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REPUBLIQUE DU SENEGAL

UN PEUPLE-UN BUT-UNE FOI


MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION
DIRECTION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

UNIVERSITE PRIVE DU SAHEL


Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques

Mémoire De Fin D’Etude


Pour l’obtention d’un master en Relations Internationales
« La problématique de l’aide au développement en Afrique Sub-saharienne. »

Présenté par Sous la direction de


Mame Wedji Sylla Dr. Ababacar Gueye

Année académique : 2021-2022

SITE WEB : HTTP://WWW.UNIS.SN/UNIS/


33, RUE MZ-198, MERMOZ, DAKAR AU SENEGAL.
Sommaire

Introduction

Partie I : Une aide multilatérale trop diffuse

Chapitre : 1 Une origine de l’aide trop détaché

Section 1 : la modélisation de l’aide

Section 2 : des flux saccadés de financement de l’aide

Chapitre II : Une aide trop peu efficiente

Section 1 : Une abondance de ressources

Section 2 : Des résultats problématiques

Partie II : Une aide bilatérale trop laconique

Chapitre I : Une aide ancrée dans le clientélisme géostratégique

Section 1 : Les héritages historiques

Section 2 : Les réalités géopolitique

Chapitre II : Un laconisme plus pragmatique

Section 1 : Une aide à géométrie variable

Section 2 : L’entrée en scène de nouveaux acteurs

Conclusion

i
Je dédie ce mémoire

A ma mère

A mon père

Et à toute ma famille

A celles qui ne sont plus de ce monde.

ii
Je tiens tout d’abord à remercier mon encadreur Dr Ababacar Gueye, pour sa disponibilité, sa
patience et ses conseils sans lesquels ce travail n’existerait pas.

Merci à ma mère sans laquelle je n’en serais pas là.

Merci à mon père.

Merci à toute ma famille sans exception pour son soutien inconditionnelle.

Merci à tous mes enseignants.

Et merci à tous mes camarades de l’université du Sahel de la promotion 2021-2022 en master


2 de droit, toutes spécialités confondues.

iii
Index

ACP : Afrique, Caraïbe, Pacifique

AID : Association internationale de développement

APD : Aide publique au développement

AFD : Agence française de développement

APE : accords de partenariat économique, des accords commerciaux entre l'Union Européenne
et les Pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (zone ACP) ;

AUSAID : Agence australienne pour le développement international

ASS : Afrique sub-saharienne

BAFD : Banque africaine pour le développement

BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement

BM : Banque Mondiale

BPM : Biens publics mondiaux

BRICI : Brésil, Russie, Inde, Chine, Indonésie

BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Mexique, Indonésie

CAD : Comité d’aide au développement

CEI : Communauté des États indépendants

CNUCED : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement

CLSP : Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté

FED : Fonds Européen de Développement

FEDD : Fonds Européen de Développement Durable

FMI : Fonds monétaire internationale

FNUAP : Fonds des Nations unies pour la population

GATT : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce

GIEC : Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat

iv
HCR : Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés

ICP : Indice des capacités productives

IDA : Association internationale de développement

IDE : Investissement direct étranger

IVCDCI : instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération


internationale

MINT : Mexique, Indonésie, Nigeria et Turquie.

NOEI : Nouvel ordre économique mondial

OCCGE : Organisation de coordination et de coopération pour la lutte contre les grandes


endémies

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

ODD : Objectif de développement durable

OMD : objectif du millénaire pour le développement

OMS : Organisation mondial de la santé

ONG : Organisation non gouvernemental

ONU : Organisation des Nations-Unies

OPEP : Organisation des pays exportateurs de pétrole

OTAN : Organisation du traité de l'Atlantique nord

PADAES : Projet d’amélioration de l’accès à l’électricité

PAM : Programme alimentaire mondial

PAPSE : Projet d’amélioration des performances du système éducatif

PAS : Plan d’ajustement structurel

PCZA : Programme d’amélioration de la connectivité sans les zones de production agricole du


nord et du centre du Sénégal

PDEC : Projet de développement économique de la Casamance

v
PED : Pays en voie de développement

PEID : Petit Etat insulaire en développement

PFR : Pays à faible revenu

PIB : Produit intérieur brut

PICNI : Pakistan, Inde, Chine, Nigéria, Indonésie

PIEE : Programme international d’éducation relative à l’environnement

PMA : Pays les moins avancée

PME : Petites et moyennes entreprises

PNB : Produit national brut

PNUD : Programme des Nations unies pour le développement

PNUE : Programme des Nations unies pour l'environnement

PPTE : Pays pauvres très endettés

PPA : parité de pouvoir d’achat

PRI : Pays à revenu intermédiaire

RNB : Revenu national brut

SFI : Société financière internationale

SPG : Système de préférence généralisé

SMDD : Sommet mondial sur le développement durable

SMI : Système monétaire international

TIC : Technologies de l'information et de la communication

TICAD : Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique

UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture


UNIFEM : Fonds de développement des Nations unies pour la femme
UNSCEAR : Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements
ionisants
UA : Union Africaine
vi
UE : Union européenne
UN : organisation des Nation-Unis
UPU : Union postal universel

vii
Introduction

Près de 13 siècle1 de « traite négriére » et plus d’un siècle de colonisation, plus tard l’Afrique
a enfin pu se libérer de toutes domination étrangères et sonner le glas d’une oppression devenue
trop suffocante. Ainsi les années 1960 marquent les décennies bénies « des soleils des
indépendances », et parachèvent un processus de décolonisation qui s’était amorcé depuis déjà
deux décennies. Partout dans les dans les rues des jeunes Etats, les foules sont extatique à l’idée
d’enfin toucher du doigt cette liberté dont les mérites leur a tant était vanté.

Malheureusement elle a un gout amer cette liberté et très vite l’oppression refait surface avec
des visages nouveaux. Après seulement 20 ans d’indépendance, c’est la crise partout en
Afrique. En plus des nombreuses guerres civiles et coup d’Etat qui éclatent un peu partout sur
le continent, l’économie du continent se heurte à un mur gargantuesque. Malgré des décennies
de financements et d’aide au développement, les pays africains se retrouvent acculés par la
crise de la dette, et contraints de se plier aux plans d’ajustement structurel (PAS). L’efficacité
de ces PAS est loin d’être à la hauteur des attentes étatiques africaines et leurs conséquences
poussent les populations africaines à se braquer contre l’aide au développement.

Bien que les PAS aient réussi à rétablir un environnement macro-économique plus sain dans
les pays africains, leur impact social était bien trop important pour être oublié de sitôt dans les
chaumières africaines. Pour ne citer que quelques effets des PAS, la baisse des dépenses
publiques a inéluctablement conduit à une chute du revenu et de la demande globale ; ce qui, a
affecté négativement le revenu disponible des ménages et, par conséquent, les financements
consacrées à la santé et à l'éducation. En outre, la volonté d'équilibrer les finances publiques se
traduit par la compression des effectifs de la fonction publique, synonyme pour la population
active, d’emplois en moins2.

En dépit cette mauvaise presse de l’aide, le continent africain, ne peut pas s’en passer et les
programmes se poursuivent avec quelques réajustements. De plus l’aide au développement
entre dans une nouvelle ère en même temps que l’Humanité et les années 1990 laissent place
aux années 2000 et aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD). L’Afrique reçoit
à nouveau des flux d’APD du niveau de ceux de la fin des années 1980, et même supérieurs

1 1
Patrick Manning, Slavery and African Life : Occidental, Oriental, and African Slave Trades, Cambridge
University Press, 25 octobre 1990, p. 47.
2
Gogué, T. A., « Impact des programmes d’ajustement structurel sur le
secteur de la santé : cas du Togo. Nouvelles pratiques sociales », pages 168, 1997.
avec les vagues d’allégements de dette3. Sans oublier qu’elle est au cœur du programme global
des Nations-Unis pour le développement qui identifiait l’Afrique sub-saharienne, comme une
zone particulièrement problématique.

En 2022, 7 ans après le lancement de la deuxième phase de ce programme l’Afrique sub-


saharienne demeure une région problématique où est localisée plus de la moitié des pays les
moins avancés.

Alors que les interrogations s’élèvent et que les accusations se forment, un débat se pose
inéluctablement, celui de la problématique de l’aide au développement en Afrique sub-
saharienne.

En terme générique L'aide au développement désigne une action volontaire par un acteur
extérieur pour impulser le développement d'un pays. L’aide peut être le fait d’entités publiques
comme les Etats ou les organisations internationales, elle peut également être le fait d’entités
privées telles que les organisations non gouvernementales (ONG), ou les fondations, et même
parfois d’entreprises multinationales à travers des coopérations économiques. Toutefois ce qui
nous intéressera dans le cadre de notre analyse c’est l’aide publique au développement(ADP).
Selon la définition du Comité d’aide au développement (CAD) de l’organisation de coopération
et de développement économique (OCDE), on entend par « aide publique au développement »
(ADP) l’aide fournie par les États dans le but exprès de promouvoir le développement
économique et d’améliorer les conditions de vie dans les pays en développement. Adoptée par
le CAD en 1969 comme la norme de référence en matière d’aide extérieure, l’APD demeure la
principale source de financement de l’aide au développement4. L’ADP se décline en une aide
multilatérale qui transite par les organisations internationales et en une aide bilatérale qui va
directement des pays donateurs aux pays bénéficiaires.

L’Afrique sub-saharienne est l'étendue du continent africain au sud du Sahara, séparée


écologiquement des pays du nord par le climat rude du plus vaste désert chaud du monde. Elle
abrite quarante-huit États, dont les frontières sont issues de la décolonisation. Sa population, la
plus dynamique dans le monde, présente des problèmes sanitaires et d’éducation assez
inquiétants pour en faire une préoccupation mondiale.

3
Antoine Seillan, « Bénéficiaires de l'aide publique au développement (APD) »,Dans Afrique contemporaine 2
2010/4 (n°236), p.127
4
L’aide publique au développement (APD) - OCDE (oecd.org), consulté le 19/04/2022 à 07 :40.
Etant donné les difficultés rencontrées dans cette région du monde il n’est pas étonnant que les
programmes d’aide la placent souvent au cœur des préoccupations principales. Néanmoins
après des années d’aide continu un certain découragement mêlé à un scepticisme quant à la
possibilité d’une « émergence » réelle de l’Afrique sub-saharienne s’est glissé dans la
conscience collective. Des questions par rapports à l’efficacité de l’aide ou par rapport à son
bien-fondé ne sont pas rares. Mais nous ne nous égarerons pas dans ces considérations, trop
empiriques ou vagues et qui mènent facilement à des réflexions philosophiques sur l’objet de
l’aide.

Nous nous intéresseront plutôt à la nature de l’aide publique au développement et aux modalités
de son acheminement en ce qu’ils renseignent plus surement sur l’effort global fourni et les
efforts restants à fournir.

Nous pourrons alors poser cette question : De l’aide multilatérale ou bilatérale quelle est la plus
adaptée en Afrique sub-saharienne ?

Il ne s’agit pas de déterminer la supériorité de l’une des aides par rapport à l’autre, mais plutôt
de mettre en évidence, au niveau de chacune d’elle des schémas typiques de fonctionnement.

Cette approche fonctionnelle est la plus opportune en ce qu’elle nous permettra d’inclure une
approche géostratégique, essentiels à l’analyse des relations interétatiques. En effet il serait
difficile d’aborder l’aide au développement sans évoquer, les motivations des différents acteurs
qui interviennent sur ce terrain. A priori ce sont les intérêts des Etats qui déterminent leur action
et donc l’aide ne peut être qu’intéresser. Le réalisme admet en effet d’après Jean-Jacques Roche
que l'intérêt guide l'action des Etats sur la scène internationale : c'est leur principal but5. Même
le développement des théories de la coopération semble confirmer cette position avec des
formules telles que « on a plus intérêt à coopérer qu'à ne pas coopérer »6. Ce point de vue n'est
pas partagé par les théories idéalistes qui justifient l’existence de la coopération internationales
par l'existence des biens communs de l'humanité à savoir les droits de l'Homme, la démocratie,
la paix, l'environnement, la lutte contre la pauvreté. La mise en place de programmes et
d’organisations internationales pour l’aide au développement est alors justifiés par ces idéaux.

5
Jean-Jacque Roche, Théorie des Relations internationales, Clefs politiques, 2001 (4eme édition) p.23. 3
6
Fonde la théorie des jeux. En mathématiques appliquées à l’Économie, la théorie des jeux modélise des
situations conflictuelles où les individus peuvent coordonner leurs décisions. Selon R. Axelrod (1984), c’est un
modèle donnant-donnant : ce qui est optimal dépend des anticipations sur le comportement des autres
Néanmoins l’approche idéaliste ne nous permettrait pas d’expliquer les enjeux et les non-dits
de l’aide bilatérale. Tout comme l’approche réaliste serait en grande partie incohérente dans le
cadre d’une analyse de l’aide multilatérale.

Peut-être à terme ferons nous le même constat que Thierry Simon dans son article «
Permanences bilatérales dans l’aide au développement en Afrique subsaharienne » où il
souligne qu’il ne convient en aucun cas d’opposer l’aide bilatérale et l’aide multilatérale en
précisant : « il n’existe pas de véritable opposition entre ces deux formes de l’aide : elles
marchent véritablement, et depuis longtemps déjà, de concert. Il ne convient certainement pas
de les opposer dans une relation qui verrait inéluctablement les Etats transférer leurs efforts
financiers du bilatéral au multilatéral. Pour un Etat donateur, il ne suffit jamais de mobiliser des
financements conséquents en faveur des programmes multilatéraux : encore faut-il aussi
pouvoir influencer la manière dont ces programmes vont être instruits, conçus et surtout mis en
œuvre. ». Or toujours selon lui « l’une des meilleures manières pour ce faire consiste à exister
d’abord sur la scène bilatérale, c’est-à-dire à être présent matériellement sur le terrain même de
la mise en œuvre des actions de développement, dans les pays bénéficiaires, par le biais
d’accord de coopération et de partenariat d’Etat à Etat. ».

Pour Bejamin Singer l’aide multilatérale et l’aide bilatérale cohabitent dans une relative
harmonie, mais une certaine rivalité se dessine lors de la répartition des financements en ce que
l’une empiète généralement sur l’autre.

Au plan scientifique cette étude permet de mettre en relief les points de convergence et de
divergence de l’aide multilatérale et bilatérale. Elle permet également la mise en évidence de
leurs avantages et réalisations ainsi que des aspects à améliorer dans leur fonctionnement.

Nous avons utilisé dans le cadre de ce travail la recherche documentaire : cette technique a
essentiellement consisté en une recherche sur Internet, en bibliothèque. A cet effet nous avons
parcouru le centre d’information des Nations-Unies, la bibliothèque centrale de l’université
Cheikh Anta Diop de Dakar, la bibliothèque de l’université du Sahel. Les difficultés temporelles
nous ont prévenus de mener une enquête de terrain qui aurait permis de nous intéresser
davantage à la gestion de l’aide qu’à son émission et sa perception.

Ce qui nous a poussé à choisir ce sujet c’est son actualité sans cesse renouveler. L’aide au
développement existe depuis plus d’une soixantaine d’années en Afrique et pourtant elle
représente toujours un enjeu sociopolitique dans ce continent. Peut-être tout simplement parce
que sa vocation première n’était pas de perdurer, mais bien de constituer un levier sur lequel le

4
développement africains s’appuierait. Alors que les écrits sur les motivations de l’aide ou sur
ses échecs ne manquent pas nous essaierons d’attirer l’attention sur la distinction simple faite
entre aide bilatérale et multilatérale et qui peut souvent déterminer son opportunité.

Nous étudierons dans une première partie le caractère trop général de l’aide multilatérale (Partie
I), avant de nous intéresser dans une seconde partie au caractère centré de l’aide bilatérale
(Partie II).

5
Partie I : Une aide multilatérale trop générale

L’aide multilatérale, est l’aide qui transite par l’intermédiaire d’organisations internationales
(CAD, PNUD, HCR etc…) et les ONG. Cette aide est généralement encadrée par les
programmes des Nations-Unies. En effet, les programmes et agenda adopté par les pays
membres des Nations Unies, apparaissent comme une feuille de route, ou encore une matrice
géante qui engloberait l’ensemble des programmes et actions, entreprit dans le cadre de la
promotion du développement. Nous nous intéresserons à l’aide publique transitant par les
organismes des Nations-Unies. Cette aide par son origine est détachée de ses bénéficiaires
(Chapitre I), ce qui explique peut-être son manque efficience (Chapitre II).

6
Chapitre : 1 Une origine de l’aide trop détaché

1L’aide diffusé par les Nations-Unies suit un modèle qui s’applique de manière générale à tous
les pays bénéficiaire (Section 1). Pour autant les flux d’APD ne semblent pas suivre un schéma
régulier, malgré les efforts de coordination et peuvent même être saccadée (Section 2).

7
Section 1 : la modélisation de l’aide

Les Objectifs du millénaire pour le développement (Paragraphe 1), puis les Objectifs de
développement durable (Paragraphe 2) définis par l’ONU, respectivement en 2000 et en 2015,
régissent les lignes directrices des programmes de développement et sont le reflet de cette
approche singulière et inchangée.

8
Paragraphe 1 : les objectifs du millénaire pour le développement

Les objectifs du millénaire pour le développement(OMD), feuilles de route aussi bien de l’aide
multilatérale que bilatérale ont pendant quinze ans définit le moule dans lequel l’aide au
développement s’est formé. Dans le cadre de nos argumentations nous nous intéresserons
exclusivement à l’aide multilatérale, et aux accomplissements des programmes onusiens dans
le cadre de cet agenda.

Tout d’abord posons quelques précisions terminologique les OMD représente la première
phase du programme global des nations unies pour le développement. Les OMD couvrait huit
objectifs dont la réduction de l’extrême pauvreté et de la mortalité infantile, la lutte contre
plusieurs épidémies dont le VIH/SIDA, l'accès à l’éducation, l’égalité des sexes, et l'application
du développement durable, n’a que partiellement répondu aux exigences de développement et
ceux malgré l’atteinte de la plupart des cibles, initialement visées. En effet, chacun des objectifs
du millénaire pour le développement se décompose en plusieurs cibles. Le premier objectif, à
savoir la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim repose sur trois cibles. La première cible
constituait à réduire de moitié, entre 1990 et 20157, la part des individus vivant avec moins d'un
dollar par jour. Si cette cible, a au premier abord semblé à porter de tire notamment grâce à la
croissance économique de l’Asie entre les années 1990 et 2000, elle parait par la suite s’éloigner
au vu des résultats en Afrique sub-saharienne particulièrement. Ainsi en 2005 la Banque
mondiale estime qu’ 1,48 milliard d'individus vivaient dans une pauvreté extrême. La crise
alimentaire, conséquence de la hausse du prix des matières premières (dont agricoles) pousse
environ 1009 millions de personnes en plus dans une situation d'extrême pauvreté. Selon ces
mêmes données le taux de pauvreté est passé de 52% en 1981 à 42 % en 1990 et 26 % en 200510.
Sur une période de 25 ans le taux de pauvreté en Asie de l’Est à chuter, en passant de 80% à
20%11. Une prouesse que l’Afrique sub-saharienne n’a pas su imiter, avec un taux de pauvreté
stagnant autour des 50%12. Ce phénomène se renouvèle avec la deuxième cible du premier
objectif13, en dix ans la productivité dans les pays d'Asie et de la CEI14 a été multipliée par
quatre, contribuant à faire baisser le nombre de travailleurs pauvres. En revanche, l'Afrique sub-

7
High-level Event on the Millennium Development Goals, United Nations Headquarters, New York, 25 9
September 2008.
8
Ibidem.
9
Ibid.
10
Ibidem.
11
Ibid.
12
Ibidem
13
fournir un emploi décent et productif à tous, femmes et jeunes inclus.
14
Communauté des Etats independants
saharienne reste en retard sur cet objectif, avec plus de 50 % de travailleurs vivant avec moins
d'un dollar par jour15. La hausse des prix des matières premières, mais également les
changements dans les régimes alimentaires, l'urbanisation, l'utilisation des parcelles pour la
production de biocarburants ou encore le problème des subventions aux agricultures
développées, rendent la réduction de la malnutrition et de la sous-nutrition difficile à atteindre
aussi bien en Asie du sud qu’en Afrique sub-saharienne, qui sont les zones plus touchées par la
sous-nutrition infantile. Des progrès ont donc été accomplis, mais leur importance varie selon
les zones géographiques. Ainsi le Caucase et Asie centrale, l’Asie de l’Est, l’Amérique latine
et l’Asie du Sud-Est ont atteint la cible sur la faim, principalement en raison d’une croissance
économique rapide au cours des deux dernières décennies. La Chine représente, à elle seule,
près des deux tiers de la réduction totale du nombre de personnes sous-alimentées dans les
régions en développement depuis 199016. L’Afrique du Nord est près d’éliminer une insécurité
alimentaire grave, en atteignant un niveau inférieur à 5 % dans son ensemble17. En revanche, le
rythme de réduction aux Caraïbes, en Océanie, en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne a
été trop lent pour atteindre la cible. L’Asie du Sud est la plus touchée par la faim, avec environ
281 millions de personnes sous-alimentées18. Les progrès en Océanie ont été lents à cause d’une
forte dépendance aux importations de produits alimentaires par les petites îles qui constituent
la plupart des pays de cette région. La sécurité alimentaire dans cette région est aussi freinée
par les catastrophes d’origine naturelle ou humaine, qui entraînent souvent la volatilité des prix
et des changements soudains et imprévisibles de la disponibilité des principaux aliments de
base. En Afrique subsaharienne, les projections pour la période 2014–2016 indiquent un taux
de sous-alimentation de près de 23 %.19 Alors que le taux de la faim a diminué, le nombre de
personnes sous-alimentées a augmenté de 44 millions depuis 199020, reflétant le taux de
croissance démographique élevé dans cette région. La situation varie grandement entre les sous-
régions. L’Afrique du Nord, australe et de l’Ouest ont déjà atteint ou sont près d’atteindre la
cible. Mais en Afrique centrale, les progrès ont été entravés par une forte croissance
démographique et une fragilité sur le plan écologique, ainsi que par des bouleversements

15
The Millennium Development Goals Report,2008,United State. 10
16
High-level Event on the Millennium Development Goals, United Nations Headquarters, New York, 25
September 2008.
17
Ibidem.
18
Ibid.
19
Objectifs du Millénaire pour le développement Rapport 2015, objectif 1, Nations Unies.
20
Ibidem.
économiques et politiques. Le nombre de personnes sous-alimentées dans cette sous-région a
doublé depuis 1990.21

Le deuxième objectif vise à ce que tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde,
puissent bénéficier d'ici 2015 d'un cycle complet d’études primaires. Cet objectif a été dans une
certaine mesure atteint, en augmentent de 16 million22 le nombre d’enfant scolarisé entre 2006
et 2015. Le taux de scolarisation dans le primaire dans les régions en développement est estimé
à 91% en 2015, contre 83% en 2000. En 2015, 57 millions23 d’enfants en âge de fréquenter
l’école primaire sont non scolarisés. Dans le monde, le taux d’alphabétisation des jeunes de 15
à 24 ans a augmenté, passant de 83 % à 91 % entre 1990 et 2015 24, et la disparité entre les
femmes et les hommes a diminué. On constate cependant que le taux d’alphabétisation, dans
les pays en développement, est très fortement influencer par les conditions socio-économiques
de ces pays. Ainsi dans les régions en développement, les enfants des ménages les plus pauvres
courent quatre fois plus de risques de ne pas être scolarisés que ceux des ménages les plus
riches. Dans les pays affectés par des conflits, la proportion des enfants non scolarisés est passée
de 30 % en 1999 à 36 % en 201225. Un seuil minimal de 97 %26 est fréquemment utilisé pour
déterminer si la scolarisation universelle a été atteinte. En se basant sur ce seuil, la scolarisation
dans l’enseignement primaire est maintenant universelle ou quasi universelle en Asie de l’Est
et en Afrique du Nord. La cible est près d’être atteinte dans toutes les autres régions, sauf en
Afrique subsaharienne. L’Afrique subsaharienne fait face à des défis colossaux, notamment la
croissance rapide de la population en âge d’aller à l’école primaire (qui a augmenté de 86 %
entre 1990 et 2015)27, des niveaux élevés de pauvreté, des conflits armés et d’autres urgences.
Cependant, l’Afrique subsaharienne a réalisé les plus grands progrès en termes de scolarisation
dans l’enseignement primaire parmi toutes les régions en développement. Son taux de
scolarisation est passé de 52 % en 1990 à 78 % en 201228. En valeur absolue, la scolarisation
dans la région a plus que doublé sur cette période, passant de 62 à 149 millions d’enfants29.

21
Ibid. 11
22
Ibidem.
23
Ibid.
24
Objectifs du Millénaire pour le développement Rapport 2015, objectif 1, Nations Unies.

25
Voir https://www.un.org/fr/millenniumgoals/education.shtml, consulté le 31/03/2022 à 23 :36
26
Objectifs du Millénaire pour le développement Rapport 2015, objectif 1, Nations Unies.
27
Ibid.
28
Ibid.
29
Objectifs du Millénaire pour le développement Rapport 2015 objectif 2, Nations Unies.
L’Afrique sub-saharienne a également fait des progrès notable en ce qui concerne la promotion
de l’égalité des sexes. Ce troisième objectif vise à éliminer les disparités entre les sexes,
notamment dans l'éducation primaire et secondaire, d'ici 2005, et à tous les niveaux de
l'éducation d'ici 2015, sachant qu'en moyenne, dans les pays en voie de développement, 94 filles
sont scolarisées pour 100 garçons30, et que dans 2 pays sur 3, au sens restreint du terme, l'égalité
des sexes à l'école est atteinte. Ce sont les zones rurales et pauvres dans lesquelles il y a un
dernier effort à fournir. Reste que l'objectif de l'autonomisation des femmes semble toujours
distant, dans les pays en voie de développement comme dans les pays industrialisés. Dans les
premiers, seuls 39 %31 des emplois non agricoles sont pourvus par des femmes, et dans les
seconds, seulement 46%.32 Entre 1990 et 2015, la proportion de femmes ayant des emplois
rémunérés a continué de croître, bien qu’à un rythme lent. La proportion de femmes salariées
dans le secteur non agricole est passée de 35 % en 1990 à 41 % en 201533. Pendant la période
1991-2015, la proportion de femmes dont l’emploi est précaire (c’est-à-dire les travailleurs
familiaux et les travailleurs indépendants) par rapport à l’emploi total des femmes a diminué de
13 points de pourcentage, passant de 59 % à 46 %,34 tandis que chez les hommes l’emploi
précaire a diminué de 9 points de pourcentage, passant de 53 % à 44 %. 35 Malgré des gains
importants pour les femmes, des écarts importants persistent entre les femmes et les hommes
sur le marché du travail. Les femmes sont toujours moins susceptibles de faire partie de la
population active que les hommes. Depuis 2015, près de 50 %36 des femmes en âge de travailler
(15 ans ou plus) font partie de la population active, contre 77 % des hommes37. Au plan mondial,
les femmes gagnent 24 %38 de moins que les hommes; les plus grandes disparités se trouvant
en Asie du Sud (33 %) et en Afrique subsaharienne (30 %)39. Sur 92 pays disposant de données
sur le taux de chômage par niveau d’éducation en 2012-2013, il y avait 78 pays où les femmes
diplômées de l’enseignement supérieur avaient des taux de chômage plus élevés que les
hommes ayant le même niveau d’éducation40.

30
Ibid. 12
31
Ibid
32
Voir https://www.un.org/fr/millenniumgoals/childhealth.shtml, consulté le 01/04/2022 à 13 : 04
33
Objectifs du Millénaire pour le développement Rapport 2015 objectif 3, Nations Unies.
34
Ibidem.
35
Ibid.
36
Ibidem.
37
Ibid
38
Ibidem
39
Ibid
40
Objectifs du Millénaire pour le développement Rapport 2015 objectif 3, Nations Unies.
L’Afrique subsaharienne semble donc toujours affichées un retard sur les objectifs du millénaire
pour le développement, par rapports aux autres régions. Ce schéma se répète en effet pour les
cinq autres objectifs. En effet, les progrès réalisés dans le domaine de la survie des enfants sont
visibles dans toutes les régions, avec l’Asie de l’Est et l’Afrique du Nord en tête de file, les
deux seules régions ayant atteint la cible en 2013. L’Amérique latine et Caraïbes, l’Asie du
Sud-Est et l’Asie de l’Ouest ont réduit leur taux de mortalité des moins de cinq ans de plus de
50 %. L’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud ont obtenu des réductions de 39 % et 47 %,
respectivement41. Avec une réduction de 39% l’Afrique sub-saharienne se place en dernière de
la classe. En ce qui concerne l’objectif 5 l’Afrique subsaharienne dans son ensemble affiche le
taux de mortalité maternelle le plus élevé du monde, une prévalence de la contraception de
seulement 25 %, et de faibles niveaux d’assistance qualifiée à la naissance.42 Dans la lutte contre
le VIH/SID l’Afrique sub-saharienne est encore une fois catégorisée comme étant la zone la
plus problématique avec 1,8 million de personnes infectés en 2011, contre 700000 personnes
pour le reste du monde, et ceux malgré une diminution de 25% en une décennie.43

Le modèle de développement promu par l’Onu semble fonctionner au vue des améliorations
objectives achevées par l’Afrique subsaharienne pour l’agenda OMD, néanmoins le constant
retard de l’Afrique sur chacun des objectifs, en comparaison des autres zones géographiques
met en lumière les insuffisances de ce programme à se mettre au diapason avec les besoins de
cette zones.

