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en Afrique australe 1
Afrique du Sud
et Namibie
Dossier établi d’après une documentation
réunie par le Mouvement anti-apartheid
ISBN 92-3-201199-9
Édition anglaise 92-3-101
199-5
La plupart des gens ne connaissent l’apartheid que par ce qu’ils en lisent dans
les journaux ou ce qu’ilsen voient à la télévision. Ils sont des milliers à ressentir
profondément les souffrances qu’il provoque. mais ce sont littéralement des
millions de personnes qui souffrent directement de ce système inhumain et
dégradant qui les prive des droits de l’hommeles plus élémentaires même.
La communauté internationale.que les événements de la deuxième guerre
mondiale avaient plongée dans une immense horreur,adopta en 1948 la Décla-
ration universelle des droits de l‘homme.Mais pour la majorité des habitants de
l’Afriqueaustrale,cette déclaration pourrait tout aussi bien ne jamais avoir été
adoptée:pour eux.elle est restée lettre morte.
Ce livre a été rédigé sur la base de documents réunis par le Mouvement
anti-apartheiden vue de constituer un dossier pédagogique sur l’Afrique aus-
trale.La partie qui concerne la Rhodésie sera publiée séparément.Les opinions
exprimées dans ce livre ne correspondent pas nécessairementà celles du Secréta-
riat.
En tant qu’institution spécialisée des Nations Unies pour l’éducation. la
science et la culture. l’Unesco espère que ce livre intéressera en particulier les
enseignants et qu’il les aidera à faire en sorte que la nouvelle génération soit
plus consciente que les précédentes des injustices intolérables que nous conti-
nuons ii tolérer et plus fermementrésolue à y mettre un terme.
~
Table
des matières
I Afrique du Sud
1. Histoiipc t k I 'q~urtlrcitl 1 7
L'Afrique du Sud 30;Le Grand Trek 33: Diamants et or 34: Rhodes:
la rivalité entre les Boers et les Britanniques 28; L'organisation des
Africains 31
7
I. DL;i . e l n p picw
~ t (It> I'C:corroniit) 38
Géographieetclimat 38:Le produit intérieur brut de l'Afrique du Sud 41 ;
Industrialisation 43 :Commerce 48
3. L 'tipar-their1 e1
ti l ' i ~ w ~ ~ r5
Le cadre institutionnel 52; L'Afrique du Sud devient une république 55 :
L'apartheid et l'économie 56: L'éducation 70: Les lois sur les laissez-
passer 77;Les /ioirw/tim!r 80;Les Africains dans les zoms urbaines 87:
La skuriié 91
4. Be I'oppositiotr ti Ici rc;si,\ititicr 98
La campagne de désobkissance aux lois injustes 101; Le Congrès du
peuple 103: Le ((procès en trahison)) 106;Sharpcville 107: L'opposi-
tion passe dans la clandestinité 108: Rivonia I IO: L,'Affaire des 22 1 17;
La grève de Port Eli7abeth 113; Le procès des ((Six de Pretoria)) 113:
Manifestations d'étudiants 114; Nouvelle vague de grèves 117: L a
Conscience noire 1 18
-7. Le inotrtie e.utL;rirru 130
Les Nations Unies 130: L'Afrique 122: Aspects stratégiques 124;Em-
bargos et boycottages 128: La ségrégation de l'apartheid 139
6. Qrititicl de tels Iiotiiriirs se ic4wIterrt... 140
Nelson Mandela 140: Abram Fisher 141 :Albert Luthuli 142
II Namibie
1. Historique 147
2. L’économie 149
Lesminéraux 149 ; L‘agriculture 150 ; La pêche 150; Le tourisme 150 ;
Les salaires 150 ; Les servicessociaux 151
3. L’éducation 152
8. L a résistance 168
Bibliographie 173
Quelques dates de l’histoire
de l’Afrique du Sud
et de la Namibie
Afrique du Sud
Namibie
le titre de Mwana Mutapa (grand pillard). La mort de Matope fut suivie d’une
guerre de succession;le vieil empire se scinda en deux parties - une partie
septentrionale, que l’on appelle encore actuellement le Mwanamutapa, et une
partie méridionale,l’Urozwi,dont la capitale était Grand Zimbabwe.
C’est à cette période qu’arrivèrent les premiers Européens, des Portugais.
Ils découvrirent vers l’an 1500 le puissant royaume kongo, sur la côte occiden-
tale,et, après avoir progressivement développé leur commerce et leur influence,
ils le conquirent en 1665. Les Portugais tournèrent ensuite leurs regards vers le
sud,en direction du royaume voisin des Mbundus, dont le roi portait le titre de
ngolu (d’où le nom de l’Angola), et qui fut à son tour conquis et colonisé en
1683. Mais jusqu’auX I X siècle,
~ la domination portugaise se limita à la côte et a-
l’arrière-paystout proche. L’intérieurne servait qu’à fournir des esclaves pour
la colonie portugaise du Brésil; des centaines de milliers d’Africains furent ainsi
déportés. -_
-.
A l’est (au Mozambique), les Portugais trouvèrent des commerçants arabes,
qui étaient installés depuis des générations sur le littoral de l’océan Indien.Les
Portugais tentèrent de pénétrer à l’intérieurdes terres pour y chercher de l’or et
des esclaves,et ils se trouvèrent rapidement en contact avec l’empire shona du
Mwana Mutapa.En 1629,un conflit de succession dans ce royaume leur permit
de porter au pouvoir leur propre candidat,qui prêta serment d’allégeance au roi
du Portugal.Ici comme en Angola, l’autoritédes Portugais ne s’exerçaitguère
au-delàde la bande côtière,bien qu’ils aient plusieurs fois tenté d’assujettirou
de convertir les populations,mais presque toujours en vain.
L’arrivéedes Portugais fut suivie par celle des Hollandais,qui s’installèrent
au Cap,pour le compte de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales,sous
la direction de Jan van Riebeeck. La Compagnie ne cherchait, en créant cette
colonie,qu’à ménager une escale pour ses navires sur la route de l’Inde,mais
van Riebeeck avait besoin de bétail pour ravitailler les équipages en viande, ce
qui ne manqua pas de mettre les Hollandais en conflit avec les Boschimans qui
pratiquaient l’élevageet la chasse,ainsi qu’avec les Hottentots qui possédaient
de grands troupeaux de bovins et revendiquaient les pâturages.
Le problème des terres, qui devait envenimer les relations entre les Blancs
et les Noirs pendant de nombreuses générations, était devenu en quelques
années un problème de premier planl. Van Riebeeck lui-même écrivait: ((Les
raisons qu’ilsalléguaient pour nous avoir fait la guerre l’an dernier,se plaignant
que certains de nos hommes vivant loin de nous et agissant à notre insu leur
avaient causé un grave préjudice et avaient peut-être même volé et mangé
quelques moutons,quelques veaux, etc., ce qui n’est pas totalement faux, et ce
qu’il est très difficile d’empêcher lorsque des gens du commun échappent
quelque peu à notre surveillance, leur apparaissaient comme appelant une
vengeance, surtout,disaient-ils,à l’égard de ceux qui étaient venus prendre et
occuper des terres qui leur avaient de tout temps appartenu,qui avaient labouré
à la charrue et cultivé en permanence leurs meilleurs terrains,et qui les avaient
tenus à l’écartdes lieux où ils avaient l’habitude de faire paître leurs troupeaux,
ce qui les obligeait à chercher leur subsistance en conduisant leurs troupeaux sur
des pâturages appartenant à autrui,ce qui ne pouvait qu’aboutir à des conflits
avec leurs voisins; ils ont réclamé avec une telle insistance que nous leur
restituions leurs terres que nous avons finalement été obligés de leur dire qu’ils
avaient complètement perdu leurs droits sur elles en raison de la guerre qu’ils
nous avaient faite,et que nous n’avionspas l’intentionde les leur restituer,étant
donné qu’elles étaient devenues la propriété de la Compagnie par la force des
épées et en vertu des lois de la guerre.))
La résistance des Hottentots fut réprimée, et beaucoup d’entre eux
devinrent les esclaves des Hollandais et apprirent leur langue.Les enfants issus
de liaisons entre Hollandais et Hottentotes, ainsi que les descendants des
esclaves qui furent amenés plus tard des Indes orientales, constituérent la
première communauté métisse du Cap, qui groupe actuellement la plupart des
deux millions de Métis d’Afriquedu Sud. Beaucoup de Hottentots succom-
bèrent d’autrepart à des nialadies qui étaient inconnuesjusqu’alorsen Afrique
australe. comme la variole,tandis que d’autres encore quittèrent la région du
Cap pour se diriger vers le nord et vers l‘est, où ils établirent de nouvelles
communautés,comme par exemple celles des Koras et des Griquas.
Les Boschimans virent eux aussi leurs conditions d‘existencetrès gravement
menacées par les Hollandais.Ces derniers n’hésitèrentpas à en tuer des milliers,
mais ils réduisirent souvent leurs enfants en esclavage,ce qui conduisit plus tard
i des intermariages avec les serviteurs mktis. D‘autres Boschimans enfin
s’enfuirentvers les déserts du nord.
La communauté des colons s’accrutau cours des années. et d’autres immi-
grants arrivèrent d’Europe. notamment quelques huguenots français. 11 fallut
alors évidemment davantage de terres,et certains partirent du Cap vers le nord.
U n premier grofipede Ho!!mdais. conduit par .!an Cnetzee, traversa !e f e w e
Orange en 1760. I1 rencontra alors les Xhosas, qui étaient installés depuis
plusieurs siècles entre le Limpopo et l’Orange.
C’est en 1779 qu’éclatace qu’on appelle la première guerre des Cafres. Elle
aboutit à la défaite des Xhosas,et le nouveau territoire boer fut délimité par la
rivière Fish.Les Xhosas poursuivirent cependant leur résistance pendant des
dizaines d’annéesaprès leur défaite.
En 1806, les Britanniques s’emparèrent du pouvoir au Cap. C o m m e les
Boers ne supportaient pas l’immixtionde l’administrationdans leurs affaires ni
les pressions anti-esclavagistesqui s’exerçaient sur eux. ils quittèrent Le Cap
pour un nouvel exode et traversèrent. au XI-;‘ siècle. le Drakensberg,le fleuve
Orange et le Vaal. Pour prendre en main l’ensemble de la colonie du Cap. le
Royaume-Uniy fit venir 5 000nouveaux émigrants les <<colons
~ de 1820)).
Ce déplacement des Boers intervint heureusement peu après les migrations
des tribus bantoues du sud.chassées de chez elles par les guerres du chef zoulou
Shaka,dont le despotisme militaire a profondément marqué cette période. Les
attaques de Shaka provoquèrent de grands soulèvements chez les Africains,
dont plusieurs groupes (notamment les Ndebeles et les Ngonis) repartirent de
nouveau vers le nord. En vingt ans,les Ngonis parcoururent 3200 kilomètres,
depuis le Natal jusqu’aunord du lac Nyassa.
Les Sothos habitaient le plateau situé entre le Drakensberg et le Kalahari.
Les guerres des Zoulous leur firent ressentir le besoin d’avoir un chef puissant.
C’est Moshesh qui montra les qualités nécessaires pour jouer ce rôle, et il
s’installaen 1833 dans la forteresse de Thaba Bosiu («la montagne qui grandit
Afrique du Sud 20
L’Afrique du Sud
Lorsque les Britanniques s’emparèrentfinalementde la colonie du Cap en 1806,
beaucoup de colons hollandais acceptèrent mal qu’un pouvoir étranger leur fût
ainsi imposé et que l’emploide l’anglaiscomme langue officielle devînt obliga-
toire; ils n’admettaient pas non plus l’attitudedes Britanniques à l’égard des
Africains et des Métis. Ils furent indignés par exemple lorsque les Britanniques
créèrent en 1812 la Black Circuit Court (tribunal itinérant pour Africains)
chargée d’examiner les plaintes déposées par les serviteurs et les esclaves contre
leurs maîtres blancs.Le coup fatal leur fut porté en 1834,lorsque les esclaves
d’Afrique australe,comme ceux des autres territoires de l’Empire britannique,
furent émancipés.L’esclavageétait une des clefs de voûte de la société coloniale
hollandaise, et l’émancipation apparut à ces colons comme dirigée contre le
mode de vie qu’ilss’étaientdonné. Mais ils avaient pris l’habitude,au cours de
leur histoire. de se déplacer sur de grandes distances dans des chariots traînés
par des bœufs,à la recherche de nouvelles terres,et c’est ce qu’ils firent en 1837.
C’est ce que l’ona appelé le Grand Trek.
L e Cap: la ville industrielle.
Afrique du Sud 22
Le Grand Trek
Environ 4000Boers,accompagnés d’un nombre à peu près égal de «serviteurs»,
pénétrèrent au Natal par les monts du Drakensberg.D’autres se dirigèrent vers
le nord, mais les Voortrekkers, à cette époque, entrèrent pour la plupart au
Natal. Ils s’y heurtèrent toutefois à l’opposition d’une nation zouloue qui,
réorganisée par son chef Shaka, disposait d’une puissance considérable et qui
était alors gouvernée par Dingaan. Plusieurs affrontements eurent lieu, et plu-
sieurs sites où les Voortrekkers venaient de s’établir subirent des attaques
destructrices;la bataille la plus importante se déroula le 16 décembre 1838 sur
la rivière Neome (la rivière de Sang), où l’armée des Voortrekkers,commandée
par Andries Pretorius, réussit à vaincre l’armée zouloue. Cette victoire des
Boers eut un effet désastreux sur le moral des Zoulous,dont quelques groupes
retirèrent leur allégeance à Dingaan. Ce dernier fut ultérieurement tué au
combat,et Pretorius eut la possibilité de nommer un nouveau roi des Zoulous,
Mpande,qui accepta d’êtrele vassal de la République du Natal.
Les Voortrekkers paraissaient pour le moment jouir au Natal d’une cer-
taine sécurité,et ils élaborèrent une Constitution plaçant leur nouvelle répu-
blique sous l’autoritéd’une assemblée élue composée de vingt-quatreBlancs, le
Volksraad.Ils étaient résolus à ce que cette république restât fidèle à la tradition
des Voortrekkers,et par conséquent aucun droit politique ne fut reconnu aux
non-Blancs;il ne devait jamais être question d’égalité.Les Uitlanders ou étran-
gers blancs qui arrivaient dans cette république n’étaientautorisés à en devenir
citoyens ou y acquérir des terres qu’après y avoir résidé pendant un an et avoir
obtenu un certificat de bonne conduite signé par trois citoyens.
Mais la sécurité de ces Voortrekkers devait être de courte durée, car les
réfugiés zoulous commencèrent très vite à regagner leurs anciens territoires, et
leur nombre l’emportade plus en plus sur celui des Boers. Certains d’entre eux
purent être intégrés à la main-d’œuvre,mais leur nombre risquait de devenir une
menace pour la nouvelle république. C’est pourquoi le Volksraad décida
d’expulser les Africains du Natal et de les transplanter au sud de la rivière
Mtamunna.
Cette décision intéressait les Britanniques de la colonie du Cap, car l’arri-
vée d’Africains en surnombre pouvait constituer une menace sur leurs fron-
tières. A u Royaume-Uni,1’AborigineProtection Society (Société protectrice des
indigènes) protesta contre la manière dont les Boers traitaient les Africains. Et
c’est ainsi qu’en 1842 le gouverneur de la colonie du Cap décida tout d’abord
d’occuper Port-Natal,puis d’annexer l’ensembledu Natal. L’année suivante,le
Volksraad du Natal accepta la colonisation de la république par les Britan-
niques; la plupart des Voortrekkers quittèrent alors cette colonie et entreprirent
la seconde étape du Grand Trek.
Le Natal s’est donc nettement différencié des territoires qui allaient devenir
les autres provinces de l’Afriquedu Sud. Les émigrants boers furent remplacés
par un grand nombre de colons britanniques, qui firent venir en 1860 les
premiers travailleurs indiens engagés sous contrat, faute d’obtenir des Africains
qu’ils respectent les conditions dont étaient assortis les emplois permanents.
C’est pourquoi la plupart des Indiens d’Afrique du Sud vivent actuellement au
Natal,ou en sont originaires.
Historique de l’apartheid 23
La politique des colons à l’égard des Africains au Natal fut marquée par
d’autres mesures. Sous la direction de Theophilus Shepstone, on procéda à la
délimitation de plusieurs zones ou ((quartiers>) réservés aux Africains du Natal,
et tous les Africains furent invités à s’y installer. O n peut voir là un élément
précurseur de la politique qui est actuellement en vigueur en Afrique du Sud,et
en vertu de laquelle les gens de races différentes sont tenus d’habiter dans des
zones distinctes. Shepstone eut également recours aux chefs traditionnels des
tribus. les rendant responsables du maintien de l’ordreet créant à l‘occasion de
nouvelles chefferies.
Les Voortrekkers se dirigèrent vers le nord. de l’autre côté du fleuve
Orange. où plusieurs groupes de leurs compatriotess‘étaientdéjà installés.Cette
région donna cependant lieu à de vives contestations au cours des années 1840.
Les Ndebeles furent repoussés plus au nord par les Boers et chassés sur l’autre
rive du Limpopo; mais les Sothos. ainsi que les deux groupes de Griquas
(Hottentotsmétis), revendiquèrentcette région.Des missionnaires britanniques
qui s’occupaient des affaires des Griquas tenterent de convaincre le gouverne-
ment de Londres de protéger cette ethnie. En 1848 finalement, le nouveau
gouverneur du Cap, sir Harry Smith, annexa toute la région comprise entre
l’Orange et le Vaal, malgré l’opposition de la plupart des Blancs qui s’y
trouvaient. et il lui donna le nom de Souveraineté du fleuve Orange. Les
Britanniques réussirentii battre une armée boer commandée par Pretorius,mais
ils ne parvinrent pas ii vaincre les Sothos conduits par Moshoeshoe. En fin de
compte,le gouvernement britannique décida.pour des raisons financières et à la
consternation de Smith,de désannexer la Souveraineté du fleuve Orange. Cette
décision,qui fut concrétisée par la Convention de Bloemfontein en 1854,allait
assurer pour un temps l’indépendancede l’Étatlibre d’Orange.
Cependant, les Boers étaient en train d’instituer une nouvelle colonie de
petites républiques au Transvaal.En 1852,à la Convention de Sand River,ils
conclurent avec les Britanniques un accord qui reconnaissait le droit des Voor-
trekkers à la possession de terres africaines.Une clause de cet accord stipulait:
((I1 est convenu qu’aucune autorité britannique ne soulèvera d’objection
contre l’achatpar les émigrants boers de leur ravitaillement en munitions dans
toute colonie ou possession britannique d’Afriquedu Sud. étant entendu par les
deux parties que tant le gouvernement britannique que les agriculteurs émigrés
interdisenttout commerce de munitions avec les tribus indigtines des deux côtés
du fleuve Vaal.H
Les Voortrekkers pouvaient donc acheter des fusils.mais non les Africains.
Cela permit aux Boers de créer leurs États indépendants,mais il ne leur fut pas
facile pour autant de vaincre des peuples comme les Pedis et les Vendas. D e son
côté. Moshoeshoe profita pendant de longues années des querelles intestines des
Boers,jusqu’aujour où,en 1868, les Britanniques transformèrent son royaume
en protectorat -~ le Basutoland, aujourd’hui Lesotho -- pour l’empêcher de
~
tomber aux mains des Boers,qui avaient adopté huit ans plus tôt une constitu-
tion pour leur nouvelle république du Transvaal. L’inégalité raciale était l’un
des principes fondamentaux de cette Constitution, et le Transvaal était la terre
promise des Boers.
Afrique du Sud 24
Diamants et or
Mais l’indépendance des Boers fut de courte durée; car au cours des quelques
années qui suivirent,la découverte d’or et de diamants à l’intérieur de leurs
frontières les plaça de nouveau dans la sphère d’influence des Britanniques,du
point de vue économique d’abord,puis politique. Les Boers, qui étaient avant
tout agriculteurs,s’intéressaientmoins que les Britanniques aux richesses éven-
tuelles du sous-sol.
L’événementqui rendit la situation de l’Afriquedu Sud très différente de
celle de toutes les autres colonies d’Afrique fut l’industrialisationqui suivit la
découverte de l’or et des diamants. D e nouveaux immigrants affluèrent
d’Europe pour faire fortune en Afrique du Sud. Quelques-uns d’entre eux
devinrent millionnaires,mais les autres constituèrent pour la plupart une nou-
velle et puissante main-d’œuvre blanche. Cette découverte de minéraux était
d’autrepart intervenue à un moment où les Européens avaient jeté leur dévolu
sur une grande partie du territoire de l’Afrique australe,privant ainsi de leurs
terres beaucoup d’Africainsqui durent se mettre en quête d’emplois.A bien des
égards,les conditionsde la vie actuelle en Afrique du Sud,comme le régime des
laissez-passeret celui des emplois réservés, remontent à cette période de boule-
versement du pays.
Des diamants furent découverts le long des fleuves Orange et Vaal dans le
Griqualand en 1867-1868. Ce territoire dépendait à l’époque de l’État libre
d’orange,mais le Royaume-Uniréussit à en reprendre possession en 1871. Des
Européens,des métis et des Africains pénétrèrent en masse dans cette région,
ces derniers le plus souvent pour y trouver un emploi,les Européens pour s’y
livrer à la prospection et devenir ((chercheurs)). En 1872,la valeur des diamants
qui avaient été découverts atteignait au total environ 1,5 million de livres
sterling;le salaire hebdomadaire moyen des ouvriers était de 90 pence,plus des
rations alimentaires représentant une valeur de 78 pence.
