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Peinture/Photo/Installation
DEA d'Histoire de l'art contemporain
SOUS LA DIRECTION DE
MONSIEUR DAGEN, PROFESSEUR
1999-2000
SOMMAIRE
INTRODUCTION 4
A. QU 'EST-CE QUE L'INTRODUCTION DE LA PHOTOGRAPHIE A PRODUIT COMME EFFETS DANS LE CHAMP DE LA
CREATION PLASTIQUE ? 4
1. La photographie peut tout» montrer 4
La guerre civile au Kosovo 4
La sortie du film Romance, de C. Breilla 4
2. La photographie dit la vérité sinon une grande partie 4
La pornographie de la guerre 4
Guerre de Crimée vers 1850. 4
3. La photo ne dit pas la vérité... met en scène la réalité 5
B. BAUDELAIRE ET GUISS 5
I. ANALYSE DE DEUX CRITIQUES DE CHARLES BAUDELAIRE (1855 ET 1859) 5
A. ŒUVRES DE GUSTAVE COURBET 6
B. LES ARTICLES DE 1855 ET 1859 7
1. Article de 1859 7
2. Article de 1855 8
3. Conclusion 9
BAUDELAIRE 9
Mode et modernité dans l'art 9
Le bizarre 9
NADAR 10
II. GUSTAVE COURBET ET LA PHOTOGRAPHIE 11
A. QU 'EST-CE QUE L'ON PEUT SAVOIR DE L'ATTITUDE DE COURBET VIS A VIS DE LA PHOTOGRAPHIE COMME
PRATIQUE BANALE (ANNEES 50) ? 11
B. P EUT-ON AFFIRMER QUE GUSTAVE COURBET POSSEDAIT DES PHOTOGRAPHIES DANS SON ATELIER ? 12
1. Des sources de première main peu nombreuses… mais assez précises 12
2. Le portrait de Proudhon, 1865 12
3. Les baigneuses, 1853 12
4. L'atelier, 1854 13
5. Conclusion 14
C. EST-IL POSSIBLE QUE GUSTAVE COURBET SE SOIT INTERESSE AUX PHOTOGRAPHIES DEVOILANT LA NUDITE
FEMININE ? 14
1. La France du Second Empire 14
La femme au perroquet, 1866 14
Le réveil et le sommeil, 1866 14
L'origine du monde, 1866 15
La femme au bas blanc, 1861 15
D. LE THEME DE LA VAGUE CHEZ COURBET ET LES PHOTOGRAPHES 15
1. La femme à la vague, 1868 15
2. Conclusion 15
COURBET 16
III. PICASSO, LA PHOTOGRAPHIE ET LE CORPS 17
A. MISE EN PERSPECTIVE DU TRAVAIL DE DUCHAMP ET DE CELUI DE PICASSO 17
1. Thème de Paolo et de Francesca, sept. 1918 17
2. Les thèmes récurrents 17
B. LE PROBLEME DU NU ET DE SA REPRESENTATION 17
Femme en chemise dans un fauteuil, automne 1913 18
L’étreinte, 1903 18
1. Les prémices du changement 18
2. La représentation du nu féminin. De l’évolution à… 18
La femme au fauteuil, 1929 18
Femme dans un fauteuil rouge, janvier 1932 18
Gravure : modèle et sculpture surréaliste, mai 1933 18
Nu endormi, 4 août 1934 19
3. La précision de la pensée du peintre 19
Femme se coiffant, juin 1940 19
Nu endormi, septembre 1942 19
Peinture/Photo/Installation 2
4. Picasso et la représentation organique du corps féminin 19
Le nu couché au chat, 1965 19
Le nu couché à l’oiseau, janvier 1968 19
Le nu au collier, octobre 1968 19
5. La brutalité et la représentation pornographique 19
Couple en étreinte, octobre 1969 20
Les étreintes (dessins), 20 mars 1970 et les étreintes (peinture), novembre 1969 20
L’étreinte, 1970 20
C. PICASSO ET L’HISTOIRE DE LA PEINTURE 20
La pisseuse, 1965 20
1. Le travail de Picasso sur l’histoire de la peinture 20
2. Le peintre et son modèle 20
Le peintre et son modèle, 1963 20
Suite 37, mars 1971 21
3. Conclusion 21
IV. RENCONTRE PASCAL CONVERT 21
Dessins 21
Commande d’une œuvre au Japon 21
Dessins muraux 21
Peinture/Photo/Installation 3
Introduction
Peinture/Photo/Installation 4
Les photos reportages : comment montrer ce qui se passe/se pose ? L'Illustrated
London news rapporte ce qui se passe en Crimée en 1855. Ce n'est pas par le biais
de la photo car on ne sait pas encore comment obtenir des reports d'impression d'une
plaque photographique à un support papier. Mais la photo est présente sur le terrain :
par la France, d'une manière hiérarchisée (mission du colonel Langlois) et par
l'Angleterre, d'un point de vue privé donc économique(Fenbon, un photographe prend
des clichés pour un portfolio, mémorial des combats à utiliser ultérieurement).
