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LES STYLES DE DELEUZE
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INTRODUCTION
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LES STYLES DE DELEUZE
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INTRODUCTION
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LES STYLES DE DELEUZE
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INTRODUCTION
Il
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INTRODUCTION
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Que tous ceux qui ont accompagné un temps la réalisation de cet « agencement
collectif d'énonciation» en soient ici remerciés. Lattention de David Fournier et
l'amitié de Jean-Claude Dumoncel ont été déterminantes dans la constitution du
volume. Je remercie Fanny Deleuze ainsi qu'Arnaud Villani pour l'autorisation de
publication des lettres inédites de Gilles Deleuze; sans oublier René Schérer, venant
avec sa liberté de ton et de conclusion apporter un vif témoignage en écho à cet
ensemble d'études. Que Benoît Peeters et l'équipe des Impressions Nouvelles soient
finalement remerciés de leur précieuse aide et de l'accueil chaleureux réservé au
projet.
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OU PLUSIEURS STYLES?
Deleuze ne se sera pas, comme l'a fait si brillamment Derrida, engagé dans
un mimétisme par lequel il en vient à se mouler sur le style de l'auteur étudié,
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vanatIons à style,
lations qu'il introduit dans son propre _style et soudain, le font
brusquement bondir ou au contraire couler sereinement au
démonstration, d'une argurnentation rigoureuse, d'une description
vivante, colorée, etc. Ces difl(~rentes modulations font partie inté-
grante de la beauté de son style, unique, singulier, éminemment
reconnaissable. S'il y a une exception, ce serait peut-être les pre-
rnières pages de L'Anti-Œdipe qui ont introduit un ton nouveau
dans la philosophie, le ton « révolutionnaire» (entre guillemets,
soit au sens qu'on donnait à ce terme dans les milieux intellectuels
du post-soixante-huit) et qui ont tant choqué, du moins certains
qui faisaient les bégueules et jouaient au sérieux du philosophe poli
et universitairement bien lissé.
« Ça fonctionne partout, tantôt sans arrêt, tantôt discontinu. Ça
chie, ça baise. 2 »
Évidemment on ne trouverait pas ce type de phrase, grossière
et populaire dans sa thèse universitaire Spinoza et le problème de
l'expression. Mais, de là à dire qu'il y a changement de style dans
cette œuvre, il y a une marge. Finalement, à part la surprise et la
provocation de ce début - qui claque un peu comme un coup
de fouet pour réveiller l'université traditionaliste, ou comme un
étendard portant les nouveaux mots d'ordre de la psychiatrie maté-
rialiste -, cette annonce s'intègre immédiatement dans l'analyse et
la construction conceptuelle que supporte l'écriture deleuzienne
classique, habituelle. Bien évidemment, il faudrait nuancer et exa-
miner les choses de plus près. Il est vrai que l'on sent la force d'une
tension et la souplesse d'une écriture plus relâchée, plus libre, plus
vivante, moins retenue qu'avant. On entend vibrer les affects d'une
colère critique à l'encontre du familialisme, la joie d'une libération
et d'une rencontre dans une écriture à deux, et la jouissance d'un
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Mille
affaire à un nouveau
habituelle propre au
férocité féline, ses
l'espace de la pensée, le pn~SSé:ntJlIll\~nt permanent d'un
précurseur sombre à tout moment le champ des
concepts, etc. Je y stridence particulière aux
écrits de Deleuze, avec une accentuation l'intensité intempestive
et un renforcenlent Soit tous les traits
qui déjà s'affirmaient prf~ced.ell1ts etqui concernaient
principalement (mais qu'on ne pouvait
jJ.uU.VÙVIJ.UJl'-'
3 Seul, Logique du sens avait introduit non pas une nette rupture de ton et
de style mais une libération de ce qui se tenait auparavant comme contenu. Cet
ouvrage, par son audace conceptuelle, son sens du jeu et de l'humour, laissait
pressentir l'allure, la manière qui allait prédominer avec L'Anti-Œdipe et par la suite.
J'insiste sur cette profonde continuité qui me semble déterminante au détriment des
ruptures factuelles qu'on pourrait déceler en surface du texte et suivant les périodes.
La diversité qu'on croit déceler ici ou là, à mon avis obéit à des motifs secondaires et
peut concerner, et encore, quelques articles et interviews de circonstance.
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4 POUlparlers, p. 224.
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LOGIQUES DU STYLE
Ibid
6 Ibid., p. 225.
7 Voir Qu'est-ce que la philosophie ?, p; 80, p. 106.
21
DE
'U',Il,~PJLUl,V DE FEU
22
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8 Pourparlers, p. 225.
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10 C'est le titre d'un de mes articles (<< Gilles le félin, philosophe exalté ») paru
dans la revue Élucidation n° 10, printemps 2004, Verdier, sous le titre général « Vies
épinglées ».
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16 Ibid, Fr. posth 1888, V1II, notes et variantes de la p. 113 (p. 465) ; voir § 8 de
«Divagations d'un inactuel» in Crépuscule des idoles.
17 Ibid
18 F. Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes, V1II, p. 113, « Divagations d'un
inactuel» in Crépuscule des idoles, §8.
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19 Ibid., § 9.
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« pour dégager les devenirs», les capacités de devenir dans ce qui est
figé, qu'il faut minorer, imposer un traitement mineur 20 • Qu'est-ce
qui, en effet, est retranché? Les éléments de pouvoir21 , soit ce qui
fixe, bloque, stabilise, bref territorialise et ernpêche les devenirs
déterritorialisant. Sur son autre face, la minoration deleuzienne
est donc éminemment positive puisqu'elle permet l'écoulelnent
des flux de vie antérieurement bloqués. Concernant l'opération de
« Ininorer », Deleuze écrit:
« Vous commencez par soustraire, retrancher tout ce qui fait
élément de pouvoir, dans la langue et dans les gestes, dans la repré-
sentation et dans le représenté. Vous ne pouvez même pas dire que
c'est une opération négative, tant elle engage et enclenche déjà des
processus positifs. 22 »
Le style mineur coïncide donc avec la mise en variation conti-
nue de la langue 23 puisque ce qui s'y oppose, les constantes, la
stabilité, sont mises de côté. Et ce second mouvement, de variation,
vient recouvrir en quelque sorte le premier mouvement négatif,
comme son envers positif. La mise en variation, qui s'oppose à
la fixation, est le mouvement qui ouvre ce qui est clos, stabilisé,
il « fait naître et proliferer quelque chose d'inattendu24 ». Il s'agit
d'ouvrir les mots, casser les structures syntaxiques pour dégager les
lignes de variation qui sont présentes en toute langue, cornme en
toute institution. Tel est le vrai balbutiement, la langue mineure
ne comportant qu'un « minimum de constantes et d'homogénéités
structurales 25 » (qui appartiennent à la langue majeure, au « vieux
20 Superpositions, p. 97.
21 Le pouvoir est absolument à distinguer de la puissance, comme puissance de
devenir et d'intempestivité. Le pouvoir est défini comme pouvoir de « fixation », il
est ce qui fixe, et partant il est l'antithétique de la mobilité de la vie et du devenir, de
la libre puissance de création ou de connexion qu'est le désir.
22 Ibid., p. 103.
23 Ihid. p. 105.
24 Ibid. p. 89.
25 Ibid. p. 100.
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26 Ibid. p. 114.
27 Ibid. p. 123.
28 Mille Plateaux, p. 123. Par là on comprend que le « vieux style» n'est pas le
style classique de Nietzsche, ni le style mineur de Deleuze.
29 Ibid. p. 125.
30 Voir Superpositions, p. 125, où l'art est dit être une puissance et non un
pouvoir, comme la philosophie (Exergue de Pourparlers).
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DU STYLE
ou
essentiellement ce calme, cette
rac:co'urc;}, cette concentration. - plus haut sentiment
sance est concentré dans le type dassique3 1 ».
Une œuvre est avant tout ce qui se tient, ce a de la tenue.
C'est pourquoi toute œuvre est cornposée, fait appel à une com-
position: « Composition, composition, c'est la seule définition
l'art. composition est esthétique, et ce qui n'est pas co:mt,m;e
n'est pas une œuvre d'art 32 ». On retrouve donc chez Deleuze la
même critique que celle de Nietzsche concernant l'informel, la
« grisaille », le « marais »33 de ce qui, dissolu, éparpillé, a perdu
toute composition. Composer, c'est faire tenir ensemble, c'est une
question de consistance. L'œuvre doit pouvoir tenir, se dresser,
tout seule par elle-même34 • Le style, c'est la pointe qui se tient, se
dresse, bref le stylet dans sa fermeté 35 • Et toute cornposition, lui
dit Nietzsche en écho, se fait sous l'autorité d'un principe qui fait
style, qui permet de « tendre» ensemble les hétérogènes et élénlents
en variation. On trouvera dans l'étude sur le peintre Francis Bacon
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DE
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UN-HANS-DEVENIR-CHEVAL
55 C'est un des acquis capitaux du Nietzsche et la philosophie très tôt assumé, dès
1962.
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56 Dialogues, p. 43.
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64 Comme dans le télégramme de la bête qui chasse à cinq heures déjà cité (Mille
Plateaux, p. 321).
65 Voir par exemple: « UN-VAMPlRE-DORMIR-]OUR-ET-SE-REVEILLER-
NUIT» (Dialogues, p. 114).
66 Ibid., p. 40.
67 Mille Plateaux, le plateau « Les Postulats de la linguistique ».
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68 Ibid., p. 244.
69 Ibid., p. 251.
70 Dialogues, p. 47.
71 Mille Plateaux, p. 367.
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jours (à sa place) n'est autre que le Réel 72 • Les lignes de fuite sont
traversées par quelque chose qui n'est plus la simple joie inno-
cente du jeu des formes et des sensations mais par un quelque
chose de terrible qu'on ne cesse de conjurer. Certes la peinture
est joie, joie des couleurs et des formes, comme la musique celle
des sons, mais elle donne envie de mourir et Bacon peint le cri,
cri d'angoisse horrifié des différents portraits d'Innocent X. Pour-
quoi le cri? Deleuze veut croire qu'Innocent X, tel un voyant,
crie aux puissances de l'avenir, soit donc aux nouvelles forces poli-
tiques, puisque, n'est-ce pas, « tout est politique» et qu'il ne peut
y avoir d'autre « puissance» de terreur. Il n'y aurait pas d'angoisse,
ni chez Hans, ni chez le Pape, seulement des peurs, et des peurs
ayant des objets bien déterminables même s'ils sont pour l'heure
indéterminés, soit donc la montée des répressions présentes ou à
venir! Après de si belles analyses des sensations de peintures et de
musique, des devenirs et des différentes sortes de lignes dans Mille
Plateaux, on ne peut s'empêcher de trouver cette logique de la
sensation soudain singulièrement amputée, raccourcie. Comme si
la reconnaissance du réel insymbolisable, ininscriptible, Autre du
réel, entrait en concurrence et venait annuler ou amputer le poids
et l'importance de la réalité politique. On dirait, dans le système
de Deleuze-Guattari, qu'il ne faut surtout pas dire ou voir ce que
ces lignes portent en elles comme effet de réel, parce que ce serait
par trop occulter les horreurs des réalités politiques. Toujours donc
cette peur d'être complices. Deleuze et Guattari font une sorte de
dichotornie qui n'a pas lieu d'être entre le Réel (irnpossible) et la
réalité politique (possible) : ou bien vous affirmez le Réel et alors
vous niez les horreurs politiques, ou bien reconnaissez les urgences
politiques et alors plus de Réel.
