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Tout géomètre sait que ses visées optiques sont tant d’adapter les modèles fonctionnels
MOTS-CLÉS et stochastiques aux conditions réelles
déviées du fait de la réfraction et qu’un modèle
Coefficient de réfraction, de réfraction rencontrées lors des
est utilisable pour le nivellement trigonométrique. nivellement trigonométrique, mesures. Pire, des discussions avec
Ce modèle est issu de la loi de Snell-Descartes à visées réciproques plusieurs ingénieurs géomètres fran-
laquelle sont ajoutées quelques hypothèses qui simultanées, techniques çais et suisses laissent à penser que les
sont tout à fait raisonnables lorsque les effets terrestres de la géodésie, professionnels, par manque de maîtrise
thermiques du sol sont négligeables. Ainsi, on ajustement par la méthode des ordres de grandeur de k, hésitent à
en modifier le paramétrage par défaut
introduit le coefficient de réfraction k qui pour des des moindres carrés.
(d’où le titre de l’article).
visées hautes au-dessus du sol, doit tendre vers 0.13. La validité de ce modèle Enfin, il est également connu que les
pour des visées proches du sol est en revanche mal connue, de même que mesures tachéométriques peuvent
l’ordre de grandeur du coefficient de réfraction k. Pourtant, c’est proche du sol souffrir de cas de réfraction latérale –
que nous mesurons. Dans ce premier article d’une série de deux, nous allons typiquement en topométrie souterraine
nous baser sur la littérature et des expériences pour tenter de répondre à ces dans des tunnels – ou que la réfraction
peut ne pas être symétrique. Toutefois,
deux questions. Les visées réciproques simultanées, en plus d’une manière
la littérature est peu fournie pour aider
d’obtenir des dénivelées justes, seront vues comme un moyen d’estimer k. les géomètres à traiter des données
Nous proposerons une méthode pour compenser un réseau d’auscultation en affectées de ces cas.
estimant au mieux les paramètres de réfraction. Pour ce faire, il sera nécessaire
Cet article est le premier d’une série
de considérer les effets de scintillement dus à la réfraction dans le modèle de deux dans laquelle nous allons
stochastique des angles zénithaux. exposer nos travaux et expériences
sur la réfraction en tachéométrie. Cette
Notations Introduction première partie va se focaliser sur le
modèle usuel dans le plan vertical de
Dans cet article, nous respectons les La réfraction est le phénomène physique
la visée. Après un rapide état de l’art,
conventions suisses de notation des qui, du fait des variations de pression et
dont le but est d’en mettre en lumière
mesures tachéométriques. Dans les de température le long de nos visées,
les hypothèses simplificatrices, nous
formules, les longueurs seront expri- dévie ces dernières de la droite eucli-
discuterons de l’ordre de grandeur des
mées par défaut en mètres et les angles dienne. Cet effet est bien connu des
variations possibles de k. Ensuite nous
en radians. Nous désignerons par les géomètres d’autant qu’un modèle
traiterons deux cas réels dans le but de
lettres suivantes : simple, faisant appel au coefficient de
proposer une méthodologie que nous
• r : les directions horizontales ; réfraction k, existe pour le traitement du
espérons utile aux géomètres.
• ζ : les angles zénithaux ; nivellement trigonométrique ; la diffi-
• d & D : les distances respectivement culté, cependant, réside dans le fait d’en
horizontales et inclinées ; connaître la valeur. S’il existe une valeur État de l’art de la réfraction
• I & S : les hauteurs respectivement de référence de k, son domaine de vali-
d’instrument et de prisme ; dité est bien moins connu, de même Dans cette partie, nous allons recons-
• h’ : la dénivelée brute ; que ses ordres de grandeur pour des truire, en partant de la loi de Snell-
• h : la dénivelée corrigée du niveau visées proches du sol. Descartes, la modélisation classique en
apparent ; De plus, lorsqu’il s’agit de compenser topométrie de la réfraction via le coeffi-
• R : le rayon de la Terre ; des données tachéométriques, dans un cient de réfraction k. Les objectifs sont
• n : l’indice de réfraction ; contexte d’auscultation par exemple, il ici, d’une part, de mettre en avant les
• k : le coefficient de réfraction. n’existe pas de méthodologie permet- hypothèses sous-jacentes à ce modèle q
n Principe des visées réciproques La dénivelée h est égale à cette dénivelée notre canevas correspond à la figure 6,
q simultanées brute à laquelle on ajoute la correction dans laquelle les visées simultanées
Une visée de A vers B est déviée par de niveau apparent E – R [Touzé, 2017]. sont A → B.1 et B → A.1. Si la distance
la réfraction. Lors de cette visée, on séparant chaque station de son prisme
mesure la distance inclinée D séparant déporté est négligeable par rapport à la
les deux points et on définit angulaire- (15) distance entre les stations, on parle de
ment la tangente au chemin optique visées quasi réciproques.
