Vous êtes sur la page 1sur 352

Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.

229

DIDIER FONTAINE

LE NOM DIVIN
DANS LE NOUVEAU TESTAMENT

Préface de Gérard Gertoux

L'HARMATTAN
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

@ L'Harmattan 2007
5-7 rue de l'École Polytechnique; Paris 5e
www.librairieharmattan.com
harmattan1~wanadoo.fi
diffusion.harmattan~wanadoo. fi

ISBN: 978-2-296-03559-1
EAN : 9782296035591
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Sommaire

Sommaire.. ... . ... ... ..... .. ... ... . .. ........ .. ... ... ... ....... ... ...... .. ... ... . ... 5
Préface, par Gérard Gertoux 7
ln tro du cti 0 n . ...... .. ....... ............ ....................... .......................... ...... .. .. ........... ............ .. .9

1. L'emploi du Nom aux temps bibliques 13


2. Seigneur, Yahweh ou Jéhovah? .19
La substitution 20
Les raisons de la substitution 22
Le problème de la vocalisation 28
Le problème étymologique 37
3. Le témoignage de la Septante 47
Intérêt de cette traduction 48
Présence du Nom divin 49
Lecture à la synagogue et usage privé 54
Quelques idées reçues 58
4. Jésus, les premiers chrétiens et le Nom... 65
Quelles langues parlait-on en Palestine au premier siècle? 73
Emploi du Nom par Jésus 78
Emploi du Nom par les chrétiens 84
5. Inspiration et préservation des Écritures 139
Inspiration divine 141
Préservation 144
Quelques exemples de critique textuelle 154
6. Une période trouble 175
Judéo-chrétiens et pagano-chrétiens ... 177
Le christianisme des Pères apostoliques 196
Apostasie et Hérésies... ... 209
7. Controverses & Corruptions ..223
L'influence de la philosophie grecque 224
Quelques causes de la divinisation du Christ 232
Controverses & Corruptions 255
De curieuses variantes ... 258
L'étude de Bart Ehrman 265
Conclusion 299
Annexe 1 : Versets bibliques où le Nom pourrait être restauré 307
Annexe 2 : Repères chronologiques 317
Remerciements.. ... .323
Crédits photographiques... 324
Abréviations 327
Bib I i 0 grap hi e. ... ..... ......... .. ............ ... ... ..... ............ .. .......... .. .... ...... .... ........ ........... .. ... 3 3 1

Index des sujets traités ... 345


Index des principaux versets cités 349

5
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Préface
par Gérard Gertoux

Le nom de Dieu est un objet d'étude fascinant. Élément central de la


plupart des religions puisque les chrétiens débutent leur prière du Notre Père
par "Que ton nom soit sanctifié" et que les sourates du Coran débutent par
"au nom de Dieu", le nom de Dieu est en même temps complètement ignoré,
au point que le croyant est encouragé à rendre un culte à un Dieu anonyme,
le dieu inconnu des Grecs. Par un étrange paradoxe, le nom de Dieu, en étant
omniprésent, passe inaperçu. Les religions modernes ont adopté le principe
central des cultes à mystères, produit des cercles gnostiques et cabalistiques,
le nom de Dieu, c'est le Nom. Les Juifs de notre époque appellent d'ailleurs
D-ieu: Hashem "Le Nom", de la même façon que les Égyptiens du passé
appelaient leur dieu suprême: Amon "le [nom] caché".
Il est pourtant facile de vérifier que le nom divin apparaît près de 7000
fois dans la Bible hébraïque sous la forme du tétragramme YHWH, le
fameux nom de quatre lettres, formé en fait de quatre voyelles selon Flavius
Josèphe. Le texte biblique, Romains 10:13 qui cite Joël 2:32, insiste sur
l'invocation du nom de Dieu pour être sauvé.
Didier Fontaine a mené une enquête passionnante pour comprendre
pourquoi ce nom si sacré a cessé d'être prononcé durant la période 35-135 de
notre ère. Le procès de Jésus constitue un des éléments déterminants pour
comprendre cette énigme. En effet, les chefs religieux juifs ne voulaient pas
être des assassins, ils ont donc voulu condamner légalement ce compatriote

7
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

qu'ils considéraient comme un imposteur. Le premier chef d'accusation


utilisé, avant de finalement retenir le crime de lèse majesté de la législation
romaine, fut le crime de blasphème. Le blasphème était un crime bien
codifié puisque Lévitique 24:16 prévoyait la lapidation pour quiconque
prononçait le nom de Dieu de manière injurieuse. Quelques judéo-chrétiens,
comme Étienne, ont d'ailleurs été lapidé pour ce motif durant le premier
siècle.
Didier Fontaine, en chercheur passionné, a réussi à rendre simple un
sujet devenu complexe.

8
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Introduction

Le lecteur de la Bible est parfois dérouté par un constat gênant:


l'Ancien Testament est très différent du Nouveau. Le premier raconte les
relations tumultueuses entre YHWH et un peuple qu'il a élu au détriment de
tous les autres, peuple à l'échine raide de surcroît, dont les pérégrinations
chaotiques n'ont de gloire que l'exemple. C'est le récit inlassable de guerres
sans pitié, de conquêtes, d'exterminations. Les turpitudes des rois succèdent
à la narration de massacres. Finalement cette nation, qui a part à la révélation
du Dieu Un, et qui a contracté une alliance avec Lui, fait pâle figure. Puis se
conclut une alliance nouvelle, dont le « compte-rendu» constitue un
Nouveau Testament. Le Dieu qui y est représenté n'a pas de nom. On
l'appelle par le titre « Seigneur ». C'est un Père bienveillant et plein d'amour
que nous fait découvrir le Christ. Bien différent, en apparence, de la divinité
nationale de la Première Alliance, ce « bon Dieu », en accordant sa grâce à
toute 1'humanité, est universel.
Au deuxième siècle de notre ère le constat de cette disjonction était déjà
source de troubles et de conflits, comme en témoigne la célèbre hérésie de
Marcion, pour qui le Dieu de l'Ancien Testament, divinité malfaisante et
subalterne, ne pouvait en aucun cas être celui du Nouveau. Pour les Juifs
d'aujourd'hui, la Bible n'est composée que de la Torah, des Écrits et des
Prophètes: il n'y a donc pas deux divinités différentes, mais seul le Dieu
Un, YHWH, au nom imprononçable. Quant aux chrétiens, pendant
longtemps ils se sont accommodés de l'Ancien Testament - avec peine, il
-
faut le dire en ne le lisant que par morceaux choisis, et en utilisant toutes
sortes de missels qui ne contenaient guère que le Nouveau Testament et les
Psaumes. De nos jours, si la lecture liturgique ou personnelle a évolué dans
le sens d'une approche plus complète des Écritures, elle débouche
invariablement sur un embarras latent.
On ne saurait cependant éluder cette difficulté, car l'histoire montre que
judaïsme et christianisme sont mère et fille. Leur lien est viscéral. Comment
donc, en ces âges d'intolérance et de fanatisme, expliquer ces disparités?
L'existence d'une Bible hébraïque, et d'une Bible chrétienne? Les
différences entre YHWH et « le Père» ?

9
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Le but de cet ouvrage est de mettre en relief une des explications de la


rupture entre Juifs et chrétiens. Une explication parmi d'autres, certes, mais
qui à notre avis est si fondamentale que d'elle découlent les autres. Il s'agit
de la question du nom divin et de son traitement dans la Bible, en particulier
dans le Nouveau Testament. Surabondant dans les récits de l'Ancien - il y
figure près de 7000 fois - on ne le rencontre plus du tout dans le Nouveau
Testament (du moins dans les manuscrits qui nous sont parvenus) : Dieu est
désigné par les substantifs « Dieu », « Père », ou « Seigneur ». Le nom divin
dans la Bible a toujours suscité des réactions diverses, et c'est très
significatif. Il est incontestable que ce nom paraisse dans l'Ancien
Testament: on l'y rencontre, plus qu'aucun autre nom, sous les quatre lettres
YHWH, en hébreu ;'1';'1'. Une superstition juive (devenue tradition) a
répandu l'idée que ce Nom était «trop sacré pour être prononcé », si bien
que la vocalisation de ce Nom, depuis longtemps, pose problème et
contribue à la surenchère des substituts: Éternel, Seigneur, IH"vHou YHWH
figurent souvent en lieu et place du glorieux nom divin.
Dans le Nouveau Testament, donc, Dieu s'appelle couramment KUpLOÇ
(kyrios), Seigneur. Pourquoi ne l'appelle-t-on plus par son nom i1,i1' ? Le
Nom est-il gênant, ou est-ce l'esprit d'un universalisme syncrétique qui
souffle? C'est d'autant plus curieux que dans la Bible, Dieu affirme que son
Nom doit passer les générations, durer à l'infini, être proclamé parmi toutes
les nations. Si donc le Dieu des Juifs souhaitait que son Nom soit publié par
toute la terre, pourquoi n' a-t-il pas veillé à sa préservation? et cela en
commençant par préserver ne serait-ce que sa vocalisation? On pourrait
penser en toute logique que si cette vocalisation s'est perdue, c'est tout
simplement parce qu'elle n'est pas importante. Convient-il donc,
aujourd'hui, d'employer un nom reconstitué, et restitué au moins dans
l'Ancien Testament où il figure sans conteste? Voilà les deux questions qui
vont être à la base de notre propos.
Nous allons cependant concentrer notre attention sur un problème bien
plus délicat, qui est celui du nom divin dans les Écritures grecques
chrétiennes, en réponse à l'ouvrage de Lynn Lundquist, The
Tetragrammaton and the Christian Greek Scriptures1. Comme nous l'avons
évoqué en effet, aucun manuscrit du Nouveau Testament ne mentionne le
tétragramme, nom propre par excellence du Dieu d'Israël. Entre rupture et
continuité, les écrits néotestamentaires laissent donc un sentiment étrange
quant à leur héritage: le nom sacré de Dieu n'est repris que sous la forme
hellénisée d'un titre assez commun à l'époque, KUpLOÇ. Or, le problème surgit
de la confusion dans l'emploi de ce titre. KUpLOÇpeut désigner aussi bien
YHWH que Jésus Christ. Cela a inévitablement engendré une grande
confusion sur l'identité de Jésus, qui a été assimilé, par ce titre commun de
Seigneur, à Dieu lui-même... À notre avis, cette confusion sur l'identité du

10
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Christ est directement liée à la présence originelle du tétragramme dans le


Nouveau Testament.
Nous allons soutenir la thèse que Jésus et ses disciples connaissaient et
employaient le Nom, et que les écrits des premiers chrétiens2 portaient le
tétragramme en caractères hébreux. C'est l'acclimatation du message
évangélique à la Gentilité hellénistique qui a causé la perte d'intérêt pour le
Nom et, partant, sa disparition totale dans la transmission des textes. Nous
verrons que 'disparition' est en l'occurrence un terme trompeur.
Le problème du nom divin dans le Nouveau Testament a un potentiel
polémique insoupçonné. Nous en serons conscient tout au long de cette
recherche, n'oubliant pas qu'en un certain sens il touche à l'essence même
du christianisme. Qui plus est ce sujet nécessite des connaissances
spécifiques qui sont souvent absentes ou du moins confuses dans l'esprit du
profane. Or ce qui est confus est une demi-vérité. Il sera donc judicieux de
nous arrêter préalablement sur les questions suivantes:
premièrement, nous évoquerons l'emploi du nom divin aux temps
bibliques et le problème de sa vocalisation (chapitres 1 et 2), sujets
qui n'intéressent pas directement notre problématique, mais qui
permettent que son traitement s'affranchisse d'informations et
d'analyses approximatives sur lesquelles il est impossible de bâtir
quoi que ce soit. De plus, la présence du nom divin dans l'Ancien
Testament n'étant pas à remettre en question, les polémiques qui
entourent néanmoins sa vocalisation et sa restitution dans nos
traductions sont très révélatrices,
deuxièmement, nous nous servirons du témoignage de la Septante.
Certains considèrent ce témoignage sans valeur; d'autres au
contraire estiment que c'est une preuve, ou presque. Sans verser
dans ces deux extrêmes, nous analyserons donc en quoi cette
traduction des écritures hébraïques, qu'employaient les chrétiens,
nous éclaire sur le comportement vis-à-vis du Nom, aussi bien dans
l'Ancien que dans le Nouveau Testament.
De fait, le lecteur impatient peut se reporter directement au chapitre 4
s'il estime être familiarisé avec les enjeux du nom divin dans la partie
hébraïque de la Bible, car c'est dans ce chapitre que nous commençons à
collecter les indices de son emploi à l'époque de Jésus et de ses disciples. Le
chapitre suivant (chapitre 5) répond à la question qui surgit naturellement à
la revue des indices: si Jésus et ses disciples ont vraiment employé le Nom,
pourquoi n'apparaît-il pas dans le texte du Nouveau Testament?
Répondre précisément à cette question nécessite d'examiner les
conditions de transmission de ce texte. En général, le croyant pense que le
texte qu'il découvre dans sa version biblique est absolument fiable pour la
bonne raison que cette Parole est considérée comme « inspirée». Mais c'est,
là encore, une demi-vérité qui ignore par quels âges troubles le texte qu'il a
sous les yeux est passé (chapitre 6) car les deux premiers siècles de notre ère
sont parsemés d'événements plus graves les uns que les autres: ruine de

Il
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Jérusalem en 70, persécutions des chrétiens, démarcation puis rupture du


christianisme d'avec le judaïsme, seconde révolte juive et seconde ruine de
Jérusalem... ne sont que quelques-unes des frasques de cette période
mouvementée. Sans parler des controverses christologiques qui apparaissent
dès que le message évangélique sort de Palestine (chapitre 7). C'est la prise
en compte de ce contexte qui permet de situer le problème du nom divin au
sein des Écritures grecques chrétiennes dans sa juste perspective. À ce
moment-là, le christianisme se définit, à la fois par une contradiction
intérieure et une ouverture sur l'extérieur. La proclamation orale se fixe par
l'écrit. Un canon se constitue. Les hérésies sont démasquées. Un sentiment
orthodoxe se forme, et le mouvement sort de son berceau. Il s'élance dans
l' oikouménè3. Il change de capitale.

Change-t-il de Dieu?

I Word Resources, Inc, 1998, 2e


éd. Notre réponse ne traitera cependant pas point par point
les arguments de Lundquist, car ils sont peu nombreux, et s'attaquent essentiellement à la
Traduction du Monde Nouveau en désinformant au sujet de son comité de traduction (cf.
Stafford: 1-54, Mazzaferro, The Lord and the Tetragrammaton...). Notre objectif est moins la
polémique que la présentation (en aucun cas, la résolution) du problème au public
francophone.
2 Dans cet ouvrage les premiers chrétiens sont indifféremment appelés « judéo-chrétiens» ou
« Juifs chrétiens ». La notion de «judéo-christianisme» désigne une réalité d'une incroyable
diversité, qui a suscité des études nombreuses, et parfois contradictoires. D'où s'impose cette
précision terminologique : sans vouloir décrire ni résoudre cette notion, nous entendrons par
« judéo-chrétiens» les disciples immédiats de Jésus, ainsi que les premiers Juifs convertis
jusqu'en 70. Par « pagano-chrétiens» nous entendrons des disciples de Jésus non-Juifs.
3 « La terre habitée».

12
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

L'emploi du Nom aux temps bibliques

Aucun doute possible, Dieu a un nom. Ce nom apparaît près de 7000


fois dans l'Ancien Testament. D'innombrables noms hébreux étaient formés
à partir d'abréviationsdu nom divin: on les appelle les noms théophores.I
C'est dire si le Nom, à l'époque, avait une importance primordiale. Dans la
pensée sémitique2 plus que dans les autres civilisations, le nom ne se réduit
pas à une valeur patronymique. Il revêt un sens profond, qui souvent a un
rapport étroit avec l'identité de l' individu (cf. 1S 25:25). La première activité
d'Adam fut de nommer les animaux que Dieu lui présentait (Gn 2:19,20).
Puis, quand Dieu lui créa une semblable, la femme, il s'exclama:

~,tb:!l~
AO '0 ,tD:), ~6~3J~ C~3J Cl'Si1 MNT:'C'N;1 "'~N~'
" :n~o~:'~n~à O,~,~_~ ~,~ iI*~ N,!.p'~ 'nNT~

Et l 'homme dit: Voici cettefois celle qui est os de mes os et chair de ma


chair! On l'appellerafemme, parce qu'elle a été prise de l'homme.
Genèse 2:23
Adam et Ève connaissaient le Nom divin, et ils l'employaient (Gn 4:1).
Leurs descendants après eux en firent autant.3 On n'hésitait pas à changer de
nom, ou à surnommer quelqu'un, en cas d'événement marquant (Abram,
Saraï, Jacob devinrent Abraham, Sara, Israël). En particulier, le nom donné à
la naissance coïncidait souvent avec une situation précise, comme lorsque
Joseph appela son fils Manassé ('Celui qui rend oublieux') : « Car Dieu m'a
fait oublier toute ma peine, et toute la maison de mon père. » (Gn 41:51). De
tels exemples sont surabondants dans la partie hébraïque de la Bible, et
occasionnels dans la partie grecque-chrétienne. De fait, explique André
Chouraqui : « Pour le Sémite, le Nom s'identifie à l'être qu'il désigne. Le
connaître équivaut à posséder un pouvoir sur celui ou ce qu'il désigne4. »
Voilà pourquoi Moïse demande à Dieu de lui révéler son Nom - c'est-à-dire
le sens profond de ce Nom (Ex 3:13). Il ne s'agissait ni de lui donner son
nom - ce Nom était déjà connu et employé - ni la prononciation de ce nom,
mais bien sa signification.

13
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Dieu n'hésite pas à l'employer et à le faire connaître:


:r:r~~'Q~~'p~i}~~ 16~-~7 '~.~7 \'!;:l~~ :~ ~ N~~ ini1~ ~~~
Je suis le SEIGNEUR (YHWH), c'est là mon nom;
et je ne donnerai pas ma gloire à un autre, ni mon honneur aux statues. -
Isaïe 42:8 - NBS

Un psalmiste, chantant sa louange, écrit:


:rl~A-~:b-~~ 1;:~7if '9J.~7 ~Ji1~ :9~~ i1n~-'? ~j,l:.1.
Qu'on sache ainsi que, toi seul, dont le nom est le SEIGNEUR (YHWH),
tu es le Très-Haut sur tout la terre! Psaume 83:19 - NBS

Il est donc hors de propos de discuter de l'emploi ou non du nom divin dans
l'Ancien Testament. La Bible hébraïque exhorte clairement à invoquer ce
nom, et condamne ceux qui ne le font pas :

~~lP N'~ ~~~f ,~~ n;ns~~ \~~1 -;pb1~-N'~ ,~~ \C:;~iJ-~~ '9~6Q l~~
Répands ta fureur sur les nations qui ne te connaissent pas,
et sur les peuples qui n'invoquent pas ton nom! Jérémie 10:25
Bien entendu, ce Nom est saint (Lv 22:32, 1Ch 16: 10, 29: 16, Ps 99:3, 103: 1,
105:3, Ez 39:7). Dieu lui-même se charge de le sanctifier et de le glorifier
(Jn 12:28), et Jésus d'ailleurs encourage ses apôtres à prier pour que ce Nom
soit sanctifié (Mt 6 :9).
Tout croyant Juif a une conscience aiguë de la sainteté de ce Nom. C'est
peut être ce qui explique pourquoi l'usage oral du Nom sera progressivement
abandonné: « La maison d'Israël, peuple élu de Dieu, était la gardienne de
sa réputation dans le monde. Par des actions dignes de lui, elle l'accréditait
et 'sanctifiait le nom'. Au contraire, une conduite méprisable entraînait
khilloul hachem (profanation du nom). (...) Profaner le Nom était tenu pour
l'un des péchés les plus atroces: «(...) 'Celui qui est coupable d'avoir
profané le Nom ne peut pas recourir à la repentance (...); la mort seule
pourra l'ôter. (Yoma, 86 a) 5 »
Jésus connaissait ce Nom, et l'employait.6 Par exemple, dans le passage
de Matthieu 4:11, il cite Deutéronome 6:13 où paraît clairement le
tétragramme. Certains ont objecté que la lecture était faite en grec dans la
Septante, où ne figure pas le tétragramme. Mais, à l'époque, et jusqu'au lIe
siècle de notre ère au moins, la Septante présentait le nom divin soit en
hébreu, soit en grec vocalisé. Ainsi, dans tous les cas, on rencontrait
forcément le nom divin lors d'une lecture. En diverses occasions, Jésus
insista sur l'importance de glorifier le Nom divin: «'Père, glorifie ton
nom!' Une voix vint donc du ciel: 'Je l'ai glorifié et je le glorifierai
encore'». (Jn 12:28, voir aussi Jn 17:26) Les premiers chrétiens
connaissaient également ce Nom. Ils le prononçaient; mais ils veillaient, ce
faisant, à leur comportement, pour que celui-ci ne porte pas opprobre au

14
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Nom de Dieu (2Ti 2:19). L'expression 'Nom de Dieu' ou 'Nom de Nom' est
d'ailleurs une réminiscence du respect qui est dû à ce Nom.
Seuls Satan et ses démons ne le prononcent pas: « Enfin, on notera la
répugnance de Satan à utiliser le nom divin; la discussion avec Jésus en est
un exemple caractéristique, car si Satan utilise à chaque fois Dieu, Jésus par
contre utilise systématiquement le nom divin dans ses réponses (Mt 4:1-10).
Cette répugnance pour le Nom, également partagée par les démons (Lc 4:34,
417 ; 8 :28), provient tout simplement du refus de rentrer dans l'intimité de
celui à qui l'on s'adresse, comme les personnes qui, pour marquer leur
distance avec un individu indésirable, préféreront dire: 'Bonjour monsieur'
plutôt que 'Bonjour Untel' en utilisant son noms.» C'est, paraît-il, une
mauvaise interprétation du passage d'Exode 20:7 qui serait à l'origine de la
superstition consistant à ne pas blasphémer le Nom, ni le prendre en vain,
superstition largement présente dans de nombreuses traductions modemes9.

~1~~ ~rD~~ i1~i1;-c~-n~ ~/tbt:1N~


Tu ne prendras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain.

Le terme hébreu ~1ti1désigne ce qui est faux, ce qui est mensonger, ce


qui est vain ou inutile"lOUn équivalent moderne et familier serait de dire
« dans le vent». Le texte signifie donc: « Tu ne dois pas jurer en faisant
mention du nom de YHWH sans tenir ton serment». La Bible nous montre
d'ailleurs l'expression consacrée: i1~i1:-'IlJ(Iitt. «YHWH est vivant», i.e.
« aussi vrai que YHWH est vivant ».. .~uivi du sermentll.) À ce sujet, une
note de la Nouvelle Bible Segond nous donne une explication
particulièrement éclairante: « On a généralement compris cette expression
comme désignant, en particulier, le faux serment; mais elle a pu avoir une
portée plus large; cf. Ex 22.27 [ne pas maudire Dieu] ; Lv 19.12 [ne pas
jurer faussement par le Nom], 24:10-16 [ne pas blasphémer ni maudire le
Nom] ; Os 10.4 [serments inutiles] ; Ps 139.20 [ne pas prendre en vain], voir
aussi Mt 5.33 [ne pas parjurer]. À partir d'une époque difficile à préciser, ce
commandement a été interprété dans le judaïsme comme une interdiction
quasi-totale de prononcer le nom YHWH, d'où le remplacement
systématique de celui-ci par Seigneur dans les lectures bibliques de la
synagogue et dans la LXX. Aux Ille et lIe s. avoJ.-C. (cf. Siracide 50.20 :
'Alors il redescendait et élevait les mains sur toute l'assemblée des fils
d'Israël, pour donner de ses lèvres les bénédictions du Seigneur et avoir
l'honneur de prononcer son nomlZ.,), il semble que le grand prêtre
prononçait ce nom une fois l'an, pour les bénédictions finales du Jour de
l'Expiation... »
Cette version traduit donc très judicieusement l'expression ~1~~ par « pour
tromper ». Dieu a certes dit de ne pas employer son nom en vain. Mais il a
aussi dit:

15
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

:~?W~ i~~~i '?~Ij i~k1 N\-T'~,;r.r1~~ i1Ji1~-n~


Tu craindras l'Éternel, ton Dieu, tu le serviras,
et tu jureras par son nom. Deutéronome 6:13 (idem 10:20)
Le verbe hébreu ~;1W~, tiré de la racine .11:1W(niphal 2e pers. masc. sg. de
l'inaccompli), signifie littéralement « tu prêteras serment». Employé avec la
préposition :1, le sens devient « tu jureras par». C'est bien là un usage, et
quel usage! N'y aurait-il donc pas une contradiction? Évidemment non. Car
Dieu n'a jamais laissé entendre que l'usage de son Nom devait être interdit.
Il en a simplement prévenu tout mauvais usage. D'ailleurs l'esprit de Dt 6:13
est on ne peut mieux précisé en Lv 19:12a: « Vous ne ferez pas de faux
serments13 par mon nom. » (NBS) On pourrait arguer (et on le fait), que c'est
une mauvaise interprétation d'Exode 20:7 qui a voué le nom divin à un oubli
quasi général, et ce serait vrai en partie. Mais ce serait oublier de prendre en
compte la répugnance de Satan à l'égard de ce Nom, sa lutte contre celui-ci
dès les origines de l'humanité (On 4:26), et le zèle qu'il déploie pour faire
sombrer ce Nom dans l'oubli - et donc le prestige et l'autorité indissociables
de ce Nom. Au sujet de cette mauvaise interprétation, André Chouraqui
exhorte: « Relisez les Dix Commandements tels qu'ils ont été proclamés au
Sinaï et non, hélas, comme ils ont été généralement interprétés: vous y
rencontrerez le Nom de IH'~H Elohîms en huit occurrencesI4.» Le récit
déclare d'ailleurs que les Dix Paroles furent écrites « du doigt de Dieu». Si
Dieu a autant insisté sur son Nom, ce n'est certainement pas pour que les
hommes le tiennent pour sacré au point de ne plus l'utiliser. En conséquence,
il est logique de penser qu'il a simplement mis en garde contre tout mauvais
usage de celui-ci. 15 Les gens qui mettent leurs coordonnées téléphoniques
sur liste rouge ont un comportement tout à fait similaire. Ce faisant, elles en
interdisent tout accès mal intentionné. Cela ne signifie pourtant pas qu'elles
désirent ne plus être appelées par leur nom!
Mais pour le Nom de Dieu, c'est ce qui s'est passé: « Ce qui est
inadmissible pour l'Iliade ou l'Odyssée est permis pour la Bible. On tronque
le Nom sacré de son principal héros, IH'vH Elohîms, refoulé comme son
peuple, et on le remplace par celui d'idoles respectables peut-être dans leurs
contextes culturels, mais qui n'ont rien à faire ni à voir avec les réalités de la
Bible. Est-il pire trahison de la révélation mosaïque, et ne serait-il pas temps
de revenir à ses sources, ne serait-ce que par honnêteté intellectuelleI6 ? »

1 Élie, Isaïe, Jonathan, Josué...


2 Ce mot vient de Sem, un des fils de Noé à l'origine des peuples sémites, et signifie 'Nom'
ou 'Renommée'. Un exemple de l'emploi significatif du nom divin se rencontre dans le livre
de Jonas (ou Vona) : cf. Claude Lichtert, « Récit et noms de Dieu dans le livre de Jonas »,
Bib/ica 84 (2003) 247-251.
3 Gn 4:26b : 'C'est alors que
l'on commença à invoquer le nom de l'Éternel.' ; 12:8b: 'II bâtit
encore là un autel à l'Éternel, et il invoqua le nom de l'Éternel.' ; 13:4 : 'Et là, Abram invoqua
le nom de l'Éternel' . . .
4 Chouraqui, Moïse: 143. Pour le nom divin, cf. Ps 91:14.

16
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

5 Cohen: 67. E. Dhorme va dans le même sens: « Le souci invétéré de taire le nom personnel
du dieu, de ne pas le livrer à des bouches profanes, de le reléguer dans l'ineffable, n'ajamais
été plus accentué que dans la religion d'Israël. » - « Le nom du dieu d'Israël », Revue
d'Histoire des Religions, 1952, I : Il.
6 Bien sûr, on ne pourra jamais savoir avec certitude si Jésus prononçait distinctement le Nom
quand il le rencontrait, ou s'il le remplaçait par un substitut comme Adonaï. Seuls des
éléments indirects permettent de se faire une idée. Premièrement Jésus a condamné les
superstitions; or, remplacer le Nom excellent par un substitut relevait bien de la superstition.
Deuxièmement, de nombreux témoignages indiquent que le Nom était prononcé dans le
service du Temple à l'époque de Jésus, et ce au moins jusqu'à la chute de Jérusalem. En fait,
les scrupules autour du Nom s'amplifièrent avec l'abaissement moral du clergé, et la défaite
devant une nation païenne vouée à d'autres divinités. Mais pas avant 70. Troisièmement des
traditions antichrétiennes juives (Toledoth Yeshuh, cf infra) accusent Jésus d'avoir possédé
une connaissance exacte du Nom Ineffable, et d'en avoir fait usage.
7 S'adressant à Jésus, un démon, qui sait qui il est, le qualifie de 'Saint de Dieu' ou de 'Fils de
Dieu' (ou du 'Dieu Très-Haut') sans jamais utiliser le Nom.
S
Gertoux : 26. Nous soulignons.
9 On peut néanmoins remarquer l'effort de traductions telles que 1ER, celles de Chouraqui,
Crampon, NBS, TMN. Voir une liste relativement exhaustive établie dans Matteo: 147-152.
10Cf. Mounce: 236, 761, 811.
11 Les 42 occurrences de cette expression ont toujours un contexte de serment Jg. 8: 19; Rt
3:13; ISa 14:39, 45; 19:6; 20:3, 21; 25:26, 34; 26:10, 16; 28:10; 29:6; 2Sa 4:9; 12:5; 14:11;
15:21; 22:47; IR. 1:29; 2:24; 17:1, 12; 18:10, 15; 22:14; 2R 2:2,4, 6; 3:14; 4:30; 5:16, 20;
2Ch 18:13; Ps 18:47; Jr 4:2; 12:16; 16:14t; 23:7s; 38:16; Hos 4:15. Prononcer le nom de
Jéhovah n'était donc pas interdit; ce qui était interdit, c'était de faire appel à ce Nom sacré en
vain. Aujourd'hui, ce type de serment continue d'exister en français populaire sous la forme
de « sur la vie de... ».
12« tOtEKata~àç E1TtlPEVXELpaç aùtOÛ E1rL1T(XoavEKKÀ1l0LaV ulwv IopallÀ ÔoûvaL EùÀOYLav
KUPLOU EK XELÀÉWV aùtOÛ Kat EV 6v0J.1atL aùtoû Kaux~oaOeaL -
» Siracide 50:20 ; « La fête de
l'Expiation était l'unique circonstance où le nom ineffable était prononcé sur le peuple, en
guise de bénédiction. » - JER, ad loc.
13
'i?A~~ "p~~ iV~~1}-N71lit. « vous ne jurerez pas par mon nom pour un mensonge» ; cf.
ST: 772, DRAB: 398); Chouraqui, «pour mentir», Darby, «en mentant». De fait
l'expression 'i?A~~ précise bien celle d'Ex 20:7, ~1~~ !
14Chouraqui, Moïse: 154.
15
Le gnosticisme (vers le 1er s. de n.è.) par exemple a employé le Nom à des fins ésotériques.
Par la suite, la Kabbale en a fait de même (à partir du lIe s. de n.è.). Puis la franc-maçonnerie
(p.ê. dès le XIIIe s.), etc.
16Chouraqui, Moïse: 174 -175. Nous soulignons.

17
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Seigneur, Yahweh ou Jéhovah ?

Nous avons vu que dans l'Israël antique, le nom divin était connu et
employé dans le langage quotidien et les discours religieux. Le plus grand
scrupule qui entourait ce Nom glorieux consistait à ne pas l'employer dans
un serment - par la fameuse expression « Aussi vrai que YHWH est
vivant. .. » (i1~i1~-'lJ)- sans tenir parole. Dieu avait révélé ce Nom aux
premiers humains (On 4:1), mais c'est à Moise qu'il avait donné sa
signification (Ex 3:14). Il avait affirmé que son Nom passerait les
générations (Ex 3:15), ordonné de le respecter (Ex 20:7) mais enjoint,
néanmoins, de jurer par celui-ci (Dt 6: 13). Les Écritures ne donnent donc pas
l'impression que la vocalisation exacte du Nom serait destinée à se perdre.
C'est pourquoi ceux qui contestent son emploi actuel mettent en exergue
l'apparente perte de la vocalisation, et affirment que l'importance du Nom
divin est bien plus sublime qu'une vulgaire affaire de prononciation. Cette
dernière remarque est essentielle dans le cadre de notre recherche de la
présence du Nom dans le Nouveau Testament. On pourrait logiquement
penser que si la vocalisation s'est perdue, c'est parce qu'elle n'était pas
importante; le Nom n'étant plus prononçable, son usage n'apparaît pas
important lui non plus. Son absence dans le Nouveau Testament s'avèrerait
donc normale. Mais ce raisonnement s'appuie sur un certain nombre
d'affirmations ou de présupposés hâtifs, notamment 1) que la vocalisation
est perdue et 2) que le Nom ne figure pas dans le Nouveau Testament. Or
c'est loin d'être aussi évident. De plus, ce raisonnement fait abstraction de
l'hostilité au Nom que nourrissent les ennemis de Dieu, hostilité très
perceptible au fil des siècles, et qui a particulièrement bien su s'ériger en
consensus. Avant de démontrer la présence originelle du Nom divin dans les
manuscrits des Écritures grecques chrétiennes, il est impératif, on le voit, de
rétablir sa sublime importance. Aux yeux de certains, cette sublime
importance ne va pas sans une prononciation préservée jusqu'à ce jour. Il
nous faut donc considérer les nombreuses informations et analyses inexactes
qui se sont accumulées au sujet du nom propre hébreu i1,i1', et voir comment
s'affranchir de celles-ci permet une approche beaucoup plus saisissante de
son glorieux Possesseur.

19
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

La substitution

Ouvrez une Bible au hasard. Considérez Genèse 2:4. Dans neuf versions
sur dix, vous pourrez lire:

c~l~i}:P r~,N;1' c:~WiJ ni:t7in i17~~


:c:ratD' r~~ c"D"~ il1i1~ nitp~ ci;:p
Telles sont les origines du ciel et de la terre, lorsqu'ils furent créés;
à l'époque où l'Éternel-Dieu fit une terre et un ciel.

Nous avons consulté en l'occurrence la Bible hébreu-français par les


membres du rabbinat français. Nous aurions pu tout aussi bien examiner une
bible Louis Segond, Darby, Martin, OST, du Semeur (Éternel Dieu), en
Français courant, de Port Royal, d'Osty et Trinquet, de Fillion, ou même la
Traduction Œcuménique de la Bible (Seigneur Dieu), le constat aurait été
identique. À chaque fois, on a remplacé le tétragramme qui figure clairement
dans le texte original hébreu, par un titre comme «Seigneur» ou
« l'Éternel ». Pour quelle raison? Il s'agit de la reprise d'un respect excessif,
initié par les Juifs depuis un certain nombre de siècles. On ignore le moment
à partir duquel ce respect à l'égard du Nom évolua en une véritable
superstition, mais quelques éléments permettent de le dater
approximativement: tout d'abord, il existe des copies de la Septante datées
des IVe et Ve siècles de notre ère qui ont toutes la particularité de présenter
une substitution du tétragramme par des abréviations telles que KC ou ec
('Seigneur' et 'Dieu'). Or, des fragments plus anciens révèlent la présence
du nom divin aux endroits où se situent ces abréviations. Dans la Mishna,
Sota VII, 6 (lIe-Ille siècles de notre ère) on peut lire: « Dans le Temple, le
Nom était prononcé comme il s'écrivait, mais dans les provinces on lui en
substituait un autre. » Il faut donc penser à une période postérieure au 1er
siècle de notre ère (période du Temple), mais antérieure au IVe (lorsque le
nom divin n'était plus présent dans les copies de la LXX). Dans son résumé
du Talmud, le Dr A. Cohen indique: «À l'époque biblique, l'usage de ce
nom dans le langage courant ne semble avoir soulevé aucun scrupule.
Nombreux sont les noms de personnes composés avec Jah ou Jahou, même
après l'exil babylonien; ceci indique bien que l'emploi du tétragramme
n'était nullement prohibé. Mais dès les premiers temps de la période
rabbinique on ne le prononça plus que dans le service du temple. (... ) Vers la
fin de la période où le temple subsistait, on avait scrupule à énoncer
distinctement le tétragramme. Cette pratique est attestée par le rabbin
Tarphon, qui appartenait à une famille sacerdotale. (...) Cette application à
éviter de prononcer explicitement le Nom sacré peut laisser discerner un
certain abaissement du niveau moral dans le clergé. Le Talmud déclare: 'Le
grand-prêtre avait d'abord coutume de proclamer le Nom à haute voix, mais

20
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

lorsque le nombre des hommes dissolus se fut multiplié, il le proclama en


baissant le ton.' (p. y oma, 40d) 1 »
La décadence ne fut cependant pas la principale cause de l'émergence de
la superstition. Celle-ci fut, comme nous l'avons évoqué en introduction, une
interprétation outrancière d'Exode 20:7 ou de Lévitique 24: 16. Tous les
manuels, à peu de chose près, abondent en ce sens, sans vraiment s'étendre
sur sa validité.
« Sur la base de Ex 207 Lv 2416 ;";" était considéré comme un
VitaMosis111.519,529),
appelé par les Juifs
nomen ineffabile (voir Philode
C~ij et par les Samaritains ~~'tD. » - BDB : 218.
[article Jehovah] « Les Juifs évitaient scupuleusement toute mention
de ce nom de Dieu, substituant à sa place l'un ou l'autre des mots
[Adonai ou Elohim] avec ses voyelles. Cette habitude, qui avait pour
origine la révérence, était fondée sur une interprétation erronée de
Lv 24:16, d'où il a été conclu que la simple prononciation du nom
constituait un péché capital» - The Smith 's Bible Dictionary: 284.
[article Jehovah] «Ce nom, le Tétragramme des Grecs, était tenu
pour les Juifs de l'époque tardive si sacré qu'il ne devait jamais être
prononcé, excepté par le grand prêtre, au moment du grand Jour
d'Expiation. » Easton 's Bible Dictionary: 390.
« Mais les Juifs (00.) commencèrent à ressentir des scrupules de
prononcer le nom sacré, de peur de violer le troisième
commandement. C'est pourquoi l'on se mit à substituer le titre
'adonay ('Seigneur') à Yahweh lors de la lecture à haute voix. Pour
signaler
,
cette substitution, les Massorètes placèrent les voyelles de
adonay sous les consonnes de Yahweh, ce qui donna yehowah, soit
'Jéhovah' .» - G. Archer, Introduction à l'Ancien Testament, Saint-
Légier, 1978 : 63.
Cette superstition favorisa une révérence excessive vis-à-vis du Nom.
Au lieu de dire « Jéhovah» (;,,;,,)2, on se forçait à dire « Mon Seigneur»
('~'~). Toutefois, dans les copies de la Septante qu'on réalisait, le Nom
continua d'être préservé en hébreu ou en grec. Par la suite, la Septante fut
adoptée par les chrétiens, qui, ne comprenant pas l'hébreu, remplaçèrent le
tétragramme par l'équivalent grec de '~.,~, à savoir KUpLOÇ,
vraisemblablement entre 70 et 135 ape J.-C3.
« La substitution [du tétragramme]par KUPLOÇ fut une innovation
chrétienne », S. Jellicoe, BAR, 1968 : 272.
« Ce sont les chrétiens qui ont remplacé le Tétragramme par le mot
kurios lorsque le nom divin écrit en caractères hébreux en est venu à
ne plus être compris. » - Kahle, The Cairo Geniza : 222.
« But Gentile Christians, unlike Jewish Christians, had no traditional
attachment to the Hebrew Tetragrammaton and no doubt often failed
even to recognize it. Gentile scribes who had never before seen
Hebrew writing (especially in its archaic form) could hardly be

21
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

expected to preserve the divine name. Perhaps this contributed to the


use of surrogates like kyrios and theos for the Tetragrammaton. The
contracted form of the surrogates marked the sacred nature of the
name standing behind them in a way which was convenient for
Gentile scribes to write. At the same time the abbreviated surrogates
may have appeased Jewish Christians who continued to feel the
necessity of differentiating the divine name from the rest of the text.
After the system of contractions was in use for some time, its
purpose was forgotten and many other contracted words which had
no connection with the Tetragrammaton were introduced. » - George
Howard, « The Name of God in the New Testament », BAR, 03/78 :
12.
Faut-il en conclure que les chrétiens n'attribuaient aucune valeur au
tétragramme, privilégiant plutôt le nom du Christ, comme beaucoup le
prétendent4 ?
Avant de répondre, citons M. Watters: « puisque le Nouveau Testament
a été écrit par des chrétiens et pour des chrétiens, l'utilisation de manuscrits
Juifs (...) est sans valeurs. » Sans vouloir anticiper sur le chapitre consacré
au témoignage de la Septante, il faut remarquer que l'affirmation de Randall
Watters est absurde: le Nouveau Testament n'a pas été écrit «par des
chrétiens », mais par des Juifs. Pour les rédacteurs du NT, la Septante était
donc un document auquel ils faisaient spontanément référence, et y étudier
aujourd'hui la substitutiondu tétragrammepar KUpLOÇ demeure significatif et
pertinent.

Les raisons de la substitution

Influence de la philosophie grecque

Nous avons déjà évoqué la mauvaise interprétation de certains versets


bibliques (les raisons théologiques de la substitution). Il y a certaines autres
raisons dont fait état Arthur Marmorstein, quand il écrit: « La philosophie
grecque, la théologie hébraïque alexandrine, l'apologie chrétienne et la
tradition gnostique concourent à l'idée d'un Dieu sans nom. Que Dieu n'ait
pas de nom était enseigné par Aristote, Sénèque, Maxime de Tyr, Celse et
Hermès Trimégiste6. » Dans son ouvrage d'étude sur le nom divin dans le
Nouveau Testament, Matteo Pierro explique: « Particulièrement aux débuts
de l'ère chrétienne, beaucoup de chefs religieux hébreux furent
profondément influencés par la philosophie grecque. Par exemple, Philon,
philosophe hébreu d'Alexandrie, et contemporain de Jésus, croyait que
Platon, le fameux philosophe grec, avait été inspiré par Dieu, et enseignait
que Dieu était un Être ineffable, et donc innommable7.»

22
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Humiliation par des nations païennes

Autour de 600 avant notre ère, le peuple juif commence à subir des
revers de fortune assez conséquents. Le pharaon Nèko soumet le roi
y oshiya, et établit Èlyaqim en roi vassal. Le premier Temple est détruit. Les
Juifs sont déportés à Babylone pour une période de 70 ans, période durant
laquelle ils vont apprendre une nouvelle langue et une nouvelle écriture, et
où des portions de Daniel et d'Esdras (Ezra) sont rédigées en araméen (Ez
-
4:7 6:18, Dn 2:4 - 7:28). Ces portions démontrent un usage beaucoup
moins fréquent du tétragramme. Par exemple, celui-ci n'apparaît que sept
fois dans le livre de Daniel, au chapitre 9. En outre, le nom divin n'apparaît
pas distinctement dans le livre d'Esther (tout comme le terme 'Dieu'), mais
seulement sous forme acrostiche (tétragramme: Est 1:20, 5:4, 13, 7:7, Eloah,
« Dieu» 4:9, 6:1,14; Nissi,« ma Bannière »: 1:8).
Gérard Gertoux explique cette prudence croissante vis-à-vis du Nom de
la façon suivante: « Il est facile de comprendre l'enchaînement logique des
événements. Être écrasés par des souverains païens a dû être une terrible
humiliation pour les Hébreux. Par la force des choses, puisque les dieux
étrangers paraissaient plus puissants, les Hébreux ont dû prendre grand soin
de ne plus profaner le Nom (Ez 36:20; MIl :6) et ils ont dû se rappeler toutes
les mises en garde qui leur avaient été faites en ce sens (Is 52:5; Am 6:10).
On peut d'ailleurs remarquer qu'après le retour d'exil, les prophètes eux-
mêmes évitèrent d'utiliser le Tétragramme avec les non-Juifs8. » Deux
siècles plus tard, vers le début du Ille siècle avant notre ère, le peuple ne
parle pratiquement plus que l'araméen9. Naissent alors les Targums, qui sont
des paraphrases de la Bible en araméen. Avec la diaspora juive, de langue
grecque, naît le besoin d'une Bible accessible dans d'autres langues que
l'hébreu ou l'araméen. Et c'est en 280 avant notre ère que paraissent les cinq
premiers livres de la Bible en grec: la version des Septante commence à voir
le jour. Comme l'explique Gertoux, cette traduction soulevait une difficulté
nouvelle: «Cependant, les traducteurs ont dû résoudre un épineux
problème. En effet, même si à l'époque il n'y avait pas d'interdiction
formelle, les Juifs n'employaient déjà plus le Tétragramme avec les non-
Juifs. Comme cette traduction allait être aussi accessible à des païens, les
traducteurs ont donc préféré laisser le nom divin écrit en hébreu dans le texte
grec (.. .)10.» Puis Gertoux fait cette constatation importante: « Cette façon
de procéder a été suivie au moins jusqu'en 135 de notre ère, car on ne trouve
aucun texte biblique avant le début du 3e siècle de notre ère avec le terme
'Seigneur' à la place du Tétragramme. » Cette pratique de la substitution
engendra de très nombreuses conséquences néfastes pour le Nom. Avec
l'expansion rapide de la langue grecque et de la culture hellénique, le Nom
hébreu cessa de facto d'être employé dans le culte juif (hormis son emploi
exceptionnel dans le Temple le jour des Propitiations). Une grande partie des
noms théophores perdirent ainsi leur sens au gré des déclinaisons grecques.
Les cantiques même en furent affectés, et on procéda à des ajustements. Les

23
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Psaumes, en effet, étaient chantés (et le sont toujours: c'est la cantillation).


Si on substituait le tétragramme par un autre terme, toute la prosodie s'en
trouvait changée. Et Gertoux d'ajouter: « On peut en tirer une conclusion
logique. Si le Nom fut remplacé par un substitut vers le 3e siècle avant notre
ère, et que les Psaumes furent chantés du 10e siècle avant notre ère jusqu'au
1er siècle de notre ère, on peut en déduire que, pour ne pas modifier la
mélodie, on a dû choisir un substitut de même structure syllabique que le
Nom. Or, on constate que les deux substituts retenus ('ad-do-nay et 'è-Io-
him) ont effectivement une structure syllabique identique de deux syllabes et
demi (1/2,1,1), exactement de même que le nom Ye-ho-wahll. »

CODEX BEZAE CANTABRIGENSIS (DOS, ve s. de n.è.)


KC (nom divin abrégé) remplace vraisemblablement le tétragramme

Une ressemblance fâcheuse

Une autre difficulté provenait de la ressemblance fortuite et malheureuse


du nom divin avec un terme latin, loua (ou Jova), qui signifie «fille de
Jupiter12»! Une forme proche de loua apparaît d'ailleurs dans un papyrus
retrouvé à Qumrân, sous la forme JAw(Iaô). On a des raisons de croire « qu'il
s'agissait d'un substitut, puisque à Qumrân il était interdit de vocaliser le
Nom sous peine d'exclusion de la communauté13. »

24
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Conclusion sur la substitution

Au retour d'exil, il est indéniable que les Juifs adoptèrent une réserve
plus grande quant à leur emploi du nom divin avec leurs contemporains
païens. Les revers de fortune leur avait servi de leçon: il était donc inutile,
en quelque sorte, de livrer le Nom « en pâture» aux nations (Ro 2:24)14.
Cela dit, que l'usage du Nom ait été abandonné progressivement au profit de
substituts, lors de l'exercice du culte, ne signifie pas qu'il en allait de même
dans l'usage privé. C'est ce que confirment certains passages de la
Tosefta15 :
. « Celui qui commence une prière par yod, he (i.e. it", l'un des noms

. de Dieu) et qui la conclut par yod, he, est un sage. » - Berakhot 6:7
« Ceux qui se lavent le matin disent: 'Nous protestons contre vous,
Pharisiens, car vous prononcez le Nom avant votre bain.' Les
Pharisiens répondent: 'Nous protestons contre vous, baigneurs du
matin, car vous mentionnez le Nom avec un corps contaminé.' » -
Yeadim 2:20.
Il est difficile d'établir une datation concernant ces considérations, mais on
peut dire qu'elles étaient apparemment d'actualité vers le premier siècle
avant notre ère, puisque Flavius Josèphe témoigne de leur présence sous
Jean Hyrcan 1er(135-105 avo J._C.)16.Par la suite, ce fut plus l'influence
hellénistique (l'idée d'un Dieu innommable) que la pratique de la
substitution qui fit abandonner l'énonciation du nom divinl7.
Aujourd'hui, de nombreuses équipes de traduction sont conscientes que
désigner Dieu par le substitut séculaire et illégitime de « Seigneur»
contrevient au véritable message du Dieu révélé de la Bible. Ces équipes
incluent donc, dans leur préface, quelques explications censées justifier leur
choix. Parmi celles-ci, les deux principales raisons sont, d'une part, le fait
d'être « victimes de la tradition18», et d'autre part, un constat mi-pathétique,
mi-scientifique, d'impossibilité à trouver un terme parfaitement exact pour
rendre le nom divin. C'est assez paradoxal dans la mesure où le nom divin
fonctionne comme tous les autres noms propres. En ce qui concerne ces
derniers, les traducteurs adaptent les noms propres à la langue cible (par
exemple, dans les versions non littérales, Yirméyahou devient Jérémie;
Haggaï devient Aggée; pas de souci étymologique), mais pour le Nom par
excellence, on s'obstine à vouloir transcrire (YHWH, sans les voyelles; ou
Yahvé, mais sur la base d'une étymologie discutable). Partant de ce constat,
Greg Stafford tire la déduction suivante: « Est-il le moins du monde
étonnant, de fait, que les Gentils qui s'intéressèrent au Christianisme à la fin
du premier siècle de notre ère, ou au début du second, ressentaient la même
chose à propos du nom de Dieu hébreu, qui, de plus, ne leur était
probablement pas familier19? »

25
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Une substitution grave

La plupart des personnes aujourd'hui n'emploient plus le nom de Dieu,


mais le substitut que les religions lui ont donné: « Seigneur». Cela est
suprêmement grave, compte tenu de l'importance que la Bible attribue à ce
Nom. « Faut-il donc avoir une mentalité sémitique pour comprendre
l'importance essentielle du Nom et du Verbe dans le langage? Est-il
indifférent de substituer les noms des dieux, des héros et des lieux d'un
livre? » S'interroge André Chouraqui dans son ouvrage Moise, dans le
chapitre 'Trahir l'essentie1'20 ? C'est bien d'une question essentielle dont il
s'agit. Nous ne parlons pas du remplacement d'un mot par un autre à titre
exceptionnel. Mais d'un remplacement systématique du nom le plus
rencontré dans l'Ancien Testament! La plupart des traducteurs modernes
traduisent près de 7000 fois ;qi1~ par un substitut, gommant ainsi à la fois
son importance dans l'Ancien Testament et la surprise de se rendre compte
de son absence dans le Nouveau. Par une très grande ironie, cette absence du
Nom dans le NT peut s'expliquer partiellement par les mêmes raisons qui
poussent des traducteurs modernes à endosser une tradition superstitieuse qui
passa du judaïsme tardif au christianisme: un éloignement caractérisé face
au message biblique. Comme nous l'expliciterons plus bas, les chrétiens qui
avaient sous les yeux le tétragramme dans leurs copies du NT, mais qui le
remplaçaient par « Seigneur », adoptaient la même attitude que nos
traducteurs modernes, qui voient i11i1~dans les manuscrits de l'A T, mais le
substituent par « Seigneur». Les deux phénomènes ne sont pas différents,
tout comme AT et NT ne sont pas différents: n'oublions pas qu'ils sont tous
deux des corpus juifs.
Dès lors, peut-on raisonnablement ajouter foi à un texte qui prend la
liberté de suivre une tradition dont nous avons étudié le caractère
insoutenable? Un texte qui, malgré l'importance accordée au plus sacré des
noms, l'élude totalement? Les paroles de Jésus relatées en Matthieu 15:6
pourraient parfaitement s'appliquer à la situation que nous venons de
décrire: « Vous avez annulé la parole de Dieu à cause de votre tradition. »
On peut citer un exemple précis et particulièrement éloquent. La version
American Standard Version portait, en 1901, le nom divin sous sa forme
'Jehovah' pour des raisons explicitement justifiées en préface. Dans sa
version révisée (Revised Standard Version, RSV), un demi-siècle plus tard,
décision fut prise, par un nouveau comité, de faire machine arrière: on
abandonna le nom divin, sous prétexte, premièrement, que le nom' Jéhovah'
n'aurait soi-disant jamais vraiment figuré dans l'original hébreu (ce qui est
évidenfI), et, deuxièmement, parce que le comité décidait de revenir à
« l'usage plus familier de la King James Version (...). L'emploi d'un nom
propre pour désigner le seul et unique Dieu, comme s'il existait d'autres
dieux desquels ilfaudrait le distingue?2, a été abandonné dans le judaïsme
dès avant l'ère chrétienne23et il n'a donc rien à voir avec la foi universelle
de l' Église24. »

26
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Cette explication a fait dire à un traducteur consultant de l'United Bible


Society: « The reasoning of RSV is that to use a proper name, such as
'Jehovah' (or presumably 'Yahweh', though the preface to RSV does not
consider this) would infringe the uniqueness of God; this feeling is still
strong among some native speakers of English25.» Autrement dit, nommer
Dieu, recourir à son nom propre, serait mettre péril son unicité... Il va sans
dire qu'un tel raisonnement, non seulement contrevient à l'usage biblique du
tétragramme comme nom propre, mais de plus laisse entendre que
'Seigneur' est le nom de Dieu le plus approprié, alors que la Bible emploie
des termes différents pour signifier 'Seigneur'. Par ailleurs, si un locuteur
pense que 'Seigneur' est le nom le plus approprié de Dieu, c'est bien sûr
parce qu'il a été habitué de longue date à employer ce substitut!
À présent, que penser de l'idée que le Nom serait ineffable, c'est-à-dire
ne pouvant être exprimé par le langage humain? Nous avons évoqué à
plusieurs reprises le travail d'André Chouraqui sur Moïse et sa relation avec
le Nom de Dieu. Cet auteur est le premier, au début des années 70, à
entreprendre une traduction des Écritures en rendant le tétragramme sous un
jour à tout le moins littéral: IîtVH.Il pense ainsi rendre exactement la lecture
massorétique du tétragramme (puisque, d'après le consensus général, celui-
ci est affublé des voyelles d'Adonaï.) Son travail, profitable aux hébraïsants,
va même jusqu'à restaurer le Nom dans le corpus néotestamentaire (cf. par
ex. Mt 1:24,2:13,15, Lc 10:27, Jn 1:23, Ro 9:29, IP 1:25,2:13, etc.), que ce
soit dans une citation formelle de l'AT ou simplement une allusion. On
pourrait donc s'attendre à un avis audacieux sur l'emploi (à l'oral), du nom
divin. Il n'en est rien: pour lui le Nom « est ineffable, et ne saurait se
vocaliser sans sacrilège26. » L'on voudrait bien trouver dans la Bible un
passage qui préconise de ne pas prononcer (et ce faisant, vocaliser) le nom
divin. Mais il serait inutile de chercher: ce passage n'existe pas. Ainsi
s'insurgeait Luther: « Quand ils [les Juifs] allèguent que le nom de Dieu est
ineffable, ils ne savent pas de quoi ils parlent (...). Si on peut l'écrire avec
l'encre et la plume; pourquoi ne pourrait-on pas le prononcer, ce qui serait
autrement mieux? Sinon, pourquoi n'en proscrivent-ils pas également
l'écriture, la lecture et la pensée? Tout bien considéré, il s'agit là d'une
position injustifiable27.»
Dieu n'aurait pas tant insisté sur son Nom, nous le répétons, si c'était
pour que nous ne l'employions pas, que nous ne le prononcions pas. L'idée
même d'un nom révélé qui soit imprononçable, ou 'en dehors des paroles'
n'a pas de sens. Pourquoi Dieu révélerait-il son Nom s'il ne faut en faire
aucun usage? Pourquoi pousserait-il au sacrilège, ce Dieu qui ne tente
personne (Jc 1:13)? Révélerait-il son Nom magnifique si ce Nom dépassait
l'entendement? Manquerait-il à ce point de pédagogie? Jésus, qui était
l'image de Dieu (Co 1:15), parlait souvent en paraboles accessibles (Mt
13:3, Mc 3:23, Lc 4:23). En une occasion, il déclara: « J'ai encore beaucoup
à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter maintenant.» (Jn 16:12)
Voilà qui illustre la sollicitude du Fils, héritée de son Père, envers les

27
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

humains: à quoi bon les surcharger? Remarquons que Jésus fut entouré de
gens simples (Ac 4:13). On en déduit qu'il ne fallait nullement posséder une
instruction poussée pour comprendre ses enseignements (Mt Il :25, Lc
10:21).

Tout cela nous amène à rejeter l'ineffabilité du Nom divin.

Le problème de la vocalisation

La forme Jéhovah

Une majorité de spécialistes considèrent que la prononciation du


tétragramme est définitivement perdue. Une plus grande majorité encore
estime que la francisation du tétragramme en 'Jéhovah' est un barbarisme28.
. « This sacred name is known as the tetragrammaton ("four letters").
English Jehovah comes from the Hebrew YHWH, with vowel
markings supplied from Elohim and Adonai, other names of God.
No one knows for sure the true pronunciation of YHWH because the
ancient spelling used no actuals vowels in its alphabet. However, the
pronunciation "Yahweh" is probably correct.}) William
MacDonald et Arthur Farstad, Believer's Bible Commentary, Nelson
Reference, 1995 : 92.
. « After the Exile, for motives of reverence based upon Exod. 20:7
and Lev. 24:16, the Jews ceased to pronounce the Tetragrammaton,
YHWH. When it occurred, they read 'Adhônai, Lord. Later, the
Massoretes attached the vowels of this word to the consonants of the
unpronounceable Name. This gave rise to the medieval form
Jehovah, and the true pronunciation was lost. But, partly on the basis
of Greek transcriptions, and partly on the analogy of other names
derived from verbs, scholars are now fairly well agreed that the
original form was Yahweh. » - Arthur S. Peake, Matthew Blak, H.H.
Roweley (dir.), Peake's Commentary on the Bible, Routledge, 2001 :
213.
. « La vraie prononciation de son nom, par lequel Dieu était connu des
Hébreux, a été entièrement perdue. » Merrill Unger (éd.), The New
Unger's Bible Dictionary, Moody Press, Chicago, 1988 : 781.
. «Ce nom est aujourd'hui prononcé Yahvé par les érudits; la vraie
prononciation a été perdue durant le Judaïsme, quand une crainte
superstitieuse empêcha son énonciation. » - John McKenzie (éd.),
Dictionary of the Bible, Macmillan Co, New York, 1965 : 316.
. «yehwah (i1'i1~,3068), 'Seigneur'. Le Tétragramme YHWH apparaît
sans ses propres voyelles, et sa prononciation exacte est débattue
(Jéhovah, Yehovah, Jahweh, Yahweh). Le texte Hébreu insère les

28
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

voyelles d' adonay, et étudiants et érudits Juifs lisent adonay quand


ils rencontrent le Tétragramme.» - Merrill F. Unger & William
White, Jr. (éd.), Nelson 's Expository Dictionnary of the Old
Testament: 140.
. « Dans la période post-biblique, la révérence pour le nom ineffable
'Yahweh' entraîne sa suppression dans la lecture de la synagogue
(mais pas dans l'écriture) par le nom 'adonay, 'mon maître' ou
Seigneur. Puis, lorsque des érudits Juifs médiévaux commencèrent à
insérer les voyelles pour accompagner le texte consonantique de
l' AT, ils ajoutèrent à YHWH les points-voyelles massorétiques
d"adonay; et la lecture réelle est devenue un impossible Yahowah,
dans ASV [American Standard Version] 'Jéhovah'» - TWOT : 211.
. « Un autre type d'altération volontaire du texte dans la lecture
concerne le nom divin i1'.iJ~ . . ou i1:li}~
. . (Yahaweh ou Yahweh). On
considérait que le nom de Dieu était trop sacré pour être prononcé.
Aussi tout en conservant les consonnes du nom dans le texte
(kethibh), on lisait (qeré) le mot '~.,~ (qui signifie « Seigneur»). Les
consonnes du kethibh i1,i1' ont été ponctuées avec les voyelles du
.
qeré '~.,~ à savoir T
:'
Ce qui a donné la forme impossible i1~h:'
(yehowâ)2. Cependant, étant donné la fréquence de l'emploi divin
dans la Bible, dans les éditions imprimées on ne note pas le qeré
(forme à lire) dans les notes marginales ni en bas de page. Le lecteur
est supposé savoir remplacer le kethibh par le qéré, sans que l'on ait
besoin de le lui rappeler, chaque fois que ce nom apparaît. C'est la
raison pour laquelle ce mot est appelé « Qeré perpétuel. » La note 2
mentionne: « Le français Jehovah [sic] !! » - Weingreen,
Grammaire de I 'hébreu biblique: 31.
. «i1~h:' : Le nom de Dieu i1,i1' (l'Éternel) se prononce '~.,~ (le
Seigneur). La vocalisation de ce nom telle que nous la trouvons dans
le texte massorétique (i1~h:')n'a rien à voir avec le nom i1,i1'. Ce
sont les voyelles du nom '~.,~ qui lui ont été affectées afin qu'on
lise et qu'on ne prononce pas ce nom ineffable. Celui-ci se
prononçait probablement Yahweh ou Yahwh à l'origine.» - Pegon,
Cours d'hébreu biblique: 35.
. « Certains chrétiens l'ont bien compris qui, cherchant
maladroitement à résoudre cette question, ont donné à IHVH le nom
de Jéhovah - né d'une lecture fautive des consonnes de IHVH
mariées aux voyelles d'Adonaï - et de Yahvé lecture hypothétique
du Tétragramme qui, par essence, est ineffable - un Nom qui, par
définition, appartient au silence. » - Chouraqui, Moïse: 180-181.

Ces quelques citations font apparaître l'opinion la plus répandue. Nous


allons montrer pourquoi la position qui y est exprimée, inlassablement

29
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

reprise de manuels en usuels sans jamais être questionnée, n'est en fait pas
fondée.
Généralement, on explique la perte de la véritable prononciation du nom
divin en alléguant simplement que le texte biblique hébreu n'est pas
vocalisé. Une encyclopédie explique: «L'alphabet hébreu original se
composait uniquement de consonnes. Les prononciations et les notations
vocaliques couramment acceptées pour l'hébreu biblique furent créées par
des lettrés - les massorètes - après le ye siècle apr. J._C29. »

Prenons un exemple:

. D CNSRV S PRL

-+ pas de voyelles
La phrase n'est intelligible qu'à celui qui a l'habitude de lire des mots non
vocalisés, et, notons, qu'il connaît préalablement. Bien évidemment, cette
connaissance préalable disparaît si la langue tombe en désuétude.

. Dieu a CoNSeRVé Sa PaRoLe

»30
-+ version « massorétique

Quand il fallut vocaliser le tétragramme, et suivant la tradition juive, on se


servit soit des voyelles d'Elohim, soit, plus souvent, de celles d'Adonaï:

i1,i1' combiné aux voyelles de '~,~


donnerait i1,"'
T :

y ous avez remarqué que cette explication, qui est officielle, ne tient pas: les
voyelles de 'AdOnAy sont a-o-a, tandis que celles du mot soi-disant
reconstitué à partir de celles-ci, sont e-o-a (comme dans Jéhovah). Pour
l'expliquer, on recourt à une règle de grammaire. Mais ce recours est
spécieux, car on fait interagir un problème linguistique (a bref devient e sous
le yod) avec le système non linguistique du qeré/ketib31. Par ailleurs, si
vraiment les voyelles d'Adonay (a,o,a) était affublées au tétragramme, un
grave problème surgirait, que souligne Gertoux : « cela aurait conduit à une
forme très fâcheuse: YaHo W aH. Sachant que howah signifie « calamité »,
un lecteur inattentif qui aurait prononcé le tétragramme selon les supposées
voyelles d'emprunt aurait alors dit: « Yah est calam- » - blasphème passible
de la lapidation (Lv 24: 16). Providentiellement, les Massorètes choisirent
donc une vocalisation tirée du terme ~6~ (SHeMa') 'le Nom' dont les
voyelles e, a forment Yehwah, forme plus attestée. » Gertoux : 16732.

30
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Puisque l'on prétend que le nom divin, tel que parvenu jusqu'à nous,
dépend du système massorétique, illustrons un aspect de ce dernier.
Soit le mot LiVRe.
Sans les voyelles, nous avons LVR
Restituer les voyelles pourrait conduire, outre à la forme véritable, à
des mots comme LiVRa, Le VRa, Le VeR, Lo VeR, Lè VRe,
L'ouVRe, L'ouVRa, L'iVoiRe, éLèVeRa, oLiVieR, LeVuRe...
Bien sûr, le contexte peut permettre de trancher. Mais il est impossible
d'attester à coup sûr une forme restituée. Ces remarques préliminaires
tendent à nous faire penser que si Dieu avait voulu que la prononciation
exacte du texte hébreu se maintienne à travers les âges, il aurait fait en sorte
que l'hébreu reste toujours une langue parlée par le peuple. Ce n'est pourtant
pas absolument nécessaire. Le nom a pu se conserver d'une autre manière: à
l'insu de tous. Mieux encore: au vu et au su de tous.
Nous allons tenter de reprendre ici le raisonnement exposé dans
l'ouvrage Un historique du Nom divin, de Gérard Gertoux. Pour parvenir à
une reconstitution, Gertoux emploie trois critères:
L'évidence et le bon sens,
L'onomastique ou l'étude des noms théophores,
Les différents témoignages extrabibliques.

L'évidence

Le nom YHWH serait-il composé des consonnes uniquement? serait-ce


un nom propre imprononçable? Non. À vrai dire, il n'a que des 'voyelles'...
C'est même le mot le plus facile à prononcer! Gertoux explique: « Ce nom
YHWH se lit sans difficulté puisqu'il se prononce comme il s'écrit, ou selon
ses lettres pour reprendre l'expression du Talmud. (...) La question de savoir
quelles étaient les voyelles accompagnant les lettres YHWH est absurde, car
les voyelles massorétiques ne sont apparues au plus tôt qu'au sixième siècle
de notre ère. Avant cela, les mots hébreux étaient vocalisés grâce aux trois
lettres Y, W, H, comme les écrits de Qumrân l'ont confirmé. »33

Les matres lectionis (mères de lecture)

~(Y) I, É, È

i1( H) A

, (W) Ô, OU,U

31
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Exemples:
YH (it') = lA = Jah (ou Yah)
YHWDH (it"it')= IHÛDA = Juda
YRWSLYM (C'~fD"') = IRÛSALIM = Jérusalem
YHWH (it,it') = lHÛA = Ihoua
La lettre it est pratiquement inaudible. Pour mieux l'entendre, on rajoute
parfois un e muet, ce qui donne:
YHWDH (it"it')= l-eH-Û-D-A = Juda
YHWH (it,it') - l-eH-Û-A = lehoua
Cette dernière forme est « l'équivalent de la prononciation massorétique
YeHoWaH. Cette coïncidence est remarquable; providentielle si l'on en
croit que Dieu a veillé à son Nom (visiblement à l'insu des copistes !) 34»
Est-il
, donc raisonnable d'affirmer que lehoua (et dans sa version francisée
Jéhovah'), est une forme « sans ses propres voyelles» (Nelson), qui plus est
« impossible» (Weingreen)35,et « fautive» (Chouraqui), en somme qui n'a
« rien à voir avec le nom it,it' » (Pegon) ? L'évidence nous permet d'en
douter. On écarte souvent la forme' Jéhovah' - avec une pointe d'ironie - en
l'attribuant à une lecture impossible du tétragramme avec les voyelles de
Seigneur (Adonay). Mais, finalement, cette forme' Jéhovah', qui a aussi à
son mérite l'avantage d'être historiquement bien implantée dans la langue
française36,n'est pas si éloignée de la prononciation originelle.

L'onomastique ou l'étude des noms théophores

Contrairement au grec, qui a subi avec le temps des modifications de


prononciation, l'hébreu, lui, est resté stable au fil des âges. Ainsi un
manuscrit hébreu écrit il y a plusieurs millénaires peut parfaitement être lu et
compris par un Israélien moderne. À l'intérieur d'une langue, on a par
ailleurs remarqué que ce sont les noms propres dont on préserve le mieux la
prononciation. Et parmi ces noms propres, le Nom divin a bénéficié d'un
traitement de faveur. En effet, il a été inclus dans d'autres noms, profanes
quant à eux. Ces noms sont appelés « théophores », car ils « portent [le nom]
divin ».
Une telle pratique n'est pas propre aux Hébreux. D'autres peuples
contemporains incluaient le nom de Baal dans les noms propres de l'époque
(par ex. Baal-Hanân) ou d'autres divinités (par ex. Naboukadnetsar, par
révérence à Nebo ; Sénnakérib, en référence à Sîn). Ainsi, l'étude des noms -
l'onomastique - peut permettre de reconstituer la prononciation probable du
nom divin. Elle permet à tout le moins d'écarter les hypothèses irrecevables.

32
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Voici quelques exemples37 :

,
Abiyâ A~LlX(Abia) Mon père est Yah 1Ch 3: 10
j1":lN-:
T'
'Èlyehô'énay EÂLw11vaL (Éliôènai) Vers Yehô mes lCh 26:3
"J"l'ij1"&'N yeux
'Èlyô'énay EÂLw11vaL (Éliôènai) Vers Yô mes yeux lCh 4:36
"J"l'i"&'N
Netanyahû NaSavLou [il] a donné Yah Jr36:14
~j1"JnJ
-: T: (Nataniou) lui-même
'Uziyâ O(La (Ozia) Ma puissance est Ez 10:21
j1"Tl' T' ".
Yah
Y ehô' adan IwaôEv (Iôadén) Yehô est plaisir 2Ch 25:1
11~ij1~
Yehônatan IwvaSav (Iônatan) Yehô a donné IS 14:6
ln~ij1~
Yésûa 'I11aoû(Ièsou) [Yé. est] salut lCh 24:11
l'~W"
Yô'ab Iwa~ (Iôab) YÔ est père 2S 8: 16
:ilNi"
Yô'él IW11Â(Iôèl) YÔ est Dieu lCh 5:12
&'Ni"
Yônatan IwvaSav (Iônatan) Yô a donné IS 14:1
ln~i"
Zekaryâ ZaxapLa (Zakaria) [il] s'est souvenu, Ez 8: Il
j1"';:'
-T
T : : Yah

Remarques:
les similitudes entre le TM et la LXX sont très importantes, bien que
les textes aient connu des préservations différentes,
on peut expliquer ces différences par l'influence de la langue
araméenne au moment de la composition de la Septante,
la forme la plus courante est de loin l'abréviation 'Y ah' (même si
notre tableau n'en donne pas le sentiment, car nous avons
délibérément insisté sur la présence de la voyelle 0 dans le nom
divin ),
la finale en -yahû est systématiquement changée en _yah38,
la forme' Yehô-' n'apparaît qu'à l'initiale; elle disparaît en grec, car
ce dernier ne possède pas de h. En hébreu même il devenait
quasiment inaudible.
La conclusion de cet aperçu des noms théophores ne laisse aucun doute:
« On peut donc vérifier que, sans exception, les noms théophores
commençant par YHW- sont vocalisés YeHO- (10 dans la Septante), et ceux

33
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

qui se terminent par -YHW sont vocalisés -YaHÛ (-lA ou -IOU dans la
Septante)39». Puisque la forme 'Yah' est la plus fréquente dans les noms
théophores, on pourrait penser également à la reconstruction moderne
'Yahvé'. Il Ya cependant un obstacle majeur à l'emploi de cette forme, dont
fait part le ProBuchanan dans la Revue d'Archéologie Biblique: « En aucun
cas la voyelle ou ou ô n'est omise. Le mot était parfois abrégé en 'Ya', mais
jamais en 'Ya-vé'. [...] Quand le Tétragramme était prononcé en une seule
syllabe, c'était 'Yah' ou 'Yo'. Quand il était prononcé en trois syllabes, ce
devait être 'Yahowah' ou 'Yahouwah'. Si tant est qu'il ait jamais été abrégé
en deux syllabes, ce devait être 'Yaho,40.» Pendant un certain temps,
Wilhelm Gesenius abondait en ce sens: « Ceux qui considèrent que it1H~
était la vraie prononciation (Michaëlis in Supplem. p.524) ne sont pas tout à
fait sans fondement pour défendre leur opinion. Dans ces conditions, les
syllabes abrégées 'H~ et ;', par lesquelles commencent beaucoup de noms
propres, peuvent s'expliquer de façon bien plus satisfaisante41.»

Les différents témoignages non bibliques

Le témoignage le plus surprenant, et peut-être le plus convaincant,


provient d'Égypte. Sa particularité est qu'il nous présente le tétragramme
vocalisé. .

RECONSTITUTION DU TEMPLE D'AMON A SOLED (DETAIL)


On distingue l'expression « ta sasûw yehoûaw »

Les Égyptiens, on le sait, ont longuement côtoyé les Hébreux. Cependant


nous ne possédons pas de témoignage archéologique confirmant le récit des
dix plaies42. C'est tout à fait compréhensible, car on ne s'attend pas d'un
peuple qu'il grave dans la pierre, pour la mémoire des générations futures,
les humiliations qu'il a subies. En revanche, il y a de bonnes raisons de
s'attendre à découvrir des témoignages glorieux, narrant les exploits de tel
pharaon vainqueur. En l'espèce, on a retrouvé à Soleb un écusson datant de
l'époque d'Aménophis III, au XIVe siècle avant Jésus-Christ43.

34
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

DETAIL DU TEMPLE D'AMON A SOLED


On aperçoit des captifs, avec le nom de leur Dieu (ou de leur région)

On peut y lire « pays des bédouins ceux de Yehoua» (<<ta sasûw


yehoûaw »)44.Pour le moment, on ne sait pas avec certitude si « Yehoûaw »
se rapporte à une localité inconnue ou au nom du Dieu des Hébreux. On sait
que les noms de régions provenaient parfois du nom de leur dirigeant ou de
leur Dieu (Dt 34:2, Gn 47:11), mais les spécialistes sont partagés. En tout
cas, la ressemblance avec la prononciation selon les lettres est frappante!
Cela étant, nous allons voir en quoi la vocalisation du tétragramme est
difficile à mettre en valeur, notamment à cause d'une volonté étonnante de le
transcrire. Ainsi, dans le nom de Jésus I!itD:.(Yeshoua'), le yod initial a
manifestement été rendu, en français, par un J45.Cela ne pose de problème à
personne. En revanche, lorsqu'il s'agit du nom divin46, on préfère ne pas
transcrire le yod par J, et on adopte la semi-consonne Y, comme dans
Yahweh (ou Yahvé), parce que selon les spécialistes, ce serait plus
« sémitique» 47.Mais il est manifeste que le problème de la transcription du
tétragramme est plus une manifestation de mauvaise foi qu'un problème
linguistique réel. Tantôt, en effet, un nom propre avec yod à l'initiale est
traduit régulièrement par un J sans la volonté (qui serait vaine) de
transmettre le sens étymologique dans l'autre langue48,tantôt, pour le cas
unique du tétragramme, celui-ci est traduit d'une manière imprononçable
(YHWH), biaisée (Seigneur, Éternel) ou pseudo-scientifique (Yahweh). De
fait, si l'on devait retranscrire le tétragramme de la même manière qu'on
retranscrit la grande majorité des noms hébreux dans la Bible, il faudrait
incontestablement opter pour la forme « Jéhovah». Une mésaventure
survenue à Umberto Eco (professeur de sémiotique à l'université de
Bologne, et écrivain), illustre parfaitement l'attitude hostile envers la forme
« Jéhovah». Deux de ses lecteurs lui avaient fait remarquer qu'employer
'Geova' (Jéhovah), c'était suivre l'usage d'un mot forgé au Moyen Âge. Ils
lui recommandèrent donc d'employer la forme 'Yahweh'. Sa réponse fut la
suivante: « Ceci est une blague, car les dictionnaires mentionnent' Jéhovah'
comme la translitération courante de 'Yahweh,49».
Firpo Carr va plus loin quand il déclare, non sans quelque ironie: « Un
piège courant dans lequel tombent certains traducteurs est de penser qu'on
essaie de se rapprocher de près du terme hébreu couramment admis
« Yahweh» par la forme anglaise « Jéhovah». Beaucoup ne parviennent pas

35
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

à prendre conscience (ou choisissent d'ignorer) le fait que « Jéhovah» est


une traduction anglaise, non une approximation hébraïque5o.»

La forme Yahweh (Yahvé)

Pratiquement toutes les encyclopédies modernes admettent Yahweh


comme une forme acceptable du « nom ineffable ». Toutes s'autorisent à
penser que 'Jéhovah' n'a jamais figuré en hébreu...
. « Jéhovah Dieu, hébr. Jéhovah Elohim. Après la captivité, les Juifs
cessèrent, par respect, de prononcer ce nom; ils osaient à peine
l'écrire. Les Septante le traduisent toujours par Kurios, Seigneur
(Vulg. Dominus). Sa véritable prononciation était Yahvéh ; la forme
Jéhovah vient des Massorètes, qui attribuèrent à ce mot les voyelles
d'Adonaï, autre nom de Dieu qui signifie Seigneur, Maître» - Note
de Genèse 2:4 dans la Bible Crampon, 1904 : 2.
. « La forme Yahweh est une tentative érudite de reconstruction» -
The Cambridge Encyclopedia of Language, David Crystal,
Cambridge University Press: 9.
. « Les érudits modernes pensent que la prononciation approximative
était 'Yahweh'» - The Interpreter's Dictionary of the Bible,
Abingdon Publishing Co. Nashville: 409.
. « La forme Yahweh est ici adoptée comme étant particulièrement la
meilleure. L'unique forme concurrente serait 'Yehweh' ..." -
J.B.Rotherham, The Emphasized Bible, Introduction, The Standard
Publishing Co., 1916 : 22.
Le succès de cette forme est en fait dû à l'étymologie, car la forme Yahweh
serait censée endosser mieux le sens révélé en Ex 3: 14 que la forme Jéhovah.
Cependant, tous ne sont pas de cet avis:
. « La prononciation Yahvé, proposée dans les versions récentes
repose sur quelques témoignages anciens qui ne sont pas décisifs:
on pourrait tout aussi bien reconstituer la prononciation en Yaho et
Yahou, en tenant compte des noms de personnes, dans lesquels le
nom divin entre en composition, par exemple dans le nom hébreu du
prophète Elie: Eliyahou. » - Glossaire de la version Segond révisée,
1979 : 9.
. « On n'a pas la preuve que cette forme soit la véritable. Le fait que
les Juifs d'Eléphantine écrivaient Jahou autorise à penser que la
vocalisation du nom propre du Dieu d'Israël garde encore son
secret. » - Alexandre Westphal, Dictionnaire encyclopédique de la
Bible, 1932-1935, Tome I : 295.
. « Dans nos traductions, au lieu de la forme (hypothétique) Yahweh,
nous avons employé la forme Jéhovah (...) qui est la forme littéraire
et usuelle du français.» - Paul Joüon, Grammaire de I 'hébreu
biblique: 49 (note).

36
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

. « En fait, il y a un problème avec la prononciation 'Yahweh'. C'est


une étrange combinaison d'anciens et de récents éléments. La
première occurrence extrabiblique du nom est dans la Stèle de
Mesha vers 850 avon.è. À cette époque, les voyelles commençaient
juste à être employées en hébreu. Si YHWH représente une
orthographe datant d'avant 900 de n.è. (comme il serait
vraisemblable), le 'h' final devrait être prononcé. La prononciation
Yahweh suppose la finale d'un verbe lamed-he, mais ces verbes à
l'époque de Moïse se terminaient en 'y' (cf. pour banâ l'impf. ug.
ybny). Ainsi la finale 'eh' est une forme récente. Mais en hébreu, à
une période plus récente, un 'w' commençant un mot ou une syllabe
se change en 'y' (comme dans les verbes pe-waw et le verbe hayâ
lui-même). Ainsi le 'w' de Yahweh représente une prononciation
pré-mosaïque mais le 'eh' représente probablement une forme post-
davidique.» - R.L. Harris, G.L.Archer, B.K. Walke, The Theological
Wordbook of the Old Testament, The Moody Bible Institute of
Chicago, 484a, 1980 : 210.

Le problème étymologique

Une grande confusion apparut vers le XVe siècle de notre ère. À cette
époque, Sanctes Pagnini, un hébraïsant compétent, traduisit la Bible, non pas
du latin comme c'était devenu la coutume, mais des originaux eux-mêmes.
Dans son Thésaurus, par la suite, il expliqua que le «mot yhwh, qu'il
vocalisait yèhèwèh, provenait d'un verbe 'être' (hawah) et que ce mot yhwh
signifiait en araméen' il sera'. Par un concours de circonstances incroyable,
ces informations, toujours considérées comme valables de nos jours, à
quelques détails près, furent pourtant à l'origine d'une grande confusion
concernant le nom5l.» Pour bien comprendre le phénomène, il convient de
revenir sur la révélation du Nom faite à Moïse, qui s'enquérait de savoir ce
qu'il devait dire si on lui demandait qui l'avait envoyé:

i1~i1~
. 'rD~ i1~i1~ . ... i1tVb-"N .. \l:r~ii"~ ,~~~," <-
A" ." .I"-. '" "
:c~~,,~ ~~n~ti;.i1~i1N.
..: .. -: . ,- : ,.: : ,.: "~itb~
.. T:' ~~~ \'~~M i1S ,6~;,
.l'':. " - <.:-
Dieu dit à Moïse: « Je serai qui je serai. »
Et il ajouta: « C'est ainsi que tu répondras aux Israélites:
'Je serai' m'a envoyé vers vous. » Exode 3: 14 (NBS)

Le sens de ce verset est âprement débattu. Nombreux sont ceux qui en


rendent l'expression centrale par' Je suis qui je suis'. L'hébreu sous-
entendant toujours le verbe être, on s'est focalisé sur l'importance du verbe
'être' dans l'essence divine révélée par son nom. Pour être exact, il faut
quand même préciser que 'hawah' signifie davantage 'devenir' que 'être'. La

37
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Septante rend l'expression ainsi: « Èyw ElJlL0 WV» (Je suis l'étant [celui qui
est]), ce qui soulève d'autres difficultés.

DANS LES HEXAPLES D'ORIGENE


Fridericus Field, Origenis Hexaplorum, Oxford University Press, 1875

Que devons-nous donc penser de la forme Yahweh, qui n'est autre qu'une
tentative de rendre l'expression 'je serai' ? Tout d'abord, il convient de
déterminer sa provenance exacte. D'après Théodoret52, le nom divin était
prononcé soit 'Iabe', soit 'la,53 selon les communautés:

KaÂOÛOLôÈ aÙto :EaJlapEL taL JlÈv 'la~É 'louôaLoL ôÈ 'Ici


Les Samaritains le prononcent labe, mais les Juifs la

C'est essentiellement sur ce témoignage que s'appuient les défenseurs de


la forme Yahweh. Témoin ce qu'indique l'ouvrage très respectable Hebrew
and English Lexicon (BDB:218) : «Le traditionnel 'la~É de Theodoret et
Épiphane54, les composés de n.pr ,it~- [yahou-], -iit:' [yeho], et la forme
contracte rl~ [yah], favorisent tous itJry~ [Yahweh]».

Autrement dit:
1) les témoignages de Théodoret et Épiphane appuient la forme
Yahweh,
2) de même que les noms théophores (Yah, Yahou, Yeho) !

Mais ceci n'est pas exact:


1) Il est évident que Théodoret évoque la pratique samaritaine, tout en
précisant que la prononciation chez les Juifs est bien la forme Yah.
Dans son propre usage, Théodoret semblait d'ailleurs accorder plus
de crédit aux formes Yah ou Yaho(u) qu'à la forme samaritaine55...
2) Les noms théophores (<<les composés de n.pr. ») n'appuient pas du
tout la vocalisation Yahweh. Comme l'explique Gertoux56, Yah est
un nom propre à part entière, non une forme contracte du nom divin
(cf. Ps 68:4)57. En revanche Yahou, non présent dans la Bible, n'est
pas un nom mais un hypocoristique58 qui signifie' Yah Lui', Le.
'Y ah Lui-même'. Enfin la forme Yeho, et sa forme abrégée Yo,
entrent dans la formation de certains noms propres à l'initiale
uniquement. Ces considérations faites, force est de constater qu'il
n'existe que quatre possibilités d'insertion d'une forme du Nom
dans un nom propre:

38
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

À l'initiale:
- YôNathan
- YehôNathan

À la finale:
- NathanYah
- NathanYahou

Deux constatations s'imposent dès lors, et qui valent pour tout le corpus
biblique:

- aucun nom théophore ne commence par Yah-,


- tous les noms théophores commencent par Yehô- ou Yô, ou
finissent par -yah / -yahou.

On ne peut que conclure, à la suite de Gertoux : « Ainsi, ceux qui vocalisent


YHWH par Yahweh sont obligés d'admettre que le Tétragramme, le nom
théophore par excellence, n'appartient pas à la famille des noms théophores,
ce qui est le comble de l'ironie. (...) Il est possible de vérifier que, sans
exception, les noms théophores commencant par YHW- sont vocalisés
YeHÔ- (10 dans la Septante), et ceux qui se terminent par -YHW sont
vocalisés -YaHÛ (lA ou IOU dans la Septante). De plus, la voyelle a suit
très souvent la sequence YeHÔ, si bien que la sequence 'normale' est
YeHÔ-()a. »
Dans un ordre d'idée sensiblement différent, on explique également la
forme Yahweh comme le hiphil59 de i'T'i'T,c'est-à-dire celui qui entraine
l'existence, le créateur. Mais cette supposition soulève des difficultés60. En
effet, Dieu se révèle en employant le terme iT:.i}~(' èhyèh), qui signifie 'je
serai'. Or, on traduit ce passage par un présent, temps qui n'existe pas en
hébreu. Par conséquent, quelqu'un qui reprend cette expression pour
désigner Dieu dira 'Il est' (que l'on peut comprendre par 'Il existe'). C'est ce
qui conduit certains érudits à changer la forme en 'il sera', 'il fait être,61
(hiphil). Cette forme a néanmoins plusieurs inconvénients: 1) elle n'existe
pas en hébreu 2) elle change l'étymologie biblique' Je serai' (qui porte un
enseignement) en 'Je fais être' (qui est supposée). On peut en conclure que
la forme Yahweh est« plus un choix théologique que philologique62».
Concernant l'onomastique, il faut noter que la Bible préfère les
étymologies véhiculant un enseignement voire un jeu de mots à l'étymologie
scientifique à proprement parler (qui n'a pas lieu d'être avant le XVIe siècle).
Yahweh étant typiquement une «tentative érudite de reconstruction»
(Cambridge Encyclopedia), et une «prononciation approximative [par des
érudits modernes]» (The Interpreter's Dictionary of the Bible), il est
légitime de lui préférer une forme qui se déclare, non savante, mais traduite,
non reconstruite, mais francisée, et cette forme est «Jéhovah». Elle
n'existait certes pas dans l'hébreu original, c'est évident.

39
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Mais, à la différence de la forme Yahweh, cette forme ne se veut pas


reconstruction hypothétique, mais traduction au vrai sens du terme. Qui plus
est, un certain nombre d'arguments de poids (noms théophores, nombre de
syllabes, témoignage archéologique et même rythme de la langue...)
amènent à penser que cette traduction préserve la prononciation originelle.
Enfin, c'est une forme suffisamment courante et historiquement bien établie
pour exprimer la grandeur et la gloire associées au Créateur.
Dans un article publié en 1927 dans Ie Journal of Biblical Literature,
Francis Denio, bien qu'il considérait la forme Jéhovah comme erronée,
expliquait: «Jehovah misrepresents Y ahweh no more than Jeremiah
misrepresents Yirmeyahu. The settled connotations of Isaiah and Jeremiah
forbid questioning their right. Usage has given them the connotations proper
for designating the personalities which these words represent. Much the
same thing is true of Jehovah. It is not a barbarism. It has already many of
the connotations needed for the proper name of the covenant God of Israel.
There is no other word which can faintly compare with it. For four centuries
it has been gathering those connotations. [...] No other word approaches this
name in the fullness of associations required. The use of any other word falls
so far short of the proper ideas that it is a serious blemish in a translation62. »
Pourquoi ne préférait-il pas la forme Yahweh? Il explique: « the
custom was adopted in the early years of teaching to require him (the
student) to give the rendering Yahweh when the Hebrew IHWH occurred.
Gradually it came to be felt that this method savored of pedantry rather than
scholarship. And plainly the desired result was not secured. Not only was it a
literary barbarism, but it was a word empty of meaning which needed
generations of use before it could be filled with the proper meaning. Its use
was abandoned63. » C'était donc à juste titre qu'André Chouraqui déclarait:
« IHVH serait, d'après Ex 3:13-15, le nom propre du Dieu d'Israë1... À une
époque plus récente, on s'est risqué à le lire Yahvé ou Yahweh. Cette lecture
s'est diffusée rapidement sans toutefois être solidement fondée. »64 Bien
entendu, l'emploi du nom 'Jéhovah' ne peut se justifier pour la seule raison
qu'il est entré dans l'usage d'une langue. Ce serait dénigrer la tradition, pour
s'en servir ensuite comme d'un argument. On peut accepter tel propos, du
pasteur protestant A. Westphal: « Si quelque lecteur venait à s'étonner de ce
que nous écrivons Jéhovah, et non pas Jahvéh, ou Jahvé (...), nous
répondrons que nous nous sommes fait un devoir de n'adopter dans notre
livre que les modifications qui s'imposent. (...) Il est certain que le mot
Jéhovah, mot classique en français, consacré par les maîtres de notre langue
[Hugo, Lamartine, Chateaubriand...] comme par la littérature chrétienne qui
depuis des siècles fait l'édification de l'Église, est un vocable conventionnel.
(. . .) On comprendra dès lors que nous n'ayons pas cru devoir jeter le
désarroi parmi nos lecteurs, en rompant avec une tradition qui (...) exprime
dans le vocable Jéhovah le tétragramme JHVIf5. »
... mais il n'est pas possible d'en faire une cause nécessaire et suffisante
pour l'emploi d'une forme plutôt qu'une autre. Seuls les faits emportent

40
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

l'adhésion. À cet égard, tentez l'expérience suivante: ouvrez le texte hébreu,


de préférence dans les Psaumes. Puis lisez-les à haute voix avec la forme
Yehovah (ou Iehûah). Vous vous apercevrez combien les termes ont été
choisis pour faire assonance avec le nom véritable de Dieu.
Quant à savoir pourquoi il convient de connaître et d'employer ce Nom
avec une grande révérence, mentionnons deux versets, l'un de l'Ancien
Testament et l'autre du Nouveau:

:~ ~ "\~JJ !1/1~ 1?C;


C'est pourquoi mon peuple connaîtra mon nom
- Isaïe 52:6
IIiXe;; yàp oe;; a'v ÈTILKaÀÉarrtaL'tà ovo~a KUPLOUaWe~aE'taL
Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé
- Romains 10:13

1 Cohen: 68-69.
2 Sur le choix de ce vocable pour traduire le tétragramme, cf. infra.
3 G.D. Kilpatrick, Étude de Papyrologie, vol. IX, 1971 : 222.
4 « L'utilisation et la signification du nom dans l'Ancien Testament est reportée sur Christ
dans le Nouveau. Le Nom du Seigneur, ou le Nom seul, était dans l'Ancien Testament la
dénomination de la gloire de Dieu révélée. Au jour du Nouveau Testament, cette gloire est
apparue dans la personne de Jésus Christ; et ainsi la force de l'Église repose maintenant en
Son nom [...] le nom de Jésus est une sorte de compendium de la confession de l'Église, la
force de sa foi, et l'ancre de son espérance. Tout comme Israël, dans le passé, se glorifia dans
le nom de Jéhovah, de même l'Église du Nouveau Testament trouva sa force dans le nom de
Jésus Christ. En son nom, le nom de Jéhovah a atteint sa pleine révélation. » - Herman
Bavinck, Our Reasonable Faith, 313, in : R. Watters, Bethel Ministries Newsletter.
5 http://www.freeminds.org/foreign/lenom.htm.
6 A. Marmorstein The Old Rabbinic Doctrine of God, Londres, 1927 : 17.
7 Matteo: 24. Dans sa vie de Moïse, dans le récit du buisson ardent et après que Moïse ait
demandé à Dieu son Nom, Philon prête à Dieu ces paroles: OUÔEV OVOI.UXtO 1Tcxpa1TCXV
E1T'EIlOU
KUPLOÀOYELtCXL,W IlOVW 1TpOOEOtL tO ELvaL, « il n'y a absolument aucun nom propre qui puisse
me désigner, moi à qui seul revient l'être. » De Vita Mosis, I, 75.
8 Gertoux : 81.
9 Des découvertes récentes montrent néanmoins que l'hébreu était encore vivace (cf infra).
Ainsi, A. Tal, dans son article « Is there a raison d'être for an Aramaic Targum in a Hebrew-
speaking society? », Revue des études juives, 2001, vol. 160, n03-4 : 357-378, montre que la
naissance du Targum araméen était moins due à une nécessité sociale (les masses populaires
ne comprenant plus l'hébreu) qu'à la volonté de protéger l'original hébreu de la propension à
le moderniser.
10Gertoux : 91. Voir également Aly. L. Koenen, Three Rolls of the Early Septuagint: Genesis
and Deuteronomy. Bonn, 1980 & B.M. Metzger, Manuscripts of the Greek Bible, New York,
1991 : 33-36, 59-64.
11Gertoux : 93. Par contre, la reconstruction érudite du Nom,Yahweh, s'y prête mal.
12Varron, De lingua latina, 9,55 ; Gaftiot : 868.

41
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

13 « Un homme qui jure par le Nom ineffable entre tous sera écarté. » (Manuel de discipline,
III. Règle de l'ordre), in : Les manuscrits de la mer morte, Millar Burrows, Robert Laffont,
1955 :434. Par ailleurs, on lit en vi, 27-vii,I-2: « Whoever enunciates the Name (which is)
honoured above all ... [...] whether blaspheming, or suddenly overtaken by misfortune or for
any reason, (...) or reading a book, or blessing, will be excluded and shall not go back ever to
the Community council».
14A.T. Robertson commente Ro 2:24 ainsi: « Free quotation from the LXX of Isa 52:5. The
Jews were jealous for the Name of God and would not pronounce the Tetragrammaton and yet
acted so that the Gentiles blasphemed that Name. »
15
La Tosefta (Nn~O'n) est une compilation de la loi orale à peu près contemporaine à la
Mishna (et écrite en hébreu mishnique avec quelques portions en araméen), dont elle se veut
le supplément.
16AJ X, 5 ; in : Matteo: 32.
17Cf. A. Marmorstein, The Old Rabbinic Doctrine of Gad, Londres, 1927 et G. F.Moore,
Judaism in the First Centuries of the Christian Era: The Age of the Tannaim Judaism, vol. 1,
1955.
18
Cf. par ex. Stafford: 17.
19
Stafford: 17.
20 Chouraqui, Moïse: 168.
21
Tout comme' John' en anglais ou 'Jean' en français ne rendent pas le 'Iw&:vvT)ç grec, etc.
22
Il en existe effectivement! Cf lCo 8:5, 2Co 4:4, Ph. 3:19.
23
« Était-il vraiment interdit de prononcer le Nom au premier siècle. La réponse est non, car,
d'après le Talmud, cette interdiction est apparue seulement au milieu du deuxième siècle de
notre ère. De plus, il n'y a aucune trace d'une telle interdiction dans le Bible, à l'exception
bien précise du blaphème (Lv 24:11,16)) Gertoux : 103, nous soulignons.
24 Preface, ix ; in : Paul Ellingworth, « The Lord: the final judge of functional equivalence »,
The Bible Translator 199041/3 : 347.
25 Ellingworth : 348.
26 Chouraqui, Moise: 169.
27
Le nom divin qui demeure àjamais, 18.
28 Voir art. « Jéhovah» dans l'Encyclopaedia Universalis. C'est le premier mot qui figure.
29Hébreu (langue), Microsoft@ Études 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006.
30
En fait le travail des Massorètes ne se limita pas à l'insertion de voyelles (indispensables au
sens). Ils en réalisèrent également des copies annotées, éclairant les passages qui semblaient
avoir été modifiés. Gardiens de la tradition (héb. massorah), l'excellente préservation du texte
hébreu de la Bible leur doit beaucoup (cf chapitre 5). Remarquez que l'hébreu israélien
moderne ne porte pas non plus de voyelles. Mais supposez qu'il ne soit plus parlé pendant
deux siècles ou plus. Effacée des mémoires, la véritable prononciation sera perdue, et le sens
de certains mots compromis.
31 Weingreen : 31, note 1, qui' explique' : « le shewa composé qui se trouve sous la gutturale
N dans le mot .,~.,~ devient un shewa simple sous le 'II du kethibh i11H~ ». La Catholic
Encyclopedia, art. Jehovah (vol. VIII) donne cette explication (angl.) : « L'emploi d'un shewa
simple dans la première syllabe de Jéhovah, à la place du shewa composé de la syllabe
correspondante d'Adonaï et d'Elohim, est requis par les règles de la grammaire hébraïque
gouvernant l'usage du shewa. ». La Jewish Encyclopedia précise cette règle (angl.) : « La
raison pour laquelle le patach tombe est simplement dû au caractère non-guttural du yod. »
Enfm, l'Encyclopaedia Universalis, art. Jéhovah, nous confirme que ceci est en accord avec
les « règles de la vocalisation. » En effet, si le tétragramme est affublé des voyelles d'Adonaï,
il devrait présenter sous le yod le même chatafpatach initial ( .. ). Or, comme le constate Paul
Joüon dans sa Grammaire de I 'hébreu biblique, ~ 46 f, p.49 : « On remarquera que dans i1T;i1~
on a étrangement shewa simple au lieu de chatef patach de .,~.,~. » Que fait-il du 'yod non-
guttural' ? Joüon n'en dit mot. Et pour cause: l'hébreu, dans la pratique, n'empêche pas la
présence d'un chataf (qu'il soit patach ou seggol) sous une palatale (yod en l'occurrence).

42
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Nous en avons pour preuve, pour ce qui concerne un chataf seggol, Genèse 15:2 et 8 avec les
formes \i1V"C
.. et i11i1.:,
.. prononcées, bien entendu, Elohim. Nous rencontrons de même un
chataf patach (exactement comme à l'initiale d'Adonaï) en Psaume 144:15 : i1V1~W (i.e.
préposition tenant lieu de pronom relatif + tétragramme). On pourra objecter que ces
exemples sont rares. Mais, comme nous l'a fait remarquer le rabbin David Kay (Ma'ayan
Conservative Synagogue, à Naples en Floride), « la confusion décrite ici n'est pas, en réalité,
« d'ordre grammatical». Et de préciser: « le Shem Ha'm'forash (la 'vocalisation' du
tétragramme par les voyelles d'Adonaï, i.e. 'le nom lu distinctement') est précisément un
procédé employé pour NE PAS PRONONCER le Glorieux Nom. Il n'a RIEN À VOIR avec
le tétragramme. Il s'agit en quelque sorte d'une superposition. La phonétique ne doit donc pas
entrer en ligne de compte, car c'est bel et bien Adonaï qui est prononcé, non Y910wah ou
Yahowah. » G. Gertoux, parmi d'autres explications, rend compte du ridicule de la situation:
« quand les Massorètes indiquent qu'un mot à lire (Ie qéré) est différent du mot écrit (kétib),
c'est justement pour indiquer que ce mot est différent, et qu'il n'y a pas de lien entre les deux
mots. » Pour plus de renseignements sur le caractère spécieux du recours à la règle de
grammaire précitée, cf. P.L.B. Drach, De l 'harmonie entre l'Église et la synagogue, Ed. Socii
Sancti Michaelis, 1978 : 480-481. (Gertoux : 124) Bien sûr, nous ne remettons pas en cause la
règle de grammaire. Nous opposons seulement son emploi au problème du qeré/ketib. Nous
n'ignorons pas non plus la théorie selon laquelle, Yahweh étant la prononciation exacte, les
Massorètes n'auraient pas mis de chataf patah (son a très bref) sous le yod, mais shewa
simple, pour empêcher un lecteur inadvertant de prononcer le nom Yahweh. Mais c'est une
théorie.
32 La forme Yehowah, malgré sa ressemblance avec Yahowah, ne présente pas le nom divin
Yah qui pourrait, à l'oral, constituer le blasphème avec le son suivant (h)owah.
33 Gertoux : 9-10.
34Ibid.
35 Voir aussi la Jewish Enyclopedia, vol.7, p.89, art. 'Jehovah' (E. G. Hirsch).
36 Comme les détracteurs de cette forme aiment à le rappeler, « Jéhovah» est un mot apparu
en 1518 sous la plume de Pierre Galatin (De Arcanis Catholicae Veritatis, 1518, folio xliiii).
Sous une forme similaire « Yohoua », elle se rencontre dès 1270 dans l'ouvrage de R. Martin
(Pugio Fidei). Ceci est tout à fait indéniable (pour une discussion détaillée, cf. Moore: 34-
43). Mais on peut en dire autant de tous les autres noms. Ainsi Jésus (Yeshoua' ou Yehoshua),
Jonathan (Yehonathân), Marie (Miryam), etc. ne figurent pas non plus dans l'Ancien
Testament sous la forme que nous leur connaissons pour la simple et bonne raison que ce sont
des formes françaises. L'argument, en plus d'être de mauvaise foi, n'a aucun poids.
37 Pour une liste exhaustive, voir Gertoux : 46-51.
38 Pour une explication de ce phénomène, ct: Gertoux : 52. Il apparaît que la forme Yahou
était déjà taboue pour les Juifs vers le 3esiècle avo J.-C.
39 Gertoux : 53.
40 C.f George W. Buchanan, « Comment le Nom de Dieu était Prononcé» (angl.), Revue
d'Archéologie Biblique, 21.2 (mars-avril 1995) : 31.
41 Gesenius, Hebrew-Chaldee Lexicon: 337.
42 Hormis peut-être la stèle de la tempête d'Ahmosis ! Mais le sujet est débattu...
43 Voir J. Leclant, Les fouilles de Soleb in : Annuaire du Collège de France 1980-1981 : 474-
475, et, du même auteur, Le « Tétragramme» à l'époque d'Aménophis III, in : Near Eastern
Studies. Wiesbaden 1991 Ed. Otto Harrassowitz : 215-219.
44 Voir une reproduction des hiéroglyphes dans Gertoux : 67, 67 ; Divine name: 75. Sur la
vocalisation de y-h-w3, voir Divine name, App. D. : 255-268.
45 Certes l'influence grecque n'y est pas étrangère. Mais on peut faire la même analyse avec
tous les noms propres hébreux commençant par un yod.
46 « le tétragramme Y.H.W.H. ne peut aboutir directement à Jéhovah puisque dans l'alphabet
hébreu qui comporte 22 consonnes, les sons J et V n'apparaissent pas» - Art. Bible et
obscurantisme, sur Rendormez-vous : http://membres.lycos.fr/maynacque/biblobscur.html.

43
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

47
En réalité il n'en est rien. Le professeur Buchanan, dans son article « Travaux non achevés
des Manuscrits de la Mer Morte» (angl.), p.418, explique: « le nom 'Yahweh' ne sonne
même pas sémitique» quand on le compare avec d'autres noms bibliques. Il donne pour
exemple Exode 15 en insérant alternativement 'Yahweh' puis 'Yahowah'. Les phrases avec
'Yahowah' sont « douces et poétiques », tandis que celles avec 'Yahweh' « sont dures et sans
rythme»
48
- in : Stafford: 3.
Le grand hébraïsant Paul Auvray explique ainsi le problème de traduction du Nom divin :
« (...) depuis un temps immémorial (...) les Juifs s'abstiennent de le prononcer. Lorsqu'ils
rencontrent ce mot dans le texte, ils le remplacent dans la lecture par un autre, habituellement
'iidonây (le Seigneur). C'est pour rappeler cette obligation que, lors de la vocalisation du
texte, ils ont affublé le mot YHWH (qu'ils n'osaient pas effacer ni remplacer dans l'écriture)
de voyelles rappelant la prononciation 'adonây: a 0 â (devenues ensuite e 0 â). C'est la
« graphie» que nous trouvons dans nos Bibles, et qui a donné lieu au « barbarisme Jéhovah».
(. . .) Le retour à la prononciation (hypothétique) yahwé(h) est récent, et en réaction contre
toute la tradition juive. Pratiquement, entre chrétiens, on peut lire Yahvé, comme font presque
toutes nos versions modernes, mais on peut aussi suivre l'usage traditionnel: lire 'iidonâyet
traduire « le Seigneur ». L'usage protestant est plutôt de traduire étymologiquement (?) le
mot YHWH par « l'Éternel ». » - Auvray, L 'hébreu biblique: 79, 81. On le voit, et à juste
titre, l'idée de traduire un nom laisse P. Auvray bien sceptique.
49 in : Matteo: 43.
50 Carr: 104 (Nous soulignons).
51Voir Gertoux : 149.
52 Natalio Fernandez Marcos et Angel Saenz-Badillos, Theodoreti Cyrensis - Quaestiones in
Octateuchum. Edito Critica, Madrid: Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, 1979 :
112.
53 Certains ont conjecturé (sur la base de Diod. Sic. i, 94 principalement) que Théodoret avait
écrit 'law plutôt que 'la. D'autres, sur la foi de la tradition manuscrite hésitante, 'Ala, cf.
Moore: 312-313.
54Cf. Épiphane, Adv. Haeres, I, III, 40.
55Cf. Gertoux, Divine Name: 41.
56Cf. http://gertoux.online.fr/divinename/faq/ A 14.htm
57Il ne faut donc pas chercher de lien évident entre Yehowah et Yah, tout comme, en anglais,
les termes Betty et Liz (qui fonctionnent comme des noms propres indépendants) n'ont pas de
lien évident (linguistiquement parlant !) avec Élisabeth...
58
C'est-à-dire, un 'petit nom' « qui exprime une intention caressante, affectueuse, notamment
dans le langage des enfants ou ses imitations» (TLF).
59Temps impliquant que le sujet du verbefaitfaire une action. Cf. Joüon ~54, Gesenius ~53.
60Voir Gertoux : 152.
61
Dans l'article 'Yahvé' de l'Encyclopaedia Universalis, nous lisons sous la plume de Paul
André (un historien du judaïsme ancien) : « Dans l'Exode (III, 14), il semblerait que Yahvé
(YaHWéH) dérive de la racine hébraïque HâYâH (<<être », « devenir »). Or, la racine du mot
n'est pas HYH, mais HWH, qui, en hébreu, signifie « désirer ». Aussi pense-t-on que Yahvé
viendrait de dialectes amorrhéens, que parlaient les Patriarches et dans lesquels HWH
(comme en araméen) signifie « être », « devenir ». Dès lors, Yahvé (YaHWéH) serait une
forme verbale, causative, et voudrait dire: « Il fait être». »
62 Cf. André Caquot, Les énigmes d'un hémistiche biblique, 1978 Paris, in: Dieu et l'être, éd.
Études Augustiniennes, CNRS: 24, n.23.
63 On the Use of the Word Jehovah -
Conclusions based on forty years experience in the
Hebrew classroom, JBL 46, 1/2, 1927: 147-148. H. Rosin, de même, écrit: «The
pronunciation 'Yahweh' is no more than a scholar's guess, still competing with other
conjectures, such as Yahou and Yahoo Could the scientific prestige which this form Yahweh
has rightly gained, ever lead to recognition by the church? (...) And does not then the
traditional currency which the blended form 'Jehovah' has had of old, and the place it has
secured for itself in many versions (and hymns) in numerous variations, weigh heavily in the

44
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

balance? Is it not more important that we learn to prounounce the Name again? » - The Bible
Translator 1952 03/4 : 182.
64 Denio: 146-147.
65
La Sainte Bible, Paris, 1989 : 2415, Matteo: 35.
66 Westphal, Jéhovah, les étapes de la révélation: 36-37.

45
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Le témoignage de la Septante

La Bible des premiers chrétiens était la Septante. Pour savoir s'ils


connaissaient et éventuellement employaient le nom divin, il est
indispensable de s'y référer. Nous allons aborder le témoignage de la
Septante concernant le Nom pour ce qu'il est: un témoignage, non une
preuve. La présence ou l'absence du tétragramme est un indice du contexte
historique durant lequel un manuscrit a été copié.
De fait, la Septante est un indicateur historique, un cliché de l'état du
texte hébreu (mais en langue grecque) des siècles après sa composition. À
tous égards, cette étude mérite notre attention, car elle permet en partie de
répondre aux deux questions suivantes: les premiers chrétiens connaissaient-
ils le tétragramme hébreu? leur usage de la Septante nous permet-il de
savoir s'ils employaient le Nom divin?

PSAUME 27:11 DANS LES HEXAPLES D'ORIGÈNE


Comme en témoigne Origène, d'anciens manuscrits de la Septante portaient le nom divin en
lettres hébraïques (ici sous la forme eronnée TIITII).

47
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Définition de la Septante

La Septante! est la traduction en grec de l'Ancien Testament hébreu.


Elle fut entreprise au Ille siècle avant Jésus-Christ par un comité de savants
Juifs d'Alexandrie. On désigne cette traduction, sous l'abréviation LXX.
Son public destinataire était la communauté juive de la Diaspora, qui ne
parlait plus guère l'hébreu. D'après la légende transmise par la Lettre
d'Aristée2, la traduction fut entreprise sous l'impulsion de Démétrius de
Phalère, fondateur et responsable de la bibliothèque d'Alexandrie, qui
convainquit Ptolémée Philadelphe (283-246 avo J.-C.) de l'intérêt à la
posséder. Elle fut donc confiée à soixante-douze Juifs, six de chaque tribu,
qui terminèrent leur travail, reclus sur l'île de Pharos, en soixante-douze
jours exactement... Si cette traduction n'a pas connu l'origine miraculeuse
qu'on lui prête, ni n'a été traduite d'un seul tenant par le même comité, la
légende témoigne du rôle considérable que tint la Septante dès son
apparition3. Mais la Septante n'a pas été l'unique traduction grecque des
écritures hébraïques. Au premier siècle (c.30-50), Théodotion en produisit
une4. Puis, au second siècle de notre ère, Aquila en réalisa également une,
sur la base du texte hébreu tel que standardisé par l'école de Yabné au
premier siècle. Enfin Symmaque5, vers 165 de notre ère, réalisa une
traduction des Écritures hébraïques, dont il ne nous reste que des fragments,
et qui recherche la qualité littéraire.

Intérêt de cette traduction

Au troisième siècle avant notre ère déjà, les Juifs n'employaient plus le
nom divin avec les païens6. Bien que leur traduction fût destinée à une
communauté juive, elle n'en allait pas moins être accessible aux non-Juifs.
Ils résolurent donc de ne pas traduire le Nom, en le laissant en hébreu dans
le texte. Plus tard, des copistes de la Septante en firent autant, ou allèrent
plus loin, en changeant le nom divin de son écriture hébraïque en une
écriture plus ancienne: le paléo-hébreu 7 (le tétragramme i1'i1~y figure alors
ainsi : ~S(~~). Origène (Ille s.) y fait allusion: « Dans les manuscrits les
plus fiables, le nom apparaît en caractères hébreux - non pas en caractères
hébreux actuels, mais dans les plus anciens. »TAUn siècle plus tard, Jérôme
(IVes.) en fait également mention dans son prologue sur les livres de Samuel
et des Rois (Prologus Galeatus) : « Nous trouvons aujourd'hui encore le
nom de Dieu, lequel renferme quatre lettres i1'i1~,nous le trouvons exprimé
en antiques lettres dans certains volumes grecs8. » Des copistes, ne sachant
pas ce que le tétragramme signifiait, l'ont transcrit dans les lettres grecques
les plus proches. Ainsi i1'i1~ en hébreu, devint IIIIII en grec, par le seul jeu
de la similitude9. Jérôme d'ailleurs avait remarqué cette méprise:
« Neuvième nom [de Dieu], tétragramme, qu'ils ont estimé &VEKQ>WVlltOV,
c'est-à-dire ineffable; il s'écrit par les lettres suivantes: yod, he, vau, he.
Cet ensemble n'a pas été compris par certains; à cause de la ressemblance

48
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

des traits qui composent ces quatre lettres, et quand ils l'ont rencontré dans
les livres grecs, ils l'ont lu d'ordinaire IIIIII10». Cela contribua à vouer au
tétragramme une révérence quasi mystique, probablement à l'origine des
nomina sacra, et qui alimenta par la suite superstitions et pratiques magiques.
Ainsi, l'examen de la Septante nous indique que, même si la superstition
entourant l'usage du Nom existait sans doute à l'époque où elle vit le jour,
cette superstition n'existait qu'à l'oral et envers les Gentils, non à l'écrit. Par
conséquent, quiconque possédait une copie de la Septante, et la citait,
rencontrait le tétragramme à un moment ou à un autre.
La Septante est également intéressante dans la mesure où sa Vorlage - le
texte hébreu qui lui sert de support - est différent, en bien des endroits, du
texte massorétique, étant plus proche des copies plus anciennes découvertes
à Qumrân, ce qui pourrait donc le rendre parfois plus authentique. D'un
autre côté, dans le cas où la Vorlage est supposée identique au texte
massorétique, les choix de traduction opérés par les Juifs alexandrins nous
renseignent sur l'influence hellénistique subie par le judaïsmel1.

Présence du Nom divin

Aujourd'hui, quand on ouvre un exemplaire de la LXX, on constate que


le nom divin est uniformément rendu par KUpLOÇ. En effet, la plupart des
manuscrits sur lesquels travaille l'éditeur ne contiennent que des
abréviations de ce terme KUpLOC; (les nomina sacra, cf. infra), lesquelles
figurent en lieu et place du tétragramme hébreu. Or, les plus anciens
manuscrits de la LXX contiennent le nom divin en caractères hébraïques. Ce
phénomène, assez curieux, est capital. Il a été oublié au fil des siècles, à
mesure, d'une part, qu'apparaissaient les copistes chrétiens - pour qui
l'hébreu ne signifiait rien - et, d'autre part, que les Juifs se désintéressaient
de leur propre traduction des Écrits sacrés. Dans la LXX, le tétragramme
apparaît principalement sous quatre formes 12.

En hébreu archaïque

Par hébreu archaïque, il faut bien sûr entendre 1'hébreu tel qu'il était
primitivement écrit (le tétragramme s'y présente sous la forme ~S(~~), mais
aussi les tentatives plus ou moins heureuses de scribes tentant d'imiter cette
écriture. Qu'une copie de la LXX porte une écriture paléo-hébraïque ne
témoigne d'ailleurs pas de son ancienneté, puisqu'on en retrouve jusqu'au
Ve VIe siècles; mais cela constitue un bon indicateur de la révérence portée
-
au Nom.

49
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

8HevXXIIgr [fin du 1er siècle de n. è. ]13

K~m.Àt~ ntrle'lt~~O" K~I .A~t""~CKO'{ Kd. T'

C(l),À )'TOY :~;(J) OT I T(.l} 7!!.kf!Ir.!?:,


ocpe.A.

ep'WTI{lJr"J K.ÀI TTàC


('*TOYC I(JJTIHCONA,nO
Scribe 1. Le tétragramme est écrit ~!cf.J
Scribe 2. Le tétragramme est écrit 7JTJ,,'7/I~

LXXIEJ 12 (~};rf.J) en Yon 3:3. [fin du premier siècle de n. è.]14

Aq Taylor ( '3/\3;J ) aux endroits suivants: Ps 91 :2, 9 ; 92: 1, 4, 5, 8,


9 ; 96:7, 7, 8, 9, 10, 13 ; 97:1, 5, 9, 10, 12 ; 102:15, 16, 19, 21 ;

103: 1, 2, 6, 8. [p.ê. seconde partie du ve siècle de n. è., pas au-delà

du VIe siècle.] 15
ÂIK~IOCYN~C '3/\3;J

Ps 103:6 : « les actes de justice de Jéhovah »


AqBnrkitt (~A~/I) aux endroits suivants: IR 20:13, 13, 14; 2R

23:12, 16, 21, 23, 25, 26, 2. [fin du ve siècle ou début du VIe siècle
de n. è.]16
.t'tc'r~C}<i\ IC YN°r JI<. .Kt\. If:: M'rfÂ.CHtq>'o'

MO.1't(OM~.:I''' KÎ\J AJ'O'nrn Y'roy


(~YN.I';\, 'K~a ÀJ'M/\ ~À 'r}>..'rrÀ t-""'t!>.I,.u:U\liJ
T'\'X}>.I{: Yt'-nr  N'J'À MU)t.~HK.\'J"..HYrÀ y
Zi'nJt()C()Xm(~MÀ'I~À ç
'1'o O''''1<Â. t-.Je 'rH
À(11.J'b..&H CIJ..Nt~N OMOIOCz... '/''J'~(t'')

rH'oy ÀÀ,'KÀl€:N »'rf 1\tÙ'"J'OYt«1\11CC't'J"\


1(;.1'0 yc A.J\HM en£: ~.~.(~f ttOO.t ("HC
t'J'"
J\(:-Â~ t.JiWCtÀO[ yO} y
n'Y MOY À")";"T.O)' O
)/)
lrfJ.')(::A N).. CT"I C[H] Mer"A,\{') YO(OJ' n

't'À,,'HM" +rÀ"IAOY[NO] CfO]NGYMOCh YT~)Y

MOY'ïp.J"'f.:(CVJ'ÂMM€] (et.Jijoy .AÂ"€'mn~Âci""


î'[,<oyr, tJr'JJ\ IOY' T{)lcn'Àj"'o '.rrIC~M()tÇ'
t~À6'J'"
{)
e yeY.ff.H.-af1}h)Ôh"OY (.llcn
"j'Cl) r'rIC"'t?N
1$[UI6.rJë'YCO[1<:'(Œ.@': hY'r()NM'e N~CC(.t.
[:0
Ki\. 10 ]M() IfJe 'le!
J<:À.en1"<&"'N4;:t'?1.=t'k:.....
À''y''rW
(oYJ<;tiJr~eNHaH~'C J"e"l'O"NïO Y'A'ÂÀ 'no'
[u focujJno NÀy.rny C">HCH)À noelll
[t-Àc..\.eyc}ocent;
'nJ'OCtOh'OY'f'vfOy'
1/1)[c'rJ\(rt€NJl(rOC~1~~ J<Â.("}ÀÀTIt.:'C'T'...e'il,:
[ey..n-, "CH]K f\J'.à lÀ (H',n CJIÀ B1\ KM~
'J' '0'0
[1.>.Y't'oy] KÀH.::Nl1À. ,j"'fCOÇYN'I'H N

(C"ftY]XHl>. "TOY 'nO;"IN'rIJ.. "'rltN~m,

50
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Dans cet extrait, le nom divin est rendu en trois occurrences en paléo-
hébreu, tandis qu'on le rencontre une fois sous la forme du nomen sacrum
Ky (coLI, ligne 15). Il est vrai que la place manque pour inscrire les quatre
lettres du tétragramme hébreuI7; mais cette synonymie entre le nomen
sacrum et le tétragramme tend à confirmer l'hypothèse que les nomina
sacra, introduits par les chrétiens, ont remplacé le nom divin écrit en paléo-
hébreu au sein du texte grec, et ceci tant dans la Septante, où c'est
l'évidence, que dans le Nouveau Testament.

SymP. Vindob. G. 39777 (3-~~ct- ou "3-11'1)aux endroits suivants:


Ps 69: 13, 30, 31. [Ille ou au IVe siècle de n.è.]I8

En hébreu carré

- LXXP. Fouad Inv. 266 (7"/1') dans de nombreux passagesI9.

~ ~««-~.

e.Àru.eè
HN . n\7t)
\H ~O 'f#
'..
.

..
..'.'

... ..:
.
Sur la datation de ce papyrus, et après en avoir minutieusement analysé
l'écriture par un jeu de comparaisons, Françoise Dunand, qui admet que la
datation « est fort délicate », conclut ainsi: «nous pensons que l'on peut
attribuer comme datation du Papyrus F. 266 le milieu du 1er siècle a.C. ; il
nous semble quant à nous difficile de descendre en-dessous de 50 a.C. 20»

Ambrosienne 0 39 sup. (17,7") dans ses cinq colonnes21 (fin du Ixe


siècle de n. è). 22

51
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

En grec

. 4Q LXX Levb ( lAW) en Lv 3:12 ; 4:27. [fin 1ersiècle av.n.è. -


début 1er siècle de n.è. ]23

~
M~:~~ciJ
.N'Tr;,qnc INCAtM f '~'4~'"
~
).,JG..t-..l'"'.01\(.)..; N !.~~ 0'1")(
~C!41I{A"
r '-J M lM tC:.:~
L4~}'oN:'rr
~ ~~# ). \;:;:;..."
l
En écriture non-conventionnelle

LXXP. Oxy. VII.t007 ( ~), en Gn 2:18-19. [Ille siècle de n.è.]24


Col. II, verso

[K~I €I]
TT€N ~ 0 ec oy K~[À.]O[N €IN~I TON]
~NerWTTON MON[ON TTOIHCWM€N]
~ YTW BOHeON [K.ÀT ~ YTON K.ÀI €]
[TTÀ.]~C€N 0 ec €T[I]25
... et
Jéhovah Dieu dit: tII n'est pas bon
que l'homme reste seul. Faisons
lui une aide qui lui soit semblable. ' Et
. TA
D leu fiaçonna encore...

Ce papyrus est remarquable à plus d'un titre. Son support, le codex,


autant que la présence du nomen sacrum ec, suggèrent une provenance
chrétienne. Pourtant, le terme KUpLOC;,
au lieu d'être abrégé régulièrement
en KC, est rendu par un double yod barré ~, ce qui relève plutôt
d'une pratique scribale juive. On a donc conjecturé qu'il s'agissait d'une
forme de syncrétisme judéo-chrétien (Roberts: 34). En tout cas, ce
document indique de manière probante que, encore au Ille s., des copies
de la LXX (sans doute réalisées par des judéo-chrétiens) présentaient le
Nom.

