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2023 11:56

Séquences
La revue de cinéma

Lumière et couleur au cinéma


Gilles Blain

Numéro 33, mai 1963

URI : https://id.erudit.org/iderudit/51921ac

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Éditeur(s)
La revue Séquences Inc.

ISSN
0037-2412 (imprimé)
1923-5100 (numérique)

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Citer cet article


Blain, G. (1963). Lumière et couleur au cinéma. Séquences, (33), 3–11.

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Macbeth d'Orson Welles

LUMIÈRE
ET COULEUR Dans une de ses dimensions, qui
n'est pas la moins importante, le ci-
néma est un art figuratif, un art de
AU CINÉMA l'image. Or l'image, qu'elle soit des-
sinée ou peinte directement sur le
papier ou qu'elle soit projetée sur
Gilles Blain l'écran à l'aide d'une source lumi-

SÉQUENCES
ditoire (plus de 1000 personnes) sous le charme de sa parole chau-
de et de sa pensée lumineuse. Ce fut un véritable régal. L'huma-
niste Henri Agel s'est révélé un conférencier séduisant. Nous le sa-
vions riche d'observations pénétrantes grâce à ses nombreux livres
sur le cinéma; nous avons découvert qu'il avait en plus le verbe
élégant et convaincant.
Le lendemain, à la suite d'une intéressante table ronde sur
L'Ile nue, nous avons pu profiter de l'intervention d'Henri Agel fai-
sant le bilan de la discussion et donnant son appréciation de l'oeu-
vre.
* * *
Que reste-t-il de ce Congrès ?
Les délégués répondront. Mais précisément les dé-
légués n'étaient-ils pas les représentants des ciné-clubs locaux ?
Ce sont donc les membres des ciné-clubs qui pourront reconnaître
les bienfaits du Congrès. Déjà nous sont parvenus des échos des
plus favorables. Que de délégués ont senti le besoin de faire un
examen des activités de leur ciné-club ! Que de délégués rêvent
d'améliorations prochaines ! Que de délégués ont mieux compris
la notion d'un véritable ciné-club d'étudiants.
Le Congrès a permis de confronter nos méthodes de travail.
Il reste à mûrir tout ce qui fut débattu. Il reste à souhaiter égale-
ment que tous les ciné-clubs profitent pleinement de ces assises.
C'est à ce compte seulement que le Congrès aura connu un succès
total.
Pour sa part, Séquences se réjouit d'un tel concours d'amitié.
Elle espère que ses lecteurs se rendent compte de tout ce qu'elle
fait au bénéfice des ciné-clubs d'étudiants.
Dès l'automne, elle espère présenter un compte-rendu du
Congrès.
Ce sera sa façon à elle de donner suite au Congrès des ciné-
clubs d'étudiants 1963.