41
Objectifs du Millénaire pour le développement Rapport 2015 objectif 4, Nations Unies. 13
42
Objectifs du Millénaire pour le développement Rapport 2015 objectif 5, Nations Unies.
43
Objectifs du millénaire pour le développement : rapport de 2013 objectif 6, Nations Unies.
Paragraphe 2 : les objectifs de développement durable

Les ODD, il s’agit des dix-sept objectifs établis par les États membres des Nations unies et qui
sont rassemblés dans l'Agenda 2030. Cet agenda a été adopté par l'ONU en septembre 2015
après deux ans de négociations incluant les gouvernements comme la société civile. Il définit
des cibles à atteindre à l'horizon 2030. Les cibles sont au nombre de 169 et sont communes à
tous les pays engagés44. Ces objectifs remplacent les huit objectifs du millénaire pour le
développement (OMD), qui se sont terminés en 2015. Dans un souci d'appropriation et de
communication, elles sont parfois regroupées en cinq domaines, les « 5P » : peuple, prospérité,
planète, paix, partenariats. Elles répondent aux objectifs généraux suivants : éradiquer la
pauvreté sous toutes ses formes et dans tous les pays, protéger la planète, et garantir la prospérité
pour tous. Pour comprendre ces objectifs il est essentiel de comprendre la notion de
développement durable.

Le développement durable est une conception du développement qui s'inscrit dans une
perspective de long terme et en intégrant les contraintes écologiques et sociales à l'économie.
Selon la définition donnée dans le rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et
le développement de l'Organisation des Nations unies, dit rapport Brundtland, où cette
expression est apparue pour la première fois en 1987, « le développement durable est un
développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs »45. Le rapport Brundtland, officiellement intitulé
« Notre avenir à tous »46 s’adresse aux politiques nationales et pose les principales mesures à
intégrer pour la préservation de la planète.

Actuellement, et à 8 ans de l’horizon 2030, alors que l’année 2022 est déjà bien avancé, il est
difficile d’imaginer que les objectif de l’agenda 2030 puissent être atteint par ne serait-ce que
les pays les plus développées à plus fortes raisons les pays d’Afrique sub-saharienne. Cette
situation s’explique d’une part par la crise du Covid 19 qui a eu des effets catastrophiques sur
la vie et les moyens de subsistance des personnes et sur les efforts de réalisation du Programme
de développement durable.

44
Les objectifs de développement durable, Plateau Claire Insee, 23/ 11/2016, La France et les objectifs de 14
développement durable − L'économie française - Comptes et dossiers | Insee, consulté le 03/04/2022 à 22 :28.
45
Voir « Rapport Brundtland » sur https://www.estel.sn/files/Docs/rapport_brundtland.pdf, consulté le
03/04/2022 à 19 :25.
46
il est communément appelé “rapport Brundtland” en lien avec la présidente de l’organisation, Gro Harlem
Brundtland, Premier ministre de la Norvège à l’époque où le rapport est publié,1987.
Des années voire des décennies de progrès ont été ralenties ou anéanties. En 2020, le taux
mondial d’extrême pauvreté a augmenté pour la première fois en plus de 20 ans. Des centaines
de millions de personnes ont basculé dans l’extrême pauvreté et souffrent de faim chronique.
La pandémie de COVID-19 a interrompu les services de santé essentiels et constitue une
menace majeure en matière de santé au-delà même de la maladie. Elle a fait des ravages dans
le monde entier sur l’apprentissage et le bien-être des enfants, et les femmes ont été touchées
de manière disproportionnée par les pertes d’emplois et la hausse du travail domestique47. La
COVID-19 a lourdement affectés les progrès accomplis sur la faim et la sécurité alimentaire
en raison des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire, des pertes de
revenus, du creusement des inégalités sociales, de l’altération de l’environnement alimentaire
et de la hausse des prix. Entre 720 millions et 811 millions de personnes dans le monde ont
souffert de la faim en 2020, soit une hausse de 161 millions48 par rapport à 2019.

La prévalence de la sous-alimentation a augmenté, passant de 8,4 % en 2019 à 9,9 %49 en 2020.


La faim touche 21 % de la population en Afrique, contre 9 % en Asie et 9,1 %50 en Amérique
latine et dans les Caraïbes. Plus de la moitié des personnes sous-alimentées dans le monde se
trouvent en Asie (418 millions) et plus d’un tiers en Afrique (282 millions)51. Parvenir à la
sécurité alimentaire ne signifie pas seulement éradiquer la faim. Près d’une personne sur trois
dans le monde (2,37 milliards de personnes)52 était touchée par une insécurité alimentaire
modérée ou grave en 2020, soit une hausse de près de 320 millions par rapport à 201953. Ces
niveaux indiquent que les personnes ne sont pas en mesure d’avoir une alimentation saine et
équilibrée de manière régulière, manquent de nourriture ou, dans les cas les plus graves, passent
une ou plusieurs journées sans manger. Les niveaux les plus élevés d’insécurité alimentaire ont
été observés en Afrique subsaharienne (66,2 %)54, bien que la prévalence ait augmenté le plus
rapidement en Amérique latine et dans les Caraïbes, passant de 24,9 % en 2014 à 40,9 % en
202055. En 2020 1, 22 % des enfants de moins de 5 ans dans le monde (149,2 millions)56 étaient
touchés par un retard de croissance, soit une baisse par rapport à 2000 (33,1 %) et à 2015

47
Voir https://unstats.un.org/sdgs/report/2021/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2021_French.pdf, 15
consulté le 03/04/2021, à 00 :03.
48
Ibid
49
Rapport sur les objectifs de développement durable 2021, Nations Unies.
50
Ibid.
51
Ibid.
52
Ibid.
53
Ibid.
54
Ibid.
55
Ibid. p.26.
56
Ibid.
(24,4 %)57. Ces chiffres s’appuient sur les dernières estimations, mais le nombre réel d’enfants
concernés est probablement plus élevé en raison des obstacles à l’accès à des régimes nutritifs
et à des services nutritionnels essentiels pendant la pandémie. L’impact de la crise sur le retard
de croissance des enfants pourrait prendre des années à se manifester pleinement. Les trois
régions où la prévalence du retard de croissance est la plus élevée sont l’Océanie (à l’exclusion
de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande), avec 41,4 %, l’Afrique subsaharienne (32,3 %) et
l’Asie centrale et du Sud (29,8 %)58. Ces deux dernières régions comptaient ensemble près des
trois quarts des enfants souffrant d’un retard de croissance dans le monde. Une attention
particulière doit être portée à ces régions, car la pandémie touche de façon disproportionnée les
enfants les plus vulnérables59.

La crise du Covid 19 a également entrainé des dommages dans le domaine de la santé


notamment au niveau du dépistage et du traitement des maladies sexuellement transmissible, et
infectieuse. De 2000 à 2015, le taux d’incidence du paludisme est passé de 80 à 5760 cas pour
1 000 personnes à risque, puis a stagné entre 2015 et 2019. En 2019, environ 229 millions de
cas et 409 00061 décès dus au paludisme ont été signalés dans le monde. La région Afrique a
assumé une part disproportionnée du fardeau mondial que représente cette maladie, avec 94 %
des cas et des décès en 201962. L’insuffisance du financement et de l’accès aux outils vitaux
sapent les efforts déployés au niveau mondial pour enrayer la maladie, et la pandémie de
COVID-19 devrait entraver davantage ces efforts. Au cours du premier trimestre de 2021, entre
30 % et 40 %63 des pays où le paludisme est endémique ont signalé des perturbations des
services de diagnostic et de traitement de la maladie. Une perturbation de 10 % de l’accès à des
traitements efficaces en Afrique subsaharienne pourrait entraîner 19 000 décès
supplémentaire64.

La COVID-19 a eu des effets dévastateurs sur l’apprentissage et le bien-être des enfants dans
le monde entier. Avant la pandémie, les progrès en matière d’éducation étaient déjà trop lents
pour atteindre l’objectif 465 à l’horizon 2030. Un an après le début de la crise, deux élèves sur

57
Ibid. 16
58
Ibid.
59
Ibid p.28.
60
Ibid.
61
Rapport sur les objectifs de développement durable 2021, Nations Unies, p.31.
62
Ibid.
63
Ibid.
64
Ibid.
65
Assurer une éducation inclusive et de qualité égale et promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie, pour
tous.
trois sont toujours touchés par la fermeture partielle ou totale de leur école. Même avant la
COVID-19, le monde n’était pas en voie d’atteindre les cibles fixées pour la lecture et les
mathématiques. En 2019, seuls 59 % 66des enfants en âge d’être en troisième année du primaire
maîtrisaient la lecture. La pandémie devrait faire basculer 101 millions67 d’enfants de plus
(environ 9 %68 des élèves du primaire et du premier cycle du secondaire) sous le seuil minimal
de compétence en lecture, portant ainsi le nombre total d’élèves en retard d’apprentissage à
584 millions en 202069 et faisant reculer les progrès réalisés dans le domaine de l’éducation au
cours des 20 dernières années. Des baisses similaires sont observées pour les mathématiques.
Près des deux tiers des enfants en retard d’apprentissage vivent en Asie centrale et du Sud ou
en Asie de l’Est et du Sud-Est. Le taux de compétence était déjà très faible en Afrique
subsaharienne avant la pandémie, et des pertes d’apprentissage y seront ainsi probablement
observées chez les enfants n’ayant pas atteint le seuil minimal de compétence. Le déficit
d’apprentissage pourrait être comblé d’ici à 2024 dans le monde, mais seulement si des efforts
immenses sont déployés70. Les progrès accomplis dans cette région en matière d’éducation de
la petite enfance ont fortement été ralenti par la pandémie. Les données obtenues pour 2012-
2020 avant la COVID-19 auprès de 76 pays et territoires majoritairement à faible revenu ou à
revenu intermédiaire montrent qu’environ 7 enfants sur 10 âgés de 3 et 4 ans71 sont en bonne
voie en matière d’apprentissage. En 2019, la participation à l’apprentissage préscolaire était de
43 % en Afrique subsaharienne, contre 96 %72 en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ces
progrès sont menacés depuis 2020, car les structures de garde d’enfants et d’enseignement
préscolaire ont fermé dans la plupart des pays.

Il faut ajouté que la moitié des personnes manquant de services d’approvisionnement en eau
potable de base (387 millions) vivent en Afrique subsaharienne73. Dans cette région, la précarité
en eau, touche particulièrement les petites et jeunes filles, qui sont généralement contraintes de
renoncés à des jours de classes voir à toutes leur scolarité, pour aller puiser de l’eau.

Le taux mondial d’accès à l’électricité s’est amélioré, passant de 83 % en 2010 à 90 % en 2019,


1,1 milliard74 de personnes recevant de l’électricité pour la première fois. Cependant,

66
Rapport sur les objectifs de développement durable 2021, Nations Unies, op.cit. p.34. 17
67
Ibid.
68
Ibid.
69
Ibid.
70
Rapport sur les objectifs de développement durable 2021, Nations Unies, op.cit. p.34.
71
Ibid.
72
Ibid.
73
Rapport sur les objectifs de développement durable 2021, Nations Unies, op.cit. p. 38
74
Ibid.
759 millions de personnes n’y avaient toujours pas accès en 2019, dont les trois quarts en
Afrique subsaharienne, 97 millions vivant dans des zones urbaines et 471 millions75 dans des
zones rurales. Au rythme actuel, 660 millions76 de personnes seront toujours privées
d’électricité en 2030, dont la grande majorité soit 555 millions77 en Afrique subsaharienne. Les
flux financiers internationaux vers les pays en développement en faveur des énergies propres et
renouvelables ont atteint 14 milliards de dollars en 2018, soit 35 % de moins qu’en 201778. Ces
fluctuations annuelles sont principalement dues aux variations d’importants engagements
hydroélectriques. Les projets d’énergie hydroélectrique, solaire, géothermique et éolienne ont
reçu respectivement 27 %, 26 %, 8 % et 5 % des flux de 201879. Les flux financiers publics
restent concentrés dans quelques pays. L’Argentine, l’Inde, le Nigéria, le Pakistan et la Turquie,
par exemple, ont reçu 30 % du montant total des engagements de 2010 à 201880. En revanche,
les 46 pays les moins avancés (PMA) n’ont reçu ensemble que 20 %81 des engagements durant
la même période. Les PMA constituent la majorité des pays aux niveaux d’accès à l’électricité
les plus faibles, en particulier en Afrique subsaharienne, mais pour beaucoup d’entre eux, le
financement public international, mesuré par habitant, est bien plus faible que la moyenne
mondiale82.

Avant la pandémie, l’emploi informel représentait 60,2 %83 de l’emploi mondial, ce qui signifie
que 2 milliards84 de personnes dans le monde occupaient un emploi se caractérisant par
l’absence de protection de base, y compris de protection sociale. Cette part est beaucoup plus
élevée dans les PMA, où elle s’établissait à 88,7 % en 201985. À l’échelle mondiale, la part de
l’emploi informel était de 90,7 % dans le secteur agricole, par rapport à 48,9 %86 dans le secteur
non agricole. En Afrique sub-saharienne 94%87 des travailleurs agricoles exercent leur métier
de manière informel contre 74% des travailleurs non agricole, qui travaillent également dans le
milieu informel88. Étant donné que les femmes ont été plus nombreuses que les hommes à être

75
Ibid.
76 18
Ibid.
77
Ibid.
78
Ibid.
79
Ibid.
80
Ibid.
81
Ibid.
82
Rapport sur les objectifs de développement durable 2021, Nations Unies, op.cit. p. 41
83
Ibid.
84
Ibid.
85
Ibid.
86
Ibid.
87
Ibid.
88
Rapport sur les objectifs de développement durable 2021, Nations Unies, op.cit. p. 43
évincées du marché du travail pendant la pandémie, la crise risque d’aggraver l’écart entre les
jeunes femmes et les jeunes hommes qui ne sont ni étudiants, ni employés, ni stagiaires. En
Afrique Sub-saharienne 26%89 des jeunes femmes n’étaient ni employées, ni étudiantes, ni
stagiaires en 2019 contre 17%90 des jeunes hommes.

Les conditions de vie environnementale se sont également dégradées entre 2014 et 2018, la
proportion de la population urbaine vivant dans des taudis au niveau mondial est passée de
23 % à 24 %91, ce qui représente plus d’un milliard de personnes. Celles-ci se trouvent
principalement dans trois régions : Asie de l’Est et du Sud-Est (370 millions)92, Afrique
subsaharienne (238 millions) et Asie centrale et du Sud (226 millions)93. Leurs besoins et
préoccupations sont rarement pris en compte dans la planification urbaine conventionnelle, le
financement et l’élaboration de politiques, laissant de côté un pan considérable de la population
mondiale. La pandémie a surtout affectée les ménages à faible revenu et les travailleurs du
secteur informel. Ce qui a fait s’accroitre le nombre d’habitants des taudis et de personnes dont
les conditions de vie se sont détériorées, les rendant encore plus vulnérables. En Afrique sub-
saharienne 56,2% de la population vivent dans des taudis, d’après des estimations de l’année
201894.

89
Ibid. 19
90
Ibid.
91
Ibid.
92
Ibid
93
Ibid.
94
Rapport sur les objectifs de développement durable 2021, Nations Unies, Ibid. p.48
Section 2 : Des flux saccadés de financement de l’aide

Le financement ou l’assistance apportée aux pays ne dépends pas toujours de leur revenus.
Ainsi les pays à revenu intermédiaire (Paragraphe 1), bénéficie toujours de financement et
d’aide, et ceux malgré leur avance économique sur les pays à revenu faible. L’aide apportés
aux PRI bien que quantitativement différente, ne varie pas tellement dans son contenue d’avec
celle apportées aux pays à faible revenu (Paragraphe 2). Si les aides se ressemblent c’est peut-
être simplement parque parce que les problèmes combattus sont universel.

20
Paragraphe 1 : Dans les pays émergents

Selon le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE « La liste des bénéficiaires


d’APD comprend tous les pays à bas et moyen revenu, selon les définitions de la Banque
mondiale, basées sur le revenu national brut RNB par habitant. La liste inclut séparément tous
les pays moins développés tels que définis par les Nations Unies (UN) »95.

Le terme pays émergent désigne les pays dont le PIB par habitants est inférieur à celui des pays
développés, mais qui connaît une croissance économique rapide, et dont le niveau de vie ainsi
que les structures économiques et sociales convergent vers ceux des pays développés avec une
ouverture économique au reste du monde, des transformations structurelles et institutionnelles
de grande ampleur et un fort potentiel de croissance. Il faut cependant noter que le PIB n’est
qu’un critère partiel de l’émergence. Ainsi la liste des pays auxquels s’applique ce terme varie
selon les sources et selon les époques, comme en témoignent les divers acronymes définis pour
les désigner. BRIC est le premier à désigner les quatre principaux pays émergents (Brésil,
Russie, Inde, Chine) qui sont susceptibles de jouer un rôle de premier plan dans l'économie
mondiale dans un futur plus ou moins proche. BRICS est apparu en 2011 avec l'ajout de
l'Afrique du Sud qui participe désormais aux sommets regroupant ces pays ; il est également
employé pour prendre en compte le Mexique, ou également BRICI pour inclure l'Indonésie. 96
Le concept de pays émergent est apparu dans les années 80 avec l’essor des marchés boursiers
dans les pays en développement. C’est Antoine van Agtmael, économiste néerlandais à la
Société financière internationale, qui utilise le terme « marché émergent », pour designer ces
pays la première fois. La notion de « pays émergents » est restée longtemps une notion assez
opaque. Avec le temps cependant des spécialistes ont dégagé des critères objectifs de
définitions. Ainsi on peut considérer un pays comme émergent en présence des éléments
suivants :

- Revenus intermédiaires : les pays émergents ont un revenu par habitant en parité de pouvoir
d'achat (PPA) compris entre 10 et 75 %97 du revenu moyen de l'Union européenne. Ceci exclut
donc les pays les moins avancés et les pays riches.

- Croissance et rattrapage économique : durant la période récente les pays émergents ont connu
une croissance supérieure à la moyenne mondiale. Ils connaissent donc une période de

95
Le Comité d'aide au développement - OCDE (oecd.org), consulté le 21 /03/2022 à 04 :11. 21
96
Sylvia Delannoy, Géopolitique des pays émergents : Ils changent le monde, Paris/Grenoble, PUF, 2012, 178 p.
97
Ibid.
rattrapage économique et pèsent de ce fait de plus en plus lourd dans la création de richesses
mondiale.

- Transformations institutionnelles et ouverture économique : durant la période récente, ces


économies ont connu une série de transformations institutionnelles profondes qui les ont
davantage intégrées aux échanges mondiaux. L'émergence économique est donc en grande
partie issue de la mondialisation98. Au début des années 2010, une soixantaine de pays
répondent à ces critères. Ensemble, ils représentent près de 50 %99 de la richesse créée dans le
monde et les deux tiers de sa population. Parmi eux, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine,
Afrique du Sud) sont les figures de proue, mais les MINT (Mexique, Indonésie, Nigeria et
Turquie) constituent d'autres économies émergentes de premier ordre.

Si l’on devait s’attaché à trouver des points communs à ces pays, autres que les critères ci-
dessus ce serait certainement leur forte démographie, ainsi que leur croissance économique du
à une rapide industrialisation. Pourtant leur croissance économique ne signifie pas forcément la
disparition des inégalités sociales, ou des carences de développements inhérentes à ces sociétés.
Ainsi malgré leur progrès économiques, il apparait que la majorité de la population vivant sous
le seuil de pauvreté vivent dans les pays émergents. Du fait de cette réalité ces pays continuent
de bénéficier d’une aide publique au développement bien que celle-ci ne représente en générale
qu’une part marginale de leur produit intérieur brut. Sur les 28 économies qui sont passé du
statut de pays à faible revenu à celui de pays à revenu intermédiaire au cours de la dernière
décennie, on observe une concentration de la pauvreté dans cinq d’entre eux, que les auteurs
appellent les « PICNI », à savoir le Pakistan (qui a accédé au statut de PRI en 2008), l’Inde
(2007), la Chine (1999), le Nigeria (2008) et l’Indonésie (ré-accession au statut de PRI en 2003).
Les données montrent que ce processus se traduit par une réduction relativement faible de la
pauvreté et une hausse importante des inégalités. Les donateurs doivent donc revoir leurs
stratégies et leurs politiques de réduction de la pauvreté à la lumière du fait qu’il existe
beaucoup moins de PFR et que la majorité des pauvres vivent dans des PRI100. L’aide étrangère
peut jouer un rôle catalytique ou incitatif dans les PRI, notamment en relation avec la fourniture
de biens publics mondiaux. Ainsi, plusieurs agences de donateurs soutiennent des initiatives

98
J. Vercueil, Les Pays émergents. Brésil, Russie, Inde, Chine... Mutations économiques et nouveaux défis. 22
Bréal, 3e édition, 2012, p.67.
99
Ibid.
100
Voir Gilles Carbonnier et Andy Sumner, « Quel type d’aide dans un monde où les pauvres vivent dans les
pays émergents ? », in openEdition, https://doi.org/10.4000/poldev.943, consulté le 07/04/2022 à 16 :19
multipartites impliquant des gouvernements, des entreprises et des organisations de la société
civile. L’objectif consiste à influencer le comportement d’acteurs de premier plan grâce à un
mélange d’incitations commerciales et politiques tout en préparant l’émergence de normes
globales pouvant donner naissance à de nouveaux cadres politiques et réglementaires. Les biens
publics mondiaux (BPM) revêtent une importance particulière quant à l’engagement des
donateurs avec les pays à revenu intermédiaire dans le cadre de partenariats sans lesquels il
n’est pas envisageable de mener des actions collectives efficaces. L’engagement des agences
de développement avec les PRI ne vise pas seulement la lutte contre la pauvreté, mais
également et surtout la promotion des BPM. Nous pouvons donc envisager les biens publics
mondiaux sous trois angles : celui d’un cadre politique pour l’engagement avec les PRI ; celui
des intérêts à long terme des pays à haut revenu comme ceux des PRI et des PFR ; et celui d’un
appui propice à un engagement accru des PRI dans des actions de la coopération internationale,
ceux-ci étant considérés non pas comme de simples bénéficiaires de l’aide, mais bien comme
des parties prenantes actives dans la résolution d’enjeux tant sur le plan national que global. Le
concept de biens globaux est un concept puissant. Il aide à examiner en détail les responsabilités
spécifiques de la communauté internationale. Les biens publics mondiaux peuvent être définis
comme non rivaux et non exclusifs en termes de consommation et quasiment universels en
termes de pays et de générations. La principale raison de fournir les BPM consiste à réguler ou
compenser les effets négatifs des « maux » publics mondiaux, qui génèrent des conséquences
négatives dépassant les frontières telles que la pollution de l’air, les guerres civiles, les
pandémies, le terrorisme international et les crises financières101. S’il est évident que la
résolution de problèmes globaux ne peut se faire qu’à travers une meilleure coopération, ce
n’est que récemment que l’APD se concentre un peu plus sur la fourniture des BPM. La
tendance est que les donateurs disposant d’importants budgets d’aide tendent à être également
ceux dont le portefeuille d’aide comporte une large part de biens publics mondiaux. Le nombre
de projets de coopération dans le secteur énergétique, a toutefois tendance à a à augmenter
lorsque les cours du pétrole flambent ainsi qu’avant les sommets environnementaux
internationaux pour baisser dès que l’attention du monde politique et des médias se porte sur
d’autres priorités ou que le prix du baril redescend.

Les agences d’aide sont des acteurs modestes mais importants dans le domaine des BPM.
Néanmoins, elles ont de la peine à « joindre le geste à la parole »102 : le bilan de la mise en

101
Kaul et al., Global Public Goods : International Cooperation in the 21st Century (1999, 2-3), Microsoft Word 23
- Endfassung DiscPaper 2.2013 Kaul.docx (ingekaul.net), consulté le 07/03/2022 à 20 :50
102
Ibid.
œuvre des politiques publiques globales est plus que décevant au regard des ambitions et des
objectifs affichés. L’intégration des BPM dans la pratique est encore essentiellement limitée à
l’identification et l’évaluation des risques globaux et de leur impact sur les pays en
développement. De toute évidence, les Nations unies et leurs agences assument un rôle central
dans la production des BPM, que ce soit dans le domaine de la paix et de la sécurité, des droits
humains, du développement ou de l’environnement. La capacité des Nations unies à obtenir
des résultats qui comptent en matière de BPM dépend du maintien constant de leur aptitude et
leur légitimité à générer des normes universelles et des valeurs largement partagées. Or, cela
nécessite un leadership solide et le pouvoir de mobiliser un vaste éventail de réseaux ainsi que
de nouveaux mécanismes de financement innovants103.

Le concept de « biens publics mondiaux », n’est pas le seul critère sur lequel se base les
bailleurs pour financer l’aide au développement. Cette aide a avant tout pour but de réduire la
pauvreté. Tout comme les plans d’ajustements structurels avaient pour but essentiels d’aider les
pays en voie de développement à retrouver « une économie plus saine »104 et certainement à
long terme de réduire la pauvreté. À quelques exceptions près (le Japon en Chine, par exemple),
les bailleurs traditionnels n’ont pas renoncé à aider les pays émergents, y compris les «
puissances émergentes ». Le Japon, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont ainsi les premiers
bailleurs bilatéraux en Inde, et l’Allemagne au Brésil. L’une des motivations de certains
bailleurs, dont la Banque mondiale, reste la prévalence d’une grande pauvreté en dépit de
l’enrichissement des pays. La question des inégalités reste centrale dans les pays émergents,
notamment dans les campagnes où la pauvreté absolue demeure considérable. La fongibilité
macroéconomique105 pourrait remettre en question l’utilité de l’APD destinée à ces pays. Leur
enrichissement permet en effet à leur gouvernement de dégager les ressources nécessaires à
l’élaboration de leurs propres politiques sociales et l’insuffisance de ces dernières ne renvoie
pas fondamentalement à un problème de ressources, mais plutôt à celui de l’élaboration de
politiques publiques appropriées. Mais, précisément, l’importance des financements externes
n’est pas déterminée à par rapport aux volumes financiers, mais plutôt à celle de leur influence
sur les politiques publiques. À travers les partenariats mis en place grâce à ces financements, et

103
Voir Gilles Carbonnier et Andy Sumner, « Quel type d’aide dans un monde où les pauvres vivent dans les 24
pays émergents ? », in openEdition, https://doi.org/10.4000/poldev.943, consulté le 07/03/2022 à 18 : 28
104
B. Dujardin, M. Dujardin, I. Hermans, « Ajustement structurel, ajustement culturel ? », Santé publique 2003,
volume 15, no 4, p.505.
105
Patrick Guillaumont, « La vulnérabilité macroéconomique des pays à faible revenu et les réponses de
l'aide », Revue d'économie du développement, 2006/4 (Vol. 14),P.25.
notamment aux flux qui relèvent de l’APD, l’action des bailleurs de fonds contribue à améliorer
la coopération internationale dans des domaines d’intérêt commun.

L’aide au développement contribue ainsi à la prise en compte de questions internationales de


portée stratégique et à l’établissement de relations pérennes de coopération entre les pays
développés et les pays émergents, essentielles à l’amélioration de la gouvernance mondiale.
Au-delà de la réduction de la pauvreté, l’aide aux pays émergents poursuit ainsi d’autres
objectifs, le principal étant leur participation à une action collective internationale que la
prévalence d’enjeux mondiaux comme le réchauffement climatique, la perte de biodiversité ou
le développement de nouvelles pandémies rend indispensable. La préservation des biens publics
mondiaux s’impose aujourd’hui comme un objectif essentiel de l’action nationale et
internationale des pays souhaitant contribuer à une gouvernance mondiale renouvelée. Cette
action, relève d’une stratégie d’influence qui vise moins à accompagner les exportations qu’à
discuter des alliances dans les négociations internationales et à influencer les politiques
publiques des pays émergents. C’est notamment la raison pour laquelle le gouvernement
français a autorisé l’Agence française de développement (AFD) à développer des opérations
dans les pays émergents, en mettant l’accent sur la mise en place de politiques publiques
contribuant aux biens publics mondiaux, notamment dans le domaine de l’efficacité
énergétique, du développement d’énergies renouvelables, de la reforestation et de la lutte contre
la déforestation, et de la protection de la biodiversité.106 Paradoxalement les pays émergents ne
sont pas seulement des récepteurs des flux de l’aide publique au développement, mais
également des donneurs significatifs.