L'œuvre d'art est pourtant porteuse d'un effet de réel qui est
tout son style. Certes, comme le veut Deleuze, l'œuvre d'art capte
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73 Dialogues, p. 88.
74 Voir Hegel, Science de la logique, I, p. 250 qui se réfère à Kant. On pourrait,
à partir de Hegel, lire les choses ainsi : La dérerritorialisation est le processus du
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devenir autre, mais cet autre que l'on devient est lui-même une territorialisation
nouvelle qui entre pareillement dans un devenir autre et ainsi de suite à l'infini. Voir
Hegel, Encyclopédie des Sciences philosophiques, Science de la logique, l, p. 208, §44.
75 Dialogues, p. 63.
76 Ibid., p. 62. Pas la littérature réelle, puisque Réel est au masculin, et avec une
majuscule. Soit donc, une littérature qui soit en connexion directe avec le Réel, où le
style y est inséré comme en écho.
77 Mille Plateaux, p. 262.
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de fils dont il est tissé, vaut surtout par ses accrocs, par les vides qui
ouvrent sur le réel non symbolisable parce qu'il en est la réponse
ou l'effet. Le style, quand il n'est pas le grand style dialectique qui
produit de l'altérité à l'intérieur d'une identité qui s'avance vers
elle-même pour s'accomplir, mais le « grand» style mineur, est
celui qui s'affronte au Dehors pur, le Chaos, autrement dit au pur
Réel dont il est l'écho, la réponse.
On ne peut seulement se contenter du remarquable et l'in-
téressant, on ne peut se passer de la « vérité» ou de son équivalent,
vérité mise entre guillemets par Nietzsche vu son lien abyssal avec
le réel sl . Nietzsche le savait. Il faisait de chaque style l'écho, la
résonance ou la réponse au réel intenable du chaos auquel l' œuvre
est confrontée. Le style, la fernrne s'y entend, comme à l'égard de
la « vérité» qui piège encore les philosophes naïfs, dogmatiques 82 •
Le style en tant qu'il est « inséparable d'un point spécifié de réel »,
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Chacun sait la place que Deleuze fait à Spinoza, particuliè-
rement les lecteurs et interprètes de Spinoza, qui ont tous lu et
médité avec passion aussi bien le Spinoza et le problème de l'expres-
sion de 1968 que le Spinoza. Philosophie pratique de 1981. C'est
par exelnple à partir d'options de lecture très proches au départ de
celles développées par Deleuze dans le prerrlier de ces ouvrages,
notamment l'attention portée d'abord sur tout ce qui relève du
quantitatif et du qualitatif dans la philosophie de Spinoza, que j'ai
pu développer depuis une quinzaine d'années une lecture finale-
ment divergente, privilégiant, pour le dire d'un mot, une vision
extensive plutôt qu'intensive du spinozisme l . Mon propos ne sera
pas ici de revenir directement sur le fond de la lecture deleuzienne
de Spinoza, mais, puisque le sujet général du présent recueil porte
sur « les styles de Deleuze », de tenter une lecture de la façon
assez particulière dont Deleuze écrit sur Spinoza, en laissant pour
d'autres travaux ou d'autres occasions la question de savoir si ces
observations et ces analyse pourraient ou non être généralisées à la
façon dont Deleuze écrit sur les autres philosophes ou sur l'histoire
de la philosophie - intuitivement, et en l'attente de vérifications
poussées, je donnerais d'ailleurs une réponse plutôt positive à une
telle question, tant Deleuze est lui-rnême dès qu'il s'agit de Spi-
noza.
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3 Spinoza et le problème de l'expression, p. 87 (je souligne dans tous les cas, sauf
indications contraires).
4 Ibid., p. 114
5 Spinoza. Philosophie pratique, p. Il.
6 Ibid., p. 23.
7 Ibid., p. 27.
8 Spinoza et le problème de l'expression, p. Il.
9 Ibid., p. 13.
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10 Ibid., p. 2I.
Il Ibid., p. 50.
12 Ibid., p. 76.
13 Ibid., p. 77.
14 Ibid., p. 95.
15 Ibid., p. 98.
16 Ibid., p. 103.
17 Ibid., p. 108.
18 Ibid., p. 127 (derniers mots soulignés par Deleuze).
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19 Ibid., p. 130.
20 Ibid., p. 177.
21 Ibid., p. 191.
22 Ibid., p. 193.
23 Ibid., p. 287.
24 Spinoza. Philosophie pratique, p. Il.
25 Ibid., p. 17.
26 Ibid., p. 135.
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(34) « Spinoza reconnaît que [ ... ]. On n'y verra pas une insuffisance
de la méthode, mais une exigence de la méthode spinoziste. 35 »
(35) « En quel sens l'idée de Dieu est-elle "vraie" ? On ne dira pas
d'elle qu'elle exprime sa propre cause: formée absolument, c'est-
à-dire sans l'aide d'autres idées, elle exprime l'infini. 36 »
(36) « On ne s'étonnera donc pas qu'il arrive à Spinoza de dire
que. 3? »
(37) « On ne croira pas qu'en réduisant ainsi les créatures à des
modifications ou à des modes, Spinoza leur retire toute essence
propre ou toute puissance. 38 »
(38) « On évitera de croire que l'extension soit un privilège de
l'étendue. [... ] On ne s'étonnera donc pas que, outre l'infini qua-
litatif des attributs qui se rapportent à la substance, Spinoza fasse
allusion à deux infinitifs quantitatifs proprement modaux. 39 »
(39) « On ne confondra pas la théorie spinoziste [sur les essences]
avec une théorie cartésienne en apparence analogue. 4o »
(40) « On évitera de donner des essences particulières spinozistes
une interprétation leibnizienne. 41 »
(41) « On ne confondra pas "infinité de façons" et "très grand
nombre de façons".42 »
(42) « On évitera de prêter à Spinoza des thèses intellectualistes
qui ne furent jamais les siennes. 43 »
(43) « On ne dira donc pas que les notions plus universelles expri-
ment Dieu mieux que les notions moins universelles. On ne dira
surtout pas que l'idée de Dieu soit elle-même une notion com-
35 Ibid., p. 122.
36 Ibid., p. 126 (la dernière expression est soulignée par Deleuze).
37 Ibid., p. 129.
38 Ibid., p. 150.
39 Ibid., p. 174.
40 Ibid., p. 176.
41 Ibid., p. 18l.
42 Ibid., p. 198.
43 Ibid., p. 200.
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44 Ibid., p. 278.
45 Spinoza. Philosophie pratique, p. 16.
46 Ibid., p. 76.
47 Ibid., p. 78.
48 Ibid., p. 97.
49 Ibid., p. 135.
50 Ibid., p. 162, note 17.
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52 Ibid., p. 77.
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53 Ibid., p. 59.
54 Cf: Spinoza. Philosophie pratique, p. 144: « [ ... ] Dieu révèle à Adam que le
fruit l'empoisonnera parce qu'il agira sur son corps en en décomposant le rapport ;
mais, parce que Adam a l'entendement faible, il interprète l'effet comme une
sanction, et la cause comme une loi morale, c'est-à-dire comme une cause finale
procédant par commandement et interdit (Lettre 19, à Blyenbergh). Adam croit que
Dieu lui fait signe. C'est ainsi que la morale compromet toute notre conception de
la loi, ou plutôt que la loi morale défigure la droite conception des causes et vérités
éternelles (ordre de composition et de décomposition des rapports) ».
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60 Ibid., p. 260.
61 J'ai toujours été frappé de la proximité des thèses de Deleuze sur l'histoire de
la philosophie, notamment sur l'impossibilité de discussions utiles en cette matière,
avec les thèses développées par Martial Gueroult dans sa Philosophie de l'histoire de
la philosophie (Aubier, 1979), où Gueroult soutient que, en dépit d'un espoir très
ancien, aucune discussion philosophique ne peut espérer être tranchée par réference
au monde, parce qu'il n'existe pas de monde avant la philosophie, parce que de ce
fait il n'y a pas de monde commun, tant et si bien que les diverses philosophies sont
comme des mondes distincts, séparés, sans réfùent commun possible.
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66 Ibid., p. 99.
67 Ibid., p. 103.
68 Ibid., p. 106.
69 Ibid., p. 107 (c'est Deleuze qui souligne).
70 Ibid., p. 112.
71 Ibid.,p.l07.
72 Ibid., p. 122.
73 Ibid.
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74 Spinoza. Philosophie pratique, p. 152, note 4 (c'est Deleuze qui souligne). Thèses
« Spinoza et nous» (Ibid, p. 170).
reprises dans le texte
75 On trouve un mouvement quasiment semblable en ibid., pp. 156-157 :
l'introduction de la théorie des « notions communes », dans l'Éthique, est jugée par
Deleuze comme un « progrès » par rapport aux ouvrages précédents de Spinoza,
ce qui implique nécessairement la possibilité d'une critique, même légère, de ces
derniers, dans lesquels subsisteraient encore des « ambiguïtés» concernant les « êtres
géométriques ». La critique n'est tout de même pas dévastatrice. Mais c'est encore
trop, et le mouvement de recul intervient immédiatement : « Mais une fois que
Spinoza a inventé le statut des notions communes », écrit Deleuze, « ces ambigüités
s'expliquent [... ] ; si bien qu'en dégageant la notion commune on libère du même
coup la méthode géométrique des limitations qui l'affectaient et qui la forçaient
à passer par des abstractions» : comme s'il y avait une sorte d' effè~t rétroactif des
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de Spinoza» (je souligne). La note ne cite que Koyré (Lagneau sera cité précisément
un peu plus loin, p. 158, note 12), et, tout en déclarant une phrase du Traité de la
Réforme de l'Entendement: « généralement déformée par les traducteurs» (je souligne),
ne cite pas d'autre traduction que celle de Koyré.
82 Spinoza et le problème de l'expression, p. 122.
83 Ibid., p. 187, note 10 : « Nous ne voyons pas pourquoi A. Rivaud, dans son
étude sur la physique de Spinoza, voyait ici une contradiction », etc. Il n'y a pas de
contradictions chez Spinoza. Thèse reprise dans le corps du texte (Ibid., p. 188 et
suivantes).
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« Si l'on na pas trouvé ce qui fait rire dans un aphorisme, quelle
distribution d'humours et d'ironies, et aussi bien quelle répartition
d'intensités, on na rien trouvé. 1 »
Gilles Deleuze
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8 Ibid., p. 33. D'une part, il s'agit bien de recourir au style pour crever l'horizon
herméneutique sous lequel Heidegger subordonne l'écriture à la quête du « signifié
transcendantal » celé en un « nom propre » de l'Être là où il revient à Nietzsche
de faire de l'écriture et de la lecture des « opérations originaires. » Mais d'autre
part, pour « sauver Nietzsche d'une lecture de type heideggérien », il ne faut pas
chercher à « soustraire Nietzsche à la lecture heideggérienne mais au contraire l'y
offrir totalement, souscrire sans réserve à cette interprétation; d'une certaine manière
et jusqu'au point où le contenu du discours nietzschéen étant à peu près perdu pour
la question de l'être, sa forme rettouve son étrangeté absolue, où son texte enfin'
appelle un autre type de lecture, plus fidèle à son type d'écriture ... »
9 J. Derrida, « La question du style », in Nietzsche aujourd'hui? (Le texte de la
conference a ensuite été publié à part sous le titre: Éperons. Les styles de Nietzsche,
Paris, Flammarion, 1978).
