesté comme un véritable mal du
siècle dès la chute de Napoléon 1er. Les régimes qui avaient succédé au Premier Empire s’étaient
montrés incapables de répondre aux aspirations de ceux à qui le dynamisme économique et industriel
du pays aurait pu offrir des raisons d’agir et de construire un autre monde. L’ennui fut le fruit
empoisonné de ces élans brisés, de ces insatisfactions, de ce sentiment d’impuissance devant le
triomphe de l’immobilisme et du conformisme.

Par son tempérament, Flaubert se trouvait en harmonie avec ce mal du siècle. Hanté par l’horreur de
la vie et l’obsession de la désintégration, il n’a cessé, dès son jeune âge, de confesser un profond
ennui.

Emma incarne avec une force particulière à la fois la défaite d’une époque et les hantises du
romancier. Tout, en elle et autour d’elle est ennui. Sa vie conjugale est placée sous le signe de la
solitude et de l’habitude. Rien de nouveau dans l’existence, les journées à Tostes se suivent et se
ressemblent toutes. Le dimanche ce sont toujours les mêmes hommes qui jouent au bouchon devant la
porte de l’auberge ce sont les mêmes personnages falots — maître d’école, garde-champêtre,
perruquier— qui s’imposent à sa vue (p. 100).

Les gens qui entourent Emma sont aussi ennuyeux que la campagne et les lieux où ils vivent. A Yonville,
Mme Homais est « ennuyeuse à écouter », d’aspect « commun », de « conversation …. restreinte ». Le
curé n’entend rien aux choses de l’esprit et du cœur. Quant à Homais, il n’accorde jamais d’attention
qu’à lui-même.

L’ennui est ressenti comme une immense lassitude, une «douleur», mais en même temps on dirait que le
retour des déceptions.

LE RYTHME NARRATIF

Le récit de la vie d’Emma entre sa première rencontre avec Charles Bovary en janvier 1837 et sa mort
en mars 1843 est encadré par deux chapitres. Le premier couvre 9 ans de la vie de Charles, le dernier
la dizaine d’années qui sépare le décès de l’héroïne du moment où Homais reçoit la croix, et où le
romancier achève son œuvre. Si les trois périodes successivement évoquées ont une durée à peu près
égale, il s’en faut de beaucoup que le récit leur accorde la même importance: 400 pages (33 chapitres)
pour la période centrale, une dizaine de pages pour la première et pour la dernière. C’est dire que si
l’histoire de Charles précède et suit la sienne, c’est bien Emma qui est le sujet du livre.

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Les descriptions

Nous distinguerons deux types de descriptions selon leurs fonctions et surtout selon la part plus ou
moins grande qu’y occupe la subjectivité du personnage à travers qui êtres et objets sont perçus.

LA DESCRIPTION REPRÉSENTATIVE

Elle vise surtout à situer les protagonistes de l’action dans leur milieu social et leur cadre historique.
Nous avons vu plus haut la fonction réaliste et satirique des portraits des paysans de la noce et des
Comices. Certains décors ne sont pas moins révélateurs. En témoigne la description de la ferme des
Ber- taux. Celle-ci, dès l’abord (p. 37) donne une impression d’aisance matérielle, que des adjectifs,
banals en eux-mêmes, soulignent par leur convergence: les chevaux sont « gros », les rateliers « neufs
», le fumier « large », la bergerie « longue », la grange « haute », les charrettes « grandes », les
équipages «complets ».

LA DESCRIPTION EXPRESSIVE

Dans ce cas la description est déterminée par la psychologie du personnage à travers le regard de qui
tout est perçu. Flaubert en tire des effets remarquables. Il n’hésite pas, par exemple, à décrire
plusieurs fois le même lieu, vu par des personnages différents, dans des circonstances différentes.
Ainsi le village d’Yonville est-il contemplé de haut, à des moments importants de leur vie par Emma,
par Léon, et par le père Rouault.

e.x. A la page 214, Emma part pour sa promenade à cheval avec Rodolphe. Elle s’est abandonnée, déjà,
à « la cadence du mouvement qui la berçait sur la selle » et quand elle se retourne, toute la vallée à
ses pieds s’estompe dans le brouillard. Par moments elle peut distinguer des détails, elle cherche à
reconnaître sa maison, puis elle songe que « jamais ce pauvre village ne lui avait semblé si petit ».
Alors le paysage se transfigure, sous l’action des nuées qui donnent à la vallée l’aspect d’un « immense
lac pâle ». Mais l’image est trop proche des rêveries vagues de la jeune femme pour ne pas révéler son
désir de substituer à la triste réalité qu’elle vient de quitter l’univers de ses rêves bleus.