106
Chaponnière Jean-Raphaël, Comole Emmanuel, Jacquet. « Les pays émergents et l’aide au 25
développement. », Revue d'économie financière, n°95, 2009,p179.
Paragraphe 2 : Dans les pays les moins avancés

Bien que l’aide publique au développement ne leur soit pas exclusive, les pays à faible revenu
encore appeler pays les moins avancés, en sont les destinataires privilégiés. En, effet ces pays
tendent à présenter une forte dépendance à l’aide public au développement. L’APD dans ces
pays peut même aller jusqu’à représenter une part substantielle de leur PIB. Selon la définition
des Nations unies, les PMA sont les pays qui « sont extrêmement désavantagés dans leur
processus de développement et risquent, plus que les autres, de ne pas pouvoir s’extirper de la
pauvreté ». Cette classification est basée sur trois critères : faible revenu par habitant, faible
développement humain et vulnérabilité économique élevée.107

Selon toute logique l’aide au développement devrait bénéficier en toute priorité aux PMA.
Pourtant la détermination de la destination des financements n’est pas aussi simple, et dépends
souvent de critère quelque peu ambigu. Ainsi en 2020, alors que le record « historique » de
l’aide publique au développement versée en 2020 par les pays les plus riches de la planète était
atteint, l’Afrique sub-saharienne a vu les subsides octroyés par les donateurs bilatéraux baisser
de 1 %.108 Le désengagement de certains donateurs importants comme le Royaume-Uni est à
l’origine de ce recul. Au total, l’aide a atteint 161,2 milliards de dollars en 2020, en hausse de
3,5 %109 en termes réels sur un an. Sur ce montant, 12 milliards de dollars correspondent à des
dépenses directement liées au Covid-19. Des fonds dont aurais bien besoin le continent
actuellement pour se remettre de la crise économique qu’il traverse. En effet, L’Afrique a
enregistré en 2020 sa première récession depuis vingt-cinq ans. Quelque 30 millions110
d’emplois aurait été détruits et plusieurs dizaines de millions de personnes ont de nouveau
basculé dans l’extrême pauvreté. Les besoins humanitaires liés à des crises alimentaires sévères
au Sahel, en République démocratique du Congo (RDC) et dans la Corne de l’Afrique atteignent
des niveaux sans précédent. Selon les prévisions économiques du Fonds monétaire international

107
Le revenu est mesuré par la moyenne du revenu par personne sur trois ans ; le développement humain se
26
base essentiellement sur des indicateurs de nutrition, de mortalité infantile, de scolarité secondaire et
d’alphabétisation des adultes ; la vulnérabilité économique est évaluée en fonction de l’éloignement, de la
diversification des exportations, de la part de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche dans l’économie, de
l’instabilité de la production agricole et des exportations, et de la privation de logement due aux catastrophes
naturelles. En 2011, les 14 PRI suivants ont été classés parmi les PMA dans la liste des pays destinataires de
l’aide établie par le CAD de l’OCDE : Angola, Bhoutan, Djibouti, Guinée équatoriale, Kiribati, Lesotho, Samoa,
Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Soudan, Timor oriental, Tuvalu, Vanuatu et Yémen. Il faut rappeler ici qu’un
pays peut aussi refuser de figurer dans la liste des PMA.
108
Laurence Caramel, « Développement : l’aide à l’Afrique subsaharienne a baissé en 2020 », le Monde Afrique,
13 avril 2021.
109
Ibid.
110
Ibid.
(FMI) publiées mardi 6 avril, la reprise économique sur le continent sera plus faible que dans
les autres régions, où l’activité est stimulée par des plans de relance budgétaire massifs111.
Pourtant pendant quarante ans les flux d’APD en Afrique ont augmenté de manière
spectaculaire. En passant d’à peine plus de dix milliards de dollars en 1960112 à près de quarante
milliards de dollars en moyenne dans les années 2000113. En effet l’aide à l’Afrique a connu
une forte croissance dans les années 1970-1980, passant de onze milliards de dollars en 1972
à quarante milliards de dollars en 1990114, cette aide était principalement chargée de gérer la
fin de la relation coloniale et de contenir l’influence soviétique. Au cours de l’histoire l’aide
destinée à l’Afrique a connu des fluctuations selon les circonstances, ainsi entre 1963 et 1973,
décennie marquée par la guerre du Vietnam, elle reçoit moins du tiers des flux d’aide; presque
la moitié va à l’Asie. La tendance s’inverse au long des années 1970-1980: en 1990, l’Afrique
mobilise jusqu’à 45% des flux et l’Asie 30%115. Mais, avec la fin de la guerre froide, les
politiques budgétaires restrictives menées en Europe et les interrogations des donneurs sur
l’efficacité de l’aide, ce qui a été qualifié de « fatigue»116 des donneurs, le reflux sera brutal :
l’étiage de l’aide à l’Afrique est atteint en 1999 avec vingt-quatre milliards de dollars. Au début
des années 2000 Dans un contexte de mobilisation générale autour des Objectifs du millénaire
pour le développement (OMD), l’APD connaît ensuite un renouveau. L’Afrique reçoit à
nouveau des flux d’APD du niveau de ceux de la fin des années 1980, et même supérieurs avec
les vagues d’allégements de dette. Ces mêmes années voient d’ailleurs des flux d’APD d’un
montant sans précédent se diriger aussi vers l’Asie, avec l’aide à l’Afghanistan, l’allégement
de la dette irakienne et les secours aux victimes du tsunami de 2005.117 Cette aide, constituée
d’un ensemble de moyens financiers(dons, prêts, assistance technique, frais de gestion,
réduction de dettes) mis à la disposition des PVD par les Pays développés, les ONG et les
organismes publics et malheureusement souvent gérés par des organisations bureaucratiques
hypertrophiées, incompréhensibles et peu soucieuses des principes économiques élémentaires,
connaît une évolution contrastée . Il ne faut pas oubliées que les montants alloués à l’aide n’ont
cessé de se réduire pendant les années 90, même si ce mouvement s’est stabilisé au début des

111
Laurence Caramel, « Développement : l’aide à l’Afrique subsaharienne a baissé en 2020 », le Monde 27
Afrique, 13 avril 2021.
112
Antoine Seillan, « BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) », De Boeck Supérieur ,
2010/4 n°236, pages 126 à 127, p.126
113
Ibid.
114
Ibid.
115
Ibid.
116
Ibid.p.127
117
Ibid.
années 2000, mais à un niveau historiquement bas: 50 milliards de dollars Us, soit 0,22%118 du
revenu des pays donateurs en l’an 2000. Cette baisse qui a coïncidé avec l’effondrement du mur
de Berlin, trouve des explications divergentes selon la nature du pays, c’est à dire selon qu’il
est donateur ou bénéficiaire. Dans les pays donateurs, on l’accuse d’être inefficace et
d’alimenter la corruption et pour ces raisons, une certaine opinion demande sa suppression ou
tout au moins sa réduction. Dans les pays pauvres bénéficiaires, la baisse de l’aide s’explique
par le fait que son octroi est de plus en plus soumis à un nombre impressionnant de contraintes
et d’exigences «égoïstes» des bailleurs qui les insupportent et les poussent à en réduire la
demande. Toutefois, une réelle inflexion dans l’évolution de l’APD semble actuellement en
cours. Les intentions annoncées d’un côté, de porter la part de l’aide à 0,7%119 du PIB et de
produire davantage des biens publics internationaux sur la base des besoins définis par les
pauvres eux-mêmes, et de l’autre de recourir de façon prépondérante plus que par le passé aux
dons, laisse entrevoir une amélioration quantitative voire qualitative de l’aide publique au
développement. Le renforcement de la solidarité internationale, conditionné à la mise en
application dans les pays bénéficiaires des programmes d’ajustement et au souci prioritaire de
résoudre les crises humanitaires récurrentes, et s’inscrivant dans la ligne obsessionnelle
d’accroissement de la somme totale d’argent mobilisée pour l’aide, ressemble davantage à
l’expression chez les Etats donateurs en général et leur opinion publique relativement sensible
en particulier, à une activité plus charitable qu’économique. Bien que la structure des transferts
financiers vers l’Afrique aient été modifiés et leur volume maintenu voire nettement accru
certaines années pour compenser une épargne locale faible et inconsistante (8%) 120, le résultat
en matière de développement a été extrêmement décevant. La croissance des économies
africaines bénéficiant de cette importante aide, a baissé en moyenne, malgré l’augmentation
constante du pourcentage des aides par rapport à leur revenu et n’a donc pas par conséquent,
contribué à réduire la pauvreté de manière significative. Entre 1990 et 1998, elles ont enregistré
un taux de croissance moyen annuel négatif (- 4.3%) contre 3.6%121 obtenu par l’Asie et font
face à la fois, à un chômage «wicksellien»122 et à une amplification des cycles économiques de
la crise et de la pauvreté. Si on considère uniquement les PMA dans les années 80 et 90, leur
situation s’est dégradée nettement puisque leurs revenus par habitant ont cru moins vite que la

118
Antoine Seillan, « BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT (APD) », De Boeck Supérieur , 28
2010/4 n°236, p.126
119
Ibid.
120
Ibid.
121
Ibid.
122
Patrick Hardouin, « Le taux d'intérêt : une enquête sur le taux d'intérêt et le chômage wicksellien »,
Soutenue en 1998,à Paris, Institut d'études politiques.
moyenne mondiale123. Pour beaucoup d’analystes, ils ont même fortement diminué au point
d’entraîner ces pays dans «une trappe de pauvreté»124. Il faut préciser que si l’aide matérialise
une solidarité au niveau international, la question de son allocation se pose avec acuité d’autant
plus que les organismes d’aide sont peu nombreux face à une immense demande, chacun
jouissant d’un mini monopole sur ses produits, mais travaillant ensemble sous forme d’un
cartel125. Comme le volume d’aide a baissé et que ses flux ne sont pas illimités, il est probable
qu’apparaisse à l’évidence un phénomène de file d’attente. Par conséquent, seuls les pays ayant
de bonnes politiques nationales, c’est à dire ayant respectés les règles de sélectivité définies par
le cartel, seront prioritairement servies. Même avec les bonnes politiques nationales, les autres
pays devront probablement attendre que les premiers servis contribuent à leur tour à tirer leur
propre croissance et qu’ils disparaissent du champ des pays à aider pour espérer être éligibles à
l’aide internationale dont le volume ne cesse de se réduire.

Les économies africaines au cours des années 80 font face à des déficits jumeaux qui ont conduit
à une perte de compétitivité, une réduction du niveau de l’emploi dans certains secteurs, une
réduction du pouvoir de négociation des travailleurs dans un contexte de concurrence
généralisée et une accentuation des inégalités. La sortie d’un tel processus passe à moyen et
long terme par une restructuration de la société et de l’Etat et à court terme par un appel à la
solidarité internationale. Cette dernière alternative bien qu’accompagnée de commentaires
plutôt sombres est d’autant indispensable qu’on a observé au cours de cette période dans les
pays africains, une chute des recettes publiques en ratio par rapport au PIB: le prélèvement
public des pays africains de la zone franc est passé de 21,4% en 1980/81 à 16,7% en 1988/89126.
L’aide publique des pays du Comité d’aide au développement(CAD) de l’OCDE qui se présente
sous forme soit des dons, soit des prêts avec facilités de paiement, représente la majeure partie
des flux en direction des PVD. S’élevant pourtant à 0.22%127 de leur revenu national
brut(RNB), elle est en baisse depuis la fin des années 90. Ainsi, sur la période 1989/1998, l’aide
publique au développement totale des pays membres du CAD, exprimée aux prix et au taux de

123
Voir J.P. Komon, Aide publique, Etat moderne et Développement en Afrique, Université de Dschang, 29
Microsoft Word - Jean_Paul_Komon[1].doc (codesria.org), consulté le 10/04/2022 à 16 :27.
124
Esther Duflo, « Combattre la pauvreté »,Le Monde, 09 janvier 2009.
125
Voir J.P. Komon, Aide publique, Etat moderne et Développement en Afrique, Université de Dschang,
Microsoft Word - Jean_Paul_Komon[1].doc (codesria.org), consulté le 10/04/2022 à 16 :27.
126
Ibid.
127
Ibid.
change de 1997, a diminué de 0,7%128 par an en moyenne. Son montant n’était plus que de 53
milliards en 1998, 50 milliards en 2000 alors qu’il atteignait 56,5 milliards USD en 1989129.

Cette évolution n’a donc pas été linéaire; après une augmentation entre 1989 et 1992, l’aide
publique au développement a diminué de manière continue entre 1992 et 1997, avant d’amorcer
un mouvement de hausse à nouveau en 1998130. Cependant, une décrue s’est enclenchée dès
1999, traduite par une réduction progressive des montants alloués aux PVD. Ce mouvement
s’est d’ailleurs stabilisé récemment à un niveau historiquement bas par rapport à l’objectif fixé
en 1970 par les Nations Unies d’une APD s’élevant à 0.7%131 du RNB des pays donateurs. On
note que l’aide multilatérale a baissé depuis la fin des années 80. Cette aide, nette des aides
d’urgences, est passée de 6550 millions de dollars Us en 1987/88 à 6060132 millions de Dollars
Us en 1998/99. Plusieurs causes pourraient être avancées pour expliquer ce repli. On peut citer
entre autres le ralentissement de la conjoncture dans les pays donateurs, la fin de la guerre
froide, l’émergence de nouvelles règles contraignantes de politique économique tel que le Pacte
stabilité et de croissance en Union Européenne, et la révolution idéologique dans beaucoup de
pays de l’OCDE. En effet, l’APD baisse parce son efficacité est de plus en plus remise en cause
ou contestée. Deux idées fortes entre autres de cette contestation sont avancées: l’accumulation
du capital n’est plus vue comme la pierre angulaire du développement et les effets pervers de
l’aide sont largement reconnus. La croissance des pays africains bénéficiant d’aides importantes
et orientées pourtant prioritairement vers le développement du capital humain, a baissé, en
moyenne, malgré l’augmentation constante du pourcentage des aides par rapport à leur revenu,
contredisant ainsi les conclusions du Rapport de la CNUCED de 2000 qui établissait une
corrélation forte entre le niveau des dépenses de santé et d’éducation et le niveau de
l’investissement. Plus précisément, les taux de croissance des économies africaines
subsahariennes en recul de 0.2%133 par an en moyenne depuis 1965, sont restés les plus faibles
entre 1990 et 1998.

128
Voir J.P. Komon, Aide publique, Etat moderne et Développement en Afrique, Université de Dschang, 30
Microsoft Word - Jean_Paul_Komon[1].doc (codesria.org),Ibid.
129
Ibid.
130
Ibid.
131
Ibid.
132
Ibid.
133
Ibid.
Chapitre II : Une aide trop peu efficiente

Malgré des années d’aide, il est une vérité indéniable à propos des pays les moins avancées, et
c’est qu’ils sont toujours peu avancés. En effet si on ne peut imputer tous les maux de ces pays
à l’aide au développement, il est pourtant vrai que celle-ci n’a été que très peu productive dans
la plupart des pays où elle à mener son action. Et ceux en dépit d’une abondance de ressources
(Section 1), les résultats sont donc problématiques (Section 2).

31
Section 1 : Une abondance de ressources

Les ressources déployées dans le cadre de l’aide multilatérale ne sont pas à négligée, les
programmes d’aide sont multiples (Paragraphe 1), et les financements accrus (Paragraphe 2).

32
Paragraphe 1 : Une effusion de programme

L’organisation multilatérale de référence en matière de développement est l’organisation des


Nations-Unies, d’où émane la majorité des programmes d’aide au développement à vocation
universel.

L’Onu dans son action est guidée par les objectifs de développement durable depuis 2015, qui
marque la fin de l’agenda OMD. Afin d’encourager le développement dans les zones les moins
avancées l’Onu a au fils des années mis en place plusieurs programme avec pour objectif
principal de réduire la pauvreté dans le monde en ciblant et éliminant les principale causes de
la pauvreté. C’est ainsi que le programme des Nations –Unies pour le développement (PNUD),
aide les pays en développement en leur fournissant des conseils mais également en plaidant
leurs causes pour l'octroi de dons. Ce programme travaille en collaboration avec de nombreux
autres programmes comme l'Onu sida et d'autres organisations internationales (UPU et OMS
notamment). Les principaux axes d’action du PNUD sont : promouvoir la gouvernance
démocratique, réduire la pauvreté, prévenir les crises (catastrophes, guerres), aider à la gestion
durable des ressources (énergie, environnement), empêcher la propagation du VIH/sida, de
manière globale, promouvoir le développement humain. Le PNUD assume également pour le
compte du système des Nations unies la fonction de coordination des activités opérationnelles
des agences onusiennes sur le terrain, dans les pays partenaires, de l'action des Nations unies, à
travers la gestion du Coordonnateur résident du système des Nations unies qui est également
Représentant Résident du PNUD. Ainsi toutes les actions de l’Onu regardant l’aide au
développement apparaissent comme des satellites qui gravitent autour du PNUD et ceux afin
de faciliter la coordination. Le PNUD dans le cadre de ses missions collabore souvent avec
d’autres programmes des Nations-Unies tels que le Plan alimentaire mondial(PAM) ou le
programme des Nation-Unies pour l’environnement(PNUE), afin de lutter plus efficacement
contre la faim dans le monde134, et d’assurer effectivement la protection de l’environnement135.

Le PAM a pour mission d'éliminer la faim et la pauvreté dans le monde, en répondant aux
besoins d'urgence et en appuyant le développement économique et social. Le PAM vise aussi à
réduire le taux de mortalité infantile, à améliorer la santé des femmes enceintes et à lutter contre
la carence de micronutriments. Le PAM fourni une aide alimentaire: aux victimes de

134 33
« Qu’est-ce que le PAM, le Programme alimentaire mondial de l’ONU qui vient de recevoir le Nobel de la
paix? », Le Monde, 9 octobre 2020.
135
La coopération internationale au développement : un vecteur de développement durable?, Élisa Valentin,
Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval 14 décembre 2005.
catastrophes naturelles ; aux personnes réfugiées ou déplacées à l'intérieur de leur propre pays,
contraintes de tout abandonner à la suite de conflits, d'inondations, de sécheresses ou d'autres
catastrophes naturelles ;aux pauvres souffrant de la faim qui n'arrivent pas à se sortir du cercle
vicieux de la pauvreté et de la malnutrition. En 2014, le PAM a distribué plus de 3 millions de
tonnes de nourriture à 80 millions de personnes dans 82 pays 136. La majorité des personnes
assistées (42 millions) ont été atteintes lors d'opérations d'urgence du PAM (dont celles en Irak,
au Soudan du Sud, en Syrie et dans les pays affectés par Ebola en Afrique de l'Ouest). En 2014,
137
le PAM a acheté 2,2 millions de tonnes de produits alimentaires dans 92 pays, 81 % des
produits alimentaires sont achetés directement dans des pays en développement138. En 2014, les
enfants sont demeurés au cœur des efforts déployés par le PAM, ils ont représenté 64 % 139 du
nombre total de bénéficiaires. 25 %140 des personnes souffrant de la faim sont des enfants. Pour
lutter contre la faim chez les enfants, le PAM fournit depuis la fin des années 1960 des repas
de midi gratuits dans les écoles du monde entier. Le PAM est aujourd'hui le plus grand
fournisseur mondial de repas dans les écoles: le PAM intervient pour distribuer des repas à près
de 20 millions141 d’enfants chaque année. En plus d'apporter aux enfants l'assurance d'avoir un
repas chaque jour, les repas scolaires encouragent les familles pauvres à envoyer leurs enfants
à l'école. Dans un nombre croissant de pays, le PAM transfère la responsabilité des programmes
de repas scolaires aux gouvernements et aux communautés partenaires : au cours des 45
dernières années, 38 pays ont repris les programmes de repas scolaires du PAM. En 2014, 7,3
millions d'enfants souffrant de malnutrition ont reçu un soutien nutritionnel spécialisé142.

Quant au PNUE, son action concerne aussi bien les pays moins avancées que les pays
développés. Toutefois son action dans les PMA revêt une importance particulière en ce qu’il
existe dans ces pays un cercle vicieux de pauvreté qui mène souvent à la dégradation de
l’environnement143. Le PNUE est donc chargé de promouvoir un nouveau modèle de
développement qui prend en compte la conservation de l’environnement. Ses activités couvrent
une large étendue de problèmes. De la sauvegarde des écosystèmes marins et terrestres à la
protection de l'atmosphère, en passant par la promotion et amélioration de la science

136
https://fr.wfp.org/notre-action/notre-action, consulté le 13/03/2022 à 15 :53 34
137
Ibid.
138
Ibid.
139
Ibid.
140
Ibid.
141
Ibid.
142
Ibid., consulté le 13/03/2022 à 17 :03
143
La coopération internationale au développement : un vecteur de développement durable?, Élisa Valentin,
Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval 14 décembre 2005
environnementale. Il élabore également des moyens de préventions et de réponses rapides aux
catastrophes environnementales. Le PNUE a ainsi développé des manuels de recommandations
et traités d'applications sur les problèmes tels que le commerce international de produits
chimiques dangereux, la pollution de l'air transfrontalière ainsi que la contamination des routes
maritimes internationales. Il supervise le Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des
effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR), créé en 1955. L'Organisation météorologique
mondiale et le PNUE ont créé le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
(GIEC) en 1988. Les quatre organes principaux du PNUE sont le conseil d'administration, le
forum global des ministres de l'environnement, le secrétariat et le Fonds pour l'environnement
mondial. Pendant deux décennies, l’UNESCO et le PNUE ont dirigé le Programme
international d’éducation relative à l’environnement (1975-1995), lequel fournissait une vision
et des conseils sur la mobilisation de l’éducation pour renforcer la prise de conscience
environnementale. En 1976, l’UNESCO a lancé Connexion, un bulletin de l’éducation relative
à l’environnement qui faisant office d’organe officiel du Programme international d’éducation
relative à l’environnement UNESCO-PNUE (PIEE). Jusqu’en 2007, cette publication servait
de ressource pour l’échange d’informations sur l’éducation à l’environnement (EE), en général,
et pour la promotion des objectifs et des activités du PIEE, en particulier. Elle a aussi permis
de créer un réseau d’institutions et d’individus intéressés et actifs dans le domaine de
l’éducation à l’environnement.144

L’ONU compte de nombreux autres programmes, qui à un moment donnée de leur action
interviennent sur des questions d’aide au développement. En effet la conférence des Nations
unies sur le commerce et le développement (CNUCED), organe subsidiaire de l'Assemblée
générale des Nations unies créé en 1964, vise à intégrer les pays en développement dans
l'économie mondiale de façon à favoriser leur essor. Suite aux revendications145 faites à
l’encontre de la détérioration des termes de l’échange La CNUCED cherche à affirmer la
cohésion des pays du Sud autour d’une revendication majeure : des échanges commerciaux
rééquilibrés. Ce qui suppose l’accès des pays du Sud aux marchés du Nord et l’amélioration
des termes de l'échange. En effet, les pays du tiers monde considéraient que les principes
libéraux fixés par le GATT ne répondaient pas à leurs problèmes spécifiques. Enfin, elle a été
l'un des principaux acteurs du concept de Nouvel ordre économique international (NOEI). La
CNUCED a pour mandat de déterminer les mesures propres à aider les entreprises,

144
UNESCO, Enjeux et tendances de l'éducation en vue du développement durable, Paris, UNESCO, 2018, 308 p 35
145
Principalement celle de l'économiste argentin Raúl Prebisch, à l'initiative et premier président de la CNUCED
et dénonçant la « détérioration des termes de l'échange ».
particulièrement les PME à se conformer aux normes internationales, à promouvoir leur
capacité en matière de technologie et d’innovation, de les aider à accéder aux nouvelles
technologies et de renforcer leur participation dans les chaînes mondiales de valeur. La
CNUCED s'attache à élaborer un cadre directif pour promouvoir les politiques d'entrepreneuriat
et apporte son assistance technique pour le développement des entreprises locales, par exemple
à l'aide du programme Empretec146, présent aujourd’hui dans 32 pays. La CNUCED aide aussi
les pays en développement à mettre en place un environnement propice à la formation de
relations entre les entreprises, et fournit en appui des réseaux de services d’aide aux entreprises.
La CNUCED aide les gouvernements à promouvoir et à faciliter l’investissement, par exemple
en assurant des produits consultatifs pour les stratégies ciblant les investisseurs, la rétention des
investissements et l’appui institutionnel, ainsi qu’en organisant des ateliers et des voyages
d’étude. Elle s'efforce d'améliorer le cadre règlementaire, institutionnel et opérationnel pour
l’investissement dans ces pays. La CNUCED a impulsé un certain nombre d'idées dont : l'accord
sur le système généralisé de préférences (SGP) « en vertu duquel les pays développés appliquent
des droits très faibles ou nuls à de nombreux produits exportés par les pays en développement,
sans recherche de concessions commerciales en contrepartie ». La création d'un fonds commun
pour les produits de base, destiné à financer des stocks régulateurs internationaux ainsi que le
pôle recherche-développement. Ainsi que l'accord sur le montant de l'aide publique au
développement (ADP) de la part des pays donateurs : 0,7 % du PNB pour l'aide au PED en
général et 0,15 %147 pour l'aide aux pays les moins avancés (PMA). Ce point n'a toutefois jamais
été respecté.

L’ONU n’est pas la seule organisation internationale d’où émane des programmes d’aide au
développement, l’Union européenne, a également défini des politiques qui s’inscrivent dans le
cadre de l’aide publique. En effet, La politique européenne de développement a pour objectif
de combattre la pauvreté dans le monde. Elle remonte à la fin des années 1950, avec la mise en
place du premier Fonds européen de développement (FED) et la conclusion en 1963 de la
convention de Yaoundé qui associait les six États de la Communauté européenne (France,
Allemagne (de l’Ouest), Italie, Pays-Bas, Luxembourg et Belgique) à 18 États africains. Ce
partenariat est ensuite élargi avec la convention de Lomé en 1975, traité de coopération

146
Empretec est un programme intégré de développement de la capacité entrepreneuriale, des Nations-Unies. 36
Il a pour objectif la création de structures durables de soutien à des entrepreneurs prometteurs, désireux de
créer ou de développer des PME novatrices et compétitives sur Le marché international.
147
« Marchés internationaux de matières premières et développement Introduction » par Serge Calabre,
Mondes en développement, 2003.
commerciale avec 46 Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP). Dans le cadre
de cette politique l’union européenne a mis en place de nombreux programmes. Le traité de
Maastricht (1992) reconnaît la coopération au développement comme politique européenne
complémentaire de celles des États membres. L’Union européenne se dote alors d’autres
instruments de développement (programmes régionaux pour l’Amérique latine, l’Asie, les pays
méditerranéens, etc.) et de lignes budgétaires thématiques. Depuis l’entrée en vigueur du traité
de Lisbonne en 2009, la coopération au développement est une compétence partagée de l’Union
européenne et des Etats membres.

37
Paragraphe 2 : Des financements accrus

Si les flux d’aide publique en direction des pays d’Afrique subsaharienne ont baissés en 2020,
elle n’en demeure pas moins conséquente. Les pays africains bénéficient en effet d’importants
financements depuis 1960, des financements sous formes de prêts ou de dons, censées
sponsoriser leur développement. L’un des premiers émetteur de financement de ces pays fut et
reste la Banque Mondial.

