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La république

« contre-républicaine » ou
la « compression
républicaine » (1849-1851)
Bibliographie
Bleton-Ruget Annie, "Aux sources de
l'agrarisme républicain : la propagande
démocrate-socialiste et les campagnes
(1848-1851) ", in Cahiers d'histoire, tome 43,
n°2, 1998
Jarrige François, "Une barricade de papiers :
le pétitionnement contre la restriction du
suffrage universel masculin en mai 1850",
Revue d'histoire du XIX° siècle, n°29, 2004
Lalouette Jacqueline, "La politique religieuse
de la Seconde République", Revue d'histoire
du XIXe siècle, n°28 – 2004
Winock Michel L’Histoire n° 261 spécial
Victor-Hugo
• Les élections présidentielles du 10
décembre 1848 changent en profondeur le
régime politique.
• Les Français ont fait le choix d’un
Bonaparte.
• = Un tournant majeur de la vie politique
qui démontre les risques du suffrage
universel.
I- les débuts de la « compression
républicaine »

II- le renforcement des mesures


réactionnaires

III- le coup d’Etat du 2 décembre


I- les débuts de la « compression
républicaine »
A-Les débuts de la présidence : un nouveau
cours politique

B-Les élections législatives du 13 mai 1849


confirment le tournant réactionnaire du
régime

C-La journée du 13 juin 1849


A-Les débuts de la présidence : un
nouveau cours politique
• 1-L’entrée en fonction du nouveau
président

• 2-LN Bonaparte nomme Odilon BARROT


( 1791-1873): un monarchiste à la tête du
gouvernement républicain

• 3-l’épuration des administrations


1-L’entrée en fonction du nouveau
président
• LN Bonaparte entre en fonction le 20
décembre en prêtant serment devant
l’Assemblée constituante
• Victor Hugo rapporte la scène dans
Napoléon le Petit « En présence de Dieu et
devant le peuple français représenté par l’AN
je jure de rester fidèle à la République
démocratique une et indivisible et de remplir
tous les devoirs que m’impose la Constitution »
cérémonie solennelle du « serment de
fidélité »
• Le pdt de l’assemblée (Marrast) debout lit
cette formule majestueuse
• toute l’assemblée fait alors silence
• le citoyen Charles-Louis-Napoléon
Bonaparte lève la main droite et dit« je le
jure » Les « représentants du peuple »
applaudissent alors mollement
• Mais ils ovationnent Cavaignac qui vient
remettre son pouvoir
2-LN Bonaparte nomme Odilon BARROT
( 1791-1873): un monarchiste à la tête du
gouvernement républicain
Qui est Odilon Barrot? (1791-1873)

• Appartient au « parti de l’ordre » et au


comité de la rue de Poitiers
• = nommé chef du gouvernement et
ministre de la Justice par LN Bonaparte. =
un notable monarchiste
• Les membres de son gouvernement sont
tous issus du parti de l’ordre.
• Il n’y a donc plus aucun républicain
"Les Mousquetaires de 1848" par Cham. De gauche à
droite : Falloux en Aramis, Odilon Barrot en Athos, Buffet
en Porthos, et Léon Faucher en d'Artagnan.
• Le comte de Falloux, légitimiste =
ministre de l’Instruction publique
• Odilon Barrot = ministre de la Justice et
chef du gouvernement
• Louis Buffet = ministre de l'Agriculture et
du Commerce
• Léon Faucher orléaniste = ministre de
l'Intérieur
Odilon Barrot
croqué par
Daumier
« Le célèbre
Odilon Barrot
promu à la
dignité de
Mamamouchi
impérial »
Odilon Barrot « en tenue militaire »: ramassé sur les bancs de
la montagne après la séance de nuit du 16 avril 1849 = le
dessin fut d’abord attribué à Ledru Rollin avant d’être imputé
à Victor Hugo : Odilon Barrot avait été l’avocat malheureux de
l’écrivain lors du procès du Roi s’amuse en 1832
3-l’épuration des administrations
• On limoge les préfets républicains
• = remplacés par les membres du parti de
l’Ordre = le cas du jeune Haussmann
bonapartiste de cœur et de tradition familiale
qui avait commencé sa carrière sous Louis
Philippe mais était resté un an sans poste,
reçoit en janvier 1849 sa 1ère préfecture
• = le cas aussi des maires et des conseillers
municipaux qui ne sont pas élus mais nommés
B- Les élections législatives
du 13 mai 1849
• 1-Trois camps s’affrontent