Sans démentir cette impression, la présentation d’un lieu vu par le même personnage, mais à des
moments différents de son histoire, produit des effets également remarquables. C’est ainsi que le
jardin de Tostes nous est décrit deux fois à travers le regard d’Emma Bovary, d’abord à la page 60,
puis à la page 99.

A la dégradation du monde des objets correspond la dégradation psychologique et psychique d’Emma.


Comme très souvent dans Madame Bovary, la description est subordonnée à l’analyse des sentiments
dont elle offre la métaphore.

LUMIÈRES ET COULEURS

Flaubert ne manque jamais d’indiquer la manière dont les objets et les êtres qu’il décrit sont éclairés.
On remarquera en effet ces jeux d’ombre et de lumière aussi bien au château de la Vaubyessard qu’à
l’auberge du Lion d’Or.

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Souvent, dans ces descriptions, la lumière modifie la couleur locale, c’est-à-dire, au sens pictural du
terme, la couleur qu’ont les objets indépendamment de leur éclairage. C’est le jour bleuit, blondit les
joues d’Emma (p. 161), brunit les peintures (p. 80), ou que le soleil couchant pâlit.

Dans Madame Bovary la lumière et ses reflets sont le plus souvent perçus dans leur mobilité, voire
leur dynamisme:

Le moindre élément descriptif est étroitement tributaire de la vision et des sentiments d’un
personnage, et chaque détail s’intègre à une thématique d’ensemble.

Madame Bovary – réalité et fantasmes : le bal de la Vaubyessard

Pour la première fois de sa vie la jeune femme ressent aussi fortement le décalage existant entre son
état social et celui, affectif - de ses rêves. Elle réalise que son mariage avec Charles, issu de la
bourgeoisie moyenne, n'est en fait que l'accomplissement d'un besoin. Alors qu'Emma situe son désir
sur un double plan : ascension sociale (symbolisée par le château de construction moderne), et
jouissance sexuelle (le château est par excellence le lieu du libertinage).

Les rapports entre les deux castes sociales (bourgeoisie et noblesse) sont guidés par l'intérêt –
l'aristocratie en effondrement recherche l'amitié de la bourgeoisie : c'est la raison de l'invitation
des Bovary à la Vaubyessard. La bourgeoisie, quant à elle, aspire à la distinction de classe de la
noblesse dont elle est dépourvue. Ainsi Emma se plaît à censurer toute vision du passé – l'ancien
château, la ferme, ses origines, - pour ne voir que l'éclat des choses nouvelles.

Elle décrit des objets qui sont une ligne droite ou courbe et se référent à la sexualité. La ligne droite
ayant trait à tout ce qui est rigide, tranché, raide – censure de la sexualité; la ligne courbe, au
contraire, exprimant la rondeur, la forme maternelle, la sensualité – celle qui brise le trait droit.
Flaubert dispose ces éléments de manière graduelle – de "pente douce" il arrive à "boules" en mettant
progressivement l'accent sur l'aspect bombé, gonflé, sexuel.

Emma Bovary, dans ce chapitre, s'intéresse exclusivement aux choses qui ont la forme arrondie : " ( ...
) la boucle d'une jarretière en haut d'un mollet rebondi. " Le repas surtout abonde en exemples de ce
genre :

" Les bougies des candélabres allongeaient des flammes sur les cloches d'argent; des cristaux à
facettes, couverts d'une buée mate, se renvoyaient des rayons pâles; des bouquets étaient en ligne
sur toute la longueur de la table, et, dans les assiettes à large bordure, les serviettes, arrangées en
manière de bonnet d'évêque, tenaient entre le bâillement de leurs plis chacune un petit pain de forme
ovale. ( ... ) Elle n'avait jamais vu de grenades ni mangé d'ananas. "

