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HISTOIRE 2de
SOUS LA DIRECTION DE
Jean-Marc VIDAL
AUTEURS
Mickaël BERTRAND
Lycée Anna Judic – Semur-en-Auxois (21)
Guillaume BOUREL
Lycée Fénelon – Paris (75)
Christophe CAILLEAUX
Lycée Jean-Marc Boivin – Chevigny-Saint-Sauveur (21)
Laura CARBONNIER
Lycée Beaupré – Haubourdin (59)
Thomas CASSIGNEUL
Lycée Bréquigny – Rennes (35)
Bertrand JOLIVET
Lycée Paul Robert – Les Lilas (93)
Formateur, ESPE Paris
Éric MAGNE
Lycée Claude de France – Romorantin (41)
Formateur académique, ESPE Centre – Val-de-Loire
Pauline RAMEAU
Lycée Parc des Chaumes – Avallon (89)
Fabrice ROMANET
Collège Molière – Lyon (69)
Isabelle SOLER
Lycée en Forêt – Montargis (45)
Jean-Marc VIDAL
Lycée Alain Colas – Nevers (58)
Les auteur-e-s et les éditions Magnard remercient l’ensemble des relecteurs et relectrices
pour leurs remarques et leurs suggestions, ainsi que tout-e-s les enseignant-e-s
qui ont participé aux études menées sur le manuel.
Le photocopillage, c’est l’usage abusif et collectif de la photocopie sans autorisation des auteurs et des éditeurs. Largement
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ISBN : 978-2-210-11156-1
© MAGNARD 2019
5, allée de la 2e D.B. 75015 PARIS
www.magnard.fr
2
Sommaire
Introduction La périodisation............................................................................................... 6
Thème 2 xve-xvie
siècles : un nouveau rapport au monde,
un temps de mutation intellectuelle
Cartes .....................................................................................................................................106
3
Programme d’histoire
Bulletin officiel spécial no 1 du 22 janvier 2019
Thème 2 xve-xvie
siècles : un nouveau rapport au monde,
un temps de mutation intellectuelle (11-12 heures)
Chapitre 1 L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »
Objectifs Ce chapitre vise à montrer le basculement des échanges de la Méditerranée vers l’Atlantique après 1453
du chapitre et 1492, ainsi que le début d’une forme de mondialisation.
On peut mettre en avant les conséquences suivantes en Europe et dans les territoires conquis :
• la constitution d’empires coloniaux (conquistadores, marchands, missionnaires…) ;
• une circulation économique entre les Amériques, l’Afrique, l’Asie et l’Europe ;
• l’esclavage avant et après la conquête des Amériques ;
• les progrès de la connaissance du monde ;
• le devenir des populations des Amériques (conquête et affrontements, évolution du peuplement
amérindien, peuplement européen, métissage, choc microbien).
Points de • L’or et l’argent, des Amériques à l’Europe.
passage et • Bartolomé de Las Casas et la controverse de Valladolid.
d’ouverture • Le développement de l’économie « sucrière » et de l’esclavage dans les îles portugaises et au Brésil.
4
Chapitre 2 Renaissance, humanisme et réformes religieuses : les mutations de l’Europe
Objectifs Ce chapitre vise à montrer comment l’effervescence intellectuelle et artistique de l’époque aboutit
du chapitre à la volonté de rompre avec le « Moyen Âge » et de faire retour à l’Antiquité.
On peut mettre en avant :
• l’imprimerie et les conséquences de sa diffusion ;
• un nouveau rapport aux textes de la tradition ;
• une vision renouvelée de l’homme qui se traduit dans les lettres, arts et sciences ;
• les réformes protestante et catholique qui s’inscrivent dans ce contexte.
Points de • 1508 – Michel-Ange entreprend la réalisation de la fresque de la Chapelle Sixtine.
passage et • Érasme, prince des humanistes.
d’ouverture • 1517 – Luther ouvre le temps des réformes.