• 2-Résultats des élections législatives du 13


mai 1849

• 3-la géographie électorale


Une scène de vote en mai 1849
1-Trois camps s’affrontent
• Les « Rouges » ou « Montagnards »:
partisans d’une « république
démocratique et sociale »
• Les « Blancs » à droite= le « parti de
l’ordre » Orléanistes et Légitimistes
• Les « Bleus »= Républicains de « la
veille »
Les « Rouges » à l’extrême gauche
• = appelés « communistes » (Raspail)
« Socialistes » (Pierre LEROUX, Louis BLANC)
ou encore « radicaux » (Ledru-Rollin)
• = tous considérés comme révolutionnaires
par ceux qui les affublent du terme de
« rouges »
• Ils s’appuient sur un réseau d’associations,
de cercles républicains, de sociétés
(anciennement secrètes), de chambrées, de
loges, et tiennent séance dans des
cabarets, des salons, des brasseries
Les « Blancs » à droite
• = partisans de l’ordre des hommes
« d’influence » issus de la coalition
conservatrice de la rue de Poitiers dans
laquelle se retrouvent aussi bien les
partisans de Louis-Philippe (orléanistes) et
les partisans des Bourbons (légitimistes)
qui pour un temps oublient leur querelle
dynastique pour faire front contre les
Républicains
Les « Bleus »républicains
• = terme employé sous la Ière République
pour désigner les Républicains contre les
Chouans
• = acceptent les principes de 1789 ce qui
les oppose aux « blancs » mais refusent
aussi le « socialisme » des Rouges.
Cavaignac = un « bleu » tout comme
Lamartine ou encore Arago et Glais-Bizoin
2-Résultats des élections législatives
du 13 mai 1849

Les « Bleus »

Les
« Blancs »

Les
« Rouges»
Résultats des élections législatives
du 13 mai 1849
• Une très nette victoire du parti de l’ordre
qui écrase les bleus
• = 450 monarchistes conservateurs pour 75
républicains modérés = à peu près l’inverse
de la composition de l’assemblée
constituante élue en 1848
• Mais à l’extrême gauche
=180« montagnards » des « rouges » qui
font peur
3-Une géographie
électorale:
- la France des notables
domine dans le Nord, le
NE, le NO, l’Ouest
- la France des
« Rouges » = surtout le
sud de la Loire, le Massif
Central, l’Alsace, le SE.
Dans 7 départements
les« rouges » ont
recueilli plus de 60% des
voix = l’Allier, la Saône
et Loire, le Jura, la
Drôme, l’Isère, la Haute
Vienne et les Pyr
orientales.
La « Montagne » en 1849:
les députés « démocs-socs »
La « Montagne » en 1849:
les députés « démocs-socs »
• On distingue de bas en haut et de gauche à
droite : Proudhon, Pierre Leroux, Lamennais,
Louis Blanc, Ledru-Rollin, Caussidière, Raspail,
au 1er rang
• Viennent ensuite au 2e rang : Arago = 3e à
partir de la gauche ensuite à coté de lui =
Victor Schoelcher, Albert, et Flocon
• Tous ces hommes font peur = Le parti de
l’ordre vainqueur des élections n’attend
qu’une seule occasion pour les éliminer =
« La République française poignardant la
République de Rome en 1849 »
C-La journée du 13 juin 1849
• 1-l’expédition de Rome

• 2-entraîne l’émeute du 13 juin


1-l’expédition de Rome
Le général Oudinot est envoyé à Rome par le
gouvernement pour y rétablir le pape contre
les républicains (Mazzini et Garibaldi)
Ledru Rollin interpelle alors le gvt sur la
« question romaine »il demande la mise en
accusation des ministres pour violation de la
Constitution, l’article 5 interdisant en effet à
la Republique d’ « employer la force contre
la liberté d’aucun peuple ».
Sa mise en accusation est repoussée par 367
voix contre 203. Il appelle alors les Parisiens
à manifester
2-L’émeute du 13 juin à Paris
La manifestation
menée par les élus
« democs-socs » de
Paris Ledru Rollin,
Félix Pyat,
Delescluze, Victor
Considérant
devant le
conservatoire des
Arts et Métiers
face aux troupes
commandées par
le général
Changarnier
Mais aussi en province qui s’insurge