La photographie, en 1855, ne peut échapper à un statisme lié au temps de pose.
Les clichés de Langlois sont lourds, il ne peut faire que des paysages inhabités et
encore, quand toutes les conditions climatiques sont réunies. La photo laisse au
spectateur le soin d'imaginer, de reconstituer. Fenbon n'a pas d'obligations militaires
alors il fait des portraits, économiquement plus intéressant. Une seule photo de
l'album montre la guerre mais c'est une photo falsifiée, calculée, composée. Le mort
est en pleine forme ! Le bandage est immaculé de sang : tout ceci est une mise en
scène.
b. Baudelaire et Guiss
Quel est l'intérêt de Baudelaire pour Constantin Guiss1 ?
Aucun texte ne peut égaler les dessins de Guiss et rien non plus ne peut être plus
détaillé que ses comptes-rendus visuels. Baudelaire affirme la supériorité du visible
sur le lisible alors que lui-même utilise des mots pour s'exprimer et se réapproprier la
réalité. Le dessin est meilleur que la peinture.
Un système s'est mis en place, véhiculé par la gravure et fixé par presse, avec le
dessin. C'est ainsi que tout cela a commencé en ce qui concerne la photographie et
non comme on pouvait s'y attendre.
1
Hero évoque cet homme dans son livre auquel il consacre, dans son sixième chapitre, sa pensée
concernant ce peintre de la vie moderne au sujet de la guerre : les annales de la guerre.
Peinture/Photo/Installation 5
critique sur la photographie à une époque où la matière première existe et abonde.
Ces deux articles1 font allusion au travail pictural des peintres de son époque et en
particulier celui de Courbet.
1
C. Baudelaire, in la Pléiade, article de 1855 (compte rendu de l'exposition universelle) et article de
1859 (compte rendu du salon de 1859).
2
Courbet, Gustave (1819-1877), peintre, lithographe et dessinateur, initiateur du mouvement réaliste
français du XIXe siècle.
Originaire d'Ornans, en Franche-Comté, fils de riches agriculteurs, Courbet vint s'installer à Paris en
1839 pour se consacrer à la peinture. Il suivit d'abord des cours de dessin auprès d'un élève de David,
et des cours de peinture à l'Académie suisse. Cependant, profondément anticonformiste, il préféra
bientôt copier les chefs-d'œuvre du Louvre (Géricault, Delacroix) et peindre en forêt de Fontainebleau.
Désireux de réussir, il écrivit à cette époque : « Je veux faire de la grande peinture […]. Il faut qu'avant
cinq ans j'aie mon nom dans Paris ». En 1846, invité par un ami en Hollande, il fit la découverte,
déterminante, de l'art de Rembrandt (la Ronde de nuit et la Leçon d'anatomie).
Dès lors, il décida de peindre la réalité telle qu'elle se présentait à lui. Après la révolution de 1848,
durant laquelle il fréquenta Proudhon, Champfleury et Baudelaire, il s'orienta donc vers un réalisme
attaché à rendre compte, sans pittoresque, de la vie quotidienne (les Casseurs de pierres, 1849).
Renonçant à l'exotisme chargé d'émotions de la tradition romantique et se gardant des restrictions de la
peinture académique, Courbet exposa au Salon de 1850 son Enterrement à Ornans (1850, musée
d'Orsay), peint dans un format immense, traditionnellement réservé à la peinture d'histoire. En outre, il
insuffla à ses personnages, paysans pauvrement vêtus encerclant une tombe béante, une grandeur et
une dignité qui dépassent la simple scène de genre. L'événement provoqua un énorme scandale et fit
de lui le chef de file du mouvement réaliste. En 1855, ses tableaux étant refusés par le jury de
l'Exposition universelle, Courbet fit construire le « pavillon du réalisme » où il présenta quarante de ses
œuvres dont l'Atelier (1855, musée d'Orsay), qu'il sous-titra Allégorie réelle, histoire morale et physique
de mon atelier. Simultanément, il publia le Manifeste du réalisme, prônant un « vouloir faire de l'art
vivant ».