La Banque Mondial fait partie des institutions spécialisées du système de l'Organisation des
Nations unies, et est le premier préteur d’argent d'origine publique au monde. Elle accorde des
prêts à des taux préférentiels à ses pays membres en difficulté. En contrepartie, elle réclame
que des dispositions politiques appelées « politiques d'ajustement structurel » soient prises pour,
par exemple, limiter la corruption, maintenir un équilibre budgétaire ou faciliter l'émergence
d'une démocratie. En 2018, la Banque mondiale a dépensé 67 milliards de dollars148 dans le
monde, dont pour l'atténuation des changements climatiques, la conservation des forêts, la santé
publique et les universités. Fin 2018, elle a décidé de doubler ses prêts pour la lutte contre le
changement climatique, les portants à 200 milliards de dollars entre 2021 et 2025,
conformément aux accords de Paris sur le climat.149

En tant qu’institution internationale, la Banque mondiale intervient au profit des pays en


développement en octroyant à ceux qui lui en font la demande des prêts assortis de faibles taux
d’intérêt, des crédits sans intérêt ou encore des dons. Elle accorde également sa garantie pour
couvrir le risque de défaut de paiement du service de la dette d’un Etat qui emprunte sur les
marchés financiers. Elle intervient aussi en faveur des entreprises privées des pays en
développement, soit sous forme de prise de participation (apport en fonds propres), soit sous la
forme de garantie destinée à couvrir le risque de crédit pour les banques prêteuses de fonds.
Pour financer ses interventions en faveur des pays en développement, la Banque mondiale
procède à des emprunts obligataires sur les marchés financiers mondiaux. En 2019, elle a levé
des fonds à hauteur de 54 milliards de dollars150 via des émissions obligataires libellées en 27
monnaies différentes. Le solde de ses ressources provient des 189 pays membres qui lui versent
leurs quotes-parts et qui, pour les quarante plus riches, versent en outre des allocations à
l’Association internationale de développement selon un rythme triennal. La Banque mondiale
fonctionne de fait comme une banque d’investissement qui emprunte sur les marchés financiers

148
Vijaya Ramachandran, « The World Bank must clean up its act » , Nature, 19 mars 2019. 38
149
Ibid.
150
Ibid.
et prête les ressources obtenues à ses pays membres qui lui en font la demande. Il est toutefois
très rapidement devenu évident que la Banque mondiale se finançant au taux du marché
obligataire, et par conséquent prêtant à un taux très proche de celui-ci, beaucoup de pays
pauvres se trouvaient dans l’incapacité de bénéficier de ses financements. En outre, les besoins
de ces pays étaient surtout concentrés dans des secteurs (agriculture, éducation, social) dont la
rentabilité économique est incertaine. C’est la raison pour laquelle fut décidée la création de
l’Agence internationale pour le développement (AID) en 1960. Celle-ci, à la différence de la
BIRD, accorde en effet des prêts « concessionnels », c’est-à-dire à taux réduits, grâce aux fonds
apportés par les pays membres les plus riches. Par ailleurs, les statuts de la Banque mondiale
ne lui permettent d’accorder des prêts qu’à des Etats ou à des entités pour lesquels ils se portent
garants. De ce fait, la Banque mondiale ne pouvait intervenir qu’en faveur du secteur public.
Afin de pouvoir aussi financer le secteur privé, elle a créé la Société financière internationale
(SFI) en 1956 qui fonctionne comme une banque d’affaires et se doit donc d’être rentable. Le
montant des financements accordés par celle-ci a atteint 19 milliards de dollars en 2019 au
profit de plus de 1 900 entreprises présentes dans plus de 100 pays en voie de développement.
Ainsi plus de dix-huit milliards de dollars a été accordée en 2019 par la BM rien qu’en Afrique
sub-saharienne.151 Plus récemment la BM a débloqué plus de 272 milliards FCFA 152 pour
financer divers projets de développement au Sénégal. Quatre accords ont été ainsi conclus le 12
avril 2022 entre le pays d’Afrique de l’Ouest et l’institution financière. Ces contrats couvrent
plusieurs secteurs et visent principalement l'électricité, l'éducation, l'agriculture et le
désenclavement du sud du pays où les opérations de l'armée contre la rébellion ont repris ces
derniers jours. Ainsi, le Projet d'amélioration des performances du système Éducatif (Papse), le
Projet d'amélioration de l'accès à l'électricité au Sénégal (Padaes), le Projet de développement
économique de la Casamance (Pdec) et le Programme d'amélioration de la connectivité dans
les zones de production agricole du nord et du centre du Sénégal (Pcza) vont bénéficier du
soutien de la Banque mondiale. Selon le ministre, le premier accord va absorber plus de 30%
du financement, soit 82,5 milliards153, et vise à accroître l'accès aux services d'électricité pour
les ménages, les entreprises et les installations publiques essentielles au Sénégal. Le deuxième
accord, financé à hauteur de 110 milliards FCFA, soit près de 40% 154, va améliorer la
connectivité routière dans les principales zones agricoles du centre et du nord du pays. Le centre

151
https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/acteurs-de-la-finance/institutions- 39
financieres-internationales/banque-mondiale/, consulté le 14/03/2022 à 03 :30.
152
Ibid.
153
Ibid.
154
Ibid.
du pays est connu pour la culture de l'arachide alors que dans le nord, bordé par le fleuve, les
populations ont la possibilité de cultiver en dehors de l'hivernage. Le troisième point du contrat
avec l'institution de Bretton Woods est lié à un projet d'amélioration du système éducatif pour
près de 55 milliards FCFA155. Quant au dernier aspect, financement pour près de 25 milliards156,
il vise à renforcer la cohésion sociale et la résilience des communautés en Casamance.

Outre les fonds institués par les Nations-Unies dans le but de financer les programmes d’aide
au développement, la banque mondiale n’est pas la seule institution de financement, d’ailleurs
la BM a été créer en complément du fonds monétaire internationale. Le FMI a pour fonction
d'assurer la stabilité du système monétaire international (SMI) et la gestion des crises
monétaires et financières. Pour cela, il fournit des crédits aux pays qui connaissent des
difficultés financières mettant en péril l'organisation gouvernementale du pays, la stabilité de
son système financier (banques, marchés financiers) ou les flux d'échanges de commerce
international avec les autres pays. Lors d'une crise financière, pour éviter qu’un pays ne fasse «
défaut » (c’est-à-dire que ce pays ne puisse plus rembourser ses créanciers, voire ne plus payer
ses dépenses courantes), le FMI lui prête de l’argent le temps que la confiance des agents
économiques revienne. Tout comme avec la banque mondiale, les crédits accordés par le FMI
sont conditionnés, en l’occurrence les pays ayant bénéficié des crédits du FMI devront mettre
en œuvre des réformes économiques. Ces réformes visent en principe à réguler la gestion des
finances publiques, ce qui peut être perçu comme une ingérence financière, et à établir une
croissance économique équilibrée à long terme. Depuis 1976 ; le FMI joue surtout un rôle de
soutien auprès des pays connaissant des difficultés financières. Lorsqu’un pays est confronté à
une crise financière, le FMI lui octroie des prêts afin de garantir sa solvabilité et d’empêcher
l’éclatement d’une crise financière. Ses interventions se réduisent donc fortement à mesure que
la santé économique du monde s’améliore.

En plus de ces institutions l’ONU comporte un réseau très ramifiée de fonds destinés au
financement de ces programmes et actions. On peut ainsi citer le Fonds de développement des
Nations unies pour la femme (UNIFEM), le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF),
ou encore le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP).

L’UNIFEM a pour rôle de promouvoir la participation des femmes à la vie économique et


politique des pays en voie de développement et d'améliorer la condition des femmes à travers

155
Ibid. 40
156
Ibid.
le monde. En janvier 2011, ce fonds a fusionné avec d'autres entités au sein d'ONU Femmes.
Son objectif est annoncé par la devise « Travailler pour l'émancipation des femmes et l'égalité
entre les sexes ». Il est décliné en quatre points qui sont : réduire la pauvreté et l'exclusion des
femmes, éliminer la violence contre les femmes, arrêter la propagation du VIH/sida dans la
population féminine, élargir l'accès des femmes aux postes de responsabilité au sein des
gouvernements et dans la reconstruction après un conflit. ONUFEM fournit des subventions à
des programmes novateurs à fort impact, réalisés par des agences gouvernementales et des
groupes de la société civile par l’intermédiaire de deux fonds : le Fonds pour l’égalité des sexes
et le Fonds d’affectation spéciale pour mettre fin à la violence contre les femmes. Initiative
multi donateurs, le Fonds pour l’égalité des sexes se consacre aux programmes qui renforcent
les opportunités économiques des femmes et/ou leur participation politique aux niveaux local
et national.

L’UNICEF quant à lui est consacré à l'amélioration et à la promotion de la condition des


enfants. Le Fonds s’est donné pour objectif prioritaire l'éducation des filles ; la vaccination et
la lutte contre le sida et le VIH ; la protection de l'enfance ; la santé des nouveau-nés ; et l'égalité
hommes-femme. Pour financer ses campagnes de vaccination et de sensibilisation, où ses
activités en générale l’UNICEF organise des collecte de fonds. Au sein de l’agence, il y a
différentes manières de collecter des fonds. L’Unicef a justement mis en place une stratégie de
mobilisation des ressources pour être en mesure de satisfaire les besoins des enfants défavorisés.
La première façon de collecter des fonds est la cotisation, pratique courante au sein de plusieurs
organismes. C’est une somme d’argent que l’on paie lorsque l’on veut devenir membre de
l’Unicef. Afin que les individus adhèrent, et paient la cotisation, il faut que son prix soit perçu
comme acceptable. C’est ce que l’on appelle le prix psychologique, c’est la stratégie mise en
place pour trouver le prix qui pourra à la fois satisfaire l'adhérent tout en reflétant une bonne
qualité des services offerts et en couvrant suffisamment les dépenses de l’association 157. Un
second moyen de collecter des fonds est l’appel au don. L’appel aux dons peut se faire par
différents supports communicationnels : par téléphone, courriel, collecte dans la rue, campagne
publicitaire sous forme d’affiche, sur le site internet officiel, etc. Afin que ces appels aux dons
soient efficaces, il faut que l’association cible précisément la population à laquelle sa cause fait
écho pour pouvoir ensuite adapter son mode de communication. Pour ce faire, ils procèdent à
des études de marché sur la population. Il faut savoir qu’il y a différents types de dons : les dons

157
Le marketing de la collecte de dons, le Nouvel économiste, https://www.lenouveleconomiste.fr/dossier-art- 41
de-vivre/le-marketing-de-la-collecte-de-dons-20760/, consulté le 14/03/2022, à 14 :23.
occasionnels et les souscriptions. Ces derniers constituent l’une des sources de revenue les plus
fiables pour l’Unicef, en plus d’être durables et prévisibles. C’est pour cela qu’à l’aide de la
stratégie du « parcours de dons »158 l’UNICEF essaie de faire passer les donateurs ponctuels à
des souscripteurs. Soulignons également que les principaux donateurs (particuliers ou petite
fondation privées) donnent au minimum 100 000 dollars à l’UNICEF chaque année. Et si la
collecte de fonds est aussi efficace, c’est en partie grâce à la mise en place d’un point de
coordination centrale axé sur les différents partenariats avec les fondations, et la coordination
du réseau mondial des principaux collecteurs de fonds159.

Comme derniers exemple nous pouvons évoquer le FNUAP, qui est la plus grande source des
fonds de développement international pour la population, pour la planification familiale et à la
santé de la mère et de l'enfant. En travaillant avec des gouvernements et des ONG dans plus de
140 pays, le fonds appuie des activités (notamment en faveur du droit à la santé et pour l'égalité
des chances) qui donnent de l'aide aux femmes, hommes et jeunes. Les financements
proviennent généralement des dons des pays à fort revenu intérieur, ainsi en En 2004, le total
des dons fut plus de cinq cents millions de dollars160

158
Un “parcours donateur” n’est autre qu’une série d’ emails de remerciements et de bienvenue conçus 42
spécifiquement pour accueillir de nouveaux donateurs, réduire les “regrets” des donateurs et favoriser un
engagement supplémentaire. Le parcours se compose donc d’une série de messages envoyés sur une période
donnée.
159
Stratégie de mobilisation des ressources de l’UNICEF https://www.unicef.org/about/execboard/files/2016-
EB3-Resource_mobilization_strategy-FR-4Jan2016.pdf, consulté le 15/03/2022 à 04 :47
160
https://www.un.org/press/fr/2017/sga1763.doc.htm, consulté le 15/03/2022 à 06 :44
Section 2 : Des résultats problématiques

Les pays les moins avancé font face à des problèmes économiques dus à la faiblesse de leurs
économies (Paragraphe 1) ainsi qu’à la question de la dette publique à laquelle ils sont
confrontés (Paragraphe 2).

43
Paragraphe 1 : La faiblesse des économies des PMA

L’acronyme PMA, forgé en 1971 par le Conseil Économique et Social de l’ONU, rassemble
en 2021 46 pays en « difficulté » contre 21 pays lors de sa création 161. Les PMA, sont au plus
bas dans la chaine alimentaire des pays en développement, soit selon l’ONU le « maillon le
plus faible et le plus pauvre » de la communauté internationale. 33 de ces pays sont situés en
Afrique, 9 en Asie, 3 en Océanie et un dans les Antilles. Le président mauritanien avait annoncé
publiquement la sortie de son pays en 2014, mais la Mauritanie figure toujours, pour l'instant,
sur la liste. Parmi les 33 PMA situé en Afrique 26 sont des pays de l’Afrique sub-sahariennes162,
cette zone se révèle donc particulièrement problématique en ce qu’elle abrite à elle seule plus
de la moitié des PMA.

Si leurs handicaps structurels peuvent varier, ces pays présentent tous une caractéristique
commune : une faible économie. En effet, les PMA font face à des difficultés économiques
chroniques qui les préviennent d’occuper une place significative dans le commerce
internationale. En outre l’économie intérieur de ces pays peinent à se stabiliser avec des
environnements économiques généralement influencées par des régimes politiques instables, et
un climat compétitif déséquilibrés. Les résultats commerciaux de la plupart des pays les moins
avancés (PMA) ont toujours été marqués par des déficits chroniques, et cette situation ne s'est
pas inversée récemment.

Les économies des PMA ont connu une croissance plus forte que prévue au lendemain de la
crise financière mondiale de 2008 à 2009, atteignant un taux annuel de près de 5%163 pendant
la période allant de 2011 à 2017. Cette croissance s'est accompagnée d'une augmentation
annuelle de 2,7%164 de leurs recettes d'exportation (de biens et de services) au cours de la même
période. Ces bons résultats ont toutefois été éclipsés par une croissance beaucoup plus rapide
des importations. Le volume des importations de marchandises, qui a été multiplié par 3,5165

161
https://unctad.org/fr/press-material/qui-sont-les-pays-les-moins-avances-2, consulté le 14/03/2022 à 15 :00
44
162
https://economic-research.bnpparibas.com/Views/SearchByCountryView.aspx?Lang=fr-
FR&Zone=AS&Page=Page1, consulté le 14/03/2022 à 15 :31.

163
https://trade4devnews.enhancedif.org/fr/news/la-faiblesse-des-capacites-productives-des-pma-entraine-
des-deficits-exterieurs-et-une#:~:text=Novembre%2014%2C%202019-
,La%20faiblesse%20des%20capacit%C3%A9s%20productives%20des%20PMA%20entra%C3%AEne%20des%20d
%C3%A9ficits,l'%C3%A9gard%20du%20financement%20ext%C3%A9rieur&text=Depuis%20toujours%2C%20les
%20pays%20les,affichent%20des%20d%C3%A9ficits%20commerciaux%20chroniques., consulté le 14/03/2022
à 16 :00.
164
Ibid.
165
Ibid.
entre 2000 et 2017, a augmenté plus rapidement que celui des exportations et n'a connu qu'un
léger ralentissement depuis 2009166. Cette évolution a été stimulée par une croissance rapide de
la consommation, en particulier celle des biens dont l'élasticité revenu des importations est
relativement élevée, par des besoins d'investissement importants nécessitant des biens
d'équipement importés ainsi que par la demande d'intermédiaires importés dans le contexte des
activités des chaînes de valeur mondiales.

L’évolution inquiétante du commerce des PMA, malgré une forte croissance s’explique par la
faiblesse des capacités productives et l'incapacité de ces pays à réaliser une transformation
structurelle vers des activités et des secteurs plus modernes et plus productifs. Par conséquent,
les exportations des PMA sont très concentrées sur les produits de base et les produits
manufacturés à faible valeur ajoutée (en particulier les vêtements). Les produits de base ont
représenté plus de 57%167 des exportations totales de marchandises du groupe entre 2015 et
2017. La croissance positive des exportations des PMA ces dernières années ne s'est
accompagnée que d'une diversification ou d'une modernisation très limitées de leurs paniers
d'exportation. De même, la croissance économique continue d'entraîner une forte hausse des
importations. Ces résultats généralement faibles du commerce extérieur des PMA sont en
grande partie responsables de la balance courante négative de ces pays (qui inclut également
les envois de fonds en plus du commerce extérieur). La moitié des PMA ont enregistré des
déficits chroniques de leur balance courante pendant la période allant de 2002 à 2017. Les
déficits se sont maintenus même pour les autres PMA, qui n'ont enregistré des excédents que
de manière sporadique. Les seuls PMA qui ont régulièrement réalisé un excédent courant ont
été les quelques grands exportateurs de produits de base (notamment l'Angola, la République
démocratique du Congo et le Timor Leste) ou des pays dans lesquels les déficits commerciaux
chroniques ont été plus que compensés par des envois de fonds importants des travailleurs
(notamment le Bangladesh, le Lesotho et le Népal)168.

166
https://trade4devnews.enhancedif.org/fr/news/la-faiblesse-des-capacites-productives-des-pma-entraine- 45
des-deficits-exterieurs-et-une#:~:text=Novembre%2014%2C%202019-
,La%20faiblesse%20des%20capacit%C3%A9s%20productives%20des%20PMA%20entra%C3%AEne%20des%20d
%C3%A9ficits,l'%C3%A9gard%20du%20financement%20ext%C3%A9rieur&text=Depuis%20toujours%2C%20les
%20pays%20les,affichent%20des%20d%C3%A9ficits%20commerciaux%20chroniques., consulté le 14/03/2022
à 16 :00.
167
Ibid.
168
Les pays les moins avancés ont d'autant plus de difficultés à créer des emplois qu'ils sont confrontés à un
ralentissement de leur croissance économique, https://unctad.org/fr/press-material/les-pays-les-moins-
avances-ont-dautant-plus-de-difficultes-creer-des-emplois-quils, consulté le 14/03/2022 à17 :03
Les économistes du CNUCED préviennent que le recul de la demande d’exportations et la
baisse des prix des matières premières industrielles et des denrées agricoles de base, dont
beaucoup de PMA dépendent pour leurs exportations, constituent les principales raisons de
s’inquiéter de l’avenir. En 2020, le déficit cumulé de la balance des marchandises des PMA
devrait dépasser le montant record enregistré en 2019 (91 milliards de dollars). De même, les
exportations de services de ces pays ont été durement frappées par la quasi-stagnation de leur
principal secteur exportateur, à savoir le tourisme169.

Une croissance économique soutenue ne peut être rendue possible que par l’expansion, le
développement et la pleine utilisation des capacités productives. Celles-ci doivent donc occuper
une place centrale dans les stratégies de développement nationales et internationales. Le
problème principal que présente les PMA est qu’ils peinent à passer de la théorie à la pratique
dans le domaine de la productivité et de la transformation structurelle. Le développement des
capacités productives a lieu, premièrement, au sein des entreprises/secteurs lorsque le couple
profit-investissement encourage l’intensification du capital et la hausse de la productivité. Il se
déroule, deuxièmement, dans l’ensemble des secteurs, à mesure que l’acquisition de capacités
productives, qui dépend elle-même de la structure de la production, ouvre la voie à l’apparition
de nouveaux produits et à l’exercice d’activités à plus forte valeur ajoutée. Le processus de
développement des capacités productives repose sur une relation dynamique entre l’offre et la
demande, qui se renforcent mutuellement, dans la mesure où l’expansion de la demande globale
permet de densifier les liens intersectoriels, de réaffecter les facteurs et de bénéficier
d’externalités pécuniaires, tous ces éléments assurant collectivement la viabilité financière des
investissements, y compris ceux réalisés dans « l’infrastructure économique et sociale »170.

Les capacités productives se développent progressivement grâce à un triple processus :


l’accumulation de capital et de ressources ; l’apprentissage technologique et l’innovation ;
l’intensification de la division du travail et l’accroissement de la spécialisation des secteurs, des
entreprises et des exploitations agricoles. . Ce triple processus débouche sur la transformation
structurelle de l’économie. Il s’agit d’un processus complexe qui est multidimensionnel et qui
comprend la réorientation des capacités productives d’un pays donné (ressources naturelles,
terres, capital, travail et savoir-faire) allouées à des activités économiques à faible productivité
vers des activités à forte productivité (généralement mesurée par la productivité du travail,
c’est-à-dire la valeur ajoutée créée pendant une période de travail donnée). Une autre définition

169
Rapport 2020 sur les pays les moins avancés , CNUCED. 46
170
Ibid. p.23
de la transformation structurelle est l’aptitude d’une économie à créer en permanence de
nouvelles activités dynamiques caractérisées par une productivité plus élevée et des rendements
d’échelle croissants. Le processus de transformation structurelle revêt diverses formes à
différents niveaux de revenu. À un niveau de revenu faible, il résulte essentiellement du
transfert de ressources d’un secteur à l’autre. C’est le cas des PMA, qui sont nombreux à se
situer aux étapes initiales de la transformation structurelle. Par contre, à un niveau de revenu
élevé, le transfert de ressources entre les secteurs est pratiquement achevé et la transformation
structurelle prend essentiellement la forme d’un transfert de ressources au sein des secteurs. La
transformation structurelle des activités productives de l’économie s’inscrit dans un contexte
économique, social et institutionnel particulier avec lequel elle interagit, l’une et l’autre
s’influençant mutuellement. Les ressources productives comprennent les infrastructures
matérielles, qui permettent la prestation de services dans les domaines notamment de l’énergie,
des transports, des communications, de l’irrigation, de l’eau et de l’assainissement. Ces services
doivent être disponibles et d’un coût abordable pour que le développement des unités
productives soit possible car ils permettent d’obtenir des intrants essentiels à l’activité des
entreprises et des exploitations agricoles et influent sur le prix que les entreprises paient pour
accéder aux ressources et aux marchés d’intrants et de produits. Ils jouent également un rôle
déterminant dans l’amélioration du niveau de vie et dans le bien-être des individus et des
ménages. Le rythme de la transformation structurelle de la production s’est essoufflé dans le
monde entier entre 2001-2011 et 2011-2017 en raison du ralentissement général de la croissance
économique mondiale qui a suivi la crise financière mondiale de 2008-2009 et de ses
conséquences persistantes171.

Majoritairement dans les PMA africains Le transfert de ressources s’est fait en majeure partie
au profit du secteur tertiaire (les services). La plupart de ces pays ont connu un processus de
réallocation de la main-d’œuvre employée dans les activités agricoles à faible productivité vers
les activités urbaines à faible productivité surtout présentes dans le secteur informel des
services. Afin de d’aider au mieux les PMA à améliorer leur capacité productive la CNUCED
a mis au point un indicateur global mesurant la dotation en facteurs productifs, leur gestion et
leur transformation ainsi que l’efficacité des interactions entre les marchés. L’Indice des
capacités productives (ICP) est le fruit du travail analytique le plus poussé réalisé jusqu’à ce
jour de par son ampleur et sa technicité. Il englobe huit grandes catégories qui ont été définies

171
Rapport 2020 sur les pays les moins avancés, CNUCED, Ibid. p.25 47
grâce à de nombreux indicateurs et qui représentent les principaux moyens de développer les
capacités productives d’un pays, à savoir : l’énergie, le capital humain, les TIC, les ressources
naturelles, l’infrastructure des transports, les institutions, le secteur privé et le changement
structurel. Chaque catégorie a son propre sous-indice. L’ICP devrait ajouter une dimension
cruciale à l’évaluation des progrès accomplis par les PMA dans la réalisation de leurs objectifs
convenus au niveau international, notamment dans le cadre des priorités thématiques du
Programme d’action en faveur des pays les moins avancés pour la décennie 2011-2020 appelé
« Programme d’action d’Istanbul ».

A l’heure actuelle cependant les PMA africains continuent à avoir du mal à diversifier leur
économie et à développer des activités économiques à forte productivité. Compte tenu de la
part encore très importante de l’agriculture dans l’emploi, le potentiel de transformation
structurelle de ces pays est très grand. Les PMA africains doivent résoudre deux problèmes
actuels, à savoir : accélérer fortement le rythme de croissance de la productivité du travail
agricole et créer de nombreux emplois dans d’autres secteurs pour faire face à l’augmentation
rapide de la population. En outre, ces nouveaux emplois doivent avoir une productivité
nettement plus élevée que ceux du secteur agricole.

48
Paragraphe 2 : L’augmentation de la dette publique des PMA

Bien qu’une grande partie des financements accordées à la l’Afrique sub-saharienne pour
encourager son développement, sont des dons, une partie non négligeable de ceux-ci
apparaissent sous la forme de prêts, le développement a donc un prix. Prix que la plupart des
pays les moins avancés peine à payer ce qui peut leur valoir d’être classé dans la catégorie des
pays pauvres très endettés.

Dans les années 1980-1990, les financements de la BM aux PMA, plus particulièrement ceux
d’Afrique sub-sahariennes se sont révélés être des épées à doubles tranchant. En effet, de 1968
à 1973, la BM multiplie ses prêts par 10 et plus encore pendant les 5 années suivantes. Les pays
en développement s'endettent massivement et leur dette est multipliée par 12 entre 1970 et
1980172. Très peu de contrôle s’exerce alors sur ces prêts et les capacités de remboursement ne
font pas l’objet d’une attention particulière. Dans le même temps, les prix des matières
premières agricoles (café, thé, cacao...) exportées par les pays africains baissent du fait d’une
situation durable de surproduction et la détérioration des termes de l’échange conduit à une
diminution de leur solvabilité. La très forte hausse des taux d’intérêt au début des années 80,
résultat de la politique monétaire américaine173, alourdit les conditions de remboursement des
prêts souscrits. Pour les pays emprunteurs, la charge des intérêts est multipliée par 3. Ils sont
bientôt contraints d’emprunter pour rembourser. Pour tous les pays pris entre le poids croissant
de la dette et la baisse des revenus d’exportation, c’est le début d'une spirale infernale.

Cette crise de la dette publique des pays d’Afrique subsaharienne est une conséquence indirecte
de la crise mexicaine de 1982. Les Etats africains alors fortement endettés doivent assurer un
service de la dette en forte hausse avec des revenus en, baisse et accumulent les difficultés de
paiement. Simultanément, l'aide publique au développement sert de plus en plus au
refinancement de la dette souveraine envers les créanciers publics et de moins en moins aux
investissements économiques et sociaux. La doctrine du « moins d'État »174 prônée par les

172
Jacques Legrand, « BRÈVE HISTOIRE DE LA DETTE DES PAYS D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE », Revue technique 49
et financière, 2016/2 n° 123, P.10
173
David P. Coe, Marthe Durand et Ulrich Stiehler, « La désinflation des années 80 », 35258675.pdf (oecd.org),
consulté le 20/03/2022, à 01 :31.
174
Conformément à la doctrine libérale élaborée aux 18ème et 19 ème siècles, le rôle de l’Etat était le maintien
de l’ordre public et la réalisation des missions régaliennes. C’est la conception de l’Etat-Gendarme. Selon cette
conception, le Budget de l’Etat avait pour mission de financer la force publique, la justice, la diplomatie. Toute
autre dépense publique, surtout dans le secteur économique et social, ne répondait pas, selon les Classiques,
au rôle de l’Etat et portait atteinte à la liberté individuelle, à l’initiative privée et aux lois naturelles de
l’économie du marché.
institutions internationales les amène à privilégier une gestion financière de la crise de la dette
à travers des programmes de rééchelonnement et à l’application difficile des remèdes des plans
d’ajustement structurel (PAS).

En Afrique subsaharienne, les plans d’ajustement structurel sont adoptés par la plupart des pays
entre les années 1980 et 2000 et visent à réduire le triple déséquilibre structurel des finances
publiques, de la balance commerciale et de l’endettement extérieur. Globalement, ces PAS
cherchent à répondre à la montée des taux d’endettement de ces pays et aux difficultés
croissantes de paiement des États, mais ne s’engagent pas dans la correction à long terme de la
double vulnérabilité fondamentale des pays : celle liée à leur très faible diversification
économique, et donc à leur totale exposition aux chocs découlant de la volatilité des cours des
matières premières, et celle résultant de leurs fragilités institutionnelles et politiques.

Les PAS se pourtant révélés incapable de ramener le ratio de la dette à un niveau acceptable.
Une dynamique de restructuration des dettes est alors, engagée partir du milieu des années 90.
A travers l’histoire les crises de la dette publique ont connu plusieurs procédure de règlements,
mais toutes impliquent de mettre à contribution les créanciers qui ont insuffisamment mesuré
le risque de non-remboursement. Les institutions publiques bilatérales d’appui au
développement, puis les prêteurs privés accordent des réductions croissantes de dettes à travers
les mécanismes du Club de Paris175 et du Club de Londres176. Les grandes institutions
multilatérales regroupées autour de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international
(FMI), réservées, dans un premier temps, à consentir ce processus d’effacement partiel de leurs
créances, finissent par mesurer la gravité de la situation des pays d’Afrique subsaharienne et
mettent en place en 1996, l’initiative dite « des Pays Pauvres Très Endettés » (PPTE). Cette
initiative vise, par une action concertée entre les institutions multilatérales, à réduire le poids
de la dette des pays très pauvres et surendettés à un niveau soutenable, c'est-à-dire à un niveau
qui leur permette de servir leur dette avec leurs recettes d'exportations. Alors que 41 pays sont
classés comme PPTE par la Banque mondiale, seule une poignée d’entre eux bénéficient, dans

175
Le Club de Paris est un groupe informel de créanciers publics dont le rôle est de trouver des solutions 50
coordonnées et durables aux difficultés de paiement de pays endettés. Les créanciers du Club de Paris leur
accordent un allègement de dette pour les aider à rétablir leur situation financière. Cet allègement de dette
peut être obtenu par un rééchelonnement ou, en cas de traitements concessionnels, une réduction des
obligations du service de dettes pendant une période définie (traitements de flux) ou une date fixée
(traitements de stock).
176
Le club de Londres est un groupe informel de créanciers privés (banques commerciales, fonds
d'investissement) qui s'occupe de dettes publiques. Bien qu'inspiré du club de Paris, il préfère rééchelonner les
dettes. Sa première rencontre eut lieu en 1976 à Londres, pour tenter de résoudre les problèmes de paiements
du Zaïre.
un premier temps, de l’initiative d’allègement de la dette177. Face à cette situation, un grand
mouvement international se met en marche et des millions de signatures demandant l’annulation
de la dette sont recueillies au niveau mondial. En juin 1999, au G7 de Cologne, des
modifications sont apportées afin d’élargir la liste des pays éligibles, d’augmenter le montant
et la rapidité de l’allègement et de davantage lier allégement de la dette et réduction de la
pauvreté. Cette nouvelle initiative porte sur un allègement de 70 milliards de dollars 178, répartis
sur 34 pays, soit un tiers de la dette de l’ensemble des pays très pauvres et très endettés.