LXX P. Oxy. 3522, en Job 42 [1er siècle de n. è. ]26


La main inexperte trace le tétragramme de la manière
suivante: =t-2( ~t

52
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Sepher Ben Sira. Un manuscrit hébreu de ce livre deutérocanonique


(autrement appelé Siracide, Ecclésiastique ou Livre de la Sagesse de
Jésus Ben Sira et qui n'était connu qu'en grec jusqu'alors), fut
découvert en 1896 par Solomon Schechter, où le tétragramme est
rendu par un triple yod ( ).
Par exemple, en 51:30, on lit : c~,.u~ 't't't 1":1. (<<Bénis [sois-tu]
Jéhovah, pour toujours! »)27

LXXP. Fouad Inv. 26628 -I 71'~


,
4Q LXX Levb - I (fin) - I rAw
LXxIEJ 12 I (fin) t1rf;r;
LXX P.Oxy.3522 I :e -q" ~t
I (fin) t1rf;r; et
8Rev XXIIgr
mhW9;

SymP. Vindob. G. 39777 III - IV 3-~ ~~et'-:}:tl'1


LXXP. Oxy. VII.I007 III
Aq ~Taylor29 V - VI 3/\ 3;t
AqBurkitt V - VI ~/I~~
Ambrosienne 0 39 SUp30 IX (fin) 17(i7,

À partir des cinq premiers témoins, il est possible d'affirmer qu'à


l'époque de Jésus, des copies de la Septante portant le tétragramme
existaient bel et bien. Le professeur Howard résume la situation ainsi:
« Nous pouvons à présent affirmer avec une certitude quasi absolue que le
nom divin, i1,i1\ n'était pas rendu par KUpLOc; (' Seigneur') dans la Bible
grecque préchrétienne, comme il a été si souvent prétendu. Le tétragramme
était habituellement rendu en araméen ou en lettres paléo-hébraïques, ou
bien il était translitéré en lettres grecques31.» On ne peut donc pas arguer,
comme c'est pourtant si souvent le cas32,que Jésus et les premiers chrétiens
n'employaient pas le nom divin, puisqu'à leur époque, la version biblique
dont ils se servaient essentiellement, la Septante, contenait le nom divin en
hébreu ou était vocalisé en grec (Iaô). On peut même aller plus loin, et
souligner, comme le fait Gertoux33,que tous les manuscrits de la LXX qui
nous sont parvenus, et qui sont antérieurs au début du Ille siècle, ne
présentent pas de substitution, mais laissent apparaître le nom divin en
hébreu, ou de manière vocalisée en grec34.
En fait, ce sont les chrétiens d'origine Gentile qui, n'ayant pas
d'affection pour le Nom, le remplacèrent dans la LXX puis dans le NT par
des abréviations. Le papyrus Oxyrhynque 65635nous laisse même entrevoir
dans quelles circonstances cette substitution prit place, ainsi que l'explique
P.W. Comfort: « Interestingly, a transitional stage - between YHWH and
KC - can be witnessed in P. Oxyrhynchus 656 (Genesis). (Though this

53
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

codex is dated to the second century AD, it probably reflects earlier


practice.) In any event, the original scribe left a four-letter space open in four
occurrences where the name 'Lord' would appear, presumably for someone
else to fill in the Tetragrammaton in Hebrew. But it was not filled in with the
Tetragrammaton. Instead, the divine name was squeezed in by another scribe
with the name K yplOC. Evidently, there was no one qualified to fill in the
space with the archaic-Hebrew form, so it was filled in with the Greek
surrogate36. » On peut apporter quelques précisions aux propos de Comfort :
on n'a pas de témoignage indiquant que la pratique de la substitution
ait été antérieure au début du troisième siècle de notre ère,
il n'y a pas eu de scribe qualifié - ou désireux! - d'inscrire le
tétragramme en paléo-hébreu,
en tout état de cause, c'est bien à l'époque de ce papyrus - fin du lIe,
début du Ille siècle, que la généralisation des abréviations a fait
disparaître le tétragramme.
Deux autres papyrus37 semblent présenter le même phénomène que le
P.Oxy.656 :
P.Oxy.l075 (Ille s. de n.è.): en Ex 40 (fin), l'abréviation KY
apparaît plus large et plus foncée que le texte environnant, et semble
insérée à un endroit où l'on avait laissé un espace de 3 à 4
caractères, vraisemblablement pour le tétragramme en hébreu38.
P. Berlin 17213 (Ille s. de n.è.) : en Gn. 19 :18, un espace plus large
est prévu en lieu et place d'une forme de KUpLOç39.

Lecture à la synagogue et usage privé


Bien évidemment, que les copies de la LXX aient présenté le Nom à
cette époque, comme il ne fait plus de doute, ne prouve pas qu'il fût
prononcé à l'occasion des lectures à haute voix. Tout dépend bien sûr de
l'orateur, mais il est probable que, de manière générale, on substituait soit
Adonay si on lisait en hébreu, soit kyrios si on lisait en grec40. En effet, à
l'époque de Jésus, et depuis le retour d'exil, la révérence entourant le Nom
était importante (Mishna - Tamid 3:8, 7:2, Talmud - Tamid 30b, 33b, Yoma
39b, 69b), et, comme l'indique le Talmud, ce sont des substituts qui étaient
employés (Adonay, Elohim - Talmud, Sota 40b, 76 ; voir aussi l'Écrit de
Damas XV, 1). Toutefois, la véritable prononciation (<<selon ses lettres », dit
la Mishna, c'est-à-dire Iehouah) était toujours connue, puisque le grand
prêtre l'énonçait à dix reprises à l'occasion du jour de l'Expiation (Yom
Kippour).
Ce dernier n'était pas le seul à prononcer le Nom. Le Talmud, Berakhot
40b, signale: «Toute bénédiction dans laquelle le nom divin n'est pas
mentionné n'est pas une bénédiction. » De la même manière, les serments
impliquaient l'emploi du Nom (Ex 20:7, Dt 6:13 ; cf. Josèphe AJ III, 270-
271 ; 1 Hénoch 69:14, Jubilés 36:7), tout comme les salutations (voir Rt 2:4 ;
Berakhot 63a, 9,9), les requêtes (Ps 28:1, 30:2, 102:1) ou les louanges (Ps

54
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

29:2, 33:2, 96:2, Rv 19:1-6). Les Juifs ne savaient que trop bien ce qui
pouvait leur arriver s'ils oubliaient le Nom (Jr 23:27, Jr 44:26, Jr 10:25). Par
ailleurs, Josèphe rapporte que les Juifs, lors du siège de Jérusalem, réduits
aux pires extrémités à cause de la famine provoquée par les dissensions
internes, en faisaient appel au nom de Jéhovah pour susciter la piété et la
crainte de leurs tortionnaires (GJ V, 438) : «souvent, ils imploraient, ils
invoquaient le redoutable nom de Dieu... » (Kat 1TOÂÂaKLC;
LKE-CEUOV-CWV
Kat
-co <pPLK-COV È1TLKaÂOUf.1Évwv ovof.1a -COÛ 8EOÛ).

Cela dit, quel pouvait être l'usage liturgique du Nom?

On ne saurait y répondre avec une absolue certitude. Sans doute les


substituts Adonay et Kyrios furent-ils effectivement en usage. À cela au
moins deux raisons:

Les traducteurs de la Septante avaient changé le sens du passage de


Lv 24: 15, 16.

Là où le texte pré-massorétique lisait sûrement:

,,~.,,~ "t~i?;-'? rD:~ rD'~ 'q~~ 'i1~ "\~1~: ~~.f-"~1


i11~;1-":O i?-i~~l: Ci~l n6i' ni9 \i11i1;-CW:Jt=?)1 :i~tpt) ~ttb~1
:npi' c:P-i:Jf?~f nl~~? \,~~
Tu parleras aux enfants d'Israël, et tu diras: Quiconque maudira son Dieu portera la peine de
son péché. Celui qui blasphémera le nom de Jéhovah sera puni de mort: toute l'assemblée le
lapidera. Qu'il soit étranger ou indigène, il mourra, pour avoir blasphémé le nom de Dieu.

... les traducteurs avaient changé le sens du verbe hébreu :Jp~ (naqab),
signifiant blasphémer41,de la manière suivante:

av8pW1TOC; oc; ÈelV Ka-CapaOll-CaL 8EOV àf.1ap-cLaV Â~f.1*E-caL


ovof.1œ' wv cSÈ -co ovof.1a KUPLOU 8ava-cq> 8ava-couo8w
un homme qui maudira Dieu encourra la faute;
mais pour avoir nommé le nom du Seigneur, qu'il meure absolument42.

Autrement dit, il était plus grave de maudire Dieu que de le nommer43 !

Un autre obstacle à la prononciation du Nom venait de la littérature


sapientale, où l'on peut relever des avertissements de ce type:

~
0PKq> f.1 È8LOTIC; -co o-cof.1a OOU Kat OVOf.1aOLq, -COÛ àYLOU f.1 OUVE8L08f1c; ~
W01TEp yelp OLKÉ-CllC;
È~E-ca'Of.1EVOC;ÈVcSEÂEXWC;
eX1T0f.1WÂW1TOC;
OÙK ÈÂa-c-cw8~OE-caL
oü-cwc; Kat 0 Of.1VUWV Kat ovoJlœ, WV cSLel 1Tav-c0c; eX1T0 àJlap-CLac; OÙ Jl ~
Ka8apLo8f1Ne prends pas l'habitude de prononcer le nom du saint. Car de
même qu'un domestique toujours surveillé n'échappera pas aux coups, ainsi

55
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

celui qui jure et invoque le Nom à tort et à travers ne sera pas exempt de
faute. - Si 23:9.10
L'expression «Sui1Tav't'oçest intéressante: elle signifie qu'il n'était pas
bon d'employer le nom « à propos de tout », autrement dit « pour un oui ou
pour un non », « à tort et à travers ». Cela suggère que ce n'était pas l'emploi
du Nom qui était proscrit, mais bien son emploi futile, son emploi à la légère
(Ex 20:7). Il y avait forcément des excès. Cependant, si l'on admet que seuls
des substituts étaient prononcés, se pose alors le problème des copies de la
LXX où le nom divin était écrit en grec, et vocalisé laô. Que disait-on
alors44 ?
À propos du manuscrit 4QLXXLevb, Patrick W. Skehan écrit: « the MS
which allows for the pronunciation, or at least a pronunceable and normal
writing, of the Yhwh name in the same hand employed for the rest of the
text, derives from a period of LXX transmission prior to all texts which in
written form warn against utterance of the Name45. » D'après lui, la pratique
remontrait à une période antérieure aux témoins de la LXX qui contiennent
des caractères anciens. Toujours est-il que la copie en question est datée
entre le I ers. avo J.C. et le 1er s. ape J.C., c'est-à-dire vers l'époque du Christ.
Skehan mentionne alors plusieurs témoignages qui tendent à prouver que les
manuscrits contenant law n'empêchaient pas la prononciation du Nom:
Diodore de Sicile (1er s.av.J.-C.), historien et chroniqueur grec,
rapportait que Moïse tenait ses lois de 't'ov law E1TLKaÂouflEvOV 8EOV,
i.e. « du dieu appelé laô» (Cf. Diodori bibliotheca historica, éd.
Vogel, Fischer, Bekker et Dindorf, Leipzig, 1964, Livre I, ch.94).
Origène (c.185-254.), bien qu'il n'ait jamais reporté law dans ses
Hexaples, indique dans son Commentaire sur Ps 2:2 que sa propre
transcription du tétragramme était la11(PG 12, 1104). Mais dans son
Commentaire sur Jean 1: 1, il explique le terme Jérémie ainsi:
IEpEJ.1Laç.. .J.1E't'EWPLOflOÇlaw, 'Jérémie.. .élevé (par) laô' (GCS
Origenes 4:53)46
Le codex Marchalianus (Q), daté du VIe siècle, explique le sens du
terme lwaKELflen marge d' Ez 1:2 par law E't'OLfla0J.10ç. Et en marge
d'Ez Il: 1 BavaLou par OLKOÔOfl1111 OLKOÇlaw.

On remarque que le terme est connu non seulement des ecclésiastiques


(comme Origène) mais aussi des 'profanes' (comme l'historien Diodore de
Sicile). Ajoutons à sa liste47 :
Dioscorides Pedanius (40-90)48 : EO't'WflE't"EJ.10U,KUpLEeEE law
law, « soit avec moi, Seigneur Dieu laô ! laô ! » - IIEpL 1TaLVWVLaç
KaLooa 1TOLEV ôuva't'aLIl ,2. Ici, la complainte est claire, et il n'est
pas possible d'affirmer que law n'était pas prononcé, ou substitué
par « Seigneur» (KUpLE), puisque les deux figurent dans la même
phrase.
Aelius Herodianus (180-250), grammarien alexandrin, écrit dans
son Traité sur l'orthographe (IIEpLop8oypa<j>Laç) : a1TO't'ou law 't'o

56
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

8Epa1TEUWH yap aVLa E01;Epl11;aLtl1Ç 8Epa1TELaç,« Que je te guérisse


par Iaô ! Car la détresse prive de guérison. » - Grammatici Graeci,
voI3.2, éd. A. Lentz, Leipzig, 1870, réimpr. 1965 : 476.
Eusèbe de Césarée (c.260-339) : IWOOUEÔE E01;LVlaw oW1;l1pLa,
1;OUt'E01;LV8EOUOWtl1pLOV, « Josué signifie 'salut de laô', c'est-à-dire
salut de Dieu» -Demonstratio evangelica IV 17, 23.
Didyme l'Aveugle (313-398): après avoir expliqué que le nom
Jésus signifie « salut de Dieu» et « salut de laô », conclut que le
nom de Dieu est « tO law E~paLwv Q>WVl1 », i.e. « laô dans la langue
des Juifs» - Commentarii in Zacchariam II, 14.
Jean Chrysostome (c.344-407) : Tl1V ÔEtou AÀÀl1ÀouLaEpl-111vELav
EV 1;OU1;OLÇ ELvaL ÀEYOUOLV ALVOV tW 8EW law, «La traduction de
Alleluia, parmi eux, est, disent-ils, 'Louange au dieu laô'» - ln
Psalmos 101-107, vol. 55, 653, 62.
Cyrille d'Alexandrie (380-444), qui, après avoir expliqué l'origine
du nom' Jésus', donne un autre exemple: IWOEÔEK law ôLKaLoouvl1V .
law ÔEE01;LV0 tWV oÀov 8EOÇ,« Yosédèk, 'justice de Iaô' ; en effet,
laô est le Dieu de l'univers.» - Commentarius in xii prophetas
minores, vol. II, 251.
Théodoret (393-457) explique qu'il est clair que dans la traduction
des noms hébreux, le Nom par excellence est: law 1;OU1;EOtL 1;OU
OV1;OÇ 8EOU,«Iaô, c'est-à-dire Ie Dieu qui est». - Quaestiones in
libros Regnorum et Paralipomenon, 80, 805.
Hesychius (Ve s.), grammairien alexandrin, explique le terme O(ELaç
(Osée, ou Hoshéa) par LOXUçlaw, « force de laô» - Lexicon, 1212.
On pourrait aisément multiplier les exemples49, car c'est un fait que le
terme law a été très largement employé, non seulement dans la littérature
gnostique et les rites magiques50, mais aussi chez les auteurs classiques
et ecclésiastiques. Particulièrement quand le terme law est accompagné
d'une épithète, on est en droit de penser que tout était prononcé, comme
c'est le cas par exemple dans des manuscrits coptes (qui portent IÀW
CÀBÀWe, Iaô Sebaoth)51.
Au vu de ces considérations, qui appuient les témoignages de la Mishna
(Berakhot IX, 5, Sanhedrin X,l) et de la Tosefta (Berakhot 6:7, Yeadim
2:20) cités précédemment, il paraîtrait très incongru que le terme n'ait pas
été prononcé, du moins en privé, et c'est pourquoi nous souscrivons au
propos de Skehan: «Accepted usage for one referring to the Deity in
writing or (so far as can be discerned) in speech, among Jews and later also
among Christians in the period c.150 B.C. to c. 250 A.D., first in Palestine
and later in Egypt, is a matter that could do with some pulling together of
scattered contemporary evidence52.» On peut citer, par exemple, deux
historiens qui appuient cette conclusion:
. «O. Holtzmann, dans son Introduction à la traduction de la
Mischna, dit que le nom divin laho, la, est, dans l'usage privé,

57
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

prononcé bien longtemps après qu'il est officiellement interdit de le


faire retentir hors du Temple. C'est, en effet, probable et l'usage
magique qui est fait de ce nom contribue sans doute à prolonger son
emploi pratique (Cf. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité,
Paris, 1919 : 133, qui donne des exemples et des textes sur la foi des
Palestiniens en la puissance magique de ce nom).» - Charles
Guignebert, Le mondejuif vers le temps de Jésus: 311.
. « Le confusionnisme religieux ressort bien d'une tablette magique,
trouvée au cœur du monde grec, dans l'île d'Amorgos : pour obtenir
la guérison d'une tumeur maligne, elle combine des procédés
classiques de la magie juive, tels que l'invocation des anges et du
Nom divin, avec une référence chrétienne incontestable à 'celui qui
est descendu au royaume d'En-bas et ressuscité le troisième jour
d'entre les morts' ». - BasIez, Bible et Histoire: 355.

Quelques idées reçues


1) L'étude de la Septante, document juif, n'est pas pertinente pour les
chrétiens

Comme nous l'avons expliqué, l'examen de la Septante est un


témoignage, non une preuve en soi. Ce témoignage est censé nous apporter
la réponse aux questions suivantes: quelle version des écrits sacrés lisaient
les chrétiens? quel texte avaient-ils sous les yeux? ce texte comportait-HIe
Nom, et sous quelle forme?
Certains toutefois estiment que cet examen n'a aucune valeur: « puisque
le Nouveau Testament a été écrit par des chrétiens et pour des chrétiens,
l'utilisation de manuscrits Juifs (00.) est sans valeur» (Randall Watters).
Cette assertion est sans fondement pour les raisons suivantes: les premiers
chrétiens étaient des Juifs, la Septante qu'ils utilisaient était une traduction
réalisée par des Juifs, et leurs écrits (notre Nouveau Testament) sont
largement imprégnés de la mentalité juive...
L'utilisation des manuscrits Juifs a donc une valeur éminente. Les
rédacteurs du Nouveau Testament font un usage surabondant des Écritures
hébraïques qu'ils citent depuis la Septante (tout du moins, on en a
l'impression, cf infra). Si nous cherchons à savoir ce qu'ils avaient
éventuellement sous les yeux - et donc s'ils connaissaient le Nom divin - le
recours à la LXX est indispensable.

2) Que le tétragramme soit en hébreu au sein d'un texte grec prouve


qu'il est ineffable

Les traducteurs alexandrins ne souhaitaient pas que des païens mal


intentionnés aient accès au Nom glorieux. Ils ne le touchèrent donc pas, le
laissant (généralement) dans son hébreu originel au sein de leur traduction
grecque.53Se fondant sur ces faits, Pierre Oddon déclare: «Nous avons là
58
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

une preuve certaine que ces traducteurs juifs considéraient le nom de Dieu
comme très sacré, donc:
Intranscriptible,
Intraduisible.
Quelle leçon logique pourrions-nous tirer d'un tel fait?
Faire de même et garder le Tétragramme hébreu au milieu des traductions
françaises de l'Ancien Testament et, ne connaissant pas la prononciation de
ces quatre lettres hébraïques, nous serions réduits, comme les Juifs, à
employer des substituts54... » Ce refus de l'emploi du nom propre de Dieu
n'est pas soutenable pour les raisons suivantes:
l'idée que le tétragramme ne peut être transcrit provient d'une
superstition juive scripturairement illégitime,
tant qu'ils ne furent pas en contact prolongé avec des païens, les
Juifs employèrent couramment le Nom divin (à l'oral comme à
l'écrit). Ce n'est qu'à partir du retour de la déportation à Babylone
que les attitudes évoluèrent au profit d'une interprétation outrancière
d'Exode 20:7,
aucun des noms propres de l'Ancien Testament ne sont traduits de
l'hébreu au français - ce serait absurde. Il faut se contenter d'adapter
le nom à la langue cible (ex. Yehonathan: Jonathan, et non: 'Yeho
a donné'). Affirmer que le nom ne peut être traduit induit donc en
erreur, et témoigne d'une mauvaise foi évidente.

3) L'usage du tétragramme dans la LXX provient de la communauté


juive, et n'intéresse donc pas lafoi chrétienne

De manière similaire au premier point que nous avons évoqué, certains


soutiennent que 1) l'emploi du Nom divin dans certains fragments de la
LXX provient de communautés juives exclusivement, 2) que cette pratique
n'a pas été retenue par les chrétiens qui n'affectionnaient pas le Nom. Il y a
dans ces affirmations un dangereux mélange de vérités et d'approximations,
qui ne permettent pas d'apprécier la réalité. Les 'vérités' sont les suivantes:
effectivement les chrétiens (mais quel christianisme et à quel
moment ?) n'affectionnaient pas le Nom divin,
on peut légitimement attribuer aux Juifs et aux judéo-chrétiens une
majorité de documents contenant le tétragramme hébreu au sein du
texte grec.
Mais il y a certains problèmes qu'on ne peut éluder:
même peu nombreux, les fragments de la LXX qui nous sont
parvenus sont concluants. Ils martèlent un fait: plus on remonte
dans le temps, plus les manuscrits de la LXX présentent le
tétragramme (pour ce qui nous concerne, en particulier à l'époque
néotestamentaire ),
le christianisme n'a pas été différent de la communauté juive avant
au moins 70, si ce n'est 135. Affirmer qu'un processus relève de la
communauté juive et n'intéresse pas la foi chrétienne n'a donc pas

59
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

beaucoup de sens si l'on se penche par exemple sur des fragments de


la LXX datant du 1ersiècle,
sans doute des chrétiens ont-ils été amenés à copier des manuscrits
de la LXX avec le tétragramme hébreu: qu'ils l'aient supprimé ne
prouve pas qu'il n'a pas existé, ou qu'ils ne le connaissaient pas,
mais nous renseigne simplement sur leurs paradigmes mentaux
(nous y reviendrons ultérieurement).
Par ailleurs, déterminer précisément l'origine d'un manuscrit ne relève
pas d'une science exacte. C'est ce dont témoigne Olivier Munnich quand il
préconise: « il convient d'être prudent: il est parfois difficile d'assigner à
un papyrus une origine juive ou chrétienne. Il existe des signes distinctifs
(traitement du tétragramme, recours à des abréviations), mais ils ne sont pas
infaillibles55.» Il faut donc se défaire de l'a priori chrétien sur la Septante.
Cette traduction juive a été adoptée par les disciples de Jésus, ou par les
traducteurs de leurs écrits, telle qu'elle se présentait à l'époque, c'est-à-dire
avec le Nom divin hébreu au sein du texte grec. Cela ne les étonnait pas:
eux-mêmes Juifs, ils comprenaient encore l'hébreu. Ainsi, l'examen de la
LXX est édifiant: c'était la Bible des rédacteurs du Nouveau Testament.
Que leurs émules l'aient par la suite dénaturé en voulant en supprimer les
traits sémitiques est un autre phénomène, chrétien celui-là, mais qui ne
relève pas des disciples de Jésus, les premiers chrétiens (ou judéo-chrétiens).
Cela dit, puisqu'il est légitime, que nous révèle l'examen de la
Septante? Plus précisément, que nous indique la façon dont les premiers
chrétiens citaient les Écritures?

1 Pour des raisons de commodité, nous désignons « la Bible selon la version des Septante»
par l'expression « La Septante. »
2 Cette Lettre du (pseudo) Aristée à Phi/oerate (p.ê. ne avo J.-C) est paraphrasée par Flavius
Josèphe, qui la considère historique (AJ, livre XII). Edition grecque dans Swete : 551-606, ou
« Sources Chrétiennes» n089 (Lettre d'Aristée à Phi/oerate, éd. Cerf, 1962) Voir Barnstone :
243-250, Auvray, Les langues sacrées: 71-77.
3 Philon d'Alexandrie la tenait en haute estime: « Ils prophétisèrent comme si Dieu avait pris
possession de leur esprit, non pas chacun avec des mots différents, mais tous avec les mêmes
mots et les mêmes tournures, chacun comme sous la dictée d'un invisible souffleur. (...)
Toutes les fois que des Chaldéens sachant le grec ou des Grecs sachant le chaldéen se
trouvent devant les deux versions simultanément, la chaldéenne et sa traduction, ils les
regardent avec admiration et respect comme deux sœurs, ou mieux, comme une seule et
même œuvre, tant pour le fond que pour la forme, et ils appellent leurs auteurs non pas des
traducteurs mais des hiérophantes et des prophètes (.. .). » - De Vita Mosis II, 25-44. Tantôt
bien accueillie (b. Megillah 8b-9b), elle fut par la suite condamnnée, après que les chrétiens
l'aient adoptée; on considéra même le jour de sa traduction aussi néfaste que le jour « où
Israël fabriqua le Veau d'or» (Massekhet Soferim 7-10).
4 BGS : 152. D'autres datent cette traduction C. 200.
5 Eusèbe nous dit qu'il était ébionite (donc judéo-chrétien), HE VI, 16,1. Cf: BHS : 148-150.
6 Sagesse 14:21 parle du« Nom incommunicable» (to aKOLVWtlltOV OVOJ.1a).
7 Voir par exemple: F. Crawford Burkitt, Fragments of the Books of Kings According to the
Translation of Aquila, 1897, Cambridge, 3-8. Cette pratique révérencieuse fut reprise dans la
communauté de Qumrân, aussi bien dans des manuscrits bibliques que non bibliques (bien
que plus prudente; par ex. 1QpHab, Ie pesher Habbaquq) : cf. J.P. Siegel, « The employment

60
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

of Paleo-Hebrew Characters for the Divine Names at Qumran in the Light of Tannaitic
Sources », Hebrew Union College Annual 42, 1971 : 159-172. Siegel montre comment « une
consideration théologique significative [la révérence vis-à-vis du Nom] a été traduite en une
convention scribale à la fois par des scribes Juifs 'normatifs' et 'sectaires'. » (p.l59) Cette
convention était également la garante que les tétragrammes ne seraient pas effacés par
inadvertance (p. 162, 169). Sur le commentaire d'Habbaquq lQpHab, Howard montre en outre
que la pratique à Qumrân consistait à rendre le tétragramme dans les citations de l'AT, tandis
que dans le commentaire l'emploi du Nom était généralement remplacé par C,N,Dieu, cf. JBL
96/1, 1977 : 66-67.
8 Mélanges théologiques, historiques et moraux, empruntés des œuvres de Saint Jérome,
traduit par F.-Z. Collombet, Paris, 1842, tome second: 115. Cf. PL 28 594-595. Jérôme fait
une remarque similaire dans son Traité sur les Séraphins: « Il faut remarquer aussi que, dans
le passage d'Isaïe que nous expliquons, le nom du Seigneur est écrit avec les quatre lettres qui
conviennent proprement à Dieu, c'est-à-dire avec iodhe, iod he, ou deux ia, qui composent le
glorieux et ineffable nom de Dieu. »
9 On le constate dans les copies des Hexaples : Origène, Origenis Hexaplorum tomus II (Ps
25:1, 26:4,7 ; 27:1 ; Mal. 3:1). cf. The Journal of Theological Studies, Oxford, Vol. XLV,
1944, 158, 159; Dunand: 47, note 4; Jewish Encyclopaedia, art. Tetragrammaton, vol 12,
118..120.
10Lettres, Paris, 1951: 14.
11 Sur « l'hellénisation)} de la LXX, cf. BGS : 201-222, 254-266, BA : 594-635, Geoltrain :
76-80. Par exemple n;N~~ ~~;r~ (Jéhovah des armées) est traduit par KUpLOÇ1TLXVtoKpatWp
(Seigneur tout-puissant), en 2S 7:8 (et suivants), ou ;r,,9r::t7~ W"~,« homme de guerre)} ou
« guerrier» est traduit par OUVtp(pwv1TOÀ.É~OUç, « briseur de guerres» en Ex 15:3.
12Source: TMN, App. IC, 1677-1681.
13Transcription de ces deux papyrus d'après:
scribe 1, http://ccat.sas.upenn.edu/rs/rak/lxxjewpap/MPrsA.jpg
scribe 2, http://ccat.sas. upenn.edu/rs/rak/lxxjewpap/MPrsB .jpg
Cf Tov, E., The Greek Minor Prophets Scroll From Nahal Hever (8HevXXIIgr), 1990
[Discoveries in the Judean Desert, vol. VIII].
14Cf: Israel Exploration Journal (vol. 12, Jerusalem 1962 : 203).
15 Transcription d'après la publication de ces fragments du texte grec de la version d'Aquila
par C. Taylor dans son ouvrage Hebrew-Greek Cairo Genizah Palimpsests (Cambridge 1900 :
54-65).
16 Reproduction du texte diplomatique de 2 Rois 23:24-27 (fol 2v.), F. Crawford Burkitt,
Fragments of the Books of Kings According to the Translation of Aquila From a Ms.
Formerly in the Geniza at Cairo, now in the possession of C. Taylor, D.D., Master of St.
John's College, and S. Schechter, MA., University Reader in Talmudic Literature,
Cambridge: University Press, 1897 . Voir les transcriptions dans H.B. Swete, An introduction
to the Old Testament in Greek, Grand Rapids, MI: Christian Classics Ethereal Library, 2001:
35-41.
17 Cf. Dunand : 51.
18 C. Wessely dans Studien zur Palaeographie und Papyruskunde, vol. XI, Amsterdam 1966,
p. 171. Voir aussi une reproduction photographique dans TMN : 1681.
19Transcription d'après: Aly et Koenen, Three rolls..., Le Caire, 1980.
http:// ccat.sas. upenn.edu/rs/rak/lxxjewpap/PF ou848 .jpg
Une dizaine de photographies ont également été publiées dans WB&TS, Auxiliaire pour une
meilleure intelligence de la Bible, 1992, p.767. Dt 18:5, 5, 7, 15, 16 ; 19:8, 14 ; 20:4, 13, 18 ;
21:1, 8 ; 23:5 ; 24:4, 9; 25:15, 16 ; 26:2, 7, 8, 14 ; 27:2, 3, 7, 10, 15 ; 28:1, 1, 7, 8, 9, 13, 61,
62, 64, 65 ; 29:4, 10,20,29 ; 30:9, 20 ; 31:3, 26, 27, 29 ; 32:3, 6, 19.
20
Dunand : 12. Elle ajoute plus loin (18..19) : « Le Papyrus F 266, qui nous donne le texte de
la LXX sous une forme plus sûre que celles du Codex Vaticanus et des codices qui s'y
rapportent.. et qui a dû être écrit 400 ans plus tôt que le Codex Vaticanus - serait ainsi' le
meilleur représentant de la version grecque primitive du Deutéronome'. »

61
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

21
Dans les versets suivants: Ps 18:30,31,41,46 ; 28:6, 7, 8 ; 29:1, 1, 2, 2, 3, 3 ; 30:1, 2, 4, 7,
8,10,10,12; 31:1, 5, 6, 9, 21,23,23,24; 32:10, Il; 35:1, 22, 24, 27; 36:5; 46:7, 8, Il;
89:49.
22
G. Mercati, Psalterii Hexapli reliquiae . . . Pars prima. Codex rescriptus Bybliothecae
Ambrosianae 0 39 sup. phototypice expressus et transcriptus, Rome, 1958.
23 4QpapLXXLevb
= PAM 43.559; fragment 20, ligne 4, transcription par Kristin De Troyer,
basée sur: Patrick W. Skehan, Eugene Ulrich, Judith E. Sanderson, avec la contribution de P.J.
Parsons, Qumran Cave 4. IV. Paleo-Hebrew and Greek Biblical Manuscripts (Discoveries of
the Judaean Desert, IX), Oxford: Clarendon Press, 1992 : 174 et planche XL, fragment 20).
Voir aussi Supplements to Vetus Testamentum, vol. IV, Leiden 1957, p. 157. Sur la datation,
voir C.H. Roberts, Manuscript, Society and Belief in Early Christian Egypt, 1979, p.30, n.l.
24 Transcription d'après A. Hunt, The Oxyrhynchus Papyri, Londres, 1910, VII: 1, 2. Ce
papyrus est visible à l'adresse suivante:
http://ccat.sas.upenn.edu/rs/rak/lxxjewpap/POxyl007b.JPG
25 Transcription d'après Macquarie University, Papyrifrom the Rise ofChristianity in Egypt:
http://www.anchist.mq.edu.au/doccentre/PCE27 6.pdf
26http://163.1.169.40/gsdI/collect/POxy/index/assoc/
HASHOI37/fab20708.dir/POxy.v0050.n3522.a.01.hires.jpg. Cf Alan Keir Bowman, The
Oxyrhynchus Papyri, Part L, London: The British Academy & the Egypt Exploration Fund,
1983: 1-3.
27Cambridge University Library T-S 16.315. Cf. S. Schechter et C. Taylor, The Wisdom of
Ben Sira, Cambridge: CUP, 1899: 24. Un grand merci au Dr Ben Outhwaite (Taylor-
Schechter Genizah Research Unit, Cambridge University Library) d'avoir attiré mon attention
sur ce document. Cf. http://www.lib.cam.ac.uk/TaylorSchechter/GOLD/Orl1 02/others.html.
28 Certains estiment que le papyrus Fouad 266 n'est pas un représentant « typique» de la
LXX car il aurait été composé pour s'harmoniser avec l'hébreu: Albert Pietersma, « Kyrios
or Tetragram: A Renewed Quest for the Original Septuagint », in : De Septuaginta. Studies in
Honour of John William Wevers on His Sixty-Fifth Birthday, éd. A. Pietersma and C. Cox,
Toronto, 1984: 88-89. Voir Stafford: 44-45. La date du manuscrit est également discutée.
D'autres sources indiquent sa composition entre le 1eret le 3e siècle avant notre ère. W.G.
Waddell, « The Tetragrammaton in the LXX », Journal of Theological Studies 45, 1944:
159-161, le date entre le 2nd et le 1er siècle avant notre ère. Kahle, « The Greek Bible and the
Gospels », 614, le date en 100 avant J.-C. Françoise Dunand date le manuscrit du 1er s. av.J.-
C (Dunand : 12).
29 Cf. Stafford: 45-46, en réponse à Countess: 30.
30 Reproduit dans les Hexaples d'Origène. Voir « Origen's Hexapla », App. J de l'ouvrage
The Tetragrammaton in the Christian Greek Scriptures, Lynn Lundquist, Word Ressources,
Inc., 1998 : 276-296.
31 « The Tetragram and the New Testament », JBL 96, 03/1977 : 65.
32 Cf. Robert M. Bowman, Jr, « Jehovah's Witnesses and the Divine Name », Christian
Research Journal, 1989: 22 : « (...) internal evidence from the LXX itself shows that from
the begenning it must have used kurios in place of the divine name. »
33 Gertoux, Divine Name: 4, 99, 114, 252.
34 Certains pensent que KUplOÇest le terme qui figurait initialement dans la LXX, et que le
Nom a été ajouté par la suite, et ne relèverait que d'une pratique archaïsante marginale. Mais
les preuves matérielles qui soutiendraient cette hypothèse n'existent pas, et les arguments bien
minces (cf. Pitersma: 85-101 ; BA: 597-599).
35 http://ccat.sas.upenn.edu/rs/rak/lxxjewpap/POxy0656.jpg. Gen 14-27, Bodleian Library,
Oxford. Planche 2, fragment c, verso. Numéro de catalogue: Bodleian Library MS. Gr. Bib.
D.5 (P). Merci au Dr Bruce Barker-Benfield (Bodleian Library, Department of Special
Collections & Western Manuscripts) pour ses indications.
36 Comfort, Encountering the manuscripts: 209.
37 Cf. Pre Robert Kraft, Ambiguous Representations of the Tetragrammaton in Greek,
http:// ccat. sas. upenn.edu/rs/rak/kyrios.jpg
38
Cf. http://ccat.sas.upenn.edu/rs/rak/lxxpoxl 075 .jpg

62
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

39
Cf. http://ccat.sas.upenn.edu/rs/rak/1xxjewpap/PBI7213.jpg
40 Cf. P.W.Comfort, Encountering the manuscripts, p.209 ou L.W. Hurtado, Lord Jesus
Christ..., p.183. On peut citer deux exemples. Le premier est contenu dans le document lQIsa
(rouleau d'Isaïe retrouvé à Qumran, et daté du second siècle avant notre ère environ) : on y
trouve, en Is 3 :7, Adonay en lieu et place du tétragramme -
ce qui tend à prouver qu'Adonay
substituait le nom divin (Ct: Ernst Würthwein, Der Text des Alten Testaments. Eine
Einführung in die Biblia Hebraica, Stuttgart: Deutsche Bibelgesellschaft, 1952, 21988, p.
160.) Un témoignage du IVe atteste très clairement de cette pratique: tO tEtpaypalJ.l..UXtOV
aVEK«j>wVT)tOV ov 1fap'Eppatotç 0 KataXP1l0ttKWÇ1fapa IJ.EVautotç Aôovat KaÂEttat 1fapa ÔE
1lj.1tV KUptOÇ, (...) le tétragramme, étant ineffable chez les Hébreux, est abusivement appelé «
Adonaï» chez eux, et « Seigneur» chez nous. - Evagrius, Etç tO 1ft1ft, 65. ; KataXP1l0ttLKWÇ:
»misused, misapplied, of word and phrases» - LSJ. Ici, bien sûr, 'abusivement' signifie 'de
manière incorrecte, non appropriée' plutôt que 'répétitivement'.
41 Mounce: 997, « blasphémer, avec l'intention particulière de salir la réputation de
quelqu'un ».
42 Traduction d'après BA :195-196.
43 Cf. Gertoux : 92. Philon avait remarqué ce paradoxe (De Vita Mosis II, 203-206), qui ne
semble pas le surprendre outre mesure; cependant il donne cette précision qui ne manque pas
d'intérêt: Et ÔE ttç... tOÂIJ.1l0ElEV aKalpUJ( autou <l>SEyçaOSattouvolJ.a Savatov U1f0IJ.EtVatW
tT)V ÔlKtlV,'et si quelqu'un.. .ose prononcer son nom hors de propos, qu'il subisse comme
peine la mort' -
I, 206). Cela dit, son interprétation allégorique des quatre lettres constituant le
-
tétragramme prouvent qu'il ne devait pas en faire usage même à propos! - du Nom (cf. II,
115). De même, Maïmonide est familier de la lecture de Lv 24:16 d'après la LXX: « 'Et celui
qui aura prononcé le nom de l'Éternel' (Lv 24:16)>> (Maïmonide : 155).
44 De la même manière, les écrits du Nouveau Testament présentant le tétragramme étaient
destinés à être lus à haute voix (cf. Mt 24:15, Mc 13:14, Ep 3:4, Co 4:16, ITh 5:27, Rv 1:13 ;
Ac 8:28,30, 15:31, 1 Tm 4:13, lCo 14:26, 2Co 1:13, Ep 5:18-19, Co 3:16; cf. Achtemeier:
3-27. Comfort, Encountering the Manuscripts: 50-52.
45 Skehan: 29.
46 Origène fait d'autres remarques très intéressantes sur le Nom. Répondant à Celse qui
critique de supposés chrétiens, il explique qu'il s'en prend en fait à des sorciers et à des
dévoyés qui ont tiré des pratiques magiques les noms Ialdabaoth, Astaphaeus, Horaeus, et des
écritures hébraïques lao, la, Sabaoth, Adonaï, Eloaï. Puis il remarque que ces ennemis de
Dieu ne comprenant pas qu'il s'agissait de qualificatifs désignant le seul et même Dieu:
« ils ont imaginé que Iaô est un Dieu différent, Sabaoth un autre, Adonaion un autre - alors
que les Écritures appellent ce dernier Adonaï - et Eloaion un autre encore, que les prophètes
nomment Eloaï en hébreu. » - Contra Celsum VII, 32. Il est ainsi évident que Iaô est
couramment employé dans divers milieux, et que sa prononciation ne semble pas être
proscrite, même au IIIe s.
47 Les citations suivantes sont extraites du TLG (TA).
48 Physicien, pharmacologiste, botaniste grec, qui vécut à Rome aux temps de Néron.
49 Il apparaît 217 fois dans le TLG.
50 Cf. Papyri Graecae magicae. Die griechischen Zauberpapyri, 2e éd., éd. Preisendanz K.
Henrich, Stuttgart: Teubner, 1974. Les termes Jaw, Jaw ~apawS ou Jw y reviennent très
régulièrement, soit dans des explications étymologiques, soit dans des élucubrations
ésotériques (auquel cas l'énonciation des formules magiques ne fait pas de doute).
51 W. E. Crum, Catalogue of the Coptic Manuscripts in the British Museum, London, 1905,
543A ; ct: 540A.
52 Skehan: 14.
53 Rétrospectivement, et si nous endossons un instant leur point de vue, le choix était plus que
judicieux. Nous savons que par la suite, dès qu'il fut connu des païens, le Nom fut employé à
tort et à travers, notamment par les gnostiques, les kabbalistes et les sorciers en tous genres.
54Pierre Oddon : http://www.info-sectes.org/tj/tmn.htm.
55 BHS : 157. Ct: Roberts, Manuscript, Society and Belief.. : 74-78.

63
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Jésus, les premiers chrétiens et le Nom

Puisque la Septante était leur texte sacré de base, quel usage les premiers
chrétiens en faisaient-ils? Ainsi posée, notre question suppose que les
disciples de Jésus étaient « chrétiens ». Or ce terme est anachronique. Les
talmidim di Yeshoua' n'étaient pas chrétiens au sens actuel du terme. Ils
étaientfils d'Israël, et voyaient en leur Maître le Messie des Prophéties. Par
conséquent, ils ne s'écartaient pas de leur religion, ne pensaient pas adhérer
à une foi nouvelle, mais au contraire progresser dans une Alliance plus
parfaite. Cela a une grande importance sur la manière dont le lecteur
moderne doit les considérer. En effet, pour juger de leur emploi du nom
divin, il faut se reporter tant à leurs écrits - qui nous sont parvenus en grec -
qu'à la Septante, également grecque. Pourtant, le grec n'était pas leur langue
natale, le véhicule premier de leur pensée. Et cela a aussi une certaine
importance. Aussi est-il indispensable de replacer ces personnages dans leur
époque pour se représenter plus exactement leur nature, leur mentalité, leurs
pratiques. Ce n'est que de cette façon que l'on peut se rendre compte
combien leurs écrits gardent des traces évocatrices du sujet qui nous
préoccupe.
Pourquoi d'ailleurs ce sujet nous préoccupe-t-il ? Est-il vraiment
essentiel que Jésus et ses disciples aient prononcé ou non le nom de
Jéhovah? En réalité, l'enjeu est fondamental, et détermine aujourd'hui la foi
de nombreuses personnes. Précisons clairement: si le nom divin n'a jamais
été employé, c'est que la confusion actuelle entre Jésus et Dieu pourrait être
légitime. Si en revanche Jésus et ses disciples nous prouvent qu'ils faisaient
la différence entre Jéhovah et Jésus, c'est la définition même du
christianisme trinitaire qui est à reconsidérer.

65
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

La question au cœur du débat

Avec plusieurs milliers d'apparitions dans l'Ancien Testament, le


tétragramme est indéniablement au cœur du récit biblique. Jéhovah, dont le
nom apparaît distinctement, fait connaître son nom et son renom aux nations
qui s'opposent à son peuple, Israël (Ex 7:3-5). Le « Nouveau Testament »,
au contraire, parle d'un Dieu d'amour, d'un Père, en apparence plus
impersonnel, qui n'est accessible que par l'intermédiaire de son Fils: Jésus,
le ChristI. Transmis jusqu'à nous en langue grecque, le Nouveau Testament
ne présente donc pas le tétragramme hébraïque. Mais il ne présente pas non
plus le nom divin sous une forme grecque. Seules les dénominations KUpLOÇ

(Seigneur), SEOÇ(Dieu) et 1TatÉp(Père) désignent le Créateur. Or, si SEOÇ


n'est pas très ambigu2, KUpLOÇ en revanche est très polysémique. Il signifie
primitivement « propriétaire, maître », mais son sens peut être rendu par une
palette de termes qui vont de monsieur à Seigneur. C'est aussi le terme qui a
été choisi par les copistes de la Septante pour remplacer « Jéhovah» dans
l'A T. Et dans le NT, c'est encore ce terme qui est employé pour désigner
tant Jésus que Dieu. Avant d'examiner les implications historiques de ce
phénomène, et comprendre pleinement la question au cœur du débat, il faut
donc préciser le sens et les emplois de KUpLOÇ. Ce terme peut se référer à :

Un humain

OÙK EOTL v J..LaST}T~ç Ù1TÈp tOV ôLôa.oKaÂov oùôÈ ôoûÂoç Ù1TÈp TOV KUPLOV
aÙtoû. Le disciplen'est pas plus que le maître,ni le serviteurplus que son
seigneur. - Mt 10:24

Un ange

b ôÈ eXtEVLoaç aÙTq, Kat EJ..L<J>OPOÇ YEV0J..LEVOÇ El TTEV. tL ÈOtLV, KUpLE; EI1TEv ôÈ


aùtq,. aL 1TpooEuxaL OOU Kat aL ÈÂET}J..LOOUVaL oou &vÉpT}oav Eiç J..LVT}J..LOOUVOV

TOÛSEOÛ.Il le fixa et, saisi de crainte, il lui dit: Qu'y a-t-il,


EJ..L1TpOOSEV
Seigneur? L'ange lui dit: Tes prières et tes actes de compassion sont
montés devant Dieu, et il s'en est souvenu. - Ac 10:4

Jésus Christ

Kat Èa.v TLÇ ÙJ..LLV EL 1T1J. TL 1TOLELTE tOÛTO; EL 1TaTE. b KUPLOÇ aÙToû XPELav ËXEL
[...] Et si quelqu'un vous dit: Que faites-vous là ? dites: Le Seigneur en a
besoin [...] Mc Il:3
Kat iôwv aÙT~v b KUpLOÇ È01TÂayxvLOST} È1T' aÙtiJ Kat EI1TEV aùtiJ' J..L~ KÂcxLE.

Le Seigneur l'ayant vue, fut touché de compassion pour elle, et il lui dit:
'Ne pleurez pas.' Lc 7:13

66
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Jéhovah Dieu

ou't'oC; ËO't'aL ).J.Éyac; KaL utoç 1nVLo't'ou KÂllS~aE't'aL KaL OWOEL aù't'4) KUPLOÇ 0
SEOC;'t'ov Spovov LlaULO't'oû 1Ta't'poçaù't'oû Il sera grand et sera appelé Fils du
Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père.
(NBS) Lc 1:32

'Ev aÙ't'ij 't'ij wp~ ~yaÂÂLeXaa't'o [ev] 't'4) 1TvEUlla't'L 't'4) &YL~ KaL EI1TEv.
eçolloÂoyoû).J.aL aOL, 1TeX't'Ep,KUpLE 't'oû oùpavoû KaL 't'f)ç yf)ç, O't'L à1TÉKpuWaÇ
't'aû't'a à1TO aOQ>wv KaL OUVE't'WVKaL à1TEKeXÂuwaç aÙ't'à Vll1TLOLÇ.vaL 0 1Ta't'~p,
O't'L oü't'wç EùooKLa eyÉvE't'o Ëll1TpoaSÉv oou. En ce moment même, Jésus
tressaillit de joie par le Saint-Esprit, et il dit: Je te loue, Père, Seigneur du
ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux
intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue
de ce que tu l'as voulu ainsi. (LSG) Lc 10:21
Dans les manuscrits du Nouveau Testament qui nous sont parvenus,
nous n'avons aucune trace du terme « Jéhovah ». Étant écrit en grec koinè, le
NT ne porte pas le tétragramme hébreu it,it.." ni aucun équivalent hellénisé.
À la place, nous avons KUpLOÇ, exactement comme dans les manuscrits de la
Septante postérieurs à 150 de notre ère. Cependant, à la différence de cette
dernière, nous n'avons pas de preuve manuscrite qu'il ait figuré initialement
en lettres hébraïques. Est-ce à dire que ce Nom, dans la Nouvelle Alliance,
n'a plus l'importance qu'il avait dans l'Ancienne? Pour répondre à cette
question, il faut d'abord savoir si le texte qui nous est parvenu est le parfait
reflet de celui qui a été rédigé par les auteurs inspirés. Et c'est là que les avis
s'opposent: d'un côté, certains estiment que le tétragramme devait exister, à
l'origine, dans le texte grec du Nouveau Testament, mais qu'il a été
remplacé par KUpLOÇ. D'autres pensent au contraire que le terme KUpLOÇ est le
terme original, et que sa présence à la place de celle du tétragramme
détermine le sens du christianisme. Ces opinions divergentes ont des
implications importantes. Considérons les conséquences des deux
hypothèses. George Howard, qui penche pour la première, explique:

«Dans de nombreux passages où la distinction était bien établie


entre Dieu et Christ, le retrait du Tétragramme a forcément créé de
considérables ambiguïtés.3 (...) Une fois la confusion installée dans
les citations par suite du remplacement du nom divin, cette
confusion s'est étendue à d'autres passages du Nouveau Testament
où aucune citation n'était en cause. (...) Un tel réagencement du
texte est-il à l'origine des controverses christologiques [à propos de
la nature du Christ] au sein de l'Église, et les passages du Nouveau
Testament dont on a alimenté ces controverses sont-ils identiques à
ceux qui, au premier siècle, ne posèrent apparemment aucun
problème? (...) Les études [christologiques actuelles] reposent-elles
sur le texte du Nouveau Testament tel qu'il se présentait au premier

67
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

siècle ou bien sur un texte altéré qui est le reflet d'une période de
l'histoire de l'Église où la distinction entre Dieu et Christ était
nébuleuse, tant dans le texte que dans l'esprit des ecclésiastiques4 ?»

Lynn Lundquist, qui, au contraire, défend largement la seconde option,


déclare:

« La présence - ou l'absence - du Tétragramme dans les Écritures


grecques chrétiennes n'est pas un sujet quelconque concernant les
mots dans les anciens manuscrits grecs. Bien plutôt, la présence du
Tétragramme - ou son absence - affectera avec force la foi de
quiconque emploie le Nouveau Testament. S'il peut être établi que
les auteurs des Écritures grecques chrétiennes employaient le
Tétragramme, cela nécessiterait une réévaluation sans précédent de
600 ans d'histoire de la Bible en anglais. (...) La Chrétienté devrait
réexaminer son interprétation de ce qui est appelé la 'divinité du
Christ' (l'enseignement que Jésus est Dieu). Des versets tels que
Révélation 1:8 ne pourrait plus identifier Jésus comme étant le
« Seigneur Dieu Tout Puissant. »5

La question au cœur du débat est donc celle-ci: Jésus est-il celui que l'AT,
puis le NT, appelle Dieu? Subsidiairement, pourquoi le nom Jéhovah ne
figure-t-il pas explicitement dans le Nouveau Testament? Celui de Jésus est-
il plus important? Ou encore: puisque le terme KUplOÇest appliqué souvent
à Jésus, et qu'il est aussi appliqué à Dieu, cela prouve-t-il que Jésus est
Dieu? Il ne s'agit pas là de questions oratoires, ou artificielles. Elles sont
effectivement posées et débattues dans de nombreux ouvrages. Puisque notre
étude se veut notamment une réponse aux ouvrages de Lynn Lundquist,
suivons quelques instants un de ses raisonnements. Citant librement Isaïe
45:21-24 :
«N'est-ce pas moi, Jéhovah, à côté duquel il n'y a pas d'autre
Dieu... Par moi-même j'ai juré... devant moi pliera tout genou, et
par moi toute langue devra prêter serment, disant: « Assurément en
Jéhovah il y a droiture et force. »
. .. il explique:
«Si l'apôtre Paul employait le Tétragramme dans cette citation,
Romains 14:11 se lirait comme dans la Traduction du Monde
Nouveau: 'Aussi vrai que je vis, dit Jéhovah, devant moi tout genou
pliera, et toute langue reconnaîtra Dieu ouvertement'
D'un autre côté, si l'apôtre Paul faisait référence à Jésus quand il
employait le terme Kyrios (ce qui est le choix de la Kingdom
Interlinear Translation), alors le verset se lirait:
'Aussi vrai que je vis, dit le Seigneur (Jésus), devant moi tout genou
pliera, et toute langue reconnaîtra Dieu ouvertement.' »

68
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Sa conclusion est que si Paul n'a pas employé «Jéhovah» - comme le


montrent plus de 5000 manuscrits grecs du NT qui nous sont parvenus - c'est
au Seigneur (Jésus) que revient l'adoration et la divinité. Ce raisonnement
pourtant pèche à trois endroits:
- le premier, le plus évident, est que dans l'expression « Aussi vrai que je
vis, dit le Seigneur, devant moi... », Seigneur ne désigne pas
obligatoirement Jésus. Comme nous l'avons vu, KUpLOÇ s'applique aussi à
Dieu. C'est même, en quelque sorte, son nom propre dans les copies tardives
de la Septante!
- Comme Lundquist l'indique lui-même, les propos de Paul sont une citation
de l' AT. Peut-être Paul l' a-t-il faite depuis la Septante. Or, à cette époque la
Septante portait le nom divin en caractères hébraïques. Aucune confusion
n'était possible. C'était bien le Dieu d'Israël qu'avait en tête le « treizième
apôtre» .
- Enfin les plus de 5000 manuscrits grecs qui nous sont parvenus sont
majoritairement tardifs (IVe siècle de notre ère) et ne rendent pas compte au
premier abord du contexte historique dont ils sont originaires (nous
reviendrons longuement sur ce sujet dans les trois prochains chapitres).

Dans un autre ouvrage, Lundquist reprend un raisonnement similaire:

« Quand Jean a rédigé Révélation Il: 17, a-t-il écrit


EÙXCXPLOtOûllÉv OOL, i1,i1' 0 8Eàç 0 1TcxVtOKpa'twp
Nous te rendons grâce, Jéhovah Dieu, le Tout-Puissant
ou a-t-il écrit:
EÛXCXPLO'toÛIlÉV OOL, KUpLE 0 eEàç 0 1TCXVtOKpatWp
Nous te rendons grâce, Seigneur Dieu, le Tout-Puissant»

Dans l'esprit de Lundquist, la différence est radicale. Si le tétragramme


figurait originellement, Dieu (Jéhovah, le Père) est la personne visée. Si au
contraire KUpLOÇ est le mot original,c'est Jésus qui est désigné.En entrant
dans le détail de son argumentation, on s'aperçoit qu'il pose comme principe
qu'un titre ou une qualité partagée par deux individus identifie ces deux
individus l'un à l'autre. Il cite même des « preuves» : les citations de l' AT
appliquées plus ou moins à Jésus.

Considérons quelques passages qui entrent dans ce cadre, et ce qu'ils


signifient réellement.

1) Un même titre, deux référents

Jéhovah est ma lumière et mon salut - Ps 27: 1


Je [Jésus] suis la lumière du monde. - Jn 8:1

69
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Certains pensent que, puisque Jéhovah est appelé 'lumière', et que Jésus
s'applique cette qualité, tous deux forment une seule et même personne.
Mais c'est sans compter sur ce passage:

Vous [les disciples de Jésus] êtes la lumière du monde - Mt 5:14

Les disciples de Jésus peuvent-ils être, avec Jésus donc, assimilés à


Jéhovah? Inutile d'en dire plus; il faut simplement déduire qu'attribuer un
titre ou une qualité à deux personnes ne revient certainement pas à confondre
ces deux personnes. ..

Car Jéhovah, votre Dieu, est le Dieu des dieux, le Seigneur des Seigneurs, le
Dieu grand, fort (...) - Dt 10: 17

Sur son vêtement [Jésus] et sur sa cuisse, il portait écrit ce nom: Roi des
rois et Seigneur des seigneurs. - Rv 19:16

D'après l'ouvrage The «Godhead» How Many ?6, «il ne peut y avoir
qu'Un seul 'Seigneur des Seigneurs'» : Dieu. Puisque Jésus est appelé
'Seigneur des Seigneurs' dans la Bible, il ne peut être différent de Dieu. Et
qu'ainsi, il est Dieu. Mais si l'on s'en tient à cette logique, Jésus, qui est
également appelé «Roi des rois» dans le même passage, 'doit'
nécessairement être le même personnage que Nebuchadnezzar, puisque
Daniel en parle en ces termes: « Toi, ô roi, roi des rois, à qui le Dieu du ciel
a donné l'empire, la puissance, la force et la gloire» - Daniel 2:37. On s'en
doute: Jésus et Nebuchadnezzar ne sont pas la même personne.

1) Une même qualité, deux personnes

O'tL EV CX\)'t4) KcxtOLKEÎ. 1Tâv to 1TÂ~pw~cx tiie; 8EOtT)'tOe; OW~CXtLKWe;

Car toute la plénitude de la Divinité habite en lui corporellement. (Crampon)


Colossiens 2:9

On pourrait croire que cela permet d'affirmer que Jésus est Dieu.7
Néanmoins un autre verset permet de l'éclairer:

YVWVCXL tE t~V Ù1TEP~cXÂÂOuocxv 'tiie; YVWOEWe; àYcX1TT)V'toû XPLOtOÛ,


C(
vcx 1TÂT)pWSii'tE Eie; 1Tâv 'to 1TÂ~pw~cx toû SEOÛ.
Et connaître la charité de Christ, laquelle surpasse toute connaissance;
afin que vous soyez remplis de toute plénitude de Dieu. - Ep 3: 19

Tout chrétien, comme Jésus, peut donc partager la plénitude de Dieu. Est-ce
à dire qu'il serait Dieu? Évidemment nons.

70
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

2) Une même action, deux personnes

Et je [Jésus] leur donne une vie éternelle - Jean 10:28


(...) le don de Dieu c'est la vie éternelle (...) - Romains 6:23

On fait parfois appel à ces deux versets pour montrer l'identité de Jésus et de
Jéhovah. Comme pour beaucoup de versets ainsi rapprochés, il convient
néanmoins d'en percevoir le vrai contexte:

Car le salaire du péché, c'est la mort; mais le don de Dieu c'est la vie
éternelle en Jésus-Christ Notre-Seigneur. Romains 6:23

Et je leur donne une vie éternelle, et elles ne périront jamais, et nul ne les
ravira de ma main. Mon Père qui me les a données, est plus grand que tous,
et nul ne peut les ravir de la main de mon Père. - Jn 10:28,29

Jésus donne effectivement la vie éternelle. Mais qui lui a donné ce pouvoir,
cette autorité, ce privilège? Son Père, qui « est plus grand que tous» (Jn
14:28).

3) Les ambiguïtés de traduction

Èyw Kat 0 1Ta't~pËv ÈO~EV


Mon père et moi nous sommes un
Jean 10:30

Ce verset est très souvent invoqué pour montrer que Jésus est Dieu. On
pourrait réfuter cette assertion en explicitant la pensée du Christ par le
passage de Jean 17:21 : ((va 1Tav'tEC; Ëv WOLV,Ka9wç au, 1Ta't'Ep,EVE~Ot Kàyw
Èv 00(, ((va Kat alrcot Èv ~~lv WOLV,((va 0 K60~oç 1TLO'tEU1J O'tL au ~E
à,1TÉo'tELÂaç. « afin que tous [les disciples] soient un, comme toi, Père, tu es
en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour
que le monde croie que tu m'as envoyé. » Mais il est en fait inutile de faire
appel à un autre passage. Le terme Ëv est au neutre. Il n'a donc pas le sens
que lui donne la traduction « un ». On peut le constater dans la version
inter linéaire de M. Carrez9 :

30 Èyw Kat 0 1Ta't~p Ëv ÈO~EV


Moi et le Père unité nous sommes

Maurice Carrez s'en explique fort bien dans son introduction: « Jean 10:30
est traduit le plus souvent par: «moi et le Père nous sommes un» ; or
l'adjectif traduit par « un» est au neutre dans le texte grec et non au
masculin comme la traduction française pourrait le laisser entendre.

71
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

L'interlinéaire a traduit par « unité» pour marquer que le Père et Jésus sont
de même nature et non deux personnes confondues en une seule. })

On pourrait, de la sorte, multiplier les citations de l'AT concernant


Jéhovah reprises ou paraphrasées et parlant de Jésus. Mais jamais, à aucun
moment, ces versets ne peuvent identifier les deux personnages. Examinons-
en un dernier, qui permettra d'identifier le phénomène sous-jacent.

La colère de Jéhovah s'enflamma de nouveau contre Israël, et il excita


David contre eux, en disant: « Va, fais le dénombrement d'Israël et de Juda
- 2 Samuel 24:1
Satan se tint contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement
d'Israël. - 1 Chroniques 21:1

Si l'on suivait la logique de Lundquist, il faudrait conclure après la lecture


de ces deux versets que Jéhovah et Satan sont la même personne, ou à tout le
moins égaux. Nous laissons le fin mot à l'appréciation de chacunlO.

Dès lors, comment expliquer les citations de l'AT dans le NT ? En fait,


lorsque les premiers chrétiens citaient les Écritures, ils le faisaient avec
beaucoup de liberté. Certaines conventions imposent aujourd'hui rigueur et
exactitude dans le processus de la citation. Mais cette convention n'a pas
toujours existé Il. La Bible, de fait, en donne de très nombreux exemples.

Marc 1:3 Il Isaïe 40:3

~j';:1~N~it'~T? it:Jl~:i ~,~~ it~it~ll.l ~~~,:il~~ Nj.ip ~ip


Une voix crie: Frayez dans le désert le chemin de Jéhovah,
aplanissez dans le steppe une route pour notre Dieu! - Isaïe 40:3

cf>wv~ ~OWVtOe; Èv tij Èp~J.1<¥. ÉtOLJ.1aaatE1:'~V àùov KUPLOU,


Eu8ELae; 1TOLEL1:'E
1:'cXe;
1:'pL~OUe;autoû, Voix de celui qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers - Marc 1:3

Les termes ne sont pas les mêmes, ni la construction exactement


semblable (car la citation combine aussi Ex.23:20, Ml 3:1). Mais la
ressemblance est suffisamment évidente pour qu'un parallèle puisse être
établi. Comment expliquer ce « manque de rigueur» ? Très simplement: la
rigueur n'était pas de mise. Les Écritures n'étant pas facilement accessibles
(supports chers et encombrants, absence de numérotation en chapitres et
versets), on citait la plupart du temps de mémoirel2. La version citée pouvait
être la Septante, en grec, mais aussi I'hébreu original, voire l'araméen de la
tradition orale, et dans ces deux derniers cas, il fallait traduire.

72
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Au terme de cette section, qui rendait compte de la question au cœur du


débat - à savoir déterminer si l'emploi de {(Seigneur» appuie une
identification entre Jésus et Dieu - nous pouvons formuler les constatations
suivantes:
dans le Nouveau Testament, le tétragramme ne figure pas, ou plus.
À sa place, on y trouve le terme qui signifie {(Seigneur », et qui en
grec désigne des humains, des anges et des créatures spirituelles,
Jésus, ou Dieu;
l'absence actuelle du tétragramme dans les copies du NT ne peut
constituer une preuve pour l'identification de Jésus à Jéhovah, car un
même titre peut qualifier deux personnes sans que celles-ci se
confondent; de même, des expressions originellement attribuées à
une personne, puis reprise sur le compte d'une autre, n'en font pas
nécessairement la même personne13.

La question qui se pose est maintenant la suivante: quels étaient les


usages quotidien et liturgique du nom divin? Les premiers chrétiens
utilisaient-ils le Nom, ou bien son substitut {(Seigneur»? Pour le savoir,
assurons-nous déjà de la langue qu'ils parlaient.

Quelles langues parlait-on en Palestine au premier siècle?

L'hébreu

L'hébreu était toujours une langue vivante, connue de l'élite comme du


peuple. Sans doute l'hébreu biblique présentait-il des tournures qui n'étaient
plus comprises, mais pour l'essentiel, son usage subsistait. Après le retour
d'exil, le jeu des influences étrangères l'avait fait évoluer vers ce qui
deviendrait l'hébreu mishnique. Une encyclopédie déclare au sujet de cette
évolution: {(L'hébreu mishnaïque ou mishnique, que l'on appelle souvent
aussi, avec une insuffisante précision, néo-hébreu, représente la langue
quotidienne que les Juifs de Palestine parlaient depuis le lye siècle avant
notre ère et dont ils ne devaient cesser de faire usage, concurremment à
l'araméen, qu'après la ruine définitive de l'État national en 135 de l'ère
actuelle. L' hébreu devient alors langue religieuse et savante et s'efface, en
tant que vernaculaire, devant l'araméen, ou peut-être même le grec14.»
L'hébreu resta donc une langue vernaculaire au moins jusqu'en 135,
date de la seconde révolte juive contre Rome15.Lors de la première révolte,
vers 70, on sait par Flavius Josèphe que les Juifs parlaient l'hébreu:

{((...) de plus, il [Titus] députa vers eux Josèphe pour les haranguer
dans leur langue maternelle (tf) 1TatpLq>yÂWOOTI), car il pensait que
les Juifs céderaient peut-être aux conseils d'un homme de leur
nation. » - GJ y, 9, 2

73
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

« Alors Josèphe, pour se faire entendre, non seulement de Jean, mais


du plus grand nombre, proclama en hébreu (ÔL1lYYEÀEV E~pa,L'WV) le
message de César. » - GJ IV, 2, 1
Certains pensent que l'hébreu était moins parlé que lu, qu'il faut
comprendre l'expression «en hébreu» au sens large, en englobant
l'araméen. Témoin Edmond Stapfer qui écrivait: « Quant à l'hébreu, le
peuple ne le parlait plus; la partie de l'inscription de Pilate dont il est dit
qu'elle était en hébreu était certainement rédigée en chaldéen ou araméen,
car l'ancienne langue hébraïque n'était plus connue que des Scribes et des
Docteurs de la Loi. Elle s'appelait la langue sainte (leschôn haKodesch) ou
la langue des savants (leschôn chakamim). On lisait la Loi en hébreu dans les
synagogues, puis on la traduisait immédiatement de vive voix. Dans les
écoles, les Rabbins enseignaient en hébreu (Sotah, VII, 1) et, sous le
portique, dans la première cour du Temple, ils discutaient encore dans cette
langue. Il est probable que Jésus s'en servait dans ses conversations avec les
Pharisiens, car ce n'est qu'au quatrième siècle que le chaldéen fut
exclusivement employé dans les discussions religieuses. La Mischina a été
écrite en hébreu; les deux Guemaras sont en chaldéen. Nous ne doutons pas
que Jésus ne connût parfaitement le vieil hébreu; il étudiait certainement la
sainte Écriture dans l'original, mais sa langue maternelle, celle qui lui était
familière et dont il se servait tous les jours depuis son enfance, était le
chaldéen16. »
Ceci est vraisemblable dans la mesure où, à la synagogue, la lecture
liturgique avait donné naissance aux Targums dès la fin de l'ère
préchrétienne. Mais, bien que minoritaires, les Juifs hébraïsants devaient être
en nombre suffisant pour que le jeune christianisme s'adresse à eux en
hébreu. C'est pourquoi Matthieu a d'abord rédigé son évangile en hébreu (cf
infrajl7. Les découvertes des manuscrits de la Mer Morte dans lesquels
figurent 1 Maccabées ou le Siracide écrits en hébreu ont montré que cette
langue était encore vivace. La communauté essénienne parlait l'hébreu.
Jésus, étant lui-même juif et éduqué dans la Loi par ses parents (Lc 2:39-41),
était capable de lire l'hébreu (Jn 7:15; voir aussi Mt 13:54, Lc 2:47)18,
comme en témoigne explicitement sa lecture à la synagogue rapportée par
Luc (4:18,19, cf infra). Enfin, la Mishna fut composée vers la fin du lIe
siècle, début du Ille siècle, en hébreu: c'est bien que l'hébreu comptait
encore à cette époque de nombreux locuteurs.
Sur la lecture à la synagogue, Edmond Stapfer faisait remarquer: « Le
Hazzan 19 se tenait tout le temps près du lecteur et veillait à ce qu'il ne
commît pas d'erreur et ne lût rien d'inconvenant pour une lecture publique.
Chaque verset, lu dans la langue sainte, était immédiatement traduit en
araméen; le mineur même pouvait traduire. On ajoutait toujours à la lecture
et à la traduction un commentaire oral (Midrasch), sorte d'homélie qui prit
une grande importance dans les Églises chrétiennes et devint peu à peu le
sermon20.» Toute lecture passait par une récitation orale claire et

74
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

intelligible, surveillée par le Hazzan. Il est donc manifeste que, lorsque Jésus
lisait dans les synagogues, il était amené à prononcer le nom divin.

Il Y a d'autres indices montrant que l'hébreu était toujours pratiqué (à


l'oral et à l'écrit) au 1ersiècle en Palestine, notamment ces passages:

Jean 19:20 : « Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, parce que le lieu où
Jésus fut crucifié était proche de la ville; l'inscription était en hébreu, en
latin, et en grec. »

Actes 21:40 (- 22:2) : Avec sa permission, Paul, debout sur les degrés, fit
signe de la main au peuple. Un profond silence se fit et il leur adressa la
parole en langue hébraïque, disant: ...

Voir aussi Jean 5:2, 19:13, 19:17, 20:26, Actes 6:1, Révélation 9:11,
16: 16.

Bien que les expressions cE~pa'LaT(ou Tf1 cE~patôL ôLaÀÉKTC¥ désignent


parfois l' araméen21, plusieurs études minutieuses ont montré qu'il fallait bel
et bien entendre par là I'hébreu22. De plus, certains indices laissent penser
que l'emploi d'une langue pouvait être tactique. Tel que consigné dans le
récit d'Ac 21-22, Paul en effet semble faire usage de l'hébreu, non de
l'araméen, pour se faire comprendre de la foule mais pas des Romains
(Claudius Lysias, le tribun, et ses soldats, qui parlaient le grec et
comprenaient l'araméen, cf. Ac 21:37,38)23. Enfin, et à titre de dernier
exemple, l'apocryphe connu sous le nom d'Actes de Pilate (ou Évangile de
Nicodème), daté du IVe s., évoque des témoignages de l'époque de Jésus
rédigés «en langue hébraïque» que l'auteur « a traduits en grec24. » Quel
que soit le crédit à accorder au récit dans son ensemble, il est évident que des
archives des faits et gestes de Jésus devaient exister en hébreu. C'est bien
que l' hébreu était encore usité. Maurice Carrez conclut ainsi:« une
constatation s'impose: la langue hébraïque est sans doute restée plus vivante
qu'on ne l'affirmaitjusqu'alors25. »

L'araméen

Après le retour de déportation, l'araméen s'impose comme la langue la


plus communément parlée (voir Néhémie 8:8,12). C'est celle qui était parlée
au 1ersiècle en Palestine: « Jésus parlait araméen tout comme ses disciples.
Lorsque Pierre, l'apôtre, est reconnu à son parler dans la cour du Grand
Prêtre, après l'arrestation de Jésus, c'est parce qu'il parlait l'araméen avec
l'accent galiléen mentionné par le Talmud. (...) Ainsi dans le monde où
Jésus est venu, et surtout en Palestine, deux langues se côtoyaient,
s'interpénétraient: l'araméen et le grec26.» Au sujet de l'étendue de
l'araméen à l'époque de Jésus, Marguerite HarI explique: « C'est sans nul

75
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

doute la langue dont le domaine fut le plus étendu, depuis les époques les
plus anciennes: il y avait eu une araméisation de l'hébreu dès la déportation
des Juifs à Babylone et l'araméen resta la langue usuelle dans toutes les
parties des royaumes lagides, en particulier en Palestine où il est la première
langue parlée par les Juifs à l'époque qui nous intéresse (E. M. Meyers, J. E.
Strange: 93-100) 27. » Quand par exemple Marc (15 :34, voir aussi Mt 27 :46)
rapporte dans son évangile les propos de Jésus, nous lisons: «Eloï, Eloï,
lema sabachtani ?» C'~r.,f?~~ it67 'i)'~ 'i)'~) ce qui semble être de
l'araméen. L'hébreu dirait plutôt: «Eli, Eli, lamah 'azavttani ?}} ('~r.,~r.p
it6, ,~~ ,~~). Cependant, ces analyses, basées sur une traditio~
manuscrites hésitantes, ne sont pas décisives28. De nombreuses études ont
tenté de montrer que la prédication de Jésus s'est effectuée en araméen29, et
que beaucoup de sémitismes relevés dans le Nouveau Testament sont en fait
des aramaïsmes. Parmi ceux-ci:

Mc 5 :41 : Il (...) lui dit: Talitha koumi, ce qui signifie: Jeune fille, lève-
toi, je te le dis. }}
Mc 7 :34 : il soupira, et dit: Éphphatha, c'est-à-dire, ouvre-toi. »
Mc 14:36 : Il disait: Abba, Père, toutes choses te sont possibles... »
Mt 27:33 : Arrivés au lieu nommé Golgotha, ce qui signifie lieu du crâne»
Jn 5:2 : il y a une piscine qui s'appelle en hébreu Béthesda»
Jn 19: 13 : il s'assit sur le tribunal, au lieu appelé le Pavé, et en hébreu
Gabbatha.
Jn 20:16 : Elle se retourna, et lui dit en hébreu: Rabbouni ! c'est-à-dire,
Maître!
Ac 1: 19 : ce champ a été appelé dans leur langue Hakeldama, c'est-à-dire,
champ du sang.
Ro 8: 15 : par lequel nous crions: Abba ! Père! » (id. Ga 4:6)
lCo 16:22: Si quelqu'un n'aime pas le Seigneur, qu'il soit anathème!
Maranatha.
Ici le terme 'maranatha' (Marana tha ou Maran atha 'Seigneur, viens !'
ou : 'Le Seigneur est venu') n'est même pas traduit. Cette expression est
peut-être l'équivalent araméen du grec Ëpxou KUpLE,rencontré en
Rv 22:203°.
Par ailleurs, de nombreux noms propres sont d'origine araméenne
(Barthélémy, Bar-Jona, Bar-Jésus, Barnabas, Thomas, Marthe, Céphas,
Tabitha, Satan[as], cf. Mc 3:18, Mt 16:17, Ac 13:6, Ac 13:7, Mc 3:18, Lc
10:40, Jn 1:43, Ac 9:36, Mt 4:40, 16:23).11 faut donc toujours tenir compte
de ce substrat pour comprendre le Nouveau Testament, et particulièrement
les évangiles31.

76
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Le grec et le latin

On a longtemps pensé que le grec n'avait pas vraiment pénétré la


Palestine à l'époque de Jésus. Mais peu à peu, comme l'explique Maurice
Carrez, on est revenu sur cette position: « Toute une série de découvertes
dans le désert de Juda, à Qumran et dans ses environs, au bord de la Mer
Morte à Engaddi ont montré depuis 1953 que le grec avait plus
profondément pénétré l'usage qu'on ne l'avait supposé jusqu'alors32. » Les
conquêtes d'Alexandre avaient imposé l'usage du grec dans l'administration,
et, de manière globale, il avait été reçu et adopté par les populations.
Décrivant les Juifs de la Diaspora, un historien écrit: « Ignorant l'hébreu et
l'araméen, ils ne parlaient que le grec. Dès l'époque d'Alexandre le Grand,
un voyageur avait pu dire que les Juifs étaient grecs 'par l'esprit autant que
par la langue,33.» Puis, au deuxième siècle avant notre ère, Antiochus IV, dit
Épiphane (215-163), convaincu que la chose religieuse juive était la source
de leur esprit de révolte, avait entrepris d'helléniser les Juifs et de proscrire
leur religion34. Si des oppositions virulentes mirent à mal ses projets35,et
notamment la révolte maccabéenne (167-142), dans l'ensemble
l'hellénisation progressa36.
Tout autour de Jérusalem florissait l'hellénisme (Césarée, Sébaste). On
trouvait parfois des inscriptions en grec jusque dans les synagogues, ou
même dans l'enceinte sacrée du Temple à Jérusalem: la défense pour tout
non-Juif d'entrer dans le sanctuaire était aussi rédigée en grec. Une ligue de
villes, la Décapole, avait été instituée vers 63 avo J.-C. pour contrer les
influences sémitiques, et bien sûr on y parlait grec et on y exhibait son
mépris du judaïsme (cf. Mc 5:Il). Marguerite HarI rend compte des indices
archéologiques indiquant la présence importante du grec en Palestine: « Des
documents archéologiques (inscriptions, ostraka) attestent clairement, dès le
Ille siècle avant notre ère, la connaissance du grec par les populations
locales, même rurales. Les inscriptions sur les ossuaires y sont, pour les deux
tiers, rédigées seulement en grec et non plus en grec accompagné d'une ou
des deux langues sémitiques (E.M. Meyers, J.E. Strange: p.l 04-105). À la
période romaine, on pourra dire que 'le grec a pénétré dans toutes les classes
de la société juive en Palestine.' (S. Lieberman, Greek, p.39) 37.» Et
d'ajouter un peu plus loin: «Les travaux les plus récents insistent sur la
bonne hellénisation de la Palestine elle-même, à date ancienne (M. Hengel;
G. Mussies; E. Will; C. Orrieux)38.» Il est fort probable que Jésus
connaissait le grec, comme l'indiquent:
sa conversation avec une femme syrophénicienne, qui parlait
probablement grec39(Mc 7:26) ;
sa conversation avec un centurion et son esclave (Lc 7:1-10); à
l'époque en effet, les fonctionnaires et officiels - parlaient moins le
latin que le grec, la langue internationale;
sans doute une conversation avec des Grecs désireux d'écouter son
enseignement (Jn 12:20,21) ;

77
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

et peut-être sa conversation avec Pilate (Jn 18,33-38 ; 19,8-1 I).

Quant au latin, beaucoup moins usité, c'était la langue officielle de


l'administration romaine, dans laquelle étaient rédigés les lois, les
documents officiels de l'Empire, les inscriptions (cf. Jn 19:20). Seuls les
fonctionnaires et les soldats le comprenaient et pouvaient l'employer
couramment, tandis que les Juifs ne devaient en saisir que quelques mots et
expressions courantes.

Emploi du Nom par Jésus


Le nom de Jésus fut annoncé à Joseph en rêve par un ange (Mt 1:21), et
Marie reçut sa visite (Lc 1:31). Le récit en est le suivant:

Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un jils, et tu lui donneras le


nom de Jésus. - Luc 1:31

Et elle enfantera un jils, et tu lui donneras pour nom Jésus, car il sauvera
son peuple de ses péchés - Matthieu 1 :21

Le terme grec pour Jésus est '!T100ÛÇ, et c'est l'équivalent de l'hébreu 1!tpiit\
qui signifie « Jéhovah est salut» 40. On remarque que l'ange signale à Jo~eph
la signification du nom de l'enfant à naître, mais pas à Marie. Quoi qu'il en
soit, cela ne surprit pas du tout les parents de Jésus, qui connaissaient les
Écritures (Gn 16:11 ; Jg 13:5; Is 7:14; Mt 1:21-23), Lc 2:39). Étant le
Messie, Jésus allait montrer que Jéhovah est salut, en accomplissant le rôle
pour lequel son nom avait été choisi: se constituer une rançon pour
l'humanité, preuve éclatante de l'amour et du salut provenant de Dieu. Son
nom avait donc de l'importance. Il en prit de plus en plus au fur et à mesure
de son ministère (par ex. guérison: Ac 3 :6,16 ; 4: 10,30 salut: Ac 4: 12 ;
10:43 ; 22:16 baptême: Ac 2:38, 8:16 pardon Ac 10:43 persécutions Ac
5:41 foi 1Jn 3 :23. . .). Cela dit, était-ce son nom que Jésus était venu
manifester, ou celui de son Père qui l'avait envoyé en mission? La Bible
nous renseigne à ce sujet. Voici quelques propos de Jésus rapportés par
Matthieu et Jean:

- Voici donc comment vous devez prier: Notre Père qui es aux cieux! Que
ton nom soit sanctifié - Matthieu 6:9 (Luc 1 1:2)
- Père, glorifie ton nom! Et une voix vint du ciel: Je l'ai glorifié, et je le
glorifierai encore. - Jean 12:28
- J'ai fait connaître ton nom aux hommes que tu m'as donnés du milieu du
monde - Jean 17:6a
- Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés, afin qu'ils soient un
comme nous - Jean 17: Il b (12)
- Je leur aifait connaître ton nom, etje le leurferai connaître - Jean 17:26a

78
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Ces versets montrent sans doute possible que Jésus a manifesté le nom
de Jéhovah sur terre, qu'il l'a fait connaître et qu'il l'a glorifié. N'était-il pas
le Aoyoç, la Parole ou Verbe de Dieu? Quel crédit aurait-il pu accorder à
une tradition non biblique, qui voulait que le Nom ne fût pas prononcé?
Quelques exemples montrent combien Jésus critiqua les traditions
qu'imposaient les chefs religieux juifs de son époque, soit directement, en
des accusations formelles (<<pourquoi transgressez-vous le commandement
de Dieu au profit de votre tradition?» - Matthieu 15:3; «et vous avez
annulé le commandement de Dieu à cause de votre tradition» - Mt 15:6),
soit indirectement, par l'état d'esprit qu'il manifestait, ou son comportement.
À titre d'exemple, sa conversation avec une Samaritaine était loin d'être
anodine (Jn 4 :7-30). D'après le Talmud, il ne fallait pas parler à unefemme
dans la rue, même à sa propre femme. En outre, les Juifs n'avaient pas de
rapport avec les Samaritains. Jésus, lui, parla ouvertement à une
femme... samaritaine! Les traditions imposées par les chefs religieux, la
plupart du temps anti-scripturaires, pesaient tant sur le peuple que les
occasions ne manquaient pas. L'attitude de Jésus et de ses disciples révèlent
un certain dédain pour celles-ci (moudre du blé unjour de sabbat: Mt 12:1-
8; Lc 6:1-5; rituel des purifications; Mt 15:2; Mc 7:3-13; jour des
guérisons: Luc 6:6-11; Luc 13:10-17; impartialité: Marc 2: 16,17 ;
négoce: Jean 2:16, etc.). Ces considérations s'ajoutant au fait que Jésus
venait manifester le nom de son Père, qu'il portait en partie dans son propre
nom, nous mènent à penser qu'il employa bel et bien le nom divin.

JESUS ET LES MARCHANDS DU TEMPLE

Peut-on imaginer Jésus craignant la réaction de ses auditeurs? Il n'avait


pas de complaisance envers les chefs religieux de son époque, qu'il qualifia
même d'« hypocrites», (Mt 15:7 ; 23: 15) d'« aveugles qui conduisent des

79
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

aveugles» (Mt 15:14), ou de «races de vipères» (Mt 12:34). Ces


véhémentes critiques et son franc-parler lui avaient d'ailleurs valu, à
plusieurs reprises, de risquer la lapidation (cf Jn 8:59, 10:31). Cependant,
Jésus sut conserver le respect et la réserve dus à ce Nom, et il évita, quand
cela était approprié, de l'employer, par exemple lors de son arrestation.41
Certaines circonstances précises confirment cet emploi du nom divin par
Jésus. Lors d'une lecture publique (cf. Lc 4:18,19), Jésus fut amené à lire,
très probablement en hébreu, le passage d'Isaïe 61 :1,2.

Texte massorétique

C"1~~ '~~7 "~k it)it~ Qn~6 1~~ :,jJ\ ïtlit~ ~~.,~ f1i~
'ii~ \C:i:l~~ N~i?~ :l'-"}.f~~7 tD?Q~ \"~rJ'~
Ci~1 itiit.,~ \li~1-n~~ N~i?~ :Oij?-ni?=? C"JiO~~1
:C"~~~-"~ CD~7 i~lj"N~ C~~

Le tétragramme ne figure pas moins de trois fois dans ce court extrait.


La première occurrence est précédée de ~~.,~, «(mon) Seigneur». Les
Massorètes ont donc vocalisé le tétragramme d'après le terme C"H"~ (ïtlit~).
À l'époque de Jésus cependant, ni la vocalisation, ni cette convention
massorétique n'existaient. Peut-on donc imaginer que Jésus ait dit:
« L'esprit du Seigneur Seigneur est sur moi...» ou« L'esprit du Seigneur
Dieu », plutôt que « L'esprit du Seigneur Jéhovah» ? Il est très difficile de le
concevoir. Cela dit, la citation est-elle tirée du texte massorétique, ou bien
de la Septante?

Nouveau Testament42 Septante

1TvEûlJ.a KUPLOU È1T' EIJ.È ou ÈLVEKEV 1TVEÛlJ.a KUPLOU E1T' ÈIJ.É ou ÈLVEKEV
ËXPLOÉV IJ.E EùaYYEÂLoao8aL 1T'tWXOÎ,Ç, ËXPLOÉV IJ.E EùaYYEÂLoao8aL 1T'twxolç
à1TÉo'taÂKÉv IJ.E, K1lPUçaL aL XIJ.cx'ÂW'tOLÇ à1TÉO'tCXÂKÉV f.J.E LcXocxo8aL 'toùç
&cpEOLV Kat 'tuCPÂolç àVcXpÂE\lfLV, OUV'tE'tPLIJ.IJ.ÉVOUç 't~ KapÔL~ K1lPUÇCXL
à1Too'tE1ÂaL 'tE8pauolJ.Évouç Èv àcpÉOEL, aL XlJ.aÂw'toLç &cpEOLV Kat 'tuCPÂolç
K1lPUçaL EVLau'tàv KUPLOU ÔEK'tOV. àVcXpÂE\lfLV KaÂÉoCX,L ÈVLau'tàv KUPLOU
ÔEK'tàv KCXt ~f.J.ÉpcxvàV'tCX1TOÔOOEWÇ
1TapaKcxÂÉoaL 1TcXv'taç 'toùç 1TEv8oûv'taç

Is 65:1,2 Is 58:6
"

Quand on compare le NT et la LXX, on constate de nombreuses


similitudes, et notamment l'emploi du nom divin (i.e. KUpLOÇ)à deux
reprises. Mais on note surtout que la citation est sélective: Luc ne retient pas
Is 61 :ld et s'inspire aussi d'Is 58:643. La citation de Luc n'est donc tributaire
ni du texte massorétique, ni de la Septante. Elle peut très bien avoir été citée

80
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

de mémoire, puis harmonisée44 par des copistes ultérieurs45. Et même si le


texte cité était celui de la Septante, les manuscrits grecs à cette époque
portaient tous le tétragramme en écriture hébraïque ou paléo-hébraïque.

Au sujet de cette lecture par Jésus, Armand Abécassis précise:

Nous apprenons donc, directement ou implicitement, et en nous référant au


déroulement de la réunion du ChaBBaT matin à la synagogue, que Jésus est invité à
lire la Torah et à faire la DeRaCHaH (l'homélie) (...) Alors que la « maison de
Dieu» à Jérusalem est tenue et administrée par les prêtres sadducéens, les
Pharisiens s'organisent aussi autour de la synagogue, devenue une véritable
institution et un centre d'étude et de prière. (...) Ils y entendent l'homme versé dans
les Écritures saintes désigné par le maître, lire une section de la Torah dans son sens
strict de Pentateuque en hébreu.
À la suite de cette lecture du Pentateuque, une seconde lecture est faite, mais cette
fois-ci, elle est tirée des « Prophètes» ; on l'appelle HaPHTaRaH. C'est en hébreu
que sont lus ces textes et comme la majorité de la communauté ne comprend plus la
langue sainte, un traducteur relit les versets en traduction araméenne. On remarque
que Luc ne dit pas si Jésus a lu le texte du prophète Isaïe (YeCHa"YaHou) (Isaïe,
chapitre 61) en hébreu. Si l'on se fie au texte tel qu'il le retranscrit, on serait tenté
de croire qu'il l'a lu en grec parce qu'il ne correspond pas à l'original hébreu. Jésus
priait-il et enseignait-il dans une synagogue de Juifs originaires d'Alexandrie qui,
eux lisaient la Bible directement sur la version grecque des Septante ?46

Nous ne le pensons pas pour les raisons citées plus haut. Dans la
synagogue, l'hébreu et l'araméen prévalaient sur le grec, car n'oublions pas
que le grec - s'il était répandu, certes, n'en représentait pas moins, l'étranger,
l'incirconcis, mais aussi et surtout l'occupant47. Il n'est donc pas difficile de
concevoir qu'à une époque où elle était encore comprise de quelques-uns,
même d'une poignée, la langue sainte fût préférée à toute autre, surtout dans
le cadre d'une lecture d'un Prophète dans une synagogue! Même dans
l'hypothèse contraire - hypothèse bien improbable selon laquelle Jésus aurait
lu et cité en grec - il convient de rappeler cette pensée tirée de l'ouvrage du
Pro Kahle, The Cairo Geniza : « Nous savons à présent que, tant qu'il a été
écrit par des Juifs à l'intention des Juifs, le texte de la Bible grecque [la
Septante] ne rendait pas le nom divin kyrios; le Tétragramme était plutôt
inscrit en caractères hébreux ou grecs dans les MSS [manuscrits]. Ce sont les
chrétiens qui ont remplacé le Tétragramme par le mot kyrios lorsque le nom
divin écrit en caractères hébreux en est venu à ne plus être compris48. »

En d'autres occasions de son ministère, Jésus attira l'attention sur le nom


de son Père au détriment du sien:

Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas; si un autre


vient en son propre nom, vous le recevrez. - Jn 5:43

Jésus leur répondit: Je vous l'ai dit, et vous ne croyez pas. Les œuvres
que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi.- Jn 10:25

81
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

On peut résumer les références directes de Jésus au nom de Jéhovah de


la sorte:

Citation biblique de Jésus Référence, où figure le nom « Jéhovah »

Matthieu 4: 7 Deutéronome 6:16 (8:3, 13)


Matthieu 5:33 LévitiQue 19: 12, Nombres 30:2
Matthieu 22:37, Luc 10:27 Deutéronome 6:5
Matthieu 22:44 Psaume 110:1
Luc 4:18,19 Isaïe 61:1,2
Marc 12:29 Deutéronome 6:4

Ces passages montrent clairement les citations précises du nom divin par
Jésus Christ. Bien sûr, les récits qui nous rapportent ces citations sont
rédigés en grec. Mais ils n'ont ni été prononcés originellement dans cette
langue, ni même pensés dans cette langue.49R. Le Déaut expliquait à ce
sujet: « les auteurs du NT, en se référant à tel ou tel passage de l'Ancien,
avaient présent à l'esprit tout l'arrière-plan aggadique et pas seulement
l'original hébreu ou sa traduction (grecque ou araméenne suivant le cas) : les
divers éléments de cette tradition voltigent dans leur esprit et peuvent, à
l'improviste, intervenir dans l'exposé 50.»

Puisque les ipssima verba Christi ne nous sont pas parvenues (nous en
avons quelques reliquats en Mc 5:41, 7 :34, 15:34, Mt 27 :46), nous avons été
réduits à étudier des phénomènes indirects: citations, provenance des
citations, coutumes orales. Or, qu'indiquent ces phénomènes?

- Les citations nous montrent une connaissance précise des Écritures


hébraïques où figure le nom divin.
- La provenance des citations est très souvent la Septante qui contient le
tétragramme en caractères hébraïques, ou bien le texte pré-massorétique, ou
encore un amalgame libre de plusieurs versets.
- Enfin les 'coutumes orales' indiquent que l'hébreu ou l'araméen étaient
privilégiés dans la liturgie, et qu'il n'était pas blasphématoire, entre Juifs,
d'en faire usage. W.R. Arnold le formule en ces termes: «La simple
prononciation du nom, excepté pour parjure, malédiction ou blasphème, à
dire vrai, n'a jamais été une offense criminelle; bien plutôt était-ce
considéré comme un péché rituel, punissable par Dieu, non par l'homme51.»

En fait, l'usage du Nom, à cause de la superstition, était proscrit des


Juifs envers les Gentils, mais toléré entre Juifs. Toléré, mais pas
recommandé. C'était même peut-être une pierre d'achoppement, un sujet
d'exaspération. Pour quelle raison en effet Jésus exaspérait-il autant ses
adversaires? Pourquoi ne trouvaient-il pas de prétexte pour l'accuser
formellement52?

82
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

C'est que par son attitude, Jésus ne cherchait pas à s'attirer les
complaisances (Mt 10:34; Jn 8:46,47, 9:41), mais parlait librement,
sûrement en employant le Nom de Dieu qu'il appelait Papa, et dont il disait
être le Fils.

Quand on rapproche certaines de ses paroles, très évocatrices, le doute


n'est plus permis.

« Je te louerai de tout mon coeur, Seigneur, « Père, glorifie ton nom! » - Jean 12:28
mon Dieu; etje glorifierai ton nom à
jamais. »- Psaume 86:12
« Que ton nom soit sanctifié» - Matthieu 6:9
« Louez Jéhovah, invoquez son nom, publiez
parmi les peuples ses grandes œuvres,
proclamez que son nom est élevé. »- Isaïe « J'ai/ait connaître ton nom... » - Jean 17:6
12:4
« Père saint, garde en ton nom ceux que tu
« En toi se confient tous ceux qui connaissent m'as donnés» - Jean 17: Il
ton nom; car tu ne délaisses pas ceux qui te
cherchent, Jéhovah. » - Psaume 9:10 « Je leur ai fait connaître ton nom, et je le
leur ferai connaître» - Jean 17:26
« C'est pourquoi mon peuple connaîtra mon
nom» - Isaïe 52:6 « La vie éternelle consiste à te connaître, toi
le seul véritable Dieu, et à connaître Jésus-
« Répands tafureur sur les nations qui ne te Christ, que tu as envoyé» - Jean 17:3 (BFC)
connaissent pas, sur les royaumes qui
n'invoquent pas ton nom ». - Psaume 79:6

Véritablement, le témoignage des Écritures, l'étroite intertextualité entre le


Nouveau Testament et l'Ancien, plaident pour ce constat sans appel: oui,
Jésus employait le nom de son Père, et sans aucun doute devait-il connaître
par cœur le huitième psaume, verset neuf:

r'~;1-~~f ~T?tP ":~n~-iTp ij:~."~ il~iT~


Jéhovah, notre Seigneur, que ton nom est glorieux sur toute la terre!

.. .ainsi que le 13Se, verset 13a, plus lourd de sens encore:


cAC,il17 ;tT?~ iT~iT~\
Jéhovah, ton nom subsiste àjamais

83
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Emploi du Nom par les chrétiens

De même qu'il ne fait pas de doute que le nom de Jéhovah fut largement
employé par son Christ, de même les disciples et les apôtres, et parmi eux les
rédacteurs inspirés du Nouveau Testament, en firent usage. Nous ne nions
pas que cet usage ait été prudent. Mais il est indéniable. Il faut se rappeler
que si le NT rapporte les paroles de Jésus, elles sont avant tout rapportées
par divers écrivains, de mémoire pour les témoins oculaires qui ont vécu les
événements, et à partir de la mise en forme inspirée de la tradition orale
précoce pour ceux qui n'ont pas connu le Christ.

L'étude de George Howard


Dans cet essai, nous avons repris à notre compte les grandes lignes de
l'étude de George Howard. Il est temps d'en faire la synthèse. Cette étude,
dont les conclusions ont mis l'auteur sous le feu des critiques, peut se
résumer en deux points principaux :

La théorie
Partant de constatations évidentes, George Howard écrit: «Des
découvertes récentes en Égypte et dans le désert de Juda nous permettent de
voir de première main l'emploi du nom de Dieu aux temps préchrétiens. Ces
découvertes sont importantes pour les études du NT en ce qu'elles
établissent une analogie littéraire avec les documents chrétiens les plus
anciens et qu'elles expliquent peut-être comment des auteurs du NT ont
utilisé le nom divin. Dans les pages qui suivent, nous avancerons la théorie
que le nom divin, ii'ii" (et peut-être des abréviations du nom), se trouvait
écrit à l'origine dans les citations du NT tirées de l' AT et dans les allusions
qu'on y faisait, et qu'avec le temps le nom a été remplacé par le substitut
KC. Cette suppression du Tétragramme a, selon nous, jeté la confusion dans
l'esprit des premiers gentils devenus chrétiens sur la relation entre le
'Seigneur Dieu' et le 'Seigneur Christ', ce qui se reflète dans la tradition
manuscrite du texte du NT53.»

Les indices
Ils sont de trois sortes:
une pratique juive et judéo-chrétienne,
la citation ou l'allusion à 1'AT,
une confusion visible dans la tradition manuscrite.
Concernant la pratique juive de retenir de l'hébreu dans le sein du texte grec,
Howard déclare: «Nous sommes certains que les Juifs d'expression grecque
continuaient d'écrire ii'ii" dans leur traduction grecque des Écritures. Il est
fort peu probable que ceux de ces Juifs conservateurs qui devinrent chrétiens
aient dérogé à cette pratique. Bien qu'ils aient certainement utilisé à un degré
moindre les termes SEOÇet KUpLOÇ, il aurait été extrêmement anormal de leur

84
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

part de retirer le Tétragramme du texte biblique. (...) Étant donné qu'on


trouvait encore le Tétragramme dans les copies grecques de la Bible, copies
qui constituaient les écrits sacrés de l'Église primitive, il est raisonnable de
penser que les rédacteurs du NT maintinrent le Tétragramme dans le texte
biblique quand ils citèrent les Écritures. (...) Mais quand on le supprima de
l' AT grec, on le fit du même coup disparaître des citations qu'en faisait le
NT. Ainsi donc, vers le début du lIe siècle, les substituts du nom de Dieu ont
dû supplanter le Tétragramme dans les deux Testaments à la fois54.»
Nous allons considérer les éléments qui indiquent qu'effectivement les
rédacteurs du Nouveau Testament n'ont pas dérogé à cette pratique,
notamment dans le cadre de leurs citations bibliques. Puis nous verrons
quelle nécessaire confusion a résulté de la disparition du Nom (chapitre 7).

Qui étaient les rédacteurs des Évangiles?

Matthieu, dit Lévi

On le découvre au début du ministère de Jésus, à Capernaüm, vers l'an


30. Matthieu y officiait en tant que collecteur d'impôts pour Rome, ou
Hérode. Dès que Jésus l'interpelle, il abandonne tout pour aller à sa suite (Mt
9:9, Mc 2:14). Il est Juif, son deuxième nom est Lévi (~11~). Par la suite, il est
choisi par Jésus pour faire partie des douze apôtres (Lc 5:27,28). Il est
témoin oculaire du ministère de Jésus, mais il n'hésite pas à puiser dans des
sources extérieures - des écrits hébreux notamment - pour composer son
récit. Son objectif principal est de démontrer la messianité de Jésus, car il
écrit pour les Juifs convertis ou à convertir. Son récit est groupé en grands
ensembles, au détriment de l'ordre chronologique. Sa structure, son
vocabulaire, son arrière-plan, ses allusions constantes à l'Ancien Testament
en font la passerelle la plus appropriée entre l'Ancienne et la Nouvelle
Alliance.

On a beaucoup conjecturé sur la langue originelle de l'évangile de Matthieu.


Eusèbe donne différents témoignages:

Papias
ITEpL ÔE 't'OU Mœ't'8œLOU 't'œu't" ELpT)'t'œL Mœ't'8œLoc; IlEV ouv EppœLôL
ÔLœÂEK'tw 't'œ ÂOYLœ ouvE't'œçœ'to, T)PIlT)VEUOEVÔ' œu'tœ wc; ôuvœ't'oc; EKœo't'oc;
Sur Matthieu, il (Papias) dit ceci: 'Matthieu, quant à lui, réunit en
langue hébraïque les logia (de Jésus) et chacun les interpréta comme il
en était capable. - HE 111,39,16 - cf. Papias, Fragments VI

Plus tard, les premiers Pères de l'Église soutiennent cette version - ou la


reprennent?

85
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Irénée de Lyon
o IlEV ÔT} Ma1:'8aLOe; EV 1:'OLe; E~paLOLe; 1:'T} LÔLa aU1:'WV ÔLaÂEK1:'W KaL
ypa<j>T}V EÇT}VEYKEV EuaYYEÂLoU
Matthieu (a écrit) parmi les Hébreux dans leur propre langue et dans leur
propre écriture. HE Y, 8, 1 - voir Adv.Haer. III, 1,1

Origène
01:'L 1TpW1:'OV IlEV YEypa1T1:'aL to Ka1:'a tOV 1T01:'E tEÂWVT}V UOtEpOV ÔE
a1TOO1:'oÂOV IT}oOU }(pL01:'OU Mat8aLOV EKÔEÔWK01:'a au1:'O tOLe; a1TO
IOUôaLollOU 1TLOtEUOaOLV ypaf.1f.1aoLv E~paLKOLe; OUV1:'E1:'aYf.1EVOV (...)
d'abord a été écrit celui selon Matthieu, qui fut un moment publicain
avant d'être apôtre de Jésus-Christ: il l'a édité pour les croyants
d'origine judaïque, et composé en langue hébraïque. - HE YI, 25, 4

Épiphane de Salamine
Dans une section consacrée à l'hérésie des Nazaréens (Ka1:'aNa'wpaLwv) :
EXOUOL ÔE tO Kata Mat8aLov EuaYYEÂLoV 1TÂT}pE01:'atOV E~paL01:'L
,
IIap aU1:'OLe; yap aa<j>we; tOU1:'O Ka8we; EÇ apXT}e; Eypa<j>T} E~paLKOLe;
ypaf.1llaOLV Ils possèdent l'évangile selon Matthieu, rédigé en hébreu.
Pour eux, ce dernier est plus fiable puisqu'il a initialement été écrit en
lettres hébraïques.TAPanarion (Adversus Haereses) XXIX, 9 (PG XLI:
405)
Jérôme
Enfin Jérôme, le traducteur de la Bible en latin, abonde en ce sens
lorsqu'il écrit, au lye siècle de n.è.: «Matthieu, nommé aussi Lévi, et
de publicain devenu apôtre, composa le premier en Judée, pour ceux qui
avaient cru parmi les circoncis, l'Évangile du Christ, et le rédigea en
caractères et langage hébraïques (Hebraeis litteris verbisque composuit).
Quelle personne le traduisit plus tard en grec, c'est ce que l'on ne sait
pas au juste. L'Évangile hébreu (ipsum Hebraicum) se trouve
aujourd'hui encore dans la bibliothèque de Césarée, que le martyr
Pamphilus avait formée avec le soin le plus grand. Les Nazaréens de
Berœa, ville de Syrie, se servent du texte hébreu, et j'ai eu par eux la
facilité de le transcrire55.»

D'autres indices permettent de penser que la bonne nouvelle selon Matthieu


fut rédigée en hébreu:

Le prologue.
Artificiellement reconstituée56 à partir du chiffre 14 (Mt 1 :17) et des
données de Genèse, Ruth, 1 Chroniques et 2 Rois, la généalogie qui se
déroule de David jusqu'à Jésus est en fait un procédé mnémotechnique basé
sur le mot '.1' (David). La somme des lettres de ce nom donne 14, et cela ne
pouvait échapper à personne; , pour 4 et , pour 6. C'est du moins une

86
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

hypothèse répandue57, dont les implications significatives n'auraient plus


aucun sens en grec.

L'expression « pas d'un iota»


Car, je vous le dis en vérité, jusqu'à ce que passent le ciel et la terre, un seul
iota ou un seul trait de la Loi ne passera pas, que tout ne soit accompli. -
Matthieu 5: 18

À l'entrée 'iota', le Nouveau Dictionnaire Biblique des Éditions


Émmaüs explique: « Le discours dont Mt. 5.18 fait partie a été sans aucun
doute prononcé en aram[éen] ; le mot iota se rapporte donc à la lettre
hébr[aïque] yod ('). Dans l'Écriture hébraïco-araméenne en vogue au temps
de notre Seigneur, yod était déjà la plus petite lettre de l'alphabet.» Bien
qu'il existe effectivement des signes diacritiques en grec, c'est
indéniablement à l'hébreu que Jésus faisait allusion.58La version conservée
par Shem Tob porte le terme ,'\ tandis qu'un autre témoin du texte59porte
n'N, « les signes », c'est-à-dire les traits qui permettent de distinguer les
lettres :J de :;" , de etc.
"
La signification des termes ou des noms
Nous avons déjà vu l'annonce du nom de Jésus à Joseph, accompagnée
de l'expression « car il sauvera le peuple », avec une référence évidente à la
signification du nom hébreu de Jésus. Il y en a d'autres: en Matthieu 6:12, il
y a un jeu de mots entre « remettre des dettes/pardonner» et « débiteurs»,
car en hébreu il s'agit de la même racine trilitère NrD)60,alors que le grec, au
même endroit, porte deux mots très différents (vb. cx<jJLT)flL et n. O<jJELÂE't'T)Ç).
De
même, Matthieu 3:9 présente l'expression « car je vous dis que de ces
pierres mêmes Dieu peut faire naître des enfants à Abraham. ». En hébreu,
'pierres' se dit O"):JN, et 'enfants' O"):J, jeu de mots, une fois encore,
impossible avec les termes grecs respectifs: ÂL8wvet 't'EKVCX.
Il est bien sûr
possible d'objecter qu'on peut trouver un jeu de mots en grec en Matthieu
16:18 : ... où El IIÉ't'poç, Kcxt E1Tt 't'cxu't'1J't'1J 1TÉ't'pq.OiKOÔOfl~oWfloU 't'~v
EKKÂT)OLCXV.
..tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. Mais il est
surprenant de constater que, ici encore, le jeu de mots sur les termes hébreux
éventuels, est également présent: 'pierre' (sing.) se dit en effet l:JN, tandis
que 'je construirai, de même racine, se dit iT):JN.

Les citations directes


Si beaucoup de citations faites dans l'évangile de Matthieu suivent la
leçon de la LXX, il est intéressant de constater qu'il y a des instances où la
leçon du Texte Massorétique l'emporte.

87
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Matthieu 2:1511Osée Il:1


NT LXX TM
lva 1TÀllpw9f)to P1l9ÈvÙ1TOÔLOtL V~1TLOÇ
IopallÀ KaL ~i1:li1k' "N'W' '17) ,~
KUPLOUÔUl tOÛ 1TpOcp~tOUÈyw ~ya1T1l0a aùtov KaL Èç -~ 6:
~l}N'~ c:, _~'-~~~
ÀÉYOVtOç. Èç ALYU1TtOUALYU1TtOU p,EtEKaÀEoa tel
'''
~~
I / 1 \ .
'
ÈKaÀEoatOV utov p,ou. tÉKva aùtoû

afin que s'accomplît ce que le Quand Israël était jeune, moi Quand Israël était jeune, je
Seigneur avait annoncé par le aussi je l'aimais et j'appelais l'aimais, et j'appelai mon fils
prophète: J'ai appelé mon fils ses enfants hors d'Égypte. hors d'Égypte.
hors d'Égypte.
Dans la LXX, l'expression massorétique « mon fils» est remplacée par
« mes enfants ». En cela, la citation du NT est plus proche de l'hébreu que
du grec de la Septante61.

Matthieu 22:4411 Psaume 110:1 [ou 109:1]


Cf. Lc 20:42, Ac 2:34, Hb 1:13

NT : EL1TEV
KUpLOÇ 't'Q KUPL<¥I..L0U.KaSou EK ÔEÇU;)VI..LOU,
Ëwç œ'v Sw 't'oùç
EXSPOUÇCJou ù1ToKa't'w 't'WV 1TOÔWV
CJou Le Seigneur a dit à mon Seigneur:
TA
'Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que je place tes ennemis à tes pieds.'

LXX : El1TEv0 KUpLOÇ 't'Q KUPL<¥ l..L0u KaSou EK ÔEÇLWV l..L0u


Ëwç œ'v Sw 't'oùç
't'wv 1TOÔWVCJou Le Seigneur
EXSPOUÇ CJou Ù1T01TOÔLOV à dit à mon Seigneur:
'Assied-toi à ma droite, jusqu'à ce que fasse de tes ennemis ton marchepied.'

TM: 1'~~17 C}ï:! l'~~N' n'/~N-'~ :~,~,~ :l;P '~"N~ Ii1)i1~C<~~


Déclaration de Jéhovah à mon Seigneur: 'Assieds-toi à ma droite,
jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied' TA

Les textes du NT, de la LXX et du TM s'harmonisent quasi


parfaitement. Simplement, le NT emploie l'adverbe ù1ToKa't'wlà où la LXX
présente le substantif Ù1T01TOÔLOV, lesquels termes renvoient à C}ï:!. Dans la
Septante, le terme KUpLOÇ est mis à la/ois pour i1~i1~et pour '~"N. On a peine
à imaginer Jésus en train de répondre à ses détracteurs en employant une
tournure aussi confuse que « le Seigneur a dit à mon Seigneur », plutôt que
« Jéhovah a dit à mon Seigneur ». De plus, ce texte rend compte d'un autre
phénomène essentiel. Adressés à des Pharisiens qui cherchent à le
confondre, les propos de Jésus reflètent parfaitement le portrait que nous en
ont brossé ses disciples: d'un Christ qui manifeste le nom de son Père. Car il
a déjà cité, au verset 37, un passage des Écritures où figure le nom de
Jéhovah. À nouveau, il l'emploie contre ses adversaires. On retrouve ainsi
exactement le même comportement qu'il a eu à l'égard de Satan62.

