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Myriam DEUBRAS

L3 LSH Humanités EAD

ADAPTATIONS ANALYSES REECRITURES

PROJET 4L5HU02D 1
ANNEE 2020-2021
REMERCIEMENTS

J'adresse mes remerciements à Madame Marie Humeau, maître de conférence à l’Université


Paris Nanterre, qui m'a accompagnée de manière extrêmement bienveillante, tout au long de mon
parcours, qui m’a permis d’approfondir mes connaissances au sujet d’un thème majeur de la littérature
grecque antique et donc fondement de la culture occidentale. Ce travail de fond aboutissant à ce dossier,
traite de l’entrevue d’Hector et d’Andromaque en compagnie de leur fils Astyanax, dans l’Iliade
d’Homère, puis au sein des différentes adaptations, analyses et réécritures jusqu’à l’œuvre de
Giraudoux

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REMERCIEMENTS P. 2

SOMMAIRE P. 3

PREAMBULE P. 4

INTRODUCTION P.6

CHOIX DU CORPUS P.7

P.8

PORTRAITS P.17

ECHOS P.19

ALLUSIONS P.20

AVANT-PENDANT-APRES P.21

LES TROYENNES P.22

SOUVENIRS SOUVENIRS P.23

ARTS P.24

BIBLIOGRAPHIE P.28

WEBOGRAPHIE P.28

TABLE DES MATIERES P.29

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Les mythes et légendes, en particulier fondateurs ; revêtent un rôle prééminent dans l’histoire et
la mémoire collective. En effet, ces récits extraordinaires se rapportent à des exploits réalisés par des
individus dont la destinée s’avère heureuse ou malheureuse, (simples mortels, demi-dieux (héros au
sens grec ancien), voire divinités). Toujours est6il que leur parcours de vie peut être généralement
perçu comme exceptionnel. Cela vient contribuer à leur renommée. Par ailleurs, les hauts faits
accomplis vont inspirer non seulement les contemporains de l’époque à laquelle ils ou elles ont vécu,
notamment en raison de qualités physiques morales… mais aussi la postérité par le biais, des différents
moyens d’expression parmi divers grands domaines de la connaissance (art, littérature, cinéma…).
Dans ce second cas de figure; le mythe est évoqué pour mémoire replacé dans son contexte d’origine.
Sinon il subit des réécritures, transpositions, adaptations variations pour les besoins par exemple
didactiques d’une époque donnée. La transformation du mythe primitif, émanant d’un auteur postérieur,
entraîne des modifications certaines, donnant naissance à des variantes artistiques, philosophiques,
littéraires…. Dans ce dernier champ la nouvelle version du mythe se distingue de l’original par le genre,
par le ton, la destinée du ou des personnages, par l’agencement des différentes séquences de l’intrigue.

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Au nombre de ces mythes et légendes fondateurs, compte la très connue guerre de Troie, dont
l’issue consiste en la chute d’Ilion, autre nom de cette ville. Ce conflit gréco-troyen très ancien trouve
son origine dans l’enlèvement de l’héroïne Grecque Hélène fille de Léda et de Zeus, par le troyen Pâris
(fils de Priam frère du chef troyen Hector). De ce sujet de discorde découle une querelle sans précédent
entre les deux peuples, marquée par de nombreuses batailles victorieuses ou non. En outre, les
hostilités ont servi de matière de sources d’inspiration à bien des auteurs d’horizons divers, de l’Antiquité
à nos jours. Parmi les plus anciennes et nombreuses productions c’est la plus célèbre traitant de ce
thème, faisant office de cadre pour les créations ultérieures, est l’Iliade d’Homère. Cette épopée,
pourtant n’a retenu, de ce siège qui durera dix ans qu’un unique épisode, quatre jours de combats et
de drame qui s’organisent autour de la colère d’Achille (= mènis). Homère relate les conséquences
funestes de ce courroux. Le héros furieux, d’avoir été dépossédé de l’une de ses captives par l’Atride
Agamemnon, se retire de la bataille, étant considérée comme le plus vaillant des guerriers Achéens,
jusqu’à ce que la mort de son ami Patrocle, le décide à rompre son isolement pour tuer Hector le
meurtrier de son ami. Aussi faut-il noter que malgré une focalisation sur les combats clés de ces
journées de conflits, l’Iliade ne se réduit pas qu’à cela. Par son intervention, le poète laisse transparaître
les qualités physiques et /ou morales de tous les personnages, au front comme à l’arrière. Cet aspect
s’avère plus remarquable dans certains chants composant le poème. Cette particularité de l’Iliade, qui
offre une dimension d’étude, une approche enrichissante, m’a incité à contribuer à cette réflexion sur
les mythes fondateurs, à travers la guerre de Troie, dans le laps de temps que mentionne l’Iliade. Au
départ, la source de mon étude portera sur un chant en particulier, il s’agit du chant VI, plus
concrètement sur l’entrevue d’Hector et Andromaque,

Pourquoi le chant VI de l’Iliade d’Homère, et plus précisément l’entrevue, et d’Andromaque


tenant en son giron, son fils, le petit Astyanax ?

Dans l’Iliade, il existe, au sein des divers chants qui la composent, différents moments qui
rythment la dixième et dernière année de la guerre de Troie. Ces instants variés peuvent être regroupés
en deux principales catégories : « les temps privés » et les « temps publics », le front et l’arrière,
autrement dit « ta tês oïkias », les affaires de la maisonnée, les affaires privées et « ta tês poléos » les
affaires publiques, de la cité.

Or, parmi les périodes relevant de « tà tês oïkias », sont réunis deux genres d’items, les «
regroupements familiaux », dont fait partie l’entrevue d’Hector et d’Andromaque, ainsi que les moments
d’intimité, que partagent Pâris et Hélène, par exemple.

Ces moments, tout comme les événements liés au front, Homère les dépeint, les « donne à voir
» au moyen de tournures qui lui sont propres : « formules », « épithètes homériques ». Et donc, j’ai opté
pour cette entrevue, car elle présente un intérêt original, celui d’annoncer le destin, la chute d’Ilion, à
travers le meurtre du jeune prince Astyanax

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L’entrevue d’Hector et Andromaque en compagnie d’Astyanax leur fils, plus communément appelée
scène des Adieux se situe dans le sixième chant de l’Iliade. A ce stade de l’intrigue, la bataille, opposant les
Grecs et les Troyens dans la plaine, continue de faire rage. Les Troyens plient sous les efforts de Diomède
et ses compagnons. La situation est critique. Les guerriers dardaniens sont sur le pont de décider le repli,
quand le devin Hélénos, demi- frère d’Hector intervient pour les en dissuader. Il charge Hector de rentrer
dans la ville et de faire procéder à un sacrifice en l’honneur d’Athéna. C’est chose faite, le vaillant chef troyen,
quitte le front, retourne derrière les murs d’Ilion et demande à sa mère Hécube d’organiser des supplications
à la déesse, selon les instructions du devin. Dans le même temps, sur le champ de bataille, Diomède et
Glaucos se rencontrent, puis s’étant reconnus pour des hôtes héréditaires, renoncent à se battre et
s’échangent leurs armes en signe d’amitié. Voici Hector maintenant, chez sa mère Hécube, pendant que
celle-ci réalise une offrande à la divinité inflexible, il se rend à la demeure de Pâris, et l’y trouve qui fourbit
ses armes. En compagnie d’Hélène Alors, il l’invective pour sa lâcheté et l’enjoint à reprendre le combat.
Pâris Alexandre ne riposte pas, c’est Hélène qui prend la parole. Hector sait la mort proche, mais se doit de
regagner la bataille. Cependant, avant de repartir au front, Hector cherche son épouse Andromaque, il la
trouve sur le rempart avec son fils Astyanax. Andromaque pleine de pressentiments, cherche à retenir
Hector, en vain. Ce dernier après avoir embrassé tendrement son fils, et fait des adieux pathétiques à sa
femme, se dirige vers la plaine bientôt rejoint par son frère Pâris

