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Socio-sémiotique des représentations genrées d’un dispositif

médiatique particulier : les retransmissions de compétitions


sportives

​ Natacha Lapeyroux

Intro
Depuis les années 1960, les retransmissions de compétitions sportives sont devenues un spectacle de
masse (Horne et al., 1999)

Selon Médiamétrie, cinq retransmissions de compétitions de la Coupe du monde de football des femmes
2019 figurent parmi les six meilleures audiences de l’année 2019. Chiffres extraits de l’article « Télévision :
quelles sont les meilleures audiences de 2019 ? » (LeDauphine.com, 23 déc., 2019). Accès :
https://www.ledauphine.com/france-monde/2019/12/23/television-quelles-sont-les-meilleures-audience
s-de-2019

les sportives peinent à atteindre le statut de célébrités en raison d’une sous-médiatisation de leurs
compétitions à la télévision et de représentations genrées stéréotypées (Smart, 2005)

les représentations télévisuelles des sportives sont un lieu de conflits entre des représentations genrées
hégémoniques et contre-hégémoniques, c’est-à-dire un lieu d’affrontement pour le contrôle de la
signification (Hall, 1983)

Déconstruire les représentations genrées du spectacle sportif


télévisé

Sport, genre et média


- Sandy Montañola, thèse de doctorat (2009) – portait sur les représentations genrées des
sportives dans la presse écrite (tout nouveau sur le sujet)
- « Identité éditoriale, identités sportives » analysait les représentations identitaires des athlètes
circulant dans la presse écrite en lien avec l’identité éditoriale des supports et comprenait
plusieurs articles abordant la question des stéréotypes de genre et ethnoraciaux (Fraysse, 2019 ;
Forté, 2019 ; Charlot, 2019)

Les sports télévisés sont très masculins et réalisés par des hommes ; ces sports sont privilégiés grâce à
leur capacité à attirer de nombreux fans et spectateurs (Messner, 2002)

- les sportives peinent à atteindre le statut de célébrités en raison d’une sous-médiatisation de


leurs compétitions sportives à la télévision et de représentations stéréotypées (Smart, 2005)
- Conseil supérieur de l’audiovisuel (2014) : le spectacle sportif des femmes ne représentait que 16
à 20 % des retransmissions de compétitions à la télévision

- les commentateurs et commentatrices ont tendance à mettre au premier plan les athlètes les
plus jolies et à discréditer celles qui ne sont pas conformes à la norme (Davisse et Louveau, 1998)

Les retransmissions de compétitions sportives sont des productions culturelles (Amossy, 1989) ; et elles
sont stéréotypées. Mais les changements vont se faire grâce aux singularités (Markula, 2009).

Socio-sémiotique du genre des retransmissions de compétitions


sportives

- Julliard, 2013

Analyse des paroles de speakers, mais également des angles de vues de la caméra, les ralentis, écrans
divisés, etc., les assemblages de formats sémiotiques (textes, images) ou, au contraire, les moments de
décrochage entre le verbal et le visuel.

Les retransmissions de compétitions sportives : un dispositif


médiatique spécifique au prisme du genre

Quantifier l’identitée sexuée des commentateurs et commentatrices


Sandy Montañola (2014) : coupler l’étude de la représentation du sport à celle des locuteurs et locutrices
permet de poser la question de l’influence d’une expertise sexuée.

Deux types de commentateurs/ices : - en studio, décrit toute la compète, donne les infos physiques des
sportifs, raconte des anecdotes

- sur le terrain, pour commenter les enjeux avant le match et faire l'interview des joueurs/entraîneurs par
la suite.

Derèze et al., 2015 ; 15% de femmes chez les journalistes sportifs

Analyser les discours des locuteurs et locutrices


Les commentateurs et commentatrices peuvent parfois se focaliser sur la vie privée des athlètes (mariage,
maladie, divorce, décès d’un·e proche, naissance d’un·e enfant, etc.) (Fernandez, 2004)

Lors des interviews, il est intéressant d’analyser les différents types de discours des coachs et sportifs ;
ceux qui portent des normes de genre concernant les athlètes et les mythologies qu’ils contiennent
(Barthes, 1957)
*prêter attentions aux blagues, non-dits*

Examiner la dimension visuelle : les images filmées


Les gros plans de caméra peuvent sexualiser les corps.

*il est également intéressant de regarder ce que le caméraman filme lorsqu’il n’y a pas de jeu (avant le
match, pendant la mi-temps*

Observer les performance de genre des athlètes


- Butler, 2005
- Quemener, 2014

L’intersection des rapports sociaux de genre, ethnoraciaux, de


sexualités et l’identité nationale

Les représentations genrées des sportives : entre stéréotypes et


innovations
Messner, 2002 : les sportives sont commentées avec un ton ironique

Le dispositif médiatique a mis en avant une forme d’« emphasized feminity » (féminité affirmée) (Connell,
1987 ; Fraysse, 2019) en réalisant des gros plans sur des sportives portant les apparats de la « féminité »
(rouge à lèvres, crayon noir sur les yeux, cheveux longs), ainsi que sur des parties suggestives de leurs
corps (jambes, entrejambes, décolletés).

Ex de discours des commentateurs lors de Roland Garros:

- Vraiment un régal cette finale, pas uniquement sur le plan plastique, on est tous d’accord, mais
sur le plan du style se sont deux joueuses qui sont très très agréables à regarder France 3, tennis,
fínale
- Quand elle avance Mary j’ai envie de dire qu’elle est irrésistible. France 2, tennis, demi-finale
- Nous en sommes encore tout émoussés. France 3, tennis, fínale

Mêmes les personnalités interviewés sexualisent les sportives (finale Roland Garros) : Nelson Monfort : «
Il y a une belle Ferrari et une belle MacLaren »

Les retransmissions de compétitions sportives ont conforté les mythes au sujet de la supposée fragilité «
féminine » et de la femme objet du désir de l’homme (Barthes, 1964)

Quand une sportive a de bon résultat on compare sa perf en disant qu’elle est presque aussi bonne que
les garçons ; la performance sportive reste associée aux hommes selon la « valence de la différence des
sexes » (Héritier, 1996)
Sexualités et parentalités des athlètes
(Whannel, 1992) : Les athlètes homosexuel·les sont mis « au placard »

Sur l’ensemble des retransmissions de compétitions sportives étudiées entre 2005 et 2015, les conjoints
filmés dans les gradins lors des retransmissions de compétitions sportives étaient tous des hommes. Si
l’hétérosexualité a été valorisée et mise en avant par le dispositif médiatique, le statut marital d’épouse
l’était également.

Représentation de l’identité nationale


Mariages ethnoraciaux

Conclusion
La socio-sémiotique du genre (Julliard, 2013) permet de penser les représentations du sport comme
porteuses de signes genrés produits au sein d’un dispositif technique ─ les retransmissions de
compétitions sportives ─ dans un contexte socioculturel spécifique. Adaptée au spectacle sportif, cette
approche nécessite à la fois de considérer l’identité des locuteurs et locutrices en présence, mais aussi
d’analyser les images filmées et les commentaires sportifs qui participent à la construction des
représentations genrées des athlètes. Le concept de performance de genre issue des queer studies, quant
à lui, permet d’analyser les postures adoptées par les athlètes, tant au niveau des images du corps qu’à
celui du langage, et de les penser comme étant en tension entre contraintes et capacité d’agir des
individus (Hargreaves, 2006). Enfin, les idéologies qui circulent au sein des retransmissions de
compétitions sportives sont étudiées à l’intersection des rapports sociaux de genre, ethnoraciaux, de
sexualité et de l’identité nationale.

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