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La Guerre de Troie n'aura pas lieu de

Giraudoux
La guerre de troie n’aura pas lieu est une pièce de
théâtre de Jean Giraudoux publiée en 1935. Elle fut
écrite dans le contexte des années trente où tout le
monde présentait l’arrivée d’une nouvelle guerre. Jean
Giraudoux étant lui-même un grand défenseur de la
paix après la Grande Guerre à laquelle il a participé.
Cette œuvre se pose donc dans l’histoire de l’auteur
comme une critique des dictatures fascistes montantes. Résumé de l'oeuvre :

L’histoire raconte, comme son nom l’indique, le début de la guerre de troie. La pièce commence sur l’arrivée
Hector, marie de Andromaque une jeune femme qui veut espérer. Hector revient de la guerre et a juré qu’il
n’y en aura plus, mais dans le contexte où Paris frère d’Hector a enlevé Hélène femme de Mélénas, cela est
moins sur. En effet, une guerre est sur le point d'éclater si les Troyens ne rendent pas Hélène. Tout l’enjeu
de l’histoire est là : “Faut - il rendre ou non Hélène ?”. Hector est certes convaincu de rendre Hélène au
greque mais le roi Priam et sa troupe ne sont pas du même avis. En effet, subjugués par la beauté d’Hélène,
ils veulent tous la garder près d’eux pour pouvoir l'admirer. Mais Hector arrive à prendre à part Hélène
dans la scène 8 et 9 de l’acte I pour la convaincre de la ramener en Grèce. Elle accepte mais doute du
succès d’Hector car elle ne se “voit” pas rentrer avec l'ambassadeur frec, tandis qu’elle voit bien, et très
“colorés”, les scènes sanglantes de la guerre à venir. Au début de l’acte II, Troïlus, le plus jeune fils de Priam
est amoureux lui aussi d’Hélène comme on peut l’être à quinze ans, au point que Paris et Hélène s’en
moquent. Se réunit pendant ce temps un conseil de guerre pour se préparer. Mais hélas ! ils n’ont pas de
chant de guerre et doivent en trouver un pour pouvoir galvaniser les troupes. Apparition de Busiris qui est
un expert international et qui prouve par a + b que les Grecs offensent les Troyens et la guerre doit donc
être déclarée. Mais dès que Hector le menace de l’enfermé, toutes les insultes grecs se transforment en
éloge, un hommage. Hector fait ensuite un discours au mort, qui est un point central de l'œuvre car c’est ici
que la critique de la guerre est la plus visible (avec le dialogue Ulysse Hector sur lequel nous reviendrons
plus tard). Un duel entre Andromaque et Hélène s'ensuit. Andromaque accepterait la guerre si et
seulement si Hélène aimait vraiment Pâris, mais Hélène n’a pas beaucoup d’estime pour l’espèce humaine,
elle préfère sa façon d’aimer, ou plutôt d’aimanter. Brèves scènes d’action. Survient Oiax, un Grec ivre et
brutal. Hector se laisse gifler, puis Oiax et Hector giflent Demokos… et deviennent les meilleurs amis. Ulysse
arrive et accepte de reprendre Hélène et que la guerre n’ait pas lieu si et seulement si elle est rendue
“intacte”. Pâris jure de ne pas l’avoir touché et est démenti par deux ivrognes. Survient Iris, messagère des
dieux. Ordres contradictoires d’Aphrodite, déesse de l’amour, et de Pallas, déesse de la raison. Jupiter arrive
et ordonne de laisser Ulysse et Hector s’expliquer en face à face lors d’un concours d’épithète. Hector
perd… Oiax essaye de caresser Andromaque, Demokos s’offusque, Hector le frappe. “La guerre n’aura pas
lieu”. Demokos se relève accuse Oiax, la garde le rattrape, le tue. “Elle aura lieu”. Les portes de la guerre
s'ouvrent sur Hélène embrassant Troïlus.