10 Ibid., p. 244.
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11 Ibid., p. 264 « Sans stratégie d'écriture ... sans le style, donc, le grand, le
renversement revient au même dans la déclaration bruyante de l'anti-thèse. »
12 Le texte concerné. est: « Comment pour finir le "monde vrai" devint fable.
Histoire d'une erreur», Crépuscule des Idoles, op. cit., pp. 80-81.
13 J. Derrida, « La question du style», op. cit., p. 270 : « Dès lors que la question
de la femme suspend l'opposition décidable du vrai et du non-vrai, instaure le régime
époqual des guillemets pour tous les concepts appartenant au système de cette
décidabilité philosophique, disqualifie le projet herméneutique postulant le sens vrai
d'un texte, libère la lecture de l'horizon du sens de l'être ou de la vérité de l'être, des
valeurs de production du produit ou de présence du présent, ce qui se déchaîne,
c'est la question du style comme question de l'écriture, la question d'une opération
éperonnante plus puissante que tout contenu, toute thèse et tout sens. L'éperon style
traverse le voile ... défait l'opposition à soi, l'opposition pliée sur soi du voilé/dévoilé,
la vérité comme production, dévoilement-dissimulation du produit. »
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ment, c'est dans la création d'un nouveau style de vie alliant les
ressources créatrices d'une vie active et d'une pensée affirmative
que Deleuze condense l'enjeu de la référence nietzschéenne à l'idéal
de l'art à la clef du renversement esthétique du platonisrne et de
son Image morale de la pensée 25 •
qui lui évitent d'agir et lui défendent d'agir, la maintenant dans le cadre étroit des
réactions scientifiquement observables: à peu près comme l'animal dans un jardin
zoologique) »
25 Ibid., pp. 115-118.
26 Comparer à cet égard la conclusion de Nietzsche et la philosophie et les
premières pages de « Pensée Nomade ». Notons aussi que dans son entretien de
février-mars 1968 avec J.-N. Vuarnet, Deleuze salue encore la « trinité Nietzsche-
Marx-Freud» à la source du renouvellement radical de l'interprétation du sens et
de l'évaluation des valeurs. À la veille de Mai-68, peur-on lire, dans la formule sur
laquelle s'achève l'entretien, un présage de la métamorphose prochaine de la belle
trinité alliant vitalité politique et philosophique en horrible synthèse néfaste à la
création politique de nouveaux styles de vie ? « La vitalité philosophique est très
proche de nous, la vitalité politique aussi. Nous sommes proches de beaucoup de
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AU RIRE
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37 Ibid., p. 75.
38 Ibid., p. 76.
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42 Voir en particulier les 15 èmc , 18 èmc et 19èmc séries dans Logique du sens.
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Pareil effet de style saute aux yeux dès les premières lignes de
l'entretien où, en place du philosophe, c'est un singulier Dyslexi-
que menacé d'aphasie qui prend la parole en déclarant éprouver
des difficultés à s'expliquer et n'avoir carrément plus rien à dire
dès qu'on lui pose une question, même qui le touche - a fortiori,
lorsque la question est générale ou lorsqu'on lui fait une objection.
Pire: ses difficultés ne se limitent pas à l'expression verbale et il
serait vain de l'inviter à la réflexion à un ou à plusieurs. Incapable
de méditation, le singulier aphasique risque en effet de se révéler
aussi acéphalé 4 •
Pareille ouverture d'un entretien est manifestement ironique.
Sans doute ne peut-on pas vraiment parler ici d'ironie verbale
au sens strict de la prétérition - puisque Deleuze ne dit pas le
contraire de ce qu'il veut dire. Néanmoins, le style de ce premier
paragraphe met clairement en œuvre la feinte et la dissirnulation
inhérentes à l'ironie comme procédé permettant une mise à dis-
tance critique par un effet de dédoublernent polyphonique - tel un
« personnage dissimulé» dans l'énoncé. En ce sens premier qui fait
du style, davantage qu'un effet rhétorique, un art théâtral du cos-
tume et du masque, du dédoublement et du déguisement, l'ironie
est aussi le moyen par excellence de la communication oblique, par
le biais de pseudonymes, de masques et de personnages, chez les
philosophes de la répétition45 •
En l'occurrence, au début de Dialogues) sur quoi peut bien
porter la cornmunication indirecte? De toute évidence, sur le
hiatus entre début et commencement, mouvement abstrait de la
représentation et mouvement réel de la répétition en philosophie.
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aristocratiques: il ne s'agit pas de dire que peu de gens pensent, et savent ce que
signifie penser. Mais au contraire, il y a quelqu'un ... avec la modestie nécessaire, qui
n'arrive pas à savoir ce que tout le monde sait, et qui nie modestement ce que tout
le monde est censé reconnaître. Quelqu'un qui ne se laisse par représenter, mais qui
ne veut pas davantage représenter quoi que ce soit. Non pas un particulier doué de
bonne volonté et de pensée naturelle, mais un singulier plein de mauvaise volonté,
qui n'arrive pas à penser, ni dans la nature ni dans le concept. Lui seul est sans
présupposés. Lui seul commence effectivement, et répète effectivement. »
47 Ibid., p. 17l.
48 Ibid, p. 353.
49 Ibid., p. 196.
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50 Ibid., p. 198.
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55 Différence et répétition, p. 205 ; et pp. 203-216 pour la critique des T,me et 8ème
postulats de l'Image morale.
56 Ibid., p. 243 : « Quand l'ironie socratique fut prise au sérieux, quand la
dialectique tout entière se confondit avec sa propédeutique, il en résulta des
conséquences extrêmement fâcheuses ; car la dialectique cessa d'être la science des
problèmes, et, à la limite, se confondit avec le simple mouvement du négatif et de la
contradiction. Les philosophes se mirent à parler comme les jeunes gens de la basse-
cour. Hegel, de ce point de vue, est l'aboutissement d'une longue tradition qui pris
au sérieux la question qu'est-ce que?, et qui s'en servit pour déterminer l'Idée comme
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EFFETS DE STYLE EN HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
essence, mais qui, par là, substitua le négatif à la nature du problématique. Ce fut
l'issue d'une dénaturation de la dialectique. »
57 Ibid. : « Le rationalisme a voul u que le sort de l'Idée fût lié à l'essence abstraite
et morte ; et même, dans la mesure où la forme problématique de l'Idée était
reconnue, il voulait que cette forme fût liée à la question de l'essence, c'est-à-dire
à "Qu'est-ce que ?" Mais combien de malentendus dans cette volonté. Il est vrai
que Platon se sert de cette question pour opposer l'essence et l'apparence, et récuser
ceux qui se contentent de donner des exemples. Seulement, il n'a pas d'autre but,
alors, que de faire taire les réponses empiriques pour ouvrir l'horizon indéterminé
d'un problème transcendant comme objet de l'Idée. Dès qu'il s'agit de déterminer
le problème ou l'Idée comme telle, dès qu'il s'agit de mettre en mouvement la
dialectique, la question qu'est-ce que? fait place à d'autres questions, autrement
efficaces et puissantes, autrement impératives: combien, comment, dans quel cas?
La question "qu'est-ce que ?" n'anime que les dialogues dits aporétiques, c'est-à-dire
ceux que la forme même de la question jette dans la contradiction ... sans doute
parce qu'ils n'ont pas d'autre but que propédeutique -le but d'ouvrir la région du
problème en général, en laissant à d'autres procédés le soin de le déterminer comme
problème ou comme Idée. »
58 Ibid., p. 245 : « On dira que le plus "important", par nature, c'est l'essence.
Mais c'est toute la question; et d'abord de savoir si les notions d'importance et de
non-importance ne sont pas précisément des notions qui concernent l'événement,
l'accident, et qui sont beaucoup plus "importantes" au sein de l'accident que la grosse
opposition de l'essence et de l'accident lui-même. Le problème de la pensée n'est pas
lié à l'essence, mais à l'évaluation de ce qui a de l'importance et de ce qui n'en a pas, à
la répartition du singulier et du régulier, du remarquable et de l'ordinaire, qui se fait
tout entière dans l'inessentiel ou dans la description d'une multiplicité, par rapport
aux événements idéaux qui constituent les conditions d'un "problème". Avoir une
Idée ne signifie pas autre chose; et l'esprit faux, la bêtise elle-même, se définit avant
tout par ses perpétuelles confusions sur l'important et l'inimportant, l'ordinaire et le
singulier. »
101
LES STYLES DE DELEUZE
59 Ibid., p. 236 : « L'ironie est l'art des multiplicités, l'art de saisir dans
les choses les Idées, les problèmes qu'elles incarnent, et de saisir les choses
comme des incarnations, comme des cas de solution pour des problèmes
d'Idées. »
60 Ibid., pp. 317-318 : « Cironie même, comme art des Idées différentielles,
n'ignore nullement la singularité; au contraire, elle joue de toute la distribution
des points ordinaires et remarquables. Mais il s'agit toujours de singularités pré-
individuelles réparties dans l'Idée. Elle ignore encore l'individu. »
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EFFETS DE STYLE EN HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
chiennes d'impossibilités ... Car la pensée est une matrone qui n'a
pas toujours existé Gl ».
LImage morale est tombée avec le masque socratique, tandis
que son masque ironique permet à Deleuze-devenu-acéphale de
refuser de répondre à toute question personnelle ou générale, non
pas pour en poser lui-même à Autrui, rnais pour se réserver le
droit de « fabriquer des questions avec des éléments venus de par-
toutG2 ».
Tel paraît; dans Dialogues, l'affolement humoristique de l'iro-
nie socratique et par conséquent aussi du Style et de l'Image morale
dominant l'histoire de la philosophie. Aussi, est-il au moins deux
façons d'entendre le passage qui conclut le premier paragraphe
de Dialoguef3. Et deux façons de répondre à la question posée en
cornrnençant : que signifie, pour Deleuze, l'Idéal stylistique en
histoire de la philosophie?
61 Ibid., p. 192.
62 Dialogues, p. 7 : « Les questions se fabriquent, comme autre chose. Si on
ne vous laisse pas fabriquer vos questions, avec des éléments venus de partout, de
n'importe où, si on vous les "pose", vous n'avez pas grand-chose à dire. rart de
construire un problème, c'est très important: on invente un problème, une position
de problème, avant de trouver une solution ».
63 Ibid., pp. 7-8 : « Le but ce n'est pas de répondre à des questions, c'est de
sortir, c'est d'en sortir. Beaucoup de gens pensent que c'est seulement en ressassant la
question qu'on peut en sortir. "Qu'en est-il de la philosophie? est-elle morte? va+
on la dépasser ?" C'est très pénible. On ne va pas cesser de revenir à la question pour
arriver à en sortir. Mais sortir ne se fait jamais ainsi. Le mouvement se fait toujours
dans le dos du penseur, ou au moment où il cligne des paupières. Sortir, c'est déjà
fait, ou bien on ne le fera jamais. Les questions sont généralement tendues vers un
avenir (ou un passé). r avenir des femmes, l'avenir de la révolution, l'avenir de la
philosophie, etc. Mais pendant ce temps-là, pendant qu'on tourne en rond dans ces
questions, il y a des devenirs qui opèrent en silence, qui sont presque imperceptibles.