88
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

,.

~~~6;"¥ ~aÎ..at; j~{t./VO)'"'1i«Et:tev 6 H:{'QLO;.1.'~1)b~;~inSI)ira1;/ tiOl!f call hi.Di


ot 111ttt calls? saying;"Said the Lord to t U his Lord sa:)rlng,
~'CQhJ) J.t()U- !{u;}ov ê}r, ôe~trov rl~ùt p.o~, Ë~~} fv
~ftn: 44 :t~JErIOYA1T said to
lor€l "of me; S: t t~ou~t,. 7. 'Ul}" LÔRIl" Sit thou at nlY
Tcru; &X{;Qouç: aD" 'O?t0~o8tpV f'T;~t' 'IU(Yht hand < till l *put
ilib

~OÔ~V 4~~O_U:?>~"'
.
l JUt'I,YI.1a.ee tIre cucut ic~ of théC n footstoo
~.

~~E~L ..~;'J Atr. t&


nA';~rl
~u; et
~al1 s
0 "e
n.Ù1'OY
bim
,...~.
tbIne
'neath
.. ...EJ,IIES
El'
thy
'. ..
.

FEE'1'-?'
.
Ul1<cr
I..

'" MT 22:44, B. WILSON, THE EMPHATIC DIAGLOTT


Dans cette version interlinéaire, le Nom est restauré dans la traduction parallèle

Les sémitismes

D'après le Trésor de la Langue Française, le terme 'sémitisme' se


définit ainsi: «tournure, construction ou forme propre aux langues
sémitiques ou introduite dans une langue indo-européenne par emprunt à une
langue sémitique, spécialement à l'araméen et à l'hébreu. » Parmi les études
francophones les plus notables portant sur les sémitismes dans les évangiles
figurent celles de Jean Carmignac63et de Claude Tresmontant64.Carmignac,
en particulier, avait travaillé sur les textes hébreux retrouvés à Qumrân, et
remarqué leurs importantes similitudes avec les évangiles. Par curiosité, il
avait donc tenté de rétroverser le texte grec de l'évangile de Marc en hébreu,
pensant que la difficulté de l'exercice lui ferait peut-être reconsidérer ses
premières impressions: cependant, dit-il, «j'ai été stupéfait de constater que
cette traduction était au contraire extrêmement facile. Après seulement un
jour de travail, vers le milieu d'avril 1963,j'étais convaincu que le texte grec
de Marc ne pouvait pas avoir été rédigé directement en grec et qu'il n'était
en réalité que la traduction grecque d'un original hébreu65.» Les mêmes
constatations s'imposèrent pour les autres évangiles synoptiques. Plus loin il
ajoute: « La première explication qui vienne l'esprit est de faire intervenir
la langue maternelle des évangélistes. Étant d'origine sémitique, ils
continuaient de penser selon des catégories sémitiques et ils s'exprimaient
maladroitement dans une langue grecque qu'ils possédaient mal (...). Mais
pas du tout. Le grec des Évangiles n'est pas un mauvais grec (...). Les
Évangiles n'ont pas été composés par des Sémites qui savaient malle grec et
qui parlaient ou écrivaient un jargon amphibie, intermédiaire entre les deux
langues. Ils ont été rédigés par des gens qui écrivaient bien, mais selon les
procédés sémitiques (...). Autrement dit: le grec des Évangiles n'est pas un
mauvais grec, ni un grec maladroit: c'est le bon grec d'un traducteur
respectueux d'un original sémitique, qui en conserve la saveur et le
parfum 66. »
Cette dernière pensée est importante, car elle explique aussi pourquoi la
plupart des citations proviennent de la Septante67,et non du texte hébreu
comme on pourrait s'y attendre: le traducteur, plutôt que de traduire à
nouveau des versets, s'est conformé au texte de la Septante (comme dit le
proverbe, 'on ne refait pas la roue'). R.T. France faisait justement

89
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

remarquer: « Le traducteur d'une œuvre qui contient des citations bibliques


présente naturellement ces citations dans la forme où elles apparaissent dans
la traduction courante de la langue qu'il traduit68. »
Cela dit, dans l'évangile de Matthieu, et parmi bien d'autres, on peut
citer les sémitismes (hébraïsmes et aramaïsmes) suivants:

. Mt 8:22b
aKoÀouSEL ~OL Kat. «Q>Ee; toùe; VEKpOÙe; S&'tJraL tOÙe; ÈaUtWV VEKpOUe;.
Suis-moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts.

Cette parole étonnante du Christ peut être comprise au figuré: 'les


morts' qui ensevelissent leurs morts seraient des personnes 'spirituellement
mortes' vis-à-vis du message chrétien69. Cependant, un sens probable se
découvre en araméen: «.. .laisse les indécis (' ~n~) ensevelir leurs morts
70.
("i1"n"~)

. Mt9:8a
Lô6VtEe; ôÈ OL 0XÀOL ÈQ>op~81loav Kat. Eô6çaoav tOV 8EOV
Quand la foule vit cela, elle fut saisie de crainte, et elle glorifia Dieu

En hébreu, il y a un jeu de mots entre 'ils ont vu' (iN"~l,wayyir'û)


. et 'ils ont
craint' (i~~,~l, wayyîr 'û) 71.

. Mt 9:15
~~ ôuVaVtaL OL ULOL tOÛ vU~Q>wvoe; 1t'Ev8ELV
EQ>'OOOV ~Et' aùtwv EOtLV 0 VU~Q>LOe;;
Les invités à la noce peuvent-ils être en deuil
tant que l'époux est avec eux ? (TaB)

L'expression OL ULOt. toÛ vU~Q>wvoe;signifie «les fils de la tente


nuptiale» provient de l'hébreu benei-ha houphah72.C'est la façon hébraïque
de désigner les amis des mariés, les invités à la noce. On trouve d'autres
exemples de ce type dans l'évangile de Matthieu: les fils du royaume (Mt
8:12) pour désigner ceux qui en font partie ou le fils de l'homme (30 occ.,
par ex. en Mt 8:20) pour désigner Jésus en tant qu'humain (mais c'est aussi
un titre messianique).

. Mt 10:30
ù~wv ôÈ Kat. aL tpLXEe; tile; KEQ>aÀfle;1TâoaL ~pL8~1l~ÉvaL ELOLV.
Et même les cheveux de votre tête sont tous comptés.
Si l'on se reporte à l'araméen73, il y a un jeu de mots entre cheveux (ménè) et
comptés (maniân). On en trouve d'ailleurs la trace dans la Peshitta, puisque
'cheveux' se dit td:n(N~~), tandis que 'comptés' se dit ~. (,..~~).

90
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

. Mt 5:22
oe; ô' a'v ÈLir1J t4) àÔEÂQ>4)
aùtoû' paKa, Ëvoxoe; ËOtaL t4) OUVEÔPLq>'
oe; ô' a'v ÈLir1J'IlwpÉ, Ëvoxoe;ËOtaLEte;t~V yÉEvvav toû irupOe;
et qui dira à son frère : Raca ! serajusticiable du Sanhédrin;
et qui lui dira: Fou! sera justiciable pour la géhenne dufeu.
Raca (paKa) est un mot araméen, râqâ', qui signifie 'crachat' (forme
emphatique de réqâ). Bernard-Marie explique: « L'expression dénoncée par
le Christ, et que l'évangéliste n'a même pas osé traduire, signifierait quelque
chose comme 'super crachat' (cf. Lv 15,8) 74.» Un autre étymologie possible
se fonde sur la racine hébraïque réqâ, signifiant 'vide', d'où l'on a suggéré
'tête creuse' (Jastrow: 1476 ; NBS : 1252, NET : 1693), et qui explique les
traductions du type « imbécile» (TOB) ou « crétin» (JER).Le terme IlWpÉ
provient quant à lui de l'hébreu i1j.;~, « rebelle» (c'est le participe de i1'~,
'être rebelle, désobéir, offenser', cf. ST: 404, DHAB : 226-227). Enfin le
mot yÉEvvav est manifestement un décalque de l'hébreu C~it 'I), « vallée de
Hinnom », vallée de renom sinistre puisqu'y avaient eu lieu des sacrifices
humains idolâtriques (2Ch 28:1,3 ; 33:1 6; Jr 7:31,32 ; 32:35), et dont le
nom était devenu symbole de destruction (cf. 1 En 27:2, 90:26; 4 Ezra
7:36) puisqu'on en avait fait la décharge publique de Jérusalem, où un feu
perpétuellement entretenu consumait les détritus.

. Mt 23 :24
ÜÔllYOL "CUQ>ÂOL,oi. ÔLÜÂL'OVtEe; "Càv Ku>vWira, t~V ôÈ KallllÂoV Ka"CairLVOVtEe;.
Guides aveugles, qui arrêtez aufiltre le moucheron et avalez le chameau! (TOB)

La phrase pourrait être rendue par un jeu de mots en araméen: « .. .qui


arrêtez au filtre le pou (qalma) et avalez le chameau (gamla) ! ». C'est ce
qu'indique la façon dont l'hébreu C~~ (qinam, moucheron, pou; BDB : 487)
est traduit par ~n~"~ (qalmetha, forme déterminée de i1~"P, qalma) dans
le Targum d'Onkelos75.

. Mt 26:38
IlELva"CE WOE Kat YPllYOPELtE IlEt ÈIlOÛ
restez ici, et veillez avec moi.

Un passage parallèle se trouve en Mc 14:34, sans l'expression 'avec


moi'. En fait, Matthieu précise 'avec moi' ('I~~) pour faire assonance avec
'veillez' ('i~~).

. Mt 27:6
ai. ôÈ àpxLEpE1e; Âa~oV"CEe;tà àpyupLa ELirav'
OÙK ËÇEotLV ~aÂE1v aùtà Ete; "Càv Kop~avâv, EirEL tLIl~ àLlla"Coe; EOtLV.
Les principaux sacrificateurs les ramassèrent, et dirent:
Il n'est pas permis de les mettre dans le trésor sacré, puisque c'est le prix du sang.

91
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Le terme Koppavâv renvoie à l'araméen qorbânâ', qui signifie offrande


religieuse, sacrifice, oblation ÔWpOV)76.
(cf. Mc 7:11, Koppâv, 0 ÈO't"LV

Il Y a bien d'autres sémitismes. À vrai dire le premier évangile en est


parsemé, à en noircir des volumes. Mais le détail en serait fastidieux, et
conduirait inexorablement à un autre genre de problème, qui concerne la
distinction entre ce qui est véritablement un sémitisme, et ce qui relève du
hasard, ou du rapprochement forcé, ou même qui, sans qu'on en soit sûr,
relève bien de la koinè. En tout cas, notre examen des sémitismes nous
pousse à souscrire à l'analyse d'André Chouraqui : «Même si (Matthieu)
cite (la bible) en grec, dans la version des LXX, ou librement en traduisant
lui-même un texte qu'il connaît à peu près par cœur comme tous les lettrés
d'Israël, l'auteur est très certainement imprégné d'hébraïsme. On le sent
presque à chaque mot: même s'il est écrit en grec, même s'il connaît bien
l'araméen, il pense tout d'abord dans la langue de la bible, en hébreu77.»

Les parallélismes

Il arrive qu'un sens apparaisse lorsque l'on compare deux passages,


notamment dans les synoptiques, et que l'on prenne en compte l'arrière-plan
sémitique. C'est particulièrement le cas dans la parabole du grain de
moutarde:

Il leur proposa une autre parabole, disant: 'Le royaume des cieux est
semblable à un grain de sénevé, qu'un homme a pris et a semé dans
son champ. C'est la plus petite de toutes les semences; mais,
lorsqu'il a poussé, il est plus grand que les plantes potagères et
devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent nicher
dans ses branches.' - Matthieu 13:31,32

Il disait donc: 'À quoi le royaume de Dieu est-il semblable, et à quoi


le comparerai-je? Il est semblable à un grain de sénevé qu'un
homme a pris et a jeté dans son jardin; il a poussé et il est devenu un
grand arbre, et les oiseaux du ciel ont niché dans ses branches.' - Luc
13:18,19

Bien sûr, le royaume des cieux est le royaume de Dieu. Mais dans le
passage de Matthieu l'expression - hors de son contexte - pourrait appuyer
l'idée erronée que le royaume est physiquement dans le ciel, ce qui n'est pas
le cas, car Dieu est Être spirituel (Jn 4:24). Quel est donc ce contexte? Dans
son ouvrage His Name Is One, Jeff A. Benner l'explique très simplement. En
son chapitre consacré à la suppression progressive du nom divin it,it', il
écrit: «Il devint courant à cette époque d'employer un autre mot, appelé
euphémisme, en remplacement du nom. Certains des 'euphémismes' les plus
courants étaient 'adonai' (mon seigneur), 'hashem' (le nom), 'shamayim'

92
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

(cieux) et 'hagibur' (le pouvoir). Avec le temps, ces euphémismes


commençèrent à être employés pour remplacer d'autres noms de Dieu tel
que C'i1~N (èloyim). Certains de ces euphémismes se rencontrent dans les
écrits du Nouveau Testament [et de citer la parabole de Jésus sur le grain de
moutarde]. (...) Dans cette parabole vous remarquerez que Matthieu emploie
la phrase 'royaume des cieux' tandis que Luc emploie la phrase 'royaume de
Dieu'. (...) La phrase 'royaume des cieux' est un euphémisme pour 'Dieu'.
'Cieux' n'est pas un endroit, mais une personne, Dieu. L'évangile de
Matthieu était évidemment écrit pour une audience familière à
l'euphémisme, très vraisemblablement la communauté juive. Luc, de l'autre
côté, a écrit son évangile pour une communauté, probablement les Gentils,
qui n'aurait pas été familière à l'euphémisme, et il a donc employé une
phrase plus litérale, 'Royaume de Dieu,78.»

On peut faire la même observation en Mt 26:64.

Jésus lui répondit: Tu l'as dit. Mais moi, je vous le dis: désormais vous
verrez le Fils de I 'homme assis à la droite de la Puissance, et venant sur les
nuées du ciel.

C'est une référence à Daniel 7:13 (et Psaume 110:1). Ici, le nom divin
est remplacé par un nouvel euphémisme, t'île; ÔuvallEWe; 79. Certains ont
conjecturé que Jésus pouvait avoir employé le nom divin à ce moment de
son procès, et que cela explique la réaction virulente du grand-prêtre qui suit
immédiatement: « Alors le grand prêtre déchira ses vêtements en disant - Il
a blasphémé. Qu'avons-nous encore besoin de témoins? Vous venez
d'entendre son blasphème. Qu'en pensez-vous?»
Mais est-ce l'emploi du Nom, ou l'affirmation christologique, qui fait
l'objet du blasphème? Jésus savait le sort réservé à toute personne, jugée
pour apostasie, faisant usage du Nom (Lv 24:14-16). Nous pensons qu'il ne
l'employa pas ici sous la forme du tétragramme. Mais un euphémisme du
nom divin suffit au grand-prêtre pour l'accuser de blasphème. Le fait
cependant que ce dernier demande l'avis des autres (Mt 26:66) prouve que
l'emploi du Nom fut indirect.

Matthieu 23:35

Ce verset mérite une mention spéciale. On y lit : « afin que retombe sur
vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang d' Abel le juste
jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le
temple et l'autel. » Il y a, dans cette déclaration de Jésus, une curiosité que
souligne Carmignac. Opposant les deux meurtres, il écrit: « l'un est bien le
début d'une série, l'autre est loin d'être le terme d'une série80 ! » Pourquoi
Jésus ne mentionne-t-il pas Ouriya (Jr 26:20-23), autre prophète martyr mis
à mort bien après Zacharie? L'expression « d'Abel à Ouriya» serait plus

93
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

pertinente, plus chronologique. Mais il faut remarquer qu'Abel apparaît dans


le premier livre de la Bible, la Genèse, tandis que le récit concernant
Zacharie figure dans les Chroniques (2Ch 24:20) dernier livre de la Bible
hébraïque (mais pas de la Septante). L'expression est donc équivalente à
notre locution « de la Genèse à la Révélation», c'est-à-dire « d'un bout à
l'autre de la Bible ». Cela prouve qu'au temps de Jésus, la Septante n'était
pas la source principale des citations bibliques, mais que c'était plutôt le
texte hébreu qui venait naturellement à l'esprit. On en trouve une autre
confirmation en Lc 22:44. Évoquant l'accomplissement des Écritures à son
sujet (<<dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes»),
Jésus fait clairement référence à la division tripartite des Écritures
hébraïques: Torah (la Loi de Moïse, ou Pentateuque), Nevi 'im (les
prophètes), et les Ketouvim (les écrits hagiographiques, dont les Psaumes
constituent la plus grande part) formant le TaNaKh (i'~n).
Ces références ne sont pas étonnantes. À l'époque de Jésus, l'éducation,
l'apprentissage même de la langue, étaient entièrement basés sur l'étude de
la Torah. Un précepte disait d'ailleurs: «Un enfant doit être nourri de la
Torah comme un bœuf est nourri à l'étable81.»

Matthieu 27:50: Le Grand Cri de Jésus

Les dernières paroles du Christ rapportées dans le Nouveau Testament


sont traditionnellement comptées au nombre de sept, et chronologiquement
placées de la sorte: Lc 23:34, Lc 23:43, Jn 19:26s, Mt 27:46 & Mc 15:34, Jn
19:28, Jn 19:30, Lc 23:46. Toutefois, elles n'incluent pas le singulier passage
de Matthieu 27:50, où on lit :

Jésus poussa de nouveau un grand cri, et rendit l'esprit.

L'interprétation traditionnelle veut que Jésus prononça les paroles du Ps 31:5


(où figure d'ailleurs le Nom)82, comme peut le laisser penser le passage
parallèle de Lc 23:46. Mais le fait est que c'est bien d'un nouveau cri dont
parle Matthieu, sans en rapporter explicitement la teneur.

Quel fut ce cri?

André LaCocque, professeur d'Ancien Testament au Theological Seminary


de Chicago, émet à ce sujet une hypothèse étonnante83. Pour l'introduire, il
replace le verset dans son contexte: Jésus a déjà prononcé différentes
paroles qui ont un rapport étroit avec sa messianité ou l'accomplissement des
Écritures. Dès qu'il prononce les dernières paroles inconnues de Mt 27:50, il
meurt, puis surviennent une série de phénomènes surnaturels (Mt 27:51-54) :

le voile du Temple se déchire,


les ténèbres envahissent le Golgotha,

94
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

la terre tremble,
les sépulcres se brisent,
des saints ressuscitent,
le centurion et ses hommes - ceux-là même qui l'ont supplicié -
reconnaissent l'identité de Jésus.

D'après LaCocque, ces phénomènes ressortent clairement d'un « contexte


apocalyptique» où « ce qui est dit signifie toujours plus qu'il n'y paraît84. »

Plusieurs indices appuient d'après lui une approche eschatologique:

l'emploi de Q>wvflIJ.EYcXÀ.1J,
dont l'usage dans la LXX et dans Mt
semble indiquer que l'expression « annonce à chaque fois une
révélation majeure85 »,

les récits de Matthieu peuvent toujours se prêter à une « double


lecture », l'une pour les Juifs, initiés à la culture nécessaire au
décryptage des détails, et l'autre aux Gentils,

en l'occurrence, lafin du Temple est au centre de la Passion telle que


rapportée par l'évangéliste Matthieu, et sa prise en compte est
indispensable pour comprendre Mt 27:50 : Jésus a révélé la sclérose
du système cultuel juif dont le Temple est l'emblème (Mt 21: 12) ; sa
mort va en sonner le glas (Mt 24:1,2) et inaugurer une ère
nouvelle86,

les phénomènes qui se produisent sont notoirement connotés:

. la déchirure du voile du Temple donne accès au Saint des

. Saints, où un nuage d'encens symbolise la présence divine,


l'éclatement des rochers, résultat du séisme, est un autre

. symbole de la présence divine87,


les ténèbres annoncent le jour de Jéhovah (1Co 1:8, 2Th 2:2,

. 2Pi 3:10 ; Am 5 :18-20,8:9),


la mention d'Élie est étroitement liée à la théophanie du
mont Horeb (IR 19, cf. versets Il et 12) et au thème de la
résurrection (IR 17 :17-24, 2R 2 :Il).
(etc. )

Cette approche eschatologique solennise la Passion, et établit un


parallèle ostensible entre la mort de Jésus et le Yom Kippour (Jour de
l'Expiation, ou du Grand Pardon), fête la plus importante du calendrier
juif (Lv 16:29-31, 23:36-32) :

95
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

. l'épisode du jardin de Gethsamané présente des « contrastes


littéraires entre le sommeil et l'état de veille» comparables
« au soir du Jour du Grand Pardon [où] (...) le Grand-Prêtre
est tenu éveillé, et ce pour toute la nuit, par les membres les
88
plus jeunes du clergé (m. Yoma 1:3-7) »
. lors de sa confrontation devant Caïphe, les propos de Jésus
suggèrent « que Jésus revendique pour son propre compte,
en quelque sorte, le plus ultime et le plus vrai des
sacerdoces. (...) Qu'elles débutent [les manifestations
apocalyptiques] par une dernière phônè mégalè doit être
perçu dans le contexte de la prétention de Jésus à exercer le
sacerdoce de Grand-Prêtre89. )}
. le choix entre Jésus le Messie et un certain Barabbas90
rappelle les deux bouc-émissaires, censés porter les péchés
du peuple lors des Propitiations, dont l'un était abandonné
dans le désert, et l'autre voué au sacrifice (cf. Lv. 16: 10).
Ceci n'échappa d'ailleurs pas aux premiers commentateurs
chrétiens (Épître de Barnabé, 7; Justin, Dialogue avec
Tryphon, 40).
(etc. )

Arrivé au parallèle avec le Yom Kippour, A. LaCocque rappelle que


cette célébration voyait le Grand-Prêtre, à l'intérieur du Saint des Saints,
prononcer distinctement, et à plusieurs reprises, le nom divin (cf. m. Yoma
5:1-6:2). Or, Matthieu suggère fortement qu'en mourant, et par la déchirure
du voile du Temple, le Saint des Saints s'étend à toute la terre. La lettre de
Paul aux Hébreux appuie d'ailleurs cette idée, particulièrement au chapitre 9
(cf. verset 12). Le grand cri de Jésus, à l'instar du cri du Grand-Prêtre lors
du jour du Grand Pardon, fut donc vraisemblablement le nom divin91 :

. « le véritable Grand-Prêtre (. 00) n'offrira d'autre sacrifice


que sa propre vie et (00') prononcera le saint Nom dans un
très paradoxal Saint des Saints éclaté jusqu'aux confins de la

. terre 92.)}
« Dans le récit de la Passion selon Matthieu, l'effet exercé
par le Grand Cri est irrésistible, tout-puissant: les témoins
confessent que « cet homme était assurément le Fils de
Dieu» et tout l'univers entre en convulsion. Au
commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu. Il est
approprié que la dernière Parole historique soit l'ineffable
Nom93. »

Ainsi, le Grand Cri dont parle Mt 27:50 fut peut-être le tétragramme lui-
même! Si ce fut le cas, après avoir cité Ps 22: 1 dont la teneur était tout de
même peu engageante per se, Jésus fit référence au passage de Joël 2:32:

96
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

« Alors quiconque invoque le nom de Jéhovah sera sauvé ».Remarquable


écho au Ps 22:5 « Ils [les Anciens] criaient à toi, et ils étaient sauvés. »

A-t-on retrouvé le texte hébreu primitif de l'évangile de Matthieu?

Shem Tob
Nous avons vu que de nombreux témoignages anciens indiquent que
Matthieu rédigea d'abord son évangile en hébreu (Papias, HE III, 39, 16;
Origène, HE VI, 25, 4; Irénée, Adv. Haer. III 1.1 ; Jérôme, Ep. 20.5).
George Howard est encore à l'origine d'une étude intéressante à ce sujet.94
Celle-ci porte sur un traité polémique anti-chrétien du XIV siècle intitulé
1n:J 1:JN(Iévèn bochan, « la pierre de touche », par référence à Is 28: 16)
rédigé par Shem Tob ben-Isaac ben-Shaprut, un médecin et physicien juif du
XIVe siècle. Le traité en question contient l'ensemble de l'évangile de
Matthieu en hébreu. L'analyse d'Howard indique qu'il ne s'agit pas d'une
traduction depuis le grec, mais d'un texte indépendant, conservé par des
Juifs.95 Ce texte présente de nombreuses variantes concernant par exemple
l'importance de Jean le Baptiste, la non prédication envers les Gentils, ou
encore l'absence de la formule dite trinitaire de Mt 28:19-20. Le texte
présente quelques correspondances avec l'évangile de Jean, le codex
Sinaïticus, ou l'évangile de Thomas. Jésus n'est identifié au Christ qu'à
partir du seizième chapitre. Mais ce qui fait l'intérêt de ce texte hébreu de
Matthieu, c'est qu'il emploie une expression qui désigne explicitement le
nom divin. Lors des citations de l'A T, le texte présente 'i1 (abréviation de
haShèm, OtVi1),et une fois otVi1en entier (28:9). Ces expressions signifient
toutes deux « Le Nom », et sont un euphémisme superstitieux de i1,i1'.Peut-
on penser que Shem Tob traduisait depuis le grec ou le latin? Le polémiste
juif aurait-il inséré ce Nom depuis un manuscrit qui ne le contenait pas?
George Howard répond: « La présence du nom divin dans un document
chrétien cité par un polémiste juif est un fait remarquable. S'il s'agissait
d'une traduction hébraïque d'un document chrétien grec ou latin, on
s'attendrait à y trouver Adonaï, et non un symbole du nom divin ineffable
YHWH. (oo.) Il serait incompréhensible de sa part d'avoir ajouté le nom
ineffable. Tout porte à croire que Shem Tob a reçu son exemplaire de
Matthieu contenant déjà le Nom divin et qu'il a probablement conservé
celui-ci plutôt que de courir le risque de se rendre coupable de l'ôter. »96
Ainsi, même le polémiste anti-chrétien qu'était Shem Tob prouve non
seulement que l'évangile de Matthieu a bien été écrit en hébreu, mais encore
qu'il contenait logiquement le nom divin sous la forme du tétragramme à
l'emplacement des citations et allusions de l' AT.

Du Tillet
En 1553, un évêque de Brieux nommé Jean du Tillet se trouvait à Rome,
et, dans des circonstances demeurées mystérieuses, obtint par confiscation

97
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

un manuscrit médiéval contenant le texte de l'évangile de Matthieu en


hébreu, de provenance juive97. Ce texte, déposé à la Bibliothèque nationale
de France, où il est resté jusqu'à ce jour (mss héb. 132), a lui aussi la
particularité de faire une référence précise au tétragramme, cette fois-ci sous
la forme d'un triple yod "', partiellement encerclé. Ici encore, une étude
menée par George Howard montre qu'il ne s'agit pas d'une traduction
depuis le latin ou le grec98,mais le résultat tardif de révisions et corruptions
apportées au texte hébreu dont se servit Shem Tob. Le texte de du TiBet
contient le nom divin dans:

- les citations de l'AT: Mt 4:4, 7, 10; 5:33; 21 :9, 42; 22:37, 44

\,);1
"%.
TEXTE HEBREUDEMT. 4:4-7 D'APRES Du TILLET
Jésus prononce le nom divin à trois reprises (lignes 2, 7 et Il)

- les introductions des citations de l' AT : 1:22 et 2: 15


-les expressions 'l'ange de Jéhovah' : 1:24; 2:13, 19; 28:2

-'''ll'r}::,..y,{f]'7 ~..~",J»-r.f~7 ~,.u


I.,
J
...",~1l1.i-'t'
.I.;,J...
..'F1? .~I"JJ ..£11i.l.1Jo<~~ilJ~'.....
..b' ..1 ... ~".'",e2J

'-"1.V-::... ..:)'t

p ..~~. ~
.J..o
.. ~,"
..

rJ ':.
<.
.
.." ", .
..J. .,~)"~
..
".'
:..'~~: ,,;...~...:~'i'~. '(f~,...ft'...':~
..J!J..':~:~
''''. .
""'...
.l.
.~ :.:r}.;...

.,.,)
,
.

. .
:J 1':..1.:.

~
" ...

'!J' .~~..
: .. '.H
. .'.

...
'J..I:'j.'"
...~...
.
~
..
,
'
7 HJ ~ >.
~ .. Dl ~ ::
. ...~ ...:
<.
.
... >,
.3
:
.
.
.
~~..,.~~'?rf'J'-,.J'>~ .(Jt~...:'»~J~l4»
, ,. ,
. .
,

. . . ... . . . .. . .. .. .. . . . . .. . . . . .
.
.
.
.
.
. . . .

.~'
.,»i.' tb;'J ~S
in~J" .'LIU.., ...~!F"1 ~?;Y
.
TEXTE HEBREU DE MT. 2:13-14 D'APRES Du TILLET
Ligne 21 : lN'r.3,« l'ange de Jéhovah»

98
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Münster
En 1537, Sébastien Münster (1489-1552) édita un texte hébreu de
l'évangile de Matthieu99qu'il disait avoir obtenu de la communauté juive.
Malheureusement, il avait reçu ce texte dans un état très lacunaire, et se
chargea lui-même de combler les blancs sans prendre la peine d'indiquer en
quels endroits il le faisait. Il est donc difficile, aujourd'hui, de dissocier les
deux strates. N'ayant pas non plus pris les mesures nécessaires pour
conserver sa source, celle-ci est totalement perdue. L'analyse du texte révèle
sa grande proximité avec celui de du TiBet; tous deux proviendraient d'un
même original en hébreu.

Le Livre de Nestor le prêtre idolâtre


Gérard Gertoux attire l'attention sur un autre évangile de Matthieu
conservé en hébreu, et qui ne proviendrait pas d'une traduction depuis le
grec: le Sepher Nestor Hakomer, daté entre les VIe et IXe siècles. Là encore,
le texte préservé indique l'emploi du nom divin à ses emplacements les plus
logiques, toujours sous la forme de l'euphémisme 'i1. Sont également dans
ce cas trois autres ouvrages médiévaux: Milhamot Hashem (Jacob ben
Reuben, 1170), Sepher Joseph Hamekane (rabbi Joseph ben Nathan, XIIIe s.)
et Nizzahon Vetus (fin du XIIIe s.).

Conclusion sur le Nom dans l'évangile de Matthieu

Il est indéniable que cet évangile est parsemé d'indices probants


concernant l'emploi du nom divin par les premiers chrétiens. Le fond en est
totalement sémitique. La forme, parfois atténuée, conserve nettement
l'empreinte du Nom. On pourra donc retenir de l'évangile matthéen
l'analyse de Béda Rigaux : « L'humus du premier évangile est sémitique,
vétéro-testamentaire et palestinienloo.»

Jean, surnommé Marc

Le deuxième évangile est celui de Marc. En fait, Marc est un surnom


d'origine latine, car l'évangéliste s'appelle en réalité d'un nom juif: Jean
{Yehochanân, hébr. pour' Jéhovah a fait grâce'), lOI et il l'est
probablementl02, même si on pense que son évangile est adressé
principalement aux Gentils103.Il a été un compagnon de travail à la fois de
Paul, Barnabas, et surtout Pierrel04.Mais ce n'est pas un témoin oculaire.
Eusèbe nous en donne le témoignage suivant:

Marc, devenu l'interprète de Pierre, rédigea avec soin, mais non


dans l'ordre tous les souvenirs de Pierre concernant ce que le
Seigneur avait dit ou fait. En effet, Marc n'avait ni entendu, ni suivi
le Seigneur. Plus tard, je l'ai dit, il accompagna Pierre, qui

99
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

enseignait suivant les besoins du moment, et non pas dans le dessein


de rapporter systématiquement les discours du Seigneur. En écrivant
ces souvenirs, Marc ne commit pas d'erreur, car il visa à ne rien
omettre de ce qu'il avait entendu et à ne rien affirmer qui ne fût
vrai. - HE III, 39, 15

Ainsi, Marc n'a pas côtoyé Jésus durant l'essentiel de son ministère (peut-
être fut-il, sur la dernière heure, ce disciple qui s'enfuit nu lors de
l'arrestation de Jésus), mais il a très bien connu Pierre qu'il a longuement
assisté. Son évangile consiste donc en la mise par écrit, en quelque sorte, des
souvenirs de Pierre. Mais Marc n'a pas pour seule source ce témoignage-là.
C'est ce qu'explique l'introduction de l'évangile de Marc dans la Bible des
peuples (Le Sarment, 2000 : 1247) : « Assez tôt sans doute on l'avait écrite
[la catéchèse de l'Église] en hébreu pour l'usage de l'Église de Jérusalem de
langue araméenne (la langue de Jésus), et ensuite en grec pour la
communauté des hellénistes (...). Selon toute probabilité Marc a suivi le plus
important de ces documents, dont il a dû avoir en mains deux versions assez
proches: les traditions anciennes disent qu'il y a inséré bien des détails
concrets qu'il avait retenus de la prédication de Pierre, et l'examen de son
texte le confirme. » Il nous semble donc raisonnable de penser que Marc
également était très profondément influencé par la langue hébraïque de
l'Ancien Testamene05, et qu'il lui était impossible de ne pas connaître le
tétragramme.
Ce tétragramme paraît sous sa plume au troisième verset de son premier
chapitrelo6. Dans la Bible annotée par E.W. Bullinger, The Companion Bible,
ce verset se lit ainsi: « 3 The voice of one crying in the wilderness, 'Prepare
ye the way of the LORD, make His paths straight' ». En parallèle, une note
indique: « 3 the LORD Ap.98. VI. i.a.l.A.a »
Cet appendice 98, 'Divine Names and Titles in New Testament', fait
preuved'une certainehardiesseen ce sens qu'il soutientque KUpLOÇ dans le
NT, et dans les Évangiles spécialement, peut désigner Jéhovah, c'est-à-dire
le tétragramme de l'AT. Et cela en deux circonstances (qu'il sous-classe en
deux catégories: avec et sans article) : 1) dans des citations de l' AT (33 fois)
2) dans des allusions à l' AT (38 fois).

E.W. BULLINGER, MT 3:3 DANS THE COMPANION BIBLE

100
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Dans son chapitre 5, verset 19, Marc fait cette fois-ci une allusion
évidente au nom divin: « Il [Jésus] ne le lui permit pas, mais il lui dit: 'Va
dans ta maison, auprès des tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur a fait
pour toi, et comment il a eu pitié de toi.' » Deux raisons au moins nous
permettent de le penser.
La première provient du passage parallèle à celui-ci, contenu en Luc
8:39 [c'est Jésus qui parle] : « 'Retourne dans ta maison, et fais le récit de
tout ce que Dieu a fait pour toi.' Et il s'en alla et publia par toute la ville tout
ce que Jésus avait fait pour lui.» On constate que les deux récits ne
rapportent pas les paroles dans les mêmes termes, sans toutefois se
contredire. En fait, la différence majeure porte sur un terme. Tandis que
Marc fait dire KUpLOc;; à Jésus, Luc lui fait dire 8EOc;;. Dans les deux cas
néanmoins, on comprend que Jésus invite à rendre gloire à Jéhovah Dieu, et
c'est justement la variante, la fluctuation autour du terme à employer qui
nous en donne l'assurance. Dans l'esprit de Luc comme de Marc, KUpLOc;; et
8EOc;;
dans la bouche de Jésus ne peuvent désigner que Dieu, Jéhovah.
Or, si le tétragramme figurait à cet endroit, et si, comme nous le
pensons, il a été substitué, cette variation s'explique le plus aisément du
monde: Dieu (8EOc;;) ou Seigneur (KUpLOc;;) sont les seuls équivalents proches
du tétragramme i1,i1\ et, dans l'esprit du traducteur, n'avaient guère de
différence. D'ailleurs, comme le chapitre suivant va le mettre en lumière, ce
n'est que dans un contexte d'extrême confusion sur la distinction entre ces
deux mots concernant le Seigneur Jéhovah et le Seigneur Jésus que se sont
faites les copies dépourvues du tétragramme, et qui sont la base du texte du
NT aujourd'hui.

Mc 5: 19 DANS LE CODEX SINAÏTICUS


Le nom divin est remplacé par l'abréviation KC

Ordinairement, Jésus n'encourage pas la publicité de ses miracles. S'il le


fait, c'est sans doute pour attirer l'attention sur le fait que' Jéhovah sauve'
(Yeshoua'). Tout cela est clair pour quiconque garde présent à l'esprit
l'arrière-plan sémitique de l'évangile de Marcl07.Et si nous nous souvenons
que Jésus cite très souvent les Écritures hébraïques, cela nous conduit

101
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

naturellement à la seconde raison permettant de soutenir que Marc 5: 19 se


lisait avec le nom divin: Jésus fait usage d'une expression qui rappelle
explicitement Ex 18:8 et surtout 33:19. Deux versets du NT apparentés à
Marc 5: 19 le confirment:

Marc 5:19 [lecture possible]


Il [Jésus] ne le lui permit pas, mais il lui dit: 'Va dans ta maison, auprès des
tiens, et raconte-leur tout ce que Jéhovah a fait pour toi, et comment il a eu
pitié de toi. [llÀE1l0EVOE]

Romains 9:151 Exode 33:19


Car il dit à Moïse: 'Je ferai miséricorde à qui je veux faire miséricorde, et
108
j'aurai compassion de qui je veux avoir compassion.'

Jéhovah répondit: 'Je ferai passer devant toi toute ma bonté, et je


prononcerai devant toi le nom de Jéhovah: car je fais grâce à qui je fais
grâce, et miséricorde à qui je fais miséricorde.' Exode 33:19

Éphésiens 2:4 1Exode 33:19


(Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, par sa grande charité de laquelle il
nous a aimés;)

Moïse raconta à son beau-père tout ce que Jéhovah avait fait à Pharaon et à
l'Egypte à cause d'Israël, toutes les souffrances qui leur étaient survenues en
chemin, et comment Jéhovah les en avait délivrés. - Exode 18:8

Pour comprendre ces rapprochements, considérons le contexte de Marc 5.

Le verset 1 explique que Jésus rejoint le pays des Géraséniens, et les


versets 17, 18 et 21 montrent qu'il n'y reste pas longtemps. Marc
5:7-9 attire notre attention sur l'importance des noms: les démons,
reconnaissant Jésus, l'interpellent par son nom (au travers de la
personne qu'ils possèdent), et reconnaissent en lui le 'Fils du Dieu
Très-Haut', tout en lui demandant de jurer 'par Dieu' [et 'non par
Jéhovah' comme le recommande Deutéronome 6:13] en ayant soin
de ne point prononcer ni faire allusion au Nom Glorieux.
Le verset 18 rapporte l'enthousiasme de l'ancien possédé109: il veut
désormais accompagner Jésus. Mais Jésus, contrairement à son
habitude, refuse de faire de lui un de ses disciples, un de ses
suivants. Pourquoi?
Le verset 20 nous en fournit l'explication: « Il s'en alla et se mit à
publier dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui, et tous
étaient dans l'admiration.» [décapole signifie littéralement dix
villes] Jésus connaissait les limites à assigner à son ministère. Il
allait envoyer les apôtres, et des disciples. Le miracle qu'il venait

102
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

d'accomplir dans une région où il ne reviendrait plus constituait une


opportunité pour envoyer cet homme - au cœur maintenant touché
par la miséricorde de Jéhovah en sa faveur - prêcher une bonne
nouvelle de consolation pour le peuple opprimé.

Marc 11:911 Psaume 118:25, 26

Kat oi. 1TpOa.YOVtEÇKat oi. &KoÀou80ÛVtEÇ EKpa' OV. waavva..


EÙÀOYll~Évoç 0 ÈPX6~EVOÇ Èv 6v6~atL KUpLOU.
Ceux qui vont devant et ceux qui suivent crient: Hosha'na - Sauve donc!
- Béni qui vient au nom de IH'VH- Chouraqui
:iT'iT~C~f ~ilij li,il N~-1i~;iT- HNT

Outre le terme hébreu hosanna (~~ .11~;iT), qui est une exclamation
traditionnelle pour qui en appelle à être sauvé,110 une référence évidente au
Psaume 118 :26 est faite ici.

Marc 12:1111 Psaume 118:22,23

1Tapèt KUPLOU ÈyÉVEtO aütll Kat EatLV 8au~aat~ Èv 6Q>8aÀ~o1ç ~~wv;


Cela est de IîivH c'est merveille à nos yeux. - Chouraqui
Marc 12:3611 Psaume 110:1 (parallèle à Mt 22:44, cf. supra)

Marc 13:20 Ilallusion à Is 1:9 (?)

Kat EL ~~ ÈKoÀ6~waEv KUpLOÇtètç ~~Épaç, OÙK a'v Èaw81l 1Tâaa aa.pç.


&ÀÀèt ÔLèt toùç ÈKÀEKtOÙÇ01.)ç ÈçEÀÉçato ÈKoÀ6~waEv tètç ~~Épaç.
Si I~H n'abrégeait ces jours, nulle chair ne serait sauvée.
Mais, à cause des élus qu'il a élus, il abrégera ces jours.

Luc, le « médecin bien aimé»

Luc ne fut pas témoin oculaire de la vie de Jésus (Luc 1:2), mais certains
passages des Actes indiquent qu'il accompagna Paul durant son second
voyage missionnaire. Certains vocables qu'il emploie et de nombreux détails
inédits qu'il mentionne montrent qu'il est sans aucun doute le 'médecin bien
aimé' dont il est question en Co 4:11,14 (Lc 4:38, Ac 28:8). Certains
estiment qu'il est Gentil, se fondant sur deux considérations dont fait part le
Dictionnaire des Éd. Emmaüs: « L'apôtre établit une distinction entre ses
compagnons sortis du judaïsme et Luc (Co 4.11; 14) qui était issu du
paganisme. Une tradition très ancienne et plaus[ible] le dit originaire
d'Antioche de Syrie. En tout cas, Luc connaît fort bien l'Église d'Antioche

103
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

et s'y intéresse particulièrement Ac 6.5; 11.19-27; 13.1-3; 14.26-28; 15.1-2,


22, 30-40; 18.22,23. » Mais ces arguments ne sont pas décisifslll.

Romains 3: 1,2 déclare en effet: TL Oûv tO 1TEpLOOOV


'toi.) '!ouôaLou 11'
tLÇ ~ wQ>ÉÂELa 'tilç 1TEPL't0J.1 ilç; 1TOÂù Kata 1TaV'ta tp01TOV. 1TpW'tOV J.1Èv [yap]
OtL È1TLO'tEU911oav
'tà ÂOYLa'toi.) 9EOi.).« Y a-t-il alors un avantage à être Juif
? La circoncision est-elle utile? L'avantage est grand, à tous égards. Et
d'abord, c'est aux Juifs que Dieu a confié ses promesses. » BFC
Les ÂOYLa, ce sont les paroles de Dieu, ses paroles révélées. Les écrits
inspirés de Dieu ont été confiés aux Juifs, car le « salut vient des Juifs»
(Jean 4:23). On peut donc penser que l'évangile de Luc, partie intégrante de
la Bible attestée depuis au moins le second siècle de notre ère (canon de
Muratori, Irénée, Clément d'Alexandrie.. .), a été écrit par un Juif. Il est
possible d'objecter que Luc s'adresse à un public instruit, car sa plume est
capable de manier élégamment la langue grecque de l'époque avec légèreté,
finesse et précision. Mais comme le rappellent les auteurs de la NBS, le
«troisième évangile n'est (...) pas une œuvre classique de littérature
hellénistique. Bien des expressions, tournures et constructions de phrase sont
de style sémitique. Elles semblent imiter la Septante (LXX), même là où
l'auteur ne cite pas directement l'Ancien Testament1l2.» Comparé aux autres
évangiles, certes, l'évangile de Luc est plus littéraire; néanmoins cela
n'empêche pas son auteur d'être profondément imprégné par la culture
biblique hébraïque. A-t-il donc rédigé son ouvrage en hébreu, ou en grec?
Carmignac répond ainsi: «Il a manifestement composé son Évangile en
grec, comme le prouve la belle période grecque qui constitue son prologue
(1,1-4). Et pourtant on remarque chez lui les sémitismes les plus inattendus,
parsemés au milieu de tournures d'un grec plus élégant. Pour expliquer tout
cela, l'hypothèse la plus normale est de supposer qu'il travaillait sur des
documents sémitiques, traduits très littéralement, qu'il insérait dans sa
propre rédaction, parfois en les retouchant et parfois en conservant leur
rugosité113.» Il suffit pour nous en convaincre d'examiner la tournure qu'il
donne à certains passages.

L'annonce de la naissance de Jean Baptiste114

L'action se situe en Judée, terme qui désigne le pays des Juifs (1 :5)
Zacharie et Élisabeth observent minutieusement la Torah (1 :6)
Ils descendent tous deux d'une famille de prêtres (1 :5)
Élisabeth, telle une matriarche, est stérile (1 :7)1l5
Ils sont tous les deux avancés en âge (1 :7)

En grec, Luc exprime cette dernière expression 'avancés en âge' par


l'expression '1TpO~E~11KO'tEÇÈv taLç ~IlÉpaLç aùtWv ~oav', c'est-à-dire 'ils
étaient avancés dans leurs jours', tournure spécifiquement sémitique, et qui
ne peut que nous rappeler ce passage:

104
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

c:~~~ C"~:J C"~i?\ 'i1,tb, cfr'~~,


Or Abraham et Sara étaient vieux, avancés en jours
Genèse 18:11a

»1I6
Les termes de l'ange sont « des expressions spécifiquement bibliques
(1:13-17, 19-21), citant ou faisant allusion à des passages des Écritures
hébraïques où figure le tétragramme.
Verset Référence
Mais l'ange lui dit: 'Ne crains point,
Zacharie, car ta prière a été exaucée: ta Jean: Jéhovah afait grâce
femme Elisabeth t'enfantera un fils que tu
appelleras Jean.

Et ce sera pour toi joie et allégresse, et


beaucoup se réjouiront de sa naissance; Gn 21:6, Pr 15:20,23:15,24

car il sera grand devant le Seigneur, IR 17:1,18:15

il ne boira ni vin ni rien qui enivre, Voeu du naziréeat comme Samson et


Samuel, cf Nb 6:3,4, Jg 13:4,7,14

et il sera rempli de l'Esprit-Saint dès le sein Jg 13 : 5; 16 :17; Jr 1:5; Is 49: 1,5


de sa mère; Ps 22:9, Jr 1:5

il ramènera beaucoup des enfants d'Israël au - Seigneur: citation de MI4:5-6, 2:6


SeigneurleurDieu; -Enfantsd'Israël: lesJuifs enpremierlieu
lui-même marchera devant lui, avec l'esprit
et la puissance d'Elie, Cf Ml3:23 [4:5J

pour ramener les coeurs des pères vers les


enfants et les indociles à la sagesse des Citation de M13:24 [4:6J
justes,

afin de préparer au Seigneur un peuple bien


disposé Allusion à Malachie 3: 1

Zacharie dit à l'ange: À quoi reconnaîtrai-je Allusion à Gn 15:8 :


cela? Car je suis vieux, et ma femme est iT~td,..~..~ .t7i~ iT~:!liTiiT""j'~ ,o~~,
d'un âge avancé. Luc 1:18 Ab.r~ répo~dit: 'Seign~u; Jého~ahfï7, ci
quoi connaîtrai-je que je le posséderai ?'
Ainsi, souligne Abécassis, Luc agit « comme s'il voulait inscrire la
naissance de Jésus comme celle de Jean au cœur du judaïsme et comme s'il
cherchait en même temps à faire du premier l'aboutissement de l'histoire
juive et de Jésus le commencement absolu d'une nouvelle histoire qui lui

105
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

succède1l8. » Nous ne doutons pas qu'en plaçant l'histoire du Christ au cœur


de la nation juive - et ceci en dépit du fait qu'il s'adressait à des Gentils -
Luc ne manqua pas d'user du symbole le plus fort et le plus distinctif de ce
peuple: le nom du Dieu d'Israël, Jéhovah. Maints autres passages peuvent
confirmer cette thèse, et parmi ceux-ci:

Luc 1:25
O't'L oü't'we; ~OL il'EiI'OLllKEV KUpLOe; Èv ~~ÉpaLe; ale; ÈiI'ELcSEV
clcpEÀELV OVELcSOe;~OU Èv clv8pwiI'OLe;.
Voilà ce que le Seigneur a fait pour moi, au temps où il a décidé
d'enlever ce qui était ma honte parmi les hommes.

C'est une référence à Genèse 30:23,24 :

'r$)~Q-n~ C'D"~ ~~~ '~Nr.,l 1~. i~Pl 'iJ,l:'l


'ry.~ 1~. ',~ i1/1it~~9; '~N~ ~9.;' ;~ ~-n~ Ns'i?f:11
Elle conçut et enfanta un fils, et elle dit: 'Dieu a ôté mon opprobre.'
Et elle le nomma Joseph, en disant:
'Que Jéhovah m'ajoute encore un autre fils !'

C'est sans doute la raison pour laquelle certains NT traduits en hébreu


emploient le tétragramme (ici HNT) :

:Cl~-'~~ '~'~7 'l}$)lQ-n~ ~9~1 '~1P~ ,~~ C'~~~ it,it' ,,, ittDl"it~~

Luc 1:32 Il Isaïe 9:7

Où't'Oe; Ëo't'aL ~Éyae; Kat ui.àe; lnVLo't'ou KÀ1l8~OE't'aL


Kat cSWOEL aÙ't'4> KUpLOC; à 8Eàe; 't'àv 8povov àauLcS 't'oû il'a't'pàc; aù't'oû,
et fils du très-haut il sera appelé
et il lui donnera yhwh dieu le trône de dawid son père - Tresmontant

Luc 13:35 [19:38] Il Psaume 118:26a


lôoù cl<t>LE't'aL ÙJ.LLVà OIKOe; ùJ.Lwv. ÀÉyw [cSÈ] Ù~LV, où ~~ '(Ôll't'É ~E Ëwe; [~ÇEL
O't'E] ÉLil'll't'E. EÙÀOYllJ.LÉvoe; à ÈPXO~EVOe; Èv 6vo~a't'L KUpLOU.
Voici, votre maison vous est abandonnée; et je vous dis, que vous ne me
verrez point jusqu'à ce qu'il arrive que vous disiez:
Béni soit celui qui vient au nom du *Seigneur ! - Darby

Tout comme Chouraqui et Tresmontant, Darby indique à ses lecteurs lequel


des Seigneurs est mentionné: « Dans le Nouveau Testament, l'astérisque *
placé devant le mot' Seigneur', distingue les cas où ce nom correspond à
'l'Éternel' (Jéhovah) de l'Ancien Testament119. »

106
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Luc 20:42 Il Mt 22:4411Ps 110:1 cf. supra.

Jean, «le disciple que Jésus aimait»

Jean, fils de Zébédée et de Salomé, frère de l'apôtre Jacques120 et de


Pierre, est le rédacteur de l'évangile qui porte son nom. Il fut d'abord le
disciple de Jean Baptiste (Jn 1:35-40), avant de devenir avec ses deux frères
l'un des disciples privilégiés de JéSUSI21.Par la suite Jésus le choisit comme
apôtre (Mt 10:2). Son évangile n'est pas synoptique, car son but n'est pas de
transmettre au fidèle le récit historique (ou théologique diraient certains) de
la vie de Jésus dans tous ses détails (Jn 21 :25), mais plutôt le sens profond
de son ministère. C'est pourquoi Eusèbe, citant Clément d'Alexandrie,
qualifie son évangile d' « évangile spirituel» (HE VI,14,6). Pourtant, Jean
n'avait pas reçu d'instruction particulière (Ac 4: 13), et il était pêcheur de
métier (Mc 1:19). Même si son tempérament, comme celui de Pierre, fut très
impétueux au début (Mc 3: 17, Lc 9:49), c'est à lui que Jésus confia sa mère
lors de sa Passion (Jn 19:26,27).
Si son évangile est primitivement destiné à des congrégations extérieures
à la Palestine, on peut cependant déduire assez facilement qu'il est lui-même
un Juif originaire de Bethsaïda. En effet, les coutumes juives ne lui sont
aucunement étrangères (Jn 1:21 ; 6: 14 ; 7:40 ; 12:34), et il semble connaître
parfaitement Bethsaïda (Jn 1:28, 10:22,23, Il: 18, 19:41 )122.En outre, divers
indices montrent qu'il possédait, et utilisait comme source, une version
hébraïque du texte matthéen semblable à celui de Shem Tob, où paraissait le
123.
tétragramme
Enfant d'Israël, proche de Jésus et apprécié de lui, apôtre et
missionnaire, il nous paraît inconcevable que Jean n'ait pas employé le nom
de Jéhovah. Un examen attentif de son évangile permet d'ailleurs de
discerner son profond différend - à ne pas assimiler, cependant, à de
l'antijudaïsme - vis-à-vis dujudaïsme pharisien, qu'il accuse par exemple de
blasphème (Jn 10:33,36). Qu'aurait-il bien pu faire de leur superstition?
Des évangélistes, Jean est néanmoins celui qui emploie le moins le nom
divin (Jn 1:23, 12:13, 38). Il Ya quatre versets seulement où le Nom figurait
sans doute. Ce n'est pas étonnant dans la mesure où l'apôtre écrit
tardivement, tandis que le nom de Jésus a bel et bien pris une place très
importante parmi les chrétiens, même d'origine juive. Gérard Gertoux
l'explique en ces termes: «Ce problème [l'emploi du Nom dans les
conversations courantes] toucha aussi les premiers chrétiens (d'origine
juive), car ceux-ci étaient considérés par les Juifs comme des apostats (Dt
13:10) et donc aussi comme des blasphémateurs méritant la mort (Ac 26:10).
Ainsi, un supposé blasphémateur signait son arrêt de mort s'il prononçait le
Nom; c'est par exemple ce qui arriva à Étienne (Ac 6:11 ; 7:33,58). On peut
facilement comprendre que dans un tel contexte les premiers chrétiens
usèrent de prudence en milieu juif, car ils risquaient maintenant leur vie s'ils

107
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

utilisaient le Nom124. » Et de poursuivre en expliquant que, hors de Judée, la


situation n'était pas plus favorable, car la fameuse lex superstitio illicita
interdisait l'introduction de nouvelles divinités - cette même loi, inflexible,
avait provoqué la condamnation de Socrate à la cigüe. Il conclut ainsi:
« Pour résumer, les chrétiens, sauf à exposer leur vie, ne cherchèrent pas à
propager le Nom. De plus, pour eux, la connaissance du nom de Jésus était
devenue un élément primordial (Mt 12:21 ; Jn 16:24; 20:31 ; Ac 4:17-18;
9:15 ; Ro 1:5 ; 1Jn 5:13) et même les exorcistes pouvaient constater que le
nom de Jésus était puissant (Mc 9:38; Mt 7:22).» Selon Gertoux
néanmoins, comme l'a suggéré G. Howardl2S, les premiers chrétiens
continuèrent d'écrire le nom Jéhovah dans leurs récits au moins jusqu'à la
mort de Jean, survenue en 100 de notre ère environ.
Préalablement à l'examen de quelques versets, mentionnons cette pensée
d'André Chouraqui, qui permet d'esquisser le personnage et la culture de
Jean: «Le génie de Jean consiste justement à employer le grec pour
exprimer le mystère d'une vision hébraïque. Il y réussit en créant une langue
nouvelle, sorte d'hébreu-grec où le ciel hébraïque se reflète dans son miroir
hellénique. C'est l'œuvre d'un fils d'Israël versé dans les lettres hébraïques
aussi bien qu'araméennes et qui n'entend rien cacher de ses racines au profit
de je ne sais quel conformisme littéraire. Il lui suffit d'être lui-même; et cela
étant, il n'hésite pas devant l'emploi de paratextes, d'inclusions, de
chiasmes, de parallélismes, caractéristiques de l'expression hébraïque. Il
reproduit dans son texte des mots hébreux ou araméens, accompagnés de
leur traduction. Il accumule les sémitismes par le redoublement des verbes. Il
donne à certains verbes grecs le sens que leur équivalent a en hébreu;
« voir» veut dire ainsi « éprouver» ou «jouir» ; « répondre» a le sens du
verbe' ana, qui signifie en hébreu « prendre la parole» ; à son entrée et à sa
sortie est la forme concrète que l'Hébreu emploie pour signifier le
mouvement de l'homme, ses allées et venues. Jean donne au verbe peripateïn
le sens de halakh, aller, «marcher», le mot «main» garde pour lui ses
significations hébraïques de «puissance»; jeter au cœur signifie dans son
grec particulier « inspirer» 126.» Aussi ne serons-nous pas surpris devant les
références directes aux Écritures hébraïques dans l'Évangile de Jean:

Jean 1:23 Il Isaïe 40:3 (cité d'après la LXX)

i~"~~N~ i1\'91? i1;j'~!l \i'~~ it)i1; 1}~' i~~ ':!ll~~ N~;i' ~;(?
Une voix crie: Frayez dans le désert le chemin de Jéhovah,
aplanissez dans le steppe une route pour notre Dieu! - Isaïe 40: 3

Ëq)'rr EYW <l>wv~ powv-roc; EV -riJ Ep~~q>. Eù8uva-rE -r~v oôov KUPLOU, Ka8wc;
Et1TEV'Hoa"Lac; 0 1Tpo<l>~-rllc;.alors il a dit moi De suis] la voix qui crie dans le
désert préparez la route de yhwh comme le dit ieschaiahou le prophète -
Tresmontant

108
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Sur le rapprochement entre Jean 1:23 et Isaïe 40:3, Archer et


Chirichigno font remarquer: « In John 1:23 we find <jJwv~...Ep~~<¥as in the
Synoptics, but in the second line we find Eù8uva't'Et~V àôov KUPLOU (<<Make
straight the way/road of the Lord»), with àôov closer to iT~Q~ than 't'pL~OUe;
was. John seems to be quite dependent on the LXX in this second line,
although just as close to the MT as LXX is. (Ad )127.» On peut Ie dire
autrement: tandis que les autres évangiles synoptiques se réfèrent à Is 40:3
en employant le terme 't'pL~Oue;(sentiers) de la Septante, qui traduit mal iT~Q~
(grande route, voie), Jean est le seul à employer t~V oôov (la voie, le
chemin). Cela montre que le processus de la citation était critique, et que
l'original hébreu, toujours présent à l'esprit, pouvait tempérer la dépendance
à la Septante.

Ce passage est également cité en Mt 3:3, Mc 1:3 et Lc 3:4.

Jean 12:13b IlPsaume 118:26a

iTJiT~cWf ~:hiJ\ li):h


Béni soit celui qui vient au nom de Jéhovah!
Ps 118:26
(00) woavvcX. EÙÂOYll~Évoe; à EPx6~EVOe; EV 6v6~a't'L KUPLOU, [Kat] à ~aoLÂEùe;

't'oû 'Iopa~Â. «Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le
Roi d'Israël! » Jean 12:13b. Comme en Mt 21:9, Mc Il:9 et Lc 19:38128.

Jean 12:3811 Isaïe 53:1


iTn~~~"P-"~ ït1iT~~;!\i i)}}~\~~~ ,.,\~~V .,/~
Qui a cru ce que nous avons entendu,
et à qui le bras de Jéhovah a-t-il été révélé? - Is 53: 1

KUpLE 't'Le; E1TLO't'EUOEV KUPLOU 't'LVL à1TEKaÂu<jJ81l


't'iJ àKoiJ ~~wv Kat 0 ~paXLwv
LXX - Is 53:1

(Lva 0 Âoyoe; 'Hoa"Lou tOÛ 1TpO<jJ~tou 1TÂllPw8iJ OV EL1TEV' KUPLE, tLe; E1TLOtEUOEV

tiJ àKOiJ ~~Wv; Kat 0 ~paXLwv KUPLOUtLVL à1TEKaÂu<jJ81l;Afin que fût


accompli l'oracle du prophète Isaïe, disant: « Seigneur, qui a cru à notre
parole? Et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé? » - Jean 12:38

Même s'il est évident que Jean cite Isaïe d'après la Septante, nous y
rencontrons néanmoins deux occurrences du terme KUpLOe; qui font
clairement échos au nom divin ït1iT~.Il nous faut maintenant rappeler que,
même si Jean emploie moins fréquemment le nom divin dans des références
à l'Ancien Testament, il est néanmoins celui qui rapporte le plus les paroles
de Jésus concernant ce nom et l'importance de ce Nom:

109
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas;


qu'un autre vienne en son propre nom, et vous le recevrez
Jésus leur répondit: Je vous l'ai dit, et vous ne me croyez pas: les
œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi

Père, glorifie ton nom! Et une voix vint du ciel: Je l'ai glorifié, et
je le glorifierai encore.

J'ai fait connaître ton nom aux hommes que tu m'as donnés du
milieu du monde (..)

Je ne suis plus dans le monde, et ils sont dans le monde, et je vais à


toi. Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés, afin
qu'ils soient un comme nous. Lorsque j'étais avec eux dans le
monde, je les gardais en ton nom. J'ai gardé ceux que tu m'as
donnés, et aucun d'eux ne s'est perdu, sinon le fils de perdition,
afin que l'Écriture fût accomplie.
Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin
que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et que je sois en eux.
Celui qui vaincra, je ferai de lui une colonne dans le temple de
mon Dieu, et il n'en sortira plus; j'écrirai sur lui le nom de mon
Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem
qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu, et mon nom nouveau.

Je regardai, et voici, l'agneau se tenait sur la montagne de Sion, et


avec lui cent quarante -quatre mille personnes, qui avaient son nom
et le nom de son Père écrits sur leurs fronts.
Qui ne craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom? Car seul tu
es saint. Et toutes les nations viendront, et se prosterneront devant
toi, parce que tes jugements ont été manifestés.

(. . .) et verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts.

Indéniablement, le Nom, si ce n'est en paroles explicites, du moins en


pensée, est omniprésent dans l'esprit de Jean, qui rapporte ce qu'il a vu et
entendu. Enfin, une expression caractéristique rencontrée sous la plume de
Jean permet d'établir avec certitude la présence du nom divin dans le
Nouveau Testament. Car le nom divin paraît bel et bien dans la Nouvelle
Alliance. Il est simplement présent sous une forme courte. Il s'agit du terme
iT"(transcrit Yah ou Jah), et qui est un des noms de Jéhovah. Ce terme se
trouve dans une expression hébraïque signifiant 'Louez Jah !' :

Met'à -raû-ra ~Kouaa WC;<pwv~v f.1EyaÂl1v0XÂou 1TOÂÂOÛ


Èv -r4> oùpav4>
ÂEyoV-rWV. eXÂÂl1Âoula. ~ aw-rl1PLa Kat ~ cSoça Kat ~ cSUVaf.1LC;-rOÛ 8EOÛ ~f.1WV,
Après ces choses, j'ouïs comme une grande voix d'une foule nombreuse
dans le ciel, disant: Alléluia! Le salut et la gloire et la puissance de notre
Dieu! (Darby) - Révélation 19:1
Alléluia, en français, est une transcription du grec eXÂÂl1Âoula qui est lui-
même une exacte transcription de l'hébreu rl~i~~ij. Ce mot figure 23 fois

110
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

dans les Écritures, uniquement dans les Psaumes. En grec, il n'apparaît que
dans la Révélation. On le rencontre aussi en grec dans des écrits apocryphes
(Tobie 13:18 et 3 Maccabées 7:13). Le verbe primitif est ""i1 conjugué au
piel, impératif 2e pers. pl., et dont le sens ici est 'louer, célébrer, glorifier'.
Comme on l'aura remarqué, àÂÂl1ÂoULa. n'est pas un mot grec, mais un
emprunt. Or, d'habitude, les évangélistes accompagnent la citation d'un mot
hébreu par sa traduction (Mt 27:33, 46, Mc 5:41, 15:32, 34), tandis qu'ici, le
sens du terme paraît si évident aux yeux de son rédacteur qu'il ne ressent pas
le besoin de le traduire. On peut d'ailleurs opposer cette attitude à celle de
Jean Chrysostome qui, citant ce terme, le traduit à ses lecteurs (ALVOV 'tw
9EWIa.w- ln Psalmos 101-107, vol. 55, 653, 62 ; cf. supra). Dans le chapitre
19 de la Révélation, nous avons donc, à quatre reprises (19:1, 3, 4, 6), un des
noms de Jéhovah dans le terme àÂÂl1Âoula.(Hallelou-Yah). Le Nom n'a donc
pas totalement disparu.
Aussi est-il inexact de prétendre que le nom divin a complètement
disparu du NT. En hébreu, i1' n'est pas une contraction, ni une abréviation
du Nom, mais un nom à part entière. Il faisait d'ailleurs l'objet du même
respect que celui dû à la forme entière i1,i1', car on avait spécialement adapté
le système de numération pour ne pas en faire un usage profane129.

Conclusion sur le Nom dans les Évangiles

Les Évangélistes ont fait un bon usage du Nom, mais pas excessif. Ils
n'eurent pas à son endroit un respect superstitieux, mais, étant de souche
juive, ils ne l'abordèrent que dans son milieu naturel: les Écritures
hébraïques. On peut émettre l'hypothèse que cet emploi ne fut effectif que
dans des citations directes, des actes liturgiques, des serments, ou encore des
prières personnelles. Tout autre emploi leur eût été nuisible. Mais il n'est
besoin de couper un cheveu en quatre. Le Nom paraît sous une forme
impérieuse: « Louez Jéhovah! » proclame le 1gechapitre de la Révélation.
Cette formule ne peut que rappeler les paroles de ce psaume:

i1,i1'
IT :
CtD-n~
,.. i""ï1
: - I
':
Louez le nom de Jéhovah!
Psaume II3:Ib

111
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Les autres rédacteurs

Hormis Matthieu, Marc, Luc et Jean, voici les autres rédacteurs (réels ou
supposés, tel n'est pas notre débat) du Nouveau Testament:

Paul, qui a écrit: Romains, 1 & 2 Corinthiens, Galates, Éphésiens,


Philippiens, Colossiens, 1 & 2 Thessaloniciens, 1 & 2 Timothée,
Tite, Philémon et Hébreux

... et pour les épîtres:


Pierre
Jacques, le frère de Jésus
Jude

À partir des Actes d'Apôtres, ce n'est plus le récit de la vie de Jésus dont
traite le Nouveau Testament, mais de l'expansion de la foi chrétienne dans le
milieu Gentil, et de son organisation. Le contexte est donc différent. Se
prête-t-il à l'obéissance d'une superstition?

Paul

Son véritable nom était l'hébreu Saul (~i~ti;). Né à Tarse en Cilicie (Ac
21:39), Paul appartenait à la tribu de Benjamin (Ph 3:5), et reçut à Jérusalem
une instruction dans la stricte observance de la Loi - son père était pharisien
(Ac 23:6). Membre du Sanhédrin à une certaine époque (Ac 26:10), il
participa à la persécution des chrétiens (Ac 7:58, 8:1, 9:1, 26:10). Il fut
miraculeusement converti sur le chemin de Damas (Ac 26:13), et effectua
trois voyages missionnaires (Ac 13-14; 15-18; 18-21), au printemps des
années 45 ou 47, 49 et 52 de notre ère. Il vécut notamment sous les
principats de Claude, Caligula, et Néron, et mourut en martyr en 67, à Rome,
probablement sur ordre de Néron. Will Durant nous dit de lui: « Malgré son
initiation à l'hellénisme, Paul restera toujours juif d'esprit et de caractère; il
n'émettra aucun doute sur l'inspiration de la torah, et il maintiendra
fièrement l'élection divine des Juifs comme instrument de salut de
130.»
l' homme
Le témoignage qu'il donne ne manque pas de ferveur. S'adressant aux
Romains, il leur démontre les doctrines à l'aide d'une patience et d'une
passion qui ne s'appuient que sur les Écritures, qu'il cite, et avec elles le
nom divin:

1;( yèxp
~ ypa<p~ ÂÉYEL;( ...) ~CtKcXpLOC;à.v~p où où ~ ~ ÂOYLOT}1;CtL
KUpLOC;
à~Ctp1;LCtV.
En effet, que dit l'Écriture? (...) Heureux l'homme à qui le
Seigneur n'impute pas son péché. - Romains 4:3a, 8

112
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

...passage qui se réfère au Psaume 32:2a:


i1~~'l irp'f 1'\~1 1111\i~ i1~i1~:ltbr:t~N? t:ri~ '}~~
~aKcXpLOC;&v~p où où ~~ ÂOYLOlltaL KUpLOC;à~ap-rLav. - LXX, Ps 3 1 :2a
Heureux l'homme à qui Jéhovah n'impute pas l'iniquité - Crampon
Dans le passage que nous considérons, Paul cite mot pour mot la LXX,
où nous savons que le nom divin figurait en lettres hébraïques. Comment
aurait-il pu ignorer le nom divin, lui qui se targuait de faire partie de la
nation d'Israël:

Sont-ils Hébreux? Moi aussi, je le suis. Sont-ils Israélites? Moi aussi.


Sont-ils de la postérité d'Abraham? Moi aussi. - 2 Corinthiens Il :22

... et continuait de parler hébreu lorsque l'occasion s'y prêtait: « Avec sa


permission, Paul, debout sur les degrés, fit signe de la main au peuple. Un
profond silence se fit et il leur adressa la parole en langue hébraïque.»
(Actes 21:40) Sur le chemin de Damas, il fut d'ailleurs converti par une voix
qui s'adressait à lui en hébreu (Ac 26:14). Il ne pouvait donc que connaître,
et employer, le nom divin hébreu.

Romains 9:29 Il Isaïe 1:9

NT : Kat KaeWC;'ITpOELPllKEV 'Hoa"Lac;' Et ~~ KUpLOC; oa~awe ÈYKa-rÉÂL


'ITEV~~LV
O'ITÉp~a, WC;~6ôo~a a'v ÈYEV~ell~EVKaL WC;r6~oppa a'v W~OL(Jell~EV.Et,
comme Ésaïe l'avait dit auparavant: Si le Seigneur des armées Ne nous eût
laissé une postérité, Nous serions devenus comme Sodome, Nous aurions été
semblables à Gomorrhe.

LXX : Kat Et ~~ KUpLOC; oa~awe ÈYKatÉÂL'ITEV


~~LV o'ITÉp~a WC;~oôo~a a'v
ÈYEV~ell~EVKat WC;ro~oppa a'v W~OL(Jell~EV

TM : ~~C;,'nii1 ni~:)~ i1,i1' \,,,~,,


~~,~, i1'b~" ~~~~;1 C.,O~ :~11~;~:,~',~
I. \ -: - . J :. 1\:' \.
Si Jéhovah des armées ne nous eût pas laissé un faible reste,
nous serions comme Sodome, nous ressemblerions à Gomorrhe. - Crampon

Une fois encore, il est aisé de constater que le NT et la LXX sont en


remarquable concordance. Mais le NT est aussi en accord avec le texte TM.
Par ailleurs l'expression KUpLOC; oa~awe,qui est un sémitisme, renvoie à l'un
des titres de Dieu, et fonctionne comme un nom propre. Le terme oa~awe
(sabaôth) est une translittération de l'hébreu ni~:)~ (Tseba 'ot), qui désigne
'les armées'. Associé au nom propre i1~i1~, ou KUpLOC; en grec, l'expression
signifie: 'Jéhovah des armées'. Cette expression figure 235 fois dans les
Écritures hébraïques. Elle désigne un Dieu Souverain qui est puissant et

113
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

agissant, une entité réelle et qui se manifeste. Elle n'est comprise qu'avec sa
couleur sémitique, car le terme OCl~ClW8 n'existe pas en grec classique. C'est
un emprunt, qui ne paraît d'ailleurs que deux fois dans tout le Nouveau
Testament (ici et en Jacques 5:4).
On en déduit que Paul avait bien présent à l'esprit l'original hébreu
niN:J¥ i!,~i1~lorsqu'il cita le prophète Isaïe. Or, Jéhovah a de nombreux
noms dans la Bible, dont aucun ne sont dissociables de sa personne:
Jéhovah-Dieu, Jéhovah-Jiré ('Jéhovah pourvoira'), Jéhovah-Nissi ('ma
Bannière'), Jéhovah-Rapha ('Qui guérit'), Jéhovah-Schalom ('Paix'),
Jéhovah-Ra'ah ('Berger'), Jéhovah-Tsidkenu ('notre justice'), EI-Shaddaï
('Dieu Tout-puissant), etc. ...

Romains 10:13 IlJoë12:32 [3:5]

1Téiç yàp oç Cl'V E1TLKClÂÉorrr:ClL 1:'0 OVOJ.LCl KUPLOU OW8~OE1:'ClL.

Car « quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. »

~A~~: i1~i1~cWf ~/'r:-'W~ ~~ i1:;1' - BHS


KClt Ë01:'ClL 1Tâç oç Cl'V E1TLKClÂÉOl1't'ClL
't'o OVOJ.LCl KUPLOU OW8~OE1:'ClL - LXX
Et quiconque invoquera le nom de Jéhovah sera sauvé - Crampon
Il est difficile de minimiser l'importance de ce verset, car il réunit non
seulement un terme que nous savons être le substitut du tétragramme, KUpLOÇ,
mais aussi le terme le plus adéquat pour désigner celui-ci: OVOJ.LCl, le 'nom'.
Par contraste, l'expression « invoquer le nom du Seigneur» vide totalement
le verset de son sens. En effet, 'invoquer' (gr. E1TLKClÂEW
et héb. N'P) signifie
bel et bien 'faire appel à haute voix', 'en appeler à'. Les Écritures
fournissent d'ailleurs une illustration de ce que signifie 'invoquer le nom',
autant respectueusement (prières, serments; cf. Gn 13:4)
qu'irrespectueusement (imprécations, blasphèmes, faux serments; cf. Gn
4:26). Ces usages montrent un emploi effectif du Nom.

1 Corinthiens 1:31 ( & 2 Co 10:17) IlJérémie 9:24

((VCl KCl8wç yÉYPCl1T't'ClL.à KClUXWJ.LEVOe;


EV KUPL<¥ KCluxao8w. afin que, selon le
mot de l'Écriture, 'celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur.'

i1,i1" "~N .,~ :'''niN 11'''' '1~~tDi1~'i1n~i1 ~'Yi1n" nNf~-cN .,~


-
o ~,!~~::tJ~~<'~¥,;Jn- ~~~9~'? r1~; '~~.,¥~. ~,~~~ '9P ~~~

11' EV 1:'ou't'<¥ KCluxao8w


tlÂÂ' à KClUXWJ.LEVOe;OUVLELV KClt YLVWOKELV
01:'L EYW ELJ.LLKUpLOÇ 1TOLWV ËÂEOÇ KClt KPLJ.LClKClt ôLKClLOOUVl1V E1Tt 1:'ile; Yile; O't'L
EV 1:'OU1:'OLe;
't'o 8ÉÂl1J.La J.LOU ÂÉYEL KUpLOe; - LXX [Jr 9:23]

114
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Dans le passage que Paul cite avec beaucoup de liberté, le nom Jéhovah
apparaît deux fois. Il paraît invraisemblable qu'il l'ait ignoré dans sa citation.

1 Corinthiens 10:2611 Psaume 24:1 (23:1)

'tOÛ KUPLOUyàp ~ yi; Kat 'tO 1TÀ~pw~a aù'ti;c;.


car « la terre est au Seigneur, et tout ce qu'elle renferme. »

M? '~~~l ~~~ MANi~7?~


f}JN;1 it~it'7\
'tOÛ KUPLOU ~ yi; - BHS
Kat 'tO 1TÀ~pw~a aù'ti;c; ~ OlKOU~ÉVT)

Kat 1TaV'tEC; OL Ka'toLKoûV'tEC; EV aù't'TI - LXX


À Jéhovah est la terre et ce qu'elle renferme,
le monde et tous ceux qui l'habitent. - Crampon

2 Corinthiens 6:14-18

Ce passage nous offre l'occasion de considérer un autre aspect de la


question. Au-delà des citations, on peut s'intéresser aux thèmes que Paul (ou
tout autre rédacteur du NT) développe, et ce qu'ils peuvent nous apprendre
sur l'époque de leur rédaction. Nous avons déjà entrepris de démontrer que
tous les rédacteurs du NT étaient juifs, et ne pensaient pas en grec. Plaçons
désormais cette idée dans une perspective plus précise encore: les données
fournies par les manuscrits de la Mer Morte concernant le Nouveau
Testament. On sait que la découverte des manuscrits de la Mer Morte en
1947 a grandement enrichi ce que nous savions de l'époque précédent la
naissance de Jésus - attente fiévreuse du Messie-Roi, multiplications des
récits apocalyptiques, formation de sectes - et les liens qu'il faut ou ne faut
pas établir trop rapidement avec le christianisme131.
Dans son ouvrage L'aventure des Manuscrits de la Mer Morte, qui est
une compilation d'articles par quelques spécialistes du sujet, Hershel Shanks
laisse place en cinquième partie au thème 'Les manuscrits de la Mer Morte
et le christianisme' avec un article de James C. VanderKam. Après avoir
écarté des hypothèses saugrenues, entre autres celles qui identifient Paul, ou
Jésus, au Prêtre Impie des manuscrits de Qumrân, ce dernier déclare:
« L'un des exemples les plus clairs des lumières que la littérature
qoumrânienne peut apporter à celle du Nouveau Testament concerne la
langue et les locutions verbales. Le Nouveau Testament est rédigé en grec.
Mais Jésus parlait araméen, et ses premiers disciples étaient tous des juifs de
Galilée ou de Judée parlant une langue sémitique. Pour la première fois, les
textes de Qoumrân nous offrent maintenant l'hébreu (et quelques fois
l'araméen) originel d'un certain nombre de termes et locutions du Nouveau
Testament132. »

115
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Et de citer des exemples:


l'expression grecque ton pleionon et sa contrepartie hrbym, à la
lumière du manuscrit 1QS
le terme episkopos qui sans doute l'équivelent de l'hébreu hmbqr
dikaiosyne theou pour sidqat lei Gustice de Dieu)
erga nomou pour ma 'aseh torah (les œuvres de la Loi)
he ekklesia tou theou pour gehallel (l'Église de Dieu)
ou encore huoi photos pour bene 'or (Fils de lumière)133

Ensuite il en vient au passage de 2 Corinthiens 6: 14-15 qui nous intéresse:


« Ne vous attachez pas à un même joug, avec les infidèles. Car quelle société
y a-t-il entre la justice et l'iniquité? ou qu'a de commun la lumière avec les
ténèbres? Quel accord y a-t-il entre le Christ et Bélial? ou quelle part a le
fidèle avec l'infidèle? »
Il explique: « Le passage tout entier ressemble beaucoup à ces thèmes
de Qoumrân - l'opposition lumière-ténèbres et la forte conscience de former
un groupe exclusif. Le nom de Bélial (ou Béliar) n'apparaît qu'à cet endroit
dans tout le Nouveau Testament, mais survient plusieurs fois dans les textes
de Qoumrân : dans le Rouleau des Hymnes et dans la lettre halakhique
inédite répertoriée sous le sigle 4QMMT, ainsi qu'à d'autres endroits. Nous
ne pouvons prouver que ce passage de la Deuxième Épître aux Corinthiens
est un texte essénien révisé, mais Paul y utilise un langage qui ne nous est
connu que dans les textes de Qoumrân134. » Sans aller jusqu'à penser que le
passage de 2 Corinthiens serait un texte essénien révisé, on doit reconnaître
un langage, des expressions, et des tournures propres à l'époque de Paul,
dont la présence est très instructive 135.En gardant cela présent à l'esprit, il
est possible de comprendre le terme 'Bélial' (~EÀLlXp en grec) de
2 Corinthiens 6:15 de différentes manières: soit on le replace dans un
contexte purement biblique, et l'on y voit le mot ".p:~~ qui signifie
'vaurien', 'individu inutile' (BDB 116, TWOT 246g), soit on admet sa
source essénienne, dont la littérature nous offre plusieurs exemples (tandis
que dans le NT ce terme est un hapax legomenon). Dans tous les cas, il n'est
pas possible d'ignorer sa signification sémitique: en l'occurrence, dans
l'opposition entre Christ et Bélial, Bélial figure Satan. La Peshitta porte
d'ailleurs ~ (Satan) à cet endroit.
Que dire, dès lors, des citations - cette fois-ci indéniablement tirées des
Écritures hébraïques - des versets suivants: « Quel rapport y a-t-il entre le
temple de Dieu et des idoles? Car nous sommes, nous, le temple du Dieu
vivant, selon ce que Dieu lui-même a dit: 'J'habiterai au milieu d'eux et j'y
marcherai; je serai leur Dieu, et eux seront mon peuple' [Lévitique 26:12,
Ezéchiel 37:27]. 'C'est pourquoi sortez du milieu d'eux et séparez-vous, dit
le Seigneur; ne touchez pas à ce qui est impur et moi je vous accueillerai.
[Isaë 52:11] Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des

116
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

filles [2 Samuel 7:14a], dit le Seigneur tout-puissant.[2 Samuel 7:8]' » -


versets 16 à 18.
Paul cite ou fait allusion à pas moins de cinq versets. L'expression ÂÉYEL

KUpLOC; TraV1:0Kpa1:Wp en particulierrenvoie à l'expression familière n;N:J~


i1,i1' \'~N
.JT: - rencontrée en 2 Samuel 7 :8. Le vocable TraV1:0Kpa1:Wp
ne s~
rencontre qu'ici et dans la Révélation (ou Apocalypse). En revanche, il est
courant dans la LXX (121 fois seul, 85 fois avec KUpLOC;), et traduit
généralement ',W ~~, autre référence à Jéhovah.

2 Timothée 2:19

Néanmoins, le solide fondement de Dieu reste debout, avec ces paroles qui
lui servent de sceau: 'Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent' ,. et :
'Quiconque prononce le nom du Seigneur, qu'il s'éloigne de l'iniquité. '

. Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent: citation de Nb


15:5b d'après les écritures hébraïques. En effet, la LXX porte Ëyvw
o 8EOC; 1:0ÙC; oV1:œc; œÙ1:oû (Dieu connaît ceux qui lui appartiennent)
l'endroit indiqué, tandis que le TM porte ;~-'t#~-n~ i1Ji1~.I1J;
(Jéhovah connaît ceux qui lui appartiennent). C'est donc bien le
tétragramme que l'apôtre avait en tête, et la suite du verset le
confirme.

. Quiconque prononce le nom du Seigneur, qu'il s'éloigne de


l'iniquité: c'est une paraphrase de différents versets (Nb 16:27 ; Is
26:13 ; 52:11 ; Jr 20:9). Sur la mention du Nom, il semble que Paul
renvoyait à Is 26:13, tandis que dans la seconde partie de la citation
('qu'il s'éloigne de l'iniquité'), on décèle une allusion à Siracide
35:3a : EùôoKLœ KUPLOU tITrOO1:f}vaL tITrO TrOVllPLœc;(<<Ce qui plaît au
Seigneur, c'est qu'on s'écarte du mal. » - Osty). Dans Isaïe comme
dans le Siracide, le Nom paraît. Certes, le Siracide est désormais
mieux connu dans sa traduction grecque. Mais comme nous l'avons
vu, son original a été écrit en hébreu, et portait le tétragramme sous
forme d'un triple yod. Bien que cet écrit ne soit pas entré dans le
canon, Paul, qui était instruit, devait sûrement le connaître dans sa
version hébraïque.

Certaines versions, se fondant sur le Texte Reçu ou sur leur


interprétation du texte, portent, à la place de 1:0 ovo~a KUPLOU (le nom du
Seigneur) l'expression 1:0ovo~œXPL01:0Û (le nom du Christ), comme celle de
Sacy ou celle des chanoines Bourassé et Janvier136,qui lisent « le nom de
Jésus-Christ ». Un plus grand nombre encore en langue anglaise (depuis
celle de Tyndale jusqu'aux versions modernes), suivent cet usage, en
indiquant parfois en note que ce nom, c'est celui de 'chrétien' qu'il faut

117
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

entendre... C'est le cas aussi de la traduction en hébreu de Salkinson-


Ginsburg qui rend 2 Timothée 2:19 ainsi:

l!1.i' ionin Niit it!.' n¥i; Cip~ C';:i"~;1 'iO~ lN


l1'V)rb;:t
CW~N1P: ,~~ '~ it!. C~' i"-'~~ n~ it,it~
q,.~ niW~~ "'r:'~.

Cette version emploie donc le nom de Jéhovah pour la première citation (i"-
'W~ n~ it,it: l!1.i', Jéhovah connaît ceux qui lui appartiennent) et celui du
Chr'ist (l1'V)ODCW~ N1P:, invoque le nom du Messie) pour la seconde. Mais
c'est bien KUPLOU qu'il faut lire, et d'ailleurs ce terme est si attesté que ni
27ni GNT4 n'indiquent de variante à ce passage.137
NA

Hébreux 8:811 Jérémie 31:31

~E~cp6~EVOC;yàp autoùc; ÂÉYEL.


LOOÙ~~ÉpaL Ëpxov't'aL, ÂÉYELKUPLOC;,
KaL auv't'EÂÉaw ErrL 't'ov oIKov 'Iopa~Â
KaL ErrL tOV OIKOV 'Iouoa oLae~KllV KaLv~v
car, en censurant, il leur dit : Voici, des jours viennent, dit le *Seigneur,
et je conclurai, pour la maison d'Israël
et pour la maison de Juda, une nouvelle alliance (Darby)

L'expression «dit le Seigneur» renvoie à l'expression hébraïque


i1'i1:-C~~,
AT. . qui perd toute sa saveur dans la LXX (<pT)OLV
KUpLOÇ).
'.

Pour clore notre examen du témoignage de Paul, considérons deux


épisodes impliquant ses manières d'agir, relatés tous deux au chapitre 17 des
Actes d'Apôtres. À Thessalonique, Paul prêcha trois sabbats successifs dans
une synagogue, à partir des Écritures. Il nous est dit qu'il raisonnait à partir
de celles-ci, qu'il les expliquait et les prouvait, citant textuellement des
passages s'appliquant à Jésus Christ (Actes 17:2). C'était d'ailleurs « son
habitude ». Avec un auditoire juif, Paul parlait hébreu. Étant devenu «toutes
choses pour tous» (1Co 9:20-22), il est certain que parler ou hébreu, ou grec,
en fonction des populations concernées pouvait avoir une influence décisive.
Nous en avons la confirmation lorsqu'il se rendit à Jérusalem, et s'adressa à
la population en «langue hébraïque» (Actes 21 :40). Le discours en lui-
même ne manque pas d'intérêt (22:1-21) :
1 Hommes frères et pères, écoutez ce que j'ai maintenant à vous dire pour ma
défense! 2 Lorsqu'ils entendirent qu'il leur parlait en langue hébraïque, ils
3 je suis Juif, né à Tarse en Cilicie; mais j'ai
redoublèrent de silence. Et Paul dit:
été élevé dans cette ville -ci, et instruit aux pieds de Gamaliel dans la connaissance
exacte de la loi de nos pères, étant plein de zèle pour Dieu, comme vous l'êtes tous
aujourd'hui. 4 J'ai persécuté à mort cette doctrine, liant et mettant en prison hommes
et femmes. 5 Le souverain sacrificateur et tout le collège des anciens m'en sont

118
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

témoins. J'ai même reçu d'eux des lettres pour les frères de Damas, où je me rendis
afin d'amener liés à Jérusalem ceux qui se trouvaient là et de les faire punir.
6 Comme j'étais en chemin, et que j'approchais de Damas, tout à coup, vers midi,
une grande lumière venant du ciel resplendit autour de moi. 7 Je tombai par terre, et
j'entendis une voix qui me disait: Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? 8 Je
répondis: Qui es-tu, Seigneur? Et il me dit: Je suis Jésus de Nazareth, que tu
persécutes. 9 Ceux qui étaient avec moi virent bien la lumière, mais ils n'entendirent
pas la voix de celui qui parlait. 10 Alors je dis: Que ferai-je, Seigneur? Et le
Seigneur me dit: Lève-toi, va à Damas, et là on te dira tout ce que tu dois faire.
Il Comme je ne voyais rien, à cause de l'éclat de cette lumière, ceux qui étaient avec
moi me prirent par la main, et j'arrivai à Damas. 12Or, un nommé Ananias, homme
pieux selon la loi, et de qui tous les Juifs demeurant à Damas rendaient un bon
témoignage, 13 vint se présenter à moi, et me dit: Saul, mon frère, recouvre la vue.
14
Au même instant, je recouvrai la vue et je le regardai. Il dit: Le Dieu de nos
pères t'a destiné à connaître sa volonté, à voir le Juste, et à entendre les paroles de
sa bouche; 15 car tu lui serviras de témoin, auprès de tous les hommes, des choses
que tu as vues et entendues. 16Et maintenant, que tardes-tu? Lève-toi, sois baptisé,
et lavé de tes péchés, en invoquant le nom du Seigneur. 17De retour à Jérusalem,
comme je priais dans le temple, je fus ravi en extase, 18et je vis le Seigneur qui me
disait: Hâte-toi, et sors promptement de Jérusalem, parce qu'ils ne recevront pas ton
témoignage sur moi. 19 Et je dis: Seigneur, ils savent eux-mêmes que je faisais
mettre en prison et battre de verges dans les synagogues ceux qui croyaient en toi,
20
et que, lorsqu'on répandit le sang d'Étienne, ton témoin, j'étais moi-même
présent, joignant mon approbation à celle des autres, et gardant les vêtements de
ceux qui le faisaient mourir. 21 Alors il me dit: Va, je t'enverrai au loin vers les
nations....

Paul s'inscrit volontairement dans la lignée du judaïsme par l'emploi


d'expression comme « la loi de nos pères», le « Dieu de nos pères» ou
« homme pieux selon la loi». Il mentionne le célèbre rabbin Gamaliel,
respecté de tous, qui avait été son précepteur. Il rappelle sa nationalité juive,
et prend à témoin « le souverain sacrificateur », et le « collège des anciens»
(i.e. la cour du Sanhédrin), qu'il faisait jadis partie des opposants aux
chrétiens, les battant « dans les synagogues », avant que Jésus ne lui
apparaisse en vision. Les lieux sont précis: Damas, Jérusalem, les
synagogues. Paul, bien que déjà converti au christianisme, montre sa
proximité avec ses auditeurs. Il fait de plus mention d'un thème cher à son
époque: le baptême de !émission des péchés (les « disciples» de Jean-
Baptiste avaient été nombreux). Plus intéressant encore, il rappelle l'utilité
d'invoquer le «nom du Seigneur». Quel Seigneur? Le Seigneur qui lui
parle, c'est-à-dire Jésus? Dans le contexte où il se trouvait, cela aurait été un
choix de prédication peu judicieux. Lui qui emploie par ailleurs si souvent
l'expression « notre Seigneur Jésus» 138présente ici Jésus comme' Jésus de
Nazareth'. Et s'il l'appelle 'Seigneur', ce n'est que de la même façon que
nous, nous appelons un étranger 'Monsieur'. Mais « Le Seigneur» dont il
fallait invoquer le nom, c'était bien sûr le Seigneur Jéhovah, Dieu d'Israël.
Inversement, lorsqu'il fut conduit à l'Aréopage d'Athènes, sa manière
fut fort différente. Il y «devint Grec », et nous en avons une illustration
saisissante en Actes 17:22-31. Parlant à une assemblée composée entre

119
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

autres de philosophes épicuriens et stoïciens qui l'ont abordé, nous ne


doutons pas qu'il emploie cette fois-ci la langue grecque.
22 Paul, debout au milieu de l'Aréopage, dit: Hommes Athéniens, je vous trouve à
23 Car, en parcourant votre ville et en
tous égards extrêmement religieux.
considérant les objets de votre dévotion, j'ai même découvert un autel avec cette
inscription: À un dieu inconnu! Ce que vous révérez sans le connaître, c'est ce
que je vous annonce. 24 Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s'y trouve, étant
le Seigneur du ciel et de la terre, n'habite point dans des temples faits de main
25 il n'est point servi par des mains humaines, comme s'il avait besoin
d'homme;
26
de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses. Il a
fait que tous les hommes, sortis d'un seul sang, habitassent sur toute la surface de la
27 il a voulu
terre, ayant déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure;
qu'ils cherchassent le Seigneur, et qu'ils s'efforçassent de le trouver en tâtonnant,
28 car en lui nous avons la vie, le
bien qu'il ne soit pas loin de chacun de nous,
mouvement, et l'être. C'est ce qu'ont dit aussi quelques-uns de vos poètes: De lui
29 Ainsi donc, étant la race de Dieu, nous ne devons pas
nous sommes la race...
croire que la divinité soit semblable à de l'or, à de l'argent, ou à de la pierre,
30 Dieu, sans tenir compte des temps
sculptés par l'art et l'industrie de l'homme.
d'ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu'ils aient à se
repentir, 31 parce qu'il a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice, par
l'homme qu'il a désigné, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le
ressuscitant des morts...

Son discours est plus imprécis, plus général. Il n'emploie plus, ou


n'évoque plus, le nom de Jéhovah, qui serait assimilé à une «divinité
étrangère» (Ac 17:18), et mettrait sa vie en danger inutilement. Au
contraire, il se sert de ce qu'il a vu : en l'occurrence, d'un autel adressé' À
un Dieu inconnu' (v.23). Sous couvert de ce Dieu inconnu, il leur annonce
astucieusement la bonne nouvelle, évoquant « le Dieu qui a fait le monde »,
le « Seigneur du ciel et de la terre» ou « la divinité». Enfin, même s'il
résume certains passages des Écritures hébraïques, il ne les cite pas. Au
contraire, il va jusqu'à citer la littérature de son auditoire! Au verset 28, il
cite Phainomena, 5 d'Aratus139.On sent clairement que dans tout ce passage
sur la colline d'Arès, l'ombre du Nom plane. Mais le Nom n'apparaît pas.
Paul compose pour ses auditeurs, il retient sa langue pour les gagner au
message.
Nous avons évoqué ces deux situations pour montrer que Paul agissait
différemment selon son auditoire. Avec les Juifs, il raisonnait à partir des
Écritures, assurément dans leur langue. Avec les Grecs de même, il
s'appuyait sur leurs écrits profanes, dans leur langue. En conséquence, pour
ce qui concerne les Juifs, il est absolument impensable qu'il se soit retenu de
prononcer le Nom si distinctif: il avait trop d'occasions de rencontrer les
noms d'idoles étrangères140 - ce qui l'irritait profondément (Actes 17:16) -
pour ne pas accorder une place prépondérante au Nom du vrai Dieu d'Israël
que Jésus Christ avait manifesté.

120
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Pierre

Simon est l'un des premiers disciples de Jésus (Jn 1:35-42), que l'on
rencontre d'abord à Bethsaïda, en Galilée (Jn 1:44). C'est Jésus qui lui
donne le nom de Céphas, c'est-à-dire Pierre (Jn 1:42). Il exerçait en tant que
pêcheur (Lc 5:10), et était marié (ICo 9:5). Il fut choisi comme apôtre (Mt
10:2), et la place prépondérante qu'il prit parmi les premiers chrétiens (Ac
2:14, 3:12, 9:32) est sans doute due à son caractère bien trempé, car il était le
premier à donner son avis sur toutes choses, pas toujours à raison (Mt 16:21-
23), mais toujours avec spontanéité et initiative, en posant de judicieuses
questions à Jésus (Mt 15:15, 18:21, 19:27-29, Lc 12:41, Jn 13:36-38). Paul
nous fait une remarque très intéressante à son sujet:

o yèxp EVEpy~oae; IIÉ1:pC¥ Eie; à1TOO1:0À.~v 1:ile; 1TEPL 1:0f.1ile;


EV~PYllaEV Kat Ef.10t Ele; 1:à ë8Vll
car celui qui a fait de Pierre l'apôtre des circoncis
a aussi fait de moi l'apôtre des Gentils - Galates 2:8

Pierre étant surnommé 'l'apôtre des circoncis', nous ne doutons pas qu'il
prêcha dans les synagogues, lut les Écritures hébraïques aux Juifs,
transmettant le message du Messie au peuple d'Israël dont il faisait partie. Si
la prédication aux Gentils lui fut également préconisée (Ac Il :6-10), ce fut
donc dans une moindre mesure. Dès lors, dans quelle mesure employa-t-ille
nom divin? Comme il ne rédigea que deux épîtres141, on ne peut pas
apprécier cette mesure avec beaucoup d'assurance. Cependant, il avait
côtoyé Jésus, parfois de manière plus intime que d'autres disciples142. Aussi
le nom de Jéhovah lui était-il précieux.

Actes 2:20-2111 JoëI3:4,5 [2:31,32 LXX]


cf Romains 10: 13

Le soleil se changera en ténèbres, et la lune en sang, avant l'arrivée dujour


du Seigneur, de ce jour grand et glorieux. Alors quiconque invoquera le nom
du Seigneur (1;0 ovof.1aKUpLOU)sera sauvé.

t:r'7 r:r}~iJ1 1~n7 1~.;1:. \w~ WiJ


~'i~i1' "ii~i1 i11i1' ci' ~i:!1 'S£)"
BHS- ~A~~~ i1ï~~ cy;~ ~y~p~-'~~ S~< ïi~;'i

o ~À.LOe; f.1E1;a(J1:pa<l>~oE1;aL Eie; OK01;Oe; Kat


~ aEÀ.~Vll Ele; aLf.1a
1TptV EÂ8âv ~f.1Épav KUPLOU 1:~V f.1EyaÀ.llV Kat E1TL<I>avil
Kat Ë01;aL 1Tâe; oe; a'v E1TLKaÀ.ÉOll1;aL 1:0 OVOf.1a KUPLOU OW8~OE1:aL- LXX

II s'agit d'un extrait du célèbre discours prononcé par Pierre lors d'un
jour de Pentecôte, rapporté par Luc dans les Actes d'Apôtres. Une fois n'est

121
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

pas coutume, la citation est clairement identifiable, puisque Pierre


l'introduit: « c'est ce qui a été dit par le prophète Joël» (Ac 2:16). Dans
l'extrait que nous citons - partie intégrante d'une citation plus vaste - tant la
Septante que le Texte Massorétique sont en parfait accord sur les termes. Et
pour l'ensemble de la citation, on ne relève que des divergences mineures.
Or, une partie de l'auditoire est judéen (verset 14). L'expression 'jour de
Jéhovah' (itiit~ ci') devait donc leur être très familière143 - à eux qui
scrutaient fiévreusement les Petits Prophètes pour y dénicher des signes de la
venue de leur Roi et Sauveur, le Messie. Opprimés par Rome, écrasés et
humiliés par un gouverneur méprisant et parfois tyrannique (Mt 27:Il,
27:37, Mc 15:2,9,12), ils étaient dans un véritable état de bouillonnement
intérieur, prostrés dans l'attente du salut venant de Jéhovah.

1 Pierre 3:12 Il Psaume 34:16

car les yeux du *Seigneur (6<1>8aÀlloLKUpLOU)sont sur les justes et ses oreilles
sont tournées vers leurs supplications,. mais la face du *Seigneur (iTpoourrrov
cSÈKUpLOU)est contre ceux qui font le mal.

BHS- cf1l1\l~-~~ "~\Nl' c'8'~~-~~ it1it~\ ~~.'~


6<1>8aÀfJ.0L KUPLOU EiTL cSLKaLouc; KaL cJ-ra aùtoû EtC; cSÉT)OLVaù-rwv- LXX

Si l'expression otL 6<1>8aÂfJ.0LKUPLOUrenvoie clairement à it1it~\ ~~.'~(les


yeux de Jéhovah) on peut en dire autant de iTPOOWiTOV KUPLOU qui évoque
l'expression ~1it~ '~.~(laface de Jéhovah).

2 Pierre 3:9-10

Non, le Seigneur ne retarde pas l'accomplissement de sa promesse, comme


quelques-uns se l'imaginent,. mais il use de patience envers vous, ne
voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la pénitence.
Cependant le jour du Seigneur viendra comme un voleur,. en ce jour, les
cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la
terre sera consumée avec les ouvrages qu'elle renferme.

Pierre ne cite pas textuellement un passage en particulier, mais il en


paraphrase plusieurs, et c'est ce qui nous permet de saisir le contexte de son
énoncé. Nous ne citerons que l' AT:

122
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Expression Citation / Allusion

Je fais approcher ma justice; elle n'est pas


loin, et mon salut ne tardera pas ; je donnerai
-
le salut à Sion, ma gloire à Israël. Is 46:13
le Seigneur ne tarde pas
Car il Y a encore une vision pour un temps
fixé; elle se hâte vers son terme et ne
mentira pas; si elle tarde, attends-là, car elle
arrivera certainement, elle ne manquera pas.
- Habaqouq 2:3

C'est pourquoi Jéhovah attend pour vous


faire grâce, c'est pourquoi il se lèvera pour
il use de patience vous faire miséricorde; car Jéhovah est un
Dieu juste. Heureux tous ceux qui espèrent
-
en lui! Isaïe 30:18

Le soleil se changera en ténèbres, et la lune


en sang, avant que vienne le jour de
le jour du Seigneur viendra comme un Jéhovah, grand et terrible. - Joël 2:31
voleur,. en cejour...
Les montagnes se fondront sous ses pas, les
vallées se fendront, comme la cire devant le
feu, comme l'eau versée sur une pente.
- Michée 1:4

Une fois encore, on voit que le Nom a une bonne place dans les textes
auxquels l'apôtre se réfère.

Jacques

Son nom vient de l'hébreu :l"~~ qui signifie « celui qui prend par le
talon, qui supplante ». Il était le fils de Joseph et Marie, demi-frère de Jésus
(Marc 6:3, Galates 1:19)144.Il ne fut probablement pas ni apôtre, ni disciple
du Christ pendant sa vie terrestre (Mt 12:46-50, Jn 7:5) mais se tint au
courant des activités de son demi-frère (Luc 8:19, Jn 2:12). Après la mort de
Jésus cependant, il fut au nombre de ceux qui prièrent avec la mère de Jésus
et ses apôtres, et auquel Jésus apparut en premier (lCo 15:7). Le ton de sa
lettre est dynamique et fondé sur une autorité morale qui lui est reconnue.
Ses illustrations sont tirées de la vie courante - à l'instar des paraboles de
Jésus - et une grande partie de sa lettre ressemble, à bien des égards, au
Sermon sur la montagne.

123
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Jacques 5:4 I cf. Isaïe 5:9

Voici qu'il crie contre vous, le salaire dont vous avez frustré les ouvriers
qui ont fauché vos champs, et les cris des moissonneurs sont parvenus aux
oreilles du Seigneur Sabaoth (KUpLOU oa~aw8).

Adam Clarke fait le commentaire suivant: « Le Seigneur des armées -


St. Jacques pense souvent en hébreu, même s'il écrit en grec. On sait que
n;~:J¥ i!,lit~ Yehovah tsebaoth, Seigneur des multitudes ou Seigneur des
armées, est une appelation fréquente de Dieu dans l'Ancien Testament; elle
représente sa puissance irrépressible, et les moyens infiniment nombreux
qu'il a pour gouverner le monde, défendre ses serviteurs, et punir le
méchant145.» Que Jacques emploie l'expression « Jéhovah des armées» est
intéressant, car, contrairement au passage de Romains 9:29 où Paul cite
textuellement Isaïe 1:9, aucun verset n'est formellement cité ici (tout au plus
y a-t-il une allusion à Isaïe 5:9). Le Nom « Jéhovah des armées» devait donc
être connue de la communauté à laquelle Jacques s'adressait.

Jacques 5:10 [cf aussi v.14]

ù1T6ôELy~a Àa~E'tE, &ÔEÀ<pOL,tile; KaK01Ta8Lae; Kat 'tile; ~aKpo8u~Lae;


'toùe; 1Tpo<p~'tae; 01. ÈÀaÀ110av Èv t0 6v6~atL KUpLOU.
Mes frères, prenez pour exemple de souffrance et de patience
les prophètes qui ont parlé au nom du *Seigneur. (Darby)

Les prophètes étaient bien sûr des prophètes de Jéhovah. Le fait que
l'expression choisie soit « ont parlé au nom de. ..» a une double
signification: d'abord, les prophètes ne parlaient pas en leur propre nom. Ils
employaient toujours des expressions telles que itiit~-'~l (parole de
Jéhovah) ou ~lit~-'~~ itj (ainsi parle Jéhovah) ou encore ;nit~-C~~
(déclaration de Jéhovah) - expressions extrêmement courantes dans l'AT.
Dans ces circonstances-là, les prophètes venaient souvent avertir le peuple
contre ses pratiques idolâtres. Comment n'auraient-ils pas fait usage du nom
si distinctif de Jéhovah? Ensuite, « parler au nom de » fait aussi appel à la
reconnaissance de ce nom, c'est-à-dire, comme nous l'avons déjà vu, à
l'autorité de celui qui porte ce Nom.

Nous pouvons citer l'exemple du prophète Jérémie:

Chaque fois que je parle, je crie violence, j'annonce la dévastation,


et la parole de Jéhovah est pour moi chaque jour une cause
d 'humiliation et de risée. Quand je disais: (Je ne ferai plus mention
de lui, je ne parlerai plus en son nom', il y avait dans mon cœur
comme un feu dévorant, enfermé dans mes os ,.je m'efforçais de le
contenir, et je n'ai pas pu. - Jérémie 20:8, 9

124
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Quant à la parole que tu nous as dite au nom de Jéhovah, nous ne


voulons pas t'écouter. - Jérémie 44:16

À l'inverse, on sait que les noms des faux dieux étaient prononcés:

J'ôterai de sa bouche les noms des Baals, afin qu'on ne les


mentionne plus par leurs noms. - Osée 2: 17

À combien plus forte raison le Nom divin devait-il être invoqué!

Jude

Le nom propre' Jude' est la francisation du grec Ioudas (Judas). Deux


des douze apôtres s'appelaient Judas (gr. 'Iouùcxç,hébr. itl'it~ ; Lc 6:16),
mais selon toute vraisemblance, l'auteur de l'épître n'est pas un apôtre,
puisqu'il mentionne les apôtres sans suggérer qu'il en fait partie (Jude
17,18).

Jude 9 Il Zekariah 3:2

Mais Michel l'archange, quand, discutant avec le diable, il contestait


touchant le corps de Moïse, n'osa pas proférer de jugement injurieux contre
lui; mais il dit: Que le *Seigneur te censure! (E1TL
tL~~OCXL
OOLKupLoç)-Darby

BHS - 'if i11i1~,~~: ,6w;:t-~~ i1ii1~ '~N~l


Alors [l'ange de]146Jéhovah dit à Satan:
« Que Jéhovah te réprimande (. . .) ! » - TMN

Il Y a une petite singularité dans la façon dont la TMN traduit


Zekaria 3:2 : « l'ange de Jéhovah» au lieu de « Jéhovah ». En fait, elle tient
compte moins de la forme exacte du texte hébreu (' Jéhovah') que de son
contexte (1:8,9; 2:1). On en lit l'explication dans l'ouvrage La Bible
Annotée (dir. F. Godet) : « L'Eternel dit... : Que l'Eterne1... Nous avons déjà
vu dans le chapitre précédent (versets 8 et 9) l'Eternel distingué de l'ange
qui agit et parle comme l'Eternel; il en est de même ici. C'est l'Eternel,
c'est-à-dire l'ange de l'Eternel, qui parle; et il en appelle à l'Eternel comme
à celui qui doit reprendre l'Adversaire. »
Inutile de dire que l'épître de Jude est, sans jeu de mots, judaïsante.
Nous y avons, comme dans d'autres, foison de références à l'Ancien
Testament: les Hébreux dans le désert (v.S), les anges avec les filles des
hommes (v. 6), Sodome et Gomorrhe (v.7), Caïn, Balaam, Coré (v.Il) ou
Hénoch (v. 14 et 15). Enfin, l'archange Mikaël (ou Michel). Son nom
MLxcx~À est la transcription de ~~~.,~, qui signifie 'Qui est comme Dieu ?'.

125
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Pour le lecteur des Écritures hébraïques, ce n'est pas un personnage inconnu.


On le rencontre à partir du dixième chapitre du livre de Daniel, puis dans la
Révélation, au chapitre douze. Beaucoup de personnes contestent son
identification à Jésus dans sa position pré-humaine. Néanmoins, les
arguments sont loin d'être négligeables147. Si Jésus est l'archange Mikaël, il
est évident qu'il n'emploie pas une expression comme 'le Seigneur', mais
bien qu'il cite le nom de son Père.
Le verset indique par ailleurs que' le Seigneur' dont il s'agit est l'Être
Suprême, puisque c'est l'archange qui parle. En effet, le terme archange
signifie 'chef des anges' : Mikaëllaisse donc le soin à la personne plus haut
placée dans la hiérarchie que lui-même, Jéhovah Dieu, aux fins de rabrouer
son ennemi le Diable (2P 2: Il). Les notes de la TaB nous fournissent ce
renseignement: «Une tradition juive rapporte qu'après la mort de Moïse,
Satan voulait présenter son corps au peuple afin qu'on l'adore. Il aurait
ainsi détourné les Israélites de l'adoration de Dieu seul. L'archange Michel
l'aurait enlevé et enterré en un lieu inconnul48. » Cette tradition dont fait part
Jude ne figure pas explicitement dans la Bible149. Elle n'est cependant pas
incompatible avec le verset de Deutéronome 34:615°.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons abordé plusieurs points qu'il convient ici
de récapituler:
Le terme KUpLOÇ,qui signifie littéralement' Seigneur' s'applique
autant à Dieu qu'à Jésus dans le Nouveau Testament. Seulement, ce
terme est un titre qui a un sens large, désignant tout aussi bien un
être spirituel que charnel.
Deux personnes partageant le même titre ne sont pas forcément la
même personne.
Les rédacteurs du Nouveau Testament, tous Juifs, employaient
essentiellement la Septante dans leurs citations des Écritures; mais
pas toujours: ils pouvaient recourir au texte hébreu même, ou
encore citer de mémoire.
La Septante leur présentait, dans le corps grec du texte, le
tétragramme en écriture paléo-hébraïque, ou en lettres grecques
permettant la prononciation.
Manifestement, des portions du Nouveau Testament ont été
primitivement rédigées en hébreu (ou en araméen). Le Nom figurait
donc obligatoirement en lieu et place des citations de l'AT.
Inspirés par Dieu, les rédacteurs du Nouveau Testament n'avaient
aucune raison légitime de souscrire au tabou concernant le nom
divin. En citant les Écritures hébraïques, ils rencontraient
nécessairement le tétragramme (dans le texte massorétique ou dans
la Septante), et le reproduisaient, à l'écrit, de la même façon qu'ils le
rencontraient. À l'oral, et entre compagnons juifs, il était mentionné

126
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

dans les serments (Aussi vrai que Jéhovah est vivant.. .), dans
quelques formules d'usage (Ainsi parle Jéhovah, l'ange de Jéhovah,
Jéhovah des armées, etc.), mais une réticence s'imposait envers le
milieu gentil: à la fois parce que le nom de Jésus prenait de
l'importance,151 parce qu'il était interdit d'introduire de nouvelles
divinités, mais aussi pour que ce nom ne soit pas profané parmi les
nations (cf. Ez 36:23).

Nous avons cité une sélection de passages montrant que les rédacteurs
du NT citaient abondamment des passages de l'Ancien Testament où figure
le nom de Jéhovah. Or à l'époque la Septante, répétons-le, présentait la
particularité d'un nom divin écrit en paléo-hébreu au sein du texte grec.
L'amalgame entre Jésus et Dieu n'était pas possible. Cela n'est pas anodin.
Il ne s'agissait pas pour nous de passer en revue les citations de l'AT
dans le NT, que tout un chacun sait nombreuses - précises ou allusives. Il ne
s'agissait pas de rapprocher des textes passablement similaires et de forcer
les comparaisons. Il s'agissait de remettre les citations dans leur véritable
contexte. Aujourd'hui le lecteur, s'il n'est pas très versé dans les Écritures,
ou ne possède pas une bonne version d'étude, ne reconnaît qu'un
pourcentage infime des citations de l' AT. De cette manière s'estompe
l'intertextualité, qui est pourtant fondamentale. Aujourd'hui le lecteur, en
lisant 'le Seigneur', pense à Jésus. Mais à l'époque de Christ, 'Seigneur'
renvoyait évidemment à Jéhovah. Ce n'est que progressivement que ce titre
fut associé à la personne de Jésus, par surenchère vis-à-vis des titres
impériaux notamment. Il n'est donc pas possible de comprendre le Nouveau
Testament à travers les visières modernes, et le but de ce chapitre était
d'attirer l'attention du lecteur sur les paradigmes mentaux des auteurs
inspirés.

Que l'on considère l'expression:

Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

Généralement plus familiers avec le Nouveau Testament, les chrétiens y


reconnaissent le passage de Romains 10:13. Comme les traductions qu'ils
emploient ne font pas usage du nom divin Jéhovah, c'est toujours 'Seigneur'
qui apparaît tant dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament. Ils n'ont
donc pas l'habitude de distinguer le Seigneur Dieu du Seigneur Jésus. Quand
donc, dans le NT, est employé le mot 'Seigneur', c'est clairement à Jésus
Christ qu'on pense généralement - ce Jésus qui est de toute façon considéré
comme Dieu lui-même. Ainsi s'effectue l'amalgame le plus completl52.
L'expression, comme on l'a vu, est pourtant une citation exacte de Joël 2:32,
et se réfère à Jéhovah Dieu.
Il y a donc un fossé entre un lecteur rencontrant le terme KUpLOc;;
aujourd'hui, et un lecteur ou auditeur des premiers temps du christianisme.

127
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Ce fossé, on commence à s'en douter, est dû à la distance qui séparait le


message judéo-chrétien des disciples de Jésus d'avec le christianisme tel
qu'il fut compris et institutionnalisé par les chrétiens issus de la Gentilité.
Les questions qui surgissent d'une telle affirmation sont les suivantes: si les
auteurs du Nouveau Testament se référaient à Jéhovah Dieu, pourquoi n'en
a-t-on aucune trace? Pourquoi est-ce KUpLOC;, et non le tétragramme en paléo-
hébreu, qui figure? Le texte s'est-il corrompu ?153
Dans son ouvrage The Tetragrammaton and the Christian Greek
Scriptures, Lynn Lundquist a bâti un raisonnement minutieux montrant que
si le nom divin figurait dans les manuscrits autographes du Nouveau
Testament, il devrait nécessairement s'y trouver dans nos copies actuelles. À
moins de remettre en cause la préservation des Écritures, et le fait qu'on
puisse aujourd'hui les considérer comme inspirées, ce qui est... impensable.
Il clame également que pour le NT, les manuscrits sont et doivent rester les
seules autorités. Dans le chapitre suivant, nous allons considérer de quelle
manière les manuscrits nous sont parvenus, et les implications de leur
transmission sur le sujet du nom divin.

1 Jean 14:16 : « Jésus lui dit: 'Je suis le chemin, la vérité et la vie; nul ne vient au Père que
par moi'. »
2 Il l'est néanmoins: outre le vrai Dieu, eEOÇpeut désigner une divinité, un faux dieu, cf. Jn
10:33, Ac 7:43, 14:11, lCo 8:4,5. En 2Co 4:4 il désigne même le Diable. Voir Didier
Fontaine, « Les dieux de la Bible - Emplois et significations de C"~~~ et eEOÇ dans les
Écritures hébraïques et grecques-chrétiennes», 2006, http://www.areopage.net/dieux.pdf.
3 Howard écrit: « It is interesting to note that the confusion that emerged from such passages
in the second century is reflected in the MS tradition of the NT. A large number of variants in
the NT MS tradition involve the words 8EOÇ,KUpI.OÇ, IT}oouç,XPI.OtOç and combinations of
them.» (JBL 96/1,1977, p.78). Puis il cite quelques exemples: Ro 10:16-17,14:10-11, lCo
2:16,10:9, IP 3:14,15, Jude 5. Cf. infra.
4 JBL 96/1, 1977 : 77-78.
5 Lundquist, Jehovah in the New Testament: 3.
6 Illumination Press, 1997 : 435.
7
C'est par exemple ce que soutient Randall Watters dans son article du Bethel Ministries
Newsletter, sept-oct 1986, « Jésus Christ: qui est-il? » (disponible à l'adresse:
http://www.freeminds.org/foreignlest-i1.htm). Après avoir cité Co 2:9, Jn 5:23, Rv 5:13,14, Jn
20:28, Is 9:6, Is 44:6, Rv 1:17, 22:13, Co 1:19 et IP 3:14,15, il affirme: « Nous pourrions
continuer, mais il a été démontré que Jésus partage le titre, la majesté et le culte rendu au Dieu
Tout-Puissant. » Cf. Stafford: 152-160.
8 Notre propos n'est pas d'expliquer en détail chaque verset pris en référence. Pour cela,
consulter par exemple l'ouvrage de Brian Holt, Jesus - God or the Son of God ?,TellWay
Publishing, 2002. L'auteur montre parfaitement bien le type d'argumentation employé pour
prouver que Jésus est Dieu: Dieu ne peut être que ceci ou cela, Dieu seulement peut porter tel
titre, etc., Jésus porte tel titre, donc Jésus est Dieu. Sauf qu'il n'est pas prouvé que Dieu
seulement peut porter tel titre (cf. par ex. Navas: 125-126)... Une parfaite illustration de ce
propos peut se trouver dans l'article précédemment cité, de Randall Watters, concernant Marc
13:32, qui montre que seul Dieu connaît l'heure de son intervention: « Au vu d'autres
déclarations faites par les apôtres ou Jésus lui-même au sujet de son omniscience et de sa
divinité, même quand il était sur terre, on peut comprendre Marc 13:32 de deux manières. Il
s'agit soit d'une non utilisation volontaire de ses attributs pendant son incarnation, soit de son
dépouillement temporaire de la divinité. On peut laisser de côté la deuxième solution, car elle

128
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

impliquerait un changement de nature, ce qui est impossible à Dieu, car il cesserait alors
d'être Dieu. Il faut donc comprendre Marc 13:32 comme une non utilisation de son
omniscience pendant son incarnation. Dans d'autres circonstances, cependant, Jésus exerça
son omniscience, comme le montrent les textes de Jean 1:49 ; 2:24, 25 ; 4:29 ; 6:66 ; 16:30 ;
21 :17 ; etc. Il pouvait donc choisir de connaître certaines choses tout en en laissant d'autres
sous la juridiction du père. » C'est assez tortueux et très peu convaincant. Sur Marc 13:32 (Mt
24:36, cf. Stafford: 197-199, Navas: 129-130.
9 Maurice Carrez, Nouveau Testament interlinéaire greclfrançais : 465.
10 Rolf Furuli, The Role of Theology and Bias in Bible Translation: 195 : l'identité
« ontologique» entre les personnes mentionnées dans l' AT et appliquées à des personnages
dans le NT n'est pas du tout évidente. Cf Osée Il:1 [référence faite à Israël] Il Mt 2:15
[citation appliquée à Jésus] ; Dt 32:43 [louanges pour Israël, « premier né de Dieu» selon Ex
4:22] /I Hébreux 1:6 [louanges pour le premier-né, Jésus].
11 Vaganay-Amphoux: 119 : « les écrivains anciens, portant plus d'intérêt au sens qu'aux
mots, ont fait grand usage de la citation libre où ils résumaient le texte pour ne retenir que
l'essentiel, ce qui les intéressait. »
12Pour traiter le détail de cette question, reportez-vous par ex. à l'ouvrage de R. Meynet, Lire
la Bible, Flammarion, 1996. Meynet met en lumière, entre autres, l'intertextualité et la
rhétorique biblique, qui expliquent parfaitement les reprises d'expression. Considérez
particulièrement ce qu'il dit de la citation, de l'allusion, et de la typologie (207-225).
13 Par souci de clarté et de concision, nous n'avons cité qu'un exemple. Voir également Job
42:11, et cette explication fournie par l'ouvrage Alleged Discrepancies in the Bible, de John
W. Haley: « Il est logique avec la façon de penser des Hébreux que, quoi qu'il arrive dans le
monde, sous la providence de Dieu, ce qu'il accepte d'avoir lieu, peut être attribué à son
action ». Cela explique la difficulté introduite par le rapprochement de 2 Samuel 24: 1 et 1
Chroniques 21: 1, ou la curiosité, en apparence, de Job 42: Il.
14 Encyclopaedia Universalis, 2006, art. « Hébraïques (langue et littérature) » par Valentin
Nikiprowetzky. Cf. BGS : 225 : « L'hébreu des temps anciens, resta, semble-t-il, une langue
vivante, peut-être à titre de langue locale en Palestine, maintenue par une minorité. Elle ne
cessa jamais d'être connue comme langue écrite: la langue de l'élite cultivée, la langue de la
Torah que les Juifs devaient connaître par cœur. Cet hébreu archaïque, il est vrai, évolua vers
l'hébreu mishnique, très influencé par l'araméen (1<.Hruby, R. Le Déaut). »
15 En effet, on a retrouvé la correspondance de Bar Kokhba, rédigée en hébreu, datée de cette
époque.
16Edmond Stapfer, La Palestine au temps de Jésus Christ, 1892 : VI :
http://www.regard.eu.org/Livres.6/Palestine.au. temps.deJ C/13 .html
17 George Howard, Hebrew Gospel of Matthew, 2e éd., Mercer University Press, 1995 : 155-
160; George Howard, « Was the Gospel of Matthew Originally Written in Hebrew? », in :
Bible Review, vol. II, n.4, 1986 : 16.
18Dans une étude très documentée sur la langue parlée en Palestine au 1ersiècle, Randall Buth
conclut de la manière suivante: « Jesus was most probably trilingual. He certainly knew
Hebrew and Aramaic (Luke 4.16-20 ; Mark 5.41). Probably he used Hebrew most of the time
for parables, for legal and religious discussions (e.g. Mark 2.1-12), and for daily matters in
Judea. Probably he used mainly Aramaic and Greek in daily matters in Galilee. Even in
Galilee it appears that His teaching to Jewish audiences would have been in Hebrew, although
present evidence is incomplete. His travel to Tyre and Sidon would presuppose ease with
Greek. » - « Language Use in the First Century: the Place of Spoken Hebrew in a Trilingual
Society», Journal of Translation and Textlinguistics 5/4, 1992 : 310.
19
C'était le préposé à l'organisation matérielle du culte. Il est appelé Ù1TllpÉtllC;
dans le NT (Lc
4:20).
20
La Palestine au temps de Jésus-Christ, 1892, VI, La synagogue:
http://www.regard.eu.org/Livres.6/Palestine.au.temps.de.J CI 13.html.
21 Par ex. Jn 5:2, 19:13,20:16.

129
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

22Paul Ellingworth, « Hebrew or Aramaic? », The Bible Translator 1986 37/3:338-341 ; 1988
39/1:130-131 et 1993 44/3:351-352; J.M. Grintz, « Hebrew as the Spoken and Written
Language in the Last Days of the Second Temple », JBL 79, 1960, 32-47 ; J. C antine au,
« Quelle langue parlait le peuple en Palestine au 1er siècle de notre ère? », Semitica 5, 1955 :
99-101.
23 Cela ressort de l'étude menée par John C. Poirier, « The Narrative role of semitic languages
in the book of Acts », Filologia Neotestamentaria - Vol. XVI - 2003: 107-116. L'auteur
conclut ainsi: « Philology is on the side of translating tiJ tE~p(iLÔLôLaÀÉKt'¥as « Hebrew»,
but scholarship has not been of one mind on whether philology alone should decide the issue.
The point of this article is that philology need not bear the whole burden of exegesis: the
narrative logic of Acts 21- 22 leads to the same conclusion. The tribune forges a connection
between Paul's ability to speak Greek and his possible identity as « the Egyptian », which
implies that Greek was fairly scarce among the Jewish crowd, yet while the tribune is
depicted as conversing directly with the crowd in an effort to learn Paul's offense (implying
that the tribune could understand Aramaic), he is ready to resort to scourging to find out
what Paul said when he addressed the crowd « in the Hebrew dialect ». Taken as a whole,
therefore, the episode depicts Paul using three different languages: Aramaic, then Greek, then
Hebrew. It also appears that a tactical denial of access can explain the reference to tiJ
tE~patôL ôLaÀÉKtwin Acts 26,14. Christ spoke to Paul in Hebrew so that his traveling
companions would not understand what was being said. » (p.116, nous soulignons)
24Actes de Pilates, Prologue, in : Quéré, Évangiles apocryphes: 127.
25 Carrez, Les langues de la Bible: 84.
26 Carrez, Les langues de la Bible: 87-88.
27BGS : 224-225
28 Ce n'est pourtant pas tout à fait certain (la transcription grecque est-elle fiable ?). G.
Buttrick rappelle: « Les opinions sont divergentes quant à savoir en quelle langue ces mots
ont été prononcés et si Jésus aurait plus naturellement utilisé l'hébreu ou l'araméen. [...] Des
documents montrent qu'une forme d'hébreu teinté d'araméen était peut-être parlée en
Palestine au 1er siècle ap. J.-C. » - The Interpreter's Dictionary of the Bible, 1962, vol. 2 : 86.
29 Quant à nous, nous considérons que si, bien évidemment, Jésus connaissait l'araméen, le
problème n'est pas résolu: il est tout aussi vraisemblable que son ministère se soit effectué en
hébreu (Fields: 274-281 ; Bivin et Blizzard, Understanding the Difficult Words of Jesus,
Treasure House, 1994).
30 Cf TDNT 4 : 466-472. Par ailleurs, la tradition manuscrite hésitante ne permet pas de
déterminer avec certitude un original hébreu ou araméen (cf. TC : 58-59, 99-100).
31 Voir par exemple Fr. Bernard-Marie, La langue de Jésus
- l'araméen dans le Nouveau
Testament, éd. Pierre Téqui, 1996 (recensant une quarantaine de termes araméens dans le NT)
et Matthew Black, An Aramaic Approach to the Gospels and Acts, éd. Hendrickson
Publishers, 1998.
32 Carrez, Les langues de la Bible: 9.
33
Richard Lebeau, Une histoire des Hébreux - De Moïse à Jésus, Tallandier, 1998 : 184.
34 En particulier, le respect du sabbat, la circoncision et la possession de la Torah furent
interdits. Le culte des dieux païens fut rendu obligatoire, et les réfractaires mis à mort. Le roi
fit même ériger un autel dédié à Zeus dans le Temple.
35 Sous Antiochos V (fin 163, début 162 avo J.-C.), et suite à la révolte maccabéenne, un édit
autorisant les Juifs à respecter leur Loi fut promulgué: « nous avons appris que les Juifs ne
consentent pas à passer, comme le voulait notre père, aux usages grecs, mais que, préférant
leur propre genre de vie, ils demandent que leurs coutumes leur soient laissées: désireux que
cette nation reste tranquille, nous décidons que le Temple leur soit rendu et qu'ils puissent
vivre selon les mœurs de leurs ancêtres. » - 2 Maccabées Il :23-25, cité dans Richard Lebeau,
Une histoire des Hébreux, Tallandier, 1998 : 200.
36Lebeau: 169-206.
37 BGS : 225.
38BGS : 226.

130
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

39 Cette femme est présentée ainsi : yuv~ ~V tEÂÀ:r}VI.C;, EUPO<j>OLVLKLOOa t4> yÉVEL,« Cette
femme était grecque, syro-phénicienne d'origine» (Mc 7:26, LSG). Dans le passage parallèle
de Mt 15 :22, on lit : yuv~ XavavaLa, une femme cananéenne. Le Dictionnaire encyclopédique
de la Bible d' A. Westphal donne ces précisions: « Cette femme est donc caractérisée par sa
langue (grecque), par sa race (phénicienne) et par sa province officielle (syrienne). » (art.
Syro-phénicienne). Mais il est aussi possible que tEÂÂT}VI.C;
soit synonyme de Gentile.
40
Au sujet de l'origine du nom de Jésus, qui est assez complexe, ct: Gertoux : 159-169, pour
une édifiante discussion sur ses liens avec le tétragramme et sa vocalisation.
41 Gertoux : 104 : « Si Jésus a employé le Nom, il semblerait cependant qu'il en ait fait,
comme ses apôtres, un usage prudent dans ses conversations courantes. De plus, pour éviter
d'être accusé de blasphème durant son jugement, Jésus respecta la restriction judiciaire de ne
pas prononcer le Nom avant l'annonce finale du jugement (Sanhédrin 56a 7,5). C'est pour
cette raison que, pendant l'interrogatoire, seuls des substituts furent utilisés, comme: « le
Dieu vivant », « la Puissance» (Mt 26:63,64), « le Béni» (Mc 14:61,62). D'ailleurs, pour
éviter une accusation postérieure injuste, Jésus respecta scrupuleusement cette restriction
judiciaire et continua de ne plus employer le nom divin jusqu'à sa mort. »
42 « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle
aux pauvres; Il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer aux captifs
la délivrance, Et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés,
pour publier une année de grâce du Seigneur ».
43 Archer & Chirichigno : ~261.
44 Comme pour d'autres passages, la pratique de l'harmonisation, que la critique textuelle
permet de mettre en évidence, a pour objectif l'aplanissement des difficultés - parfois de
supposées contradictions, ou des variantes que l'on estime gênantes - rencontrées dans le
texte. Cf. Pache : 148-152.
45 Dans la vie de tous les jours, Jésus parlait araméen, et enseignait dans cette langue (voir par