S,equences
P.S. — Déjà en page 40, nos lecteurs pourront lire les voeux et
projets du Congrès des Ciné-clubs d'étudiants.
MAI 1963 3
neuse, repose sur deux données es- doit son mouvement interne (pro-
thétiques fondamentales : le noir- pre à tout art) qu'à la puissance de
et-blanc et la couleur. Aussi n'est-il suggestion des structures plastiques.
pas surprenant de voir le cinéma, au Il n'est pas besoin d'interroger lon-
fur et à mesure que ses techniques guement l'histoire du cinéma pour
se développent et que ses ambitions relever quantité de films dont l'é-
se précisent, exploiter les valeurs de clairage ou le jeu des couleurs n'est
clair-obscur expérimentées par la manifestement pas étudié pour ser-
gravure et s'inspirer de la polychro- vir l'action ou les thèmes ou la psy-
mie des chefs-d'oeuvre de la pein- chologie des personnages, mais
ture. On pourrait multiplier, à cet pour flatter l'oeil du spectateur, et
égard, les aveux des grands cinéas- peut-être d'abord celui du chef-opé-
tes. Ne retenons que celui de Max rateur.
Ophùls (dans une interview publiée En réalité, tout art a ses conven-
par le journal Arts du 4 janvier tions, mais les conventions de l'un
1956) : J'allais donc tourner mon ne sont pas celles de l'autre. Un art
premier film en couleurs qui se qui biaise avec les siennes ne pro-
trouvait être en même temps mon duit que des oeuvres bâtardes. Ain-
premier cinémascope (Lola Mon- si le noir-et-blanc et la couleur sont
tés). Tous cela posait beaucoup de un facteur d'expressivité tant au ci-
problèmes : je regardais inlassable- néma que dans les autres arts figu-
ment des toiles de Breughel, ce ratifs, mais à des degrés divers et
grand professeur. dans des conditions très différentes.
Mais ces emprunts du cinéma Rôle du clair-obscur à l'écran
aux arts du dessin et de la peinture
comportent de réels dangers. C'est Tenons-nous-en d'abord au rôle
que le film se déroule dans le temps de la lumière dans la technique du
aussi essentiellement qu'il s'inscrit noir-et-blanc à l'écran. Il ne fait pas
dans l'espace ; il ne déploie sa si- de doute que le perfectionnement
gnification complète que dans le des éclairages, des lentilles et des
mouvement non seulement des ob- emulsions rend possible une extrê-
jets et des personnages à l'intérieur me variété des gris intermédiaires
de l'image mais de toutes les ima- entre le blanc et le noir, et a permis,
ges dont la succession, perçue com- en fait, à des cinéastes particulière-
me une image mouvante, reproduit ment sensibles, de doter le cinéma
le rythme de la vie. L'oeuvre pictu- de ces symphonies en clair-obscur
rale tire toute sa signification des dont s'enchantèrent les historiens
coordonnées de l'espace qu'elle or- Bardèche et Brasillach. Mais il faut
ganise en un tout immobile et ne noter que ces artistes se servaient

MAI 1963
de la lumière pour traduire leur d'une oeuvre classique comme La
univers personnel, leur vision du Nuit de la Saint-Sylvestre (1923),
monde, en relation avec les autres Lotte Eisner note que le scénariste
éléments d'expression tels les cadra- Carl Mayer avait défini très préci-
ges, les mouvements de caméra, les sément pour chaque plan les éclai-
décors, les dialogues, les bruits, le rages pouvant créer l'atmosphère,
jeu des personnages . . . que l'action se déroule entièrement
La magie de la lumière dans les de nuit dans la salle enfumée et
films expressionnistes allemands ré- assez chichement éclairée d'une ta-
pond bien à un besoin profond de verne populaire. L'unité du film
l'âme faustienne du Nordique de naît remarquablement de la coïn-
s'abandonner aux espaces brumeux cidence entre le climat physique
et de voir symboliquement s'oppo- (la nuit) et la tonalité psychologi-
ser les forces du Bien et du Mal. que (le pessimisme, la fatalité).
D'autre part, l'influence du monde Les nuances du clair-obscur
diurne et nocturne projetés sur la jouent un rôle essentiel aussi chez
scène par le célèbre homme de Dreyer, mais dans le sens d'u-
théâtre allemand Max Reinhardt ne symbolique spirituelle plus
s'avère incontestable sur le style pure. Dans Jeanne d'Arc, où
d'un Fritz Lang, d'un Sternberg, l'auteur souligne l'effacement des
d'un Robert Siodmak. A propos détails historiques au profit du