• à Lyon surtout, grande ville ouvrière : des


barricades surgissent à la Croix Rousse le
quartier des Canuts après la diffusion
d’une rumeur selon laquelle Paris se
serait soulevé.
• La répression est sanglante. L’armée fait
donner le canon et on relève une dizaine
de morts et des centaines d’arrestations
3-Une sanglante répression
les gardes nationaux investissent l’imprimerie Boulé à coups
de crosse de fusils, de hache ils brisent les presses après
avoir dévasté les bureaux et les imprimeries du
« Démocrate pacifique » et de la Réforme. Gravure de
L’Illustration
DAUMIER « Grand défilé de l’armée qui vient
d’être levée pour entreprendre la fameuse
expédition de Rome à l’intérieur »
DAUMIER

• Derrière un général d’opérette


(Changarnier ?) Daumier fait défiler
Thiers, Berryer, Baroche, Molé, Falloux,
Faucher tous ministres ou membres
éminents du « parti de l’Ordre »
• = ce que le député orléaniste
Montalembert appelle « L’expédition de
Rome à l’intérieur » = la répression anti-
républicaine et anti-démocrate
Les premières mesures reviennent
sur les avancées révolutionnaires
• La grève est à nouveau interdite, les
libertés de la presse sont restreintes ainsi
que la liberté d’association, les clubs sont
interdits, les derniers préfets républicains
sont révoqués
• Deux lois mettent à mal la République = la
loi Falloux et la loi sur le suffrage
universel
II-les mesures réactionnaires : le
retour de l’ordre moral
• A- dans le domaine scolaire: le vote de la
loi Falloux du 31 mars 1850

• B- La loi du 31 mai 1850 restreint le


suffrage universel
A- dans le domaine scolaire
• 1-la « question scolaire »: la petite loi
Parieu

• 2-le vote de la loi Falloux du 31 mars 1850


« Nouvelle loi sur l’enseignement - ce sont
les instituteurs qui reçoivent la férule »
estampe de Charles Vernier, 1850
Caricature de la « petite loi sur
l'instruction » ou loi Parieu,
estampe de Charles Vernier, 1850
• Nouvelle loi sur l'enseignement : « Ce
sont les instituteurs qui reçoivent la
férule ». Vêtus en ecclésiastiques, Alfred
de Falloux et Charles de Montalembert
s'apprêtent à bastonner un instituteur qui
tient dans sa poche la « grammaire de
Lhomond» base de l’enseignement de la
langue française depuis 1780.
1-La « petite loi » Parieu

• La loi Guizot de 1833 avait obligé chaque


commune à entretenir une école primaire
mais en la laissant toutefois libre d’en
confier la gestion à des instituteurs laïques
ou à des religieux
• Avec le SU le rôle des instituteurs est
devenu essentiel dans « l’apprentissage de
la République »
• Le 11 janvier 1850 la « petite loi » Parieu les
place sous tutelle des préfets qui peuvent
révoquer les instituteurs qui « pensent mal »
2-la loi Falloux donne lieu à un très vif débat
Discours de Victor Hugo le 15 janvier 1850

• En janvier la loi du
ministre de
l’instruction
publique Falloux
est soumise aux
députés.
• Victor Hugo fait
alors un discours
tonitruant contre
cette loi
Discours de Victor Hugo suite
• « Oh ! Oui certes, qui que vous soyez, qui
vous appelez le parti catholique et qui
êtes le parti clérical, nous vous
connaissons. Voilà longtemps déjà que la
conscience humaine se révolte contre
vous et vous demande : qu’est-ce que
vous me voulez ? Voilà longtemps déjà
que vous essayez de mettre un bâillon à
l’esprit humain ! »
Discours de Victor Hugo suite
• « Je repousse votre loi. Je la repousse
parce qu’elle confisque l’enseignement
primaire, parce qu’elle dégrade
l’enseignement secondaire, parce qu’elle
abaisse le niveau de la science, parce
qu’elle diminue mon pays. »

