Vous êtes sur la page 1sur 4

Peut-on se représenter le monde ?

(Introduction)

Nous allons donc voir les différents obstacles que l’on rencontre
lorsque l’on essaye de se représenter le monde. En effet, le caractère infini
de notre univers, de notre monde est un obstacle. Car représenter quelque
chose cela passe d’abord par une délimitation dans l’espace, en traçant les
contours du sujet. Si l’on part du postulat que l’univers est infini, sa
représentation ne sera, alors, que partielle. Penchons-nous plus
précisément sur le caractère infini du monde. Si l’on trace temporairement
la limite du monde à la Terre, l’on pourra malgré tout trouver quelque
chose qui se situe en dehors, qui repoussera donc la limite au-delà de ce
corps. Réitérons, nous avons notre limite qui est située juste derrière ce
nouveau corps mais, l’on pourra toujours trouver un objet qui se situe en
dehors de notre, et ainsi de suite. Le monde est donc infiniment grand.
Mais aussi infiniment petit, il suffit pour s’en persuader de faire la même
expérience de pensée mais en cherchant quelque chose, un corps de
toujours plus petit que le corps précédent. Blaise Pascal (1623 - 1662),
philosophe du XVIIeme aborde le sujet dans ses Pensées (1670) : “C’est [Le
monde] une sphère dont le centre est partout, la circonférence nulle part.
[...] notre imagination se per[d] dans cette pensée”. C’est donc perdu dans
l’univers , épris de vertige entre ces deux abîmes que l’Homme rencontre la
difficulté de se représenter le monde, et pour cause, il est infini.
Par ailleurs, le monde est certes infini mais d’autres choses nous
bloquent pour pouvoir se représenter le monde. En effet, comme dit
plutôt, représenter c’est rendre présent (figurativement ou non) quelque
chose qui est absent. Il faut donc recourir à notre mémoire, que l’on se
souvienne. Mais la mémoire est un mécanisme défaillant qui peut
perturber notre représentation du monde. Combien de fois avons-nous
persuadé que tel objet se situer à tel endroit avant que l’on se rende compte
que non ? De plus, lorsque l’on se souvient de quelque chose, on se
souvient de notre ressentie à un instant, on se souvient de nos sens et de
comment ils ont été stimulés. Mais nos sens ne sont pas infaillibles, nous
pouvons en douter. C’est l’idée que poursuit Descartes (1596 - 1650) dans
son Discours de la méthode (1637). En effet, il doute d’abord de ses sens, et
rejette le caractère indubitable que leur portent certains, avec l’idée que
l’on puisse être dans un rêve. Donc nos sens peuvent nous tromper. Et puis
notre représentation du monde, dépend de la vision que l’on aura de
celui-ci qui peut varier en fonction de notre milieu social. En effet, un
riche bourgeois ne verra pas un évènement de la même façon que un
travailleur précaire. Donc notre représentation du monde peut être altérée,
modifiée et n’est pas indubitable.
De plus, pour représenter quelque chose, il faut d’abord nous l'avoir
présenté. Notre représentation n’existe que par le biais d’un médiateur,
d’un porte parole. Cette présentation passera parfois par le langage, ce qui
peut être un outil trompeur pouvant empêcher la représentation. En effet,
comment verbaliser quelque chose qui n’a pas d’équivalent dans notre
langue. Comme le dit le philosophe anglais Wittgenstein dans son
Tractatus Logico-Philosophicus : “Les frontières de mon langage sont les
frontières de mon monde.”. C’est un des principes de la Novlangue dans
1984 de George Orwell, si tu ne peux pas verbaliser ta critique de Big
Brother alors tu ne peux pas le critiquer. Donc dans notre tentative de
représentation nous sommes empêchés par le manque de mot, de
vocabulaire dont certaines langues sont dépourvues. De plus, chaque mot
transporte son histoire, son origine, son idéologie avec lui. Certains mots
sont connotés et entraînent avec eux une représentation du monde qui lui
est propre. Une insulte, un concept politique entraîne avec eux leur
histoire et vont donc nuire à la représentation que l’on tente de faire. Le
manque de mot ou l’histoire d’un mot ajoutent des obstacles à surmonter
lors de notre tentative de représentation.
Pour autant, il est possible de se représenter le monde, malgré ces
obstacles. En effet, en prenant une approche scientifique nous pouvons
comprendre ce qui nous entoures et donc par ce biais nous représenter le
monde. C’est dans ce but là, celui de comprendre le monde, que les plus
grands scientifiques ont fait leurs découvertes. Que ce soit Galilée en
observant les astres avec sa propre lunette pour pouvoir les restituer par la
suite sur un cahier, ou même Copernic qui avec le mouvement des
planètes, comprit que la Terre n’était pas au milieu. Car en effet, une
formule mathématique retranscrivant la loi de l’attraction terrestre ou
même la diffraction de la lumière au sein d’un prisme est une
représentation du monde. Au lieu de parler français ou allemand, on parle
la langue des mathématiques. Pascal avait beau nous dire que la
représentation du monde était semé d’embuche, il n’était pas moins
mathématicien et physicien. Toutes ces découvertes, ces représentations du
monde trouveront leur place, en 1772, dans l’Encyclopédie grâce à Diderot
et d’Alembert. En effet, la langue des scientifiques n’étant pas
compréhensible de tous, l’ouvrage offre à tout le monde qui veut une
explication simplifiée d’une chose, d’un concept avec son illustration,
aujourd’hui, pour faciliter la lecture et la compréhension. La science est
donc un moyen de représenter le monde.
Autrement, l’Art peut être aussi utilisé pour représenter le monde.
En effet, c’est ce que l’on voit, de ce que l’on ressent, qui est mis en œuvre,
en forme dans un but esthétique. Il permet aussi de nous apercevoir de
choses que l’on avait pas remarquées auparavant. Que ce soit les “vallées”
du pain chez Francis Ponge dans son Parti pris des choses. Ou même les
différentes nuances de couleurs du Soleil sur la mer dans un tableau de
William Turner. Donc en plus de nous offrir un moyen, un outil pour
représenter le monde, l’Art aide à comprendre le monde, à mieux le
percevoir, à le ressentir. Que ce soit pouvoir apporter une meilleure
connaissance d’un événement historique avec une peinture (Tres de Mayo,
Goya) ou un film (Shoah, Claude Lanzmann), d’un sentiment amoureux
avec un poème (La courbe de tes yeux, Éluard). L’Art peut donc être utilisé
pour représenter le monde et pour nous aider à le représenter.
Et puis, il nous est obligé de nous représenter le monde si l’on veut
pouvoir s’orienter dans le monde. En effet, comme la vie n’est que
satisfaction de désir, que l’on choisit au fur et à mesure avec un calcul des
coûts et des bénéfices de chaque action. Nous allons naturellement faire
une action qui nous demandera moins d’effort pour une grande source de
plaisir comparé à une action qui en demandera plus pour moi de plaisir.
C’est un calcul de rentabilité. Mais tous ces calculs mentaux sont effectués,
si et seulement si, nous pouvons nous imaginer le futur et quel amont de
plaisir et d’effort cela va engendrer. C’est donc grâce à notre vision du
monde que l’on peut avancer dans le monde. L’on ne peut s’orienter, vivre
sans vision du monde.

Pour conclure, nous avons donc vu qu’il y avait des obstacles lorsque
l’on tente de se représenter le monde, mais que cela est tout de même
possible.

Vous aimerez peut-être aussi