Finalement la question de l’annulation de la dette de ces pays sera soulevée au G8 de


Gleneagles de juillet 2005. A la suite du G8 une initiative de l’annulation de la dette
multilatérale des pays les plus pauvres est décidée. Cette initiative vise à annuler la dette de ces
pays à l’égard de trois institutions financières internationales le FMI, la BM, et la Banque
africaine de développement (BAfD). Ces institutions qui réalisaient déjà, dans le cadre de
l’initiative PPTE, les mêmes efforts d’annulation que ceux effectués par les autres créanciers,
renforcent d’autant plus leur engagement en faveur de l’allègement de la dette des pays pauvres.
Pour bénéficier de cette assistance, un pays doit satisfaire préalablement plusieurs critères,
notamment être emprunteur exclusivement IDA179, faire face à une charge de la dette
insurmontable, et avoir engagé des réformes dans le cadre d’un programmes conclu avec le
FMI. C’est conséquemment aux concessions et dispositifs de ces différentes institutions
financières que la dette publique des pays les plus pauvres d’Afrique sub-saharienne s’est
allégée dans le début des années 2000.

Pourtant ce répit n’aura duré que quelques années pour les pays d’Afrique sub-saharienne, très
vite la question de l’endettement réapparait avec des risques accrus de non soutenabilité.
L’initiative de l’annulation de la dette multilatérale des pays les plus pauvres a pourtant eu un
effet très net sur le stock dette des pays africains. Le stock de dette officielle multilatérale a
diminué́ de 43 %180 entre 2004 et 2006, et le stock de dette officielle bilatérale a diminué de 46

177
La Bolivie, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guyane, le Mali, le Mozambique et l’Ouganda. 51
178
Jacques Legrand, « BRÈVE HISTOIRE DE LA DETTE DES PAYS D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE », Revue
technique et financière, 2016/2 n° 123, Ibid. P.11
179
L’Association internationale de développement (IDA) est l’institution de la Banque mondiale qui aide les pays
les plus pauvres de la planète. Fondée en 1960, l’IDA accorde des prêts et des dons destinés à des programmes
de nature à stimuler la croissance économique, à réduire les inégalités et à améliorer la vie des plus démunis.
L’accès aux ressources de l’IDA est soumis essentiellement au critère de la pauvreté relative, le revenu national
brut par habitant du pays devant être inférieur à un seuil établi et actualisé chaque année (soit 1 215 dollars
pour l’exercice 2015).
180
Jacques Legrand, ibid.p12.
%181 sur la même période. Néanmoins les pays ayant bénéficié de ces annulations se sont
rendettés sans interruption depuis 15 ans. Le stock de dette a retrouvé dès 2014 le sommet
atteint avant l’établissement des PPTE en 2004182. Ce plafond a ensuite été largement dépassé
: fin 2019, le stock de dette global des pays d’Afrique subsaharienne a atteint 395 milliards183
de dollars soit presque le double du niveau de l’année 2004 et le triple du point bas consécutif
aux annulations, atteint en 2006. Dans le détail, les encours de dette par type de créanciers ont
tous nettement augmenté par rapport à l’année 2006 égale à +179 %184 pour les créanciers
multilatéraux, +123 pour les créanciers bilatéraux et +470 % pour les créanciers privés.185

Le PIB de la zone Afrique Sub-Saharienne (ASS) ayant progressé moins rapidement, les taux
d’endettement post-annulation ont nettement augmenté. Le ratio d’endettement moyen dans la
zone est passé d’une moyenne de 33,5 % entre 2010 et 2017 à 50,4 % en 2019 puis 57,3 %186
fin 2020. Dans certains pays, le ratio a même dépassé les niveaux pré-annulation, notamment
au Mozambique (128,5 %) ou au Cap Vert (158,1 %).187

Le service de la dette publique des pays d’Afrique subsaharienne a plus que triplé entre 2010
et 2019, reflétant à la fois la hausse de l’endettement et des taux d’intérêt plus élevés servis aux
créanciers privés. Le service de la dette rapporté aux recettes publiques a augmenté, signalant
une forte vulnérabilité dans certains pays, par exemple au Nigéria où il atteint près de 85,5 %
en 2021 selon les prévisions du FMI, 139 % des recettes de l’État nigérian pourraient être
destinées au paiement du service de la dette en 2026188. Cette hausse du service de la dette
reflète en partie l’augmentation du taux moyen annuel des nouveaux financements octroyés sur
un an en Afrique subsaharienne, passé de 2,3 % en 2010 à 3,7 % en 2019189. Ce renchérissement
est principalement imputable à la hausse des taux d’intérêt privés, passés de 3,7 % à 6,0 %190
sur la même période, alors que les taux officiels restaient stables en moyenne autour de 1,8
%191. La conséquence est que le nombre des pays à faible risque de surendettement a décliné

181
L’endettement de l’Afrique subsaharienne, Direction générale du Trésor – République française, janvier
52
2022 – WATHI, consulté le 15/03/2022 à 14 :16.
182
Ibid.
183
Ibid.
184
Ibid.
185
L’endettement de l’Afrique subsaharienne, Direction générale du Trésor – République française, janvier
2022 – WATHI, consulté le 15/03/2022 à 14 :16.
186
Ibid.
187
Emma Hooper, Valentine Le Clainche, Clément Seitz, L’endettement de l’Afrique subsaharienne, Direction
générale du Trésor – République française, janvier 2022.
188
Emma Hooper, Valentine Le Clainche, Clément Seitz, ibid.
189
Ibid.
190
Ibid.
191
Ibid.
depuis 2013 selon le FMI, tandis que la part des pays avec un risque élevé ou en surendettement
est en hausse.

Certains pays africains ont pourtant pu échapper à la récession en 2020, grâce à une économie
diversifiée et résiliente. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, où le stock de dette publique est resté
maîtrisé, avec un niveau d’inflation faible. Si certains pays africains n’ont accès aux marchés
qu’à un coût élevé, pour d’autres les émissions d’Eurobonds permettent de lever des ressources
à long terme (entre 10 et 30 ans) et de réduire le risque de refinancement tout en allongeant la
maturité moyenne de leurs dettes publiques. C’est le cas des récentes émissions du Bénin
(janvier 2021) et de la Côte d’Ivoire (février 2021), qui incluaient des opérations de reprofilage
de dette permettant de lisser les remboursements à venir et de racheter des séries d’Eurobonds192
précédemment émises.

Au regard de cette situation il est urgent pour les pays africains d’établir des politiques
budgétaires et fiscales qui peuvent les aider à atténuer leur dépendance à la dette et les situations
de surendettement. Pour ce faire, il faudra améliorer l’efficience de l’administration fiscale,
rationaliser les dépenses fiscales, lutter efficacement contre l’évasion fiscale et les flux
financiers illicites et faire face à la corruption et à la fraude. Il est nécessaire pour les pays
africains, de travailler de manière coordonnée sur des solutions endogènes de financement de
leurs urgences telles que le développement des marchés financiers locaux, et sur la création des
conditions et réformes d’une meilleure coopération avec les créanciers privés.

192
Un euro bonds ou euro-obligation est un emprunt émis en commun par les pays de la zone euro sur les 53
marchés. Concrètement, les euros bonds consistent à mutualiser, à l’échelle européenne, la dette des pays de
la zone euro. C’est-à-dire que les pays mettent en commun leur dette, et la remboursent ensemble, en
émettant ensemble ce que l’on appelle des obligations.
Il permettrait aux pays les plus fragiles de la zone euro, qui doivent actuellement verser des primes de risque
très fortes pour emprunter, de bénéficier des taux d'intérêt très faibles dont jouissent les Etats les plus solides.
En effet, ces euro-obligations pourraient être garanties solidairement par tous les pays de l'Union monétaire.
Partie II : Une aide bilatérale centrée

S’agissant de l’aide publique au développement on remarque que l’aide bilatérale en constitue


un versant essentiel. Cette aide est ancrée dans le clientélisme géostratégique (Chapitre I) et est
souvent plus pragmatique (Chapitre II) que l’aide multilatérale.

54
Chapitre I : Une aide ancrée dans le clientélisme géostratégique

En tous les pays donateurs membres du Comité d’aide au développement (CAD) et de


l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ont consacré 149
milliards de dollars (132 milliards d’euros) aux pays destinataires rien que pour l’année 2018.
Ainsi en 2018, les dons ont représenté 83 %193 de l'aide publique mondiale versée directement
des pays donateurs aux bénéficiaires, aide dite « bilatérale », et les prêts, 17 %194. La répartition
de ces flux d’ADP n’est ni linéaire ni monotone. Elle se fait souvent en tenant compte des liens
historique (Section 1) entre les pays mais aussi et surtout du climat politique et économique
internationale (Section 2).

193 55
Thierry Simon, « Permanences bilatérales dans l’aide au développement en Afrique subsaharienne »,
http://journals.openedition.org/echogeo/11967 ; DOI : https://doi.org/10.4000/echogeo.11967, consulté le
19/04/2022 à 00 : 44.
194
Thierry Simon,ibid.
Section 1 : Les héritages historiques

Ce qui résulte à un manque de constance dans les financements (Paragraphe 1) dans les
financements accordées ainsi qu’à un manque de perspective de la part des bailleurs
(Paragraphe 2).

56
Paragraphe 1 : Le manque de constances des financements

Les financements bilatéraux d’aide publique au développement, ne sont pas toujours soumis à
un control adéquat. Ces financements censés profiter au développement, sont souvent utiliser
comme des outils politiques internationaux ou commerciaux. L’aide au développement est
même qualifier par certains auteurs de politique publique195.

En effet, l’aide internationale au développement constitue une forme de politique publique


mondiale dans les relations Nord/Sud. Elle est un vecteur d’intérêts politiques étroitement lié à
la guerre froide et à la décolonisation. Elle apparait d’abord comme un mécanisme mis en place
par les États, dès le début du XXème siècle pour la reconstruction des nations après la seconde
guerre mondiale. Et dans le contexte de la guerre froide, elle fut un moyen de lutte contre
l'influence du communisme. Les motivations et les intérêts de l’aide ne sont donc pas libres de
contingences politiques. Instrument privilégié des relations Nord-Sud, elle est une politique
publique pour sa contribution à l’action collective internationale. Elle est généralement
présentée comme une politique publique engagée par devoir et par solidarité de lutte contre la
pauvreté dans une vision stratégique de gouvernance. Les années de la guerre froide sont
matérialisées par la décolonisation et la poursuite de stratégies d’influences clairement
identifiées. L’aide était, pendant cette période principalement financée par les États-Unis, la
France, la Grande-Bretagne et l’URSS. La solidarité avec les anciennes colonies jouait un rôle
important dans la distribution de l’aide, la France étant impliquée en Afrique de l’Ouest et du
Nord, la Grande-Bretagne en Afrique de l’Est et dans certains pays d’Asie et les États-Unis
dans le Proche et le Moyen- Orient. Il s’agissait de soutenir les colonies et leur développement
économique et, en quelque sorte, d’« acheter leur soutien ». Des montants considérables ont été
dépensés dans le but d’éviter qu’un gouvernement ou ancienne colonie ne tombe dans le camp
adverse.

Si l’on s’intéresse à l’aide publique au développement apportée par la France en Afrique sub-
saharienne, on constate que : à l’instar des politiques similaires des autres Etats ou institutions
donateurs l’aide française a des motivations qui lui sont spécifiques. Après la décolonisation,
la France semble ne pas souhaiter rompre ses relations avec ses anciennes colonies, notamment
d’Afrique subsaharienne. Cette volonté de la France de maintenir les relations franco-africaines
n’est pas neutre. Elle s’analyse par les soucis géopolitiques, économiques, humaines et

195
Pierre Jacquet, « Les enjeux de l'aide publique au développement, » Politique étrangère, 2006/4 57
(Hiver),p.943
diplomatiques plus particulièrement du rôle que l’ancienne puissance coloniale compte jouer
sur la scène internationale. Rappelons que la période postcoloniale est vivement marquée par
la guerre froide entre les blocs de l’Est et de l’Ouest. Comme nous l’avons déjà évoqué l’aide
publique au développement était surtout un instrument pour chacun des deux blocs en guerre
froide (Etats-Unis et l’Union soviétique) d’acheter la loyauté des Etats aidés et de consolider
leur influence sur la scène internationale.

Pourtant dès le début de son histoire, les acteurs de la coopération française se sont mobilisés
pour convaincre les Africains du caractère dépolitisé de leur démarche. Formellement, elle fut
conduite sur le mode d’une noble « cause sans adversaire », opportunément technicisée par 8
700196 agents censés l’incarner, nombreux étant ceux issus de l’administration coloniale.
Pourtant, ses instruments furent pour une part non négligeable placés au service sinon d’une
dynamique hégémonique, au moins pour la préservation des intérêts stratégiques. L’aide
française au développement en Afrique a également été justifiée par un certain sentimentalisme
lié au devoir de mémoire197. Pour beaucoup il était nécessaire à la France d’offrir à ces
anciennes colonies une réparation quelconque dut-elle prendre la forme d’une aide au
développement. Pendant la période des indépendances, projetant son modèle de reconstruction
d’après-guerre, la France a préconisé de confier à l’État central un rôle éminent dans le
développement. Étaient au centre des préoccupations pendant les années 1960-1985, les plus
fastes de la coopération, le capital humain, la santé de base, l’éducation pour tous, et, une
singularité française, la promotion de l’identité et la diversité culturelle, dans le cadre de la
francophonie. Cet engagement de la France s’est retrouvé dans ses interventions qui accordaient
une large place à la planification et à l’aménagement du territoire, reconnaissant le droit au
protectionnisme des secteurs. Ce fut l’époque des offices agricoles, des caisses de stabilisation,
des entreprises publiques, des projets d’aménagement régionaux (bassins du Sénégal, du Niger,
du Congo), des instituts de recherche (en santé publique avec le réseau de l’OCCGE de Bobo
Dioulasso et les instituts Pasteur), des écoles d’ingénieurs inter-États spécialisées
(Ouagadougou, Bamako, Dakar, Yaoundé), des écoles militaires à vocation régionale, mais
aussi des microréalisations originales avec des équipes spécialisées au tempérament militant.
On se souvient aussi des apports opérationnels comme la méthode des effets conçue pour
appréhender les divers impacts d’un projet de développement. Elle fut par la suite habilement

196
Pierre Jacquemot , « CINQUANTE ANS DE COOPÉRATION FRANÇAISE AVEC L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE Une 58
mise en perspective », De Boeck Supérieur 2011/2 n° 238, p.45.
197
Pierre Jacquemot, ibid.
mobilisée lors du débat farouche avec la Banque mondiale sur l’avenir des filières cotonnières
de l’Afrique de l’Ouest.

L’aide publique au développement a toujours présenté des enjeux multidimensionnels aussi


bien pour les pays donateurs que pour les pays receveurs. L’aide publique au développement
de la France à l’Afrique subsaharienne dont l’organisme principal qui en a la charge est
l’Agence française de développement198 ne fait pas totalement fi de cette réalité des APD
américaine et russe. En effet, l’APD française en Afrique subsaharienne répond également à
plusieurs enjeux. « L’aide française continue de s’orienter principalement vers l’Afrique. Vis-
à-vis de l’espace Afrique subsaharienne dominent des préoccupations culturelles, géopolitiques
et humanitaires, avec certains intérêts économiques en termes miniers ou pétroliers ou de
soutien de firmes positionnées sur des niches. L’Afrique subsaharienne a reçu depuis
l’Indépendance environ 50% de l’aide bilatérale française et demeure le continent le plus aidé
»199.

Malgré les intérêts, parfois explicite parfois implicite de l’aide au développement français, et
en dépit de l’importance que la France accorde aux Etats d’Afrique subsaharienne, le montant
de l’APD française destinée aux Etats partenaires a connu une baisse significative pendant
presque une dizaine d’années (soit de 7,17 milliards d’euros en 1994 à 5,88 milliards d’euros
en 2003, autrement-dit une baisse de l’ordre de 18%)200. Néanmoins, à partir de 2005 il est
constaté une revue sensible en hausse du montant des investissements directs de la France dans
l’espace Afrique au sud du Sahara. En effet, de 2005 à 2011, le stock des investissements de la
France dans cette partie du continent africain est passé de 6,4 milliards d’euros à 23,4
milliards201 d’euros soit le quadruple.202 La baisse enregistrée de l’aide publique au
développement de la France aux pays africains durant une décennie (1994-2004) s’analyse par
plusieurs dynamiques dont la fin de la guerre froide avec la chute du mur de Berlin (1989) et
l’implosion de l’empire soviétique (1991)203 la préoccupation française d’être présente dans le

198
L ’Agence française de développement a remplacé est créée en 1958 sous le nom de Caisse Centrale de 59
Coopération Économique. Autrement-dit, juste à la veille des indépendances des pays d’Afrique subsaharienne
francophone.
199
Mutoy Mubiala, « L’aide à la démocratie », Revue Africaine de politique internationale, Avril Mai Juin 1994,
p.27.
200
Ibid.
201
Rapport Huber Védrine, Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique
économique entre l’Afrique et la France, Paris, décembre 2013, 170 p.
202
Ibid.
203
Guillaume Daudin, Bruno Ventelou, « AIDE AU DÉVELOPPEMENT Sommes-nous plus ou moins solidaires ? »,
Revue de l'OFCE 2003/2, no 85 p.300.
Peco204 et une implication beaucoup plus importante dans l’OTAN et dans l’Union européenne.
A ces facteurs explicatifs s’ajoute une quatrième dynamique à savoir le « souci » de la France
de se débarrasser de la « Françafrique »205. D’où la décision prise par la France de réduire son
aide publique au développement en 1994. La revalorisation de l’APD française à l’Afrique
subsaharienne à partir de 2005 pourrait être expliquée par une prise de conscience de Paris de
la percée d’autres Etats sur le continent africain tel que la Chine et souvent à son détriment. Ce
schéma comportemental de l’aide française au développement est riche en enseignement car il
montre comment l’aide peut être utilisé pour servir davantage les intérêts des donateurs que
ceux des bénéficiaires. D’ailleurs on observe que dans beaucoup de pays donateurs, on utilise
davantage l’APD à la résolution des crises humanitaires que le financement de la production
des biens publics. Il n’y a qu’à analyser la manière dont l’aide au développement a été utilisé
par les Etats-Unis durant la guerre froide comme instrument de propagande du capitalisme pour
se rendre compte de son potentiel idéologique.

Pourtant ce serait oublié les origines de l’aide publique au développement que d’affirmer
qu’elle a été détourné de son objectif premier par les pays donateurs. Car dès le départ l’aide
publique au développement s’est vu confié la tâche complexe de concilier les intérêts des
bénéficiaires et des donateurs. L’aide publique est en fait davantage le produit de circonstances
économiques, politiques et doctrinales, que celui d’une initiative philanthrope de la
communauté internationale. Dans les années quatre-vingts, la révolution libérale conduite sous
l’impulsion du Royaume-Uni et des États-Unis, conjuguée à la crise de la dette, ramène les
intérêts des donneurs au premier plan : il s’agit de promouvoir l’ouverture et la libéralisation,
d’une part, et d’éviter que la crise de la dette ne se traduise par une grave crise bancaire
internationale, d’autre part. C’est la décennie de l’ajustement structurel, l’aide refinance en
partie la dette, conditionnalité et conseils des donneurs façonnant peu à peu le “consensus de
Washington” décrit en 1990 par John Williamson. Les années quatre-vingt-dix sont celles du
retrait des donneurs, à la fois du fait des contraintes budgétaires auxquelles ils sont soumis, de
la perte de l’ancrage politico-stratégique du fait de la fin de la Guerre froide et d’une fatigue
croissante à l’égard d’une politique d’aide au développement jugée peu efficace ou détournée

204
Depuis les années 1990, la plupart des pays européens dont la majeure partie du territoire s'étend à l'est du 60
15e degré de longitude Est sont parfois collectivement désignés sous l'appellation de pays de l'Europe centrale
et orientale (PECO).
205
L’expression « Françafrique », consacrée par son utilisation régulière par les grands médias comme Le
Monde, Libération, Les Échos ou L'Express, est utilisée en général de façon péjorative, pour désigner une
relation qualifiée de néo-coloniale par ses détracteurs, entre la France et d'anciennes colonies en Afrique
subsaharienne
de ses objectifs. Au début des années 2000, avec l’adoption des OMD, le balancier revient vers
la logique de réduction de la pauvreté. Ce mouvement est renforcé par la réaction aux attentats
du World Trade Center en septembre 2001, qui ramènent au premier plan les intérêts politico-
stratégiques. Aux États-Unis, en particulier, le développement devient une priorité dans le
discours sur la sécurité nationale, aux côtés de la diplomatie et de la défense.206 L’histoire de
l’APD en a donc fait à la fois un instrument de promotion du développement, de projection
diplomatique et de ciment des systèmes d’alliance, de promotion d’intérêts économiques et
stratégiques des pays donneurs, de transferts entre pays riches et pays pauvres.

206 61
Voir l’analyse de Natsios (2005).
Paragraphe 2 : Le manque de perspective des bailleurs

Même si l’aide a son utilité elle faillit souvent à remplir ses objectifs. Cet échec s’explique la
plupart du temps par l’essoufflement de la motivation des bailleurs. En effet durant les
premières décennies de l’aide, malgré la réception d’important flux d’aide publique au
développement la croissance des pays pauvres ne décolle pas. Le chômage, et le sous-emploi y
sont monnaie courante et la pauvreté loin de décroitre, s’accroit de manière inquiétante. Les
pays les moins avancés restent dépendants de la production manufacturière du Nord, d’où
l’essor de la théorie néomarxiste du développement inégal et de la dépendance207, influente
dans les années 1960 et 1970. Qu’est-ce qui alors explique l’inefficacité de l’aide ?

Si l’on se réfère à une analyse macro des résultats de l’aide, on se rend compte que cette question
n’a pas lieu d’être. L’aide n’est pas inefficace d’une manière générale au courant de son histoire
l’aide à participer à l’amélioration sensible des conditions de vie des populations qu’elle visait.
Sans oublier que l’environnement économique de beaucoup de pays pauvres s’est vue assainir
par différents programmes d’aide. Pourtant il faut croire que ces progrès ne suffisent pas à eux
seules à racheter une réputation de l’aide au développement. Pour beaucoup les sommes
investis en Afrique étaient bien trop importantes par rapports aux résultats obtenus. D’après
William Eastlerly « La tragédie est que l’Occident a dépensé 2 300 milliards de dollars en aide
au développement au cours des 5 dernières décennies, et n’a pas été capable de fournir à des
enfants des médicaments à 12 cents pour prévenir la moitié des décès dus à la malaria, ou de
donner à des mères les 3 dollars qui auraient permis d’épargner la vie de 5 millions de nouveau-
nés. Quelle tragédie qu’autant de bonnes intentions n’aient pas produit de tels résultats pour les
plus démunis. »208. Vu sous cet angle il y en effet tragédie, cependant la situation de l’Afrique
n’est pas aussi simple.

Les bailleurs de fonds ont certes apporté des équipements et un savoir-faire, mais la quantités
des flux d’aide sont restés modestes compte tenu de l’ampleur et de l’urgence des besoins du
continent africain en particulier. Le problème ne se situe pas tant dans l’inefficacité de l’aide
que dans son insuffisance. L’aide au développement en Afrique a été victime d’une double
méprise. Elle a été surestimée par l’opinion publique, et sous-estimé par les bailleurs. En effet
les bailleurs ont souvent mésestimé l’effort total qui devait être fournis pour assurer à l’Afrique
une émergence complète. Par exemple Les ravages des guerres ont coûté, sur le seul plan

207
Amin S., Le développement inégal, Paris, Éd. de Minuit, 1973. 62
208
William Easterly, Le fardeau de l’homme blanc, l’échec des politiques occidentales d’aide aux pays pauvres,
2009.
économique, à l’Afrique Subsaharienne autant que les sommes d’APD reçues. Cela montre le
manque de recul ou de perspectives des bailleurs lorsqu’ils s’engagent dans le financement et
le suivi de l’aide publique au développement. C’est particulièrement visible dans les
coopérations bilatérales.

Déjà s’est profondément se tromper que de penser que l’aide apportée à l’Afrique aurait pu faire
décoller la croissance du continent. L’aide ne peut pas à elle seule créer la croissance. Toutefois
elle peut la stimuler, l’accompagner ou même compenser certaines inégalités inhérentes à une
forte croissance économique. L’aide a par exemple contribué à limiter l’effet des crises
alimentaires, comme au Malawi en 2007, et des catastrophes climatiques. Elle a directement
contribué aux progrès sanitaires, comme au Rwanda depuis 2000, à l’effort d’éducation et
d’équipement en infrastructures209. Elle donc bel et bien facilité l’accès aux services sociaux
de base, réduisant ainsi les inégalités. Pourtant autant les critiques et analyses sur l’aide
publiques au développement que les bailleurs bilatéraux, perdent de vue l’objectif premier de
l’aide à savoir la réduction de la pauvreté.210Les priorités de l’aide publique au développement
bilatérale, se sont en effet, superposées dans le temps. Ce qui a souvent fait passer au second
plan la stricte mission de réduction de la pauvreté.

Ensuite la juste répartition de l’aide représente un défi, certains pays sont des « laissés pour
compte » de l’aide, alors que d’autres reçoivent moins que d’autres. Cette situation expliqué
tantôt par la politisation de l’aide, tantôt par l’instabilité des pays receveur participe à rendre
l’aide imprévisible et inadéquate. Objectivement l’aide totale a peu varié depuis les années
1980, si on prend en compte la différence de valeurs de la monnaie. Selon les chiffres du CAD
l’aide avait diminué sur la période de 1992 à 1997 dus aux politiques d’assainissement
budgétaire mises en œuvre dans les pays membres du CAD211.

Le cœur du problème pour les pays receveurs, c’est moins l’évolution globale des dépenses
d’aide que la prévisibilité d’une année à l’autre des sommes qu’eux-mêmes recevront. La
programmation prévisionnelle de l’aide est essentielle pour la planification budgétaire des
bénéficiaires et a toujours occupé une place de choix dans les discussions des groupes
consultatifs de la Banque mondiale et des tables rondes du PNUD sur les obstacles au
développement au niveau des pays. Globalement les fluctuations dans les volumes d’aide

209 63
Severino, Jean-Michel Debrat, L’aide au développement, Le Cavalier Bleu éditions, 2010
210
Voir OMD et ODD
211
« Rapport 2004 », Volume 6-1, Revue de l'OCDE sur le développement, 2005/1 (no 6), 254, Éditions de
l'OCDE.
publiques des pays de l’OCDE sont moindres, mais à l’échelle des pays bénéficiaire de l’aide
cela peut représenter le budget annuel de tout un secteur. D’où l’importance d’un engagement
à long terme des bailleurs. Engagement qui a plus de mal à s’imposer sur le terrain de l’aide
bilatérale où l’intérêt des Etats est souvent prioritaire à la poursuite d’objectifs humanitaire, que
sur celui de l’aide multilatérale. En Afrique les fluctuations sont plus faibles dans les pays les
plus stables et plus marquées dans ceux qui sont sujets à des crises ou dont la gestion publique
suscite des préoccupations. De ce fait, pour une grande partie des pays, les recettes d’APD ne
varient en moyenne pas de plus de 10 à 20 %212 d’une année à l’autre, chiffre qui peut par contre
atteindre 50 %, voire plus, pour les bénéficiaires en proie à un conflit ou à des troubles.
Davantage de précisions seront fournies dans l’Examen mutuel de l’efficacité au regard du
développement que le CAD prépare actuellement en collaboration avec la Commission
économique des Nations unies pour l’Afrique213. Si les apports globaux d’aide sont
raisonnablement prévisibles d’une année à l’autre, la situation semble moins encourageante en
ce qui concerne l’aide de type programme, surtout si l’on étend l’horizon temporel à une période
de trois ou cinq ans. Dans ce cas, le cycle budgétaire d’un an utilisé par les donneurs risque
d’empêcher ces derniers de fournir des engagements pluriannuels fermes aux bénéficiaires. Or,
l’absence de tels engagements porte atteinte à la crédibilité des plans budgétaires à moyen terme
établis par les bénéficiaires, qui sont censés constituer la pièce maîtresse des cadres stratégiques
de lutte contre la pauvreté (CSLP) réclamés par les donneurs.