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Suivre un simple parcours chronologique ne serait pas à même de révéler les enjeux des
réécritures et de mettre en évidence les transformations effectuées. Les œuvres pourraient être classées
en fonction des séquences de la vie d’Andromaque d’Hector, d’Astyanax qu’elles couvrent. Ainsi, en
respectant ce classement, nous avons réparti les œuvres de la façon suivante :

Celles qui présentent la scène des adieux originelle en d’autres termes, la vie des trois
personnages avant la chute de Troie, du vivant d’Hector. Ces œuvres sont : l’Iliade, les textes latins et
médiévaux, l’Iliade Latine, l’Histoire de la destruction de Troie, le Roman de Troie, La Guerre de Troie
n’aura pas lieu de Jean Giraudoux. Vient ensuite la séquence des « Troyennes », les œuvres qui traitent
de leur condition juste après la chute de Troie, et avant la captivité d’Andromaque et le sacrifice de son
enfant. Ce faisceau comprend les Troyennes d’Euripide, les Troyennes de Sénèque et La Troade de
Garnier. Troisièmement les œuvres qui traitent de la survie d’Andromaque, attachée au souvenir de son
époux défunt et de son enfant Astyanax en Grèce, en tant que captive de Néoptolème-Pyrrhus.
L’Andromaque d’Euripide et l’Andromaque de Racine puisent à cette séquence.

Pour réaliser ce dossier je suis partie de l’explication linéaire de la fameuse scène des adieux. A
partir d’une enquête, je me suis posé la question de savoir le rôle et la spécificité cet épisode au sein du
chant VI et de l’œuvre elle-même, en essayant de repérer les possibles échos dans le reste de l’épopée.
Ce travail préparatoire a rendu aisée l’esquisse du portrait moral et physique de chacun des trois
personnages. Par la même occasion, ces portraits ainsi ébauchés, ont évolué, au fil des siècles, au sein
des différentes réécritures, variations et adaptations de cette séquence, sans omettre les échos et simples
allusions.

Ensuite, je me suis demandé, comment cet élément majeur du récit iliadique a été transposé dans
le monde artistique, surtout en peinture. Bon nombre d’œuvres picturales, s’intitulent les adieux d’Hector
et d’Andromaque. Astyanax n’est pas nommé, mais il est bien représenté. Il s’agit là aussi de percevoir,
les caractéristiques propres à chaque tableau

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La scène des adieux réunit Hector Andromaque et le petit Astyanax. Au début de la scène,
Andromaque supplie son mari de ne repartir au combat pour ne pas risquer sa vie, et lui-même même si la
défaite est certaine, veut tout faire pour sauver sa famille sa femme et son fils, autant que possible. Il veut
mourir plutôt que de la voir traîner en servage. C’est une sorte d’héroïsme du désespoir. Mais à ce moment-
là, il tend les bras vers son enfant et l’enfant a peur du casque le père et la mère rient. Cela les émeut. Du
coup Hector le prend dans ses bras et se met à prier pour qu’il ait un avenir brillant. Après quoi il le rend à
Andromaque. Puis le couple se sépare.

Tout d’abord, intéressons-nous à la place de cette entrevue dans l’œuvre

Du point de vue de l’action l’entrevue Hector- Andromaque, Astyanax se situe dans le premier
quart de l’Iliade. C’est une scène privée, intime, familiale, conjugale. Il s’agit donc d’un moment privilégié, de
confidence, de retrouvailles, un temps de pause et non de paix c’est une scène annonciatrice, prémonitoire
En arrière- plan, on voit Troie, le palais opposé au front, le champ de de bataille le domaine public, celui des
affaires de la cité. La scène des adieux est esquissée en contrepoint. Elle est caractérisée par une certaine
discrétion quand d’autres épisodes exposent au grand jour les personnages (aristies). De plus la scène des
adieux est à classer parmi les séquences spécifiquement intimes, comme l’instant amoureux entre Pâris et
Hélène. Le caractère modèle du couple Hector-Andromaque tranche avec les frivolités du second couple. La
scène des adieux évoque un souvenir, une mémoire nationale. Une référence mythologique d’une grande
importance, à l’instar de l’oiseau femelle et de sa portée au chant I figure dans le moment des adieux. La
gloire passée, remise au goût du jour par Andromaque et Hector à travers Astyanax (chef de la ville) perdure.
L’entrevue compte parmi les scènes de filiation parents-enfants. Il convient de penser à la relation entre
Thétis et Achille (où la mère seule domine)

Du point de vue des personnages

Une des caractéristiques tient à une sorte de rare parité homme/femme sur un pied égalité dans la douleur
C’est une rare occasion où sont mis en avant les enfants même si ils sont toujours fils ou fille de quelqu’un:
la parenté n’est mentionnée de manière toujours complète il manque le parent géniteur .La scène des adieux
apparaît inhabituelle, puisque les femmes remplissent un rôle politique important ; elles sont ordinairement
mère de quelqu’un pour assurer la pérennité du génos troyen, ou captives ou bien soumises à l’autorité
masculine père , mari , fils que ce soit du côté dieux ou hommes. L’extrait étudié représente une des rares
scènes où Hector est presque exclusivement entouré de personnages féminins de tout statut (épouse
mère……).

Etymologiquement Astyanax ἄστυ, ἄναξ est désigné comme le futur chef de la ville de Troie, Agamemnon
est ἄναξ ἀνδρῶν, pasteur de troupe chef des hommes, des Argiens. Andromaque, quant à elle combat les
hommes Ἀνδρομάχη. Elle use de toutes ses armes argumentatives pour convaincre Hector de ne pas
rejoindre la bataille μάχη La vie à l’arrière permet de sonder le for intérieur des personnages. Cela suscite
de la compassion chez le lecteur. L’aède l’invite à mieux connaître les dessous de et l’environnement t
homérique, et à se familiariser avec cet univers

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Du point de vue du lieu

La scène des adieux se déroule à l’arrière, envers du décor intérieur de Troie. Il s’agit de la
ville de Troie intime quotidienne pittoresque préservée de la guerre avant sa chute. Homère dépeint
Ilion dans ses derniers instants de rayonnement civilisationnel. Cette apogée qui appartient au passé
est remise au jour et l’aède tente de la faire perdurer. Une facette de Troie civile secrète avec le palais
en tant que siège du pouvoir, siège des décisions politiques, se dévoile aux yeux du lecteur. Et une
frontière symbolique se crée entre l’intérieur et l’extérieur. C’est temps de pause (et non de paix, car le
terme εἰρήνη est absent de l’œuvre) et temps de guerre se mêlent car la scène des adieux offre
l’opportunité de mener une réflexion sur la stratégie guerrière.