Dès lors, le style de Courbet se démarqua par une palette limitée et vigoureuse, une composition
simplifiée et des personnages aux modelés non idéalisés (les Demoiselles des bords de Seine, 1857,
musée du Petit Palais, Paris). Bien que toujours contesté, il commença à bénéficier d'une notoriété
certaine : ceux qui jugeaient ses compositions vulgaires et provocantes virent s'élever contre eux des
admirateurs qui savaient reconnaître les qualités de sa peinture, sans fard ni complaisance.
Aussi radical en politique qu'en peinture, Courbet fut nommé président de la Fédération des artistes en
1871, durant la Commune de Paris, et sauva les collections du Louvre de l'incendie des Tuileries. Il fut
cependant accusé de complicité dans le renversement de la colonne Vendôme. Condamné à six mois
de prison et au remboursement des frais de restauration de la colonne, il s'exila à Vevey (Suisse) en
1873, où il peignit dans la solitude. Ses œuvres furent mises aux enchères par le gouvernement
français, un mois avant sa mort.
Peinture/Photo/Installation 6
les relations se distendent et dès l'année suivante, à l'occasion de l'exposition
universelle, Baudelaire écrit sur Courbet sans le ménager.
1. Article de 1859
Dans son premier chapitre, intitulé l'artiste moderne, l'auteur déplore que la
participation des Anglais n'ait pas lieu. Puis il évoque le peintre Delacroix pour qui il
voue une certaine forme d'admiration. Quels sont les changements intervenus dans la
peinture française depuis le second Empire ? Enfant gâté, l'artiste a une position
royale qui le met à l'abri de l'assujettissement de la société. Delacroix jouit d'une
liberté entière dans sa peinture et dans sa vie d'homme (années 20-30).
La décrépitude de la peinture apparaît par la suite dans les années 60. Ainsi, fait-il
constamment référence à cette époque faste, point fort de la peinture et la créativité
française. L'imagination a disparu selon lui à l'époque où il écrit ses deux articles.
Savoir peindre est la condition de l'imagination.
Son second chapitre intitulé, le public moderne et la photographie, est une
critique assez virulente sous des aspects de plébiscite. Il constate amèrement que la
vulgarité a progressé, cherchant à étonner, à séduire le public qui impose le style aux
artistes. Tout cela est inférieur à l'imagination qui est du niveau de la philosophie et de
la poésie. Baudelaire critique l'effet d'annonce des titres attribués aux œuvres : le
produit cherche à attirer l'œil pour trouver un acquéreur.
Décadence de la photo est prochaine. Celle-ci est responsable de la disparition ou
de l'absence de peintres naturalistes (d'où le regret de l'absence des Anglais qui ne
sont pas encore touchés par cette décrépitude). La notion d'un Vrai est à l'origine de la
décrépitude sachant que la photo c'est par essence la vérité puisqu'elle fixe un
moment de la vérité d'une chose ou d'une vie. Les artistes obéissants se conforment
aux goûts du public. Il critique le culte ambiant de la vérité. Le public français est
impuissant à vouloir autre chose que la réalité et LA photographie. Cette dernière
aurait accéléré l'effondrement de la peinture.
1
Cf. Revue Etude Photo, article « Baudelaire et la photo », mai 99.
Peinture/Photo/Installation 7
Les insensés (cette assertion change la perspective de sa critique de la photo : il la
défend vaillament pour mieux la détruire). Baudelaire ne croit pas que la photo donne
des garanties de vérité.
Arguments du critique d'art contre la photo et ses conséquences néfastes
1. Le succès de la photo est lié au plaisir que chacun éprouve à contempler son
image. La nature se reproduit elle-même par le truchement d'un appareil, et du
Soleil.
2. La photo permet de faire proliférer les tableaux vivants : reconstruction de ce qui
a été et de la mythologie. Est-ce la fin du tableau historique ? Les acteurs qui
posent trahissent le Théâtre.
3. Prolifération des photos pornographiques (obscénité).
4. Vengeance de la médiocrité (refuge des peintres ratés).
Baudelaire fait des propositions pour une meilleure utilisation de la photographie.
Celle-ci doit être un document au service de la science et du voyage. Elle doit servir
pour les archives et la reproduction des monuments en mauvais état. Situation
paradoxale puisque l'auteur assigne à la photo un rôle d'exactitude alors qu'il affirme
le contraire en amont de sa réflexion. Incertitude ? Enfin, la photo ne doit pas toucher
à l'Homme car il reste inaccessible.
Cet article a eu des conséquences pour Baudelaire. En effet, Nadar est l'un de ses
amis et il posera même pour lui.