ex. les témoignages de Mt 27:46 et Mc 5:41). Cf. Ad. Neubauer: On the dialects spoken in
Palestine in the time of Christ, in Studia Biblica, vol. I, Oxford, 1885 : 39-74. Mais il est
quasiment certain que c'est bien en hébreu que Jésus prononçait l'homélie dans la synagogue.
A un moment ou à un autre, il rencontrait donc le nom de son Père qu'il prononçait à haute
voix sans que personne n'y voie d'inconvénient.
46
En vérité je vous le dis - Une lecture juive des Évangiles, Éditionol, Paris, 1999 : 99-100.
47 Nous avons de fortes raisons de penser que les fonctionnaires romains envoyés dans les
provinces parlaient la langue internationale grecque d'alors plutôt que le latin. Ainsi Pilate se
serait adressé à Jésus en grec. Le grec avait à l'époque un prestige tel que l'élite romaine allait
faire ses études en Grèce et parlait bien sûr couramment la langue d'Homère (cf. les Scipions,
César, Marc-Aurèle, etc.). Sur le bilinguisme des Romains (et les implications de cette
pratique sur l'identité de la civilisation romaine et gréco-romaine), cf. F. Dupont et E. Valette-
Cagnac (dir.), Façons de parler grec à Rome, Belin, 2005.
48 Kahle, The Cairo Geniza : 222.
49 Cf. Roger Nicole, « New Testament Use of the Old Testament », Revelation and the Bible,
éd. Carl F. Henry: 137-5; René Pache, The Inspiration & Authority of Scripture, éd. The
Moddy Bible Institute of Chicago, 1969; rééd. Sheffield Publishing Compagny, 1992-
chapitre 10 'Quotations from Old Testament in the New' : 97-101.
50Liturgie juive et Nouveau Testament, Rome, 1965 : 61.
51 W.R. Arnold, « The Divine Name in Exodus 111,14», JBL 24, 1905 : 135.
52 Gérard Gertoux fait une très intéressante analyse de différents procès rapportés dans le
Nouveau Testament (Étienne, Jésus, Paul, des Judéo-Chrétiens) et montre que les Chrétiens
d'origine juive étaient traités en apostats. Légalement, ils encouraient donc des peines de
flagellation, de prison, d'expulsion de la synagogue, mais pas de mort (Ac. 8:3, 22:4; Jn
12:42 ; Mt 10:17, Ac 22:19). La mort n'était infligée par lapidation qu'en cas de profanation
du Temple ou de blasphème contre le Nom divin. Bien sûr, tout blasphème consistait en
l'usage à haute voix du Nom. (Lv 24:14-16 ; Jn 10:33, Sanhédrin 7:5). Or Étienne fut lapidé,
précisément parce que son discours révèle un emploi du nom divin à trois reprises (Ac 7:31,

131
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

33, 49). En revanche, les accusateurs de Jésus ne surent le mettre en défaut sur ce point (Mt
26:65), car Jésus connaissait la Loi ainsi que leurs intentions. Il ne prononça donc pas le Nom
lors de son procès, mais seulement des substituts. Et bien que le grand-prêtre déchire ses
vêtements et l'accuse de blasphème, il demande l'avis des autres, car les propos de Jésus
prêtent à interprétation (Mt 26:66). Les Juifs qui auraient pu le faire lapider pour motif
religieux furent donc réduits à recourir au motif civil (lèse-majesté envers César) et faire
appel à Pilate. Le même piège fut tendu à Paul, mais ce dernier, connaissant le triste précédent
d'Étienne (Ac 22:20), et ayant déjà subi une situation similaire sans se méfier (Ac 14: 19), fut
suffisamment habile pour changer les accusations passibles de mort portées contre lui
(profanation du Temple, Ac 21 :38 et apostasie Ac 21 :21) en accusation concernant des
croyances différentes (Ac 23:6). Ainsi, ces considérations montrent sans détours que le nom
divin était encore en usage à l'oral parmi les Juifs. Seuls ceux qui étaient considérés comme
apostats (les chrétiens d' origine juive) ne pouvaient l'employer dans un procès sans encourir
la peine capitale. Cf. Gertoux, The Name of God..., Appendice G. « Religious trials of the
first century» : 290-296.
53JBL, vol. 96, Nol, Boston, Mars 1977 : 63.
54
Ibid. : 76-77
55
Liber de viris illustribus III, traduit par F. Collombet, Paris 1840 : 15.
56Cf. Bullinger: 145-146, App. 99, « The Two Genealogies of Matthew 1 and Luke 3 ».
57 Cf. Westphal, Dictionnaire encylopédique de la Bible, art. 'Généalogie de Jésus-Christ' :
« Elle [la généalogie] part d'Abraham et aboutit au Christ. Elle doit comprendre, suivant le
projet arrêté de l' auteur (verset 17), trois groupes artificiels de quatorze générations. On a
pensé que le rédacteur, d'après un usage courant dans l'A.T., prêtait à chaque génération une
durée uniforme de quarante ans. Le nom du roi David serait en même temps la clé de son
système et de sa symbolique du nombre (les consonnes de ce nom, en hébr., font en effet 14,
c-à-d, deux fois 7, le chiffre sacré; D V D : 4 + 6 + 4 = 14; d'après Box, Lagrange). » Il y a
une curiosité dans le nombre des générations, puisqu'au lieu d'aboutir à 42 générations (14 x
3), on aboutit à 41 : cf. Barnes' New Testament Notes, à Mt. 1: 17 ; EP : 981-982.
58 Cf. Kuen, Évangiles et Actes: 65, Thayer: 344. Tresmontant traduit ainsi: « jusqu'à ce
qu'ils passent les cieux et la terre un iod unique ou un seul petit trait ne passera pas de la tôrah
jusqu'à ce que tout soit réalisé. » Et Chouraqui, bien sûr, abonde dans ce sens: pas un yod,
« pas un signe de la tora»... Cela dit, Jésus faisait référence davantage à l'autorité perpétuelle
des Écritures qu'à leur préservation inerrante, ct: Combs: 23. Détail amusant, lors de la crise
arienne, la controverse portait sur deux termes différents d'un seul iota: il s'agissait de savoir
si Jésus était consubstantiel au Père (OP.OOUOI,OÇ), position de Nicée, ou OP.OLOUOLOÇ (d'une
essence semblable), position défendue par Arius! Cf: Boularand, La «Foi» de Nicée: 331-
332.
59 Howard, Hebrew Gospel: 16. Quant au terme 'trait', il est rendu par i1"pJ, qu'Howard
traduit par point (' dot').
60
BDB : 669-672, DRAB : 256-257.
61
Cf. Archer & Chirichigno : ~292. Nous n'ignorons cependant pas qu'il pourrait s'agir d'une
accommodation du sens du texte. Bullinger, App.l07: 152.
62
Mt 4:4, 4:7, 4: 10. On remarque au verset 6 que le Diable ne craint pas non plus de citer les
Écritures pour en tordre le sens. Jamais il ne fait mention du Nom Glorieux, évidemment.
63 Jean Carmignac, La naissance des évangiles synoptiques, O.E.I.L., 1984. Il distingue neuf
catégories de sémitismes: sémitisme d'emprunt, d'imitation, de pensée, de vocabulaire, de
syntaxe, de sty le, de composition, de transmission et de traduction.
64 Voir par exemple: Le Christ hébreu et Les quatre évangiles O.E.I.L., 1983 et 1991.
65 Carmignac : 10.
66 Carmignac : 11-12.
6770% des citations du NT proviennent de la LXX. Cf. Paul D. Wegner, A Student's Guide to
Textual Criticism of the Bible, InterVarsity Press, 2006 : 179.
68
ln : Matteo: 73. P. Grelot a d'ailleurs fait l'objection à Carmignac que les évangiles
synoptiques citent l'AT d'après la LXX. Et Carmignac de répondre: « Que les traducteurs

132
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

grecs, quand ils rencontraient une citation de l'Ancien Testament, aient recouru à la traduction
courante, c'est tout naturel. Ainsi moi-même, pour rendre en français le texte de Vatican II,
j'ai utilisé la traduction officielle. » (Carmignac : 112) Voir Vaganay-Amphoux : 122.
69 Cf. Kuen, Évangiles et Actes: 96
70 Cf: Matthew Black: 207-208.
71 Carmignac : 40. Idem en Mt 14:30,27:54, Mc 5:15 et Jn 6:19.
72 Cf. Tresmontant, Le Christ hébreu: 48-49.
73 Bernard-Marie: 49.
74 Bernard-Marie: 32. Une expression équivalente pourrait être « bave de crapaud! »...
75 Matthew Black: 175-176.
76
Bernard-Marie: 44.
77 Chouraqui, La Bible: 1875.
78 Benner: 56-57 ; voir aussi Fields: 280.
79 En Daniel chapitre 7, deux euphémismes désignent le tétragramme: le « Très-Haut », ou
« l'Ancien des Jours» (7: 13). Que les propos de Jésus reprennent les propos de Daniel, lequel
s'évertue précisément à ne pas mentionner le Nom, appuie l'hypothèse que Jésus n'a pas
~rononcé le nom divin explicitement lors de son procès.
o Carmignac : 49. Le passage est parallèle à Lc Il:50-51, où Carmignac relève par ailleurs
deux sémitisme de vocabulaire (demander le sang de quelqu'un, i.e. tenir pour responsable;
maison comme synonyme de Temple), et un sémitisme de transmission: le terme 'juste'
(NQY, ou au pl. NQYM) a été confondu au terme 'prophète' (NBY', voire NBY dans
l'écriture de Qumrân).
81Voir Jésus et son temps, Selection du Reader' s Digest, 1987 : 151-159.
82
RWP, ad loco
83 André LaCocque, « Le Grand Cri de Jésus dans Matthieu 27/50 », Études Théologiques et
Religieuses, 2000, vol. 75, n02 : 161-187.
84LaCocque : 162.
85 LaCocque : 166.
86 « En fait, Matthieu présente la Passion de Jésus comme le résultat d'un affrontement avec le
Temple, c'est-à-dire avec l'establishment juif de l'époque. Et, alors que la mort de Jésus
devrait assurer le triomphe du pouvoir en place, c'est le contraire qui survient. » (LaCocque :
168)
87LaCocque : 171, note 41.
88 LaCocque : 180-181.
89LaCocque : 182.
90 Dans certains manuscrits (e rI 700* pc syS OrnSS), le parallèle est encore plus frappant,
puisque Barabbas (i.e. bar Abba, « le fils du père» ou « le fils d'Abba ») est appelé Jésus
Barabbas (cf: TC : 56). Il est à remarquer que Jésus est la victime innocente par excellence,
puisque Barabbas, qui est libéré, avait précisément commis les forfaits dont on accusait Jésus
(notamment la sédition contre l'empire romain, Lc 23 :18) !
91 Mt 27:50 et Mc 15:37 ne précisent pas la teneur des dernières paroles de Jésus. Selon Lc
23:46, Jésus cria d'une voix forte (<I>wviJIlEY&À.1J) : « Père, je remets mon esprit entre tes
mains » (citation du Ps 31 :5). Mais d'après Jean 19:30, il déclara: « Tout est accompli ».
Ainsi, ce qui n'est pas dit en Mt et Mc est rapporté en Lc et Jn. Mais les quatre récits ne
s'opposent pas formellement à un dernier grand cri qui serait le tétragramme. Le silence de
Mt, qui s'adresse à des Juifs, et qui a tantôt fait usage d'euphémismes pour le Nom (cf. Mt
13:31,32, 26:64), pourrait abonder dans ce sens.
92 LaCocque : 181.
93 LaCocque : 186.
94 George Howard, Hebrew Gospel of Matthew, 2e édition, GA : Mercer University Press,
1995, particulièrement pp.229-232. Howard souligne: « The occurrence of the Divine Name
in Shem-Tob's Matthew supports the conclusions I reached in an earlier study of the
Tetragrammaton in the New Testament, basing my observations on the use of the Divine
Name in the Septuagint and in the Dead Sea Scrolls. (...) In my previous study, I concluded

133
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

that the New Testament writers, who had access to such copies of the Septuagint, may have
preserved the Tetragrammaton in their biblical quotations from the Septuagint. Now Shem-
Tob's Matthew testifies to the use of the Divine Name in the New Testament. As argued
above, it is very unlikely that Shem- Tob inserted the Divine Name into his text. No Jewish
polemist would have done that. Whatever the date of this text, it must have included the
Divine Name from its inception. » (231-232).
95
Pour autant, cela ne signifie pas qu'il s'agirait-là du texte original de l'évangile tel que
rédigé par Matthieu; ou encore que cette version hébraïque serait plus fidèle que la tradition
grecque. George Howard ne l'affirme pas, et nous ne le pensons pas non plus. Sur la Vorlage
hébraïque dont s'est servie Shem Tob, cf. Niclos J. V., « L'évangile en hébreu de Shem Tob
Ibn Shaprut : Une traduction d'origine judéo-catalane due à un converti, replacée dans son
Sitz im Leben », Revue biblique, 1999, vol. 106/3 : 358-407. Voir aussi R.F. Shedinger, « A
further consideration of the textual nature of Shem- Tob's Hebrew Matthew», Cathol. Biblic.
q, 1999, vol. 61/4 : 686-694, qui soutient la vraisemblance d'une tradition hébraïque ancienne.
Un autre article d'Howard, « A Note on Codex Sinaiticus and Shem- Tob's Hebrew Matthew
», Novum Testamentum, 1992, vol. 34/1 : 46-47, montre que neuf leçons du texte hébreu de
Matthieu conservées par Shem Tob ne se retrouvent que dans le Codex Sinaïticus (cinq dans
le Sinaïticus lui-même, et quatre autres dans une ou plusieurs versions égyptiennes et
quelques témoins mineurs), ce qui prouve sa haute antiquité.
96
Cité dans WB&TS, La Tour de Garde du 15 août 1996 : 13.
97 Voir Hugh Schonfield, An Old Hebrew Text olSt. Matthew's Gospel, 1927 : 3-4.
98 « The du Tillet text of Matthew in Hebrew is not...a mere translation of the Latin Vulgate
or even an Old Latin text. It is... a late development in a series of revisions of an earlier
Hebrew Matthew reflected in a much less corrupted form in Shem- Tob. Du Tillet includes
two basic types of revision: (1) stylistic modification and (2) revision designed to bring the
Hebrew into closer harmony with the current Greek and Latin texts. Most stylistic
modifications consist of improvements in grammar and substitution of synonymous words
and phrases. Revisions designed to bring the Hebrew into closer harmony with the Greek and
Latin were apparently for the purpose of establishing a common textual base for discussion
and debate between Jews and Christians. » - George Howard, « The Textual Nature of an Old
Hebrew Version of Matthew », JBL 105/1 (1986) : 62-63.
99Evangelium secundum Matthaeum in lingua Hebraica, cum versione latina atque succinctis
annotationibus, Basiliae, 1537.
100
in : Chouraqui, La Bible: 1875.
101
Actes 12:12,25. On fait mention de lui sous son surnom en Ac 15:39, 2Ti 4:11, Co 4:10,
IPi 5:13. Appelé Jean en Ac 13:5,13.
102cf. Le Nouveau Testament, Osty et Trinquet, Ed. Siloé, 1974 : 15
103Par ex. : - il explique les mots difficles ou les traditions juives: Mc 2:18, 3:17, 22, 7:3,
12:18, 42, 14:12, 15:16,42. - il insiste aussi sur le fait que le message s'adresse également à
eux: Mc 7:27-29, Il:17, 13:10. Ses latinismes conduisent à penser qu'il a composé son récit à
Rome, pour des Romains (McI5:16, 15:39). Enfin on a de nombreuses raisons de penser que
c'est un évangile de circonstance, composé pour les chrétiens dont la foi est mise à l'épreuve
par les persécutions (Mc 4:17,10:30,13:9-13).
104Actes 12:12,25/ Actes 15:38, Co 4:10, Phm 1:24, Ac 13:13.
105 Un sémitisme de traduction étonnant se trouve peut-être en Mc 5: 13. Le troupeau de porcs
qui y est décrit compte environ deux mille têtes. En hébreu, l'expression C"£)"N~ peut se
vocaliser de deux manières: ke 'alpayîm (environ deux mille) ou bien ka 'alâpîm (par bandes).
Carmignac estime « absolument invraisemblable (la présence des deux mille porcs) dans cette
contrée de Transjordanie (le Golan actuel). » (Carmignac : 46). À l'appui de ses dires, il
signale en outre que les passages synoptiques de Mt 8:32 et Lc 8:33 ne mentionnent pas de
chiffre.
106
Cf supra, Marc 1:3 IlIsaïe 40:3.
107Pour une étude détaillée de ce sujet, cf. F. Manns, « Le milieu sémitique de l'Évangile de
Marc », Liber Annuus 48, 1998: 125-142. Manns est également auteur de l'ouvrage Une

134
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

approche juive du Nouveau Testament, éd. Cerf: Paris, 1998 où il étudie plus spécialement
Matthieu, Luc et Jean.
108Il est intéressant de noter que la suite du passage de Romains 9 en fournit l'explication en
citant un passage clé des Écritures, que nous avons déjà évoqué [Exode 9:16] : « Car
l'Ecriture dit à Pharaon: 'C'est pour cela même que je t'ai laissé subsister, pour montrer à ton
sujet ma puissance, et pour que mon nom soit proclamé dans toute la terre.' Ainsi donc, il a
Eitié de qui il veut, mais il laisse s'obstiner qui il veut. » (Versets 17 et 18).
09Mt 8:28 parle deux personnes possédées, tandis que Luc et Marc n'en mentionne qu'une.
110Cf. Bernard-Marie: 47-48.
111
EP : 166.
112NBS : 1330.
113Carmignac : 13-14.
114Nous nous inspirons librement des remarques d'Abécassis : 158-173.
115Gn Il : 30 ; 25:21 ; 29:31 ; Jg 13:2,3 ; 1 Sa 1:5.
116Cf: Gn 15:1 ; 21:17 ; Da 10:12 : Jg 6:23.
117Remarquez qu'Abraham s'adresse directement à Jéhovah en l'interpellant librement par
son nom.
118Abécassis : 161. Nous soulignons.
119Darby: p.X.
120Mt 10:2; 25:55,56; Mc 3:14,16,17; 15:40; Lc 6:14; 8:51 ; 9:28; Ac 1:13
121« Ses frères Jacques et Pierre formaient avec lui le groupe privilégié des disciples de Jésus
(témoins de la résurrection de la fille de Jaïre, de la transfiguration et de l'agonie de
Gethsémani). » - Encyclopaedia Universalis, art. 'Jean l'Evangéliste saint'. Voir Jean 13:23,
Mr 5:37, Mt 17: 1, 26:37
122
cf. EP : 1244.
123George Howard, « A Note on Shem Tob's Hebrew Matthew and the Gospel of John »,
JSNT 42,1992: 117-126.
124Gertoux : 105.
125JBL 96, op.cit.: 76-77.
126Chouraqui, La Bible: 2059.
127
Archer & Chirichigno : ~231.
128 « The crowd shouts, repeating Psaume 118:25, a Messianic prophecy from the Hallel
Psalms, later to be sung at the Passover. The Greek KYRIOU may allow for the assumption
that the Tetragram was originally here. The name Yehowah occurs in the Hebrew Text of
Psalm 118:25. Whether these Jewish disciples of Jesus actually uttered the Divine Name is
unknown. Ifwe let Josephus be the judge, they did not, but said « Lord »instead. » -NC.
129Comme cette forme j1' est une représentation du Nom, de valeur numérique 15 (10+5),
qu'on emploie à sa place le substitut'~ (9+6).
130Durant: 216. L'apôtre est plus vraisemblablement mort vers 67-68 sur la route de Rome à
Ostie.
131Sur les liens (réels ou supposés) entre christianisme et essénisme, cf. l'opuscule de Jean
Daniélou, Les manuscrits de la mer Morte et les origines du christianisme, éd. De l'Orante,
1974.
132Shanks, L'aventure des Manuscrits de la Mer Morte: 234.
133Pour aller plus loin: Joseph Fitzmyer, « The Qumran Scrolls and the New Testament after
Forty Years», Revue de Qumran, 13,1988 : 613-615.
134Shanks, L'aventure des Manuscrits de la Mer Morte: 236, voir aussi 227-266.
135« Une influence directe de la secte de Qournrân sur l'Église primitive se révèlera sans
doute moins probable que des développements parallèles au sein de la même situation
d'ensemble. La question qui se pose ici est celle qui se posait quand nous avons essayé
d'expliquer les analogies entre le judaïsme et le mazdéisme, ou même entre le christianisme et
les cultes païens à mystères. » - Millar Burrows, Les manuscrits de la Mer Morte, Robert
Laffont, 1970, traduit par M.Glots et M.- T. Franck, p.375.

135
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

136 Chanoines de l'Eglise métropolitaine de Tours, traduction de 1920, in : Manuel du


chrétien.
137En fait, nous n'avons trouvé aucun manuscrit grec appuyant cette lecture. NA27 Graece et
Latine (1984) : 553 mentionne un seul témoin latin.
138Il est de loin celui qui emploie le plus souvent l'expression KUPLOU ~~wv 'IT)oOÛ(suivi de
XpLOtOÛou non), avec pas moins de 37 emplois.
139NA27 Graece et Latine: 808 ; la citation pourrait aussi être tirée de l'Hymne à Zeus de
Cléanthe, GNT : 901 et Durant: 223.
140
Le Nouveau Testament en mentionne quelques-unes: Artémis (Ac 19:36), Zeus, Hermès
(Ac 14:12).
141Beaucoup considèrent la seconde épître pseudépigraphe. L'argument, sommaire, se base
sur la très grande proximité littéraire de cette épître avec celle de Jude, dont on prétend qu'elle
serait plus ou moins une paraphrase tardive. Dans son ouvrage L'origine et la date des
évangiles, Philippe Rolland montre que l'argument ne tient pas et montre que c'est en fait
l'inverse: c'est plutôt Jude qui dépend de 2 Pierre, et toutes deux sont authentiques (éd. Saint-
Paul, 1994, cf. pp.84-103).
142Avec Jacques et Jean, il assista à la transfiguration de Jésus (Mt 17: 1, 2, Mc 9:2, Lc 9:28,
29), à la résurrection de la fille de Jaïrus (Mc 5:22-24, 35-42) et l'épreuve de Jésus au jardin
de Gethsémané (Mt 26:36-46, Mc 14:32-42).
143Cf. par ex. Isaïe 13:6, Joëll:15, 3:4, 4:14, Amos 5:18,20, Sophonie 1:7, 1:14, Mal 3:23.
144
Concernant la supposée virginité perpétuelle de Marie, il est intéressant de souligner le
terme employé en Lc 2:7 : Kat. ËtEKEVtOV ulov autf)ç tOV 1TPWtOtOKOV, « elle mit au monde
son premier-né». En grec comme en français, le terme 1TPWtOtOKOV suggère des naissances
ultérieures. A. T. Robertson explique: « The expression naturally means that she afterwards
had other children and we read of brothers and sisters of Jesus. There is not a particle of
evidence for the notion that Mary refused to bear other children because she was the mother
of the Messiah. » (RWP) Voir aussi Mt 1:24,25, 13:55,56, Jn 2:12, 7:2-5, Mc 3:31-35, 6:1-3.
Cf. Shanks, H. et Witherington III, B., Le Frère de Jésus, éd. AdA Inc., 2004.
145
Adam Clarke 's Commentary on the Bible, ad loco
146
ri 'ange de] Selon la TMN, qui renvoie à l'ancienne version syriaque (cf verset 1).
D'autres versions suivent cet usage, comme JER, BFC et TOB.
147Voir 1Th 4: 16 et Rv 12:7. Nous pensons que l'étymologie du terme apxaYYEÂOÇindique
qu'un seul ange est archange, ce qui est corroboré par le fait que ce terme n'apparaît jamais
au pluriel, ni ne fait allusion à différents personnages. Cf. Holt: 337-355, particulièrement le
tableau de la page 355.
148
Selon Clément d'Alexandrie (Adumb. in Ep. Judae) et Origène, IIEpL Apxwv 3:2), cette
tradition proviendrait du livre de l'Assomption de Moïse (ouvrage rédigé au début du 1er siècle
de notre ère par un pharisien), ce qui n'est pas vérifiable car la version incomplète que nous
en possédons, issue d'un manuscrit latin du 6e siècle de notre ère, ne présente pas le passage
correspondant. Josèphe, pour sa part, nous rapporte: « Mais il a écrit lui-même dans les
Livres saints qu'il était mort, de crainte que, par excès d'affection pour lui, on n'osât prétendre
qu'il était allé rejoindre la divinité. » - AJ IV, 8. En cela, il reprend la pensée de Philon, selon
laquelle Moïse aurait prophétiquement écrit le récit de sa mort (De Vita Mosis, II, 288-291).
149Ce n'est d'ailleurs pas le seul exemple de cette courte épître: aux versets 14 et 15, on a
probablement une allusion au livre apocryphe d'Hénoch, 1:9 (on dit que ce livre a été rédigé
vers le lIe ou 1er siècle avo n.è. Certains chercheurs estiment néanmoins qu'il s'agit d'une
compilation dont les parties ne sauraient être datées, et dont il se pourrait bien que des parties
aient été empruntées à Jude lui-même.. .).
150
Le verbe '~i?~1 est au singulier. Dans la LXX, Ë9atJlav,bien que pluriel, peut signifier « on
l'ensevelit ». Il faut néanmoins rappeler que Jéhovah est parfois désigné quand il est le
commanditaire d'une action, pas forcément celui qui l'accomplit. Il nous semble donc qu'un
-
ange ait pu cacher le corps de Moïse, peut-être même l'archange Mikaël d'où la dispute
entre Mikaël et Satan. Au passage, précisons que ceci ne signifie pas que Satan ignorait

136
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

l'endroit de la sépulture de Moïse. Mais sans doute qu'il souhaitait que les humains le
connaisse. Une bonne leçon au regard du culte des saints...
151Cf: Daniélou, Théologie du judéo-christianisme : 235-251.
152Pour ne citer qu'un exemple (sur un verset différent, mais dont le problème est similaire),
Ie très grand érudit W.D. Mounce écrit: « Given the fact that kyrios is used by the LXX to
translate YHWH, 'Yahweh', it is hard for me to imagine that the Jewish Paul meant anything
less than confessing the deity of Christ in Rom. 10:9. » - Mounce: p.XXI. Le verset de
Ro 10:9 affirme en effet que « Jésus est Seigneur », mais il explique aussi que « Dieu l'a
relevé d'entre les morts »...
153 Il faut déjà remarquer que c'est moins le texte que notre compréhension qui s'est
corrompue! Car on a vu que KUpl.OÇ se référait presque toujours à Jéhovah.

137
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

5
,
Inspiration et préservation des Ecritures

La transmission des manuscrits bibliques a-t-elle été fiable? Pour tout


croyant, la réponse est un oui inconditionnel. Cependant, prétendre que le
nom divin ait pu figurer originellement dans le Nouveau Testament, sans
nous être parvenu jusqu'à aujourd'hui, c'est indirectement remettre en cause
la préservation providentielle des Écritures. Cette remise en cause est le
principal argument invoqué contre la thèse que nous soutenons. Comment,
soutient-on, une corruption aussi grave que la disparition du nom de Dieu
aurait-elle pu survenir? C'est impossible: donc le nom divin n'a jamais fait
partie des Écritures grecques-chrétiennes. De même, le fait que plus de cinq
mille manuscrits du NT (globalement homogènes) nous soient parvenus, qui
accusent l'absence du nom divin, peut sembler une preuve concrète et
indiscutable en faveur de son absence originelle. Cette affirmation constitue
le deuxième et dernier argument principal qu'il nous faut traiter.
Le but de ce chapitre est d'introduire le lecteur à la critique textuelle.
Sans un aperçu de cette discipline et de ses méthodes de travail, il est
impossible d'apporter une réponse claire aux deux objections précitées. La
critique textuelle, méconnue et souvent mal aimée, est un champ d'activités
qui s'est révélé d'un grand intérêt pour l'édition de la Bible. Son objectif
premier est de collecter, évaluer (par la comparaison et par l'analyse interne)
et d'éditer les manuscrits. Elle permet de détecter et de supprimer les erreurs
de copies. Elle retrace minutieusement I'histoire des manuscrits, rattache
ceux-ci à des familles-type, détermine des parentés utiles à l'élimination des
« mauvaises» copies... C'est la critique textuelle qui rappelle des évidences
comme l'idée qu'une erreur de copie (ou toute autre corruption, comme une
omission, ou une substitution), même recopiée cinq mille fois, et donc
présente dans la bagatelle de cinq mille manuscrits, est toujours une erreur.
Elle est donc indispensable pour réfuter les mauvais raisonnements. De plus,
la critique textuelle, aidée par la paléographie, détermine avec soin la date
des manuscrits qui nous sont parvenus.
À quelques exceptions très rares et très localisées, la majorité des
manuscrits les plus anciens qui nous sont parvenus datent du IVe siècle de
notre ère. Ainsi, il n'est pas possible de se baser sur des centaines, voire des

139
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

milliers de manuscrits du quatrième siècle, pour prouver le contenu de ceux


du premier. Il n'y a donc pas de sacrilège à soutenir que le nom divin
paraissait dans les manuscrits autographes du Nouveau Testament, ainsi que
dans ses premières copies judéo-chrétiennes, et cela ne remet absolument pas
en cause la préservation des Écritures. Au quatrième siècle, comme nous le
montrerons les chapitres suivants, divers phénomènes avaient abouti à une
identification entre Jésus et Dieu. Par conséquent, on ne peut se baser sur les
copies du NT réalisées à cette époque pour connaître le contenu des
autographes. En outre, rien n'interdit d'envisager la naissance très précoce
d'une famille de copies sans le nom divin. Au contraire, l'histoire
mouvementée de la séparation entre judaïsme et christianisme nous incite à
penser que les chrétiens issus de la gentilité prirent très vite leurs distances
avec tout ce qui pouvait « sonner» sémitique. Si cette famille de copies date
du lIe siècle (comme notre étude tend à le montrer) l'emploi des plus de
5000 manuscrits qui, certes, sont bien préservés, mais reproduisent tous le
même schéma, ne permet pas de déterminer de manière sûre et scientifique
l'absence du nom divin dans les écrits originaux. On le voit, quelques
considérations sommaires suffisent à montrer combien les raisonnements les
plus subtils et convaincants peuvent être trompeurs (ou en tout cas, occulter
une grande partie du problème).
Effectivement, les manuscrits des Écritures grecques-chrétiennes sont
remarquablement conservés, mais la critique textuelle nous montre qu'ils ne
sont pas dépourvus d'erreurs. Il n'est pas non plus exact d'affirmer que Dieu
a promis une préservation exacte et inerrante, c'est-à-dire infaillible et au
mot près, de sa Parole. En fait, les détracteurs de notre thèse
instrumentalisent la méconnaissance par le public non spécialiste des notions
bibliques d'inspiration et de préservation des Écritures. Nous allons donc
définir ces notions avant de montrer leurs liens véritables avec la critique
textuelle.

QUMRAN, CAVE 4

140
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Inspiration divine
La Bible, ensemble de livres rédigés de la main de l'homme, se prétend
Parole de Dieu (Jn 10:27). Certaines parties ont été révélées par des rêves
(lCh 17:3, Nb 12:6), dirigées par la main de Dieu (2R 3:15,16 ; Ez 3:14,22),
mises dans la bouche des prophètes (Nb 22:38), voire face à face (Nb 12:7),
ou encore par le moyen de Son esprit (2S 23:2, Jo 2:28). En dernier lieu, par
son Fils. C'est ce qu'atteste l'incipit de l'épître de Paul aux Hébreux:
« Après avoir, à plusieurs reprises et en diverses manières, parlé autrefois à
nos pères par les Prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par
le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses, et par lequel il a aussi créé le
monde. » - Hébreux 1:1,2

Jéhovah a lui-même ordonné à maintes reprises de coucher sa Parole par


écrit:

Jéhovah dit à Moïse: 'Écris cela en souvenir dans le livre, et déclare


à Josué que j'effacerai la mémoire d'Amalec de dessous le ciel.' -
Exode 17:14

Va maintenant, grave cela sur une tablette en leur présence, et écris-


le dans un livre, afin que ce soit, pour les jours à venir, un
témoignage à perpétuité. - Isaïe 30:8

Ainsi parle Jéhovah, Dieu d'Israël: Écris dans un livre toutes les
paroles que je t'ai dites. - Jérémie 30:8

Et Jéhovah me répondit et dit: Écris la vision et grave-la sur les


tables, afin qu'on y lise couramment. - Habaqouq 2:2

Ce que tu vois, écris-le dans un livre, et envoie-le aux sept Eglises


qui sont en Asie: à Éphèse, à Smyrne, à Pergame, à Thyatire, à
Sardes, à Philadelphie et à Laodicée. - Révélation 1:Il

Cette «écriture» est explicitement identifiée à la «Parole» de Dieu


dans la comparaisonde textes comme: Gn 12:3 Il Ga 3:8 ; Ex 9:16 Il Ro
9: 17 . .. De plus, ce qui est « écrit» peut être confondu à ce que Dieu « dit» :
Gn 2:24 Il Mt 19:4-5 ; Ps 94:7 Il Hé 3:7 ; Ps 2:1 Il Ac 4:24-25 ; Is 55:3 Ac
13:34; Ps 16:10 Il Ac 13:35; Dt 32:43 Hé 1:5-6, etc. L'esprit saint" de
Jéhovah est également clairement désigné "comme agent de l'inspiration: ce
que, par exemple, le psalmiste « écrit» est plus tard repris comme ce que
l'esprit saint « dit» : Psaume 95:7 Il Hébreux 3:7. Ceci ne signifie pas que
tous les rédacteurs de la Bible ont rédigé la Parole de Dieu telle qu'elle leur
aurait été dictée, mot à mot. Salomon, pour rédiger l'Ecclésiaste, dut fournir
des efforts, et méditer longuement: « Outre que l'Ecclésiaste fut un sage, il a

141
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

encore enseigné la science au peuple; il a pesé et sondé, et il a disposé un


grand nombre de sentences. Ecclésiaste s'est étudié à trouver un langage
agréable, et à écrire avec exactitude des paroles de vérité. » - Ecclésiaste
12:9,10
De même Luc a fait œuvre de composition, rassemblant documents et
témoignages: « Comme plusieurs ont entrepris de composer une relation des
choses accomplies parmi nous, conformément à ce que nous ont transmis
ceux qui ont été dès le commencement témoins oculaires et ministres de la
parole, il m'a paru bon à moi aussi, qui de longue date ai tout suivi avec
soin, d'en écrire pour toi le récit suivi, noble Théophile, afin que tu
reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus. » - Luc 1:1-4.
Ce n'est pas à dire que Dieu ne les a pas dirigés, même, peut-être et parfois,
verbalement. C'est-à-dire plutôt qu'il est clair que Dieu a eu recours à
différents procédés pour transmettre sa parole, laissant, par occasions, une
certaine latitude à ses préposés.
Pour ce qui concerne le «Nouveau Testament », il s'inscrit dans une
continuité de « l'Ancien» (Mt 22:40, Ro 7:6, Ép 2:15, 2 Co 3:15). Car Jésus
a déclaré que l'Écriture « ne peut être anéantie» (Jn 10:35), ou que « pas un
iota» ne passerait qu'elle ne s'accomplisse (Mt 5:18, Lc 16:17; Mt 24:35).
Dès lors, comment pouvons-nous savoir que la Bible est bien la Parole de
Dieu? Elle atteste elle-même de son inspiration divine:

. inspirée de Dieu

Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour


reprendre, pour redresser, pour éduquer en la justice, afin que l'homme
de Dieu soit parfait, prêt pour toute œuvre bonne. - 2 Timothée 3: 16,17

. vivante et efficace

Car elle est vivante la parole de Dieu; elle est efficace, plus acérée
qu'aucune épée à deux tranchants; si pénétrante qu'elle va jusqu'à
séparer l'âme et l'esprit, les jointures et les moelles; elle démêle les
sentiments et les pensées du cœur. - Hébreux 4:12

. issue de l'esprit saint de Jéhovah, et non de l 'homme

Mais sachez avant tout qu'aucune prophétie de l'Écriture ne procède


d'une interprétation propre, car ce n'est pas par une volonté d'homme
qu'une prophétie a jamais été apportée, mais c'est poussés par l'Esprit-
Saint que les saints hommes de Dieu ont parlé. - 2 Pierre 1:20,21

Avant d'entrer un peu plus dans le détail de son inspiration divine,


considérons les façons dont la Bible fait mention des différentes parties qui
la composent, pour comprendre ce qui est inspiré. On pourrait croire que les

142
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

expressions « Ancien» et « Nouveau Testament» sont bibliques. Ce n'est


pas tout à fait le cas. Le verset de référence est celui de 2 Corinthiens 3:14 :

&ÀÀà È1TWPWSllï:à vo~~aï:a aùtwv. llXPL yàp tilç O~~EpOV ~~Épaç ï:0 aÙï:o
KaÀu~~a È1Tt. ï:ij &vayvwoEL ï:ilç 1TaÀauxç ÔLaS~Kllç ~ÉVEL, ~~
&vaKaÀu1Tï:O~EVOV Oï:L Èv XPLOt<i> KatapYEL ï:aL.

Mais leur intelligence s'était obscurcie; et jusqu'à ce jour, elle est


recouverte du même voile quand ils lisent les livres de l'ancienne alliancel.
Ce voile ne disparaît qu'à la lumière du Christ. (BFC)

S'il est vrai que ÔLae~Kllsignifie tant 'alliance' que 'testament,2, son
usage dans le NT (30 occurrences3) renvoie au terme n"!~ des Écritures
hébraïques. En fait, la Bible est plutôt désignée par des expressions telles
que 'les Écritures' (Mt 21 :42; Mc 14:49 ; Lc. 24:27; Ac 18:24), 'les saintes
Écritures' (Ro 1:2), 'écrits sacrés' (Ro 15:4), parole de Dieu (ITh 2:13).
Certains livres sont parfois mentionnés: les Psaumes (Lc 20:42, 24:44, Ac
1:20), Isaïe (Mc 1:2, Lc 3 :4, 4: 17), la loi de Moïse, désignant le Pentateuque
(Lc 2:22, Jn 1:46, Ac 13:39, hé 10:28), les prophètes (Mt 2:23, Jn 6:45, Ac
7:42, 13:40), Joël (Ac 2:16), ou encore des passages caractéristiques, comme
le « passage du buisson» (Mc 12:26) Plus surprenant encore, la Nouvelle
Alliance se fait elle-même le témoin de son inspiration: Pierre par exemple
considère les écrits de Paul inspirés (2Pi 3: 15, 16) ; Paul de son côté cite Luc
(10:7) en 1Ti 5:184.
Il faut enfin remarquer la Bible recommande de faire usage de
discernement (Ep 5: 10, Ph 1:10, 1Jn 4: 1 ), et cite l'exemple des Béréens :
« Or ceux-ci étaient plus nobles que ceux de Thessalonique; et ils reçurent la
parole avec toute bonne volonté, examinant chaque jour les écritures pour
voir si les choses étaient ainsi. » - Actes 17: Il (Darby). Ainsi la critique des
textes bibliques, au sens étymologique du terme, est une évaluation, une
appréciation - sans aucune connotation péjorative.
Cela dit, considérons plus précisément 2 Timothée 3:16. Il y a
différentes manières de traduire l'expression 1Tâoa ypacp~ SE01TVEUOï:OÇ Kat.
WcpÉÀLJ.10Ç ; ce peut vouloir dire: toute Écriture inspirée-de- Dieu est aussi
utile. .. ou bien: toute Écriture [est] inspirée-de- Dieu et utile.5 Le terme 1Taç
est en relation avec un nom qui n'a pas d'article, et peut donc aussi signifier
« chaque écrit / Écriture» (dans ce cas, l'Écriture est considérée dans la
perspective de ses portions plutôt que dans son ensemble).
Grammaticalement, les expressions « toute Écriture», « chaque Écriture»
ou « toute l'Écriture» traduisent correctement la phrase. Il faut bien sûr
entendre ici l'Écriture par « l'Ancienne Alliance» 6.
Le terme central, SE01TVEUOtoÇ, vient de SEOÇ,«Dieu» et d'une forme
supposée de 1TVÉW, «souffler». Il signifie donc: « insufflé de Dieu»,
« soufflé par Dieu », d'où « inspiré par Dieu». Par quel moyen? 2 Pierre
1:21 en fournit l'explication: les rédacteurs étaient Ù1TO1TVEUJ.1atOç àYLOU

143
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

<pEP0IJ.EVOL,
portés, ou mieux, dirigés, par l'esprit saint. Une illustration
courante de l'inspiration divine est celle qui prend pour exemple la tempête
mentionnée en Actes 27:13-20. L'esprit saint agirait comme une puissance
de direction précise, impérieuse quant à la destination, sans l'être
nécessairement du trajet dans tous ses détails.

Préservation

Rédigée en trois langues, l'hébreu, l'araméen et le grec, la Bible a fait


l'objet d'un traitement différent en fonction des contextes historiques.

L'Ancienne Alliance

:C?i3'7 C'i?~ '~'D"~-';1'l' r:~ "I~~ "\~n W/~~


L 'herbe se dessèche, la fleur se flétrit;
mais la parole de Dieu subsiste à jamais! - Isaïe 40:8

Aujourd'hui, il existe environ 6000 manuscrits contenant tout ou partie


des Écritures hébraïques. Nous avons de solides raisons de penser que ces
manuscrits sont fiables, c'est-à-dire substantiellement fidèles aux écrits
autographes. La révélation divine à Israël, en effet, a été exclusive. Israël
était le « peuple choisi» et évoluait parmi des nations auxquelles il lui était
formellement interdit de s'unir de quelque façon que ce fût. En outre, dans la
pratique judaïque, et dès les origines, un accent particulier a été mis sur
l'écrit, comme nous l'avons précédemment montré. Non seulement sur
l'écrit, mais aussi sur la lecture et la méditation.

it'~?1 CJ~i' \i:1 n~~;111'~~ it!iJ it.,\i~iJ Q,~~ W'~~-~7


\

f1'/~~~ ~~-':P if :J'~~iJ-"='~ niw~~ '~~l:1 1~~7


:"'?~~ T~1 1~.ll-n~
Que ce livre de la loi ne s'éloigne pas de ta bouche; médite-le jour et nuit,
en t'appliquant à agir selon tout ce qui y est écrit; car alors tu prospéreras
dans tes voies et tu réussiras. - Josué 1:8

Le verbe employé (n~~;1) vient de la racine it~it, qui signifie « murmurer »,


« dire à voix basse »7. Les rois d'Israël avaient de même l'obligation d'en
réaliser eux-mêmes une copie: « Dès qu'il sera assis sur le trône de sa
royauté, il écrira pour lui sur un livre une copie de cette loi, d'après
l'exemplaire qui est chez les prêtres lévitiques.» - Dt 17:18 (voir aussi Jos
8:32) Cette copie n'avait pas le seul objectif de préserver la Parole divine;
elle devait surtout s'implanter dans le cœur du monarque:

Combienj'aime ta loi!
Elle est tout le jour l'objet de ma méditation. - Ps 119:97

144
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Du monarque comme de tout un chacun: « Et ces commandements que je te


donne aujourd'hui, seront dans ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants, et
tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand
tu te coucheras et quand tu te lèveras. Tu les attacheras sur ta main pour te
servir de signe, et ils seront comme un frontal entre tes yeux. Tu les écriras
sur les poteaux de ta maison et sur tes portes. » - Deutéronome 6:6-9
La loi divine était donc particulièrement consacrée, et un corps de métier
était dédié à sa préservation: les scribes, en hébreu c'!~b (Sopherim). Les
scribes devinrent particulièrement en vue à l'époque d'Ezra (Esdras), qui
était lui-même un habile copiste (Ezr 7:6,11), et de Néhémie. Les Sopherim
opéraient avec une extrême minutie, comptant les mots et les lettres, et
mettant au rebut toute portion des Écritures qui aurait présenté la moindre
erreur. Ils avaient l'interdiction de copier un mot de mémoire, et devaient
toujours le prononcer avant de l'écrire. Avec le temps, des superstitions
s'immiscèrent dans leurs pratiques, comme celle de se laver les mains et de
changer de plume avant d'écrire certains mots comme Adonay, Elohim ou le
tétragramme... Par excès de révérence, les scribes se permirent même de
retirer le nom de Jéhovah dans 134 passages. On leur doit également des
signes dans le corps du texte indiquant la présence d'un mot qu'ils
estimaient apocryphe: ce sont les puncta extraordinaria (ou amendements)
qui concernent 15 passages. En tout cas, ils étaient de fait les garants des
Écritures, et en établissaient le 'Texte Reçu' .

ISAIE 40:6ss DANS1QISA.


L'addition (ligne 2) avait pour but de corriger les erreurs ou de donner une explication.
Cette « glose» était parfois malencontreusement insérée dans le corps du texte même.

Aux Sopherim succédèrent les Massorètes (Baalei Hamasorah, les


'Maîtres de la tradition'), à partir du VIe siècle de notre ère, et jusque vers le
XIe siècle. À leur époque, le texte consonantique était déjà établi. Leur
objectif était donc d'en fixer la prononciation correcte. Ce sont eux qui ont
inventé le complexe système de points-voyelles, d'accentuation et de
cantillation. Lorsqu'ils rencontraient un mot suspicieux, ils inscrivaient, au-
dessus, le mot qu'il « fallait lire» (qeré) en lieu et place du mot qui était

145
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

écrit (kétib) - et auquel ils s'interdisaient de toucher, même s'il était inexact.
Leur minutie est restée légendaire; en voici quelques caractéristiques:
Ils comptaient les mots et les lettres (comme les Sopherim) : aussi
estimèrent-ils à 815 140 le nombre de caractères contenus dans les
Écritures hébraïques. Ils comptèrent également le nombre
d'occurrences des vingt-deux lettres hébraïques: 42 377 pour N,
38 218 pour :1,etc. ...
De la même façon, ils indiquaient les sections centrales de chaque
livre par l'agrandissement d'une lettre. Par exemple, en Lévitique
Il :42, un , est agrandi pour montrer que le lecteur est au milieu du
Pentateuque... En Psaume 80:14, un jj est suspendu, indiquant le
milieu du psautier.
L'hébreu ayant cessé d'être parlé autour du second siècle de notre
ère, ils inventèrent le système de vocalisation du texte consonantique
(qui était le reflet de leur lecture et compréhension du texte).
Pour que le texte puisse être cantiIlé (étape intermédiaire entre la
8
lecture et le chant, du latin cantilare, « fredonner»), ils inventèrent
un système d'accentuation assez sophistiqué.
Ils introduisirent des notes marginales visant à pointer les variantes
orthographiques, les tournures peu usitées, et leurs fameux
comptages. .. La place étant restreinte, ils inventèrent aussi un
système d'abréviations (synthétique mais laborieux.. .).
La structure en chapitres et en versets n'existant pas, ils mettaient
également dans les marges supérieures et inférieures des pages des
annotations et commentaires un peu plus étendus avec notamment
des citations d'autres passages parallèles, aux fins de pouvoir s'y
référer facilement (par mot-clé le plus souvent).

Les Massorètes les plus connus sont issus de la famille Ben Asher, qui
en compta cinq générations (depuis le VIlle siècle jusqu'au Xe)9. Leur
ambition était de préserver la prononciation exacte du texte biblique, et à
cette fin ils établirent les bases du système de la langue hébraïque (Aaron
ben Asher consigna un ensemble de règles dans le fameux Dikdouké
hateamim, première grammaire de l'hébreu). Ils n'effectuèrent cependant
pas leur travail dans la plus grande quiétude: ce travail était plus ou moins
au rebours du rabbinisme. Le Talmud et la loi orale ayant commencé à
supplanter la Loi écrite elle-même, un groupe - les Karaïtes (parfois appelés
les « protestants du judaïsme») - lutta contra cette tendance: pour ce
groupe, seules les Écritures faisaient autorité, et non les interprétations
rabbiniques.lo Si la loi orale commençait à reléguer la Torah, les Écrits et les
Prophètes à l'arrière-plan, la conservation des manuscrits s'en trouvait de
facto affectée. Ainsi le besoin d'une transmission fidèle des textes se fit
sentir, et les Massorètes s'inscrivirent dans ce cadre. Le texte consonantique
(avec ses mères de lecture) laissait en effet trop de place à l'interprétation

146
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

personnelle, et de nombreux mots pouvaient se vocaliser de différentes


manières. Il est toutefois quasiment certain que la part d'idéologie dans leur
travail a été infime. En revanche, ils ont été influencés par d'autres
phénomènes Il, comme leur langue natale, l'araméen, ou, peut-être, leur
méconnaissance du fait que le texte consonantique qui se présentait à eux
était déjà vocalisé par les matres lectionis. En tout cas, leur objectif pour la
Bible était d'en restituer le sens exact en le vocalisant. Dès lors, qu'ont-ils
fait quand ils ont rencontré le tétragramme? Ont-ils tenté d'en restituer la
prononciation exacte, ou ont-ils souscrit à la superstition? Apparemment,
jusque vers le XIIe siècle, le tétragramme a été vocalisé ini1:, tel que nous le
rencontrons dans le texte de la BHS actuelle, c'est-à-dire avec les voyelles e,
a12.Tous les manuels de référence en la matière ou presque affirment que le
qeré est ici Adonay, ce qui est bien surprenant pour deux raisons:
l'absence du holam, qui ne saurait être expliquée
la possibilité, plus simple, du qéré N~~ (le Nom), mot araméen,
langue parlée par les Massorètes.
Cela est de toute façon peu signifiant. À l'intérieur d'un codex, en effet, la
vocalisation du tétragramme présente des erreurs ou des incohérences.
Comme le constate Gertoux13,on peut trouver dans le codex Leningrad BI9a
jusqu'à sept vocalisations différentes: e,a (l'usuelle), e,o,a (l'erreur la plus
courante) ainsi que les variations suivantes: a,a I e,i I è,i I e,o,i I è,o,i. Il
avance l'hypothèse suivante: « Ce qui a sans doute facilité ce genre d'erreur
(...) est la présence d'un signe de cantillation, le rebia, très difficile à
différencier du point représentant la voyelle o. On observe ainsi du I2e au
ISe siècle une évolution du qeré e, a (conservée par l'actuelle BHS) en e, 0, a
(conservée par les premières BHK) qui deviendra le qeré standard dans les
Bibles juives14.»

;~~ iT}"~nii'3tQ~~:pCI$'~Q:P r'.~iJi C~~~" r


,~..t;;i-n.*~ ~,.,; Q'~. n;"., lj'r l"~i :
t$1 r13"-"3l b';:f~ ~lL "~~'K' \~ n~+:
)."~.n*nid'tTj t1!:$;:r1~ :î.?~~'~1 : tr~i~~.t
':) ~i~~"l~ ~,~ Qit$v-~~ Q~tf"~.~~.~".
JOSEPH BEN-CRAYYIM,BOMBERGBIBLE (1524-1525) - PORTION DE GENESE 2
Le tétragramme est vocalisé YeHo WaH

Ouvrons maintenant une parenthèse pour faire part de la thèse


audacieuse de Carl D. Franklin dans son essai Debunking the Myths of
Sacred Namers. Après avoir illustré avec force détails la détermination des
Massorètes à restituer la Bible le plus fidèlement possible (quant à sa
vocalisation exacte et originelle), il affirme que les Massorètes étaient
vivement impliqués dans la querelle entre Karaïtes et rabbins - qu'ils étaient

147
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

en fait des Lévites karaïtes en totale opposition avec le Talmud. Il en déduit:


« C'est leur 'interprétation littérale du texte' qui a conduit les Massorètes
Karaïtes à rejeter la pratique talmudique de lire Adonai à la place de jhvh, et
c'est leur insistance à 'déterminer sa prononciation aussi près que possible'
qui les a conduit à insérer les points-voyelle que l'on trouve sous jhvh près
de 7000 fois dans le Texte Massorétique15.}) Selon lui, la coutume de
substituer le nom de Jéhovah par Adonay ne fut pas celle des Massorètes -
qui en tous points, il est vrai, ont fait montre de rigueur et de fiabilité - mais
celle des rabbins, consignée dans le Talmud. Puis il cite cet exemple très
intéressant: Exode 3:15. Dans ce passage, le texte massorétique se présente
comme suit:

"'~N'fD'
.. '):;1-~N
.. "'~Nrrit~
-
itWb-~N.. C';1~N ,;~\ Q'~N~'
..-
T" J'" l''
'D~Nj. P;1¥: ~D~~ ciÎl~~ ~f.t~~'C~'ljj~ 'P~~ ~iit~
:'1 'l7 'J~~ il!.' c"~7 'J~~-it!.cA~'~~'~nJ_'~ ~~~~

Dieu dit encore à Moïse: 'Tu parleras ainsi aux enfants d'Israël: Jéhovah,
le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de
Jacob, m'envoie vers vous. C'est là mon nom pour l'éternité; c'est là mon
souvenir de génération en génération'

Mais l'interprétation talmudique «changeait le sens de 'c'est là Mon


nom pour toujours' en 'c'est là Mon nom qui doit être caché', bien que cette
interprétation contredise les mots qui suivent immédiatement: 'c'est là Mon
mémorial pour toutes les générations,16.})La raison de cette contrefaçon? À
l'époque, le texte ne portait pas de voyelles. L'expression cruciale se lisait
donc ainsi:

cL;,~L;, .,~tlj iJT

Or l'expression C~~~ peut se vocaliser deux manières tout à fait


contradictoires:
C"l1~ : le 'olam : pour toujours, pour l'éternité,
C~~\S : le 'alam : devant être caché.

Nous en trouvons d'ailleurs une preuve formelle dans le Targum d'Onkelos,


où le passage d'Exode 3: 15 apparaît ainsi:

N;1'~ ", ~N'rD' '~.:l~ '~'lj 1~'~ it~b7 ", ,;~ '~~j
it'iJ'~j pnl;', it'iJ'~ C;11~~1 it'iJ'~ 1;~~;1:)~1
~:'7 '~1~'1 1').' c~~\7 '~~ 1'). 1;~~17 '~r:r~~ :lP~~l
:"",T: T

148
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Carl D. Franklin conclut: « Quand les Massorètes ont pointé les


consonnes de 0"17" en Exode 3:15 pour être lues C,,:v~ (le'olam), qui
signifie 'pour toujours', ils cherchaient à préserver la prononciation
traditionnelle qu'ils avaient apprise de leurs pères. Les Massorètes n'ont pas
pointé 0"17" pour être lu C~17\~(le 'alam), qui signifie 'devant être caché'.
Ils ne cherchaient pas à cacher le nom de Dieu mais à le préserver pour
toutes les générations à venir. Si les Massorètes avaient cru et mis en
pratique le dicton talmudique selon lequel le nom divin jhvh devait 'être
caché', ils auraient pointé les consonnes de 0"17" C~17\~afin de refléter cette
croyance. Ils ne l'ont pas fait, parce qu'ils ne plaçaient pas leur confiance
dans la loi talmudique! Leur intention n'était pas de cacher le nom divin,
comme le faisaient les Talmudistes, mais de le préserver exactement tel
qu'ils l'avaient appris à le prononcer par la tradition oralel7. » La thèse de
Franklin ne laisse pas d'être étonnante, et peut se résumer selon ses propres
termes: « La vérité c'est que les Massorètes ont pointé jhvh pour être lu
JÉHOVAH parce qu'ils étaient les descendants des prêtres et des Lévites, et
QUE C'ÉTAIT AINSI QU'ILS L'AVAIENT TOUJOURS PRONONCÉI8.»
Il faut avouer que cette thèse est séduisante. Pourquoi, en effet, les
Massorètes auraient-ils dénaturé le nom le plus employé des Écritures
hébraïques? Pourquoi les Maîtres de la tradition, fervents et pieux, célèbres
pour leur dévouement et leur fiabilité, auraient remplacé le nom de Jéhovah
par un titre, 'Seigneur' ? L'exemple d'Exode 3:15 montre d'ailleurs qu'ils
n'étaient pas (vraiment) influençables. Rappelons que Jéhovah avait donné
des instructions précises à ses serviteurs. En certaines circonstances, par
exemple dans le temple, ils ne devaient pas faire mention du nom d'idoles
étrangères:

Vous prendrez garde à tout ce que je vous ai dit,. vous ne prononcerez point
le nom de dieux étrangers, et on n'en entendra pas sortir de votre bouche.
- Exode 23:13 (voir aussi Josué 23:7)

De même Jéhovah avait donné des avertissements d'une extrême clarté:

Avec les songes qu'ils se racontent l'un à l'autre,


ils s'ingénient à/aire oublier mon Nom à mon peuple;
ainsi leurs pères ont-ils oublié mon Nom au profit de Baal! - Jr 23 :27, 1ER

De manière assez ironique, Baal en hébreu signifie 'Maître', sens proche de


celui d'Adonay, 'Seigneur'. Les Massorètes, les Baalei haMassorah (maîtres
de la tradition), ne pouvaient l'ignorer. Ont-ils donc invité les lecteurs du
texte sacré à lire 'Seigneur' plutôt que Jéhovah?
En fait, la thèse de Franklin pèche sur un point d'importance: les
Massorètes n'ont pas vocalisé le nom divin YeHoWaH avant l'époque
tardive du XIIe siècle. Ils l'ont pointé YeHWaH. Puis diverses influencesl9
ont été à l'origine de l'ajout du holam. Est-ce à dire que Yehwah est la

149
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

véritable prononciation léguée par les Massorètes ? Il n'est guère possible de


l'affirmer, puisque le qeré peut très bien être l'araméen Shema. Le problème
est encore compliqué par le fait que le tétragramme n'est composé que de
mères de lecture! Le système massorétique, nous l'avons vu, s'ajoutait au
système pré-existant des mères de lecture et créait donc, parfois, une
confusion: les consonnes i1,
, allaient-elles continuer d'être considérées
"
comme voyelles, ou bien seraient-elles uniquement des consonnes? Ce
problème, il est vrai, est difficile à démêle~o. Mais l'évidence est là : qu'il
soit vocalisé avec ou sans le holam ([0]), le tétragramme lu selon ses lettres
donne Ihûah ou I91ûah - formes qui conduisent naturellement au français
« Jéhovah». Refermons à présent cette parenthèse sur les Massorètes pour
aborder le sort des manuscrits bibliques au fil des siècles.
Les copies des manuscrits ont continué d'être réalisées avec un soin
extrême. Le temps passant, l'hébreu ne fut plus pratiqué à l'oral, et la
révérence à son égard grandit encore. À l'époque moderne, nombre d'érudits
s'étaient mis à critiquer le texte massorétique, lui apportant des corrections
avec une déconcertante liberté. Pourtant, en 1947, la donne changea. En cette
année-là, on découvrit de nombreux manuscrits, fragments ou même
rouleaux dans des grottes à Qurnrân. Jusqu'alors, les manuscrits hébreux les
plus anciens qui permettaient d'établir le texte des Écritures hébraïques ne
remontaient que vers 900 de notre ère. Or les manuscrits nouvellement
découverts, après maints débats passionnés, furent datés pour certains
jusqu'au lIe siècle avant notre ère. Un même passage allait donc pouvoir être
comparé dans deux textes, et il serait possible de connaître les changements
intervenus entre un texte daté d'environ 125 ou 150 avo J.-C et un texte
recopié au Xe siècle, soit avec plus de 1000 ans d'écart. Les résultats
confirmèrent le caractère extraordinaire de la Parole de Dieu: on ne
découvrit que 5% de variantes, qui ne concernaient que l'orthographe, la
plupart du temps en ne changeant rien au sens. On peut citer un exemple
fameux. C'est celui du chapitre 53 d'Isaïe dans le rouleau trouvé à Qumrân
(IQIsb) comparé au TM. Des 166 mots de ce chapitre, 17 lettres seulement
faisaient écart entre les deux textes: 10 lettres concernaient des différences
orthographiques, 4 lettres, des changements stylistiques et 3 lettres, l'ajout
d'un mot ("~, lumière). De fait, sur dix-sept lettres, seules trois
concernaient un ajout, lequel n'entraînait aucune répercussion notable.

La Nouvelle Alliance

Le Nouveau Testament révèle également une préservation miraculeuse.


On en possède environ 5700 manuscrits complets2I. À ceux-là, on peut
ajouter pas moins de 24 600 portions. On possède également plus de 10 000
manuscrits de la Vulgate et 9300 copies de diverses autres versions
(syriaque, copte, gothique.. .). C'est dire si le matériau servant à attester le
texte est abondant. Comparé d'ailleurs à d'autres œuvres littéraires

150
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

classiques, le NT est sans commune mesure. Tandis que la durée entre le


dernier manuscrit autographe et la plus ancienne copie qui nous soit
parvenue n'excède pas plus de 70 ans environ (avec des dizaines de milliers
de copies pour support), des œuvres aussi connues que celles d'Homère22, de
César23,de Thucydide24ou de Platon25font pâle figure en comparaison, la
plus privilégiée comptant pas moins d'un demi-millénaire entre sa plus
ancienne copie et son original. Ainsi, aucune œuvre littéraire n'est aussi
attestée que le Nouveau Testament, et de manière aussi précoce. Les milliers
de manuscrits qui nous sont parvenus permettent d'établir un texte fiable, et
ce malgré les très nombreuses variantes. Ce texte, s'il est fiable, comporte
néanmoins des erreurs26. Ces erreurs sont le fait des copistes. La critique
textuelle, qui a pour objet l'analyse des textes en vue de les affiner, a dégagé
les grands types d'altérations que l'on y rencontre27.

Corruption du texte

. Changements non intentionnels

Problèmes de vision:
o Confusion des lettres similaires: € pour C, 0 pour e, Â.
pour À, M pour Â.Â., T pour r, etc.28
o Mauvaises coupures des mots (fission / fusion) : comme tout
était en majuscules sans espaces, il pouvait y avoir parfois
des doutes (1Ti 3: 16 o~oÀoyou~Évwe;~Éya est rendu dans
certains manuscrits par o~oÀOYOÛ~EV we; ~Éya ; en Mc 10:40
«lÀÀ' OLe;est lu œÀÀa OLe;dans certains manuscrits; à
l'inverse, en Ro 7:14, certains manuscrits portent oIùa ~Èv
au lieu de d(ùa~Ev).
o Homoiotéleutes: saut d'un groupe de mots à cause de deux
mots identiques (cf. 1Jn 2:23 qui contient deux fois
l'expression 1:'OV ïra1:'Épa EXEL ; certains manuscrits accusent
l'absence du texte entre les deux expressions identiques).
o Dittographie: répétition d'une lettre ou d'un mot.
o Haplographie: une lettre ou un mot devant être doublé ne
l'est pas.
o Métathèse: c'est le changement de place d'une lettre ou
d'un groupe de lettres (EpaÀovpour EÀapov,Mc 14:65 ; Iwva
pour Iwavvou, ln 1:42 ; CPI.ÀN pour Cp.À IN, Ac 13:23)
Problème d'écriture: fautes d'orthographe.
Problème d'audition: par le phénomène de l'iotacisme, 11 EL u OL
étaient parfois rendus par un L. En 1P 2:3 un La été pris pour un 11

151
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

(variante: XPll0-roc;au lieu de XPLO-rOC;)


tandis qu'en Ro 5:1 un 0 a été
pris pour un w (ÉXW~EV pour ËXO~EV).
Problème de mémoire: un mot est oublié, ou remplacé par son
synonyme (ex. o<l>-raÂ~wvpour o~~&.-rwven Mt 20:34).
Problème de jugement: un scribe n'était pas toujours conscient du
sens de ce qu'il écrivait. Il peut donc arriver qu'il prenne une
abréviation pour un mot, ou une note marginale pour le texte même
(p.ê. ee pour oe en 1Ti 3: 16, les additions en Jn 5: 1-4, Jn 7 :53-
8:12 ou la finale de Marc).

. Changements intentionnels

Additions, omission (addition de à~~v en IP 5:14 ou Lc 24:53 ; en


Lc 24:32, Ë-rEpOLKaKoüPyoL ôuo, 'deux autres malfaiteurs' sont
conduits au supplice avec Jésus; pour des raisons évidentes, certains
manuscrits omettent le mot Ë'tEpOL,'autres').
Changements grammaticaux et linguistiques (atticisme ; ~Âeav pour
~Âeov en Mc 6 :29 ; en Lc 4: 1, Èv -rf) Èp~~w est changé en ELC; -r~v
ËPll~OV, expression sensée être plus correcte après le verbe de
"
mouvement llYE-rO ).
Élimination de contradictions apparentes: dans les références
bibliques, dans les faits historiques (en Mc 1:2 Èv -rci)'Hoat~ 'te.\>
1TpO<l>~-rlla été changé en Èv 'tOLC;1Tpo<l>~'taLC;
car la citation qui suit est
empruntée à plusieurs prophètes).
Harmonisations: tendance à conformer un passage à un autre. C'est
particulièrement le cas des synoptiques sur le texte de Matthieu (par
ex. la prière modèle de Luc est harmonisée à celle contenue en
Matthieu)29. Une autre tendance est celle qui consiste à conformer
les citations de l' AT sur le texte de la LXX (<<Mt 15,8 cite librement
Es 29,13, mais la citation exacte se trouve dans plusieurs manuscrits
(C.04, E.07, F .09...) »30)
Fusion de deux textes en un seul (conflation); quand un scribe
rencontrait dans ses manuscrits différentes leçons pour un même
passage, plutôt que de risquer de perdre le texte original, une
solution consistait à fusionner l'ensemble des leçons en une seule
(par ex. en Lc 24:53 deux lectures étaient possibles « louant Dieu»
ou «bénissant Dieu». Le TR a conservé les deux: «louant et
bénissant Dieu. »)
Correction de ce qui est pris à tort ou à raison pour une erreur du
manuscrit copié (en Ro 8:2 OEest changé en ~E en fonction du sens
des versets qui précèdent.)
Changements doctrinaux: essentiellement en faveur de l'orthodoxie
(cf infra), mais parfois par antijudaïsme (Mt 1:21, aù-ràc; yèxp OWOEL
-ràv Âaàv aù-roü, 'c'est lui qui sauvera son peuple' est changé en

152
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

OWOEL 't'OV K00f.10V, 'c'est lui qui sauvera le monde' dans


atrt"OC; yàp
syrCpour « estomper une nuance juive trop prononcée au goût du
rédacteur» 31)

EXEMPLE DE DITTOGRAPHIE DANS LE CODEX V ATICANUS (1209, B.03)


L'écriture a été renforcée par un scribe vers le Xe siècle.
Celui-ci a été suffisamment attentif pour ne pas rehausser une portion de texte
accidentellement copiée deux fois par le scribe de première main.

Notre objectif n'est pas de les passer en revue, mais d'en dégager quelques
grandes lignes:

lectio difficilior lectio potior : lecture la plus difficile, lecture la plus


probable; en effet, on sait qu'un scribe aura tendance à modifier un
texte pour le simplifier, non pour le compliquer; une lecture difficile
à comprendre a donc quelques chances d'être authentique32.
lectio brevior lectio potior : lecture la plus brève, lecture la plus
probable. Une autre tendance scribale consiste à amplifier le texte
(cf. additions, conflations, harmonisations).
non numerantur sed ponderantur : il faut préférer la qualité des
témoins manuscrits, non leur quantité.
potior lectio difformis a loco parallelo: préférer une lecture
différente d'un lieu parallèle, car la tendance est justement de les
harmoniser (cf. les variantes de Mt 3: 17, Mc 1:Il, Lc 3 :22 sur ce qui
est dit à Jésus au moment de son baptême.)
potior lectio quae alias explicat : préférer une lecture qui explique
les autres. Ce critère permet de mettre l'accent sur la cohérence
interne du NT ; en effet « la Bible s'explique par la Bible» : si une
leçon est incongrue, le contexte permet a priori de le déceler (ex.
f.10VOYEV~C;8EOC;en Jn 1: 18 ?).

Ces maximes font partie des douze règles basiques de critique textuelle
établies par Barbara et Kurt Aland33. Elles sont cependant systématiquement
tempérées par la recommandation à ne pas les appliquer automatiquement.

153
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

C'est d'autant plus nécessaire qu'elles peuvent enter en contradiction (une


leçon qui explique les autres n'est pas, de facto, la plus difficile).
Cela dit, que penser des très nombreuses variantes rencontrées dans les
manuscrits du NT, qu'elles soient intentionnelles ou non? Ne remettent-elles
pas la préservation du NT en question? On a avancé un chiffre compris
entre 300 000 et 400 000 variantes (pour 138 000 mots environ dans le
NT)34. En quoi consiste une variante? Il peut s'agir simplement d'un mot
mal orthographié, comme c'est souvent le cas, qui ne change rien au sens.
Reproduit dans un millier de copies, voilà déjà un millier de variantes...Ce
nombre impressionnant de variantes ne joue donc pas à la défaveur du texte
du NT. C'est plutôt le contraire qui se vérifie: pour un même passage, des
milliers de copies existent. L'analyse des différences permet rapidement de
localiser les erreurs de copies, et de dégager la plus probable leçon du
texte35. Maintenant, quand on pense que les Pères de l'Église ont fait des
citations abondantes (estimées à plus d'un million36) du texte du NT :
1819 citations chez Irénée
17 922 chez Origène
7258 chez Tertullien
5176 chez Eusèbe de Césarée37
...force est de reconnaître le caractère extrêmement attesté du contenu du
Nouveau Testament.
C'est ce qui a fait dire à Frederic Kenyon: « On ne dira jamais assez
que, substantiellement, le texte de la Bible est sûr. Cela est particulièrement
vrai du Nouveau Testament. Le nombre de ses manuscrits, de ses premières
traductions, et des citations qui en ont été faites par les plus anciens écrivains
de l'Église, est tel que nous sommes quasi certains de retrouver, dans l'une
ou l'autre de ces sources reconnues, la bonne façon de lire n'importe quel
passage litigieux. On ne peut en dire autant d'aucun autre livre de
l' Antiquité38. »

Dès lors, comment concilier la fiabilité des Écritures avec sa transmission,


certes exceptionnelle, mais parfois défectueuse, notamment à cause du
« facteur humain» ?

Pour le comprendre, il suffit de considérer la façon dont les difficultés


peuvent être résolues dans quelques passages significatifs.

Quelques exemples de critique textuelle

. Jean 5:2-4

2- Or, à Jérusalem, près de la porte des brebis, il y a une piscine qui


s'appelle en hébreu Béthesda, et qui a cinq portiques. 3- Sous ces
portiques étaient couchés en grand nombre des malades, des aveugles,

154
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

des boiteux, des paralytiques, qui attendaient le mouvement de l'eau; 4-


car un ange descendait de temps en temps dans la piscine, et agitait
l'eau,. et celui qui y descendait le premier après que l'eau avait été
agitée était guéri, quelle que fût sa maladie

Le verset 4 pose problème: on ne le rencontre pas dans les manuscrits


les plus anciens. Un bon nombre de versions françaises, tout en admettant le
caractère douteux de ce verset, l'intègrent néanmoins dans le corps de leur
texte.39 D'autres pourtant passent du verset 3 au verset 5.40Le témoin le plus
ancien du texte, le çp66,ne le comporte pas. Il est étonnant de lire dans des
versions qui incluent l'addition des mentions comme celles-ci:
«ignoré par les meilleurs témoins de la tradition grecque et
représenté avec beaucoup d'incertitude par les mss latins, ce verset
n'est sans doute pas authentique. » - Bible Liénart, note
« verset contesté à juste titre» - Bible Osty & Trinquet, note

Il suffit d'ouvrir n'importe quelle édition critique du NT pour trouver une


explication:

Par exemple dans l'édition de Hermann Freiherr von Soden (Griechisches


Neues Testament: Text mit kurzen Apparat, Gottingen : Yandenhoeck &
Ruprecht, 1913) nous lisons le début du chapitre 5 comme indiqué ci-dessus,
tandis que l'apparat justifie l'omision du verset 4 :

Pour le çp66(c. 200), nous avons vu que le passage ne figurait pas. Il en va de


même dans le Codex Bezae, qui lui, date du ye siècle:

155
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

.v

tJ

4e ligne en partant du bas (verset 3) : EXPECTANTIVM AEQUAE MOTVM


3e ligne en part du bas (verset 5) : ERAT A VTEM HOMO IBI TRIGINT A ET OCTO

Même phénomène dans le Codex Sinaiticus édité par Constantine von


TischendortI, qui date de la moitié du IVe siècle de notre ère:

xouaa 3 EVtautaLç
KatÉKEL to 'ITÀ fJ90ç

tWV ào9EVOUVtWV,

tu<pÀWV,
XWÀwv,
Çllpwv.

5 ~v ôÉ tLÇ av9pw'IToç

tPUXKOVta Kat 0

KtW Ëtll Ëxwv EV

tij àa9EvE(~ aùtoû'

Comment expliquer l'addition de Jean 5:3b, 4 ? Comment expliquer que


les textes établis par Tischendorf, Griesbach, Westcott & Hort ne
contiennent pas ce passage, tandis qu'il fait corps dans le Texte Reçu? Selon
J.H. Greenlee, il peut s'agir d'un « exemple de note explicative initialement
écrite en marge et incorporée fautivement plus tard dans le texte.» Et il
précise: «Le grec n'est pas caractéristique du style de Jean ».42 Bruce
Metzger abonde en ce sens lorsque, dans une section consacrée aux erreurs
de jugement, il explique: « Des mots et des notes placés dans la marge
d'une copie plus ancienne étaient occasionnellement incorporés dans le texte
d'un nouveau manuscrit. Puisque la marge était utilisée pour les gloses
(c'est-à-dire, des synonymes des mots difficiles du texte et des explications
éventuelles) autant que pour des corrections, il a souvent dû être très

156
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

embarrassant pour un scribe de décider que faire d'une note marginale. Il lui
était plus facile de résoudre son doute en incorporant la note dans le texte
qu'il copiait. Ainsi il est probable que ce qui était initialement un
commentaire marginal expliquant l'agitation de l'eau dans la piscine de
Bethesda (Jean V.7) a été incorporé dans le texte de Jean V.3b-4. »43 Nous
pouvons illustrer ce phénomène à travers divers manuscrits du prologue de
l'épître de Paul aux Éphésiens44.

~46 (vers 200) : Ep 1: 1-4a

Transcription:
1- IIaûÂoe; a1TOO't'OÂOe;Xpu IT}u ôux eEÂ~~a"COe; eu tÔie; àYLOLe; 't'o'ie; OOOLV Kat
1TLO't'OLe;
Èv Xpw IT}u
2- XapLe; ùllLV Kat Etp~VT} a1TO eu 1T't'e;~IlWV Kat KU IT}U Xpu.
3- EÙÂoYT}"Coe;0 ee; Kat 1T"CptOÛ KU ~IlWV IT}U Xpu, 0 EÙÂoy~oae; ~Ilâe; Èv
1TaOTl EÙÀOYL~ 1TVEUlla"CLKTI Èv "COLe; È1ToupavLoLe; Èv Xw,

4a KaeWe; ÈçEÀÉça't'o

Dans le texte critique de Nestle-Aland, la mention Èv 'E<I>Éow[à Éphèse] est


entre crochets pour indiquer qu'elle n'est pas attestée par les meilleurs
manuscrits, comme c'est le cas dans ~46. D'où provient-elle?

157
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

. Codex Sinaïticus (milieu IVe) : Ep 1: 1-3

Le Codex Sinaïticus nous en fournit la réponse: cette addition, « à


Éphèse» est issue d'une note marginale, indiquée en retrait à gauche, ligne
4, et qui avait pour seul but de donner une précision.

. Codex Vaticanus (IVe) : Ep 1:1-2

À la troisième ligne nous observons que ce qui est, à l'origine, une note
marginale commence à faire corps dans le texte. Aussi s'aperçoit-on que,
partant d'une excellente intention - en l'occurrence préciser les destinataires
de la lettre de Paul, car les épîtres n'avaient pas de titre - les copistes du texte
sacré peuvent y introduire des gloses qui n'y figuraient pas: le texte se
corrompt.

158
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

. Marc 9:43-49

43-Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la: mieux vaut
pour toi entrer manchot dans la vie, que de t'en aller, ayant deux mains,
dans la géhenne, dans le feu inextinguible. 44 -- 45-Et si ton pied est
pour toi une occasion de chute, coupe-le: mieux vaut pour toi entrer
boiteux dans la vie, que d'être jeté, ayant deux pieds, dans la géhenne.
46 -- 47- Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le:
mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu, que d'être
jeté, ayant deux yeux, dans la géhenne, 48 là où leur ver ne meurt point,
et où le feu ne s'éteint point. (Crampon)
Dans d'autres versions, les versets 44 et 46 figurent:
44 : que d'avoir les deux mains et d'aller dans la géhenne, dans le
feu qui ne s'éteint point.
46 : que d'avoir les deux pieds et d'être jeté dans la géhenne, dans le
feu qui ne s'éteint point.

À propos de ces deux versets, A.T. Robertson fournit ces indications:


« Les plus anciens et plus sûrs manuscrits n'ont pas ces deux versets. Ils
proviennent des branches Occidentales et Syriennes (Byzantines). Ils ne sont
qu'une simple répétition du verset 48. En conséquence nous perdons les
numéros 44 et 46 dans nos versets, car ils ne sont pas authentiques. » (RWP)

MARC 9 : 43B - 47 A DANS LE CODEX WASHINGTONENSIS (VE SIECLE)


Les versets 44 et 46 n'apparaissent pas.

. Romains 16:20, 24

Un certain nombre de versions modernes contiennent à la fois les versets


20 et 24. Le verset 20, authentique, se lit ainsi: « Le Dieu de paix écrasera
bientôt Satan sous vos pieds. Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ
soit avec vous! » En revanche le verset 24 pose problème, car il ne figure
pas dans tous les manuscrits grecs. JER, Liénart, TMN, TOB, Osty ne
l'incluent pas, tandis que d'autres, comme LSG, SEM, OST, Darby, Sacy, le

159
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

font figurer. Il se lit ainsi: « Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ
soit avec vous tous! Amen. » On remarque déjà qu'il s'agit d'une redite du
verset 20. De plus, depuis le verset 22, la « parole» n'est plus à l'apôtre
Paul, mais à son secrétaire, Tertius. La dernière édition du texte critique de
Nestle-Aland (27e éd.) ne contient d'ailleurs pas ce verset. Dans son apparat,
elle en donne une explication similaire à celle que nous trouvons dans les
notes de la NET Bible: «La plupart des mss (D [F G 629 sans' Jésus
Christ'] 'P [630] 1881 ~ al) incluent ici 16:24 « Que la grâce de notre
Seigneur Jésus Christ soit avec vous tous. Amen. » D'autres mss (P 33 104
365 pc) incluent le verset après 6:27. Le verset manque entièrement dans
~46, 61 (~ A) B C 81 1739 2464 pc co. Le poids de l'évidence externe,
combiné avec l'incertitude dans d'autres mss où on devrait trouver le verset,
et le fait que c'est une répétition du verset 20b, favorise grandement
l'omission du verset45. »

. 1 Jean 5:7, Ie Comma Ioanneum

Ce passage est célèbre. C'est celui dit des «trois témoins». La partie
authentique se lit ainsi: O't'L 't'pEle; ELCJLVoL ~ap't'upoûV't'Ee;, tandis que
l'insertion tendancieuse est la suivante: EV 't'U>oupavu> 0 1Ta't'llP 0 Âoyoe; KaL
't'O aYLOV 1TVEu~a KaL OU't'OL OL 't'pELe; EV ELOLV. LSG porte seulement la partie
authentique: « Car il y en a trois qui rendent témoignage ». Mais plusieurs
versions portent ce qui est en fait un ajout ultérieur: « Car il y en a trois qui
rendent témoignage dans le ciel, le Père, la Parole, et le Saint-Esprit, et ces
trois-là sont indivisibles en Jésus. » (Épée) Cette version, non contente de se
faire l'écho d'une insertion marginale, glose et interprète. D'autres encore
vont dans le même sens (Martin, OST, SER, Genève, Crampon, Liénart,
Fillion) bien qu'il y en ait qui indiquent que leur lecture est probablement
fausse (Crampon, Liénart). Il en faut encore une fois blâmer le Texte Reçu,
qui a retenu une leçon n'apparaissant pas avant le lye siècle, et encore dans
une citation (tirée du Liber Apologeticus).46 Il faut attendre deux siècles
supplémentaires pour le voir figurer dans des traductions comme la Vieille
latine ou la Vulgate (mais celle de Jérôme l'ignore).

160
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Caractère apocryphe de ce verset

« 5:7 Ce verset n'a été trouvé en grec dans aucun manuscrit du Nouveau Testament
ou autre texte antérieur au treizième siècle. On ne le rencontre dans aucun manuscrit
grec de I Jean datant d'avant le quinzième siècle. Un manuscrit du quinzième siècle,
en écriture cursive, et un autre du seizième siècle contiennent cette leçon. Ce sont là
les seuls manuscrits grecs du Nouveau Testament qui renferment cette variante. Elle
ne se rencontre dans aucun autre manuscrit grec du Nouveau Testament, chez aucun
écrivain chrétien grec, ni dans aucune version orientale. Elle a pour principal appui
deux manuscrits en latin ancien des VIème et VIIIème siècles et quelques
manuscrits de la Vulgate latine, mais non les plus anciens. Érasme ne la fit pas
figurer dans sa première édition du Nouveau Testament en grec (1516), pas plus que
dans la seconde (1519). Lorsqu'on le blâma pour cette omission, il répondit
imprudemment que si quelqu'un pouvait lui montrer un manuscrit grec où figurait
le - passage en question, il l'insérerait dans le texte. On porta alors à son attention le
Codex Montfortianus, du XYlème siècle, qui contenait ce passage. Il se sentit
obligé de faire figurer la variante dans sa troisième édition (1522), et c'est cette
édition que Tyndale utilisa dans sa traduction du Testament grec (1525). De
Tyndale, ce verset a passé dans la version du roi Jacques. Sa véracité est
universellement contestée par les hellénistes et les éditeurs du texte grec du
Nouveau Testament.)} - Edgar J. Goodspeed, The Goodspeed Parallel New
Testament, Chicago, 1943 : 557.
« Nous ne devons pas hésiter à dire notre conviction que ces termes controversés
n'ont pas été écrits par saint Jean, mais introduits dans des copies latines d'Afrique
en passant par les notes marginales où ils avaient d'abord été portés à titre de glose
pieuse et orthodoxe sur le verset 8 ; qu'à partir du latin ils se sont glissés dans deux
ou trois codex grecs tardifs, et de là dans le texte grec imprimé, où ils n'avaient
absolument pas leur place. » - F. Scrivener, A Plain Introduction to the Criticism of
the New Testament, Cambridge, 1883, 3e éd. : 654.

. Jean 7:53-8:11, Pericope adu/terae

7:53 Et chacun s'en retourna dans sa maison. 8 :1 Jésus se rendit à la montagne des
Oliviers. 2 Mais dès le matin, il alla de nouveau dans le temple et tout le peuple vint
à lui. S'étant assis, il les enseignait. 3 Alors les scribes et les pharisiens amenèrent
une femme surprise en adultère; 4 et, la plaçant au milieu du peuple, ils dirent à
Jésus: 'Maître cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. 5 Moïse, dans
la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes: toi donc, que dis-tu ?' 6 Ils
disaient cela pour l'éprouver, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus s'étant baissé
écrivait avec le doigt sur la terre. 7 Comme ils continuaient à l'interroger, il se
releva et leur dit: 'Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre
contre elle'. 8 Et, s'étant de nouveau baissé, il écrivait sur la terre. 9 Quand ils
entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un depuis les plus
âgés jusqu'aux derniers; et Jésus resta seul avec la femme, qui était là au milieu. 10
Alors s'étant relevé et ne voyant plus que la femme, Jésus lui dit: 'Femme où sont
ceux qui t'accusaient? Personne ne t'a-t-il condamnée ?' Il Elle répondit: 'Non,
Seigneur'. Et Jésus lui dit: 'Je ne te condamne pas non plus: va et ne pèche plus'.

Ce passage, connut sous le nom de « péricope de la femme adultère », a


ceci de différent des cas précédemment analysés, c'est sa longueur: pas
moins de douze versets.

161
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

GUSTA VE DORE (JEAN VUI, 3)

Il n'est pas attesté par les plus anciens et meilleurs manuscrits (~66, ~75
~ B L N T W 1:1e 'P 0141 0211 33 565 1241 1424* 2768). On le trouve à
partir du ye siècle: D (Codex Bezae). Ailleurs, la tradition orientale l'ignore
jusqu'au Xe siècle. Ses témoins sont pourtant nombreux: D, F, G, H, K, M,
U, r, 28, 700,892, 1009, 1010, 1071, 1079, 1195, 1216, 1344, 1365, 1546,
1646, 2148, 2174. Selon les manuscrits, il se trouve à divers endroits: après
8:36, après 8:44, voire à la fin de l'évangile. Certains le placent même dans
l'évangile selon Luc47, après 21 :38. C'est dire les fluctuations et l'incertitude
quant à l'authenticité de ce verset.

Qu'en disent les commentateurs primitifs ?

Jérôme (lye siècle) l'inclut dans la Yulgate, et indique (Adv. Pelage ii) qu'il
a pour ce faire de nombreux codex latins et grecs en support. Au lye siècle
toujours, Eusèbe de Césarée cite Papias, évêque de Hiérapolis vers 130, qui
cautionne ce passage: « Le même Papias se sert de témoignages (tirés) de la
première épître de Jean et de la première épître de Pierre. Il expose aussi une
autre histoire au sujet d'une femme accusée de nombreux péchés devant le
Seigneur, que renferme l'Évangile selon les Hébreux. »48 Augustin (395-
430) le connaît également, mais le considère comme apocryphe, car « un
péché trop grave y est trop vite pardonné49 ». . .

Et les commentateurs modernes?

Bien que partagés, la plupart reconnaissent qu'il s'agit d'une addition à


l'évangile de Jean. Curieusement, cela n'empêche pas de croire à son
authenticité:

162
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

« Cette perle des récits évangéliques a failli se perdre. En effet elle est absente des
premiers manuscrits de Jean: les papyrus p66 et p75 et les grands témoins des Ille et
IVe siècles. (...) Ce texte ne faisait donc pas partie de l'évangile primitif de Jean: le
style et le vocabulaire sont plus proches de Luc que de Jean. (...) Le récit,
certainement authentique, aura vraisemblablement effrayé par son ouverture
certains responsables de l'Église primitive. (...) Le comportement de Jésus à l'égard
de la femme adultère aura pu paraître à certains (qui oubliaient « va et ne pèche
plus» comme une indulgence excessive face à l'infidélité conjugale. Pourtant ce
texte fait partie de l'évangile puisqu'il nous est transmis par l'Église.» Alain
Marchadour, in : Les Évangiles, Textes et Commentaires, 2e éd., Bayard, 2001,
collectif: 959-960.
« La femme adultère: un des textes les plus importants des Évangiles, si dérangeant
que cet agraphon (écrit sans contexte, non rattaché) a été longtemps exclu du
canon. »- H. Oltramare, Le Nouveau Testament: 793.
« Cet épisode manque dans beaucoup de manuscrits grecs et d'anciennes versions.
Il est ignoré des grands commentateurs grecs et de la plupart des latins. Quelques
copistes l'insèrent à un autre endroit C'est un texte canonique, donc inspiré, qui a
été recueilli dans l'évangile de Jean. Il n'est probablement pas de lui. Plusieurs mots
employés sont étrangers à son vocabulaire. » - Les Évangiles, nouvelle traduction
par sœur Jeanne d'Arc, op, Desclée de Brouwer, 1992 : 518
«Jean 7:53 à 8: Il ne figure pas dans les plus anciens et les meilleurs manuscrits.
Cependant, la plupart des théologiens estiment l'événement authentique. » Note de
la Parole Vivante.

Voilà qui a de quoi surprendre. Si l'on s'en tient aux méthodes de la


critique textuelle (analyse interne/externe), on arrive inéluctablement à la
conclusion suivante: « In the final analysis, the weight of evidence in this
case must go with the external evidence. The earliest and best MSS do not
contain the pericope. It is true with regard to internal evidence that an
attractive case can be made for inclusion, but this is by nature subjective (as
evidenced by the fact that strong arguments can be given against such as
well). In terms of internal factors like vocabulary and style50, the pericope
does not stand up very we1l51.» Bruce M. Metzger conclut: « the evidence
for the non-Johannine origin of the pericope of the adulteress is
overwhelming52. »
La question est donc, tout du moins l'a-t-on posée: cette péricope serait-
elle un exemple de la préservation de logia de Jésus non attesté par la
littérature canonique? On ne peut y répondre objectivement. Le passage,
quoique mal enchâssé dans son contexte, n'a rien de bien invraisemblable.
S'il ne ressemble pas à Jean, il ressemble à Jésus: notamment par sa manière
de rabrouer les scribes et les pharisiens. C'est l'unique endroit où l'on voit
Jésus écrire. Qu'écrit-il ?
On a beaucoup conjecturé à ce sujet. C'est encore un problème lié aux
visières déformantes du lecteur moderne, qui se demande ce que pouvait
bien écrire Jésus, tandis que tout Juif de l'époque (et aujourd'hui encore) sait
que ce sont les lettres du Décalogue que Jésus esquissait, emblème de la Loi.
Cela est corroboré non seulement par le contexte (scribes et pharisiens
l'interrogent d'après la loi de Moïse, Jn 8:5) mais aussi et surtout par les
paroles de Jésus: « Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la

163
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

pierre contre elle.» C'est-à-dire: que celui qui parmi vous n'a jamais
enfreint un des Dix Commandements, et, par extension, la loi mosaïque...
Donc, la pericope adulterae n'est pas irrecevable. Le caractère incongru
même de la scène plaide pour son réalisme (lectio difficilior...). Mais le
problème53 que pose ce passage est d'importance: si l'on accepte (malgré
tout) un épisode non attesté, et que la critique textuelle est à même de rejeter,
c'est la transmission même des Écritures qui est mise en cause. Car alors, si
notre discernement n'est pas en mesure de trancher, comment être sûr du
reste, de tout le reste? Il faut donc considérer cette péricope comme
douteuse pour les raisons suivantes:
les meilleurs manuscrits ne l'attestent pas,
sans ce passage, la lecture est claire, intelligible et continue,
dans les manuscrits qui la contiennent, elle n'est pas toujours placée
au même endroit,
le texte même de cette péricope est fluctuant, plus ou moins amplifié
selon les manuscrits,
le vocabulaire n'est pas de Jean, ni la syntaxe (c'est du moins ce
qu'on prétend),
même si la réponse de Jésus est vraisemblable, tout ne l'est pas:
c'est la lapidation prévue par la loi mosaïque qui est en jeu ici. Mais
les Juifs ne pouvaient plus, depuis quelques temps, procéder à des
exécutions, même pour un motif religieux. Le jus gladii était alors
réservé au préfet.
Sans nier qu'il existe des arguments qui a contrario, et non sans quelque
poids, vont en sens inverse, nous estimons que les points que nous
mentionnons invitent à considérer la pericope adulterae comme non
canonique, c'est-à-dire ne faisant pas partie à l'origine de l'évangile de Jean.
Ceci ne préjuge pas de son caractère primitif. Mais nous avons une
incertitude rédhibitoire sur son inspiration54o Et nous notons avec intérêt que
nombre de versions modernes, conscientes de ces faits, le présentent tout de
même à leurs lecteurs.

. 1 Timothée 3: 16

Ce sera notre dernier exemple, qui fait une synthèse des problèmes posés
par les autres. Le texte grec se lit comme suit:

KaL 0lloÀoyouIlÉvwe; IlÉya ÈO'tLV 'to 'tile; EùoEpELae; IlUO't~pLOV.


OC; È<j>avEpw81l Èv oapKL,
ÈôLKaLW81l Èv ïrVEulla'tL,
w<j>81l àyyÉÀOLe;,
ÈKllPuX81l Èv Ë8VEOLV,
ÈïrLO'tEU81l Èv KoollC¥,
àVEÀ~Il<j>81l Èv ÔOç1Jo

164
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

À la place du pronom relatif oe;;, le texte byzantin (et avec lui, un certain
nombre d'autres témoins), portent 8EOe;;.Le sens en est considérablement
affecté.
D'un côté, le passage signifie:
« Et sans contredit le mystère de la piété est grand:
celui qui (le Christ) a été manifesté en chair
justifié par l'Esprit
vu des anges
prêché aux Gentils
cru dans le monde
élevé dans la gloire. » (LSG)

De l'autre: « Dieu a été manifesté en chair». ..

Par exemple, nous lisons, dans la version Darby: « Et, sans contredit, le
mystère de la piété est grand, -Dieu a été manifesté en chair, a été justifié en
Esprit, a été vu des anges, a été prêché parmi les nations, a été cru au monde,
a été élevé dans la gloire. » De même chez OST : « Et, de l'aveu de tous, le
mystère de piété est grand: Dieu a été manifesté en chair, justifié par
l'Esprit, vu des anges, prêché parmi les Gentils, cru dans le monde, et élevé
dans la gloire», dans la NEG : « Et, sans contredit, le mystère de la piété est
grand: Dieu a été manifesté en chair, justifié par l'Esprit, vu des anges,
prêché aux nations, cru dans le monde, élevé dans la gloire. » Ou encore la
Bible Martin: « Et sans contredit, le mystère de la piété est grand, savoir,
que Dieu a été manifesté en chair, justifié en Esprit, vu des Anges, prêché
aux Gentils, cru au monde, et élevé dans la gloire. »
Nous ne parlons que des versions françaises. À titre d'exemple, de
nombreuses versions anglaises vont dans le même sens (comme la King
James, la Webster Bible, la Young's Literal Translation...). Le cas est
pourtant bien connu (et reconnu)55 : un copiste a confondu le terme oe;;,en
majuscules QC, avec l'abréviation du mot 8Éoe;;notée ec. Visuellement, la
différence était mince. Mais l'écart de sens considérable.
Cette lecture fautive fut toutefois ardemment défendue par le recours à la
grammaire. C'est ce dont témoigne D.B. Wallace dans sa grammaire
grecque: « The textual variant 8EOe;; in the place of OC;,has been adamantly
defended by some scholars, particularly those of the « majority text» school.
Not only is such a reading poorly attested, but the syntactical argument that
« 'mystery' (IlUOt"~pLOV) being a neuter noun, cannot be followed by the
masculine pronoun (oe;;) is entirely wit40ut weight. As attractive theologically

165
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

as the reading eEOe;may be, it is spurious. To reject it is not to deny the deity
of Christ, of course; it is just to deny any explicit reference in this text56. »
Et d'expliquer en note: « In particular, it is impossible to explain the Latin
reading of a neuter RP as deriving from eEOe;,showing that oe; was quite
early. Not one firsthand of any Greek witnesses prior to the 8th century read
eEOe;.Since eEOe;was a nomen sacrum, it was contracted as ec in the MSS.
The possibility thus exists that QC was misread as ec in about the fourth
century and, owing to its richer theological content, thereby ended up in the
vast majority ofMSS. (See the discussion in Metzger, TC : 641). »
Même constatation chez Metzger (TC: 574): « no uncial (in the first
hand) earlier than the eighth or ninth century ('¥) supports eEOe;; all ancient
versions presuppose oe;or 0 and no patristic writer prior to the last third of
the fourth century testifies to the reading eEOe;.»

Demeure pour toujours?

Il semble aller de soi que si Dieu a inspiré les rédacteurs de la Bible, il a


également été capable de faire en sorte qu'elle soit préservée à travers les
âges. Il semble aller de soi qu'à toutes les époques, versés dans les Écritures,
des hommes et des femmes ont bénéficié de la Parole de Dieu. L'inverse
serait inquiétant: on ne voit guère Dieu laisser sa Parole sombrer dans
l'oubli pendant des siècles, pour n'apparaître sous sa forme authentique qu'à
notre époque, grâce à nos subtils, et au demeurant sophistiqués, outils
critiques et exégétiques. D'ailleurs, certaines considérations parfaitement
fondées pourraient conforter ce sentiment: « It is indeed almost incredible
that the Jews would have preserved for us, just as it was, the book that
recounts their rebelliousness; that announces their ruin, as well as their
reestablishment; and that is so full of Jesus Christ. Nevertheless, they
faithfully watched over the Word received, without ever permitting even one
alteration through addition or substraction. (...) Is it not remarkable also that
the churches of the Middle Ages, especially the church at Rome, transmitted
to us in full the treasury of the New Testament. Did they not at the same time
forbid the reading of sacred books, in so many ways replacing the Word of
God by their tradition? But they kept intact whose very Scriptures wich
condemned their deviations; and they never dared to add to them the
Apocryphal writings of the first centuries of the Christian era, even though
these had the same bias wich they themselves had. »57 C'est donc un
véritable miracle que la Bible ait survécu:
ses ennemis n'ont pu la détruire (les édits impériaux58 visant à
détruire les textes du Nouveau Testament, par exemple, ont
échoué. . .),
ses faux amis, prétendant la vénérer, n'ont pu en empêcher la copie,
la distribution, la traduction, et, au final, la lecture.

166
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Nous précisons 'au final' car personne n'ignore l'inculture biblique du


premier millénaire et demi chrétien. Il faut donc imaginer un instant que la
Parole de Dieu, bien que latente, bien que préservée sous une forme ou sous
une autre, n'a pas toujours été aussi accessible que de nos jours. C'est une
évidence qu'on a tôt fait d'oublier.
Puis revenons sur l'affirmation de départ: la préservation de la Bible est
une conséquence logique de son inspiration auto-affirmée. Témoin Lynn
Lundquist, qui déclare dans The Tetragrammaton and the Christian Greek
Scriptures: «The God who inspired Scripture will certainly take the
necessary precautions to preserve it. » (p.27, nous soulignons) A priori, tout
croyant souscrit par devoir à l'idée d'une préservation exacte du texte
biblique. Si on souscrit à l'inspiration des Écritures, leur préservation en
semble le corollaire nécessaire59. Mais tout ce raisonnement, toute cette
logique qui semble aller de soi et ces a priori, ne tiennent en fait pas debout.
Dans la perspective de Lundquist, les rédacteurs inspirés du Nouveau
Testament eux-mêmes n'ont pas correctement préservé les Écritures! En
effet, puisqu'il prétend qu'ils employaient kyrios à la place du tétragramme,
c'est bien qu'ils ne reproduisaient pas exactement dans leur citation le texte
qu'ils avaient sous les yeux60... Ensuite, un rapide coup d'œil dans le monde
de la critique textuelle met en évidence un fait fondamental: aucun
manuscrit qui nous est parvenu n'est exactement semblable à un autre. On
compte entre six et dix variantes par chapitre entre les deux manuscrits les
plus proches61. C'est ce qui fait dire à Ehrman: «Any claim that God
preserved the New Testament text intact, giving His church actual, not
theoretical, possession of it, must mean one of three things - either 1) God
preserved it in all the extant manuscripts so that none of them contain any
corruptions, or 2) He preserved it in a group of manuscripts, none of which
contain any corruptions, or 3) He preserved it in a solitary manuscript which
alone contains no corruptions62.})Puisqu'aucun manuscrit n'est en parfait
accord, les deux premières options ne sont guère envisageables. Quant à la
dernière, elle est démentie par une constatation d'importance: tous les
manuscrits contiennent des erreurs de copie. On ne peut donc pas posséder
une copie qui serait l'exacte reproduction d'un autographe; et c'est bien
normal: ne dit-on pas 'l'erreur est humaine' ?
En fait, si la Bible enseigne que le message qu'elle renferme est censé
durer pour toujours (c'est-à-dire que son contenu, fondamentalement, ne sera
jamais perdu ni compromis durablement, cf. Jn 10:35), elle n'affirme en
aucun cas qu'elle sera préservée toujours de la même manière, à toute
époque, ou intégralement. Car ce serait une erreur! En effet, Jésus avait
déclaré:

Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. - Mt 24:35

167
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Mais nous avons que toutes ses paroles ne nous sont pas parvenues:

Jésus afait encore beaucoup d'autres choses,. si on les écrivait en détail,


je ne pense pas que le monde même pût contenir les livres qu'on écrirait.
- Jn 21:25
Et de même, quand Pierre, citant les Écritures (Is 40:6-8), déclare:

(. . .) puisque vous avez été régénérés, non par une semence


corruptible, mais par une semence incorruptible (rrropâe; à<l>8ap'tou),
par la parole vivante et permanente (~Évov'toç) de Dieu. Car {Toute
chair est comme l 'herbe, Et toute sa gloire comme la fleur de
l 'herbe. L 'herbe sèche, et la fleur tombe,. Mais la parole du
Seigneur demeure éternellement (Ete;'tov atwva). ' Et cette parole est
celle qui vous a été annoncée par l'Évangile. - IP 1:23-25

... il n'affirme pas que la parole écrite de Dieu sera préservée de manière
éternelle et inerrante, mais plutôt que le contenu, le message oral de
l'Évangile, demeurera63.

En fait, loin d' affimer sa préservation inerrante, la Bible déclare plutôt


l'inverse: dans certains passages, elle met en garde contre le processus de
corruption qui ne manquera pas de surgir:

Deutéronome 4:2a: Vous n'ajouterez rien à ce que je vous prescris,


et vous n'en retrancherez rien.

Deutéronome 12:32: Vous observerez et vous mettrez en pratique


toutes les choses que je vous ordonne,. vous n y ajouterez rien, et
vous n'en retrancherez rien.

Révélation 22:18-19 : Je le déclare à quiconque entend les paroles


de la prophétie de ce livre: Si quelqu'un y ajoute quelque chose,
Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce livre,. et si quelqu'un
retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie,
Dieu retranchera sa part de l'arbre de la vie et de la ville sainte,
décrits dans ce livre.

Ces propos ne supposent pas que le processus de corruption ne


surviendra pas. Ils tentent seulement de le décourager! Par ailleurs, le
concept de préservation des Écritures (tout du moins comme l'entend
Lundquist) n'est pas biblique dans des cas comme:

. 2 Rois 22:8,11-13 : Alors Hilleija, le souverain sacrificateur, dit à


Schaphan, le secrétaire: {J'ai trouvé le livre de la loi dans la
maison de l'Éternel '. Et Hilldja donna le livre à Schaphan, et

168
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Schaphan le lut. (...) Lorsque le roi entendit les paroles du livre de


la loi, il déchira ses vêtements. Et le roi donna cet ordre au
sacrificateur Hilldja, à Achikam, fils de Schaphan, à Acbor, fils de
Michée, à Schaphan, le secrétaire, et à Asaja, serviteur du roi:
~llez, consultez l'Éternel pour moi, pour le peuple, et pour tout
Juda, au sujet des paroles de ce livre qu'on a trouvé; car grande est
la colère de l'Éternel, qui s'est enflammée contre nous, parce que
nos pères n'ont point obéi aux paroles de ce livre et n'ont point mis
en pratique tout ce qui nous y est prescrit.

Cet événement eut lieu sous le règne de Josias (Yoshiya): lors de


travaux dans le Temple, le grand-prêtre Hilkiya (ou Hilkija) découvrit un
rouleau de la Loi mosaïque (probablement le rouleau autographe, cf.
2Ch 34:14). La réaction du roi montre à quel point la méconnaissance de
la Parole de Dieu était devenue grande, et indirectement comme sa
préservation avait été compromise.

. Matthieu 13:24-26 : fileur proposa une autre parabole, et il dit: Le


royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne
semence dans son champ. Mais, pendant que les gens dormaient,
son ennemi vint, sema de l'ivraie parmi le blé, et s'en alla. Lorsque
l 'herbe eut poussé et donné du fruit, l'ivraie parut aussi.

Jésus donne l'explication de cette parabole aux versets 37-40. Après


sa mort, le Diable sèmerait la zizanie64. L'apostasie et l'hérésie
étaient sans doute visées ici (cf. Ac 20:29-30) ; mais aussi sans doute
la corruption des textes elle-même. L'histoire montre, de fait, que la
corruption textuelle (la plus signifiante, car intentionnelle) est née
précisément des controverses issues des débats entre orthodoxie et
hérésie.

. Colossiens 4:16 : Quand cette lettre aura été lue chez vous, faites
qu'on la lise aussi dans l'Église des Laodicéens, et procurez-vous
celle de Laodicée ("t'~vÈKAaoôLKELac;),
pour la lire à votre tour.

D'après ce verset, Paul adressé une épître aux Laodicéens,


aujourd'hui perdue (l'Epistola ad Laodicenses retrouvée en latin
dans une centaine de manuscrits de la Vulgate est
pseudéprigraphe)65. On a conjecturé que ce pouvait être celle aux
Éphésiens, puisque l'adresse de cette épître est douteuse66, ou encore
qu'elle aurait été incluse par l'éditeur des épîtres de Paul à l'intérieur
de l'épître aux Colossiens (Boismard)67. Le fait est qu'elle ne fait pas
clairement partie de notre Bible actuelle. On peut donc se
demander: quid de sa préservation?

169
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Ainsi, il est manifeste que la préservation de la Bible, bien que


scripturaire, n'est pas synonyme de préservation égale en tout temps: la
dominance de la Vulgate, incomprise du peuple pendant plus d'un
millénaire, ou celle du texte grec byzantin comme fondement des traductions
à une époque plus récente, ne sont que deux autres avatars de cette
évidence68.Par contre, d'après la Bible, la connaissance de la Parole de Dieu
doit augmenter au 'temps de la fin' :

. Daniel 12:4,8,9: 'Toi, Daniel, tiens secrètes ces paroles, et scelle le


livre jusqu'au temps de la fin '. Plusieurs alors le liront, et la
connaissance augmentera. (...) J'entendis, mais je ne compris pas;
et je dis: 'Mon seigneur, quelle sera l'issue de ces choses?' Il
répondit: 'Va, Daniel, car ces paroles seront tenues secrètes et
scellées jusqu'au temps de la fin '.

Ceci suggère encore que la connaissance biblique n'est pas similaire


à toute époque, et de même pour l'état du texte, ou la compréhension
qu'on en a.

Conclusion

Il faut se rendre à l'évidence: la révélation divine fut parfaite, et


transmise par « inspiration». Les autographes reflétaient parfaitement cette
révélation. Mais le simple fait de passer d'une sphère divine à une sphère
terrestre signifiait soumettre cette révélation à la détérioration, à des copies
humaines imparfaites, etc.
Il n'est pas possible aujourd'hui d'affirmer que le texte nous soit
parvenu parfaitement, même si nous connaissons tout le soin apporté à sa
transmission. On pourra alors objecter: il est impensable qu'une altération
aussi grossière que la suppression du nom divin ait eu lieu, car il y aurait
forcément eu des polémiques à ce sujet; or les Pères n'en parlent pas! Et de
plus, bien que le texte nous soit parvenu avec quelques cicatrices
superficielles, aucun fondement doctrinal ne saurait être mis en cause.
Pour répondre à cette objection, il importe cette fois-ci de savoir dans
quelles conditions historiques le texte a été transmis.

1 Idem dans Darby, NBS, Osty, Liénart, TMN.


2 « (1) volonté légale disposition légale, testament Ga 3: 15, Rb 9: 16 (2) pacte, alliance, traité
Mt 26:28 ; l'ancienne alliance Ga 4:24, Rb 9:4 ; la nouvelle Lc 22:20, 2Co 3:6, Rb 12:24 (cf
hébreu
3
Berith) » - Carrez, Dictionnaire: 68.
Mc. 14:24; Lc. 1:72; 22:20; Ac 3:25; 7:8; Ro 9:4; 11:27; lCo 11:25; 2Co 3:6, 14; Ga 3:15,
17; 4:24; Ep 2:12; Rb 7:22; 8:6, 8ss; 9:4, 15ss, 20; 10:16,29; 12:24; 13:20; Rv Il:19.
4
En outre, la Révélation atteste explicitement de son 'caractère inspiré' (Rv 1: 10, Il et
22:18,19), tandis que Paul a conscience d'écrire avec l'autorité divine (ICo 2:12,14:37; Ga
1:11,12; ITh 2:13).
5 Nous adopterons la seconde possibilité, cf Wallace, Greek Grammar: 313-314.

170
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

6
Cf. Pache : 50-60.
7
TWOT : 467 ; BDB : 211.
8 Cf. « Cantillation », Cyrus Adler et Francis L. Cohen, The Jewish Encyclopedia, vol. III,
537-549.
9 Il y eut différentes écoles: babylonienne, palestinienne et tibérienne. La vocalisation ne fut
bien sûr pas immédiate ni uniforme: elle s'échelonna et connut différentes périodes. Nous
n'entrerons pas dans les détails. Cf. Bruce K. Waltke, M. O'Connor, An Introduction to
Biblical Hebrew Syntax, Eisenbrauns : Winona Lake, Indiana, 1990: 21 ~d ss.
10Jésus avait eu la même démarche: Mt 15:1-6 ; Mc 7:1-13.
Il cf. Gertoux : 122.
12
C'est par exemple le cas dans le codex Leningrad B19a (1008 de n.è.), Aleppo (925 de
n.è.), Reuchlianus (1105 de n.è.)...
13Gertoux : 148.
14Ibid
15Debunking...II : 12. L'emphase vient du texte.
16Debunking II : 14 (l'emphase vient du texte); cf. le raisonnement pp.14-18.
17Debunking...II : 17. Il explique ensuite que l'idée que le nom de Dieu soit trop sacré pour
être prononcé n'est absolument pas biblique, mais provient de diverses philosophies païennes.
cf. The Old Rabbinic Doctrine of God: The Names & Attributes of God: 17. Nous
reviendrons sur ce sujet dans le chapitre 6.
18Debunking... II : 22.
19 « Au 12e siècle, plusieurs événements vont mettre en marche un processus aboutissant à
retrouver le sens et la prononciation du Nom divin et du nom de Jésus. Sous l'influence des
qerés Adonay et Èlohim, la voyelle 0 est ajouté au qeré profane Shema (Y eHW aH devenant
YeHoWaH). », Gertoux : 167.
20
Sàenz-Badillos : 94-102 ; Joüon : 94 ~26e.
21 Bock & Fanning: 43.
22 On ne possède que 643 copies de l'Iliade, dont la plus ancienne est de 500 ans postérieure
Homère.
23La Guerre des Gaules ne compte que 10 copies, de 950 ans postérieures à l'original.
24 Les Histoires de Thucydide ne sont basées que sur 8 copies, postérieures de 1300 ans à
l'original.
25 7 copies seulement des Tétralogies ont subsisté jusqu'à notre époque, de 1200 ans
postérieures à l'original.
26 « On n'a toujours pas créé la main ou le cerveau capable de copier en totalité une longue
œuvre sans la moindre faute (.. .). Il était donc inévitable que des erreurs soient commises. »,
Kenyon: 50.
27 Sur ce sujet, voir Charles Fremont Sitterly, « Text and Manuscripts of the New
Testament», in : International Standard Bible Encyclopedia, vol. 5, Chicago, 1929: 2950-
2957 ; Vaganay-Amphoux : 87-98 ; Greenlee, Introduction: 55-61 ; Aland: 282-297 ;
Metzger, The Text... : 186-206 ; Carrez, Les langues de la Bible: 64-70 et surtout Wegner:
44- 55.
28 En hébreu, il en allait de même: :1 pour~, ,
pour', i1 pour n ou n etc.
29 Les harmonisations s'expliquent bien par l'extrême familiarité des scribes avec le texte
biblique; un ostracon copte indique pour accéder au diaconat, on requérait des appliquants la
récitation d'un évangile entier, ou bien de vingt-deux psaumes et deux épîtres de Paul (cf.
Metzger, The Textofthe New Testament... : 87nl.
30 Vaganay-Amphoux: 94. De notre point de vue, ce phénomène est particulièrement
important, dans la mesure où il donne l'impression que les rédacteurs du NT se reportaient au
grec de la LXX, alors qu'ils pouvaient tout aussi bien avoir en tête l'hébreu original.
31 Vaganay-Amphoux : 96.
32 Sur Ie principe de la lectio difficilior, voir Eugene A. Nida, « The 'Harder Reading' in
Textual Criticism: An Application of the Second Law of Thermodynamics », in The Bible
Translator 32, 1981 : 101-107. Nida compare la tendance des scribes à simplifier une leçon

171
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

difficile au deuxième principe thermodynamique (création d'entropie), selon lequel les


systèmes complexes tendent à se simplifier (désordonner). Après avoir cité quelques
exemples, il souligne: «there is a valid basis for the principle of 'the harder reading' and
translators should therefore beware of adopting any reading which significantly violates this
principle. » (p.l06)
33Aland: 280-281.
34
Bock & Fanning: 34.
35 Évidemment, la leçon la plus attestée n'est pas forcément la leçon authentique - même si a
priori les présomptions sont fortes. Mais ces variantes, explique le Dr P. Schaff, « sont le
résultat naturel l' extrême profusion de nos sources documentaires, et elles sont le témoignage
de l'importance immense du Nouveau Testament. Elles n'ont pas la moindre influence sur
l'intégrité du texte; au contraire, elles la renforcent. Leur étude est utile et stimulante. Parmi
150 000 variantes, seules 400 affectent directement le sens. Et parmi celles-ci, pas plus de 50
revêtent une réelle importance pour une raison ou pour une autre; et même dans le cas de ces
50, aucune ne touchent un article de foi, ou un commandement moral qui ne soit pas supporté
avec force par d'autres passages parfaitement clairs. » (in: Pache : 193).
36 Bock & Fanning: 42.
37 Kenyon: 264.
38 Kenyon: 55.
39 BFC, Chouraqui, Crampon, Darby, Bible de l'Epée, Bible de Genève (1669), Jérusalem,
Liénart, Martin, NEG, Osty & Trinquet, Tresmontant, Fillion, Ostervald.
40NBS, Oltramare, Parole Vivante, SEM, TMN, TOB.
41Bibliorum Codex Sinaiticus Petropolitanus, Giesecke & Devrient, 1862 : 50.
42 Greenlee: 130 ; voir aussi RWP ad loco
43Metzger, The Text... : 194.
44Exemple inspiré de Vaganay-Amphoux : 88.
45 NET : 2091. A partir de maintenant, les abréviations des manuscrits et les mentions latines
les accompagnant se conforment aux standards (cf. NA27 Graece et Latine: 1*-40*, 684-
720 ; GNT: 7*-53*, 903-910).
46
Pour I'historique de ce passage: TC: 716-718. Et pour les arguments concourant à le
rejeter, cf. Metzger, The Text... : 101-102.
47 Selon R.E. Brown d'ailleurs, le style du passage est plus proche de celui de Luc (John,
Anchor Bible, 1:336).
48
HE III, 39, 17. La note indique: «Il s'agit sans doute du récit sur la femme adultère en Jn
8, 1-11, absent dans beaucoup des manuscrits les plus anciens. »
49
De conjugibus adulteris, II, 7.
50 Sur le vocabulaire et la grammaire non-johanniques, cf D. B. Wallace, « Reconsidering
'The Story of the Woman Taken in Adultery Reconsidered'. », NTS 39, 1993 : 290-96.
51
NET: 1919.
52
TC : 187.
53Cf. B. D. Ehrman, Jesus and the Adulteress, NTS 34, 1988 : 24-44.
54
Le Cahier Evangile n° 102, Les manuscrits de la Bible et la critique textuelle (Roselyne
Dupont-Roc & Philippe Mercier) fournit une intéressante syntèse de la question (p. 25).
55 Voir Vaganay-Amphoux : 91 ; Introduction to New Testament Textual Criticism, J.H.
Greenlee, p.58, 87, 131 ; Metzger, The Text of the New Testament: 187.
56Wallace, Greek Grammar: 341-342.
57
Pache : 197.
58
Comme celui de Dioclétien, en 303. Cf. HE VIII, 2, 4.
59 Cf. Combs: 27-28 ; Harold G. Stigers, « Preservation: the Corollary of Inspiration »,
Journal of the Evangelical Theological Society 22, 1979/3 : 217-222.
60 Voir Stafford: 24.
61
D. B. Wallace, « Inspiration, Preservation and New Testament Criticism », GTJ 12, 1992 :
32. Voir aussi Bock & Fanning: 34 (<<Laying a Foundation -
New Testament Textual
Criticsm », par Ie meme auteur). Voir Combs: 23 : « How pure have the original words of the

172
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

biblical writings been preserved? It is an indisputable fact, proven by the manuscript and
versional evidence, that God has not perfectly (that is, without error) preserved the Scriptures
throughout their long history of transmission. There is no single manuscript, printed text, or
version that can be shown to be error free. »
62 In : D. B. Wallace, « Inspiration, Preservation and New Testament Criticism », GTJ 12,
1992 : 32.
63 Cf: a~eaptOC;, BAGD : 125 ; Combs: 25-26.
64 Au plein sens du terme puisque « mauvaise herbe» se dit ttX CtCavta !
65 Cf. Didier Fontaine: « L'Épître aux Laodicéens : traduction et notes », 2006 :
http://www.areopage.net/Laodiceens. pdf
66 Cf. note précédente. L'épître dite aux Éphésiens serait alors une missive qui passait de ville
en ville, et dont on pouvait, au gré des copies, adapter l'adresse. A.T. Robertson soutient par
exemple: « The most likely meaning is that the so-called Epistle to the Ephesians was a
circular letter to various churches in the province of Asia, one copy going to Laodicea and to
be passed on to Colossae as the Colossian letter was to be sent on to Laodicea. This was done
usually by copying and keeping the original. » (RWP, Co 4: 16)
67 Marie-Émile Boismard, La lettre de saint Paul aux Laodicéens : retrouvée et commentée,
Paris: Gabalda, 1999.
68 Combs: 42 : « the belief that God must have made the Scriptures publicly available at all
times has no basis in Scripture itself or in the transmission history of the text. »

173
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Une période trouble


35-135 ap. J.-C.

On imagine souvent la copie des premiers manuscrits du Nouveau


Testament s'effectuer dans le calme d'un scriptorium, sous la dictée de
quelque moine tonsuré. Il n'en a cependant pas été ainsi: les premiers
chrétiens, selon la formule de Pierre-Marie Beaude, furent les premiers
martyrs. Très tôt, très vite, surgirent les difficultés: polémiques,
persécutions, guerres. Les apôtres et leurs proches disciples en firent les frais
en premier lieu. Leur perte entraîna un glissement de la bonne nouvelle
depuis son terreau «circoncis}) jusqu'à un nouveau terreau, plus fertile,
celui des «incirconcis}). Le présent chapitre va traiter précisément des
difficultés rencontrées par les premiers chrétiens, c'est-à-dire les judéo-
chrétiens, ainsi que leurs importantes conséquences. Ce sont leurs écrits qui
vont brûler, ce sont eux qui vont disparaître dans la tourmente des arènes et
des guerres. Ce sont eux qui connaissaient le nom divin et qui l'employaient.
Et c'est leur disparition précoce et quasi-totale qui explique la disparition
précoce et quasi-totale du nom divin dans le Nouveau Testament.
Quelle fut donc la relève? La question qu'il faut poser est plutôt: quelle
fut la qualité de la relève? Car, nul doute, il y eut une relève: ceux que l'on
nomme les Pères apostoliques en témoignent. Apprécier et comparer leur
christologie avec celle des premiers chrétiens permet d'ailleurs de tirer les
conclusions des méfaits des polémiques, des persécutions et des guerres sur
le christianisme primitif. À cette situation déjà trouble se sont greffées une
multitude d'hérésies qui n'ont fait qu'accentuer les confusions naissantes. Il
faut tenir compte de l'ensemble de ces phénomènes pour comprendre
comment le nom divin a pu disparaître imperceptiblement mais durablement
des copies du Nouveau Testament.

175
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

'Antijudaïsme'
Certains passages du Nouveau Testament laissent rêveur. Très fustigées
en notre époque, les invectives acerbes des chrétiens envers « les Juifs» sont
une réalité que l'on rencontre dans les textes.l Une grande part du ministère
de Jésus, tel qu'il nous est rapporté, est tournée vers la contradiction et la
polémique envers «scribes et pharisiens». Les Actes d'Apôtres sont
parsemés d'affrontements entre les communautés juive et chrétienne. Les
épîtres chargent également les Juifs. Voici quelques exemples, qui montrent
combien les reproches fusent tous azimuts:
Matthieu 27 :24, 25 : Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le
tumulte augmentait, prit de l'eau, se lava les mains en présence de
la foule, et dit: Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous
regarde. Et tout le peuple répondit: Que son sang retombe sur nous
et sur nos enfants!
Marc 7:1-13; 8:15; 12:38-40: Il leur disait dans son
enseignement: Gardez-vous des scribes, qui aiment à se promener
en robes longues, et à être salués dans les places publiques,. qui
recherchent les premiers sièges dans les synagogues, et les
premières places dans les festins,. qui dévorent les maisons des
veuves, et qui font pour l'apparence de longues prières. Ils seront
jugés plus sévèrement.
Luc Il : 37-54 ; par ex. le verset 47 : Malheur à vous! parce que
vous bâtissez les tombeaux des prophètes, que vos pères ont tués.
Jean 19:14 ,15 : C'était la préparation de la Pâque, et environ la
sixième heure. Pilate dit aux Juifs: Voici votre roi. Mais ils
s'écrièrent: Ote, ôte, crucifie-le! Pilate leur dit: Crucifierai-je
votre roi? Les principaux sacrificateurs répondirent: Nous n'avons
de roi que César.
De longs épisodes évangéliques contiennent des attaques virulentes à charge
des scribes et des pharisiens, tels Matthieu 21 à 28, Marc chapitre 7, Luc
chapitre Il...
Mais l'accusation la plus célèbre est sans aucun doute celle contenue en
1 Thessaloniciens 2: 14-16: «Car vous, frères, vous êtes devenus les
imitateurs des Églises de Dieu qui sont en Jésus-Christ dans la Judée, parce