La Passion d e Jeanne d ' A r c de Cari Dreyer

U B M H H H H
mm
cas mystique, de la réalité char- insiste sur le fait que le cinéma est
nelle, les surfaces blanches et un phénomène d'échanges, de rap-
nettes, l'éclairage également net ports. Le sytle d'un film, si celui-ci
jusqu'à la dureté, composent un u- est une oeuvre d'art, est le produit
nivers implacablement cristallin. d'un grand nombre de composants,
L'univers de Vampyr est au con- tels que le jeu du rythme et du ca-
traire celui du flou, du grisâtre, du drage, les rapports d'intensité des
flottant, celui du rêve éveillé. Or- surfaces colorées, l'interaction de la
det nous offre un univers toujours lumière et de l'ombre, le glissement
net, mais où chaque détail, tout en mesuré de la caméra. (Réflexions
gardant sa valeur propre, se fonde sur mon métier)
harmonieusement dans la grisaille La valeur symbolique et dramati-
voulue de l'ensemble, sauf à la fin, que des "blancs" et des "noirs" se
qui est aussi détachée du monde trouve encore plus accentuée dans
quotidien, aussi blanche que La les oeuvres d'Eisenstein qui déve-
Passion de Jeanne d'Arc, mais avec, loppe cette esthétique dans un li-
en plus, un noir issu de Dies irae. vre d'une grande profondeur :
Peut-être Dies irae est-il, plastique- Film Sense. Après avoir rappelé le
ment, le film le plus contrasté de rôle thématique joué par les deux
Dreyer ? Probablement parce qu'il couleurs dans la Ligne générale et
est celui où le Bien et le Mal sont dans Alexandre Nevsky, le grand
le plus intimement mêlés. cinéaste russe déclare : Cela veut
Un fait important est à souligner dire que nous n'obéissons pas à une
ici : Dreyer a toujours travaillé en loi omnipotente de significations
collaboration précise, amicale, avec absolues quant aux correspondances
ses opérateurs, Schneevoigt et Maté. entre Is couleurs et les sons, quant
Aussi déclarait-il : Un metteur en aux relations entre ceux-ci et cer-
scène ne peut confier les éclairages taines émotions. Nous décidons par
à un autre. La lumière, c'est le plus nous-mêmes quelles sont les cou-
important. J'ai toujours eu d'excel- leurs et les sons qui rempliraient le
lents opérateurs, mais je les ai tou- mieux le rôle ou l'émotion que nous
jours dirigés. Au reste, il ne faut leur avons assignée et dont nous
pas penser que le célèbre réalisateur avons besoin. Inutile d'insister sur
danois cède au culte de l'image en l'efficacité dynamique à laquelle
soi. Pour que le film ait sa vie pro- peut concourir une si savante répar-
pre, palpitante, spécifiquement ci- tition des plans, des lignes, des vo-
nématographique, un courant tan- lumes, des valeurs : il n'est que de
tôt fluide, tantôt vigoureux par- revoir les oeuvres précitées pour
court en profondeur les images. Il s'en rendre compte.

MAI 1963
Il s'agit là, évidemment, de films cette monumentale fresque (Les
forts. Mais on rencontre, dans un Enfants du Paradis) qui relève à la
cinéma plus près de nous, des films fois de la comédie dramatique, du
où le traitement du clair-obscur at- film d'atmosphère et de l'étude de
teint à des significations qui, pour moeurs. L'unité photographique de
n'être pas toujours également heu- l'ensemble y est remarquable, et ce-
reuses, n'en demeurent pas moins pendant chaque décor est habile-
intéressantes. Comment expliquer ment éclairé en fonction de la scène
la puissante dramatisation, la valeur qu'il doit mettre en valeur. Il faut
mythique, des oeuvres d'Orson signaler les éclairages de rues, la
Welles (Othello, Macbeth, La Da- nuit, l'atmosphère très "Carné d'a-
me de Shangaï) sans les composi- vant-garde" du Rouge-Gorge, et
tions ténébreuses, les vifs découpa- surtout les magnifiques images de
ges d'ombre et de lumière ? On se la calèche dans les brumes matina-
souvient de la séquence initiale de les des bois de la châtaigneraie, i-
Citizen Kane au moment où la salle mages qui viennent donner un peu
de projection dans laquelle discu- d'air frais à ce film en général assez
tent les rédacteurs du journal d'ac- étouffant. Quant au film de Coc-
teau, la variété des clairs-obscurs
tualités n'est plus éclairée que par
rue à l'opérateur Henri Alekan, loin
le rayon lumineux qui vient de la
d'être arbitraire, représente proba-
cabine de l'opérateur : le rédacteur
blement l'une des plus belles réus-
en chef a la tête complètement dans
sites de la poésie à l'écran. Tout
l'obscurité alors que ses collabora-
serait à citer : lumières d'été, lé-
teurs sont violemment illuminés
gères, ensoleillées, de la maison du
puis, dans un autre plan, toutes les
marchand ; lumières noires du châ-
silhouettes se détachent sur l'écran
teau de la Bête, visage de la Belle
comme autant d'ombres chinoises.
reflété sur le parquet, ombre sur les
draps pendant la lessive, éclairages
On a reproché à deux réalisateurs soyeux de la forêt, atmosphère fla-
français de l'ancienne génération, mande des intérieurs, présence de la
Carné et Cocteau, de s'adonner à lune, du cheval blanc . . . L'oppo-
des éclairages gratuits et académi- sition des ambiances lumineuses des
ques. En réalité, le reproche ne tient deux mondes ne relève pas d'un
pas devant des oeuvres aussi cohé- conflit dramatique mais d'une sorte
rentes et aussi personnelles que Les de dédoublement féerique du mon-
Enfants du Paradis et La Belle et la de vu par un poète : c'est là une au-
Bête. L'opérateur Roger Hubert a tre fonction du clair-obscur, qui
bien servi la vision de Carné dans n'est pas commune au cinéma . . .