Andromaque retient son époux d’aller au combat pour éviter à son fils d’être orphelin et pour elle-même,
une situation de veuvage dus à la guerre Elle évoque ses parents et ses frères tués par Achille.
Andromaque conseille le valeureux guerrier dans l’élaboration de sa stratégie militaire

Hector répond à Andromaque. Les deux époux sont sur la même longueur d’onde Compassion et
amour qui perdurent : il souffre pour elle avec elle. Hector passe un ultime moment privilégiés avec son
fils, puis adresse une prière à Zeus, notamment pour l’avenir de son fils. Après avoir rassuré
Andromaque, il lui fait ses adieux. Puis les deux personnages se séparent

La scène des Adieux relève de la stratégie narrative et argumentative. Elle mêle


l’engkomion (discours élogieux) au genre rhétorique délibératif sur un ton tragique et pathétique. La
scène est construite autour de l’enfant, fruit de leur amour scellant leur vie de couple. Homère annonce
par ce biais la chute de prochaine d’Ilion, à travers le destin d’Astyanax. Le lecteur voit ka cité vivre ses
dernières heures de rayonnement

Suite à cette enquête exploratoire, la scène des adieux soulève le questionnement suivant:
« quelle est la portée symbolique stratégique et l’incidence sur l’action de cette entrevue ? »

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Un mouvement du passage 4 axes se dégage

a) La rencontre

b) L’invective d’Andromaque et sa prière

c)La réponse d’Hector : le sens de l’honneur et du désespoir

d)La remise de l’enfant et la prière d’Hector l’enfant l’espoir la prière. Hector console Andromaque,
cela débouche sur la séparation de des deux personnages

a)La rencontre imprégnée de douleur et l’invective d’Andromaque

Dès les préparatifs, dans sa première apparition Andromaque nous est présentée dans la douleur «
[…] elle se lamente, elle se désole », (v 80), éplorée et affolée par les mauvaises nouvelles. « […]
Elle est alors, en hâte, partie pour le rempart, de l'air d'une folle. La nourrice la suit, qui porte son
fils.», D'ailleurs, elle éprouve un chagrin permanent et son affolement est causé par l'horreur que le
pire ne finisse par advenir. Elle vit dans la crainte, dans l'effroi qu'Hector soit tué au combat et Troie
détruite par les Achéens. La rencontre apparaît aussi d’emblée telle une séparation, les premières
paroles qu’Andromaque lui adresse sont des reproches, d’où le vocatif, qui vise à montrer Hector du
doigt, « Δαιμόνιε » est parfois traduit par « Pauvre fou »

[407] « Δαιμόνιε φθίσει σε τὸ σὸν μένος,

"Démon, ton ardeur te perdra !

Son naturel extrêmement inquiet, opère une dichotomie, avec le comportement des autres
personnages féminins du même chant. Alors qu'Andromaque court vers le rempart avec « l'air d'une
folle », Hécube se trouve au palais, agissant comme si elle n'était au courant de rien, calme malgré
les circonstances, malgré les menaces qui pèsent sur Hector et sur Troie. Hélène se trouve elle aussi
au palais, au milieu de ses servantes, donnant des ordres

L'appellation «pauvre fou» qu'Andromaque adresse à Hector constitue un parallélisme avec


l'appellation «pauvre folle» qu'Hector lui adresse en retour Constamment angoissée,elle n'évoque
que les malheurs que la vie lui a apportés, elle se souvient, par les larme,s de tous les morts aimés,
son père, sa mère, ses frères,.elle pleure la mort à venir de son mari ( tombeau) de son enfant
Andromaque est princesse, fille du roi de Thèbes, Éetion. Les détails que l'Iliade nous apporte nous
donnent l'impression d'un roi important et riche. e Ce passé glorieux se trouve relégué au second
plan.A la manière de Cassandre, elle anticipe toujours le malheur. « Mon père » évoque ’une gloire
passée dont le rayonnement neutralisée par la force destructrice d’ Achille. : δῖος Ἀχιλλεύς. Le divin
Achille s’oppose au vocatif Δαιμόνιε par un effet de calque

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b) L’invective d’Andromaque

Andromaque commence par fustiger invectiver Hector elle l’attaque directement sans le nommer
grâce à sa verve caustique Elle annule et annihile sa vaillance après avoir anéanti sa force, elle le place
sur un pied d’infériorité elle le met devant le fait accompli par l’ évocation des chefs accusation d’où un
présent résultatif qui traduit le résultat présent d’une action passée avec la valeur du parfait . Homère
réalise une scission entre l’univers de guerre et la famille. Par cette séparation Andromaque en appelle à
des éléments fondamentaux mais simples

Andromaque agit comme une mère digne et soucieuse de son enfant mais le socle familial s’avère brisé.

Tu n'as pitié ni de

ton jeune enfant, ni de moi, infortunée, qui bientôt

serai veuve de toi

παῖδά τε νηπίαχον καὶ ἔμ᾽ ἄμμορον, ἣ τάχα χήρη

σεῦ ἔσομαι·

Hector sera capturé par les Achéens comme une proie de choix.

· τάχα γάρ σε κατακτανέουσιν Ἀχαιοὶ

πάντες ἐφορμηθέντες· ἐμοὶ δέ κε κέρδιον εἴη 410

σεῦ ἀφαμαρτούσῃ χθόνα δύμεναι·

. Car bientôt ils te tueront, les Achéens,

en se jetant tous contre toi. Pour moi, mieux vaudrait,

si je te perds, m'enfoncer sous la terre »

Homère fait ici allusion au chant I, relatant la colère d'Achille.

Μῆνιν ἄειδε θεὰ Πηληϊάδεω Ἀχιλῆος

οὐλομένην, ἣ μυρί᾿ Ἀχαιοῖς ἄλγε᾿ ἔθηκε,

πολλὰς δ᾿ ἰφθίμους ψυχὰς Ἄϊδι προΐαψεν

ἡρώων, αὐτοὺς δὲ ἑλώρια τεῦχε κύνεσσιν

05 οἰωνοῖσί τε πᾶσι·

« Chante la colère, déesse du fils de Pélée, Achille, colère funeste, qui causa mille douleurs aux Achéens,
précipita chez Adès mainte âme forte de héros, et fit de leurs corps la proie des chiens et des oiseaux
innombrables ». L’extinction race troyenne est poursuivie. Elle subit une forme de déshonneur, Andromaque est
dépossédée si elle ne posséde plus de biens, elle possède la gloire de son époux

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b)La prière d’Andromaque
Après ces vigoureux reproches, Andromaque lui adresse, telle une suppliant, une prière.Hector est
sa seule attache, sa dernière chance, tout ce qu’il lui reste. Etant donné qu’Achille a tué tous ses parents
mâles et détruit la maison de son père. Hector est protéiforme, car incarne tous les rôles Tous ses rapports
ont été réduits à un seul, Hector est le seul maillon qui lui reste dans la parenté, et sa dépendance à lui est
absolue
Il est sur tous les fronts assure le lien entre passé et futur qu’Achille a brisé. La dynastie se crée des
(grands) parents aux (petits) enfants par des codes bien précis (père, frères). Son futur statut de mère
esclave vient ébranler l’ordre établi autrefois. Malgré tout elle place tous ses espoirs en son mari à nouveau
divinisé réhabilité face à Achille, grâce à Homère qui s’exprime à travers le regard d’Andromaque,
Qualifier, Hector de florissant c’est comme une nouvelle ère qui commence. Lui seul rendra la
hauteur, le prestige troyen. Par sa prière elle tente de le retenir mais elle ne peut limiter le destin, influencer
le sort « de peur que ». Andromaque essaie de préserver le coconfamilial et sa descendance .
Ἕκτορ ἀτὰρ σύ μοί ἐσσι πατὴρ καὶ πότνια μήτηρ
430 ἠδὲ κασίγνητος, σὺ δέ μοι θαλερὸς παρακοίτης·
ἀλλ᾽ ἄγε νῦν ἐλέαιρε καὶ αὐτοῦ μίμν᾽ ἐπὶ πύργῳ,
μὴ παῖδ᾽ ὀρφανικὸν θήῃς χήρην τε γυναῖκα·
Hector, tu es pour moi un père, une mère vénérable, un
frère, tu es pour moi un mari florissant. Eh bien, maintenant,
aie pitié; reste ici, sur le rempart, de peur de
rendre ton enfant orphelin et ta femme veuve.
Le thème du rempart fait office de frontière : elle recourt à la stratégie guerrière pour préserver la sphère
privée en même temps que la ville, elle -même lieu du pouvoir et de l’intimité(intérieur et extérieur). Elle lui
remémore sa vaillance affaiblie par la chute prochaine de Troie comme une proie
λαὸν δὲ στῆσον παρ᾽ ἐρινεόν, ἔνθα μάλιστα
ἀμβατός ἐστι πόλις καὶ ἐπίδρομον ἔπλετο τεῖχος.
435 Τρὶς γὰρ τῇ γ᾽ ἐλθόντες ἐπειρήσανθ᾽ οἱ ἄριστοι
ἀμφ᾽ Αἴαντε δύω καὶ ἀγακλυτὸν Ἰδομενῆα
ἠδ᾽ ἀμφ᾽ Ἀτρεΐδας καὶ Τυδέος ἄλκιμον υἱόν·
ἤ πού τίς σφιν ἔνισπε θεοπροπίων ἐῢ εἰδώς,
ἤ νυ καὶ αὐτῶν θυμὸς ἐποτρύνει καὶ ἀνώγει.
Place tes troupes près du figuier, là où surtout la ville est
accessible, et où le mur peut être escaladé. Trois fois
déjà, sur ce point, les plus braves sont venus tenter
l'assaut, — ceux qui entourent les deux Ajax et l'illustre
Idoménée, les Atrides et le valeureux fils de Tydée, —
soit instruits par un devin clairvoyant, soit poussés,
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excités par leur propre courage
c)La réponse d’Hector : le sens de l’honneur et du désespoir