2. Article de 1855
Il y a une grande similitude avec l'article de 1859. Son second chapitre intitulé,
méthode et critique de l'idée de progrès. Déplacement de la vitalité, Cet article
apparaît tel un récit remontant aux grands maîtres de la peinture pour parler de
l'actualité qui concerne son compte rendu. Les Anglais bien que présents à
l'exposition de 1855 ne sont cités que très brièvement. Toutefois, on note une forte
anglomanie chez Baudelaire : la référence anglaise est une sorte de repère par
rapport à l'art français qui n'est pas poétique.
Ingres (élève de David) et Delacroix sont des repères en France. L'exposition
consacre à ces deux peintres la plus grande place. Baudelaire met à mal Ingres
(peintre tout à fait affirmé à cette époque). Il le tire dans le monde fermé du
laboratoire. Il n'a pas d'imagination, de souffle épique. Il marque une rupture, le
mouvement a disparu. Il le compare à Courbet : étonnante comparaison entre le
Grand maître du Beau et Courbet connu pour ses baigneuses et l'atelier.
Il critique plus la logique négative de ces peintres d'où ce parallèle pour le moins
étonnant. Ingres fait de la peinture pour le dessin, d'ordre formel ; il sacrifie le
sentiment, l'expression et la vérité anatomique. Toutefois, Baudelaire a de l'amitié
pour Courbet puisqu'il le situe au-dessus d'Ingres, lui le peintre confirmé et consacré
lors de cette exposition.
Peinture/Photo/Installation 8
3. Conclusion
En 1855, Courbet est le peintre de la Nature (positif). En 1859, la photo flatte le
public avec sa Vérité positive. Le point de vue critique de Baudelaire n'a pas varié ; il
est resté constant dans son analyse à l'égard de la décrépitude la peinture et des
effets néfastes de la photo et du manque d'imagination.
On ne peut pas éviter de se poser le postulat suivant : Courbet serait un autre nom
de la photo car il aurait commis le même crime contre la peinture et les maîtres.
Walter Benyamin1 dans son essai de 1936 propose son point de vue sur la question
de Courbet par rapport à la photo : Tout d'abord, Courbet est « le dernier peintre à
tenter de dépasser la photographie » donc à inverser la tendance, puis il anticipera
celle-ci avec la vague et enfin il la dépassera.
Baudelaire
Le bizarre
Le bizarre est l'autre versant du « surnaturalisme » baudelairien. Selon Baudelaire,
en effet, le Beau « contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie naïve, non
1
Cf. Collectif, Sur l'art et la photo, Edition du Carré, 1997 : essai de 1936 de W. Benyamin.
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voulue, inconsciente, et […] c'est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement
beau » (Exposition universelle de 1855).
Or, la caricature est pour Baudelaire l'une des manifestations les plus intéressantes
du « bizarre » : admirateur de Daumier, il alla jusqu'à ériger en principe esthétique
général l'idée d'excès ou d'exagération, qui est en usage de façon systématique dans
la caricature. L'excès ou, pour être plus précis, les déformations anatomiques
faisaient, selon lui, toute la beauté de certaines toiles et toute la grâce de certains
personnages d'Ingres, comme cette Odalisque dotée d'un trop grand nombre de
vertèbres, lui conférant une silhouette anormalement longue et sinueuse. Cette liberté
du peintre à l'égard du modèle fourni par la nature séduisait Baudelaire, qui ne se
lassait pas de la louer comme une «tricherie heureuse» (Exposition universelle de
1855).
Pour Baudelaire, l'exagération caractérisait pareillement les eaux-fortes de Goya
intitulées les Caprices (mais son propos peut s'appliquer également aux Désastres de
la guerre) : ces visages blafards et fuyants surgis de l'ombre, ces masques grotesques
ou animaliers, exprimaient à la perfection des sentiments extrêmes comme la peur, la
haine ou l'horreur. Baudelaire considérait d'ailleurs Goya comme un caricaturiste, mais
un caricaturiste « artistique », par opposition au caricaturiste « historique », le premier
étant susceptible de produire un « comique éternel » quand le second ne donne qu'un
« comique fugitif » (Quelques caricaturistes étrangers).
Baudelaire admirait aussi chez Delacroix (lui-même disciple de Goya) l'apparence
inachevée, et d'autant plus expressive, de ses scènes de chasse : ce peintre ne se
contente pas de reproduire fidèlement les images que lui procure le réel, mais
s'attache à l'expression, au détriment de la précision du trait : c'est ainsi qu'il parvient
à restituer la vérité des choses au-delà de leurs apparences. Cependant, chez ces
trois peintres, l'accentuation du trait, la « caricature » n'est naturellement pas faite
pour provoquer le rire ni dénoncer les ridicules de la bourgeoisie, comme c'est le cas
chez Daumier; en revanche, elle est porteuse du sens et de l'émotion des œuvres, et
c'est en cela qu'elle est le véhicule privilégié de la vraie beauté.