SÉQUENCES
Si l'on se réfère maintenant à des
films nettement d'avant-garde com-
me ceux d'Alain Resnais, on s'aper-
çoit que le clair-obscur peut tradui-
re l'angoisse jusqu'à l'obsession,
comme dans Hiroshima, mon a-
mour, et, à la limite, se muer en
mouvement pur, devenir en quel-
que sorte un miroir sans cesse chan-
geant, capable de réfléchir les signi-
fications dramatiques et psychologi-
ques les plus diverses, comme dans
L'Année dernière à Marienbad.

La couleur et le langage
cinématographique
Les problèmes posés par l'em-
ploi de la couleur à l'écran recou-
pent ceux dont nous avons parlé Hiroshima, m o n amour
jusqu'ici, sur le plan du langage,
mais sont terriblement plus compli- met aucune erreur pour une raison
qués sur le plan technique. Il est physiologique : c'est que l'oeil hu-
vrai que les procédés se sont beau- main le moins entraîné est sensible
coup améliorés depuis l'invention à de très légers écarts de tonalité de
du technicolor, mais ils reposent sur couleur. De même que pour le tou-
des solutions optiques et chimiques cher, les différences de température
de caractère sélectif qui acculent sont relatives (l'objet tiède nous pa-
les opérateurs à tablés d'avance sur raît froid aprsè avoir touché un
certaines couleurs plutôt que sur objet plus chaud et chaud après
d'autres. Et il faut bien connaître avoir touché un objet plus froid),
aussi les effets physiologiques sur il en est de même pour l'organe de
le spectateur, qui ne sont pas les la vision. Il est donc impossible à
mêmes que pour le noir-et-blanc. l'oeil de définir une couleur abso-
André Apard écrivait dans La Re- lue parmi un défilé de teintes plus
vue du Cinéma : Si le film noir et ou moins mélangées. De plus, le
blanc a une très grande latitude maximum de sensibilité de l'oeil se
d'erreur, traduisant en une gamme trouve dans le jaune-vert, couleur à
de gris les fautes d'harmonie ou laquelle notre oeil sera plus sensi-
d'ambiance, la couleur, elle, n'ad- ble.