Dans les fantasmes d'Emma ces deux figures géométriques préfigurent la vie : la ligne droite exprime
la platitude de la réalité, la monotonie, le vide; la ligne arrondie réfère à la joie, au plaisir. Toutes les
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choses qui attirent Emma sont "bombées" ou font saillie; les corps et les mouvements qui en sont
pourvus réfèrent dans le texte à l'aristocratie. Il est clair que Mme Bovary veut s'intégrer à cette
dernière, mais qu'elle n'en a pas les moyens. Car elle se fonde sur l'extériorité (l’habit, la mise), et
non sur l'aspect interne des choses. Or, sur le plan interne Emma ne possède pas ce savoir inhérent à
la noblesse – et ce sera l'une des raisons de son suicide : la bourgeoisie, si elle veut égaler
l'aristocratie par des moyens qui ne lui sont pas propres (le savoir-vivre, la distinction), se retrouve
inévitablement méprisée et rejetée. Effectivement, les Bovary ne seront plus jamais réinvités par les
milieux de la noblesse.

Les fantasmes d'Emma deviennent de plus en plus précis, au fur et à mesure que le texte avance. La
préparation au bal et son déroulement aiguisent ses désirs. En rejetant son mari comme un homme
médiocre et satisfait de sa situation (il n'a pas de fantasmes), elle le castre en cassant son désir («
Le pantalon de Charles le serrait au ventre. " ) Et par là-même elle dévoile son attirance pour l'homme
guerrier, viril. La phrase " Elle restait là. " indique son attitude passive. Elle désire être prise de
force.

L'atmosphère trouble et sensuelle qui se dégage de ce chapitre est due au grand nombre de
descriptions et au peu de dialogue. Ici tout se déroule sur le plan du regard, du geste et du
mouvement. On s'exprime avec des attitudes, ce qui correspond au code et aux règles de la
bienséance aristocratique. Le regard se constitue en tant que stratégie d'approche et de
questionnement, impossible à traduire par le langage.

Mme Bovary se situe donc comme objet sexuel, mais refuse de se penser comme tel. En repoussant
son mari, elle marque sa honte de ses origines comme de sa condition actuelle. C'est en tant que
femme anonyme qu'elle s'offre au vicomte qui l'invite à danser (ici joue le mythe de la prostitution –
scène d'une très forte charge sexuelle). Cette offre en tant qu'objet sexuel ressortira tout au long
du roman – les épisodes de l'adultère d'Emma avec Rodolphe et Léon en constitueront les points
culminants.

La mise en place progressive des éléments érotiques trouve son point culminant dans l'épisode de la
valse. Lorsqu’Emma est invitée, elle est saisie par son cavalier, qui est aussi initiateur – puisqu'il lui
apprend cette nouvelle danse corps-à-corps qu'est la valse. Elle est saisie comme un objet. Tous deux
respectent les règles du rapport érotique implicite – ils ne se parlent pas, ils s'appréhendent non pas
en tant que fonctions sociales (femme de médecin) mais en tant que corps (femme et homme). Ainsi la
danse, débutant très lentement, puis s'accélérant, devenant de plus en plus rapide, allant jusqu'à
l'épuisement – symbolise-t-elle l'acte sexuel.

A cette atmosphère chargée d'ambiguïté vient s'ajouter un événement échappant à toute logique
rationnelle – le moment où un domestique casse une vitre à cause de l'air lourd du bal. Quoi de plus
invraisemblable qu'un domestique cassant une vitre au moyen d'une chaise ? Ce moment est un
symptôme de l'ensemble du chapitre. Car c'est un chapitre très violent, concentrant de nombreux
éléments érotisés qui ne trouvent pas moyen de se satisfaire. La vitre brisée symbolise une sorte de
défloration, dont la douleur a pour effet de ramener brusquement Emma à la réalité.
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Le passage des réminiscences provoquées par l'incident de la vitre, termine par la phrase suivante : "
Elle (Emma) était là. " (Au bal ? Ou avec les paysans hébétés qui contemplent la fête à la dérobée ? )
Mme Bovary se trouve certes au bal, mais sa présence est non seulement passive mais aussi éphémère.

Revenons un peu en arrière dans le roman, au chapitre deux, où Emma, encore jeune fille, se trouve
dans la cour de la ferme paternelle. On y lit une autre phrase, de construction similaire : " Elle restait
là. "

Malgré ses aspirations à s'élever au niveau de la classe aristocratique, Emma est condamnée à
demeurer madame Bovary, l'épouse d'un médecin de campagne, enfermée dans le carcan des idées
bourgeoises de réussite et de reconnaissance sociales grâce, non pas à elle-même, mais à l'homme, au
mâle – fût-il mari ou amant.