Pour la nouveauté de son approche et la modernité de son esthétique, Baudelaire
reste un nom important dans l'histoire de la critique d'art.
Nadar
Félix Nadar (1820-1910), pseudonyme de Félix Tournachon, photographe,
aéronaute, dessinateur et écrivain français, qui fut, en matière de photographie, l'un
e
des plus grands innovateurs de la fin du XIX siècle. D'abord journaliste et
caricaturiste, il collabora à de nombreuses revues, dont le Charivari et l’Eclair. L'idée
d'une grande lithographie, le Panthéon Nadar, représentant trois cents célébrités
françaises, l'amena à la photographie en 1853. Inspiré par Talbot, Bayard, Niepce et
Le Gray, ses portraits de Alfred de Vigny, Théophile Gautier, Baudelaire, Jules
Michelet, Rossini ou Gustave Doré le rendirent célèbre.
Auteur de la première photographie aérienne du monde à bord de son ballon le
Géant (1858), il fit, deux ans plus tard, les premières expériences de photographie
Peinture/Photo/Installation 10
artificielle avec des piles Bunsen. Courbet, Dominique François Arago, Proudhon
posèrent pour lui. Le 4 février 1861, il déposa son brevet de photographie à lumière
artificielle. En 1865, il fit le premier reportage sur les égouts et les catacombes de
Paris, puis, à partir de 1873, des portraits plus dépouillés comme ceux de Victor Hugo,
Jules Verne, Constantin Guys ou Louise Michel. Afin d'aider ses amis peintres, il
organisa, en 1874, la première exposition impressionniste, réunissant dans son atelier
du boulevard des Capucines, à Paris, Monet, Degas, Pissarro, Cézanne, etc.
En France, l'œuvre de Nadar (pseudonyme professionnel de Gaspard Félix
Tournachon), caricaturiste français qui devint photographe, se distinguait des images
réalisées par les photographes de studio professionnels. Photographiés contre un
fond uni avec un éclairage diffus faisant ressortir les détails, ses portraits constituaient
de véritables enquêtes psychologiques et non pas de simples marchandises.
1
Cf. Correspondances de Courbet, Flammarion, 1996.
2
Ce photographe collabore avec Faraday.
3
Les clichés sont les suivants : les lutteurs, les baigneuses, les fileuses et « mon portrait » dont il dit
qu'il « est superbe ».
Peinture/Photo/Installation 11
Courbet a des relations amicales avec ce photographe et son frère, Adrien
Tournachon. Ce dernier lui a pris l'une de ses maîtresses.
En somme, Courbet n'est pas étranger à la photographie puisqu'il fréquente des
photographes, pose pour eux et les utilise.
b. Peut-on affirmer que Gustave Courbet possédait des photographies dans son
atelier ?
1
Ce village est situé en Franche-Comté dans la zone où les combats ont été assez violents : pillages et
destructions dans toute cette zone.
2
Proudhon et ses Enfants. Le portrait par Courbet de son compatriote franc-comtois, qu'il avait
assidûment fréquenté à partir de la révolution de 1848, est porteur d'une signification politique : le
contraste entre la blouse d'artisan, qui signe l'appartenance du modèle à la classe laborieuse, et les
livres qui l'entourent, souligne sa qualité d'intellectuel issu du peuple. La pose du penseur, surpris dans
l'intimité d'un jardin, ainsi que la présence de ses filles, absorbées dans leurs jeux, ajoutent à la scène
une dimension patriarcale et soulignent un attachement aux valeurs de la famille, l'une des cellules de
base de l'anarchisme proudhonien, qui est tout, sauf une glorification du désordre (Gustave Courbet,
Proudhon et ses Enfants, 1865, huile sur toile, 147×198 cm. Musée du Petit Palais, Paris).
Peinture/Photo/Installation 12
Celle-ci posait pour au moins un photographe, Julien Vallou de Villeneuve1 (mort en
1866). Parmi ses études figurent trois photos : la première représente un nu de dos
dans un atelier. La femme est drapée autour de ses épaules alors que ses fesses sont
visibles. La seconde représente un nu de dos intégral, la main droite esquisse un
geste (traitement de la lumière assez souple). Enfin, la troisième représente un nu
drapé sous la hanche (pose proche de celle de la femme de Courbet dans son
tableau) : c'est la même personne qui pose et de surcroît la même année.