MAI 1963
Ces infirmités physiques de la Le Carosse d'or, Le Fleuve de
couleur artificielle n'ont pas décou- Jean Renoir sont des exemples de
ragé, tant s'en faut, les cinéastes. films dont le lyrisme est directe-
Mais leurs efforts n'ont pas tous ment tributaire de la couleur qui
été intelligemment menés. La ma- n'est plus un élément de pittores-
nie des couleurs dites "naturelles" que ou de véracité, mais bien un
harcèle un trop grand nombre de des charmes (au sens magique),
réalisateurs qui espèrent, de film en et non le moindre, grâce auxquels
film, approcher le plus possible la naît la poésie. Les scènes, dans Le
réalité essentillement colorée. Elle Carosse d'or, font penser à des "a-
nous a valu des oeuvres dont la pré- quarelles". En fait, Renoir poursuit
tention n'a d'égal que le cabotinage. ses essais sur la couleur commencés
Voyez, semble nous dire l'auteur, avec Le Fleuve, sur le plan des dé-
c'est comme si vous étiez en pleine cors fabriqués et du studio. La cou-
nature ; il n'y a pas de différence ! leur ne peut trouver des équivalents
en peinture, car elle s'efforce non
Etrange aberration ! C'est ou- seulement de donner une valeur
blier que le cinéma, comme la pein- d'expression symbolique, comme
ture, doit tendre à créer un monde tout tableau certes, mais surtout
d'atteindre une espèce de perfection
qui corresponde à la vision person-
dans le mouvement des couleurs,
nelle d'un auteur et que la couleur
dans un dynamisme qui détruit
doit se muer en un élément d'ex- sans cesse une composition pour la
pression esthétique, symbolique, remplacer par un mouvement op-
dramatique, psychologique. Comme posé.
la peinture, avons-nous dit, mais
d'une manière très différente ce-
pendant : inutile de répéter les dif- La participation de la couleur au
férences déjà signalées entre les rythme culmine dans un film com-
me Orfeu Negro. Couleur de car-
deux arts. Il est symptomatique que
naval aux teintes riches, chaudes,
ce soit deux cinéastes du noir-et-
rarement éclatantes mais plutôt ve-
blanc, et parmi les plus grands,_qui loutées et lumineuses. Elle se meut
aient parlé avec le plus de lucidité continuellement à l'intérieur de l'i-
et de compétence des possibilités mage, la zébrant, la déchirant, fai-
expressives et des prestiges de la sant corps avec le rythme du car-
couleur. Mais, en fait, y a-t-il des naval, faisant éclater le cadre de
réussites à cet égard ? Certes oui, l'image, ne s'apaisant (relative-
même si elles sont encore assez ra- ment) que dans les scènes "ralen-
res. ties" entre Orphée et Eurydice.
10 SÉQUENCES
Lola Montes

La couleur prend un sens symbo- me la meilleure réussite dans le gen-


lique et satirique dans le célèbre re par les critiques occidentaux :
Mon Oncle de Jacques Tati. Le La Porte de l'enfer.
comique provient de l'opposition
Certes, les cinéastes n'ont pas fi-
de deux mondes : celui du vieux
ni de nous surprendre avec ce nou-
quartier avec ses teintes "vieux ve-
veau moyen d'expression en plein
lours", chatoyantes et chaudes, celui
essor. Et l'on se plaît à regarder
du quartier moderne avec ses verts
l'avenir avec l'oeil "prophétique"
lumineux, ses jaunes criants de
de Lo Duca : La couleur nous révé-
"lampes électriques", les teintes
lera un monde ; nous verrons même
froides de la maison des Arpel.
le mouvement colorié, ce qui sera
On pourrait étudier longuement absolument neuf dans l'histoire des
les couleurs oniriques et cauche- arts, photographie comprise. Nous
mardesques de Lola Montés, la po- verrons rougir une joue, pâlir les
lychromie peu usitée et vraiment êtres de colère ou d'effroi. Les plus
décorative de Roméo et Juliette, le grandes Irévélations viendront du
réalisme psychologique de la cou- premier plan, du grand premier
leur dans la grande fresque de Vis- plan genre avant-garde : quel étang
conti : Senso. Les contrastes colo- alpestre nous exprimera alors une
rés, les jeux de reflets sont proba- prunelle bleue ? Quel fruit de
blement le plus beau souvenir qui Louxor montrera la bouche douce
reste d'un film japonais salué com- et amère d'une femme ?

MAI 1963 11

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