Thème 4 Dynamiques et ruptures dans les sociétés des xviie et xviiie siècles (11-12 heures)
Chapitre 1 Les Lumières et le développement des sciences
Objectifs Ce chapitre vise à montrer le rôle capital de l’esprit scientifique dans l’Europe des xviie et xviiie siècles.
du chapitre On peut mettre en avant :
• l’essor de l’esprit scientifique au xviie siècle ;
• sa diffusion et l’extension de ses champs d’application au xviiie siècle (par exemple par l’Encyclopédie) ;
• le rôle des physiocrates en France ;
• l’essor et l’application de nouvelles techniques aux origines de la « révolution industrielle » ;
• le rôle de femmes dans la vie scientifique et culturelle.
Points de • Galilée, symbole de la rupture scientifique du xviie siècle.
passage et • 1712 – Thomas Newcomen met au point une machine à vapeur pour pomper l’eau dans les mines.
d’ouverture • Émilie du Châtelet, femme de science.
Chapitre 2 Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres
Objectifs Ce chapitre vise à montrer la complexité de la société d’ordres.
du chapitre On peut mettre en avant :
• le poids de la fiscalité et des droits féodaux sur le monde paysan ;
• une amélioration progressive de la condition des paysans au xviiie siècle ;
• le monde urbain comme lieu où se côtoient hiérarchies traditionnelles (juridiques) et hiérarchies
nouvelles (économiques) ;
• le maintien de l’influence de la noblesse ;
• les femmes d’influence dans le monde politique, littéraire, religieux…
Points de • 1639 - La révolte des Va Nu-pieds et la condition paysanne.
passage et • Riches et pauvres à Paris.
d’ouverture • Un salon au xviiie siècle (le salon de madame de Tencin par exemple).
• Les ports français et le développement de l’économie de plantation et de la traite.
– 5
INTRODUCTION La périodisation
I. Introduction
A. Un nouvel objet d’étude La démarche historique
C’est l’une des nouveautés du programme 2019 : 3. L’analyse
La finalité
la « périodisation », en particulier le découpage Interpréter le passé
canonique des grandes périodes historiques,
devient désormais un objet d’étude. Elle constitue Le socle 1. La chronologie : 2. La périodisation :
l’angle d’attaque de ce court chapitre introductif, Ordonner les dates Découper la chronologie
à traiter en deux heures.
Sa première ambition est de faire réfléchir les élèves à ce qui constitue, avec la chronologie, le socle
fondamental de la démarche historique : le découpage de l’histoire en périodes. C’est une étape indis-
pensable au travail d’interprétation du passé, qui l’inscrit dans un « cadre » bien identifié, nommé et
borné par des dates emblématiques.
La seconde ambition est d’aider les élèves à comprendre la périodisation canonique codifiée au
xixe siècle et sur laquelle repose l’enseignement de l’histoire. Celle-ci n’est plus un cadre intangible,
mais l’objet de remises en cause permanentes. La « repériodisation » est au cœur de l’historiogra-
phie actuelle et la périodisation est elle-même devenue un objet d’étude historique. On peut citer les
travaux de Fernand Braudel sur les différents temps de l’histoire (temps long, moyen et court) et le
renouvellement récent de la vision longtemps très européocentrée par la Global History.
Une réflexion sur les noms donnés aux périodes peut aider les élèves à mener une analyse critique de
ces chrononymes : le Moyen Âge est « moyen » car vu par les historiens à l’origine du terme comme
une parenthèse entre une Antiquité idéalisée et la Renaissance.
L’analyse des césures délimitant les périodes peut introduire la réflexion. Par exemple, l’emblématique
« 1492 », borne entre Moyen Âge et époque moderne, ne constitue pas un repère pour les contempo-
rains mais une rupture, annonciatrice des transformations postérieures vue par les Européens.