La Diamond Diggers’Protection Society (Associationde défense des cher-
cheurs de diamants) se déclara inquiète des vols de diamants commis par les
Africains, ainsi que de la concurrence des chercheurs africains et métis. Cette
association tenta alors de faire adopter une législation empêchant les ((indi-
gènes>) d’obtenir un permis de prospection ou de détenir des concessions ou des
diamants. Le haut-commissairebritannique au Griqualand West ne voulut pas
voir inscrire dans la loi des dispositions d’un racisme aussi patent; mais la
proclamation qu’il publia en fin de compte imposa des restrictions du même
ordre aux ((serviteurs)), lesquels étaient en général africains ou métis. Les
serviteurs devaient également être en possession d’un contrat de travail et
pouvoir présenter à toute réquisition un certificat attestant que ce contrat avait
été enregistré.
Après 1875,lorsque les cours du diamant tombèrent, beaucoup de petites
gens durent abandonner la prospection. Des entreprises fusionnèrent, et
l’exploitationdiamantifère commença à se concentrer progressivement entre les
mains de grandes sociétés.Finalement,toutes ces sociétés ne constituèrent plus
qu’uneseule grande firme,la D e Beers Consolidated Mine. Cette réorganisation
entraîna de nombreux changements qui modifièrent les conditions de travail et
d’existence des travailleurs. C’est à Kimberley que furent créés les premiers
Le Cap: quartier africain.
Afrique du Sud 26
camps pour les travailleurs africains,qui étaient tenus d’y rester pendant toute
la durée de leur contrat. Ils vivaient dans des cases où ils étaient logés à vingt
par pièces, à l’intérieur d’une zone entourée d’une haute clôture. Ils n’étaient
autorisés à sortir du camp que pour se rendre à la mine, et ils ne pouvaient
acheter leurs vivres qu’au magasin de la société,installé dans le camp même.A
la fin de chaque journée de travail,les Africains étaient contraints de se dévêtir
complètement et de passer à la fouille par mesure de précaution contre les vols
de diamants.Lorsque la Société tenta,en 1883 et 1884,d’imposer le même genre
de fouille aux travailleurs blancs, des grèves et des émeutes éclatèrent, et les
employeurs acceptèrent finalementde se contenter de fouilles par surprise.
Les mineurs blancs eurent tôt fait de s’unir en un groupe puissant pour
défendre leurs intérêts,tant envers les propriétaires des mines que les Africains,
main-d’œuvre moins chère et inorganisée, qu’ils considéraient comme une
menace pour leur emploi. C’est ainsi qu’en 1900 un mineur blanc gagnait
1,25 livre par «poste».alors qu’un mineur non blanc ne touchait que 41 pence
par jour.
La découverte de diamants à Kimberley fut suivie à quelques années de
distance d’une autre découverte minérale importante -celle de l’or,dans le
Witwatersrand, au Transvaal,en 1896.Comme cela s’étaitproduit à Kimberley,
beaucoup de chercheurs affluèrent. Mais le gros de cette nouvelle ruée vers la
fortune n’avaitguère de chance de réussir;car des hommes comme C.J. Rhodes
et Barney Barnato, qui étaient devenus millionnaires à Kimberley, investirent
une partie de leur fortune dans le Witwatersrand et leurs sociétés eurent bientôt
la haute main sur l’industrie de l’or,comme elles l’avaient eue sur celle du
diamant.
La production d’or augmenta rapidement et atteignit en 1898 le poids
annuel de 3.8 millions d’onces,représentant une valeur de 163 millions de livres
sterling.Pour défendre leurs intérêts,les propriétaires de mines s’étaientgroupés
en 1889 au sein d’une Chambre des mines. Ils étaient pour la plupart d’origine
britannique,et comme c’est dans une république boer qu’ils faisaient fortune,la
population locale éprouvait à leur égard une hostilité considérable.Le Volks-
raad (Parlement) fit payer de lourds impôts à ces Uitlanders (étrangers), mais ne
leur accorda aucun droit politique.
La Chambre des mines se heurta aussi au mécontentement des employés
blancs des mines,qui fondèrent en 1892 la Witwatersrand Mine Employees and
Mechanics Union (Syndicat des ouvriers et mécaniciens des mines du Witwa-
tersrand). Outre les revendications habituelles relatives aux conditions de tra-
vail, aux horaires et aux salaires,ces employés s’inquiétaient également du fait
que la chambre cherchait à importer une main-d’œuvrepeu coûteuse. Le pre-
mier secrétaire du syndicat était d’avis que G s’il fallait diminuer certains
salaires,c’étaientceux de la main-d’œuvrenoire)). Les travailleurs blancs furent
soutenus par le Volksraad,qui s’inquiétaitlui aussi de voir la chambre tenter de
recruter une main-d’œuvrenon blanche peu coûteuse.Étant donné que l’inéga-
lité des Blancs et des non-Blancsétait inscrite dans la Constitution,le Parlement
n’hésitapas,dans la législation du travail,à faire droit à la requête des syndicats
en interdisant,pour des raisons de sécurité,de confier à des non-Blancscertains
travaux comme la préparation des charges explosives ou le chargement des
trous de mine.
Historique de l'apartheid 21
Mbeya
O
Wankieo
Bulawayo.
Afrique australe.
-
--------
Néerlandais
Le Grand Trek. 0 0 -
C’ 0 00 MARITZ
POTGEITER
(-JO
.. ...: ’
..<<
2200-2600
1 800-2200 [3
Forêt tropicale,
savanes et steppes
Steppe subdésertique
et disert
Afrique australe: végétation.
Afrique australe: minéraux.
-
A
Charbon
Chrome
Amiante
Fer
0
Homelands bantous
Pôles de croissance
Répartition des terres en Afrique du Sud: les Bantoustans. industrielle
'
Historique de l’apartheid 31
A u x élections de mai 1938,le Parti uni, qui représentait les intérets des
anglophones, remporta 1 1 I sièges sur 150. La représentation des nationalistes
passa de 7 i 77 sièges. Ces derniers avaient axé leur campagne électornle sur
deux thèmes: la limitation d u droit de vote dont les métis jouissaient encore au
Cap (mais non dans le reste de l’Afrique d u Sud) et une prise de position sans
équivoque sur la question de la souveraineté de l’Afrique d u Sud Li l’égard d u
Royaume-Uni.
A la veille de la deuxième guerre mondiale. le Parti nationaliste (qui se
trouvait alors dans l’opposition)contesta l’utilité d’affecter des fonds publics i
l‘éducation des <<indigènes))et s’éleva contre I’afllux des Africains dans les
villes. il préconisait d’augmenter les imp& exigés des Al’ricains pour que le
produit de ces impfits corresponde i leurs besoins, de consacrer moins de fonds
publics aux Africains et d’adopter une réglementation propre i faciliter
I’cmbauche des Africains dans l’agriculture;il estimait que l’attitude d u Parti
unioniste 3 l’égard des Africains et des métis aurait des conscquences néfastes
pour Ics ((pauvres Blancs)).
Des scissions se produisirent Liu sein d u Parti unioniste. Si certains de ses
ineinbres avaient des idées libérales. d’autres. plus conservateurs. étaient parti-
sans de dessaisir les provinces de l’éducation des AKricaiiis pour placer celle-ci
SOLIS la responsnbilit& du Département des afl‘iires indigènes. organe d u gou-
vernenient central. Cette idée fut finalement reprise par le Parti nationaliste qui
l’appliqua après sa victoire aux élections d e 1918.
Les mouvements d’opposition moins importants avaient des otjectifs parti-
culiers. Le petit ((Piirti du clominion>)était surtout soucieLiu de rcnforccr la
position de l’Union sud-africaine;ILI sein de l’Empire britannique ~~ coritraire-
ment aux v(ëux des Afrikaners et d’un nombre croissant de Blancs anglophones
qui souhaitaient une Ai’riqued u Sud skparée de 1’Enipire.
La politique d u Parti travailliste était axée sur In sécurité socinle et I’aug-
mentation des salaires de Iii population blanche. en même temps cllie sur une
sCparation complète sociale. économique et territoriale
~ ~~~~ entre Blancs et
Noirs:cependant il faudrait donner aux Noirs I’nide financière clorit ils auraient
besoin.
Les Africains n’étaient pas directeinent représentés au P:irlement. In défense
des intérêts des indigènes étant conliée i 3 Européens. Ces derniers pouvaient
évideinnient être i tout inomcnt réduits ii I’iinpuiss:ince clans cettc assernhlée de
153 membres et, de toute fiiqoii, ils iippiirteiiaieiit a u système gouLw-neniental.
Ils protestèrent bien quand il apparut q u e l’on cherchait ii limiter les ressources
d u Département des iifl:iires indigènes au produit dcs impfits payés par les
Africains. et i laisser de plus en plus i ce dépai-teinent la responsabilité de
l’éducation, des services sociaux et d u développenient des Africains. Mais ils
n’avaient pas d’autre chois q u e de voter :ivec le Parti unioniste ou avec l’opposi-
tion.
La politique d u Parti d u dominion pourrait être considérée comme une
variante de celle d u Parti unioniste. et elle fut de toutc làçon coniplétcinent
éclipsée par In vague de nationalisme qui suivit la deuxième guerre inondiale.
Quant au Parti travailliste, il était faible. car c’est le PLirti nationaliste q u e In
classe ouvrière blanche considérait ii présent c o m m e le meilleur défenseur de ce
qu’ellejugeait être ses intérêts.
Afrique du Sud 36
Géographie et climat
La population de l’Afriquedu Sud s’élève à 21,3 millions d’habitants(15 mil-
lions d’Africains,3,s millions de Blancs, 2 millions de métis et un demi-million
d’Indiens) répartis sur un territoire d’environ 1 120000 kilomètrescarrés.
Le climat est généralement subtropical, mais le paysage varie depuis la
végétation luxuriante, de type méditerranéen, qu’on trouve dans le sud de la
province du Cap et à l’est, jusqu’aux déserts arides qui couvrent la partie
septentrionale de la province du Cap. La pluviosité diminue progressivement
d’esten ouest,le flanc maritime des montagnes du Cap et du Drakensberg (qui
forment la frontière entre le Lesotho et l’Afriquedu Sud et qui se prolongent
vers le nord-està travers le Natal) recevant plus de 1500millimètres de pluie par
an,tandis que la hauteur des précipitations est inférieure à 250 millimètres dans
presque toute la moitié occidentale du pays. I1 pleut surtout en été (de novembre
à avril), mais les pluies sont plus également réparties sur la côte méridionale,et
dans la région du Cap,c’est en hiver que la pluviosité atteint sa cote maximale.
Le pays est en grande partie formé de hauts plateaux, derrière les chaînes
côtières qui forment un escarpement presque continu de 1500 à 3500 mètres
d’altitude.Cet escarpement constitue un bassin versant drainé par les affluents
de l’Orangequi,coulant vers l’ouest,se jette dans l’Atlantiqueà Alexander Bay.
Le pays est divisé en quatre provinces.
L A PROVINCE D U CAP
LE TRANSVAAL
LE NATAL
dans la politique des lio/mh/ids:la majeure partie ~ et de loin -de son sol a
été classée soit c o m m e honic/(/tic/soit c o m m e arone limitrophe)). C’est pourquoi
les dispositions restrictives de la loi sur I’oménagement du territoire, qui déter-
mine en grande partie les lieux où les Africains sont autorisés h résider, ont été
moins ressenties au Natal qu’elles ne l’ont été au Transvaal ou dans l’État libre
d’Orange, par exemple.
La croissance inclustrielle d u Natal a été et reste en grande partie axée sur
sa capitale,Durbnn. qui est le principal port de la côte orientale de l’Afriqued u
Sud; mais elle s’est égnlement propagée le long de la côte et sur le parcours d u
chemin de fer qui mène ;tu centre d u Rand. Ln construction d’un grand port
pour l’exportation d u charbon ainsi que d‘un coniplese pétrochimique a c o m -
mencé au début des années 1970 Richards Bay.
Le Fi/il//ic.iu/Alriil ;I commenté en ces termes les conskquences de la diçi-
gnation d’un aussi grand nombre de Tones limitrophes au Natal :
((11 se trouve maintenant que. par une ironie d u sort. lit province ‘anglaise’
remplit en bloc les conditions voulues pour bénéficier des concessions et des
incitations de l’État: di-grèvements fiscaux. indemnités d’amortissement asse7
ilevées. primes de di-ménagement.salaires minimau\i plus bas qu’en dehors des
zones limitrophes,prêts sans intérêt,riduetions sur les tarifs ferroviaires.))
1093 10.4
10540 100.0
O n a signalé en 1971 que dnns le nord de l’État libre d’Orange, des ouvriers
gagnaient 3 rands par mois.plus 3 bidons i pétrole de maïs. et qu’ils étaient
logés dans des abris de tôle rouillée.
En fkvrier 1956, deux agriculteurs d u C a p furent déclarés coupa bles d’avoir
fouetté un ouvrier à mort. Ils furent condamnés à de courtes peines de
prison et à une faible amende ~et ce n’est là qu’un exemple, parmi
beaucoup d’autres.d e In vie daris les exploitations agricoles.
En mai 1971 encore. un ayriculteur de Hnrtebeesf’ontein a été déclaré coupable
d’avoir posé un ((anneau de castration)) (utilisé pour les bdiers) autour des
testicules d’un berger africain de quatorze ans.))
L’agriculture bénéficie d’un traitemeiit de faveur. qui s’explique facilement par
le fait que les :igriculteurs sont m:i,joritaires au sein d u Parti nationaliste. Les
Ligriculteurs reyoivent au total 300 millions de rands par an sous forme d’aide
directe, tandis que leur contribution aux recettes fiscales ne s’éléve qu’à 35 mil-
lions de rands. Le gouvernement a iiomine un conseiller agricole pour sept
agriculteurs; mais l’agriculture n‘a pas progre de façon spectaculaire, et
l’érosiond u sol e11 particulier pose un grave probléine dans les régions sèches.
Industrialisation
L’indiistrialisaticn ;I pour but de donner ii l’Afrique d u Sud In capacité de
subvenir elle-même 3 ses besoins de produits industriels et de produits ‘I I’imen-
taires, et aiiisi de dépendre moins d u monde extérieur. L’Angola constitue. ii
proximité. une so~ircepotentielle de pitrole, importante ressource naturelle dont
l’Afriqued u Sud est dépourvue.
Les prévisions de développement industriel se sont eii grande partie réali-
sées. Tlir Eiwimii,vid u 39 juin 1968 en donne les raisons suivantes:
1. Le dynamisme et la résolutioii des Sud-Africains blancs en matière de
tinnnces et d’affaires:leur pays est le paradis des h o m m e s d’action.
7
I. Le taux élevé de l’épargne (30% de I’eiisembledes avoirs) qui peut servir à
des investissements. Cette situation est rendue possible par le fait que plus
des deux tiers d u revenu total vont à moins d u cinquième de la population.
et que les Blancs sont relativement peu imposés.
3. L.‘abonilancede main-d’euvre peu coûteuse et sous-employée maintenue
par l’apartheid.
3. Les ressources d u pays en uranium. amiante. cuivre. mangcirièse, fer et
autres minéraux. (Les recherches pétrolières sous-marines entreprises au
large des c6tes n’ont pas donné de résultat jusqu’ri présent.)
5. Le faible coiit de l’énergietirée d u charbon. gràce Li ILI modicité des snlaires.
11 est possible de créer de nouvelles sources d’énergie hydro-électrique i~
l’intérieur d u pays ou d’en obtenir à l’extérieur (par exemple à Cabora
B:iss:i, au Mo7ainbique).
N S T R I. (‘1’1O N S M
M É T A L L 1 ‘ RGI E ET (’0 fi C‘A N 1 Q L:ES
L% \
HI:
Z o n e dollar
Organisations internationales
4%
66% sterling
Zone Autres pays
66% 1%
Europe occidentale
internationales
I
1%
Europe occidentale
Orientation d u commerce sud-africain
__.
-
--
-
Valeur des exportations
~ _ _ _ ~ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ~ _ ~ ~ ~
1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972
Afrique du Sud 46
Corporation) est l’un des moins chers du monde parce que les matières pre-
mières sont disponibles sur place et que les salaires sont bas.
INDUSTRIE ALrTOMOBILE
INDUSTRIE CHIMIQUE
INDUSTRIEMINIERE
TABLEAU
2. Valeur des exportations de minéraux (en millions de rands)
~~ ~~~~ ~~~~~ ~~~ ~~~~ ~~~~ ~~~~ ~~~ ~~~
L'industrie minière est celle qui emploie la plus forte proportion d'ouvriers
noirs et où les différences de sal:tires entre les ouvriers blancs qualifiés et les
ouvriers noirs sans qualification sont les plus fortes. C'est dans l'industrie
minière. ainsi que dans le secteur de la construction et celui des chemins de fer,
que les syndicats blancs ont toujours réclamé avec le plus d'insistance I'applica-
tion de l'apartheid. qui comporte (au moins dans son principe) la reservation
des emplois. Les mines ont besoin de milliers de travailleurs migrants. dont
beaucoup viennent de l'étranger. Cette immigration est souvent présentée
c o m m e la preuve que les conditions de vie sont d'une certaine façon meilleures
en Afrique d u Sud que dans les autres pays. 11 est vrai que les salaires des
mineurs attirent ceux qui, dans les pays voisins. n'ont que le minimum vital,
quand ils l'ont: mais cette émigration n'est pas entièrement spontanée. Elle est
due en grande partie au travail de recrutement de l'Association de la main-
d'cruvre indighe d u Witwatersrand ainsi ~U'LCUXencouragements des États
voisins. Depuis le début d u siècle. les propriétaires de mines d u Rand ont
obtenu. par accord spécial conclu avec les autorités portugaises. la fourniture
d'une main-d'cruvre recrutée au Mozambique. i concurrence de 100000 ou-
vriers et au prix de tant par h o m m e . Les conditions de vie des travailleurs
migrants demeurent effroyables.
Afrique du Sud 48
TABLEAU
3. Ouvriers africains étrangers travaillant en Afrique du Sud en 1972
Nombre d‘ouvriers Nombre d’ouvriers
Pays d’origine Pays d’origine
en Afrique du Sud en Afrique du Sud
-~
Angola 154 Rhodésie 6200
Botswana 31 960 Swaziland 10 108
Lesotho 131 749 Zambie 638
Malawi 131 291 Reste de l’Afrique 7340
Mozambique 121708
Commerce
L’Afrique du Sud exporte le quart environ de ce qu’elle produit et importe le
quart des biens de consommation qui lui sont nécessaires; l’examen de la
structure de ses exportations et de ses importations permet de voir encore plus
clairementcombien elle dépend de ses échanges avec l’étranger.
L’Afrique du Sud est surtout connue, sans doute, comme exportatrice de
minéraux,en particulier d’or,et de produits alimentaires,notamment de fruits.
Ses exportations de fruits vers l’Europe occidentale sont favorisées par la
synchronisation de l’hiver européen avec l’été sud-africain.Cependant, les
exportations d’or sont en déclin.A u cours des onze années 1959-1969, le total
des exportations sud-africainesest passé de 870 à 1500 millions de rands,tandis
que les exportations d’or n’ont progressé que de 500 à 850 millions de rands.
En 1969,l’ensemble des exportations (y compris l’or) ne représentait que
21% du PIB (contre 25% en 1961).
L’orjoue cependant un rôle capital dans l’économie,à un double titre. 11
constitue tout d’abord une réserve qui peut en dernier recours être vendue
contre des devises étrangères et c’est, d’autrepart, en soi,un produit d’exporta-
tion.Jusqu’à la brusque montée du prix de l’orsur le marché libre au début des
années soixante-dix,les excédents dus aux exportations de ce métal avaient
constamment diminué depuis 1960.La demande ne paraît pas devoir se relacher
et l’orrestera sans doute un atout important aussi longtemps que les réserves ne
seront pas épuisées.
Toutefois il n‘apparaîtpas souhaitableque l’économie repose sur l’or,d’où
l’effortd’industrialisation.
A u cours des années 1950-1970, l’industrialisationrapide de l’Afrique du
Sud a répondu à une politique de <(remplacement des importations)), c’est-à-
dire à la production sur place d’unegrande partie des biens de consommation et
des produits semi-fabriquésqui avaient jusqu’alors été importés,par exemple les
articles ménagers,les textiles, les véhicules automobiles, les pièces détachées et
de rechange. C o m m e dans beaucoup d’autres pays. cette tentative n’a pas
totalement réussi.Mais elle a nettement modifié la nature des importations,où
les biens de consommation et les matières premières transformées ont partielle-
ment fait place aux biens d’équipementet aux matières premières non traitées.
Actuellement,44% du total des importations sont constituées par de l’outillage
et du matériel d’équipement.Bien que les plus récentes statistiques disponibles
Dételoppement de l'économie 49
(1966)soient périnikes. cette évolution n e t'ait ;iLicun doute: le total des iniporta-
tions de matiéres premikres est passi de 10.7";en 1969 i plus d e l3"/0en 1966.
Si l'Afrique ciii Sud est grande exportatrice de certaines inatiircs prcmiires
(surtout de minéraux). elle ;I absolument besoin d'en importer d'autres. U n e
part considérable de ses exportations est coiistituke par les ventes d'or. de
diamants et de cuivre,qui sont des procluits pour lesquels le marché inti-rieurest
restreint. Ce marchi intérieur offre Cgnlenient peu d e tieboucliCs pour certains
types de produits maiiufacturés et I'iiiciustric qui les tàhric1Lier:i sera forckinent ;I
trop petite échelle pour pouvoir concurrencer les productioiis peu coûteuses
d'autres marchks. On cn arrive 3 cette situation asse7 p:irndoxale que Ics bas
salaires. qui perinettent de rnaiiitenir les pris de revient des Lirticlcs ina~iuf~ictii-
rés 11 un niveLiu modique, empccherit en mS.inc tetrips le marcht; intérieur de se
divelopper ail sein de la population. en niajoritt;noire. qui rcqoit ces silnircs. et
q ~ i eceux-ci constitiierit pi-consiquerit Lin ohstacle ;ILI plein essor de I'kcoiioinie
siid-africiiiiic.