Quels sont les rapports entre ces photos et son tableau ? Il est difficile d'affirmer un
rapport d'influence de l'un sur l'autre et inversement. Toutefois, le modèle prend le
même mouvement pour le peintre et le photographe (les deux hommes se
connaissent). La peinture en dit plus sur le corps féminin que la photo : on peut voir
tous les plis et la cellulite. A l'époque, la critique est offusquée car la femme de
Courbet n'est pas idéalisée. Le travail de sur-réalité du peintre transige avec celui du
photographe qui évite de faire la même chose avec le même modèle. En effet, le
travail de la lumière atténue les formes ainsi que une certaine recherche élégante
dans la mise en scène. Le photographe n'hésite pas à draper pour cacher des formes
alors que Courbet n'hésite pas à charger sa représentation en éléments physiques et
organiques. Paradoxalement, c'est le photographe qui s'évertue à faire un effort
d'aménagement et un traitement moins brutal. La peinture dit une réalité triviale que la
photo masque : inversion inattendue.
4. L'atelier, 1854
Dans une lettre à Bruyas en date d'oct-nov. 1854, Courbet écrit pour que son ami
lui renvoie la photo de la femme nue, derrière la chaise au milieu du tableau
(L'atelier de 1854). Cette photo est une étude de Vallou et date de 1854. Courbet
réclame cette photo afin de s'en servir pour un tableau dont il a l'idée puisqu'il a des
mots pour la situer chez Bruyas qui devancent ses pensées : elle est intégrée dans la
composition du tableau (utilisation d'un cliché de Vallou par Courbet ayant pour
modèle la même femme).
Il décrit son tableau2 dans une lettre et en dit ce qui suit : les gens dans l'atelier sont
« ceux qui me servent, ma manière de voir la société dans ses intérêts et ses
passions » ; la scène de l'atelier comporte deux parties, « moi au milieu, à droite les
amis amateurs du monde de l'art (alliés de Courbet qui vivent de la vie), à gauche les
riches, le peuple, les gens qui vivent de la mort ». Au fond de l'atelier, il y a le retour
1
C'est un peintre de formation classique connu pour ses photos intitulées : Les études d'après Nature
(1853-56) déposées à la BN à partir de 1853.
2
L'Atelier du peintre. Sous-titré Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie
artistique, le tableau est, avec Un enterrement à Ornans, l'un des plus célèbres de Courbet. L'artiste
divisa sa composition en plusieurs parties distinctes : un autoportrait au centre, près d'un modèle
féminin symbolisant la réponse du peintre aux critiques l'accusant de ne pas savoir représenter un nu ;
à droite, les défenseurs du réalisme, Baudelaire, Proudhon et Champfleury notamment ; à gauche, les
personnalités qu'il réprouve (un prêtre, un chasseur, un croque-mort, etc.). L'œuvre, de dimensions
immenses, fit scandale et fut refusée à l'Exposition universelle de 1855, incitant Courbet à construire la
même année le « pavillon du réalisme ». (Gustave Courbet, l'Atelier du peintre, 1855. Huile sur toile,
359×598 cm. Musée d'Orsay, Paris).
Peinture/Photo/Installation 13
de la conférence, les baigneuses et celui que je peins1. Aucune allusion n'est faite à
la photographie pourtant il met en avant un nu qui a un rapport avec la photographie.
De plus, il y a une concentration au centre du tableau d'allusions voilées à la photo :
Baudelaire représente en seconde lecture Nadar et aussi la critique du poète.
5. Conclusion
Courbet définit le réalisme par le trivial. Le nu est plutôt laid dans ses tableaux par
rapport à la photographie. Cela est possible encore à cette époque, en 1854, mais pas
plus tard. Dès les années 60, le rapport entre la photo et la peinture s'est inversé.
1
Courbet a modifié le tableau central car à l'origine il devait y avoir un satyre pinçant le cul d'une
femme. A-t-il craint la censure ?
Peinture/Photo/Installation 14
Courbet prend en charge des sujets iconographiques, récurrents dans la photo,
mais pas dans la production picturale de son époque. Il semble que sur le sujet du nu
et de l'érotisme par rapport à la photographie, le peintre est l'égal du photographe
dans ce domaine : il peut même le supporter. Courbet semble manifester une attention
particulière voire supérieure à l'égard des photos de nu.
L'origine du monde, 1866
Ce tableau marque une phase aiguë d'érotisme dans l'œuvre de Courbet. Il ne
rompt pas un tabou à cette époque car, depuis quinze ans déjà, il existe une floraison
de photos érotiques : c'est un motif, celui de la partie intime de la femme, qui est très
popularisé dans les années 50-60. Par exemple, A. Gouin a photographié des femmes
nues écartant les jambes et Belloc a fait la même chose en montrant le sexe féminin
en gros plan, dès 1860. Toutefois, l'effraction est réelle dans le champ de la peinture.