que vous aussi, vous avez souffert de la part de vos propres compatriotes les
mêmes maux qu'elles ont soufferts de la part des Juifs.

Ce sont ces Juifs


qui ont fait mourir le Seigneur Jésus et les prophètes,
qui nous ont persécutés,
qui ne plaisent point à Dieu,
et qui sont ennemis de tous les hommes,

176
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

nous empêchant de parler aux païens pour qu'ils soient


sauvés, en sorte qu'ils ne cessent de mettre le comble à leurs
péchés.

Mais la colère a fini par les atteindre2. »

Actes 2:22, 23 : « Hommes Israélites, écoutez ces paroles! Jésus de


Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous
par les miracles, les prodiges et les signes qu'il a opérés par lui au
milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes; cet homme,
livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous
l'avez crucifié, vous l'avez fait mourir par la main des impies. »

Aussi violents qu'ils soient, ces propos ne doivent pas faire illusion: la
rupture entre Juifs et Chrétiens n'est pas survenue brutalement. On ne parle
d'ailleurs pas de rupture, mais d'un déchirement, long et douloureux, qui
n'est pas consommé au moins avant 70. En outre, parler d'« antijudaïsme »,
quelle que soit la dureté des propos que nous venons d'examiner, n'est pas
tout à fait exact. Premièrement, ce serait bien paradoxal d'affirmer que les
rédacteurs du Nouveau Testament, Juifs eux-mêmes, aient été anti-Juifs !
Ensuite, leurs propos sont issus de controverses théologiques dont le cadre
est précisément le judaïsme, et la cible moins les Juifs que leurs chefs
religieux (responsables de leur salut, en quelque sorte! Cf. Mt 23:13 ). Il
s'agit donc moins d'une remise en question du judaïsme, que de querelles
interprétatives, car les premiers chrétiens, les judéo-chrétiens, ont continué
d'observer la Loi et de fréquenter la synagogue jusque vers 80-90. Il est
donc évident qu'ils n'étaient pas anti-Juifs.

Judéo-chrétiens et pagano-chrétiens

Les premiers chrétiens sont tous issus du judaïsme. Ils connaissent donc
parfaitement bien la loi mosaïque, et certains continuent à l'observer
scrupuleusement. Ce sont en quelque sorte des Juifs messianistes. Il est
d'ailleurs impropre d'employer le terme « chrétien », qui leur sera attribué
plus tard à Antioche. À l'origine, les disciples de Jésus sont appelés
« frères », «gens de la Voie », «saints », «disciples»... Ils représentent
encore, pour peu de temps il est vrai, un des nombreux courants que connaît
le judaïsme (baptistes, zélotes, pharisiens, sadducéens...). Simon Mimouni
précise: « D'un point de vue historique, voire théologique, avant cette date
fatidique (70), il est difficile de considérer le christianisme comme une
religion à part entière - il n'est qu'une dissidence, parmi d'autres, au sein du
judaïsme3. »
L'affaire va se compliquer dès la prise de conscience de la vocation
universelle du message de Jésus. En effet, que s'est-il passé entre:

177
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Tels sont les douze que Jésus envoya, après leur avoir donné les instructions
suivantes: N'allez pas vers les païens, et n'entrez pas dans les villes des
Samaritains,. allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël. -
Mathieu 10:5,6

et

Allez, faites de toutes les nations des disciples,


les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit - Matthieu 28:29

À première vue, Jésus déclare la première fois de ne pas évangéliser la


gentilité, et la seconde, l'inverse. La réalité est plus subtile. Jésus n'avait été
envoyé, dans un premier temps (cf. Jn 10:16), que vers la maison d'Israël
(Mt 15:24, Ac 3:26, Ro 15:8 Il Is 53:6), d'une part en raison d'une promesse
divine (Mi 7:20), et d'autre part pour que les péchés de cette nation soient
pleinement manifestés (Ga 3: 19) ; ces péchés étant manifestés, cette nation
comprendrait ainsi la nécessité d'un Racheteur (Jn 1:29), et d'une nouvelle
alliance, elle aussi promise (Jr 31 :31, Hb 8:8) :

Ac 3:26 Ù~V 1TPWtOV àvao't'~oae; 0 8EOe; 't'ov 1TaÎ.Ôa aùtoû à1TÉO't'ELÀEV


aùtov EÙÀoyoûv't'a ùJ.Lâe; Èv à1TOO't'pÉCPELV ËKaOtoV à1TO
't'ci>
't'WV 1TOVllPLWV ÙJ.Lwv.
C'est à vous premièrement que Dieu, ayant suscité son
serviteur, l'a envoyé pour vous bénir, en détournant chacun
de vous de ses iniquités

Ac 13:46 1TapP1l0LaociIJ.EVOL tE 0 IIaûÀoe; Kat 0 Bapva~âe; EL1Tav. ù~v


~v àvaYKaLOV 1TpW't'OV ÀaÀ1l8ilvaL 't'ov ÀOYov 't'oû 8EOÛ'
È1TELÔ~à1TW8EL08E aù't'ov Kat. OÙK àçLOUe; KpLVE't'E Èau't'oùe; tile;
aLWVLOu (wile;, Lôoù O't'pEcpOIJ.E8a ELe; 't'à Ë8vll.
Paul et Barnabas leur dirent avec assurance: C'est à vous
premièrement que la parole de Dieu devait être annoncée;
mais, puisque vous la repoussez, et que vous vous jugez
vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous
tournons vers les païens.

Ac 18:6 àV't'Ltaoo0IJ.Évwv ôÈ aùtwv Kat ~ÀaoCPlllJ.oUVtWV


ÈKtLVaçaIJ.EVOe; 't'à LlJ.ci't'La EL1TEV 1TpOe; aù't'oue;. 't'o aLlJ.a ÙIJ.WV
È1Tt 't'~v KEcpaÀ~v ÙJ.Lwv' Ka8apoe; Èyw à1TO 't'OÛ vûv Ete; 't'à
Ë8vll 1TOpEUOOJ.LaL.
Les Juifs faisant alors de l'opposition et se livrant à des
injures, Paul secoua ses vêtements, et leur dit: Que votre
sang retombe sur votre tête! J'en suis pur. Dès maintenant,
j'irai vers les païens.

178
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Le récit des Actes est particulièrement disert à ce sujet. La prédication


fut d'abord dirigée vers les Juifs. C'est une évidence qui se perçoit par le
nombre d'oppositions et de débats, dont les pages des Actes sont émaillées.
Essuyant un rejet quasi total de la part de leurs anciens coreligionnaires, les
chrétiens se décident à évangéliser les nations, et comprennent la mission
universelle que Jésus Ressuscité leur a confiée. Mais ils ont toujours des
réticences.. .
C'est alors que Pierre (c'est en 36 de notre ère), apôtre de la
communauté de Jérusalem, reçoit une vision. On lui demande, à lui, un Juif
qui observe depuis sa naissance les interdits alimentaires, de tuer et de
manger des animaux considérés impurs par la Loi mosaïque. Cette vision est
en outre subtilement entremêlée à la toute première conversion d'un Gentil :
Corneille4. Même si on le pressentait, même si on le redoutait sans oser le
dire, on comprend enfin que le message chrétien n'aura plus une place de
choix parmi les Juifs. Et alors on prend - plus exactement, on reçoit - le nom
de chrétien! (Actes 11:26)5. Coïncidence? Providence? On ne saurait dire.
Toujours est-il que l'identité chrétienne se revendique par opposition au
judaïsme.
Dans la pratique, quelques individus viennent contrarier le cours des
événements. Par exemple, en Actes Il :1-3 des chrétiens d'origine juive (des
judéo-chrétiens) reprochent à Pierre ses rapports avec les païens. Plus tard
(en 48 de notre ère), ces mêmes judéo-chrétiens soutenaient aux Gentils
convertis par Paul (les pagano-chrétiens) qu'ils devaient se faire circoncire,
et observer la Loi:

Quelques hommes, venus de la Judée, enseignaient les frères, en


disant: Si vous n'êtes circoncis selon le rite de Moïse, vous ne
pouvez être sauvés. (..) Alors quelques-uns du parti des pharisiens,
qui avaient cru, se levèrent, en disant qu'il fallait circoncire les
païens et exiger l'observation de la loi de Moïse. - Actes 15: 1, 5

C'était ni plus ni moins vouloir que ces païens fraîchement convertis au


christianisme se fassent prosélytes! Ce grave débat fut porté à Jérusalem en
51 (c'est le fameux 'premier concile'). Les anciens et les apôtres se réunirent
pour débattre du problème. C'est l'objet du chapitre 15 des Actes. L'issue
est rapportée aux versets 19 et 20 (et reprise au verset 29). Bien évidemment,
ce débat n'est pas clos pour autant. Des chrétiens persistent à judaïser (Ac
21 :20). Pierre (Céphas) et Paul auront même maille à partir sur ce
point (incident d'Antioche):

Voyant qu'ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l'Évangile,


je dis à Céphas, en présence de tous: Si toi qui es Juif, tu vis à la
manière des païens et non à la manière des Juifs, pourquoi forces-tu
les païens àjudaïser ? - Galates 2:14

179
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

C'est une double tendance qui s'affronte. Les commentateurs modernes


en viennent d'ailleurs à penser que « Pierre et Paul représentaient deux
sensibilités différentes dans la nouvelle religion (qui) eurent à s'affronter à
Antioche6. » Les uns et les autres ne manquent pas de fondement dans leur
attitude.

L 'heure approche où ce ne sera plus ni sur


Le salut vient des Juifs - Jean 4:22 (Jésus) cette montagne ni à Jérusalem qu'on adorera
le Père, mais en esprit et en vérité. - Jean
4:23 (Jésus)

Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel Il y a ainsi abolition d'une ordonnance
et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra antérieure, à cause de son impuissance et de
pas de la loi un seul iota ou un seul trait de son inutilité, - car la loi n'a rien amené à la
lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé. - perfection, - et introduction d'une meilleure
Matthieu 5:18 (Jésus) espérance, par laquelle nous nous approchons
de Dieu. - Hébreux 7:18,19 (Paul)

Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la Christ est la fin de la loi, pour la justification
loi ou les prophètes; je suis venu non pour de tous ceux qui croient. - Romains 10:4
abolir, mais pour accomplir. - Matthieu 5: 17 (Paul)
(Jésus)

On pourrait multiplier les exemples. À les décortiquer, ils relèvent


toujours de malentendus, d'incompréhensions. Car les Juifs ne parviennent
pas à sortir du carcan de leur nation élue. Quant aux païens, ils viennent au
christianisme en y apportant leur culture philosophique et leurs habitudes
syncrétiques. Situation inextricable, dont le christianisme n'est pas sorti
indemne.

180
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Les premières persécutions

Venant des Juifs

Le premier martyr est Étienne. Le drame se place en 33 de notre ère.

Quelques membres de la synagogue dite des Affranchis (..)


subornèrent des hommes qui dirent: Nous l'avons entendu proférer
des paroles blasphématoires contre Moïse et contre Dieu. Ils
émurent le peuple, les anciens et les scribes, et, se jetant sur lui, ils
le saisirent, et l'emmenèrent au sanhédrin. Ils produisirent de faux
témoins, qui dirent: Cet homme ne cesse de proférer des paroles
contre le lieu saint et contre la loi; car nous l'avons entendu dire
que Jésus, ce Nazaréen, détruira ce lieu, et changera les coutumes
que Moïse nous a données. - Actes 6:9, 11-14

On interroge alors Étienne, qui entame un long discours où le Nom apparaît


trois fois (Ac 7:31,33,49). Mais Étienne n'entend pas prendre sa défense. Il
résume des épisodes marquants de l'histoire d'Israël (ainsi, les querelles
religieuses se situent bel et bien à l'intérieur du judaïsme), puis déclare
ouvertement: « Hommes au cou raide, incirconcis de cœur et d'oreilles!
vous vous opposez toujours au Saint-Esprit. Ce que vos pères ont été, vous
l'êtes aussi. Lequel des prophètes vos pères n'ont-ils pas persécuté? Ils ont
tué ceux qui annonçaient d'avance la venue du Juste, que vous avez livré
maintenant, et dont vous avez été les meurtriers, vous qui avez reçu la loi
d'après des commandements d'anges, et qui ne l'avez point gardée!... » -
Actes 7:51-53
Par ces propos courageux, Étienne donne le ton: ils sont les meurtriers
du Christ (qualifié de Juste). Ils n'ont pas gardé les commandements divins.
Ils ont persécuté les prophètes. Ils ne valent pas mieux que leurs ancêtres. À
cette période, le Sanhédrin avait les mains libres, car Ponce Pilate était allé
rendre compte de ses exactions à Rome. Sans autre forme de procès, Étienne
est lapidé, pour avoir tenu des propos contre le Temple.? Le récit poursuit en
précisant que ce jour-là une grande persécution s'abattit sur la communauté
chrétienne de Jérusalem (Ac 8:1), et que tous, exceptés les apôtres, furent
dispersés (on apprend plus tard que cette dispersion a eu pour résultat une
formidable propagation de la nouvelle foi, Ac Il: 19). Ici apparaît le
personnage de Saul (Paul), approuvant le meurtre. C'est un pharisien,
disciple de Gamaliel, qui va se mettre à persécuter les chrétiens:

Quant à Saul, il ravageait la communauté, allant de maison en maison;


il (en) arrachait hommes et femmes, qu'il faisait jeter en prison. - Actes 8:3

Quelques temps plus tard (vers 36/38), il est converti sur le chemin de
Damas, et de persécuteur, il devient un ardent missionnaire, confessant plus

181
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

d'une fois sa mauvaise conduite passée, toute caractéristique des sévices


exercés par les Juifs contre les chrétiens (jugés apostats) :

Ga 1:13 : Vous avez su, en effet, quelle était autrefois ma conduite


dans le judaïsme, comment je persécutais à outrance et
ravageais l'Eglise de Dieu
lCo 15:9 : car je suis le moindre des apôtres, je ne suis pas digne
d'être appelé apôtre, parce que j'ai persécuté l'Eglise de
Dieu.
Ph 3:6 : persécuteur de l'Eglise; irréprochable, à l'égard de la
justice de la loi.
1Ti 1:13 : moi qui étais auparavant un blasphémateur, un persécuteur,
un homme violent. Mais j'ai obtenu miséricorde, parce que
j'agissais par ignorance, dans l'incrédulité

Venant des autorités locales

Vers 43-44, Hérode Agrippa entre en scène. Affectant un zèle religieux,


et désirant s'attirer les bonnes grâces du peuple, il systématise la persécution
envers les chrétiens (Ac 12:1,2 ; HE II,1-4). Jacques (frère de Jean), dit
Jacques le Majeur, est décapité. Pierre est arrêté, et aurait été mis à mort, si
un ange ne l'avait pas délivré. Ces persécutions ont pour résultat la fuite des
chrétiens hors de la Ville Sainte. Du coup, un plus grand nombre de régions
sont évangélisées. Or, quand nous évoquons les « chrétiens» de Jérusalem,
c'est en fait « Juifs (devenus) chrétiens », qu'il faut comprendre:

Ceux qui avaient été dispersés par la persécution survenue à


l'occasion d'Étienne allèrentjusqu'en Phénicie dans l'île de Chypre
et à Antioche annonçant la parole seulement aux Juifs. Il y eut
cependant parmi eux quelques hommes de Chypre et de Cyrène qui
étant venus à Antioche s'adressèrent aussi aux Grecs et leur
annoncèrent la bonne nouvelle du Seigneur Jésus. - Actes Il: 19-20

Les Juifs convertis au christianisme provenant de Jérusalem vont tout


d'abord s'adresser aux Juifs de la diaspora. Puis, à petits pas, aux Grecs.
Leurs racines juives sont encore vivaces, mais ils vont s'adresser de plus en
plus à des populations totalement ignorantes de l'histoire du peuple hébreu,
et surtout n'ayant 'aucune connaissance du Dieu unique. C'est cette pensée
qu'il faut garder à l'esprit pour comprendre l'oubli du nom divin.
Dans la nuit du 18 au 19 juillet 64, un violent incendie éclate à Rome.
Sa portée est considérable. Jusqu'à présent l'Empire ne s'était guère soucié
de cette secte marginale des 'chrétiens'. Ils n'étaient pas vraiment dissociés
des Juifs, dont ils pouvaient bénéficier des mêmes prérogatives (notamment
la religio licita). Mais l'incendie ravageur va changer la donne: on savait
que Néron en était capable, on savait qu'il cherchait depuis longtemps

182
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

l'espace nécessaire à Rome - mais inexistant - pour son projet de


construction d'un palais tout en or, on savait qu'il désirait remanier
entièrement l'Urbs, et même on l'avait entendu proférer des paroles
ambiguës8. Quand donc l'incendie se déclara, les soupçons se portèrent
naturellement sur lui.
L'événement fut catastrophique: le feu se déchaîna durant six jours et
six nuits. Après avoir été maîtrisé, il se ralluma dans un autre quartier, pour
trois jours encore. De nombreux édifices de la plus haute antiquité
disparurent dans les flammes. Les pertes humaines furent considérables.
Même si les auteurs anciens ne sont pas unanimes sur la question,
« l'opinion dominante parmi les historiens [antiques] est que c'est bel et bien
Néron qui a incendié la ville, et cela pour se faire édifier un nouveau palais
et pour remodeler Rome à sa fantaisie9.» Les soupçons pèsent donc sur
Néron. Aussi ce dernier va-t-il chercher des boucs-émissaireslo, des gens que
le peuple déteste, et qu'il pourra sacrifier à peu de frais. Les chrétiens
constituent une cible idéale: « seuls, avec les juifs, à refuser de reconnaître
le panthéon romain, ils suscitent une hostilité quasi générale et ont déjà été
en butte à la persécution de Claude qui a décidé de les chasser de Rome
(Suétone, Claude, 25) 11.»

Tacite explique les mesures qui furent prises:

« Néron supposa des coupables et fit souffrir les tortures les plus
raffinées à ces hommes détestés pour leurs abominations et que le
vulgaire appelait chrétiens. Ce nom leur vient de Christ, qui, sous
Tibère, fut livré au supplice par le procurateur Pontius Pilatus.
Réprimée sur le moment, cette exécrable superstition perçait de
nouveau, non seulement dans la Judée, berceau du mal, mais à
Rome, où tout ce qu'il y a partout d'infamies et d'horreurs afflue et
trouve des partisans. On commença donc par saisir ceux qui
confessaient leur foi, puis, sur leurs révélations, une infinité d'autres,
qui furent bien moins convaincus d'incendie que de haine pour le
genre humain. On fit de leurs supplices un divertissement: les uns,
couverts de peaux de bêtes, périssaient dévorés par des chiens;
beaucoup, mis en croix, étaient, lorsque le jour avait disparu, brûlés
pour éclairer la nuit. Néron avait offert ses jardins pour ce spectacle
et donnait des jeux au Cirque, se mêlant au peuple en habit de
cocher, ou conduisant un char. Aussi, quoique ces hommes fussent
coupables et eussent mérité les dernières rigueurs, les cœurs
s'ouvraient-ils à la compassion, en pensant que ce n'était pas pour le
bien public, mais à la cruauté d'un seul, qu'ils étaient immolésl2. »

183
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

LES CHRETIENS AUX LIONS

« On livra aux supplices les chrétiens, sorte de gens


adonnés à une superstition nouvelle et dangereuse. »
Suétone, Vies des douze Césars, Néron, XVI

Cette première persécution romaine, brutale et terrible, indique qu'à


l'époque les chrétiens étaient déjà établis dans la Capitale de l'Empire, et
clairement identifiés. Tertullien évoqua l'évènement en ces termes:
« Consultez vos annales et vous y trouverez que Néron le premier sévit avec
le glaive impérial contre notre secte, qui se levait précisément alors à Rome.
Qu'un tel prince ait pris l'initiative de nous condamner, c'est pour nous un
titre de gloire. Car qui connaît Néron peut comprendre que ce qu'un Néron a
condamné ne peut être qu'un grand bien13. »
Dans la tourmente de cette première persécution, Paul est emprisonné
une seconde fois, vers 65. Il rédige la seconde lettre à Timothée14, dans
laquelle il consigne ses dernières recommandations en attendant sa fin. Selon
Eusèbe, ce serait encore Néron l'auteur du martyr de Paul, comme celui de
Pierre15 : « Ainsi donc, cet homme, qui le premier a été proclamé parmi les
plus grands ennemis de Dieu, poussa l'orgueil jusqu'à assassiner les apôtres.
On raconte que, sous son règne, Paul eut la tête tranchée à Rome même et
que, semblablement, Pierre y fut crucifié» - HE II, 25, 5.
Parallèlement à ces persécutions dirigées contre les chrétiens, les Juifs
sont soumis à des pressions fiscales et à des traitements ignominieux de la
part des Romains. Cela débouche sur les révoltes de 66. La célèbre guerre
des Juifs éclate, dont Flavius Josèphe nous a conservé les chroniques.
Cestius Gallus, gouverneur de Syrie, attaque la ville. Déjà les soldats
romains sapent les murs, et la ville semble à portée de mains, quand il se
produit un fait étonnant: (0 yoüv KÉO'tLOC;(...) ÉÇCXL<pVllC;tIVEKaÀEoEv 'tOÙC;
O'tpCX'tLW'tCXC;KCXt. KCX'tcxyvoùC; É1T' OUOE~L~ 1TÀllyij 'tWV ÉÀ1TLOWV 1TCXpCXÀOYw'tcx'tcx

184
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

cX1TO-riiç1TOÂ.EWÇ cXVÉ( EUÇEV «Cestius [...] rappela soudainement ses troupes,


renonça à ses espérances, sans avoir souffert aucun échec, et, contre toute
attente, s'éloigna de la ville. » - GJ II, 540. Cette retraite va permettre à
certains habitants de Jérusalem de quitter la ville.16Mais l'immense majorité
y resta. Un an plus tard, Vespasien reprit la campagne, mais la mort de
Néron en 68 le rappela à Rome, où il fut nommé empereur. Il confia donc à
son fils Titus le soin de terminer les opérations. Ce dernier dressa le siège de
Jérusalem en l'entourant par plus de sept kilomètres de palissades, en trois
jours, alors que la ville était remplie de personnes venues y célébrer la
Pâque. À l'intérieur, à cause de certains Juifs fanatiques, des querelles
surgissent. Une partie des provisions en nourriture est détruite. Ceux qui
tentent de fuir sont abattus. Très vite, faim et peste commencent à sévir
horriblement.

DETAIL DE L'ARc DE TITUS COMMEMORANT LA VICTOIRE ROMAINE EN 70.

Titus essaie de persuader les Juifs de se rendre en paix, mais toutes ses
propositions sont rejetées (il fait notamment appel à Flavius Josèphe). Les
Romains finissent par ouvrir des brèches dans les murailles, et pénètrent au
sein de la ville. Un terrible massacre s'en suit. Josèphe évalue le nombre de
morts à 1 100 000, une exagération espérons-le, mais qui donne la mesure du
désastre. Il n'est pas inutile à ce sujet de faire remarquer que: «L'hébreu,
qui était encore, semble-t-il, parlé dans la région de Jérusalem, perdit ainsi
une partie de ses locuteursl7. » On fait également de nombreux prisonniers,
qui seront tués dans les jeux ou réduits en esclavage. La ville est rasée de
fond en comble, le Temple incendié et détruit (à l'exception de son mur
occidental, appelé aujourd'hui le mur des Lamentations). En 70 donc, après
quelques mois d'une révolte sans espoir, Jérusalem est entièrement désolée.
Elle le restera durant plusieurs générations. La destruction du Temple aura
des conséquences importantes. On pourrait même dire plus, et souscrire au
propos de Mireille Hadas-Lebel :

185
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Les conséquences de cet événement pour I 'histoire universelle sont


incalculables,. il est de ceux dont on peut dire sans hésiter que la
face du monde en a été changée18.

Sans le Temple, en effet, c'est tout le judaïsme dans ses pratiques


cultuelles qui était remis en cause: les sacrifices avaient lieu au Temple
exclusivement. Privé de ce lieu d'expiation, tout le système était compromis.
De plus, trois fêtes se tenaient normalement à Jérusalem, drainant au Temple
des foules de pèlerins nombreux: celles-ci pourraient difficilement continuer
d'avoir cours. Une nouvelle destruction du Temple posait également la
question lancinante: de quoi la nation d'Israël s'était-elle rendue coupable
pour que son Dieu la laisse périr sous le glaive romain? et laisse disparaître
son sanctuaire dans les flammes de l'impiété?
La terrible épreuve sera néanmoins surmontée. Assez rapidement, le
judaïsme se restructure autour du courant pharisien (à Jamnia
particulièrement, où certains rabbins, qui ont pu fuir le siège de Jérusalem,
ont trouvé refuge, et reçu l'autorisation d'exercer leur culte). Ce courant
pharisien admet l'autorité de la « loi orale», qui permet l'émergence d'un
judaïsme rabbinique. Jusqu'alors, les trois piliers avaient été l'étude de la
Torah, le culte du temple et la piété. Désormais, l'esprit du texte d'Osée 6:6
prévaudrait:

:n;~!1~ C";;~~
\. n.vi
-, 'n:Ji-N~'
: -AT:
"r-ï~£)n
.: \-
ion.:,.: .,~
.,.
l'' ":: -
Car j'aime la piété et non les sacrifices,
et la connaissance de Dieu plus que les holocaustes.

Cette redéfinition du judaïsme ne va pas sans exacerber la tension envers


les dissidences internes, particulièrement envers le mouvement « nazoréen »
(chrétien). Simon Claude Mimouni décrit la situation: « Entre 70 et 135, les
Juifs chrétiens se voient marginalisés de l'intérieur et de l'extérieur. De
l'intérieur, c'est-à-dire dans le judaïsme, ils se font progressivement
marginaliser et exclure de la « Synagogue ». De l'extérieur, c'est-à-dire dans
le christianisme, ils se font aussi marginaliser et exclure de l' « Église ».
Cette double marginalisation et exclusion provoque l'éclatement des
communautés chrétiennes d'origine juive en plusieurs groupes. (...) Aux
alentours de l'an 135 émergent ainsi déjà, si l'on peut dire, les éléments
d'une «Grande Église », celle des chrétiens d'origine païenne, et d'une
«Petite Église », celle des chrétiens d'origine juive19.» Le judaïsme
nouveau expulse donc définitivement des synagogues les convertis au
christianisme qui avaient conservé leurs habitudes juives. L'évangile de Jean
en fait d'ailleurs largement écho (Jean 9:22, 12:42, 16:2; de même que
Justin Martyr, dans le Dialogue avec Tryphon: 16:4, 93:4, 95:4, 96:2,
108:3, 123:6, 133:6, 137:2)20.Pour ce faire, il a recours à une méthode
imparable.

186
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Vers 80-9021, une bénédiction est ajoutée, en douzième position, à la


prière dite des « Dix-huit bénédictions» (Shemoneh Esrei) récitée trois fois
par jour à la synagogue: la bénédiction des hérétiques (Birkat ha-Minim),
qui en fait de bénédiction est une malédiction.22 Cette prière fait
immédiatement suite au Shem 'a Israël, et constitue, comme l'indique Simon
Claude Mimouni, « le point culminant de l'office, introduit et préparé par
tout ce qui précède23.» Le texte (palestinien) en est le suivant:

Pour les apostats, qu'il n y ait pas d'espoir; et que le royaume de


l'impertinence soit déraciné de nos jours; et que les nazoréens et les
hérétiques disparaissent en un clin d'œil, qu'ils soient effacés du
livre des vivants et ne soient pas inscrits avec les justes. Béni sois-tu
Seigneur, qui soumets les impudents.24

Comme le remarque A. de La Rochebrochard : « Trois fois par jour dans les


synagogues cette 'bénédiction' est martelée comme un slogan qui
conditionne les esprits. Elle est dirigée contre l'Empire romain (le royaume
de l'impertinence !), mais également contre tous les déviants du judaïsme
rabbinique (apostats, hérétiques), parmi lesquels sont nommément désignés
des juifs qui sont passés dans la 'secte' des Nazoréens25. » La séparation
devient alors inévitable: le Juif chrétien ne peut raisonnablement pas
prononcer une malédiction contre un groupe auquel il appartient. Pour peu
qu'il accroche un seul mot, le mot décisif de « nazoréen», et c'est tout le
passage qui doit être relu26. Par ailleurs, un intéressant problème débattu par
les rabbis de l'époque, donne un éclairage fondamental à l'exclusion dont les
judéo-chrétiens ont fait l'objet. Dans un traité détaillant l'immense ensemble
d'interdits imposés lors du sabbat, tiré du Talmud de Babylone, on peut lire:

. « En cas d'incendie, on ne sauve pas les gilyonim et les sifrei ha-


minim, ils brûlent sur place et avec eux les mentions du Nom de
Dieu (qu'ils renferment). R. Yossi le Galiléen dit: «Les jours
ouvrables, on découpe les mentions (du Nom de Dieu) et on les
remise, tandis qu'on brûle le reste ». R. Tarphon déclare: 'Que je
perde mes enfants plutôt que de manquer, si ces livres venaient à me
tomber entre les mains, de les brûler, eux et les mentions (du Nom
de Dieu) qui s'y trouvent. Et si l'on me poursuit, j'entrerai dans un
lieu de culte païen, mais non pas chez eux, parce que les païens ne
Le connaissent pas et ne Le renient pas, tandis qu'eux Le
connaissent et Le renient.'» - Shabbat XIII, 527

. « Les gilyônim et les livres des minim ne seront pas sauvés de


l'incendie, mais (...) Rabbi Yossé dit: 'Les jours ouvrables, on
découpera les emplacements des noms ineffables, on les déposera en
lieu sûr, et on brûlera le reste.' Rabbi Tarfon dit: 'Que je me prive
de mes enfants, si les livres viennent entre mes mains si je ne les

187
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

brûle pas avec les noms ineffables qu'ils contiennent.' » - Shabbat


116a28

Les membres du Rabbinat français traduisent gilyônim par 'blancs' et


minim par 'hérétiques' (on entend généralement par là, entre autres, les
Sadducéens et les Samaritains). Ces deux traductions, littérales, ne donnent
pas tout le sens29. Car si les gilyônim (pl. de 1"C,J) désignent bel et bien les
blancs qui peuvent se trouver sur les marges d'un manuscrit, dans un sens
ironique ils signifient également les écrits qui n'ont pas de valeur, qui sont
« blancs »30. Témoin Marcus Jastrow qui, dans son Dictionary of the
Targumim..., définit le terme ainsi: «1) (...) the blank portions of a sacred
book, the upper, the lower margins and those at the beginning and the end
(u .). 2) (a satirical adaptation of EUa.YYEÂLOV,v.1~~) gospel. Tosef.Sabb.
XIII(XVI),5 1'~'~ "£)0' 'JÏ1 (...) the gospels and books of heretics3l. » Et
sans ambages la Jewish Encyclopaedia souscrit à cette analyse puisque la
définition proposée à l'entrée gilyônim est« évangiles »32tout comme minim
y désigne les «Judéo-chrétiens »33. De même, R. Trevers Herford,
déclare dans son ouvrage Christianity in Talmud and Midrash : «it is
evident, then, from their strong denunciations, that the Books of the Minim
included Christian writings34.» Voilà pourquoi L. H. Schiffman, qui
considère que ces minim représentent les chrétiens issus du judaïsme, rend le
passage ainsi: «Nous ne sauvons pas du feu (un jour de sabbat) les
Évangiles et les livres des minim ('hérétiques'). Au lieu de cela, ils brûlaient
où ils se trouvent, eux et leurs Tétragrammes. Rabbi Y ose Ha-Gelili dit: au
cours de la semaine, on devrait découper leurs Tétragrammes, les cacher et
brûler le reste. Rabbi Tarfon a dit: puis-je enterrer mes fils! Si (ces livres)
venaient en ma main, je les brûlerais avec leurs Tétragrammes35. »
Nous avons donc là un témoignage d'une extrême importance. Les
judéo-chrétiens, traités d'apostats ou d'hérétiques (minim) avaient bel et bien
des copies du Nouveau Testament (sans doute des évangiles) ayant le nom
divin sous la forme du tétragramme. L'expression centrale est sifrei ha-
minim, c'est-à-dire « livres des hérétiques ». On peut objecter que les copies
de la Septante, qui portent alors le tétragramme comme nous l'avons signalé
plus haut, peuvent correspondre à cette appellation. Mais à cette époque, les
Juifs n'ont pas encore pris leurs distances vis-à-vis du texte de la Septante
(cela surviendra vers 150 avec les versions d' Aquila et de Symmaque, après
« l'appropriation chrétienne» de la Septante). On a avancé différentes
hypothèses concernant ce qui est réellement entendu par l'expression « sifrei
ha-minim36.» Il est bon d'en faire mention pour comprendre combien
l'hypothèse que nous venons d'évoquer est importante. Ces livres, donc, qui
contiennent les mentions du Nom de Dieu peuvent être:

188
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

1) des exemplaires de la Torah (en hébreu, et donc copiés par les minim; ou
en grec, et donc constituant le texte de la Septante, avec la mention du Nom
de Dieu en caractères hébraïques anciens),
2) des écrits chrétiens (Nouveau Testament ou logia),
3) des écrits magiques aux tendances syncrétistes.

L'hypothèse une n'est guère recevable car d'autres passages de la


littérature rabbinique montrent que les sifrei ha-minim ne sont pas considérés
comme sacrés (ils ne contiennent donc pas la Torah). Quant à la troisième
hypothèse, elle relève d'une époque postérieure au premier siècle. Et S.-C.
Mimouni en déduit: « Il ne fait aucun doute en tout cas que l'expression
Sifrei ha-minim se réfère aux «livres des hérétiques» : d'ailleurs en T
Yadaïm II, 13, il est précisé qu' «ils ne rendent pas impures les mains»,
formule hébraïque qui signifie qu'ils n'ont rien de sacré. Il s'agit par
conséquent de livres considérés comme hérétiques par le mouvement
pharisien/tannaïte, notamment ceux provenant des milieux chrétiens
d'origine juive - y compris les Évangiles37. »

Les judéo-chrétiens, rejetés de toutes parts, essaiment:

Des Églises proprement judéo-chrétiennes, explique Pierre-Marie


Beaude, fleurirent en Judée, en Galilée, en Syrie, chez les
Nabatéens, en Osroène (région d'Edesse), en Adiabène (à l'est du
Tigre), en Babylonie. (..) Mais l'histoire ne leur réserva pas un
avenir rayonnant. À terme, elles se retrouvèrent pratiquement
marginalisées par rapport à l'ensemble du mouvement chrétien qui
se développait du côté des païens38.

La suite de l'histoire mouvementée des chrétiens d'origine juive nous


ferait dépasser le cadre de notre étude. Composés de différents mouvements
(nazoréens, ébionites, elkasaïtes), leurs doctrines divergent quant à
l'observance de la Loi ou la christologie. Il faudra simplement retenir deux
points pour la suite:
ils sont rejetés des Juifs qui les considèrent comme des apostats, et
s'emploient à détruire leurs écrits (c'est-à-dire les Évangiles, qui à
l'époque contiennent - vraisemblablement - les tétragrammes !) ;
ils sont rejetés de la communauté chrétienne issue du paganisme, car
ils observent la Loi (cela implique la mise à l'écart des païens ou
divers interdits alimentaires, discriminations qui, au sein de la
« Grande Église» naissante, posent des problèmes qui tendent vers
l' exclusion totale).

189
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Jérôme (en 404) a d'ailleurs fort bien compris leur problème:

Jusqu'aujourd'hui, dans toutes les synagogues de l'Orient, il y a


chez les Juifs une secte qu'on appelle minim (minaeorum), qui est
condamnée par les pharisiens - qu'on appelle vulgairement
(communément) nazaréens (nazaraeos) ils croient au Christ fils de
,.

Dieu, né de la Vierge Marie, et ils disent que c'est celui qui, sous
Ponce Pilate, a souffert et est ressuscité,. en lui nous aussi nous
croyons,. mais tandis qu'ils veulent tout ensemble être juifs et
chrétiens, ils ne sont ni juifs ni chrétiens39.

La rencontre avec l'Occident de ces premiers disciples du Christ, trop


« Juifs» encore, était vouée à l'échec. Dans ces conditions, il est
compréhensible que leurs écrits n'aient pas été copiés avec une extrême
fidélité, voire qu'ils aient été purgés des composantes juives dérangeantes,
notamment les mentions du nom divin.

Venant des autorités romaines

C'est un tournant décisif qui va se produire, car le christianisme sort de


son terreau juif. Ce tournant s'opère d'ailleurs lorsque s'éteint la génération
apostolique (à partir de 70), et dans une période où l'autorité romaine va se
mettre à intervenir. La prédication fulgurante de la bonne nouvelle auprès
des païens ne va pas aller, en effet, sans difficultés. De plus en plus dissociés
des Juifs, qui bénéficiaient de leur fameux, et monnayable, statut de religio
licita, la secte des chrétiens va être en butte aux autorités romaines. Sous
divers motifs: athéisme, cannibalisme, inceste...
C'était une réaction prévisible: les Romains étaient réputés faire preuve
de tolérance vis-à-vis des divinités des peuples qu'ils soumettaient. Désireux
de ne pas rompre la fameuse «paix des dieux» (pax deorum), ils ne
prétendaient pas, au risque de les offenser, que les divinités qu'ils ne
connaissaient pas n'existaient pas. Les chrétiens, en revanche, faisaient
preuve d'un exclusivisme total qui apparaissait comme du fanatisme, vecteur
de désordre social. La religion chrétienne n'étant pas non plus jugée
'antique', les Romains la considérèrent comme une superstition - d'autant
plus néfaste qu'elle s'opposait aux cultes des autres dieux (athéisme) et de
l'empereur (lèse-majesté, en vertu de la Lex Julia Laesae Majestatis).
En 81, Domitien est sacré empereur. Il exige, dans toutes les adresses
qui lui sont faites, les titres de « Dominus» et de « Deus». Sa cruauté est
décrite dans La Vie des Douze Césars de Suétone, et évoquée par Eusèbe
(HE III, 17-19). Mais ce qui va, de plus, coûter aux chrétiens, c'est sa
cupidité. Amateur des festins et spectacles en tous genres, sa gestion va très
vite ruiner le Trésor. Il se rappelle alors la taxe imposée aux Juifs, le
didrachme, et l'élargit à toutes les catégories de personnes menant une vie
judaïque. Les chrétiens font partie de cette catégorie, et beaucoup refusent de

190
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

se laisser confondre aux Juifs. Il en résulte, aux yeux des Romains, la


distinction entre deux classes: les Juifs d'un côté, et des personnes vivant
more judaico (de mœurs juives) sans être Juifs. Autrement dit, des gens dans
la légalité, et d'autres non: ainsi naît la seconde persécution contre les
chrétiens (95-98).
Dion Cassius (Histoire romaine LXVII, 13) explique quel traitement
subirent les chrétiens concernés: « En cette année (95), Domitien mit à mort,
avec beaucoup d'autres, Flavius Clemens, alors consul, son cousin, et la
femme de celui-ci, Flavia Domitilla, sa parente. Tous deux furent condamnés
pour crime d' athéisme 40.De ce chef furent condamnés beaucoup d'autres qui
avaient adopté les coutumes juives: les uns furent mis à mort, les autres
punis par la confiscation. » L'historien Paul Allard explique: « Le sens de
ces paroles est clair, et vient préciser l'indication très vague donnée par
Suétone. Clemens, sa femme et d'autres personnes furent condamnés pour
cause de christianisme 41. »
À cette époque, précisément en 96, Jean est exilé à Patmos42, où il rédige
la Révélation, et Clément de Rome (qui aurait connu les apôtres et succédé à
Pierre et à Paul) adresse sa fameuse épître aux Corinthiens. Il faut noter
également que, d'après le consensus actuel, c'est aussi dans cette période -
disons sur deux décennies - entre 80 et 100 que sont définitivement rédigés
(ou édités) l'Évangile de Luc, les Actes d'Apôtres, l'Évangile de Matthieu,
l'Évangile de Jean ainsi que ses épîtres, les Épitres à Timothée et à Tite,
celle de Jacques, et peut-être la première de Pierre (la seconde est
considérée pseudépigraphe) 43. On le voit, après la disparition des apôtres, et
face aux agressions extérieures, la communauté chrétienne ressent le besoin
urgent de fixer par écrit la tradition orale - pour la conserver et la transmettre
d'une part, et pour l'enseignement et l'édification de ses convertis d'autre
part. Elle n'avait peut-être pas jugé bon de le faire jusqu'alors pour une
raison simple: l'attente fiévreuse de la parousie empêchait toute spéculation
sur l'avenir. En outre, à l'époque, on avait davantage confiance en la
tradition orale, apostolique, certifiée, qu'en des écrits. Ceux-ci se
multipliaient, et leur provenance n'était pas toujours réellement déterminée.
Par exemple Papias, cité par Eusèbe, déclarait:

Je ne pensais pas que les choses tirées des livres me fussent aussi utiles
que celles venant d'une parole vivante et qui le restait.
- HE III, 39, 4

Quand on voit la foison d'écrits composés à cette période, on comprend


Papias. À côté des écrits qui deviendront assez rapidement canoniques, il y a
des missives émanant d'évêques, des apologies, des récits plus ou moins
fantastiques recueillant les dits et faits du Seigneur, voire des traités de
doctrine; tous témoignent de la multiplicité des réactions face à la bonne
nouvelle. On perçoit dans chaque écrit par quels filtres idéologiques est
accepté, et très vite déformé, le christianisme. Certains y mêlent par

191
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

syncrétisme des conceptions religieuses spécifiquement païennes, d'autres


des croyances populaires (comme le phénix de Clément de Rome, 1Co 25.1-
5) ou philosophiques. Sans parler de l'hérésie qui montre très tôt ses
comes. .. Ils ne se prétendent pas tous inspirés, mais sont souvent pris
comme tels. Enfin, il y a la réaction païenne, peu représentée, mais dont
Celse se fait le héraut.

Ecri t
Évangile de Luc
Actes d'Apôtres
Évangile de Matthieu
Évangile de Jean et les Épîtres
Épitres de Paul à Timothée et à Tite
Épître de Jacques
p.ê. Première Épître de Pierre
Antiquités judaïques, Flavius Josèphe
La Didachè (Doctrine du Seigneur par les Douze Apôtres aux païens,
composée en Syrie)
Révélation ou Apocalypse de Jean
Première Epître aux Corinthiens, de Clément de Rome
Lettres, Ignace d'Antioche: aux Éphésiens, aux Magnésiens, aux
Tralliens, aux Romains, aux Philadelphiens, aux Smyrniotes, à Polycarpe
Première épître aux Philippiens, Polycarpe
Épître de Barnabé (pseudépigraphe)

Seconde Épître aux Corinthiens, pseudépigraphe (Clément de Rome)

Epître à Diognète
Commentaire des paroles du Seigneur, Papias d'Hiérapolis

Évangile de Pierre

Seconde Épître aux Philippiens, Polycarpe


Dialogue de Jason et Papiscus au sujet du Christ, Ariston de Pella

Evangelion, Apostolicon, Marcion (110-165)


Antithèses, Marcion

Pasteur d'Hermas

Diatessaron, Tatien
Nativité de Marie, Révélation de Jacques (Protoévangile de Jacques)
Apologie, Justin Martyr

Le Martyre de Polycarpe

Discours vrai contre les chrétiens, Celse


Apologétique, Tertullien (157-230)

Tous ces ouvrages ne représentent qu'un échantillon, qui ne dévoile


même pas l'influence des écrits intertestamentaires44; ils suffisent
néanmoins à montrer que la propagation de la foi nouvelle ne s'effectue pas
192
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

dans l'indifférence générale, ni en terrain inculte (dans tous les sens du terme
si l'on peut dire I). Car des philosophes ou des intellectuels vont prendre la
plume, soit pour défendre la foi chrétienne à grand recours de philosophie et
de rhétorique, soit pour la vilipender. Leur façon de faire nous renseigne très
justement sur leur contexte culturel et idéologique - contexte qu'il faut
absolument prendre en compte pour comprendre le devenir du tétragramme
dans les écrits néotestamentaires. C'est à cette période intense et trouble, en
effet, que sont copiés les manuscrits, après la disparition des autographes.

Venant des guerres

Les premiers chrétiens étaient taxés d'ennemis du genre humain car ils
ne s'intéressaient pas aux affaires politiques de leur temps. Résolus à
pratiquer l'amour que leur avait inculqué le Christ, ils prenaient encore
moins part aux guerres ou aux révoltes. Cela joua en leur défaveur en 132.
Hadrien, alors empereur, avait décidé, nous explique l'historien grec Dion
Cassius, d'ériger sur les ruines de Jérusalem une nouvelle cité qu'il
baptiserait Aelia Capitolina. Il projetait également de bâtir un temple sur les
restes du Temple de Jérusalem, et d'y ériger la statue de Jupiter Capitolin45.
Il avait déjà fait dresser sa propre statue monumentale à Beth-Shéan, et
apparemment les travaux de sa nouvelle cité avaient déjà commencé quand
survint le soulèvement général des Juifs de Palestine46 :

La fondation à Jérusalem, en place de la ville qui avait été


renversée, d'une colonie, à laquelle il donna le nom d'Aelia
Capitolina, et la construction d'un nouveau temple à Jupiter en
place du temple de Dieu, donnèrent naissance à une guerre terrible
et qui dura longtemps. Les Juifs, irrités de voir des étrangers habiter
leur ville et y établir des sacrifices contraires aux leurs, se tinrent
tranquilles tant qu'Adrien fut en Egypte et lorsqu'il fut retourné en
Syrie,. seulement, ils fabriquèrent mal à dessein les armes qu'on
leur avait commandées, afin de pouvoir s'en servir comme d'armes
refusées par les Romains,. mais, lorsque le prince fut éloigné, ils se
soulevèrent ouvertement. - Dion Cassius, Histoire romaine, LXIX,
12.

Celui qui prit la tête du conflit fut un certain Bar Kosba. Grâce à ses
premières et éclatantes victoires, on l'identifia très vite « au fils de l'Étoile»
qui devait venir, étoile qui était censée représenter le Messie (Nb 24: 17). Il
fut donc appelé Bar Kokhba (le « fils de l'étoile» en araméen)47 et on frappa
des monnaies avec une étoile qui le symbolisait en tant que Messie. Il avait
pour soutien un personnage aussi important que le rabbi Aquiba.48

193
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

(1) (2) (3) .


cngcolnS.COm
1. «Simon, Prince d'Israël », première année de la révolte.
2. Façade du Temple de Jérusalem, surimprimée sur l'aigle vespasien.
3. «Pour la liberté de Jérusalem », branche de vigne.

Optant pour un conflit sous forme de guérilla armée à laquelle les


troupes romaines, habituée aux batailles rangées, ne firent pas face
immédiatement, Bar Kokhba et son armée réussirent à expulser les Romains
hors de Jérusalem et de la plupart des cités d'Israël. Cet effort de guerre
implacable plaça les chrétiens dans la situation de traîtres, car ils ne
voulaient bien sûr pas participer au conflit armé. Leurs relations avec les
Juifs, qui étaient déjà exécrables, empirèrent encore. On a quelques
témoignages anciens à ce sujet:
. Justin Martyr, Première Apologie 31, 6 : « Dans la récente guerre de
Judée, en effet, le chef de la révolte des Juifs, Bar Khokhébas,
ordonnait de faire subir aux seuls49chrétiens de terribles supplices,
s'ils se refusaient à renier et à blasphémer Jésus-ChristSo.»
. Eusèbe, Chronique [Hadrien, année 17] : « Kokhebas, chef de la
secte juive, tua les chrétiens par toutes sortes de persécutions quand
ils refusèrent de l'aider contre les troupes romaines. »
Ces chrétiens-là étaient encore en majorité les Judéo-chrétiens qui
connaissaient le nom divin. Leur disparition dans cette ultime révolte juive
contre Rome, explique bien l'absence du Nom en hébreu dans les copies
ultérieures du Nouveau Testament. Eusèbe confirme indirectement cette
déclaration: « Ainsi, la ville de Jérusalem fut réduite à être désertée par le
peuple juif et à perdre entièrement ses anciens habitants. Elle reçut des
résidents de race étrangère. (...) L'Église de la ville fut, dès lors, composée
de Gentils et le premier à en recevoir la charge, après les évêques issus de la
circoncision, fut Marc. » - HE IV, 6, 4
D'après Eusèbe, un noyau judéo-chrétien avait réussi à subsister à
Jérusalem jusqu'en 135. Ceci est à prendre avec une certaine précaution, car
on ne sait pas vraiment ce qui restait de Jérusalem entre 7051,où elle fut
rasée de «fonds en combles» par les Romains et 128 (p.ê. 122)-132 où
Hadrien entreprit ses travaux. Toujours est-il qu'en 135, après trois ans et
demi de conflit sanglant tant pour les Romains que pour les Juifs, les troupes

194
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

romaines, sous la poigne des généraux Rufus et Julius Severus, reprirent le


dessus et procédèrent à une extermination sans précédent. Dion Cassius nous
décrit dans quel bain de sang se termina le soulèvement du désespoir:

Il Y en eut peu qui échappèrent à ce désastre. Cinquante de leurs


places les plus importantes, neuf cent cinquante-cinq de leurs
bourgs les plus renommés, furent ruinés,. cinq cent quatre-vingt
mille hommes furent tués dans les incursions et dans les batailles ,.
on ne saurait calculer le nombre de ceux qui périrent par la faim et
par le feu, en sorte que la Judée presque entière ne fut plus qu'un
désert, comme il leur avait été prédit avant la guerre: le monument
de Salomon, que ce peuple a en grande vénération, s'affaissa de lui-
même et s'écroula,. des loups et des hyènes en grand nombre
fondirent dans les villes avec des hurlements. - Histoire romaine,
LXIX, 14

580 000 soldats juifs périrent. Ceci n'inclut pas, comme le précise Dion
Cassius, ceux qui périrent de la faim et des maladies, ni les femmes et les
enfants qui firent les frais du conflit, ce dont Eusèbe se fait l'écho:

Rufus, le gouverneur de la Judée, dès qu'il eut reçu de l'empereur


des renforts en soldats, profita impitoyablement de leurs folies et
marcha sur eux. Il tua par milliers des hommes, des femmes, des
enfants, en masse, et, conformément aux lois de la guerre, il réduisit
leur pays en servitude. - HE IV, 6, 1

Comme en l'an 70, de très nombreux locuteurs de l'hébreu disparurent.


Pour éviter toute velléité de révolte, Hadrien fit interdire aux Juifs l'accès à
Jérusalem. Si Eusèbe dit vrai, le fait qu'une église chrétienne y subsista
encore quelque temps montre que la distinction entre les Juifs et les
chrétiens, chez les Romains, était maintenant claire; autrement, on a un
indice que les chrétiens vivaient encore à l'époque « à la juive ». C'en était
quasiment terminé de l'Ecclesia ex circumsione (église issue de la
circoncision). Elle n'aurait plus le prestige ni l'importance des premiers
temps. Il lui fallait céder la place à l' Ecclesia ex gentibus (église issue des
nations). Et de cette nouvelle église, il convient maintenant d'examiner
quelques aspects:
comment les chrétiens issus de la gentilité ont pris en charge la
transmission du Nouveau Testament52, et quelle appréciation ils
pouvaient avoir du nom divin, écrit en hébreu,
ce qu'ils pouvaient bien penser du Dieu des Juifs,
enfin, phénomène lié aux questions précédentes, mais sous-jacent,
dans quelle époque de troubles ils vécurent.

195
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Le christianisme des Pères apostoliques

Il serait vain de vouloir en quelques lignes brosser un aperçu complet


des Pères53 apostoliques 54. Nous ne les aborderons donc qu'avec une grille
de lecture extrêmement réduite, par l'examen de :
leur christologie55,
leur relation avec le judaïsme,
leur emploi, ou allusions au Nom de Dieu.
Ces trois points, estimons-nous, permettent de se faire une idée du
« christianisme» 56 des Pères, c'est-à-dire dans quelle mesure ils ont reçu et
développé la doctrine chrétienne héritée des apôtres. Ces aspects permettent
également de déterminer « l'ambiance idéologique» d'un Père, car ce Père
qui écrit n'est pas seul, il fait partie d'une communauté qui partage, ou
accepte, ses points de vue.

Clément de Rome (c.30 - 100)

Il est le premier à prendre la plume, écrivant


apparemment du vivant même de l'apôtre Jean. La
lettre qu'il compose, destinée aux Corinthiens, est
profondément enracinée dans la judaïté.

Quand on sait qu'il a fréquenté les apôtres, on le comprend aisément. 57 En


revanche il est doté d'une bonne culture grecque; par exemple, des
influences stoïciennes se ressentent dans ses écrits. Nous possédons deux
épîtres qui lui sont attribuées. La première date de 95 ou 96, et la seconde,
qui est très vraisemblablement pseudépigraphe, est datée de 120. Nous allons
examiner chacune des deux, en gardant à l'esprit que la seconde est
davantage une homélie d'origine romaine, intéressante quand même, car,
malgré sa maladresse et ses différences stylistiques et idéologiques avec la
première, elle se veut dans sa mouvance.

Première Épître de Clément aux Corinthiens

Christologie: Dieu et Jésus sont clairement distincts.


Que le Dieu tout-puissant vous remplisse de grâce et de paix, par
Jésus-Christ! - Introduction
Le souverain Créateur et Maître de l'univers a voulu que toute son
œuvre vive dans la tranquillité et l 'harmonie. Il distribue ses
bienfaits à tous, mais sa générosité est encore plus grande envers
nous qui implorons sa pitié par notre Seigneur Jésus-Christ. - 20, Il

196
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Et à propos de son fils, le Seigneur parle en ces termes: Tu es mon


fils, je t'ai engendré aujourd'hui. Demande, et je te donnerai les
nations en héritage, et pour domaine les extrémités de la terre- 36, 4
Jésus le Christ a été envoyé par Dieu. Le Christ vient donc de Dieu,
les apôtres du Christ. Ces deux missions procèdent en bel ordre de
la volonté de Dieu.- 40, 1-2
par son enfant bien-aimé, Jésus-Christ notre Seigneur» - 59, 2
par Jésus-Christ ton enfant bien-aimé. - 59, 3
que tous les peuples reconnaissent
que tu es le seul Dieu,
que Jésus-Christ est ton enfant. - 53, 4

Judaïsme: des références incessantes. Difficile de choisir tel extrait plutôt


que tel autre, tant la lecture de l'épître de Clément laisse transparaître son
caractère clairement judéo-chrétien: 1) emploi abondant des Écritures
hébraïques (citations: il est écrit, 4,1 ; il est dit, 15,2 ; comme le Saint-Esprit
l'avait annoncé, 16, 2 et 22,1 ; l'Écriture dit en effet, 35,1) 2) expressions
d'appartenance: L'envie obligea Jacob notre père à fuir devant son frère
Ésaü, 3) ou termes connotés: leursprémices, 42, 1.

Nom divin: des citations précises.


Citant Proverbes 20:27 : 'Venez, enfants, écoutez-moi: je vous
enseignerai la crainte du Seigneur. ' (...) Toujours miséricordieux et
bienfaisant, le Père est touché par ceux qui le craignent. - 22, 1 et
23, 1. Ici « Seigneur» désigne Jéhovah, et plus loin l'expression est
commentée par l'emploi de « Père ».
Considérons, bien-aimés, comme le Seigneur nous manifeste sans
cesse la résurrection future, dont il a donné les prémices dans le
Seigneur Jésus-Christ, en le ressuscitant d'entre les morts. - 24, 1
Les deux Seigneurs - Dieu et Jésus - portant le même titre de KVplOÇ,
n'en sont pas moins distingués. Évidemment le passage aurait plus
de clarté par l'emploi effectif du nom divin.
Ainsi lorsqu'un conflit éclata au sujet du sacerdoce et que les tribus
se disputaient pour savoir à qui reviendrait I 'honneur du Nom
prestigieux, il ordonna à leurs douze chefs de lui apporter chacun
un rameau où serait inscrit le nom de sa tribu. - 43, 2 C'est une
évocation de Nombres 17:6-26. Le nom divin dont il est question ici,
c'est bien sûr celui qui était gravé que sur le pectoral du grand
prêtre58.
Citant Isaïe 9:3 : 'Saint, saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth,
sa gloire remplit toute la terre. ' Comme nous l'avons vu plus haut,
l'expression KUpLOC; aa~a(ùe renvoie sans doute possible à l'hébreu
M;~:J~ ;";"
A : .JT:

Et voilà qu'à cause de votre folie, le nom du Seigneur est blasphémé


et vous-mêmes êtes mis en péril. - 47, 7. Difficile de dire s'il s'agit

197
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

de celui de Dieu, ou bien celui du Christ, puisque ceux dont il est


question sont les chrétiens (cf. 1,1)
Après une longue citation de Proverbes: 1:23-33 : Obéissons donc à
son nom très saint et glorieux. - 58, 1
Dans ce morceau où l'on perçoit en arrière plan les influences du
judaïsme hellénistique, paraît une intéressante espérance: Que
l'artisan de l'univers (0 ÔllflLOUPYOC; t'WV à1TaVtWv)garde intact le
nombre compté de ses élus dans le monde, par son enfant bien-aimé,
Jésus-Christ notre Seigneur. Par lui il nous a appelés des ténèbres à
la lumière, de l'ignorance à la connaissance de son nom éclatant
(EtC; È1TLYVWOLV ÔoçllC; ovoflCXt'OC;CXÙtOû). Tu nous donnes d'espérer en
ton nom, principe de toute création. - 59, 2-3.
Enfin, que le Dieu qui voit tout, le Maître des esprits, le Seigneur de
toute chair, qui a choisi le Seigneur Jésus-Christ pour faire de nous
son peuple particulier, inspire à quiconque invoque son nom saint et
magnifique, foi, crainte, paix, patience, courage, pondération,
pureté et chasteté, afin qu'il plaise à son nom, par notre Grand
Prêtre et protecteur Jésus-Christ. - 64,1

Cette analyse, bien que succincte, montre que Clément ne s'écarte pas de
la simplicité issue, on peut le dire, de la mémoire des apôtres. Il n'a guère de
goût pour la métaphysique. En bon romain, Clément illustre son propos par
des exemples très concrets tirés essentiellement de l'Ancien Testament. Mais
pas exclusivement: il évoque le martyre des « saints apôtres» Pierre et Paul
(5, 1-7) ou fait appel à la mythologie populaire en évoquant le phénix (25, I-
S). On retiendra néanmoins qu'il emploie des expressions rares, comme Dieu
« tout-puissant »59, « Maître de l'univers », « Maître des esprits », et parle de
l' « incompréhensible sagesse» de Dieu. Il est très intéressant de remarquer
en outre l'emploi important qu'il fait du Nouveau Testament, ce qui ne laisse
pas de surprendre. Cet emploi présente deux caractéristiques: il n'est pas
formel, c'est-à-dire qu'il n'est pas introduit, contrairement aux Écritures
hébraïques, par une expression du type 'il est écrit' ; en cela il s'agit d'une
allusion qu'il faut reconnaître et son autorité semble moindre; ensuite il
n' est pas forcément identique à la lettre.
C'est intéressant car cela nous renseigne sur certains aspects de la
transmission des manuscrits du NT, sur le processus de leur canonisation, et
subséquemment sur leur date de composition: Clément possédait, vers 95,
des copies très proches des nôtres; il était capable de les citer de mémoire;
les écrits du NT lui étaient donc, déjà, familiers (à lui comme sûrement à la
communauté à laquelle il s'adressait). Ce simple fait n'est en soi pas banal.
Clément fait d'autres citations qui nous sont par contre inconnues ou
passablement obscures, et qui montrent qu'étaient reconnus comme
« propres à édifier la foi» pour ne pas dire inspirés, des écrits qui ne sont
finalement pas entrés dans le canon.

198
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

De Clément nous retiendrons le mot d'Irénée: « Il avait encore la voix des


Apôtres dans les oreilles et leurs exemples devant les yeux. »

Seconde Épître de Clément aux Corinthiens

Elle n'est pas de Clément, cela se voit au premier coup d'œil. Eusèbe de
Césarée l'avait déjà remarqué: « il faut encore savoir qu'il y a une seconde
lettre attribuée à Clément, mais nous savons qu'elle n'a pas été aussi
renommée que la première, car nous ne voyons pas que les anciens s'en
soient servi. » - HE III, 38, 4. On hésite quant à sa datation, qui est bien
postérieure à la première, puisqu'elle remonterait entre 120 et 150. Quelques
exemples suffisent à la caractériser:

1,1 Frères, il nous faut considérer Jésus-Christ comme Dieu et «juge


des vivants et des morts. 'AÔEÀ<pOL,oü'twe;; ÔEL ~Ilâe;; <pPOVELVil'Ept 'IT)oOÛ
XpLO'tOÛ, we;; il'Ept 8EOÛ, we;; il'Ept KPL'tOÛ (WV'tWV Kat VEKpWV.

Le texte, qui fait allusion à Ac 10:42, encourage à considérer Jésus


comme Dieu60, ce que pas une seule fois Clément n'avait fait dans sa
première lettre. Cette homélie cite majoritairement le Nouveau Testament,
qu'il appelle 'l'autre Écriture' (2,4 : «Kat È'tÉpa ÔÈ ypa<p~ ÀÉYEL»)ou
'l'Évangile' (8,5)61. Une autre expression intéressante signale la
complémentarité AT/NT dans la formule: 'les livres et les apôtres' (14,2 :
'tà pLpÂLa Kat représentant bien sûr l'AT. Les
OL a1Too'toÂOL), 'tà pLpÂLa
personnages bibliques de l'AT ne sont guère mentionnés (seulement Noé,
Job, Daniel et Ézéchiel, 6,7)

12,2 Lorsque deux feront un, lorsque le dehors sera comme le dedans,
lorsque dans l'union de l 'homme et de la femme, il n y aura plus ni
.
h omme nI fiemme. c'o'tav "Eo'taL 'to', uUO EV, KaL 'to\" E~W
\ ~, tI \
~ we;;
t'" 'to EOW,

Kat 'to apOEV IlE'tà 'tfte;; 81lÀELae;;01J'tE apOEV 01J'tE 8ftÀU.

On considère généralement que ce passage provient de l'Evangile des


Égyptiens (apocryphe du lIe siècle). Pour notre part, nous y décelons de plus
une réminiscence du Banquet de Platon. ..

20,2 Le Dieu vivant nous éprouve dans le combat que nous menons.
8EOÛ (wv'toe;; il'ELpaV à8ÀOûIlEV

...qui est un bel exemple de contradiction avec le passage de Jacques 1:13 :


« Que personne lorsqu'il est tenté ne dise: 'C'est Dieu qui me tente'. Car
Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne. »

199
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

La Didachè

Le titre primitif de ce traité rédigé vers 95-100 était vraisemblablement


Enseignement du Seigneur transmis aux nations par les Douze Apôtres62.
Son origine judéo-chrétienne permet de supposer qu'il émane d'une
communauté juive convertie, située sans doute en Syrie. L'organisation
hiérarchique et liturgique dont il témoigne permet de le faire remonter aux
premières communautés.

Christologie: Jésus, Seigneur, est le serviteur du Seigneur Dieu (ou Père).

9.2 Nous te rendons grâces, notre Père (. ..) par Jésus ton
serviteur EùXapLO't'OÛ~Év OOL 1Ta't'Ep ~~wv , ÔLlX'IT)oOÛ 't'OÛ 1TaLÔ6e;
OOU.
Cette expression est répétée en 9.3 et 10.1,3.

Rapport au judaïsme: une affiliation directe. La forme même de la Didachè


nous renseigne sur sa provenance et son héritage: « proche en tout cas de
l'Évangile de Matthieu, indique France Quéré, (...) les traces de de la culture
rabbinique abondent dans les développements moraux comme dans les
prescriptions liturgiques63. » On note également l'emploi de termes
sémitiques: 10.6 : hosannah CQaavvà), Maran Atha (~apàv &8a), Amen
(à~~v).

Nom divin: des mentions précises64.


(prière modèle) 8, 2 : que ton nom soit sanctifié.
10,2 : Nous te rendons grâces, Père saint, pour ton saint nom (ùiTÈp
't'OÛ&YLOU 6v6~a't'6e;aou), que tu as fait habiter en nos cœurs, pour la
connaissance, la foi et l'immortalité que tu nous as accordées par
Jésus ton serviteur.
10,3 : C'est toi, Maître tout-puissant, qui as créé l'univers, à la
gloire de ton nom. au ÔÉo1TOta 1TaVtoKpatOpËK't'Loae; 't'à 1Tav't'a
ËVEKEV 't'OÛ 6v6~a't'6e; aou
14,1 : Je suis un grand roi, dit le Seigneur, et mon nom est
admirable parmi les nations (O't'LpaaLÀEùe;~Éyae; Et~L ÀÉYELKUpLOe;
Kat 't'o ovo~a ~ou 8au~aatOv EV't'oLe;Ë8VEOL)
Citation de Malachie 1:Il
16,7 : comme il a été dit: 'Le Seigneur viendra et tous les saints
avec lui' (Za 14:5)

200
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Ignace d'Antioche (t c.IIO)

D'après Eusèbe (HE III, 22), il est le second


successeur de Pierre comme évêque d'Antioche, et
c'est sous Trajan (98-117) qu'il va être condamné
aux bêtes, et emmené à Rome par dix soldats brutaux
pour y subir le martyre.

Selon le mot d'A.G. Hammam, « Ignace est sans doute, avec le pape
Clément de Rome, le premier écrivain de l'Église, venu du paganisme,
préparé par les philosophes grecs. De Paul à Ignace, il y a la distance qui
sépare un missionnaire qui s'adapte à l'indianisme, d'un indien qui se
convertit à l'Évangile et repense le christianisme. (...) Ignace emprunte à
l'hellénisme la forme littéraire et les catégories philosophiques. »65Les écrits
d'Ignace ont fait l'objet de virulents débats. On admet aujourd'hui que sept
sont authentiques. Il s'agit d'épîtres rédigées sur le chemin qui le conduisait
à Rome, et adressées à différentes communautés, où il « multiplie les mises
en garde contre les interprétations docétistes et les tentations gnostiques66.»
Il nous renseigne également précisément sur sa théologie, bien trempée.

Épître aux Éphésiens

Christologie: Jésus est Dieu.

Intro: par la volonté du Père et de Jésus-Christ notre Dieu Èv


8EÂ~J..La't'L 't'OÛ 1Tatpoç KaL '! T)ooû XpLO't'OÛ 't'OÛ 8EOÛ ~J..LWV

1,1 IImitateurs de Dieu', vivifiés par le sang de Dieu. J..LLJ..LT)'t'aL


QV't'EÇ 8EOÛ, Ctva( w1Tup~oav't'Eç Èv àLJ..LatL 8EOÛ

2,1 Puisse le Père de Jésus-Christ le réconforter à son tour


avec Onésime. (0 1Ta't'~p'!T)ooûXpLO't'OÛ)

4,2 vous élèverez, par Jésus-Christ, vos hymnes vers le Père.


(OLeX '!T)OOÛ XpLOtOÛ 1TatpL)
't'ci>

7,2 Il n'existe qu'un médecin, corps et esprit à la fois, engendré


et non engendré, Dieu dans la chair, et au fond de la mort
vie véritable, né de Marie et de Dieu, d'abord soumis à la
souffrance et maintenant délivré d'elle, Jésus-Christ notre
Seigneur. éLÇ ta't'paç ÈOtLV, oapKLKaç 't'E KaL 1TVEUJ..LatLKaç,

201
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

YEVVllt'Oe; Kat eXyÉVVllt'oe;, Èv eXv8PW7T<¥SEOe;, Èv Savat'<¥ ,w~


eXÀllSLV~, Kat ÈK MapLae; Kat ÈK SEOÜ, 7TpWt'OV 7TaSllt'oe; Kat
t'Ot'E à7TaS~e;, '!1l00Üe; XpLOt'Oe; 0 KupLoe; ~~WV.

18,1 Notre Dieu, Jésus le Christ, a été porté dans le sein de


Marie, selon le plan de Dieu. 0 yàp SEOe;~~wv '!1l00Üe;0
XpLot'Oe; ÈKUO<pOp~Sll Ù7TO MapLae; Kat" OLKOVO~Lav 8EOÛ

19,3 Dieu se manifestait en forme d'homme 8EOÛ cXVSpW7TLVWe;


<pavEpou~Évou

21,2 Je vous salue en Dieu le Père et en Jésus-Christ, notre


commune espérance. eppwoSE Èv SEe.\>7Tat'pt Kat Èv '!1l00Ü
XpLOt'e.\>, t'ij KOLVij ÈÂ7TLÔL~~WV.

Même si Jésus-Christ est parfois désigné comme intermédiaire entre le


croyant et le Père, ou dissocié de celui-ci aux aléas de certaines tournures,
son identification à Dieu lui-même ne fait pas l'ombre d'un doute. Il va sans
dire qu'avec une christologie de ce type, on ne sent guère d'influence
judaïsante. De même, il n'y a qu'une seule référence « au Nom» (3.1), et ce
n'est probablement pas celui du Père. Que s'est-il donc passé entre Clément
(30 - 100) et Ignace (t110) ? Ignace nous fournit déjà un indice:

6,1 Car le serviteur que le maître envoie administrer sa maison doit


trouver chez nous l'accueil que nous réserverions à celui qui l'a
envoyé. C'est donc clair: il nous faut traiter l'évêque comme le
Seigneur en personne. 7TaVt'a yap, QV 7TÉ~ 7TEL0 OLKOÔE07TOt'lle;ELe;
LôLav OLKovo~Lav, 01Jt'wc; ôÉi ~~&c; aùt'ov ôÉXEoSaL, wc; aùt'ov t'ov
7TÉ~*avt'a. t'ov oùv È7TLOK07TOV ôfiÀov Ot'L we; aùt'ov KUPLOVÔEL
7TpOOpÀÉ7TELV.

Cette déclaration d'Ignace visait à unifier l'église autour de son évêque


en un temps d'hérésies. Elle nous rappelle une constatation faite plus haut: à
l'époque, considérer l'envoyé comme l'envoyeur était une marque de
déférence. Voilà qui élucide le fait que certains titres habituellement réservés
à Jéhovah (ou que l'on croit réservés à Jéhovah) sont appliqués au Christ
dans le NT. Cela explique aussi pourquoi les citations de l'AT concernant
Jéhovah sont reprises dans le NT au compte de Christ. Mais nous verrons
d'autres raisons qui éclaircissent une transition aussi brutale entre une
christologie « basse» comme celle de Clément, et cette conception quasi-
trinitaire d'Ignace, dès avant 110.

202
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Épître aux Magnésiens

Christologie: des formules trinitaires mais pas d'identification formelle.

Intro : par la grâce du Dieu Père, en Jésus-Christ notre Sauveur. Èv


XapL 'tL 8EOÛ 1Ta'tpoc; Èv XpLO't4) '1T)OOû 't4) OW'tilPL ~~wv (pas
d ' article)
1,2 avec Jésus et le Père
3,1 Par égard pour la puissance du Dieu Père
celle du Père de Jésus-Christ
5,2 les fidèles reproduisent par leur amour et en la personne de
Jésus-Christ les traits du Dieu Père.
6,1 ils ont été chargés de servir Jésus-Christ, qui était auprès du
Père avant les siècles.
7,1 le Seigneur n'a rien fait en dehors du Père auquel il est uni
uQ01TEp oùv à KUpLOC; aVEU 'tOÛ 1Ta'tpoc; oùùÈv È1TOLT)OEV ,
~vw~ÉVOC; WV
7,2 Accourez tous vers l'unique temple de Dieu, devant cet autel
unique qu'est le seul Jésus-Christ, issu d'un seul Père et qui
ne faisait qu'un en lui et qui est retourné à lui.
8,2 qu'il n'existe qu'un seul Dieu, que Jésus-Christ son fils l'a
manifesté.

Jésus est clairement désigné comme uni au Père, sans qu'on puisse
deviner vraiment quelle est la nature de cette union. En tout cas la variété des
expressions nous plonge dans l'embarras, et il semble bien difficile de
comprendre la théologie d'Ignace au sujet du Père et du Fils, du moins dans
cette épître.

13,2 Soyez soumis à l'évêque, et les uns aux autres, comme


Jésus-Christ en sa chair le fut à son Père, et les apôtres au
Christ, au Père et à l'Esprit. Et qu'ainsi l'union règne tant
parmi vos personnes que dans vos esprits. lnTo'taYT)'tE't4)
È1TLOK01TC¥ KaL àÀÀ~ÀOLC;, WC; 'lT)ooûC; XpLO'tOC; 't4) 1Ta'tpL KaL
((
01. à1TOO'tOÂOL 't4) XpLO't4) KaL 't4) 1Ta'tpL va ËVWOLC; TI
oapKLK~ 'tE KaL 1TVEu~a'tLK~.

Dans la traduction de France Quéré, qui s'appuie sur une recension


longue du texte d'Ignace, il y a, par rapport au texte grec qui nous sert de
support (recension courte), ces deux ajouts:
- « en sa chair» : l'infériorité de Jésus n'est de fait acceptée que durant la
partie terrestre de l'existence de Jésus; à l'inverse, préciser 'en sa chair'
suggère que, lorsqu'il était au Ciel, Jésus n'était pas soumis à Dieu, donc
qu'il était son égal (c'est un argument également avancé par les trinitaires au
sujet du texte de Jean 14:28)

203
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

- « et à l'Esprit» : en cela, la formule trinitaire devient excellente.


Ce genre d'ajouts rend la compréhension de la pensée d'Ignace plus difficile
à cerner. À notre avis, ils ne sont pas authentiques, car la tournure de la
phrase est binaire:

soumission à l'évêque comme les uns aux autres


Jésus à son Père
apôtres au Christ et au Père
pour une union chamelle et spirituelle

À une exception près, la tournure favorise un texte plus court (la phrase
serait d'ailleurs plus légère et fluide sans celle-ci). Les ajouts sont de plus
trop flagrants pour ne pas être suspicieux. Enfin la christologie d'Ignace n'a
nul besoin de ces précisions. Voilà qui indique, si besoin était, que même les
écrits des Pères n'ont pas échappé à un certain processus de corruption.

Rapport au judaïsme : l'hostilité.


8,1 Ne vous laissez pas égarer par des doctrines étrangères ni par de
vieilles fables tombées en désuétude. Car persister jusqu'à ce jour
selon la Loi, c'est avouer n'avoir par reçu la Grâce.
10,3 Il est absurde de parler de Jésus-Christ et de s'entêter dans la
religion juive. Car ce n'est pas le christianisme qui a cru au
judaïsme, mais le judaïsme au christianisme, et en cette religion se
sont retrouvés les peuples de toute langue qui croient Dieu.

Nom divin: absence totale.


4,1 il ne suffit pas de porter le nom de chrétien, ilfaut aussi l'être.

Nous ne nous attarderons pas davantage sur les autres lettres d'Ignace,
celles aux Tralliens, aux Philadelphiens, aux Smyrniotes, aux Romains, et à
Polycarpe, qui campent de la même façon la divinité du Christ, assoient
l'autorité de l'évêque en la comparant très abusivement à celle de Dieu,
exacerbent la passion du martyre, ou prêchent l'hostilité au judaïsme.
Retenons seulement une pensée qui nous sera utile par la suite: « Si l'on
vous prêche le judaïsme, restez sourds. Mieux vaut apprendre d'un circoncis
le christianisme que le judaïsme d'un incirconcis. » 'Eàv ôÉ t'LÇLOUÔaL0J..L0V
ÈPJ..LllVEU1JùJ..Llv, J..L~ à.KOUEt'E aù'toû. &J..LELVOVyap ÈO'tLV 1Tapà à.vôpoç
1TEPLt'OJ..L~V Ëxovt'oç XPLo'tLaVLOJ..LOV à.KOUELv, 11' 1Tapà à.Kpo~UO'tou LOUÔaL0J..L0v.

Ignace aux Philadelphiens, 6.1. Cette pensée est particulièrement éloquente.


Elle dit en peu de mots l'extrême défiance du christianisme naissant envers
le judaïsme. Or, les judéo-chrétiens, héritiers des premiers disciples, seront
très vite assimilés à ce judaïsme par les chrétiens gentils (cf. la lettre 112 de
Jérôme adressée à Augustin, Ep. 112:13, citée précédemment.)

204
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Papias d'Hiérapolis (c.130)

Son cas est édifiant. Eusèbe67, auquel on doit les seuls fragments de son
Commentaire des paroles du Seigneur, est très sévère à son égard. Pourtant,
selon toute vraisemblance, Papias a été un auditeur de l'apôtre Jean68, il a
connu personnellement les disciples des apôtres, et a même rencontré les
filles de Philippe mentionnées dans le récit des Actes d'apôtres 21:869. On
est donc très étonné de l'avis négatif que nous en fait Eusèbe. En voici les
raisons:
Papias est un millénariste70 : «Le même Papias, ajoute d'autres
choses qui seraient venues jusqu'à lui par une tradition orale:
certaines paraboles étranges du Sauveur et certains enseignements
bizarres, et d'autres choses tout à fait fabuleuses. Par exemple, il dit
qu'il y aura mille ans après la résurrection des morts et que le règne
du Christ aura lieu corporellement sur cette terre. (...) cependant il a
été responsable de ce qu'un très grand nombre d'écrivains
ecclésiastiques après lui ont adopté les mêmes opinions que lui,
confiants dans son antiquité: c'est là le cas qui s'est produit pour
Irénée et pour d'autres71 qui ont pensé comme lui72. »
Il rapporte des logia inconnus: « Il expose aussi une autre histoire
au sujet d'une femme accusée de nombreux péchés devant le
Seigneur, que renferme l'Évangile selon les Hébreux73. » Nous y
reconnaissons bien sûr la pericope adulterae, aujourd'hui située en
Jean 8: 1-11.
C'est également Papias qui indique que Matthieu a d'abord rédigé son
évangile en hébreu (HE III, 39, 16).

Sur les raisons même qui fondent le doute d'Eusèbe, nous trouvons au
contraire un témoignage puissant de sa proximité de pensée avec les
apôtres. Nous renvoyons le lecteur aux Fragments de Papias, pour se forger
sa propre opinion. Car il est clair que la Révélation décrit bel et bien un
millenium (Rv 20:1-3), et qu'Eusèbe, influencé par les idées extrêmes
d'Origène sur l'interprétation allégorique des Écritures (cf. Bigg : 172-189),
ne pouvait y souscrire. Il faut ajouter de même la vraisemblance que
l'évangile de Matthieu ait été composé en hébreu. Et même la péricope,
figurant aujourd'hui dans la plupart de nos versions, à défaut des meilleurs
manuscrits, cautionnée par Papias, concoure à une présomption positive sur
l'évêque d'Hiérapolis. Celui-ci devait d'autant moins être influencé par les
nombreuses hérésies gnostiques de son temps qu'il n'accordait aucun crédit
aux écrits trop nombreux, de même qu'aux bavards, pour se consacrer à
l'écoute des vivants témoins des apôtres.
Il ne nous apprend rien sur notre sujet, mais attire l'attention sur un fait
précis: tous les écrits sur le Seigneur, même ceux rédigés par de très proches
contemporains des disciples, ne nous sont pas parvenus intacts. Et pour ceux

205
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

qui nous sont parvenus, c'est sous la plume d'un détracteur qu'il nous les
faut parfois découvrir74.
Sur la composition primitive de Matthieu en langue hébraïque, une
expression nous laisse songeur: «Matthieu, quant à lui, réunit en langue
hébraïque les logia (de Jésus) et chacun les interpréta comme il en était
capable75.» On a l'impression que l'exercice n'était pas particulièrement
aisé. Donc, que l'hébreu, tout du moins parmi les chrétiens, n'était pas
familier. Et cela est important, car c'est la raison pour laquelle les chrétiens
affectionneront de moins en moins cette langue étrange et exclusive,
absolument contraire à l'universalisme grec, jusqu'au point de purger les
manuscrits de leur filiation juive.

Épître de Barnabé (c.II7-132)

Cet écrit a connu un certain succès dans l'Antiquité, au point d'être


reconnu canonique par Clément d'Alexandrie ou Origène. Il n'est pas de
Barnabé le compagnon de Paul, et pourrait dater de quelques années avant la
seconde révolte juive en 135. Son interprétation allégorique de la Torah
prête plus d'une fois à sourire76,tout comme ses fantaisies zoologiques77.
Certaines tournures rappellent la Didachè78, et procèdent de mouvements
esséniens qui semblent encore vivaces.

Christologie: Jésus, fils de Dieu, est clairement distinct du Père.


5,5 Si le Seigneur a accepté de souffrir pour notre salut, lui, le maître de
l'univers, lui à qui Dieu avait dit en fondant le monde: 'Faisons
l'homme à notre image et ressemblance', comment a-t-il pu accepter
de souffrir de la main des hommes?
5,9 Alors il manifesta qu'il était le fils de Dieu.
7,2 Si le fils de Dieu, qui est Seigneur et qui jugera les vivants et les
morts ...
12,8 Que dit Moïse à Josué le prophète, fils de Nûn ? Il lui a donné un
nom à la seule fin que tout le peuple comprenne que le Père jette
toute lumière sur son fils Jésus.

Rapport au judaïsme: une séparation consommée.


2,4 Dieu a témoigné (...) qu'il n'a cure des sacrifices, des holocaustes et
des offrandes (suit une citation intégrale de Isaïe 1: 11-13).
2,6 Il a rejeté ces rites, afin que la loi nouvelle de notre Seigneur Jésus-
Christ (...), dispense I 'homme des offrandes de sa main.
4,6 ne ressemblez pas à ces gens, en accumulant les péchés, sous
prétexte que notre alliance est inaltérable. Soit, elle est à nous. Mais
voyez que ce peuple l'a perdue irrémédiablement. (...) Mais eux se
tournèrent du côté des idoles, et ils la perdirent.
5, Il Le fils de Dieu est venu dans la chair, pour porter à leur comble les
crimes de ceux qui maltraitèrent à mort les prophètes.

206
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

6,7 Le prophète dit au sujet d'Israël: 'Malheur à eux ! Ils ont montré un
complot contre eux-mêmes, en disant: 'Enchaînons le juste, il nous
importune. "
10,9 Des trois prescriptions alimentaires qu'il avait reçues, Morse
dégagea le sens spirituel. Mais, dans leur matérialisme, ces gens ont
cru qu'il s'agissait des nourritures du corps.
13,1 Qui possède l'Alliance, nous ou eux ?», et de citer le célèbre
passage des deux nations. (Manassé/Ephraïm en préfiguration de
l'ouverture de l'alliance aux incirconcis, Gn 25:21-23)
143 Ainsi Moïse a bien reçu l'Alliance, mais le peuple n'en fut pas
digne.
16,4 L 'histoire l'a confirmé: ils sont en guerre et leurs ennemis ont
démoli leur temple.
19,5 Tu n'invoqueras pas en vain le nom du Seigneur» (inclus dans une
liste d'obligations rappelant les dix commandements, constituant la
'voie de la lumière. ')

Nom divin: les deux Seigneurs sont distingués.


12,10 David énonce cette prophétie:
'Le Seigneur a dit à mon Seigneur:
'Siège à ma droite, jusqu'à ce que de tes ennemis,
je fasse l'escabeau de tes pieds. '
Citation de Psaume 110:1, reprise en Mt 22:44.
12, Il Isaïe, à son tour:
'Le Seigneur a parlé au Christ mon Seigneur;
je l'ai pris par la main droite.
Que les nations cèdent devant lui,
Et je briserai la puissance des rois. '
Citation d'Isaïe 45: 1.
L'emploi de KUpLOC; concerne tant Jésus que Dieu, et ces derniers sont
clairement distincts. Cependant le texte est ambigu.

Que nous apprennent les Pères apostoliques?

Ce survol des écrits des Pères apostoliques permet de tirer quelques


leçons. On peut les relever en répondant aux questions qui guidaient notre
recherche:

Comment ont-ils pris en charge la transmission du Nouveau


Testament?

Les Pères apostoliques nous indiquent une très grande familiarité avec
les Écritures sacrées. Cette familiarité est doublement intéressante: elle est
précoce, et concerne tant l'Ancien Testament que le Nouveau. Au début, le
Nouveau Testament fait l'objet de citations informelles, sûrement de

207
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

mémoire. Mais très vite la forme se fixe, et les expressions sont introduites
comme l'Ancien Testament. On n'apprend rien de particulier sur la
transmission du NT, mais ce qui est clair, c'est qu'ils en possèdent des
copies, de même que les destinataires de leurs écrits.

Quelle appréciation avaient-ils du nom divin, écrit en hébreu?

Très vite et très tôt l'importance du nom divin s'estompe au profit du


nom de Christ, et de l'appellation chrétien. Si l'on en perçoit des évocations
précises, c'est seulement dans le contexte d'un écrit de tendance judéo-
chrétienne. Or ce genre d'écrit, à mesure du temps, devient rare. Plus
simplement, seuls les Pères proches de la souche juive des apôtres
manifestent un intérêt pour le nom divin. Les autres l'ignorent totalement.

Que pensent-ils du Dieu d'Israël?

Le Dieu d'Israël est très souvent évoqué en des termes grecs largement
connotés: «souverain Créateur », «artisan de l'univers »... Même les
termes « Seigneur» et « Père» en font un Dieu plus étrange, plus lointain,
en un mot transcendant.

Dans quelle époque de troubles vécurent-ils?

Nous avons déjà noté les persécutions dont sont victimes les premiers
chrétiens: premier trouble. Les Pères que nous avons cités n'échappent pas à
la règle: quasiment tous ont goûté au martyr. Au début, la persécution était
le fait d'anciens coreligionnaires. Mais très vite, l'État s'en mêle: entre
autres griefs, il accuse les chrétiens d'être athées. On leur reproche leur
exécrable exclusivisme, qui consiste à n'adorer qu'un Dieu, le Dieu des
Juifs, lequel a envoyé Jésus - agitateur supplicié sous Pilate. C'est non
seulement dénigrer les autres dieux, mais aussi faire insulte à l'empereur, qui
est lui aussi, dit-on, un dieu. On peut comprendre que les chrétiens aient
voulu se détacher du Dieu juif pour se rapprocher d'une divinité, unique
toujours, mais infiniment plus lointaine et suprême, déjà esquissée à
l'époque par diverses écoles philosophiques. Il faut aussi mettre l'accent sur
la disparition des témoins oculaires de Jésus, à partir de 70 : deuxième
trouble.
L'extension de la bonne nouvelle hors de son initial terreau juif peut
bien être qualifiée de troisème trouble. Non seulement pour les prédicateurs
qui ouvraient le champ de leur activité aux nations, mais aussi et surtout
pour le devenir même du christianisme: dès lors celui-ci continuerait d'être
défini dans des catégories mentales non plus juives, mais grecques
essentiellement. S'adresser aux nations revenait donc, en plus de
compromettre ses racines et son identité, à compromettre le message
annoncé, et le soumettre à une interprétation étrangère. Sur ce point nous

208
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

reviendrons plus précisément. Enfin, parmi d'autres certainement, il faut


compter un quatrième trouble dans l'apostasie et les hérésies.

Apostasie et Hérésies
Il Y a eu parmi le peuple de faux prophètes, et il y aura de même
parmi vous de faux docteurs, qui introduiront des sectes
pernicieuses, et qui, reniant le maître qui les a rachetés, attireront
sur eux une ruine soudaine. - 2Pi 2:1

Dans le NT, le mot CXLP1l0LÇdésigne tantôt un parti ou une secte sans


connotation négative, tantôt une division néfaste, avec le sens actuel de
secte.79 Quant au terme CX1TOOtCXOLCX, plus rare, il désigne la rébellion,
exclusivement dans le cadre d'une défection religieuse: 80

Que personne ne vous séduise d'aucune manière; car il faut que


l'apostasie soit arrivée auparavant, et qu'on ait vu paraître l 'homme
du péché, le fils de la perdition. - 2Th 2:3

Jésus l'avait prédit8l. Or, dès l'époque de la rédaction des évangiles et des
épîtres, ce problème était déjà très largement répandu82. Des expressions
comme « faux frères », « faux apôtres », « faux témoins », « faux maîtres »,
« faux prophètes» ou « faux docteurs» sont récurrents dans le NT. Sous de
telles appellations, il fallait tout d'abord entendre:
les judaïsants (Actes 15:1,5 ; 20:29,30...)
les personnes niant que Jésus était le Christ (1 Jean 2: 18,22)
ou encore celles qui niaient la venue de Jésus «dans la chair»
(docétisme) (1 Jean 4:2)
Puis très vite les courants sectaires se sont multipliés. Citons-en quelques
uns, en songeant à leur influence dans l'esprit des premiers chrétiens.

Ébionisme mouvement judéo-chrétien, antipaulinien, qui considère que


Jésus est né de Joseph et Marie, et qu'il est pleinement
humain. Donc, prophète mais non Fils de Dieu. Ils refusent
la divinité du Christ, et observent scrupuleusement la loi de
Moïse. Irénée (Adv.Haer., III 19 l, III, 21 1) et Eusèbe (HE
III, 27) en sont les principaux témoins.

Elkasaisme mouvement judéo-chrétien, disciples d'Elkasaï, proches des


ébionites. Difficile à caractériser, ce mouvement suit les
prescriptions de la Loi, donc rejette vigoureusement Paul, et
ajoute foi à un livre révélé par un ange à leur Maître,
capable de remettre les péchés. (HE VI, 38)

209
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Gnosticisme

Cérinthe initiateur d'un mouvement judéo-chrétien, qui affirme que


Jésus est né de Joseph et Marie, et que le Christ est descendu
sur lui, sous la forme d'une colombe, au moment de son
baptême. C'est une puissance distincte et très éloignée du
Dieu tout-puissant qui a créé le monde (en cela on y
reconnaît une forme de gnosticisme). La mission de Jésus a
été d'annoncer le Père inconnu. Il est remonté à ce Père
avant sa Passion.

Simon Adoré par les Samaritains comme le « premier Dieu», qui


sauve les humains des anges (créatures néfastes qui auraient
créé le monde et le gouverneraient mal). Opposition
farouche contre le Dieu de l'Ancien Testament.

Ménandre Disciple de Simon, qui proclame à ses propres disciples


qu'ils ne mourront pas et se prétend Sauveur des humains,
envoyé des régions célestes, de par les éons invisibles.

La liste pourrait s'étoffer à souhaitS3. Mais nous allons nous concentrer sur
un personnage qui caractérise bien, en cette époque agitée et confuse, l'air
du temps.

Marcion (c. 110 -160)

Originaire de Sinope dans le Pont, Marcion est le fils d'un évêque de


mouvance judéo-chrétienne, et exerce le métier d'armateur. Peut-être a-t-il
été assistant de son père, voire même évêque. Vers 140, il débarque à Rome,
où il fait un généreux don de 200 000 sesterces à l'Église locale pour s'en
attirer les faveurs. Il se met à fréquenter Cerdon, un gnostique, et compose
son premier ouvrage: l'Apostolicon, qui est un recueil des lettres de Paul.
Puis, l'Evangelion, qui expose l'évangile unique à sa manière. Il faut déjà,
pour bien comprendre Marcion, saisir le contexte dans lequel il évoluait:
en 115-117, des Juifs s'étaient fait agitateurs dans de très
nombreuses régions (Cyrène, Palestine, Syrie, Salamine...) : c'était
la révolte quasi générale des Juifs de la Diaspora,
en 132-135, la révolte de Bar Kokhba éclatait, qui soulèverait les
Juifs contre Rome pendant trois années, pour se solder en un terrible
bain de sang en 135.
L'« air du temps» était donc pour le moins à l'antijudaïsme. Dans ce
contexte, Marcion se rend bien compte que le christianisme ne pourra
devenir universel (Ka.eO"-LKOc;) qu'en se soustrayant à ses embarassantes
origines. Raoul Vaneigem résume ainsi la démarche de Marcion: « Marcion
invente ainsi un christianisme occidental. Dans sa volonté d'effacer son

210
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

origine juive, il rejette la Bible, qu'il est le premier à appeler Ancien


Testament, et lui oppose le Nouveau Testament, qui est dans son esprit
l'Évangile de Paul. Il va plus loin et fait de YHWH le Démiurge, le Dieu
créateur d'un monde mauvais, tandis que le vrai Royaume est celui du bon
Dieu, insaisissable et inconnaissable84.»
D'après son raisonnement, tout oppose le Dieu de l'Ancien Testament à
celui du Nouveau. L'un est guerrier, vindicatif, anthropomorphe, l'autre
miséricordieux, Amour et suprêmement élevé. Il systématisera ses
oppositions dans ses Antithèses. Parmi celles-ci, citons:

Quelques Antithèses de Marcion


Le Démiuree, créateur du monde Le bon Dieu, révélé par le Christ
Gn 2:9 Le 6:43
Gn 3:9 Le 5:22
Ex 20:5, 34:14 lCo 13:4
Ex 21:24 Le 6:29
2Ro 1:9.11 Le 9:54.55
2Ro 2:23.24 Me 10:13.14
Lv 15:19.25 Le 8:43.44
Dt 24: 1 Mt 19:8
Is 42:8 Jn 17:5
Jos 10:12-14 Ep 4:26
Ps 68:18 Ep 4:8

Les presbytres (ou anciens) de Rome, comprenant que ses interprétations


étaient dangereuses, lui demandèrent d'expliquer comment il comprenait la
parabole des vieilles outres: « On ne met pas non plus du vin nouveau dans
de vieilles outres; autrement, les outres se rompent, le vin se répand, et les
outres sont perdues; mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et
le vin et les outres se conservent. » - Marc 2:22
L'exégèse habituelle consistait à considérer les vieilles outres comme le
cœur endurci des humains. « Marcion, lui, soutenait une exégèse de type
historique, savoir que les vieilles outres, l'arbre mauvais, étaient les
anciennes Écritures des juifs. »85 Ses idées lui valurent l'expulsion de la
communauté chrétienne de Rome, à moins que ce ne fût lui qui s'en soit
écarté pour fonder sa propre église. Toujours est-il qu'il a eu une influence
considérable86. Remaniant le texte du Nouveau Testament, il l'en défait de
tous les récits d'enfance de Jésus, de son baptême, de sa famille, bref de ses
racines. Des quatre évangiles, il n'en conserve qu'un seul, celui de Luc, qu'il
dépouille à sa convenance. Des lettres de Paul, il n'en reçoit que dix, qu'il
refaçonne également.
Sa théologie est nette et tranchée, et il n'hésite pas à faire dire aux textes,
en les mutilant, ce qu'il pense. Pour lui l'Ancien Testament est une pierre
d'achoppement, un « scandale» (oKavôœÂov).Le Dieu bon annoncé par le
Christ ne peut être le Dieu des Juifs. Il ne conteste pas 1'historicité de
l'Ancien Testament, mais fait de Moïse, des patriarches et des prophètes les
serviteurs du Démiurge, divinité subalterne à l'origine du monde mauvais.

211
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Car si le mal existe dans le monde, et que Dieu est à l'origine du monde,
alors ce Dieu est à l'origine du mal. Et donc, il ne peut être le Dieu révélé
par Christ... Raisonnement implacable qu'il étaie d'un passage de
l'évangile:

Ce n'est pas un bon arbre qui porte du mauvais fruit,


ni un mauvais arbre qui porte du bon fruit. - Luc 6:43

Dieu étant à l'origine d'un monde qui porte de mauvais fruits87... On le


comprend, sa pensée est radicale, ce qui ne manque pas de lui attirer les
foudres des apologistes comme Justin, Irénée, Rhodon, Tertullien, Adamante
et bien d'autres...

Qu'apprenons-nous de Marcion?

Le fait que les textes du Nouveau Testament pouvaient être remaniés


montre déjà qu'à l'époque les autographes n'existaient plus, auquel cas on
aurait fait appel à leur autorité88. Ensuite, Marcion a tenu un rôle non
négligeable dans la formation du canon du Nouveau Testament, comme en
témoigne Jean-Daniel Kaestli : « L'opinion traditionnelle, qui remonte aux
Pères de l'Église, est que Marcion a créé son canon en opérant une sélection
dans le canon plus large de l'Église C...). Aujourd'hui cependant, on insiste
plutôt sur le fait que les éléments en question existaient déjà avant Marcion
et se sont développés indépendamment de lui. C...) L'initiative de Marcion
n'a dont pas été la cause première de la création, mais elle a sans doute
contribué à accélérer le processus89.» L'influence ne s'est pas arrêtée là.
Jusqu'à Marcion, explique Michel Tardieu, « le Nouveau Testament
n'existait pas comme corpus littéraire clos. Les chrétiens, majoritairement
d'origine juive, ne connaissaient qu'une seule catégorie d'Écritures, les
Écritures juives. Là se trouve l'origine du conflit. La solution qui s'est
finalement imposée comme « orthodoxie» a été de conserver les Écritures
juives dans le corpus chrétien, mais comme « Ancien Testament ». Non pas
en tant que norme, mais comme texte à interpréter. Ainsi l'idée marcionite
d' « Ancien Testament» s'est-elle imposée dans la tradition chrétienne90.»
Enfin et surtout cet acharnement contre l'Ancien Testament est le reflet
d'un profond décalage entre la mentalité sémitique des premiers disciples de
Jésus, et des penseurs comme Marcion. Ce qui nous intéresse
particulièrement, c'est que ses thèses ont trouvé un très large public. Le
milieu même dans lequel elles naissent indique un mépris pour le judaïsme.
Exit donc la révérence pour le glorieux nom divin. Les thèses gnostiques de
Marcion ont été florissantes pendant des siècles, florissante donc l'idée d'un
Dieu bon infiniment lointain, inconnu, inconnaissable et... sans nom.
Aujourd'hui même on fait toujours allusion à ce « bon Dieu» anonyme. Ou
bien on jure par le Nom de Dieu, sans le connaître. Dans son Contre les
hérésies, Irénée de Lyon dit de Marcion qu'il est « le seul qui ait eu l'audace

212
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

de mutiler ouvertement les Écritures et qu'il s'est attaqué à Dieu plus


impudemment que tous les autres. » - (Adv. Haer. I, 3,1)
Des personnages comme Marcion, il y en eut d'autres, certes à des
degrés divers, enclins à conformer le texte à leurs desiderata, tels Valentin,
Montan, Tatien...

Conclusion

Ce chapitre nous a montré que les premiers siècles, que l'on imagine
souvent très superficiellement dans le halo de la pax romana, n'ont en fait
rien du long fleuve tranquille. La bonne nouvelle du Royaume ne s'est pas
transmise, ne s'est pas étendue aux nations dans d'idéales conditions. Au
contraire, les disciples du Christ, qu'ils fussent auparavant Juifs, Grecs ou
« Barbares », ont souffert dans leur chair pour leur foi nouvelle. Les
persécutions ont d'abord été internes. Dissidence, puis apostasie, la « Voie»
s'est muée en un mouvement à part entière. Dans la douleur. Comment en
effet abandonner radicalement la foi de ses ancêtres? Les premiers
chrétiens, les judéo-chrétiens, jamais ne s'y sont résolus.
Puis externes. Des apostats qu'ils étaient, les chrétiens sont devenus sous
les yeux des Romains des créatures étranges: asociaux, athées, cannibales,
misanthropes. Ils ont été persécutés encore. On brûlera parfois de nombreux
manuscrits pour plonger leur doctrine dans l'oubli. On confisquera leurs
biens. Sans résultat.
Le mal plus insidieux ne viendra pourtant pas des souffrances physiques.
C'est plutôt les conflits de doctrine qui très tôt ont suscité des divisions. Dès
l'époque de Paul, les uns se réclamaient du missionnaire, les autres
d'Apollos, d'autres encore de Céphas (ICo 1:12) : la tendance n'a fait que se
confirmer. De très nombreuses sectes sont apparues. Les unes s'employaient
à effacer la divinité du Christ en en faisant un Juif de chair et de sang,
pleinement né de Joseph et de Marie, mais prophète hors pair. Les autres
exacerbaient sa divinité en gommant totalement toute trace d'humanité.
La nature du Christ a donc été, de bonne heure, un thème central. On
peut se demander pourquoi. Nous avons vu au chapitre précédent que la
préservation des Écritures n'était pas une conséquence obligatoire de son
caractère inspiré. Puis nous nous sommes demandé si une altération aussi
importante que la suppression du nom divin dans le Nouveau Testament
pouvait avoir eu lieu. Selon Lundquist, la chose est impossible: si une telle
hérésie avait eu lieu, cela se saurait. C'est parfaitement inexact: une telle
« hérésie» avait eu lieu précédemment lors de la traduction de l'Ancien
Testament en grec, sans faire de vagues. La Septante en effet avait remplacé
au vu et au su de tous le tétragramme hébreu par le terme Seigneur, et cela
n'avait suscité aucun débat particulier. Il faut dire que le judaïsme était déjà
largement hellénisé.
De même, l'appropriation du message de l'évangile, parfaitement judéo-
chrétien, par la gentilité n'a pas suscité de débat particulier. Dans la période

213
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

extrêmement trouble du premier siècle, les vaincus ont vite disparu. Et que
pouvaient bien faire du nom divin des pagano-chrétiens pour qui le Dieu
Tout-Puissant n'avait plus grand-chose en commun avec le Dieu d'Israël? Il
faut même aller plus loin: en cette époque de troubles extrêmes, les
autographes du NT ont subsisté quelques dizaines d'années tout au plus.
Exactement le temps qu'il a fallu pour comprendre que le Message n'aurait
pas d'avenir chez lui en Israël (révoltes juives, guerres, incompréhensions: tout
concourait à chasser le Dieu d'Israël, et son Nom avec lui, de Sa Terre promise).
Il ne serait donc pas étonnant que jamais des copies du NT effectuées par
des pagano-chrétiens n'aient porté le tétragramme: ils ne le connaissaient
pas ou très peu, et ne l'ont pas affectionné. Les seules copies, à notre avis
peu nombreuses, qui aient pu se conformer aux originaux, sont celles des
judéo-chrétiens, entre le premier et le troisième siècle tout au plus. Or, nous
l'avons vu, ils ont été décimés par les premières persécutions, lors des deux
révoltes juives, et pour ceux qui ont survécu, ils ont été dispersés çà et là.
Leur nombre, dérisoire comparé aux pagano-chrétiens, explique que l'on
n'ait pas retrouvé leurs écrits. Ceux-ci ont du être peu nombreux.
Contrairement donc à l'affirmation de Lundquist selon laquelle il ne s'est
rien passé aux premiers siècles, qu'il n'y a pas eu de controverses autour du
nom divin, il faut soutenir: le débat autour de la nature du Christ, qui a fait
rage depuis le 1ersiècle jusqu'au IVe au moins, est une des conséquences de
la suppression du nom divin dans les copies du NT. Cette suppression résulte
de la transmission du message apostolique judéo-chrétien à la Gentilité. Car
la gentilité, outrée par l'infamant supplice du bois, objet de scandale, va
diviniser la figure du Christ. En fait, pour être précis, il faudrait dire que la
divinisation du Christ est tant un résultat de la disparition du nom divin dans
le NT (et donc de la confusion sur l'identité des deux Seigneurs) qu'un
catalyseur du phénomène. Le chapitre suivant va donc traiter succinctement
de certains aspects de ce processus.

1 Nous ne pouvons traiter ici la question de savoir si ces critiques, ces débats, sont les reflets
d'une situation actuelle non pas au moment des faits rapportés, mais à l'époque de
composition du récit. L'exégèse actuelle va dans ce sens, et place de nombreuses rédactions
néo-testamentaires à des dates tardives, au moins postérieures à la chute du Temple.
L'éclairage de la situation en est inévitablement affecté. Sans nier que la période de rédaction
peut fortement influencer un rédacteur, nous nous cantonnerons dans ce qui va suivre à
exposer les événementstels qu'ils sont décrits pour déterminerce qu'on veut nous dire
(examen du « projet littéraire» ou « de composition»). Par ailleurs, examiner l' antijudaïsme
du Nouveau Testament, en plus d'être polémique, est quelque peu impropre. Après avoir
considéré les passages de l'évangile de Matthieu supposés, Daniel Marguerat formule les
constatations suivantes: « Que penser de l'accusation d'antijudaïsme lancée contre Mt? On
s'aperçoit maintenant qu'elle pèche par anachronisme. Les deux grandeurs en présence, le
judéo-christianisme de Mt et le judaïsme d'obédience pharisienne, sont l'un comme l'autre,
l'un au même titre que l'autre, des émanations de la nébuleuse juive d'avant l'an 70. Ils sont
l'un comme l'autre des rejetons du judaïsme du second Temple. Comment qualifier d'antijuif
un auteur, juif lui-même, et qui plaide - avec sa rabies theologica -
l'authentique judaïsme de
sa communauté? » (<<Le Nouveau Testament est-il anti-juif? - L'exemple de Matthieu et du

214
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

livre des Actes », RTL 26, 1995: 154). L'auteur poursuit en montrant que les Actes
dépeignent de la même manière une scission, mais non désirée, du christianisme d'avec le
judaïsme. Ce n'est pas dire ici que des anti-sémites de tous poils n'ont pas puisé dans le NT
pour « justifier» leurs vues; il s'agit simplement de montrer que « l'identité chrétienne ne
peut se dire en-dehors d'un débat avec le judaïsme. » (163)
2 Pour un essai d'interprétation de ce verset: Ekkehard W. Stegemann, « Remarques sur la
polémique antijudaïque dans 1 Thessaloniciens 2,14-16 », in : Daniel Marguerat éd, Le
déchirement, Juifs et chrétiens au premier siècle: 99-112. Une traduction nouvelle du verset
16 est proposée: « Ils (les Juifs) ont tué le Seigneur Jésus et les prophètes et ils nous ont
persécutés (c'est-à-dire: expulsés). Ils déplaisent à Dieu et ils sont contraires à tous les
hommes en nous empêchant de prêcher aux non-Juifs afin qu'ils soient sauvés, et cela pour
mettre le comble à leurs péchés. Mais chaque fois (qu'ils ont péché) le jugement les a
finalement atteints. » Tout aussi intéressante est l'analyse de Christian B. Amphoux, dans son
article «1 Th 2,14-16: Quels Juifs sont-ils mis en cause par Paul? », Filologia
Neotestamentaria 16, 2003 : 90, qui propose de supprimer la virgule du verset 14, laquelle
non seulement est interprétative (elle n'existe pas dans le grec original), mais de plus
contrevient aux règles de grammaire: « La ponctuation après « Juifs », à la fin du v. 14, ne
s'impose pas, elle est même étonnante au regard de la syntaxe grecque; elle est, de plus, peu
probable, étant donné la présence de la même construction participiale deux lignes plus haut;
elle est donc interprétative; or, c'est elle qui fait du procès de Paul contre certains Juifs une
généralisation à tout le peuple. Si l'on supprime cette ponctuation, la traduction change: Paul
fait état « des Juifs qui ont tué Jésus », ou plutôt suscité sa condamnation par l'autorité
romaine, c'est-à-dire les grands-prêtres du temple de Jérusalem, nommés par Hérode et
accusateurs au procès de Jésus; et il les assimile à ceux qui « ont tué les prophètes, qui nous
ont persécutés, qui ne plaisent pas (ou n'ont pas plu) à Dieu, nous empêchant de prêcher aux
païens... » En somme, Paul s'en prend à l'autorité juive de Jérusalem qui n'assume pas son
rôle de médiation pour le salut du peuple juif. )}
3 « Les chrétiens d'origine juive du 1erau IVe siècle », in: Geoltrain : 295.
4
Actes d'Apôtres, chapitres 10 et Il.
S
Le verbe pour 'être appelé' est XPll~atl'w. Son sens premier est « s'occuper d'affaires;
négocier ». (cf. Bailly: 956 ; ex. en IR 18:27, LXX) Dans la LXX et dans le NT, il prend
aussi le sens de « recevoir la réponse d'un oracle, être divinement averti. », par ex. en Jr 26:2,
30:2, 36:4, Mt 2: 12, Lc 2:26, Ac 10:22, Rb 8:5, Il:7, 12:25, c'est pourquoi certaines versions
suggèrent que l'appellation « chrétien» vient de la providence divine (TMN, Young's Literal
Translation, The Simple English Bible; Ignace d'ailleurs, Ep. Magn., voit une allusion à Is
62:2,12). Dans les versets du NT, néanmoins, le verbe est souvent modifié par les expressions
Kat' Qvap (en songe) Ù1TOtOÛ 1TvEUllatoe;tOÛ àYLOU(par l'esprit saint), Ù1TO &yyÉÀouàYLOU(par
un saint ange), qui en modifient le sens, ou se présente dans un contexte où l'on sait que Dieu
est intervenu (Moïse, Hé 8:5 ; Noé, Hé Il:7; Hé 12:25: opposition entre l'avertissement
terrestre de Jésus et l'avertissement céleste de Dieu). C'est pourquoi la plupart des
lexicologues n'y voient, pour l'époque néotestamentaire, que le simple sens de « être appelé,
prendre Ie nom ou Ie titre de ». Cf. LSJ : « in later writers, the Act. means to take and bear a
title or name, to be called or styled so and so, XPl1~at('EL paoLÀEUe;Polyb.; "IoLe; ÈXPl1llcltLOE
Plut.; XPl1llatLOaLXpLOtLaVOue;N.T.; generally, to be called, lb. »; Spiros Zodhiates : «In
later Gr. usage it means to do business under someone's name; hence generally, to take or
bear a name, to be named, called, constructed with the name in apposition (Act Il :26,
'named [or called] Christians for the first time'; Ro 7:3, 'named an adulteress'). » - The
Complete Word Study Dictionary, AMG International, Chattanooga, éd. rév. 1993); Mounce:
1312, « in NT, to utter a divine communication, Hb. 12:25; pass. to be divinely instructed,
receive a revelation or warningfrom God. Mt. 2:12, 22; Lk. 2:26; Acts 10:22; Heb. 8:5;11:7;
intrans. to receive an appellation, Acts Il:26, Rom. 7:3. »; Abbott-Smith: 484, « to assume a
name (as in business), be called (Polyb., al) : Ac 1126, Ro 73 » (A Manual Greek Lexicon of
the New Testament, Londres, 2e éd., 1923); Bailly: 956, « B. postér. prendre un titre, une
qualification» ; Edward Robinson: « In the later Greek usage, i.q. 'to do business as anyone,

215
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

under any name;' hence gener. to take or bear a name, to be narned, called; constr. with the
narne in apposit. Acts 11,26 XPTJJ.latlOal. tE 1TpwtWe; Èv 'AVtI.OXEl~ tOÙe; J.la8TJtàe; XpI.OtLavO\>e;.
Rom. 7,3 J.l0LxaÀte; XPTJjJatlOEL . - Jos. Ant. 13.11.3. 'ApLOt6~ouÀoç . .. XPTJjJatLoaç J.lÈv
cI>LÀÉÀÀTJVPlut. M. Anton. 54 fin. KÀEo1Tatpa.. .VEa IOLe; EXPTJjJatt(E. Diod. Sic. 1.44. Pol 5. 57.
2. » - Lexicon of the New Testament, New York, 1850, 786. Ce ne sont pas les Juifs qui
appelèrent les chrétiens ainsi, car cela aurait été reconnaître Jésus comme le Messie ou Christ.
Les Juifs appelaient les chrétiens les Nazaréens (Ac 24:5, cf. Jn 1:47) ou les partisans d'une
'secte' nouvelle (Ac 24:14, 28:22), et les chrétiens s'appelaient eux-mêmes 'disciples' (Ac
11:26), 'frères' (Ac 9:30, Ro 16:14), 'les élus' (Ro 8:33, Co 3:12), 'les saints/consacrés' (Ac
9:13, Ro 12:13), 'ceux de la voie' (Ac 9:2). L'appellation « chrétien» provenait donc de la
nécessité pour les païens de distinguer les disciples de Jésus des Juifs; cette appellation
n'était pas forcément péjorative (cf. Ac 26:28, sur la bouche d'Agrippa), mais suivait un
modèle bien établi (cf. Mt 22:16 sur Hérode/hérodiens; Platon: platoniciens, Épicure:
épicuriens, Pythagore, pythagoriciens, etc.) Il fut par la suite employé négativement
(Théophile d'Antioche, c.168, À Autolycus, I, 12: « And about your laughing at me and
calling me 'Christian', you know not what you are saying (...) besides, you call me a
Christian, as ifthis were a damning narne to bear, I, for my part, avow that I am a Christian»-
ANF) ; mais les chrétiens en firent un objet de gloire (IP 4:16). Comme en témoigne Tacite
(Ann. XV, 44) ce nom était d'usage courant à Rome en 64. Une indication de Flavius Josèphe
éclaire particulièrement bien le sens de XPlljJatL(w: vers 66, les Juifs d'Alexandrie désiraient
prendre le titre de Macédoniens (c'était une revendication, avec à la clé certaines
prérogatives), et cela leur fut accordé par l'autorité romaine: Kat XPl1jJatl.(EI.V E1TEtPEWav
MaKEôovae; : « et ils les autorisèrent à prendre le titre de Macédoniens» (GJ II, 488). André
Pelletier commente ce passage ainsi: « Sur ce sens de XPl1jJatl(w à l'actif cf. L. Robert,
Hellenica XI-XII 454-455. Notre passage est un des exemples les plus clairs, car il implique
forcément l'initiative des intéressés. Il justifierait à lui seul l'idée que, dans Actes Il,26, la
communauté d'Antioche, a pris d'elle-même la qualification officielle de « Chrétiens» (ou
« Messianistes »). » (Pelletier: 223). Qu'elle fut revendiquée par les disciples de Jésus eux-
mêmes, ou inventée par les Romains, ce qui est tout aussi possible, cette appellation provoqua
de sérieux incidents à Antioche, et contribua à identifier les chrétiens à des séditieux (cf.
Justin Taylor: 75-94).
6 Beaude : 33.
7 Voir Gertoux, Divine Name: 192. Étienne était accusé de tenir des propos contre le Temple
(Ac 6:13) et d'apostasie (Ac 6:14). Gertoux montre que l'emploi du Nom n'était pas proscrit
à l'époque, excepté bien sûr pour les blasphémateurs. Ainsi, si Étienne n'avait pas fait usage
du Nom, il aurait tacitement reconnu être un blasphémateur. C'est pourquoi on le voit
précisément évoquer l'épisode du buisson ardent, où le Nom est révélé à Moïse (Ex.3:1-15).
8 Cf. Suétone, Vie des douze Césars (Néron, 38), ou Tacite, Annales, XXXVIII-XLIV.
9 Achard, Néron: 65. Les historiens modernes sont beaucoup plus nuancés. Guy Achard
estime pour sa part que Néron n'a « aucune responsabilité dans ce désastre» (p.68).
10
C'est le début d'une longue liste d'accusations: « par la suite, les chrétiens servirent
souvent de boucs émissaires: pour la peste de 162 ramenée d'Orient par les soldats; quand
les Germains passèrent le Danube en 164 ; quand la peste se déclara à Rome en 167. Il y eut
aussi les crues du Tibre et bien d'autres catastrophes. (...) Les chrétiens furent même accusés
du vieillissement du monde. » - Beaude : 92.
11Achard, Néron: 67. C'est bien les Juifs que Claude a chassés de Rome. Et parmi eux, des
Chrétiens... On le voit, l'ambiguïté n'est pas absente des esprits.
12Annales, XV, 44, éd. Garnier-Flammarion, trad. d'après Burnouf, par H. Bornecque, 1965 :
439-440.
13Apologétique, V, 3 (Les Belles Lettres, 2002).
14
Pour certains, cette épître dite pastorale ou trito-paulinienne, ne serait pas de Paul mais
l'œuvre de proches disciples, cf. Daniel Marguerat (dir.), Introduction à l'étude du Nouveau
Testament: 42-143.

216
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

15 On peut toutefois émettre de sérieuses réserves sur le martyr de Pierre à Rome. Eusèbe
rapporte ici une tradition ancienne qui semble tout droit tirée des Actes de Pierre, un
arocryphe du lIe siècle!
1 Jésus avait prédit cette situation (Lc 22:20-22). Eusèbe précise que ceux qui prirent la fuite
se réfugièrent à Pella. Dans son ouvrage Histoire des Juifs, l'historien Hirsch Graëtz émet
I'hypothèse suivante sur la retraite du gouverneur de Syrie: « Cestius, jugeant imprudent de
continuer la lutte avec des ennemis dont l'enthousiasme avait fait des héros et qui, pouvaient
faire une longue résistance, n'osa poursuivre ses avantages. Les pluies d'automne étaient
imminentes, sinon déjà commencées, et les convois de vivres devenaient impossibles. C'est à
cette considération sans doute, non à une frayeur pusillanime, qu'il faut attribuer la retraite de
Cestius. » (chapitre 12). Quoi qu'il en soit, sa retraite survolta les Juifs qui poursuivirent ses
troupes et leur infligèrent de très sévères pertes à Béth- Horon, puisque sa légion (environ
6000 soldats) fut presque entièrement décimée.
17Hadas-Lebel : 366.
18 « La destruction du Temple et ses conséquences », in : Les premiers temps de l'Église,
Gallimard / Le Monde de la Bible, 2004, p. 363.
19
Simon-Claude Mimouni, « Les chrétiens d'origine juive du 1er au lye siècle », in :
Geoltrain : 296-297.
20 K.L. Caroll, « The Fourth Gospel and the Exclusion of Christian from the Synagogues »,
in : Bulletin of John Rylands Library (1957-1958): 19-32.
21 Cf. Thiede: 73 (80 de n.è. au plus tard). Basiez: 272 opte pour la date de 85. Yoir aussi
Frédéric Manns, John and Jamnia : How the Break Occured Between Jews and Christians
C.80-100 AD, Jérusalem, 1998 : 15-30 ; D. Moody Smith, The Theology of Gospel of John,
Cambridge University Press, 1995 : 55 : « In Martyn's view [History and Theology in the
Fourth Gospel, p.58], the Benediction was revised so as to include (and exclude) notzim
(Nazarenes = Christians) and minim (heretics) by Samuel the Small, who flourished ca. 80-90.
If John was written toward the end of the first century, as on other grounds semms likely, the
coincidence of dates would be perfect. Martyn and others have linked this evidence with
statements of Justin Martyr, Diologue with Trypho (16,95,110,133), about Jews cursing
Christians in their synagogues.» D'autres estiment que l'évènement daterait entre 90 et 135,
ou après, sur la foi du passage de Berrakhot 28b-29a qui explique que la birkat ha-minim fut
composée par Samuel ha Katan (Samuelle Petit, c.80-110) à l'invitation de Gamaliel II, à
Jamnia. Cf. S.C. Mimouni, «'La Birkat ha-minim' : Une prière juive contre les judéo-
chrétiens », Revue des sciences religieuses, 1997, vol. 71/3 : 275-298).
22 Pour cet euphémisme étonnant, cf. Job 1:5 (BHS).
23 Daniélou, Le judéo-christianisme ancien: 164.
24 Cité dans de La Rochebrochard : 114.
25Ibid.
26Berakhot Y, 4, 9c.
27 Cité d'après Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité: 99 . Yo ir également
Shabbath XYI, 1, 15c.
28 Cité d'après WB&TS, La Tour de Garde du 1er
novembre 1993 : 30-31.
29 Pour une longue discussion sur la polysémie du terme minim, cf. S.-C. Mimouni, Les
chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité: 60-98. L'ouvrage A Dictionary of Jewish-
Christian Relations précise: « Nozerim and minim probably originally referred to Jewish
Christians, but likely later came to refer to Gentile Christians as well. Minim at times seems
also to refer not to a specific group, but rather to Jewish heretics in general. » (Edward
Kessler et Neil Wenborn éd., Cambridge University Press, 2005 : 60.)
30 « Le sens habituel de ce terme est 'bords' ou 'marges' d'un rouleau de l'Écriture, mais
certains critiques veulent voir ici des écrits chrétiens, notamment des Évangiles comme cela
est explicitement établi dans la version non censurée de TB Shabbat 166a où l'on trouve aussi
un jeu de mots entre gilyon aven (Ie rouleau du mensonge) et gilyon avon (Ie rouleau du
péché). » - Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité: 99.
31 Jastrow : 248-249.

217
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

32
Jewish Encyclopaedia, art. gilyônim.
33
Jewish Encyclopaedia, art. min(im).
34
Herford: 157.
35 L.H. Schiffman, Who Was a Jew? Rabbinic and Halakhic Perspectives on the Jewish-
Christian Schism, HobokenlNew Jersey, 1985.
36 Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité: 100. Pour une étude détaillée, ct:
Dan Jaffé, Le judaïsme et l'avènement du christianisme - Orthodoxie et hétérodoxie dans la
littérature talmudique du Ier-Ilème siècle, Le Cerf, 2005, p.88ss, pp.31 0-311. « Dan Jaffé cite
plusieurs Sages du lIe siècle qui, tous, fustigent ces écrits. [les « guilyonim » et des « livres
des Minim »] R. Tarfon dit même qu'il faut les brûler avec les mentions du nom de Dieu
qu'ils renferment, alors que Yossi le Galiléen se montre plus modéré. Au terme de sa
présentation, Jaffé conclut que les « guilyonim » désignent certainement des textes chrétiens
appelés « Évangiles» alors que les « livres des Minim» peuvent désigner des copies de la
Torah faites par des « hérétiques» et notamment des judéo-chrétiens. Ici, il ne s'agit donc
plus de s'éloigner des judéo-chrétiens en tant que personnes, mais d'évincer leurs textes,
c'est-à-dire leur propre corpus ou les copies de la Torah qu'ils ont effectuées. » (p. Deberge,
Bulletin de Littérature Ecclésiastique, recensions d'octobre-décembre 2005).
37Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité: 101-102.
38Beaude : 59-60.
39Ep. 112:13 ; cf. C. Dauphin, « De l'église de la circoncision à l'église de la gentilité : sur
une nouvelle voie hors de l'impasse », Liber annuus - Studium biblicumfranciscanum, 1993,
vol. 43 : 223-242. Voir aussi Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité: 48.
40
Gr. EYK"-T)~a a9Eo't1l'tOÇ
41
In : Allard: 107.
42
HE III, 18, 1.
43 Nous plaçons quant à nous l'Évangile de Matthieu une dizaine d'années après la mort de
Jésus, Marc, Luc et Actes entre 55 et 62, Jean, Révélation et les lettres de Jean entre 96 et 98,