De nou\e:iu\ diboucliia coinmerciau\; sont constLiiniiieiit recherchix. Le
Japon pourrait devenir un client iniportniit ~~ ;ILI point clLie les liomrnes
d'nffiiires japonais eii t.oyiige en Afrique dii Sud sont classés coinine ((B1;iiics
hniiornires )). d e crainte CIL~'UI~riinnqLie d'i-Fards ii leur endroit iie fii.;se ichouer
les iikgocintioris cornmerciales.
L e Royaume-Uni reste le pretnier partenaire cominercinl de l'Afrique d u
Sud; en 1971. il a absorhi 26,X"Il des exportations dc I'Af'riclue d u Sud et LI
fourni 73.2" de ses importations. M a i s le coniinercc ;I diminu6 d:iris les deus
sens. (Eii 1961. les po~ircentages coîrcspoiiciants étaient i-especti\eiiieiit de
32.9'' Il et 29.7"O .)
Mais ces st:itistiques coiiiinerciales ne ticnneiit 1x1s compte d u produit des
iiit.estissemcrits.Le Ff/uiiii.iu/ Tfnw,~ du 15 dkcembre 1973 ;I fait observer qiie,
lorsqu'oii ivalue les exportations britanniques vers l'Afrique d u Sud,((il ne faut
piis oublier q~'~iiiegrande partie de l'industrie inniiufacturi~resud-ufric:iiiie
appartient 1i des Britanniques ou est dirigèc par eux...)>:((il est sans doute exact.
:i.joutnit IC journal, de dire que ce qui est perdu en fait ct'espor~atinns est
récupki-éSOLISforme de versement direct des bénéfices des liliales britanniques,
ou se retrouve cians les bénifices non distribuis de ces sociétés)).
Les échanges cornmerciaus avec les autres pays a~ignientent.En 1970. le
Japon. les États-Unis et le Ripublique ft;clériiled'Allem:igne h i e n t respecti\re-
merit le deuxiL:ine, le troisiènie et le q ti;itriL:iiie piirteiiaire coiriniercial de
l'Afrique du Sud. C'est ;ILI cours des :innées soixaiite q u e I'accroisseincnt des
Cchiinges ;I Ctk le plus riipidc. En trois a n s seulement. de 1966 ii 1968, les
exportations i destination d u J:ipon sont passées de Xi 11 703 inillions de rancis
~~ les trois principaux produits étant le minerai de fer. le inangaiiPse et le
maïs ~ tandis qu'enlrc 1964 et 196s les esportatiniis li destiriatioii de la
Répuhliquc IëdCrale d'Allemiigric ont presque ciouhlt:.les iinportations en pro-
venaiice de ce pays liugmentant dans le même teinps de plus de 5000.
La diiniiiution de la part d u Royaume-lJnid a n s le commerce suci-iifricain
ri-sulte de cieux faits: la rédLictioii de son role dans l'ensemble ci~i ccmmicrce
internntionnl et I:i nouvelle orientation des échanges hritaiiniqLies vers la Coin-
niunautk économique europCcnne (CEE)plutôt q~ievers le Coiiiriionwe:ilth.
Cette diminution des ichiiiiges entre les Jeu\ piys aurait sans doute Ctk encore
Afrique du Sud 50
L e cadre institutionnel
La première mesure fut d’institutionnaliserla différenciation catégorique entre
les races. La loi de 1949 interdisant les mariages mixtes et la loi de 1950 sur
l’immoralité interdirent les mariages et les relations sexuelles entre Blancs et
Noirs. La loi de 1950 sur l’enregistrementde la population répartit celle-ci en
catégories raciales et, à partir d’août 1966,tous les citoyens agés de plus de seize
Enfant des taudis de Johannesburg.
Afrique du Sud 54
L’Afrique du Sud est devenue une république le 31 mai 1961. Elle est alors
sortie d u Commonwealth tout en continuant à faire partie de la zone sterling.
Ses langues officielles sont l’anglais et l’afrikaans.Les habitants de race blanche
recensés c o m m e anglophones représentent 37.3% de la population blanche.
L a répartition de la population par groupe racial (recensement de 1970)
était la suivacte: Africaics. 15 057 952: Blancs, 3 75 1 328: Mitis, 3 O1 8 453 ;
Asiatiques. 620 436.
Après les élections de 1970. la répartition des sièges au Parlemerd se
décomposait ainsi: Parti nationaliste, 1 17;Parti uni,47:Parti progressiste, 1.
Le pourcentage des voix se répartissait ainsi : Parti nationaliste, 54.43% ;
Parti uni. 37.33% ; Parti progressiste,3,43% ; Parti hesligite national, 3,569’”.
Afrique du Sud 56
L’apartheid et l’économie
A u cours des années soixante,le taux annuel de croissance économique de
l’Afriquedu Sud a été de 6 à 7%. Depuis lors,il a diminué. Les prix sont en
hausse et l’inflationpose un problème grave.L’Afrique du Sud se trouve en face
de difficultés économiques,dont certaines découlent de l’apartheid.Prenons par
exemple la réservation des emplois.
Pour protéger les ouvriers blancs de la concurrence économique, il est
fréquent que la législation interdise expressément aux Africains l’accès à divers
emplois qualifiés. D u point de vue économique,la productivité des Africains
s’en trouve réduite à un niveau beaucoup plus bas que celui qu’elle pourrait
atteindre.
Cela limite d’autre part le nombre des Africains autorisés à se faire embau-
cher dans n’importe quel genre d’emploi industriel et crée donc des pénuries
artificielles de main-d’œuvre.Malgré l’immigration de Blancs venant de I’étran-
ger, qui fournit 30000 travailleurs par an, le nombre des ouvriers qualifiés ne
suffit pas aux besoins croissants de l’industrie. Cette situation risque de
conduire à une incompatibilité totale entre la recherche d’une plus grande
prospérité et l’idéologie de l’apartheid.D’ailleurs, des conflits se sont déjà
produits.
L’apartheid i I’<ruwe 51
DÉCENTRALISATION INDCSTRIELLE
d‘hui disparu. H. Verwoerd, était que les Bantous, dans leurs lionzeltnit/s,
redeviendraient les gentils paysans de sa mythologie. doux et contents de leur
sort. Sa politique agricole a donc été que les Iioimdtitzc/s fondent leur économie
sur l’agriculture de subsistance traditionnelle,celle-là m ê m e qui les avait main-
tenus dans la pauvreté (bien que le gouvernement leur ait fourni l’aide de
quelques experts en matière de lutte contre l‘érosion des sols); quant ri sa
politique industrielle. elle a visé ri interdire les investissements d’“exploiteurs”
blancs, et à confier i un organisme semi-officiel. la Société d’investissement
bantoue, le soin d’accorder des crédits pour faciliter l’établissement de quelques
petites industries artisanales semi-ruralesdéterminées.
)> L,es résultats de cette politique ont évidemment été ridicules. Dans
les rkgions rurales du Transkei. on r,e peut voir aucun h o m m e jeune? parce
que tous sont partis travailler en Afrique du Sud blanche. Les femmes
bar,toues errent dans les campagnes. plus occupkes ri aller chercher de l’eau
et à ramasser du bois qu’à cultiver leurs champs. II semble. d’après les
statistiques officielles, qu’au cours des six premières années de mise en v’ci 1 eur
des Bantoustans. 945 emplois industriels nouveaux seulement aient été créés
pour les Africains dans les honielrincis, bien que la Société du développement
bantou y ait dépensé 1 1 millions de rands (soit6420000 livres sterling).
>)[En ce qui concerne les industries blanches des zones limitrophes] cette
politique réussit dans certains cas très exceptionnels, surtout dans les régions où
les liomelrrticls en cause ne sont nullement de vrais lzonieltrricis répondant aux
normes habituelles. I1 existe par exemple une région appelée Rosslyn, ri 19 kilo-
mètres au nord d u centre de Pretoria. qui se trouve théoriquement i la limite
d’une de ces taches noires indiquées sur les cartes historiques. Les nouvelles
usines ont tout avantage ri s’y installer,puisqu’elles se trouvent ainsi ri proximité
des marchés, des sources d’approvisionnement en combustible,de bons moyens
de transport, des services administratifs et des délices de la vie urbaine pour le
divertissement d u personnel de direction blanc. Lorsque je m e trouvais ri Johan-
nesburg. quelques hommes d’affaires britanniques du plus haut rang, qui y
étaient de passage, annonçaient m ê m e qu’ils allaient peut-être installer des
usines à Rosslyn et donnaient cette explication: “On nous dit que le gouverne-
ment n‘imposera aucune restriction i l’emploi de main-d’œuvre africaine dans
cette région.”))
Cet insuccès manifeste n’empêche pas le gouvernement nationaliste de
persévérer dans la voie qu’il s’est tracée. I1 a publié en juin 1971 un ((livre
blanc H intitulé Rapport t h 1 Comit.4 ititerniinistt;rieI stir Ili décentrrilisutiorl des
intlustrirs, plus connu sous le n o m de Rqport th Conlitcg Rickert. L’objectifest
de maintenir la croissance économique sous le régime de l’apartheid. I1 a été
recommandé de renforcer la main-d’œuvre blanche dans les zones métropoli-
Afrique du Sud 60
Africains, qui n’ont pas le droit de s’organiser entre eux, de désigner des
représentants ni de participer à des négociations,et auxquels toute grève est
formellement interdite sous peine d’une amende de 550 livres ou d’un empri-
sonnement dont la durée peut atteindre trois ans. Les lois sur le sabotage et sur
le terrorisme prévoient des sanctions plus sévères contre les activités syndicales,
comme la constitution de piquets de grève par exemple. La loi sur la concilia-
tion industrielle reconnaît la qualité d’employé aux Indiens et aux Métis, qui
peuvent donc constituer des syndicats déclarés. Mais s’ils font partie d’un
syndicat auquel sont également affiliés des Blancs, ce sont ces derniers qui
doivent diriger l’activitésyndicale,saufautorisation expresse du gouvernement.
Les syndicats africains ne sont pas interdits par la loi,mais les Africains qui
adhèrent à une organisation ouvrière sont suspects aux yeux de la police. O n
peut exiger d’eux qu’ils mettent fin à leur activité syndicale, sous peine d’être
interdits de séjour dans la région et par conséquent de perdre leur emploi.
Le fait que les Africains n’ont quasiment aucun droit en tant que travail-
leurs a presque toujours servi les intérêts des employeurs blancs, mais la vague
de grèves qui s’est produite au Natal en 1973 a montré que cette politique a elle
aussi des limites. L’interdiction de faire grève n’a pas empêché les ouvriers de
cesser le travail et, une fois la grève déclenchée,les directions des entreprises se
sont trouvées pratiquement dans l’impossibilité de négocier ou d’organiser la
reprise du travail dans l’ordre et le calme en l’absence du dispositif qui aurait
été nécessaire.
L’INVESTISSEMENT
de 24% du total des avoirs étrangers (contre 15% en 1963). Les investissements
en dollars constituaient,en 1970,15% du total de l’investissement.
A u cours de l’après-guerre,les capitaux étrangers affluèrent régulièrement
en Afrique du Sud jusqu’en 1957, puis ce mouvement se ralentit. Pendant les
années qui suivirent le massacre de Sharpeville (1960), et dans la situation
politique et économique incertaine qui résulta de cet événement,on enregistra
d’importantessorties de capitaux précédemment investis en Afrique du Sud. En
1961,le gouvernement institua des mesures rigoureuses de contrôle des changes
pour refréner cette fuite de capitaux; interdiction fut faite aux firmes sud-
africaines et étrangères d’exporter des capitaux,et cette politique a générale-
ment donné de bons résultats.
Depuis 1964,cependant, les capitaux étrangers ont repris le chemin de
l’Afrique du Sud, pour trois raisons essentielles: a) l’orientation générale de
l’investissementvers les pays avancés plutôt que vers ceux qui sont en voie de
développement; b) la croissance économique rapide de J’Afrique du Sud jusqu’à
1969; c) l’instabilité des monnaies européennes et américaines (en tant que
premier producteur mondial d’or,l’Afrique du Sud devient un pôle d’attraction
pour les capitaux lorsque les autres pays sont en butte a des difficultés moné-
taires). Pendant les cinq années 1965-1969,le total net des entrées de fonds s’est
élevé à 650 millions de livres (dont 260 millions de livres en 1968); il devait
encore augmenter et atteindre 328 millions de livres en 1970.
Le montant particulièrement élevé des entrées de capitaux enregistrées en
1968 a sans doute résulté de la dévaluation de la livre sterling et de I’établisse-
ment du double marché de l’or qui a immédiatement provoqué une montée en
flèche des cours à la bourse de Johannesburg et sur le marché libre de l’or.Mais
cette arrivée en masse de capitaux n’a pas été un bienfait ‘sansmélange pour
l’économiesud-africaine,et des mesures de dissuasion ont été prises vers la fin
des années soixante. Si considérablequ’elle fût,J’arrivéeen Afrique du Sud de
501 millions de rands (291,67 millions de livres) de capitaux étrangers n’a
épongé qu’unepartie de l’énormedéficitde la balance des paiements.
Les entrées de capitaux ont surtout consisté en investissements privés
réalisés directement par les sociétés étrangères de holding dans leurs filiales
d’Afrique du Sud. Le taux exceptionnellement élevé des bénéfices en était le
princjpal mobile, Entre 1965 et 1968,le taux moyen du rapport des investisse-
ments britanniques a été de 12% -le plus fort du monde, si l’on fait exception
de la Malaisie.
Ces investissements privés directs ont lieu essentiellement sous trois formes:
a i la prise de participation au capital (capital social et actions privilégiées) ;
h ) l’octroide prêts à long et à court terme; c) la réinjection de bénéfices non
distribués dans les filiales d’Afriquedu Sud.
Ces bénéfices non distribués jouent sans doute un rôle croissant à mesure
que les filiales sud-africainesgagnent en autonomie vis-a-visde la société mère
(ce qui leur est pratiquement assuré par leur expansion). Sur les 428 millions de
rands d’augmentationdu total des investissements étrangers qui a été enregis-
trée en 1969,par exemple,205 millions de rands représentaient «la part détenue
à l’étranger du total des réserves des entreprises sud-africaines à direction
étrangère)). Bien que l’on ne dispose pas de statistiques sur cette question
précise, il est probable que la proportion des avoirs étrangers sous forme de
L’apartheid à I‘euvre 67
TABLEAU
4.Salairesmoyens à la fin de 1973"(en rands)
Vêtement 69 80 78 378
Textiles 54 90 103 40I
Alimentation 65 82 120 355
Tabac 86 79 359
Bois et liège 54 82 122 329
Ameublement 75 134 142 313
Papier et articlesde papier 89 113 142 408
Imprimerie 98 142 156 356
Cuir et articlesde cuir 67 92 107 346
Produits chimiqueset dérivés 74 114 151 404
Articles de caoutchouc 83 126 127 361
Produits minéraux non métalliques 63 111 148 390
Métaux de base 73 145 157 396
Outillage 80 124 180 397
Articles de métal 75 137 111 405
Éiectro-mécanique 85 122 125 307
Matériel de transport 86 133 183 380
Électricité 80 1O5 415
Mines d'or (salaires en expèces 21 108 102 396
exclusivement)
Mines de charbon (salaires en espèces 21 58 91 421
exclusivement)
Construction 71 138 194 408
Banques 88 106 142 314
Entreprises de bâtiment 76 117 165 302
Compagniesd'assurances 90 124 227 340
Commerce de gros 63 95 132 335
Commerce de détail 52 77 104 179
Industrie automobile 63 98 137 298
~ Hôtels et établissementssimilaires 38 61 88 193
Administration centrale (à l'exclusion 59 169 232 336
de celle des hornelan&)
Administration provinciale 46 75 122 320
Autorités locales 54 107 88 331
Chemins de fer,ports et aviation 54 72 55 320
U. A surrey O/ nice reliitions in South Africa, 1973, p. 224-228 et p. 234. Johannesburg. South African institute of Race Relations,
janvier 1974.
L'apartheid à I'wvre 69
Raiid, Rands
~-
Brits 9 Pietersburg 6
Berlin 10 Potietersrus 6.5
Kimberley 8-Y Rustenburg 5
Ladysmith 8 Richards Bay 9
Newcastle 8 King Williams Town 8
Phalaborwa 8 Babelegi 7
Butteruorth 7 lsitheke 7
Umtata 7
Tot<il
hoiirriiurt tiiiLiiinn
~
Adulte
Homme 12.19 O .O0 15.34
Femme K .60 0.O0 11.93
Enfant de 16 i 30 ans
Garçon 10,44 3\17 14.70
Fille 9.08 2.17 13.45
Enfant de 13 à I5 ans
Garçon 9,61 0.28 11.98
Fille Y.73 0.28 11.70
Enfant de 1 O i 17 ans
Garçon 737 0.32 10.23
Fille 7,s3 0.32 10.34
Enfant de 7 à 9 ans
Garçon 7,12 0.17 8\34
Fille 7.12 0.17 8.39
Enfant de 4 3 6 ans
Garqon 6,40 0.00 7\45
Fille 6.40 O .O0 750
Enfant de moins de 4 ans
Garçon 5,03 0,00 6.08
Fille 5.03
~
0,E 6.13
TOTAL (pourune famille moyenne) 52.57 0.49 65.Y7
TOTALdes dépenses fixesh 23.47
~
7. Compositionde la main-d’œuvre”
TABLEAU
-_____ ~_____~~____~_
Africains Metis Asiatiques Blancs
_ _ - ~ _ _ ~ ~ - -. --____-~ ____
Ensemble des mines 593 086 7 914 730 83 699
Vêtement 35 500 57 700 23 800 10 100
Textiles 64 100 16O00 5 600 8 200
Industrie automobile 67263 15011 4096 47 674
Alimentation 88900 19200 8 800 20 200
Tabac I900 I200 - 1100
Boissons 13 800 6 100 400 5 300
Chaussures 5 500 12 100 I 6 O00 2 300
Bois et liège 46 500 6 500 1 300 6 400
Papier et articles de papier I8 800 5 100 3 700 7 500
Ameublement 19 600 9 200 2 O00 6 300
Imprimerie 8 500 8O00 1 900 17 700
Cuir et articles de cuir I 800 4200 600 700
Articles de caoutchouc 14200 2 200 700 5 800
Produits chimiques et dérivés 38 400 5 800 2 100 21 700
Métaux de base 48 200 1 600 600 32O00
Articles métalliques 95 400 1 1 O00 4900 35 O00
Outillage et machines 33 100 4O00 500 27 400
Éiectro-mécanique 20 300 9 400 1 300 17 O00
Matériel de transport 38 O00 I4900 I500 26 O00
Électricité I7 500 600 - IO 200
Construction 276 800 47 500 5 700 58 O00
Banques 5 780 1 794 635 46 531
Entreprises de bâtiment I718 814 I56 9 122
Compagnies d’assurances 4 179 3 818 734 25 600
Commerce de gros 82 300 20 400 10 100 77 100
Commerce de détail 112110 32800 16900 125 100
Mécanique 51 700 10600 3 100 44300
Hôtels et établissements similaires 32 300 6 600 5 O00 9 800
Administration publique,à I’exciusion 110 594 35 068 8 387 102 881
des homelands
Police
Officiers 10 7 3 1901
Sous-officiers - 2 106
Sergents-chefs 18 6 3 -
Sergents 2 028 250 148 5 O00
Gardiens de la paix 7 427 1053 549 7 427
Divers 316 32 9 2 409
TOTAL 18 843 1375 728 18 842
U . Voir A survey of race relationr in South Africa, 1973.op. <it
____
L’éducation
Les principes directeurs de la politique du gouvernement nationaliste en matière
d’éducation ont été exposés en ces termes par H.Verwoerd (ancien premier
ministre) devant le Parlement en 1953:
((L‘éducationdes indigènes doit être dirigée de manière à correspondre à la
politique de 1’État. Si l’on enseigne à l’indigène d’Afrique du Sud qu’il est
appelé à vivre sa vie adulte sous un régime d’égalité des droits, on lui fait
commettre une grave erreur...))
H.Verwoerd ajoutait en 1954:
«Notre système d’enseignement ne doit pas tromper les Bantous en leur
montrant les délices de la société européenne auxquels ils n’ont pas droit.))
I1 y avait quatre catégories d’établissements scolaires en Afrique du Sud
jusqu’en 1953: les écoles privées gérées par les communautés religieuses;les
écoles de mission subventionnées,qui avaient été fondées par des organisations
religieuses,étaient aidées financièrement par l’État et dispensaient un enseigne-
ment dont les programmes étaient prescrits par le Département provincial de
l’éducation; les établissements d’Étatet les écoles communales ou tribales gérées
par les collectivités africaines.
La loi de 1953 sur l’éducation bantoue a été conçue pour: a) simplifier
l’exercicede l’autorité administrative sur les écoles africaines; b) harmoniser
L’apartheid à I’mvre 73
l’autorité exercée sur l’éducation africaine avec la politique adoptée pour les
Africains par le Ministère des affaires bantoues; ci dispenser le genre
d’enseignement que le ministère avait jugé convenir à des Africains appelés &
occuper des emplois non qualifiés dans les zones blanches et ne donner qu‘un
accès restreint aux postes plus spécialisés en dehors de leurs Izornc~/mids; (1) obte-
nir que les Africains financent eux-mêmes leur enseignement.
L’éducation des Africains dépend dcpuis 1955 d u Département des affaires
bantoues et est officiellement dénommée t( Éducation bantoue)). Bien qu‘une
partie des responsabilités relatives à l’éducation ait été transférée aux ((gou-
vernements H des Bantoustans. c’est d u ministire que continuent à relever les
principales décisions. c o m m e par exemple celles qui ont trait à l’approbation d u
budget. A la direction des examens et. dans une certaine mesure. 2 l’établisse-
ment des programmes. Dans les régions blanches c o m m e dans les réserves qui
n’ont pas encore de ((gouvernement». l’éducation des Africains rcléve entiire-
ment d u minist6re.