La femme au bas blanc, 1861
C'est une étude d'après modèle, une version d'une vision picturale des photos de
son époque. Courbet rompt avec un consensus de la Morale dans un contexte précis,
celui de Paris dans les années 60. D'autres l'ont fait avant lui dans un but mercantile
en utilisant la photographie comme support de diffusion.
2. Conclusion
En 1857, Champfleury publie son réalisme (Ed. Lévy, p. 92-94, édition originale)
dans lequel il évoque les rapports antagonistes entre la photo et la peinture. Pour ce
faire, il constate que dix photographes qui fixent le même paysage auront le même
1
Le Gray est un photographe formé aux Beaux-Arts et connu sous le Second Empire : son travail est
apprécié et a même ébloui la reine Victoria lors d'une exposition au Royal Palace. Il a disparu
mystérieusement en 1884 au cours d'une expédition dans le désert égyptien. Le Gray superposait deux
ou trois négatifs pour obtenir un résultat expressif.
Peinture/Photo/Installation 15
rendu alors que dix peintres auront un résultat très différent d'un peintre à l'autre. Et
ce, en ayant eu le même maître devant le même paysage. Ainsi, selon lui, l'homme
modifie la Nature selon l'impression qu'il perçoit de celle-ci (« subit la loi de son Moi »)
alors que la photo est mécanique. La véritable peinture représente le vrai et le sincère,
ce qui n'est pas le cas de la photographie, étant relégué à un simple produit par
rapport au Vrai.
Le réalisme est personnel et individuel. Il ignore le semblable. La photo est un
parangon de vérité et un repoussoir car elle n'a pas de personnalité.
Courbet
Gustave Courbet (1819-1877), peintre, lithographe et dessinateur, initiateur du
e
mouvement réaliste français du XIX siècle.
Originaire d'Ornans, en Franche-Comté, fils de riches agriculteurs, Courbet vint
s'installer à Paris en 1839 pour se consacrer à la peinture. Il suivit d'abord des cours
de dessin auprès d'un élève de David, et des cours de peinture à l'Académie suisse.
Cependant, profondément anticonformiste, il préféra bientôt copier les chefs-d'œuvre
du Louvre (Géricault, Delacroix) et peindre en forêt de Fontainebleau. Désireux de
réussir, il écrivit à cette époque : « Je veux faire de la grande peinture […]. Il faut
qu'avant cinq ans j'aie mon nom dans Paris ». En 1846, invité par un ami en Hollande,
il fit la découverte, déterminante, de l'art de Rembrandt (la Ronde de nuit et la Leçon
d'anatomie).
Dès lors, il décida de peindre la réalité telle qu'elle se présentait à lui. Après la
révolution de 1848, durant laquelle il fréquenta Proudhon, Champfleury et Baudelaire,
il s'orienta donc vers un réalisme attaché à rendre compte, sans pittoresque, de la vie
quotidienne (les Casseurs de pierres, 1849). Renonçant à l'exotisme chargé
d'émotions de la tradition romantique et se gardant des restrictions de la peinture
académique, Courbet exposa au Salon de 1850 son Enterrement à Ornans (1850,
musée d'Orsay), peint dans un format immense, traditionnellement réservé à la
peinture d'histoire. En outre, il insuffla à ses personnages, paysans pauvrement vêtus
encerclant une tombe béante, une grandeur et une dignité qui dépassent la simple
scène de genre. L'événement provoqua un énorme scandale et fit de lui le chef de file
du mouvement réaliste. En 1855, ses tableaux étant refusés par le jury de l'Exposition
universelle, Courbet fit construire le « pavillon du réalisme » où il présenta quarante de
ses œuvres dont l'Atelier (1855, musée d'Orsay), qu'il sous-titra Allégorie réelle,
histoire morale et physique de mon atelier. Simultanément, il publia le Manifeste du
réalisme, prônant un « vouloir faire de l'art vivant ».
Dès lors, le style de Courbet se démarqua par une palette limitée et vigoureuse,
une composition simplifiée et des personnages aux modelés non idéalisés (les
Demoiselles des bords de Seine, 1857, musée du Petit Palais, Paris). Bien que
toujours contesté, il commença à bénéficier d'une notoriété certaine : ceux qui
jugeaient ses compositions vulgaires et provocantes virent s'élever contre eux des
admirateurs qui savaient reconnaître les qualités de sa peinture, sans fard ni
complaisance.
