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Cours de Politique Economique-L3

Pr Avom Désiré ; Pr Nkoa François ; Dr ONGONO Patrice ; Dr AZENG Thérèse

3. LA STABILITE DES PRIX


La stabilité des prix désigne une situation où l’inflation est faible et stable dans
le temps. Les banques centrales poursuivent l’objectif de stabilité des prix dans le
but de maintenir l’inflation   le plus proche possible d’un niveau cible appelé
 
cible d’inflation  T qui, généralement, est un peu au-dessus de zéro
(généralement entre 1% et 3%). L’inflation désigne un processus de hausse
continue du niveau général des prix. La déflation quant à elle est l’inverse de
l’inflation, et désigne une baisse continue du niveau général des prix. La
désinflation désigne la baisse du taux d’inflation impulsée par un
ralentissement de la croissance de la masse monétaire par la Banque centrale.
Le taux d’inflation désigne le taux d’accroissement du niveau général des prix
entre deux périodes de temps. Les indices de prix les plus utilisés sont l’Indice
des Prix à la Consommation (IPC) et le déflateur implicite du PIB (rapport en
pourcentage entre le PIB nominal et le PIB réel).

3.1. Les coûts sociaux de l’inflation


L’inflation est considérée par certains économistes comme un problème
économique majeur car, elle impose à l’économie et à la société de nombreux
coûts. Ces coûts diffèrent selon que l’inflation est anticipée ou non par les agents
économiques.

3.1.1.Les coûts de l’inflation anticipée


(i) Les coûts de chaussure (shoe-leather cost)

C’est le coût d’opportunité en termes de temps et d’effort que les individus


supportent parce qu’ils souhaitent détenir moins de monnaie liquide (le cash)
dans d’éviter la perte de pouvoir d’achat que subit la monnaie en période de forte
inflation (taxe d’inflation). Pour se prémunir contre cette baisse de pouvoir
d’achat, les agents économiques vont convertir leurs encaisses monétaires en
d’autres formes d’actifs financiers. Cependant, parce qu’ils ont besoin de
liquidités pour effectuer leurs achats quotidiens, ces individus vont
continuellement faire des visites à la banque pour effectuer des retraits dans
leurs comptes. Ces visites leur imposent alors un coût additionnel qu’on désigne
sous le terme générique de « coût de chaussure » parce que les déplacements
pour la banque usent les souliers. Mais les coûts de chaussure ne se limite pas à
la seule usure des souliers. Ils intègrent aussi le temps et le confort que l’on doit
sacrifier.

(ii) Les coûts de menu ou coûts de catalogue (menu cost)

Les coûts de menu de l’inflation reflètent le temps et l’argent utilisés pour


modifier continuellement les prix dans les boutiques, les rayons des magasins,
les parkings, etc. Les coûts de menu incluent ceux associés à la décision sur la
nouvelle grille de prix, le coût d’impression de la nouvelle liste de prix et des

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catalogues, le coût d’envoi de la nouvelle liste des prix et des catalogues aux
partenaires et aux clients, le coût de la publicité des nouveaux prix, et même le
coût de la gêne du client par rapport aux changements de prix. L’inflation accroit
les coûts de menu pour les entreprises, parce que pendant les périodes
d’hyperinflation, les entreprises devraient changer leurs prix presque
quotidiennement.

(iii) La distorsion des taxes

Les taxes ne s’ajustent pas toujours complètement à l’inflation anticipée, et cela


crée un coût pour les investisseurs. Presque toutes les formes de taxe démotivent
les individus, les poussent à modifier leurs comportements, et entrainent une
mauvaise allocation des ressources. Cette distorsion induite par la taxe est
exacerbée par l’inflation, notamment lorsque la taxe est appliquée sur les gains
en capital ou en intérêt. S’agissant des gains en intérêt par exemple, la loi fiscale
(le code des impôts) taxe le taux d’intérêt nominal gagné sur l’épargne i plutôt
que le taux d’intérêt réel r  , alors même que le taux nominal i incorpore le
taux d’inflation   comme le montre l’effet Fisher qui dit que i  r   .

A titre d’illustration, on considère par exemple deux pays dans lesquels les gains
en intérêt sont taxés à un même taux de 25% et où les taux d’intérêt réels sont
identiques et égaux à 4%. Dans le pays A, le taux d’inflation est nul, et dans le
pays B ce taux est de 8%. Selon l’effet Fisher, le taux d’intérêt nominal est de 4%
dans le pays A, et de 12% dans le pays B.

i A  rA  π A  4%  0%  4%
iB  rB  π B  4%  8%  12%

Puisque la taxe est appliquée sur le taux d’intérêt nominal, dans le pays A, une
taxe de 25% fera baisser le taux d’intérêt nominal, et donc le taux d’intérêt réel,
de 1%, passant ainsi de 4% à 3%. Par contre, dans le pays B, la même taxe de
25% fera baisser le taux d’intérêt nominal de 3% qui passera alors de 12% à 9%.
Puisque le taux d’inflation est de 8%, le taux d’intérêt réel ne sera plus que de 1%
dans le pays B.

L’inflation interagit donc avec la taxe pour amplifier la distorsion induite par
cette dernière sur les gains en capital et les gains en intérêt. A cause de cet effet
induit, l’inflation tend à décourager l’épargne et l’investissement. Puisque
l’inflation accroit la charge fiscale de l’épargne, elle peut avoir un effet dépressif
sur le taux de croissance de l’économie. Pour résoudre ce problème, la solution
que proposent la plupart des économistes est l’indexation des taxes, c'est-à-dire
la prise en compte de l’inflation dans le code fiscal.