S’iln’est donc pas certain que la direction administrative soit moins com-
pliquée qu’auparavant. il ne fait par contre aucun doute que le gouvernement
sud-africain peut influer sur l’éducation des Africains. tant dans les /ior~zc/mid~
que dans les régions blanches, par le pouvoir dont il dispose 2 l‘égard d u budget
et A l’égard des exuaniens. En août 1971,le BcirlrLr cw’iicurio/7j o L l r m / signalait qu’il
y avait 5 093 écoles dans les régions blanches ou d:ins les réserves qui n’étaient
pas dot& d’un gouvernernent de Bantoustan. et 5 S55 autres dans les hm,-
lLII7LI.T.
Les gouvernements des /mm~/mds ont contesté certains aspects de la loi sur
I’éducation bantoue. Le gouvernernent d u Transkei a pris cil main l’administra-
tion des ècoles communales. modifié les programmes et rétabli l’anglais ou
l’afrikaans c o m m e langues d’enseignement à la place de celles qui avaient été
précédemment imposées par le gouvernement. Le gouvernement de Kwazoulou
a promulgué. au sujet de l’éducation dans le territoire de son ressort. une loi
particulière qui a substitué l’anglais au zoulou c o m m e principale langue
d’enseignement dans les classes supérieures.
L’éducation des Africains est financée par les impUts des Africains. par les
recettes de ventes de charité,de concerts. etc. (en ce qui concerne notamment les
écoles communales bantoues). par les U contributions bénévoles ))des parents et
par les droits de scolarité. Le gouvernement sud-africain riccordc une subven-
tion annuelle dont le montant. variable, est en moyenne d’cnviron 8.5 millions
de livres sterling (sur un budget total de 30 millions de livres).
Les dèpenses récemment consacrées par le gouvernement sud-africain à
l’éducation ont ètk. en moyenne par élève et par an, les suivantes: Africains
(1971/73).35,31 rands; Métis (1972). 94,41rands: Indiens (1972). 134.40 rands;
Blancs (1971173).461 rands.
En plus des droits de scolarité et d u coût des livres, les chefs de Famille
africains paient un impUt de 30 cents par mois dans les zones urbaines. pour
financer la construction d’écoles primaires et d’établissements secondaires d u
premier cycle. Les autorités sont hostiles I: la construction de nouvelles écoles
supérieures et les élèves ((en surnombre)) sont censés aller c o m m e pensionnaires
dans les établissements des /ionic/unt/s.Les frais de scolarité dans ces établisse-
ments varient entre 64 et 70 rands. pension comprise. Les parents n’ont géné-
Afrique du Sud 74
ralement pas les moyens de payer cette somme et, de toute façon,le manque de
places de pensionnaires limite le nombre des élèves admis dans les établisse-
ments en question.
La fréquentation scolaire est obligatoire pour les Blancs,ainsi que pour les
Métis dans certaines régions, mais elle est facultative pour les Africains. Les
bâtiments et la capacité d’accueil des écoles pour Africains sont insuffisants
dans tout le pays,faute d’argentpour construire ou agrandir.
Les abandons en cours d’études sont fréquents,en raison de la pauvreté de
la plupart des familles africaines,du manque d’enseignants,de l’éloignementdes
écoles et de l’inefficacitédu système des classes alternées.Les élèves africains des
écoles secondairesdoivent,à la différence de leurs camarades blancs,payer pour
leur instruction ainsi que pour leurs livres et leurs fournitures scolaires.I1 suffit
de jeter un coup d’œil sur le tableau des salaires versés aux différents groupes
raciaux pour juger des effets de cette situation.
En 1972, le coût moyen des manuels dont les élèves des écoles primaires
avaient besoin était de 9 rands par élève et par an, et celui des livres de
l’enseignementsecondaire dé 37 rands par élève et par an’.Certaines autorités
des homelands prévoient,dans leur budget annuel, une petite subvention pour
l’achatdes livres scolaires,mais cette somme est toujours loin d’être suffisante.
L’appel aux concours bénévoles et l’œuvre d’enseignement entreprise par
des journaux,des hommes d’affaires ou des organisations d’étudiants n’ont fait
que souligner l’immensitédu problème. Les dons bénévoles ne remplacent pas
un financement officiel fixe et la pauvreté générale des Africains exclut toute
possibilité de financer de cette façon un système d’instructionobligatoire.
Le rapportnumérique maîtres/élèvesest de 1 pour 60 environ dans les écoles
pour Africains et de 1 pour 20 dans les établissements scolaires réservés aux
Blancs. Beaucoup d’écolesafricaines sont obligées d’avoirrecours à un système
de classes alternées et les enseignants qu’elles emploient n’ont pas, pour la
plupart,les qualifications nécessaires.
Des personnalités gouvernementales ont laissé entendre que le Ministère de
l’éducation bantoue fournirait peut-être en 1974 une partie des manuels sco-
laires.
En 1965,le ministère a donné au Parlement les informations suivantes sur
les titres professionnels des maîtres en fonction dans les écoles africaines rele-
vant de ses services: 1,39% d’entre eux avaient un grade universitaire; 2,35%
avaient un diplôme décerné par le ministère: 31,45% étaient titulaires du
certificat d’aptitude à l’enseignement primaire du deuxième cycle : 45,47%
étaient titulaires du certificat d’aptitude à l’enseignement primaire du premier
cycle; 0,21% avaient un titre d’ordre technique: 19.13% avaient des titres
professionnels de niveau inférieur.
Ces pourcentages avaient à peine changé en 1970.
H.Verwoerd avait exposé en 1964 i’attitudedu gouvernement à l’égard des
traitements des enseignants africains: ((Les traitements dont bénéficient les
enseignants européens ne constituent en aucune façon un critère valable ou
admissible lorsqu’il s’agit de déterminer la rémunération des enseignants ban-
tous.>)
A qualification égale. les traitements les plus élevés des enseignants afri-
cains sont inférieurs aux traitements les plus bas des enseignants blancs. Les
enseignants métis touchent 73O/; d u traitement accordé aux enseignants blancs,
et les Africains 5?"/0 soit environ la moitié.
~
Dans ces conditions, l'éducation des Africains ne peut être que très infé-
rieure à celle des Blancs. Les parents africains voudraicnt bien que leurs enfants
aillent à l'école. mais il n'y a jamais assez de places pour tous et les élèves sont,
d'autre part. obligés d'abandonner leurs études LI bout de quelques années 2
cause de l'augmentation des droits de scolarité et parce qu'il leur faut travailler
pour ajouter au revenu familial.
Parmi les Africains, 700.0 ne poursuivent pas leurs études au-delà des
preinieres années et 95'%,ne vont pas jusqu'au bout de leurs études primaires.
La proportion de ceus qui accèdent à l'enseignement secondaire et qui font des
études supérieures est par conséquent infinie.
TAMEAU 8. Effectifs des écoles africaines en 1971 et 1972(al'exclusion des écoles techniques.
professionnelles et normales)
Eiiseignrnient primclire
officielles; ils ont beaucoup de difficulté à étudier des matières comme les
mathématiques,dont la terminologie n’a guère été traduite en langue vernacu-
laire; et ils doivent utiliser les seuls manuels scolaires disponibles, c’est-à-dire
ceux que fournit le Ministère des affaires bantoues. A u Transkei, la langue
maternelle n’est plus utilisée pour l’enseignement à partir de la classe pri-
maire III,les cours étant ensuite faits en anglais dans toutes les écoles.
I1 semble,d’aprèsles déclarations faites ces derniers temps par le gouverne-
ment sud-africain,que l’enseignementsera dispensé en anglais ou en afrikaans
dans les ((classes supérieures)) -ce qui serait un renversement de la politique
antérieure,puisque l’enseignementdevait se donner dans la langue maternelle.
Selon l’Annuaire statistique sud-africain,un enfant blanc a plus de cent fois
plus de chances d’obtenir un diplôme de fin d’études secondaires (matricula-
tion) qu’un enfant africain. Malgré cela, les cours du soir que des maîtres
bénévoles donnaient autrefois pour les travailleurs africains dans la péninsule
du Cap et dans le Rand ont été interdits.
Depuis 1972,cependant,diverses entreprises et organisations ont pris l’ini-
tiative de cours d’alphabétisation pour adultes parce que, dans une société
technologique,les analphabètes ne sont pas en mesure de tenir convenablement
les registres de travail ni les feuilles de présence -pour ne citer qu’un exemple.
Le Ministére de l’éducation,des arts et des sciences n’estresponsable que de
l’éducation des enfants blancs. Le National Education Policy Act (loi d’orien-
tation de l’éducation nationale) de 1967 stipule que ce ministère doit assurer à
l’éducation((uncaractère chrétien))et a un caractère largement national U.
Lors du débat parlementaire auquel donna lieu l’examen du projet de loi,le
ministre déclara : ((Pour moi, le “caractère chrétien” de l’éducation veut dire
que l’enseignementreposera sur la culture et la conception de la vie qui sont de
tradition dans les pays d’occident où l’onconsidère les principes,les normes et
les valeurs de la Bible comme justes. Par “national”, nous entendons que
l’enseignement reposera sur l’idéal du développement national de tous les
citoyens d’Afrique du Sud, de façon que notre identité et notre mode de vie
soient préservés,et que la nation sud-africainesoit à tout moment consciente du
rôle qui lui revient au sein de la civilisation occidentale.))
Les statistiques de 1971 montrent que 863 étudiants africains au total
étaient inscrits dans les trois universités africaines (Université du Nord à Tur-
floop, Université de Fort Hare et Université du Zoulouland) et que 1707
étudiants indiens étaient inscrits à l’université de Durban-Westville.
Le nombre des étudiants blancs s’élevaità 56 982.
Si l’on exclut les effectifs de l’université d’Afrique du Sud, qui ne donne
que des cours par correspondance,le nombre des étudiants à plein temps se
répartit comme suit: Blancs, 64813 dans 10 universités; Métis, 2 091 dans 4
universités:Asiatiques,3 080dans 5 universités; Africains,3 583 dans 8 universi-
tés (dont deux n’ont qu’un seul étudiant africain).
L’Extension of University Education Act (loi sur le développement de
l’enseignement universitaire) de 1959 prévoit la création de facultés pour les
Africains, les Métis et les Indiens;cinq d’entre elles ont été ouvertes depuis
l’entrée en vigueur de cette loi. Chacune est gérée par un conseil composé
de Blancs,assisté d’un conseil consultatif de non-Blancs,et le personnel de ces
établissements est en majorité blanc,surtout aux postes supérieurs.
L'apartheid à l'œuvre 71
HIC,,,L\ hlCti,
Lcs étudiants non blancs ne sont généralement pas admis dans les autres
universités. Li I'esceptioii des cas suivants:
1 . Les universitks du C a p et du Witwatersrand sont autorisées 3 accueillir les
ktudinnts noirs qui ont obtenu du gouvernement la permission de s'y faire
inscrire. Ces étudiants sont séparés des autres sur le plan social. niais
assimilth au\ autres pour les études.
1. L'Uniwrsité d u Natal comptait,en 1971. 550 étudiants noirs,lescl~ielsétaient
logés i part et suivaient des cours donnés pour eus dans une section
distincte de l'établissement.
3. L'Université Rhodes ;I3 1 étudiants chinois.
Les H homelands))
Le ((développement séparé» est avant tout une affaire de terres; le long conflit
qui avait opposé les Africains et les Blancs fut réglé par la défaite militaire des
Africains. Dorénavant les terres seraient réparties par décisions unilatérales
d’un gouvernement blanc représentant les intérêts des Blancs.
Le gouvernement Botha-Smutsa posé le principe de la ségrégation en 1913
par le Native Land Act (loi sur la propriété foncière indigène) qui limitait le
droit des Africains à posséder des terres, sans préciser où ces restrictions
s’appliqueraient.Les Africains ne furent autorisés à acquérir aucune terre ni
aucun droit foncier en dehors des ((régions indigènes)), sauf accord du gouver-
neur général.
Le Native Trust and Land Act (loi sur la propriété et le fonds d’acquisition
des terres indigènes) de 1936 a mis des terres supplémentaires à la «disposition»
des Africains et créé un fonds sud-africainpour l’acquisitionde terres dans les
((régions africaines».
L’apartheid repose sur cette répartition inégale des terres: 86,3% de leur
superficie totale doivent rester indéfiniment aux mains des Blancs et I3,7% seront
un jour transférés aux Africains. Les Noirs sont traités comme s’ils étaient des
étrangers. Les passeports qui sont appelés à remplacer les laissez-passer leur
seront nécessaires même pour se rendre d’une région tribale à une autre. Pour
bénéficierde droits civiques,politiques et sociaux,ils devront attendre le jour où
les G régions noiresD à l’intérieur desquelles ils doivent accéder à l’autonomie
deviendront enfin des États ((indépendants)) au sein d’une Afrique du Sud
dominée par les Blancs.
Ces régions sont les homelands bantous, ou Bantoustans (voir la carte) et
correspondent en gros à ce qu’on appelait autrefois les ((réserves)). L’expression
homeland bantou vise à accréditer le mythe selon lequel les Blancs sont arrivés
dans une Afrique du Sud qui était vide et que les frontières actuelles entre
Blancs et Noirs ne résultent pas de la conquête du pays par les Blancs,mais de
l’implantationdes populations noires antérieurement à la colonisation.
Les Bantoustans correspondent à l’originetribale des populations -il y en
a un pour les Zoulous,deux pour les Xhosas,un pour les Tswanas, et ainsi de
suite. A l’heure actuelle,comme on peut le voir sur la carte,ces régions n’ont
pas d’unité géographique,mais consistent en parcelles de terres plus ou moins
grandes,disséminées sur une vaste étendue. Le travail de remembrement pro-
gresse,mais lentement,et les termes ((Bantoustan)) ou homeland, qui évoquent
de vastes entités territoriales,sont trompeurs.
La file d'attente dans une mine de Doornfontein.
Afrique du Sud 82
TABLEAU
10. Homelands: superficie et répartition des terres
Superficie totale
Homeland Nombre de
parcelles Hectares Miles carrés
Source: A Surve-vof race relotions,l972.p. 168,Johannesburg. South African institute of Race Relations. 1973
TABLEAU
1 1 . Densité démographique des homelands (1971)
Densite de
population par
mile carré Hunrrlmd
honzelaiids; aux termes d'une résolution qui a été adoptée par les deux assem-
blées parlementaires,il est possible d'ajouter aux zones actuellement ((mises à la
disposition>) des Bantoustans des parcelles où les Africains peuvent acheter de
la terre. La surface totale de ces terres ne peut cependant pas dépasser 6209857
hectares.En vertu d'une modification apportée à la loi de 1927 sur l'administra-
tion bantoue, le ministre peut, si cela paraît répondre à l'intérêt public, ordon-
ner sans préavis à toute tribu, toute partie de tribu ou tout Africain à titre
individuel de quitter une localité pour une autre à l'intérieur de la république.
La loi de 1973 renforce le pouvoir de décider de ces déplacements : son principal
objet paraît être d'autoriser l'expulsion de nombreux Tswanas, Pedis,Ndebeles
et Xhosas actuellement établis dans des Bantoustans qui ne sont pas assignés à
leur groupe ou dans des régions limitrophes d'autres Bantoustans.
Il serait logiquement nédessaire, pour permettre le remembrement, qu'un
grand nombre de Blancs soient déplacés,y compris ceux qui travaillent pour des
sociétés minières,dans des plantations,des usines et des ports.Le gouvernement
a reconnu qu'il serait impossible de procéder à un remembrement intégral et
que les homelarids seront faits d'éléments dispersés. C'est ainsi, par exemple,
que,même si la propriété d'une parcelle de terre est transférée à un Bantoustan,
celui-cine deviendra pas propriétaire des ressources minérales qu'y peut recéler
une concession minière. I1 est difficile, dans ces conditions,de comprendre ce
que peut signifier 1'« indépendance)). Même les communications entre les diffé-
rentes parties d'un même homelaiid dépendront du bon vouloir du gouverne-
ment blanc d'Afrique du Sud.
Tous ces problèmes (remembrement,G taches blanchesD, déplacements de
Noirs, réglementation des entrées,maintien du pouvoir réel entre les mains du
gouvernement) ont été examinés au cours d'une réunion des dirigeants des
homelands qui s'est tenue en 1973; il y a aussi été question de l'influence
croissante des mouvements de libération,du mécontentement des travailleurs
africains et du malaise de la population blanche.
Le Transkei Constitution Act (loi sur la Constitution du Transkei) de 1963
a donné à ce Bantoustan,qui est le plus connu de tous et où vivent 2 millions de
Xhosas, une sorte d'autonomie limitée et l'a doté d'une assemblée législative.
Cette loi visait à ((conférer l'autonomie aux Bantous qui habitent au Transkei
ou qui en sont originaires)) et s'applique non seulement à la population de
Afrique du Sud 84
langue xhosa vivant au Transkei, mais aussi à (< tout Bantou de langue xhosa
vivant sur le territoire de la république)), c’est-à-dire, par exemple, que tout
individu de langue xhosa qui est né à Johannesburg et qui a toujours vécu dans
cette ville est légalement considéré comme citoyen du Transkei.
L’Assemblée législative compte 109 membres, dont 64 sont des chefs Sie-
geant ex officio. La nomination des chefs est soumise à l’approbation du
gouvernement sud-africain,lequel a également le pouvoir de révoquer les chefs
après leur nomination. Ce pouvoir a été utilisé dans le passé pour éloigner
certains adversaires gênants de l’apartheid,l’exemple le plus célèbre étant celui
de l’ancienchef Albert Luthuli,au Natal.
Les pouvoirs législatifsde l’assembléesont limités aux domaines suivants:
impôts directs exigibles des citoyens du Transkei,travaux publics et irrigation,
autorités municipales, éducation bantoue, tribunaux chargés des affaires
mineures, fonction publique du Transkei, agriculture, certains éléments des
forces de police (déterminéspar le ministre de la justice d’Afriquedu Sud).
Les questions de défense, de sécurité intérieure et de politique étrangère
relèvent du Parlement sud-africain.Les Blancs résidant au Transkei restent
citoyens sud-africainset le gouvernement du Transkei n’a aucun pouvoir sur eux.
D e plus, le Parlement sud-africain peut annuler toute loi adoptée par
l’Assembléedu Transkei.
Le premier ministre du Transkei est le chef Kaiser Matanzima,qui dirige le
Parti de l’indépendance nationale du Transkei.11 avait demandé en avril 1970
que les Sud-Africainsremettent au Transkei certaines zones qui étaient alors
occupées par des Blancs.I1 avait en même temps réclamé que tous les départe-
ments ministériels autres que celui de la défense soient transférés à son gou-
vernement,et que l’éliminationdes fonctionnaires blancs soit accélérée.Selon le
Daily Telegraph du 15 avril 1971, un porte-parole du gouvernement a exprimé
l’avisque ((ces déclarations du premier ministre sont typiquement du genre de
celles qu’on destine à la consommation intérieure)). I1 est tout à fait vrai que
Matanzima avait régulièrement répété: depuis quelques années, et sur un ton
aussi revendicatif,ses demandes de terres et que le refus que lui avait constam-
ment opposé le gouvernement sud-africainn’avait en rien entamé son enthou-
siasme pour l’apartheid.
Le Transkei a été à maint égard le «modèle» du développement des
Bantoustans. L’Afrique du Sud l’a présenté devant la Cour internationale de
justice comme illustrant ce que signifierait le maintien du mandat sur le Sud-
Ouest africain (Namibie), et elle a fait venir les chefs orambos pour voir
et admirer.
Le Transkei se trouve cependant, depuis 1960, soumis à l’état d’urgence
(déclaré par le gouvernement sud-africain)et près de 1000 Africains y ont été
emprisonnés sans jugement en vertu de la Proclamation 400. Le Johannesburg
Sunday Times du .I“ mars 1970 a signalé que la malnutrition y avait augmenté
de 600% au cours des trois années précédentes et qu’un habitant du Transkei
sur cinq était atteint de tuberculose; le gouvernement avait acheté deux hôtels
pour Africains au prix de 82000 livres sterling et tous deux étaient vides,
probablement parce qu’aucunAfricain n’était assez riche pour y loger.
On a estimé que le Transkei pourrait, s’il était bien cultivé, produire
50 millions de sacs de maïs par an. En fait,il n’en a produit que 1,25 million en
L’apartheid a I‘ceuvre 85
1970. ce qui ne suffit m ê m e pas à ses propres besoins,et il lui a fallu en importer
plus du double.
Le plus grand des Bantoustans prévus est le Zouloustan, ou K w a Zoulou;
au Natal, qui pourrait hire vivre 3,5 millions de Zoulous. Contrairement au
Transkei, qui est passablement remembré. le Zouloustan se compose de 188 élé-
ments territoriaux distincts ciont la superficie totale atteint 31 000 kilomètres
carrés. L a moitié environ des Zoulous d’Afrique du Sud se trouve dans cette
zone qui leur est officiellement assignée. tandis que les autres vivent dans les
régions blanches.
E n juin 1973. IC gouvernement Vorster a annoncé qu’il envisageait de
remembrer les diverses parties du Zoulouland pour en faire des unités (< gouver-
nables)) et ((éconnmiqucinent viables U. Cela conduirait au découpage d u Zou-
loustan en cinq parties. dont chacune serait sépark des autres. Hormis une
minuscule bande côtière située au sud du nouveau port blanc de Richards Bay,
le Kivva Zoulou n’aurait aucun accès i la mer depuis la ville blanche de Durban
-iusqu’à Sardenha Bay. Li 330 kilomètres de distance. i I’extrSmité nord du
territoire. Les Zoulous n’ont pas non plus accès à la côte entre Sardenha et la
I’rontière du Mozambique. cette région étant une réserve zoologique.