On constate également dans la répartition de l’aide que les pays ayant une faible population
sont favorisés. Ainsi pour la période 1998 à 2002, l’aide reçue par l’ensemble des pays comptant
moins de 10 millions d’habitants chacun a représenté environ 30 % du total des apports d’aide
alors que, globalement, la population de ces pays ne représente que 6 %214 de celle de
l’ensemble des pays bénéficiaires. Autrement dit, les pays dont la population est inférieure à 10
millions de personnes reçoivent, en moyenne, plus de 46 dollars d’aide nette par habitant et par
an, contre seulement 7 dollars par habitant et par an pour ceux dont la population est supérieure
à 10 millions de personnes.215

212
« Rapport 2004 », volume6-1, Ibid.p.50 64
213
Ibid.
214
Ibid.
215
D’après les recettes nettes totales d’APD ou d’AP, toutes sources confondues, pour la période 1998 à 2002
et des chiffres de la population à mi-2002.
En 2002 les apports nets d’aide se sont montés à 28 dollars216 par habitant en Afrique
subsaharienne et à plus de 20 dollars217 par habitant en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
Considérées ensemble ces régions ont absorbé près de la moitié de l’APD totale, pour une
population cumulée d’un peu plus d’un milliard de personnes sur les cinq milliards d’habitants
que compte le monde en développement. Le niveau des recettes par habitant est très variable à
l’intérieur de ces régions, où un nombre relativement restreint de pays s’adjuge une part
étonnamment élevée de l’aide totale. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le
Mozambique et la Tanzanie se sont globalement adjugés plus de 30 %218 de l’APD nette totale
consentie en 2002 aux 50 pays composant l’Afrique subsaharienne, l’Égypte plus de 40 %219
de celle destinée à l’Afrique du Nord et les territoires sous administration palestinienne une
fraction à peu près identique de l’APD allouée au Moyen-Orient220. L’APD par habitant est plus
faible dans les autres grandes régions en développement; elle ne représente que 6 dollars par
habitant en Asie du Sud et du Centre, région dont la population est pourtant supérieure à celle
de l’Afrique et du Moyen-Orient réunis. L’avantage en faveur des petits pays joue
incontestablement dans le cas de l’Océanie, où l’aide se monte à plus de 80 dollars221 par
habitant et par an. Une réorientation des apports vers des régions plus peuplées ne changerait
toutefois pas grand-chose pour ces pays car l’Océanie absorbe moins de 2 % de l’APD nette
totale222.

La seule région dans laquelle les recettes d’aide par habitant ont augmenté de façon significative
au cours de la décennie écoulée est l’Europe. Cela s’explique principalement par l’aide
humanitaire apportée aux États successeurs de l’ex-Yougoslavie, mais des sommes importantes
sont aussi allées à l’Albanie. L’aide aux États de l’ex-bloc soviétique, qui a débuté autour de
1990 et ne relève pas, techniquement, de l’APD, passe avant tout par des allégements de dettes
et des activités de coopération technique. L’APD à l’Europe a connu une hausse en 2002, où
des apports exceptionnellement élevés ont été consentis à la Bosnie-Herzégovine, à la Serbie et
au Monténégro, y compris le Kosovo, ainsi qu’à la Turquie.223

216
« Rapport 2004 » Volume 6-1, Ibid. p. 7 65
217
Ibid.
218
Ibid.
219
Ibid.
220
Ibid.
221
Ibid.
222
Ibid. p.8
223
Ibid.p.8
En Af²rique, les recettes annuelles nettes d’APD ont diminué de 17 dollars224 par habitant entre
1990-91 et 2001-02. Le recul a été encore plus prononcé au Moyen-Orient et en Afrique du
Nord, mais le niveau de départ y était anormalement élevé en raison des remises de dettes
exceptionnelles consenties aux pays de cette région au moment de la première guerre du Golfe.
L’aide à l’Amérique latine et à l’Asie du Sud et du Centre s’est, elle aussi, légèrement contractée
pendant cette période, mais par rapport à des niveaux de départ bien plus faibles. Même les 41
pays pauvres très endettés (PPTE), qui ont bénéficié de réductions accélérées de leur dette au
cours de ces dernières années, recevaient encore près de 9 dollars225 de moins par habitant et
par an en 2001-02 que onze ans auparavant.

La pandémie du Covid 19 a aggravé cette situation d’imprévisibilité de l’ADP. En effet les


gouvernements des pays partenaires n’avaient une visibilité et ne pouvaient assurer de
planification à moyen terme que pour 65 %226 des apports de coopération pour le
développement attendus des membres du CAD à une échéance de trois ans, un pourcentage qui
s’élevait à 69 %227 lors du cycle de suivi de 2016. Cette moindre visibilité a une incidence
négative sur les partenariats, la confiance et la planification à moyen terme, en particulier dans
les pays partenaires les plus dépendants à l’égard de l'aide extérieure. La part des financements
des membres du CAD inscrite au budget des pays partenaires a elle aussi poursuivi sa tendance
à la baisse, ce qui peut compromettre la fonction traditionnelle de contrôle qu’exercent les
organes législatifs vis-à-vis des pouvoirs publics et de leurs partenaires, lesquels sont tenus de
rendre des comptes. Prendre le temps de nouer des partenariats durables peut nettement
contribuer à assurer l’effectivité.228

224
« Rapport 2004 » Volume 6-1, Ibid. p. 10. 66
225
Ibid.
226
Emily Bosch, Claudio Cerabino et Kerri Elgar, L’APD, un effort collectif : tendances récentes, Direction de la
coopération pour le développement de l’OCDE. https://www.oecd-ilibrary.org/sites/f5b9533d-
fr/index.html?itemId=/content/component/3264c3b3-
fr&_csp_=d2e471266ef19d9b41b1ddeba65e340e&itemIGO=oecd&itemContentType=chapter, consulté le
19/03/2022 à 14 : 38
227
Ibid.
228
Ibid.
Section 2 : Les réalités géopolitique

Même dans le cadre de l’aide chaque Etat poursuit son intérêt. Cela peut mener à la dispersion
des bailleurs (Paragraphe 1), ainsi qu’à la divergence des politiques (Paragraphe 2).

67
Paragraphe 1 : La dispersion des bailleurs

Lorsque l’on parle de l’aide française au développement en Afrique subsaharienne la première


question que l’on se pose est : A combien de pays la France accorde-t-elle des financements ?

Si l’on s’intéresse aux autres pays donateurs on constate que les plus importants sont : les Etats-
Unis avec 35.5 milliards de dollars accordé dans le cadre de l’aide bilatérale, l’Allemagne avec
28.4 milliards de dollars, l’Angleterre avec 18.6 milliards de dollars, le Japon avec 16.3
milliards de dollars, la France n’a en fait été que le cinquième plus important donateurs en 2020
avec 14.1 milliards de dollars accordée à l’aide publique au développement. 229 Donc la vrai
question serait plutôt de savoir où et à quel cause vont tous ces financements ?

Tout d’abord il ne faut pas oublier que ces chiffres comprennent également la part de l’APD
consenties pars ces pays à l’aide multilatérale. En 2018, l’APD bilatérale des membres du CAD
a été acheminée principalement par l’intermédiaire du secteur public (50 %), des organisations
multilatérales, sous la forme de financements pré affectés (20 %), et des organisations non
gouvernementales (ONG) (15 %). Les autres fournisseurs publics ont acheminé 88 % de leurs
apports d’APD bilatérale par l’intermédiaire du secteur public.230 Les volumes d’APD des pays
membres du CAD inclus également les ONG. Ainsi en 2017 et 2018 les contributions au budget
de certaines ONG et les contributions pré affectées destinées à ces ONG sont restées stables en
pourcentage de l’APD bilatérale pour les membres du CAD, mais ont augmenté de 1.6 % à 4.7
%. En 2018, les apports bruts d’APD bilatérale des pays du CAD dirigés vers les ONG se sont
élevés à 18.4 milliards USD, un tiers de ces apports provenant des États-Unis231.

Les pays donateurs à travers leur politique d’aide publique, cherche également à tisser des
alliances et à élargir leur champs d’influence. Le plus avantageux pour eux est donc de repartir
leur financements dans plusieurs, de préférences ceux à revenu intermédiaire qui ont l’avantage
de présenter des économies dynamique et complétives, que d’infuser tous ces financement dans
un pays. Ce serait pourtant la méthode la plus effective en matière d’aide au développement.

229
https://www.oecd-ilibrary.org/sites/2dcf1367- 68
en/1/3/1/2/index.html?itemId=/content/publication/2dcf1367-
en&_csp_=177392f5df53d89c9678d0628e39a2c2&itemIGO=oecd&itemContentType=book#section-d1e4775
Consulté le 17/04/2022 à 18 : 21.
230
https://www.oecd-ilibrary.org/sites/f5b9533d-fr/index.html?itemId=/content/component/3264c3b3-
fr&_csp_=d2e471266ef19d9b41b1ddeba65e340e&itemIGO=oecd&itemContentType=chapter, consulté le
17/04/2022 à 04 :45

231
https://www.oecd.org/dac/greening-development-co-operation-62cc4634-
en.htm?_ga=2.79793936.68211134.1650218422-1839197122.1650218422, consulté le 18/03/2022 à 03 : 40.
En 2017 seuls 13% des financements privés mobilisés par les membres du CAD ont été
acheminés en direction des pays les moins avancées232. A contrario les pays à revenu
intermédiaire ont reçu 85% de ces financements. En 2018 l’Asie a reçue 34.8 milliards de
dollars contre 33.3 milliards233 de dollars destinée à l’Afrique, or on sait que la plupart des pays
les moins avancées se trouvent en Afrique. Cette situation est normale lorsque l’on sait que
c’est le Japon qui a versé la plus grande part de son APD bilatérale brute à l’Asie. Outre les
pays asiatiques les membres du CAD ont alloué 2.4 %234 de leurs apports bruts d’APD bilatérale
à des petits États insulaires en développement (PEID) soit 2.8 milliards de dollars235, l’Australie
et la Nouvelle-Zélande se plaçant en tête en termes de volume, pour la première, et de
pourcentage, pour la seconde. Les autres fournisseurs publics ont affecté 2.9 %236 de leurs
apports bruts d’APD bilatérale à des PEID en 2018 soit 606 millions de dollars237, la Fédération
de Russie se plaçant en tête en termes de volume mais aussi de part de l’APD bilatérale brute
destinée à ces pays.

Il faut également souligner que les financements octroyés par les pays donateurs aux
bénéficiaires sont rarement destinés à l’accroissement d’un seul secteur mais tendent plutôt à
être répartit entre plusieurs secteur. Cette répartition ne répond pas forcément aux critères des
ODD ou des besoins des pays.

Ainsi en En 2018, 42.1 % 238des engagements d’aide bilatérale des membres du CAD, soit 53.1
milliards de dollars, avaient l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes pour
objectif, spécifique, ou significatif, en hausse par rapport à l’année 2017 avec 36.2%239.
Cependant l'égalité des sexes formait l'objectif principal de 4 % seulement de ces engagements,

232
Emily Bosch, Claudio Cerabino et Kerri Elgar, L’APD, un effort collectif : tendances récentes, Direction de la
coopération pour le développement de l’OCDE. https://www.oecd-ilibrary.org/sites/f5b9533d- 69
fr/index.html?itemId=/content/component/3264c3b3-
fr&_csp_=d2e471266ef19d9b41b1ddeba65e340e&itemIGO=oecd&itemContentType=chapter, consulté le
18/03/2022 à 00 : 27
233
Ibid.
234
Ibid.
235
Ibid.
236
https://data.oecd.org/fr/oda/distribution-de-l-apd-nette.htm, consulté le 18/03/2022 à 01 : 27.
237
Ibid.
238
Ibid.
239
Emily Bosch, Claudio Cerabino et Kerri Elgar, L’APD, un effort collectif : tendances récentes, Direction de la
coopération pour le développement de l’OCDE. https://www.oecd-ilibrary.org/sites/f5b9533d-
fr/index.html?itemId=/content/component/3264c3b3-
fr&_csp_=d2e471266ef19d9b41b1ddeba65e340e&itemIGO=oecd&itemContentType=chapter, consulté le
19/03/2022 à 14 : 38
une proportion qui n'a pas augmenté au cours des dernières années. L’Australie, le Canada,
l’Espagne et la Suède sont les pays qui ont apporté le plus grand soutien à l’égalité entre les
sexes et l’autonomisation des femmes en tant qu’objectif principal.

Pourtant en 2018 les pays membres du CAD ont légèrement augmenté leurs apports d’APD à
l’appui de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique. L’environnement
formait l’objectif principal ou un objectif significatif de 33 % de leurs engagements d’aide
bilatérales, représentant 34.2 milliards dollars240. Les questions environnementales
constituaient l’objectif principal de 11 % de ces engagements, et la lutte contre le changement
climatique formait l’objectif principal ou un objectif significatif de 26 %241 de l’APD bilatérale,
égale à 27.5 milliards de dollars, en légère hausse par rapport à la proportion de 25 %242
enregistrée en 2017. Les membres du CAD ont orienté leurs financements davantage vers
l’atténuation du changement climatique, 20 % en 2018, que vers l’adaptation à ses effets, 12
%243.

Un volume non négligeable des financements a également été alloué au secteur de


L’infrastructure et des services sociaux. L’Autriche, la Hongrie, la Pologne, le Portugal et la
Slovénie affectant au moins 50 %244 de leur APD bilatérale à l’infrastructure sociale. Les pays
membres du CAD ont mis surtout mis l’accent sur le soutien au gouvernement et à la société
civile, avec 16.3 milliards de dollars et sur la santé, avec 14.3 milliards de dollars245. Leurs
apports bilatéraux au titre de l’aide humanitaire se sont élevés à 14.7 milliards de dollars soit
12 % de l’APD bilatérale246. Leurs contributions pré affectées destinées aux organisations
multilatérales ont été orientées principalement vers l’aide humanitaire ainsi que vers les secteurs
sociaux et la gouvernance. En 2018, les engagements d’APD bilatérale des autres fournisseurs
publics, pris collectivement, ont été orientés en majorité vers l’aide humanitaire soit 8.3
milliards de dollars247, l’accent étant mis sur les interventions d'urgence. Cette somme, à
laquelle ont grandement contribué les apports massifs de la Turquie en faveur de l’aide

240
Emily Bosch, Claudio Cerabino et Kerri Elgar, L’APD, un effort collectif : tendances récentes, Direction de la
70
coopération pour le développement de l’OCDE. https://www.oecd-ilibrary.org/sites/f5b9533d-
fr/index.html?itemId=/content/component/3264c3b3-
fr&_csp_=d2e471266ef19d9b41b1ddeba65e340e&itemIGO=oecd&itemContentType=chapter, consulté le
19/03/2022 à 14 : 38
241
Ibid.
242
Ibid.
243
Ibid.
244
Ibid.
245
Ibid.
246
https://data.oecd.org/fr/oda/distribution-de-l-apd-nette.htm, consulté le 18/04/2022 à 16 : 20
247
Ibid.
humanitaire et en particulier des interventions d’urgence, a représenté 63 %248 des engagements
totaux d’APD bilatérale de ces pays. Les contributions pré affectées des autres fournisseurs
publics destinées aux organisations multilatérales ont elles aussi été axées sur l’aide
humanitaire.

En 2018, les engagements des membres du CAD destinés à aider les pays à développement à
mobiliser leurs ressources intérieures se sont montés à 275 millions de dollars soit 0.3 %249
de l’aide bilatérale disponible et ceux des autres fournisseurs publics, à 0.7 million de dollars250.
Les engagements de la Finlande, de la Norvège, de la République slovaque et de la Suède dans
ce domaine ont représenté au moins 1%251 de leur aide bilatérale. Cette même année, les
engagements des pays du CAD en faveur de la promotion de l’aide pour le commerce ainsi que
de l’amélioration des résultats commerciaux des pays en développement et de leur intégration
dans l’économie mondiale se sont chiffrés à 30.6 milliards de dollars soit 29.3 %252 de l’aide
bilatérale et ceux des autres fournisseurs publics, à 1.0 milliard de dollars soit 9.1 %253 de l’aide
bilatérale. Les engagements du Japon et de la Corée dans ce domaine ont représenté plus de
50%254 de leur aide bilatérale.

Quelque pays donateurs, seulement, se distinguent par leur concentration sur un secteur en
particulier. Ainsi La répartition sectorielle de l’APD bilatérale du Japon se caractérise depuis
toujours par la part relativement élevée allouée à l’infrastructure économique, qui a représenté
255
37 % ,sous forme de prêts essentiellement, en 2001-2002, contre 15 % en 2001 pour
l’ensemble du CAD, et une moyenne non pondérée de 8 %. La différence est plus visible encore
si on compare ce pourcentage au chiffre du CAD hors Japon, lequel se situe à 10 %,256 pour une
moyenne non pondérée de 7 %257. Ce sont les secteurs routier d’abord, et énergétique ensuite,
qui sont prioritaire

248
Ibid. 71
249
« Les dossiers du CAD », Volume 5-2, Revue de l'OCDE sur le développement 2004/2 (no 5), Éditions de
l'OCDE, p.138
250
Ibid.
251
Ibid.
252
Ibid.
253
Ibid.
254
Ibid.
255
Ibid.
256
Ibid.
257
Ibid.
Pour autant la logique du Japon peinait à suivre la réalisation des OMD. Les infrastructures et
services sociaux, qui absorbent 21 % (33 % pour le CAD)258, ne viennent qu’en deuxième
position, l’enseignement, recevant la part la plus élevée (8 %). En 2000-2001, l’enveloppe
allouée par le Japon aux services sociaux de base était la quatrième plus basse parmi les
membres du CAD (7 % contre 15 % pour l’ensemble du CAD). Ce pourcentage est également
à mettre en regard de l’objectif de 20 % fixé au Sommet mondial sur le développement durable
(SMDD). Si une croissance économique axée sur les plus démunis est nécessaire à la réduction
de la pauvreté, il y a également une forte corrélation entre une action efficace en faveur des
services sociaux de base et la réalisation de six des OMD, ce qui requiert l’affectation de
ressources spécifiques.259

258
Ibid. 72
259
Ibid.
Paragraphe 2 : La divergence des politiques

En matière d’aide publique au développement, la coordination avec le CAD n’empêche pas


chaque Etat de mettre en place sa propre politique. La politique des pays membres de l’union
européenne est assez coordonnée. Une politique d’aide au développement européenne a été
mise en œuvre dès le traité de Rome de 1957 avec la création du fonds européen de
développement (FED) et la conclusion d’accords avec d’anciennes colonies ou dépendances
des pays membres (conventions de Yaoundé de 1963 et 1969, conventions de Lomé de 1975,
1979, 1984 et 1989). Mais c’est le traité de Maastricht (1992) qui fixe les objectifs de la
"coopération au développement" incluse dans la cinquième partie titre III chapitre 1 du traité
fondateur de l’Union européenne.

Avec le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, l’objectif principal de cette
politique devient "la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté" selon article 208 du
traité fondateur de l’Union Européenne. L’aide européenne au développement représente
0,50%260 du revenu national brut (RNB) de l’Union en 2020. Ceci reste certes encore éloigné
de l'objectif fixé à 0,7% pour 2030 mais est bien supérieur à celui de l’aide au développement
des États-Unis (0,18 %) ou du Japon (0,2 %)261. En 2017, l’aide cumulée de l’UE et de ses États
membres constituait plus de la moitié de l’aide publique au développement mondiale, ce qui
faisait de l’UE le premier bailleur de fonds des pays en développement. L'UE a pris
l'engagement d'atteindre, à l'horizon 2030, l’objectif fixé par les Nations unies de consacrer
0,7% du RNB à l'aide publique au développement (APD).262

Le 14 Juin 2021 le règlement relatif au nouvel instrument unique de voisinage, de coopération


au développement et de coopération internationale de l’UE (IVCDCI), est entrée en vigueur.
75%263 des fonds de l’IVCDCI de ses fonds sont affectés à des programmes géographiques.
Ainsi, sur la période 2021-2027, l’enveloppe à destination de l’Afrique subsaharienne devrait
s’élever à au moins 29,2 milliards d’euros et au moins 19,3 milliards264 d’euros devraient être
consacrés au voisinage européen. Dans le cadre de l’IVCDCI et du chapitre dédié aux
instruments financiers, la création d’un fonds européen de développement durable élargi
(FEDD+) est prévue, sous la forme d’une plateforme ouverte, pour rassembler l’ensemble des

260
https://www.vie-publique.fr/fiches/20397-en-quoi-consiste-la-politique-daide-au-developpement-de-lue, 73
consulté le 18/03/2022 à 15 :58.
261
Ibid.
262
Ibid.
263
Ibid.
264
Ibid.
instruments financiers européens (garanties, prêts, mixage). Ce fonds devrait être doté de 53,4
milliards d’euros (via les enveloppes géographiques de l’IVCDCI).

Historiquement les États-Unis, le Royaume-Uni et la France portaient alors les trois quarts de
l’aide. Du côté des États-Unis, la préoccupation de partager le fardeau s’exprime lors de la
création de l’Agence internationale de développement (AID) ; le secrétaire au Trésor demande
lors des assemblées annuelles des Institutions de Bretton Woods de 1959 que les autres nations
industrialisées du monde prennent en charge une plus grande partie du fardeau des capitaux à
fournir aux nations insuffisamment développées. La France, notamment lors des assemblées
annuelles de 1955, fera valoir son effort dans les départements et territoires d’Outre-mer et fera
partager son effort d’aide par ses partenaires dans le marché commun.

Entre donateur et bénéficiaire, la relation d’aide naît dans un fort ancrage politique, qu’elle met
progressivement à distance pour mettre en évidence les bases d’une légitimité éthique. L’aide
mobilise d’abord l’héritage colonial, dans lequel se sont forgées les perceptions et les pratiques
d’aide au développement.

Entre pays donateurs, la coexistence sur le terrain de plusieurs bailleurs a souvent donnée
naissance à des contestations mutuelles. Par exemple après la seconde guerre mondiale l’aide
est utilisée comme un auxiliaire de la guerre froide : chacun des deux blocs avait ses clients
qu’il protégeait par son assistance contre les tentations du camp adverse, avec parfois des
projets discutables. Parallèlement, certains pays rejettent a priori l’idée que l’aide d’une
ancienne puissance coloniale puisse être légitime ; cette critique se retrouve encore plus ou
moins explicitement dans des analyses de la qualité de certains donateurs, comme pour
l’examen par les pairs de l’aide française au CAD en 2008265. Par ailleurs, les multilatéraux
contestent les bilatéraux, qui ne peuvent être désintéressés alors qu’eux se placent au-dessus
des intérêts nationaux particuliers et au service de l’intérêt général. Ces oppositions se heurtent
à l’impératif de mobiliser des financements représentant des masses critiques, donc de joindre
les efforts, et, à partir de la fin des années 1990, à la nécessité d’harmoniser les pratiques.
L’économie politique de l’aide se caractérise par le fait que la pression des pairs (autres pays
donateurs) joue un rôle parfois plus grand que l’opinion publique comme justification de la
dépense publique aux yeux des responsables politiques.

La constitution en partenariat paritaire de la coopération dans le cadre du traité de Rome, puis


des conventions de Yaoundé, justifiait une certaine concertation et transparence sur la gestion

265 74
Ibid.
de l’aide européenne mais cette dernière s’est pourtant formée en dehors de toute planification
(Frisch, 2008) ; en outre, le tiers-monde se structure lentement, avec la conférence de Bandoeng
en 1955, et des processus d’indépendance qui ne se concluent qu’au tout début des années
1960.266 Les objectifs de l’aide ont été en général considérés comme suffisamment explicites
dans le libellé même d’aide au développement. Le travail statistique s’intéresse, après la mesure
de l’APD globale, à une approche plus fine. Dans ce cadre, la codification sectorielle a conduit
les bailleurs de fonds à mieux expliciter les priorités effectives de chaque opération. Toutefois,
Mc Namara, dès 1973, déplore que les « programmes de développement ont été principalement
orientés vers des objectifs économiques généraux », ce qui lui paraît expliquer l’état
inacceptable du développement (Foubert, 1973). Pour autant, la formulation d’objectifs
communs reste dans le domaine des généralités et de l’implicite.

Il faut cependant relativiser car de nombreux processus ont permis à l’aide même bilatérale
d’être coordonnée. Mc Namara, nommé président de la Banque mondiale en 1968, y développe
les processus stratégiques : les premières stratégies par pays apparaissent et contribuent, par
leur recherche de la formulation d’objectifs chiffrés, à étayer le plaidoyer en faveur d’un
accroissement du volume des concours. Des stratégies sectorielles apparaissent logiquement
ensuite. Par la suite, la prolifération du nombre de donateurs, globalement et pays par pays,
induit le recours à des outils de plus en plus nombreux de coordination, conduisant à une
production croissante de documents stratégiques destinés à être de plus en plus largement
diffusés, voire conçus en partenariat. Ces textes ont connu une double évolution. D’abord, ils
sont passés de la production interne à des processus concertés avec les autres bailleurs de fonds
et avec les pays concernés, participant à la constitution d’une culture et d’un langage commun.

Ensuite, ils ont contribué à construire l’aide comme une politique exemplaire au regard de la
mise en place croissante dans les pays de l’OCDE de systèmes de « budget par les résultats »,
pour une plus grande efficacité nécessaire face à la pression généralisée contre les déficits
publics (particulièrement en Europe après Maastricht) et aiguisée par la nature sentimentale
(donc vulnérable) du soutien public à l’aide. Ce processus conduit à la production de documents
stratégiques des donateurs qui comportent une large panoplie de documents régionaux,
sectoriels ou thématiques qui témoignent de la mise en place des éléments d’un langage
commun et d’une vision globale de l’aide267.

266
François Pacquement, « Bâtir des politiques globales : l'aide au développement, source d'inspiration ? », 75
Afrique contemporaine, 2009/3 (n° 231), p.265.
267
François Pacquement, ibid p.266.
La politique de l’aide se distingue de celles adoptées par les pays donateurs tout en conservant
le même objet. La dynamique de la politique de l’aide est différente des transferts
internationaux de politique publique qui s’observent dans de nombreux domaines. Ceux-ci ne
fondent pas une politique globale, chaque pays appliquant ses politiques sur son territoire,
tandis que l’objet de l’aide est partagé par les différents acteurs. Le cadre multilatéral assure de
manière générale la cohésion dans un ensemble désordonnée.

Pour assurer une meilleure cohésion des pratiques communes ont été mises en place. Ainsi la
recherche de bonnes pratiques a animé de nombreuses concertations du CAD. D’ailleurs Le
CAD regroupe en 1991 dans un manuel l’essentiel des enseignements opérationnels des travaux
des années précédentes sur des domaines-clés, qui ont conduit à adopter des principes et
orientations générales sur : la coordination de l’aide, l’examen préalable des projets, la
coopération technique, l’aide-programme, etc. Depuis, il est régulièrement complété par de
nouveaux principes. Cette concertation se fait aussi à travers des rencontres régulières en dehors
de l’OCDE ; c’est le cas du réseau Interlac, créé en 1973, qui associe les institutions financières
de développement européennes, gestionnaires d’aide publique ou spécialisées dans le
financement du secteur privé. La recherche de bonnes pratiques s’exerce de façon implacable,
par la mise en place de stratégies d’érosion lente comme l’illustre l’offensive qui a pris les
crédits d’aide liée en tenaille entre l’Arrangement et le CAD. L’Arrangement constitue un cadre
général d’entente sur les crédits à l’exportation, administré par l’OCDE, qui comporte
notamment un système de surveillance. Cet accord a limité l’utilisation de l’aide à des fins
commerciales, dans des secteurs concurrentiels comme les télécommunications, les transports
ou l’énergie.

Du côté du CAD, au début des années 1990, alors que le texte était en cours de négociation,
une étude a mesuré les surcoûts observables dans les opérations d’aide liée, qui peuvent
atteindre 20 %268, autant de pris au détriment d’autres usages. Un groupe de travail du CAD sur
les aspects financiers de l’aide a mis en place une série de disciplines d’affichage des crédits
d’aide liée et d’appréciation de leur qualité, renforçant une série d’actions convergentes contre
l’aide liée, qui aboutissent en 2000 à l’adoption d’une décision bannissant l’aide liée dans les
pays les moins avancés.