3.1.2.Les coûts de l’inflation non anticipée


Dans la pratique, l’inflation ne peut pas être parfaitement anticipée par les
agents, et il arrive généralement que son niveau actuel soit supérieur au niveau
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anticipé par les agents. Les principaux coûts de l’inflation non anticipée sont les
suivants :

(i) Le taux de sacrifice


Le taux de sacrifice désigne le pourcentage de la production qu’un pays perd
annuellement pour réduire l’inflation d’un point de pourcentage (1%). Pour lutter
contre l’inflation, la thérapie que proposent les monétaristes consiste à réduire la
croissance de la masse monétaire. Cependant, lorsque la banque centrale réduit
la croissance de la masse monétaire pour faire baisser le taux d’inflation, cela
s’accompagne généralement d’une contraction de la demande intérieure qui
entraine à son tour une baisse de la production et une augmentation du chômage.
L’ampleur (le pourcentage) de cette baisse du niveau de la production est
mesurée par un ratio appelé taux de sacrifice.

(ii) La distorsion des prix relatifs


Le prix relatif est défini comme le prix d’un bien par rapport à un autre bien.
C’est le rapport entre les prix absolus (prix monétaires) des différents biens d’une
économie. Si le poulet coûte 2500 FCFA/poulet et le kilogramme de poisson 1000
FCFA, alors le prix relatif est donné par :

prix absolu du poulet 2500/poulet


prix relatif  
prix absolu dupoisson 1000/Kg de poisson

2500 FCFA Kg de poisson


prix relatif    2,5 Kg de poisson/poulet
poulet 1000 FCFA

Si l’inflation vient fausser les prix relatifs, elle fausse également l’affectation des
ressources, et les marchés peuvent devenir défaillants en ce sens qu’ils ne
produiront pas l’optimum de Pareto.

(iii) La redistribution des revenus au profit des


emprunteurs
Sur les marchés financiers, l’inflation aide les emprunteurs et pénalise les
prêteurs. Puisque l’inflation réduit la valeur de la monnaie, elle réduit en même
temps la valeur réelle des dettes. Une somme empruntée au début d’une période
de forte inflation aura moins de valeur en termes réels au moment où cette
somme va être remboursée au prêteur. Pour les emprunteurs, il s’agit bien
évidemment d’un avantage car, ils empruntent au moment où la monnaie a une
valeur réelle élevé et leur permet d’acheter de grandes quantités de biens et
services. Par contre, les prêteurs recevront dans le futur une quantité de monnaie
dont la valeur sera plus faible parce que diminuée du taux d’inflation.

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3.2. Pourquoi ne faut-il pas cibler une inflation zéro ?


Bien que la stabilité des prix soit désirable, la plupart des banques centrales ne
ciblent pas une inflation nulle (zéro). Le choix de ne pas cibler un taux d’inflation
nul comme indicateur de la stabilité des prix est dû au fait qu’une inflation nulle
a des bénéfices bien plus faibles qu’une inflation modérée, et les coûts d’une
inflation nulle sont bien plus élevés que ceux d’une inflation modérée. Les
principaux coûts d’une inflation nulle sont les suivants :

- Une inflation zéro a un taux de sacrifice très élevé


La plupart des estimations du taux de sacrifice démontrent montrent qu’une
réduction de l’inflation d’un point de pourcentage requiert un abandon de 5% de
la production annuel. Réduire l’inflation de 4% à 0% par exemple, requiert donc
qu’on renonce à 20% du PIB annuel. Ainsi, même si les individus peuvent ne pas
aimer une inflation de 4%, ce n’est pas à tous les prix qu’ils accepteront de
renoncer à 20% du PIB annuel.

- Une inflation zéro aggrave des inégalités de revenu


Une inflation zéro peut avoir un coût social bien plus élevé que son taux de
sacrifice ; car, la perte de 20% de la production ou du revenu annuel ne se fait pas
de manière équitable au sein de la population. Cela s’explique par le fait que
lorsque l’économie entre en récession, tous les revenus ne baissent pas
proportionnellement. La baisse du revenu global est plus concentrée chez les
individus ayant perdu leur emploi, et généralement, il s’agit des individus les
moins éduqués qui ont peu de compétences, moins d’expérience et des salaires
faibles.

- Une inflation zéro accroit le taux d’intérêt réel


Le taux d’intérêt est défini comme la rémunération annuelle en pourcentage
reçue pour un placement ou versée pour un emprunt. Les taux d’intérêt affichés
par les banques sont des taux d’intérêt nominaux qui incorporent le taux
d’inflation. Mais en réalité, ce que les emprunteurs regardent lorsqu’ils sollicitent
un crédit, ce n’est pas le taux nominal i  , mais plutôt le taux d’intérêt réel r  .
Ce que les emprunteurs souhaiteraient, c’est que le taux réel soit le plus bas
possible et qu’il soit même négatif. Pour qu’il soit négatif, l’équation de Fisher
r  i    dit que le taux nominal doit être inférieur au taux d’inflation.
Malheureusement, cela ne peut pas être possible si le taux d’inflation est nul,
c'est-à-dire s’il est égal à zéro.

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