et toutes les autres épîtres entre 50-64. TMN : 14-15. Cf Ph. Rolland, L'origine et la date des
évangiles et John A.T. Robinson, Redating the New Testament, Wipf & Stock Publishers,
2000. Si l'hypothèse de Thiede sur les fragments retrouvés dans la grotte 7 de Qumrân se
révélait exacte (mais elle est très décriée, ct: E. Puech, M.-É. Boismard, Revue Biblique 1995
T.102-4: 570-588, G. Stanton, Bible Review 11:6, 1995 : 36-42, Hans Forster, JGRChJ 2,
2001-2005, 27-35 ; ces 'réfutations' toutefois ignorent les indices internes qui penchent pour
des datations antérieures à 70), elle apporterait une éclatante confirmation à ces datations.
Thiede en effet identifie le fragment 7Q4 à une portion de 1Tm 3: 16-4:3 et 7Q5 à un passage
de Mc 6:52-53. Or les deux fragments de papyrus sont datés d'environ 50 de notre ère (ct:
C.P. Thiede et M. d'Ancona, Témoin de Jésus, R. Laffont, 1996, p.68; Papyrus Magdalen
Greek 17 (Gregory-Aland ~64): A Reappraisal', Tyndale Bulletin 46, 1995, 29-42, José
O'Callaghan, « Papiros neotestamentarios en la cueva 7 de Qumran? », Bib 53 (1972) 91-
100).
44 Pour comprendre dans quelle ambiance se trouvaient les chrétiens des deux premiers
siècles, il n'est pas inutile de considérer les écrits deutérocanoniques, esséniens, gnostiques et
apocryphes. On en trouvera une compilation assez complète dans Willis Barnstone (éd.), The
Other Bible - Ancient Alternative Scriptures, HarperSanFrancisco, 1984.
45
Les historiens actuels ne savent pas encore avec certitude si la construction d'Aelia
-
Capitolina a précédé la révolte juive et en a été partiellement responsable - ou a suivi la
défaite juive. On penchait pour la première possibilité jusqu'à la découverte d'un grand
nombre de pièces de monnaies romaines portant la mention d'Aelia Capitolina, et
surimprimées par les insurgés juifs. Gérard Nahon, Encyclopedia Universalis, art. Bar
Kokhba, vol. II : 1088.
46 Certains prétendent qu'Hadrien, fervent helléniste, et donc très influencé par les idées
antisémites greco-romaines, avait fait interdire la circoncision et l'observance du sabbat.
Aelius Spartianus, Historia augustana, Vita Hadriani, XIV, 2 va dans ce sens: « A cette

218
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

époque-là, les Juifs initièrent la guerre, car on leur avait interdit de se mutiler les parties
génitales (quod vetabantur mutilare genitalia) ».
47Après sa défaite, les Juifs l'appelèrent Bar Kosiba, le « fils de la déception ». Eusèbe nous
-
en dit: « Un homme du nom de Bar Kokhébas - nom qui signifie étoile était alors à la tête
des Juifs. Il était par ailleurs un meurtrier, et un bandit, mais par suite de son nom, il régnait
sur eux comme sur des esclaves: ils voyaient en lui une lumière venue pour eux du ciel,
miraculeusement destinée à les éclairer dans leurs malheurs», HE IV, 6, 2.
48
49
Ceci suscita l'enthousiasme du peuple, au détriment des Chrétiens - ct: Gérard Israël: 146.
XPLOtUxVouç llovoUÇ : non pas seulement aux chrétiens (il fut aussi cruel avec les Grecs et
les Romains) mais aux chrétiens en particulier, d'une haine plus religieuse que politique,
puisque ces chrétiens étaient aussi des Juifs. Cf. Eusebius Pamphilius, Church History, Life of
Constantine, Oration in Praise of Constantine, éd. P. Schaff: New York: Christian Literature
Publishing Co., 1890 : 266.
50 Justin, Œuvres complètes, Paris, 1994; ce passage est d'ailleurs textuellement cité par
Eusèbe, HE IV, 8, 4.
51 Voir Ernest Renan, « Jérusalem a-t-elle été assiégée et détruite une troisième fois sous
Adrien? ». En fait, les historiens antiques ne parlent pas du siège de Jérusalem, mais de sa
ville voisine, Béthar. Pour plusieurs raisons, dont l'accomplissement de Zac 14:1ss,
l'amalgame entre Béthar et Jérusalem s'instaura chez les écrivains (notam. Tertullien, Jean
Chrysotome, Jérôme) jusqu'à conduire à des invraisemblances comme des dates de chute
identiques.
52Cyrille de Jérusalem dans ses Catéchèses baptismales, nous livre une intéressante réflexion
destinée aux Juifs qui refusent d'accepter le Nouveau Testament, en démontrant que ceux-ci
sont entièrement juifs: ({Ce sont des hébreux qui ont écrit cela (le Nouveau Testament). Les
apôtres sont tous des hébreux. Pourquoi donc refusez-vous votre foi à des juifs? Matthieu qui
a écrit l'Évangile l'a écrit en hébreu; et Paul, le héraut, était hébreu, descendant d'hébreu; et
les douze apôtres sont fils d'hébreux. Ajoutez que les quinze évêques sont fils d'hébreux.
Pour quelle raison donc accueillez-vous vos propres allégations, tandis que vous rejetez les
nôtres, même écrites par des hébreux, gens de votre race?» -
Catéchèse XIV, 15.
53 Matthieu 23:9 : « Et ne donnez à personne sur la terre le nom de Père, car il n'est pour vous
qu'un seul Père, celui des cieux».
54
Nous entendons par cette expression les « hommes qui, selon la tradition, ont été en relation
avec les apôtres », Quéré, Les Pères apostoliques: 10. Sauf mention contraire, les citations
des Pères apostoliques que nous ferons seront tirées de cette édition.
55
Nous entendons par ce mot « l'identité, la nature attribuée au Christ ». Grosso modo, une
christologie « basse» correspond à une doctrine qui enseigne que Jésus était un humain,
tandis qu'une christologie « haute» voit en Jésus une divinité, voire Dieu lui-même.
56
Le mot est une invention d'un Père apostolique, justement, Ignace d'Antioche: Lettres aux
Magnésiens,10.1 ÙJ.&8wllEV Kat£XXptottavtaJ..l0v (i;v « apprenons à vivre selon l'esprit du
christianisme» )
57
Il cite notamment ces personnages bibliques de l'Ancien Testament: Abel, Caïn, Abram,
Jacob, Josué, Rahab, Lot, les habitants de Ninive, Job, Moïse, David, Daniel...
L'argumentation procède un peu comme dans l'épître de Jude, à la manière de la haggada
juive.
58 Bien qu'il ait défendu l'idée que Dieu n'est pas nommable (De Vita Mosis I, 75 ; II, 207-
208), Philon (philosophe juif: c.20-50 av.J.-C.) connaissait le Nom divin, puisqu'il décrit lui-
même le pectoral du grand-prêtre paré du tétragramme (De Vita Mosis II, 114-132). De même,
Flavius Josèphe, qui confesse à ses lecteurs qu'il ne peut leur révéler le Nom (AJ II, 275), fait
allusion à cette tiare en expliquant qu'il y a quatre voyelles (GJ V, 235). Le paradoxe (il n'y a
pas de voyelles en hébreu et Josèphe le savait, bien sûr) disparaît si l'on tient compte des
mères de lecture. Certains ont suggéré la prononciation lAUE, mais Gertoux montre que, lu
comme quatre voyelles, le Nom se prononce IHÔA (Divine Name: 112-113). Le H était
inaudible, et n'existe d'ailleurs pas en grec. Cette prononciation est d'ailleurs en remarquable

219
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

accord avec les témoignages manuscrits (4QLXXLevb) et littéraires (Varron, Irénée,


-
Tertullien, Origène, Jérôme cf Gertoux : 97 ).
59 1TUvtOKpatWp,ce terme n'apparaît que 10 fois dans le NT, en 2 Corinthiens et Révélation
seulement. Il est courant dans la LXX (146 occ.), et correspond, dans l'expression 'Dieu tout-
puissant', à l'héb. "1~ ,,~.
60
Il faut cependant reconnaître qu'en l'occurrence la formulation est ambiguë. Elle
n'implique pas nécessairement l'identification de Jésus à 8EOÇ;la traduction des éd. du Cerf
appuie d'ailleurs l'ambiguïté du texte: « Frères, nous devons regarder Jésus-Christ comme
nous regardons Dieu, comme 'juge des vivants et des morts' ».
61
C'est le premier écrit à le faire.
62
~lÔUX~ KUPLOU ÔUl tWV ÔWÔEKUO:1TOOtOÀwvtoî.ç E8vEOlV.
63 Quéré, Les Pères apostoliques: 91.
64Le nom de Jésus n'en a pas pour autant de l'importance; par ex. en 12:1 : « au nom du
Seigneur », Seigneur désigne cette fois Jésus, comme le contexte permet de le découvrir
quelques lignes plus loin (12,4 un chrétien, XPlotUlVOÇ).
65 Quéré, Les Pères apostoliques: 17.
66
Jean Massin, in : Encyclopaedia Universalis, art. Ignace d'Antioche.
67
HE II, 15 ; II, 39 ; Ill, 36 ; III, 39.
68
Adv.Haer. V,38.4 ; HE III, 39, 1.
69
HE III 39, 9.
70
Cf. Rv 20:1-7; en fait, Eusèbe doute que l'apôtre Jean soit l'auteur de la Révélation ou
Apocalypse (HE 111,24,18), et qui plus est la considère apocryphe (HE III, 25,2.4 ; VII,25).
71
Comme Justin, Tertullien ou Lactance pour ne citer que les plus célèbres.
72
HE III, 39, 11-13.
73
HE III, 39.17.
74 Dans l'autre camp, celui des païens, les écrits de Celse ne nous sont connus que par son
détracteur Origène.
75
HE III, 39.16. F. Quéré traduit l'expression clé ainsi: « chacun les traduisit comme il put».
76
Par ex. un tour de numérologie autour de la circoncision et son 'rapport' au Christ: 9,7-9.
77Il évoque: le lièvre qui acquiert un anus de plus par an (10,6), la hyène qui change de sexe
tous les ans (10.7), la belette qui conçoit par la gueule (10.8). Ces fantaisies, méprisées par
Aristote, était à l'époque très courante.
78
Par ex. la tournure rencontrée en 20,2 : « ~ovEî.Ç tÉKVWV~eopEî.Ç 1TÀaOj.1utoç8EOÛ
O:1TOOtpE~Oj.1EVOL
tàv EVÔEOj.1EVOV
Kuta1TOvOûVtEÇ tàv eÀL~6j.1EVOV1TÀOUOLWV1TClpaKÀT)tOl»
(<<meurtriers par avortement de la créature de Dieu, qui se détournent de l'indigent, accablent
l'opprimé, avocats des riches») se retrouve à l'identique en Did. 5:2, ce qui est assez
surprenant vu la longueur de l'expression.
79Ac5:17; 15:5;24:5,14;26:5;28:22; lCo Il:19;Ga5:20;2P2:1.
80Ac 21 :21 ; 2Th 2:3.
81Mt 7: 15, 24:5, 24.
822Co 11:13, ITi 4:1 ; IJn 2:18,4:1.
83 On pourrait encore citer les figures suivantes: Satornil, les barbelognostiques, les Séthiens,
Carpocrate Basilide... (cf J. Daniélou, L'Église des premiers temps, éd. Seuil, 1985 : 65-76).
Il faudrait aussi s'étendre plus avant sur le gnosticisme, sujet vaste. Nous laissons au lecteur le
soin de poursuivre ses investigations. Dans notre perspective, le gnosticisme est un vecteur
non négligeable d'antijudaïsme. La rupture du christianisme avec ses racines juives car on -
parle bien de christianisme gnostique - démontre que le Dieu d'Israël, qui portait un nom,
Jéhovah, était inacceptable pour bon nombre de penseurs fraîchement convertis.
84Vaneigem, Les hérésies: 44.
85 Michel Tardieu, « Marcion et la rupture radicale », in : Les premiers temps de l'Église,
p.402.
86Ce sera le cas jusqu'au XXe siècle (Harnack).

220
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

87
Le problème du mal est sans doute le fondement de la gnose, qui rejette l'idée que le monde
puisse avoir été créé par Dieu. Cf. Celse III, 80 ; Daniel-Rops, L'Église des apôtres...: 337-8.
88 « Such changes prove that the autographs of the books of the New Testament were no
longer in existence, otherwise an appeal would have been made directly to them. Their early
loss is not surprising, for during persecutions to the toll taken by imperial edicts aiming to
destroy all copies of the sacred of Christian must have been heavy. Futhermore, simply the
ordinary wear and tear of the fragile papyrus (...) would account for their early dissolution. It
is not difficult to imagine what would happen in the course of time to one much-handled
manuscript, passing from reader to reader, perhaps from church to church (see. Col. IV.16)
and suffering damage from the fingers of eager if devout readers as well as from climatic
changes. » - The Text of the New Testament, B.M. Metzger, p.20 1.
89 In : Daniel Marguerat éd., Introduction au Nouveau Testament: 455-456.
90 Michel Tardieu: 405.

221
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Controverses & Corruptions

Peut-on imaginer qu'en quelques décennies seulement, le message


évangélique ait été à ce point dénaturé qu'une altération comme la
suppression du nom divin passe inaperçue? Pareille apostasie est-elle
concevable? Pourquoi les représentants les plus éminents de cette époque,
les Pères de l'Église, sont-ils silencieux à ce sujet? Dans son ouvrage,
Lundquist pose ces questions avec un a priori: les Pères sont dignes de la
plus haute confiance; ce qu'ils ont écrit reflète la véritable pensée
apostolique. Mais nous venons de voir que leurs écrits révèlent leur
éloignement mental du message chrétien. Cet éloignement est
particulièrement sensible quand on considère les paradigmes mentaux des
chrétiens issus de la Gentilité - tout du moins ceux qui nous ont laissé des
traces, c'est-à-dire les plus cultivés - ainsi que leur manière d'appréhender la
divinité. Nous allons préalablement étudier ces deux aspects, pour
comprendre dans quel contexte a pris place la corruption orthodoxe des
Écritures, notamment celle qui divinise le Christ.

A~aeEOtatE KaL KaKE


a<l>Eçtov 1TaÀaLOV
~'Il ~Eta1ToLEL

Nigaud et filou!
Conserve ce qui est écrit,
ne le change pas!

223
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

L'influence de la philosophie grecquel

- Platon pour disposer au christianisme. - Pascal

- Autour de l'an 100 commence une période nouvelle, à la fois obscure et décisive.
Tous les apôtres ont disparu. Les églises ont conservé leur souvenir et se réclament
de leur autorité. L 'œuvre du Fondateur se trouve désormais entre les mains de chefs
qui ne l'ont pas rencontré, qui ne le connaissent que par la tradition orale, que les
générations se transmettent et par le récit des évangiles qui ont fIXé l'essentiel de
son enseignement. (...) La pensée chrétienne va-t-elle demeurer liée à la culture
sémitique ou se mouler dans les cadres de la pensée grecque? - A.G. Hammam2

- Sans doute, la graine semée par Jésus était juive, donc juive aussi la première
pousse,. mais le sol nourricier qui lui a prêté ses sucs et safertilité, qui afait d'elle
un arbuste vigoureux, puis un arbre bien enraciné, ce sol était hellénistique:
l'Orient et la Grèce y mêlaient leur substance féconde. Que la religion nouvelle ait
reçu à Antioche la consécration d'une désignation particulière, que ce soit dans
cette métropole du monde hellénistique qu'on ait, pour la première fois, nommé
chrétiens les Nazaréens, c'est là unfait qui se hausse de lui-même à la dignité d'un
très éloquent symbole. À vrai dire, il est permis de penser que bien des influences
hellénistiques n'ont point pénétré directement dans le christianisme premier, mais
qu'elles ne l'ont touché qu'à travers lejudaïsme dont elles avaient, antérieurement,
fait la conquête partielle. - Charles Guigneberf

Aucun des Pères apostoliques n'était Juif. Ainsi, tout ce qui était
implicite dans la théologie des premiers chrétiens disciples de Jésus - la
nature de Dieu, sa relation avec l'humanité - n'allait plus de soi. Tout devait
être explicité, et donc repensé à travers des schémas mentaux différents. En
effet, tel que décrit dans la Bible, Jéhovah n'apparaissait pas aux païens
comme un Dieu transcendant4, car il s'était révélés. Or, toute révélation
implique que la Divinité établisse une forme de contact avec ses créatures,
qui expérimentent alors Sa manifestation. Il n'y a donc plus transcendance à
proprement parler, et ce quelle que soit la nature véritable de la Divinité qui
se manifeste6.
Bien que les Grecs aient été eux-aussi, d'après leurs légendes et leurs
épopées, plus harcelés que choisis par de multiples divinités s'ingérant dans
leurs affaires - des divinités, donc, non-transcendantes - cette époque était
révolue7, et l'on s'était habitué à théoriser la nature des divinités et à les
placer dans des sphères plus conceptuelles que réelles, et par conséquent du
seul ressort de l'esprit humain (conception à rapprocher de l'immanence8).
Cet antagonisme eut des effets pernicieux sur le Nom. Là où les judéo-
chrétiens n'avaient pas de scrupules à nommer Dieu - c'était la moindre des
choses puisqu'on le considérait comme un Personnage réel et révélé - les
pagano-chrétiens, préparés par Platon9, refusaient de le nommer, prétextant
l'infinie supériorité de Dieu, et niant par là, subrepticement, sa révélation.
Platon avait enseigné que nommer Dieu n'était pas concevable, car aucun
nom ne lui seyait parfaitement, et que, dans tous les cas, il n'était pas
possible pour l'homme de l'appréhender et de discourir véridiquement à son
sujetlO.

224
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Cratyle 400d
Hermogène. [...] Mais pour les noms des dieux, ne pourrions-nous pas,
comme tu l'as fait tout à l'heure en parlant de Zeus, examiner de la même
manière ce qui fait lajustesse des noms qu'ils ont reçus?
Socrate. Par Zeus, Hermogène, si nous étions raisonnables, il y a bien une
manière, la plus belle, c'est de dire en parlant des dieux que nous ne savons
rien ni de leurs personnes, ni des noms (1TEpt8EWV OUÔEVtOIlEVOU1:'E 1TEpt
Il
au1:'WVOU1:'E1TEpt1:'WVoVOlla1:'Wv)dont ils s'appellent entre eux [...]

Timée 28c12
Quant à l'auteur et père de cet univers, il est difficile de le trouver, et, après
l'avoir trouvé, de le faire connaître à tout le monde 13.Tov IlEVouv 1TOt ll1:'llV
Kat 1Ta1:'Epa 1:'OUÔE 1:'OU 1TaVtoe; EUPEtV tE EPYOV Kat EupOVta Etc; 1TaV1:'ac;
aÔUva1:'OV ÀEQ>EtV

Parménide 142a
Ainsi, il n'a pas de nom; et on n'en peut avoir aucune description, ni aucune
connaissance, perception ou opinion.TA Ouô'apa ovolla au1:'WOUÔEÀoyoe;
OUÔE ttc; E1Tt01:'llllll OUÔE ato81lotC; OUÔE ôoça

On décèle bien là une théorisation et une intellectualisation de la notion


de Dieu qui n'admettait pas que Dieu se soit révélé, et donc ait quitté,
l'espace d'un instant, ses hauteurs inaccessibles, pour se dévoiler à
l'humanité: seule la pensée pouvait tenter Son approche. Les Pères, comme
nous allons le voir, montrèrent une singulière familiarité avec ces
considérations philosophiques.

Justin (c.100-165)

Converti peu avant la seconde révolte juive, sa


formation est celle du philosophe. Sa quête de vérité
l'a amené à fréquenter stoïciens, péripatéticiens et
pythagoriciens sans grande révélation. Les
platoniciens cependant l'ont impressionné,
présentant à son esprit des réalités élevées et
intangibles. Il prend connaissance de l'existence des
chrétiens par les persécutions dont ceux-ci font
l'objet.

Son témoignage nous renseigne sur ses prédispositions: «Lorsque je me


délectais aux enseignements de Platon, en entendant calomnier les chrétiens
et en les voyant sans peur devant la mort et devant tout ce qui passe
d'ordinaire pour redoutable, je comprenais qu'il était impossible qu'ils
vécussent dans le mal et l'amour des plaisirs. » - 2e Apologie 12,1. Ainsi,

225
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

très familiarisé avec les écrits de Platon, Justin se fait chrétien. Sa vision de
Dieu ne pouvait qu'être influencéel4 par l'idée de le placer hors du monde
sensible. Ses écrits abondent en ce sens:

Première Apologie
-Dieu (...) n'est appelé par aucun nom propre - 10
-À cette cérémonie de l'eau, nous ne donnons à Dieu d'autre nom que celui
de Dieu; car qui pourrait donner un nom au Dieu ineffable? et n y aurait-il
pas folie à dire même qu'il a un nom? - 61
- Tous les Juifs, encore maintenant, enseignent que c'est le Dieu ineffable
qui a parlé à Moïse - 63

Seconde Apologie
- le Dieu non engendré et ineffable (app1]Tov)est témoin de nos pensées et de
nos actions - 12, 4
- Le Père de l'univers n'a pas de nom (ovop,a... OUK éGTl), parce qu'il est
inengendré. Recevoir un nom suppose en effet quelqu'un de plus ancien qui
donne ce nom. 2 Ces mots Père, Dieu, Créateur, Seigneur et Maitre ne sont
pas des noms, mais des appellations motivées par ses bienfaits et ses
actions. - 6, 1-2
- car il (Christ) est la puissance du Père ineffable (TOUapp1]TOUrraTpoç)et
non une production de la raison humaine - 10 ,8

Dialogue avec Tryphon


- Car le Père ineffable et Seigneur de tout n'est jamais venu nulle part, ni ne
marche, ni ne dort, ni ne se lève, mais reste à Sa propre place. - 127

Discours aux Grecs


Une section entière est consacrée à l' ineffabilité de Dieu (21). Elle débute
ainsi: « Dieu ne peut être appelé par aucun nom propre, car les noms sont
donnés pour caractériser et distinguer leur sujet, car ils sont nombreux et
divers; mais personne n'a jamais existé avant Dieu qui aurait pu Lui donner
un nom, non plus que Lui-même a trouvé bon de Se nommer, voyant qu'Il
est un et unique (.. .). »

Les écrits de Justin, particulièrement sur le Logos, vont marquer


durablement les esprits. Son époque, qui coïncide avec le début d'un
nouveau siècle, initie également l'ère qui tente de concilier le message
chrétien à l'universalité. C'est à ce moment justement que se font les copies,
mais pour un public nouveau. À cette époque charnière néanmoins, on a
parfois l'impression que Justin considère encore les évangiles plus comme
des mémoires (U1TOIlVllIl0VEUllu't'u)que des écrits inspirés et canoniques.15En
tout cas les vues de Justin ne sont pas très différentes de celles d'un
polémiste antichrétien nommé Celse, disciple de Platon lui aussi, qui écrit

226
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

dans son AÂ1l81lC; AoyoC;(Discours vrai contre les chrétiens,


. , . c.178) 16
que Dieu
est « trop transcen d ant pour que notre pensee' pUIsse 1 atteIn dre .»

Irénée de Lyon (c. 130-202)

Né en Asie Mineure, Irénée fut à Smyrne le disciple


de Polycarpe, qui avait connu l'apôtre Jean. Bien qu'il
ait été élevé dans une famille chrétienne, son éducation
est traditionnelle. Il est tout à fait à l'aise avec les écrits
d'Homère, Hésiode, Pindare... et bien sûr Platon.

Vers 180-185, il rédige en cinq livres l'ouvrage qui passera à la postérité:


Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur, qui confond le
gnosticisme. Cet ouvrage ne nous est parvenu que dans des traductions
arménienne et latine, et il est communément appelé Adversus haereses (TIpoc;
ClLpEOELC;).
Il s'y fait un devoir de citer précisément les écrits gnostiques et se
révèle ainsi un témoin précieux du gnosticisme au second siècle. Sa
réfutation porte essentiellement sur la véritable tradition apostolique, car les
gnostiques prétendent détenir des traditions secrètes. Ainsi, dès avant
Tertullien, il clame que la vérité de l'Église tient à la succession légitime de
ses évêques depuis les apôtres. Tertullien, dix ans plus tard, aura déjà
connaissance et copie de son traité, qu'il cite dans Adversus Valentianos.
C'est intéressant car cela montre que la traduction du grec original vers le
latin a été très précocel7. Il faut aussi noter qu'il cite la plupart des écrits du
canon du NT à l'exception de Philémon, 2 Pierre, 3 Jean et Jude. De plus, il
cite 1 Clément et le Pasteur d'Hermas. Ses raisonnements contre les
différents courants gnostiques ne manquent pas de pertinence. Cependant il
nous mène, pour ce qui concerne notre sujet, à un sentiment mitigé, voire
contradictoire:

Contre les hérésies


- l'Église (...) [a] reçu des apôtres et de leurs disciples la foi en un seul
Dieu, Père tout-puissant, « qui a fait le ciel et la terre et la mer et tout ce
qu'ils contiennent », et en un seul Christ Jésus, le Fils de Dieu, qui s'est
incarné par notre salut, et l'Esprit-Saint, qui a proclamé par les prophètes
les 'économies', la venue, la naissance du sein de la Vierge, la Passion, la
résurrection d'entre les morts et l'enlèvement corporel dans les cieux du
bien-aimé Christ Jésus notre Seigneur et sa parousie du haut des cieux dans
la gloire du Père, pour 'récapituler toutes choses' et ressusciter toute chair
de tout le genre humain, afin que devant le Christ Jésus notre Seigneur,
notre Dieu, notre Sauveur et notre Roi, selon le bon plaisir du Père
invisible... - I, 10, 1

227
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

- De façon précise l'Esprit Saint a fait connaître par ces paroles trois
choses: - la génération du Seigneur: elle vient de la Vierge,. - son être: il
est Dieu, car son nom d'Emmanuel signifie cela même,. - sa manifestation,
enfin: il est homme. - III, 21, 4
- Et ainsi se manifeste tun seul Dieu Père, qui est au-dessus de toutes
choses, à travers toutes choses et en nous tous. ' Car au dessus de toutes
choses, il yale Père, et c'est lui la tête du Christ,. à travers toutes choses, il
yale Verbe, et c'est lui la tête de l'Église. - V, 18,2

Parfois, Irénée reconnaît la subordination du Fils au Père, quand il


reconnaît que le Père est la tête du Christ (V, 18,2) ; d'autres fois il identifie
les deux personnages (111,21,4) ; d'autres fois encore il rappelle que certaines
informations, comme le jour et l'heure du jugement, ont été laissées à la
discrétion seule du Père (II, 28,8 Il Mt 24:36). Il est d'ailleurs le premier à
introduire l'idée de coexistence éternelle du Fils avec le Père: « comme le
Fils est depuis toujours18 avec le Père, depuis le commencement il ne cesse
de révéler le Père aux Anges, aux Archanges, aux Puissances, aux Vertus et
à tous ceux à qui Dieu veut se révéler. » - II, 30,9
Pour réfuter ses adversaires, il va jusqu'à signaler que Platon est plus
religieux qu'eux, plus proche des vérités chrétiennes. C'est ce qui fait dire à
Jerry Dell Ehrlich: « This is another case in which an Early Church Father
used the similarity of the Christian doctrines with those of Platonism in order
to justify Christianity, and used those Platonic teachings in order to condemn
certain teachings of some fringe Christian groups; thus, the mere logic
argumentation, showed Plato to be more 'orthodox' than the non-mainstream
Christians. Platonism helped the Church in establishing mainstream
Christian 'orthodoxy'; which meant that often Platonism was used as a
canon by which Christian thought was to be understood, again showing that
the foundation for the birth ofChristianity was Platonism and no 'spiritually'
or 'allegorically' or 'morally' out-of-context interpreted sayings of the
Hebrew Prophetsl9. »
De ces propos interprétés hors de leur contexte, typiques de l'Église
Gentile, et plus caractéristiques encore des Pères apostoliques comme Irénée,
mentionnons seulement l'épisode des espions à Jéricho; mais sous la plume
de Voltaire: «Saint Irénée va bien plus loin; il dit (Adv. Haer.1iv IV,
chap.xxxvii) que Rahab, la prostituée de Jéricho, en cachant chez elle trois
espions du peuple de Dieu, cacha le Père, le Fils, et le Saint-Esprit: cela est
fort, mais cela n'est pas net20. » Pas net en effet, car il est question dans le
livre de Josué de deux espions (Jos 2:1)...
Oui, Irénée de Lyon n'était pas net dans sa façon de reprendre et
prolonger la théologie du Logos héritée de Justin, qui lui-même ne l'avait
pas clairement extirpée des Écritures. Pourtant, il avait une connaissance
indirecte du Nom (vocalisé laô, et qu'il tenait bien sûr des gnostiques)
puisqu'on en trouve mention à deux reprises (1,4,1 ; 1,21,3) 21.

228
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Clément d'Alexandrie (c.150-215)

Né à Athènes de parents païens, Clément


possède une solide formation classique. Sa
conversion au christianisme semble motivée par
l'idée que cette 'école' est l'aboutissement de la
philosophie hellénistique. Les trois œuvres
principales qu'il nous a laissées sont le
Protreptique, le Pédagogue et les Stromates.

D'abord difficile, « ses démonstrations exégétiques très allégoriques ont fait


peur aux savants chrétiens des siècles suivants22. » Il est l'un des « premiers
théoriciens de l'Église à avoir présenté le christianisme comme une
philosophie, en cherchant à concilier les prophètes bibliques et les
philosophes grecs23. » Ses écrits sont très variés: de l'examen des faiblesses
et indignités des doctrines païennes, à la définition d'une morale chrétienne.
De l'éducation de l'homme « bien né » à la définition de la« vraie gnose »24.
Son témoignage est plus qu'intéressant, précisément pour sa partie
gnostique. Dans les Stromates en effet nous avons une mention du nom
divin, qui prouve qu'à l'époque celui-ci n'était pas encore tout à fait oublié:

A 1:'CXp KCXL1:'0 1:'Etpcxypcx~~ov OVo~CX 1:'0 ~UatLKov 0 1TEpLEKELV1:'O OLÇ ~OVOLÇ 1:'0
CXÙUtOV pcxaL~ov T}V - ÀEYEtcxL ÔE laouE 0 ~E8Ep~ T}VEUE1:'CXL 0 WV KCXL 0

EaO~Evoç KCXL ~T}V KCXL Kcx8'EÀÀT}vcxç 8EOÇ to OVo~CX 1:'E1:'PCXÙCX1TEPLEXEL


YPCX~J.LCX1:'WV25 .
De plus, le nom mystique de quatre lettres qui était fixé sur ceux seuls
auxquels l'adytum était accessible, est appelé Jave26, ce qui se traduit 'Celui
qui est et qui sera'. Le nom de Dieu, aussi parmi les Grecs, contient quatre
lettres. - Stromates V, 6 : 3427

Itortitn.~Of:tiam luyfticnmiUud.nome.ltetragramn13tuln,qt1od..Jis.iolis impo.


~flcbatur 9ujpoc;erant:ing~edi.4dyttun,difitttr aut:emlebu,ua~'51uod expo~jtur quz
;tft&~qnl e!lftttt1t~$. Qglnetlamapu~Gr~cos n0tpen f\~#~Jde~ De ~s).ltt~rarum
;co~ntlnct (lu~ternl?ncm.~um..aUtt:m..ln.muD~,o ~l11pCrC;Jpltur .tnt;U.gentta .Co!U!
:h1lffetDomtnus,tngrcdtturperpeffionc$,fub,cns...cogn.ttonem .CtUJquod en In~
fe"bjJ.c,exuperamomnen,~m.~nqu~dv()~~ c~g-n..(>kit1.11".
I~~ vero ca~elabrum
GENTIAN HERVET, ŒUVRES COMPLETES DE CLEMENT D'ALEXANDRIE, 1551

Mais si Clément connaît le nom de Dieu, ce n'est pas pour autant qu'il
considère que Dieu soit nommable. Plusieurs fois il déclare, comme Justin,
que Dieu est ineffable et insaisissable: « Dieu recule sans cesse et fuit loin
de celui qui le poursuif8. »
Dans son étude intitulée « Transcendance et proximité de Dieu dans le
christianisme ancien », Riemer Roukema, après avoir décrit l'interprétation

229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

de la révélation du Décalogue (Ex 20:1-17) par Philon d'Alexandrie, montre


comment Clément, influencé par celle-ci, reprend le même passage:
« explique que Dieu ne peut être ni enseigné ni dit par les hommes - car il est
ineffable -, mais qu'il peut seulement être connu en vertu de la « puissance»
qui vient de lui, et qui est le Fils de Dieu. En philosophe chrétien, Clément
insiste beaucoup sur la transcendance ineffable de Dieu, en se référant
encore une fois à Ex 20,21. Voici un extrait de ses conclusions à ce sujet:

Et s'il nous arrive de lui donner un nom, ce n'est qu'improprement que nous
l'appelons l'Un, ou le Bien, ou l'Intellect, ou l'Être en soi, ou Père, ou Dieu,
ou Créateur, ou Seigneur: ces mots, nous ne les prononçons pas comme son
nom; mais, faute de mieux, nous recourons à de beaux noms, afin que la
pensée puisse y prendre appui, sans s'égarer ailleurs. Aucun de ces termes,
pris séparément, ne peut désigner Dieu, mais tous ensemble ils servent à
indiquer la puissance du Maître universel; car les mots forment des paroles
au moyen des propriétés qui leur sont attachées, ou par leurs relations
mutuelles; or on ne peut rien saisir de tel à propos de Dieu. (oo.)Il en résulte
que c'est par grâce divine et par le Logos seul qui vient de Dieu qu'on peut
concevoir l'Inconnu. [Stromates V,82,1-2.4]

Voilà la théologie de Clément, d'inspiration philonienne et platonicienne,


qui manifeste son principe herméneutique: le Dieu ineffable, désigné dans
l'Ancien Testament même (Ex 20,21), peut être connu par son Logos, le
Christ. Cette approche lui permet de rejeter la solution dualiste des
gnostiques hérétiques et de Marcion, et d'être en accord avec la règle de
l'Église selon laquelle l'Ancienne et la Nouvelle Alliance témoignent du
même Dieu29. »
Par ailleurs, les conceptions de Clément sur les triades platoniciennes
favoriseront après lui l'émergence de la Trinité30. Ce qui lui vaudra de
Voltaire une remarque acerbe: « Cher lecteur, jetez les yeux, de grâce, sur
ce passage de Clément Alexandrin (Strom., live V) : « Lorsque Platon dit
qu'il est difficile de connaître le père de l'univers, non seulement il fait voir
par là que le monde a été engendré, mais qu'il a été engendré par le fils de
Dieu.» Entendez-vous ces logomachies, ces équivoques? voyez-vous la
moindre lumière dans ce chaos d'expressions obscures31? »

Que nous apprennent Justin, Irénée et Clément?

Il est on ne peut plus évident que leur façon d'appréhender le message


évangélique dépasse le cadre de la simplicité des disciples de Jésus. Ils
prennent la plume soit à des fins apologétiques, soit pédagogiques, et ce
faisant ils dénaturent le message par leurs propres paradigmes mentaux,
particulièrement en introduisant des concepts platoniciens. Le fait même de
partager ou défendre l'Évangile les conduit à l'interpréter. Préalablement à

230
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

toute chose cependant, ils s'arrogent le droit d'interprétation des Écritures,


par succession apostolique, et cela nous intéresse car nous décelons dans
cette attitude un sentiment étonnamment précoce d'orthodoxie. Nous allons
voir d'ailleurs que certains n'ont pas reculé devant le remaniement du texte
même pour le conformer à ce qu'ils estimaient être l'orthodoxie.
Pour répondre aux questions qui guidaient notre examen de ces pères
platoniciens, on peut effectivement imaginer qu'en quelques décennies
seulement, le message ait été à ce point dénaturé qu'une altération comme la
suppression du nom divin passe inaperçue. Comme nous venons de le voir,
les mentalités le permettaient. L'usage aussi: la Septante, en présentant des
caractères hébraïques en lieu et place du Nom, interdisait sa prononciation
aux pagano-chrétiens32. Par ailleurs les Pères nous montrent qu'ils
considèrent Christ comme étant Dieu lui-même. Certes, ce n'est pas toujours
évident: parfois, Jésus est appelé « Dieu », non « le Dieu» (c'est-à-dire le
Père) et l'on perçoit une distinction résiduelle. Mais elle est évanescente.
Un autre phénomène qui joua en défaveur du Nom fut le développement
spectaculaire de l'idée selon laquelle le nom du Père était revenu au Fils33.
Cette pensée, extirpée de manière déformée des Écritures (cf. Hé 1:4, 13: 15,
Ep 1:12, Ph 2:11, Ac 4:12)34, fut amplifiée jusqu'à provoquer l'identification
de Jésus à Dieu, ainsi qu'en témoigne Oscar Culmann: «Once he [Jésus]
was given the 'name which is above every name', God's own name ('Lord',
Adonai, Kyrios), then no limitations at all could be set for the transfer of
divine attributes to him35.» De fait, on s'en rend très bien compte dans
divers écrits apocryphes (Evangile de Vérité I, 38.7-40.29, Apocalpyse
d'Abraham X, 3,8.) Ces derniers, en outre, appuient tout autant que les Pères
l'idée paradoxale selon laquelle, bien que Jésus porte le nom de Dieu, ce
Nom est ineffable. Ainsi qu'en témoignent:

. Ascension d'Isaïe 1:7: Gloire au Seigneur dont le Nom n'a pas été
révélé à ce monde ,. gloire au Bien-Aimé de mon Seigneur.
. Ascension d'Isaïe 7: 12 : Et je célévrerai Celui qui n'a pas de nom et le
Tout-Puissant qui habite dans les cieux et dont le nom est un mystère
pour les mortels.
. Ascension d'Isaïe 8:7 : C'est là qu'habitent Celui qui n'est pas nommé,
ainsi que son Élu, dont le nom est inconnu, et que tous les cieux ne
sauraient pénétrer.
. Ascension d'Isaïe 9:5 : Il me dit alors: Celui qui a voulu t'empêcher
réside au-dessus des splendeurs du sixième ciel. Et celui qui a obtenu
pour toi la permission de monter est Dieu, ton Seigneur, le Seigneur
Christ, qui dans le monde doit s'appeler Jésus ,. mais personne ne peut
comprendre ce nom mystérieux: il faut quitter son enveloppe corporelle
et monter jusqu'ici.
. Evangile de Philippe II,54.5-8 : Un seul nom n'est pas prononcé dans le
monde, le Nom que le Père a donné au Fils, le nom qui est au dessus de
tout: le nom du Père.

231
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Il va sans dire que de telles élucubrations gommèrent la séparation entre


Jésus et Dieu, et que, Dieu n'ayant plus que le nom de Jésus, Jésus devint
Dieu. ..

Quelques causes de la divinisation du Christ

Que le processus de la divinisation du Christ provienne de facteurs


historiques, telle est l'une des idées fortes de la religionsgeschichtliche
Schule (école de l'histoire des religions) née en même temps que la méthode
historico-critique vers le début du XIXe siècle. D'après cette école, la
divinisation du Christ provient de facteurs concrets tels que le syncrétisme,
le milieu politico-religieux du monde romain, l'influence des cultes à
mystères, etc. La divinisation de Jésus devient alors un banal fait de
l'histoire et perd tout son « caractère religieux », ou « révélé» 36. À l'opposé
de cette position assez extrême, il y a la tendance à considérer la dévotion à
Christ (et non la 'divinisation' ou 'déification') comme une prolongation,
certes surprenante, nouvelle, et même révolutionnaire, mais fondée, du strict
monothéisme juif, et dont Larry W. Hurtado est le représentant
emblématique37. D'après Hurtado, la présence extrêmement précoce de la
dévotion à Christ, l'émergence de pratiques liturgiques, l'apparition de
signes visuels forts (staurogramme38, nomina sacra), et bien sûr les textes du
NT eux-mêmes et leur « christologie », sont autant d'éléments qui indiquent
l'intégration de la divinité de Jésus au sein du « monothéisme juif» des
premiers chrétiens39. Dans ce qui va suivre, nous évoquerons quelques faits
historiques qui, selon nous, ont grandement participé à l'élévation de la
figure du Christ, tant dans les communautés judéo-chrétiennes que Gentiles.
Il n'est pas question pour nous de suggérer que les textes du Nouveau
Testament n'établissent pas la christologie de base où puisèrent les premiers
chrétiens, et d'ailleurs nous examinerons quelques passages clé, qui méritent
eux-mêmes une remise en contexte. Mais il serait impossible de comprendre
la disparition (ou occultation) du Seigneur « Dieu» au profit du Seigneur
« Jésus », nouveau Dieu, sans évoquer ces faits. Car il est incontestable que
les milieux cultuel, social, philosophique, du monde romain ont conditionné,
à des degrés divers, les disciples de Jésus. Il n'est pas question non plus de
nier la nature divine de Jésus telle que décrite dans les Écritures (Jn 1:1, 18 ;
comparer Ph 2:6 et Hb 5:8), Co 1:15, Hé 1:1-4 ; voir aussi Gn 1:26, Pr 8:22,
Is 9:6), mais plutôt de percevoir son amplification jusqu'à l'identification à
Dieu lui-même40.

232
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Apothéose et culte impérial

On pourrait employer un terme qui existait déjà à l'époque qui nous


intéresse: apothéose (gr. cx1To8EOWOLC;
lat. apotheosis, consecratio et relatio
inter divos).

DIVO A VG, « AU DIVIN AUGUSTE »


Temple dédié à Auguste

L'Encyclopédie Universalis définit le terme et la pratique ainsi:

C'est la 'transformation en dieu'. L'apothéose désigne la divinisation des empereurs


romains après leur mort. Cette notion, étrangère en elle-même aux conceptions des
Romains, était cependant connue par des précédents' historiques' (disparition de
Romulus lors d'une séance du Sénat et sa transformation en être divin) et
philosophiques (les stoïciens, les platoniciens et les pythagoriciens affirmaient la
divinisation de certains catégories d'individus; Cicéron, malgré sa répugnance à
mettre un mortel au nombre des dieux immortels, avait placé, dans le De republica,
l'âme des hommes d'État, bienfaiteurs de leur patrie, dans la Voie lactée) ; la notion
pénétra officiellement à Rome dès le début de l'Empire. César fut le premier à
bénéficier de cette divinisation (...). La conduite prudente et ambiguë d'Auguste
(...) laissait pourtant la possibilité d'une divinisation après sa mort, et les Romains
ne manquèrent pas de la lui accorder (...). Pendant le premier siècle, l'apothéose
reste un acte juridique: il suffisait d'un vote du Sénat pour décider de la divinisation
de l'empereur (. . .). Une dernière étape fut franchie par Aurélien, qui fut le premier
empereur à prendre officiellement le nom de dieu, et par Dioclétien, qui se fit adorer
selon la coutume perse (génuflexion, baiser au bas du manteau impérial), point
culminant et ultime de la religion impériale.41

Tout comme les Grecs, les Romains étaient habitués à honorer toutes
sortes de divinités. Mais un fait nouveau apparut vers 27 av.n.è. : en
accédant au pouvoir, César Auguste - dont le fameux prédécesseur était un
certain Jules César, qui s'était attribué une ascendance divine - instaura une
ère nouvelle de paix dans le monde romain, et fut acclamé comme
« sauveur» (soter). Or il eut, à l'égard de l'enthousiasme populaire qu'il
suscitait, une attitude ambiguë42.Au sujet du processus de sa divinisation, le
Dictionnaire Daremberg et Salio (1877)43explique: « Quant à la conduite

233
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

que tint Auguste au sujet de l'introduction de son culte dans Rome et dans
l'Italie, les écrivains ne sont pas entièrement d'accord. Dion Cassius prétend
que dans toute l'Italie personne n'osa lui rendre les honneurs divins de son
vivant; mais cette affirmation est démentie par les inscriptions. Elles nous
montrent que, pendant qu'il vivait encore, il avait des prêtres et des temples
à Pise, à Pompéi, à Assise, à Préneste, à Putéoles, et dans d'autres villes
importantes; il faut donc s'en tenir à l'opinion de Suétone qui nous dit que,
tant qu'il vécut, il n'interdit son culte que dans Rome (in urbe quidem
pertinacissime abstinuit hoc honore) ; encore essaya-t-on de bien des
manières de lui faire violence. Il ne put empêcher que dans les chapelles
domestiques ou ne lui élevât des autels où l'on venait attester sa divinité.
(...) Ce n'est qu'après qu'il fut mort à Nola, l'an 767 de Rome (14 après
JC.), qu'on lui accorda les hommages qu'il avait en partie refusés pendant sa
vie. Le cérémonial qu'on imagina à cette occasion servit de précédent et fut
presque toujours employé dans la suite, quand on accorda l'apothéose à
quelqu'un de ses successeurs. C'est au sénat qu'était réservé le droit de
reconnaître et de proclamer le nouveau dieu; il lui revenait d'après la
législation romaine. Cependant, dans la suite, les empereurs l'ont
quelquefois revendiqué pour eux. Après que le sénat eut décerné l'apothéose
à Auguste, son corps fut enfermé dans un cercueil couvert de tapis de
pourpre et porté sur un lit d'ivoire et d'or. Au-dessus du cercueil on avait
placé une image en cire, qui le représentait vivant et revêtu des ornements du
triomphe. »

À GAUCHE: CONSECRA TIO S(ENA TUS) C( ONSUL TO), CONSECRATION - PAR DECRET DU
SENA T. À DROITE: DIVUS AUGUSTUS PATER (DIVIN AUGUSTE PERE)

Parmi les monuments dressés à son honneur après sa mort figurent celui
construit sous Tibère, et inauguré par Caligula, ou encore celui que fit
construire son épouse Livie, au Palatin. Des pièces le qualifiant de « Zeus
incarné », ou « Fils de Dieu digne d'adoration» furent frappées. Et même un
collège de prêtres (sodales Augustales) ou des jeux (ludi Augustales) furent
institués en son honneur. Sans parler, bien sûr, du mois calendaire qui prit
son nom (Augustus). Dès lors, la coutume de diviniser les empereurs
s'instaura, comme en témoigne l'ouvrage Rome et son Empire: «Une
véritable explosion du culte impérial avait suivi la divinisation d'Auguste, en

234
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

14, à Rome et dans tout l'empire, culte qui englobait la famille du prince
(domus divina) et favorisa la transmission héréditaire du pouvoir44.»
Tibère (14-37) instaura le culte divin (honores eoelestes) pour son
prédécesseur. Caligula (37-41) fut adoré de son propre vivant, et se
proclama nouveau dieu (Néos Hélios). Il tenta même d'ériger une statue de
Zeus (à sa ressemblance) dans le temple de Jérusalem, mais son projet
échoua. Sous Claude (41-54) et Néron (54-68), le culte impérial attint des
sommets aussi extravagants que ridicules (bien que le Sénat ne leur accorda
pas la consécration posthume).45 Enfin, Domitien (81-96) décréta qu'il
devait être adoré sous l'expression « Dominus et deus noster », « Notre
Seigneur et Dieu46.» Un autre pas fut franchi par Dioclétien (284-305), qui
institua l'adoratio, rite imposant aux dignitaires romains de s'agenouiller
régulièrement devant l'empereur.

DIVUS AUGUSTUS SC
Divin Auguste, par décret du Sénat

DIVA AUGUSTAFAUSTINA CONSECRATIOSC


Divine [et] Auguste Faustine (c. 140) Consécration, par décret du Sénat

235
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

RECTO: DIVUS ANTONINUS VERSO: CONSECRATIO


Divin Antonin (138-161) Consécration

Ce culte impérial eut des implications non négligeables sur le


christianisme naissant: «pour la conscience chrétienne, explique Marcel
Simon, il était peut-être plus choquant encore que tous les autres cultes dont
l'ensemble constituait le paganisme, puisqu'il abolissait la différence entre le
divin et l'humain, et haussait un homme au rang de dieu. Mais cette
différence, le christianisme lui-même le déclarait abolie en la personne du
Christ, vrai Dieu et vrai homme. À cet égard, et malgré la répudiation
catégorique du culte impérial par les chrétiens, on peut noter au niveau des
idéologies certaines convergences. L'empereur est, comme le Christ, un dieu
incarné. Le souverain (...) sera communément désigné dans la terminologie
officielle, à partir du Ille siècle, et surtout dans le Bas-Empire, comme
Kyrios, Dominus, Seigneur. L'un et l'autre de ces termes connaîtront dans
l'usage chrétien une remarquable fortune. (...) En particulier, Kyrios traduit
dans la Septante le tétragramme hébraïque, le nom divin ineffable Jahvé.
C'est là que l'Église naissante est allée le chercher pour le transposer sur la
personne du Christ. On peut penser néanmoins que l'usage païen du terme de
Kyrios, dans certains cultes orientaux comme le culte impérial, a contribué,
fût-ce pour une part très modeste, à sa fortune chrétienne. Et peut-être, en
popularisant cette idée d'une incarnation divine dans la personne du Prince,
la théologie impériale a-t-elle aidé certains païens à accepter la doctrine de
l'incarnation du Fils de Dieu. Concurrent du christianisme, rejeté avec
horreur par ses fidèles, le culte impérial a pu en même temps, au même titre
que l'idéologie des mystères, lui préparer la voie47. »
Tertullien (c. 160-225)48 nous fournit un témoignage intéressant sur ce
phénomène à son époque: en effet les chrétiens qu'il défend dans son
Apologétique (c.197), ne pouvaient participer au culte impérial49 : « À plus
forte raison ne doit-on pas donner aux empereurs le nom de « dieu» : c'est
une chose qui ne peut pas être, même par la plus honteuse, disons mieux, la
plus pernicieuse des flatteries. (...) Sois donc respectueux envers Dieu, si tu
veux qu'il soit propice à l'empereur. Cesse de reconnaître un autre dieu,
cesse en même temps d'appeler « dieu» celui qui a besoin de Dieu. (...)

236
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

C'est un fâcheux présage que de donner le titre de dieu à César avant son
apothéose. Sache que tu lui veux du mal et que tu lui souhaites du mal, en lui
donnant ce nom, en l'appelant dieu de son vivant, car il ne reçoit ce nom que
quand il est mort. » - Apologétique 34, 3_450

Tantôt Tertullien se moque:

apud uos de humano arbitratu diuinitaas pensitatur


chez vous, c'est le bon plaisir de l'homme qui décide de la divinité
Apologétique 5, 1
(. . .) ipsum louem, quae in manu eius imponitis fulmina timuisse
Jupiter lui-même a craint les foudres que vous lui mettez dans la mains1
Apologétique Il, 6
Tantôt, en des raisonnements fougueux et alambiqués, mais efficaces, il
démasque les dieux romains:

Atquin, ut homines illos fuisse non potestis negare


Mais vous ne sauriez nier que vos dieux aient été des hommes
Apologétique Il, 13

Cette liberté de pensée n'était pas nouvelle, ni propre à Tertullien.


Depuis longtemps on s'était rendu compte, à force d'entendre le récit des
turpitudes olympiennes, que les divinités manifestement avaient une origine
humaine. Au Ille siècle avant notre ère déjà, Évhémère, écrivain grec, avait
composé un roman utopique, Histoire sacrée, prétexte à démontrer
l'humanité des dieux Ouranos, Kronos ou Zeus en affirmant qu'ils n'étaient
ni plus ni moins que des rois de l'Antiquité. La propension à diviniser des
héros, rois ou personnages illustres, n'était donc pas une pratique étrangère.
S'il faut citer des exemples de ce genre de divinisation à l'époque
chrétienne, on peut mentionner:

Paul et Barnabé
Lorsqu'ils se trouvaient à Lystres, Paul et Barnabé furent confrontés à
des habitants qui, après avoir assisté à un miracle, se mirent à croire qu'ils
étaient en fait des dieux:
À la vue de ce que Paul avait fait, la foule éleva la voix, et dit en
langue lycaonienne: Les dieux sous une forme humaine sont
descendus vers nous. Ils appelaient Barnabas Jupiter, et Paul
Mercure, parce que c'était lui qui portait la parole. Le prêtre de
Jupiter, dont le temple était à l'entrée de la ville, amena des
taureaux avec des bandelettes vers les portes, et voulait, de même
que la foule, offrir un sacrifice. - Actes 14: 11-13

237
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Hérode Agrippa
À l'occasion d'une fête en l'honneur de César, alors que, paré de ses
habits royaux, Hérode Aggripa haranguait l'assistance avec verve, la foule
s'écria:

Voix d'un dieu, et non d'un homme! - Actes 12:22

Paul encore
Paul, qui à Lystres, avec son acolyte Barnabas, s'était déjà vu affublé
des honneurs divins, le fut de nouveau à Malte:
Paul ayant ramassé un tas de broussailles et l'ayant mis aufeu, une
vipère en sortit par l'effet de la chaleur et s'attacha à sa main.
Quand les barbares virent l'animal suspendu à sa main, ils se dirent
les uns aux autres: Assurément cet homme est un meurtrier, puisque
la Justice n'a pas voulu le laisser vivre, après qu'il a été sauvé de la
mer. Paul secoua l'animal dans le feu, et ne ressentit aucun mal. Ces
gens s'attendaient à le voir enfler ou tomber mort subitement; mais,
après avoir longtemps attendu, voyant qu'il ne lui arrivait aucun
mal, ils changèrent d'avis et dirent que c'était un dieu. - Actes 28 :3-6

Où l'on voit avec quelle effrayante rapidité il était possible de passer aux
yeux de la plus simple et versatile population du statut de meurtrier à celui
de dieu!

Jésus
Un dernier exemple, bien que disputé52,est contenu en Marc 15:39. Un
centurion romain s'exclame au sujet de Jésus:

Assurément, cet homme était Fils de Dieu.

Une étude effectuée par Tae Hun Kim53 tend à montrer que l'expression
« Fils de Dieu » (en grec uioc; 8EOÛ)fait écho au latin divi filius (litt. du divin
[le] fils), caractéristique du langage du culte impérial (Auguste, Tibère,
Néron, Titus et Domitien ont bénéficié de ce titre)54. Car être fils d'un dieu,
cela revenait à être aussi un être divin55.

238
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Une dissonance religieuse

o crux ave spes unica 156

ALEXAMENOS ADORE SON DIEU - c. 200


Graffiti romain retrouvé sur un mur au Mont Palatin,
par dérision d'un prisonnier chrétien

Quant à ton Dieu, on l'a saisi en personne, on l'a étendu sur la croix, torturé
et jamais ses justiciers n'en ont éprouvé le moindre dommage. - Celse, Discours vrai IV, 104

Car la parole de la croix est folie pour ceux qui périssent,


mais à nous qui obtenons le salut e/le est la puissance de Dieu. - 1Co 1: 18 (Darby)

À l'époque de Jésus, le plus horrible des supplices était la crucifixion, et


la flagellation en était partie intégrante57. Cicéron qualifie ce châtiment de
crudelissimum teterrimumque supplicium58. Flavius Josèphe, de même, la
qualifie « la plus lamentable des morts »59. On ne s'étonnera donc pas de
l'expression proverbiale abi in malam crucem, « va au diable! » : c'est bien
que la crucifixion, indigne du citoyen romain (Cie. ln Ver. 5,66), était tenue
en horreur. Exécutée en public, cette torture provoquait une agonie lente - le
supplicié pouvait survivre plusieurs jours60 - et humiliante, car le condamné
était nu61. Daniel-Rops en retrace quelques détails: « Fixé au bois, le corps
se contractait, dans une tétanisation générale; les plaies s'enflammaient; les
poumons, la tête, le cœur, se congestionnaient et l'angoisse se faisait atroce.

239
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Une soif dévorante brûlait les muqueuses. Le corps entier n'était que
douleur62.» Si nous prenons la peine d'évoquer la Passion du Christ, c'est
qu'elle a un rapport paradoxal avec sa divinisation. Daniel-Rops toujours
nous le fait pressentir: « De cette instrument d'infamie, le christianisme a
fait l'emblème de sa fierté63.»
Mais c'est le professeur Gerd Theissen qui nous en explique la cause,
plus profonde et moins reluisante: « L'élévation de Jésus à un statut divin
servait à la maîtrise cognitive d'une dissonance. (...) Accroître la valeur par
l'imagination est souvent une compensation psychologique pour une
diminution de valeur réelle mais non avouée. (...) La dissonance religieuse
qui devait être surmontée était la contradiction entre les attentes qui s'étaient
portées sur un personnage charismatique enveloppé d'une aura messianique,
et son échec sur la croix64. »
Le récit évangélique ne se lasse pas de nous montrer des disciples ne
comprenant pas les faits et gestes du Maître (c'est même un procédé
littéraire dans le quatrième évangile). Qu'il fût Christ, certes on l'avait
accepté (Mt 16:16). Qu'il dût passer par beaucoup de souffrances, mourir, et
être relevé le troisième jour, en revanche, était déjà plus problématique (Mr
9:31.32 ; Ac 1:6). La tradition juive avait toujours imaginé et ardemment
attendu un Messie guide et guerrier65,amené à régner temporellement:

Ils écoutaient ces choses, et Jésus ajouta une parabole,


parce qu'il était près de Jérusalem, et qu'on croyait qu'à l'instant le
royaume de Dieu allait paraître. - Luc 19: Il

Mais nous, nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël- Luc 24:21

Alors les apôtres réunis lui demandèrent: Seigneur, est-ce en ce temps que
tu rétabliras le royaume d'Israël? -
Actes 1:6

On comprend donc l'immense déception de ceux qui attendaient un


règne messianique temporel, qui n'avaient pas compris que le Messie était
aussi « l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde» (Jean 1:29) de la
prophétie d'Isaïe, agneau destiné à être « mené à la boucherie» (53:7).
Comment les disciples ont-ils surmonté cette déception? G. Theissen nous
donne quelques pistes:
- l'élévation de Jésus comme intensification de la conviction fondamentale
monothéiste: en attribuant le titre de KUpLOÇà Jésus, « l'élévation de Jésus à
un statut qui l'égale à Dieu n'est donc pas présentée comme une mise en
cause du monothéisme, mais comme l'accomplissement de l'attente d'une
foi au Dieu un et unique qui s'impose partout dans le monde66.»
- l'élévation de Jésus comme surenchère sur la concurrence: le monde
païen foisonnait de divinités en tous genres, appelées «seigneurs» et
« maîtres». Aussi «le nouveau Kyrios Jésus devait s'imposer contre les
dieux concurrents et les surpasser. Car en même temps que du monothéisme,

240
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

le christianisme primitif avait hérité de la conscience qu'avait celui-ci de sa


supériorité et de son autocompréhension antisyncrétiste67. »

Et de citer le passage de 1 Corinthiens 8:5,6 :

« Car bien qu'il y ait de prétendus


dieux au ciel ou sur la terre
comme il y a plusieurs dieux et plusieurs kyrioi
il n'y a pour nous
qu'un seul Dieu, le Père et un seul kyrios Jésus-Christ
de qui tout vient par qui tout existe
et vers qui nous allons et par qui nous sommes.

Ce qui frappe ici, c'est que Paul transfère la formule heis theos (c'est-à-dire
un terme clé du monothéisme strict) sur le Christ, et en fait la formule heis
Christos. Le « seul Dieu» devient le « seul Seigneur». Cette translation de
prédicats divins sur Jésus est renforcée par l'expression « tout» qui est
rapportée de la même manière aux deux: à Dieu et au kyrios68. »
- l'élévation de Jésus comme réaction au culte impérial: par la
démonisation de l'empereur et l'élaboration d'une christologie en opposition
aux apothéoses d' alors69.

La confusion créée par l'appellation KUPLOC;70

Nous l'avons déjà évoquée: cette confusion participe clairement à la


divinisation du Christ. Avant les chrétiens déjà, les Juifs avaient attribué aux
titres kyrios (seigneur) ou despotês (maître) une valeur telle qu'ils refusaient
de nommer César ainsi. Flavius Josèphe en témoigne de la sorte:
1T&01lc; yèxp È1T' cxù't'oùc; ~cxo&.vou KCXL ÂU~1lÇ 't'WV OWJ.1&'t'WV
È1TLV01lSEL01lc; È<!>' Ëv 't'oû't'o J.10VOV 01TWc; cxù't'wv KCXLOCXpCXÔE01TO't'1lV
oJ.1oÂOY~OWOLV OÙÔELc; ÈVÉÔWKEV oùôÈ ÈJ.1ÉÂÂ1l0EV EL1TÉiV On imagina
contre eux toutes sortes de tourments et de supplices, dont on
accablait leur corps, à seule fin de leur faire reconnaître César pour
leur maître: mais aucun ne céda ni ne parut sur le point de
prononcer ces mots (...). - GJ IV, 10, 1 (voir aussi VII, 10, 1)
Bien que ce soit le terme despotês plutôt que kyrios qui soit employé ici,
c'est moins son emploi que sa signification qui posait problème: en fait les
Romains attendaient des Juifs une affirmation religieuse, synonyme
d'allégeance. C'est évident dans la mesure où appeler un humain kyrios ne
posait pas de problème dans d'autres contextes (cf. par ex. GJ I, 6, 8 ; XI, 3,
5). De la même manière, les chrétiens refusèrent de reconnaître en des
humains leur « seigneur» ou « maître» car seul Jésus méritait un tel titre (cf.
lCo 8:6, 12:3, Ro 10:9, Ph 2:11). C'est particulièrement évident dans le cas
de Polycarpe :

241
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

KaL Ù1T~V't"aaÙ't"Q b ELp~vapxoc; tHpwÔT)C; KaL b 1Tat~p aÙtOû N LK~'t"T)C;,Qi KaL


IlEtaSÉv't"EC; aù't"ov E1TLt~V Kapoûxav Ë1TELSOV1TapaKaSE( ÔIlEVOL KaL ÂÉyoVtEC;.
TL yàp KaKov EOtLV EL1TELV.KVPlO' Kaî(Jap, KaL E1TLSûoaL KaL 't"à 't"OU't"OLC;
àKôÂouSa Kat ÔLaOW(EoSaL; b ÔÈ 't"à J.1Èv 1TpWta OÙK à1TEKpLva't"O aÙtOLC;,
E1TLIlEVÔV't"WVÔÈ aùtwv Ë<I>T). Où IlÉÂÂW 1TOLEL
V, 0 OUIl~OUÂEUE't"É 1l0L.
L'irénarque Hérode et son père Nicétès vinrent au-devant de lui, et le firent
monter dans leur voiture; assis à côté de lui, ils essayaient de le persuader en
disant: « Quel mal y a-t-il à dire: César est Seigneur, à sacrifier, et tout le
reste, pour sauver sa vie?» Lui, d'abord, ne répondit pas, et, comme ils
insistaient, il dit: « Je ne ferai pas ce que vous me conseillez. » - Le Martyre
de Polycarpe 8:2

Avec le temps, l'appellation «Seigneur» pour Dieu et pour Jésus


produisit la confusion qu'on découvre chez Tertullien:
plus est quod in evangelio totidem invenies : In principio erat sermo
et sermo erat apud deum et deus erat sermo : unus qui erat, et a/ius
penes quem erat. Sed et nomen domini in duobus lego: Dixit
dominus domino meo, Sede ad dexteram meam. Il y a plus; tu vas
en trouver autant dans l'Évangile: «Au commencement était le
Verbe; et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Ici encore,
un Dieu qui était, un autre dans lequel il était. En outre, j'en vois
deux investis du nom de Seigneur: « Le Seigneur a dit à mon
Seigneur: asseyez-vous à ma droite71. »
Ici, après une citation de Jean 1:1 (où par ailleurs le sens du 1TpOC;original est
malmené) Tertullien cite Psaume 110:1. Ce qui compte pour lui, c'est de
montrer que Dieu et Jésus portent le nom de « Seigneur». Mais il ne réussit
sa démonstration que par l'ignorance de l'hébreu sous-jacent, et
particulièrement de l'emploi du nom divin qui aurait dissocié plus clairement
les deux personnages. Charles Guignebert explique: « Quand ils (les
chrétiens) ont eu reconnu le Seigneur dans le Christ Jésus, un pas décisif
s'est trouvé fait vers son inévitable divinisation, et la transcription de la
Septante: Iahvé = Kyrios a favorisé le passage du Christ à Dieu, que, toute
seule, elle était incapable de réaliser. La confusion entre le Seigneur Jésus et
le Seigneur Iahvé se sent déjà chez Pau1.72D'autre part, le Tarsiote est tout à
fait dans le vrai en rapprochant le Dieu (0 SEOC;) et le Seigneur (0 KUpLOC;) des
chrétiens, des dieux (1TOÂÂOL SEOL)et des Seigneurs (1TOÂÂOL KUpLOL) des
religions païennes (lCor. 8,5-6). L'attribution au Christ d'un titre si répandu
et dont la signification courante répondait si bien aux besoins et aux
tendances de la communauté hellénique semble, pour peu qu'on y
réfléchisse, avoir satisfait à une nécessité impérieuse du milieu religieux
d'Antioche 73. »
Quelle était cette nécessité? Toujours la même: expliquer la mort si
troublante du Seigneur, effacer le scandale, l'échec de la croix. Le contexte
le permettait (religions à mystères où une divinité meurt et ressuscite avec
visée sotériologique74), et il était indispensable de transposer une notion

242
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

juive, la messianité, trop étroite, trop ethnique, vers une notion universelle
et plus facilement acceptable, la divinité. D'après Guignebert, et comme
nous venons déjà de le voir, l'attribution du titre kyrios à Jésus, et le
processus de sa divinisation a pour origine « les croyances et les habitudes
de l' Orient75», à savoir:
1- le culte des souverains et spécialement celui de l'Empereur: celui-ci
relève du phénomène d'intensification de la conviction
fondamentale monothéiste mentionné plus haut,
2- le culte des dieux Sôters (l'Artémis éphésienne est Kyria, de même
que la Magna Mater phrygienne, ainsi que Zeus-Sabazios76,
Dionysios, les Baalim syriens, Atargatis, Mardouk, Isis, Hermès-
Thot, Osiris et Sérapis77...): ici nous retrouvons comme prévu la
surenchère par rapport à la concurrence évoquée plus haut.
Non sans quelque ironie, Proudhon avait souligné la nécessité de cette
surenchère: {(Le Nom de Seigneur, donné au Dieu, est propre à tous les
dieux; c'est leur qualificatif commun, chaque cité considérant son Dieu
comme son souverain. BAAL est maître, Moloch, roi, Adonaï seigneur,
comme Dominus, Jupiter est roi, souverain maître, Junon reine, Diane reine,
Astarté ou Vénus, reine78.»

TRIADE DE PALMYRE (c. 50)


De gauche à droite: Aglibol (dieu de la lune), Baalshamîn (dieu de l'orage),
Malakbel (dieu du Soleil)
Le christianisme naît et se développe dans un climat religieux fécond, car les Romains se
passionnent pour les triades importées d'Orient, dont le culte -personnel et exigeant - nourrit
une visée sotériologique inconnuejusqu'alors. Le christianisme, en proposant de même salut
etfélicité à sesfidèles, prendra très tôt des habitudes syncrétiques.

L'historien Ernest-Marie Laperrousaz abonde en ce sens: {(Lorsque les


missionnaires chrétiens, Paul et Jean en particulier, arrivent dans le monde
hellénique païen, le malheureux petit juif, plus ou moins menuisier, qu'était
Jésus de Nazareth, juif crucifié et que l'on dit ressuscité, ne fait pas le poids
face à Artémis, fille de Zeus, déesse à laquelle la ville d'Éphèse voue un

243
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

culte autour duquel s'organise toute la vie religieuse et économique. Pour


s'imposer, la prédication a donc besoin de pouvoir annoncer que Jésus est
Dieu. C'est ici que l'Esprit de vérité - la manifestation de Dieu - vient à la
rescousse des chrétiens pour diviniser le Christ. Ainsi, l'attribution à Jésus
d'une qualité divine qui aurait paru insupportable en milieu judéen - dans le
judaïsme, un homme ne peut pas être Dieu - devient indispensable en milieu
hellénique79.»

L'ambiguïté de certains textes

Il faut tout de même reconnaître que la divinisation du Christ ne répond


pas uniquement à des causes externes. Les textes mêmes du Nouveau
Testament présentent quelques ambiguïtés qui indéniablement ont provoqué,
ou favorisé, ou supporté, le processus en marche. La première constatation
qui s'impose est que ces textes n'ont pas été rédigés en même temps, ni par
les mêmes personnes: ils sont donc le produit de sensibilités différentes.
Cela dit, le Nouveau Testament comporte véritablement des textes
ambigus80.

1 Jean 5:20 : dLôa~Ev ôÈ O't'L ô uLoc; 't'OÛ SEOÛ ~KEL Ka), ÔÉÔWKEV ~~lv
ôLCXVOLavlva YLVWOKWJ.LEV -COV àÀ"SLVOV, Ka), EOJ.LÈVEV -ce.\>àÀ"SLVe.\>, EV -ce.\>
uLe.\>aù-coû '1"ooû XpLO't'e.\>. oU't'OC; EO't'LV ô àÀ"SLVOC; SEOC; Ka), 'W~ aLwvLoc;.
Nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu, et qu'il nous a donné
l'intelligence pour connaître le Véritable; et nous sommes dans le Véritable,
en son Fils Jésus-Christ. C'est lui qui est le Dieu véritable, et la vie
éternelle81.

Tite 2: 13 : TIpOOÔEXO~EVOL -c~v J.LaKapLav EÀTItôa Ka), ETIUpcXVELav -cftc; ÙOçT)C;


-coû J.LEyaÀOuSEOÛ Ka), ow'tfipoc; ~J.LWV'1"ooû XpLO'tOÛ,en attendant la
bienheureuse espérance, et la manifestation de la gloire du grand Dieu et de
notre Sauveur Jésus-Christ

Du point de vue de la grammaire, les deux textes sont ambigus et se


prêtent à une interprétation différente. En 1 Jean 5:20 le terme OU'tOC;n'a pas
nécessairement pour antécédent '1"ooû XpLO-CW 82. Il peut désigner un suj et
plus lointain: Dieu. Les exégètes sont partagés, et ce qui est clair, c'est que
« le problème ne saurait être tranché par la grammaire seule83. » De même
pour Tite 2:13, la syntaxe du KaLreliant deux substantifs fait l'objet de
débats et d'incertitudes, aggravés par la question lancinante de savoir si tel
auteur est toujours consistant dans sa façon d'écrire84. Mais laissons de côté
les débats proprement linguistiques, car le contexte peut nous permettre de
saisir l'essentiel. Si l'on tourne quelques pages, les mêmes rédacteurs, à
savoir Jean et Paul, écrivent plus loin:

244
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Jean 17:3 : Or, la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai
Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.

1 Timothée 2:5.6 : Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre


Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui s'est donné lui-même en
rançon pour tous.

Le propos, dans les deux textes, est exactement inverse, alors que
vocabulaire et contexte sont similaires. Marie-Émile Boismard, qui
décortique la naissance des dogmes dans son ouvrage À l'aube du
christianisme, pense que ces passages sont « les témoins de deux courants
opposés dans l'Église primitive. Selon l'un, Jésus est Dieu. Selon l'autre,
Jésus n'est qu'un homme. Cette constatation nous invite à nous demander si
le Christ fut tenu pour Dieu dès l'aube du christianisme ou si cette
conviction ne serait pas le résultat d'une réflexion christologique dont il
serait possible de reconstituer les différentes étapes. »85 Ces deux courants,
selon lui, pourraient être dus à une ou plusieurs surcharges des textes: c'est-
à-dire que des rédacteurs différents auraient retouché les textes pour les
conformer à leur christologie. Comment concilier, en effet, des passages
aussi différents:

Jésus est Dieu, Jésus est un homme


ou de nature divine

Jean 1:1 Jean 17:3


Au commencement était la Parole, et Or, la vie éternelle, c'est qu'ils te
la Parole était avec Dieu, et la Parole connaissent, toi, le seul vrai Dieu,
était Dieu86. et celui que tu as envoyé, Jésus-
Christ.

Jean 20:28 Jean 20:17


Thomas lui répondit: Mon Seigneur «Jésus lui dit: Ne me touche pas;
et mon Dieu! car je ne suis pas encore monté vers
mon Père. Mais va trouver mes
frères, et dis-leur que je monte vers
mon Père et votre Père, vers mon
Dieu et votre Dieu87.

À la réalité, ces textes ne sont pas inconciliables, et l'hypothèse de la


surcharge n'est pas indispensable. Les premiers chrétiens, remplis d'esprit
saint, comprenaient sans doute déjà clairement la double nature du Christ,
divine (Jean 1:1, 18, Ph 2:688),et humaine (1Co 8:6, Ro 5:15) tout à la fois.
Et même dans le cas d'un passage ambigu comme Jean 1:1, le contexte
immédiat devait interdire des hypothèses audacieuses: le Logos - la Parole
de Dieu - n'était-elle pas auprès de Dieu89? Comment cette Parole serait-elle
Dieu? D'où vient donc ce membre de phrase si étonnant: « et la Parole était
Dieu» ou « et la Parole était dieu» ?

245
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

D'après Boismard, donc, la surcharge - susceptible de répondre à


notre question - se décortique ainsi:
« 1. Au commencement était le Logos et le Logos était auprès de Dieu
[et le Logos était Dieu.
2. Celui-ci était au commencement auprès de Dieu.]
3. Tout est devenu par lui, et sans lui rien n'est devenu.
4. Ce qui est devenu, en lui était vie, et la vie était la lumière des hommes.
5. Et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas saisie.
Les versets 3-5 sont construits sur un rythme binaire: les phrases se
succèdent deux par deux, liées par la conjonction « et ». Le premier verset au
contraire a un rythme ternaire, mais il suffit d'enlever la phrase « et le Logos
était Dieu» pour retrouver le rythme binaire des versets 3-5. Par ailleurs,
cette phrase est enserrée dans une reprise rédactionnelle puisque le verset 2
ne fait que reprendre matériellement les données du verset lab. C'est un
procédé littéraire classique indiquant l'insertion d'un élément étranger dans
un texte plus ancien. Enfin, l'insertion de la phrase en question introduit une
contradiction dans le texte primitif: comment le Logos peut-il être à la fois
distinct de Dieu, puisqu'il était « auprès» de lui, et identique à Dieu? Nous
pensons donc que la phrase « et le Logos était Dieu », puis tout le verset 2,
ont été ajoutés par Jean lIb dans le texte de l'hymne qu'il reprend90. » Ce ne
serait pas un exemple unique de surcharge: il n'est que de rappeler le
Comma Ioanneum (1 Jean 5:7), toujours présent dans le Texte Reçu.
Surcharge ou ambiguïté, Jean 1:1c, 2 n'est pas unique. Nous avons cité plus
haut Tite 2:13 et 1 Tm 2:5-6, apparemment inconciliables également:

Jésus est Dieu, ou de nature divine Jésus est un homme

Tite 2:13 : en attendant la bienheureuse 1 Tm 2:5-6 : Car il y a un seul Dieu, et


espérance, et la manifestation de la gloire du aussi un seul médiateur entre Dieu et les
grand Dieu et de notre Sauveur Jésus -Christ hommes, Jésus-Christ homme (LSG)
(JER, Darby, TOB, NEG)

Pour Boismard cette fois-ci, après analyse, pas de surcharge qui tienne:
les passages « ne peuvent pas être du même auteur 91»; ils représentent deux
courants différents. Mais là encore, l'ambiguïté linguistique n'est pas
déterminante92 : certaines versions ont rendu le passage de Tite 2: 13 ainsi:
« en attendant la bienheureuse espérance, et la manifestation de la gloire du
grand Dieu et de notre Sauveur Jésus -Christ» (LSG). Et de même pour les
versions d'E. Arnaud, J.B. Glaire, H. Oltramare ou A.Chouraqui.

246
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

L'usage des nomina sacra

Abréviation Pour Signification


(nominatif)

ÀNOC av8pw1ToÇ homme


ÀÀÀ âaULÔ David
ec 8EOÇ Dieu
IHl\. lapallÀ Israël
IHl\.M IEpouoaÀ 1l1l Jérusalem
IC 11loouç Jésus
KC KUpLOÇ Seigneur
MHp 1l1l't'llP mère
OYNOC oupavoç ciel
TTHP 1TatllP père
TTNÀ 1TVEUlla esprit
CTC o't'aupoç croix
CHp ~WtllP sauveur
yc ULOÇ fils
XC XPLotOÇ Christ

La présence de ces « noms sacrés» dans les plus anciens manuscrits a


soulevé de nombreuses interrogations, qui ne sont toujours pas pleinement
éclaircies94. Ces noms sacrés consistent en des abréviations (généralement la
première et la dernière lettre d'un mot) de certains termes récurrents,
surmontées d'une barre horizontale. Les nomina sacra apparaissent très tôt
et de façon uniforme: « Le système remarquablement uniforme des nomina
sacra (. ..) suggère qu'à une époque précoce il y avait des copies standard des
Écritures chrétiennes95. » Ce système est le résultat d'un processus éditorial
de la part des Chrétiens, et contraste avec l'habitude judéo-chrétienne
d'opter pour une écriture paléo-hébraïque concernant le tétragramme96. Avec
l'emploi d'un titre, et l'usage du codex, cette pratique caractérise les copies
chrétiennes du NT. D'après C.H. Roberts, le « système était trop complexe
pour qu'un scribe ordinaire puisse opérer sans des règles, ou un exemplaire
faisant autorité», et de suggérer que ses grandes lignes auraient été définies
par l'Église de Jérusalem dès avant 7097. Il est vrai que l'uniformité du
processus suggère un haut degré d'organisation qui n'est pas toujours estimé
à sa juste valeur.

247
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Certains y voient la volonté des scribes chrétiens de « donner une


expression graphique à l'équation théologique déjà présente dans la plus
ancienne prédication apostolique, selon laquelle KÛpLOc;;, le nom du Dieu
d'Israël, était utilisé comme un titre pour Jésus Christ97.» Mais il est tout
aussi raisonnable de penser que ces abréviations, quelle que soit leur origine,
sont non pas le résultat d'une théologie préexistante, mais les témoins d'une
confusion naissante dont nous avons mentionné quelques causes. Il est utile
de préciser le contexte.
Les Gentils, en s'appropriant les Écritures sacrées des Juifs, c'est-à-dire
en adoptant la Septante, furent aussitôt confrontés au fait suivant: à
l'époque, vers 100-175, toutes les copies, réalisées par des Juifs jusqu'alors,
comportaient le tétragramme en écriture paléo-hébraïque au sein du texte
grec. Or, à partir de 175 environ, les manuscrits de la LXX contiennent soit
le tétragramme en ancien hébreu, soit le grec KÛpLOc;; (abrégé ou non). On
pourrait croire que c'est sous l'influence du NT, mais le fait est que nous
n'avons guère de témoins du NT situés dans cette période. Cela d'ailleurs ne
saurait être étonnant: c'est aussi dans cette période que périssent de très
nombreux judéo-chrétiens dans la tourmente de la seconde révolte juive
initiée par Bar Kokhba (en 135)98.Les persécutions romaines emportent elles
aussi leur lot de martyrs: en 177, Marc-Aurèle déclenche la cinquième
grande persécution, et Septime Sévère, en 202, la sixième. Après 175, les
témoins du NT sont plus nombreux, et ce que l'on constate, c'est une très
grande uniformité dans l'emploi des nomina sacra. .. On peut en déduire que
c'est à ce moment là, entre 150 et 200 - à cette période où nous n'avons
guère de témoins manuscrits de ce qui s'est passé, et qui coïncide avec
l'apparition des copistes chrétiens issus de la gentilité - que le tétragramme a
commencé à disparaître, tant des copies de la LXX que des copies judéo-
chrétiennes du NT. En effet, devant leur insuccès auprès de leurs anciens
coreligionnaires, les chrétiens s'étaient tournés vers les nations, et avaient
renoncé à conserver tout élément qui jusqu'alors pouvait faire compromis,
comme l'explique clairement Carston Thiede: «Presque d'un seul coup,
juste au début de la seconde phase de transmission, la phase du codex, 'les
noms sacrés' ont été abrégés dans les papyrus chrétiens (...) ce fut aussi la
période où la dissension entre juifs et chrétiens engendrée par le meurtre de
saint Jacques (...) s'aggrava. Ce fut le moment pour les scribes de proclamer
leur foi. Il n'était plus nécessaire de ménager pour des motifs diplomatiques
ou missionnaires les sensibilités juives. Les écrits chrétiens purent
commencer d'affirmer sans équivoque la divinité de Jésus99.»
On en déduit aussi que l'invention du système d'abréviation des « noms
sacrés» tels que 'Dieu', 'Seigneur', 'Jésus', est une imitation de
« l'étrange» pratique juive (et judéo-chrétienne) de conserver de l'hébreu
ancien dans un texte grec. Dans la Septante, la pratique devait être
mystérieuse. Les pagano-chrétiens, qui ne lisaient pas l'hébreu, y virent
vraisemblablement une marque de révérence envers la divinité, dont on ne
pouvait de facto prononcer le nom 100. On inventa donc un système

248
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

passablement étrangelOI lui aussi, et conventionnel, qu'on se mit à appliquer


unilatéralement, aussi bien pour la Septante que pour le Nouveau Testament.
Le système permit de plus la désécularisation du terme kyrios, trop associé
aux empereurs divinisés sur lesquels il fallait, comme nous l'avons vu,
surenchérirlo2.

QUAND ET COMMENT LA DISPARITION DU TETRAGRAMME DANS LE NOUVEAU TESTAMENT


ET DANS LA SEPTANTE A-T-ELLE EU LIEU?

Dans son ouvrage The Lord and Tetragrammaton, Howard MazzaferrolO3représente de


manière visuelle la présence du nom divin dans le Nouveau Testament et la Septante. Entre
les deuxième et troisième siècles, un constat s'impose: nous possédons très peu de témoins
du Nouveau Testament. Plus précisément, nous n'en avons que deux qui datent du lIe s.,
quatre vers 200, un vers les IIe_IIIes. et vingt-huit vers les III-lye S104.Or, jusqu'en 175
environ, les manuscrits de la Septante portent le tétragramme; puis, subitement, après cette
date, ils portent soient le tétragramme, soit kyrios. À ce moment également apparaissent une
abondance de témoins du NT qui accusent une homogénéité laissant supposer un certain
processus éditorial.

Kyrios**

Septante (LXX)
Io YHWH I YHWH & Kyrios I
25 50 75 100 125 150 175 200 225 250 275 300 325

çp52(ca 100-125), qui est détérioré au passage qui confirmerait son emploi
* À l'exception du
ou non des nomina sacralO5, et du çp90 (c.150-17 5), qui contient l'unique abréviation IHC,
sans mention du Nom (fragment de Jn 18:36-19:7)106.

** Les manuscrits faisant allusion au Nom qui entrent dans cette période sont les suivantsl07 :
çp46, sp66
Yers 200 :
-
II III : Çp77,0189
III : çpl, çp4, çp5, çp20, çp23, çp30, çp40, çp45, çp47, çp65, çp70, çp75, çp9I, spI3
-
III IY : çp72, çp78
Yingt en tout. Sur ces vingt, du fait de leur état moins fragmentaire, seuls deux manuscrits
présentent un intérêt réel pour élucider l'emploi du Nom un siècle après les autographes: çp45
et çp46.On y découvre les nomina sacra (voilà pourquoi la présence ou non de ces mêmes
abréviations suscite les passions dans le çp52). Cependant, on est bien loin des 5000
manuscrits (5745 à la date actuelle) censés faire foi, comme le prétend Lynn Lundquist.
Après avoir étudié 237 passages où une référence est faite à Jéhovah dans le NT,
parallèlement au support manuscrit parvenu jusqu'à nous, Mazzaferro conclut: « Qu'est-ce
que tout cela signifie-t-il donc? Cela signifie que nous avons seulement 20 manuscrits
antérieus au Ive siècle, tous de la région d'Égypte. Deux seulement parmi ces 20
manuscrits couvrent la majorité des références [au Nom] et datent entre 80 et 120 ans après
les autographes originaux. Ce sont des témoins inestimables pour notre connaissance du
NT, mais indéniablement non concluants au regard de l'emploi du Tétragramme dans le
NT. Nous n'avons qu'une poignée de manuscrits, un très faible pourcentage des manuscrits,
peut-être des centaines, voire des milliers, qui pouvaient exister à l'époque. Beaucoup d'entre
eux pourraient avoir employé le Tétragramme. »108

249
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Dans notre perspective, la disparition du tétragramme dans le Nouveau Testament prend


donc place entre 150 et 200 de notre ère pour les raisons suivantes:
1. la génération des apôtres s'est éteinte et les autographes ont probablement déjà disparu,
2. les judéo-chrétiens susceptibles de produire des copies munies du tétragramme sont
supplantés (et discrédités) par l'ecclesia ex gentibus, qui emploie un système nouveau: les
nomina sacra (pour « déséculariser» le terme kyrios, et sous l'influence plus ou moins grande
de la pratique juive de maintenir le tétragramme hébreu dans les copies grecques de la LXX),
3. les copistes chrétiens se multiplient, prenant en charge tant la LXX que le NT, et adoptent
une ligne éditoriale assez nette (nomina sacra, codex, staurogramme... Cf. Trobisch, The First
Edition..., Hurtado, The Earliest Christian Artifacts, Comfort, The Quest.. .)109,
4. jusqu'en 200, les copies du NT ne sont pas contrôlées (ou plutôt uniformisées), et sont le
fait essentiel d'amateurs (cf. Vaganay-Amphouxll0, Colwell, Kilpatrick1ll).
Ces affmnations méritent quelques précisions. Pour être valide, la raison 2 présuppose
que seuls les judéo-chrétiens sont ceux qui ont pu transcrire le tétragramme (comme ils le
faisaient déjà, avant leur conversion, quand ils copiaient la Septante) dans le Nouveau
Testament. Ceci semble évident dans la mesure où rien ne permet de discerner chez les
Gentils une affection particulière pour le Nom. Au contraire, comme nous l'avons vu, ils
reprennent à leur compte la superstition visant à ne pas prononcer le Nom, qu'ils enrichissent
de notions philosophiques (absence de Nom) ou non bibliques (le Nom, c'est « Jésus», cf.
Justin Martyr, Dialogue avec Tryphon 75112). C'est encore confmné par le fait que les nomina
sacra semblent être une innovation chrétienne. C'est l'opinion qui semble faire consensus113 ;
cependant elle ne tient pas compte des cas mitigés de manière satisfaisante. En effet, certains
documents a priori juifs contiennent les nomina sacra (cf. chapitre 3) : le P.Oxy656 (c.200)
contient une abréviation de kyrios (KY non surmonté d'une barre horizontale, et suivi d'un
espace d'environ deux lettres), le P.Oxyl075 (KY, surmonté d'une barre horizontale et suivi
d'un espace d'environ une à deux lettres), P.Oxyl007 ~ 0 ec, ec étant surmonté
d'une barre horizontale), le fragment d'Aquila qui contient à la fois le tétragramme (~;f ~ /I)
et un nomen sacrum (KY surmonté d'une barre horizontale).
Ces manuscrits indiquent en fait une phase transitoire entre la pratique judéo-chrétienne
et la pratique chrétienne. Qu'ils soient Juifs (très vraisemblablement) ou chrétiens, importe
peu; ils montrent simplement que les nomina sacra ne surgissent pas ex nihilo (comme on
voudrait parfois le faire penser). Ils sont un reflet de la déférence due au nom kyrios, puisque
celui-ci représentait Jéhovah dans la Septante. Ceci est corroboré par le fait que les scribes
veillaient au contexte: par exemple dans le sp46,1 Corinthiens 8:5-6 se lit comme suitl14:

€ITT€P €ICIN i\.€rOM€NOI e€OI €IT€


€N OYP~NW €IT€ €TTI rHC WCTT€P
€ICIN e€OI TTOi\.i\.OI K~I K yplOI TTOi\.i\.OI
~i\.i\. HMIN €IC ec 0 TTp €~ OY T~ TT[~NT~]

Il est aisé de constater que les prétendus « dieux» et « seigneurs» ne sont pas distingués
par l'abréviation honorifique du nomen sacrum, tandis que le vrai « Dieu» et « Père» est
abrégé (et « désécularisé »). En français, cela pourrait donner:

S'i! est des êtres qui sont appelés 'dieux "


soit dans le ciel, soit sur la terre, comme
il existe réellement plusieurs 'dieux' et plusieurs 'seigneurs',
néanmoins pour nous il n y a qu'un seul DIEU, le PÈRE, de qui viennent toutes choses...

Enfm, concernant la ligne éditoriale évoquée comme notre raison 3, il n'est pas
inintéressant de déterminer la provenance de plus anciens manuscrits en notre possession,
dont le contenu renseigne sur l'emploi du Nom dans les citations de l'AT.

250
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Man uscrits Provenance

~46, ~45, ~47 Fayoum (ou à proximité d'Atfih,


anciennement Aphroditopolis)

~66, ~75, ~72 Jabal Abu Mana

~77, ~l, ~5, ~20, ~23, ~30, ~70, ~13, ~78 Oxyrhynque

SJ54 Coptos
~40 Qarara
~65 Egypte (papyrus acheté au Caire en 1931, sa
localisation avant cet achat n'est pas connue)
0189, ~91 inconnue

À deux exceptions près (et qui ont toutes chances de ne pas en être), tous les manuscrits
proviennent d'Égypte. Ceci s'explique bien sûr par le climat: chaud et sec, notamment à
Oxyrhynque (actuelle Behnesa). Une curiosité apparente - le fait qu'on ait rien retrouvé à
-
Alexandrie s'explique de même par le climat, qui y est plus humide. Du fait de la
persécution de Dioclétien en 303 (HE VIII,2,4), il est aussi probable que de nombreux
manuscrits furent transférés d'Alexandrie vers la zone plus retirée d'Oxyrhynque. Or, ces
témoins égyptiens très anciens qui emploient les nomina sacra soulèvent une question
fondamentale: sont-ils représentatifs des autographes?
On sait qu'Alexandrie était à l'époque un grand centre culturel (la LXX y avait vu le
jour)1l5. C'est là que se trouvaient la fameuse bibliothèque au demi-million de volumes116,le
Musée (une université avant la lettre), le fameux Phare... Quantité de savants y vivaient ou
venaient s'y instruire (Callimaque, Apollonius de Rhodes, Aristarque.. .). C'était un centre de
reproduction des œuvres grecques classiques où l'on comptait de nombreux scribes
professionnels bien entraînés 117,et on y connaissait même la critique textuelle.118Quand la
première persécution frappa Jérusalem (Ac Il: 19), et que les judéo-chrétiens s'enfuirent de la
Ville Sainte, il est vraisemblable que beaucoup trouvèrent également refuge à Alexandrie
(outre Antioche, autre grand centre de l'époque), puisqu'une importante communauté juive y
vivait1l9. Eusèbe nous renseigne même sur une école des « lettres sacrées» (un didascalée)
fondée à Alexandrie, où des érudits professaient avec « éloquence [...] et [...] zèle les choses
divines. » (HE V,lO,l). Il n'est donc pas étonnant qu'Apollos, originaire d'Alexandrie, ait été
« éloquent et versé dans les Écritures» (Ac 17:28). Du fait donc des pratiques scribales
avancées qui avaient court à Alexandrie (mais aussi dans les provinces rurales d'Égypte
comme Fayoum ou OxyrhynqueI20),il ne semble pas étonnant que la famille des textes dits
« alexandrins» soit considérée comme fidèle représentante du texte original du NT121.Cela
fait dire à Philip Comfort: « Opérant comme les plus anciens critiques textuels du Nouveau
Testament, les scribes alexandrins ont sélectionné les meilleurs manuscrits et ont ensuite
produit un texte qui reflétait ce qu'ils considéraient être le texte original. (...) Zuntz avance
également (...) que, vers le milieu du deuxième siècle, l'évêché d'Alexandrie possédait un
scriptorium qui, par son rendement, a fIXéla norme pour le type alexandrin des manuscrits
bibliques. Cette norme pourrait avoir comporté la codification des nomina sacra, l'emploi des
codex, et d'autres procédés littérairesl22.»
Cette norme indique que, même si l'école alexandrine, déjà habituée à la copie
rigoureuse des textes, a su conserver une tradition d'exactitude (dont ont fait grand cas
Westcott et Hort), elle peut l'avoir préalablement standardisé par des éléments comme les
nomina sacra -
ce qui expliquerait que tous les plus anciens manuscrits en notre possession
123
comportent cette particularité.. .chrétienne, et peut-être bien alexandrine!

251
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

La présence des nomina sacra dans ces témoins anciens ne contredit donc pas la thèse du
tétragramme dans les autographes, ni même dans ses premières copies judéo-chrétiennes. Elle
indique seulement que, très tôt, le texte fut pris en charge, formatté, copié, et répandu. C'est
même, en soi, un bon signe au regard de la transmission du Nouveau Testament.

En fait de texte primitif, on est réduit à lire un texte établi


vraisemblablement en Égypte après 200, qui conserve souvent des
leçons plus anciennes, mais çà et là innove (.. .). - Vaganay-Amphoux : 248124.

C'est sans doute à Alexandrie que ce système des nomina sacra vit le
jour: « il est très vraisemblable que l'évangile chrétien a été d'abord amené
à Alexandrie par des Judéo-chrétiens depuis la Palestine. Ceci expliquerait
pourquoi les nomina sacra apparaissent dans pratiquement tous les anciens
papyrus découverts en EgypteI25.» D'après Roberts, ces nomina sacra
appartiennent « à la plus ancienne strate de la foi chrétienne et pourraient
bien être contemporains du premier écrit chrétien autorisé et faisant
autoritéI26.» Autrement dit, la première édition du texte, mais pas
nécessairement les autographes eux-mêmes. Cette uniformité dans l'emploi
du système des nomina sacra suggère fortement que la transmission du texte
du NT n'a pas été aussi libre qu'on le pense habituellement, par des scribes
de fortune plus ou moins isolésl27.
Il faut même aller plus loin, et signaler l'hypothèse de David Trobisch :
« les nomina sacra pourraient résulter de la répugnance juive à traduire le
tétragramme en un équivalent grec quand ils transcrivaient l'Ancien
Testament, et ces scribes de la première heure écrivirent simplement le nom
divin en hébreu dans le manuscrit grec. Les Judéo-chrétiens, cependant,
semblent avoir rendu le tétragramme par KUpLOÇ. Le problème survient quand
les écrivains du Nouveau Testament eurent à distinguer JHWH et Seigneur.
Les scribes pourraient bien avoir à l'origine distingué les deux en écrivant
KUpLOÇ pour JHWH et KC quand il s'agissait de Christ comme Seigneur. À
la longue, cette distinction a été perdue par les scribes, et l'usage des nomina
sacra s'est étendue à tous les nomina divina et autres termes théologiques
sacrés dans le Nouveau Testamentl28. )}
On ne possède pas de trace évidente qui permettrait d'établir avec
certitude de quelle manière était réalisée la distinction (KC pour Jéhovah,
ou pour Jésus; on sait seulement que les copistes étaient sensibles au
contexte). Ce qui est clair, c'est qu'il y avait une distinction et que celle-ci
avait un rapport avec le tétragramme. On le constate dans le Codex
Prophetarum Vaticanus 2125129 daté du VIe siècle qui montre une
réminiscence de la substitution du tétragramme par les nomina sacra: KUpLOÇ

y est abrégé normalement par le nomen sacrum KC, tandis qu'une note en
marge signale qu'il y avait là le tétragramme (retranscrit IIIIII par le scribe
qui, de toute évidence, ne connaissait pas l'hébreu i1,i1\ mais savait l'origine

252
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

hébraïque du Nom). Dans ce même codex paraît en outre le substitut ou la


semi-translitération lAw(Iaô) à deux reprises en marge d'Ézékiell:2 et Il :1.
Quoi qu'il en soit, ce processus des nomina sacra font dire à David
Trobisch: « Tous ces éléments - la notation des nomina sacra, l'usage du
codex, l'arrangement et le nombre uniformes des écrits de la tradition
manuscrite, la formulation des titres, et les éléments indiquant que la
collection était appelée 'Nouveau Testament' depuis le tout début - sont une
indication d'une minutieuse rédaction finale. Ces aspects éditoriaux ne
proviennent pas des auteurs de chaque écrit. Ils servent à combiner des
matériaux disparates en une collection, et créer l'impression d'un ensemble
littéraire unifié pour les lecteurs. De plus, ces éléments sont si
idiosyncrétiques qu'ils ne peuvent être mis sur le compte de plusieurs
éditeurs opérant indépendamment, mais doit être le travail d'une unique
entité éditorialel30.» Ce travail éditorial explique parfaitement la disparition
du nom divin dans le Nouveau Testament, d'autant qu'il coïncide avec les
controverses autour de l'identité et la nature du Christ, et avec la très grande
diversité textuelle de la période 135 - 200 de n.è. (Vaganay-Amphoux : 136,
148, cf. infra).
À l'appui des allégations de Trobisch, on peut citer, par exemple, la
distinction relativement claire qui est faite entre Jésus et Dieu dans la version
syriaque, dite Peshitta. C'est ce qui ressort de l'examen effectué par Alain-
Georges Martin dans son article La traduction de KYPIO£ en syriaquel31. En
préambule il signale: « Dans le grec de la Septante, ce mot (KUpLOÇ) rend
l'hébreu YHWH qui est le tétragramme imprononçable. Dans le Nouveau
Testament, KUpLOÇ est très souvent employé en référence à Jésus-Christ; en
d'autres cas, il garde sa signification première de 'maître' dans le sens
général. Dans d'autres encore, il se réfère au YHWH de l'Ancien
Testament. » Sa démarche procède d'une double préoccupation:
quand Paul employait KUpLOÇ en parlant de Jésus, était-ce une volonté
de l'identifier à YHWH ?
comment les chrétiens syriaques comprenaient-ils (et donc
traduisaient-ils) le terme KUpLOÇ ?
Ce qui apparaît à l'examen, c'est que les versions syriaques du NT ne
traduisentpas toujours KUpLOÇ par le même terme, contrairementà d'autres
langues comme le sahidique ou le bohaïrique. La règle générale est que
morio (prononcé maria en syriaque oriental) désigne spécialement YHWH,
tandis que moran (prononcé maran en syriaque oriental) est employé quand
il s'agit de Jésus. Il y a bien sûr des exceptions. Mais cela indique que les
traducteurs étaient sensibles au contexte, et savaient encore distinguer le

.
Seigneur YHWH du Seigneur Jésus.
« Morio s'emploie: 1) dans les citations de l'Ancien Testament
2) dans les expressions tirées de l'Ancien Testament comme 'ange
du seigneur'... »
Citation biblique (Is 40:3) :

253
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

~U~ crLs-:'CI~
~
Préparez le chemin du Seigneur (~.:a:.~, N"i~i)
Mt 3:3b

Expression biblique:
~ ~U~ 6~ crd ...".sAn<
~-:.An<~~ ~_ ~
Comme il y pensait, voici, un ange du Seigneur
(~.:a:.~ t6t&a, N"O' N~N"O) lui apparut en songe - Mt 1:20a

. « En règle générale, les traductions syriaques de KUpLOC; font la


distinction entre le Dieu de l'Ancien Testament (morio) et Jésus-
Christ (moran), entre le seigneur divin et le maître humain (more).
Cette dernière distinction apparaît encore dans l'Harkléenne alors
que la première y a disparu sous l'influence du grec. »
Avec le sens de 'maître humain' :
_u crd ~
Son maître (--œ, it'O) lui dit:
Mt 25:21a

. « Il n'en reste pas moins que le traducteur et le lecteur syriaques ont,


en face du mot unique KUpLOC; en grec, pris le réflexe de se demander
à qui ils avaient à faire: Jésus-Christ ou le Dieu d'Israël. On
comprend que par la suite, le grec ait facilité une habitude de penser
monophysite, alors que le syriaque doit toujours distinguer entre
Jésus et Dieu. »

L'auteur de cet article, prévenant, rappelle les exceptions, et met en


garde contre le monophysisme et le nestorianisme, et, pour ne pas pousser
trop loin des conclusions qui certes pourraient faire désordre, conclut ainsi:
«ce qui est vrai de le sensibilité culturelle, ne l'est pas de l'affirmation
théologique: si les syriaques font dans leur lecture biblique la distinction
entre Jésus et Dieu, c'est pour le cas échéant, identifier Jésus à ce même
Dieu. C'est ce même et profond paradoxe que l'on retrouve exprimée par
ailleurs dans le paradoxe par excellence qu'est la Trinité. »
Nous ne pouvons que saluer l'article, rondement mené, qui fait trois pas
en avant, et regretter le passage-obligé de la conclusion... qui fait quatre pas
en arrière. Mais le lecteur perspicace aura compris le message, et l'intérêt de
l'analyse historique.

254
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Controverses & Corruptions

Les deux étapes précédentes ont permis de comprendre le contexte: en


changeant de terreau, le christianisme va à la rencontre de la philosophie
grecque qui le dénature profondément et durablement. Dans le nouveau
terreau, Christ est un héros, une divinité, Dieu lui-même. L'amalgame est
très facile: l'ambiance psychologique et philosophique de l'époque, les
pratiques cultuelles, et même l'oppression gouvernementale, concourraient à
la divinisation du Christ. Dès lors que Christ est Dieu, il ne peut être que le
seul Dieu - par contraste à la pléthore des autres prétendues divinités. Tout à
coup, le Dieu de l'Ancien Testament pose un problème, il dérange. Marcion
tranche dans le vif avec remous (<<massacre les Écritures », dit Tertullien).
D'autres hésitent: s'agit-il de la même personne? Comme nous l'évoquions
donc, il y a débat autour de la nature du Christ. Nous pensons que ce débat
est le résultat immédiat du choix de ne pas inclure le nom divin dans les
copies pagano-chrétiennes du Nouveau Testament. Pas seulement parce que
ce débat existe. Mais aussi parce qu'il révèle jusqu'où les débats osaient
aller: jusqu'à la corruption des Écritures. Différents témoignages anciens,
tant des chrétiens que de leurs détracteurs, nous renseignent sur cette
.
corruption:
« La vérité est que tous ces prétendus faits ne sont que des mythes
que vos maîtres et vous-mêmes avez fabriqués, sans parvenir
seulement à donner à vos mensonges une teinte de vraisemblance,
bien qu'il soit de notoriété que plusieurs parmi vous, semblables à
des gens pris de vin qui portent la main sur eux-mêmes, ont remanié
à leur guise, trois ou quatre fois et plus encore, le texte primitif de
l'Église, afin de réfuter ce qu'on vous objecte.» - Discours vrai

. -«contre les chrétiens - Celse


L'hérétique et les Écritures.
(I, 20)132
XVII. [1] Il est certains livres des
Écritures que l'hérésie ne reçoit pas. Ceux qu'elle reçoit, elle ne les
admet pas intégralement, mais elle les accommode à son système par
des additions et des amputations. Même quand elle les garde à peu
près dans leur intégrité, néanmoins elle les fausse en imaginant des
interprétations différentes. » - Liber de praescriptione haereticorum,

. (Livre de la prescription contre les hérétiques), Tertullien.


«Les hérétiques altèrent les Ecritures. XXXVIII. [1] Là où l'on
trouve divergence de doctrine, il faut donc supposer que les
Ecritures et les interprétations ont été falsifiées. (...). [7] L'un a de sa
main falsifié le texte; l'autre le sens, par son mode d'interprétation.
[8] Valentin a beau paraître garder intégralement l'Écriture, il n'est
pas moins perfide que Marcion qui a matériellement attenté à la
vérité. [9] Marcion, en effet, s'est servi ouvertement et publiquement
non de la plume, mais du fer, et il a massacré les Écritures pour les
adapter à son système. » - Tertullien, op.Cit.133

255
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

. « J'ai écrit en effet des lettres que des frères m'ont demandé
d'écrire. Et ces lettres, les apôtres du diable y ont mêlé de l'ivraie (cf
MtI3:25, ndla), retranchant ceci, ajoutant cela; c'est pour eux qu'il
y a la parole: 'Malheur à eux! ' (cf Rv 22:18.19). Il n'est donc pas
étonnant que certains aient entrepris d'altérer même les Écritures du
Seigneur, du moment qu'ils se sont attaqués à celles qui n'étaient
pas de lui. » - Denys, évêque de Corinthe cité par Eusèbe, HE IV,

. 23,12.
«Aujourd'hui, la chose est évidente, il y a beaucoup de diversité
dans les manuscrits, soit par la négligence de certains copistes, soit
par l'audace perverse de quelques-uns à corriger le texte, soit encore
par le fait que ceux qui ajoutent ou retranchent à leur gré, en jouant
le rôle de correcteurs. » - Origène, ln Mt. 15.24, cité par Vaganay-
Amphoux: 144.

Comment démêler le vrai du faux? Qu'est-il véritablement arrivé au


texte durant sa transmission? Si l'on pose la question à la critique textuelle,
on apprend que le texte a été en « liberté surveillée» jusqu'en 313, date à
laquelle sa préservation a commencé à prendre une tournure plus
systématique 134.Professionnels et amateurs (et parmi eux, « hérétiques» ou
« orthodoxes») réalisent des copies plus ou moins fidèles, pour eux-mêmes
(comme les ~18, ~72, et ~93) ou pour leur église135 - copies qui seront-elles-
mêmes reproduites, etc. Cela ne veut pas dire que le texte primitif ne peut
avoir survécu. C'est-à-dire plutôt que l'incroyable diffusion du NT l'a mis
en péril rapidement: il a fallu canoniser de bonne heure, et endiguer les
copies «sauvages». Cela a été le rôle des recensions136 qui ont lieu
précisément à l'époque qui nous intéresse...
Avant d'entrer dans le détail du débat, gardons donc présents à l'esprit

.
les propos suivants:
«à l'exception du ~52, il ne reste aucun fragment du NT daté
d'avant 150. Et les rares citations antérieures à Marcion ne nous le
font guère mieux connaître. Pourtant, dès le milieu du lIe siècle, les
livres du NT sont connus un peu partout. On a commencé à les
traduire, au moins en latin. On les reproduira toujours de plus en
plus, malgré les persécutions. Ce sont des textes vivants et
populaires. On les interprète à qui mieux mieux. Or, d'après les
témoignages que nous conservons, le NT présente, entre 150 et 200,
une diversité textuelle considérable (.. .).» - Vaganay-Amphoux :
. 138
«dans la période qui commence après 135, une multiplicité de
recensions vont se produire, et la diversité textuelle atteint son
. sommet avant 200. » - Vaganay-Amphoux : 146
« Ainsi, entre 150 et 250, le texte des premières recensions se charge
de multiples leçons nouvelles. Négligences accidentelles ou
retouches voulues de la part des copistes, erreurs involontaires ou

256
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

infidélités conscientes des traducteurs, remaniements plus suivis des


réviseurs, sans oublier contamination harmonisante de virulence
variable selon les milieux, tout contribue à diversifier le texte, à lui
donner, si l'on ose dire, un peu de la couleur locale de chaque
pays. » - Vaganay-Amphoux : 155.

Le lecteur commence peut-être à s'inquiéter, et se demande: mais de


quelles corruptions s'agit-il? ont-elles des conséquences probantes? ont-
elles seulement survécu jusque dans nos traductions modernes? La plupart
de ces corruptions ne sont visibles que dans les éditions critiques du texte
grec néotestamentaire: elles échappent donc au grand public. Elles ont
généralement été repérées par les exégètes, et reléguées dans des apparats
critiques. Mais pas toujours: des corruptions anciennes peuvent donc,
aujourd'hui encore, subsister dans de nombreuses bibles. Les traductions
(plus ou moins) modernes, en effet, ne s'appuient pas forcément sur la même
édition du texte grec. Certaines emploient le Texte Reçu, d'autres procèdent
de manière éclectique137en traitant les problèmes au cas par cas, et en
comparant les différents témoins. Parmi les grandes éditions, on compte
celles d'Érasme, Estienne, Elzevier, Nestle-Aland, Souter, Merk,
Tischendorf, von Soden, ou Westcott et Hort. Il en existe ainsi plus de
mille138.Depuis l'apparition de l'imprimerie jusqu'au XIXe siècle, le Texte
Reçu fut le texte grec de base pour toutes les traductions. Sa pauvre qualité
scientifique finit cependant par être mise en évidence, et c'est ainsi que
naquit, peu à peu et dans bien des polémiques, la critique textuelle. C'est
alors que l'on prit conscience des corruptions survenues lors de la
transmission du texte du NT. Parmi celles-ci, nous nous intéresserons aux
variantes qui visent à amplifier le statut de Jésus (ou parfois à l'atténuer), qui
témoignent du sens flou des termes 'Dieu', 'Seigneur' et 'Jésus', qui révèlent
des harmonisations hasardeuses, et enfin qui s'expliqueraient par la
suppression du tétragramme.

257
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

De curieuses variantes
Passage Texte Variantes Nature Discussion139
TOB Les chiffres renvoient
ail nllméro de la
variante
TC 51-52, Metzger,
Matthieu
Mais ce jour et cette heure,
omission -motif théologique The Text: 202
nul ne les connaît, ni les
24:36 anges des cieux, ni le Fils, Ehrman, Orthodox
personne sinon le Père, et lui Corn/ption : 91-92
seul.
oÙÔÈ0 ui.aç
. 6 eEàç uiàç 'rOÛ
Les esprits impurs, quand ils eEOÛ -divinisation (1,2) Ehrman, Orthodox
Marc 3: Il le voyaient, se jetaient à ses
pieds et criaient- «Tu es le
. 6 eEàç
- amplification
(3)
Corn/prion: 85, 159

Fils de Dieu.» .6 XQla'ràç 6 uiàç


o ui.oç tOÛ geou
'rOÛ e EOÛ
Donc le Seigneur Jésus,
. KUQlOÇ 11laoüç
après leur avoir parlé, fut -amplification (1) TC 107
Marc 16: 19 enlevé au ciel et s'assit à la
droite de Dieu.
.
XQLa'ràç
KUQlOÇ
KUpLOÇ 'If\OOÛç .1T)aoüç
. XQLa'ràç 11laoüç

Luc 2: Il
fi vous est né aujourd'hui,
dans la ville de David, un
Sauveur qui est le Christ
. XQLa'ràç 'Illaoüç
-confusion
Seigneur/Jésus (l,
synonyme dans
TC 110
KUQlOÇ
Seigneur
XPUJtOC; KUpLQÇ . XQla'ràç aW-nlQ
l'esprit du scribe 1)
-amplification (2)
. 7tQOÇ 'ràv'Illaoûv

Luc 7:19
les envoya vers le Seigneur
pour lui demander
- Es-tu
<Celuiqui vient>ou devons-
. 7tQOÇ 'rOV KUQlOV -amplification (2) TC 119

nous en attendre un autre? 11laoüv


1Tpàc; tOV KUpLOV

À la vue de Jésus, il se jeta à


ses pieds en poussant des
omission -divinisation: « Que
me veux-tu, Jésus,
Ehrman, Orthodox
Corn/ption : 85
Luc 8:28 cris et dit d'une voix forte- Dieu Très-Haut 1 »
«Que me veux-tu, Jésus, Fils
du Dieu Très-Haut? Je t'en
prie, ne me tourmente pas.»
ui.è
Variante 1 - synonymie
«Retourne dans ta maison et
.KUQLOÇ
Dieu/Seigneur/ Ehrman, Orthodox

Luc 8:39
raconte tout ce que Dieu (1)
a fait pour toi.» Et l'homme
s'en alla, proclamant par
. 'ITJuoüç Jésus 1
- correction, d'après
la compréhension du
Corrnption : 114,
268

toute la ville tout ce que


(2) Jésus avait fait pour lui. .
Variante
'ITJuoûç
2 scribe (en effet, c'est
Jésus qui a guéré le
1-0 geaç
2- 0 'IT\OOÛC;
.e EOÇ démoniaque

Luc 9:20 fi leur dit- «Et vous, qui


dites-vous que je suis?»
.changement de cas - divinisation Ehrman, Orthodox
Corn/ption : 85
Pierre, prenant la parole, (génitif> nominatif)
répondit- «Le Christ de tOV ;(pLOtOVtov geov
Dieu.»
tOV XPLOtOVtoû geou

puisque David lui-même dit « Dieu dit à mon


au livre des Psaumes- Le - divinisation Ehrman, Orthodox
Luc 20:42 Seigneur a dit à mon Dieu» (Diatessaron Corn/prion: 85
Seigneur- Siège à ma droite perse)

.6 f.lOVOYEV~Çuiàç
Jean 1: 18
Aucun homme n'ajamais
Dieu; le dieu uniqlle-
engendré qui est dans le sein
vu
. f.l0VOYE~Ç uioç
-harmonisation? (1)
-motif théologique
(2,3)
TC 169-170
cf infra
eEOÛ
du Père, c'est lui qui l'a
expliqué [TMN]
lJovoyevftç geoç
. 6 f.lOVOYEV~Ç

258
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Quand Jésus apprit que les -confusion

Jean 4: I
Pharisiens avaient entendu
dire qu'il faisait plus de
disciples et en baptisait plus
. KUQlOÇ
Jésus/Seigneur
(synonyme dans
l'esprit du scribe 1)
TC 176

que Jean -atténuation 1


o '}'I)OOUç (Metz2er)
. 6 XQla'[àç

Jean 6:69
Et nous, nous avons cru et
nous avons connu que tu es
.6 XQla'[àç 6 aYLoç - harmonisation
I :49, II :27,
(Jn
TC 184
le Saint de Dieu.»
o liYLO<; 'toû 9EOU .6 X(;,>La'[àç6 uiàç
'[OÛ S EOÛ Mt 16: 16) 1
-amplification (2-5)

.
'[OÛ S EOÛ
6 XQla'[àç 6 uiàç
'rOÛ e EOÛ'[OÛ
Z:Wv'[oç
Jésus répondit - Si je me
-Jésus
volonté de dissocier
de ses
.6 SEàç
Jean 8:54
glorifie moi-même, ma
gloire n'est rien; c'est mon . SEàç Uf-lWv
tlf-lWv détracteurs (le
discours passe du TC 193
Père qui me glorifie, lui dont
vous dites - 'TI est notre . SEàç direct à l'indirect) 1
- volonté d'effacer
Dieu' [JER] « notre Dieu» de la
9EÔÇ 1)1WV bouche de Jésus 1

car le Père lui-même vous .


Jean 16:27 aime parce que vous m'avez
. SEOÛ

-(16:28) TC212
aimé et que vous avez cru
que je suis sorti de Dieu.
['toû) 9EOÛ
. '[OÛ SEOÛ

'[oû na'[Qàç
harmonisation

tétragramme 1
Alors, dans les derniers Ac 2:16-21 est une TC 256-257
Actes

Cf Ac 2:16-
2: 17 jours, dit Dieu, je répandrai
de mon Esprit sur toute
chair.. .
. AÉYEl KUQLOÇ
citation de Joël 2:28-
32 où figure deux
fois le Nom. Le Nom
« K\JQtOç is
ambiguous and may
À-ÉYEL0 9e6ç a pu figurer en Ac mean God or Christ»
21 2:20 ('jour de
- G.D. Kilpatrick140
Jéhovah') et Ac 2:21
('le nom de
Jéhovah'). TI s'agirait
alors d'une
harmonisation, qui
fait écho à Joël 2:27
La parole de Dieu croissait

Actes 6:7
et le nombre des disciples
augmentait . KUQLOU
-confusion
Dieu/Seigneur
(synonyme dans
TC 296
considérablement à
Jérusalem. .. l'esprit du scribe 1)
€)eoû

Actes 7:55
... il vit la gloire de Dieu et
Jésus debout à la droite de
.'IT)aoûv '[àv -amplification TC 310

Dieu KUQLOV
'l'I)OOûv

.
Actes 9:34
Pierre lui dit- <<Enée,Jésus
Christ te guérit. ..
'l'I)OoVç XpLO'tOç
. 'IT)aoûç 6 XQLa'[oç
6 KUQLOÇ'IT)aoûç -amplification (2) TC 323
XQla'[Oç
. 6 XQla'[oç
Si Dieu a fait à ces gens le
Actes Il: 17
même don gracieux qu'à
nous autres pour avoir cru au
. omission
Motif théologiquel41 TC339-340
Seigneur Jésus Christ
o 9EOç
. KUQlOÇ -tétragramme?
Actes 12: Il
... Cette fois, se dit-il, je
comprends- c'est vrai que le .0 e Eàç Le nombre de

Seigneur a envoyé son


ange...
. KUQlOÇ0 SEàç
variantes, la
fluctuation sur la
présence de l'article
[oJ KUPLOÇ (le Nom n'a pas
besoin d'article) et
l'amplification (3)
laissent clairement
supposer la présence
originelle du Nom. 142

259
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

-tétragramme? Le
verset qui précède

Actes 12:24
La parole de Dieu,
cependant, croissait et se
multipliait.
. KVQlOU
immédiatement
contient une
référence au Nom
TC 350

geoû (v.23 'l'ange du


Seigneur' ; idem v.7 ;
et probablement
v.ll). Ce serait donc
une harmonisation.

Actes 13:5
Arrivés à Salamine, ils
annonçaient la parole de
. KVQlOU
-confusion
Dieu/Seigneur : TC 353
Dieu dans les synagogues « christianisation
des Juifs d'une expression
geoû traditionnelle»
(Metzger)

. -confusion entre

Actes 13 :23
C'est de sa descendance que
Dieu, selon sa promesse, a
fait sortir Jésus, le Sauveur
. O'W'IT]Qlav
Eiç O'W'IT]QLav
CpÀ lN et CPIÀN
(Tischendorf)
-motif
TC 359

d'Israël. théologique ?143


owtf)pa 'Illooûv

Le sabbat venu, presque


. TOVAOyoV TOl> -harmonisation?
-tétragramme?
toute la ville s'était Le contexte semble TC 369
Actes 13:44 rassemblée pour écouter la
parole du Seigneur
tOV MSyov tOÛ Kupîou
.
SEOl>
TIauAou noAuv n:
AOyov TtOtTJaat-tÉvou TtfQl
contenir plusieurs
références explicites
au Nom (Ac
,[oû KUQlOU 13:47,49, 50) ; le
cadre est la
synagogue ou sa
proximité.

Actes 13:48
A ces mots, les païens, tout
joyeux, glorifiaient la parole
. TOVAoyov TOl> -harmonisation?
-tétragramme? TC 369-370
SEOl> Cf. v.44
du Seigneur
tOV ÀOYov tOÛ Kupîou .
. TOV KUQlOV

TOV SEOV

tandis que Paul s'adjoignait -harmonisation?

Actes 15 :40
Silas et s'en allait, remis par
les frères à la grâce du
Seigneur.
. S EOl>
(Ac 14:26)
-confusion
SeigneurlDieu
TC 388-389

KUPLOU -tétragramme? t'Ô


X6:p~ tL toû Kupîou
=
:"l':'I',on''

Actes 16:32
Ds annoncèrent alors la
parole du Seigneur, à lui et à
. TOl>S EOl>
tétragramme 7". Si le
nom divin figurait
ici, la fluctuation
tous ceux qui vivaient dans entre Seigneur et TC 398
sa demeure. Dieu est naturelle. La
toû KUPLOU variante est issue de
la traduction de
:"1':"1'

. çT]TEIV TOV KUQlOV


(Dieu / Seigneur)

Actes 17:27
c'était pour qu'ils cherchent
Dieu; peut-être pourraient-ils
le découvrir en tâtonnant
. ,.uxi\LO'Ta çT]TEIV
-confusion
Dieu/Seigneur TC 405

(lltÉiv tOV geov TO BEloV Ècr-rlV - confusion KN et

eN?

Soyez attentifs à vous- -confusion TC 425-426


mêmes, et à tout le troupeau
dont l'Esprit Saint vous a . KVQlOU
Dieu/Seigneur Metzger, The Text of
the New Testament...
Actes 20:28 établis gardiens pour paître . KUQlOUKat SEOl> -motif théolo- pp.234-236
l'Église de Dieu, qu'il s'est
acquise par le sang de son
propre fils. [1ER]
. 'IT]O'Ol> XQlO'TOl>
gique14S Stafford: 135-143
cf infra

tOÛ geoû

260
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

. SEOÛ
Romains
8:35
Qui nous séparera de
l'amour du Christl ...
XpLO-rOÛ
. SEOÛ rriiç ÈV
-harmonisation?
(v.39)
-atténuation? (1) 146
TC 458

XQl<7'[4J 'Ill<70Û -glose explicative (2)

n appartient aux:
éditeurs d'établir la TC 459-462
et les pères, eux: enfin de qui, ponctuation.
selon la chair, esl issll le Pas de variante. Les manuscrits Stafford: 143-152
Romains 9:5 Christ qui est au-dessus de n'étant pas ponctués,
lout, Dieu béni celle-ci relève des E. Abbot, « On the
éternellement. Amen.
Pas de ponctuation. préférences construction of
IClttO:OœplClt,a (ù'V hl théologiques, car le Romans ix. 5 », JBL
1rœVt(ùv 9eèç eùA.oYlltOç recours aux: l, 1881,87-154
manuscrits
'minuscules' et aux:
citations des Pères
n'est pas pertinent.147

-tétragramme?
v.I6 ... Esaie dit en effet- Le v.I6 contient une
Romains
10: 16-17
Seigneur, qui a cru à notre
prédication?
v.I7 Ainsi la foi vient de la
..omission
Verset
S EOÇ
17 citation d'Is 53: 1. Si
le tétragramme y
figurait à l'origine, la
Howard,
JBL96/1:78-79

prédication et la prédication, variante dans le v.I7 TC 463-464


c'est l'annonce de la parole s'explique
du Christ. parfaitement (:n:,. 1
XpLOtoÛ Dieu).

Romains
car le Seigneur a le pouvoir
de le faire tenir
.6 S EOÇ -confusion
Seigneur/Dieu
TC 468

14:4 a ICUpLOÇ -harmonisation?


(v.3)
-tétragramme ?148

v.10...Tous, en effet, nous -tétragramme?

Romains
14: 10-11
comparaîtrons devant le
tribunal de Dieu. geoç v.II
Car il est écrit: Aussi vrai
.
v.l0
XptO'toç
Le verset Il est une
combinaison d'Is
49:18 et 45:23
G.Howard, JBL
96/1 : 79-80

que je vis, dit le Seigneur, -harmonisation (2Co TC 468-469


tout genou fléchira devant 5:1O)?
moi et toute langue rendra -motif théologique149
gloire à Dieu.
. KUQLOU 'Ill<70Û
1
Corinthiens
... afin que l'esprit soit
sauvé au jour du Seigneur. . KUQlOU
-amplification
-harmonisation (1:7) TC485

5:5
ICUp(OU
.
'IllO"oûXQl(J"'[Oü
KUQlOU
it ~Wv'IllO"Oû
. KUQlOU Tff.!wv
'IT}O"OüXQlO",[OÜ
-confusion
...etje crois, moi aussi, Christ/Dieu ou motif TC 490
1 . XQl(J"'[OÜ théologique
avoir l'Esprit de Dieu.
Corinthiens geoû
- confusion ey et
7:40 xy

1
Cependant, la plupart d'entre
eux:ne furent pas agréables à .omission -lemotif théologique:
sujet devient le
Ehrman, Orthodox
Corrnption : 89
Corinthiens Dieu, puisque leurs cadavres Christ (verset 4)
jonchèrent le désert.
10:5 a geOc;

.. .je la vis dans la foi au Fils . -motif théologique1SO TC 524

Galates 2:20 de Dieu qui m'a aimé et . SEOÜ Kat


SEOÛ '[oû uioû
XQlO",[OÛ
Les trois variantes
NET ad loco

s'est livré pour moi.


ui.oû tOÛ 9EOÛ . SEOÜ
impliquent une
christologie
nettement plus
« haute».

261
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Galates 3: 17
Voici donc ma pensée- un
testament en règle a d'abord
. rroû SEOÛ ELÇ -glose explicative TC 525
XQL<YrOV
été établi par Dieu...
t'OÛgeoû

. bLà SEOV

Galates 4:7
Tu n'es donc plus esclave,
mais fils; et, comme fils, tu
es aussi héritier c'est -
.. bLà XQLarrOÛ -gloses explicatives TC526-527

l'oeuvre de Dieu.
ÔLà.geoû . SEOÛ
S EOÛbLà XQLarroû
. SEOÛ bLà l'laoû
XQLarroû
. ~Èv SEOÛ,

m.ïyKÀfJQOVo~oÇ bÈ
XQLarroû
.
car moi, je porte en mon
corps les marques de Jésus. . XQL<YrOÛ
KUQLOUl'laoû -amplification (2-5) TC530
Galates 6: 17 'l'1)ooû . KUQLOU 'IfJaoû
XQLarroû
. iJKUQLOU ~WV

.
'IfJaoû XQLarroû
KUQLOU ~OU 'IfJaoû

XQL<YrOÛ
-harmonisation?
-motif théologique :

...