On pense trop en termes d'histoire, personnelle ou universelle. Les devenirs, c'est de
la géographie, ce sont des orientations, des directions, des entrées et des sorties ... Il
Y a un devenir-philosophe qui n'a rien à voir avec l'histoire de la philosophie, et qui
passe plutôt par ceux que l'histoire de la philosophie n'arrive pas à classer».
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avec ou sans
Pourparlers, p. 193.
2 Dialogues, p. 41. Cf. l'ancien mais toujours aussi pertinent article de Clément
Rosset, « Sécheresse de Deleuze», L'A.re, n° 49, 1972, pp. 89-93 et, dans un tout autre
contexte, le bref mais judicieux article de Roger-Pol Droit, « Deleuze accélérateur»,
Le Monde des livres, 8/3/2002.
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ET ONTOLOGIE DU
ET T!C'r"'T1>"'~'T'....;:"''''T À VITESSE RELATIVE
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la répétition ».
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13 Ibid., p. 137.
14 Ibid., p. 120.
15 H. Bergson, « De la position des problèmes», dans Œuvres, op. fit., p. 1293.
16 Différence et répétition, notamment pp. 251 et 361.
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LES STYLES DE DELEUZE
17 Ibid., p. 257.
18 Ibid, p. 210.
19 Nietzsche évoque en ces termes l'oubli qu'il voit non comme une « vis inertiae)}
mais comme une force positive seule capable de « faire un peu de silence, de table
rasè dans notre conscience pour laisser la place à du nouveau» (La généalogie de la
morale, Paris, Gallimard, « Folio », 1971, trad. L Hildenbrand et J. Gratien, p. 59).
114
VITESSES DU STYLE ET MOUVEMENTS DE
entretiens 1975-1995, p. 313 (nous soulignons)]. Les variables ont donc remplacé les
singularités, mais de quoi sont-elles les variables, quelles variations mesurent-elles?
Ne pouvant plus s'appuyer sur une ontologie du problème et de ses singularités,
ce texte appelle à l'évidence une ontologie plus profonde de la variation et de ses
variables.
22 « Plutôt être balayeur que juge », note en passant Deleuze dans Dialogues,
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historique.
26 « Lettre à un critique sévère» [1973], dans Pottlparle1'S, p. 16.
27 Deleuze cité par Robert Maggiori, La philosophie au jour le jour, Paris,
Flammarion, 1994, p. 374.
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schizo ». Mais pour l'un comnle pour l'autre, l'enjeu final est bien
identique: faire tenir ensemble, sur- une page, ce qui flue et fuit de
toutes parts ou encore, ce qui revient in fine au même, faire fluer
et fuir de toutes parts ce qui tient un texte. La matière, l'objet et la
finalité de leur stylistique sont donc bien les flux et leur tendance
intrinsèque, absolue à fuir.
Cette stylistique vient se superposer à la première et se la
subordonner. Deleuze emporte en effet toujours avec lui ce que
Guattari appelle ses « armes lourdes philosophiques, toute une
intendance bibliographique », mais HIes met au service des « opé-
rations aventureuses, de "comnlando conceptuel", d'insertion dans
des territoires étrangers 30 » lancées par ce dernier. La détermina-
tion du problème n'est plus le prenlÏer ni le dernier terme de la
recherche:
« Il arrive que nous ayons un problème sur lequel nous sommes
vaguement d'accord, mais nous cherchons des solutions capables
de le préciser, de le localiser, de le conditionner. Ou bien nous
trouvons une solution, mais nous ne savons pas très bien pour quel
problème. Nous avons une idée qui semble fonctionner dans un
domaine, mais nous cherchons d'autres domaines, très différents,
qui pourraient prolonger le premier, en varier les conditions, à la
faveur d'un tournant,3l »
Ce qui importe, c'est de créer partout des prolongements,
de connecter des domaines hétérogènes à la faveur d'une idée et
de dégager la mesure de leur hétérogénéité à la faveur de cette
connexion. Deleuze et Guattari rompent ainsi avec l'habitude
répandue de retracer l'évolution ou le développement histori-
que d'une chose ou d'une idée, inscrite dans un cadre supposé
30 F. Guattari, cité par Maggiori, La philosophie au jour le jour, op. dt., p. 376.
31 Deleuze cité par Maggiori, ibid, p. 375. Il relate ainsi à titre d'exemple la
façon dont son obsession du « mur blanc» et l'obsession guattarienne des « trous
noirs » ont fini par se composer pour construire un concept de visage ou plutôt
de « visagéité » comme fonction sociale produisant et utilisant le visage (Dialogues,
pp. 24-25).
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36 Ibid., p. 636.
37 Il écrit en 1971 : «La consistance c'est, pour une axiomatique, le fait de n'être
pas contradictoire. [... ] Le plan de consistance des machines désirantes, c'est leur
déploiement selon une axiomatique ». Un an plus tard, dans un texte également
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40 Dialogues, p. 41.
41 Critique et clinique, p. 182. Voir Spinoza et le problème de l'expression, pp. 121-
123, 277 et Spinoza. Philosophie pratique, pp. 151 ~ 152 où la note 4 esquisse certes
124
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déjà la distinction (utilisée, nous l'avons vu, dans son travail avec Guattari) entre
cette plus grande vitesse qui reste relative et la vitesse absolue du troisième genre de
connaissance.
42 Critique et clinique, p. 184.
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n'est pas donné, il est créé, à créer ; il n'est pas formé, il se pose
lui-même en lui-même, auto-position. Ce qui dépend d'une libre
activité créatrice, c'est aussi ce qui se pose en soi-même, indépen-
damment et nécessairement. 49 »
Mais quelle nécessité implique donc de créer des concepts sans
jamais pouvoir se les donner? En quoi doit consister l'être créé
des concepts pour expliquer qu'il s'en créera toujours? Ce sont
les questions que laisse en suspens l'introduction et auxquelles le
restant de l'ouvrage se charge de répondre en assurnant toutes les
conséquences du second enjeu indiqué. Que le style soit le « mou-
vement du concept» signifie que la stylistique du concept est une
stylistique du mouvement. Le coup de force majeur de Qu'est-ce que
la philosophie? est en effet d'envisager la pensée comme un mouve-
ment en soi infini 50 • Que la pensée soit mouvement signifie qu'elle ne
se distingue pas du mouvement ni ne s'oppose à lui comIne le veut
la pensée classique, de Platon à Hegel, mais, comme le veut Berg-
son, qu'elle pense le mouvant au point de finir par se confondre
avec lui ou du moins avec l'un de ses degrés ou types possibles.
Que ce mouvement soit en soi infini signifie qu'il ne se réduit pas à
un changernent ou déplacernent fini dans l'espace-ternps, selon un
système de coordonnées, mais renvoie à la variation en soi infinie
de tout ce qui est, dont notre espace-temps et les mouvements qu'il
rend possibles ne sont jamais qu'un aspect. En donnant une telle
image de la pensée, Deleuze et Guattari visent à l'identifier sans
reste à la rnatière de l'être, être et pensée constituant un planbiface
illirnité qu'ils nomrnent, non plus plan de consistance, rnais plan
d'immanence 51 •
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VITESSES DU STYLE ET MOUVEMENTS DE L'ÊTRE
52 Ibid, p. 45.
53 Ibid., p. 58 : « Les images de la pensée ne peuvent surgir dans n'importe quel
ordre, puisqu'elles impliquent des changements d'orientation qui ne peuvent être
repérés directement que sur l'image antérieure ».
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LES STYLES DE DELEUZE
qu'est-ce qui est créé à travers lui ?Non pas l'individu philosophe
mais un personnage conceptuel qui parle en son nom, point de vue
à la fois intérieur et extérieur au plan; non pas la référence à un
objet donné mais la réponse à un problème qui impose d'être posé
pour des raisons à la fois intérieures et extérieures au plan. Per-
sonnages conceptuels et problèmes sont les deux conditions de
transformation du plan initial et d'instauration d'un nouveau plan,
d'une nouvelle image de la pensée. Qu'est-ce que la philosophie?
reprend ainsi le personnage conceptuel du philosophe joueur (lan-
çant les dés du chaos/hasard et surfant sur les rnouvernents infinis
de l'être/pensée) et pose le problème de l'immanence qui le conduit
à créer une batterie de concepts (concept, plan d'imrnanence,
chaos, etc.) et à déployer une nouvelle image de la pensée. Qu'est-
ce qu'un concept crée lui-même en étant créé ?Un découpage inédit des
variations infinies et une connexion inattendue entre elles: chaque
concept se connecte en effet à d'autres concepts qu'il intègre à
titre de cornposantes internes ou au milieu desquels il s'intègre au
sein d'un même plan; le tout fonne un ensemble de variations
inséparables ou coexistantes qui tracent sur le plan des raccour-
cis condensant la pensée, réduisant la distance entre les choses ou
au contraire des détours évitant les impasses et illusions produites
par les plans précédents. Un concept n'a donc « pas d'autre objet
que l'inséparabilité de variations distinctes» : « immédiatement
co-présent sans aucune distance à toutes ses composantes ou varia-
tions », il est un «point en survol absolu, à vitesse infinie54 » (<< plan
d'immanence» équivaut par exemple finalernent à « image de la
pensée », « matière de l'être» ou « coupe du chaos »). C'est cette
vitesse infinie de survol qui extrait et découpe dans les variations
chaotiques des blocs consistants qui, en se connectant, construisent
un plan d'immanence, c'est-à-dire aussi bien « un style, un oiseau
de feu 55 », auto-survol de variations portées à incandescence.
54 Ibid., p. 26.
55 « Lettre à Réda Bensmaïa, sur Spinoza» [1989], dans Pourparlers, p. 225.
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« Ce qui définit le mouvement infini, c'est un aller retour, parce qu'il
ne va pas vers une destination sans déjà revenir sur soi. Si "se tourner
vers" est le mouvement de la pensée vers le vrai, comment le vrai ne se
tournerait-il pas aussi vers la pensée? »
Gilles Deleuze et Félix Guattari, Qu'est-ce que la philosophie?
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LES STYLES DE DELEUZE
À cet égard, aucun texte n'est plus parlant que le commentaire initial que
Deleuze propose d'Apocalypse de David Herbert Lawrence (trad. Fanny Deleuze). Cf.
Critique et clinique, pp. 144-157.
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13 C'est évidemment sur cette version du *nem- qui rappelle le plus ancien usage
du « défend» (défense de clôturer) dans les pâtures où l'espace libre laisse passer les
flux de nutrition, sur le mouvement lisse, centrifuge, hétérogénéisant (pour le dire
avec Stéphane Lupasco, Du rêve, de la mathématique, de la mort, Paris, Flammarion,
1975) que Deleuze bâtit son système.
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24 Ibid., p. 26.
25 Il faut consulter sur ce point tant la Logique du sens que l'ouvrage devenu
classique d'Émile Bréhier, La Théorie des incmporels dans l'Ancien StoiCisme (Paris,
Picard, 1908, rééd. Vrin, 1953).
26 Qu'est-ce que la philosophie ?, p. 26.
27 Ibid., pour la seconde partie de la citation, p. 36.
28 Ibid., p. 28.
29 Ibid., p. 37.
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30 Ibid., p. 112.
31 Ibid., p. 121.
32 Ibid., p. 137.
33 Ibid., pp. 132-133.
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34 Ibid., p. 25.
35 Ibid., p. 149.
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40 Ibid., p. 242.