Dans cet entretien, le guerrier se trouve déchiré entre son intérêt familial et la défense des siens
de sa patrie. En combattant pour le salut de tous, le guerrier doit faire passer au second plan les
engagements d’ordre privé qui le lient à ses proches ; en tant que commandant chef, il protège sa cité
dans l’immédiat, héritier de Priam il en est l’espoir dans l’avenir deux obligations lui incombent
contradictoires et distinctes : pour satisfaire la première il doit être prêt à mourir, il ne peut remplir la
seconde que par la survie. L’expression « Mon cœur » est le symbole de l’amour mais aussi le siège des
sentiments ainsi que le synonyme de courage vaillance donc le siège de la raison. Alors apparaît un
dilemme Andromaque(Astyanax) / Troie (guerre) : en l’occurrence, c’est le devoir de la guerre qui
l’emportera sur toutes les autres considérations.

Le grand Hector au casque scintillant lui répondit :

« Moi aussi, femme, tout cela m'inquiète; mais affreusement

je redoute les Troyens et les Troyennes aux voiles

traînants, si, comme un lâche, je fuis le combat. Mon

coeur, d'ailleurs, ne m'y pousse pas, car j'ai appris à être

brave, toujours, et à combattre au premier rang des

Troyens, pour soutenir la grande gloire de mon père et la

mienne. Je le sais bien, moi-même, en mon âme et en mon

coeur : un jour viendra où périront Ilion la sainte, et Priam,

et le peuple de Priam à la forte lance.440 Τὴν δ᾽ αὖτε προσέειπε μέγας κορυθαίολος Ἕκτωρ·

ἦ καὶ ἐμοὶ τάδε πάντα μέλει γύναι· ἀλλὰ μάλ᾽ αἰνῶς

αἰδέομαι Τρῶας καὶ Τρῳάδας ἑλκεσιπέπλους,

αἴ κε κακὸς ὣς νόσφιν ἀλυσκάζω πολέμοιο·

οὐδέ με θυμὸς ἄνωγεν, ἐπεὶ μάθον ἔμμεναι ἐσθλὸς

445 αἰεὶ καὶ πρώτοισι μετὰ Τρώεσσι μάχεσθαι

ἀρνύμενος πατρός τε μέγα κλέος ἠδ᾽ ἐμὸν αὐτοῦ.

Εὖ γὰρ ἐγὼ τόδε οἶδα κατὰ φρένα καὶ κατὰ θυμόν·

ἔσσεται ἦμαρ ὅτ᾽ ἄν ποτ᾽ ὀλώλῃ Ἴλιος ἱρὴ

καὶ Πρίαμος καὶ λαὸς ἐϋμμελίω Πριάμοιο.

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Hector, contrairement à Pâris Alexandre, archétype de la lâcheté, est un vif guerrier. Il vit dans
l’instant, en songeant à la victoire immédiate, il recherche la gloire dans la victoire ou dans la mort. Le chef
de famille aussi roi et commandant en chef roi devrait pouvoir concilier tous ces devoirs et voir plus loin que
le moment présent. Par ailleurs, dans ce chant, deux deuils coexistent, Andromaque évoque son deuil
personnel, Hector esquisse un portrait de la chute d’Ilion inévitable, inéluctable. La douleur d’Andromaque
et celle, de son mari constituent un parallélisme. Il n’a pas le privilège de mourir pour que sa communauté
vive car lorsqu’il trépasse sa communauté disparaît avec lui. Hector fait montre d’une conscience
héroïque : « je le sais bien »

Par la tournure vocative « Moi aussi femme » Hector manifeste un certain souci de son peuple car il
en est le premier citoyen. Le statut multiple d’Andromaque (mère, épouse) est mis en valeur, tout comme la
force politique des femmes en général. Hector, en consolant sa femme, lui fait une confidence sur l’avenir de
sa patrie vouée à la chute, cet événement sonne la fin de la dynastie. De même, la déchéance d’Andromaque
condamnée à des tâches servile reflet de la future condition féminine, participe de l’extinction à venir de ce
haut lignage.

La réduction du nombre de lignes marque l’absence de protecteur (Hector) mais leur lien perdurera dans
l’au- delà quand Hector aura atteint son destin inéluctable et fatal : il n’ y peut rien

d)La remise de l’enfant et la prière d’Hector l’enfant, l’espoir, la prière

Hector console Andromaque, cela débouche sur la séparation de des deux personnages

La scène des adieux est caractérisée par un savant mélange des émotions : le lecteur passe tout
comme les personnages des rires aux larmes de la joie à la tristesse. D’ailleurs, Andromaque se met à rire et
à pleurer en même temps. D’autre part, dans cette séquence, une importance toute particulière est accordée
à l'enfant. Son jeune âge suscite à juste titre l’attendrissement dans l’auditoire. C’est un nourrisson. L’adjectif
« chéri », άγαπητόν, dit l’attachement que ressent Hector pour son fils, tout comme le sourire esquissé à sa
vue. Mais là cesse l’instant de calme.

En effet l'intervention d'Andromaque en pleurs vient en effet évoquer un funeste avenir pour la famille
et pour le petit Astyanax. Après avoir répondu à son épouse en lui faisant connaître à la fois ses propres
inquiétudes et ses motivations pour continuer le combat, Hector se tourne à nouveau vers son fils. Puis Hector
peut un instant ôter le masque que lui impose son rôle et jouer avec son fils qui a peur du casque. Pour lui
son père est un étranger. La scène éveille des émotions chez les auditeurs de l'aède. La réaction des deux
parents est joyeuse et s'exprime dans un éclat de rire qui approfondit le sourire par lequel Hector avait accueilli
son fils. Et Hector, le héros guerrier, n'hésite en déposant son casque à terre à jouer avec l'enfant pour
l’apaiser.: il berce l'enfant dans ses bras et l'embrasse, laissant ainsi entrevoir une autre forme d’affection

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A ces mots vers son enfant se pencha l'illustre Hector;

mais l'enfant, contre le sein de sa nourrice à la belle

ceinture, se rejeta en criant, épouvanté à la vue de son

père, effrayé par le bronze et le panache en crins de

cheval que, terrible, au sommet du casque, il voyait

s'agiter. Son père rit, ainsi que sa mère vénérable.