Je tiens à présenter un passage qui résume la dynamique, l’enjeu de la pièce. C’est le dialogue entre Ulysse et
Hector (II,13)
“ULYSSE - Vous êtes jeune, Hector !… À la veille de toute guerre, il est courant que deux chefs des peuples en conflit se
rencontrent seuls dans quelque innocent village, sur la terrasse au bord d’un lac 36 , dans l’angle d’un jardin. Et ils
conviennent que la guerre est le pire fléau du monde, et tous deux, à suivre du regard ces reflets et ces rides sur les
eaux, à recevoir sur l’épaule ces pétales de magnolias, ils sont pacifiques, modestes, loyaux. Et ils s’étudient. Ils se
regardent. Et, tiédis par le soleil, attendris par un vin clairet, ils ne trouvent dans le visage d’en face aucun trait qui
justifie la haine, aucun trait qui n’appelle l’amour humain, et rien d’incompatible non plus dans leurs langages, dans
leur façon de se gratter le nez ou de boire. Et ils sont vraiment combles de paix, de désirs de paix. Et ils se quittent en
se serrant les mains, en se sentant des frères. Et ils se retournent de leur calèche pour se sourire… Et le lendemain
pourtant éclate la guerre… Ainsi nous sommes tous deux maintenant… Nos peuples autour de l’entretien se taisent et
s’écartent, mais ce n’est pas qu’ils attendent de nous une victoire sur l’inéluctable. C’est seulement qu’ils nous ont
donné pleins pouvoirs, qu’ils nous ont isolés, pour que nous goûtions mieux, au-dessus de la catastrophe, notre
fraternité d’ennemis. Goûtons-la. C’est un plat de riches. Savourons-la… Mais c’est tout. Le privilège des grands, c’est de
voir les catastrophes d’une terrasse.”
Ici Ulysse montre l’absurdité de la guerre. Deux chefs, qui peuvent s’apprécier, s’aimer, vont se faire la guerre
pour des raisons qu’ils ne comprennent pas et qui les dépassent. Mais ils vont envoyer leurs soldats se tuer
entre eux, vont les remercier avec un discours au mort auquel ils ne croient pas, et se préparont pour la
prochaine. Ici ce n’est pas Ulysse qui parle, mais Giraudoux. La phrase finale résume parfaitement l’état d’esprit
des deux protagonistes. “Le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes d’une terrasse”.
Priam : Troyen Roi de Troie, il est prêt à faire la guerre contre les Grecs.
Hector : Troyen Fils de Priam et d’Hécube, il est également opposé à la guerre et
souhaite préserver la paix.
Andromaque : Troyenne Femme d’Hector, elle souhaite la paix.
Pâris : Troyen Frère cadet d’Hector. Il est à l’origine de la menace de guerre, car il a
enlevé Hélène.
Cassandre : Troyenne Fille de Priam et d’Hécube, elle présage de funestes
évènements.
Troïlus : Troyen Jeune homme de 15 ans, fils d’Hécube et de Priam. Il est attiré par
Hélène.
Demokos : Troyen Poète, partisan de la guerre. C’est sa mort qui la déclenchera.
Le géomètre : Troyen Il est sous le charme d’Hélène. Les vieillards : Troyens Ils font
l’éloge d’Hélène.
La Paix : Elle apparaît à Hélène et Cassandre, mais elle est faible.
Ulysse : Grec Roi d’Ithaque, il est l’ambassadeur des Grecs auprès des Troyens pour
demander le retour d’Hélène.
Oiax : Grec Capitaine de la flotte grecque.

Rôle et apparition de la parole:


Dans la pièce La Guerre de Troie n’aura pas lieu, la parole à une place importante. Elle intervient tout au long
de la pièce pour diverses raisons que je vais lister de façon non-exhaustives :
La parole pour montrer la beauté d’une personne, pour charmer : “LE GÉOMÈTRE - [...] Or, depuis qu’Hélène est
ici, le paysage a pris son sens et sa fermeté. Et chose particulièrement sensible aux vrais géomètres, il n’y a plus à
l’espace et au volume qu’une commune mesure, qui est Hélène.” (I,6). Ici la parole est une parole d’apparence
scientifique par l’utilisation de termes techniques - ce qui se verra mieux dans la suite du texte - mais elle est
subjective, et amoureuse cette parole avant tout.
La parole sert aussi à insulter : “HÉCUBE - Je dis que tu es un serin, Demokos. Je dis que si les serins avaient la
bêtise, la prétention, la laideur et la puanteur des vautours, tu serais un serin.”(II,4) La parole sert donc aussi à
insulter lors d’une joute d’épithète, à blesser pour déstabiliser.
Il y a aussi la parole divine qui sert ici à donner des ordres, mais elle est ridiculisée par le fait que les dieux
qui interviennent ne sont d’accord avec aucun autre et leurs ordres en deviennent futiles et risibles.
Il y a la parole qui prédit l’avenir et qui déjoue le normal. Hélène peut en effet prédire si oui ou non un
évènement va se produire. “Je ne lis pas l’avenir. Mais, dans cet avenir, je vois des scènes colorées, d’autres ternes.
Jusqu’ici ce sont toujours les scènes colorées qui ont eu lieu.” (I,9)

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