41 Ibid., p. 246.
42 Ibid.,p.155.
43 Ibid, p. 281.
44 Ibid., p. 282.
45 Ibid., pp. 154-155.
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46 Ibid., p. 157.
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Le style est une individuation qui emporte, contamine et
bouleverse les composantes signifiantes de la langue, pour faire
surgir de nouveaux percepts, - des individuations surprenantes et
splendides, cinq heures du soir, un après-midi dans la steppe. Deleuze
prend ainsi position contre un usage en art et en littérature qui fait
du style un opérateur d'identité. Mais loin de le considérer comme
le rnarqueur d'une signification unitaire, d'une origine personnelle
ou d'un genre défini, Deleuze lui assigne les déterminations de
l'asignifiant, de l'intensif et de l'impersonnel. Rien d'incertain
toutefois, ni de réactif dans ces formules dont l'impact critique
augmente plutôt la charge constructive.
Qu'est-ce qui fait style en effet? En littérature ou en histoire de
l'art, le style exerce souvent une fonction personnologique, identi-
fiante et signifiante, traçant le partage entre réalisations notables et
performances modestes ou mineures. Il signe un usage qui relève le
niveau rnoyen de la langue ou de la production d'art, et personnifie
l'artiste génial, figure d'un ego transcendantal unique, qui applique
la nonne à lllerveille -< selon la version classique, ou qui la consti-
tue - selon sa réplique romantique. Exemplarité ou exception: la
stratégie normative du style se révèle dans cette opération de discri-
mination entre majeur et mineur. Même si on néglige sa vocation
hiérarchique et le cantonne au descriptif, le style établit un réper-
toire de formes morphologiques, et classe, c'est-à-dire unifie et
identifie une pluralité d'objets sous une appellation commune.
Toute prescription d'étiquette répond à ce double mouvement
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ASIGNIFIANT
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pour les autres arts, discursifs ou non. style se connecte avec son
contexte: machine, agencement collectif d'énonciation, il se fait
discours indirect libre.
COLLECTIF ET
DISCOURS INDIRECT LIBRE
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12 F. Guattari, L'inconscient machinique. Essais de schizoanalyse, Paris, Éd.
Recherches, 1979, p. 24.
13 P. P. Pasolini, L'expérience hérétique, op.cit., pp. 39-40.
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27 É. Bréhier, La théorie des incorporels dans l'ancien stoïcisme, Paris, Picard, 1908,
rééd. Vrin, 1980, p. 19.
28 G. Guillaume, Temps et Verbe, Paris, Champion, 1965.
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À partir du milieu des années 1970, la pensée politique que
Deleuze développe avec Félix Guattari s'ordonne autour de deux
notions: celle de « devenir-mineur », celle d' « agencement ».
L'une supporte une problématisation des vecteurs de mutation qui
fragilisent intérieurement tout systèrne de « majorité », en définis-
sant celui-ci par l'hégémonie d'un ensemble normatif capable de
déterminer l'inscription inégale des pratiques et des rnultiplicités
humaines dans des « sous-enseIllbles » (rninorités), à la fois régimes
d'énoncés et positions subjectives dans lesquels s'individualisent les
groupes et les personnes, s'articulent leurs intérêts et leurs reven-
dications, se règlent leurs appartenances et leurs identifications l .
La seconde, celle d'agencement, relance le programme d'une
schizoanalyse : elle donne sa fonction analytique à une analyse
micropolitique des conflits et des « lignes de fuite» que produit,
dans ces régimes collectifs d'énonciation et dans les forrnes de sub-
jectivité correspondantes, l'articulation hautement surdéterrninée
du désir inconscient et de la reproduction des rapports de domina-
tion et d'assujettissernent. Mais dès leur première thématisation, en
1975 dans Kafka. Pour une littérature mineure, ces deux concepts
sont directement liés l'un à l'autre pour analyser la « machine d'ex-
pression» de Kafka, à la fois processus matériel et vital d'écriture,
183
LES STYLES DE DELEUZE
2 Nous avons présenté pour lui-même ce dernier aspect dans « Deleuze et les
minorités: quelle politique? », Cités, n° 40, Paris, PUF, 2009.
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POLITIQUES DE LA LINGUISTIQUE
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dont, chez les individus réels, ces systèmes idéaux entrent en interac-
tion » pour apparaître au regard de l'observateur comme « un seul
système ayant quelques variantes marginales 6 ». Cette exigence,
explique Chomsky, s'impose pour un black english comme pour
n'importe quelle autre langue, si l'on prétend en faire autre chose
qu'une simple somme d'infractions par rapport aux énoncés cor-
rects de l'anglais standard7 •
Chomsky caricature ainsi doublement l'objection de Labov, et
ce faisant, s'épargne d'expliciter les présupposés sur lesquels repose
le programme de la grammaire générative et qui grèvent celui-ci,
selon Labov, de difficultés tant méthodologiques qu'idéologiques.
D'abord, cette grammaire ne se départ pas de la distinction choms-
kyenne entre compétence et performance, qui tombe sous le même
« paradoxe saussurien » qui entachait déjà la distinction entre
langue et parole: le linguiste s'en autorise pour étudier la langue,
définie comme la partie « sociale» du langage, à partir d'un seul
individu considéré comme locuteur standard, et pour renvoyer à
l'inverse l'étude des variations dites « individuelles» de la parole à
l'extériorité du champ social, qui ne concernerait justement plus la
linguistiques. Ce paradoxe n'est pas seulement rnéthodologique :
il révèle des présupposés proprement idéologiques 9 • Car une fois
affirrnée l'homogénéité d'un code de la langue, et celui-ci mis' à
l'abri des stratifications complexes des rapports sociaux, de leurs
différenciations internes et de leurs variations propres, on ne peut
éviter d'ériger la langue dans une position de transcendance vis-à-
vis du champ social, cependant que les pratiques énonciatives sont
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14 Ibid., p. 121.
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15 Ibid., p. 128 : « Lunité d'une langue est d'abord politique. [... ] toujours
l'entreprise scientifique de dégager des constantes et des relations constantes se
double de l'entreprise politique de les imposer à ceux qui parlent. »
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MINEURE ET POLITISATION
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22 Sur les déformations subies par l'allemand de Prague, aux niveaux sémantique
et syntaxique non moins qu'au niveau phonétique, cf. ibid., pp. 77-82. Wagenbach
rappelle l'intérêt de Kafka pour les recherches du disciple de Brentano, Anton Marty,
sur le fondement de la grammaire et de la philologie générales, mais aussi pour la
situation de l'allemand parlé à Prague et les problèmes dont il s'entretient avec Brod
sur le sens nouveau que prennent les mots d'emprunt (Ibid., p. 108).
23 Rilke, Lettre à August Sauer, cité par Wagenbach, ibid., p. 79.
24 Kafka. Pour une littérature mineure, pp. 147-150.
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ves rendent d'autant plus apte à capter dans le champ social les
forces encore irreprésentables du proche avenir, et à exposer le non
figuratif des positions collectives de désir émergeant à travers la
première guerre mondiale, le renforcement des nationalismes euro-
péens, les nouvelles formes du pouvoir bureaucratique ... Il s'agit
donc d'une asignifiance déterminée. Elle ne se mesure pas à ce que
« comprend» le lecteur (de fait les récits de Kafka ne sont en rien
« obscurs» ou ésotériques), mais aux déplacements des limites du
sens et du non-sens, du possible et de l'impossible, de ce qui peut
être dit et de ce qui ne peut l'être, dans les agencements collectifs
d'énonciation et de désir dont la machine d'expression kafkaïenne
analyse les tendances émergentes (éros bureaucratique, éros capi-
taliste, éros fasciste ... 36). La signifiance s'articule toujours à des
partages du sens et du non sens, mais asignifiante est la reconfigu-
ration de ces partages, où se nouent le travail de l'inconscient et
les luttes historiques. En elle réside le « réalisme» politique para-
doxal que Deleuze et Guattari voient à l'œuvre dans la machine
d'expression kafkaïenne: son caractère descriptif et cependant non
représentatif: sa manière d'exposer le réel social et politique mais
dans un processus d'expérimentation non figurative des puissances
libidinales et historiques de ce réel 3?
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LES STYLES DE DELEUZE
38 Mille Plateaux, p. 123. Cf: pp. 123-127, sur la définition du style comme
« procédé d'une variation continue », et la réfutation qu'elle implique du partage
linguistiq ue/ stylistiq ue.
39 Ibid., p. 119.
40 Cf. Ibid., pp. 137-139 et 446-464, sur l'idée de science mineure comme
« science pragmatique des mises en variation qui procède autrement que la science
majeure ou royale des invariants », et qui modifie le partage entre science et art, ou
plus généralement entre le savoir théorique et la pratique comme expérimentation.
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41 Ibid.,p.119.
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42 Ibid., p. 125.
43 Ibid., p. 130.
44 Ibid., p. 117 (<< Il n'y a aucune raison de lier l'abstrait à l'universel ou au
constant, et d'effacer la singularité des machines abstraites en tant qu'elles sont
construites autour de variables et de variations »).
45 Ibid., p. 119. Sur le facteur différentiel de vitesse impliqué par ce processus
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Dans le langage, rien de plus étranger, à première vue, que style
et bégaiement. Le style, c'est l'aristocratie de la parole et du langage.
Le bégaiement, c'est leur étranglement et leur humiliation, leur
misère et leur rnendicité. Le style a sa science, la « stylistique ». Le
bégaienlent attend toujours sa théorie. D'autre part, le bégaienlent
est bien un fait de langage, mais le « style Directoire », par exemple,
exige déjà que nous sortions du langage pour nous placer (comnle
Peirce) à l'étiage du signe en général, genre dont le langage est
seulement une espèce. Pourtant la thèse de Deleuze déclare: « Un
style, c'est arriver à bégayer dans sa propre langue l ».
Évidenunent, cette définition deleuzienne du style est donc aussi
un paradoxe. Deleuze ajoute immédiatement que bégayer dans sa
propre langue, « c'est difficile, parce qu'il faut qu'il y ait néces-
sité d'un tel bégaiement. Non pas être bègue dans sa parole, mais
être bègue du langage lui-même. Être comme un étranger dans sa
propre langue. Faire une ligne de fuite» ; « C'est la mêrne chose
que bégayer, mais en étant bègue du langage et pas simplement de
la parole. Être un étranger, rnais dans sa propre langue» ; « Être
bilingue, rnultilingue, mais dans une seule et nlêrne langue 2 ».
Aussi, dans « Une nouvelle stylistique », Deleuze peut préciser
qu'il ne fait que dire autrernent ce que disait déjà Proust: « le
style est comnle une langue étrangère dans la langue, suivant une
formule célèbre de Proust3 ». C'est la phrase de Proust en exergue
Dialogues, p. 10.
2 Mille Plateaux, p. 124.
3 Deux régimes de fous. Textes et entretiens 1975-1995, p. 343.
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LES STYLES DE DELEUZE
de Critique et clinique: « Les beaux livres sont écrits dans une sorte
de langue étrangère ». Cette généalogie explique ce qu'est bégayer
dans sa propre langue: « Ce n'est pas qu'on saute d'une langue à
une autre, comme dans un bilinguisme ou un plurilinguisme, c'est
plutôt qu'il y a toujours dans une langue une autre langue à l'infini.