Aussitôt l'illustre Hector ôta le casque de sa tête, et le

posa à terre, resplendissant. Il embrassa son fils, le

berça dans ses bras, puis adressa cette prière à Zeus et

aux autres dieux : Ὣς εἰπὼν οὗ παιδὸς ὀρέξατο φαίδιμος Ἕκτωρ·

ἂψ δ᾽ ὃ πάϊς πρὸς κόλπον ἐϋζώνοιο τιθήνης

ἐκλίνθη ἰάχων πατρὸς φίλου ὄψιν ἀτυχθεὶς

ταρβήσας χαλκόν τε ἰδὲ λόφον ἱππιοχαίτην,

470 δεινὸν ἀπ᾽ ἀκροτάτης κόρυθος νεύοντα νοήσας.

Ἐκ δ᾽ ἐγέλασσε πατήρ τε φίλος καὶ πότνια μήτηρ·

αὐτίκ᾽ ἀπὸ κρατὸς κόρυθ᾽ εἵλετο φαίδιμος Ἕκτωρ,

καὶ τὴν μὲν κατέθηκεν ἐπὶ χθονὶ παμφανόωσαν·

αὐτὰρ ὅ γ᾽ ὃν φίλον υἱὸν ἐπεὶ κύσε πῆλέ τε χερσὶν

. A ces effusions succède un moment plus solennel, bien que toujours empreint d'amour tendre,
celui de la prière aux dieux pour le devenir d'Astyanax. La scène se colore alors d'une teinte tragique pour
l'auditeur qui, sans aucun doute, connaît déjà le sort de l'enfant, qui ne reviendra plus sur le devant de la
scène de tout le poème

15
Zeus et autres dieux, accordez-moi que cet enfant,

mon fils, devienne, comme moi, illustre parmi les Troyens,

ainsi que moi plein de force, et règne avec autorité sur

Ilion. Qu'on dise un jour : Il est bien supérieur à son père !

— quand il reviendra du combat. Qu'il rapporte les

dépouilles sanglantes de l'ennemi tué par lui, et réjouisse

l'âme de sa mère. »

A ces mots, il remit aux mains de sa femme l'enfant. Elle

le prit contre son sein parfumé, en souriant sous ses larmes.

Son mari en fut touché, le remarquant. Il la caressa

de la main,

κτείνας δήϊον ἄνδρα, χαρείη δὲ φρένα μήτηρ.

Ὣς εἰπὼν ἀλόχοιο φίλης ἐν χερσὶν ἔθηκε

παῖδ᾽ ἑόν· ἣ δ᾽ ἄρα μιν κηώδεϊ δέξατο κόλπῳ

δακρυόεν γελάσασα· πόσις δ᾽ ἐλέησε νοήσας,

485 χειρί τέ μιν κατέρεξε

. Il s’agit d’une scène poignante car Hector et Andromaque pressentent le malheur imminent, même
s’ils expriment et espèrent tous deux un avenir meilleur surtout pour leur fils, qui devait prendre la succession
de son père.

Ayant dit, l'illustre Hector prit son casque à crinière,

et sa femme s'en alla chez elle, en retournant la tête

et versant de grosses larmes. Elle arriva bientôt à la

maison bien située d'Hector meurtrier, y trouva maintes

servantes, et de toutes excita les gémissements

Ὣς ἄρα φωνήσας κόρυθ᾽ εἵλετο φαίδιμος Ἕκτωρ

495 ἵππουριν· ἄλοχος δὲ φίλη οἶκον δὲ βεβήκει

ἐντροπαλιζομένη, θαλερὸν κατὰ δάκρυ χέουσα.

Αἶψα δ᾽ ἔπειθ᾽ ἵκανε δόμους εὖ ναιετάοντας

Ἕκτορος ἀνδροφόνοιο, κιχήσατο δ᾽ ἔνδοθι πολλὰς

ἀμφιπόλους, τῇσιν δὲ γόον πάσῃσιν ἐνῶρσεν.

Conclusion le couple se sépare Hector doit remettre son masque et poursuivre sa tâche

16
A travers cette scène, Homère dresse un portrait de chacun des trois personnages,

Andromaque, donne l’image d'une mère dévouée, après avoir appris la victoire des Achéens,
elle court au rempart, affolée par la crainte et l'horreur. Cependant elle n'oublie pas d'emmener avec
elle le petit Astyanax avec sa nourrice. Un peu plus tard, lors de la rencontre avec Hector, dans la
scène des adieux, ses premières paroles sont au sujet de l’enfant. Elle place son fils avant elle, en
se consacrant totalement à lui, comme elle se consacrait totalement à son époux. Son fils est pour
elle une source de joie, la seule dans le malheur. Elle se préoccupe moins de son propre sort que de
celui de son fils, d'autant plus qu'elle est, à présent, sa seule protection.

Homère présente Andromaque comme une épouse complètement dépendante de son mari,
qui est pour elle « un père, une digne mère, […] un frère autant qu'un jeune époux ».

Andromaque tente de convaincre Hector de ne pas participer au conflit Andromaque prend


sur elle de veiller, dans les moindres détails, au bien-être de son mari, alors qu'elle aurait pu aisément
laisser tous ces soins aux serviteurs. Cette préoccupation de toujours se mettre au service d'Hector
est bien une preuve de l'amour qu'elle ressent pour lui et révèle, en même temps, un aspect de son
caractère, une tendance à se dévouer à sa famille. Sa dévotion va jusqu'au point de ne jamais
contredire Hector, même si elle sent qu'elle a raison. Ainsi, quand Hector s'efforce de la rassurer, elle
ne lui oppose aucune objection. En vérité, elle ne croit pas un mot de ce qu'il lui a dit, puisque, une
fois rentrée chez elle, elle ordonne à ses serviteurs de pleurer Hector56 encore vivant, comme s'il
était mort. Toutefois, devant lui, elle ne montre rien de sa détresse.

Le couple parfait

Hector et Andromaque constituent le couple parfait, fondé sur la sincérité, en comparaison de


Pâris et Hélène, dont la relation est fondée sur le plaisir. Le couple modèle d'Andromaque et Hector
est uni de sentiments profonds, ils s'aiment et se soucient l'un de l'autre, partagent tout, la joie que
leur donne le petit Astyanax, comme l'angoisse de la guerre de Troie. Lors de leur rencontre, ils sont
présentés seuls, avec la seule nourrice, personnage muet, pour accentuer leur solitude. Une telle
union entraîne bien sûr l'appréhension de ce qui peut advenir à l'être aimé et, si cette appréhension
est largement justifiée, le refus de se plier au destin.