• À la fin de son discours Victor Hugo


rejoint les bancs de la Montagne
Car Falloux instituait une pseudo
« liberté de l’enseignement secondaire »
• = la possibilité pour tout particulier
d'ouvrir une école à condition de posséder
le bac (pour les collèges) ou le brevet
(pour les écoles primaires), les
ecclésiastiques étant dispensés de ces
titres. Il suffisait pour eux d’être
recommandés par leur supérieur (évêque
ou abbé)
l’Eglise exerce un droit de regard sur
l’enseignement public
• dans chaque commune, c’est le curé en
accord avec le maire qui est chargé de
surveiller l’école donc les instituteurs
• = Cette disposition suscite chez de nbx
intellectuels une haine durable contre le
« cléricalisme »
Les établissements religieux
bénéficient de subventions de l’Etat
• = on assiste à la X des écoles privées = 257
écoles secondaires ouvrent en 2 ans dont 13
collèges jésuites.
• = la « question scolaire » nait alors : elle
contribue à alimenter un anticléricalisme
qui s’était momentanément apaisé : une
permanence dans les mentalités jusqu'à auj
• le combat pour la laïcité = le fondement
du programme des « radicaux » démocrates
Caricature anonyme
(Daumier?) du Charivari
4 février 1850 « Trois saints
dans le même bénitier »
• les trois protagonistes
de la loi Falloux,
Montalembert éteignoir
n° 1, Thiers n° 2 et Molé
n° 3 = portent chacun un
« éteignoir » de la
liberté de pensée
• Le De Profundis psaume
de deuil des chrétiens
s’adresse ici aux
« instituteurs
primaires » victimes de
la loi Parrieu
• Image précédente = commentée sur le
site de l’histoire par l’image https://
www.histoire-image.org/fr/etudes/
liberte-enseignement-loi-falloux
B- La loi du 31 mai 1850 restreint le
suffrage universel
• 1-la peur des Rouges

• 2- explique la loi du 31 mai 1850

• 3-qui restreint le corps électoral d’un


tiers
1-la peur des Rouges
• en mars 1850 à l’occasion d’élections
partielles pour remplacer les députés
républicains privés de leurs sièges après le
13 juin 1849, les démocs-socs avaient
remporté plusieurs sièges, notamment à
Paris
• Sur 31 députés = 21 démocs socs élus
(dont Eugène Sue à Paris)
2- la loi du 31 mai 1850 restreint le corps
électoral
Honoré Daumier, dessins parus
dans Le Charivari des 20 et 21
mai 1850 (Lilliputiens essayant
de profiter du sommeil d’un
nouveau Gulliver et 28 juin 1851
(Une panique des Lilliputiens qui
ont essayé de garrotter le
Suffrage universel pendant son
sommeil). Le deuxième dessin
sort au moment de la campagne
de pétitions lancée pour obtenir
l’abrogation de la loi du 31 mai
1850 qui en portant la condition
de résidence à trois ans, prive un
tiers des électeurs de leur droit
de suffrage
En quoi consistent les restrictions?= de
nouvelles conditions pour être inscrit
sur les listes électorales
• être inscrit sur « le rôle de la contribution
personnelle » = un registre qui prouvait que l’on
payait des impôts. Mais pour la payer il fallait être
« établi » ce qui excluait d’office les indigents,
mais aussi les ouvriers logeant dans des
« garnis », le fils habitant chez son père, les
domestiques, et bien entendu tout ceux qui
avaient été condamnés même si la condamnation
était dérisoire= ce qui excluait tous les militants
tracassés par le pouvoir = idée étant de
« moraliser » le SU
Pour voter il faut justifier 3 ans de domicile
continu dans un même canton au lieu de 6
mois précédemment

• =exclure les déracinés, les migrants, les


ouvriers du tour de France qui allaient de
chantier en chantier (surtout en ces
temps de construction ferroviaire)
• L’objectif = exclure du SU ceux qui
étaient susceptibles de voter pour les
démocs socs
• = ceux que Thiers appelait « la vile
multitude »
3-qui restreint le corps électoral d’un
tiers
• Le corps électoral diminue d’un tiers
• = 3 M d’électeurs en moins de 9 600 000
on passe à 6 800 000
• Surtout les ouvriers qui sont retranchés du
corps électoral
• à Paris le nombre d’électeurs passe de
225 000 à 80 000
• À Lille = de 15 000 à 4500
Daumier dénonce « les fricoteurs politiques »: les
chefs conservateurs font goûter leur « cuisine »
électorale à une France visiblement dégoûtée.
• Désormais le président et les
« Burgraves » vont pouvoir s’affronter

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