Non pas un mélange mais une hétérogenèsé ». « La question n'est
pas de se reterritorialiser sur un dialecte ou un patois, mais de
déterritorialiser la langue nlajeure. 5 » « On sait que le discours indi-
rect libre (très riche en italien, en allemand, en russe) est une forme
syntaxique singulière: il consiste, dans un énoncé qui dépend d'un
sujet d'énonciation donné, à glisser un autre sujet d'énonciation. 6 »
Chez Deleuze, donc, le style (objet de la stylistique) et le bégaie-
ment (pathologie de la parole) sont supposés opérer leur jonction
conceptuelle sur le discours indirect libre (objet de la grarnmaire du
discours rapporté). Ou si l'on préfère, être « comme un étranger
dans sa propre langue» peut se redécrire soit comme bégayer dans
sa langue, soit comme pratiquer le discours indirect libre. Et les
trois formules valent toutes comme définition du style. Simplement
la première est un rappel de la paternité proustienne, la seconde
plonge la critique dans la clinique et la troisièlne rattache le style
à la syntaxe. Avec les trois, nous tenons notre sujet entier in a
nutshell.
Il faut remarquer par ailleurs que la définition du style comme
bégaiement de la langue ou du langage laisse expressément de côté
le bégaiement comme trouble de la parole. Mais il va de soi que
si ce bégaiement démocratique n'est pas traité en stylistique, cela
ne lui ôte en rien sa valeur de modèle clinique pour la critique.
Bien au contraire. La définition deleuzienne où le style est le terme
défini renvoie comme nous venons de le voir à deux définissants:
le bégaiement et le style indirect libre. Mais ils ont un statut tota-
lement different dans l'état de l'art. Le bégaiement est toujours un
4 Ibid., p. 344.
5 Mille Plateaux, p. 132.
6 Deux régimes de fous. Textes et entretiens 1975-1995, p. 344.
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fait brut, alors que le discours indirect libre est une notion notoire
qui a désormais sa place dans toutes les grammaires et tous
traites stylistique, mêlne si elle est objet de controverses. Pro-
cédant du mieux connu au moins connu, nous partirons donc
discours indirect libre pour approcher ensuite le bégaiement.
nous ferons davantage que les juxtaposer. Entre discours U H.... U.''"-vL
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17 Ct: Grevisse: « Pour rapporter soit ses propres paroles, soit les paroles d'autrui,
on emploie le discours direct ou le discours indirect.» (Le bon usage, Duculot, 1955,
§ 1056).
18 Proust et les signes, pp. 146-147. Dans le passage cité par Deleuze, Proust
évoque le « long et cruel suicide du moi qui en moi-même aimait Gilberte ».
19 Voir cependant chez Pasoloni l'équivalence entre l'équidistance de Dante à
ses personnages et son équidistance à lui-même (L'expérience hérétique, op. cit., pp. 75-
76).
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35 Ibid., p. 48.
36 Ibid., p. 78.
37 Ibid., p. 8I.
38 Ibid., p. 43. Cf. l'analyse de La divine comédie dans sa « double nature»
(p.70) que Pasolini compare à la double nature de Jésus-Christ (p.7l), toutes deux se
situant entre « bavardages de cette terre» et « silences du ciel » (p. 75).
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39 Ibid., p. 61.
40 Ibid., p. 39.
41 Ibid., p. 47.
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58 Ibid., p. 346.
59 P. P. Pasolini, L'expérience hérétique, ch. 23 : « Le rhème ».
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64 Lïmage-mouvement, p. 116.
65 L'île déserte. Textes et entretiens 1953-1974, p. 41.
66 Ibid., p. 39.
67 H. Bergson, Matière et mémoire, op. cit., p. 181.
68 Ibid., p. 189.
69 Ibid., p. 189.
70 Ibid., p. 190.
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71 Ibid., p. 145.
72 Ibid., p. 187.
73 Ibid, pp. 188-189.
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qui lui fraie une ligne de fuite, le Style, et lui conquiert une nou-
velle terre, la Littérature.
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« Je crois que les philosophes sont aussi de grands stylistes. 1 »
La coalescence de la philosophie et du style posée par Deleuze tout
au long de son œuvre, nous l'interrogerons en dépliant le chiasme
style du concept/concept du style. La co-imbrication du style et de
la pensée, l'affirmation réitérée selon laquelle la pensée est affaire
de style, lequel à son tour est affàire de syntaxe, rencontre dans le
traitement que Deleuze lui réserve une série de déplacements, de
glissements qui déstabilisent la co-appartenance initiale. D'emblée,
dès Proust et les signes, dans Dialogues ensuite, le style est appré-
hendé sous l'angle d'un agencement d'énonciation d'ordre non
pas linguistique mais sémiotique. Enchâssé dans une théorie de la
langue qui fait de cette dernière un système de signes loin de l'équi-
libre, en proie à une variation continue 2 , le style s'affiche comme
une orientation de la pensée, une manière de se déployer et de
tracer des axes qui en finit une fois pour toutes avec l'identification
du style à une forme, une enveloppe, un ornement extérieur à la
matière qu'il transite.
POUJparlers, p. 223.
2 Cf. entre autres « Préface: une nouvelle stylistique» [1990], in Deux régimes
de fous. Textes et entretiens 1975-1995, pp. 344-345 : « La langue est-elle système
homogène, ou un agencement hétérogène en perpétuel déséquilibre? Si la seconde
hypothèse est juste, une langue ne se décompose pas en éléments, mais en langues
à l'infini, qui ne sont pas des langues autres, mais avec lesquelles le style (ou le non-
style) composera une langue étrangère dans la langue. [ ... ] la linguistique considère
des constantes ou des universaux de la langue, éléments et rapports ; mais pour
Passerone et les théoriciens dont il se réclame, la langue n'a pas de constantes, elle n'a
que des variables et le style est la mise en variation des variables. »
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3 Voir entre autres Mille Plateaux, pp. 112-115, p. 178 ; Kafka. Pour une
littérature mineure, pp. 145-153; Dialogues, pp. 86-87.
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L'ÉQUIVALENCE DU STYLE ET DU NON-STYLE CHEZ DELEUZE
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LES STYLES DE DELEUZE
sance est percutée par un point qui fait sortir r expérience de ses
gonds: le phénomène habituellement; rattrapé par la grille, par le
filet des catégories s'ouvre au paradoxe. De nlême qu'il n'y a pensée
que là où « Je est un autre », là où un champ impersonnel percute
l'assurance du Je pense, il n'y a style que si le geste stylistique s'en-
racine dans une troisième personne, dans le neutre de Blanchot.
Lon n'écrit, l'on ne peint ni ne compose à partir de ses névroses,
de petits secrets familiaux, de fantasmes ou d'opinions; « indé-
pendante du créateur, par l'auto-position du créé qui se conserve
en soi 5 », émancipée des états d'âme du sujet artiste et du référent
objectif, l'œuvre ne s'enracine pas dans un triangle œdipien, des
anecdotes existentielles, des courbes du vécu: le tracer d'un plan de
composition implique l'extraction d'affects à partir des affections
et la transmutation des perceptions en percepts:
« Ce qui se conserve, la chose ou l' œuvre d'art, est un bloc de sen-
sations, c'est-à-dire un composé de percepts et d'affects. Les percepts
ne sont plus des perceptions, ils sont indépendants d'un état de
ceux qui les éprouvent; les afFects ne sont plus des sentiments
ou affections, ils débordent la force de ceux qui passent par eux
[... J. On n'atteint au percept ou à l'affect que comme à des êtres
autonomes et suffisants qui ne doivent plus rien à ceux qui les
éprouvent ou les ont éprouvés. 6 »
Lœuvre se tient en et par elle-même quand elle a congédié la
subjectivité de l'artiste qui est devenu danse de la pierre, des mots
ou des couleurs. Ne produisant ni une mimèsis du monde ni une
mimèsis du moi, le créateur n'imite pas ce qui est mais entre dans
un devenir non humain (devenir tournesol de Van Gogh, devenir
vagues de Virginia Woolf. .. ), ouvrant l'enfance d'un monde, libé-
rant la vie ernprisonnée. Ces réquisits deleuziens de la création,
Proust les avait formulés en ces termes:
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17 Relevons une zone d'ambiguïté chez Deleuze qui ne cesse d'associer bégaiement
et bilinguisme dans une langue unique alors que la majorité de ses exemples conforte
des auteurs à cheval sur deux langues, qui ont fait de leur langue d'origine le vecteur
d'une déterritorialisation de la langue dans laquelle ils écrivent. Si l'opération de
bougé induite par la mise en crise de la langue montre que « c'est dans une seule et
même langue qu'on doit arriver à être bilingue» (Superpositions, p. 107), il n'empêche
que la pratique de la variation continue provient dans plusieurs des cas avancés par
Deleuze d'une extériorité linguistique initiale (Luca, roumain écrivant en français,
Beckett, irlandais écrivant en anglais et en français, Kafka, juif tchèque écrivant en
allemand ou encore Pasolini greffant le dialecte du Frioul dans l'italien).
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LES STYLES DE DELEUZE
18 Critique et clinique, p. 139. Voir aussi pp. 134-135 : « Car lorsque l'auteur se
contente d'une indication extérieure qui laisse intacte la forme d'expression ("bégaya-
t-il... "), on comprendrait malI' efficacité, si une forme de contenu correspondante,
une qualité atmosphérique, un milieu conducteur ne recueillait pour son compte
le tremblé, le murmure, le bégayé, le trémolo, le vibrato, et ne réverbérait sur les
mots l'affect indiqué. [ ... ] Les affects de la langue font ici l'objet d'une effecruation
indirecte, mais proche de ce qui se passe directement, quand il n'y a plus d'autres
personnages que les mots eux-mêmes ».
19 Consulter les quatre textes que Rancière a consacrés à Deleuze: « Existe-t-il
une esthétique deleuzienne ? », in Gilles Deleuze. Une vie philosophique, dir. É. Alliez,
Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 1998, pp. 525-536 ; « Deleuze, Bartleby
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21 Superpositions, p. 110.
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22 Ibid,p.118.
23 Cf: Anne Sauvagnargues, Deleuze et l'art, Paris, PUF, 2005, p. 93 : « Le corps
sans organes désigne ainsi la manière dont le poète schizophrène porte le langage
à son point d'élasticité maximal, et cette expérience concerne à la fois le devenir
intense de la syntaxe et la transformation de l'image du corps ».
24 Critique et clinique, p. 16.
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25 Ibid., p. 141.
26 Les problèmes que nous soulevons recoupent ceux formulés par Stéphane
Madelrieux dans son article « Le platonisme aplati de Gilles Deleuze », in Philosophie,
n° 97, printemps 2008, Minuit, pp. 42-58.
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l'absence visibilité et
par Deleuze. Les agitations qui secouent la langue latine, la
tion de sous-langues aquatique, ignée, lumineuse,
fantôme hébraïque seraient à l'œuvre sans que rien n'en "-4,...'.U.'V'L.L .. ",,",
s'adresse qu'à l'animal en l'homme [... ]. Ça veut dire écrire comme un rat trace une
ligne, ou comme il tord sa queue, comme un oiseau lance un son, comme un félin
bouge, ou bien dort pesamment» (p. 90).