17
Hector souhaite mourir plutôt que de voir sa femme esclave des Achéens. Cette scène si
humaine écarte un instant les sombres pressentiments et projette une lueur d'optimisme. Hector
s'efforce de soutenir Andromaque, de lui donner du courage. Il l'assure que les mortels ne
meurent que lorsque leur heure arrive par ordre divin. Andromaque, cependant, ne répond pas,
elle n'objecte rien aux paroles de son mari, mais ne le croit pas. Elle n'en comprend pas moins
la valeur du devoir qui dirige la conduite de son mari dont, en épouse soumise, elle partage les
idéaux. Son seul point de référence est l'époux et le lien qui l'attache à lui. L'homme, pour sa
part, peut avoir d'autres options indépendantes de sa vie conjugale et, en l'occurrence, se dévoue
à son devoir, même si cela doit entraîner le malheur de son épouse et de sa famille. Malgré tout,
l'amour qui les unit est si puissant qu'il devient source de joie, même au milieu du malheur

Astyanax

Une importance toute particulière est accordée à l'enfant dans la scène des adieux. Ce
personnage muet fait office d’acteur-figurant, malgré sa présence. 'Hector exprime son attachement
à son jeune fils e 'Hector à son jeune fils; le tout comme Andromaque, conscient que cette fois sera
la dernière, les mimiques témoignent des sensations éprouvées, comme la frayeur, à la vue du
casque de son père présagent un avenir funeste pour toute la famille. On ne reverra d'ailleurs pas
Astyanax « sur scène » dans le poème. D'autre part, Hector ne se mentionne pas dans le temps futur
de la prière, seuls l'enfant et la mère (qui doit - étrangement - se réjouir des exploits guerriers de son
fils semblent présents. Il convient de demander si cette absence est à interpréter comme une pré
diction du personnage sur son propre destin, accompagnée cependant du fol espoir que celui-ci
n'affecterait pas celui de son fils

18
Dans cette scène, nous avons aussi entendu le rire d'Andromaque, suscité par son
fils. L'amour et l'angoisse maternels s'étendent encore au chant XXII où est décrite la mort
d'Hector. Andromaque se trouve au palais et donne aux domestiques l'ordre de préparer le
bain d'Hector, quand elle entend des lamentations

Au chant XXII, après avoir vu Hector traîné dans la poussière par les che vaux d'Achille,
Andromaque, anéantie, se lamente sur le sort de son époux, sur le sien propre et sur celui
de son petit garçon, désormais orphelin. Elle brosse un portrait sans illusion de cette triste
condition pour un enfant.
Le sort d'Astyanax est à nouveau évoqué dans une dernière tirade d'Andromaque, qui est
aussi sa dernière prise de parole dans Ylliade. Voici les propos qu'elle tient devant le corps
de son époux, enfin restitué à sa famille par Achille, à la fin du chant XXTV

La situation d'énonciation de cette dernière tirade d'Andromaque est à peu près la même
que celle de la scène du chant XXII : Andromaque se lamente sur la perte de son époux.
Mais par rapport à cette dernière scène, on peut noter une gradation, la réflexion de la
malheureuse a évolué dans le sens d'un pessimisme plus brutal encore : de la situation déjà
triste de l'orphelin chez lui, en temps de paix, qu'elle évoquait au chant XXII, elle passe à un
tableau encore plus douloureux, dépeignant l'esclavage et la mort; le ton est cette fois
tragique, et d'autant plus tragique pour l'audi toire qu'il sait sans doute que la prédiction la
plus atroce va se révéler véridique. L'expression certes est formulaire, mais on voit bien dans
ces textes comment le poète joue de ce formulaire, le manie et le module de façon à ce qu'il
devienne par lui-même signifiant.
deux longues tirades de sa mère, qui trouvent elles-mêmes un écho dans diverses allusions
du poème au sort des enfants dont le père meurt à la guerre ou à celui des enfants dont la
cité est prise par l'ennemi. Au chant XI, Diomède répondant aux paroles de triomphe
prononcées par Alexandre qui vient de l'atteindre de sa flèche, au pied, lui rétorque que ses
traits à lui ne causent pas de simples égratignures :

19
.

Au chant IX, lors de sa tentative pour faire revenir Achille au combat, Phénix évoque l'histoire du héros
antique Méléagre. Comme celui-ci s'obstine dans un même refus que le Péléide, sa femme Cléopâtre le
sup plie de sauver la ville des ennemis Courètes qui ont commencé à prendre pied sur les remparts

La situation ici peut rappeler celle d'Hector et Andromaque, une femme supplie son époux alors que l'ennemi
est proche, mais elle est inversée, dans la mesure où, d'une part, Andromaque, elle, demandait au contraire
à son époux de ne pas retourner au combat et que, d'autre part, l'issue de la guerre est également différente
: Méléagre part et écarte ainsi des Étoliens le «jour funeste», κακόν ήμαρ (597), alors qu'Hector part aussi
mais meurt et ne peut donc pas écarter de son fils cet ήμαρ δ' όρφανικόν (XXII, 490). On trouve une nouvelle
mention des infamies auxquelles sont confrontés les vaincus, dans la bouche de Priam prédisant à Hector
pour tenter, lui aussi, de le convaincre de rester à Troie, tous les malheurs suivants :

On peut enfin citer un dernier passage faisant allusion aux enfants dont le père est mort à la guerre. Au
chant V, alors que Diomède vient de blesser Aphrodite de sa lance, celle-ci se plaint à sa mère, Dioné, qui
prononce ces paroles :

Le poème envisage ainsi non seulement la tragédie d'Hector, mais aussi celle de son petit garçon, Astyanax,
qui sera ultérieurement exploitée sur la scène

20
Depuis son apparition, la scène des adieux, dans l’Iliade est réinvestie dans plusieurs
œuvres, dont deux. L’Iliou Persis (Le sac d’Ilion) d’Arctinos et La Petite Iliade de Lesches. La
première du VIIIe siècle avant notre ère, contemporaine donc d’Homère, relate la chute de Troie et,
entre autres, le meurtre d’Astyanax par Ulysse et le don d’Andromaque à Néoptolème comme butin
de guerre. La Petite Iliade de Lesches raconte la guerre de Troie et comprend notamment des
informations sur la mort d’Astyanax et la captivité d’Andromaque.

Durant, l’Antiquité latine ; la scène continue à intéresser, les individus issus de la sphère
littéraire. Parmi les textes produits, notonss ceux d4 Accius, parmi eux, sont classés Néoptolème,
Astyanax, Femmes Troyennes., L’Énéide aussi fait mention d’Andromaque, captive à la cour de
Néoptolème-Pyrrhus, fils d’Achille. Quant à l’Iliade latine, ce texte dont l’auteur demeure inconnu
mentionne à peine cette séquence. La « scène des adieux » et le thrène d’Andromaque après la
mort d’Hector, qui n’est résumé que dans deux vers seulement, figurent dans cette épopée. En outre,
une autre épopée en langue latine traite brièvement de la fameuse scène, l’Histoire de la Destruction
de Troie d’un certain Darès.

Par la suite au fil de l’histoire littéraire, l’auteur médiéval Benoît de Sainte-Maure puise dans
l’œuvre de ce phrygien pour élaborer la trame de son Roman de Troie en particulier en raison de
l’ajout du songe prémonitoire. Ici l’écrivain prend appui sur le texte original mais manifeste par cette
addition quelques libertés à son égard. La scène gagne donc en originalité, en ce sens que,
Andromaque se remémore un rêve qu’elle avait fait, un songe prémonitoire qui augurait la mort
d’Hector. Ces deux épisodes feront long chemin dans les réécritures qui suivent et renouvellent
fondamentalement le mythe.

Ce sera aussi le cas pour Giraudoux, et sa pièce La guerre de Troie n’aura pas lieu. Ce
drame réinvestit les fondements homériques dans la mesure où le dramaturge expose sa vision
manichéenne entre le couple considéré comme « parfait » d’Andromaque et d’Hector, lié par des
sentiments vrais et profonds, et celui de Pâris et Hélène, uni par le plaisir des sens. La scène
d’exposition fait entrer Cassandre et Andromaque qui espère que son mari Hector s’en retournera
du conflit D’autre part La réminiscence homérique réside également dans la figure maternelle
d’Andromaque restreinte aux trois premières pages de la pièce, qui possède une symbolique
importante. Andromaque est enceinte, le bébé va naître, et on ne sait pas son sexe. Cependant,
Andromaque affirme que ce sera un fils, « robuste et éclatant » comme son père. Elle s'imagine déjà
Astyanax grand, alors qu'il aurait été plus naturel de se l'imaginer bébé ou petit enfant. Elle exprime
très nettement l'idée qu'Astyanax sera pareil à son père, car c'est encore Hector qu'elle aime en son
enfant. Le propos peut être bien nuancé pourtant. Certes un lien profond unit les deux époux, et
illustre à quel point leur amour est essentiel pour leur vie. Bien sûr, dans toute l’œuvre, sont évidents
le soutien qu'ils s'apportent l'un à l'autre, et la confiance de l'un en l'autre. Evidemment, Hector se
sent sûr d’elle. Mais il est clair que l’honneur ne réside plus dans les exploits aux champs de bataille,
mais dans la persévérance pour établir la paix. Andromaque ne considérait jamais l’honneur comme
un bien plus précieux que la vie même.