268
François Pacquement, ibid p.267. 76
À partir de la mise en vigueur de l’accord d’Helsinki, l’aide se détourne progressivement des
secteurs favorisés au titre de la promotion des exportations. La mesure d’APD prend en compte
les décaissements, qui peuvent intervenir parfois cinq ans après une décision financière, ce qui
fait que la tendance ne s’affirme dans les statistiques qu’à partir de 1995. En contrepartie, l’aide
aux secteurs sociaux augmente. Autre discipline, dans le cadre des plans d’ajustement
structurels, le FMI inclut parmi ses conditionnalités une autorisation préalable pour tout nouvel
endettement des pays concernés, opération par opération ; il exige ainsi que les conditions des
prêts souscrits soient supérieures à 35 %269 de concessionnalité. Les disciplines exercent un rôle
de plus en plus contraignant, qui se manifeste par l’allongement du volume des rapports
d’examen par les pairs au sein du CAD et par l’imposition d’indicateurs de qualité de plus en
plus nombreux.

269 77
François Pacquement, ibid p.265.
Chapitre II : Un jeu d’intérêts pragmatique

L’idée que l’aide bilatérale soit une aide intéressé n’est pas forcément négative. La recherche
de leur intérêt poussent souvent les Etats à s’engager dans des coopérations et projets, qui
présente des avantage à la fois pour les pays donateurs et les pays bénéficiaires. Par nature
l’aide bilatérale est à géométrie variable (Section 1), qui fait intervenir de nombreux acteurs,
dont certains sont considérés comme nouveaux (Section 2)

78
Section 1 : Une aide à géométrie variable

Son caractère flexible permet à l’aide bilatérale de fournir des financements ponctuels
(Paragraphe 1), aux pays bénéficiaires de l’aide ainsi que des programmes d’aide plus adaptés
(Paragraphe 2).

79
Paragraphe 1 : Des financements ponctuels

Plutôt que de se tourner vers des financements à la limite de l’abstrait et prédestiné à des
secteurs, les Etats bénéficiaires d’APD préfèrent très certainement compter sur les financements
« régulier » de leurs différents bailleurs bilatéraux. Ces financements, s’ils ne sont pas toujours
employés dans le cadre des 18 objectifs de l’ODD ont en effet l’avantage d’être flexible et
adaptables aux besoins ponctuels des Etats bénéficiaires. De plus n’entretenir un lien avec les
pays donateurs présente plus davantage pour les pays bénéficiaires qui peuvent ainsi s’assurer
une place dans le jeu politique international, par le biais de coopération économique, quand
bien même ils n’y joueraient que des rôles de figurant.

La concentration de l’aide britannique au développement assure cette ponctualité de l’aide à


ces anciennes colonies. En effet, La Grande-Bretagne, concurrente historique de la France sur
ces espaces africains, agit habilement en adoptant une politique de développement inverse à
celle de la France. Tandis que la France paraît se disperser en essayant de sécuriser la loyauté
de plus en plus de territoire, la forte concentration géographique de l’aide bilatérale britannique
est plutôt surprenante. Derrière cette concentration de l’aide britannique se cache une volonté
de sécuriser ses alliances en démontrant une certaine loyauté à ces anciennes colonies. Ainsi la
répartition de l’aide britannique correspond au contour géographique de l’ancien empire
colonial : 70 % des ressources allant, par exemple, dans les années 1990, aux Etats membres
du Commonwealth270.

La stratégie britannique est accompagnée de la création en 1997 d’un département dédié à l’aide
international afin de pouvoir mieux renforcer le pilotage des aides. Avant cela la mise en œuvre
de l’aide était dévolue à plusieurs institutions, accordés à l’aide un cadre exclusif s’est accordés
aux pays bénéficiaires une institution de référence vers laquelle se tourner pour requérir une
aide. Le département de l’aide international britannique se déclinait en 36271 délégations
essentiellement africaines.

Les espaces du développement britanniques, sont définis par le département de l’aide


internationale comme suit : deux ensembles traditionnels, l’Afrique et l’Asie, et un ensemble
hétérogène Europe, Moyen-Orient, Amériques. Ces trois divisions géographiques majeures

270
Thierry Simon, « Permanences bilatérales dans l’aide au développement en Afrique subsaharienne », 80
EchoGéo http://journals.openedition.org/echogeo/11967 ; DOI : https://doi.org/10.4000/echogeo.11967,
consulté le 19/04/2022 à 00 : 44.
271
Ibid.
sont elles-mêmes organisées en départements régionaux. Ceux-ci sont enfin subdivisés en
délégations nationales. Les départements régionaux peuvent être renforcés ou complétés de
missions thématiques particulières et conjoncturelles. Ainsi, par exemple, au département
«West Africa, Sudan » est actuellement insérée une équipe spécialiste des pays fragiles comme
la Sierra Leone ou le Liberia, ou encore de pays en conflit comme le Soudan, et de l’aide
humanitaire. On remarquera aussi la mention explicite qui est faite, dans la stratégie du
département de l’aide internationale, à des « pays-clefs ». Ce sont des Etats identifiés sur une
base « régionale » pour constituer un pivot vers lequel les efforts sont spécifiquement orientés.
Ils constituent, de fait, une zone de concentration ou d’attention particulière pour l’aide
bilatérale britannique.272

La Grande-Bretagne a imperturbablement continué à assurer le financement de programmes


bilatéraux variés, dans des Etats africains où l’aide britannique s’est prolongé dans la durée tel
que le Nigeria, le Ghana ou l’Ouganda. Ces appuis se sont souvent déroulés sans suspension ou
interruption passagère des décaissements, comme cela fut parfois le cas avec l’aide française,
avec régularité, dans des secteurs jugés stratégiques : développement rural, infrastructures de
transport et de santé notamment. La fameuse logique d’abonnement, à connotation
néocoloniale, qui fut accolée au FAC273, a semble-t-il dominé dans l’aide bilatérale britannique.
Il faut noter par ailleurs que cette continuité de l’aide britannique s’est faite tout en douceur,
sans que des polémiques de grande ampleur se fassent jour sur la mise en place de
compromissions douteuses ou de réseaux pervertissant l’usage des aides.

L’aide britannique répondait à une cohérence certaine dans la répartition des flux avec des
engagements pris en faveur des pays les plus défavorisé. Avec 50 %274 de la dotation bilatérale
globale en 2010275, l'Afrique subsaharienne en était la principal bénéficiaire. Elle est suivie par
l'Asie du Sud. Entre 2000 et 2010, les principaux destinataires de l'aide bilatérale britannique
restaient l'Inde et le Bangladesh, mais aussi l’Ouganda, le Mozambique, la Tanzanie et la
Zambie. Malgré la multiplicité des bénéficiaires, l’aide britannique semble bien commencer à
connaître désormais un timide mouvement de concentration en faveur d’un nombre
relativement limité de pays qui ne sont pas forcément ceux avec lesquels les liens historiques
sont les plus forts, ni ceux qui disposent d’un poids économique substantiel.

272 81
ibid
273
Ibid
274
Ibid
275
echogeo-11967.pdf, consulté le 19/04/2022 à 19 :40.
De plus en plus les contributions britanniques envers les pays à revenus intermédiaires se
concentrent bilatéralement sur un nombre limité de pays. En 2005 et en 2006, puis en 2007 et
2009, le département de l’aide international a concédé ses plus importants décaissements d’aide
bilatérale à un quatuor de grands Etats : l’Inde et le Bangladesh, une constante asiatique de
l’aide bilatérale britannique, mais aussi le Soudan et la Tanzanie. Cela reconstitue en quelque
sorte un double duopole276, asiatique et africain, qui mobilise plus du quart de l’aide bilatérale
britannique. Ce duopole est bien entendu le reflet des relations privilégiées et impériales que la
Grande-Bretagne a pu entretenir avec ces régions, car ces pays constituent des ancrages
symboliques avec ce passé qui pèse encore. Mais ces duopoles s’inscrivent aussi dans la réalité
des relations d’intérêts commerciaux.

Même si la politique française d’aide au développement semble être aux antipodes de celle
britannique, les deux présentent cependant des similitudes. La tendance de l’évaluation des flux
de l’APD française montrent que des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon ou le
Djibouti ont bénéficié d’une aide soutenue et récurrente. Cette aide régulière, tant dans la durée
que dans l’importance des flux financiers mobilisés, représentent d’importants financements
ponctuels. Par ailleurs les autres pays bénéficiaires de l’aide française au développement ont
également pu profiter de financements annuels réguliers. On a d’ailleurs régulièrement reproché
à l’ADP française de constituer pour ces pays une sorte d’abonnement annuel.277

Actuellement les pays donateurs prennent comme référence les 0.7% de leur PNB nationale
brute, établie par l’ONU pour déterminer le montant alloué à l’APD. Même si les contributions
n’atteignent que très rarement cet objectif, son existence permet au moins de garantir aux Etats
bénéficiaires d’APD des contributions plus ou moins stable. Un plan directeur a d’ailleurs était
mis au point par le CAD et prévoit que les pays en développement recourent progressivement
à la mobilisation de leurs propres ressources nationales, complétées de plus en plus par des
apports extérieurs privés réguliers de capitaux à long terme. D’après le CAD L’un des rôles
de l’aide est de contribuer à ce processus et de soutenir les efforts de réduction de la dépendance
à l’égard de l’aide, en particulier dans les pays, les régions et les secteurs qui ne parviennent
pas encore à accéder aux capitaux privés, ou qui le font trop peu278.

276 82
http:// journals.openedition.org/echogeo/11967, consulté le 19/04/2022 à 02 :01.
277
https://doi.org/10.4000/echogeo.11967, consulté le 19/04/2022 à 01 : 34.
278
Vers un financement durable du développement dans les pays moins avancés
Dans Revue de l'OCDE sur le développement 2001/1 (no 2), pages 86 à 108.
Il faut noter qu’une augmentation conséquente de l’épargne et de l’investissement intérieurs
ne peut se faire sans progrès sur divers plans : stabilité politique et macro-économique, bonne
gestion des affaires publiques, solidité des systèmes financiers, diminution effective de
l’endettement, dynamisme du secteur privé et progression des échanges internationaux,
notamment. L’aide peut contribuer à renforcer la mobilisation des ressources intérieures, mais
elle ne peut remplacer cette dernière. Les perspectives à moyen terme pour les pays en
développement, incluant les pays les moins avancés autres que ceux engagés dans des conflits
ou ayant des problèmes non résolus d’administration, sont tout à fait positives et bien meilleures
qu’elles ne l’étaient lors de la décennie 1970-1980.

De plus en plus de financements, et des financements plus efficaces, de toutes les sources seront
nécessaires afin d’aider les pays en développement à atteindre les taux de croissance requis
pour des niveaux durables de mobilisation des ressources intérieures, permettant d’étendre les
capacités d’exportation et l’accès aux marchés financiers internationaux.

En Afrique, par exemple, subsiste une énigme majeure : si la croissance doit être conduite par
le secteur privé, et c’est ainsi que cela doit être, comment ceci peut–il être financé par
l’augmentation des niveaux d’aide ? Une augmentation de l’aide, basée sur des Cadres
stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) de bonne qualité, pourrait certainement injecter
plus de pouvoir d’achat dans les économies africaines, ce qui pourrait stimuler le secteur privé
si le cadre politique est bon et si la corruption et la volatilité des capitaux sont maîtrisées.
Cependant, une expansion adéquate de l’investissement intérieur nécessite un renforcement
significatif de l’infrastructure financière et des capacités de gestion, ceci avec une participation
étrangère substantielle, particulièrement grâce à l’IDE279.

En 1998, les apports nets de ressources aux pays les moins avancés (PMA) ont totalisé environ
14 milliards, soit quelque 2 milliards de moins que leur niveau moyen de la première moitié
des années 90. Les PMA ont reçu moins de 6 % des apports totaux en 1998, contre plus de 10
% en 1992. Avec 11 milliards, les financements publics du développement ont représenté 81
%280 des apports en 1999, le reste prenant essentiellement la forme d’IDE (environ 2 milliards
en 1999). Les IDE ont augmenté régulièrement par rapport à leur niveau proche de zéro de la

279
Les IDE (ou investissements directs à l'étranger) sont les investissements réalisés par une entreprise en 83
direction d'une entreprise étrangère.
280
Vers un financement durable du développement dans les pays moins avancés
Dans Revue de l'OCDE sur le développement 2001/1 (no 2), p.86
première moitié des années 90. Sur le total des apports de FPD à ce groupe de pays, 61 % sont
venus de l’APD bilatérale, qui s’est chiffrée à environ 7 milliards en 1999281.

L’aide peut donc avoir un effet positif sur la gouvernance, tant qu’elle sort le gouvernement de
contraintes de revenus, lui permettant de renforcer les institutions locales en versant des salaires
plus élevés aux fonctionnaires. Elle peut aussi fournir une assistance technique et de
l’entraînement et peut être utilisée pour construire des systèmes légaux et des bureaux de
comptabilité.

281 84
Ibid, p.88
Paragraphe 2 : Des programmes d’aide plus Pondérée

Dans l’aide bilatérale la proximité des bailleurs favorise l’adaptabilité des programmes d’aide.
Les donneurs influent sur les gouvernements bénéficiaires via le transfert de ressources, mais
également via le dialogue politique, la conditionnalité, ou tout comme. La plupart de la
littérature récente sur la croissance a en fait identifié la faiblesse des institutions comme la
contrainte majeure à la croissance, du moins en Afrique.

Lorsque les premiers pays membres du CAD ont mis en place leurs systèmes de coopération
pour le développement dans les années 60, il était habituel et peut-être justifié de
compartimenter la gestion de l’aide, qui était assurée par des unités structurelles distinctes
disposant d’une grande autonomie. Les contributions aux agences multilatérales et l’aide
humanitaire étaient gérées par des services spéciaux qui ne se trouvaient pas forcément dans les
mêmes locaux que l’organisme d’aide. Les départements et sièges régionaux puissants
pouvaient gérer des programmes bilatéraux et disposer d’agents affectés aux bureaux
géographiques des principaux pays partenaires et de représentants sur le terrain, essentiellement
chargés de relayer l’information entre le siège et le pays partenaire. Seul un nombre limité de
domaines, comme les infrastructures, la santé et l’éducation, exigeait des compétences
spécialisées. Les questions pluridisciplinaires étaient peu nombreuses et l’idée d’une prise en
compte systématique du développement dans l’élaboration des politiques encore peu répandue.

Dans les décennies qui ont suivi, la coopération pour le développement est devenue plus
complexe et les organisations ont dû adapter leurs structures, à la fois pour couvrir un plus large
éventail de sujets et pour que chaque unité puisse travailler en coordination et en
complémentarité avec les autres. L’apparition des stratégies de lutte contre la pauvreté, par
exemple, nécessite une plus grande coordination entre les unités responsables des
établissements financiers internationaux et celles qui gèrent les programmes d’État à État. Les
activités bilatérales peuvent maintenant être mises en œuvre au moyen de contributions
préaffectées à des organismes multilatéraux (assistance « multibilatérale »). L’adoption de
stratégies de partenariats pour l’acheminement de l’aide extérieure a conduit certains membres
du CAD à transférer l’essentiel de leurs programmes bilatéraux à d’importantes unités situées
dans chacun des principaux pays partenaires, au point de ne plus conserver au siège, dans leurs
départements régionaux, qu’un personnel très réduit. De plus en plus, l’aide humanitaire fournie
à court terme est appelée à évoluer vers des programmes de redressement à moyen terme et
éventuellement vers des partenariats de développement à long terme. Différents aspects, comme
la problématique homme-femme ou le sida, maintenant intégrés aux programmes de
85
développement, exigent le recrutement de spécialistes qui puissent travailler en collaboration
avec les autres agents chargés de la mise en œuvre de l’aide bilatérale et multilatérale, des
dispositifs de cofinancement des ONG et de l’aide humanitaire.

À une époque, les organismes d’aide des pays membres du CAD avaient habituellement une
structure géographique plutôt que fonctionnelle, mais elles ont souvent été conduites, du fait de
la complexité de la lutte contre la pauvreté, à adopter une structure hybride, en accordant une
place dominante aux départements géographiques et multilatéraux, mais en leur fournissant
selon les besoins un solide soutien sectoriel et technique. Cette évolution témoigne de
l’attention accrue portée à la programmation par pays pour guider les efforts des pays
partenaires et de l’orientation nouvelle adoptée dans certains pays membres du CAD en faveur
de l’aide-programme plutôt que de projets d’assistance, et en faveur d’activités planifiées et
mises en œuvre dans un cadre sectoriel.

L’Agence australienne pour le développement international gère l’essentiel de l’aide extérieure


de l’Australie. Sa structure donne un rôle prééminent aux sections géographiques et
multilatérales, appuyées cependant par des dispositifs de soutien sectoriel et technique. Les
questions de gestion et d’organisation font partie des responsabilités fondamentales de la
direction, qui procède régulièrement à des ajustements de la structure de l’Agence pour
répondre aux évolutions de la situation. À la tête de l’Agence se trouve un directeur général,
responsable de son administration auprès du secrétaire parlementaire au Département des
affaires étrangères et du commerce extérieur. Le directeur général est aidé par le bureau exécutif
d’AusAID282, qui comprend aussi trois directeurs généraux adjoints, et se concentre sur la
détermination des orientations stratégiques et les questions de gestion au sens large. Le bureau
exécutif est à son tour soutenu par trois comités exécutifs dont les activités concernent : la
gestion des services communs et les questions d’organisation ; l’assurance de la qualité dans
tous les domaines dans lesquels une aide est fournie et les réalisations et les stratégies des pays
partenaires.

L’Agence des États-Unis pour le développement international gère plus de la moitié de l’APD
du pays et plus des deux tiers de l’aide bilatérale au titre de la coopération. Elle a des agents en
poste dans 70 pays partenaires. Son siège de Washington possède une structure hybride
constituée de 10 bureaux : quatre bureaux géographiques pour : l’Afrique, l’Asie et le Proche-

282
l’Agence australienne pour le développement international, connue sous le nom d’AusAID. Il a été fusionné 86
avec le MAECD sans consultation préalable du gouvernement Abbott en 2014, l’aide étant réduite à la plupart
des régions à l’exception de la région du Pacifique.
Orient, l’Amérique latine et les Caraïbes et l’Europe et l’Eurasie ; trois bureaux fonctionnels
pour la santé dans le monde, la croissance économique, l’agriculture et le commerce, et la
démocratie, les conflits et l’aide humanitaire ; trois bureaux supplémentaires se chargent des
tâches administratives essentielles : gestion, affaires juridiques et publiques et coordination des
politiques et des programmes.

La question de la communication et de la coordination internes est devenue déterminante pour


une meilleure gestion de l’aide dans tous les organismes de coopération, qui s’efforcent
d’améliorer leurs performances à cet égard. Beaucoup d’entre eux disposent maintenant de
systèmes de communication mondiale grâce à la messagerie électronique par satellite, même si
l’accès aux services de courrier électronique et d’intranet est parfois limité pour les agents en
poste dans certains pays membres du CAD dépendant de fournisseurs d’accès locaux. La visite
sur le terrain effectuée au Mozambique a permis de constater que certaines ambassades devaient
encore appeler le siège plusieurs fois par jour pour télécharger leurs messages électroniques.
Elle a également fait apparaître que des membres du CAD utilisent maintenant des systèmes de
vidéoconférence pour la communication entre le siège et les bureaux locaux. Cette technologie,
employée surtout par les pays à forte délégation des responsabilités et lorsque les échanges se
font entre des fuseaux horaires proches, répond à des objectifs variés : entretiens d’embauche,
réunions hebdomadaires avec les dirigeants au siège, participation à des réunions de comités
d’évaluation des projets et communication avec les bureaux régionaux.

La promotion de la coordination interne peut être difficile, en particulier dans les grands
organismes d’aide qui comptent plusieurs milliers d’agents en poste dans le monde entier, et
peut poser plus de problèmes que la communication entre les différents ministères des pays de
taille modeste. Pour la faciliter, il est possible de mettre en place des mécanismes officiels de
coordination, en créant par exemple des équipes spéciales composées d’agents de différentes
unités réunies pour travailler ou réfléchir ensemble sur des questions essentielles. Comme les
différents lieux d’affectation du personnel des organismes d’aide ne se trouvent pas toujours
dans les mêmes fuseaux horaires, il peut s’agir d’équipes « virtuelles » qui communiquent par
Intranet ou par courrier électronique. Les réunions et les échanges informels entre les agents
constituent un autre mode de coordination. Ils peuvent être encouragés par divers moyens, tels
que cours de formation, ateliers et rencontres rassemblant les agents qui travaillent sur des
problèmes connexes ou dans des pays voisins.

Les organismes d’aide doivent avoir accès à des compétences techniques spécialisées dans de
nombreux domaines pour soutenir et maintenir la qualité des activités qu’ils soutiennent. Ces
87
compétences peuvent être très spécifiques (VIH/sida par exemple), ou plus générales et
nécessaires d’un bout à l’autre de la mise en œuvre du programme, comme celles qui concernent
l’évaluation. La question des compétences techniques suscite des problèmes délicats pour les
organismes d’aide. Il faut en particulier déterminer si le personnel doit être en poste sur le terrain
ou au siège, recruter une masse critique de personnes possédant des compétences actualisées
dans un ensemble de domaines spécialisés, et les retenir.

Pour répondre à ce besoin de compétences internes, certains organismes d’aide se dotent


d’unités techniques ou spécialisées. Le Danemark, l’Irlande, l’Espagne et la Suède ont ainsi
créé des unités techniques dont le personnel possède des compétences spécialisées dans des
secteurs clés du programme d’aide. Dans d’autres pays membres du CAD, le personnel
technique peut être affecté à des départements régionaux et rattaché à des pays spécifiques. Les
grands organismes d’aide peuvent employer des spécialistes à la fois au siège et dans les
bureaux dont ils disposent dans les principaux pays partenaires, qui peuvent rassembler des
experts venus du pays donneur ou recrutés localement. Les organismes de taille plus modeste
n’ont pas nécessairement les moyens d’employer des experts dans chaque secteur clé de leur
programme et dans chaque pays partenaire. Le personnel technique peut alors se voir confier
plusieurs secteurs d’activités ou se consacrer à un secteur particulier dans plusieurs pays
partenaires.

Souvent, le personnel technique est insuffisant dans certains domaines ou secteurs essentiels.
Pour y remédier, certains membres du CAD ont choisi de recruter des experts techniques sous
contrats de durée déterminée ou dans le cadre de missions de consultation. Cette solution permet
aux organismes d’aide de s’assurer du renouvellement régulier des compétences techniques
qu’ils utilisent, mais peut aussi aboutir à une forte rotation de personnel préjudiciable au
maintien de la mémoire institutionnelle.

Une autre solution consiste à négocier des contrats de plusieurs années avec des organismes de
recherche ou des établissements d’enseignement supérieur et d’avoir recours selon les besoins
aux compétences spécialisées qu’ils possèdent dans des domaines variés, et qui peuvent couvrir
des aspects sectoriels mais aussi d’autres domaines comme l’appui aux programmes, la
recherche ou l’évaluation.

Certaines questions pluridisciplinaires revêtent une importance fondamentale pour la réalisation


des objectifs globaux de développement. La lutte contre la pauvreté ou l’égalité des sexes, par
exemple, sont des questions pluridisciplinaires, car elles influent sur les résultats et les

88
incidences de tous les aspects du programme d’aide et ne peuvent faire l’objet d’activités
autonomes ni être traitées comme des secteurs à part entière. La plupart des membres du CAD
ont défini trois ou quatre aspects ou thèmes pluridisciplinaires qui se trouvent au cœur de leur
programme d’aide. Les questions pluridisciplinaires auxquelles les pays membres du CAD
s’intéressent le plus sont le renforcement des capacités, la prévention des conflits, la démocratie,
l’égalité homme-femme, la bonne gouvernance, l’environnement, les droits de l’homme et la
lutte contre la pauvreté. Dans plusieurs pays comme le Canada, le Danemark, l’Irlande et le
Royaume-Uni, le VIH/sida fait partie des principaux aspects pluridisciplinaires traités. Comme
pour les questions sectorielles, les organismes d’aide peuvent avoir besoin de compétences
spécialisées dans la gestion des questions pluridisciplinaires, pour que celles-ci soient bien
prises en compte dans leur programme d’aide. Beaucoup de pays membres du CAD ont mis en
place des unités spécialisées ou nommé des experts internes chargés des questions
pluridisciplinaires. Ils ont ainsi tendance à faire porter toute la responsabilité de ces questions
par des experts ou des unités techniques, de sorte qu’elles risquent de ne pas être bien prises en
compte dans le cadre des programmes. Une solution plus adaptée consisterait à disposer
d’experts techniques, tout en formant l’ensemble du personnel au traitement des questions
pluridisciplinaires et en lui en confiant la responsabilité, pour qu’elles constituent un aspect
essentiel de son travail.

89
Section 2 : L’entrée en scène de nouveaux acteurs

Après un demi-siècle de quasi-monopole de l’aide bilatérale par certaine puissance,


l’environnement de la coopération internationale a vu l’émergence de nouvelles alliances
(Paragraphe 1) ainsi que le renforcement de la coopération sud-sud (Paragraphe 2).

90
Paragraphe 1 : l’émergence de nouvelles alliances

Le terrain de l’aide bilatérale a vu naitre de nombreuse rivalité comme celle entretenue entre
l’Angleterre et la France. Cette fois-ci entre de nouveaux acteurs de l’aide bilatérale dans
certaines zones, considérés comme étant sous « monopole ».

En Afrique subsaharienne le retrait temporaire et furtif de la France dans le début des années
2000 a permis à plusieurs autres acteurs de mieux s’y implanter. Ainsi l’UE a pris
progressivement le relais partiel des anciennes puissances coloniales. Elle distingue ses
relations avec l’Afrique septentrionale (accords Euromed)283, l’Afrique du Sud (accords de
libre-échange) et les pays de la zone ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique – Accord de
Cotonou). Ses quatre objectifs sont la paix et la sécurité, la gouvernance, l’intégration
commerciale et le commerce, et le développement. L’UE intervient en Afrique principalement
par le partenariat, le multilatéralisme, la diplomatie de terrain et le soft power. Les Accords de
Yaoundé puis de Lomé, entre la Communauté européenne et les pays ACP, se situaient dans
une perspective régionaliste de préférences et de non-réciprocité prenant en compte les
asymétries internationales. Ils visaient à insérer les anciennes colonies d’Afrique, des Caraïbes
et du Pacifique dans des accords préférentiels avec leurs anciennes métropoles, de façon à
intégrer l’espace européen.

Ces accords ont perdu beaucoup de leur légitimité et de leur force en raison de l’élargissement
de l’Europe à des pays sans passé colonial et, depuis la chute du mur de Berlin, de la
réorientation des intérêts vers l’Europe de l’Est. Cet ajustement a conduit au rapprochement des
doctrines des bailleurs de fonds sous le leadership des institutions de Bretton Woods. Parlant
d’une seule voix à l’OMC, l’Union européenne a mis ses accords en conformité avec les règles
de l’OMC. Les principes de non-réciprocité et de discrimination entre pays en voie de
développement contenus dans la Convention de Lomé étaient en relative contradiction avec les
règles de l’OMC. La Convention de Cotonou a prévu des accords de libre-échange et la mise
en place d’accords de partenariat économique (APE) qui pourraient se substituer au système de
préférences généralisées (SPG) ou aux préférences accordées aux PMA selon le programme de
l’UE « Tout sauf les armes », qui prévoyait des régimes commerciaux préférentiels pour tous
les produits, à l’exception des armes.

283
Le Partenariat Euromed, dit aussi Processus de Barcelone, a été institué en 1995 à Barcelone, à l'initiative de 91
l'Union européenne (UE) et de dix autres États riverains de la mer Méditerranée (Algérie, Palestine, Égypte,
Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie et Turquie).
Les politiques européennes manquent de cohérence entre politiques commerciales, agricoles et
de développement. Citons le cas de la Politique agricole commune qui, en subventionnant la
production, voire les exportations européennes, entre en contradiction avec le financement de
projets agricoles par le Fonds européen de développement (FED). De même, la Direction
générale Commerce extérieur, déterminante dans la mise en œuvre des APE et des accords de
libre-échange, est en forte tension avec la Direction générale Développement, qui privilégie le
social, l’environnement, le secteur productif et l’intégration régionale. Les politiques
européennes restent largement tributaires de celles des États membres.