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récriture, dès lors égalerrlent l'art et les deux autres Chaoïdes sont
avant tout des médiations vers une fin qui, bien qu'immanente, les
dépasse, à savoir la vie. Elles n'importent pas en elles-mêmes mais
en tant qu'expressions que la vie se donne dans l'affirmation de ses
puissances et n'ont pour fonction que l'exacerbation de la grande
santé, l'augmentation des connexions énergétiques:
« récriture n'a pas sa fin en soi-même, précisément parce que la
vie n'est pas quelque chose de personnel. récriture a pour seule
fin la vie, à travers les combinaisons qu'elle tire [... ]. Le but de
l'écriture, c'est de porter la vie à l'état d'une puissance non per-
sonnelle [... ]. récriture opère la conjonction, la transmutation
des flux, par quoi la vie échappe au ressentiment des personnes,
des sociétés et des règnes. 34 »
Façon très nette d'affirmer que l'intéressant chez un écrivain
réside en son devenir voyant, son devenir médecin de la civili-
sation, que philosophie et art ne valent qu'à être des entreprises
de santé, des agencements clinico-thérapeutiques sur lesquels le
généalogiste se penche avec l' œil du diagnostiqueur. Chez Deleuze,
le stylisticien fait place au clinicien. Le style oscille entre deux posi-
tions : entre d'une part un vecteur dépassé par la pensée d'abord,
par la vie ensuite, et d'autre part un marqueur de toute pensée.
Tantôt, il paraît se déposer au profit de la pensée, de la vie qu'il
a contribué à tracer, ne représentant que l'étape d'une genèse qui
le subordonne à ce qu'il pennet. Tantôt, il constitue la rnarque,
la signature du concept, du bloc de sensation ou de la fonction,
laquelle ne se sacrifie pas au profit de la pensée dont elle accouche.
Telle est l'ambiguïté du traitement deleuzien de la question trans-
versale du style, tel est le grand écart, la disjonction inclusive qui
le sous-tend: inscrit dans une indétermination constitutive, le
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LES STYLES DE DELEUZE
35 Ibid, p. 12.
36 Qu'est-ce que la philosophie ?, p. 162.
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« Le style est l'homme même» : chacun a en tête cette sen-
tence célèbre!. Plus de deux siècles plus tard, pourtant, Deleuze et
Guattari affirmeront que « ce qu'on appelle un style, qui peut être
la chose la plus naturelle du monde, c'est précisément le procédé
d'une variation continue 2 ». Entre l'être - « le style est l'homme»
et le devenir «c'est une question de devenir3 » --, s'ouvre un
écart, une béance. Béance creusée par une pensée de l'immanence,
du multiple et du virtuel, une machine conceptuelle dont chaque
pièce tend à briser le lien entre individualité et subjectivité: penser
d'autres modes d'individuation que le sujet, des individuations
impersonnelles, pour Deleuze et Guattari, pour Deleuze - un
ensemble d'affects non-subjectivés, des rapports de vitesse et de
lenteur, une longitude et latitude, un climat (<< il » pleut), une
saison, une année, une vie, « cinq heures du soir ».
Si le style peut encore renvoyer à une telle individuation, c'est
donc selon le principe d'une « variation continue» qu'elle se décli-
nera ici. « Style» devient le nom d'une ligne de fuite de la langue,
une ligne illimitée de trahison de celle-ci - si tant est que pour
trahir, « il faut y perdre son identité, son visage. Il faut disparaître,
devenir inconnu4 ». Trahir sa langue signifie pour Deleuze créer une
251
LES STYLES DE DELEUZE
DEVENIR-MINEUR
« "Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étran-
gère". C'est la définition du style. Là aussi c'est une question de
devenir6 ». La formule de Proust, tirée du Contre Sainte-Beuve, revient
très souvent sous la plurne et dans la bouche de Deleuze. Associée au
concept de style, elle dénote l'idée de la provocation d'une rupture
d'équilibre dans la langue, l'invention d'un système « loin de l'équi-
libre}) auquel parviendraient les seuls stylistes. Stylistes qui par là
même s'opposeraient aux linguistes, toujours à la recherche, quant à
eux, d'un équilibre de la langue: car il ne s'agit pas seulernent, pour
Deleuze, de limiter la portée des « grands}) écrivains (les « grands })
écrivains n'étant pas les figures de maîtres: « haïr toute littérature de
maîtres ») à leur seule action sur la parole, abandonnant la langue
Ibid., p. 10.
6 Ibid., p. 11.
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26 « L'épuisé », in Quad et autres pièces pour la télévision, op. cit., pp. 57 et 58.
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27 Ibid., p. 76.
28 Samuel Beckett, « Pour finir encore », in Pour finir encore et autres foirades,
Paris, Minuit, 2001, p. 16.
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31 Ibid., p. 88.
32 Ibid., p. 96.
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SANS CONCLURE
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Charme, style: mots insuffisants, imparfaits, qui ne laissent
pas entendre que le charme est accrOiSSelTIent de vie et que le style,
lui aussi, ne prend sens que par rapport à la vie qui est sa fin. Il
n'est pas un pur exercice d'écriture; mais il ne saurait désigner non
plus l'intériorité psychique de l'auteur. « Le style, c'est l'homrne
même. » Oui et non. Oui au célèbre aphorisme de Buffon, s'il s'agit
de regarder au-delà de l'exercice d'écriture, du travail technique sur
la langue; non, en ce qu'en écrivant, l'homrne, l'auteur se trouve
dépassé par quelque force obscure qui le porte. Force invisible qui
porte l'expression. Le « flux» de l'écriture dépasse sans cesse l'au-
teur, cornrne le locuteur est entraîné par sa parole. Il s'agit d'une
vie qui déborde. « Le charme source de vie comme le style source
d'écrire », dit Deleuze l .
Le style: arriver, par capture, à la formule. La formule qui
cornble la pensée et la repose, comme le fait le charme. Préparée,
encerclée par les points qui la fixent et l'appellent. Arriver à la
fonnule : celle de Bartleby, sans doute; mais il y en a d'autres,
à chaque rnornent, qui émaillent l'œuvre de Deleuze: « L'empi-
rislne est le mysticisme du concept et son mathématisme », jusqu'à
« l'immanence béatitude» de la fin. Fulgurations de cette foudre,
cette « vérité-foudre» dont a parlé Foucault.
Style, allure. Le style fait passer les approxirnations du sens. Fait
passer, j'entends: permet de suppléer à la délTIonstration achevée,
comble les fàilles, favorise les sauts. En l'absence de la voix, il est la
touche ou, comme on dit, « la patte ». Il assure la continuité d'une
présence et, par delà la lettre, la transrnission du message. Qui a vu et
Dialogues, p. Il.
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passer des mots, des agencements dans la langue. Elle peut, toute-
fois, les déborder, lorsqu'elle ne se pren_d pas pour fin, mais prend
pour fin la vie et son intensité, son intensification.
Qu'est-ce que la philosophie? Sinon l'exercice permettant l'in-
tensification de la vie; qu'on l'appelle orientation dans la pensée,
connaissance, sagesse ou de tout autre nlot. Philosopher ne tend
qu'à cela. En cela elle est, tout à la fois, mouvement, écriture
et rythme. Créer des concepts, qu'est-ce que ça veut dire selon
Deleuze? Atteindre ces points reluarquables où le mot se trouve
débordé par l'intensification vitale. Un surplus de puissance, un
surcroît de vie et de sens. Le rhizome, le corps sans organe, le pli, etc.
Ce n'est pourtant pas affaire de mots mais de l'agencement dans
lequel ils entrent, agencement qui se concrétise aussi en quelques
points singuliers, quelques régions qui se font formules. Et qui
sont préparés, portés par d'autres zones plus vastes d'étendue, Ol!
la langue se presse, bouillonne, accumule les démonstrations et les
preuves. Un frémissement sourd, une lame partant du fond, qui
soudain se dresse et éCUlue ; ou ce fameux « précurseur sombre )}
emprunté au langage de la météorologie, qui prépare le chemin de
la décharge de la foudre fulgurant en éclair. Le style de Deleuze, son
cheminement vers l'intensification de la vie, sa démarche philoso-
phique, comme on dit, sont émaillés de cette sorte de préparation
à la décharge qui fulgure.
Démarche en zigzag ou en cercle.
En zigzag, apparentée en cela à la description phénoménolo-
gique; circulaire, adoptant une stratégie encerclante ou posant des
jalons, avec les points remarquables comme autant de sommets de
polygones, d'étoiles, de polygones étoilés pour lesquels des noms
de philosophes, des personnages conceptuels, comIne il dit aussi, se
sont fàits autant de repères et de guides. Le style procède alors, agit
à la manière d'un véritable envoûtement, d'un charnIe. Ce n'est pas
par hasard que, dans l'ouverture de Dialogues les deux se trouvent
associés. Style et charme, c'est tout un. L'un, lorsque l'on envisage
l'écriture, l'autre la personne. Ou luieux, cet ensemble composant
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10 Ibid., p. 167.
Il De manière analogue, Fourier introduit le « ton » dans son étude des passions.
Associant aux passions « majeures» d'amitié et d'ambition celles, « mineures »,
d'amour et de paternisme. Ce qui ne signifie pas qu'elles soient les moins importantes.
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Les cinq lettres qui suivent sont tirées d'une correspondance
entre Gilles Deleuze et Arnaud Villani, allant de 1975 à 1995, et
comportant 38 lettres. Lensemble de ces lettres est resté inédit, à
l'exception de quelques extraits, publiés par l'édition Belin (dans la
collection « l'Extrême contemporain », dirigée par Michel Deguy)
à la fin de La Guêpe et l'Orchidée. Ces extraits avaient reçu préala-
blement l'approbation de Gilles Deleuze. Les cinq lettres qu'on va
lire couvrent l'année 1982, introduites par une lettre de décembre
1981. Les très rares corrections demandées par Gilles Deleuze
sont ici scrupuleusement respectées. La publication de ces lettres a
obtenu l'approbation de Fanny Deleuze, ce dont je la renlercie pro-
fondément. Ces quelques pages suffisent pour nous faire découvrir
un « Deleuze inventif, courtois, précis, fragile, expansif et réservé,
rhizomatique en somme », comme me l'écrivait récemment Michel
Deguy, qui avait pu en prendre connaissance de façon strictement
privée, vu l'amitié qui nous lie.
A.V
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Décembre 1981
286
CINQ LETTRES DE GILLES DELEUZE
Gilles Deleuze
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LES STYLES DE DELEUZE
23/02/82
Cher Ami,
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CINQ LETTRES DE GILLES DELEUZE
Affectueusemen t,
G.D
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LES STYLES DE DELEUZE
Cher Ami,
290
CINQ LETTRES DE GILLES DELEUZE
G.D
291
LES STYLES DE DELEUZE
18 nov. 82
Cher Ami,
292
CINQ LETTRES DE GILLES DELEUZE
G.D
293
LES STYLES DE DELEUZE
3 déc. 82
Cher Ami,
294
CINQ LETTRES DE GILLES DELEUZE
selon lui, c'était d'être, non pas inexact, mais trop original
un commentaire, et pas assez pour un livre libre de vous
vous avez consenti à vous lier à moi).
Gilles Deleuze
295
OUVRAGES DE GILLES
296
Superpositions, en collaboration avec Carmelo Bene,
Minuit, coll. « Théâtre », 1979.
Mille Plateaux. Capitalisme et schizophrénie 2, en collaboration
avec Félix Guattari, Paris, Minuit, coll. « Critique », 1980.
Spinoza. Philosophie pratique, Paris, Minuit, 1981.