21
Les Troyennes

Trois grandes tragédies dont les textes sont liés aux rapports intertextuels, portent ce titre : les
Troyennes d'Euripide, les Troyennes de Sénèque et La Troade de Robert Garnier, tragédie française du
XVIe siècle. L’action se situe juste après la chute de Troie sur ses ruines, avant le départ des vainqueurs.
Les femmes troyennes – et parmi elles des figures prédominantes comme Hécube, Andromaque,
Cassandre – mais aussi Hélène - attendent la décision des chefs grecs qui s’apprêtent à les partager en
tant que butins de guerre.

Euripide traite le cas, en les mettant sous les yeux, en donnant à voir de plusieurs Troyennes
célèbres Andromaque est capturée puis emmenée par le Grec Néoptolème qui l’a choisi. Son fils, Astyanax
lui est arraché car il est susceptible de rebâtir Troie quand il sera plus grand, étant donné qu’il est le fils
d’Hector. L’originalité de la tragédie par rapport au canevas homérique se perçoit dans la métamorphose
du bouclier d’Hector en tombeau accueillant la dépouille de l’enfant. Si ce n’est plus dans le cadre d’une
entrevue, les trois personnages sont tout de même réunis.

Sénèque reprend en l’enrichissant la thématique euripidienne en apportant sa touche . Dans ses


Troyennes, le moment le plus marquant est la quatrième scène, le chœur s'interroge sur la mort, l'âme, la
survivance de l'âme et le monde de l'au-delà. Andromaque, alignée à la réflexion générale de la pièce,
exprime son désespoir et son intense amour pour Hector Andromaque, alignée à la réflexion générale de
la pièce, exprime son désespoir et son intense amour pour Hector. Elle est si désespérée qu'elle considère
la mort bien meilleure que la vie

La Troade émane de trois tragédies : les Troyennes de Sénèque, les Troyennes et l’Hécube
d’Euripide. La tension tragique est plus intense dans les Troyennes d’Euripide, mais le texte de Sénèque
offre plus de rebondissements de l’intrigue, - et donc du suspense- surtout sur le thème d’Andromaque et
d’Astyanax. Le modèle d'Andromaque aimante et désespérée, se lamentant sur la mort d'Hector, demeure.
Cependant cette tragédie ne constitue pas une simple transposition et ou traduction du texte original latin.
Quelques interventions jugées nécessaires ont été opérées pour correspondre au raffinement envigueur au
XVI ème siècle. Les rudesses linguistiques ont été par exemple affinées, pour rendre la scène plus calme
et adoucir les personnages notamment Andromaque

22
A la cour de Pyrrhus

Andromaque est l’héroïne éponyme de deux tragédies : une Andromaque d’Euripide située entre
430-422, et l’Andromaque de Racine parue en 1666. Les actions des deux intrigues traitent de la vie
d’Andromaque alors qu’elle vivait en tant qu’esclave de Pyrrhus, alias Néoptolème, suite à la chute
d’Ilion. Les deux auteurs réinvestissent la scène des adieux en réunissant indirectement les trois
personnages par la pensée qui réactive le souvenir de cette première vie familiale. Au passage, les deux
dramaturges expriment les enjeux sociaux et politiques liés à leurs sociétés respectives. Andromaque
se dote des compétences et des capacités nouvelles et elle est présentée sous un autre prisme ; celui
de la veuve princesse qui en tant que captive, elle combat pour sauver la vie de son fils.

Dans l’Andromaque d’Euripide, l’héroïne éponyme est une femme effondrée devant le sort qui
s'acharne contre elle. Elle a déjà vu son fils Astyanax jeté des murs de Troie par les Grecs et maintenant
on voudrait tuer son dernier fils et elle-même !

Chez Racine, le souvenir de l’Iliade est ravivé surtout aux vers suivants, où Andromaque évoque
une rencontre pendant laquelle Hector a pris dans ses bras le petit Astyanax. Il s’agit d’une réminiscence
de la « scène des adieux », du chant VI de l’Iliade. En revanche, les paroles d’Hector qu’Andromaque
rappelle sont renouvelées. Elle raconte donc à Céphise cette scène, et ce qu’Hector lui avait dit:
-« Hélas ! Je m’en souviens, le jour que son courage
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas,
Il demanda son fils et le prit dans ses bras »:
« Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes,
J'ignore quel succès le sort garde à mes armes ;
Je te laisse mon fils pour gage de ma foi :
S’il me perd, je prétends qu’il me retrouve en toi.
Si d’un heureux hymen la mémoire t’est chère,
Montre au fils à quel point tu chérissais le père »

Ces vers résument en peu de mots l’essence de la pensée racinienne, qui mêle le sentiment
du devoir, la fidélité, l’amour, le souvenir du bonheur passé, l’amour maternel.

23
Les adieux d'Hector et Andromaque
Cratère à colonnes apulien, à figures rouges
370-360 av.JC
Musée national du palais Jatta
Ruvo di Puglia, Italie

La représentation de scènes mythologiques sur des vases en céramique était très courante
dans l'antiquité gréco-romaine, et témoigne de l'importance des références culturelles dans
de nombreuses activités de la vie quotidienne. Ainsi la scène familiale charmante qui figure
sur ce cratère était-elle immanquablement identifiée comme celle des adieux d'Hector à
Andromaque et Astyanax.

A gauche en effet, nous pouvons voir Andromaque assise sur une chaise. Elle tient son enfant,
Astyanax, sur ses genoux. Il se tient à sa mère de la main droite, et attrape le casque d'Hector
de la main gauche. Hector se tient debout à droite, torse nu, portant une lance et un bouclier
dans sa main gauche et son casque dans la main droite, prêt à partir au combat. Pourtant
dans cette scène, l'accent est mis sur Astyanax, qui se tient entre sa mère (qui adopte une
attitude protectrice à son égard) et son père.
L'enfant tend la main vers le casque de son père : cela peut être interprété comme un geste
pour le retenir, mais aussi comme le geste innocent d'un enfant qui voit son père et veut aller
vers lui. Il semble intrigué par ce casque, contrairement au texte de l'Iliade qui dit que ce
casque effraie l'enfant. En revanche, la douceur de cette scène correspond bien à ces vers
de l'Illiade : « [Hector] remet son enfant dans les bras de son épouse chérie, qui le presse
contre son sein avec un sourire mêlé de larmes ». Hector, après avoir rassuré son épouse, lui
rend son fils après l'avoir porté dans ses bras et part vers le champ de bataille, d'où il ne
reviendra pas vivant.
Cette céramique présente plusieurs aspects attrayants : tout d'abord, l'utilisation très maîtrisée
de la technique de la céramique à figures rouges, qui rend merveilleusement bien, en
particulier, le plissé de la robe d'Andromaque ; ensuite, la simplicité de la scène représentée,
avec seulement trois personnages, Hector, sa femme et son fils. C'est ce qui produit le
pathétique de cette scène : le jeune enfant, qui tend la main vers son père d'une manière
innocente et affectueuse, n'a pas conscience, contrairement au spectateur de la scène, de son
destin tragique, et il ignore qu'il voit son père vivant pour la dernière fois.