BIBLIOGRAPHIE
-- Paul Bacot, Laurent Douzou et Jean-Paul Honoré, « Chrononymes. La politisation du temps »,
Mots. Les langages du politique, no 87, CNRS Éditions, 2008.
-- Bartolomé et Lucile Bennassar, 1492, Un monde nouveau ?, Perrin, 1991.
-- Alice Cardoso, « Des frises pour apprendre la chronologie ? », dans Cahiers Pédagogiques,
« Apprendre l’histoire », no 471, 2009.
-- Stéphane Gilbert (dir.), « Découper le temps : actualité de la périodisation en histoire », Atala,
no 17, Lycée Chateaubriand de Rennes, 2014. En ligne : https://www.lycee-chateaubriand.fr/
revue-atala/
-- Jean Leduc, Les Historiens et le Temps, Le Seuil, 1999.
6
-- Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Le Seuil, 1996.
Ouvrage de référence sur le travail de l’historien. Le chapitre 5 est consacré aux « temps de l’histoire ».
-- Paul Veyne, L’Inventaire des différences, Le Seuil, 1976.
III. Corrigés
INTRODUCTION – La périodisation 7
CHAPITRE 1 L a Méditerranée antique :
les empreintes grecques et romaines Manuel p. 14-45
I. Introduction
Le premier enjeu du chapitre consiste à rappeler aux élèves que l’Antiquité méditerranéenne est le
creuset de l’Europe, et ce dans de nombreux domaines. Le programme invite en effet à montrer les
héritages essentiels issus de la Méditerranée antique.
Ces derniers sont tout d’abord politiques avec l’étude de deux régimes politiques qui ont marqué
durablement l’Europe : la démocratie athénienne et l’empire romain. Même si les deux régimes poli-
tiques diffèrent, des continuités existent dans la vie locale des cités et à travers la notion de citoyen-
neté qui prend une acception de plus en plus ouverte au cours de l’histoire romaine jusqu’à l’édit de
Caracalla qui la généralise à l’ensemble des hommes libres de l’empire romain. De même, la notion
d’empire perdure et se redéfinit entre les deux périodes : même si Athènes est une démocratie, elle
repose cependant sur une forme d’impérialisme concrétisé par la Ligue de Délos. Elle assoit ainsi
une thalassocratie à l’échelle de la mer Égée. Cet impérialisme centré sur la mer est perpétué par les
Romains à une échelle beaucoup plus vaste.
Autre élément constitutif du creuset culturel européen, la religion. Polythéistes toutes les deux, les
religions grecque et romaine comportent de nombreux points communs, mais se sont également
enrichies des autres religions du bassin méditerranéen, consolidant la notion du creuset culturel à
l’échelle de la Méditerranée. C’est enfin dans le cadre de l’empire romain qu’est étudiée la diffusion
du christianisme et sa reconnaissance par l’empereur Constantin.
Enfin, l’héritage culturel livré par les époques grecque et romaine nous a semblé également primor-
dial. Que ce soit dans le domaine des arts, de la philosophie, des œuvres littéraires ou des sciences,
les exemples sont nombreux et permettent de saisir la notion de creuset culturel.
Tout en s’attachant à mettre en avant les empreintes gréco-romaines, il convient également de veiller
à instaurer de solides repères chronologiques qui font écho à l’introduction du programme et donc
de distinguer, en les remettant dans leur contexte, les apports respectifs des deux grandes périodes
emblématiques des empreintes grecques et romaines : les ve et ive siècles avant Jésus-Christ au cours
desquels s’instaure la démocratie athénienne, et les ie-ive siècles après Jésus-Christ où se mettent en
place le principat dans l’empire romain ainsi que le christianisme.
La double page Notions définit les notions centrales du chapitre. Associées au schéma sur les héri-
tages gréco-romains, elles présentent les études du chapitre qui permettent d’en comprendre l’inté-
rêt et la place dans l’héritage européen.