Car, sachez-Ie bien, le inversion de l'ordre
débauché, l'impur, geo'O Kat. Xpt.O'tO'O (1), supression de 'et
Éphésiens l'accapareur - cet idolâtre - Xpt.O'tO'O 't0'O geo'O de Dieu' (3), TC 539
sont exclus de l'héritage supression de 'Christ
5:5 dans le Royaume du Christ
et de Dieu .
.
XptO'to'O
<3eo'O
(4), compromis? (5)
Dans tous les cas, la
variante témoigne
XpLOt'OÛkcxl 9eoû 'Ot.O'O'tO'O geo'O
d'une réaction du
scribe et de sa
christologie

comblés du fruit de justice


. Kat. 1tat vov
-confusion
Philippiens
qui nous vient par Jésus
Christ, à la gloire et à la
louange de Dieu.
..
XptO'to'O
Kat e1tatvov J.lot.
Dieu/Christ
-motif théologique
(1,4)
TC544
1: Il geo'O Kat e1tatvov
geoO
-mauvais jugement,

..
Ë'II'IXLVOV
eJ.l0'O harmonisation
Kat e1tatvov (2,3)1Sl
a'O'to'O
Kat e1tat vov

car il a été près de mourir


. 'to'O XptO''to'O

..
Philippiens .
pour l' œuvre du Christ K'Opt.O'O -confusion TC547
2:30 XpLOt'OÛ 'tO'O geo'O Christ/Dieu/Seigneur
omission

ils accèdent, en toute sa


. 'to'\>
8em>
-gloses
Colossiens
2:2
richesse, à la plénitude de
l'intelligence, à la
.
.
'to'\> XptO''to'\>
'to'\> 8eo'\>, 0 eO''tt v
explicativeslS2 TC 555
Metzger, The Text of
connaissance du mystère de XptO''toç the New
Dieu- Christ, . 'to'\> 8eo'\> 'to'\>
ev Testament..., pp.236-
t'OÛ geoü, XpLOt'OÛ 238
.
XptO''tO>
'to'\> 8eo'\> 1t<X'tpoç 'to'\>
XptO''to'\>
TU.LIDV1'I11O'O\) XptO''tO\)
. 'to\) 8eo\) 1ta'tp~ èv
XPtO''tq> 1'hlO'O\)
. 'to\) 8eo\) 1ta'tp~ Kat

.
'to\) XptO''tO\)
't0'Û
8eo\) Kat 1ta'tp~

't0'Û XptO''to'Û
.'t0'Û 8eo'Û Kat 1ta'tpoc;
Kat
't0'Û XPtO''to'Û

262
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

-confusion
comme le Seigneur vous .Xpto'toe; Seigneur/ChristlDieu
Colossiens
3:13
a'" pardonné, faites de même,
vous aussi.
KUPLoç
..Beoe;
Beoe;ev XptO'tép
-harmonisation? (Ep
4:32) TC557-558
-motif théologique:
exphciter le sens
-tétra2ramme ?1S3

-harmonisation?
Que la Parole du Christ
habite parmi vous dans toute .. Beo'Û
('parole de Christ' :
expression hapax) TC558
Colossiens sa richesse... K'Opio'O -confusion
XpLOtOÛ ChristlSeigneurlDieu
3:16 a
...chantez à Dieu, dans vos
cœurs, . .. Bec\)
. 'CépK'\>picp -confusion
Dieu/Seigneur TC 558
Colossiens -tétragramme 154
3:16 b
En même temps, priez aussi
pour nous- que Dieu ouvre
une porte à notre prédication
. 8eo'Û
-harmonisation?
-confusion TC 559
Colossiens afin que j'annonce le ChristlDieu
4:3 mystère du Christ, pour -motif théologique?
lequel je suis en prison;
XpLOtoÛ
. KVQlOU -confusion
2 Timothée
2:14
Tout cela, rappelle-le,
attestant devant Dieu qu'il
faut éviter les querelles de
. XQuYrOù
Dieu/Christ/Sei-
gneur
-motif théologique
lSS
TC 579

mots. ..geoû -tétragramme ?lS6


-confusion
Avec elle nous bénissons le SeigneurlDieu

Jacques 3:9
Seigneur et Père.. .
KUPLOV . Beov
-motif théologique
(Seigneur et Père :
expression
TC 611

inhabituelle)
-harmonisation
1 Pierre 3: 15
mais sanctifiez dans vos
cœurs le Christ qui est
.. 'tov Beov
Beov at>'tov
(Seigneur Dieu:
expression courante) TC 621-622
Seigneur.
tOV XPLOtOV . 'tOV Beov TU1&V
-motif
théologique ?157

.'t0'Û Beo'Û Kat


-confusion
Dieu/Jésus/Sei-gneur
XptO'toi> "'11'}00i> 't0'Û

2 Pierre 1:2
par la connaissance de Dieu
et de Jésus, notre Seigneur.
tOÛ geoi) KlXl1t'JooO toO
.
K'\>pio'O t,J.l&v
't0'Û Beo'Û Kat
-amplifications

-motif théologique:
TC 629

Ehrman, Orthodox
KUPLOU fu,16>v "'11'}00'Û Xpto'to'Û 't0'Û « various Corn/ption : 8S

.
K'\>pio'O "J.t&v
't0'Û Beoi> Kat
amplifications
reflecting the piety of
)}
copists. (Metzger)
OcotllpOe; "'11100'Û
XptO'toi> 'Co\) K'Opio'O (7)
- divinisation
.
"J.l&v
'toi> K'Opio'O "J.t&v
"'11'}00i> XptO''to'Û
.
't0'Û Beo'Û"J.l&v
.
't0'Û K'Opio'\>"J.l&v
. omission du K«L

1 Jean 5: 18
Nous savons que quiconque
est né de Dieu ne pèche plus,
. ÉaU1:ÔV -celmotif théologique:
ui qui est
engendré de Dieu est
TC : 650
mais l'Engendré de Dieu le
garde, et le Mauvais n'a pas Christ dans un cas
prise sur lui. (lXùtoV), le croyant
IXvtoV dans l' autre
(tav'[ov)

Je veux vous rappeler, bien


que vous sachiez tout
.Beoe; -tétragramme?
(paraphrase d'Exode)
G.Howard, JBL
96/1 : 81-82
Jude 5 définitivement, que le
Seigneur, après avoir sauvé
son peuple du pays
.
.
"'11'}Oo'Ûe;
Beoc; XptO'toe;
-motif théologique
(2,3)
TC657-658

d'Égypte.. .
KUPLoç

263
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Les variantes peuvent souvent s'expliquer par une erreur due aux
abréviations (nomina sacra). Toutefois, un recours systématique à ce type
d'erreur pour expliquer les variantes est discutable: des motifs théologiques
peuvent tout aussi bien entrer en ligne de compte. Il n'est pas toujours
possible d'établir avec certitude la nature d'une variante, c'est pourquoi nous

.Divinisation:
avons proposé plusieurs facteurs:
tendance à identifier Jésus à Dieu, soit directement
(changement de terme.. .), soit indirectement (omissions. ..).
. Amplification: tendance pieuse à mettre l'accent sur les titres, la nature,
l'importance de Jésus.
. Atténuation: tendance scribale à diminuer la portée christologique d'une
affirmation (souvent tirée de l'Ancien Testament).
. Confusion entre les termes « Christ», « Dieu» et « Seigneur» : ce facteur
implique qu'un scribe soit à l'origine d'une variante parce qu'il tient pour
synonyme des termes qui ne le sont pas (Christos, theos, kyrios).
. Harmonisation: quand un scribe rencontrait une expression curieuse ou
inhabituelle, il pouvait homogénéiser le texte en conséquence. D'où le
principe lectio difficilior, lectio potior. Toutefois, certaines harmonisations

.
peuvent également provenir de visées théologiques.
Glose explicative: la glose permet de clarifier le sens d'un passage jugé
ambigu, ou dont la portée théologique semble trop (ou pas assez)
importante; bien que l'explication soit à l'origine de la variante, elle
entraîne irrémédiablement une interprétation, une prise de position
théologique.
. Tétragramme: le retrait du tétragramme peut avoir entraîné les confusions
que l'on constate dans les variantes, puisque i1,i1"peut être traduit aussi bien
par kyrios que par theos.
. Motif théologique: sous cette appellation, qui regroupe tous les procédés
énumérés précédemment, on peut compter la volonté d'expliciter le sens, de
le préciser, ou de lui faire dire ce que l'on pense qu'il dit.

Conclusion

L'examen de quelques variantes impliquant la désignation de Jésus ou


de Dieu révèle sans doute possible que les scribes pouvaient, à l'occasion,
altérer le texte qu'ils copiaient pour le conformer à leur christologie, ou à
leur bon sens. Ce processus pouvait être intentionnel, ou résulter d'une sorte
de lapsus calami. Tant de variantes sur des termes aussi simples n'est en soi
pas banal, et on peut à juste titre replacer certaines de ces variantes dans le
contexte des controverses christo logiques des premiers siècles.

264
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

L'étude de Bart Ehrman


Bart D. Ehrman est sans conteste celui qui a le plus précisément mis en
valeur cette corruption liée aux controverses christologiques. Son ouvrage
The Orthodox Corruption of Scripture - The Effect of Early Christological
Controversies on the Text of the New Testamentl58 traite exhaustivement du
problème, et va nous servir de base pour quelques exemples évocateurs.159
Non seulement il réfute l'affirmation de Lynn Lundquist selon laquelle les
scribes des premiers siècles n'ont pas connu de polémiques susceptibles
d'interférer avec leur travail (et par le fait, expliquer la disparition du nom
divin dans le Nouveau Testament)160 mais de plus il cite un nombre
considérable de retouches qui ne relèvent parfois pas seulement du détail. Il
décompose les controverses christologiques en quatre sections qui traitent de
quatre hérésies distinctes. Au premier abord, on pourrait croire que ces
controverses sont déclenchées par les différentes hérésies qui surgissent,
conformément aux prédictions des Écritures. La réalité toutefois est
beaucoup plus complexe. La nature de Jésus était ambiguë: à la fois divine
et humaine; et certains textes néotestamentaires, ambigus également.
Plusieurs interprétations naquirent simultanément. Ceux qui s'estimaient
relever de l'orthodoxie161 (en fait, ceux, parmi les nombreux mouvements de
l'époque, dont les écrits nous sont parvenus) réagirent face à ce qu'ils
jugeaient être hérétique. De trois manières principales:
1. soit en vilipendant leurs écrits et leurs représentants,
2. soit en retouchant les Écritures pour les conformer à leur orthodoxie,
3. soit en retouchant les Écritures pour qu'elles ne se prêtent pas à une
interprétation jugée hérétique.
Il faut appeler ce groupe les « proto-orthodoxes », et ce sont eux les
'vainqueurs' dans l'adage: « the winners not only write the history, they
also reproduce the texts. » (Ehrman, Orthodox corruption: 27)

Polémiques anti-adoptianistes et corruption orthodoxe des Écritures

Il y avait deux façons d'appréhender la filiation de Jésus: une filiation


J
directe d'un père à son fils naturel (en cela Jésus n était donc pas seulement
humain, mais aussi divin) et une filiation adoptive, qui réduisait Jésus à un
homme de chair et de sang, spécialement élu, et hors du commun.

La seconde option était jugée hérétique: si Jésus n'était qu'un simple


homme (\(fLÂ.Oc; av8purrroc;),que pouvait-on dire de l'efficacité du salut qu'il
apportait à l'humanité? Cette opinion fut donc combattue, dans le cadre de
la troisième manière évoquée plus haut. Les adoptianistes en effet n'étaient
pas sans base textuelle:
Romains 1:3, 4: et qui concerne son Fils (né de la postérité de David, selon
la chair, et déclaré Fils de Dieu avec puissance, selon l'Esprit de sainteté,
par sa résurrection d'entre les morts), Jésus-Christ notre Seigneur.

265
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Actes 17:31 : parce qu'il a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice,
par l 'homme qu'il a désigné, ce dont il a donné à tous une preuve certaine
en le ressuscitant des morts...

. Le moment du baptême

- Luc 3:22
Kat Kata~flvaL to 1TVEÛJlato aYLOVOWJlatLK4)ÈLÔELwç 1TEpLOtEpcXV È1T'aùtov,
Kat <l>wv~v Èç oùpavoû YEvÉoSaL. où EL 0 utoç JlOU 0 àya1TT)tOç, Èv OOt
EÙÔoKT)Oa.et le Saint-Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle,
comme une colombe. Et une voix fit entendre du ciel ces paroles: Tu es mon
Fils bien-aimé; en toi j'ai mis toute mon affection.

Certains manuscritsl62, dont le célèbre codex Bezae (D) portent: « (...) Tu


es mon Fils, aujourd'hui je t'ai engendré ». Cela n'aurait rien de très
étonnant puisque ce passage peut en fait être une citation de l'Ancien
Testament:

:'9~~1~~ ci~iJ ~~~ i1~~ ~~~ ~/~~ '~N i1~i1,~p~ ~~ i1i~Q~


Je publierai le décret: Jéhovah m'a dit:
Tu es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui. (Crampon) - Psaume 2:7

D'après Ehrman, la lecture la moins attestée par les manuscrits est celle qui
originelle, car elle coïncide avec la scène du baptême de Jésus dépeinte par
Luc, tant dans l'évangile que dans les Actes:

Kat ~JlELÇ ùJlâç EùaYYEÀ-LC oJlESa 't~v 1TpOÇ 't'oùç 1Ta'tÉpaç È1TaYYEÀ-Lav
YEVOJlÉVT)V, O'tL 'tau'tT)v b SEOÇ ÈK1TE1TÀ~pWKEV 'tOLe; 't'ÉKVOLÇ [aùtwv] ~JlLV
àvao't~oaç '1T)OOÛV wç Kat Èv t4) lf1aÀ-Jl4) yÉypa1T'taL t4) ÔEUtÉp<¥. utoç JlOU Er
OU, Èyw O~JlEpOV YEyÉVVT)K&. OE. Et nous, nous vous annonçons cette bonne
nouvelle que la promesse faite à nos pères, Dieu l'a accomplie pour nous
leurs enfants, en ressuscitant Jésus, selon ce qui est écrit dans le Psaume
deuxième: Tu es mon Fils, Je t'ai engendré aujourd'hui. - Actes 13:32.33

Ehrman expose d'autres arguments démontrant que les adoptianistes


n'étaient pas tant sans fondement. Mais quoi qu'il en soit réellement, le
problème est que ce terme «aujourd'hui» est embarrassant. Pourquoi
certains manuscrits l'ont-ils, et d'autres pas? Une harmonisation? Une
lecture primitive? Les copistes ont dû à un moment ou à un autre faire un
choix. Le moins embarrassant du point de vue des anti-adoptianistes a été
retenu, du moins dans l'évangile de Luc. Et seules nos éditions critiques
modernes nous permettent d'appréhender que sous l'omission d'un seul
terme (O~JlEpOV), il y eut débat et controversel63.

266
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

. La conception virginale

Autre point de rupture entre les proto-orthodoxes et les adoptianistes : si


Jésus n'est qu'un homme, on a nul besoin du dogme de sa conception
virginale, qui de surcroît s'attire les railleries mondaines (Discours vrai,
1,7.9). Des textes semblent en apparence aller dans ce sens (Lc 4:22, Mt
13:55, Jn 1:45, 6:42), et l'évangile de Marc, censé être le plus ancien,
n'évoque pas de naissance miraculeusel64. De fait, tous les passages qui
mentionnent Jésus comme « fils de Joseph» ou Marie et Joseph comme les
« parents» de Jésus présentent une multiplicité de variantes visant à atténuer
les ambiguïtés, à gommer l'humanité, réelle ou supposée, de Jésus. Autant
dire que les partisans d'un Jésus divin, voire Dieu lui-même, bondissaient à
la seule contestation de ce qui pourtant était écrit noir sur blanc dans les
écrits sacrés (Mt 1:18, Lc 1:26,28) 165.

Exemples:

Luc 2: 33 : KaL ~v 0 1Ta't'~p aù't'oû KaL ~ ~ ~'t'11P Sau~a' OV't'EÇ È1TL't'oLÇ


ÂaÂou~ÉvOLÇ1TEPLaù't'oû. Son père et sa mère étaient dans
l'admiration des choses qu'on disait de lui.
De nombreux manuscrits ont été retouchés, et portent à la place de
« son père» un plus ambigu « Joseph» : [A] e ['£1]fl3 33 ~ it. La
raison? « In order to safeguard the doctrine of the virgin birth of
Jesus, 0 1Ta't'11Pwas replaced by IW011Q>in a variety of
witnesses (...). » (TC: 111).

Luc 2:41 : aL E1TOpEUOV't'O OL yovâç aù't'oû Ka't" Ë't'oç EtÇ 'IEpouoaÂ~~


't'TIÈop't'TI't'oû 1T&.OXa.- Les parents de Jésus allaient chaque année à
Jérusalem, à la fête de Pâque. 1012 ita,b,l, itC,ff2 remplacent oL yovElç
par IW011Q> KaL 11 MapLa~.

. Fils de Dieu

Marc 1:1
'APX~ 't'oû EùaYYEÂLOU 'I1100Û XpLO't'OÛ [ULOû SEOÛ].
Commencement de l'Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu.

Dans l'apparat critique du GNT, on lit : « l{C} XpLO't'OUULOUSEOUNI B


D L W 2427 ». Ces indications expliquent en fait pourquoi l'expression uLOû
SEOUest entre crochetsl66 : elle ne figure pas dans certains manuscrits comme
le Sinaïticus (NIpremière main), le Vaticanus (B), ni le codex Bezae (D). La
mention {C} indique que le comité éditorial a eu des difficultés à déterminer
quelle variante placer dans le texte. Ni le texte établi par Westcott-Hort ni
celui de Tischendorfn'ont retenu uLOû SEOU.

267
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

~ "lt"ljlf<.'~

~
6

MARC 1:1 DANS LE


On discerne un ajout par un scribe de seconde main: « Fils de Dieu».

L'omission pourrait résulter du passage de IY xy à IY ev. Metzger


explique à ce sujet que la variante pourrait être due à un oubli occasionné par
la ressemblance des terminaisons des nomina sacra. Il nuance: « On the
other hand, however, there was always a temptation (to which copyists
succumbed) to expand titles and quasi-titles of books. Since the combination
of B D W al in support of ULOU SEOU is extremely strong, it was not thought
advisable to omit the words altogether, yet because of the antiquity of the
shorter reading and the possibility of scribal expansion, it was decided to
enclose the words within square brackets. » - TC : 62.
Ehrman démontre qu'il s'agit encore une fois d'une lecture originelle.
Elle apparaît en début d'ouvrage: on ne peut donc pas soupçonner le scribe
d'avoir commis une erreur par fatigue. Dans un processus aussi minutieux et
ardu que la copie, deux mots aussi lourds de sens pouvaient-ils être omis dès
le sixième mot? Un scribe qui retranscrivait l'évangile de Marc avait déjà en
principe recopié celui de Matthieu, et fait une pause entre-temps167,pour se
lancer dans le second évangile avec une vigueur et une attention
renouvelées. Même si plus tard Marc emploie l'expression, il n'indique pas
ce qu'il entend par «fils de Dieu », ni ne précise quand ce statut a été
attribué à Jésus Christ. De la sorte, on ne peut connaître le degré
d'importance de cette expression dans son évangile: en tout cas elle n'est
pas fréquente (3:11, 15:39). Enfin, le témoignage d'Origène montre que
l'ajout n'existait pas à son époque (Contra Celsum II, 13), ou du moins à
l'endroit où il écrivait (Césarée), à moins qu'il ne citât un manuscrit
alexandrin qu'il avait avec lui ou dont il se souvenait. Et de conclure:
« Mark entitled his book 'The beginning of the Gospel of Jesus Christ', and
proceeded to narrate that first significant event of Jesus' life, his baptism and
the accompanying revelatory experience. In order to circumvent an
adoptionistic reading of this inaugurating event, early orthodox Christian
scribes made a slight modification of Mark's opening words, so that now
they affirm Jesus' status as the Son of God prior to his baptism, even prior to

268
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

mention of John the Baptist, his forerunner.» (Ehrman, Orthodox


corruption: 5)

. Dieu

Dernière étape et non des moindres, elle entre dans le cadre de la deuxième
hypothèse (2) évoquée plus haut.

1 Timothée 3:16 : la confusion entre De et ee est bien connue, mais il


faut quant même souligner que les quatre manuscrits onciaux ~ A C D qui
attestent la lecture BEOe;ne le font que dans les corrections. Aussi la
confusion entre le pronom relatif et le nomen sacrum abrégé est-elle plus
difficilement recevable.

Jean 1:18 : eEOV OUÙELe;ÈwpaKEv 1TW1TOtE.J.10VOYEV~e;BEOe; 0 w'v Ele; tOV


KOÀ1TOVtoû 1Tatpoe; ÈKE1.voÇÈ~T)y~oato.

Version Expression centrale

Aucun homme n'a jamais vu Dieu; le dieu-unique


engendré qui est dans le sein du Père, c'est lui qui dieu-unique engendré
l'a expliqué. - TMN

ClCT,I
~CTd~~~ 'PCI.\um..=s~~".s ~~CTd~ ~CTd~~~
-..).~ ClCT,I
....CT,I~ 6~ ....CT,IClk.~
dieu unique-engendré, qu'on peut
- Peshitta translittérer en hébreu ~iT"~~"'n'

Personne ne vit jamais Dieu; le Fils unique, qui est


dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître. - Darby le Fils unique

Deum nemo vidit umquam unigenitus Filius qui


-
est in sinu Patris ipse enarravit. Vulgate unigenitus Filius

Ce verset est singulièrement difficile à démêler et à interpréter168. Dans


ce qui va suivre, nous nous proposons simplement une esquisse des thèses en
présence, en mettant l'accent sur le processus historique qui nous semble
avoir eu lieu.

Que signifie j.JOVOYéV1jÇ ?

Il faut déjà établir le sens du terme J.10VOYEV~Ç.


Ce sens, autant le dire, ne
se résoud pas sur la base de l'étymologieI69. Cela dit, il existe deux options

269
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

linguistiques (et non pas une seule). Si la définition de f.1ovoC;


ne pose pas de
problème (<<seul, unique»), YEVOC; en revanche fait l'objet de toutes les
controverses. Généralement, on lui donne le sens de « genre, race ». Mais
son sens premier est bien « naissance» (Bailly: 396), comme on peut s'y
attendre puisqu'il provient du verbe YLYVOf.1ClL, « devenir; naître» (Bailly:
403-404). Cette fluctuation sur le sens précis à donner au terme YEVOC; est à
l'origine d'une double interprétation de f.10VOYEV~C;:
- unique engendré, qui insiste sur la notion de naissance et d'engendrement,
- seul, unique, qui met en avant la notion de genre, de classe, de dérivation.
La première définition est celle qui a été la plus largement répandue. Elle a
récemment été remise en question, et été rejetée à la quasi
unanimité. (Louw-Nida : « unique in the sense of being the only one of the
same kind or class », Arndt et Gringrich : « someth. that is the only example
of its category », Moulton et Milligan, Vocabulary of the Greek New
Testament, 416-417: « f.10VOYEV~C; is literally 'one of a kind', 'only',
'unique'(unicus) not «only-begotten », which would be f.10VOYEVV~'t"Oç170
(unigenitus)>», même si l'on rencontre parfois encore le sens d'unique-
engendré (TDNT: 737-741, Mounce: 1214, Perschbacher: 279,
Intermediate: 518, Ellul: 154, 178 ; Bailly: 1295, 'engendré seul, unique
enfant').
Dans le Nouveau Testament, seul Luc emploie le terme pour parler
d'enfants uniques à proprement parler (Lc 7:12, 8:42, 9:38), tandis que Paul
(Hé Il: 17) utilise f.10VOYEV~Ç au sujet d'Isaac. Dans ce cas-là, il est plus
difficile de soutenir le sens d'unique-engendré dans la mesure où Abraham a
eu d'autres enfants (Gn 16:15,25:1,2, lCh 1:28,32)171. Dans la littérature
profane (Hésiode, Hérodote, Platon, Eschyle), f.10VOYEV~Ç se réfère toujours à
un enfant unique, c'est-à-dire unique-engendré, n'ayant pas de frère et sœur.
Ce sens est fréquent dans la Septante (cf. Jg Il :34, Tob 3: 15, 8: 15), mais on
rencontre aussi des versets où l'idée de génération semble absente (Ps 22:20,
Ps 25:16, Ps 35:17, lCh 25:2). Jean emploie le terme à cinq reprises,
toujours en parlant de Jésus et de sa relation avec le Père (Jn 1: 14,18, 3: 16,
18, IJn 4:9). Il n'y a donc pas d'exemple où Jean emploirait le terme en
parlant d'une relation humaine entre un père et son fils. D'où l'idée, avancée
par certains172, que le sens de f.10VOYEV~Ç ne peut y être que particulier à Jean
(ce qui est une authentique supposition).
Il faut donc se demander: que voulait dire Jean par f.10VOYEV~Ç ? Que
Jésus était le Fils unique de Dieu? Nous ne le pensons pas pour la simple et
bonne raison que Dieu a d'autres fils que Jésus (Jb 1:6,2:1,38:7). Ce n'est
donc pas la qualité dejils qui distingue Jésus, et ce n'est pas cette qualité que
Jean s'ingénie à mettre en évidence. Le contexte indique plutôt que c'est la
nature divine de Jésus qui préoccupe l'évangéliste (Jn 1:1). Or ce qui rend
Jésus unique, c'est d'être le seul à avoir été engendré de Dieu lui-mêmel73 !

D'autres passages le laissent clairement entendre:

270
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

1 Jean 5: 1 : IIéic; 0 1TLOtEUWV OtL '!1l00ÛC;ÈOtLV 0 XPLOtOC;, ÈK tOÛ


9EOÛYEyÉVVlltaL, Kat1Téic;0 aya1Twv tOV YEVV~OaVta aya1T~ [Kat] 1:0V
YEYEVV1JP/VOV€( aV7:00. Quiconque croit que Jésus est le Christ, est
né de Dieu; et quiconque aime celui qui a engendré, aime aussi celui
qui est engendré de lui. (Darby)

Ici, Jésus est clairement appelé 1:0VYEYEVV1Jj.J/vov, c'est-à-dire 'celui


qui a été engendré' [de Dieu]. Ceci cadre avec le contexte puisque
Jean dit aussi du croyant « qui aime» qu'ils est ÈK toÛ 9EOÛ
YEyÉvVlltaL('né de Dieu'), IJn 4:7. C'est ainsi qu'après avoir
évoqué en quel sens un humain peut être fils de Dieu, Jean évoque
Jésus (lJn 4:9) en tant que tOV uiov aùtoû tOV ~OVOYEvf}, qui plus est
dans un contexte propitiatoire (on attend une gradation). Il est
difficile d'accepter le sens de 'son fils, l'unique' ou 'son fils unique'.
Jésus qui s'est sacrifié n'est pas un fils, ni le Fils, mais le Fils
unique-engendré! C'est ce que confirme la suite de l'exposé:

1 Jean 5:18 : O'(ôa~Ev OtL 1Téic;0 YEYEVVll~Évoc; ÈK tOÛ 9EOÛ OÙX


à~aptcXVEL,aÀÀ' 0 YEvv1J8EtçIK 1:00 8éoO tllpâ aÙtov174 Kat 0
1TOVllP0C;oùx a1TtEtaLaÙtoû. Nous savons que quiconque est né de
Dieu ne pèche plus, mais l'Engendré de Dieu le garde, et le Mauvais
n'a pas prise sur lui. (TaB)
De manière encore plus évidente, ce verset désigne Jésus comme 0
YEvv1l9EtC;ÈKtoû 9EOÛ,« celui qui est engendré de Dieu ».

Une étude minutieuse menée par John Dahms conclut ainsi sur le sens et
l'emploi de de ~OVOYEV~C; : « We have examined all of the evidence which
has come to our attention concerning the meaning of monogenes in
Johannine writings and have found that the majority view of modem
scholarship has very little to support it. On the other hand, the external
evidence, especially that from Philo, Justin and Tertullian, and the internal
evidence from the context of its occurrences, makes clear that 'only
begotten' is the most accurate translation after a11175.» Et de fait, nier
l'idée de génération dans un terme finissant par -YEVllC;
ne cadre pas très bien
avec des mots ainsi formés, tels que ÔLOYEVllC;,YllYEVllC;, EUYEVllC;,OUYYEVllC;,
aLo9pllYEVllC;,1TaÀaLYEVllC;,qui emportent tous l'idée de naissance176. De
manière assez ironique, les trinitaires par excellence qu'étaient les rédacteurs
du symbole de Nicée (qui avaient pesé et soupesé tous les mots et toutes les
formules) rattachaient bien ~OVOYEV~C; à l'idée de génération177 !
Nous entendrons donc dans ce qui va suivre l'expression llovoYEV~C; 9EOc;
par « [un] dieu unique-engendré», en considérant ~OVOYEV~C; comme un
178
adj ectif modifiant 9EOC; .

271
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

MOVOYéVqÇ Béaç ou J.lOVOYéVqÇ vIaç?

Signalons que si altération il y a eu, elle ne résulte que d'une seule lettre
différente: MONOr€NHC ec et MONOr€NHC YC.

1) Critique externe

L'expression ~OVOYEV~e; 8EOe;n'est pas la plus majoritairement attestée,


mais les manuscrits qui en donnent la lecture sont généralement fiables: les
célèbres onciaux NBC, mais aussi et surtout les très anciens papyrus
Bodmer ~66 et ~75. On peut classer les manuscrits en deux branches:
- la majorité des manuscrits, en particulier les plus récents lisent 0 ~OVOYEV~e;
vioe; : A C3 e 1.PfI, 139Jè lat
1
- les manuscrits alexandrins les plus anciens ~75 N 33 ont 0 ~OVOYEV~e;8EOe;,
tandis que ~OVOYEV~e; 8EOe;sans articleI79 se trouve dans: ~66 N * B C* L
Plusieurs grands principes directeurs peuvent s'appliquer ici:
- c'est une leçon difficile (puisqu'elle n'est pas harmonieuse avec ln 3:16,
18, IJn 4 :9),
- la qualité des témoins plus que leur nom semble faire foi,
- le changement de 8EOe;à vioe; s'explique mieux (harmonisation) que
l'inverse (mais c'est discutable I).
Dans cette perspective, la lecture ~OVOYEV~e; 8EOe;fait unanimité car elle
rassemble aussi bien les meilleurs manuscrits (pas forcément les plus
anciens, mais en l'occurrence c'est aussi le cas) et la lecture la plus
inexplicable: en effet, il semble difficile de comprendre pourquoi un scribe
qui aurait trouvé vioe;l'aurait altéré en 8EOe;
tandis que l'inverse, dont l'usage
dans Jean est trois fois attesté, se comprendrait mieux (cela donnerait une
leçon harmonisante).
Nuançons néanmoins cette affirmation: dans le cadre des controverses
sur la nature du Christ comme il y en a eu aux premiers siècles, suite à la
perte du nom divin dans le Nouveau Testament, et dans l'usage courant de
manière générale, il n'est pas si difficile de comprendre pourquoi « Fils»
aurait été remplacé par « Dieu ». Ehrman n'est donc peut-être pas tout à fait
sans fondement pour soutenir que ce passage de Jean 1:18 a subi lui aussi
une altération. Pour cela, il s'appuie sur des probabilités intrinsèques.

2) Critique interne

Jean 3:16 Oüt"we; yèxp ~YcX1TT)OEV0 8EOe; t"ov KOO~OV, WOt"E t"ov viov t"ov
~OVOYEvf} ËÔWKEV Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a
donné son Fils unique.

Jean 3: 18 Ot"L ~ ~ 1TE1TLOt"EVKEVEte; t"o ovo~a t"oû ~OVOYEVOÛe; vioû t"oû


8EOÛparce qu'il n 'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

272
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

1 Jean 4:9 OTt TOV ULOV aÙTOÛ TOV ~OVOYEV~ à~ÉOTaÀKEV


. 0 eEOÇ en ce
que Dieu a envoyé son Fils unique.

Comme nous l'avons déjà remarqué, l'expression ~OVOYEV~Ç uLaç est


caractéristique de l'apôtre Jean, puisqu'on la rencontre à trois reprises sous
son calame... Ensuite, si l'on considère simplement le sens de ~OVOYEV~Ç
eEaç, on en vient à une difficulté embarrassante: si ~OVOYEV~Ç signifie
« unique, seul en son genre », cela voudrait dire que Jésus serait un « dieu
unique}) ou « dieu unique en son genre ». Comment le Fils pourrait-il être
« dieu unique» ou « dieu unique en son genre », lui qui est en-vis-vis du
Père (Jn 1:1)? Ce n'est guère concevable, même d'un point de vue
trinitaire 180.
D'un autre côté, cette difficulté se résoudrait si ~OVOYEV~Ç uLaç était bel
et bien la lecture originale. L'expression signifierait alors « le Fils unique»,
et cadrerait parfaitement avec l'usage johannique du terme ~OVOYEV~Ç de
même qu'avec le terme i'r:T~(DHAB : 157, unique; solitaire, isolé) qui en
est sûrement le substrat. En revanche, si ~OVOYEV~Ç signifie «unique-
engendré» : dieu unique-engendré signifierait que Jésus est un «dieu
engendré », c'est-à-dire une créature issue de Dieu lui-même, seule et unique
à l'avoir été. C'est tout à fait possible (Is 9:6, Jn 1:1 si l'on traduit par
«dieu}) ou «de nature divine », Co 1:15, IJn 5:1 ; cf. Ac 12:32,33), mais
c'est également récusé par tous les exégètes trinitaires, car cela impliquerait
que Jésus soit une divinité subalterne, un être divin, mais pas Dieu lui-même.
L 'hypothèse de la substitution de «Fils» par « Dieu» est également
vraisemblable, car il y a quantité d'exemples qui prouvent la tendance des
copistes à diviniser le Christ.

3) Conclusion

Les arguments avancés par Ehrman pour étayer l'expression originale


~OVOYEV~Ç ULOÇne sont pas décisifs ne serait-ce qu'en considération des
témoins manuscritsl81, mais ils laissent un doute car l'analyse interne
autorise parfaitement cette lecture. Cependant, cette lecture est
problématique dans la mesure où elle fait intervenir des critères subjectifs:
le sens de ~OVOYEV~Ç,
et son sens en contexte.
Le passage de Jean 1:18 n'est donc probablement pas une corruption
orthodoxe des Écritures visant à amplifier le statut de Jésus, mais au moins
révèle l'embarras interprétatif dans lequel sont plongés les tenants d'une
lecture trinitaire de ce verset. Par exemple certaines versions traduisent
~OVOYEV~Ç par « fils unique» ou « Unique », ce qui donne: « Dieu Fils
unique» (TOB, NBS), d'autres par « le Fils unique, qui est Dieu» (BFC) ;
« Dieu (le Fils) unique» (à la Colombe) ; « Dieu le Fils unique» (NEG) ; et
en anglais: « God the One and Only» (NIV) ou pire « The only one, himself
God» (NET). Le moins qu'on puisse dire, c'est que le concept de « Dieu le

273
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Fils}) n'est pas biblique. On ne le rencontre nulle part dans les Écritures, ni
directement, ni par inférence, tandis que le concept de « Fils de Dieu» est
surabondant, simple et intelligible182. De même, le concept de « Unique, qui
est lui-même Dieu}) (BFC, NIV, NET) n'est pas non plus biblique, tandis
que la nature divine de Jésus, le fait qu'il ait été engendré et qu'il soit le Fils
de Dieu, sont des concepts scripturaires surabondants.
D'un autre côté, les versions qui traduisent Jean 1: 1 par « un dieu»
(TMN, Emphatic Diaglott, Oltramare 1879) et Jean 1:18 par « dieu unique-
engendré» (TMN, NASB) ne chargent pas le texte d'interprétations
obscures (cf. TaB, NBS, NEG), mais rendent compte du sens, du contexte,
et de la portée du verset.

1 Jean 3:23 : Kat aü't'T) EO't't.V~ EV't'OÂ~ aù't'oû, ((va 1TLO't'EUOWJ.LEV


't'4) 6VoJ.La't'L
't'oû VLOÛ aù't'oû '!T)OOÛ XpLOtOÛ Kat. àya1TWJ.LEV àÂÂ~ÂovC;, Ka8wc; ËÔWKEV
ÈVtOÂ~V~J.L1v.Et c'est ici son commandement [celui de Dieu] : que nous
croyions au nom de son Fils Jésus-Christ, et que nous nous aimions les uns
les autres, selon le commandement qu'il nous a donné.

Certains manuscrits (A 1846 vgtnSS)omettent tov VLOV,ce qui donne: ((va


1TLOtEUOWJ.LEV 't'4) 6VOJ.La't'L aùtoû '!T)OOÛ XpLOtOÛ Kat. àya1TWJ.LEV àÂÂ~Âovc;, que
nous croyions en son nom, Jésus Christ, et que nous nous aimions ...Ici
l'omission, accidentelle ou voulue, tend bel et bien à faire croire que le nom
de Dieu, c' est Jésus Christ.

Marc 3:11 : où EL0 VLOC;toû 8EOÛ.Tu es le Fils de Dieu.


Le manuscrit MS 69 porte la leçon suivante, beaucoup plus explicite: où EL
o 8EÔÇ0 VLOC;tOÛ 8EOÛ.Tu es Dieu, le Fils de Dieu

Luc 20:42 (citation du Ps 110) : au lieu de « le Seigneur a dit à mon


seigneur», le Diatessaron perse a changé la lecture en « Dieu a dit à mon
Dieu ».

2 Pierre 1:2 : dans le passage « que la grâce et la paix vous soient


multipliées par la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur! », le çp72
omet « et », ce qui donne « par la connaissance de Dieu, Jésus notre
Seigneur. »
D'autres modifications interviennent, visant moins à affirmer la divinité du
Christ qu'à gommer certains aspects dérangeant: ignorance d'une chose,
aspect jugé trop humain...

Matthieu 24:36 : IIEpt ôÈ tf)c; ~J.LÉpac; EKELVT)C;Kat wpac; OÙÔEtC;OLôEV, OùÔÈ


OL aYYEÂOL 't'WV oùpavwv OùÔÈ 0 VLOC;,EL J.L~ 0 1Tat~p J.Lovoc;. Un examen de
quelques versions permet de comprendre le problème en jeu:

274
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

« ni les anges des cieux, mais le Père seul» « ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le
Père seul »
Crampon, Martin, OST, de Genève, Epée, LSG, NEG, PVV, SEM, TOB, JER,
Darby, Maredsous, Sacy Chouraqui, BFC, Liénart, de la liturgie,
Osty &Trinquet

Un grand nombre de manuscrits, notamment L W NI 33 illè vg sy co


Hiermss, omettent l'expression « ni le Fils», tandis que cette leçon se trouve
dans les meilleurs et les plus représentatifs des manuscrits de tradition
alexandrine, césaréenne et occidentale: N*,2 B D e /3 I 2211 it vgmssIrIat
Hi ermss183.

Les tenants de la forme la plus courte (sans « ni le Fils») arguent que Mt


24:36 a été harmonisé sur le passage parallèle de Mc 13:32 (qui lui ne
connaît quasiment pas de variantes dans la tradition manuscrite); cela
démontrerait au passage que les scribes orthodoxes n'étaient pas choqués par
l'expression en question, puisqu'ils l'ont conservée en Marc. Mais celui-ci a
été aussi moins copié, souligne Ehrman, et connaît aussi des variantes. De
plus, comme le souligne Metzger, la structure de la phrase en Mt réclame un
second membre: « the omission of the words because of the doctrinal
difficulty they present is more probable than their addition by assimilation to
Mk 13.32. Furthermore, the presence off.1ovoc;and the cast of the sentence as
a whole (OUÙE OUOE...belong together as a parenthesis, for EL f.1T) 0 1TCl'tT)P
f.10VOc;goes with OUOELc;) suggest the originality of the phrase. » (TC: 52)
Quant à la prétention selon laquelle le passage dérangeait peu, il suffit de
se reporter à l'histoire du Codex Sinaïticus : en effet le scribe d'origine avait
inclus l'expression « ni le Fils ». Puis un premier correcteur l'a effacée. Et
un second correcteur l'a remise !184Ce passage montre en tout cas qu'en
dépit des considérations majeures qui favorisent la lecture la plus longue, un
grand nombre de versions consultées de nos jours suivent encore et toujours
le Texte Reçu: si bien que des dix-neuf versions françaises mentionnées,
près de la moitié (42%) omettent la bonne lecture. On peut objecter que les
versions en question sont anciennes, et ne bénéficient pas des avancées en
critique textuelle réalisées depuis lors: c'est exactement ce dont il faudra
nous souvenir lorsque nous aborderons le concept de restauration. Bien sûr,
il ne faudrait pas croire qu'il y a eu une concertation pour effectuer une
recension anti-adoptianiste du NT : la plupart des scribes se sont contentés
de recopier une altération qu'ils n'avaient eux-mêmes pas produite, et les
débats portaient plus sur l'interprétation que les mots eux-mêmes, car « les
chrétiens, souligne Ehrman, pensaient que les textes attestaient déjà leurs
vues christologiques. » (Ehrman, Orthodox corruption: 98)

275
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Polémiques anti-séparationnistes et corruption orthodoxe des Écritures

Le séparationnisme est une branche du gnosticisme. D'après ses adeptes,


Christ est un des éons du Plérôme, qui est descendu sur Jésus au moment de
son baptême, lui a permis de répandre la gnosis parmi les humains, puis l'a
quitté avant son supplice. Seul un cercle d'initiés est à même de perpétuer
l'enseignement reçu - la gnose - qui dépend tant de la doctrine reçue que de
la mystique faculté d'en percevoir les sens cachés. L'accent est donc
particulièrement mis sur l'interprétation allégorique des Écritures. Pour les
gnostiques, le monde sensible a été créé par une divinité subalterne et
néfaste, le Démiurge, que l'on identifie au Dieu de l'Ancien Testament.

1) En réaction à cette hérésie, les proto-orthodoxes se dirent qu'ils devaient


accentuer le fait que Jésus et Christ étaient bien la même personne.

1 Jean 4:3a : Kat Triiv TrVEÛ~J.(X


0 (.1~ 0(.10ÂOYELtOV '!1100ÛV ÈK tOÛ 8EOÛ OUK
ËOtLV - et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu

Certains manuscrits (vg; Ir1739mg Cl1739mgOr1739mgLet), à la place de (.1~


0(.10ÂOYEL1:'OV'!1100ÛVportent ÂUEL, « divise Jésus» (Vulgate: soIuit Iesum).
°
On connaît bien la visée anti-docétique de la première épître de Jean, dont le
prologue (1: 1-4), insiste lourdement sur la venue réelle et perceptible du
Christ. On comprend donc bien le sens et l'intention d'un tel changement.
Une autre variante implique l'ajout de l'expression EV oapKL EÂl1Âu801:'a,
« venu dans la chair», pour accentuer l'aspect charnel.

Marc 15:34 : Kat 1:'f1Èvat1J wp~ È~Ô110EV 0 '!1100ÛC; <j>Wvf1 J.1EyaÂ1J. EÂWL EÂWL
ÂE(.1a oa~ax8aVL; 0 ÈOtLV J.1E8EPJ..l.l1VEUÔ(.1EVov.8EÔC; J.10U 0 8EÔC; J..I.0U, EtC; t(
°
J.1E; Et à la neuvième heure, Jésus s'écria d'une voix forte: Éloï,
ÈYKatÉÂLTrÉC;
Éloï, lama sabachthani ? ce qui signifie: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi
m'as-tu abandonné?

Le passage se prêtait à l'interprétation selon laquelle Christ s'est séparé


de Jésus au moment de son supplice: l'Évangile de Philippe, qui cite le
passage et l'interprète en ce sens, nous en donne la confirmation. De même,
dans l'Évangile de Pierre, où ce passage est rendu ainsi: «Et le Seigneur
cria, disant: 'Force, ô ma force, tu m'as abandonné !' Ayant parlé, il fut
élevé. »185 Il n'est donc pas étonnant que certains manuscrits (D, itC,(i),(k)
présentent la variante suivante: 8EOC;J.10U 8EOC;J.10UELC; 1:'L WVELùLoac; J..I.E
° °
outragé).

Hébreux 2:9 : tOV ùÈ ~paxu 1:'L Trap' &yyÉÂOUC; ~Âa1:'tWJ.1Évov ~ÂÉTrOJ.1EV


'! 1100ÛV ùLà to Tra811J.1a toû 8ava~ou ÙÔç1J Kat tLJ.1 f1 È01:'E<j>aVWJ.1Évov, OTrWC;

276
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

XapL't'L 8eoû Ù1TÈp1TaV't'Ot;


yeUOll't'aLSava't'ou. Mais celui qui a été abaissé pour
un peu de temps au-dessous des anges, Jésus, nous le voyons couronné de
gloire et d'honneur à cause de la mort qu'il a soufferte, afin que, par la grâce
de Dieu, il souffrît la mort pour tous.

Passage emblématique, Hb 2:9 illustre bien la volonté de certains


copistes de plier les Écritures à leurs préjugés: certains manuscrits (0243
424cvid 1739txt vgms 0121 b 1739), au lieu de XapL Seou, ont XWpLt;Seou,
't'L
c'est-à-dire « sans Dieu». À l'époque d'Origène, cette leçon semble
d'ailleurs maj oritaire 186. Examinant de près des considérations d'ordre
linguistiques 187, stylistiquesl88, et théologiquesl89, Ehrman en vient à la
conclusion que la lecture « sans Dieu» est la plus adéquate, malgré son
apparence énigmatique quand elle est sortie de son contexte. On comprend
fort bien le changement de XWpLt; à xapL't'L : l'expression pouvait choquer,
tandis que XapL't'L fait appel à des notions néotestamentaires par ailleurs
attestées et pleinement intelligibles. La leçon est donc une lectio difficilior.
Difficile s'il en est: comment expliquer que notre plus ancien manuscrit çp46
atteste la « corruption» ? Comment se fait-il aussi que cette corruption se
soit si largement répandue?

2) Une autre solution trouvée par les proto-orthodoxes pour élever la figure
du Christ contre les assertions gnostiques était de l'appeler KUpLOt; plus
souvent que ne le faisaient les textes primitifs du NT.

Galates 6: 17b : Èyw yàp "Cà O"CLYJ.La't'a "COÛ '!1l00Û Èv 't'~ OWJ.La't'L J.Lou
pao't'a(w. car je porte sur mon corps les marques de Jésus. En lieu et place
de Jésus, les manuscrits P 'P 0278 81 365 1175 2464 pc ont « Christ »190,
d'autres « notre Seigneur Jésus» : C3 D2 (1739) 1881 9Jè vgcl sy(P), d'autres
encore « notre Seigneur Jésus Christ» : ~ D* F G it (samSS); Ambst Pel191
Inutile de préciser qu'il y a là une amplification, très caractéristique de la
tendance scribale à hausser la figure du Christ.

277
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Polémiques anti-docétiques et corruption orthodoxe des Écritures

La mort du Christ était si choquante qu'elle suscita les réactions


psychologiques que nous avons mentionnées plus haut. Les courants
docétiques en firent partie: selon eux, Jésus n'était pas vraiment descendu
sur terre dans la chair, mais simplement en apparence (t5oKélv).Car Dieu
peut-il mourir?

Les proto-orthodoxes devaient donc insister sur la double nature du Christ:


son humanité, et sa divinité.

Luc 22:43-44 : [[w~eT} ôÈ aùt<\> aYYEÂoç &if' oùpavoû ÈVLOXUWV aù'tov. aL


YEVOIlEVOÇÈv &YWVL~ ÈK'tEVÉOtEpOV ifpOOT}UXE'to' KaL ÈyÉVE'tO 0 i.ôpwç aù'toû
WOELepOIlPOLciLllatoç Ka'tapaLvov'tEÇEifL't~v yf)v.]] lors un ange lui apparut
du ciel, pour le fortifier. Étant en agonie, il priait plus instamment, et sa
sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre.
Les témoins qui omettent cette portion sont signifiants : ~ 75 NIA B N T
W 579 1071 * 1844pc fSYssa bopt ; Hiernss.
Mais il semble bien que le problème textuel soulevé par ces deux versets
ne puisse être tranché par la voie seule des comparaisons entre manuscrits,
puisque de nombreux autres témoins fiables attestent les deux versets en
question, et parmi ceux-ci : ~66 vid.75A B T W 579. Le sujet est très débattu,
mais il se peut bien d'après Ehrman que ce passage ne soit pas originel pour
les raisons suivantes:
- le récit est théologiquement intrusif dans l'évangile de Luc dans son
ensemble, et littérairement intrusif dans le contexte immédiat (une structure
en chiasme est contrariée par cette péricope) ; il suffit d'ailleurs de tenter la
lecture du passage sans ces deux versets pour en apprécier la continuité,
- dans le portrait de la passion de Jésus selon Luc, à aucun moment Jésus ne
perd son contrôle face à son sort, bien au contraire (Lc 23:34, 43, 24:46).
Comme on peut s'y attendre, ce passage a précisément servi à réfuter les
prétentions selon lesquelles Jésus n'aurait pas eu un vrai corps de chair et de
sang: Justin (Dial. 103), Irénée (Adv. Haer. 111,22,2) et Hippolyte (Adv.
Noetum 18) le connaissent et s'y réfèrent pour soutenir leur thèse.
Ehrman fait la deduction suivante: « the conclusion should now be
clear. We do not need to hypothesize the usefulness of these verses for an
anti-docetic polemic; we know that the verses were put to precisely this use
during the period of our concern. (p.193) De même le comité du NA27 qui,
en mettant la péricope entre double crochets, reconnaît que le passage est
reconnu comme « ne faisant pas partie du texte original. [Ce texte dérive]
d'une époque très primitive de la tradition, et [a] souvent joué un rôle
significatif dans l'histoire de l'Église192. » À ranger dans la même rubrique
que le comma ioanneum.

278
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Actes 20:28193 : il'pOOÉXE't'EÈautoÎ.C; KaL il'aVtL tci) il'OL~VL<¥,ÈV ~ Ù~&C;to


il'VEÙ~a 1:0 aYLOV ëS.E1:0 ÈiI'LOKOil'OUC; il'OL~aLVELV t~V ÈKKÂT)OLaV 1:0Ù SEOÙ, ~V
il'EpLEiI'OL~Oato ÔUX 1:0Ù à£~atoc; 't'OÙ i.ÔLOU

Crampon: Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau sur lequel


l'Esprit-Saint vous a établis évêques, pour paître l'Eglise de Dieu, qu'il s'est
acquise par son propre sang.

Jérusalem: Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l'Esprit


Saint vous a établis gardiens pour paître l'Église de Dieu, qu'il s'est acquise
par le sang de son propre fils.

TOB : Prenez soin de vous-mêmes et de tout le troupeau dont l'Esprit Saint


vous a établis les gardiens, soyez les bergers de l'Eglise de Dieu, qu'il s'est
acquise par son propre sang.

BFC : Veillez sur vous-mêmes et sur tout le troupeau que le Saint-Esprit a


remis à votre garde. Prenez soin de l'Église que Dieu s'est acquise par la
mort de son propre Fils.

Louis Segond : Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur


lequel le Saint -Esprit vous a établis évêques, pour paître l'Église du
Seigneur, qu'il s'est acquise par son propre sang.

En grec l'expression ôux toÙ àL~atOC;1:0ÙtÔLoUsignifie « par le sang de


son propre ». Il semble que le terme ULOUsoit manquant, ce qui donnerait
logiquement: « par le sang de son propre Fils» comme le suggèrent
certaines traductions. En revanche si le terme n'est pas manquant ni suggéré,
il faut comprendre « par le sang de son propre» de la manière suivante:
« par son propre sang ». Autrement dit c'est bel et bien Dieu qui a acquis
l'église de son sang.
Il y a dans ce verset une variante importante autour de l' expression 1:~V
ÈKKÂT)OLaV tOÙ SEOU qui est rendue 1:~V ÈKKÂT)OLaV1:0Ù KUPLOU (l'église du
Seigneur) dans bon nombre de manuscrits : ~74 A C* D E 33 36 453 945
1739 1891 al gig 0 syhmg co; I~at Lcf, ou dans d'autres par « l'église du
Seigneur et Dieu» (conflation) : C3 9:n., tandis que la leçon commune
« église de Dieu» est attestée par NB 614. 1175. 1505. al vg sy borns; Cyr.
À titre d'exemple le texte grec édité par Robert Estienne en 1550 rend le
passage
..
aInSI:
, ,,( ,... , ,,... (,...
il'pOOEXEtE OUV EaUtOLC; KaL il'aV't'L tq> il'OL~VLq>
"1'
,
EV q> u~ac; 1:0
il'VEÙ~a 1:0 aYLOV ëSE1:0 ÈiI'LOKOil'OUC; il'OL~aL VELV 1:~V ÈKKÂT)OLaV 1:0Ù SE OÙ ~V
~oa't'o ôux 1:0Ù i.ÔLOU à£~a1:oc;
il'EpLEiI'OL
La leçon est doublement fautive, et explique certaines traductions
modernes, basée sur le Texte Reçu. Une fois de plus, les nomina sacra sont
sans doute la cause des variantes, car par le jeu de l'abréviation la différence

279
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

ne tient qu'à une seule lettre: ey (de Dieu) et KY (du Seigneur). D'après
Metzger, et pour de bonnes raisonsl94, la lecture préférable est « l'église de
Dieu », et il faut comprendre l'expression «par le sang de Son Propre»
comme rappelant un titre (o LÔLOe;) que les chrétiens de la première heure
avaient pris l'habitude d'attribuer à Jésus (tout comme 0 aya1Tll-COe;,
le Bien-
Aimé). Ce serait consistant de la part de Paul (puisqu'en Ac 20:28 Luc
rapporte ses paroles), car il emploie par exemple en Ro 8:32 l'expression
cruciale -coû lÔLOUULOÛégalement dans un contexte de rachat: oe; YE -coû
lÔLOU ULOÛ OÙK È<pELoa-CO aÀÀà Ù1TÈp ~IlWV 1TcXV-CWV 1TapÉôwKEV aù-cov, 1TWe;
OÙXL KaL oùv aù-cQ -cà 1TcXv-ca ~1lÎ.V XapLoE-caL ; Lui, qui n'a point épargné son
propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il
pas aussi toutes choses avec lui?
En l'espèce, la corruption décelée en Ac 20:28 est assez grave, et a
suffisamment perduré pour qu'on puisse sans difficulté la trouver dans de
nombreuses versions d'usage courantl95. Le lecteur moyen, qui n'a pas
forcément l'apparat critique sous les yeux, se méprend sur le sens, alors que
le traducteur, en consultant n'importe quel manuel sérieux de critique
textuelle, s'aperçoit bien que si « Dieu» est effectivement le terme original,
traduire par « son propre sang» contrevient au sens, au contexte, à la pensée
fondamentale qui est émise dans l'expression « le sang de son propre ».

Polémiques anti-patripassianistes et corruption orthodoxe des Écritures

Pour les patripassianistes, Christ est Dieu le Père, qui est descendu
charnellement sur terre et a vraiment souffert, d'où leur appellation
relativement péjorative. Pour eux les Écritures (hébraïques) sont claires: il
n y a qu'un seul Dieu. Donc si Christ est Dieu, il ne peut être que le seul
Dieu des Écritures.

Monarchianisme ou modalisme désignent indifféremment ce courant,


que l'Encyclopaedia Universalis définit ainsi: « Tendance théologique qui,
venue d'Asie Mineure à Rome, se répandit au iie et au iiie siècle. Pour
maintenir l'unité divine (la monarchie I), elle tend à faire des trois Personnes
divines des manifestations successives ou des modalités (modalisme) du
Dieu unique. On dira par exemple (Noët de Smyrne, Praxéas) que c'est le
Père qui a souffert en Jésus (patripassianisme). Le monarchianisme, qui
représente une réaction conservatrice contre les spéculations théologiques
sur le Logos, fut vigoureusement combattu en Afrique par Tertullien (Contre
Praxéas) et à Rome par Hippolyte (Contre Noët), et il fut condamné par le
pape Calliste 1er.» (Pierre-Thomas Camelot)
C'est en réaction à cette hérésie que des penseurs apologistes chrétiens
vont devoir formuler l'idée orthodoxe de la Trinité (trois personnes en une
seule substance), alors que l'hérésie, elle, parlait d'un seul Dieu en trois
modalités. Rien que de la logomachie, mais elle a eu des conséquences...

280
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Hébreux 1:8 : 1TpOe; ÔÈ TOV uiov. 0 8povoe; oou à 8EOe; ELe; TOV aL<3va TOÛ
aL<3voe;, Kat ~ pcipôoe; Tile; Eù8UTT)TOe;pcipôoe; Tile; paOLÀELae; oou. Mais il a dit
au Fils: Ton trône, ô Dieu, est éternel,. Le sceptre de ton règne est un
sceptre d'équité

C'est une citation du Ps 45:7, d'après la Septante:

11J~:J7~ ~~W 'W'~ ~~W -W~ CJ~;!1 C';:i~~\ ;r~9~


à 8povoe; oou à 8EOe; Ete; TOV at<3va TOÛ aL<3voe;
pcipôoe; Eù8uTT)TOe; ~ pcipôoe; Tile; paOLÀELae; oou (LXX)

Il y a déjà un problème de traductionl96.L'expression 0 8povoe; oou 0


8EOe;est tout entière au nominatif. Si l'on traduit l'expression par «Ton
trône, ô Dieu,...» (LSG, NBS, Darby, OST, NEG, Chouraqui, Martin...) on
prend le nominatif 0 8EOe;pour un vocatif (le vocatif est 8EÉ,cf. Mt 27:46).
Grammaticalement, c'est possible et fréquentl97; ce n'est toutefois pas
obligatoire. On peut tout aussi bien traduire l'expression en conservant sa
valeur nominative: «Dieu est ton trône... » (cf. TOB, JER, TMN, BFC),
c'est-à-dire: « De Dieu vient ton trône »198.A.T. Robertson explique: « It is
not certain whether 0 8EOe;is here the vocative (address with the nominative
form as in Joh 20:28 with the Messiah termed 8EOe;as is possible, Joh 1: 18)
or 0 8EOe;is nominative (subject or predicate) with EOTLV (is) understood:
'God is thy throne' or 'Thy throne is God'. Either makes good sense.»
(RWP)

Pour rendre le sens, les deux traductions suivantes sont donc possibles:

1) Ton trône, ô Dieu, est à tout jamais; c'est un sceptre d'équité que le
sceptre de ta royauté!
2) De Dieu vient ton trône à tout jamais; c'est un sceptre d'équité que le
sceptre de ta royauté!

Dans certains bons manuscrits alexandrins du Ille siècle (~46 N B) le


terme oou, dans l'expression Tile;paOLÀELae; OOU,est remplacé par aUTou.Cette
lecture interdit de voir en à 8EOe;un vocatif (cf. TC : 593) :

1) [nominatif pour vocatif] Ton trône, ô Dieu, est à tout jamais; c'est un
sceptre d'équité que le sceptre de sa royauté! - lecture impossible.
2) [nominatij] De Dieu vient ton trône à tout jamais; c'est un sceptre
d'équité que le sceptre de sa royauté!

Ainsi, le règne n'est plus celui du Christ, mais celui de Dieu. Ce


changement correspond bien à la volonté de distinguer Christ de Dieu lui-
même, de le subordonner à Dieu (Ehrman, Orthodox corruption: 265). Mais

281
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

si au't'ou est la lecture originale, le passage de au't'ou à oou serait née de la


propension, bien plus courante que celle du subornationisme, à diviniser la
figure du Christ. D'ailleurs, le contexte immédiat plaide pour une
christologie initialement basse, puisque le verset 9, citation de Ps 45: 8,
déclare: ôUI 't'oû't'o ËXPLOÉVOE 0 SEOC;0 BéO' oov ËÀaLov ètyaÀÀLœoEwc;...
c'est pourquoi Dieu - ton Dieu - t'a oint d'une huile d'allégresseTA...
Le passage d'Hébreux 1:8,9 est ainsi devenu moins cohérent: avec
autou, 0 SEOC; désignait évidemment Jéhovah Dieu, et le Messie ne faisait que
recevoir la royauté de son Dieu. Mais une fois oou intégré au texte, tout à
coup 0 SEOÇpouvait désigner le Messie, mais créait une difficulté de sens dès
le verset suivant, puisque le Messie est intronisé par son Dieu.
Cela dit, puisque la tradition manuscrite ne permet pas d'établir la
lecture authentique avec certitude (oou est très bien attesté mais peut être
apparu suite à une conformation d'après la LXX, tandis que au't'ou est très
peu mais très bien représenté), Hébreux 1:8,9 peut se comprendre de deux
manières: 1) soit effectivement le Messie est appelé 'Dieu' (nominatif pour
vocatit). Dans ce cas, la Bible le considère comme un être divin, un Dieu,
dont Jéhovah est le Dieu. C'est compatible avec d'autres passages tels que
Ps 82:6 ou Is 9:6 (et maints autres dans le NT ; comparer par ex. Tite 2:13 et
Rm 15:6), 2) soit à aucun moment le passage n'appelle 'Dieu' le Messie, la
visée théologique étant simplement de signifier que c'est Jéhovah qui remet
la royauté à Jésus, et qui est le divin garant de sa pérennité.
En tous cas, l'importance christologique de ce type de versets prouve
que les scribes ne restaient pas de marbre face au texte qu'ils copiaient!

Jean20:28 : èt1TEKp(S" ew~&C; Kat. EL1TEVaùt4). 0 KUpLOC;~ou Kat. 0 SEOC;~ou.


Thomas lui répondit: Mon Seigneur et mon Dieu!

Même si le propos est on ne peut plus clair, les commentateurs, anciens


comme modernes, sont quelque peu embarassés : « unlike the statement of
1:1, where the Word is SEOC; (without the article), here Jesus is expressly
entitled 0 SEOÇ.How can one avoid drawing from this designation the
conclusion that he is the one and only 'God' ? Several scribes of the early
church adroitly handled the matter in what can be construed as an anti-
Patripassianist corruption: the predecessor of codex Bezae and other Gospel
manuscripts simply omitted the article. Jesus is divine, but he is not the one
'God' himself. » (Ehrman, Orthodox corruption: 266)
Les proto-orthodoxes réussirent donc à éviter, dans cette exclamation de
Thomas, l'identification de Jésus au seul vrai Dieu, tout en reconnaissant sa
nature divine comme suggérée en Jn 1:1. Plus simple aurait été de considérer
qu'en fait Thomas confessait son manque de foi, non pas à Jésus, mais à
Dieu lui-même199.

282
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Épilogue

Ce chapitre nous a montré que le message évangélique judéo-chrétien


était trop fragile pour changer de milieu d'origine sans changer radicalement
de nature. L'identité juive dans le monde hellénistique, précédent notable,
montrait que cultiver une appartenance exclusive était non seulement le
meilleur moyen de se faire haïr et persécuter, mais de plus bloquait l'accès à
la conversion des masses. Or le message chrétien avait une vocation
totalement inverse.
Si le peuple d'Israël avait réussi à travers les âges à conserver une
-
identité nationale et cultuelle relativement forte mais on le sait, il s'est
quelque peu acclimaté durant la période intertestamentaire - le christianisme
n'en a pas fait de même: il est passé du peuple le plus simple de Palestine
directement aux calames de notables, d'orateurs, et de philosophes. Le
Nouveau Testament fait allusion aux choix difficiles qui s'imposaient à la
communauté de Jérusalem, et évoque un conseil d'anciens qui statua sur les
pratiques et les croyances fondamentales applicables à chacun. Mais c'était
déjà un pas de trop. Il est ensuite très facile de recourir au « prétexte de la
théologie paulinienne », et considérer que son ouverture totale à la gentilité
est la plus représentative du message primitif. Rien n'est plus délicat.
Certes la communauté de Jérusalem dirigea des efforts vers les autres
capitales du monde, comme Antioche et Alexandrie, avant Paul. Mais les
traces évanescentes de ces missions nous laissent sur un sentiment mitigé, et
un point d'interrogation fondamental: hormis le cas particulier de Paul,
qu'est devenue la foi primitive?
Si l'on pose la question aux apologistes des second et troisième siècles,
la réponse ne fait pas de doute: la foi a perduré, bien sûr, grâce à l'église
universelle, légitimée tant par la succession de ses évêques directement issus
des apôtres, que par la direction du Paraclet - l'esprit saint - à même de
donner l'interprétation fidèle des Écritures. Jésus l'avait promis. Hélas un
examen, même sommaire, de cette réponse se révèle terriblement décevant:
la relève des apôtres n'a pas été à la hauteur. L'Église, en désirant être
catholique, c'est-à-dire universelle, s'est compromise, adaptée, modelée dans
les paradigmes mentaux, d'abord grecs, puis romains, de l' oikouménè. Parmi
l'élite Gentile, certains convertis se sont constitués champions de
l'orthodoxie, c'est-à-dire de la manière biaisée qu'ils avaient de comprendre
le message chrétien. Ils ont attaqué les communautés qui ne comprenaient
pas comme eux le Nouveau Testament (les hérétiques) et ce faisant, en
s'apercevant de certaines ambiguïtés des textes, ils ont dû affermir les
doctrines fondamentales.
Cet affermissement passait par plusieurs étapes qui nous sont clairement
apparues de par le contexte idéologique et social: il fallait en premier lieu se
démarquer du judaïsme, puis plier les Écritures à la compréhension qu'on en
avait, et éventuellement les soustraire à des interprétations erronées.

283
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Dans ce fatras, l'accent s'est porté essentiellement sur la nature de Jésus-


Christ: était-il un homme juif prophète? le Messie? un dieu? Dieu? Pour
les judéo-chrétiens la réponse n'était pas difficile, quoique les avis fussent
partagés20o. Mais pour les païens, accoutumés à vénérer des divinités sans
nombre, initiés récemment à des cultes où Dieu lui-même mourait pour ses
fidèles, il fallait un objet de culte digne de ce nom, infiniment supérieur à
tous ses prétendants, qui puisse, de par son exaltation201, éclipser à la fois sa
mort paradoxale et ignominieuse, mais aussi l'ombre de l'empereur. Bref,
Dieu tout-puissant. Ce Pantokratôr cadrait bien avec ce que Platon avait
enseigné du Dieu suprême202, et c'est celui que l'on adopta. De manière tout
à fait naturelle, on l'appela Kyrios. C'était l'un des titres de Jésus dans le
NT. C'était aussi le terme employé pour substituer, à l'oral, le nom de Dieu
dans la Septante. Sans l'ombre d'un doute, certaines copies judéo-
chrétiennes du NT portaient d'anciennes lettres hébraïques en lieu et place
de ce Kyrios, vieille tradition scribale qu'on observait déjà dans la Septante,
et qui n'avait plus guère de sens. On gomma les différences, tant dans la
Septante, que dans les nouvelles copies du NT. Les nomina sacra jouèrent
d'abord le rôle de repères, puis tout devint très vite confus, au fur et à
mesure des controverses. Et le Nom de Jéhovah disparut bel et bien du
Nouveau Testament, le jour où Jésus devint Dieu.

1 Nous allons simplifier, car, moins loin que l'influence grecque, il y a l'influence rabbinique.
Mais puisque cette dernière tire son origine de la philosophie grecque, nous englobons dans
cette section l'ensemble des deux influences. Cette influence rabbinique pourrait se résumer
par les propos contenus dans le Siracide 43:27 : « 1TOÀ.À.èt ÈpOÛllEVKat OU ll~ &Q>lKWllE8a Kat
OUVtÉÀ.ELaÀ.6ywv tà mxv ÈOtlV aut6ç » (Nous pourrions dire beaucoup et nous ne
l'atteindrions pas,. pour résumer notre discours: Il est tout.) Par des circonvolutions autour
de l'appellation de Dieu, on cherchait à le sublimer, à le placer à une élévation inaccessible
(Dieu des Cieux, Ciel, Souverain, Très-Haut, Tout-Puissant, Elohim, Adonai). Charles
Guignebert explique: « Nous avons donc l'impression que c'est le Dieu sublime de la
philosophie grecque, le Dieu culminant au-dessus du monde, qui se substitue au vieux Dieu
national séant au milieu de son peuple. (...) On lui prodigue des noms sublimes, mais on
n'ose plus lui donner son propre nom, parce que ce serait, en une manière, le limiter et aussi
supposer qu'on le connaît, qu'on possède sur lui une représentation plus ou moins adéquate,
hypothèses devenues également inadmissibles et inconcevables. Pour un bon Juit: prononcer
le Nom d'après ses lettres est devenu une apostasie véritable (...) : on dit le Ciel, le Nom, le
Lieu, le Très-Haut, le Vivant, l'Éternel, le Miséricordieux, le Béni, etc. » (Le monde juif vers
le temps de Jésus: 110-111). C'est ainsi qu'on élabore les hypostases, sortes d'interfaces
entre le Dieu lointain et inaccessible, et la réalité terrestre - étant entendu que Dieu est trop
élevé pour s'abaisser à faire les choses lui-même: de là naîtront des notions vagues, et
voulues, telles la Rouah Elohim (l'Esprit), la Memra (la Parole), la Schechina (la Présence), la
Jekara (la Gloire), la Hokma (la Sagesse, qui aura la plus belle fortune) qui répondent
d'ailleurs à quelques concepts grecs antérieurs (ôo~a Â.oyoC;oQ(lna) « On se demande si elles
représentent des personnes véritables ou de simples abstractions, souligne Guignebert. Les
deux à la fois, sans doute; ou bien elles se situent entre les deux, conception qui a moins de
sens pour nous que pour ces hommes-là qui l'ont jugée acceptable. (...) Le christianisme, qui
la retrouvera, s'y débattra longtemps et n'en sortira que par l'équivoque secours du dogme de
la Trinité. » (111-112) Outre l'influence rabbinique, une influence importante est celle de

284
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Philon d'Alexandrie (c.12-54), philosophe juif hellénisé qui symbolise à merveille


l'adaptation du judaïsme au milieu hellénistique. Influencé par Platon à l'extrême, il pose en
principe fondamental l'inconnaissabilité et la transcendance de Dieu. Une encyclopédie
déclare à son sujet: « il était imprégné des idées de la philosophie grecque au point que l'on
doit aussi le considérer comme un philosophe grec. » (' Philon dlAlexandrie.' Microsoft@
Études 2007 [DVD]. Microsoft Corporation, 2006). Sa lecture de la Bible, depuis la Septante,
est allégorique, et on a conjecturé qu'il ignorait l'hébreu. N'étant pas chrétien, il dépasse le
cadre de notre étude; cependant sa pensée va significativement se retrouver dans certains
Pères, notamment Clément d'Alexandrie, et faciliter l'élaboration du dogme trinitaire (ct:
Bigg : 32-52).
2 Hammam: 13.
3 Guignebert, Le monde juif vers le temps de Jésus: 10-11.
4
TLF : « (...) Qui se situe au-delà du domaine pris comme référence; en particulier, qui est
au-dessus et d'une nature radicalement supérieure. (...) 2. (...) Qui se situe au-delà de toute
expérience possible. »
5 Plus tard, les polémistes antichrétiens ne manquèrent pas de critiquer la proximité du Dieu
des Juifs avec son peuple choisi (Cf. Discours vrai contre les chrétiens de Celse).
6 En l' occurrence, Jéhovah Dieu est parfaitement transcendant, comme les Juifs le savaient
parfaitement (Ex 33:20, Is 55:8,9, Ps 145:3, ITi 6:16) !
7
Évhémère avait taxé ces prétendues divinités d'humains divinisés.
8 L'immanence, par opposition à la transcendance, affirme que le principe considéré est à
l'intérieur de la personne dont il émane.
9 Bien sûr, ce ne sont pas les pagano-chrétiens et leurs conceptions platoniciennes qui ont
'inventé' l'ineffabilité du Nom. Ce concept était né de la superstition juive, et était très
répandu dans le judaïsme hellénistique. Il faut simplement constater que les Gentils ne la
questionnèrent pas (cf. Justin, Première Apologie, 63), car elle correspondait à leur propre
vision des choses. Sur l'influence de Platon sur le christianisme, et notamment dans la
définition du dogme trinitaire, cf. Bigg : 295s, et Endre von Invânka, Plato Christianus - La
réception critique du platonisme chez les Pères de l'Église, PUF, 1990.
10 Cela ressemble à l' apophase (qui est la « négation de tout discours sur Dieu, considéré
comme nul et non avenu puisque le sujet de ce discours est intraduisible en mots, voire en
pensée. ») quoique Platon n'ait pas hésité à discourir au sujet de la divinité. D'autres avant lui
avaient eu des propos similaires: Eschyle, Agamemnon, 160 et Euripide, Les Troyennes, 884.
Il Platon Protagoras, Euthydème, Gorgias, Ménexène, Ménon, Cratyle, traduction et notes
-
par E. Chambry, Garnier-Flammarion, Paris, 1967 : 417.
12Cf. Justin, Première Apologie, 60 ; Dialogue, 5 ; Adresse aux Grecs, 12, 22, 26 ; Tertullien,
Apologétique, 40, 9, cite ce passage textuellement.
13 Platon -
Sophiste, Politique, Philèbe, Timée, Critias, traduction et notes par E. Chambry,
Garnier-Flammarion, Paris, 1969 : 413.
14
Il reconnaît lui-même la similitude entre les doctrines: « ce n'est pas que la doctrine de
Platon soit étrangère à celle du Christ, mais elle ne lui est pas en tout semblable. » Apol. 13, 2.
15Cf. Wace: 528.
16Celse III, 82.
17
Henry Wace: 521.
18Rendu par : « eternally co-existing with Father» in : The Ante-Nicene Fathers, vo1.1, éd. A.
Roberts and J.Donaldson, 811.
19
Plato's Gift to Christianity - The Gentile preparation for and the making of the Christian
Faith, Academic Christian Press, 2001, 340.
20Dictionnaire philosophique, art. Trinité:
http://www.voltaire-integra1.com/HtmI/20/trinite.htm
21 Voir Philip Schaff: The Apostolic Fathers with Justin Martyr and Iraneus, Grand Rapids,
MI : Christian Classics Ethereal Library, 2002, p.321. Sur « lao », l'éditeur indique en note:
« Probably corresponding to the Hebrew i1,i1\ Jehovah ».
22 Wikipédia, art. Clément d'Alexandrie.

285
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

23
Ibid.
24 Pour lui cette gnose est la « tradition, en grande partie orale et secrète, transmise du Christ
aux Apôtres, puis des Apôtres à une suite de maîtres spirituels (...). Comme toutes les gnoses,
la gnose de Clément, grâce à ces révélations secrètes, donne au gnostique la certitude qu'il
parcourra les étapes progressives de l'initiation après la mort, qu'il s'élèvera à travers les
demeures angéliques jusqu'au repos suprême. » - Encyclopaedia Universalis, art. Clément
d'Alexandrie, par Pierre Hadot.
25 Citation d'après Dunand : 48.
26 Cf. Gertoux : 97.
27 The Ante-Nicene Fathers, vol.2, éd. A. Roberts and 1. Donaldson, The Stromata, p. 906.
28 Stromates, I, II, 5,4.
29 Riemer Roukema, « Transcendance et proximité de Dieu dans le christianisme ancien »,
Revue d'histoire et de philosophie religieuses, tome 82/1 : 22-23.
30 Catholic Encyclopedia, vol. IV, art Clement of Alexandria: « Clement preceded the days of
the Trinitarian controversies. He taught in the Godhead three Terms. »
31Dictionnaire philosophique, art. Trinité.
32 Des manuscrits comme le P.Oxy.656, le P.Oxy.l075 ou le P.Berlin 17213 illustrent
d'ailleurs à la perfection l'ignorance de I'hébreu par les premiers chrétiens, puisque ces
derniers laissaient des emplacements vides pour qu'un scribe quelque peu initié à la langue
hébraïque les comble par le tétragramme.
33 Cf. Charles A. Gieschen, « The Divine Name in Ante-Nicene Christology », Vigiliae
Christinae 57/2, 2003 : 115-168.
34 Les Écritures, en effet, affIrment que Jésus a reçu un nom plus excellent que tous les autres
noms (vraisemblablement kyrios), mais pas que ce nom est le nom du Père. Cependant,
l'ignorance du vrai nom de Dieu inclinait à penser que kyrios était le Nom en question...
35 The Christology of the New Testament: 237.
36 Wilhelm Bousset, Kyrios Christos : A History of the Belief in Christ from the Beginnings of
Christianity to Irenaeus (traduction anglaise par lE. Steely), Nashville: Abingdon, 1970 [éd.
allemande, 1913]. Voir aussi Maurice Casey, From Jewish Prophet to Gentile God: The
Origin and Development of New Testament Christology, Cambridge, 1991.
37 Il consacre une copieuse monographie à ce sujet: Lord Jesus Christ Devotion to Jesus in
-
Earliest Christianity, Wm. B. Eerdmans Publishing Co., 2003. Voir aussi du même auteur:
How on Earth Did Jesus Become a God?, Grand Rapids: Eerdmans, 2005 ; At the Origins of
Christian Worship: The Context and Character of Earliest Christian Devotion, Grand
Rapids: Eerdmans, 2000 ; One God, One Lord: Early Christian Devotion and Ancient
Jewish Monotheism. Philadelphia: Fortress Press, 1988 ; The Earliest Christian Artifacts:
Manuscripts and Christian Origins, Wm. B. Eerdmans Publishing Co., 2006.
38
Par exemple f et sp75; cf. L.W. Hurtado, « The staurogram in early
dans les SJ-)66,SJ-)45
christian manuscripts: the earliest visual reference to the crucified Jesus? » in: New
Testament Manuscripts: Their Text and Their World, éd. Thomas 1 Kraus et Tobias Nicklas,
2006 : 207-226.
39 Par ailleurs il critique, très succinctement, la thèse de George Howard (JBL 96, 1977, 63-
83) en faisant appel à deux arguments: 1) le tétragramme, lorsqu'il était lu à haute voix, était
substitué par kyrios 2) il faut tenir compte de la chronologie: l'invocation cultuelle de Jésus
comme « Seigneur» est extrêmement précoce (et il renvoie aux lettres de Paul), cf. Hurtado,
Lord Jesus Christ: 182-184 (idem dans The Earliest Christian Artifacts: 111). Cependant ces
deux arguments sommaires nous semblent bien insuffisants pour invalider l'hypothèse que le
tétragramme figurait à l'écrit dans le NT, quelles que soit la pratique orale ou la christologie
des lecteurs.
40 Nous nous rangeons donc dans une position intermédiaire entre les deux extrêmes que sont
Bousset et Hurtado.
41Encyclopaedia
42
Universalis, Thesaurus -
Index, vol. xviii, 1968 : 91.
Cf. Robert Étienne, Le siècle d'Auguste, Armand Colin, 2e éd., 1989 : 39-50.

286
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

43
Art. « Apotheosis / Consecratio ».
44 M. Christol et D. Nony, Rome et son Empire, Hachette, 1990, p.144. Voir aussi J.-P.
Martin, A. Chauvot, M. Cébeillac-Gervasoni, Histoire romaine, Armand Colin, 2001 : 243-
248.
45 Suétone, Vie des douze Césars: 265-346.
46 Cf. Suétone, Vie des douze César: Domitien, 13.
47 Simon: 93.
48 Il semble connaître un corpus qu'il appelle le « Testament nouveau» (Contre Praxéas,
15,1) et laisse penser que certaines Églises de son époque étaient toujours en possession de
« lettres authentiques».
49 Tertullien a vécu notamment sous les règnes de Marc-Aurèle, Commode et Septime Sévère.
Les deux premiers furent divinisés par décret du Sénat. En quoi consistait le culte impérial
pour le sujet moyen? Reconnaître l'empereur établi par la volonté des dieux, et, selon
l'expression consacrée, « jurer par la fortune (ou le génie) de César». Ce serment, d'abord
réclamé au soldat (sacramentum) fut étendu aux citoyens à la date anniversaire de la prise de
fonction impériale (dies imperii). Les chrétiens ne pouvaient s'y plier car l'empereur cumulait
les fonctions politiques et religieuses. Cf. Martyre de Polycarpe IX, 2. Tertullien explique que
les chrétiens ne pouvaient ni sacrifier à l'empereur, ni le considérer comme un dieu, un
seigneur ou un maître, ni jurer par son génie (un démon !), mais qu'en revanche ils
respectaient son rang de souverain (établi par Dieu) et pouvaient intercéder en sa faveur dans
leurs prières pour sa santé (Apologétique, 29-34).
50 Les Belles Lettres, 2002 ; trad. J.-P. Waltzing.
51Et de même, Tertullien établit-il l'humanité de Saturne, 10,7-11.
52 Earl S. Johnson Jr., « Mark 15,39 and the So-Called Confession of the Roman Centurion »,
Biblica 81 (2000) 406-413.
53 Tae Hun Kim, « The Anarthrous utaç BEOÛIn Mark 15.39 and the Roman Imperial Cult »,
Biblica 79 (1998) 221-241. Kim explique en conclusion: « In the light of background
information concerning how the name divi filius (or utaç BEOÛ)was used in the context of the
Roman imperial cult it seems reasonable to assume that the similarity in diction and the
circumstances under which the confession was made are more than mere coincidence or
grammatical error on the part of the Markan author. The background information available
about the diction employed in the incipit of the Gospel of Mark seems to suggest that the
usage of the phrase that echoes the language of the Roman imperial cult in both 1,1 and 15,39
was deliberate and the phrase utaç BEOU must have challenged the intended Markan readers
who were probably familiar with the practices of the state cult. (...) It is probable that the
centurion did not have a clear grasp of the full implications of his simple yet significant
statement as, for example, Caiaphas did not (John Il,49-52). But to the author of the Gospel
of Mark there was no doubt that the centurion confirmed the divine sonship of Jesus, marking
the climax of the narrative. » (240-241, nous soulignons) Voir aussi Robert L. Mowery,
« Son of God in Roman Imperial Titles and Matthew», Biblica 83, 2002, 100-110. Mowery
va plus loin, en soutenant: « (1) that this Roman imperial formula [utaç BEOÛ]exactly
parallels the distinctive christological formula in three Matthean passages (14,33; 27,43.54),
(2) that this Roman formula occurred much more widely in first century imperial titulature
than Kim and Johnson have indicated, (3) that various three-word Roman son of god formulas
also deserve notice, and (4) that the Matthean formula 8€oûvia, would have evoked Roman
imperial usagefor at least some members of Matthew's community» (p.l 00, nous soulignons)
54 Cette expression avait d'abord été un titre d'Auguste. Les empereurs ultérieurs se
l'approprièrent.
55Le Nouveau Testament nous montre que c'est exactement ainsi que certains détracteurs de
Jésus comprenaient l'expression « Fils de Dieu». En Jn 10:33, l'accusation est formulée
ainsi: « toi, qui es un homme, tu te fais Dieu » (où &VBpW1TOÇ
WV 1TOLElçoEau'tav BEOV).Jésus
les reprend à partir des Écritures (v.34), puis s'étonne de leur grief: « Et cela parce que j'ai
dit: Je suis le Fils de Dieu. » «hL EI1Tov'utaç 'toû BEOÛElj..u),verset 35. Ainsi, en appelant

287
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Dieu son Père, et en se disant Fils de Dieu, Jésus, aux yeux de certains de ses interlocuteurs
Juifs, se faisait Dieu. C'est bien qu'être Fils de Dieu, c'était être à tout le moins un être divin.
56 « Salut, ô croix, unique espérance» : ainsi début I'hymne composé au VIe siècle par
Venance Fortunat, et qui est repris aujourd'hui le dimanche de la Passion.
57 En grec le terme désignant ce supplice est soit (J1:aupoç« le pieu» (Bailly: 1785;
Intermediate: 743), soit çuÂov« le bois» (Bailly: 1343) ; le terme latin crux a donné le mot
« croix », qui est un peu ambigu: « le mot crux désignait, en latin, un gibet, une manière de
potence, dans un sens plus large que notre mot croix qui fait toujours penser à deux barres
'croisées'. Cela pouvait être un simple pieu - crux désignait aussi le timon du char - auquel on
attachait la victime, les mains liées par derrière le bois: c'est la crux simplex que divers
artistes ont donné aux larrons. » - Daniel-Rops, Jésus en son temps: 397. Et de préciser les
autres types de « croix» : la crux summissa ou commissa (en forme de T et la crux capitata
(croix de la tradition, en forme de t), et enfin la crux decussata en forme de X. Nous ne
citerons que deux témoignages anciens: celui de l'Épître de Barnabé (117-132) 9, 8: « C'OtL
ôÈ 6 otaupàç EV te\> T ~l-LEÂÂEV EXELVt~v xapLv », qui favorise la commissa, et Tertullien,
Apologétique, XII, 3 : « vous attachez les chrétiens à des croix, à des poteaux» (Crucibus et
stipitibus imponitis Christianos) qui irait plutôt dans le sens de la simplex. Cf: stipes Gaffiot :
1479). D'après les exégètes, la « croix» pouvait donc être composée du stipes (le poteau
vertical), souvent fixé de manière permanente à l'endroit du supplice, du patibulum (la barre
transversale fixée au sommet, qu'on faisait porter au condamné, d'un poids compris entre 20
et 30kg) et du titulus (l'écriteau).
58 « supplice le plus cruel et le plus affreux », Cicéron, Verr.V, 64.
59GJ VII, 6, 4.
60 « Aritophane rapporte rapporte dans Les Thesmophories qu'après être restés dix jours
'cloués' à des planches, certains crucifiés ne mouraient que lorsqu'on leur fracassait le
crâne. » - Gerald Messadié, L 'homme qui devint Dieu, Robbert Laffont, 1988 : 773.
61
Mt 27:35 ; Lc 23:24.
62Daniel-Rops, Jésus en son temps: 397.
63 Daniel-Rops, Jésus en son temps: 398.
64
Theissen: 83-84.
65
Cf: Guignebert, Le monde juif vers le temps de Jésus: 155-172.
66 Theissen: 89.
67
Theissen: 91-92.
68Theissen: 93.
69 Theissen: 95-99.
70
Nous traitons ici de la confusion liée à l'appelation « Seigneur» -
en grec kyrios sans -
évoquer sa portée en araméen. Une étude menée par J.A. Fitzmeyer montre que le titre
araméen mare (à l'absolu), comme on en a retrouvé trace à Qumrân dans le Targum de Job
(11 QtgJob 24,6-7), était un titre spécifiquement dédié à Dieu dans le judaïsme palestinien. Or,
c'est ainsi que les disciples de Jésus devaient l'appeler (cf: lCo 16:22, p.ê. Rv 22:20). Cf: I.A.
Fitzmeyer, « The Semitic Background of the New Testament Kyrios- Title », in A Wandering
Aramean: Collected Aramaic Essays (Missoula: 1979) : 115-142.
71 Contre Praxéas, ou sur la Trinité (Adversus Praxean) 13, 3 in : Œuvres de Tertullien, vol.
3, trad. de E.-A. de Genoude, 1852 : 198-199.
72 Les versets que Charles Guignebert cite ici en référence (Ro 10:13; Il:34; 14:11;
lCo 2 :16; 2Co 10:17) sont en fait des citations ou allusions à l'AT. Il n'y a donc pas
confusion.
73Guignebert, Le Christ: 191-192.
74 Or on sait que les cultes à mystères, venus d'Orient, connaissaient précisément un regain
d'intérêt à cette époque; cf. F. Cumont, Les religions orientales dans le paganisme romain,
éd. P. Geuthner, 4e éd., 1929 ; Walter Burkert, Les Cultes à mystères dans l'Antiquité, Belles
Lettres, 2003; Guignebert, Le Christ: 171-181 ; Daniel-Rops, L'Église des apôtres et des
martyrs: 361-370; Robert Turcan, «A Rome, des cultes venus d'Orient », in: Geoltrain:
430-437 ; Bigg : 281-287. Parmi ces cultes, on comptait ceux de Mithra, d'Éleusis, Dionysos,

288
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

de la Grande Mère, d'Isis, Artémis, Cybèle et Attis, des Telchines, ou encore de la triade
Déméter, Perséphone et Hadès, etc....
75Guignebert, Le Christ: 190.
76 Brossant une esquisse du judaïsme au début de notre ère, Étienne Trocmé remarque que
« des syncrétismes divers apparurent çà et là aux marges des synagogues: l'un des cas les
plus frappants de ce phénomène est l'assimilation par certains Juifs d'Asie Mineure du dieu
phrygien Sabazios à Yahvé Sabaoth, à partir du ne siècle avant notre ère. » (L'enfance du
christianisme, Hachette Litérature, 1999 : 19). Ce type d'assimilation, pensons-nous, prépara
la voie au syncrétisme chrétien. Cf. Guignebert, Le monde Juif... : « le syncrétisme judéo-
païen» : 266-282.
77Une inscription retrouvée à Astorga révèle à quel point la confusion, l'assimilation, et le
syncrétisme prédominaient: Etç ZEÙÇ~Épa1TLç'law, « Zeus, Sérapis et Iaô [ne font qu'] un »,
cf. Bigg : 282.
78P.-J. Proudhon, Jésus et les origines du christianisme, Paris, G. Havard Fils, 1890 : 20.
79L'Humanité hebdo du 3 avril2004 (propos recueillis par Claude Ravant) dans une série sur
le Christ et l'origine du christianisme, art. « La divinisation, enjeu central de l'expansion du
christianisme». Françoise Dunand évoque les ambiguïtés liées à l' appelation kyrios en ces
termes: « Cependant le mot KUpLOÇ, Deissmann l'a fait remarquer, renferme un concept
typique des religions orientales, où le rapport du fidèle à son dieu est assimilé à celui de
l'esclave à son seigneur, se trouve employé comme nom divin dans un certain nombre de
cultes de l'époque gréco-romaine; les exemples en sont fréquents dans les papyrus et les
inscriptions, qui présente des parallèles assez curieux avec des expressions chrétiennes.
KUpLOÇ est employé également dans le culte de l'empereur, à partir de Domitien seulement en
Occident (...), mais beaucoup plus tôt en Orient, où il est donné à Ptolémée Philopator, à
Ptolémée Épiphane, aux co-régents de Ptolémée XIII, Ptolémée XIV et Cléopâtre. »
(Dunand: 51-52, voir les notes).
80 Notre propos n'est pas de les passer tous en revue: les débats sont innombrables et d'une
portée bien trop importante. Nous garderons l'optique de la divinisation du Christ avec pour
support certains passages du NT dont il nous faut examiner quelques caractéristiques. Pour ce
faire, nous nous inspirerons des remarques formulées par Boismard : 63-123.
81 La version de Darby traduit ainsi: « (...) et nous sommes dans le Véritable, (savoir) dans
son Fils Jésus Christ: lui est le Dieu véritable et la vie éternelle. »
82 Cf. Bailly: 1427 : « ttef. OU1:0çse rapporte qqf. à l'objet le plus éloigné, lorsque c'est celui
sur lequel on veut insister, et EKELVOÇ au plus proche, s'il est considéré comme secondaire. ».
Voir par ex. Ac 4:10-11, Ac 7:18,19, 8:26, 1Jn 2:22, 2Jn 7.
83 Wallace, Greek Grammar: 327. Wallace, qui identifie le Christ à Dieu, signale néanmoins
la division des spécialistes à ce sujet: c'est bien que le texte est ambigu. Cf Stafford: 406-
409.
84 Voir Ezra Abbot, « On the construction of Titus iL 13 », JBL 1.1, 1881 : 3-19 et Stafford:
367-410 « Excursus: the Signifiance of Article-Nouns-KaL-Noun Constructions In Passages
Relating to the Divinity of Christ ». Voir aussi Wallace, Greek Grammar: 270-290.
85Boismard : 64.
86 Dans ce passage célèbre, le premier the os est déterminé par un article, tandis que le second
ne l'est pas. Certains traducteurs ont donc traduit le second substantif en le considérant
comme un adjectif qualificatif: et la « Parole était divine », ou « et la Parole était dieu» (cf. F
Godet, Commentaire sur l'Évangile de Jean, Neuchatel, 1970, 1.2, p.36 ; voir par exemple les
traductions de H. Oltramare, H. Pernot, Goguel, Monnier, J. Schneider, B. Wilson, etc.). J. H.
Greenlee, A concise exegetical grammar of New Testament Greek (Grand Rapids, 1986, 5e
éd.), soutient que Ie terme denote la nature du logos: « and the Word was deity (i.e., of the
nature of God) » (p.24). Boismard au contraire rappelle et soutient la règle: « lorsqu'un
substantif est en position d'attribut, il perd son article même s'il est déterminé» (Boismard :
87), et de citer Jean 1:49, qui confirme l'assertion. Ici Boismard fait allusion à l'étude menée
par E.C. Colwell, plus connue sous Ie nom de « règle de Colwell» (E.C. Colwell, « A definite
rule for the use of the article in the Greek New Testament », JBL 52, 1953 : 12-21) et qui est

289
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

souvent avancée pour supposer le caractère défini de theos en Jn 1:1c. Cette « règle» se
formule ainsi: « a defmite predicate nominative has the article when it follows the verb; it
does not have the article when it preceds the verb. » (p.13) R.I. Decker commente cette règle
de la manière suivante: « Il n'est pas possible de supposer la règle inverse. C'est à dire qu'il
n'est pas vrai que parce qu'un nom attribut précède un verbe copulatif: il est par conséquent
défmi. Cela est souvent ignoré, et la règle est utilisée comme s'i! était dit: 'un attribut sans
l'article qui précède le verbe est habituellement défini.' » (Decker: 2). Mais Boismard n'est
pas le seul à recourir à cette règle; d'autres, pourtant non des moindres, vont dans le même
sens (Kuen, Metzger; voir Kuen : 453, Carson: 82-84). En fait, si la règle de Colwell est si
souvent mal employée ou interprétée (à commencer par Colwell lui-même), c'est parce
qu'elle permet, mais n'exige pas, à un nom attribut sans article placé devant un verbe
copulatif d'être défini plutôt qu'indéfmi (NET: 1888). En effet, de multiples exemples
montrent que des noms attributs sans article et précédant le verbe peuvent être indéfinis (Mc
6:49, Il:32, Jn 4:19,6:70,8:44,9:17, 10:1,13,33, 12:6). Dans ce cas, la tournure est
qualitative et appuie les traductions comme « un dieu» ou «dieu» en Jn 1:lc. À ce sujet, P.
Harner est à l'origine d'une étude qui démontre que « le nom attribut employé sans article et
qui précède le verbe a essentiellement une valeur adjective. [En Jean 1:lc, Jean] indique que
le logos a la nature de theos. Rien ne permet de considérer l'attribut theos comme défini. »
(<<Qualitative Anarthrous Predicate Nouns: Mark 15:39 and John 1:1 », JBL 92, 1973 : 85.)
Paul Stephen Dixon va plus loin, et conclut, au terme d'une étude doctorale sur les noms
attributs sans article dans l'évangile de Jean (The Signifiance of the Anarthrous Predicate
Nominative in John, Th.M. thesis, Dallas Theological Seminary): « when John wished to
express a definite predicate nominative, he usually wrote it after the verb with the article, 66
of 77 occurrences or 86% probability. When he wished to express a qualitative predicate
nominative with the verb, he usually wrote it before the verb without the article, 50 of 63
occurrences or 80% probability. Finally, we may conclude three things about John 1:1. First,
Colwell's rule cannot be applied to the verse as an argument for definiteness. Colwell's rule
says that definite predicate nominatives preceding the verb usually are anarthrous. The rule
asserts nothing about definiteness. It does not say that anarthrous predicate nominatives
preceding the verb usually are definite. This is the converse of the rule, and as such is not
necessarily valid. Indeed, our thesis demonstrates just the opposite, that anarthours predicate
nominatives preceding the verb usually are qualitative, 94% of occurrences. Second, on the
basis of the contrast with 1:14 (where the humanity of Christ is stressed), and on the basis of
the comparison with the fust two clauses in 1:1 (where two eternal qualities of the Logos are
laid out), we conclude that theos in 1:1c stresses quality. Third, this thesis demonstrates that
the statistical probability of theos being qualitative, rather than definite or indefinite, is quite
high, 94%. » (Dixon: 54-55) De cette brève analyse, il ressort qu'en Jn 1:1c, si la traduction
"et la Parole était Dieu" n'est pas foncièrement impossible (hors contexte usuel et
théologique), des considérations syntaxiques et statistiques tendent à appuyer plus fortement
une tournure où l'emphase serait mise sur la nature, la qualité du theos (Wallace, Greek
Grammar: 269, l'admet d'ailleurs) pour une traduction du type: « et la Parole était divine»
ou : « et la Parole était [un] dieu». Cette traduction est souvent mal comprise, et taxée de «
polythéiste» (Wallace, Greek Grammar: 266). Le Nouveau Vocabulaire Biblique (dir. J.-P.
Prévost, éd. Bayard, 2004 : 441) en explicite la teneur: « L'auteur veut dire que le logos
faisait partie de la réalité divine, sans être le Dieu suprême. 'Divin' est trop faible, 'Dieu' est
trop fort. Le mot 'dieu', avec la minuscule, cherche à rendre la pensée. » (Sur le supposé
polythéisme de cette traduction, ct: Didier Fontaine, «Les dieux de la Bible », 2006,
http://www.areopage.net/dieux.pdf.) Il faut d'ailleurs souligner que ceci est cohérent avec le
reste de la christologie de Jean, lequel, bien qu'il établisse la divinité de Jésus (c'est-à-dire sa
condition divine, cf. Jn 1:18, 49, 8:58, Il :27, 19:7, 20:28,31), ne l'identifie jamais à Dieu lui-
même (Jn 1:1 précisément, 17:3, 20:17). Le Nouveau Testament ne donne d'ailleurs pas cette
impression: Jésus y est décrit comme « premier-né» (Co 1:15 ;prototokos : niera-t-on l'idée
de génération ?) ou monogenes (Jn 1:18, 3 :16, 18, terme dont l'analyse étymologique, malgré
ce qu'on en a dit, confirme bien le lien avec le verbe gennaô), voire possédant la « forme»

290
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

(morphè, Ph 2 :6) ou « l'image» (Co 1:15, eikôn) de Dieu (ces deux termes sont d'ailleurs
interchangeables dans la LXX, cf. Boismard: 93), mais ne partage jamais son identité. Les
tout premiers traducteurs du Nouveau Testament en copte sahidique, au lIe siècle, l'avaient
bien compris. Plus proches du strict monothéisme juif de l'évangéliste que ne le sont nos
traducteurs et exégètes contemporains, tout imprégnés de conceptions nicéennes, ils avaient
traduit Jean 1: 1b,c ainsi: « La Parole était avec Dieu, et la Parole était un dieu. » (Cf. Solomon
Landers, 'An Early Coptic Translation and John 1:lc', in: Navas: 309-314.) Quoi qu'il en
soit, il est aisé de constater que les spécialistes sont partagés. Chacun apporte dans le texte
une grille de lecture déformante. Nous pensons que le contexte plus que la grammaire permet
de saisir pleinement le mystérieux prologue johannique. Stafford: 326-350, en donne la
meilleure vue d'ensemble.
87 Voir aussi Matthieu 27:46, Marc 15:34, Romains 15:6 et Révélation 3:2 où Jésus appelle le
Père « mon Dieu».
88 Cf. Didier Fontaine, « Que signifie 'en forme de Dieu' ? », 2006, disponible à l'adresse:
http://www.areopage.net/PhilippienslI6.pdf. Voir aussi Boismard : 93.
89 Dans l'esprit du lecteur des premières communautés judéo-chrétiennes, deux éléments
sautaient aux yeux immédiatement: « Au commencement» (Ev &PXÔ,LXX; n"~~j.~, BHS),
référence directe à la Genèse, et une Parole auprès de Dieu, autre référence évidente à
l'Ancien Testament, en l'occurrence Proverbes, où Dieu est accompagné de sa Sagesse,
artisane de l'Univers avec lui: 8:27, 30 (1Tap' aùt4), LXX ; ;r,~~, BHS). Sorti de son contexte
sémitique, on a trouvé le prologue particulièrement « philosophique ». ''1~!-1-#- H~i' (Jean,
fils de Zébédée) ne l'entendait sûrement pas de cette oreille.
90 Boismard : 85. Même réflexion sur les hymnes de Co 1:15-20 et Ph 2:6-11.
91
Boismard : 99.
92 Stafford: 66, 161-164,375-378,388-402.
93 Les deux études principales sur ce sujet sont dues à Ludwig Traube et A.H.R.E. Paap (cf.
bibliographie). Pour les développements plus récents, cf. Hurtado, The Earliest Christian
Artifacts: 95-134, Comfort, Encountering the Manuscripts: 199-253, Trobisch : 11-19,
Metzger, Manuscripts of the Greek Bible: 36-37.
94 C.H. Roberts, Books in the Greco-Roman World and in the Nestament, in: The Cambridge
History of the Bible, vol.l : 64.
95 Cf. Comfort, Encountering the Manuscripts: 208.
96 Roberts, Manuscripts, Society and Belief..: 46.
97 Schuyler Brown, in: Metzger, Manuscripts of the Greek Bible: 37.
98 « Dans la récente guerre de Judée, en effet, le chef de la révolte des juifs, Bar Khokhébas,
ordonnait de faire subir aux seuls chrétiens de terribles supplices, s'ils se refusaient à renier et
à blasphémer Jésus-Christ. » Justin, lApaI. 31.6 (trad. : Œuvres complètes, Paris 1994, p.49)
in HE IV, 8.4
99 Thiede et d'Ancona,' 189.
100Perrier, Évangiles, de l'oral à l'écrit: 149.
101« although this has not been noticed widely by scholars, along with the early Christian
preference for the codex, the nomina sacra are the earliest extant manifestations of an
emergent 'visual and material culture' in early Christianity (cf L.W. Hurtado, 'The Earliest
Evidence of an Emerging Christian Material and Visual Culture: The Codex, the Nomina
Sacra and the Staurogram', in Text and Artifact in the Religions of Mediterranean Antiquity
Essays in Honour of Peter Richardson, ed. Stephen G. Wilson and Michel Desjardins, 2000:"
271-288.). The nomina sacra were intend to register religious devotion visually. They are
textual phenomena with an iconographic function. » - Lord Jesus Christ: Devotion to Jesus in
Earliest Christianity, L.W. Hurtado, Wm. B. Eerdmans Pblishing, 2003 : 627.
102« In writing kurios as KC, the New Testament writers and scribes were signaling that

Jesus was the divine Lord, superior to Caesar and any god. » - Comfort, Encountering the
manuscripts: 215. Cette désécularisation pourrait être quelque peu comparée à notre système

291
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

de capitalisation, qui indique une importance plus grande accordée au mot dont la première
lettre est mise en majuscules.
103Mazzaferro: 39.
104Aland: 81.
105
Christopher Tuckett a affirmé (<<çp52 and Nomina Sacra », NTS 47, 2001 : 544-48) que ce
papyrus aurait porté le nom de Jésus en entier, de même que Gertoux, Divine Name,« Lack of
nomina sacra in the earliest Christian papyrus»: 252-253. Mais la démonstration est
contestée: L.W. Hurtado, « çp52(p. Rylands Gk. 457) and the Nomina Sacra - Method and
Probability », Tyndale Bulletin 54.1, 2003: 1-14, et d'ailleurs Comfort et Barrett font
apparaître les nomina sacra dans leur transcription du çp52 : The Text of the Earliest... : 367-
368, sans discussion. Le fait est que le çp52ne porte pas de nomina sacra dans le passage qu'il
préserve. Tout le reste n'est qu'hypothèse. Cf. la transcription de Robert Waltz:
http://www.skypoint.coml-waltzmnJManuscriptsPapyri.html#P52 ; voir aussi celle de Gérard
Gertoux : http://gertoux.online.fr/divinename/faq/A20.htm.
106Pour être complet, il faut également mentionner le papyrus Egerton 2, daté c.200 (sans
doute quelque peu antérieur), qui contient des nomina sacra (pour les termes Seigneur, Dieu,
Jésus, père, Moïse, prophètes, rois, Ésaïe, prophétisa et p.ê. comme). Cet écrit, sorte
d'évangile ni canonique, ni hérétique, ni gnostique, est difficile à caractériser. Sa dépendance
avec l'évangile de Jean, qui apparait au premier abord, est contestée; il s'agirait plutôt d'un
document s'inspirant des mêmes sources que Jean et les synoptiques (document Q ou tradition
orale). Cf. Enrico Norelli, in : Marguerat, Jésus de Nazareth: 397-435.
107D'après Mazzaferro: 21, qui s'appuie sur Aland: 57. Les dates sont, bien sûr, toujours
sujettes à caution. Par exemple, les Aland situent çp13 vers III-IV, tandis Comfort,
Encountering the manuscripts: 91, le situe début III.
108Mazzaferro: 27, nous soulignons.
109Sur le fond, Hurtado n'est pas convaincu par la thèse de Trobisch (ni nous entièrement
d ' ailleurs) ; cependant les éléments qu'il met en lumière appuient, à notre sens, I'hypothèse
d'une activité éditoriale, quelle qu'ait été sa nature et son ampleur. En fait, Hurtado n'a
qu'une seule visée: démontrer la divinité de Jésus par les signes précoces de dévotion à son
égard. Cependant, si les faits historiques que fournit Hurtado sont probants et dans l'ensemble
mis en contexte, il nous semble qu'il mésestime sérieusement la portée christo logique des
textes du Nouveau Testament concernant la nature de Jésus (qui sont à la base de tout). En
effet, il affirme: « As I have demonstrated elsewhere, the conviction that Jesus shares God's
name and glory and the devotional practice of treating him as the worthy recipient of worhip
arose early, among Jewish Christian circles, and cannot be accounted for in the way Howard
proposes. » (op. ci!. : Ill) Il est vrai que le culte de Jésus s'est instauré rapidement (cf. la
correspondance de Pline qui fait état de chants adressés à Jésus quasi deo, « comme à un
dieu» ; ou Celse qui qualifie Jésus du « dieu» des chrétiens), et que l'on a très vite pensé que
Jésus partageai! le Nom du Père (Justin Martyr, c.140, cf. infra), mais cette confusion résulte
précisément des phénomènes dont George Howard fait état! Cette confusion n'est pas non
plus soutenable à la lumière du NT lui-même.
110 « d'après les témoignages que nous conservons, le NT présente, entre 150 et 200, une
diversité textuelle considérable»; «Entre 135 et 200, le texte courant primitif est
progressivement remanié. » ; « Ainsi, entre 150 et 200, le texte des premières recensions se
charge de multiples leçons nouvelles. » - Vaganay-Amphoux : 138, 145, 155.
111Cf. Mazzaferro: 29.
112« Moreover, in the book of Exodus we have also perceived that the name of God Himself
which, He says, was not revealed to Abraham or to Jacob, was Jesus, and was declared
mysteriously through Moses. » - ANF.
113Cf. Hurtado: 111 : « The result of this review of possible derivations of the nomina sacra
is to make it more likely that the specific practice originated among early Christian circles. » ;
Comfort, Encountering the Manuscripts: 202 : « One of the main reasons we know that the
Old Testament manuscripts are Christian manuscripts and not Jewish is the presence of

292
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

nomina sacra in the text. » ; Comfort, The Quest... : 47 : « Thoug the creation of the nomina
sacra may reflect the Jewish influence of the tetragrammaton (YHWH, the consonantal
structure of the name Yahweh), abbreviating the divine names is an entirely new creation
found exclusively in Christian documents. »
114D'après Comfort et Barrett: 263.
115Yoir Yacherot ; Matter; Biet ; Bigg : 63-72.
116Comfort, The Quest: 53. La bibliothèque aurait contenu à une époque environ 700000
volumes, cf. Westphal, Dictionnaire encyclopédique: 29, Smith: 30.
117Cf. Comfort et Barrett: 28 ; Comfort, Encountering the Manuscripts: 17.
118Par exemple, les œuvres d'Homère avaient été pourvues d'un apparat critique. Certains des
symboles employés dans cet apparat furent par la suite repris dans les manuscrits du NT. Cf.
http://www.skypoint.comlmembers/waltzmn/ShortDefs.html#critSyms (voir aussi Metzger,
The Text... : 149-152). C'est également à Alexandrie (et concomitamment à Pergame) que
furent édités les premiers archétypes et préarchétypes des textes classiques, documents qui
serviraient de support à la tradition textuelle ultérieure (Dain: 109-114). Il y avait donc bien
un processus éditorial, supposant des méthodes homogènes et clairement définies.
119HE II, 5, 4 ; la population juive représentait le tiers de la population totale d'Alexandrie, et
devait avoisiner les 180000 âmes, cf Joseph Mélèze-Modrzejewski, « Un judaïsme
d'expression grecque », in : Geoltrain : 61. Cela dit, l'antisémitisme était très répandu dans la
ville, et des manifestations anti-juives surgissaient parfois (ct: infra).
120
On possède même une lettre indiquant les transferts de livres entre Alexandrie et
Oxyrhynque (P.Oxy.2192). Comfort, op.cit.: 7; The Quest...: 59-60. II est de même
probable qu'Oxyrhynque possédait son propre scriptorium dès le lIe s (Roberts: 24), et
consitituait un centre intellectuel pour le christianisme en Égyte rurale (Comfort, op. ci!. : 60).
121TC : 5* : « The Alexandrian text (...) is usually considered to be the best text and the most
faithful in preserving the original. Characteristics of the Alexandrian text are brevity and
austerity. » On pourrait ajouter aussi que, puisque les scribes étaient habitués à manier la
langue grecque littéraire, les principales corrections intentionnelles qu'on leur doit relève des
atticismes et autres corrections grammaticales.
122
Comfort, The Quest... : 53. Comfort met en doute que cette norme alexandrine se soit
uniformément imposée avant le lye s.
123Or Alexandrie était le creuset du syncrétisme à l'époque. Les philosophies platonicienne,
philonienne, gnostique s'y côtoyaient et s'interpénétraient, influencées çà et là par les
idéologies antijudaïques gréco-romaines (Lazare: 1-21, 51-52 ; Matter: 271s, Encyclopaedia
Universalis, vol. I, 1968: 623-624, Westphal, Dictionnaire encylopédique, vol. I: 29-30 ;
Pierre-Emmanuel Dauzat, « Les chrétiens à Alexandrie: foyer de culture chrétienne », in:
Geoltrain: 495-510). De violentes altercations avaient d'ailleurs opposés les Alexandrins aux
Juifs (GJ II, 487-498; cf. Lazare: 31, Haas: 88, Geoltrain: 66-70) et les Juifs aux
Alexandrins (Haas: 99s). Il n'est donc pas étonnant qu'une composante aussi sémitique et
dérangeante que le Nom ait pu être purgée à Alexandrie. Pour donner une meilleure image de
leur religion, les Juifs d'Alexandrie avaient même falsifié quantité d'auteurs grecs classiques
Eour faire d'eux des plagaires de Moïse! (cf. Lazare: 28-29, Biet: 56-119, 342-343)
24 Cette déclaration quelque peu empreinte de désillusion (ou d'ironie f), fait suite au constat
(très important) que les éditions modernes du texte grec, tout comme les apparats critiques,
procèdent de choix, et ne doivent pas donner l'illusion que nous sommes enfin parvenus à
restituer le texte original du NT (en évoquant le texte des Aland) : « En dépit des progrès
documentaires, l'apparat critique est avant tout conçu pour justifier le texte établi, lequel est
présenté comme coïncidant pratiquement avec le texte primitif, puisque, pour les seuls
passages entre crochets, 'l'appartenance au texte primitif (...) n'est pas assurée' (Introduction,
p.8) », regrettant à raison que des témoins anciens soient un peu trop vites écartés et du texte
et de l'apparat. (Ibid)
125Comfort, The Quest ... : 48 ; pour des éléments appuyant l'activité éditoriale alexandrine,
cf. pp.48-53.
126Roberts, Manuscript, Society and Belief.. : 46.

293
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

127« Pour le NT, la copie des papyrus, durant les trois premiers siècles au moins, est due,
semble-t-il, à des scribes de fortune. Toutes sortes de déformations, des fautes involontaires
aux corrections intentionnelles, ont pu s'y produire ou être recopiées. » - Vaganay-Amphoux :
113.
128Review of Trobisch, The First Edition of the New Testament, par Jason T. Larson, TC :
Journal of Biblical Textual Criticism, 2002.
129Cité dans Gertoux, Divine Name: 127.
130Trobisch : 44.
131Filologia Neotestamentaria 12, 1999 : 25-54.
132On note qu'Origène qui a conservé les paroles de Celse, ne les nie pas, et se contente
d'attribuer ces retouches à Marcion, Valentin et Lucain.
133Plus loin Tertullien conclut: « il ne faut donc pas en appeler aux Écritures» (XIX, 1) car
elles sont susceptibles d'interprétations différentes, ou on peut arguer à sa guise qu'elles ont
été altérées. La seule solution est donc pour lui de refuser à ceux qu'il juge hérétiques le droit
de disposer des Écritures, en leur « prouvant» qu'elles appartiennent à la véritable Église
apostolique dont il fait partie, et qui est seule à même d'établir une lecture et une tradition
dignes de foi. Il est très intéressant de constater qu'au cours de son argumentation, le débat
autour de la nature du Christ est palpable à chaque ligne: « XX. Le Christ Jésus, notre
Seigneur qu'il me permette de m'exprimer ainsi un moment -, quel qu'il soit, de quelque Dieu
qu'il soit le fils, de quelque matière qu'il ait été formé homme et Dieu tout ensemble, quelque
foi qu'il enseigne, quelque récompense qu'il promette (.. .). » Mais il ne saurait rester
longtemps dans cette hypothèse rhétorique, et face à la contradiction de ses adversaires, il
déclare: «XXXI. De ces faits, voici la prescription que nous dégageons. Du moment que
Jésus-Christ, notre Dieu, a envoyé les apôtres prêcher »
134Constantin charge Eusèbe de Césarée d'effectuer 50 copies de belle facture des Saintes
Écritures, et c'est peut-être de là que sont nés le Codex Vaticanus et le Codex Sinaïticus (Vie
de Constantin, IV, 36).
135
On les distingue par les signes aidant à la lecture, la tenue générale plus aérée, certains
signes de ponctuactions ou de pause dans la lecture, etc. Parmi eux: spI, sp4/64/67,sp5, sp13,
sp27, sp30, sp46, sp66, sp69, sp75, sp90, etc. Ct: Comfort, The Quest... : 57.
136Ces recensions ont lieu dans la seconde moitié du Ille siècle; elles expliquent la disparition
d'un grand nombre de corruptions que nous allons évoquer. Mais pas toutes: les recenseurs
eux-mêmes avaient leurs visées théologiques.
137Sur la méthode éclectique, ct: Vaganay-Amphoux : 129-134.
138Vaganay-Amphoux : 185.
139Ces références sont indiquées à titre indicatif, pour approfondir la discussion. Elles n'ont
Eas nécessairement un lien direct avec notre analyse de la nature de la variante.
40 « An Eclectic Study of the Text of Acts », Biblical and Patristic Studies in Memory of
Robert Pierce Casey, éd. J. Nevill Birdsall et R.W. Thomson, Fribourg, 1963 : 65-66.
141Comme le suggère J.H. Ropes, l'omission est due à l'opinion du réviseur occidental selon
laquelle l'esprit saint est un don du Christ (non de Dieu), ct: The Beginning of the
Christianity, vol. 3, The Text of Acts, Londres, 1926 : 105.
142
HNT restaure ici le nom: « ;~~7~-n~ :1):1~ n~~ ..~ », i.e. « car Jéhovah a envoyé son
ange », peut-être par harmonisation avec le verset 7 où l'expression typique aYYEÀoç KUPLOU
est traduite par :1T;:1~-1~7~ 'l'ange de Jéhovah'.
143
Le sens passe de « Dieu a apporté en Israël un Sauveur, Jésus» à « Dieu a apporté le salut
en Israël », ce qui est beaucoup plus ambigu.
144
De nombreuses traductions hébraïques rendent d'ailleurs le grec tov ÀOYov tOÛ KUptOUpar
:1T;:1~'~-:'rn~ par exemple HNT. L'expression revient assez régulièrement dans les Actes:
8:25; 13:44,48; 15:35,36; 16:32; 19:10.
145Le verset peut signifier que Dieu a acquis l'église au prix de son sang. Cette idée
choquante est sans doute à l'origine du changement de 'l'église de Dieu' en 'l'église du
Seigneur' .

294
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

146Peut-être un scribe a-t-il changé l'expression 'l'amour du Christ' en 'l'amour de Dieu'


pour atténuer la portée théologique de la première expression.
147Stafford: 143-152. De fait, insérer une virgule après oapKa fait de XpLO'tOe;le référent de la
proposition qui suit. En revanche, insérer un point, ou un point-en-haut, après oapKa dissocie
les deux propositions.
148
Ici encore, certaines versions hébraïques (par ex., HNT) rendent ôuva't'el yàp 0 KUpLOe;
o't'i1oaLau't'ov par i~"j?ï:I~ jJTijJ~11:;' :l.r"~.
149
La variante du verset 10 relève d'un motif hautement théologique, puisqu'en mettant « le
tribunal de Christ », la citation de l'Ancien Testament du verset suivant, qui concerne
initialement Jéhovah, est appliquée à Jésus.
150
NET: « The construction 'of God and Christ' appears to be motivated as a more explicit
affirmation of the deity of Christ. (following as it apparently does the Granville Sharp rule). »
(ad loc.)
151Des versets 1 à 8 de Philippiens, l'apôtre Paul parle à la première personne du singulier.
Bien qu'il n'y ait pas d'autres passages chez Paul qui soutiendraient l'expression 'à ma
louange', des scribes ont jugé que le verset devait se terminer par une expression également à
la première personne (variantes 2 et 3). C'est une sorte d'harmonisation qui fait témoigne
d'un mauvais jugement (cf. Metzger, The Text... : 195-198).
152
L'expression grecque « eie; E1TtYVWOLV 't'oû f.1uo't'llptOU 't'OÛ Beoû XpLO't'OÛ » non ponctuée,
est très ambigüe. Par exemple, les éditions de Westcott et Hort ('t'DÛ Beoû XpLO't'OÛ)et de
Tischendorf ('t'DÛ 8eoû XpLO't'OÛ)ne mettent pas de virgule avant XpLO't'OÛ,à l'inverse de
Nestle-Aland ou Merk. Les variantes témoignent de la volonté des scribes de préciser la
relation entre Beoû et XpLO't'OÛ.En l'espèce, il n'y pas une confusion entre Dieu et Jésus, mais
une intention de distinguer les deux personnages. Cela dit, l'expression initiale était
parfaitement compréhensible, et que des scribes aient voulu la clarifier montre que le
processus de la copie n'échappait pas à des considérations théologiques.
153
Une traduction hébraïque restaure ici le Nom (jJ~injJ n"':JjJ - J.Bauchet et D. Kinnereth,
Rome, 1975). Cf. TMN : 1504.
154 Un certain nombre de traductions hébraïques relèvent ici une allusion à l'Ancien
Testament (cf. lCh 16:23, Ps 30:4, Ps 147:7), comme celle de F. Delitzsch (1981), et
restaurent le Nom.
155Metzger écrit: « The reading
XpLO't'OÛ (206429 1758)obviouslypresupposesan earlier
KUptOU.» (TC 579) C'est bien que le scribe, par piété ou pour expliciter le passage, a modifié
le texte sur la base d'un motif théologique.
156 Quelques traductions hébraïques restaurent le Nom, peut-être en considération du
contexte: le verset 19 contient deux références au Nom, tirée plus ou moins de Nb 16:5 et Ts
3: 13).
157Apparemment, les variantes visent à ne pas attribuer à Christ ce qui, au jugement du scribe,
revient à Dieu (à moins bien sûr que 'Christ' soit synonyme de 'Dieu' dans l'esprit du
scribe !). Un certain nombre de versions restaurent ici le tétragramme, comme HNT:
C:;?~~7~ ~~"'i?1J ink C";:1L;,~jJTijJ~-n~.
158Oxford University Press, 1993.
159
Nous allons traiter la première section en détails, et survoler les trois autres.
160
« The copyists were warm-blooded Christians, living in a world of wide-ranging
theological debates; most scribes were surely cognizant of these debates, and many were
surely participants. Did their polemical contexts affect the way these Christians copied the
texts they construed as Scripture? I will argue that they did, that scribes of the second and
third centuries in fact altered their texts of Scripture at significant points in order to make
them more orthodox on the one hand, and less susceptible to heretical construal on the
other. »- Ehrman: 25.
161Le concept d'orthodoxie aux trois premiers siècles de notre ère est très problématique.
Walter Bauer, dans un ouvrage qui a fait date (Orthodoxy and Heresy in Earliest Christianity,
1964 (all. traduit en angl. en 1971), tentait de démontrer qu'orthodoxie et hérésie ne sauraient

295
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

signifier ce que suggère ou implique leur étymologie, ni ne réduisent à désigner « la vérité»


ou « l'erreur ». Il mettait plutôt en lumière la très grande diversité des communautés, et leurs
vues passablement incompatibles. Son travail a beaucoup été critiqué, mais le consensus
actuel en conserve le fond, en précisant ainsi: « Ce qui plus tard en est venu à être connu sous
le nom d'orthodoxie était simplement une interprétation parmi un nombre d'interprétations du
Christianisme en compétition dans la période primitive. Ce n'était ni une interprétation allant
de soi, ni une vue apostolique originelle. » (Ehrman: 8). Voir aussi Simon, Judaïsme et
christianisme... : 289-307.
162« Instead of 'You are my one dear Son; in you I take great delight', one Greek ms and
several Latin MSS and church fathers (D it Ju [CI] Meth Hil Aug) quote Ps 2:7 outright with
'You are my Son; today I have fathered you.' But the weight of the ms testimony is against
this reading. » - NET. Metzger est du même avis (TC: 112-113).
163
Pour plus de précisions, cf. Boismard : 176-177.
164 Cf. Boismard: 107-109 qui examine la base scripturaire de ce dogme, et le dit être
« étroitement lié à celui de la divinité du Christ. »
165 Ironie du sort, ces deux textes, selon Boismard, « sont de rédaction tardive: ultimes
rédactions matthéenne et lucanienne, donc vers 80-85. »
166« Brackets in the text indicate that the enclosed word, words, or parts of words may be
regarded as part of the text, but that in the present state of New Testament textual scholarship
this cannot be taken as completely certain. » - GNT, 2*
167Par exemple pour décorer l'évangile qu'il venait de déterminer: pratique naturelle, et que
l'on trouve précisément dans les codex Sinaïticus et Koridethi (W). L'étude de Paul
McReynolds (effectuée dans le cadre d'une collation de textes de Luc pour le Projet
International de Nouveau Testament Grec), Establishing Text Families, prouve la véracité du
bon sens: les erreurs sont moins fréquentes, et donc les scribes étaient beaucoup plus
attentifs, en début qu'en fm de copie d'un manuscrit.
168Stafford: 355-362, Navas: 264-268, Holt: 184-186, Furuli : 222-224.
169
Cf. Piotr Blumczynski, « The rise and fall of a translational compound: 'the only
begotten' in the English versions of the New Testament. », New Voices in Translation Studies
2, 2006 : 4.
170Le terme est plus hypothétique qu'attesté: on n'en trouve aucune occurrence dans le TLG.
171Cf. Carson: 30-31. Cela dit, comme le souligne Stafford, Isaac était bel et bien l'unique-
engendré d'Abraham et Sarah (Stafford: 358 ; voir aussi Parkhurst: 443).
172 « unless the usage examples of monogenes outside of John contain a strong case that
monogenes is fundamentally associated with the idea of begetting, there is no reason to bring
this idea into John's usage. » - Dan Caffese, « The Meaning of monogenes in the Gospel of
John », 2005 : 18.
173Stafford: 359, «Ifwe translate monogenes as 'unique' in these passages (especially 1:18)
then we invite the question, In what way is the Logos unique? The translation 'only-begotten'
is the only one that answers this question and at the same time remains true to the biblical
teaching that God does have other sons. »
174Une variante (Èautov), vise ici à changer le sens en: « celui qui est né de Dieu [tout
croyant] se garde lui-même. » (LSG) La référence à Jésus est complètement gommée!
Comparez avec BFC (qui s'attache à rendre le sens) : « car le Fils de Dieu le garde» Cf. TC :
650.
175 John V. Dahms, « The Johannine Use of Monogenes Reconsidered », NTS 29, 1983,
p.228, nous soulignons.
176 ALOYEVT)Ç: « né de Zeus» (Bailly: 514); YllYEVllç:«né de la terre» (Bailly: 401);
EUYEVllÇ : « bien né » (Bailly: 828) ; OUYYEVllÇ: « né avec» (Bailly: 1806) ; aL9pT)YEVllÇ: « issu
de l'éther (Borée»); de manière tout à fait intéressante, l'entrée de ce terme renvoie à
aL9pllYél/érT/çpour la définition (Bailly: 42) ; 1TaÀaL
YEVllÇ,« né depuis longtemps» (Bailly:
1442) .
177
L'article deux du symbole de Nicée déclare: « YEvv1l9EVtaEK tau 1I'atpoç ~OVOYEVll
tOUtEOtLVEK tllÇ OUOLaçtau 1I'atpoç », i.e. « unique engendré du Père, c'est-à-dire de la

296
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

substance du Père. » Plus loin l'article 4 souligne cette idée de génération: «YEvv1l9EV'tllou
1TOL1l9EV'tU
178Büschel, TDNT 4, 740 : «W.OVOYEV~Ç
-
», i.e. « engendré, non pas fait [ou créé] » Boularand, La « Foi» de Nicée: 295.
8EOÇ]can only begotten God; to render 'an only-
begotten, who is God' is an exegetical invention. It can hardly be credited of [John], who is
distinguished by monumental simplicity of expression. » ; in : Furuli : 222.
179
Pour Metzger il s'agirait là d'un signe du caractère primitif de l'expression, à mettre en
~aral1èle avec l'expression sans article également rencontrée en Jn 1: 1 (TC: 169).