Les ser\,icesexécutifs de l’Autorité territoriale d u K w a Zoulou ont i leur
tête le chef Gatsha Buthelczi, qui a réclainé pour le K w a Zoulou une part plus
équitable des a\virs de l’Afrique d u Sud ct qui est d e ~ w ul’un des principaux
avocats d’une fédération des États noirs. Cette idée a été largement répandue
par les porte-paroledes Bantoustans. Quelques groupes de Blancs l‘ont appuyée
dans la presse sud-al’ricairieet mcme certains membres du parti. encore que leur
conception d u projet ne paraisse pas correspondre tout i fait it celle d u chef
Butheleri.
L’idée d’une fédération sud-africaine n‘est pas nouvelle. Elle réapparaît
périodiquement au fil des ans et elle ;1 m ê m e reçu l’appui de certains membres
d u Parti nationaliste. Selon une version, il s’agirait de créer une fédération
coinprenant IC Lesotho et IC Botswana (quisont niaintenant des États indépen-
dants). ainsi que la Namibie. Certains estiment que cela équivaudrait A légitimer
la domination économique dc l’Afrique d u Sud sur la région. sans rien changer
au déséquilibre dc la répartition des terres. Ce projet plaît néanmoins 3 certains
dirigeants des Bantoustans en ce sens qu’il pourrait apporter une solution au
morcellenient actuel des 7ones iifricaiiics. Car bien qu’ils soierit nommés par le
gouvernement sud-africain, les dirigeants des Bantoustans ne peuvent pas
méconnaître l’aspiration des Africains i l‘unité. ni le nationalisme noir qui s’est
éveillé au cours des annécs soixante-dix. ni l’agitation générale qui a débouché
sur des grè\.es.
Les mouvements de libération s’opposent au systemc des Bantoustans.
étant donné qu’ils considèrent l‘Afrique du Sud conime une seule et mênie
entité. Mais certains de leurs membres voient dans les réactions des dirigeants
des honzrliiiitl.~à l’égard de l’idéal de l’unité africaine une résurgence du nationa-
lisme africain, malgré les limites que lui imposent les réalités politiques de
l’hcure.
L’économiesud-africainerepose sur la main-d’ceuvrcnoire. Le système des
Bantoustans n’a jamais visé 3 priver les industriels blancs des services de cette
main-d’auvre.Il tend plutôt ii assurer le maintien des réserves intligèiies. La
Afrique du Sud 86
régions blanches que pour y fournir leur main-d’œuvre- et non pas pour y
“avoir des intérêts” ou pour “participer” ii la vie parlementaire,ni pour quoi
que ce soit d’autre ... Les Bantous ne peuvent se trouver dans les régions
blanches qu’en tant que main-d’œuvreet, en outre ...ils ne doivent pas pouvoir y
faire concurrence aux Blancs sur un pied d’égalité,ni dans des conditions qui
pourraient aboutir éventuellement à l’égalitéet qui leur permettraient, une fois
cette égalité obtenue. de s’intégreraux Blancs en une seule et même entité. Tel
est le fondementde notre politique.et c’estpourquoi il nous faut encore répéter.
pour la niéme fois devant cette assemblée,que le principe sur lequel nous nous
fondons pour organiser notre politique de la main-d’œuvrebantoue et pour
laisser entrer les Bantous dans nos régions blanches ne vise pas a l’intégration
économique ... II y a un mur, un plafond, qu’on ne saurait franchir. Nous le
disons franchement et nous ne pouvons,ni n’osons,ni ne souhaitons le taire.Les
Bantous ne peuvent pas chercher à accéder au sommet de l’échelle, a égalité
avec les Blancs,dans le domaine politique et social,ni en matière d’emplois,ni
sur le plan de l’économie et de l’éducationen Afrique du Sud blanche,cela est
notre territoire et il n’y a ici pour eux que des possibilités limitées.Dans leurs
hoinr/unds,leurs chances sont infinies et illimitées et ce sont par contre les
nôtres. ii vous. M.le Président. comme ii moi, en tant que Blancs. qui sont
réduites.Telle est la morale de notre politique’.))
lequel ils s’engagentà mettre fin au contrat de travail si les enfants de l’employé
ou d’autresparents à sa charge sont introduits dans la région.
Les Blancs qui ne sont pas mandatés pour se rendre dans les zones afri-
caines ne peuvent y aller sans autorisation. La loi sur les zones urbaines
indigènes no25 de 1945,ultérieurement modifiée, stipule que tous les Africains
résidant dans une zone urbaine doivent,sauf exemption, vivre dans un quartier,
un village ou un foyer africains.Le texte modifié de 1963 renforce ces disposi-
tions,en prévoyant que tout chômeur africain peut être tenu d’aller vivre dans
un quartier africain -qui n’est pas nécessairement situé dans la zone urbaine
en question -ou de s’installerdans une réserve (un homeland) s’il n’y a pas de
place pour lui dans ce quartier africain.
Les Africains ne peuvent donc séjourner dans les zones urbaines qu’à deux
conditions: avoir tout d’abord l’autorisation d’y résider; rester au lieu de
résidence qui leur est assigné.
Le ((réétablissement))des Africains dans les zones urbaines implique: a) la
suppression de toutes les petites zones résidentielles africaines, ou ((taches
noires)), a l’intérieur des régions blanches; b) la réduction du nombre des
Africains vivant dans les zones urbaines ((blanches>).
Le gouvernement a déclaré en 1969 qu’il restait près de 4 millions d’Afri-
cains ((en surnombre)) dans les zones urbaines. Le ministre de l’administration
bantoue a présenté au Parlement. en mars 1973, le décompte suivant des
Africains qui avaient été expulsés des zones blanches:d’avril 1968 à mars 1969,
62 459 ; d’avril 1969 à mars 1970, 66 683 ; d’avril 1970 à mars 1971, 57 957;
d’avril 1971 a mars 1972,45 397;soit un total de 232496 Africains.
En 1972, il y avait 70 camps et villages de ((réétablissement)). I1 était
impossible d’y pénétrer sans autorisation et difficile de savoir ce qui s’y passait.
Certains d’entreeux ont cependant acquis une certaine notoriété et les noms de
beaucoup de camps de (< réétablissementH (Limehill, Stinkwater, Dimbaza,
Schmidt’s Drift,Weenen, Kuruman, Marsgat) ont symbolisé l’apartheid aux
yeux du monde entier,lorsque ce déplacement de populations entières a com-
mencé a être connu. U n prêtre, le père Cosmas Desmond, qui avait publié le
compte rendu d’uneenquête menée dans ces camps d’un bout à l’autredu pays,
fut banni et placé sous résidence surveillée à domicile vingt-quatre heures sur
vingt-quatre,afin qu’ilne puisse poursuivre son activité.
Les rations alimentaires qui sont distribuées aux femmes africaines indi-
gentes de Dimbaza sont insuffisantes,tant en quantité qu’en qualité, selon des
experts en diététique (Rand Daily Mail du 20 mars 1973). Leur ration mensuelle
se compose de 20 livres de farine de maïs, de 8 livres de pommes de terre de
second choix,de 5 livres de haricots,de 1 livre de margarine, de 2 livres de lait
écrémé et d’unedemi-livrede sel.
Cette alimentatioh pauvre en calcium et en vitamines provoque des mala-
dies de carence,comme par exemple le scorbut,l’anémieet la pellagre.
Des personnes qui ont visité les camps ont signalé que l’eau y était rare et
polluée,qu’il y avait eu des cas mortels de gastro-entérite(en particulier chez les
enfants) et qu’uneépidémie de typhoïde s’étaitdéclarée à Limehill.Les installa-
tions sanitaires étaient médiocres. Aux camps de Limehill et à Dimbaza, qui
sont éloignés des régions où l’on peut trouver du travail, quand les hommes
sont partis à la recherche d’un emploi,ce sont les femmes qui doivent se charger
L’apartheid a I’ceuvre 89
La loi de 1950 sur les régions de groupe stipule que chaque groupe racial doit
vivre dans des régions bien délimitées. La proclamation 255 de 1960 interdit
l’accès des Noirs aux cinémas, cafés, lieux de repos et clubs ((blancs)). La
proclamation R.26 de 1965 a spécifié que cette interdiction s’applique à «tous
les lieux de divertissement)). La modification no 56 de 1965 a placé les régions
africaines sous l’autoritédu ministre de l’administration et du développement
bantous, toutes les autres régions relevant du ministre du développement com-
munautaire.
La modification no 83 (1972)à la loi portant modification des dispositions
relatives aux régions de groupe (1950) a étendu le régime de la séparation
administrative urbaine aux zones habitées par les Métis et par les Indiens,sous
la responsabilité des ministres des affaires métisses et des affaires indiennes,qui
ont été chargés de mettre en place des administrationslocales dans leurs zones
respectives. Les Métis de la province du Cap ont perdu le droit qu’ils avaient
précédemment d’être inscrits sur les listes électorales communes pour les élec-
tions municipales.Les zones urbaines des communautés métisse et indienne sont
administrées par des comités consultatifs dont les membres sont nommés par
l’administrateur de la province, ou par des comités de gestion ou comités des
affaires locales (dont les membres sont en partie élus et en partie nommés).
Deux conseils municipaux indiens sont entièrement composés d’élus,mais tous
les autres comprennent un certain nombre de membres désignés.
La sécurité
Le gouvernement nationaliste a fait adopter un nombre toujours croissant de
lois. qu’il daclare nécessaires au maintien de la sécurité. Beaucoup de ces lois
remplacent la réglementation par voie de décrets ministériels. Elles ont accru la
sivérité des mesures pénales et des condamnations,ainsi que du traitement des
suspects et des prisonniers par la police et par le personnel pénitentiaire.
La première de ces lois, le Suppression of Communism Act (loi sur la
répression du communisme)de 1950,avait pour principal objet de donner au
gouvernement divers pouvoirs administratifs pour interdire certaines organisa-
tions et éloigner certaines personnes. I1 suffit pour cela que le ministre de la
justice décide que les personnes ou les Organisations en cause sont communistes.
Le Parti communiste.le Congrès national africain,le Congrès pan-africa-
niste et le Fonds d’aide et de défense (qui avait pour objet de fournir l’assistance
d’un conseil juridique aux prisonniers et de les aider ii faire vivre leur famille)
figurent parmi les organisations interdites en vertu de cette loi.Une fois qu’une
organisation est interdite,le fait de travailler à la réalisation de ses fins constitue
un délit et ce délit est fréquemment sanctionni par une peine de trois ans de
prison.
En général,toute personne ayant fait l’objetd’une mesure d’interdictionen
vertu de cette loi: a) est contrainte de résider dans le ressort d’un tribunal
particulier: hi est tenue de se présenter ii la police i jours et heures fixes;c) n’a
le droit d’assister à aucune réunion, que l’objet en soit politique, éducatif ou
social.
Des personnes qui avaient été interdites ont été condamnées pour avoir
joué au bridge, pour avoir accompagné leur fille ii une soirée du nouvel an,
pour être restées dans la cuisine alors qu‘une réception se déroulait au salon,ou
pour avoir pique-niquéavec deux amis.
Personne n’a le droit de citer ni de publier les déclarations ou les écrits
d’unepersonne interdite.
La durée de l’interdictionest en général de cinq ans.
Le nombre des personnes frappées d’une mesure de ce genre est en
moyenne de 200 par an: il est fréquent que les condamnations soient recon-
duites lorsqu’elles arrivent ii leur terme et que les personnes qui sortent de
prison fassent l’objet de mesures d’interdiction si sévères qu’il leur est en fait
impossible de reprendre une vie normale.
Parmi les Blancs qui ont été frappés d’interdiction figure le père Cosmas
Desmond,auteur du livre intitulé The discLrrded people, qui décrit les conditions
de vie dans les zones de «réétablissement»:la condamnation dont il a fait
l’objet interdit toute citation de ce livre en Afrique du Sud. Mais les ((interdits))
sont pour la plupart des Africains.L’interdictionest souvent assortie d’une mise
en résidence surveillke i domicile.En 1971.d’anciens prisonniers politiques de
la partie orientale de la province du Cap n’ont pas été autorisés A regagner Port
Afrique du Sud 92
Elizabeth, leur domicile,et ont été obligés de s’installerdans des zones de ((ré-
établissement>).
L’interdiction sert aussi bien à réduire au silence les gens qui viennent de
purger une peine de prison qu’à prévenir toute activité de nature à gêner le
gouvernement.I1 n’y a aucune possibilité de faire appel contre une interdiction
et le ministre n’est pas tenu de faire connaître les raisons qui ont motivé sa
décision. Les gens peuvent donc être punis au gré des autorités, sans avoir
commis aucun délit.
La loi sur le sabotage portant modification de la législation générale (1962)
stipule que les auteurs d’actesde sabotage risquent des peines allant de cinq ans
de prison à la condamnation à mort. La définition du sabotage est extrêmement
large;une personne peut en être déclarée coupable si elle commet une infraction
à une loi quelconque en pénétrant ou en se trouvant sur un terrain ou dans un
bâtiment.C’est il elle qu’ilincombe de prouver qu’ellen’avait pas l’intentionde
commettre un acte de sabotage,autrement dit de démontrer son innocence.
La loi sur le sabotage a introduit dans la législation sud-africaine le prin-
cipe de l’emprisonnementillimitésansjugement.Son article 17 permet en effet à
tout officier supérieur de la police d’arrêter sans mandat toute personne soup-
çonnée de détenir des informations sur un délit d’ordre politique et de la garder
au secret,pour interrogatoire,pendant un temps qui peut aller jusqu’à90jours.
Les tribunaux ont interprété cet article comme permettant à la police de détenir
des prisonniers pendant des périodes de 90jours indéfinimentrenouvelables.
A u total,plus de 1000 personnes ont été détenues en vertu de cette disposi-
tion (loides 90jours)avant que celle-cine fût suspendue en 1965.
La loi des 180 jours fut promulguée aux termes du Criminal Procedure
Amendment Act (loi portant modification de la procédure criminelle) de 1965:
le procureur général peut, sur avis de la police, ordonner la détention au secret
de toute personne dont il estime qu’on peut attendre un témoignage important
dans certaines catégories de procès,et en particulier dans les procès politiques.
A u cours des trois premières années d’application de cette loi (1965-1967),388
personnes ont été ainsi détenues (selon les déclarations du ministre de la justice).
Mais, actuellement, l’instrument le plus couramment utilisé pour garder
indéfiniment les gens en prison paraît être le Terrorism Act (loi sur le terro-
risme) de 1967.Cette loi autorise les officiers supérieurs de la police à ordonner
la détention au secret,pour une durée indéterminée,de toute personne soupçon-
née de détenir une information quelconque ayant trait au terrorisme. La loi ne
fait pas obligation aux autorités d’alerter un avocat ni d’avertir les parents du
détenu;il n’est donc pas possible de connaître avec certitude le nombre de cas
de ce genre.
La loi en question permet à la fois de détenir les suspects pendant de
longues périodes sans les juger et de les condamner pour ((terrorisme)). U n
exemple typique de cette procédure est l’affairede Joseph Tshukudu Maleka, un
homme de soixante-huitans,qui fut inculpé en 1972 d’avoir été en contact avec
des membres de 1’African Peoples Democratic Union of South Africa (Union
démocratique populaire africaine d’Afrique du Sud), lesquels furent également
jugés séparément et condamnés pour infraction à la loi sur le terrorisme.
Maleka fut tout d’abord emprisonné le 19 février 1970 et détenu pendant 110
jours avant d’être libéré,puis il fut de nouveau arrêté le 7 mai 1971 et détenu
L'apartheid à I'axivrc 93
pendant 41 jours avant d'être inculpé. II fut acquitté. aucune des accusations
portées contre lui n'étant retenue,mais il était resté au total 440jours en prison.
L a loi de 1967 donne d u terrorisme tine définition qui inclut tout acte
visant i gêner l'administration. C'est i l'accus6 qu'il incombc de prouver son
innocence sur certains points importants. D e m ê m e que pour la loi sur le
sabotage,les pcincs varient entre cinq ans de prison au minimum et la condani-
nation i mort. La loi sur le terrorisme ;I Cté rendue rétroacti\r en 1962. ce qui ;I
permis d'infliger la peine capitale pour dcs infractions qui ii'étaicnt pas punies
de mort i l'époque oii elles avaient été commises.
Étant cionné que i'idcntiti.des prisonniers cn détention préventive n'est pas
coinmuniquée. il est impossible de sa\,oir combien d'entre ~ L I sont
Y finalement
dkclarks coupables. Au I ' janvier 1977. le nombre total des personnes purgeant
dcs peines infligées en application des quatre principales lois sur la sécurité
s'élevait t: 463 et se répartissaitc o m m e indiqué au tableau 13.
Loi s u r le terrorime 50
~ ~~
~
~~~ ~
et ils ont moins de droits que la plupart des condamnés ordinaires. La bonne
conduite peut faire obtenir des remises de peine allant jusqu’au tiers de la
sentence,mais cette disposition ne s’appliquepas aux prisonniers politiques.
L E S DÉTENUS
L E S C O N D A M N É S A U X PEINES D E P R I S O N F E R M E
A la fin de 1966,le nombre des prisonniers condamnés pour des infractions aux
principales lois sur la sécurité avait atteint, selon les statistiques officielles,le
chiffre sans précédent de 1 825.A la fin de 1967, après l’adoption de la loi sur le
terrorisme,ce chiffre est tombé à 1 335,puis à 1019 en 1969, à 809 en 1970 et à
464 en 1972.
Les détenus sont répartis entre trois grandes prisons: celle de Robben
Island pour les Noirs, celle de Pretoria Local pour les Blancs, et celle de
Barberton pour les femmes noires. I1 n’y a plus de prisonnières blanches. Les
prisonniers de Namibie sont également détenus à Robben Island. Les prison-
niers politiques sont traités comme les détenus de droit commun, mais sont
soumis à certaines règles supplémentaires (voir plus loin). Le Prisons Act (loi
sur les prisons) de 1959,qui interdit la publication de toute information erronée
sur les prisons ou sur les prisonniers, a eu pour effet d’empêcher la publication
de toute information,quelle qu’elle soit. Le gouvernement s’est opposé à toute
enquête officielle sur les conditionsd’incarcération.
En 1965. le Rand Daily Mail a publié une série d’interviews recueillies
auprès d’un condamné politique sorti de prison, Harold Strachan. Strachan y
décrivait le sadisme de certains gardiens,la saleté,l’obscénité et la brutalité qui
régnaient dans les prisons, la situation des détenus africains ((parqués comme
des bêtes)) et la gestion capricieuse de l’administration pénitentiaire qui se
moquait des règlements. L’État a alors engagé des oursuites contre Strachan,
1.
LES PRISONNIERES
Les appels i l’opinion publique qui aboutirent i quelques réformes dans les
prisons pour hommes n’ont généralement pas fait mention de la prison de
Barberton. II s’agit d’un établissement pénitentiaire où la discipline est très
stricte et qui est situé dans une région t r k chaude d u pays. La plus longue
promenade que les détenues puissent y faire consiste i franchir la dizaine de
mètres qui mène au bureau de la directrice. La prison n’offre aucune possibilité
récréative ct les détenues n’ont pas même le droit de regarder par la fenCtrc de
leur cellule.Leur travail consiste en lavage et en nettoyage.
L E I ’ R A I ’ L M E N TS P E C I A L D E S P R I S O N N I E R S P O L I T I Q U E S
L E S DÉCÈS D A N S L E S P R I S O N S
L e Congrès du peuple
En m ê m e temps que des campagnes étaient organisées sur des problPmes parti-
culiers. un appel général i l’action fut lancé. au milieu des années cinquante, 3
tous ceux qui s’opposaientA la politique et aux pratiques d’apartheid.
Afrique du Sud 104
L e «procès en trahison))
Sharpeville
tion sur l'état d'urgence et, en moins de deux semaines, un comité chargé des
affaires courantes de I'ANC avait constitué des cellules en vue de poursuivre
l'action dans la clandestinité. 11 ne fallut pas plus de dix jours pour que le sigle
((UHLJRU >) (le slogan de la liberté de l'Afrique orientale) tlt son apparition sur
les murs de tout le pays et que des tracts contre les lois sur les laissez-passer
fussent distribués.
L a ciernit:rcdécision prise par I'ANC alors qu'il était encore dans la légalité
avait été de coni'oquer une convention nationale qui devait jeter les bases d'une
nouvelle Union sud-africaine.Cette décision fut relancée par Mandela lorsqu'il
prit 13 parole i la confkrence ((Allin Africa)) (Tousen Afrique) de Pietermaritr-
burg. en mars 1961 .
Cette idée d e convention nationale fut reprise par un groupe multirncial
représentant les milieux lihtraux. religieux et uniiwsitaires. Le gouvernement
riposta en mobilisant la police, 1':irmée. les commandos et la gaide cit,ilect en
mettant les vkhicules blindés ((Saracen)) en état d'alerte. Les Blancs furent
assermentés par des officier:, de police spéciaux, les armiiriers \widirent tous
leurs stocks a u x Blancs et des milliers d'Africains furent arrEtCs. Mais Mandela
était passé dans la clandestinité et il kchappa li l'arrestation. 11 poursuivit son
tra\,ail en organisant la résistance. en parcourant le pays et en lanqant des
agpcls en faveur de la convention. I1 ècrivit au premier ministre. H.Verwoerd.
ainsi qu'il sir de Villiers GraaI'f. qui dirigeait le Parti uni. I1 n'obtint d'cux
aucune réponse. Le 19 inai 1961. tout rassenibleinerit fut interdit jusqu'au
36 juin et. la \.cille d u 70 inai, les grthistes furent a\w-tisqu'ils perdraient leur
cinploi et scraient expulsés et quc la police se rendrait dans les citCs pour
contraindre les habitants i aller au trakxil.AU cours de la nuit, des hélicopt2res
survolèrent les cités i basse altitude. en illuminant les maisons avec des projec-
teurs.