à la station A. Si au même instant la
En appliquant la relation de Chasles sur
mesure réciproque est effectuée, on Soit h AB la
nos dénivelées, on peut alors se rame-
dispose alors de la définition de la dénivelée vraie entre deux points A et
ner au cas précédent selon les formules
seconde tangente. Si, conformément B. Si cette dénivelée est mesurée de
17 et 18, dans lesquelles α et β sont
à la figure 5, on désigne α ≈ d/R l’angle manière réciproque, les deux visées
respectivement les angles horizontaux
au centre de la Terre (avec d la distance partagent le même coefficient k. Il est
(AB.1, AA.1) et (BA.1, BB.1) (cf. figure 6).
horizontale) et ζA et ζB, les deux angles donc possible d’écrire ce qui suit, aux
zénithaux mesurés, on obtient la rela- erreurs de mesure près
tion 12.
(17)
Avec
(16)
(18)
Les distances horizontales réciproques
étant sensiblement identiques, la L’expression de Δ se retrouve aisé-
dénivelée corrigée est obtenue par la ment à l’aide de la loi des cosinus. Ce
moyenne des dénivelées brutes réci- paramètre, homogène à une longueur,
proques simultanées. Cette approche caractérise le biais de quasi-récipro-
Figure 5. Schéma de principe des visées est particulièrement efficace si on cité. Il peut être déterminé à l’aide
réciproques simultanées. Les mesures dispose de cadres permettant de placer, des mesures de distances et de direc-
des angles zénithaux aux deux extrémités à l’aplomb de chacun des tachéomètres, tions horizontales. Comme il est peu
permettent de déduire la correction un prisme. Quant au risque d’interfé- probable que |1-k| soit supérieur à 10,
de réfraction. rence des ATR, il peut être toujours si une exactitude σ sur la dénivelée est
présent quoique amoindri par rapport souhaitée, on peut considérer (1-k).Δ
(12)
au cas précédent. négligeable quand |Δ|<σ/10.
D’où la correction des angles zénithaux
n Dénivelées quasi réciproques n Mesure d’un triangle de 5 km
Δζ suivante, qui permet, si besoin est,
À défaut de cadre spécial, il est possible de périmètre
de calculer la valeur du coefficient de
de déporter un prisme à quelques En septembre 2018, les étudiants sor-
réfraction k.
mètres de chaque station. Dans ce cas tant de la 1re année de la filière géoma-
(13)
n Dénivelées réciproques
simultanées
Prenons la formule d’une dénivelée Figure 6. À défaut de pouvoir viser
brute h’ en nivellement trigonométrique, de manière réciproque les centres optiques
avec I et S, les hauteurs respectivement des tachéomètres, on peut utiliser des prismes
de l’instrument et du prisme. légèrement déportés. C’est le principe
(14) des visées simultanées quasi réciproques.
Table 3.
Modèle
stochastique
initial de la
compensation
Table 5. Quotient d’erreur moyenne planimétrique et quotients
libre (avec 1 cc
des groupes d’observations, ainsi que leurs intervalles de confiance.
= 0.1 mgon).
Les précisions de centrage et de hauteur T, permet de limiter la désactivation nombre de fautes. Le problème est
q correspondent ici aux effets combinés de bonnes observations légèrement vraisemblablement à imputer à une
à la station et au prisme. Ensuite, le fait hors tolérance en respectant la queue insuffisance du modèle fonctionnel ou
d’introduire une précision sur le coeffi- de distribution de la loi de Student. On du modèle stochastique.
cient k est – à notre connaissance – une limite ainsi la diminution inéluctable des Les mesures ayant été faites à hauteur
exclusivité du logiciel LTOP. Cela revient indicateurs de précision a posteriori qui, d’homme au-dessus du ballast, lors de
à dépondérer les angles zénithaux asso- sans cela, peuvent parfois devenir irréa- journées très chaudes et ensoleillées
ciés aux visées lointaines du fait des listes. typiques du mois d’août dans le sud de
variations du coefficient de réfraction la France, nous avons supposé que l’ori-
n Compensation planimétrique
(effet de scintillement dont nous parle- gine du problème était lié exclusivement
En planimétrie, afin d’obtenir un nombre
rons au paragraphe 5.4.). à la réfraction.