L’UE intervient également dans trois volets politiques : la diplomatie préventive, la gestion
militaire des guerres et la résolution pacifique. Elle s’est dotée depuis décembre 2003 d’une
politique étrangère et de sécurité commune. Le Conseil européen a des liens privilégiés avec
l’Union africaine (UA) et des organisations régionales. L’UE finance des appuis logistiques, la
formation des forces de police et des armées, le désarmement et la démobilisation.284

Depuis 1989, les relations avec la Russie s’étaient réduites sauf dans le nouveau commerce
triangulaire entre les exportations d’armes de la Russie vers l’Afrique, les exportations
africaines de matières premières vers l’Europe et les exportations européennes de produits
manufacturés vers la Russie en contrepartie du gaz. Un renouveau apparaît depuis 2005 à la
fois pour des intérêts énergétiques (gaziers et nucléaires) et géopolitiques dans un jeu
d’équilibrage d’un monde multipolaire et de concurrence avec la Chine. Les liens principaux
concernent l’Egypte et l’Afrique du Sud, mais également la Namibie (uranium), l’Angola
(diamant, pétrole) et le Nigeria (gaz). Ainsi Gazprom a-t-il accès aux ressources gazières du
Nigeria visant à approvisionner l’Europe en gaz, Abrosa au diamant en Angola et Rusol à
l’aluminium au Nigeria et en Guinée.

Les trois grandes puissances d’Asie que sont la Chine, l’Inde et le Japon ne jouent pas dans la
même cour que les pays d’Afrique. Ces trois géants représentent trois fois le volume de la
population de l’Afrique subsaharienne, leur PIB est de 14 fois et leurs forces de défense (en
effectifs) de 30 fois supérieurs à ceux des pays de cette région. Enfin, leurs taux de croissance
représentent plus de deux fois ceux de l’Afrique subsaharienne. La présence de ces grands Etats
asiatiques en Afrique s’explique largement par la diversification de leurs échanges, liée
notamment à leur insertion au sein de l’OMC. Elle tient également à leurs besoins considérables

284
Elle est ainsi présente en Ituri avec l’opération Artémis, en RDC, au Tchad (EUFOR), au Soudan, en Somalie et 92
en Afrique de l’Ouest. Le transfert de la sécurité vers l’UE (illustré par exemple par le programme RECAMP)
permet de décoloniser les relations bilatérales entre anciennes métropoles et colonies
en matières premières et en énergie et à leur émergence comme puissances sur la scène
internationale.

Les relations entre le Japon avec l’Afrique sont redevenues géostratégiques. Elles se sont
longtemps limitées à des échanges commerciaux, d’investissement et d’aide, Tokyo souhaitant
être présent sur certains marchés et accéder aux ressources locales de matières premières. Sa
présence accrue en Afrique est également liée à sa rivalité avec la Chine et à un nouvel axe de
paix et de sécurité dans sa stratégie. Hors l’Afrique du Sud, la part d’échange du Japon avec
l’Afrique représente moins de 2 %285 de l’ensemble de ses relations commerciales mondiales.
Le Japon est devenu le premier donateur sur le continent africain, s’engageant lors de la TICAD
IV en 2008 à affecter 4 milliards de dollars286 à l’aide publique au développement (APD) en
Afrique. En dehors des intérêts d’ordre géopolitique, comme bénéficier du soutien des pays
africains pour l’obtention d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, les
objectifs de cette coopération demeurent principalement utilitaristes : gagner l’accès aux
matières premières et asseoir la présence des firmes japonaises. Par ailleurs, Tokyo a développé
son soutien à la prévention des conflits.

L’Inde est une puissance émergente à plus d’un titre : de par sa population, sa forte croissance
économique, sa stratégie d’ouverture, ses performances dans les secteurs à haut niveau
technologique, son arsenal militaire. Elle est présente par les réseaux de sa diaspora en Afrique
de l’Est (Kenya et Ouganda), en Afrique du Sud et dans l’océan Indien (Maurice,
Madagascar)287. Ce pays importe 70 %288 de ses besoins pétroliers alors que les prévisions de
croissance de sa demande étaient évaluées par les autorités indiennes, avant la crise de 2008-
2009, à près de 10 % 289par an. Huit pays africains (Burkina Faso, Tchad, Côte d’Ivoire, Ghana,
Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali et Sénégal) sont concernés, depuis mars 2004, par
l’Initiative Team 9 lancée par le gouvernement indien290. Liée aujourd’hui aux Etats-Unis sur
le plan des relations internationales, l’Inde entretient avec l’Afrique des relations géopolitiques

285
https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/1999/12/pdf/sharer.pdf, consulté le 22/04/2022 à 00 :55. 93
286
Ibid.
287
Les sociétés indiennes ont investi dans le phosphate (Sénégal, Tanzanie), dans les télécommunications
(Malawi), dans le transport routier (Sénégal) et dans les secteurs de pointe, où elles peuvent se prévaloir de
nombreux avantages comparatifs (finance, nouvelles technologies, recherche scientifique…), mais surtout dans
le domaine pétrolier.
288
https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/1999/12/pdf/sharer.pdf,Ibid.
289
Ibid.
290
Les pays africains peuvent ainsi bénéficier de crédits concessionnels octroyés par l’Export-Import Bank of
India pour des projets économiques, sociaux et d’infrastructures développés en liaison avec des entreprises
indiennes. Les compagnies indiennes obtiennent en contrepartie des permis d’exploration de pétrole.
nettement moins stratégiques que la Chine. Les échanges commerciaux entre l’Inde et l’Afrique
ont quintuplé en cinq ans pour atteindre plus de 30 milliards USD en 2007. On observe
également des transferts de technologies (par exemple le réseau électronique panafricain pour
la télémédecine ou la télé-éducation) et des délocalisations d’industries pour pénétrer les
marchés européen et nord-américain.

La présence de la Chine en Afrique a conduit à des travaux privilégiant l’approche stratégique


et les relations d’Etat à Etat alors qu’il y a diversité des acteurs publics et privés et pluralité des
rationalités devant éviter l’amalgame entre les migrants, les petits commerçants, les grandes
entreprises et le pouvoir de Pékin. La diaspora chinoise est présente en Afrique depuis plusieurs
siècles ; les jonques de Zheng He sillonnaient l’Afrique de l’Est au xve siècle. Jusqu’au xxie
siècle, la coopération Chine-Afrique ne connut pas une grande expansion. Les relations
commerciales avec l’Afrique étaient inférieures à 1 milliard de dollars alors qu’elles ont atteint
10 milliards dollars en 2000 et ont décuplé depuis.

Bien que sa stratégie internationale soit restée longtemps discrète, la Chine se pose en puissance
régionale concurrente du pôle nippo-américain. Elle se mondialise par son intégration à l’OMC
et se régionalise par les réseaux de sa diaspora, permettant l’extension de ses aires d’influence.

Les relations entre la Chine et l’Afrique sont essentiellement économiques et fondées


officiellement sur le principe énoncé par les Chinois du win-win (« gagnant-gagnant »). Une
des priorités de la Chine est d’assurer la sécurité des routes commerciales et de
l’approvisionnement en pétrole. Second consommateur de pétrole du monde, la Chine reçoit
30 % de son approvisionnement de l’Afrique (38 millions de tonnes sur 127 millions de tonnes
en 2006)291. 85%292 des exportations africaines vers la Chine proviennent de l’Angola, du
Congo, de la Guinée équatoriale, du Nigeria et du Soudan. La part des exportations de l’Afrique
vers la Chine est passée de 1,3% en 1995 à plus de 15% en 2009293. La Chine a élargi de 190 à
4000294 les produits africains exonérés de droits de douane. Ses besoins en matières premières
(fer, bois, coton, diamant, cuivre, manganèse) sont considérables. Par ailleurs, elle trouve en

291 94
https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/1999/12/pdf/sharer.pdf,Ibid.
292
Ibid.
293
Ibid.
294
Ibid.
Afrique des débouchés dans les secteurs des travaux publics, des télécommunications ou du
textile. Sa balance commerciale avec l’Afrique est légèrement déficitaire.295

Plus de la moitié de ses exportations sont des produits à haute valeur ajoutée (machines,
électronique, nouvelles technologies), mais elle vend aussi des produits bon marché, souvent
de basse qualité, de contrebande ou de contrefaçon.

L’influence de la Chine passe également par les financements privés et publics. La Chine a mis
en place un fonds spécial d’investissement pour l’Afrique de 5 milliards de dollars296, alliant
une technologie à l’occidentale aux faibles coûts de main-d’œuvre et aux subventions publiques
chinois, notamment dans le secteur des télécommunications.

295 95
Le commerce sino-africain s’élevait à 50 milliards de dollars d’exportations et 56 milliards de dollars
d’importations chinoises en 2007 ; il a ainsi dépassé le volume des échanges avec les Etats-Unis
(100 milliards USD), avant de connaître une baisse provisoire en 2008.
296
Chaponnière Jean-Raphaël, Comole Emmanuel, Jacquet, ibid p. 174.
Paragraphe 2 : la coopération sud-sud

La montée en puissance de la coopération Sud-Sud a non seulement permit une diversification


des sources de financement du développement, mais aussi une remise en cause des discours et
des pratiques de la coopération Nord-Sud traditionnelle. Cette dernière, après avoir initialement
adopté une posture essentiellement critique envers les bailleurs émergents, est de plus en plus
influencée par l’approche holistique297 de la coopération Sud-Sud. Si une telle évolution offre
des opportunités pour les pays en développement, elle implique également de sérieux défis,
dont le principal consiste à construire un nouveau cadre normatif permettant de mobiliser de
manière cohérente et efficace les différents types de flux de financement du développement
vers les pays les plus pauvres.

La coopération Sud-Sud n’est pas un phénomène nouveau. Elle a pris naissance dès 1955 lors
de la conférence de Bandung, qui rassembla les représentants de vingt-neuf pays asiatiques et
africains pour affirmer l’existence politique du tiers-monde dans le contexte de la Guerre froide.
Par la suite, la coopération Sud-Sud continua à s’affirmer à travers une succession d’initiatives
: la Conférence du mouvement des non-alignés en 1961 à Belgrade, la Conférence sur le
développement économique au Caire en 1962, la création du G77 au sein des Nations Unies en
1963, puis de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
(CNUCED) en 1964, la reconnaissance de l’« autonomie collective » dans la Déclaration sur le
nouvel ordre économique international (NOEI)298 adoptée par l’Assemblée générale des
Nations Unies en 1974, ainsi que l’adoption en 1978 du Plan d’action de Buenos Aires 299, qui
représenta le premier véritable cadre stratégique de la coopération Sud-Sud.

La coopération Sud-Sud ne joua cependant, qu’un rôle mineure jusqu’au début du 21ème
siècle. Certes, après les indépendances, le tiers-monde fit de plus en plus entendre sa voix et
profita de la majorité dont il disposait à l’Assemblée générale des Nations Unies pour y faire
adopter des mesures reflétant ses intérêts. Durant les trois décennies d’après-guerre, le tiers-
monde tenta de sortir de son rôle de simple fournisseur de matières premières à faible valeur
ajoutée, en adoptant une stratégie d’industrialisation fondée sur la « substitution aux

297
Jan Smuts, Holism and Evolution. Londres: Macmillan & Co Ldt, 1926, 362 p. 96
298
Daniel A. Holly, Les Nations unies et le nouvel ordre économique mondial, Études internationales, Volume 8,
numéro 3, 1977, p. 503.
299
Appui du système des Nations unies pour le développement à la mise en œuvre du plan d'action de Buenos
Aires relatif à la coopération technique entre pays en développement(JIU/REP/85/3) - UNESCO Bibliothèque
Numérique, consulté le 04/22/2022 à 00 :14.
importations »300, consistant à progressivement remplacer les importations industrielles du
Nord par des productions nationales en protégeant les industries naissantes de la concurrence
étrangère. Cette approche reposait sur la théorie de la dépendance, qui affirmait que
l’intégration des pays du tiers-monde au marché mondial les condamnait à un échange inégal
et au sous-développement, en les rendant dépendants des capitaux et des technologies des pays
développés. Selon cette théorie, le développement du tiers-monde nécessitait une déconnexion
du marché mondial et une rupture avec la division internationale du travail.

La coopération Sud-Sud et les politiques de substitution aux importations permirent certes au


tiers-monde d’enregistrer pendant trois décennies des taux de croissance industrielle
historiquement élevés : plus de 8% par an en moyenne entre 1945 et 1975 – contre 2% durant
la première partie du 20ème siècle et 5,8% entre 1975 et 1990.301

Toutefois, l’industrialisation se concentra dans quelques pays et dans des secteurs industriels
traditionnels à faible valeur ajoutée, tandis que les économies du tiers-monde restèrent
fortement dépendantes des exportations vers les économies développées du Nord. En outre, les
besoins croissants de capitaux pour poursuivre le processus d’industrialisation engendra un
endettement extérieur excessif qui déboucha au début des années 1980 sur la crise de la dette
du tiers-monde et les plans d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale, qui mirent
brutalement fin à la coopération Sud-Sud et aux politiques de substitution aux importations. Les
pays du tiers-monde surendettés étaient désormais condamnés à solliciter au cas par cas une
aide financière auprès du FMI et de la Banque mondiale, en échange de la mise en œuvre de
programmes d’austérité, de privatisations et de libéralisation commerciale et financière.

Ainsi, malgré une naissance remarquée de la coopération Sud-Sud au cours de la Guerre froide,
la coopération au développement reposa sur un monopole occidental durant son premier demi-
siècle d’existence. Elle représenta en période de Guerre froide un « élément de la politique de
containment »302, qui consistait pour les Occidentaux à endiguer l’expansion soviétique. Selon
Paul Bairoch, du côté des pays bénéficiaires, les montants d’aide les plus élevés durant la Guerre
froide « sont atteints soit par des pays “amis”, mais dont la stabilité politique ou militaire est

300
Patrick Guillaumont, « QU'EST-CE QUE LA SUBSTITUTION AUX IMPORTATIONS? », Revue d'économie 97
politique, Dalloz,Vol. 88, No. 2 MARS-AVRIL 1978, pp. 165-181.
301
P. Bairoch, Le Tiers-monde dans l’impasse, Folio, 1992, p. 434
302
S. Michailof et A. Bonnel, Notre maison brûle au Sud. Que peut faire l’aide au développement, Fayard, 2010,
p. 72.
précaire, soit par des pays plus ou moins neutres que l’aide est censée empêcher de passer dans
l’autre camp »303.

Du côté des pays donateurs, l’essentiel de cette aide est allouée par les pays occidentaux : « Si
l’on exclut les pays de l’OPEP, qui n’ont joué un rôle significatif qu’entre 1973 et 1985, on
peut considérer qu’en moyenne 96% du flux financier en faveur du tiers-monde sont originaires
des pays occidentaux ; et donc seulement 4% sont originaires de l’Est »304 .

Alors que les pays sous ajustement structurel avaient connu deux « décennies perdues »,
plusieurs pays asiatiques enregistraient des performances-records depuis plusieurs décennies :
les quatre « dragons » (Corée du Sud, Singapour, Taiwan, Hong Kong) dès les années 1970, la
Chine à partir des années 1980 et d’autres pays d’Asie du Sud et de l’Est (Inde, Thaïlande,
Malaisie et plus récemment Vietnam et Indonésie) par la suite. Tous ces pays avaient adopté
des stratégies de développement différentes de celles prônées par le consensus de Washington.
Le modèle de développement asiatique repose sur une intégration stratégique au marché
mondial, en vue de tirer profit des chaînes de production internationales. Comme le souligne
Pierre-Noël Giraud : « Facteur favorable, la mondialisation ne peut cependant être considérée
comme le moteur du rattrapage de ces pays. Dans chaque cas, les politiques étatiques ont joué
un rôle absolument décisif. Elles ont été et restent encore très éloignées des modèles libéraux
proposés depuis les années 1980 »305.

Comme le souligne Eun Mee Kim, ce modèle, que certains ont qualifié de « consensus
asiatique»306 , remet aussi bien en question les fondements de la théorie de la modernisation307
que ceux de la théorie de la dépendance. En effet, bien qu’ils se soient inspirés de l’expérience
du développement des pays occidentaux, ces pays ont adopté un modèle de développement qui
a conservé nombre de traits sociaux et culturels « traditionnels », en contradiction avec la thèse
de la modernisation. En outre, ces pays ont réussi à sortir de la périphérie de l’économie
mondiale tout en restant dépendants des capitaux et des technologies occidentales, ce qui entre
en contradiction avec la théorie de la dépendance308. Le consensus asiatique, fondé sur la

98
303
P. Bairoch,Ibid. p. 434.
304
Ibid., p. 429.
305
P.-N. Giraud, La mondialisation. Emergences et fragmentations, Sciences humaines Editions,2008, p. 79.
306
S. Michailof et A. Bonnel, Notre maison brûle au Sud. Que peut faire l’aide au développement, Fayard, 2010,
p. 94.
307
Giauque, D. et autres . « Trajectoires de modernisation et relations politico-administratives en Suisse »,
Revue internationale des sciences administratives, 2009,vol. 75, no 4, p. 757-781.
308
La théorie de la dépendance est une théorie marxiste issu du champ des sciences sociales (sociologie,
histoire, économie et science politique) qui soutient que la pauvreté, l'instabilité politique et le sous-
mobilisation de l’épargne locale, un taux de change compétitif, un protectionnisme ciblé et une
intégration stratégique au marché mondial, remet également en question les fondements du
consensus de Washington, fondé sur l’endettement extérieur, la libéralisation financière, le
libre-échange commercial et l’intégration indifférenciée au marché mondial. En outre, les
régimes politiques et institutionnels de ces pays sont généralement très éloignés des standards
occidentaux de la bonne gouvernance.

Comme son nom l’indique, la coopération Sud-Sud fait référence à des relations d’aide entre
nations dites « du Sud ». Pour rappel, on parle de « Sud » pour faire référence aux Etats qui
possèdent un PIB faible, par opposition aux pays « du Nord », ou occidentaux, qui sont qualifiés
de « développés ». Cependant, la coopération Sud-Sud ne consiste pas en des liens entre Etats
à faibles revenus. En fait, il s’agit de rapports qui lient des pays aux revenus peu élevés à des
nations dites émergentes. Ces dernières sont caractérisées par un taux de croissance économique
conséquent, des structures économiques semblables aux nations de l’OCDE, malgré un PIB par
habitant inférieur à ceux-ci. Généralement, lorsque l’on parle d’émergents, on fait référence aux
BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), mais de nombreux autres pays entrent
dans cette catégorie : l’Arabie Saoudite, le Koweit ou la Corée du Sud pour n’en citer que
quelques-uns.309

L’idée des flux de coopération Sud-Sud est de prendre le contrepied du comportement


occidental en la matière. Ainsi, par exemple, les émergents concentrent leur aide sur la mise à
disposition de services et la construction d’infrastructures (routes, hôpitaux, etc.), non sur la
consolidation d’institutions, à l’instar de l’Occident. Bien sûr, les Etats du Nord ont construit
aussi des écoles, des autoroutes ou des hôpitaux dans les pays en développement mais, si l’on
se réfère au discours des institutions européennes par exemple, il s’agit d’une stratégie
appartenant au passé et ce genre d’action se fait plus rare de nos jours. Les Etats émergeants
insistent sur l’aspect empathique de leurs actions, sur les liens qu’ils partagent avec leurs
partenaires en tant qu’ex-colonies ou contestataires des inégalités Nord-Sud ; là où les
donateurs de l’OCDE agiraient uniquement dans un esprit de charité envers des peuples en
détresse. Les émergents garantissent également une expertise basée sur leur propre expérience
de développement. Enfin, les échanges Sud-Sud n’impliquent généralement pas de conditions,

développement des pays du Sud est la conséquence de processus historiques mis en place par les pays du Nord 99
ayant comme résultat la dépendance économique des pays du Sud.
309
https://www.eclosio.ong/publication/la-cooperationsud-sud-une-alternative-plus-egalitaire/, consulté le
19/03/2022 à 15 :50
au contraire des obligations de démocratie qu’exige le Nord. Ils demandent néanmoins des
bénéfices pour les deux parties : on parle de rapports « gagnants-gagnants ». En bref, les idées
de solidarité entre pays du Sud et d’émancipation s’opposeraient au paternalisme occidental
qui prétend donner des leçons d’humanisme tout en assurant ses propres intérêts.

Le cas de l’Inde, en tant que partenaire d’aide Sud-Sud qui engage des montants toujours
grandissants avec l’Afrique, semble particulièrement intéressant à étudier. En effet, New Delhi
s’applique à se démarquer de sa principale rivale, la Chine, que beaucoup accusent d’être un
nouveau colonisateur. Les indiens reprochent ainsi à leurs concurrents chinois leur invasion
des territoires africains, leur appétit vorace pour les ressources naturelles et leur tendance à ne
pas engager de locaux dans les projets qu’ils mettent en place. Les acteurs indiens sont d’autant
plus intéressants qu’en tant que leaders des Non-alignés et héritiers de la doctrine de Gandhi,
ils se targuent de traiter les pays en développement d’égal à égal.

Cependant il faut nuancer, l’échec du projet Pan African e-Network a démontré que la
coopération sud-sud pouvait également tombés dans les travers de celle Nord-sud. En effet ce
projet de télémédecine consistait en la fourniture à distance de services de soins par
l’intermédiaire de nouvelles technologies. Ainsi, le projet offre à des médecins, notamment au
Sénégal, de contacter des confrères indiens, pour répondre à leurs interrogations sur des
diagnostics complexes, et d’assister à des séances de formations dans de nombreux domaines
médicaux. Ces services ont été, dès le début, assurés grâce à un système de connexion hybride
(fibre optique et satellite), dans le but de permettre un accès universel aux soins et à la
connaissance en matière de santé. Cependant, dans sa conception-même, le projet implique un
déséquilibre : les médecins de Dakar se placent en apprenant lorsqu’ils demandent des conseils
ou suivent des formations. De plus il semble que les indiens rechignait à procéder au transfert
technologique. De la mise en place et la maintenance des machines du réseau à la définition des
horaires de séances, tout est assuré par les indiens. Le Sénégal incarne une exception en Afrique
dans la mesure où, suite à une importante lutte auprès des institutions concernées, le pays a
obtenu de pouvoir former ses propres techniciens pour assurer la gestion du système. Cette
particularité s’arrête toutefois à l’entretien du matériel, puisque New Delhi n’a pas lâché la
bride sur les autres pans du partenariat. Par exemple, le personnel sénégalais n’a jamais été
informé des mots de passe permettant l’accès aux différents serveurs. La bonne volonté
sénégalaise n’a pas non plus suffi à maintenir en vie le projet, qui a été mis en sommeil dès
2017 après huit ans d’activité.

100
Conclusion

L’aide multilatérale tout comme l’aide bilatérale déploient chaque année des moyens
considérables dans l’optique de promouvoir le développement de l’Afrique sub-saharienne.
Plusieurs problèmes se posent néanmoins lorsqu’il est question d’aide dans cette zone. Déjà
l’Afrique sub-saharienne n’est pas la seule région du monde ayant besoin d’assistance, l’Asie
de l’Est, l’Amérique latine ou encore l’Afrique du nord sont également des régions prises en
compte par l’APD aussi bien multilatérale que bilatérale. Et il peut arriver que des secteurs
spécifiques dans ces régions soit prioritaires à l’APD de l’Afrique sub-saharienne.

Ainsi l’aide multilatérale principalement fournit par les Nation-Unies, montre que l’Afrique
sub-saharienne affiche fréquemment un retard sur le calendrier ODD. Cette tendances
s’explique à la fois par des difficultés inhérentes à la région et par les particularités de l’aide
multilatérale. En effet caractère presque abstrait des modèles de développement qu’elle promeut
ainsi que ses ressources qu’elle diffuse à travers les pays, laisse souvent en marge cette région
du monde. D’une part parce qu’afin d’adapter des programmes conçu pour un ensemble, un
usage générique n’en fera que du « gaspillage ». En effet pour adapter les programmes d’aide
de la manière la plus efficiente les pays bénéficiaires auront besoin de technicien qualifié, et de
gouvernement stable pour assurer la continuité des programmes. D’autre part l’allocation des
ressources sans suivie, ni audit approfondi pose un véritable problème quant à la détermination
de ses réelles emplois.

L’aide bilatérale traine également son lot de dysfonctionnement. Le jeu de pouvoirs politiques
qui en est la marque, tend à favoriser « l’oubli » de certaines zones de l’Afrique sub-sahariennes
qui ne recèlent que très peu d’intérêts géostratégiques. De plus le souci de former des alliances,
tend à empiéter sur l’objectif de réduction de la pauvreté de l’APD. Les donateurs de l’aide
bilatérale qui s’alignent pourtant officiellement sur les ODD de l’ONU, cherchent toujours à
tirer leur épingle du jeu face à des pays vulnérables qui essayent de se faire une place parmi «
les grands ».

Il apparait donc improbable que le développement de l’Afrique sub-saharienne s’accomplisse


simplement en comptant sur l’aide au développement. Tout simplement car cette aide n’est
qu’un levier chargé de faire avancer les secteurs préalable à celui-ci. Si davantage doit être
accompli c’est certainement redéfinir les priorités de cette aide qui s’acharne à être efficace.
Alors qu’elle devrait peut-être commencer à questionner ses bénéficiaires.

101
Bibliographie

I/Ouvrages

P. Bairoch, Le Tiers-monde dans l’impasse, Folio, 1992, 660p.

S. Michailof et A. Bonnel, Notre maison brûle au Sud. Que peut faire l’aide au développement,
Fayard, 2010, 374p.

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PUF, 2012, 178 p.

Severino, Jean-Michel Debrat, L’aide au développement, Le Cavalier Bleu éditions, 2010,


366p.

P.-N. Giraud, La mondialisation. Emergences et fragmentations, Sciences humaines Editions,


2008, 160p.

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Cambridge University Press, 25 octobre 1990, 248 p.

Jean-Jacque Roche, Théorie des Relations internationales, Clefs politiques, 2001 (4eme
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Jan Smuts, Holism and Evolution. Londres: Macmillan & Co Ldt, 1926, 362 p.

J. Vercueil, Les Pays émergents. Brésil, Russie, Inde, Chine... Mutations économiques et
nouveaux défis. Bréal, 3e édition, 2012, 267 p.

II/Articles

Gogué, T. A., « Impact des programmes d’ajustement structurel sur le secteur de la santé : cas
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Giauque, D. et autres . « Trajectoires de modernisation et relations politico-administratives en


Suisse », Revue internationale des sciences administratives, 2009,vol. 75, no 4, p. 757-781.

102
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Chaponnière Jean-Raphaël, Comole Emmanuel, Jacquet. « Les pays émergents et l’aide au


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C3%AEne%20des%20d%C3%A9ficits,l'%C3%A9gard%20du%20financement%20ext%C3
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à 00 :55.

108
Table des matières
Index ...................................................................................................................................................iv-vii
Introduction ..................................................................................................................................... 1-5
Partie I : Une aide multilatérale trop générale…………………………………………………………………….6-53
Chapitre I : Une origine de l’aide trop détaché ..............................................................................7
Section 1 : la modélisation de l’aide .......................................................................................................8
Paragraphe 1 : les objectifs du millénaire pour le développement .............................................. 9-13
Paragraphe 2 : les objectifs de développement durable ......................................................... 14-19
Section 2 : Des flux saccadés de financements de l’aide ..................................................................... 20
Paragraphe 1 : Dans les pays émergents ..................................................................................... 21-25
Paragraphe 2 : Dans les pays les moins avancées ........................................................................... 26-30

Chapitre II : Une aide trop peu efficiente .................................................................................... 31


Section 1 : Une abondance de ressources ........................................................................................... 32
Paragraphe 1 : Une effusion de programme ................................................................................ 33-37
Paragraphe 2 : Des financements accrus ......................................................................................... 38-42

Section 2 : Des résultats problématique .............................................................................................. 43


Paragraphe 1 : La faiblesse des économies des PMA .................................................................. 44-48
Paragraphe 2 : L’augmentation de la dette publique des PMA ....................................................... 49-53

Partie II : Une aide bilatérale centré …………….…………………………………………………………………54-100


Chapitre I : Une aide ancrée dans le clientélisme géostratégique .............................................. 55
Section 1 : Les héritages historiques .................................................................................................... 56
Paragraphe 1 : Le manque de constance des financements ....................................................... 57-61
Paragraphe 2 : Le manque de perspective des bailleurs.......................................................... 62-66
Section 2 : Les réalités géopolitiques .................................................................................................. 67
Paragraphe 1 : La dispersion des bailleurs .................................................................................. 68-72
Paragraphe 2 : La divergence des politiques ................................................................................... 73-77

Chapitre II : Un jeu d’intérêts pragmatique ................................................................................. 78


Section 1 : Une aide à géométrie variable ........................................................................................... 79
Paragraphe 1 : Des financements ponctuels ............................................................................... 80-84
Paragraphe 2 : Des programmes d’aide plus pondérés ........................................................... 85-89
Section 2 : L’entrée en scène de nouveaux acteurs ............................................................................ 90
Paragraphe 1 : L’émergence de nouvelles alliances..................................................................... 91-95
Paragraphe 2 : La coopération sud-sud.......................................................................................... 96-100

Conclusion ........................................................................................................................................... 101


Bibliographie ............................................................................................................................ 102-108

109
110

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