80 En fait, Arius (lye s.) connaissait et acceptait la lecture « dieu unique-engendré », tandis
que ses adversaires trinitaires la rejetaient.
181Ehrman, Orthodox Corruption: 79-83. En effet, Ehrman ne fait appel qu'à des éléments
internes, mettant en défaut son habituelle méthode éclectique. Wallace, The Text and
Grammar of John 1: 18 sur bible.org attire l'attention sur d'autres problèmes d'ordre
grammatical; cf. note de la NET ad loco
182
Cf. Navas: 86-148 par exemple.
183Pour un excellent état de la question, cf: Charles Powell, « The Textual Problem of ouôÈ 0
ut6ç in Matthew 24:36 », Dallas Theological Seminary, sur bible.org.
184
C'est ce que signifie ces hermétiques, mais si utiles, abréviations que nous avons
rencontrées: main originale et second correcteur: N *,2 et premier correcteur: NI
185Queré, Évangiles apocryphes: 120. France Quéré indique en note: « Le tragique de la
mort est nié. L'Esprit divin quitte le Christ et va rejoindre le Père, tandis que le Seigneur est
'élevé'. La mort est l'étage de la glorification. »
186
ANF, vol. X: Origen's Commentary on the Gospel of John,I,40.
187
Par exemple, XWpLÇapparaît bien plus fréquemment en Hébreux que dans le reste du NT.
188
Par exemple, en Hébreux, XWpLÇest toujours suivi d'un nom non articulé.
189À aucun endroit dans l'épître aux Hébreux le terme xapLç ne s'applique à la mort salvifique
de Jésus.
190On peut aussi mentionner l'Aposto/icon de Marcion.
191Yariantes tirées de l'apparat critique du NA27. Le GNr n'en mentionne aucune. TC : 530.
192Introduction 7*.
193Sur ce passage, bien qu'il n'y ait plus guère de doute parmi les spécialistes, cf. Stafford:
135-143. Nous nous écartons cependant d'Ehrman qui tente de prouver que Luc ne mentionne
jamais la mort de Jésus comme une expiation des péchés, ni par sa propre compréhension, ni
par la tradition paulinienne dont il fait part.
194Metzger, The Text of the New Testament: 234-236 ; idem dans TC: 425-427.
195
Par exemple la NEG (1979), O/iviétan (éd 1996), Parole Vivante, du Semeur (2000), à la
Colombe (2001), TOB (1975), Osty et Trinquet (1973), Nouvelle Bible Segond (2002)...
196
Cf. Wallace, Greek Grammar: 59, TC : 592-593.
197Le nominatif pour le vocatif est une tournure fréquente en grec (cf. par ex. Mc 15:34;
Robertson, Grammar: 465, évoque une soixantaine d'exemples; il précise qu'en Rb 1:8 il
n'y a pas de certitude quant au cas, nominatif ou vocatif: de 0 9EOÇ).
198Ainsi la Bible du rabbinat français rend Ps 45:7 : « Ton trône [fondé par] Dieu, durera à
jamais. » De même la version JPS : « Thy throne given ofGod is for ever and ever ».
199
R.E. Brown, Gospel According to John, AB 29-29A, 1966 : 1026. Pour les différentes
interprétations possibles de ce verset, voir Didier Fontaine, « Jean 20:28 : Thomas s'adresse-t-
H à quelqu'un? », 2006, http://www.areopage.net/JeanXX28.pdf.
200
Un Messie humain, « oint », « choisi» par Dieu; ou un fils de Dieu au sens adoptif; ou
«Fils de Dieu» d'un genre nouveau que les Écritures avaient suggéré sans le révéler
pleinement (Gn 1:26, Pr 8:22, 30:4). Sur la christologie de la communauté judéo-chrétienne
de Jérusalem, cf. Rainer Riesmer, « The christology of the Early Jerusalem Community »,
Mishkan 24, 1996 : 7-16.
201
Il Y également dans l'exaltation du Christ après sa crucifixion une intention ironique, voire
parodique, à l'égard des adversaires de Jésus. Ce procédé est sensible dans tous les évangiles,
et particulièrement celui de Marc. Cf. Joel Marcus, « Crucifixion as Parodic Exaltation », JBL

297
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

125/1, 2006 : 73-74 : « The central irony in the passion narratives of the Gospels is that
Jesus'crucifixion turns out to be his elevation to kingship. This seems to be the best way to
understand, for example, the fact that in Mark's Gospel Jesus is never called a « king» until
he stands before Pilate on the way to the cross; yet from that point forward, within the space
of thirty verses, he is called « king» six times: three times by Pilate (15: 2, 9, 12), twice by
mockersjust before andjust after his crucifixion (15:18, 32), and once by the inscription over
his cross (15:26). These instances of PCXOI,Â.EÛÇ are heavy with irony, since none of the
characters - neither Pilate, nor the soldiers who mockingly dress Jesus in royal garb, nor the
anonymous composer of the inscription « The King of the Jews» nor the taunting passersby
at Golgotha - really believes that Jesus is a king. (...) Yet the reader understands that these
characters actions and words point toward a truth unknown to them: royal garments and
1

crowns rightfully do belong to Jesus, who will show his kingship precisely by not saving
himself but by dying on the cross. Although the degrading slave's death of crucifixion seems
to the mockers to be a decisive contradiction of the claim that Jesus is a king, the reader
knows the opposite to be true. » (nous soulignons)
202
En effet les spéculations de Platon sur la nature divine ouvrirent la voie à l'hénothéisme,
forme particulière du polythéisme qui, sans nier l'existence des autres divinités, met en valeur
une divinité unique et transcendante.

298
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Conclusion

Le problème du nom divin dans le Nouveau Testament ressemble au


Meteor Crater d'Arizona. La météorite n'existe plus, mais son empreinte
saisissante subsiste. De même, les autographes portant le nom divin en
hébreu ou paléo-hébreu n'existent plus, mais des empreintes saisissantes de
ce Nom subsistent dans les copies qui nous sont parvenues!. Pour prouver
définitivement l'existence du nom divin dans le Nouveau Testament, il
faudrait exhumer un autographe, or ceux-ci ont été rédigés sur des supports
périssables qui ont disparu très vite. On est donc réduit aux déductions. Mais
c'est aussi par déduction qu'on imagine une météorite frappant le sol et
produisant le résultat que l'on sait (peu, il est vrai, sont ceux qui ont
expérimenté le phénomène de visu). Les plus attentifs objecteront que, pour
les cratères, la déduction n'est pas nécessaire: de mémoire d'homme, des
météorites se sont effectivement écrasées sur Terre et ont bel et bien produit
des cratères. Le phénomène est d'ailleurs épisodiquement observable. Nul
besoin de déduction! Il en est de même pour le nom divin: de mémoire
d'homme, on sait qu'il a été retiré du texte grec de la Septante. Ce processus
venait de la mentalité et des paradigmes des chrétiens influencés tant par le
judaïsme hellénistique, que par leur éducation philosophique. Le phénomène

299
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

de retrait du nom divin à ses emplacements légitimes est aussi observable


quotidiennement dans bon nombre de traductions de la Bible hébraïque.
Mêmes causes, mêmes effets: les premiers chrétiens l'ont également
supprimé du NT lors de ses premières copies. C'est ce que nous a montré
notre étude de cette mentalité et de ces paradigmes chrétiens: ils étaient
suffisamment en rupture avec le judaïsme et significativement influencés par
l'hellénisme pour rejeter l'idée que Dieu soit nommable, pis, nommable d'un
nom juif. Ceux qui nient la présence originelle du tétragramme dans le
Nouveau Testament rétorquent alors que s'il avait réellement paru dans les
autographes, on pourrait aujourd'hui s'en apercevoir au moins dans un
manuscrit, même un seul, des 5745 qui nous sont parvenus. Effectivement le
nombre et la qualité des témoins du Nouveau Testament établissent à nos
yeux sa valeur incomparable, et même divine. Mais présenter les faits sous
ce jour induit en erreur. La majorité de ces manuscrits sont postérieurs au
lye siècle de notre ère. Or la période qui précède immédiatement cette
abondance de manuscrits homogènes est une période de troubles extrêmes,
qui coïncide avec les grandes recensions des lIe et Ille siècles, au beau milieu
des controverses christologiques qui nous ont laissé les signes les plus
évidents d'un effort éditorial: codex, écriture ferme et standardisée,
apparition des nomina sacra, et même canon. ..
Dans ces 5745 manuscrits censés faire autorité, et que l'on croit
naïvement prouver le contenu exact des écrits primitifs2, seule une
cinquantaine est antérieure au IVe siècle, période, nous l'avons vu, au
contrôle textuel plus que limité. Dans cette cinquantaine de témoins, une
vingtaine seulement intéresse notre recherche, le contenu des autres ne
présentant pas les passages où figure le Nom. Quid de l'autorité
incontournable de ces milliers de manuscrits, que Lynn Lundquist martèle
page après page dans son ouvrage The Tetragrammaton and the Christian
Greek Scriptures? On peut le dire autrement: l'absence du nom divin dans
une poignée de témoins, et non pas 5745, prouve-t-elle que ce Nom n'y
figurait pas effectivement? Elle ne saurait en aucun cas le prouver.
Cette affirmation, pour Lundquist, est l'aveu que les Écritures n'auraient
pas été préservées providentiellement. Mais c'est à nouveau une exagération
erronée. Car pour lui il faudrait nécessairement une hérésie pour que le
processus de retrait du tétragramme du NT ait eu lieu. L'histoire de l'Église
primitive au contraire montre que le message du Nouveau Testament n'a été
mis par écrit que parce qu'il répondait à des besoins précis, assez
tardivement dans certains cas. Surtout, entre le moment où il a rompu avec le
judaïsme, et le moment où les écrits judéo-chrétiens du Nouveau Testament
ont été copiés pour la première fois par des mains Gentiles, le christianisme
était devenu une religion différente, avec un Dieu différent. Le schisme était
consommé. Il n'était pas hérétique de désigner Dieu par le seul nom qu'on
lui connaissait: Kyrios, Seigneur.

Pas d' hérésie.

300
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

La preuve la plus sûre en est la suivante: les traducteurs modernes, qui


lisent le nom glorieux init; dans la BHS, et qui, au lieu de désigner Dieu par
son nom propre si courant et si juste, Jéhovah, préfèrent Seigneur, ne sont-ils
pas hérétiques? N'admettent-ils pas incidemment qu'ils font passer leurs
vues biaisées avant l'autorité des Écritures? En réalité, ils s'inscrivent dans
une vieille tradition: la répugnance Gentile envers le nom d'un Dieu hébreu
plutôt barbare, et très peu universet3. À Antioche, capitale païenne, le
« chrétien» a hérité son nom de « Christ ». Dieu n'est donc que Christ ou
Seigneur. Sinon il n'est pas universel.
Inutile de chercher une hérésie organisée et acharnée qui aurait fait
disparaître le tétragramme des copies du Nouveau Testament: le mépris et
les préjugés ont suffi à établir le comportement qu'on aurait vis-à-vis du
Nom. Et ce comportement nous pousse à conclure qu'il n'y a pas eu, dans
les copies gentiles, de disparition du nom divin: le Nom n'y avait pas sa
place et il n'y a sans doute jamais figuré.
Cela dit, quel était donc l'objet de notre recherche? Illustrer
l'émergence de la Grande Église universelle, éloignée mentalement du
message de Jésus, ou montrer la présence originelle du nom divin? L'une ne
va pas sans l'autre. Ce qui est certain, c'est que la souche juive du
christianisme connaissait, vénérait et employait le Nom. Cela s'impose à la
raison quand on découvre l'arrière-plan sémitique du Nouveau Testament.
Cet arrière-plan est si présent qu'on est en droit d'imaginer des écrits
originaux en hébreu (Carmignac, Tresmontant. ..), ou bien largement
inspirés de traditions orales araméennes (perrier4, Joüon, Black,
Fitzmeyer.. .). C'est dans ces écrits originaux (les sifrei ha-minim) que
figurait le tétragramme, et c'est ce qu'atteste sans équivoque le Talmud de
Babylone.
Il ne fallait pas chercher le nom divin chez les chrétiens proto-
orthodoxes, qui en fait de Dieu n'adorent déjà plus le même, et qui sont, eux,
les vainqueurs de l'histoire, c'est-à-dire ceux qui ont réussi à faire préserver
leurs textes. Alors peut-être est-ce peine perdue, puisque les communautés
judéo-chrétiennes brillent par leur rapide disparition, dans la tourmente des
événements aussi dramatiques que les persécutions et les deux révoltes
juives contre Rome.
Mais tout espoir n'est pas interdits: le Sepher ben Sira n'a été connu
pendant des siècles que dans sa version en langue grecque. On se doutait
bien de sa composition originelle en hébreu, mais qui aurait pu le prouver?
Il a fallu attendre jusqu'en 1896 pour en retrouver une partie de l'original,
bel et bien en hébreu. Un texte original portant le nom divin, de surcroît6 !
Certaines portions du Nouveau Testament sont donc sans doute dans ce
cas... Si l'on retrouvait par exemple l'original de Matthieu en hébreu, y
trouverait-on le nom divin? Beaucoup d'indices nous l'ont fait penser: aussi
bien les actes du procès de Jésus, que le public visé par l'évangéliste, ses
références constantes à la Première Alliance ou encore le texte hébreu
préservé par Shem Tob.

301
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

En attendant les autographes, ou leurs copies judéo-chrétiennes, il nous


reste un dernier indice: les adversaires de Jésus eux-mêmes prouvent qu'il a
employé le nom divin. Il suffit pour s'en convaincre de consulter la tradition
juive antichrétienne, rédigée vers le Xe siècle, mais probablement bien
antérieure, des Toledoth Yeshuh. On y décrit Jésus s'introduire dans le
Temple pour dérober la prononciation exacte du nom divin, gravée sur la
pierre angulaire du monde censée s'y trouver. Dès lors, armé du Nom
explicite (shem ha-mephorach), Jésus en fait un large emploi, guérit des
malades et ressuscite des morts, faisant une multitude de disciples7. Ainsi les
Toledoth Yeshu dépeignent-elles clairement Jésus ayant connaissance et
faisant usage du Nom soi-disant « Ineffable »... Certes, on peut replacer ces
affirmations dans leur contexte polémique, et en grande partie mythologique.
Mais ne faut-il pas voir une réminiscence de la hardiesse du Christ à
proclamer le Nom de son Père? Et ce en dépit de la superstition?
La grande question est donc: si le tétragramme figurait bel et bien dans
le Nouveau Testament, à une époque précise, peut-être même dans certains
écrits seulement8, comment se fait-il que Dieu n'ait pas providentiellement
garanti la préservation intégrale et parfaite de ces documents? Pourquoi est-
on obligé de creuser l'arrière-plan sémitique du Nouveau Testament (alors
qu'il nous est parvenu en grec !) ? Pourquoi n'est-ce pas plus simple et plus
lumineux? Si ce Nom est vraiment important, pourquoi n'apparaît-il plus?
Faut-il vraiment entrer dans tous ces détails pour saisir l'importance du
Nom?
Ceux qui n'affectionnent pas le Nom proposent une réponse claire et
vraisemblable: ce Nom n'a pas d'importance dans le Nouveau Testament,
car c'est le nom de Jésus, Dieu incarné, qui est important. En cela ils
s'inscrivent dans la droite lignée d'une orthodoxie qui n'est précisément pas
celle du christianisme primitif.
Une autre réponse, plus nuancée, et biblique, peut être avancée. En effet,
le dessein de Dieu, tel qu'il est rapporté dans la Bible, a été contrarié souvent
et de bien des manières.

Chute Nécessité de restauration


La souveraineté de Jéhovah devait Satan l'a contestée
s'imposer naturellement
Les premiers humains devaient obéir Adam et Eve l'ont transgressé
à un commandement simple
Les humains devaient vivre à jamais Ils sont devenus mortels
Le Nom devait être connu
de génération en génération Il a été oublié de bonne heure
Israël devait être le peuple élu de Dieu Maintes fois il a été idolâtre
Jésus était venu pour les brebis d'Israël Ce sont les païens qui l'ont
reçu

302
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Philip Comfort pointe très justement le doigt sur le fond du problème:


« Le concept de restauration est biblique. Adam a péché, et avait besoin
d'une restauration. Israël est devenu idolâtre, et avait besoin d'une
restauration. Même la Loi écrite a été perdue, puis elle a été retrouvée par le
grand-prêtre Hilkiah durant le règne de Josiah. Ainsi, chaque restauration
apporte vive joie et doux contentement - car ce qui était perdu devient
d'autant plus précieux une fois retrouvé9.»
La réponse est donc celle-ci: la restauration. L'inspiration des Écritures
n'est pas la garantie de leur préservation constante au cours des âges: elles
peuvent très bien être perdues (2R 22:3-14, 2Ch 34:14), scellées (Dn 8:26,
12:4, Rv 10:14). Puis rétablies: « Repentez-vous donc et vous convertissez,
pour que vos péchés soient effacés: en sorte que viennent des temps de
rafraîchissement de devant la face du *Seigneur, et qu'il envoie Jésus Christ,
qui vous a été préordonné, lequel il faut que le ciel reçoive jusqu'aux temps
du rétablissement10de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses
saints prophètes de tout temps. » - Actes 3:19-21 (Darby)
De fait, de la Genèse à la Révélation, la Bible ne parle-t-elle pas d'un
rétablissement de toutes choses, dont les prémices sont entendues dès le
jardin d'Éden (Gn 3:15) ? N'évoque-t-elle pas l'histoire de l'humanité
comme celle d'une chute, et d'une restauration? Le nom divin dans le
Nouveau Testament n'échappe pas à ce processus.
Perdu lors du passage de la proclamation orale de la bonne nouvelle à
l'écrit grec, avec un intermède hébreu ou araméen quasi insaisissable, il a
été totalement ignoré, pendant près de deux millénaires, avec la dominance
de la Vulgate qui a définitivement implanté dans nos habitudes le Dominus
ou Seigneur. Et puis brutalement, à l'époque moderne, retour aux sources,
retour à l' hebraica veritas : on restaure le nom divin dans l'Ancien
Testament. En fait, on ne le restaure pas véritablement: il y était, il suffisait
simplement qu'on reconnaisse qu'il y fût. Plus intéressant néanmoins,
certains comités de traduction du Nouveau Testament prennent le parti de le
faire figurer également dans les Écritures grecques chrétiennes, alors qu'en
apparence, et en apparence seulement comme nous l'avons vu, les
manuscrits grecs n'en accorderaient pas la légitimité. Il n'est pas étonnant
que ces comités-là se soient attirés les foudres de l'orthodoxie. C'est une
«bonne guerre », car elle en réunit les deux composantes essentielles:
l'incompréhension et l'absurdité.
Mais il est intéressant de constater que ce sont essentiellement les
personnes de culture hébraïque ou hébraïsantes (tels Ginsburg, Chouraqui,
Tresmontant parmi tant d'autres), sensibles au contexte socioculturel, aux
racines profondes du Nouveau Testament, qui aient en premier lieu inséré -
nous dirons mieux, restauré - le nom divin dans le Nouveau Testament, à ses
places les plus attendues: les citations de l'Ancien Testament où il figure bel
et bien, ainsi qu'à quelques autres endroits complémentaires. Les Témoins
de Jéhovah sont bien connus pour avoir procédé, eux-aussi, à cette
restauration. Or, Lynn Lundquist les accuse d'outrepasser l'autorité de

303
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

milliers de manuscrits grecs. Mais leur démarche, mal comprise par


Lundquist comme par d'autres, est loin d'être innocente et naïve. Elle a pour
elle le poids de considérations qu'on ne peut écarter d'un simple haussement
d'épaules, et dont la présente étude faisait l'objet. En fait elle s'inscrit dans
un contre-courant, qui ne veut pas faire l'objet de ce reproche:

,6tli "~.I1-n~
,- n'~tlii1"
, , c'~tlihi1
,,-
" " - (',tt;~'
-
cnOiSn:1
ii1.I1'~ tli,~ i'~O'
1\" J' ,'-' l" -. J -.-
'"
- - "~tli-n~
:".I1:h:1
t ": .: 6n~:l~
./ -: 'in~w
5: ,w~~
': -: -

Ils imaginent faire oublier mon nom à mon peuple


par leurs rêves, qu'ils se racontent l'un à l'autre,
tout comme leurs ancêtres ont oublié mon nom pour Baal
Jérémie 23:27TA

Baal est un terme qui n'a plus grande signification aujourd'hui. Ce terme
".p:h signifie maître, possesseur, mari, et même seigneurll. On pourrait donc
presque traduire par: ils « ont oublié mon nom pour 'Seigneur' }). De fait, ce
passage de Jérémie condamne bel et bien l'oubli du Nom de Dieu, et avec
cet oubli l'abandon de Dieu Lui-même.
Comme toujours cependant, cette «chute}), cet oubli du Nom, devait
coïncider avec une «restauration}). C'est l'apôtre Pierre, qui, en termes
prophétiques, nous le révèle: «Et dans les derniers jours, dit Dieu, je
répandrai une partie de mon esprit sur toute sorte de chair, et vos fils et vos
filles prophétiseront, et vos jeunes gens verront des visions, et vos vieillards
rêveront des rêves; et même sur mes esclaves mâles et sur mes esclaves
femelles je répandrai une partie de mon esprit en ces jours-là, et ils
prophétiseront. Et je donnerai des présages dans le ciel en haut et des signes
sur la terre en bas; du sang et une brume de fumée; le soleil se changera en
ténèbres et la lune en sang avant que le grand jour de Jéhovah arrive. Et tout
homme qui invoque le nom de Jéhovah sera sauvé. }) Ac 2: 17-21 (TMN)
Effectivement, le Dieu souverain a promis que son Nom glorieux serait
connu de toutes les nations. Ceux qui aiment son Nom se réjouissent donc
quand Dieu Lui-même fait cette promesse, autre restauration dans la lignée
des restaurations12 :

C~i~~ ''''r::7?iJ "i;~ij 'J~V:'-n~ '~V:"P1


i1;i1'
T :
')~-'~ c.{i~i1i.I1""
,- :T : c~in:1
1\ : cn"eyn
, .: : . ,w~
J' -: - l': -:
'

Je sanctifierai mon grand nom profané parmi les nations, que vous avez
profané au milieu d'elles: « Et les nations sauront que je suis Jéhovah ».

304
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

1 Pour être précis, on peut signaler que quelques fragments de la météorite tombée dans
l'Arizona existent toujours. Ainsi en est-t-il des relicats tels le nom divin j1"(Yah) subsistant
dans la Révélation.
2 Puisque pas un n'est identique, comment identifier le manuscrit qui préserverait le texte
authentique? C'est ce qui fait dire à P. W. Comfort avec une pointe d'ironie: « If an
autograph of the New Testament were found today, it would very likely be labeled as an
ancient manuscript that preserves a pure text type with some emendations. » - Comfort, The
Quest...: 122.
3 Cette répugnance Gentile est perceptible dans les propos d'Hellmut Rosin: « It might mean
that 'Jehovah' would irrevocably become the strange God of the D.T. and that the cleavage
between the two Testaments might also rend apart the church (.. .). » (nous soulignons).
Cependant, cette affirmation s'appuie sur des données erronées; en particulier, Rosin
soutenait (en 1952) : « we should not forget that there is no sign of any such transcription of
the tetragram in the N.T. and the LXX.», ce que nous savons faux puisque la LXX
transcrivait primitivement le tétragramme en hébreu ou en grec; quant au N.T., comme nous
en avons étudié les indices, certaines parties rédigées initialement en hébreu présentaient
sûrement le même phénomène. Partant de là, Rosin déduit: « That YHWH was invoked as
'the Lord', that He was spoken of as 'the Lord', that He made himself known as 'the Lord' -
all this is already part of the canonical testimony of the expiring Old Covenant and not just of
later Judaism. (...) There is nothing to correct or restore there. Not disobedience but
obedience has led to replacement of the name YHWH. Its place was to be cleared for another
proper name, that of Jesus Christ. It might be disrespectful and disobedient, therefore, to
restore something that God himselfhas demolished. » (The Bible Translator 1952 03/4 : 182).
Hormis l'importance du nom de Jésus, c'est exactement l'inverse de ce que prétend Rosin qui
est avéré. Dieu, dans l'Ancienne Alliance hébraïque (ou dans sa traduction grecque) s'est fait
connaître sous son Nom: Jéhovah. C'est sous ce Nom Jéhovah que ses fidèles serviteurs du
passé l'ont invoqué (Gn 13:4). C'est la désobéissance qui a conduit à oublier son Nom pour
'Seigneur' (voir Jr 10:25, 23:27). Et c'est l'obéissance qui pousse à le restaurer et l'employer
(Jo 2:3, Ac 2: 17-21, Ro 10: 13). Mais il est évident qu'employer le nom 'Jéhovah' à la place
de 'Seigneur' est assez embarrassant pour une personne trinitaire. Rosin lui-même en
témoigne: « for are not 'Jehovah's witnesses' anti-Trinitarians? » (ibid.) La question oratoire
ici soulevée peut se comprendre ainsi: appeler Dieu 'Jéhovah', reviendrait (outre 'risquer'
l'allusion au mouvement religieux qui porte ce nom), à compromettre la doctrine trinitaire,
dans la mesure où la confusion autour du terme 'Seigneur' serait moins évidente (Dieu aurait
un nom propre; Jéhovah et Jésus seraient plus facilement distingués). Il est donc évident que
'Jéhovah' apparaît comme un nom barbare, étrange, aux oreilles de nombreux chrétiens
d'aujourd'hui: de cette façon se répète l'histoire, puisque le même sentiment prévalut lorsque
le message judéo-chrétien fit irruption chez les Gentils.
4 Pierre Perrier, Évangiles, de l'oral à l'écrit et Les colliers évangéliques, éd. Sarment (2000
et 2003).
5 Tresmontant, Les Evangiles: 17.
'
6 Cf supra. Y. Yadin, The Ben Sira Scroll from Masada, Jerusalem: Israel Exploration
Society, 1965. Sur le triple yod, voir aussi Howard, mL 96/1, 1977 : 69.
7 « Il s'introduisit dans le Temple, où se trouvait la pierre fondamentale [ct: T.J. Yoma 42c,
ndla], dont le nom s'explique par le fait que Dieu l'avait fondée; sur elle Isaac notre père (la
paix sur lui !) avait répandu l'huile d'onction; elle portait engravées les lettres du Nom
explicite. Quiconque en connaissait le mystère pouvait agir à sa guise. Le bâtard connaissait
son mystère et les Sages d'Israël avaient très peur que les jeunes d'Israël ne l'apprennent et ne
se livrent à des forfaits. Ils prévinrent le danger astucieusement en fabriquant deux lions
d'airain suspendus aux deux colonnes de fer en face de la porte du Temple: si l'on entrait
pour apprendre les lettres, à la sortie on les oubliait aussitôt; si on les écrivait sur un
parchemin, on ne pouvait plus sortir. Que fit le bâtard? Il prononça les lettres sur sa cuisse,
l'incisa sans ressentir de souffrance, et y plaça le parchemin porteur de l'inscription; puis il
prononça à nouveau les lettres et remit la peau en place. À sa sortie les lions rugirent devant

305
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

lui: il oublia ce qu'il avait appris, mais le parchemin resta en place. Il déchira à nouveau sa
cuisse pour en extraire le parchemin, il apprit les lettres de manière à pouvoir agir en toute
indépendance, ce qu'il fit; et il agit à sa guise. » - Osier: 38-39. Dès lors, le récit poursuit en
dépeignant Jésus « prononcer les lettres du Nom», ou « mentionner le Nom explicite» pour
faire des miracles. On rencontre l'expression « prononcer les lettres du Nom ineffable»
(Osier: 73), ce qui montre bien que pour les Juifs, le Nom n'était pas ineffable, mais plutôt
qu'il n'était pas permis de le prononcer, ce qui est explicitement confirmé par la mention« la
faute qu'il y a à prononcer le Nom» (Osier: 93). Les Toledoth, profanatoires à bien des
égards, puisqu'elles font de Jésus le fils illégitime (qui plus est conçu en période de nidah) de
Marie et de Joseph ben Pandéra, mélangent réminiscences historiques, bibliques (en attestant
le lieu de naissance de Jésus à Bethléem [Osier: 90], en évoquant Judas Iscariote, certes
d'une manière bien particulière, ou Jean Baptiste, Matthieu, Jean, Pierre, PauL..) et fantaisies
chronologiques patentes (évocation de Constantin !). Jésus est tantôt accusé de s'arroger le
titre de fils de Dieu (Osier: 93, 110), tantôt de Dieu (Osier: 58, 81, 110). Plus intéressant
encore, les Toledoth fournissent un témoignage supplémentaire, et crédible, indiquant que les
disciples de Jésus, après la mort de ce dernier, continuaient de fréquenter les synagogues:
« une immense dissension régnait entre eux [les disciples de Jésus, appelés 'vauriens' dans le
texte] et Israël... Bouleversement dans l'ordre des prières [allusion à la bénédiction des
hérétiques ?] et pertes d'argent [cf. l'épisode des marchands du Temple I]. Où qu'ils vissent
des Israélites, les vauriens disaient: 'Vous avez tué le Messie de Dieu !' à quoi les Israélites
répondaient: 'Vous méritez la mort car vous avez foi en un prophète mensonger !'. Mais ils
ne se séparaient point pour autant d'Israël: la dissension et la dispute régnaient au milieu
d'eux et Israël ne connaissait plus le repos. » (Osier: 79, 108-109) Aussi, les Sages d'Israël
vont-ils user d'un subterfuge pour « leur [faire] abandonner la Torah d'Israël» (Osier: 58 ;
cf. 59). Il faut donc considérer ces Toledoth Yeshuh [yeshuh au lieu de Yeshua', car ce sont
les initiales de 'que soient Effacés son Nom Et sa mémoire', cf. Osier: 89] comme un écrit
polémique à part entière, à prendre avec précaution à ce titre, et qui a été rédigé par ceux-là
même que le christianisme institutionnalisé persécutait déjà grandement. Textes hébreux
consultables sur: http://lemidrash.free.fr/JudaismeChristianisme/index_toledoth.html. Une
-
autre tradition juive qui nous renseigne sur le Nom bien que totalement mythique, celle-là! -
est contenue dans l'Alphabet de Yeshoua Ben Sira (même époque de rédaction que les
Toledoth, vers le Xe s.). Elle débute ainsi: « Dieu créa Adam et vit qu'il était seul. Il dit: 'Il
n'est pas bon pour un homme d'être seul'. Alors, Il créa une femme, à partir de la terre
comme Adam et Il l'appela Lilith. Adam et Lilith se querellèrent. Il lui dit: 'Je ne me
coucherai pas sous toi, mais seulement au-dessus de toi. Tu es faite pour être dessous, parce
que je te suis supérieur'. Lilith répondit: 'Je ne me coucherai pas sous toi mais sur toi. Nous
sommes égaux, nous avons été créés de la même terre'. Aucun des deux ne voulut céder.
Quand Lilith le vit, elle prononça le Nom Ineffable et partit dans les airs. » (Wikipédia, art.
Ben Sira ; nous soulignons). Où l'on voit que la connaissance du Nom a servi la cause de la
première féministe de I'Histoire!
8 Compte tenu de leur substrat sémitique, les Évangiles, les Actes d'Apôtres et la Révélation?
9 Comfort, The Quest...: 10.
tO
Le terme est tl1TOKtlt(XOttlOtç,
restauration ou rétablissement, formé sur le même préfixe que
(x1TOK(XÂ.Utf1tÇ,
révélation...
Il Cf. Joüon 136d, Feyerabend (Langenscheidt's Pocket Hebrew Dictionary) : 44.
12 Ézéchiel 36:23a, TA. La partie b ajoute :
:C:J'~.'~7 C~~ '/tÇli?i}~ i1ii1~ ~~.,~ \c~~ i.e.
« déclare [déclaration de] le Seigneur Jéhovah, quand je me sanctifierai, par vous, sous leurs
yeux.»

306
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Annexe 1
Versets bibliques où le Nom pourrait être restauré

La liste qui suit se base sur l'Appendice ID de la TMN, pp.l682-1685, et


reproduit les 237 versets où cette version restaure le nom divin au sein du Nouveau
Testament. Cette liste, à notre sens, établit le nombre maximum d'occurrences
probables du Nom. Nous nous sommes également reporté à la liste établie par
Lundquist (Lundquist, The Tetragrammaton: 217-222), qui nous a bien des fois
laissé perplexe, tant pour l'identification des citations que pour celle des allusions.
D'un grand intérêt a également été l'étude R. Grant Jones, Notes on the Septuagint,
pp.42-49, ainsi que les indications du NA27(marge du texte), et du GNr (pp.888-
901). Sur quelle base la TMN a-t-elle restauré le Nom dans le Nouveau Testament?
L'appendice précité mentionne deux raisons principales (p.l683) :

Pour savoir où le nom divin a été remplacé par les termes grecs KVpLOÇet
e€OÇnous avons déterminé les endroits où les rédacteurs chrétiens inspirés
ont cité des versets, des passages et des expressions tirés des Écritures
hébraïques, puis nous nous sommes reportés au texte hébreu pour voir si le
nom divin y figurait. C'est ainsi que nous avons pu établir l'identité de
Kurios et de Théos et savoir de quelle personne il s'agissait.

Le Comité en question a donc identifié les citations, mais aussi les expressions
bibliques usuelles, en se reportant au texte massorétique. Une telle méthode, on le
sait, est faussée aujourd 'hui (et donc facile à remettre en question), puisque le
Nouveau Testament donne l'impression de ne s'appuyer essentiellement que sur la
Septante (l'étude de Jones le met en évidence magistralement), Septante qui ne porte
plus le nom divin en lettres hébraïques. Néanmoins, la réalité est que, la plupart du
temps, les versets bibliques où le Nom est restauré citent les Écritures, où figurait le
Nom tant dans la version pré-massorétique que connaissaient Jésus et ses disciples
que dans la Septante, où le tétragramme n'avait pas encore été remplacé.

Pour rester dans notre rôle de traducteurs et ne pas verser dans l'exégèse,
nous avons chaque fois longuement réfléchi avant de traduire le nom divin
dans les Écritures grecques chrétiennes, nous référant toujours aux
Écritures hébraïques. Nous avons aussi cherché confirmation dans les

307
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

nombreuses versions hébraïques que nous avons consultées. On notera que


pour chacune des 237 fois où nous avons restitué le nom de Jéhovah dans
le corps de notre traduction, nous avons trouvé un appui dans une ou
plusieurs de ces versions.

Ce principe, plus discutable sur la fonne, est essentiel. Il signifie que les
traducteurs de la TMN ont opté pour une restitution du Nom sur la base du sens et
du contexte, davantage que sur le texte lui-même et, pour s'assurer de ne pas verser
(trop) dans l'exégèse, ils se sont reportés à des traductions hébraïques du Nouveau
Testament. Cette méthode scandalise Lundquist. Il est vrai que des versions
hébraïques du NT, par définition, n'ont pas de valeur intrinsèque pour l'étude du
Nouveau Testament, ou pour la restauration du Nom. Et ce n'est pas ce que prétend
le Comité de la TMN. Mais ce dernier s'y reporte pour trouver « un appui» à sa
démarche, non une preuve comme semble le penser Lundquist. C'est d'ailleurs une
réaction naturelle, que l'on peut illustrer de la manière suivante: supposons un jeune
hébraïsant auquel on demande un thème tiré de la Genèse. L'élève s'exécute
péniblement, cherchant à rétroverser le français en un hébreu idiomatique. Quelle
envie ressentira cet élève une fois le thème terminé? Savoir ce qu'un vrai
hébraïsant, natif de préférence, aurait fait à sa place: en l'occurrence, consulter les
pages de la Genèse, et découvrir comment Moïse lui-même a dit la chose! Aussi le
Comité de la TMN, conscient du substrat sémitique du NT, se réfère-t-il à des
versions hébraïques, certes' anachroniques', mais réalisées par des personnes
hébraïsantes sensibles au substrat du NT, et à son contexte, pour garantir que leur
restitution n'est pas hors de propos, ni impensable. Quand on a compris cela, les
expressions 'jour de Jéhovah', 'déclare Jéhovah des armées', 'ange de Jéhovah',
'Jéhovah Dieu, le Tout-Puissant', etc., deviennent naturelles.
Dans la liste qui suit, nous avons indiqué par le symbole & les citations qui se
conforment à la Septante contre le sens du texte massorétique, noté flll. Un
astérisque indique les cas où les citations sont formellement introduites (expressions
'il est écrit', 'car:', etc.). Les cas où les citations se conforment parfaitement au
texte de la Septante sans contredire celui du texte massorétique n'ont pas été
indiqués.

Mt 1:20 Ange de ;'1;''1


Mt 1:22 Is 7: 14 (cité v .23)
Mt 1:24 Ange de ;'1;''1
Mt 2: 13 Ange de ;'1;''1
Mt 2: 15 Ho Il: 1*
Mt 2:19 Ange de ;'1;''1
Mt 3:3 Is40:3*
Mt 4:4 Dt 8:3* & & : Dieu; Wl:Jéhovah
Mt 4:7 Dt 6:16*
Mt 4: 10 Dt 6: 13*
Mt 5:33 Lv 19:12,
Nb 30:2
Mt 21 :9 Ps 118:26

308
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Mt 21:42 Ps 118:23*
Mt 22:37 Dt 6:5*
Mt 22:44 Ps 110:1* Ps 8:6
Mt 23:39 Ps 118:26
Mt 27:10 Ze Il: 13
Mt 28:2

Me 1:3 Is 40:3-5*
Me 5: 19
Me Il:9 Ps 118:25-26
Me 12:Il Ps 118:22-23*
Me 12:29 Dt 6:4-5
Me 12:30 Dt 6:4-5
Me 12:36 Ps 110:1
Me 13:20

Le 1:6
Le 1:9
Le 1:Il Ange de ;'1;''1
Le 1:15
Le 1:25
Le 1:28
Le 1:32
Le 1:38
Le 1:45
Le 1:46
Le 1:58
Le 1:66
Le 1:68
Le 1:76
Le 2:9 Ange de jj,jj" ; 2 oee.
Le 2: 15
Le 2 :22
Le 2 :23 Ex 13:2
Le 2 :24 Lv 12:8
Le 2 :26
Le 2:39
Le 3:4 Is 40:3-5*
Le 4:8 Dt 6: 13*
Le 4: 12 Dt 6: 13*
Le 4: 18 Is 61:1-2*
Le 5: 17
Le 10:27 Dt 6:5*
Le 13:35 Ps 118:26 Jr 22:5
Le 19:38 Ps 118:26
Le 20:37 Ex 3:6*
Le 20:42 Ps 110:1*
309
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Jn 1:23 Is40:3*
Jn 6:45 Is 54:1-3* & Jr 31 :33-34 &: Dieu; Wl: Jéhovah
Jn 12:13 Ps 118:25-26
Jn 12:38 Is53:1* 2 occ.

Ac 1:24
Ac 2:21 Jo 2:32*
Ac 2:25 Ps 16:8-11 *
Ac 2:34 Ps 110:1*
Ac 2:39
Ac 2:47
Ac 3: 19
Ac 3 :22 Dt 18:15-16*
Ac 4:26 Ps 2:1-2*
Ac 4:29
Ac 5:9
Ac 5: 19 Ange de ;'1;''1
Ac 7:31
Ac 7:33 Ex 3 :5*
Ac 7:49 Is 66: 1-2*
Ac 7:60
Ac 8:22
Ac 8:24
Ac 8:25
Ac 8:26 Ange de ;'1;''1
Ac 8:39
Ac 9:31
Ac 10:33
Ac Il :21 2 occ.
Ac 12:7 Ange de ;'1;''1
Ac 12:17
Ac 12:23 Ange de ;'1;''1
Ac 12:24 Variantes Dieu / Seigneur
Ac 13:2
Ac 13:10
Ac 13:Il
Ac 13:12
Ac 13:44 Variantes Dieu / Seigneur
Ac 13:47
Ac 13:48 Variantes Dieu / Seigneur
Ac 13:49
Ac 14:3
Ac 14:23
Ac 15:17 Am 9:11-12* Is 45 :21 2 occ.
Ac 15:35
Ac 15:36
310
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Ac 15:40
Ac 16:14
Ac 16:15
Ac 16:32
Ac 18:21 txt : Dieu
Ac 18:25
Ac 19:20
Ac 21 :14

Ro 4:3 Gn 15:6* & & : Dieu; Wl: Jéhovah


Ro 4:8 Ps 32:1-2*
Ro 9:28 Is 10:22-23*
Ro 9:29 Is 1:9* Jéhovah
.: \
des armées
n'~::l~ :
jj'JT: jj"
Ro 10:13 Jo 2:32
Ro 10:16 Is53:1*
Ro Il:3 IR 19:10,14*
Ro Il :34 Is 40: 13
Ro 12:Il
Ro 12:19 Dt 32:35*
Ro 14:4
Ro 14:6 3 occ. ; Dieu ou Jésus
Ro 14:8 3 occ.
Ro 14:Il Is 45:23* Is49:18
Ro 15:Il Ps 117:1*

lCo 1:31 Jr 9:24*


lCo 2:16 Is 40: 13 Variantes Christ / Seigneur
lCo 3:20 Ps 94: Il *
1Co 4:4
lCo 4:19
1Co 7: 17
lCo 10:9
lCo 10:21 2 occ.
lCo 10:22
lCo 10:26 Ps 24: 1
1Co Il :32
lCo 14:21 Is28:11-12*
lCo 16:7
1Co 16:10

2Co 3:16 Ex34:14


2Co 3:17 2 occ.
2Co 3:18 2 occ.
2Co 6:17 17a: Is 52:11*
17b : Ez 20:34*
2Co 6:18 2S 7:14*
311
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

2Co 8:21
2Co 10:17 Jr 9 :24
2Co 10:18

Co 1:10
Co 3: 13
Co 3: 16 txt: Dieu
Co 3 :22
Co 3 :23
Co 3 :24

2 Th 2:2
2 Th 2:13
2 Th 3:1
2 Ti 1:18
2Ti2:19 Nb 16:5* 2 occ.
2Ti4:14

Rb 2:13 Is 8: 17, 18* & & : Dieu; Wl : Jéhovah


Rb 7:21 Ps 110:4*
Rb 8:2
Rb 8:8 Jr 31 :31* 2 occ.
Rb 8:9 Jr31:32*
Rb 8:10 Jr31:33*
Rb 8:11 Jr 31 :34*
Rb 10:16 Jr31:33*
Rb 10:30 Dt 32:35*
Rb 12:5 Pr3:11*
Rb 12:6 Pr 3:12*
Rb 13:6 Ps 118:6

312
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Je 1: 12 Rv 2:10 Kyrios n'apparaît pas dans


ce verset: le Nom peut
difficilement y avoir figu-
ré ; le sujet de la phrase est
au verset 7 (tOÛ KUplOU).

Je 2:23a Gn 15:6* & & : Dieu; Wl : Jéhovah


Je 2:23b Ex 33:11, 2Ch
20:7,ls41:8
Je 3:9 Variantes Seigneur / Dieu;
TC : 611
Je 4: 10
Je4:15
Je 5:4 Dt 24: 15 Jéhovah des armées
ni~:)~ i1'i1~
: JT:

Je 5: 10 « les prophètes qui ont


parlé au nom du
Seigneur»
Je 5: Il lIa: Jb 42:10 2 oee.
Ilb:PsI03:8
Je 5: 14 Variantes Seigneur /
Seigneur Jésus / Jésus
Christ / omission; TC :
614
Je 5: 15

2P 2:9 Ps 34: 19
2P 2: Il
2P 3:8 Ps 90:4 Wl ne contient pas le Nom
en Ps 90:4
2P 3 :9
2P 3: 10 J03:4[2:31]
2P 3: 121 Jo 3:4 [2:31] txt : Dieu; variantes Dieu /

1 La NET porte la note suivante à ce passage: « The coming of the day of God. Peter
elsewhere describes the coming or parousia as the coming of Christ (cf. 2 Pet 1:16 ; 3:4). The
almost casual exchange between' God' and 'Christ' in this little book, and elsewhere in the
NT, argues strongly for the deity of Christ (see esp. 1:1).» C'est loin d'être obligatoire. D'une
part, les variantes appuyant la lecture 'Seigneur' (C P 323 945 1245 1739 al t vgcl bo)
indiquent, si besoin est, que l'expression « jour de Jéhovah [jour du Seigneur] » devait être au
moins aussi familière aux scribes, si ce n'est plus, que «jour ou avènement du Christ» ;
d'autre part le contexte immédiat est celui d'une citation-paraphrase de l'AT.
313
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Rv 1:8 Is 48:12 ; Am
3: 13
Rv 4:8 Is 6:3
Rv 4: Il 1Ch 29: Il
Rv Il:17 Am 4:13 & Ex 6:3 KUplE 0 8Eàç 0 TIlXv'toKpa'twp

(TIlXv'toKpa'twp = ~~)
"'w
Rv 15:3 Am4:13 &; Ex 34:10, Ex KUplE 0 8Eàç 0 TIlXv'toKpa'twp

Ps 111:2, 139 :14, 15:1-19


Am 3:13, Dt 32:4,
Ps 145:17*
Rv 15:4 Jr 10:7 Ps 86:9
Rv 16:7 7a:Am4:13 & KUplE 0 8Eàç 0 TIlXv'toKpa'twp

7b : Dn 3:27s &
Rv 18:8 Is 47:14, Jr 50:34
Rv 19:6 Ps 104:5, etc KUplOÇ 0 8Eàç [~~wv] 0
TIlXv'toKpa'twp
Rv 21:22 KUplOÇ 0 8Eàç 0 TIlXv'toKpa'twp

Rv 22:5 Dn 7:18,24
Rv 22:6 Nb 27:16 NT, &: KUplOÇ0 8EOÇ tWV
1TvEU~atWV
Wl : nh"ï1 "H~~ jj,jj"
\ /00 0:: T:

Nous parvenons à un total de 80 citations formelles du Nouveau Testamenf,


dans lesquelles les rédacteurs inspirés ont du - s'ils étaient fidèles au texte - intégrer
le nom divin dans leurs propres écrits. Les allusions sont au nombre de 28, ce qui
pourrait ramener le nombre total à 108 citations plus ou moins formelles4. Il y a
donc 129 versets5 où le Nom est restauré sans support explicite des Écritures. Ce
chiffre toutefois n'inclut pas les expressions usuelles tirées des Écritures (mais hors
citation), telles 'ange du Seigneur', 'Seigneur Sabaoth', 'jour du Seigneur'... On
constate que le Nom n'apparaît pas du tout dans l'épître aux Philippiens (c.60-61), ni
dans les trois épîtres de Jean (c.98). Une seule instance parmi les 237 nous a semblé
étonnante : Je 1:12 ; en effet, ni le terme 'Dieu', ni le terme' Seigneur' n'y figurent,
et l'on est obligé de restaurer 'Seigneur' (sur la base du verset 7), pour rendre la
phrase plus intelligible (Seigneur: NEG, 1ER, LSG, OST ; Dieu: Fillion, Martin,

2 Voir la Tour de Garde, 01/06/98 : 16, qui émet des réserves sur cette citation apocryphe. Le
Livre d'Hénoch n'étant pas daté avec certitude, il est bien possible que ce soit ce dernier qui
emprunte à Jude, et non l'inverse. Mais cela ne résoud pas la provenance de cette citation, que
Jude introduit formellement (npOE~~tE\)(JEV... ÂÉYwv')comme si elle était familière à la
communauté à laquelle il s'adresse.
3 Dont 57 introduites formellement. Stafford: 32, arrive à un total de 79, tandis que Lundquist
en compte 112 (Lundquist, The Tetragrammaton... : 222).
4 Stafford quant à lui, et de manière fort judicieuse, distingue les instances où l'action est
réalisée par Jéhovah (16 occ.) et celles où le contexte indique que Jéhovah est la personne en
question (61 occ.). Cf. Stafford: 32.
5 Lundquist en compte 125 (Lundquist, The Tetragrammaton... : 222)., et Stafford, mais avec
une méthode différente (cf. Stafford: 31-32), 83.
314
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

BFC). On est donc assuré que ce passage ne portait pas le Nom dans l'autographe du
disciple Jacques. Il y a encore dix instances plus ou moins discutables en Mt 4:4, Jn
6:45, Ac 18:21, Ro 4:3, Ga 3:6, Co 3:16, Rb 2:13, Je 2:23 (2 occ.) et 2P 3:12 où le
texte, bien que vraisemblablement tiré ou inspiré de la Septante, porte 'Dieu', là où
la traduction grecque porte' Seigneur' ou 'Dieu' au même passage. Il est donc plus
hypothétique (mais possible néanmoins) que le tétragramme y ait figuré.
Sur la base de ce qui précède, on peut établir le scénario suivant, concernant par
exemple le passage de Mt 22:44 (citation formelle): Matthieu, qui rapporte la
controverse de Jésus avec les Pharisiens au sujet de l'identité du Messie, se souvient
que Jésus en a fait appelle au Psaume 110: 1. Il connaît sans doute par cœur de longs
passages des Psaumes, car il est Juif et cela constitue l'essence de son éducation.
Mais il consulte quant même le rouleau en question, où il découvre:

,,~t~ ",~
")"~"~ :1W")"K~ ;";''' OK)

1'~)'~ o,n 1':1'N n'~N '11


Il recopie donc, à l'identique, ce qu'il a sous les yeux. Par la suite, lorsqu'il réalise
ou supervise la traduction grecque de son évangile, il se reporte naturellement à la
Septante, où il découvre:

T(J) .a..~ YI.a..


~ÀMOC
'f
€ITT€N ~SC~~ Tc.o Kyplc.o MOY
K~eoy €K .A€~ION MOY €c.os
~N ec.o Toye €Xepoyc coy
YTTOTTO.AION TWN TTO.a..WN coy

On a vu que les rédacteurs inspirés du NT prenait des libertés dans les citations de
l'AT. Matthieu ne fait pas exception: il ne mentionne pas l'en-tête, et substitue un
mot pour un autre (ù1ToKa't'wpour Ù1T01TOÔLOV) ; mais, comme tout Juif qui se respecte,
il ne touche pas au Nom, qu'il reproduit à l'identique:

€ITT€N ~f(~~ Tc.o KyplW MOY


K~eoy €K .A€~ION MOY €WS
~N e<.o TOYC €xepoyc coy
YTTOK~ TW6 Tc.oN TTO.a..WN coy

6
U1TOKa't'west la lectio difficilior. D'autres manuscrits lisent U1T01TOÔLOV
(K W TI 0102 0161 fl
13 33 1342 Byz ita itaur itCitf itff1 itff2 i~l it1vg syrp COpmaeç) ce qui pourrait être une
harmonisation. À l'inverse, U1ToKatwpeut s'expliquer comme un problème de mémoire: un
mot lu (ou entendu) est suppléé par un synonyme.

315
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Annexe 2
Repères chronologiques

33 Mort et résurrection de Jésus -12-51 : Philon d'Alexandrie


(Iefs.)Apion (rhéteur grec sans
Lapidation d'Étienne, et persécution doute alexandrin, auteur d'un
des Chrétiens (Ac 6:9-15, 71-60 ; pamphlet antisémite, Sur les
8:1,4,11:19) Juifs )
14-37 : règne de Tibère
30-100 Clément de Rome 30-50 Théodotion réalise une
traduction grecque de l'AT à
c. 34-35 Paul se convertit au christianisme l'usage des Juifs
c.37-100 : Flavius Josèphe
35-107 Ignace d'Antioche 37-41 : règne de Caligula
38 Pogrom à Alexandrie.
c.39-40 Ambassade juive à Rome (menée par 39 : Caligula ordonne de placer
Philon) pour se plaindre des sa statue dans le Temple. Le
traitements antijuifs à Alexandrie, gouverneur Syrus Petronus se
éconduite; parallèlement, Apion heurte à une opposition
représente les Alexandrins (Caligula virulente. Il temporise jusqu'à
est flatté qu'Apion le considère comme la mort de Caligula.
un dieu).
c.40-41 A Antioche, les disciples de Jésus sont 41-54 : règne de Claude
appelés' Chrétiens' pour la première
fois (Ac Il :26)
43-44 Hérode Agrippa fait exécuter Jacques
le Majeur, frère de Jean (décollation). c.41 : Évangile de Matthieu

410u Claude expulse les Juifs (et judéo- 48 : Émeutes juives en Judée
49 chrétiens) de Rome.
c.47-48 Premier voyage missionnaire (Paul) : c.50-52 : Épître aux Galates
Chypre, Asie Mineure, Antioche de c.50 : Première épître aux
Pisidie, Lystres, Iconium, Galatie... Thessaloniciens

317
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

49 Deuxième voyage missionnaire (Paul) :


Asie Mineure; Europe (Thessalonique,
Philippes, Amphipolis, Apoll?nie,
Athènes, Corinthe, Césarée, Ephèse...)
Incident d'Antioche (Ga 2:11-14) c. 51 : Seconde épître aux
c.49-51 Concile de Jérusalem (Ac 15:1-29) Thessaloniciens
54-68 : règne de Néron
c.52-56 Troisième voyage missionnaire (paul) : c. 55 : Première épitre aux
Galatie, Éphèse, Macédoine, Milet, Corinthiens, Deuxième épître
Rhodes, Chypre, Tyr, Césarée, aux Corinthiens
Jérusalem.. . c.56 : Épitre aux Romains
59-60 Arrestation de Paul à Jérusalem, c.56-58 : Évangile de Luc
transfert à Césarée (séjour de 2 ans, cf. c.60-61 : Epîtres aux
Ac 23 :33 -26:32) puis à Rome. Éphésiens, Philippiens,
Colossiens
c.60-61 Épître à Philémon.
c.60-65 : Evangile de Marc
61-62 Paul est en résidence surveillée à c.61 : Actes d'Apôtres, Épître
Rome, en attente de son procès (cf. Ac aux Hébreux
15:10-12; Pm 1:7,13,20).
62 Exécution de Jacques, frère de Jésus c.61-64 : Première épître à
(Ac 12:2 ; HE II,23,1-18) et pilier de Timothée, épître à Tite
l'église de Jérusalem Avant 62 : Épître de Jacques
c.62-64 : Première épître de
64 Première persécution des Chrétiens, Pierre
suite à l'incendie de Rome (Néron). 64 : Seconde épître de Pierre
c.65 : Seconde épître à
Timothée, Épître de Jude
66 Début de la première guerre des Juifs 68 : Destruction de Qumrân
contre Rome (66-70). Des Chrétiens se
réfugient à Pella.
67 -68 Martyr de Paul sur la route de Rome à 66-69 : mort de Néron, trois
Ostie (décollation) ; martyr de Pierre? empereurs lui succèdent
(Galba, Othon, Vitellius)
69-79 : règne de Vespasien
70 Prise de Jérusalem par Titus.
Destruction du Temple. 75-79 : Josèphe, La Guerre des
Restructuration du judaïsme: création Juifs (rédigé en araméen puis
de la première académie rabbinique par traduit en grec)
y ohanan ben Zakkaï à Yabné
(Jamnia). 70 Persécutions des judéo-
70-90 Fixation du canon de la Bible chrétiens en Égypte
hébraïque, établissement d'un texte
standardisé, rejet de la Septante.
c.85 Introduction de la « bénédiction des 79-81 : règne de Titus
hérétiques» dans la liturgie juive, pour 81-96 : règne de Domitien
exclure les judéo-chrétiens des 93-94 : Josèphe, Les Antiquités
synagogues judaïques; c.93-96 Contre
Apion

318
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

c.90 Prédication de Cérinthe (gnose ?) c.95-96 : Révélation ou


Apocalypse; Clément de
93 Seconde persécution des Chrétiens, Rome, Première Epître aux
développement du culte impérial Corinthiens
(Domitien) 95-100 : La Didachè (Syrie)
95 Exil de l'apôtre Jean à Patmos c.98 : Évangile de Jean, 1,2,3
Jean
97 Martyr de Timothée à Éphèse 96-98 : règne de Nerva
98-117 : règne de Trajan
98 Naissance de Valentin (c.98-161)

c.100 Avant 110 : Lettres d'Ignace


100-125 d'Antioche.
c.100 Polycarpe, Première
aux

107 Troisième persécution des Chrétiens lIe s. .Basilide (professeur


(Trajan) d'Alexandrie) : gnose
. Évangile de Thomas: gnose
. Peshitta (version syriaque)
115 - Révolte des Juifs de la Diaspora. Elle 112 : Pline le Jeune, adresse
117 gagne l'Égypte à partir de Cyrène où une lettre à l'empereur au sujet
elle a débuté. Elle se termine par des chrétiens.
l'anéantissement à peu près complet 117-138 : règne d'Hadrien
des communautés juives d'Alexandrie 120 Seconde Épître aux
et de Cyrénaïque (HE IV, 2, 2 ; Dion Corinthiens (pseudépigraphe)
Cassius, Histoire Romaine, lxviii, 32)
118 Quatrième persécution (Hadrien) c. 117-132 : Épître de Barnabé
125-225 Prolifération du gnosticisme (écrits de c.130 : Papias d'Hiérapolis,
Nag Hammadi) Commentaire des paroles du
130-202 Irénée de Lyon Seigneur
132-135 Seconde guerre des Juifs contre Rome, c. 135 Polycarpe, Seconde
initiée par Bar Kokhba. Jérusalem est Épître aux Philippiens
détruite, interdite aux Juifs, et À partir de 135, évêques
rebaptisée Aelia Capitolina. Gentils à Jérusalem, d'après
Eusèbe
138-158 Prédication de Valentin (gnose) c. 138 : Traduction de l'AT en
grec par Aquila
140 Marcion (110-165) publie ses ouvrages 138-161 : règne d'Antonin
Evangelion, Apostolicon c. 142 : Ariston de Pella,
Développement du gnosticisme à Dialogue de Jason et Papiscus
Rome et en Égypte au sujet du Christ
143 Marcion publie ses Antithèses 140-150 Tatien, Diatessaron
(ou 175)
144 Marcion est excommunié, et fonde sa 146 : Le Pasteur d'Hermas
propre église
150-175 çp90(Oxyrhynque, Égypte) 150 : Nativité de Marie,
Révélation de Jacques
(Protoévangile de Jacques)

319
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

150-215 Clément d'Alexandrie


155-222 Tertullien
156 (ou Prédication de Montan (qui se dit c.155 : Le Martyre de
170) inspiré par le Paraclet, et prône Polycarpe ,. Justin, Dialogue
l'austérité et la fin du monde avec Tryphon
imminente) c.160-170 : Écrits de Méliton
166 Persécutions des Chrétiens en Asie de Sardes
Mineure 161-180 : règne de Marc-
c.170- Fixation du canon (fragment de Aurèle
200 Muratori) c.165 : Traduction de l'AT en
170-235 Hippolyte de Rome (né à Alexandrie), grec par Symmaque
antipape de 215-235
177 Cinquième persécution (Marc-Aurèle) 178 : Celse, Discours vrai
c. 180 : Irénée de Lyon, Contre
180 Pantène fonde à Alexandrie le les hérés ies
Didascalée, école 'des lettres sacrées' 197 : Tertullien (157-230),
Apologétique
185-254 Origène 180-192 : règne de Commode
Clément d'Alexandrie succède à 193 : règne de Pertinax
190 Pantène au Didascalée 194-211 : règne de Septime
Sévère
c.200 çp46, çp66,papyrus Egerton 2 195-211 : Clément
d'Alexandrie, Pédagogue,
Fermeture du Didascalée Stromates
Fin lIe début IIr : Mishna (1 ère
Hippolyte de Rome publie sa partie du Talmud), en hébreu
Réfutation de toutes les hérésies (traité lIe -Ille: monarchianisme
anti nosti ue

Culte de Mithra répandu dans tout le 205-270 : Plotin


monde romain; naissance à Alexandrie 207 : Tertullien, Contre
du néoplatonisme Marcion
202 Sixième persécution (Septime Sévère) 211- 21 7 : règne de Caracalla
215 Début de l'activité d'Origène à 215 : Hippolyte de Rome, La
Alexandrie Tradition apostolique
216-277 : Mani (débuts de
230 Première édition critique de l'Ancien prédication en 242)
Testament (Origène, Hexaples) 218-222 : règne d'Élagabal
234-305 Porphyre (Contre les Chrétiens) 222-235 : Règne de Sévère
Alexandre
235 Septième persécution (Maximin le 235-238 : règne de Maximin le
Thrace) Thrace
c.244 Introduction du néoplatonisme à Rome 244- 249 : règne de Philippe
249 Premières traductions latines de la l'Arabe
LXX, à l'origine de la Vetus Latina c. 248 : Origène, Contre Celse
249-251 Huitième persécution des Chrétiens 249-251 : règne de Dèce
256 Naissance d'Arius (256-336) en Libye 251 : Cyprien de Carthage, De
257 Neuvième persécution des Chrétiens catholicae ecclesiae unitate
(Valérien) 253-259 : règne de Valérien

320
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

c. 260- Eusèbe de Césarée (semi-arien) : 259-268 : règne de Gallien


339 Histoire ecclésiastique, Chroniques, 284 : règne de Dioclétien
Canons.. .
296-373 Athanase, évêque d'Alexandrie c.238, 293-305 : Dioclétien et
prend part à la crise arienne Maximien Augustes,
Constance et Galère Césars
297 Persécution des manichéens Ille -ye : Talmud de Palestine

301- Obligation de sacrifier dans l'armée 305-306 : Abdication de


302 romaine; les Chrétiens qui y restaient Dioclétien et Maximien;
s'en séparent. Constance et Galère Augustes,
303-304 Dixième persécution des Sévère et Maximin Daïa Césars
chrétiens (Dioclétien) : interdiction, 306-307 : Galère et Sévère
confiscations, destruction des lieux de Augustes, Maximin Daïa et
cultes, emprisonnement ou martyr du Constantin Césars
clergé, obligation de sacrifier 308-311 : Galère et Licinius
publiquement. De nombreux écrits Auguste, Maximin Daïa et
sacrés sont détruits (HE YIII,2,4) Constantin Césars
311 Edit de tolérance de Galère 315-403 Épiphane de Salamine
312 Conversion de Constantin 315-367 : Hilaire de Poitiers
c.312- Début de la crise arienne: Arius 315-386 : Cyrille de Jérusalem
319 s'oppose à son évêque sur la divinité 329-379 : Basile de Césarée
du Christ: pour Arius, Jésus n'est pas 336 : Baptême et mort de
égal au Père et a eu un commencement. Constantin; mort d'Arius
313 Edit de Milan (Constantin et Licinius) :
(février) légalisation du christianisme
320 Persécution par Licinius des Chrétiens 330-390 : Grégoire de
d'Orient N aziance
325 Concile de Nicée (définition du credo, 332-394 : Grégoire de Nysse
promulgation de la profession de foi, 344-407 : Jean Chrysostome
dite Confession d'Athanase, 345-419 : Jérôme
condamnation d'Arius). Ce credo 354-430 : Augustin d'Hippone
définit la divinité de Jésus, en le c.361 Julien l'Apostat, Contre
rendant pleinement égal à Dieu. les Galiléens
361-363 Julien l'Apostat rétablit le paganisme c. 356 : Hilaire de Poitiers,
376-444 Cyrille d'Alexandrie Traité sur la Trinité
381 Concile de Constantinople: le credo 374-377 Épiphane de
précise « l'identité» de l'esprit saint. Salamine, Panarion
391-392 Fin du culte païen, persécutions des c.394 Jérôme entreprend la
Ariens (Théodose) traduction de la Bible.
Naissance de la

Prédication de Nestorius niant les deux 431 : Concile


natures de Jésus, et refusant l'épithète Fin ye : Achèvement du
8EOt6KOÇ (mère de Dieu) à Marie Talmud de Babylone
451 Concile de Chalcédoine: le credo
précise que le Père et le Fils sont égaux
en nature, mais 2 personnes distinctes.

321
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Remerciements

Je suis extrêmement redevable de l'ouvrage Un historique du nom divin, de


Gérard Gertoux (L'Harmattan, 1999), car c'est à sa lecture que j'ai
commencé à désirer en savoir plus sur le nom divin. Dès lors, j'ai pris
conscience des difficultés qui entourent sa présence dans la Bible,
particulièrement dans les Écritures grecques chrétiennes. Je dois aussi
beaucoup à l'ouvrage de Matteo Pierro, Geova e il Nuovo Testamento
(Sacchi Editore, 2001), qui m'a montré qu'une solution était possible, tout
en laissant quelques zones à approfondir. Un grand merci également au Dr
Firpo Carr, qui m'a procuré pour mes recherches son ouvrage épuisé en
librairie, The Divine Name Controversy (Scholar Technological Institute for
Research, 1998), ce qui m'a permis de saisir l'étendue de la controverse,
l'intérêt du sujet. Toute ma reconnaissance à mon ami Jean-Claude Dutto,
pour ses nombreux conseils et encouragements. Je dois beaucoup à nos
conversations, à ses objections, à sa vaste connaissance qui n'ignore ni
humour, ni sagesse. Je tiens également à remercier Marian Balastre pour ses
nombreuses corrections et suggestions, ainsi que Stéphane Mérahila, Didier
Bonnassies et Thierry Poma pour leur contribution. Merci aussi au Dr Robert
Kraft (University of Pennsylvania) pour son concours en matière
papyrologique, ainsi qu'à Ivo Fasiori pour son aide documentaire. Enfin, que
serait cette étude sans celle qui l'a couverte de son aile, mon épouse bien-
aimée, Virginie? Tant par sa patience que par ses attentions sans cesse
renouvelées, elle a réuni pour moi toutes les conditions indispensables à
l'aboutissement de mon projet. Qu'elle trouve ici toute ma gratitude et tout
mon amour. J'espère que cette étude contribuera, même modestement, à
sanctifier le glorieux nom divin, comme c'était le vœu du Seigneur Jésus
Christ quand il priait son Dieu et Père: « Père, glorifie ton Nom! »

323
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Crédits photographiques
Je remercie vivement toutes les personnes mentionnées ici pour leur aimable autorisation.

Couverture: Barringer Meteorite Crater, Arizona: pdphoto.org Chapitre 2 : Luc


1:27-33 (Codex Bezae Cantabrigensis, vol. 1, London: C. 1. Clay and Son, 1899,
p.352) ; Reproductions à Soleb (Michael Langfeld, Harrassowitz Verlag Publisher) ;
Ex 3:14 (F. Field, Origenis Hexaplorum, vol. l, Oxford University Press, 1875, p.85)
Chapitre 3 - Ps 27:1 (F. Field, Origenis Hexaplorum, vol.2, Oxford University Press,
1875, p.127) ; Chapitre 4 : Jésus et les marchands du temple (thebibleproject.com) ;
Mt 22:44 (B. Wilson, The Emphatic Diaglott, 1942, p.92; Carl Hagensick) ; du Tillet
Matthew, Mt 4:4-7, Mt 2:13,14 (Tim Hegg, torahresource.com); Mt 3:3 (Bullinger,
The Companion Bible, ad loc.) ; Mc 5:19 (Kirsopp Lake, Codex Sinaiticus
Petropolitanus, the New Testament, the Epistle of Barnabas and the Shepherd of
Hermas. Oxford, 1911) ; Lc 1:15-17 (Bullinger, The Companion Bible, ad loc.) ;
Chapitre 5 - Qumran, cave 4 (David Padfield, padfieldcom) ; Portion de Genèse 2
(Bomberg Bible, 1. ben Chayyim, 1524-1525) ; Mt 26:56 (Codex Vaticanus) ; Jean
5:4 (Codex Bezae Cantabrigensis, vol. 1, London: C. 1. Clay and Son, 1899,
p.216) ; Jean 5:3-5 (Tischendorf, Biblorum Codex Sinaiticus Petropolitanus, 1862,
p.50) ; P.46 (Sanders HA, Epistles of Paul, 1935, pp. 86-87) ; Ephésiens 1:1 dans Ie
Codex Sinaïticus (David Trobisch); Mc 9:43-47 (Henry A. Sanders, Facsimile of the
Washington Manuscript of the Four Gospels in the Freer Collection, University of
Michigan, 1912) ; Jean 8:1-12 (gravure de Gustave Doré) ; Chapitre 6 ; Les
chrétiens aux lions (Musée archéologique d'El Jem, Tunisie) ; Monnaies de la
révolte de Bar Kokhba (http://members.verizon.net/vze3xycv/RulersCoins/
BKokhbaPicr.htm), tirées de cngcoins.com ; Sack of Jerusalem (en.wikipedia.org) ;
Clément de Rome, Ignace d'Antioche, Justin, Irénée de Lyon, Clément d'Alexandrie
(fr.wikipedia. org) ; Chapitre 7 - Rb 1:3 dans le Codex Vaticanus ; Œuvres complètes
de Clément d'Alexandrie, Stromates V, 6, Gentian Hervet, 1551 ; Temple dédié à
Jupiter et pièce de monnaie à Auguste (Agnès Vinas, mediterranees.net) ;
Monnaies: Divus Augustus & Divus Antoninus (Edgard L. Owen,
EdgarLOwen.com) ; Diva Augusta Faustina (Dr. H.-C. von Mosch, Gorny &
Mosch, gmcoinart.de). Le crucifié à tête d'âne, graffiti du Palatin (Conservé au
Musée des Thermes, Rome, Dictionnaire des Antiquités chrétiennes de Martigny,
1877, article Calomnies, p.110) ; Triade de Palmyre (Jacques Millecamps,
http://www.eriki.be) ; Marc 1:1 (Kirsopp Lake, Codex Sinaiticus Petropolitanus, the
New Testament, the Epistle of Barnabas and the Shepherd of Hermas, Oxford,
1911) ; Conclusion -Barringer Meteorite Crater, Arizona: pdphoto. org

Toutes les images présentes dans cet ouvrage sont soit: 1) dans le domaine public
ou réputées comme telles, 2) sous licence particulière (notamment les images tirées
de la Fondation Wikimedia: reportez-vous à la documentation complète en ligne),
3) propriété respective des personnes citées, dont la reproduction a fait l'objet
d'une autorisation.

324
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Site Internet de l'ouvrage: www.areopage.net/name.html


(Documents complémentaires, reproductions des papyrus cités, actualités, errata, etc.)
Contact: areopage@gmail.com
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Abréviations

AB The Anchor Bible


ad loco ad locum, à l'endroit en question
Adv.Haer. Irénée de Lyon, Contre les hérésies
AJ Flavius Josèphe, Les Antiquités judaïques
ANF The Ante-Nicene Fathers (éd. Philip Schaff)
AT Ancien Testament, Bible hébraïque
BA Le Pentateuque: La Bible d'Alexandrie (dir.Dogniez et HarI)
BAGD Bauer, W., Danker, F.W., A Greek-English Lexicon of the New
Testament and Other Early Christian Literature (2001)
Bailly Dictionnaire grec-français, Anatole Bailly
BAR Biblical Archeology Review
BDB Brown-Driver-Briggs Hebrew and English Lexicon
BGS La Bible grecque des Septante (M. HarI, O. Munnich, G. Dorival)
BHS Biblia Hebraica Stuttgartensia, K. Elliger et W. Rudolph (4e éd.)
BFC La Bible en Français courant
c. circa, aux environs de, vers
cf. confer, voir, se reporter à
Crampon La Bible, traduite par A. Crampon (1905)
Darby La Bible, traduite par J.N. Darby
DHAB Philippe Reymond, Dictionnaire d'hébreu et d'araméen bibliques
EP Étude Perspicace des Écritures
Gaffiot Dictionnaire latin-français, Félix Gaffiot
Gesenius Wilhelm Gesenius, Hebrew Grammar
OJ Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs
ONT Greek New Testament, K. et B. Aland, 4e éd.
GTJ Grace Theological Journal
HAR Hebrew Annual Review
HE Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique
HNT Hebrew New Testament, Salkinson-Ginsburg
HTR Harvard Theological Review
Ibid. -
Ibidem, ici même renvoi à la dernière œuvre citée
i.e. id est, c'est-à-dire
infra ci-dessous
Intermediate Liddell, Scott, An Intermediate Greek-English Lexicon (2001)
JETS Journal of the Evangelical Theological Society
JBL Journal ofBiblical Literature
JER La Bible de Jérusalem
Joüon Paul Joüon, Grammaire d'hébreu biblique
Liénart La Bible, traduite par le cardinal Liénart
litt. littéralement
327
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

LSG Louis Segond, 1910


LXX La Bible grecque des Septante (éd. A. Rahlfs)
m. Mishna
NA27 Greek New Testament, Nestle-Aland, 27e éd.
NEG La Bible, Nouvelle édition de Genève
NET The NET (New English Translation) Bible
NBS Nouvelle Bible Segond, 2002
NT Nouveau Testament
NTS New Testament Studies
op.cit. opus citatum, œuvre (précédemment) citée
OST La Bible, version Ostervald
Osty La Bible, traduite par Osty et Trinquet
p.ê. peut-être
Peshitta The Syriac New Testament and Psalms (United Bible Societies)
PG Patrologie grecque de Migne
PL Patrologie latine de Migne
RWP Robertson's Word Pictures in The New Testament
s. siècle
s ou ss après un verset: et verset(s) suivantes)
Sacy La Bible, traduite sous la dir. de Lemaistre de Sacy
Semeur La Bible du Semeur
SER La Bible, version Segond révisée
ST N. Ph. Sander, I. Trenel, Dictionnaire hébreu-français
Stafford G.Stafford, Jehovah's Witnesses Defended-An answer to scholars
and critics, 2e éd.
supra ci-dessus
TA Traduction par l'auteur
TC Bruce M. Metzger, A Textual Commentary on the Greek New
Testament
TDNT Theological Dictionary of the New Testament
Thayer J. Thayer, A Greek-English Lexicon of the New Testament
TLF Trésor de la Langue Française informatisé
http://atilf.atilf.fr
TLG Thesaurus Linguae Graecae, via P.J. Heslin, Diogenes
TM Texte massorétique
TMN Les Saintes Écritures, Traduction du Monde Nouveau
TOB Traduction Œcuménique de la Bible
Tresmontant Claude Tresmontant, Les quatre évangiles
TWOT Theological Wordbook of Old Testament
Vg Vulgate

Les versets bibliques sont tirés tantôt de la version Louis Segond (1910), tantôt de la
version Crampon (1905). Quand ce n'est pas le cas, l'abréviation de la version usitée
est indiquée.

Pour le texte grec, le texte est celui du NA27, et pour le texte hébreu, celui de la
BHS. Référence biblique: Livre, chapitre: verset (ex. Genèse 1:1). Abréviations des
livres: voir page suivante.

Ouvrages profanes (ou auteur) : numéro de page; ouvrage, partie, section,


paragraphe, page (ex. Stafford: 10 ; HE V 1,1). Si l'auteur a plus d'une référence,
une mention abrégée de l'ouvrage considéré est indiquée.
328
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

ORDRE ALPHABÉTIQUE Nombres Nb Esaïe Is


Abdias Ob Osée Hos Jérémie Jr
Actes Ac Philémon Pm Lamentations Lm
Aggée Hg Philippiens Ph Ezéchiel Ez
Amos Am 1 Pierre 1P Daniel Dn
Apocalypse Rv 2 Pierre 2P Osée Hos
Cantiques Ct Proverbes Pr Joêl Jo
1 Chroniques 1Ch Psaumes Ps Amos Am
2 Chroniques 2Ch Révélation Rv Abdias Ob
Colossiens Co 1 Rois 1R Jonas Yn
1 Corinthiens 1Co 2 Rois 2R Michée Mk
2 Corinthiens 2Co Romains Ro Nahum Nh
Daniel Dn Ruth Rt Habacuc Hab
Deutéronome Dt 1 Samuel 1S Sophonie Ts
Ecclésiaste Ec 2 Samuel 2S Aggée Hg

Ephésiens Ep Sophonie Ts Zacharie Za


EsaIe Is 1 Thessaloniciens 1Th Malachie MI
Esdras Ezr 2 Thessaloniciens 2Th Matthieu Mt

Esther Est 1 Timothée 1Ti Marc Mc


Exode Ex 2 Timothée 2Ti Luc Lc
Ezéchiel Ez Tite Tite Jean Jn
Galates Ga Actes Ac
Zacharie Za
Genèse Gn Romains Ro
ORDRE TRADITIONNEL
Habacuc Hab 1 Corinthiens 1Co
Genèse Gn
Hébreux Hb Exode 2 Corinthiens 2Co
Ex
Jacques Jc Lévitique Galates Ga
Lv
Jean Jn Ephésiens Ep
Nombres Nb
1 Jean 1Jn Philippiens Ph
Deutéronome Dt
2 Jean 2Jn Colossiens Co
Josué Jos
3 Jean 3Jn Juges Jg 1 Thessaloniciens 1Th

Jérémie Jr 2 Thessaloniciens 2Th


Ruth Rt
Job Jb 1S 1 Timothée 1Ti
1 Samuel
Joêl Jo 2 Samuel 2S 2 Timothée 2Ti
Jonas Yn Tite Tite
1 Rois 1R
Josué Jos Philémon Pm
2 Rois 2R
Jude Jd 1Ch Hébreux Hb
1 Chroniques
Juges Jg Jacques Jc
2 Chroniques 2Ch
Lamentations Lm Esdras 1 Pierre 1P
Ezr
Lévitique Lv 2 Pierre 2P
Néhémie Neh
Luc Lc Esther Est 1 Jean 1Jn

Malachie MI Job Jb 2 Jean 2Jn


Marc Mc 3 Jean 3Jn
Psaumes Ps
Matthieu Mt Jude Jd
Proverbes Pr
Michée Mk Révélation Rv
Ecclésiaste Ec
Nahum Nh Cantiques Ct
Néhémie Neh

329
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Bibliographie

Abbot, Ezra, « On the construction of Titus iL 13 », JBL 1.1, 1881 : 3-19


Abécassis, Armand, En vérité je vous le dis - Une lecture juive des Évangiles,
Éditionol, Paris, 1999
Achard, Guy, Néron, P.U.F., 1995
Achtemeier, Paul J, Omne verbum sonat : The New Testament and the Oral
Environment of Late Western Antiquity, Journal of Biblical Literature, Vol.
109, No.1 (Spring, 1990) : 3-27
Aland, Kurt et Barbara, The Text of the New Testament, Wm. B. Eedmans
Publishing Co., Grand Rapids: Michigan, 1995
Allard, Paul, Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, Lib.
Victor Lecoffre, 1903, 3e éd.
Aly et Koenen, Three Rolls of the Early Septuagint, Genesis and Deuteronomy -
A Photographic Edition, PTA 27, Bonn, 1980.
Amphoux, Christian B., « 1 Th 2,14-16: Quels Juifs sont-ils mis en cause par
Paul? », Filologia Neotestamentaria 16, 2003 : 85-101
Archer, Gleason L et Gregory Chirichigno, Old Testament Quotations in the New
Testament, The Moody Bible Institute of Chicago, 1983
Arnold, W.R., The Divine Name in Exodus IIL14, JBL 24,1905
Auvray, Paul,
Initiation à l 'hébreu biblique, Desclée & Cie, 1954
Avec Poulain, P. et Blaise, A., Les langues sacrées,A.Fayard, 1957
L 'hébreu biblique, Desclée De Brouwer, 1962
Barnstone, Willis (éd.), The Other Bible - Ancient Alternative Scriptures,
HarperSanFrancisco, 1984.
BasIez, Marie-Françoise, Bible et Histoire, Gallimard, 2003
Bauer, Walter, Orthodoxy and Heresy in Earliest Christianity, Sigler Press, 2e éd,
1996
Beaude, Pierre-Marie, Premiers chrétiens, premiers martyrs, Gallimard, 1993
Benner, Jeff A., His Name Is One ,nN ,~tD - An Ancient Hebrew Perspective of
the Names ofGod, Virtual Bookworm, 2003

331
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Beitzel, B. « Exodus 3:14 and the Divine Name: A Case of Biblical


Paronomasia» TJ 1 (1980) : 5-20
Bigg, Charles, The Christian Platonists of Alexandria, Oxford, 1913
Biet, Joseph F., Essai historique et critique sur l'écolejuive d'Alexandrie, Paris,
Eugène Belin, 1854
Bivin et Blizzard, Understanding the Difficult Words of Jesus, Treasure House,
1994
Black, Matthew, An Aramaic approach to the Gospels and Acts, 1967, 3e éd.
Oxford: Clarendon Press
Blumczynski, Piotr, « The rise and fall of a translational compound: 'the only
begotten' in the English versions of the New Testament. », New Voices in
Translation Studies 2, 2006
Bobichon, Philippe, « Persécutions, calomnies, 'Birkat Ha-Minim' et émissaires
juifs de propagande antichrétienne dans les écrits de Justin Martyr », Revue
des études juives, 2003, vol. 162 : 403-419
Bock, Darrell L. et Fanning, Buist M. (éd.), Interpreting the New Testament Text,
Crossway Books, 2006
Boismard, Marie-Émile, À l'aube du christianisme, éd. du Cerf, 1999
Boularand, Éphrem, S.J.,
L'hérésie d'Arius et la « Foi» de Nicée. Première partie: L'hérésie
d'Arius, éd. Letouzey & Ané, 1972
L'hérésie d'Arius et la « Foi» de Nicée. Seconde partie: La « Foi»
de Nicée, éd. Letouzey & Ané, 1972
Bowersock, Glen W., Rome et le martyre, Flammarion, Paris, 2002
Brown, Francis (Driver, S.R., Briggs, D. et C.), The Hebrew and English Lexicon,
Hendrickson Publishers, 7e imp., 2003
Brown, Schuyler, « Concerning the Origin of the Nomina Sacra », SPap 9, 1970
Buchanan, George W., « Comment le Nom de Dieu était Prononcé» (ang1.),
Revue d'Archéologie Biblique, 21.2, mars-avril 1995
Bullinger, E.W., The Companion Bible, Kregel Publications, Grand Rapids:
Michigan, 1990
Burkitt, F. C., Fragments of the Books of Kings According to the Translation of
Aquila, Cambridge, 1897
Burrows, Millar, Les manuscrits de la Mer Morte, Robert Laffont, 1970, trade par
M.Glots et M.-T. Franck
Buth, Randall, « Language Use in the First Century: the Place of Spoken Hebrew
in a Trilingual Society», Journal of Translation and Textlinguistics 5/4,
1992 : 298-312
Camisani, E., Œuvres choisies de Saint Jérôme, Torino, 1971, vol. I
Carmignac, Jean,
La naissance des évangiles synoptiques, O.E.I.L., 1984
Studies in the Hebrew Background of the Synoptic Gospels, Annual
of the Swedish Theological Institute 7, 1970 : 64-93
CaroB, K.L. « The Fourth Gospel and the Exclusion of Christian from the
Synagogues », in : Bulletin of John Rylands Library (1957-1958)

332
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Carr, Firpo W. The Divine Name Controversy, Scholar Technological Institute for
Research, Inc., 1998
Carrez, Maurice,
Dictionnaire grec-français du Nouveau Testament, Labor et Fides /
Alliance Biblique Française, 4e éd., 1998
Nouveau Testament interlinéaire grec/français, Alliance Biblique
Française, 1993
Les langues de la bible - du papyrus aux bibles imprimées,
Centurion, 1983
Carson, D.A., Exegetical Fallacies, Baker Academic, 2e éd., 2006
Celse, Discours vrai contre les chrétiens, traduit par Louis Rougier, éd. Phébus,
Paris, 1999
Chavot, Pierre, Jésus, homme ou fils de Dieu ?, Phare International, 2000
Chouraqui, André,
Moïse, Champs Flammarion, 1997
La Bible, Desclée de Brouwer, 1989
Clément d'Alexandrie, Œuvres complètes, traduite en latin par Gentian Hervet,
1551
Cohen, A., Le Talmud, A. Cohen, Petite Bibliothèque Payot, 1991
Coleman, B. W., « The Woman Taken in Adultery. Studies in Texts: John 7:53-
8: Il », Theology 73 (1970) : 409-10
Colwell, E.C.« A definite rule for the use of the article in the Greek New
Testament », JBL 52, 1953 : 12-21
Combs, William W., « The Preservation of Scripture », Detroit Baptist Seminary
Journal5, 2000 : 3-44
Comfort, Philip Wesley,
Encountering the Manuscripts: An Introduction to New Testament
Paleography & Textual Criticism, B&H Publishing Group, 2005
The Text of the Earliest New Testament Greek Manuscripts, Tyndale
House Publishers, 1999, 2001 (& Barrett, D.P.)
The Quest for the Original Text of the New Testament, Wipf and
Stock Publihers, 1992
Countess, Robert H., The Jehovah 's Witnesses New Testament, Presbyterian and
Reformed Publishing Co, 1997
Cumont, Frantz. Les religions orientales dans le paganisme romain, Lib.
Orientaliste Paul Geuthner, 1929
Dahms, John V., « The Johannine Use of Monogenes Reconsidered », NTS 29,
1983 : 222-232
Dain, Alphonse, Les manuscrits, Diderot éditeur, 1997
Daniélou, Jean,
Les manuscrits de la mer Morte et les origines du christianisme, éd.
de l'Orante, 1974
L'Église des premiers temps, éd. Seuil, 1985
Théologie du judéo-christianisme, Desclée/Cerf, 2e éd., 1991

333
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Daniel-Rops,
Histoire de l'Église du Christ, vol. I, Jésus en son temps, éd. B.
Grasset, 1962-1965
L'Église des apôtres et des martyrs, Arthème Fayard, 1948
Darby, J.N., La Sainte Bible, Bible et Publications Chrétiennes, 1988
Dauphin, Claudine, « De l'église de la circoncision à l'église de la gentilité : sur
une nouvelle voie hors de l'impasse », Liber annuus - Studium biblicum
franciscanum, 1993, vol. 43 : 223-242
Davidson, B., The Analytical Hebrew and Chaldee Lexicon, Hendrickson
Publishers, 10e impr., 2002
Decker, R.J., Colwell 's Rule (Baptist Bible Seminary, 1995)
http://faculty .bbc. edulrdecker/ documents/co Iwe Il.pdf
de La Rochebrochard, A., Juifs et chrétiens au temps de la rupture
http://misraim3 .free.fr/gnosticisme/juifs _ et_chretiens. pdf
Delcor, Matthias. « Des diverses manières d'écrire le tétragramme sacré dans les
anciens documents hébraïques », Revue de l'histoire des religions 147,1955,
145-73
Derrett, J. D. M., « Law in the New Testament: The Story of the Woman Taken
in Adultery », NTS 10 (1963/64) : 1-26.
Dixon, Paul Stephen, The Signifiance of the Anarthrous Predicate Nominative in
John: www.1etsbelogical.com/dixon.pdf (Th.M. thesis, Dallas Theological
Seminary, 1975)
Dogniez, C. et HarI, M. (dir.), Le Pentateuque: La Bible d'Alexandrie,
Gallimard, 2003
Drach, P.L.B., De l'harmonie entre l'Église et la synagogue, Ed. Socii Sancti
Michaelis, 1978
Dunand, Françoise, Papyrus grecs bibliques - Volumina de la Genèse et du
Deutéronome, Le Caire, 1966
Dupont-Roc, Roselyne et Mercier, Philippe, Les manuscrits de la Bible et la
critique textuelle, Le Cahier Evangile n0102
Durant, Will, Histoire de la civilisation, vol. IX, César et le Christ, éd. Rencontre,
1963
Easton, M.G., Illustrated Bible Dictionary, Grand Rapids, MI: Christian Classics,
2000 (éd. 1897)
Ehrlich, Jerry Dell, Plato 's Gift to Christianity - The Gentile prepartion for and
the making of the Christian Faith, Academic Christian Press, 2001
Ehrman, Bart D.,
Jesus and the Adulteress, NTS 34, 1988 : 24-44
The Orthodox Corruption of Scripture - The effect of early
christological controversies on the text of the New Testament, Oxford
University Press, 1993
Ellingworth, Paul, « The Lord: the final judge of functional equivalence », The
Bible Translator 199041/3 : 345-350
Ellul, Danielle et Flichy, Odile, Apprendre le grec biblique par les textes, éd.
Cerf, 2004

334
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, trade Gustave Bardy, éd. du Cerf,


2003
Fields, Weston W., « Understanding the Difficult Words of Jesus », GTJ 5.2,
1984 : 271-288
Fitzmyer, Joseph A.,
«The Contribution of Qumran Aramaic to the Study of the New
Testament », in : A Wandering Aramean: Collected Aramaic Essays
(Missoula: 1979) : 85-113
« The Semitic Background of the New Testament Kyrios- Title », in:
A Wandering Aramean: Collected Aramaic Essays (Missoula: 1979) : 115-
142
« The Qumran Scrolls and the New Testament after Forty Years »,
Revue de Qumran, 1988
Essays on the Semitic Background of the New Testament, Wm. B.
Eerdmans Publishing Company, 1997
Franklin, Carl D., Debunking the Myths ofSacred Namers
http://www.cbcg.orgldebunking_myths.htm
Furuli, Rolf, The Role of Theology and Bias in Bible Translation with a special
look at the New World Translation of Jehovah 's Witnesses, Elihu Books,
1999
Geoltrain, Pierre, Aux origines du christianisme, éd. Gallimard et Le monde de la
Bible, 2000
Gertoux, Gérard,
Un historique du nom divin, L'Harmattan, 1999
The name of God YeHoWaH which is pronounced as it is written
I_Eh_oU_Ah - Its Story, University Press of America, 2002
Gieschen, Charles A., « The Divine Name in Ante-Nicene Christology »,
Vigiliae Christinae 57/2, 2003 : 115-168
Greenlee, J. Harold,
Introduction to New Testament Textual Criticism (Revised Edition),
Hendrikson Publishers, 1995
A Concice Exegetical Grammar of New Testament Greek, William
Eerdmans Publishing Co., Grand Rapids: Michigan,5e éd. rév., 2000
Guignebert, Charles,
L'évolution des dogmes, Flammarion, 1910
Le monde juif vers le temps de Jésus, Albin Michel, 1969
Jésus, Albin Michel, 1969
Le Christ, Albert Michel, 1969
Goodspeed, Edgar J., The Goodspeed Parallel New Testament, Chicago, 1943
Grintz, J.M., « Hebrew as the Spoken and Written Language in the Last Days of
the Second Temple », JBL 79, 1960 : 32-47
Haas, Christopher, Alexandria in Late Antiquity: Topography and Social
Conflict (Ancient Society and History), The Johns Hopkins University Press,
1996

335
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Hadas-Lebel, Mireille, « La destruction du Temple et ses conséquences », in :


Les premiers temps de l'Église, Gallimard / Le Monde de la Bible, 2004
Hammam, A.G.,
La vie quotidienne des premiers chrétiens, éd. Hachette, 1971
Les Pères de l'Église, Desclée de Brouwer, 1977
HarI, M., Dorival, G. Munnich, O., La Bible Grecque des Septante, éd. Cerf,
1986
Hamer, P., «Qualitative Anarthrous Predicate Nouns: Mark 15:39 and John
1:1 », JBL 92, 1973 : 75-87
Harris, R. Laird (Archer, G.L., Bruce, Jr, Walke, K.), Theological Wordbook of
the Old Testament, The Moody Bible Institute of Chicago, 1980
Hendel, Ronald S., « Of Demigods and the Deluge: Toward an Interpretation of
Genesis 6: 1-4 », JBL 106, 1987 : 13-26
Herford, R. Travers, Christianity in Talmud and Midrash, Ktav Pub Inc, 1975
(réimpr. de l'éd. de Williams & Norgate, 1903)
Hill, Charles E., « Did the Scribe of~52 use the Nomina Sacra? Another Look »,
New Testament Studies (2002), 48 : 587-592
Hills, Edward, The King James Version Defended, Des Moines, Iowa: Christian
Research Press, 1956. 4e éd. 1984
Hodges, Z. C.,
« The Woman Taken in Adultery (John 7:53-8:11) : The Text »,
Bibliotheca Sacra 136 (1979) : 318-32
«The Woman Taken in Adultery (John 7:53-8:11) : Exposition »,
Bibliotheca Sacra 137 (1980) : 41-53
Holt, Brian, Jesus - God or the Son ofGod?, Tel1Way Publishing, 2002
Howard, George,
« The Tetragram and the New Testament », JBL 96, Boston,
03/1977 : 63-83
« The Name ofGod in the New Testament », BAR, 4, 1978 : 12-14
The Gospel of Matthew according to a Primitive Hebrew Text,
Mercer University Press, 1988
« A Primitive Hebrew Gospel of Matthew and the Tol'doth Yeshu »,
New Testament Studies 34; 1988 : 60-70
« A Note on Shem Tob's Hebrew Matthew and the Gospel of
John », Journalfor the Study of the New Testament 47, 1992 : 117-126
« A Note on Codex Sinaiticus and Shem-Tob's Hebrew Matthew»,
Novum Testamentum, 1992, vol. 34/1 : 46-47
The Hebrew Gospel of Matthew, 2e éd., Mercer University Press,
1995
« Was the Gospel of Matthew Originally Written in Hebrew? », in :
Bible Review, vol. II, 1986 : 14-25
Hurtado, L. W.,
« The Origin of the Nomina Sacra: A Proposal », JBL 117 (1998)
655-73

336
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

« ~52 and the Nomina Sacra - Method and Probability», Tyndale


Bulletin, 54.1 (2003) : 1-14
« The Earliest Evidence of an Emerging Christian Material and
Visual Culture: The Codex, the Nomina Sacra and the Staurogram », in :
Text and Artifact in the Religions of Mediterranean Antiquity: Essays in
Honour of Peter Richardson, ed. Stephen G. Wilson and Michel Desjardins,
2000 : : 271-288
Lord Jesus Christ: Devotion to Jesus in Earliest Christianity, Wm.
B. Eerdmans Publishing, 2003
Irénée de Lyon, Contre les hérésies: Dénonciation et réfutation de la gnose au
nom menteur, Le Cerf, 2001
Isbell, C. D., « The Divine Name ehyeh as a Symbol of Presence in Israelite
Tradition» HAR 2 (1978) : 101-18
Israël, Gérard, La question chrétienne - Une pensée juive du Christianisme,
Édition Payot, 1999
Invânka, Endre von, Plato Christian us - La réception critique du platonisme chez
les Pères de l'Église, PUP, 1990
Jaffé, Dan, Le judaïsme et l'avènement du christianisme - Orthodoxie et
hétérodoxie dans la littérature talmudique du ler-Ilème siècle, Le Cerf, 2005
Janzen, J.G., « What's in a Name? Yahweh in Exodus 3 and the Wider Biblical
Context », Int 33 (1979) : 227-39
Jastrow, Marcus, Dictionary of the Targumim, the Talmud Babli and Yerushalmi
and the Midrashic Literature, Hendrickson Publishers, 2006 : 248-249
Jérôme (Hieronymus),
Liber de viris illustribus (Livre des hommes illustres), traduit par
F. Collombet, Paris, 1840
(Vulgate) Biblia Sacra luxta Vulgatam Versionem, éditée par R.
Weber, B. Fischer, J. Gribomont, H.F.D. Sparks, et W. Thiele, Stuttgart,
Deutsche Bibelgesellschaft, 1983
Jones, Grant R., Notes on the Septuagint, 2006 :
http://mem bers. cox.net/rgj ones3ILXXN otesF eb06. pdf
Joüon, Paul,
Grammaire de I 'hébreu biblique, Institut biblique pontifical, Rome,
1923, 2e réimp., 1996
L'Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ, 2e éd., Beauchesne,
Paris, 1930
Grammar of Biblical Hebrew, (trad. et augm.) T. Muraoka, Rome,
1993
Johnson, A. F., « A Stylistic Trait of the Fourth Gospel in the Pericope
Adulterae ?», JETS 9, 1966 : 91-96
Kahle, Paul Ernst,
The Greek Bible and the Gospels: Fragments from the Judaean
Desert, Akademie- Verlag, 1959
The Cairo Geniza, 2e éd., Basil Blackwell, 1959

337
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Kenyon, Frédéric, Our Bible and the Ancient Manuscripts, Eyre & Spottiswoode,
4e éd., 1958
Kim, Tae Hun, «The Anarthrous ui.àc; SEO\) In Mark 15.39 and the Roman
Imperial Cult », Biblica 79 (1998) : 221-241
Koenen, Aly. L., Three Rolls of the Early Septuagint: Genesis and Deuteronomy.
Bonn, 1980
Kuen, Alfred, Encyclopédie des difficultés bibliques - Évangiles et Actes, éd.
Emmaüs, 2002
LaCocque, André, «Le grand cri de Jésus dans Matthieu 27/50 », Études
théologiques et religieuses, 2000, vol. 75, n02 : 161-187
Lagrange, M.-J., Synopse des quatre évangiles, Gabalda, 1970
Lategan, B. C., « The truth that sets man free: John 8:31-36 », Neotestamentica 2
(1968) : 70-80
Lazare, Bernard, L'antisémitisme: son histoire et ses causes, Paris, Léon
Chailley, 1894
Le Déaut, R., Liturgie juive et Nouveau Testament, Rome, 1965
Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1919
Léon-Dufour, Xavier, Dictionnaire du Nouveau Testament, Seuil, 1996
Lévy, Michel-Louis, Passages, n° 69,juin 1995 : 39-40
Liddell & Scott, An Intermediate Greek-English Lexicon, Oxford University
Press, 7e éd, imp. 2001
Linder, Bartley Joseph, The « Godhead» How Many?, Illumination Press, 1997
Lund, Jerome A., « The language of Jesus », Mishkan 17-18, 2/1992-1/1993 :
130-155
Lundbom, J.R., « God's Use of the Idem per idem to Terminate Debate », HTR
71 (1978) : 193-201
Lundquist, Lynn,
The Tetragrammaton and the Christian Greek Scriptures, Word
Resources, 2e éd., 1998
Jehovah in the New Testament, Word Resources, 2001
The divine name in the New World Translation, Word Resources,
2001
MacDonald, William et Farstad, Arthur L., Believer's Bible Commentary, Nelson
Reference, 1995
Maimonide, Moïse, Le Guide des égarés, suivi du Traité des huit chapitres,
Verdier, 1979
Manns, Frédéric,
Une approche juive du Nouveau Testament, éd. Cerf, Paris, 1998
John and Jamnia: How the Break Occured Between Jews and
Christians C.80-100 AD, Jérusalem, 1998
«Le milieu sémitique de l'Évangile de Marc », Liber Annuus 48
(1998),125-142
Marcus, Joel, « Crucifixion as Parodic Exaltation », JBL 125/1 (2006) : 73-87

338
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Marguerat, Daniel (sous la dir.),


« Le Nouveau Testament est-il anti-juif? - L'exemple de Matthieu
et du livre des Actes», RTL 26, 1995 : 145-164
Le déchirement, Juift et chrétiens au premier siècle, Labor et Fides,
1996
Jésus de Nazareth, nouvelles approches d'une énigme, Labor et
Fides, 1998
Introduction à l'étude du Nouveau Testament - Son histoire, son
écriture, sa théologie, 2e éd., 2001
Martin, Alain-Georges, « La traduction de KYPIO~ en syriaque », Filologia
Neotestamentaria 12, 1999
Matter, M., Histoire de l'École d'Alexandrie comparée aux principales écoles
contemporaines, Paris, Hachette, 1840
Mazzaferro, Howard, The Lord and the Tetragrammaton - New Testament
Theories, Lulu.com, 2005
Metzger, Bruce M.,
The Text of the New Testament, Its Transmission, Corruption, and
Restoration, Oxford University Press, 3e éd., 1992
A Textual Commentary on the Greek New Testament, New York:
United Bible Societies, 1971
Manuscripts of the Greek Bible, An Introduction to Paleography:
Oxford University Press, 1981
Miller, Marc Heber, Nazarene Commentary, 2000
Mimouni, Simon-Claude,
« La 'Birkat ha-minim' : Une prière juive contre les judéo-
chrétiens », Revue des sciences religieuses, 1997, vol. 71 : 275-298
Le Judéo-Christianisme ancien, Le Cerf, 1998
« Les chrétiens d'origine juive du 1er au IVe siècle », in : Aux
origines du christianisme, Gallimard - Monde de la Bible, 2000
Le Judéo-christianisme dans tous ses états, Actes du colloque de
Jérusalem, 6-10 juillet 1998, Le Cerf, 2001
Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité, Albin Michel, 2004
Moore, George F., «Notes on the name i1,i1' », The American Journal ofSemitic
Languages and Literatures, vol. 12, n° 1, 1908 : 34-52 ; vol. 25, n04, 1909 :
312- 318 ; vol. 28, n° l, 1911 : 56-62
Moulton, Howard, A Grammar of New Testament Greek, II, 1920, rééd. 1979
Mounce, William D. (éd.), Mounce's Complete Expository of Old and New
Testament Words, Zondervan, 2006
Navas, Patrick, Divine Truth or Human Tradition?: A Reconsideration of the
Roman Catholic-protestant Doctrine of the Trinity in Light of the Hebrew
and Christian Scriptures, Authorhouse, 2006
Neubauer, A., On the dialects spoken in Palestine in the time of Christ, in: Studia
Biblica, vol. I
Nicole, Roger, « New Testament Use of the Old Testament », Revelation and the
Bible, éd. Carl F. Henry

339
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Nida, Eugene A.,


« The 'Harder Reading' in Textual Criticism: An Application of the
Second Law of Thermodynamics », in The Bible Translator 32, 1981 : 101-
107
Avec de Waard, Jan, D'une langue à l'autre - Traduire:
l'équivalence fonctionnelle en traduction biblique, Alliance Biblique
Universelle, 2003
Osier, Jean-Pierre, Jésus raconté par les Juifs, ou l'Évangile du Ghetto, la
légende juive de Jésus du Ir au X siècle, Berg International, 1999
Paap, A. H. R. E, Nomina sacra in the Greek papyri of the first five centuries
A.D. : The sources and some deductions, E.J. Brill, 1959
Pache, René, The Inspiration & Authority of Scripture, éd. The Moddy Bible
Institute of Chicago, 1969 ; rééd. Sheffield Publishing Compagny, 1992
Park- Taylor, G. H. i1,i1\ Yahweh, the Divine Name in the Bible, Waterloo,
Ontario, 1975
Parkhurst, John, A Greek and English Lexicon to the New Testament, Londres,
1845
Pegon, Dany, Cours d'hébreu biblique, éd. Excelsis, 2001
Pelletier, André, Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, tome IL Livres II et III,
Paris, Les Belles Lettres, 1980
Perowne, Stewart, Les Césars et les saints, Paris, 1964
Perschbacher, Wesley (éd.), The New Analytical Greek Lexicon, Hendrickson
Publishers, 7e impr., 2001
Perrier, Pierre,
Évangiles, de l'oral à l'écrit, éd. Fayard, 2000
Les colliers évangéliques, éd. Fayard, 2003
Le transmission des évangiles, Le Sarment, 2006
Philon d'Alexandrie, De Vita Mosis, introduction, traduction et notes par R.
Arnaldez, CI. Mondésert, J. Pouilloux et P. Savinel, Cerf, 1967
Pierro, Matteo, Geova e il Nuovo Testamento, Sacchi Editore, 2001
Pietersma, Albert « Kyrios or Tetragram : A Renewed Quest for the Original
Septuagint », in : De Septuaginta. Studies in Honour of John William Wevers
on His Sixty-Fifth Birthday, éd. A. Pietersma and C. Cox, Toronto, 1984
Poirier, John C., « The Narrative role of semitic languages in the book of Acts »,
Filologia Neotestamentaria - Vol. XVI - 2003 : 107-116
Quéré, France,
Les Pères apostoliques - Écrits de la primitive Église, Seuil, 1980
Évangiles apocryphes, Seuil, 2004
Rahlfs, A., Septuaginta, Deutsche Bibelgesellschaft : Stuttgart, 1979
Reymond, Philippe, Dictionnaire d'hébreu et d'araméen bibliques, Le Cerf /
Société Biblique Française, 2002
Roberts, C.H.,
An Unpublished Fragment of the Fourth Gospel in the John Rylands
Library, Manchester, 1935

340
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Manuscript, Society and Belief in Early Christian Egypt, Oxford


University Press, 1979
Robertson, A.T.,
A Grammar of the Greek New Testament in the light of historical
research, Londres, Hooder & Soughton, 3e éd. tevue et corrigée, 1919
Word Pictures in the New Testament, éd. J. A. Swanson, Holman
Bible Publishers, 2000
Rosin, Hellmut,
«Translating Divine Names, 11.», The Bible Translator 1952
03/04 : 180ss
The Lord Is God: The Translation of the Divine Names and the
Missionary Calling of the Church, Amsterdam Nederlandsch
Bijbelgenootschap, 1956
Roukema, Riemer, «La transcendance et la proximité de Dieu dans le
christianisme ancien », Revue d'histoire et de philosophie religieuses, tome
82/1 : 15-31
Rubenstein, Richard E., Le jour où Jésus devint Dieu, éd. La Découverte &
Syros, 2001
Sàenz-Badillos, Angel, A History of the Hebrew language, Cambridge, 1996
Salvoni, F., «Textual Authority for Jn 7:53-8: Il », Restoration Quarterly 4
(1960) : 11-15
Sander, N. Ph., Trenel, I., Dictionnaire hébreu-français, Slatkine Reprints,
Genève, 2000 (réimpr. éd.1859)
Schiffman, L.H., Who Was a Jew? Rabbinic and Halakhic Perspectives on the
Jewish-Christian Schism, HobokenlNew Jersey, 1985
Schilling, F. A., « The Story of Jesus and the Adulteress », Anglican Theological
Review 37 (1955) : 91-106
Schmitz, Heinz, Response to Lynn Lundquist 's « The Tetragrammaton and the
Christian Greek Scriptures )), http://jehovah.to/exe/greek/tetragram.htm
Scrivener, F., A Plain Introduction to the Criticism of the New Testament,
Cambridge, 1883
Shanks, Hershel,
L'aventure des manuscrits de la Mer Morte, éd. du Seuil, 1996
Avec Ben Witherington III : Le Frère de Jésus, éd. AdA Inc., 2004
Shedinger, R.F., «A further consideration of the textual nature of Shem-Tob's
Hebrew Matthew», The Catholic Biblical Quarterly 1999, vol. 61/4 : 686-
694
Siegel, J.P., « The employment of Paleo-Hebrew Characters for the Divine
Names at Qumran in the Light of Tannaitic Sources», Hebrew Union
CollegeAnnual42, 1971 : 159-172
Simon, Marcel,
Avec A. Benoît, Le judaïsme et le christianisme antique, P.U.F.,
1968
La civilisation de l'Antiquité et le christianisme, B. Arthaud, Paris,
1972

341
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Smith, William (dir.), A dictionary of Bible, rév. et éd. F .N. et M.A. Peloubet,
Sparks, H.F .D, « The Semitisms of St Luke's Gospel », JTS 44, 1943
Stafford, Greg, Jehovah 's Witnesses Defended, Elihu Books, 2e éd., 2000
Strong, James, New Strong's Concise Dictionary of the Words in the Greek
Testament, Thomas Nelson Publishers, Inc., 1995
Sturtz, Harry A., The Byzantine Text-Type & New Testament Textual Criticism,
Nashville: Th.Nelson, 1984
Swete, Henry Barclay, An Introduction to the Old Testament in Greek, Grand
Rapids, MI: Christian Classics Ethereal Library, 2001
Tal, Abraham, «Is there a raison d'être for an Aramaic Targum in a Hebrew-
speaking society? », Revue des études juives, 2001, vol. 160, n03-4 : 357-378
Tardieu, Michel, « Marcion et la rupture radicale », in : Les premiers temps de
l'Église, Gallimard - Le Monde de la Bible, 2004
Taylor, C., Hebrew-Greek Cairo Genizah Palimpsests, Cambridge, 1900
Taylor, Justin, « Why Were the Disciples First Called 'Christians' at Antioch?
(Acts Il, 26) », Revue Biblique 101, 1994: 75-94
Taylor, Lily Ross, The Divinity of the Roman Emperor, Middletown, 1931
Tertullien, Œuvres de Tertullien, trade de E.-A. de Genoude, 1852
Thayer, J.H., Greek-English Lexicon of the New Testament, Hendrickson
Publishers, Inc., 5e imp., 2002
Theissen, Gerd, La religion des premiers chrétiens, éd. Cerf, 2002
Thiede, Carsten Peter et D'Ancona, Matthew, Témoin de Jésus - Le papyrus
d'Oxford et les origines des Évangiles, Robert Laffont, 1996
Tischendorf: Constantine von, Bibliorum Codex Sinaiticus Petropolitanus,
Giesecke & Devrient, 1862
Traube, Ludwig, Nomina Sacra. Versuch einer Geschichte der christlichen
}(ürzung, Beck, München, 1907
Tresmontant, Claude,
Le Christ Hébreu, O.E.IL, Paris, 1983
Les quatre évangiles, O.E.LL., Paris, 1991
Trites, A. A., « The Woman Taken in Adultery», Bibliotheca Sacra 131 (1974) :
137-46
Trobisch, David, The First Edition of the New Testament, Oxford University
Press, 2005
Trocmé, Étienne, L'enfance du christianisme, Hachette Litérature, 1999
Tuckett, Christopher, « çp52and Nomina Sacra », NTS 47, 2001, 544-548
Vacherot, E., Histoire critique de l'école d'Alexandrie, 3 vol., Paris, Librairie
philosophique de Ladrange, 1846
Vaganay, L., Amphoux, C.B., Initiation à la critique textuelle du Nouveau
Testament, 2e éd., éd.Cerf, 1986
Vaneigem, Raoul, Les hérésies, P.U.F., 1994
Vine, William Edwy, Complete Expository Dictionary of Old and New Testament
Words, Thomas Nelson Publishers, Inc, 1996
Voltaire, Dictionnaire philosophique, Garnier-Flammarion, 1964

342
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Wace, Henry, A Dictionary of Christian Biography and Literature to the End of


the Sixth Century A.D.
Waddell, W.G., « The Tetragrammaton in the LXX », Journal of Theological
Studies 45, 1944 : 159-161
Wallace, Daniel B.,
Greek Grammar Beyond The Basics, Zondervan, Grand Rapids: 1996
« Inspiration, Preservation and New Testament Textual Criticism »,
GTJ 12, 1992 : 21-50
«Reconsidering 'The Story of the Woman Taken in Adultery
Reconsidered' », NTS 39 [1993] : 290-96
The Article with Multiple Substantives Connected by Kat in the New
Testament: Semantics and Signifiance (Ph.D. dissertation: Dallas
Thelogical Seminary, 1995)
Waltke, Bruce K. et M. O'Connor, An Introduction to Biblical Hebrew Syntax,
Eisenbrauns, 1990
Watchtower Bible and Tract Society of Pennsy lvani a,
Le nom divin qui demeure àjamais, 1984
The Kingdom Interlinear Translation of the GreekScriptures, 1985
Les Saintes Écritures, Traduction du Monde Nouveau - avec notes et
références, 1995
Études Perspicaces des Écritures, 1997
La Tour de Garde, 1er juillet 1989
La Tour de Garde, 1er novembre 1993
La Tour de Garde, 15 août 1996
Wegner, Paul D., A Student's Guide to Textual Criticism of the Bible,
InterVarsity Press, 2006
Weingreen, J., Hébreu biblique - méthode élémentaire, trade Paul Hébert,
Beauchesne, Paris, 1984
Wessely, C., Studien zur Palaeographie und Papyruskunde, vol. XI, Amsterdam,
1966
Westphal, Alexandre,
(éd.) Dictionnaire encyclopédique de la Bible, éd. Je sers, Paris,
1932-35
Jéhovah, les étapes de la révélation dans I 'histoire du peuple
d'Israël, Paris, 1924
Wieland, Willker, A Textual Commentary on the Greek Gospels, 5e éd, 2007
Wilcox, M., The Semitims of Acts, Oxford, 1965
Wurthwein, Ernst, The Text of the Old Testament: An Introduction to the Biblia
Hebraica, Wm. B. Eerdmans Publishing Company, 2e éd., 1995
Youngblood, R. « A New Occurrence of the Divine Name 'I AM' » JETS 15
(1972) : 144-52
Zodhiates, Spiros (éd.), The Complete Word Study Dictionary, AMG
International, Chattanooga, éd. rév. 1993

343
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Index des sujets traités

4Q LXX Levb, 52, 53, 56 ARA TUS, 120


8HevXXIIgr, 50, 53, 61 ARISTÉE, 48, 60
~46, 157, 160, 249, 250, 251, 277, 281, ARISTOTE, 22, 220
294,320 ARTÉMIS, 136, 243, 289
~52,249,256,292,319,336,342 AUGUSTE, 233, 234, 235, 238, 286, 287,
~66, 155, 162, 249, 251, 272, 278, 286, 321,324
294,320 Autographes, 128, 140, 144, 150, 167,
~90, 249, 294, 319 169,170,193,212,214,221,249,250,
251,252,299,300,302,315
lAw (Iaô) 24, 53, 56, 57, 63, 228, 253
' AUVRA Y, Paul, 44, 60,331
289
BAAL, 32, 149,304
P. Egerton 2, 292, 320
BAR KOKHBA, 129, 193, 194, 210, 218,
P. Fouad 266, 62
248,319,324
ABÉCASSIS, Armand, 81, 105, 135, 331
BARNABÉ, 96, 192, 206, 237, 288, 319
ALEXANDRE le Grand, 36, 77, 320, 343
BASILIDE, 220, 319
Alexandrie, 22, 48, 57, 60, 81, 104, 107,
BEAUDE, Pierre-Marie, 175, 189, 216,
136,206,229,230,251,252,283,285,
218,331
286,293,317,319,320,321,324,327,
BEN ZAKKAÏ, Yohanan, 318
332,333,334,339,342
Birkat ha-Minim (bénédiction des
Alphabet de Yeshoua Ben Sira, 306
hérétiques), 187, 217, 306, 318
AMPHOUX, Christian Bernard, 129,
BLACK, Matthew, 130, 133, 301 332
133, 171, 172,215,250,252,253,25~
BOISMARD, Marie-Émile, 169, 173,
257,292,294,331,342
218,245,246,289,291,296,332
Antioche, 103, 177, 179, 180,182,192,
BOUSSET, Wilhelm, 286
201,216,219,220,224,242,251,283,
BURROWS, Millar, 42, 136, 332
301,317,319,324
CALIGULA, 112, 234, 235, 317
Antisémitisme, 293, 338
Canon, 12, 104,117,163,198,212,227,
APION, 317, 318
228,300,318,320
Apocryphes, 75, Ill, 130, 136, 145, 161,
CARMIGNAC, Jean, 89, 93, 104, 132,
162,199,217,218,220,231,297,314,
133, 134, 135, 301, 332
340
CARREZ, Maurice, 71, 75, 77, 129, 130,
APOLLOS d'Alexandrie, 213, 251
170, 171, 333
Apostasie, 93, 132, 169, 209, 213, 216,
CELSE, 22, 63,192,220, 221,226, 23~
223,284
255,285,292,294,320,333
Apothéose, 233, 234, 237
CHOURAQUI, André, 13, 16, 17, 26, 27,
AQUILLA, 48, 60, 61, 188, 250, 319,
29, 32, 40, 42, 92, 103, 106, 108, 132,
332
133,134,135,172,246,275,281,333
Araméen (langue), 75-76

345
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Christologie, 175, 189, 196, 202, 204, DUNAND, Françoise, 51, 61, 62, 286,
219,232,241,245,261,262,264,286, 289,334
290,298 EHRMAN, Bart D., 167, 172, 258, 261,
Citations, 27, 67, 68, 69, 72, 80, 84, 88, 263,265,266,268,272,273,275,277,
105, 109, Ill, 115, 117, 118, 122, 127, 278,296,297,334
129, 133, 136, 152, 160, 167, 198,206, ÉPIPHANE, 38,44, 77, 289
242,259,261,266,274,281,295,313, ÉTIENNE, 8, 107, 119, 131, 181, 182,
314,315 216,286,289,317,342
CLÉMENT d'Alexandrie, 104, 107, 136, Euphémisme, 92, 93, 97, 99,217
206,229,285,286,320,324,333 EUSÈBE de Césarée, 57, 60, 85, 99, 107,
CLÉMENT de Rome, 191, 192, 196, 201, 154, 162, 184, 190, 191, 194, 195, 199,
317, 319, 324 205,209,217,219,220,251,256,294,
Codex Aleppo, 171 321,327,334
Codex Bezae, 155, 162, 266, 267, 282, GAMALIEL, 118, 119, 181,217
324 Gentils, Il, 12, 25, 49, 82, 93, 95, 97, 99,
Codex Koridethi, 296 106,121,128,165,177,179,180,194,
Codex Leningrad, 147, 171 214,223,224,231,248,250,255,285,
Codex Marchalianus, 56 305
Codex Prophetarum Vaticanus 2125, GERTOUX, Gérard, 7, 17, 23, 30, 31, 38,
252-253 39, 41, 42, 43, 44, 53, 62, 63, 99, 107,
Codex Reuchlianus, 171 131,135,147,171,216,219,286,292,
Codex Sinaiïicus, 97, 101, 134, 158, 267, 294,323,335
268,275,294,296,324 Gnosticisme, 17, 22, 57, 210, 220, 221,
Codex Vaticanus, 61, 153, 158, 223, 252, 227,229,276,286,293,319,334,337
267,294,324 Grec (langue), 77-79
Codex Washingtonensis, 159 GUIGNEBERT, Charles, 58, 224, 242,
COMFORT, Philip Wesley, 53, 62, 63, 243,284,285,288,289,335
250,251,291,292,293,294,303,305, HADRIEN, 193, 194, 195,218,319
306,333 HAMMAM, A.G., 201, 224, 285, 336
CONSTANTIN, 294, 306, 321 HARL, Marguerite, 75, 77, 327, 334, 336
Controverses christologiques, 12, 67, 264, Harmonisations, 131, 153, 171, 257, 258,
265,300 259,260,261,262,263,264,266,272,
Critique textuelle, 131, 139, 140, 151, 294,295,315
153, 154, 163, 164, 167, 172, 251, 256, Hébreu (langue), 73-75
257,275,280,334,342 HERMÈS, 136,243
Croix, 183, 239, 240, 242, 288 HERMÈS TRIMÉGISTE, 22
Culte impérial, 233, 234, 235, 236, 238, HÉRODE, Agrippa, 182,216,238,317
241, 287, 319 HOWARD, George, 22, 53, 61, 67, 84,
DANIÉLOU, Jean, 135, 137, 217, 220, 97, 98, 108, 128, 129, 132, 133, 134,
333 135,249,261,263,286,292,305,336,
DÉMÉTRIUS de Phalère, 48 339
dieu(x), 7, 16, 23, 26, 56, 57, 70, 106, HURTADO, Larry W., 63, 232, 250, 286,
120,125,128,130,149,190,208,225, 291,292,293,336
233,234,235,236,237,238,239,240, IGNACE d'Antioche, 192, 201, 202, 203,
241,242,243,245,250,258,269,271, 204,215,219,220,317,319,324
273,274,284,287,289,292,297,317 Ineffabble (Nom), 16, 17, 22, 27, 28, 29,
DIOCLÉTIEN, 172,233,235,251,321 36,42,48,58,61,63,96,97,226,229,
DION CASSIUS, 191,193,195,234,319 230,231,236,285,306
Divinisation, 214, 232, 233, 234, 237, Inspiration des Écritures, 141-144
240,241,242,243,244,255,258,263, IRÉNÉE DE LYON, 227, 228, 230, 278
289 ISIS, 243, 289
DOMITIEN, 190, 191, 235, 238, 289, JACQUES (disciple), 123-125
318,319 Jamnia, 48, 186, 217, 318, 338
DORIVAL, Gilles, 327, 336 JEAN (apôtre), 107-111
DU TILLET, Jean, 97, 99, 134, 324 JÉHOVAH, 28-36

346
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

JÉRÔME, 48, 61, 86, 97, 160, 162, 190, 262,263,268,275,280,290,291,293,


204,219,220,321,332,337 295,296,297,328,339
Jérusalem, 12, 17,32,77,81,91,100, MIMOUNI, Simon Claude, 177, 186,
110, 112, 118, 119, 154, 172, 179, 180, 187,189,217,218,339
181,182,185,186,193,194,195,215, Minim, 187, 188, 189, 190,217,301,339
217,219,235,240,247,251,259,267, MŒhna,20,42,54,57,74,320,328
279,283,298,317,318,319,321,32~ MITHRA, 288, 320
338,339 Motif théologique (corruption textuelle),
JÉSUS-CHRIST, 233-246, 265-282 258,260,261,262,263,295
Jeux de mots, 39, 87, 90, 91, 125,217 MUNNICH, Olivier, 60, 327, 336
JOSÈPHE, Flavius, 7, 25, 54, 60, 73, 74, MÜNSTER, Sébastien, 99
136,184,185,192,219,239,241,317, NÉRON, 63, 112, 182, 183, 184, 185,
318,327 216,235,238,317,318,331
JOÜON, Paul, 37, 43, 44, 171, 301, 327, Nomina sacra, 49, 51, 232, 247-253, 264,
337 268,279,284,291,292,293,300
Judéo-chrétiens, 8, 12, 59, 60, 84, 128, ORIGÈNE, 38, 47, 48, 56, 61, 62, 63, 86,
140, 175, 177, 179, 180, 187, 188, 189, 97, 136, 154, 205, 206, 220, 256, 268,
194,197,200,204,208,209,210,213, 277,294,320
214,217,218,224,232,247,248,250, Oxyrhynque (papyri retrouvés à), 53, 251,
251,252,283,284,291,298,300,301, 293,319
302,305,317,318,339 PAPIAS d'Hiérapolis, 85, 97, 162, 191,
JULIEN l'Apostat, 321 192,205,319
JUPITER, 24, 193, 237, 243, 324 PAUL (apôtre), 112-120
JUSTIN (Martyr), 96, 186, 192, 194, 212, Persécutions, 12, 78, 134, 175, 181, 182,
217,219,220,225,226,228,229,230, 184,194,208,213,214,248,256,301,
250,271,278,285,291,292,320,324, 321,331
332 Peshiua,90,116,253,269,319,328
KAHLE, Paul, 21, 62, 81,131,337 Pharisiens, 25, 74, 81, 88, 259, 315
LACOCQUE, André, 94, 95, 96, 133, PHILONd'Alexandrie, 22, 60, 63, 136,
338 219,230,285,317
Latin (langue), 78 Philosophie grecque, 22, 224, 255, 284
LUC (apôtre), 103-106 PIERRE (apôtre), 121-123
LUNDQUIST, Lynn, 10, 12, 62, 68, 69, PIERRO,Matteo,22,323,340
72, 128, 167, 168, 213, 214, 223, 249, PLATON, 22, 151, 199, 216, 224, 225,
265,300,303,307,308,314,338,341 226,228,230,231,233,270,284,285,
MACCABÉES,74, 111, 130 293
MAÏMONIDE, Moïse, 63, 338 POLYCARPE, 192,204,241,242,287,
Manuscrits de la Mer Morte, 44, 74, 77, 319,320
115, 135, 136,332, 341 PORPHYRE, 320
MARC (apôtre), 99-103 Préservation des Écritures, 144-170
MARC-AURÈLE, 131,248,287, 320 Processus éditorial, 247-249
MARCION, 9, 192, 210, 211, 212, 213, PTOLÉMÉE Philadelphe, 48
220,230,255,256,294,297,319,320, Qeré/Ketib, 29, 30, 43, 145, 147, 149,
342 171
MARTIN, Alain Georges, 20, 43, 160, QUÉRÉ, France,200, 203,297
165,172,253,275,281,287,314,339 Qumrân, 24, 31, 49, 60, 89, 115, 116,
Massorètes, 21, 30, 36, 42, 43, 80, 145, 133, 135, 150,218,288,318
146, 147, 148, 149 Recensions, 203, 218, 256, 275, 292, 294,
Matres lectionis, 31, 147 300
MATTHIEU (apôtre), 85-99 Religionsgeschichtliche Schu/e (École de
MAZZAFERRO, Howard, 12, 249, 292, l'histoire des religions), 232
339 ROBERTS,Colin H., 62, 63, 247, 252,
METZGER, Bruce Manning, 42, 156, 285,286,291,293,294,340
163,166, 171, 172,221,258,259,26~ ROBERTSON, Archibald Thomas, 42,
136,159,173,281,328,340

347
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Rome, 62, 63, 73, 85, 97, 112, 122, 131, 278,284,286,288,294,297,301,302,
134, 135, 166, 181, 182, 183, 184, 185, 306
191,192,194,196,201,210,211,216, Transcendance,208,224, 227, 285
217,233,234,280,287,288,295,301, TRESMONTANT, Claude, 89, 106, 108,
317,318,319,320,324,332,337,338 132,133,172,301,305,328,342
SABAZIOS, 243, 289 Trmité,228, 230, 254, 280, 284, 286, 288
Sémitismes, 76, 89, 90, 92, 104, 108, 113, TROBISCH, David, 250, 252, 253, 291,
132, 133, 134 292,294,324,342
Septante (LXX), 47-60 TROCMÉ, Étienne, 289, 342
SEPTIME Sévère, 248, 287, 320 VALENTIN, 129,213,255,294,319
SÉRAPIS, 243,289 Variantes, 97, 101, 118, 131, 146, 150,
SHANKS, Hershel, 115, 135, 136, 341 151, 153, 154, 161, 167, 172,257,258,
SHEM TOB, 87, 97, 98, 107, 134, 135, 259,260,261,262,264,267,268,275,
301,336 276,279,294,295,296,313
Sifrei Ha-Minim (livres des hérétiques), VESPASIEN, 185,318
187, 188, 189, 301 WALLACE, Daniel B., 165, 170, 172,
S~acide,53,62,301,305,306 173,289,290,297,342
So~b,34,35,43,324 YAHWEH, 36-41
Sopherim, 145, 146 Yom Kippour, 54, 95, 96, 186, 297
STAFFORD, Greg, 12, 25, 42, 44, 62, ZEUS, 130, 136, 225, 234, 235, 237, 243,
128,129,172,260,261,289,291,295, 289,297
296,297,314,328,341
Staurogramme, 232, 250
SUÉTONE, 183, 184, 190, 191, 216, 234,
287
Superstition, 10, 15, 17, 20, 21, 49, 59,
82,107,112,147,183,184,190,250,
285,302
SYMMAQUE,48, 188, 320
Talmud, 16, 20, 31, 42, 54, 75, 79, 146,
147, 187, 188,301,320,321,333,33~
337
Targum,23,41, 74,91,148,288,342
TATIEN, 192,213,319
TERTULLIEN, 154, 184, 192, 212, 219,
220,227,236,237,242,255,280,285,
287,288,294,320,342
Tétragramme (YHWH, ;";'''), 30, 147-
150
Texte massorétique, 29, 49, 80, 126, 148,
150,307,308
THÉODORET, 38, 57
THÉODOTION, 48, 317
Théophores (noms), 13, 23, 31, 32, 33,
38,39,40
THIEDE, Carston, 217, 218, 248, 291,
342
TITUS,73,185,238,318
Toledoth Yeshuh, 17, 302, 306
Tosefta, 25, 42, 57
Tradition, 10, 22, 25, 26, 30, 40, 42, 44,
72,79,82,84,103,126,128,134,136,
145,149,155,162,166,191,205,212,
217,219,224,227,240,251,253,275,

348
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Index des principaux versets cités

Genèse 118:26 103, 106, 109


1:26 233
2:4 20 Proverbes
3:15 303 8:22 233,298
4: 1 13, 19 30:4 298

Exode Ecclésiaste
3:14,15 19, 148-149 12:9,10 141-142
20:7 15, 16, 19, 21, 28 54,
56,59 Isaïe
Lévitique 9:6 128,233,273,282
19:12 16, 17 40:3 72, 108, 109, 254
24: 14-16 8, 21, 28, 30, 42, 63, 40:8 144
93, 132 52:6 41
53:7 240
Deutéronome
4:2 168 Jérémie
6:13 16, 19, 54 10:25 14,55
12:32 168 20:8,9 124
17:18 144 23:27 54,149,304,305

Josué Ezéchiel
1:8 144 36:23 127,304,306

2 Rois Daniel
22:8, 11-13 168-169 12:4,8,9 170

Ezra Hoshéa (Osée)


7:6,Il 145 2:17 125
6:6 186
Psaumes
45:7 281,297 Joël
110:1 82, 88, 93, 103, 108, 2:32 [3:5] 7, 55, 96, 114, 127
207,242,315
113:1 111

349
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

20:28 128, 245, 281, 282,


Matthieu 297
1:21 152 21:25 107, 168
5:17 180
5:18 87, 142, 180 Actes
6:9 14,78,83 2: 17 259
10:5,6 178 2:17-21 304
13:24-26 169 2:22,23 177
22:44 82, 88, 89, 103, 107, 3:19-21 303
207,315 4:12 231
23:35 93-94 6:7 259
24:35 142, 167 6:9,11-14 181
24:36 228,255,258,275 7:55 259
27:50 94-97 9:34 259
28:29 178 Il:17 259
Il :19-20 182
Marc Il :26 179,215-216,317
1:1 267-268 12:Il 259
3:Il 258,274 12:22 238
9:43-49 159 12:24 260
15:34 76, 82, 94, 276, 291, 13:5 260
297 13:23 260
15:39 134,238,290 13:44 260
16:19 258 13:48 260
14:11-13 237
Luc 15:1,5 179
1:1-4 142 15:40 260
2:Il 258 16:32 260
3:22 153,266 17:Il 143
7:19 258 17:22-31 119-120
8:28 255 17:27 260
8:39 258 17:28 251
9:20 258 20:28 260, 279-280
20:42 258 22:1-21 118-119
22:43-44 278 28:3-6 238

Jean Romains
1:1 232, 245, 246, 273, 2:24 25,42
274, 270, 282, 289- 5:15 245
291 8:35 261
1:18 257, 269-274, 289 9:5 261
1:29 240 10:9 241
3:16 272 10:13 7,41,114, 127-128
3:18 272 10:16-17 261
4:1 259 14:4 261
5:2-4 154-158 14:10-11 261
6:69 259 14:Il 68,261
7:53-8: Il 161-164 16:20, 24 159-160
8:54 259
10:30 71 1 Corinthiens
10:33 107,128,132,287 1:12 213
10:35 142, 167 1:18 239
16:27 259 5:5 261
17:3 83,245 7:40 261
20:17 245,290 8:5,6 42,241,250

350
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

10:5 261 Jacques


12:3 241 3:9 263

2 Corinthiens 1 Pierre
6: 14-18 115-116 1:23-25 168
3:12 122
Galates 3:15 263
2:14 179
2:20 261 2 Pierre
3:17 262 1:20,21 142
4:7 262 1:2 263
6: 17 262,277 2: 1 209
3:9,10 122-123
Éphésiens
1:12 231 1 Jean
5:5 262 3:23 78,274
4:3 276
Philippiens 4:9 270,271,273
1:Il 262 5:1 270-271, 273
2:6 233,245,291 5:7 160-164,246
2: Il 231, 241 5:18 263,271
2:30 262 5:20 244

Colossiens Jude
1:15 27,233,273,291 5 263
2:2 262 9 125
2:9 70, 128
3:13 263 Révélation
3:16 263 1:8 68
4:3 263 II:17 69
4:16 169 19:1 110
22:18,19 168
1 Thessaloniciens
2: 14-16 176-177,215
AUTRES SOURCES
2 Thessaloniciens
2:3 209
1 Hénoch
1 Timothée 1:9 136, 314
3:16 151, 152, 164-166,
269 Apocalypse d'Abraham
2 Timothée X, 3, 8 231
2:14 263
3:16,17 142 Ascension d'Isaie
1:7 231
Tite 7:12 231
2:13 244,246,282 8:7 231
9:5 231
Hébreux Celse
1:4 231 Discours vrai
1:8,9 281-282 1,20 255
2:9 276-277 III, 82 227
4:12 142 IV, 104 239

351
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Clément d'Alexandrie La Guerre des Juifs


Stromates I, 6, 8 241
V, 6, 34 229 II, 487-498 293-294
V, 82, 1-2,4 230 II,488 216
II, 540 184-185
Clément de Rome V, 9, 2 73
Jère aux Corinthiens 196-198 IV, 2, 1 74
2e aux Corinthiens 199 IV, 10, 1 241
(pseudépigraphe) V, 438 55
VII, 6, 4 239
La Didachè 200 VII, 191 241
XI,3,5 241
Eusèbe de Césarée
Histoire ecclésiastique Ignace d'Antioche
II, 1-4 182 Épître aux Éphésiens 201-202
II, 23, 1-18 318 Épître aux Magnésiens 203-204
II, 25, 5 184 Épître aux Philadelphiens 204
III, 17-19 190
III, 18, 1 218 Irénée de Lyon
III, 27 209 Adversus Haereses
III, 38, 4 199 1,3,1 213
III, 39, 4 191 1,4,1 229
III, 39, 15 99-100 1,10,1 227-228
III, 39, 16 85,97,205 1,21,3 229
IV, 2, 2 319 II,28,8 228
IV, 6, 1 195 II,30,9 228
IV, 6, 2 219 III,1, 1 86,97
IV, 6, 4 194 111,19,1 209
IV, 8, 4 219 III, 21, 1 209
IV, 23, 12 256 III, 21, 4 228
V, 8, 1 86 III, 22, 2 278
V, 10, 1 251 V, 18,2 228
VI, 14, 6 107 V, 38, 4 220
VI, 25, 4 86,97
VI, 38 209 Jubilés
VIII, 2, 4 251,321 36:7 54

Épître de Barnarbé 96, 192, Justin


206-207 Première Apologie 226
Évangile de Philippe Deuxième Apologie 226
II, 54, 5-8 232 Dialogue avec Tryphon 226
Discours aux Grecs 226
Évangile de Vérité
-
I, 38, 7 40,29 231 Papias d'Hiérapolis
Commentaire sur les
Flavius Josèphe paroles du Seigneur 85, 205-206
Antiquités judaïques
II, 275 219 Philon d'Alexandrie
III, 270-271 54 De Vita Mosis
IV,8 136 I, 75 41,219
X,5 42 II, 25-44 60
livre XII 60 II, 114-132 219
II, 203-206 63
II, 207-208 219
II, 288-291 136

352
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

Platon Toledoth Yeshuh 302,


Cratyle 400d 225 305-306
Timée 28c 225
Parménide 142a 225 Tosefta
Berakhot VI, 7 25
Yeadim II, 20 25
Siracide
35:3 117
43:27 285
50:20 15, 17
51:30 53

Suétone
Vie des douze Césars
Caligula, 22 235,287
Caligula, 57 287
Claude, 25 183
Claude,42 131
Claude,45 287
Néron,16 184
Néron, 38 216
Néron, 57 287
Domitien, 13 287

Tacite
Annales
XV,44 183, 216
XXXVIII-XLIV 216

Tertullien
Apologétique
V,1 237
V,3 216
XI,6 237
XI, 13 237
XII, 3 289
XXIX- XXXIV 287
XXXIV, 3-4 237
XL,9 285

Contre Praxéas (sur la Trinité)


XIII,3 242, 288
XV, 1 287

Prescription contre les hérétiques


XVII, 1 255
XXXVIII, 1, 7 255

Théodoret
Quaest. xv in Ex. 38
Quaest. in libros
Regnorum et
Paralipomenon,80,805 57

353
Licence accordée à Sébastien Côté sebastien-cote@live.ca - ip:24.122.0.229

L.HARMATTAN.ITALIA
Via Degli Artisti 15 ; 10124 Torino

L'HARMATTAN HONGRIE
KOnyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16
1053 Budapest

L'HARMATTAN BURKINA FASO


Rue 15.167 Route du Pô Patte d'oie
12 BP 226
Ouagadougou 12
(00226) 50 37 54 36

ESPACE L'HARMATTAN KINSHASA


Faculté des Sciences Sociales,
Politiques et Administratives
BP243, KIN XI; Université de Kinshasa

L'HARMATTAN GUINÉE
Almamya Rue KA 028
En face du restaurant le cèdre
OKB agency BP 3470 Conakry
(00224) 60 20 85 08
harmattanguinee@yahoo.fr

L'HARMATTAN CÔTE D'IvOIRE


M. Etien N'dah Ahmon
Résidence Karl/cité des arts
Abidjan-Cocody 03 BP 1588 Abidjan 03
(00225) 05 77 87 31

L'HARMATTAN MAURITANIE
Espace El Kettab du livre francophone
N° 472 avenue Palais des Congrès
BP 316 Nouakchott
(00222) 63 25 980

L'HARMATTAN CAMEROUN
BP 11486
Yaoundé
(237) 458 67 00/976 61 66
harmattancam@yahoo.fr

Vous aimerez peut-être aussi