Madame Bovary : une œuvre réaliste ou romantique ?

Autour de 1850, une nouvelle sensibilité autant littéraire que picturale se dessine : il
s’agit du réalisme. Tandis que Murger écrit Les Scènes de la vie de Bohème , que
Champfleury donne Monsieur de Boisdhyver, Courbet déclenche un véritable scandale

avec son tableau Un enterrement à Ornans parce qu’un chien


vient entacher le caractère sacré d’une inhumation. Cette évolution avait été préparée par le
positivisme scientiste d’un Auguste Comte qui avait permis de réagir contre les excès du
sentimentalisme romantique. C’est dans ces conditions que l’histoire personnelle de Flaubert va
rejoindre les tendances d’une certaine élite de son temps. Il venait d’écrire La Tentation de Saint
Antoine, somptueuse évocation de toutes les hérésies, et avait soumis son ouvrage à l’appréciation de
ses amis Du Camp et Bouilhet. Les deux critiques conseillèrent alors à Flaubert de renoncer au lyrisme
et de purger son esprit trop imaginatif en se consacrant à une histoire triviale. Sous forme de
boutade peut-être, ils lui proposèrent de romancer une aventure sordide qui avait défrayé la
chronique de Ry : l’adultère, l’endettement et pour finir, la ruine et le suicide de l’épouse du médecin
Delamare. Flaubert allait entreprendre la rédaction de Madame Bovary. Son roman serait-il une œuvre
réaliste comme le souhaitaient ses amis ?

Madame Bovary, une œuvre réaliste

 Condamnation des dangers du romantisme


o Flaubert dénonce un certain romantisme par refus de l’invraisemblance et haine des
lieux communs. Il se moque de la littérature dont Emma se gorge au couvent : « Ce
n’étaient qu’amours, amants, amantes, dames persécutées s’évanouissant dans des
pavillons solitaires, postillons qu’on tue à tous les relais, chevaux qu’on crève à toutes
les pages, forêts sombres, troubles du cœur, serments, sanglots, larmes et baisers,
nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des
lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis, et
qui pleurent comme des urnes ».

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 Les éléments proprement réalistes
o Tout d’abord, comme nous l’avons noté plus haut, Flaubert n’a pas inventé la trame de
son récit, il l’a tirée d’un fait divers. Comme un journaliste, il a enquêté sur place pour
mieux comprendre les personnages qu’il allait mettre en scène. Il a amassé des
documents pour atteindre à l’exactitude : il a lu des traités de médecine pour
connaître les symptômes d’un empoisonnement par l’arsenic avant de décrire l’agonie
d’Emma. Il n’a pas hésité à consulter un avocat pour ne pas commettre d’erreurs dans
les désordres financiers de son héroïne non plus que dans leur règlement. Flaubert se
livre à un véritable travail de bénédictin. Afin d’assurer la cohérence interne de son
récit, en ce qui concerne la localisation des événements, il va jusqu’à dessiner un plan
d’Yonville.

Au-delà de ce souci de vérité, Flaubert cherche l’objectivité avec cette « impartialité qu’on met dans
les sciences physiques ». Il jette un regard quasi médical sur le monde qu’il décrit. Il essaie de
peindre ce qui est visible. À défaut de pouvoir rendre toute la réalité, il choisit les détails
pittoresques et justes. La cuisine du père Rouault est autant le lieu poétique où la lumière du soleil
joue au travers les persiennes Comme un photographe, Flaubert apprend à connaître ses modèles de
l’extérieur vers l’intérieur. Au travers des comportements, nous voyons peu à peu les caractères se
dessiner. Flaubert nous invite à observer. Avec lui, nous devinons progressivement la timidité maladive
de Charles Bovary, son incompréhension. Voilà posé l’essentiel de la personnalité de celui qui sera
incapable de satisfaire et de comprendre sa femme ! De même la sensualité d’Emma nous est révélée,
avant même qu’elle envahisse sa vie, par la manière dont la jeune campagnarde boit la liqueur par
petits coups de langue gourmands.