Et pourtant, le lundi 39 niai 1961. des centaines de milliers d'Africains
répondirent i l'appel de leurs dirigeants. Les membres des communautés
indienne et métisse restèrent également chez eux. A Port Elizabeth. la grCve fut
observée par 75'50 des travailleurs. Beaucoup d'écoles firent grève. Mais le
gouvernement avait fait une démonstration trop impressionnante de sa puis-
sance et Mandela suspendit la grève le deuxième jour.
Si les manifestations pacifiques devaient se heurter 3 une telle force de
répression. il était vain d'avoir encore recours aux méthodes pacifiques et ce~
Rivonia
Le 1 1 juillet 1963,une force d’intervention de la police spéciale cerna la ferme
de Lilliesleaf -un vaste domaine situé à Rivonia, dans la grande banlieue de
Johannesburg.U n prisonnier avait parlé au cours d’un interrogatoire de police
et décrit la cachette utilisée par Walter Sisulu et d’autres membres du réseau
politique clandestin.Après plusieurs mois de recherches,la police avait trouvé
la piste. Walter Sisulu, Govan Mbeki et d’autres (dont certains se cachaient
sous une fausse identité) furent arrêtés et 250 documents furent saisis, dont
beaucoup traitaient de la fabrication d’explosifs; il y avait aussi parmi ces
documents une note,i l’étatde projet,intitulée Opération Mayibuye)).
U n mois plus tard, le 12 août 1963, quatre des hommes qui avaient été
arrêtés s’échappérent de prison : deux Blancs, Arthur Goldreich et Harold
Wolpe, quittèrent l’Afrique du Sud, les deux autres étant Mosie Moolla et
Abdullah Jassat,qui passèrent discrètement au Botswana, d’où ils se rendirent
un peu plus tard i Dar es Salaam.
Mandela fut ramené de Robben Island pour comparaître en justice avec les
huit autres inculpés,après qu’ils eurent passé 88 jours en cellule pendant que
l’Étatprocédait ii l’instructionde leur affaire.
La première ordonnance de renvoi,qui portait sur 222 actes de sabotage
attribués a 1’Umkontowe Sizwe,fut annulée à la demande de la défense,qui était
dirigée par Abram Fisher, Q.C.L’ordonnance de renvoi qui fut finalement
retenue accusait les prévenus d’avoirrecruté des hommes pour les entraîner en
vue de provoquer une révolution violente et d’avoir commis 154 actes de
sabotage.
L’opinion internationale s’intéressa ii ce procès de Rivonia (c’est ainsi
qu’on devait l’appeler) parce qu’il révélait pour la première fois l’étendue et
l’importancede l’abandon de la non-violencepour une autre forme d’action.
Le discours que Mandela prononça de son box eut un retentissement de
portée historique en Afrique du Sud et ii l’étranger.Mandela retraça l’histoire
de 1’ANCjusqu’ila dernière décision que celui-ciavait prise de passer ii l’action
violente,non sans avoir ((analysé longuementH une situation politique qui. lui
paraissait ((angoissante)).I1 fit observer qu’en juin 1961,«il était indéniable que
nos efforts pour instituer un État non racial par la non-violence n’avaient
École xhosa au Transkei.
Afrique du Sud 112
L’Affairedes 22
De mai 1969 A décembre 1970 eut lieu le procès marathon de 22 personnes
accusées d’infractionsà la loi sur la rkpression du communisme et A la loi sur le
terrorisme,ainsi que d’autres prévenus,arrêtés en même temps,qui avaient été
De l’opposition à la résistance 113
l‘it.pouscde Nelson Mandela. Trois ditenus furent libhris et les II> autres furent
acquittes. Mais. en Afrique d u Sud, I’acqiiittcinentne met pas n6cessairement
lin li l’actionjudiciaire.C’estainsi par exemple que Winnie Mandela fut ensuite
placee en i-Csidencestir\.cilll.eii s o n domicile.
Manifestations d’étudiants
C’est au cours de l’été 1972 que se déclencha l’opposition des étudiants contre
l’apartheid en Afrique du Sud même.Les étudiants de l’université africaine de
Turfloop firent un autodafé des carnets que la direction de l’université leur avait
De l’opposition à la rkistance 115
((11 a Gtt; interdit A 110s parents d’entrer, niais les Blaiics, qui ne peuvent
mCme pas nous applaudir, ont droit LIS premiers rangs. Mon clier peuple.
serons-nous jamais trait& avec justice dans ce pays qui est le pays de nos
anct.tres?
?>Ccrégime cliancelle. Nous autres, dipl0més noirs. soniines appelès 5 des
respoiisabiliti-sxcrucs dans la liberation de notre peuple. A quoi n o u s servira
notre instruction si nous ne poubuis aider notre pcuple au monieiit où il en a
besoin?
>)I1 y :Iune chose que IC ministre tie pcut pits faire. c’est de baiiiiii- les idées
de l’esprit des lioinines. LJrijour cienclra où nous strotis tous libres de respirer
l‘air de la liberte.>>
Lorsqu’ils apprirent qu’un de leurs dirigeants avait bté expulsé. tous Ics ktu-
cliilnts dticidèrent d’occuper leur collège dans le calme. La police y péiiitra et en
exp~ilsales 1 146étudiants qui l’occupaient.
La riposte iie se fit pas attendre.Les etudiants métis de la partie occidentale
de la province du Cap se mirent en grkve par solidaritk avec ceus de Turfloop.
1.e Conseil des étudiants de I’LJniversiteindienne de Durban-Wcstville déinis-
sionna lorxqu‘il lui fut interdit d’adhérer ;I la SASO et manifesta également sa
solidarité avec les etudiants de Turfloop. L’Union des ktuciiants africaiiis de
Fort Hare lança L i n ordre de grève générale A tous les ktudiaiits noirs d’Afrique
dLi Sud.
Stur (17 inai 1973) décrivit ainsi les manifestatioris d e
Le Jol2triiir<,.shrrr.‘~
solidarit6 dcs Ctudiants nietis:
La grcvc gCnérale des cours suikit. par la grande inxsc des Ctutiiarits de 1’l;iiiversitCdu C a p
«ccideiital pour protester contre l’expulhion de I’eiisemble des étudiants d e l’université du
Nord (Turfloop) a presque parallsé I’üiii\,ersitédes Mitis. Ce iiiouvcnient Faisait suite li
uiie décision adoptcc au cours d’un grand rassemblenient des ctudianls. qui ont voté ii
l’unanimité une motion appelant LI boycottage des cours. Plus des deux tiers des Ctudiants
ii‘ont pas assist6 aux cours.
D’autrepart. on pouvait lire dans le R~IIILI
Dui/>.
Mc/i/
(16 inai 1973):
LES PARTK’iS Soi IDAIRES DES ~ ~ I L I I X A NPlus deux miiie hiibitants dc Sourto ont réciam6
T S . de
hier la rcintcgratioii inconditionnelle de l’ensenible des 1 146 ctiidiaiits expulses de 1‘Univcr-
sitC d u Nord. Ils ont Cgalenieiit deniaiidi.q u e M.Abraliaiii Tiro. uii ctiitiiarit qui avait kt6
expulst; de cette universite pour avoir critique I’cducatioii bantoue. soit rcititcgrc avec les
Afrique du Sud 116
autres.Des étudiants et des parents ont vivement critiqué tous les aspects de I‘administra-
tion des universités noires et de l’apartheid.
L’UNIVERSITÉ INDIENNES’ASSOCIE AU BOYCOTTAGE. Durban. Tandis que des inspecteurs de la
police de sécurité écoutaient aux fenêtres de Vedic Hall de Durban, plus d’un millier
d’étudiants indiens de l’université de Durban-Westville ont décidé hier de n’assister à
aucun cours.Cette grève doit commencer aujourd’huiet durer jusqu’à ce que les revendica-
tions des étudiants noirs soient satisfaites dans toute l’Afriquedu Sud.
Les orateurs qui ont pris la parole à ce rassemblement ont été ovationnés quand ils
ont dénoncé l’autoritarismedu système éducatif organisé pour les Noirs.
«Ce n’est pas en tant qu’Indiens.mais en tant que Noirs,que nous votons. 11 nous
faut être solidaires pour éliminer le système répugnant qui nous opprime)). a déclaré un
étudiant dont l’interventionreflétait.par son ton,celles des dix autres orateurs.
Ce rassemblement d’hier était la dernière en date des manifestations traduisant
l’agitation qui ne cesse de croître parmi les etudiants noirs depuis que leurs camarades ont
étt? expulses en bloc de l’universitédu Nord,à Turfloop.
Les étudiants de Fort Hare sont déjà en grève depuis une semaine et une grève
générale doit commencer le 1 “ juin à l’Écolenormale de Springfield à Durban.
Quant aux étudiants africains de l’universitédu Zoulouland, ils doivent se réunir
mercredi pour examiner la situation
GRÈVE. D’ici à jeudi, la plupart des 10000 étudiants noirs des universités et collèges
d’Afrique du Sud pourraient s’associerà une grève nationale contre la situation dans les
universités.
La Conscience noire
Les étudiants africains se séparèrent en 1970 de la National Union of South
African Students (NUSAS)[Union nationale des étudiants d’Afrique du Sud]
pour constituer la South African Students Organisation (SASO)[Organisation
des étudiants d’Afriquedu Sud], qui n’admettait dans ses rangs que des Noirs,
estimant que les Noirs devaient décider de leur attitude indépendamment des
Blancs et élaborer eux-mêmesles revendicationsqu’ils avaient ii formuler.
Tout en continuantde coopérer dans la pratique avec la NUSAS,la SASO
tourna ouvertement le dos aux ((libéraux blancs)) et, si elle accepta de rester
fidèle aux traditions occidentales,elle estima qu’il fallait également explorer et
exprimer les valeurs africaines.
La théologie noire fit son apparition en 1971.U n théologien noir l’a décrite
comme une théologie d’exhérédationet de libération répondant i l’optiqued’un
peuple opprimé A cause de sa couleur.
O n assista en 1972 et en 1973 aux progrès du mouvement de la Conscience
noire. Ce mouvement présentait plusieurs tendances, ayant pour facteur com-
mun la volonté d’agir sans aide extérieure et de redéfinir la situation de
l’Afriquedu Sud.A u début,le gouvernement y vit une victoire pour l’apartheid.
Mais lorsque ce mouvement devint plus combatif et dénonça plus vigoureuse-
ment les structures de la société sud-africaine(y compris parfois les dirigeants
des Bantoustans), le gouvernement réagit.En 1973, il prit des mesures d’inter-
diction ou de restriction A l’égard de la plupart des dirigeants du mouvement, y
De l’opposition à la résistance 119
coinpris les chefs de la SAS0 ; les jeunes dirigeants noirs qui étaient apparus sur
la scène politique au cours des années soixante-dix furent pratiquement réduits
Li l’inaction ou obligés de fuir le pays pour se réfugier dans les territoires voisins.
En 1973-1974. il y eut donc quatre grands mouvements de contestation:
ai celui de la classc ouvriére urbaine contre les bas salaires et les inauvaises
conditions de travail: hi celui d u mouvcnient de la Conscience noire,qui ohtiiit
une audience croissaiitc parmi les Indiens et les Mktis: ci celui des Blancs, qui
gravita surtout autour des organisations blanches d’étudiants: dj celui des
fronts dc libitration qui pour la plupart sont xtuellemcnt clandestins.
5 Le monde
extérieur
L’Afrique
L’Organisation de l’unité africaine (OUA),qui a été créée en 1963, a adopté
tout un ensemble de résolutions relatives à l’Afriquedu Sud,en recommandant
notamment A ses membres de refuser A la Compagnie aérienne sud-africainele
droit d’utiliserleurs aéroports et de survoler leur territoire,et en priant les États
africains de cesser leurs échanges - exportations et importations - avec la
République sud-africaine.L’OUA a créé un Comité de libération chargé de
financer ou de soutenir les mouvements de libération dans leurs opérations de
guérilla contre tous les régimes minoritaires blancs du continent, Les pays
membres de cette organisation ont pour la plupart accepté d’appliquer ces
résolutions.
Jusqu’A présent, l’Afrique du Sud a été en mesure de résister aux critiques
mondiales et, plus important encore,de déjouer certaines actions entreprises sur
le plan international,comme celles dont il a été fait mention plus haut. Ni les
sanctions économiques,ni l’embargo sur les livraisons d’armes, ni, jusqu’à
présent,les incursions de commandos n’ont changé grand-choseà la situation.
L’économie continue en fait à prospérer, bien que cela n’aille pas sans pro-
blèmes, et le budget de l’armement n’a jamais été aussi élevé que depuis
l’imposition de l’embargo sur les armes. Le gouvernement a néanmoins com-
mencé,à la fin des années soixante,à assouplir son attitude à l’égard du reste de
l’Afrique et il a cherché à susciter des échanges internationaux officiels et
officieux avec les autres pays du continent,faisant valoir que les divergences de
vues n’empêchentpas le dialogue.
Ce changement d’attitudeest essentiellement dû à deux facteurs,l’un poli-
tique,l’autreéconomique.
Sur le pian politique, l’Afriquedu Sud gagnerait beaucoup ii ce que les
États africains aient une attitude plus amicale à son endroit. Cela pourrait
inciter le reste du monde à mieux accepter l’Afriquedu Sud. L’État de l’apar-
theid s’en trouverait légitimé,car, si les gouvernements noirs établissaient des
relations avec lui, il n’y aurait guère de raisons pour que les pays d’Europe et
Le monde extérieur 123
Dl?<'LARATION S U R l.A Q U E S I I O N
11 U D 1 A 1,OGLI E
Aspects stratégiques
les effectifs étaient déjà limités. a subi une nouvelle ponction quand l'effectif des
forces armées a été porté ii 110000 hommes. Pour la première fois, des mesures
concrètes ont été prises pour recruter des Africains dans l'armée sud-africaineet
pour augmenter le nombre des Africains chargés du maintien de l'ordre dans les
zones africaines.
L'Afrique du Sud produit maintenant elle-même toutes ses armes léghres et
cherche i subvenir ii ses propres besoins en matière d'aéronautique militaire.
Parmi les appareils montés i l'usine Atlas (FitzmcialMail du 77 avril 1973).
figurent des chasseurs Mirage F I (SoutlzAfiYcan Digcst d u 78 septembre 1973).
L'Afrique du Sud fabrique le chasseur et l'appareil de reconnaissance Impala.
L'armée de l'air devait recevoir quelque 200 nouveaux appareils en 1974.
Embargos et boycottages
Vers la fin des années cinquante, les Africains, les Indiens et les Métis ont
souvent recouru au boycottage pour protester contre les injustices de l’apar-
theid. Parmi les campagnes de ce genre qui ont eu un grand succès figurent le
boycottage des pommes de terre, qui était destiné à appeler l’attention sur la
situation des travailleurs agricoles,et l’inscriptionsur une liste noire de tous les
produits de la société des tabacs Rembrandt (Carreras-Rothmans). En 1959,les
peuples et les nations du monde entier ont été invités à appliquer la même
tactique pour aboutir à l’isolementcomplet de l’Afrique du Sud non seulement
en boycottant ses produits, mais en évitant aussi tout contact avec l’État qui
pratiquait l’apartheid.
Les échos que cet appel a eus dans le monde ont abouti à l’interdictiondes
importations d’Afrique du Sud dans certains pays et à la constitution dans
nombre d’États de mouvements contre l’apartheid. Les exportations sud-afri-
caines s’en sont ressenties (en particulier celles des fruits ((Outspan)) et
((Cape))), de même que les relations de l’Afrique du Sud dans les domaines
sportif,culturel,universitaire et professionnel.Des démarches se poursuivent en
vue de mettre fin aux contacts,comme par exemple la campagne menée en 1971-
I972 pour que le Royal Institute of British Architects renonce à toutes relations
avec l’Association des architectes sud-africains et la lutte constante visant à
exclure l’Afriquedu Sud des fédérations internationales de football,de tennis et
autres sports.
BOYCOTTAGES ÉCONOMIQUES
Le Comité des Nations Unies sur l’apartheid a exposé de la façon suivante les
raisons de recourir à un boycottage économique.
L’économie sud-africaine fait partie intégrante de l’économie mondiale.
L’Afrique du Sud dispose de marchés importants en Europe, en Amérique du
Nord et en Asie. Elle achète à l’étranger de grandes quantités de produits
manufacturés qui ont pour elle une importance décisive. La plupart de ses
principaux partenaires commerciaux lui permettent d’accumuler les dettes qui
résultent parfois de son déficit commercial.I1 semble donc que l’Afrique du Sud
soit particulièrement vulnérable aux pressions économiques des autres pays.
Et,pourtant, les partenaires dont dépend le commerce sud-africain n’ont
jamais appliqué de boycottage économique.
Beaucoup de pays continuent de faire ouvertement du commerce avec
l’Afriquedu Sud. Certains boycottages organisés par les consommateurs de ces
pays obtiennent cependant quelque succès et, souvent, l’appui de collectivités
Le monde extérieur 129
BOYCOTTAGES CULTURELS
n’ont pratiquement pas accès aux salles de spectacle et les spectacles auxquels ils
ont le droit d’assister sont strictement censurés.
En 1969.un professeur de droit a évalué à 13 O00 le nombre des publica-
tions interdites. Parmi les auteurs interdits figurent James Baldwin, Bertolt
Brecht, Jules Feiffer, Aldous Huxley, Norman Mailer, Henry Miller et Alan
Sillitoe. Tous les livres écrits par des dirigeants dcs mouvements de libération
sont interdits. Le Publications and Entertainments Act (loisur les publications
et les spectacles) interdit la publication ou la fabrication d’œuvres qualifiées
d‘<<indésirables))en Afrique du Sud, et le Customs and Excise Act (loi sur les
douanes et les contributions indirectes) oppose l’importation des articles
G répréhensibles>). L’interprétation de ces lois dépend du Publications Control
Board (Conseil de contrôle des publications). qui est un organisme d’État. Les
livres interdits ne le sont pas toujours parce qu’ils combattent l‘apartheid,mais
beaucoup d’entre eux n’ontaucune autre raison de l’être.
Tous les films sont visionnés par le Conseil de cotitrde. Celui-ci peut. en
vertu de la loi de 1963 sur les publications et les spectacles,<< ... autoriser un film
ciniinatograpliique i la condition q ~ i ece tilni ne soit projet2 que devant les
membres d’une racc ou d‘une classe déterminées...))
C’est ainsi q~iecertains films ne sont autorisés quc pour les Blancs, certains
autres ne IC sont que pour les Blancs. les Métis et les Indiens, d‘autres enfin le
sont pour les Blancs. les Métis, les Indiens et les enfiints de moins dc douze ans.
Toutes les scknes montrant des rapports sociaux, de quelque nature q~icce soit,
entre Noirs et Blancs sont automatiquement coupkes, Li l’exception de celles où
les personiiages noirs jouent des roles de subordonnés. Malgré l’ampleur des
pouvoirs dont dispose le Conseil de con tr6le. certains porte-paroledu gouvcrne-
ment ont préconisé de les étendre encore.
La censure des publications a éte dénoncée par les adversaires de l’apar-
theid et par ceux qui redoutent les effets de la nienace d’interdiction sur toute la
littérature sud-africaine.
Tous les artistes ont étC invités it refuser de se produire e11 Afrique du Sud
dans les conditions imposées par l’apartheid:on a demancit;aux auteurs drama-
tiques et rkalisateurs de films de s’opposer i ce que leurs (cuvres soient présen-
tées dans des thiütres ou des cinénias où le public est soumis it la ségrégation,et
aux acteurs de cinkina de ne pas permettre q~ieles tilms dans lesquels ils jouent
soient projet& dans des cinémas de ce genre.
En 1957,le Syndicat des musiciens hritaiiniques a totalcmeiit interdit it tous
ses membres de jouer en Afrique du Sud. L’Orchestre symphonique de Londres,
les Beatles et les Rolling Stones comptent parmi les nombreuses formations qui
ont refus? les tournth qu’on leur proposait de faire en Afrique d u Sud.
En 1957 également, le British Actors Equity Council (Association des
acteurs britanniques) a donnt: instruction i ses adhérents de rie se produire en
Afrique d u Sud que si un certain nombre de reprisentations sont ouvertes aux
non-Blancs.
La directive donnce dans It: i n h e sens par le Syndicat des techniciens du
cin2ina et de la télCvisioii britanniques a contrecarré le prc?.iet que faisaient les
autorités sud-africainesde lancer une chaîne de tdévisioii en 1975.
En 1963, puis de nouveau en lL)67,de célèbres auteurs draniatiques d u
Royaume-Uni ont rendu publique. clans des déclarations. leur opposition i
Afrique du Sud 132
c
l’apartheid et ont chargé leurs agents littérairesd’insérer dans leurs contrats une
clause interdisant la représentation de leurs œuvres devant des publics soumis à
une ségrégation raciale.
O n imagine mal comment la créativité en littérature,en musique, en choré-
graphie,en art dramatique et en cinématographie peut être actuellement stimu-
lée en Afrique du Sud dans le cadre d’un système répressif et d’une culture
officielledont la seule fonction est de rationaliser une séparation qui repose non
sur des faits rationnels, mais sur des mythes et des symboles d’inspiration
chauvine. Toute remise en question de la société et de ses structures est non
seulement découragée, mais serait plutôt considérée comme séditieuse. Les
barrières artificielles qui ont été dressées entre les peuples empêchent toute
compréhension de la réalité sud-africaine et toute représentation littéraire ou
artistique de cette réalité.