Francis Bacon. Logique de la sensation, 2 tomes, Paris, Diffé-
rence, coll. « La vue Le texte », 1981 ; rééd. en un seul volUlne aux
éditions du Seuil, coll « Lordre philosophique », 2002.
L'image-mouvement. Cinéma 1, Paris, Minuit, coll. « Cri-
tique », 1983.
L'image-temps. Cinéma 2, Paris, Minuit, coll. « Critique »,
1985.
Foucault, Paris, Minuit, coll. « Critique », Paris, 1986.
Le Pli. Leibniz et le Baroque, Paris, Minuit, coll. « Critique »,
1988.
Périclès et Verdi. La philosophie de François Châtelet, Paris,
Minuit, 1988.
Pourparlers 1972 - 1990, Paris, Minuit, 1990.
Qu'est-ce que la philosophie ?, en collaboration avec Félix Guat-
tari, Paris, Minuit, coll. « Critique », 1991.
«LÉpuisé », postface à Quad, de Sarnuel Beckett, Paris,
Minuit, coll. « Théâtre », 1992.
Critique et clinique, Paris, Minuit, coll. « Paradoxe », 1993.
L'île déserte. Textes et entretiens 1953-1974, édité par David
Lapoujade, Paris, Minuit, coll. « Paradoxe », Paris, 2002.
Deux régimes de fous. Textes et entretiens 1975-1995, édité par
David Lapoujade, Paris, Minuit, coll. « Paradoxe », 2003.
297
Adnen JDEY est chercheur en esthétique et philosophie
contemporaine à l'Université de Tunis. Il a coordonné plusieurs
ouvrages collectifs et dossiers de revues académiques, notamment
Archives de Philosophie, La Part de l'Œil, Recherches d'Esthétique.
Parmi ses récentes publications: Michel Henry et l'affect de l'art.
Recherches sur l'esthétique de la phénoménologie matérielle (en col-
laboration avec Rolf Kühn), Lyden, Brill Academic Publishers,
20 Il ; Derrida et la question de l'art. Déconstructions de l'esthétique,
Paris, Cécile Defaut, 20 Il ; et avec Emmanuel Alloa : Du sensible
à l'œuvre. Merleau-Ponty et l'esthétique, Bruxelles, La Lettre volée,
201l.
Philippe MENGUE est agrégé et Docteur en philosophie. Il a
enseigné en Provence et au Collège International de Philosophie,
et consacre ses travaux aux questions de l'éthique et du politique,
en s'appuyant sur les œuvres de Deleuze et de Lacan. A publié:
Gilles Deleuze. Le système du multiple, Paris, Kimé, 1994 ; L'ordre
sadien. Loi et narration dans la philosophie de Sade, Paris, Kimé,
1996 ; Deleuze et le problème de la démocratie, Paris, LHarmattan,
2003 ; La philosophie au piège de l'histoire, Paris, La Différence
2004 ; Peuples et identités, Paris, La Différence, 2008. Dernières
publications, aux éditions l'Harmattan: Utopies et devenirs deleu-
ziens, 2009 ; Proust-Joyce, Deleuze-Lacan. Lectures croisées, 2010.
Charles RAMOND : Ancien élève de l'École Normale
Supérieure de la rue d'Ulm (1979-1983), agrégé et docteur en
philosophie. Il est Professeur à l'Université Michel de Montaigne
Bordeaux 3, où il est actuellement Directeur de l'Équipe d'Accueil«
Lumières, Nature, Sociétés ». Ses travaux portent sur la philosophie
rlloderne et contemporaine, notamment Spinoza, Derrida, Badiou
et René Girard. Il a également publié des articles sur Deleuze,
Austin, et Axel Honneth. À paraître: Derrida (Paris: Vrin).
298
Isabelle GINOUX est Chercheur au Département de Philoso-
phie de l'Université libre de Bruxelles et Membre du Comité la
Société belge de Philosophie. En rapport direct avec le thèlne
styles de Deleuze, elle a publié: « Les personnages conceptuels et
les types psycho-sociaux» in Isabelle Stengers et Pierre Verstraeten '
(ed.), Gilles Deleuze, Paris,Vrin 1998 ; « De l'histoire de la philoso-
phie considérée comme un des Beaux-Arts: le portrait conceptuel
selon Deleuze» in J .de Bloois (ed.) Discern(e)ments Deleuzian
Aesthetics/Esthétiques deleuziennes, Ed. Rodopi, Amsterdam-New
York 2004 ; « La déconstruction nietzschéenne de l'opposition
morale du mensonge et de la véracité» in Thierry Lenain Ced.)
Mensonge, mauvaise foi, mystification, Vrin, Paris 2004 ; « Friedrich
Nietzsche» et « Franz Kafka », in Stefan Leclerq (ed.), Aux sources
de la pensée de Gilles Deleuze, t.1, Ed Sils Maria avec Vrin, 2005.
Jérôme ROSANVALLON : après un Master en histoire et
philosophie des sciences à l'Université Paris VII sous la direction
du physicien et philosophe Étienne Klein et entre divers travaux
de traduction, il prépare actuellement une thèse sur Deleuze et
Guattari et la science contemporaine. Dernière publication :
Deleuze & Guattari à vitesse infinie, Paris, Le sens figuré, 2010.
Arnaud VILLANI enseigne la philosophie en Khâgne au
Lycée Masséna. Ses travaux sont consacrés à l'œuvre philoso-
phique de Gilles Deleuze. A publié: La Guêpe et l'Orchidée. Essais
sur Gilles Deleuze (Paris, Belin, 1999). En 2003, il fait paraître Le
Vocabulaire de Gilles Deleuze (CRHI/Vrin, 2003) écrit en colla-
boration avec Robert Sasso. Parallèlement, il a été co-traducteur
d'AlfredN. Whitehead. Dernières publications, aux Éditions Her-
mann : Petites méditations métaphysiques sur la vie et la mort (2008),
Court traité du rien (2009). À paraître: une nouvelle traduction et
un commentaire du Poème de Parménide.
Anne SAUVAGNARGUES est maître de conférences habili-
tée à diriger des recherches à l'ENS, Lettres et Sciences Humaines
de Lyon. Elle dirige aux PUF la collection « Lignes d'art» avec
299
Fabienne Brugère. publié: « Deleuze. l'animal à l'art », in
Paola Man"ad, Anne Sauvagnargues, François Zourabichvili, La
philosophie de Deleuze, Paris, PUF, 2004 (traduit en espa-
gnol); Deleuze et l'art, PUF, 2005 (traduit en coréen). Dernière
publication: Deleuze. L'empirisme transcendantal, PUF, 2010.
Guillaume SIBERTIN -BLAN C est un ancien élève de
l'E.N.S. L-SH. Agrégé et Docteur en Philosophie, actuellement
PRAG à l'Université Toulouse-Le Mirail, il est membre du Centre
International d'Étude de la Philosophie Française Contempo-
raine, et coordonnateur du Groupe « Recherches Matérialistes»
(ERRAPHIS-Le MiraillCIEPFC). Dernières publications: Phi-
losophie politique XIXe_)Oe siècles, Paris, PUF, 2008 ; Deleuze et
l'Anti-Œdipe. La production du désir, Paris, PUF, 2009. À paraître:
« The War Machine, the Formula and the Hypothesis: Deleuze and
Guattari as Readers of Clausewitz », in Bradley Evans and Laura
Guillaume (éds.), Deleuze and War: 1heory and Event, special Issue
2010.
Jean-Claude DUMONCEL est Docteur en Philosophie. Il
a enseigné la logique et l'esthétique à l'Université de Caen. Spé-
cialiste de Deleuze, Wittgenstein et Whitehead, il a publié entre
autres Le jeu de Wittgenstein, PUF, 1991 ; Philosophie deleuzienne
et roman proustien, HYX, 1996 ; Les sept mots de Whitehead, L'Une-
bévue, 1998 ; Philosophie des mathématiques, Ellipses, 2002 ; La
Philosophie telle quelle, Pétra, 2004 ; Deleuze face à face, M'éditer,
2009.
Véronique BERGEN est Docteur en Philosophie de l'Uni-
versité de Paris-VIn et l'Université Libre de Bruxelles. Auteur
d'une œuvre poétique abondante, ainsi que de plusieurs romans
dont Kaspar Hauser, ou la phrase préféré du vent, Paris Denoël,
2006 ; Fleuve de cendres, Paris, Denoël, 2008. Elle collabore à
diverses revues philosophiques et littéraires. A publié trois essais:
Jean Genet. Entre mythe et réalité, Bruxelles, De Boeck Université,
300
1993 ; L'Ontologie de Gilles Deleuze, Paris, I.:Harmattan, 2002 ;
Résistances philosophiques, Paris, PUE 2009.
Isabelle OST est chargée de recherches du Fonds National
la Recherche scientifique (ER.S.-FNRS) belge, rattachée à l'Uni- ,
versité catholique de Louvain ainsi qu'aux Facultés universitaires
Saint-Louis (Belgique). Après des études de langues et littératures
romanes (lettres modernes) et de philosophie, elle a soutenu en
décelnbre 2005 une thèse de doctorat à l'Université catholique
de Louvain, publiée en 2008 sous le titre Samuel Beckett et Gilles
Deleuze: cartographie de deux parcours d'écriture, aux Publications
des Facultés universitaires Saint-Louis. Aux mêmes Publications
était paru en 2004 un ouvrage collectif co-dirigé avec Laurent Van
Eynde et Pierre Piret, Le grotesque. Théorie, généalogie, figures.
René SCHÉRER, Professeur émérite à l'Université de Paris
VIII Vincennes Saint-Denis, est né à Tulle en Corrèze, le 25
novembre 1922. Philosophe fouriériste familier de la phénoméno-
logie et de la pensée de Gilles Deleuze, il est l'auteur d'une œuvre
considérable dont on peut citer les titres suivants: Charles Fourier,
l'attraction passionnée, Paris, J.-J. Pauvert, 1967 ; Émile perverti,
Paris, Lattant, 1974 ; L'Âme atomique, en collaboration avec Guy
Hocquenghem, Paris, Albin Michel, 1986 ; Zeus hospitalier, éloge
de l'hospitalité, Paris, Armand Colin, 1993 ; Regards sur Deleuze,
Paris, Kimé, 1998; Un parcours critique (1957-2000), Kimé, 2000.
301
DES
AdnenJdey
INTRODUCTION 5
Philippe Mengue
LOGIQUES DU STYLE 17
Charles Ramond
DELEUZE ET SPINOZA 49
Isabelle Ginoux
EFFETS DE STYLE EN HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE 73
Jérôme Rosanvallon
VITESSES DU STYLE ET MOUVEMENTS DE L'ÊTRE 105
Arnaud Villani
UNE STYLISTIQUE TRANSCENDANTALE DU CONCEPT 133
155
Anne Sauvagnargues
DELEUZE ET LES CARTOGRAPHIES DU STYLE 157
GuilIaurne Sibertin-Blanc
POLITIQUE DU STYLE ET MINORATION CHEZ DELEUZE 183
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Jean-Claude Dumoncel
DISCOURS INDIRECT LIBRE ET POLITIQUE DU BÉGAIEMENT
Véronique Bergen
LÉQUIVALENCE DU STYLE ET DU NON-STYLE CHEZ DELEUZE
Isabelle Ost
« FORER DES TROUS DANS LE LANGAGE» 25
René Schérer
POSTFACE 271
.............-'.IlI.J-'LJv DELEUZE
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