Pourtant Madame Bovary recèle des éléments romantiques

 Le moi de Flaubert
o Flaubert a mis beaucoup de lui-même dans son roman. Malgré un certain parti pris
d’impartialité, il a pu aussi s’écrier : « Madame Bovary, c’est moi ! ». Ce cri a été
interprété de plusieurs manières.. Flaubert a coulé dans son œuvre ses propres
inquiétudes, ses manières de penser, sa matière personnelle. En particulier, comme
Emma, il a éprouvé un goût immodéré pour la lecture.
 Le goût de la rêverie
o Au détour d’une page, on le surprend à rêver de la belle manière, ce qu’il appelait son
« infini besoin de sensations intenses ». Les lectures d’Emma, fades et niaises,
déclenchent parfois en lui le désir de voyager
 Les émois de la passion
o Parfois Flaubert éprouve une secrète délectation dans les plaisirs destructeurs de la
passion romantique qu’il entend condamner. Là, point d’ironie qui vient briser le
sortilège ! Emma éprouve un tendre attachement pour le jeune clerc Léon Dupuis, elle
vient d’accepter son bras, au risque de se compromettre, tandis qu’elle se rend chez la
nourrice de sa fille :
o La passion naissante rejoint curieusement le désir d’évasion dans le voyage, que nous
notions tout à l’heure.
 La révolte

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o C’est ce même le désir d’évasion qui constitue le plus profondément le romantisme
d’Emma, bien proche de son créateur lorsque qu’elle éprouve un grand dégoût pour le
monde étriqué qui l’entoure. Lors de son mariage avec Charles ne voit-on pas
l’opposition irréductible entre son sentimentalisme qui se traduit par le désir d’une
cérémonie nocturne aux flambeaux et le matérialisme de son père qui pense seulement
à la nourriture et aux plaisirs. Depuis on appelle bovarysme cette volonté d’être plus et
mieux, ce désir forcené d’une autre existence plus exaltante. Nous rejoignons là le
goût romantique de la révolte, la haine de l’ordre établi. Emma s’échappe sans cesse de
ce monde ennuyeux qui l’étouffe. Si le roman est sous-titré « Mœurs de province »,
c’est que la sévère peinture d’une campagne pitoyable et triste explique en partie le
destin de l’héroïne.
 Un réalisme poétique
o Nous sommes donc loin d’une représentation photographique de la réalité. Flaubert
d’ailleurs sait que le réalisme intégral est une utopie. Il ira encore plus loin, il choisira
en fonction d’un effet à produire, ce que nous pourrions appeler le réalisme poétique,
bien loin du réalisme tout court.
 Un pessimisme fondamental
o Ce que Flaubert nous livre en fin de compte est un monde pessimiste. Nous l’avons vu,
son roman est l’histoire d’un échec. Madame Bovary se détruit lentement. Tout porte en
soi son propre ferment de destruction. Cependant la vérité essentielle du livre, c’est
que l’idéalisme n’a pas sa place dans un monde où triomphent les intérêts mesquins et la
bêtise. Emma est une victime. Les vrais coupables ne sont pas punis : Rodolphe n’éprouve
aucun remords et dort du sommeil du juste, Lheureux n’y a jamais vu qu’une « bonne
affaire ». Allons plus loin encore, les coupables sont récompensés, honorés : Lheureux a
fait fortune et s’est installé à l’enseigne “les favorites du commerce”, son nouveau
magasin ; Homais, parangon de bêtise satisfaite, « vient de recevoir la croix
d’honneur ». Le roman se termine sur la vision grinçante de la sottise humaine.
 Un travail de styliste
o Face à ce monde éprouvant pour une sensibilité d’écorché vif comme celle de Flaubert,
nous éprouvons cependant une intense impression d’harmonie, de beauté. C’est que
l’artiste a toujours cherché une parfaite appropriation du mot à l’idée à exprimer. Seul
le style permet d’échapper à la « triste plaisanterie de l’existence ». Le culte de la
beauté permet de recomposer une création mal faite ou tout simplement de s’échapper
dans le monde des idées pures. Le romancier doit, nous l’avons vu, choisir en fonction de
l’effet à produire, mais de plus, au contraire du pâtissier qui a réalisé la ridicule pièce
montée des noces où éclate mauvais goût dans la juxtaposition de styles eux-mêmes
composites, élaguer, tendre à la pureté, à l’accord parfait entre le sujet et les mots
pour le dire. À cet endroit, plus de romantisme ou de réalisme ; le premier entache la
vérité par excès d’imagination ou de subjectivité, le second ne peut atteindre à la
beauté car le monde brut est laid. Seul l’art mérite nos efforts.

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