raisonnable de résidus studentisés entre
Le niveau de confiance 1 - α pour les
T et δ, il a été nécessaire de dépondérer n Adaptation du modèle
tests statistiques de première espèce
10 observations, soit 2 % des mesures, stochastique altimétrique
est 99 %. Vu les degrés de libertés r
en dégradant leur précision de centrage Lorsqu’on regarde à l’œil nu l’horizon
des calculs planimétriques et altimé-
jusqu’à 3 mm au maximum. Aucune (cf. figure 10), selon l’ensoleillement,
triques, respectivement 294 et 159, cela
mesure n’a été désactivée. Cela fait, il chacun peut constater un scintille-
nous amène à une tolérance T sur les
reste 6 résidus compris entre 2.6 et 3.1. ment plus ou moins prononcé selon
résidus studentisés3 wi, dans les deux
Le quotient d’erreur moyenne4 Q obtenu la distance. Ce phénomène est natu-
cas, de 2.6. Le grand nombre d’observa-
est de 0.83 ; il est légèrement inférieur à rellement plus visible par le biais du
tions n (507 et 253) combiné au niveau
son intervalle de confiance. Notre résul- grossissement du télescope d’un
de confiance fait que le nombre p de
tat est donc plus précis que prévu d’un tachéomètre. Ce scintillement est dû
probables bonnes observations hors
rapport 0.83. L’étude des quotients des aux brusques variations dans le temps
tolérance n’est pas négligeable. Nous
groupes d’observations en table 5, tels du coefficient de réfraction ; il est d’au-
en tenons compte ainsi que du seuil
que définis dans [Sillard, 2001], montre tant plus prononcé quand le gradient
δ défini comme la valeur de la loi de
que ce sont les distances qui sont trop de l’indice de réfraction est élevé, par
Student au-delà de laquelle la probabi-
précises. Comme il ne nous a pas paru temps chaud notamment. Si ce phéno-
lité est de 1/n.
raisonnable de modifier le modèle mène engendre du bruit dans ce que
stochastique des distances qui est déjà nous observons à l’œil nu, comment
très strict, nous avons validé ce résultat, pourrait-il ne pas affecter la précision de
(19)
excellent au demeurant. nos mesures d’angles zénithaux ? Or,
à notre connaissance, LTOP est le seul
n Premiers calculs altimétriques
logiciel qui permet d’en tenir compte
Lors d’un calcul de compensation d’un Lors de la première compensation libre
dans le modèle stochastique.
grand réseau, avec beaucoup d’obser- altimétrique, nous avons eu 95 résidus
vations, étudier les résidus studentisés hors tolérance sur 253 observations, (20)
w_i par rapport à ces trois paramètres T, soit 38 %. Une telle proportion étant
δ et p, plutôt que de la seule tolérance inacceptable, nous avons supposé
dans un premier temps la présence de
quelques grandes fautes. Pour ce faire,
nous avons effectué une compensation
robuste de Huber avec un coefficient
Table 4. Nombre d’observations n, degrés de 2.5 [Guble, 2003]. L’amélioration est
de libertés r, tolérances à 99 % T, seuils relative puisqu’il reste 69 résidus hors
d’inacceptabilité δ et nombres probables tolérance, soit 27 % des observations, ce
de bonnes observations hors tolérance p. qui reste une proportion déraisonnable.
Lors d’une compensation robuste, nous Figure 10. Image typique d’une route
3 Si on divise les résidus par leurs pré-
cisions a priori, on obtient les résidus devrions effectivement nous attendre par temps chaud. Le mirage démontre
normalisés qui suivent la loi normale à avoir une réduction drastique du la présence d’un coefficient k négatif.
centrée réduite. Si on prend la précision Avec nos propres yeux, l’image vibrerait.
a posteriori, ils suivent la loi du τ de 4 C’est-à-dire la racine carrée du rapport
Student à r degrés de liberté. On parle entre les facteurs de variance a poste- Cet effet de scintillation est dû aux
alors de résidus studentisés. riori sur a priori. brusques variations de k dans le temps.
n Recherche du coefficient k
optimal
Il reste désormais à définir quelle valeur
moyenne du coefficient de réfraction k
est optimale pour le calcul de ce réseau. Figure 12. En mode robuste, recherche du coefficient k optimal minimisant le quotient
En effet, selon [Hübner, 1977] et la d’erreur moyenne et le nombre de résidus hors tolérance.