Peinture/Photo/Installation 16
Aussi radical en politique qu'en peinture, Courbet fut nommé président de la
Fédération des artistes en 1871, durant la Commune de Paris, et sauva les collections
du Louvre de l'incendie des Tuileries. Il fut cependant accusé de complicité dans le
renversement de la colonne Vendôme. Condamné à six mois de prison et au
remboursement des frais de restauration de la colonne, il s'exila à Vevey (Suisse) en
1873, où il peignit dans la solitude. Ses œuvres furent mises aux enchères par le
gouvernement français, un mois avant sa mort.
b. Le problème du nu et de sa représentation
La représentation de la nudité féminine et son interprétation posent un problème au
peintre Picasso. La représentation de la femme nue est consubstantielle au
développement de l’œuvre de Picasso depuis 1900 (jusqu’en 1967-68). Chez ce
peintre il y a beaucoup d’œuvre de nu, cette représentation est longuement
problématique. Très tôt, il pose des questions marqués par l’impératif de réalisme, de
présence du corps.
Peinture/Photo/Installation 17
Femme en chemise dans un fauteuil, automne 1913
Période de glissement du cubisme vers le post-cubisme, papier collé. Eléments
géométrisés, effets de modelé, traits noirs marquant les poils sous le bras, traitement
du corps. Représentation des seins est visible et patente, les seins sont dédoublés
dans la partie supérieure : formes hémisphériques avec un bâtonnet à l’extrémité
(seins ronds : une pomme coupée en deux vue du dessus). Les seins sont désignés
en obus et par une métaphore de fruit (introduction dans son tableau comme si c’était
utile).
L’étreinte, 1903
La représentation semble simple à cette époque.
De manière récurrente, pendant l’entre-deux-guerres, la représentation du nu est
associé à la question du comment ?
Peinture/Photo/Installation 18
C’est un assemblage obscène. Il y a une flagrante dichotomie entre la femme,
parfaite, et l’homme, obscène.
Nu endormi, 4 août 1934
Picasso insiste sur l’aspect organique de sa représentation. Les parties intimes sont
encore présentes et visibles. Il y a un gros plan sur l’anus et le sexe. Le peintre
désigne le corps comme usage, besoin, fonction et non comme représentation à
l’instar d’Ingres.
Pages d’étude de nus (gouache), 1942 : Picasso représente la femme de la même
manière.
1
Cf. Texte de Bataille sur l’orteil in Document.
2
C’est le quatrième nu couché à l’oiseau depuis le début de ce séminaire : serait-ce un thème
récurrent ?
Peinture/Photo/Installation 19
Picasso remet en cause son travail à cette époque pourtant cela est devient une
évidence que durant les années 60.
Couple en étreinte, octobre 1969
On ne peut qu’observer les deux profils des deux amants, seuls sont visibles les
deux visages. Les seins sont nus et en jaune. Dans le fond, il y a une pointe et un œil
qui ne se rattache à rien (graphisme très épuré !). Alors que le fond est sec, il dessine
une pointe avec au milieu un œil qui n’appartient à personne et qui est Là : le voyeur
ou le peintre/spectateur.
Les étreintes (dessins), 20 mars 1970 et les étreintes (peinture), novembre 1969
Notons qu’il y a une absence de qualité picturale, un refus des éléments, tout y est
évident.
L’étreinte, 1970
La tête renvoie de manière autobiographique à sa manière de dessiner des visages
en 1913. Le sexe masculin est au premier plan.
Peinture/Photo/Installation 20
Suite 37, mars 1971
Au centre il y a le sexe féminin et une figure masculine observe derrière le rideau. A
droite, l’artiste est avec son support. Il ressemble à Degas. Mise en scène du pouvoir
de l’œil et de la représentation.
3. Conclusion
Jusqu’où le dessinateur et le graveur peut-il aller dans la représentation physique ?
Picasso s’est posé cette question1 jusqu’à la fin de sa vie.
Dessins
Naissance du langage par rapport à la naissance du tracé liée à une narration
inachevée. Ensuite, modélisation en 3D des dessins en tenant compte de la vitesse
d’exécution. Au départ, l’objet est proche puis à force de travailler le sujet devient
impersonnel pour enfin obtenir une position d’observation. Enjeu : faire revivre ce
dessin.
Dessins muraux
Sur des murs, aplats de couleurs avec quatre points de vue sur le même objet.
Installation vidéo : un enfant dans la forêt.
Il travaille sur le temps, l’affect originel, la tension et porte une attention aux
espaces : par exemple, la cloche au tribunal de Bordeaux ou le travail actuel sur le
Kossovo.
1
Cf. Propos sur l’art de Picasso, Gallimard, Paris, 1998.
Peinture/Photo/Installation 21