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Louis Faidherbe

Une inscription libyque trouvée aux environs de Tunis


In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 25e année, N. 1, 1881. pp. 16-19.

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Faidherbe Louis. Une inscription libyque trouvée aux environs de Tunis. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 25e année, N. 1, 1881. pp. 16-19.

doi : 10.3406/crai.1881.68681

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1881_num_25_1_68681
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COMMUNICATIONS.

INSCRIPTION LIBYQUE TROUVÉE AUX ENVIRONS DE TUNIS.

J'ai l'honneur de vous communiquer quelques observations


sur l'inscription libyque trouvée par M. Goguel, entrepreneur
du chemin de fer de Tunis à Souk-Arrhas, et maintenant con
servée chez M. Goguel *. Cette inscription a été trouvée en
Tunisie, dans la vallée de la Medjerda, près de la frontière
de l'Algérie , et par conséquent non loin de la contrée de la
Cheffia, d'où proviennent surtout ces sortes d'inscriptions.
Elle est très remarquable en ce qu'elle est punico-libyque
comme celle de Tugga; la partie punique, composée de deux
lignes, est placée au milieu de la pierre et est entourée d'un
petit encadrement.
La partie libyque de l'inscription se compose de trois lignes
verticales complètes en dessous de l'inscription punique ; au-des
sus
de celle-ci, on voit également les commencements de trois
lignes verticales, mais interrompues par une cassure de la
pierre.
Les lettres libyques sont parfaitement nettes et tout à fait
semblables à toutes celles de la Cheffia. Parmi elles se trouve
répétée cinq fois la simple barre verticale qui a déjà donné
lieu à tant de discussions depuis onze ans. Dans mon ouvrage
sur la matière (Collection des inscriptions numidiques, 1860,
page 65, ligne 16 et suivantes) je disais être tenté d'admettre
que, d'après les inscriptions 34 et 7/1 où se trouvent, en let-

1 L'inscription a été donnée depuis par M. Goguel au musée du Louvre, où


elle se trouve actuellement.
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très latines et en lettres libyques, les deux noms Sactut et
Nabdhs (Nabdos), la barre verticale valait s et la barre hori
zontale n. Mais je me conformai malgré cela à l'opinion du
docteur Judas qui donnait à la première de ces lettres la va
leur η et à la seconde la valeur z.
En 1874, M. Halévy vous a présenté un travail sur les in
scriptions libyques. Il niait la valeur ζ ou * donnée par le doc
teur Judas à la barre verticale, et lui attribuait la valeur de la
voyelle a. Assistant h la séance pour vous communiquer douze
inscriptions très intéressantes trouvées à Sidi-Arrath, je dé
clarai adopter l'opinion de M. Halévy.
On y trouvait cet avantage que des noms comme You-
gourtaz, Massiraz, Masitkoudaz devenaient des noms histori
ques,Yougourta, Massira, etc.
Mais en 1878, M. Letourneux, dans une communication
faite au quatrième congrès international des orientalistes, dé
clare que cette lettre n'est pas un a mais un n. Et vous com
prenez combien moi, qui avais adopté si facilement d'abord
la lecture de M. Judas , puis celle de M. Halévy, je suis disposé à
adopter celle de M. Letourneux puisque c'est mon idée première.
Les noms qui se terminaient en a, d'après M. Halévy, se
terminent dans la nouvelle hypothèse en n, ou plutôt, en réta
blissant une voyelle, en an. Or, on a déjà dit que c'était là la
vraie terminaison de beaucoup de noms libyques que les Ro*
mains terminaient en a.
Avec la valeur n, restituée à la barre verticale de notre in
scription , la ligne de gauche donne la succession de lettres :

k
ou
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.
La ligne du milieu donne :
t
d
r
η
k
ou (fils; de).

La ligne de droite donne :


gh
i
h ou r suivant qu'il y a un point ou non
η
η.

Quant aux lignes au-dessus de l'inscription punique , celle


de gauche commence par ou, m, celle du milieu par ou, d.
On sait que généralement cet ou au commencement d'une
ligne veut dire fih de.
La ligne de droite est réduite à la seule lettre n.
, Dans tout cela, où est le nom du mort?
Dans l'hypothèse de M. Letourneux, que les trois barres à
la fin d'un nom valent aghi et signifient l'adverbe hic ou encore
adfuit, et indiquent que le personnage nommé a assisté à l'i
nhumation, le nom du défunt ne peut être que la ligne du mi
lieu, mais cette ligne commence par ou et donnerait un nom
trop long comme Oukanradat; il semblerait donc qu'on doit
donner à ce ou la valeur de fih de. On lirait alors : fils de
Kanradat. Mais ne faudrait-il pas que cela fût précédé d'un
autre nom?
« Un tel, fils de Kanradat. »
Gela n'a pas lieu, mais il ne faut pas trop s'en étonner,
car nous avons aujourd'hui encore, chez les Arabes et chez les
Kabyles de l'Algérie, des noms commençant parais de. Ainsi
un Arabe s'appelle très bien ben Ali, et un kabyle ou Rabah.
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Le mot si souvent répété dans les inscriptions que le doc


teur Judas lisait b, ss, «tombeau de lui», que M. Halévy lit
bas et croit être un simple nom propre, M. Letourneux le
lit aujourd'hui bm; il dit que Γ* est le suffixe pronominal de
la troisième personne et que le mot b η veut dire « construc
tion
, tombeau ». J'admets très volontiers cette explication qui
me paraît être décidément la bonne. Les chefs des Numides,
après avoir abandonné l'usage de l'inhumation dans les do
lmens pour adopter celui des Phéniciens, c'est-à-dire inhumat
ion
avec stèle et inscription, ont naturellement adopté aussi
le nom de la chose.
Or, nous voyons dans l'inscription de Tugga, par les deux
premiers mots de la seconde ligne , que c'était bien ce mot bn
qui formait le radical du nom du monument et de celui des
artisans, comme, du reste, en hébreu et en arabe, bena, benia,
bennain. . . qui veut dire : «maçonner, maçonnerie, maçons».

L. Faidherbe.

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