Les écrivains sud-africainsles plus importants sont soit en exil, soit inter-
dits.I1 leur est pratiquement impossible d’écriredans les journaux,en raison des
mesures qui restreignent l’accès aux informations et la publication des nou-
velles. Les écrivains afrikaners eux-mêmes,dont la situation est relativement
privilégiée puisqu’ilsbénéficient de subventions et sont protégés par un statut de
type traditionnel,sont libres seulement d’écrire,et non de contester.
L E S SPORTS
Les Sud-Africainssont très sensibles à tout ce qui touche aux sports,qui sont
chez eux une sorte de religion nationale.A mesure que l’isolement de l’Afrique
du Sud s’accroîtsur les plans politique et culturel,les rapports qu’elle maintient
avec l’étranger dans les autres domaines gagnent en importance. I1 est très
important pour les Blancs que leurs équipes soient admises sur les terrains de
sport étrangers où,de plus,toute victoire des Sud-Africainspeut être interprétée
comme une sorte de justification du régime sous lequel ils vivent. M.Braun,
délégué de l’Afrique du Sud, déclara au Comité olympique international en
1967:
Le fait d’avoirété exclus des Jeux olympiques nous a véritablement privés
de notre raison de vivre. A tous les niveaux du sport en Afrique du Sud et dans
toutes les couches de la population,on en a ressenti beaucoup de désespoir, de
déception et de désenchantement. La flétrissure qu’on nous a infligée en nous
traitant comme des parias a été une lourde croix à porter.))
I1 n’estpas possible de traiter le sport indépendamment des autres activités
humaines, sinon artificiellement. Quand bien même Blancs et non-Blancs
auraient le droit de jouer ensemble,ou encore d’assister aux événements sportifs
dans les mêmes tribunes, les non-Blancs,et en particulier les Africains, se
trouveraient en état d’infériorité du fait de la malnutrition et de leur mauvaise
condition physique. Les Blancs disposent pour la plupart de beaucoup plus de
temps libre pour faire du sport,d’argent pour leur équipement,etc. Les moyens
mis à la disposition des non-Blancssont médiocres ou inexistants. Les Blancs
disposent de piscines,de clubs de sport et d’installations publiques, tandis que
les Africains doivent souvent se contenter d’un bout de terrain vague. Le
manque de moyens financiers et le système des permis de circulation limitent
Après l'emprisonnement.
Afrique du Sud 134
Le premier match, qui devait avoir lieu à Oxford. fut annulé par le Oxford
University Rugby Club B la suite de multiples protestations et de menaces
d’action directe. C e match fut transféré iri rxtrertzis A Twickenhüm, siege de la
Rugby Union; malgré le peu de temps dont ils disposèrent (le préavis fut de
moins de vingt-quatre heures). plus de mille protestataires se retrouvèrent au
rendez-vous.
Des manifestations de ce genre eurent lieu i l’occasionde chaque match.
A mesure que la tournée se poursuivait, les manifestants se montrkrent
moins soucieux d’interromprecette série de matches que d’atteindreleur objec-
tif initial: bien faire comprendre aux dirigeants d u cricket ce i quoi ils devaient
s’attendre.
Peu avant que la tournée de l’équipe de rugby ne prît fin. le comité d u
MCC décida à l’unanimité de maintenir la visite de l’équipe de cricket. Mais la
Fédération sud-africainede cricket venait de repousser la proposition qu’avait
faite l’International Cavaliers Club de se rendre en Afrique du Sud, arguant d u
fait que l‘équipe de ce club serait multiraciale; à peu près au m ê m e moment.
le gouvernement sud-africain refusa d’autoriser le champion de tennis noir
américain Arthur Ashe à venir en Afrique d u Sud pour y participer B un tournoi
international.
Des pressions internationales s’exercèrent sur le Royaume-Uni pour qu’il
annule la tournée. Treize pays africains menacèrent de boycotter les Jeux d u
Commonwealth qui devaient avoir lieu au mois de juillet 1i Édimbourg. Les
prochaines tournées des équipes indienne et pakistanaise de cricket furent elles
aussi compromises. Les joueurs de cricket pakistanais domiciliés en Angleterre
firent savoir qu’ils refuseraient de rencontrer les Sud-Africains.
Au Royaume-Uni,de nombreuses organisations prirent publiquement posi-
tion contre la tournée et, notamment, le Community Relations Committee
(Comité des relations communautaires). les partis travailliste. libéral et c o m m u -
niste, l’Union nationale des étudiants. le Conseil britannique des Églises et plus
d’une vingtaine de syndicats, représentant au total des millions d’adhérents. L a
Fair Cricket Campaign (Campagne pour un cricket loyal) fut lancée par
l’évêque de Woolwich, qui en fut élu président. tandis que des parlementaires
conservateurs et travaillistes étaient portés aux postes de vice-présidents.
Le 19 mai 1970. le Cricket Council annonça que la tournée aurait lieu
c o m m e prévu A partir du 6 juin. Elle avait dkjà été réduite de 34 1i II matches. 11
fut annoncé en même temps qu’il n’y aurait plus d’autres échanges de tournkes
entre l’Afrique d u Sud et le Royaume-Uni ((jusqu’i ce que le cricket sud-
africain soit joué et les équipes sélectionnées en Afrique d u Sud selon des
critéres multiraciaux)). Ce communiqué, qui visait à calmer l’opinion publique,
ne réussit qu’à accroître encore son hostilité à cette tournée. Car, se demandait-
on, si on ne veut plus jouer à l’avenircontre une équipe qui a été sélectionnée en
fonction de la race, pourquoi jouerait-on contre celle-ci? Face aux pressions
considérables qu’exerçaient toutes sortes d’organisations et de personnes, le
gouvernement fut obligé d’intervenir.et le Cricket Council annula la tournée le
32 mai. Le principal objectif de la campagne contre cette tournée avait été
atteint.
U n e autre campagne eut lieu à propos de la participation de l’Afrique d u
Sud aux Jeux olympiques.
Afrique du Sud 136
L a ségrégation de l’apartheid
Les Sud-Africainsveulent i tout prix qu’on les considère c o m m e un peuple de
tradition européenne. Les Blancs anglopliones ont les yeux tournis vers Londres
et les Afrikaners regardent en direction de Paris et d’Amsterdam. Ils cherchent i
avoir cles contacts avec l’Europe afin de rompre l’isolement géographique et
moral de l‘Afrique du Sud blanche. C’est là une réaction bien humaine, ct cela
est aussi nécessaire i l’idéologie de l’apartheid; la prétention qu’émettent les
partisans de l’apartheid de constituer l’avant-postede l’Europe en Afrique doit
être justifiée par la reconnaissance. de la part de l’Europe,de leur place dans le
courant de la culture européenne.
6 Quand
de tels hommes
se révoltent..
Nelson Mandela
Nelson Mandela est né en 1918 près d’Umtata,au Transkei. I1 était le fils aîné
d’un chef tembu. Le chef suprême de cette ethnie se chargea de son éducation
lorsque Mandela perdit son père, à l’âge de douze ans; mais, peu après,
Mandela s’enfuitpour Johannesburg afin d’éviterun mariage tribal.A seize ans,
il commença à étudier au Collège universitaire de Fort Hare en vue d’obtenir
par correspondance un diplôme de lettres de l’université du Witwatersrand et
son ami Walter Sisulu l’incita à faire des études de droit. I1 fut engagé comme
stagiaire dans une étude d’avoués blancs de Johannesburg,puis il accéda aux
fonctions d’avoué et commença à exercer en association avec Oliver Tambo,
lequel devait devenir président général par intérim de 1’African National
Congress (ANC).
Mandela contribua à la création de la Ligue de la jeunesse de I’ANCet
préconisa, à partir de 1949,l’adoption d’une politique plus active. I1 joua un
rôle important dans la campagne de désobéissance aux lois, en 1952,et fut un
des inculpés du ((procèsen trahison)).
Mandela,qui agissait toujours en contact avec son peuple et organisait les
volontaires de l’ANC((à la base)), acquit une influence particulièrement impor-
tante lorsque l’ANCfut interdit en 1960 et dut passer dans la clandestinité.I1
quitta son foyer,son bureau,sa femme et ses enfants pour vivre en hors-la-loi
politique et devint célèbre sous le surnom de ((Mouron noir)). C’est au nom de
Nelson Mandela que fut lancé en 1961 l’ordre de grève visant à protester contre
la déclaration de la république; c’est aussi lui qui fut nommé secrétaire du
Conseil national d’action qui venait d’êtrecréé.
En 1961,il assista à Addis-Abéba à la conférence du Mouvement panafri-
cain pour la liberté de l’Afrique orientale et centrale. I1 fut reçu par de hautes
personnalités africaines et visita des camps militaires d’entraînementen Algérie
et dans d’autrespays.
Dès la création de 1’Umkontowe Sizwe,l’organisationmilitaire de I’ANC,
en 1961,Mandela en fut nommé commandant en chef.
Dix-septmois après être entré dans la clandestinité,Mandela fut trahi par
Quand de tels hommes se révoltent... 141
Abram Fischer
Abram Fischer fut condamné i la prison A vie en mai 1966 pour sabotage.
Quelques rares Blancs s’étaient ouvertement opposés A l’apartheid et Fischer
devait symboliser leur dilemme,comme il devait heurter la susceptibilité de la
nation afrikaner aux yeux de laquelle il avait «trahi».11 était issu d’une famille
installée en Afrique du Sud depuis le XVIII‘ siècle et ses ancêtres avaient
participé aux guerres d’indépendance des Boers de 1881 et de 1889-1901.Fils
d’un président de tribunal et petit-fils d’un ancien premier ministre de l’État
libre d’orange, Rhodes Scholar, diplômé d’Oxford et membre éminent du
barreau,Fischer avait assisté i l’évolutionde la législation sud-africainedepuis
la loi sur l’interdictiondes mariages mixtes, peu après l’arrivéedes nationalistes
au pouvoir.jusqu‘à la loi sur le sabotage des années soixante.Il avait été l’un
des avocats de la défense au procès en trahison et il avait dirigé celle du procès
de Rivonia,pour ne prendre que deux exemples dans une longue série d’affaires
analogues.Peu avant d’êtrearrêté,Fischer était devenu le doyen du Barreau de
Johannesburg.
Pendant toute sa carrière,Fischer fut membre du Parti communiste,auquel
il avait adhéré lorsque ce parti fut interdit en 1950;car il le considérait comme
le seul parti dont l’oppositionii la domination blanche fût cohérente et suivie.I1
fut arrêté en septembre 1964 et accusé,en compagnie de douze autres Blancs,
hommes et femmes,d’appartenir au Parti communiste interdit. Les autres
inculpés furent condamnés à des peines d’un an A cinq ans de prison. Fischer fut
mis en liberté provisoire sous caution pour pouvoir assurer la défense A un
procès qui était resté longtemps en suspens en Rhodésie du Sud et qui avait été
renvoyé devant le Conseil privé. En présentant au tribunal sa demande de
liberté provisoire, Fischer avait déclaré: ((Je suis Afrikaner. M a patrie est
l’Afrique du Sud. Ce n’est pas parce que mes convictions politiques sont en
désaccord avec celles du gouvernement que je quitterai le pays.n
I1 gagna son procès et revint en Afrique du Sud. 11 disparut de chez lui
quelques mois plus tard,le 35 janvier 1965.et expliqua,dans une lettre que son
avocat lut au tribunal,qu’ilpassait dans la clandestinitéafin de poursuivre son
action contre l’apartheid.
((Si mon combat, expliquait-il.pouvait inciter ne serait-ce que quelques
personnes à comprendre et à abandonner la politique qu’elles suivent actuelle-
ment avec un tel aveuglement,je ne regretterais pas -lasanction que je peux
encourir,quelle qu’ellesoit.
)>Sil’ensemble de ce régime intolérable n’est pas radicalement et rapide-
ment modifié, il se produira certainement un désastre: un effroyable bain de
Afrique du Sud 142
Albert Luthuli
Le chef Albert John Mvumbi Luthuli -professeur, chef et dirigeant politique
du peuple sud-africain-est né en 1898 près de Bulawayo,en Rhodésie, où son
père était allé comme évangéliste.
Après avoir terminé ses études à l’École normale supérieure,il enseigna de
1921 à 1935 à l’École normale d’Adams College. Pendant cette période, il fut
nommé secrétaire de l’Association des enseignants africains du Natal et de la
Fédération sud-africainenon raciale de football,et il fonda la Société culturelle
et linguistiquezouloue.
I1 accepta en 1935 d’être nommé chef de la réserve de mission Umvoti de
Groutville,cédant aux sollicitations répétées des anciens de cette tribu. I1 fut élu
peu après président de l’Associationdu Natal et du Zoulouland et de l’Associa-
tion des réserves de mission. I1 fit partie du Conseil mixte des Européens et des
Africains de Durban et fut membre de l’Institut des relations raciales. I1 fut
aussi élu au bureau du Conseil chrétien d’Afrique du Sud et il participa en 1938
à la Conférence internationale des missions de Madras.
Son entrée dans la vie politique remonte à 1945,date à laquelle il adhéra à
1’ANCdu Natal.Ayant été élu au Conseil représentatif des indigènes en 1946,il
s’associa à ses collègues africains pour proposer que le conseil suspende ses
activités jusqu’à une date indéterminée,en signe de protestation contre les lois
discriminatoires.
I1 fut amené à participer activement à la lutte contre l’apartheid lorsqu’il
fut élu président de I’ANCdu Natal en 1951. Lorsqu’il entraîna ce territoire
dans la campagne de désobéissance aux lois injustesen 1952,le gouvernement le
mit en demeure de choisir entre son activité à I’ANCet ses fonctions de chef.
C o m m e il refusait d’abandonner l’une et l’autre de ces charges, il fut révoqué
par le gouvernement en 1962. Le mois suivant, il fut élu président général de
l’ANC, poste qu’il devait conserverjusqu’àsa mort tragique,le 21 juillet 1967.
Pendant les quinze années qu’il passa à la présidence de I’ANC,le chef
Luthuli dirigea de nombreuses campagnes pacifiques et non violentes. I1
s’efforça de rassembler tous les adversaires de l’apartheid - qu’ils fussent
Quand de tels hommes se révoltent... I43
BOTSWANA
NAMIBIE
gReho I
RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE
\L
Répartition des terres en Namibie. ED BANTOUSTANS
1 Historique
doivent se trouver à plus de 500 yards (457 mètres) des villes blanches. La
Bande du Caprivi est un couloir reliant la Namibie au point où le Zambèze
forme la frontière entre le Botswana,la Zambie et la Rhodésie (voir la carte).
C’est une zone aride qui n’a que 32 kilomètres de large sur presque toute sa
longueur. Dans sa partie orientale, qui est peuplée, se trouve la grande base
militaire et aérienne de Katime Mulilo, qui constitue un élément des lignes de
défense septentrionales de l’Afrique du Sud et qui est aussi la cible de nom-
breuses attaques de guérilleros.
2 L’économie
Les minéraux
L a société D e Beers Consolidated Mines of South Africa Limited. qui a une
concession de 96 kilomètres de large sur 335 de long dans la région côtière.
réalise un bénéfice net d’environ 25 millions de livres par an et ;I la haute main
sur 90°4 de la production des diamants. Celle-ci représente en valeur plus de la
moitié de l’ensemble des minéraux extraits du sol et rapporte ii l‘État quelque 15
millions de livres en droits et impots (soit plus de deux fois le montant des
dépenses qu’il consacre ii l’ensemble des services destinés aux Africains. y
compris l‘fducation). O n a estimé ~ L I ’ L ~ L Irythme actuel de l‘extraction, les
réserves diamantifères pourraient être épuisées en 1980. Environ 80”/0 de la
production totale des mines de cuivre,de plomb, de ~inc.de cadmium, d’argent.
d’étain, de vanadium, de béryllium et de lithium sont fournis par la socii-té
Tsumeb, dans laquelle des firmes étrangères détiennent d’importantes participa-
tions. Entre 1947 et 1966,la valeur brute des minéraux métalliques extraits par
la Tsumeb s’est élevée i plus de 350 millions de livres sterling.
La prospection continue ii un rythme sans précédent. E n 1969, les 85
concessions qui avaient été accordées couvraient 4 millions d’hectares. dont la
totaliti.des 1390 kilomètres de côtes. L a mine d‘uranium de Rossing. près de
Walvis Bay. constitue une grande réalisation. L’Autorité britannique de l’éner-
gie atomique s’y procurera au cours des années soixante-dixpour 45 millions de
livres de minerai.
L a quasi-totalité des entreprises minières se trouve en dehors des (< réser-
Namibie 150
L’agriculture
La Namibie fournit près de la moitié de la production mondiale de caracul
(l’astrakanqui est utilisé pour les fourrures de luxe) et en exporte pour plus de
12 millions de livres sterling par an vers la République fédérale d’Allemagne,
l’Italie,la France,les États-Unisd’Amérique et les pays scandinaves.Les peaux
sont pour la plupart vendues aux enchères à Londres. Le climat sec de la
Namibie convient au mouton caracul,dont l’élevage se fait dans des domaines
appartenant à des Blancs, au sud de Windhoek (les Namibiens occupant rare-
ment des emplois plus lucratifs que ceux de berger et d’ouvrier agricole).
La Namibie vend à l’Afrique du Sud de la viande de bœuf et de mouton
congelée ou en conserve,ainsi que du bétail sur pied, des peaux et de la laine.
Les ventes de bétail des ((réserves)), où la santé du cheptel laisse beaucoup à
désirer,représentent moins de 1 YOdu total.
L a pêche
Walvis Bay et Lüderitz exportent chaque année pour 25 millions de livres
sterling environ de produits de la pêche -conservesde poisson,aliments à base
de poisson et huile de poisson. Le volume total des prises s’élève à plus de
1 million de tonnes par an (essentiellement de sardines, de langoustes, de
barracudas et de morues). De nombreux bateaux étrangers pêchent au-delà des
12 miles des eaux territoriales. Le secteur de la pêche n’emploie que 3000
personnes environ et la majeure partie des bénéfices qui y sont réalisés va à
l’étranger.
L e tourisme
Les Sud-Africainssont si nombreux à venir visiter les divers sites spectaculaires
de la Namibie -des gorges de la Fish,au sud,à la réserve d’animaux d’Etosha
Pan, au nord - que les revenus que l’État sud-africain tire du tourisme
pourraient dépasser ceux que lui rapporte le secteur de la pêche. La participa-
tion des Namibiens à l’activitétouristique se limite aux emplois domestiques.
Les salaires
L’Institut sud-africain des relations raciales a constaté, en 1967, un ((large
écart)) entre les rémunérations des Blancs et celles des Noirs et il a fait observer
qu’il devait être extrêmement difficile - voire impossible - pour les Noirs
d’acheter une nourriture convenable. Les mineurs africains recrutés sous
L’économie 151
L’éducation des Africains de Namibie est régie par la loi sur l’éducation ban-
toue. Les dispositions et l’application de cette loi ont été exposées dans la
première partie du présent ouvrage.
Les statistiques de 1972 montrent qu’en Namibie les autorités des home-
lands gèrent peu d’écoles (7 sur 423,contre 1 sur 10 en Afrique du Sud). Pour
les écoles d’agriculture (créées par les agriculteurs blancs à l’intention de leurs
employés), la proportion est encore plus faible (4 sur 473, contre 1 sur 4 en
Afrique du Sud). Les établissements scolaires sont pour la plupart des écoles
communales.Les chiffres suivants,qui reposent sur les statistiques de 1973,sont
tirés du numéro de mars 1974 du Bantu education journal, publié par la Répu-
blique sud-africaine.
Catégories d’établissement.Élémentaire, 243; primaire (1”‘ cycle), 30; primaire
(2’cycle), 207;secondaire, 8;technique, O; normal, 6;professionnel, 4;
école spéciale,1.
Autorités administratives. Nationale ou territoriale, 12; communale,443; agri-
cole, 4; minière, O; industrielle, O; Église catholique, O; autres écoles
confessionnelles et privées,32.
Les dépenses consacrées aux élèves noirs ne représentent que le tiers de celles
qui sont consacrées aux élèves blancs (bien que les Noirs soient sept fois plus
nombreux). Cela correspond aux proportions observées en Afrique du Sud.
A u total donc,en 1972,98,18% des élèves africains fréquentaient les écoles
primaires, 75,68% d’entre eux se trouvant dans les classes correspondant aux
quatre premières années.
Les effectifs de la classe enfantine A à la classe primaire II représentaient
75,68% des élèves africains (contre 66,89% en Afrique du Sud); ceux des classes
primaires III à VI constituaient 22,5% de l’effectiftotal (contre 27,98%), ceux
des classes secondaires I à III, 1,67O/0 (contre 4,65%) et ceux des classes
secondairesIV et V,0,15% (contre 0,48%).
Le nombre des élèves des établissements de formation pédagogique élémen-
taire représente 88,54% des effectifs des écoles normales de Namibie (contre
83,06% en Afrique du Sud), et celui des élèves de l’enseignement normal
primaire 11,46% (contre 16,94% en Afrique du Sud).
L’éducation 153
hoinhre
d,S,è\.e~ Puuricntagc
Comparées aux siècles qui les avaient précédées, les trente années de colonisa-
tion allemande paraissent bien courtes. L a culture des Allemands, leur sens
moderne de J’efficacitéet leur attitude autoritaire les firent se heurter A l’ordre
social que les Namibiens étaient en train d’instaurer. et aboutirent presque
l’élimination de sections entières de cette communauté hétérogène.
Lorsque les missionnaires allemands arrivèrent, au cours des années 1840,
le commerce de la Naniibie était déjà très important - bétail, ivoire, guano
(récolté dans les îles) et cuivre.