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Les adieux d'Hector et d'Andromaque
Miniature sur émail
H: 4,5 cm x l: 6,5 cm
XVIIIe siècle
Musée du Louvre

Au premier plan, Andromaque tient un enfant très jeune dans ses bras : c'est Astyanax. La
tendresse de son geste et de son regard exprime un amour maternel très fort. A côté d'elle,
Hector l'aide à tenir cet enfant et pose sa main sur son épaule, comme pour la rassurer. Il
regarde vers le ciel : en effet, avant son départ, il prie Zeus à propos de son fils : « Zeus, et vous
tous, dieux immortels, faites que mon enfant soit, ainsi que moi, illustre parmi les Troyens ! »

La présence de domestiques à l'arrière-plan rappelle la noblesse d'Hector, qui est un prince troyen.
Une femme à gauche est sûrement la nourrice d'Astyanax. Deux enfants à droite sont sûrement
des serviteurs : l'un d'eux tient le casque d'Hector tandis que l'autre tient sa lance.
Contrairement à ce à quoi on aurait pu s'attendre, les costumes des personnages n'ont rien
d'antique. Les deux femmes portent des robes à deux pièces ou des manteaux en usage au XVIIIe
siècle, tandis qu'Hector porte une cuirasse pseudo-romaine telle qu'on en voyait sur les scènes de
théâtre ou d'opéra. Le peintre miniaturiste n'a donc manifesté aucun souci de reconstitution
archéologique.

En revanche, la forme ovale et le support inhabituel de cette œuvre constituent une partie de son
charme. La composition en triangles inversés concentre l'essentiel de la scène sur le couple
d'Hector et d'Andromaque et sur les lignes de leurs bras, qui toutes expriment l'affection :
Andromaque souhaite protéger son enfant, tandis qu'Hector tente de la rassurer, tout en pensant
déjà à la bataille qu'il va devoir livrer.
*

25
Les adieux d'Hector et d'Andromaque

Joseph-Marie Vien (1716-1809)

Peinture à l'huile sur toile

H: 303 cm x l: 402 cm

1786

Musée du Louvre

La scène se situe à l'extérieur des portes de la ville de Troie, les portes Scées : c'est là que dans l'Iliade Hector
dit adieu à sa femme Andromaque et son fils Astyanax. Le tableau est structuré par deux lignes droites principales
en diagonale : l'une, suivant la ligne de fuite de la muraille au deux-tiers de la hauteur, sépare verticalement le ciel
du monde des hommes. Celui-ci se répartit à son tour en deux groupes, séparés par la lance du personnage
central : à gauche celui des habitants qui vont rester à Troie, avec en particulier la famille d'Hector, et à droite
celui des combattants qui se préparent à aller affronter les Grecs. Au centre du tableau, Hector s'apprête à passer
d'un espace à l'autre : sa tête est encore tournée vers sa famille, mais son corps est en train de pivoter, et sa
lance indique la direction de son destin. Il porte une cape rouge, qui évoque sa noblesse car la pourpre était une
couleur très chère à l'époque. Il regarde d'un air bienveillant son fils Astyanax, encore nourrisson. Mais ce dernier
est effrayé par son père, comme le raconte l'Illiade : « L'illustre Hector tend ses bras vers son fils ; mais à la vue
de son père, l'enfant, effrayé par le vif éclat de l'airain et par la crinière qui flottait d'une manière menaçante sur le
sommet du casque, se jette en criant sur le sein de sa nourrice » (Homère, Iliade, VI, 466-470)

A côté d'eux, Andromaque semble parler à son mari. Son geste théâtral insiste sur son désespoir, comme si elle
s'exclamait, comme dans l'Illiade : « Infortuné, ton courage finira par te perdre ! ». Ce geste est pathétique et
souligne le tragique de la scène, à la différence, par exemple, des céramiques grecques.
A l'arrière-plan, à droite, des soldats disent de même adieu à leurs familles, rassemblées sous l'arche de la porte
Scée. Le cocher d'Hector, coiffé d'un bonnet phrygien, lève la main en direction d'un homme à l'extrême gauche,
qui répond à son geste. La foule a l'air inquiète, autant pour les siens que pour le destin de la ville : elle observe
sûrement le départ du plus grand héros troyen avec autant d'appréhension qu'Andromaque, connaissant la valeur
de son futur adversaire, Achille.
Même si l'armure d'Hector est aussi peu grecque que celle de la miniature en émail ci-dessus, les costumes des
femmes semblent déjà beaucoup plus « antiques ». Cette œuvre néoclassique présente la scène avec une grande
fidélité au texte homérique, mais avec une emphase qui l'apparente encore beaucoup aux tragédies qui fleurissaient
sur la scène, à cette époque de réécriture dans tous les arts des modèles antiques.

26
Les adieux d'Hector et d'Andromaque
Karl Friedrich Deckler (1838-1918)
Peinture à l'huile sur toile
H: 160 x 132,5 cm
1874

Contrairement aux deux œuvres précédentes, celle-ci se caractérise par un cadrage vertical
beaucoup plus serré, centré sur le groupe central des trois personnages et esquissant simplement
le cadre de la porte Scée, dont on ne voit à droite que les jambages et la corniche.
Le couple d'Hector et d'Andromaque occupe l'essentiel de la composition. Hector tient son fils
Astyanax dans ses bras. Tous deux sont cadrés en pied, en légère contre-plongée, ce qui les met
d'autant plus en valeur. Andromaque regarde son mari d'un air affligé : elle le supplie du regard,
tentant de le persuader de rester pour elle. Elle dit dans l'Illiade : « Tu n'as donc pas pitié de ce
jeune enfant, ni de moi, malheureuse femme, qui serai bientôt veuve ? » Son regard affligé
exprime la tristesse et transmet le pathétique de cette scène au spectateur.
Hector de son côté regarde vers le ciel : il prie les dieux de protéger son fils : « Zeus, et vous tous,
dieux immortels, faites que mon enfant soit, ainsi que moi, illustre parmi les Troyens ! ». Il a ôté
son casque et déposé sa lance pour ne pas effrayer son fils, et ses armes, casque et bouclier, sont
donc à ses pieds. Il porte une cape rouge, montrant sa richesse et sa noblesse. Mais malgré sa
tristesse, son regard exprime aussi une forme de fierté : on comprend qu'il a fait son choix et qu'il
suivra son devoir pour défendre son honneur, même au prix de sa vie.
Derrière eux, à gauche, une femme agenouillée, probablement la nourrice d'Astyanax, est en
pleurs. A droite, un homme en armure se tient debout : il semble attendre Hector pour se rendre
sur le champ de bataille. Ces deux figures redoublent ainsi les sentiments des deux protagonistes,
Andromaque et Hector, et peuvent être considérés comme des allégories du désespoir des
femmes et de la fierté des héros.
Cette œuvre est donc très simple mais rendue efficace par sa composition et sa lumière : même si
les personnages sont éclairés par la gauche, l'atmosphère est crépusculaire, le ciel est sombre et
chargé de nuages menaçants. Le pathétique et l'héroïsme sont ici rassemblés, et on comprend
qu'Hector n'a pas le choix : son destin tragique le condamne à aller chercher la gloire – et la mort.

27
Leontaridou, Dora, Le mythe d’Andromaque dans le théâtre antique et français,2016

Romilly, Jacqueline de, Hector, 1997

Garnier, Robert ,Hippolyte (1573) ; La Troade (1579) éd. 2019

Sainte-Maure, Benoît de, Roman de Troie

Racine, Jean. Andromaque: 1679

Loxias (unice.fr)

http://hodoi.fltr.ucl.ac.be/ (textes grecs)

http://itinera.fltr.ucl.ac.be/ (textes latins)

Les adieux d'Hector et Andromaque - Polyxenia en Méditerranée

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