Le conflit qui opposait les groupes namas, dirigés par Jonker Afrikander et
Namibie 156
Les colons allemands n’avaient apparemment pas prévu que les Africains se
rkvolteraient contre la suprématie européenne. la colonisation allemande et la
réduction de la population au rang d’une main-d’œuvre servile. Mais en
s’appropriant les terres des Hereros et des Namas, dont toute l’économie
reposait sur l’élevage.les colons allemands les avaient automatiquement appau-
vris. La colonisation et la religion chrétienne avaient sapé les institutions poli-
tiques des indigènes et les fondements du culte de leurs ancètres. et aux motifs
de ressentiment contre la conquête coloniale s’ajoutait la discrimination écono-
mique et raciale.
Après la révolte, ce furent les autorités militaires qui prirent le commande-
ment et non l’administration civile. Von Trotha, qui avait participé à l‘écrase-
ment de la révolte des Boxers, considérait les combats de Namibie c o m m e une
guerre raciale dont la seule solution était l’extermination. Mais tous les Alle-
mands ne partageaient pas son avis. Le Kaiser le releva de son commandement
en novembre 1905 et le chancelier allemand décréta que les proclamations du
général constituaient une atteinte aux principes mêmes de In morde humaine et
chrétienne. Les colons eux-mêmes avaient tout d’abord été favorables à von
Trotha, mais, A mesure que la guerre se déroulait. ils se mirent à craindre de
plus en plus que sa politique d’extermination ne les privat des moyens mêmes de
prospérer,c’est-à-dired’une main-d’œuvreafricaine abondante et peu coûteuse.
Tout ce que les colons désiraient.c’est une société dans laquelle leur suprématie
et leur fortune seraient assurées. 11s ne voulaient pas de l’État <<blanc>> de von
Trotha et ils n’étaient pas non plus favorables Li l’idée,avancée en Allemagne,
de cri-er un État africain si-paré car ces deux solutions auraient abouti à
~
renverser le système des rapports sociaux entre eux et les indigènes. Ils étaient
partisans d’atténuer les projets de von Trotha. par souci d’humanité, et de
rétablir l’autoritédes colons. pour des raisons politiques.
Leurs craintes étaient justifiées. La majorité d u Reichstag était d’avis qu’il
fallait laisser aux Hereros les territoires qui leur appartenaient,mais cette idée se
heurta aux objections juridiques du Ministère allemand des colonies. Le gou-
vernement allemand et les colons approuvèrent les décrets assurant la supréma-
tie des Européens et la sujétion des indigènes. Les Hereros ayant été ((pacifiés))
et les colons ne redoutant plus guère une autre grande révolte africaine, les
divergences entre ces derniers et le Ministère des colonies s’accentuèrent. Après
le démantèlement de la société tribale africaine,les colons estimèrent qu’il fallait
instituer un régime semi-féodal fondé sur des exploitations agricoles apparte-
nant A des Européens. Dans ce système, les Africains auraient constitué une
main-d’œuvre servile,qui n’aurait gut‘re été autorisée à changer d’employeurset
aurait été mal nourrie de façon à ne pas devenir trop ((intrépide)), tandis que les
agriculteurs européens auraient disposé d’un pouvoir de chitiment absolu, y
compris le droit de punir par le fouet.
Bley fait observer que :
G L a politique allemande dans le Sud-Ouest africain a continué à reposer
sur l’assujettissement des Africains en tant que classe ouvrière. Son principal
objectif était de permettre aux colons allemands de renforcer leur position.
Cette politique fut déterminée par les structures agraires du territoire colonial et
elle ne changea pas m ê m e lorsque les revenus tirés des industries d u diamant et
du cuivre couvrirent la totalité du budget... L’octroi de l’autonomie,c o m m e le
Namibie 158
anciens maîtres et qu’on ne décidera pas non plus du sort de l’Afrique orientale
allemande sans tenir compte des vœux des dirigeants de l’Union.) )
La question des colonies fut abordée après la guerre de diverses façons.Le
président des États-Unis,W.Wilson, se prononça pour une paix sans annexion
territoriale. Smuts proposa que l’Afrique du Sud annexe les colonies des vain-
queurs,y compris le Mozambique et le Congo belge,auxquelles serait ajoutée la
colonie du Sud-Ouest africain prise à l’Allemagne vaincue. L’opinion britan-
nique était divisée. Certains appuyaient la demande d’annexion sud-africaine.
D’autres,dont le chef de file était Lloyd George,partageaient l’avis des États-
Unis, à savoir qu’il ne devait pas y avoir d’annexion et que «la volonté et les
vœux des populations devaient constituer le facteur déterminant)). Le Parti
travailliste était partisan de mettre fin au colonialisme européen et de confier
l’administration des territoires à un organisme supranational (qui aurait sans
doute été la Société des Nations). Le gouvernement britannique était favorable
à la politique américaine d’autodétermination - comptant que les intéressés
n’opteraient pas pour l’indépendance,mais exprimeraient le désir de vivre sous
l’administrationbritannique.Le peuple namibien ne fut en fait jamais consulté
à ce sujet. Le rapport officiel britannique sur les atrocités allemandes fut
considéré comme une preuve suffisante de la bonne foi des Britanniques et des
Sud-Africains,ainsi que de la brutalité des Allemands et -bien qu’il n’y eût
guère de relation logique entre ce fait et les précédents -de l’acceptationde la
suzeraineté sud-africainepar les Namibiens. Smuts avait proposé l’établissement
de mandats sur ces territoires et le régime des mandats allait devenir un élément
important du système de la Société des Nations.
A la Conférence de Versailles, en 1919, les colonies allemandes furent
placées sous le mandat de puissances voisines ou européennes,avec des statuts
divers. U n mandat de la catégorie «C» fut confié à «Sa Majesté britannique
pour le compte et au nom du gouvernement de l’Union sud-africaine)) (qui
faisait encore partie de l’Empire britannique). Le territoire devait être admi-
nistré comme faisant «partie intégrante)) de la puissance mandataire, laquelle
s’engageaità ((promouvoir dans toute la mesure du possible le bien-être maté-
riel et moral ainsi que le progrès social des habitants)). Ce système des mandats
fut présenté dans le Pacte de la Société des Nations (article 22) comme une
((mission sacrée de civilisation)). Pendant les vingt années qui suivirent, la
Société des Nations reprocha à maintes reprises à l’Afrique du Sud de manquer
à cette ((mission sacrée)).
Les anciennes lois allemandes relatives aux a indigènes)) furent en général
maintenues et étendues.Le système discriminatoire d’enseignement fut laissé en
place et celui des laissez-passerresta en vigueur,de même que le travail obliga-
toire et l’usage allemand d’utiliser les condamnés comme main-d’œuvre.Les
Africains continuèrent d’être arrêtés pour des délits comme celui d’insolence.
Les employeurs blancs avaient pouvoir d’arrêter les Africains. Certains
membres de la Commission du mandat, qui avaient considéré que ces pratiques
n’étaient qu’un aspect de la mauvaise administration allemande, en furent
scandalisés: ils constatèrent que les Africains n’étaient encore là que pour
fournir une main-d’œuvrepeu coûteuse aux mines et aux fermes des Blancs.
O n continua donc de s’emparer des terres, au bénéfice, cette fois, d’un
afflux de colons sud-africains.Les peuples du nord furent maintenus dans
L a relève sud-africaine 161
La vieille formule boer selon laquelle il n’y aura d’«égalité ni dans l’Église ni
dans l’ÉtatD a pris force de loi à l’arrivée au pouvoir du gouvernement afrikaner
nationaliste en 1948.La politique de l’apartheid,qui vise à séparer les Noirs et
les Blancs dans tous les domaines de la vie et à asseoir à jamais l’autoritédes
Blancs sur les Noirs, fut dûment inscrite dans la législation de la Namibie. Les
pouvoirs administratifs du gouvernement sud-africain sur le territoire furent
renforcés et le Ministère des affaires bantoues plaça la Namibie sous l’autorité
centralisée dont relèvent tous les Africains sur le territoire de la république.
Bien que le gouvernement prétendît respecter le mandat des Nations Unies,
les lois de l’apartheidfurent appliquées,qu’il s’agît des ((régions de groupe»,de
l’éducation bantoue, de la ((régulation de l’afflux)) des Africains, de la répres-
sion du communisme ou de l’abrogation de la primauté du droit. La politique
des homelands exclut les Africains de la richesse,de la prospérité et du pouvoir
politique en Afrique du Sud,en échange forcé d’un septième du territoire,celui
qui est le plus dépourvu de richesses et de ressources.La Namibie est régie par
une loi particulière dite «des nations indigènes)) qui n’instituepas moins de neuf
homelands, situés pour la plupart en dehors des zones des bonnes terres de
culture et de piiturage.
Des milliers de Namibiens ont déjà perdu leur foyer et ont été transférés à
de grandes distances.
C’est ainsi, par exemple, que les habitants noirs de Windhoek ont été
dépouillés de leurs droits de propriété perpétuelle et transplantés dans une
localité rigoureusement réglementée,à quelques kilomètres de la ville. En 1959,
la police a tiré à Windhoek sur des manifestants qui protestaient contre ce
transfert: il y eut 12 morts et 50 blessés. Ce fut un événement d’importance
capitale de la période agitée 1959-1961,qui vit la naissance d’un nouveau
mouvement militant de libération,mouvement national ne tenant pas compte
des barrières tribales que la politique sud-africainevise à renforcer.
L‘apartheid a été imposé dans un climat d’exploitation croissante. Les
agriculteurs boers qui n’avaientpas de terres furent heureux de trouver asile en
Namibie lors de la crise économique qui précéda la guerre. Les nouveaux
emplois qui furent créés dans l’administration et dans les chemins de fer en
L'apartheid et les (<homelands» 165
firent venir beaucoup d'autres. Les autorités ne s'étaient pas encore rendu
compte. A l'époque. des immenses ressources que recélait le sous-soi.Aujour-
d'hui. la Namibie n'est pas seulement considérée c o m m e indispensable sur le
plan stratégique. elle est aussi la source de grandes richesses --- qui sont toutes
exploitées aux dépens de sa population indigène.
Les diamants. le cuivre, l'uranium. toute une g a m m e d'autres minéraux. la
pêche le long des 1360 hilométres de cGtes, les peaux de caracul (astrakan)et le
bétail font la fortune d'investisseurs sud-africainsou d'autres nationalités. Beau-
coup de ces derniers sont ressortissants d'États membres de l'organisation dès
Nations Unies, lesquels répugnent pour cette raison A prendre les mesures qui
seraient peut-être nécessaires pour empêcher l'Afrique d u Sud de défier l'auto-
rité de l'organisation internationale.
Le South West Africa Affairs Act (loi sur les affdires du Sud-Ouest afri-
cain) de 1969 a permis au gouvernement sud-africain d'accroitre son pouvoir
sur la Namibie en matière de justice et de prisons, d'armes et d'explosifs, de
main-d'ceuvre. d'approvisionnement en eau. de services postaux. de telégraphe
et téléphone,de radio. de mines. d'agriculture. de pêche, d'édition, de spectacles
et de relations raciales. U n e emblée législative composée exclusivement de
Blancs est chargée de certains secteurs de l'administration et de la justice, ainsi
que de l'éducation et des services sociaus et siinitaires destines ;IUX Blancs, des
autorités locales,des routes et des autres travaux dans les régions blanches. Les
iinphts sur les sociétés, les redevances sur les diamants et les taxes minières
doivent maintenant être payés directement au gouverneinent sud-africain.
Cette loi a pratiquement incorporé la Namibie ;I l'Afrique du Sud.
Le Development of Self-Government for Native Nations of South-West
Africa Act (loi sur l'évolution des nations indigènes du Sud-Ouest africain vers
l'autonomie) prévoit la création de ((nations))séparées, dont chacune aura soil
conseil législatif.L a première A être instituée fut l'Ovamboland, en 1969.
Ces deux lois ont été élaborées conformément aux recommandations de la
Commission Odendaal. selon lesquelles un Iiol~irlcnitldevrait être attribué A
chaque groupe de population, le gouvernernent sud-africainassumant une partir
des responsabilités du conseil législatifblanc. La commission avait recommandé
la création de dix hon~eltnzdsjouissant d'une certaine indépendance politique.
Mais les structures économiques d u territoire devaient être maintenues et l'auto-
rité devait. en dernier ressort. rester dans tous les doniaines aux mains du
gouvernement sud-africain.Étant donné qu'un certain nombre de groupes ne
disposaient d'aucune réserve et que. d'autre part. de nombreux Hereros et
N a m a s vivaient en dehors des leurs, il fallait affecter des terres supplémentaires
aux Africains. L a commission avait proposé que la superficie totale des Iioiiic-
ImitLs africains soit finalement portée ?i 39,6%, du territoire, celle des régions
blanches étant réduite ii 44,1°41.A u moment où cette comniission présenta son
rapport. en 1964, la population blanche comprer,ait 73 464 persofines (qui
c1evaier.t recevoir 43.1 ",(I dcs terres) et la population noire 452540 personnes
(auxquelles seraient attribuées 39,6"/0 des terres).
Ces recommandations de la commission impliquaient d'importants trans-
ferts de populations. Si elles étaient intégralement suivies. 74"'" des Hereros
devraient etre déplacés. ainsi que 87'4 des Namas. 97OL des Damaras et 95",'0
des Boschimans.
Namibie 166
TABLEAU
2. Effectifs de chaque groupe de population africaine et population actuelle de
chaque homeland (mai 1970)
Ce sont des chefs traditionnels comme Hosea Kutako et Samuel Witbooi qui
poursuivirent la lutte intérieure après la deuxième guerre mondiale. Après la
première guerre mondiale, lorsque la Société des Nations était apparue comme
impuissante à imposer à l’Afriquedu Sud le respect de ses décisions, c’étaient
les structures tribales et les Églises qui,dans les territoires herero et ovambo en
particulier,avaient canalisé le mouvement de mécontentement.
Les nouveaux gouvernements qui succédèrent aux régimes coloniaux en
Afrique et en Asie,le puissant bloc des pays afro-asiatiquesaux Nations Unies
et la prise de conscience d’une entité africaine cohérente incitèrent la Namibie à
rechercher de nouvelles méthodes de lutte politique.
Les mouvements locaux qui virent le jour à la fin des années cinquante
s’allièrentrapidement aux partis nationaux. Le travail préparatoire d’organisa-
tion était fait en dehors de Namibie par des ouvriers émigrés au Cap lorsque la
surveillance de la police de sécurité (en particulier celle qui fut exercée après les
fusillades de Windhoek en 1959) gênait l’action des responsables locaux, qui
furent souvent mis en état d’arrestationà domicile,exilés ou incarcérés sous des
inculpations spécieuses.
Les Namibiens qui avaient fui leur pays ,pour poursuivre des études à
l’étrangers’allièrentaux réfugiés politiques et, malgré des divergences d’opinions
entre eux,s’unirentpour adresser des pétitions aux Nations Unies, après que la
Cour internationale eut accepté d’entendreles pétitions orales individuelles.
Des délégations des nouveaux partis plaidèrent avec insistance la cause
namibienne aux réunions de l’organisation de l’unitéafricaine dès que celle-ci
fut créée en 1963,ainsi qu’à beaucoup de conférences internationales.Après que
la Cour internationaleeut refusé de statuer sur l’affaireen 1966,l’undes partis,
l’organisationpopulaire du Sud-Ouest africain (SWAPO), dont les dirigeants
s’étaientexilés en Tanzanie,fit savoir qu’il n’attendraitplus les délibérations de
la communauté internationale. Ses guérilleros lancèrent une attaque en
août 1966 dans le nord de la Namibie et,en dépit de revers initiaux et de contre-
offensives sud-africaines,l’opérationse poursuivit.
L’un des fondateurs de la S W A P O ,Herman Toivo ja Toivo,figurait panni
les 38 Namibiens,tous membres de ce parti,qui furent jugés en 1968 à Pretoria
La résistance 169
rémunérés par l’État,sont convaincus que l’Afrique du Sud ne cédera pas et que
la seule solution possible est de transiger avec le pouvoir sud-africain et avec
l’apartheid. Mais cette attitude ii l’égard de l’apartheid est moins répandue en
Namibie qu’en Afrique du Sud. Personne n‘ignore que presque tous les pays d u
monde ont condamné l’occupation sud-africaine. ((L’Afrique du Sud pourra-
t-elle éternellement empêcher le monde entier de nous rendre notre pays‘?)), se
demandent les Namibiens. L’impuissance de l’organisation des Nations Unies
modifier la situation incite d’autre part à un certain scepticisme. Mais l’avis
consultatif émis en 1971 par la Cour internationale, selon lequel l’occupation
sud-africaineest illégale, a eu un grand retentissement et l’Afrique du Sud n’a
pas pu empêcher la diffusion d’informations sur les protestations d’étudiants ni
sur les pétitions qui ont été adressées aux chefs de tribu et dirigeants de
Bantoustan.
A la fin de 1971, un vaste mouvement de mécontentement se produisit
contre le système du travail sous contrat. qui est une des clefs de voute de
l’apartheid en Namibie. Tout Namibien cherchant 1i quitter soil iio/iic~koitlpour
travailler en région blanche dans des mines ou dans l’industrie doit au préalable
déposer une demande à la South West African Nativc Labour Association
(SWANLA)[Association de la main-d’ceuvre indigène du Sud-Ouest africain],
qui classe les travailleurs en catégories d’après leur age, leur état de santé et
d’autres critères, avant de les mettre à la disposition d’un employeur. Le
demandeur d’emploi n’a pas d’autre choix ct il lui faut signer un contrat qui
l’engage pour une période de douze ii dix-huitmois. I1 n’a pas le droit d’emine-
ner sa famille avec lui et il est logé dans un camp pendant la durée de son
contrat. U n ouvrier de la catégorie <<A» gagne en général un peu plus de 4 livres
sterling par mois et un mineur un peu plus de 5 livres.
C’est à la suite de la décision de la Cour internationale de 1971 que le
mécontentement commença ii se manifester. U n e grève, qui semble avoir été
déclenchée par des employés municipaux de Windhoek le 13 décembre, gagna
rapidement les mines. A la mi-janvier 1973,20000 ouvriers avaient cessé le
travail et l’économie du pays s’en trouva réellement paralysée. Si les grévistes
étaient pour la plupart des ouvriers originaires de I’Ovamboland,c’est parce que
les ouvriers sous contrat sont en majorité des Ovambos, mais la population
d’autres régions du pays soutint le mouvement.
Le ministre sud-africain de l’administration bantoue tent& d’obtenir des
grévistes qu’ils reprennent le travail en proposant de discuter avec le Conseil
législatif de I’Ovamboland de l’avenir d u système de travail sous contrat. Cette
démarche n’ayant pas eu de résultat, les autorités eurent recours à des méthodes
plus sévères. Douze hommes soupçonnés d’etre des meneurs furent accusés
d’avoir empèché par la force les ouvriers de travailler. Cela n’eut pour résultat
que de renforcer 13 résolution des grévistes et de ceux qui les soutenaient. I1 ne
fut pas possible de trouver d’autres ouvriers pour remplacer les grévistes qui
avaient été licenciés et reconduits dans leurs hon~rImcl.set il y eut. dans de
nombreux points, des rnanifcstations et des meetings de solidarité avec les
grévistes.
Finalement, l’état d‘urgence fut décrété dans le nord de la Namibie, assorti
d’une censure totale des informations. O n croit savoir pourtant que des heurts
extrêmement violents se produisirent. et qu’ils se soldèrent par plusieurs morts
Namibie 172
des deux côtés. Bien que beaucoup d’ouvriers aient été obligés de reprendre le
travail,la situation de l’emploin’était pas encore redevenue normale un an plus
tard et il continuait d’y avoir des grèves perlées. Cela eut pour effet de réduire
considérablementles marges bénéficiaires des sociétés en question.Les autorités
peuvent se dire que,techniquement,elles ont emporté la décision;mais elles ne
peuvent plus ignorer l’effervescenceque le mécontentement entretient parmi les
Africains.
Neuf mouvements d’opposition,dont la S W A P O , les Rehoboths et la
S W A N U ,constituèrent une Convention nationale qui organisa le premier grand
rassemblement politique de l’histoire de la Namibie. Ce meeting eut lieu au
camp de Katatura,à Windhoek,le 18 mars 1973,juste avant que M.Vorster ne
vînt présider la première réunion du Conseil consultatif du Sud-Ouestafricain
mis en place par le gouvernement.La S W A P O manifesta activement son hosti-
lité à ce conseil. En août 1973, une manifestation fut organisée à Katatura
contre la visite de M.Vorster, qui venait assister au congrès du Parti nationa-
liste du Sud-Ouestafricain.Des chars encerclèrent les lieux et un manifestant
fut tué.
En novembre 1973,la nouvelle forme que prit la répression illustra l’inten-
sification de l’agitationpolitique en Namibie.Plus de cent personnes qui avaient
été arrêtées par la police sud-africainefurent remises aux autorités tribales pour
être fouettées en public. Le gouvernement sud-africainjustifia cette action en
disant qu’ils’agissaitd’un retour à une ancienne tradition tribale.
Le 16 novembre 1973,trois membres du Mouvement de jeunesse (Youth
League) de la S W A P O ,dont le président et le vice-présidentde ce mouvement,
furent déclarés coupables d’infractions à la loi sur le sabotage et condamnés à
huit ans de prison. En décembre 1973,la S W A P O tint une conférence de trois
jours en Namibie.Le gouvernement intensifiases représailles en 1974.Parmi les
personnes qui furent arrêtées se trouvait Meroro, président de la S W A P O ,ainsi
que le secrétaire adjoint de ce parti et le président en exercice du Mouvement de
jeunesse,entre autres. Tandis qu’une intense activité politique se poursuit dans
l’ensemblede la Namibie, l’augmentation du nombre des arrestations montre
l’inquiétudedes autorités sud-africaines.
I1 convient de souligner,en conclusion,que l’un des objectifs essentiels des
mouvements de libération ainsi que de la majeure partie de l’opposition est
l’indépendancede la Namibie dans son intégralité territoriale et non pas l’« in-
dépendance))de ((nations))indigènes séparées.
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[A 151 SHC.74/D.
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