La double page Cartes permet de mettre en avant les différentes échelles dans lesquelles s’inscrit
l’héritage gréco-romain : celle de la cité, et celle du monde méditerranéen. Le fait de proposer des
cartes à des époques différentes permet également de faire repérer aux élèves les évolutions entre le
monde grec et l’empire romain.
La première double page de cours est consacrée à l’étude d’Athènes : elle invente un modèle poli-
tique original, la démocratie, tout en s’appuyant sur une thalassocratie qui lui permet d’atteindre son
apogée au ve siècle avant J.-C.
8
Le point de passage et d’ouverture sur Périclès est un point de passage et d’ouverture du programme
et a pour objectif de faire comprendre la notion de démocratie. Elle permet de saisir le personnage et
son œuvre politique à travers des documents du ve siècle avant J.-C., mais aussi de montrer comment
ils ont servi de référence dans les périodes ultérieures à travers un document du xixe siècle.
L’étude sur la thalassocratie est complémentaire de celle sur la démocratie. Elle permet de com-
prendre comment l’empire maritime a permis à la démocratie de s’affirmer dans la cité athénienne,
et de rayonner dans l’ensemble du monde grec.
L’étude sur les femmes dans la cité d’Athènes a pour objectif de montrer les limites de la notion de
démocratie à l’époque antique, mais aussi de saisir les différences de statut au sein de la population
de l’Attique.
L’étude sur La Bataille de Marathon permet quant à elle d’aborder les origines de la thalassocratie
athénienne, mais surtout l’héritage culturel grec et son réinvestissement dans le cinéma.
La deuxième double page de cours est consacrée à Rome : elle explique la mise en place d’un nou-
veau régime politique, le principat, qui a permis le brassage de nombreuses cultures, dont le christia-
nisme, finalement reconnu par l’empereur Constantin.
Le point de passage et d’ouverture sur Auguste et la naissance de l’empire romain est un point de
passage et d’ouverture du programme. Elle permet d’étudier la notion d’empire, en en montrant l’ori-
gine, l’étendue et le fonctionnement. Cet empire est justement le préalable du brassage des différents
héritages culturels et religieux méditerranéens.
L’étude sur la citoyenneté romaine peut être mise en parallèle avec la citoyenneté athénienne. L’ob-
jectif de cette étude est de montrer que la citoyenneté romaine est ouverte, et l’est même de plus
en plus avec le temps, jusqu’à l’édit de Caracalla. C’est en particulier cette ouverture politique qui a
permis un brassage culturel remarquable dans l’empire romain.
L’étude sur la mythologie gréco-romaine permet de montrer le brassage culturel qui s’est effectué
entre le monde grec et le monde romain. L’Énéide de Virgile en est un exemple emblématique, faisant
écho à l’Illiade et l’Odyssée évoquées dans la double page d’ouverture et la double page Notions.
BIBLIOGRAPHIE
-- Frédéric Hurlet, Auguste, les ambiguïtés du pouvoir, Armand Colin, 2015.
Une biographie du premier empereur mise en perspective dans son contexte historique.
-- Michel Kaplan, Nicolas Richer, Le Monde romain, Bréal, 3e édition, 2014.
L’essentiel à connaître sur la période de l’empire.
-- Bertrand Lançon, Thiphaine Moreau, Constantin, un Auguste chrétien, Armand Colin, 2012.
Le point sur le premier empereur chrétien et ses choix politiques et religieux.
-- Edmond Lévy, La Grèce au ve siècle, de Clisthène à Socrate, Le Seuil, 1997.
Une synthèse classique et une référence de base sur l’histoire d’Athènes au ve siècle avant J.-C.
-- Christophe Pebarthe, Introduction à l’histoire grecque. xiie-fin ive siècle, Belin, 2006.
Un manuel bien construit et qui fournit plusieurs documents et cartes utiles.
-- Nicolas Richer, Atlas de la Grèce classique, ve-ive siècle av. J.-C., l’âge d’or d’une civilisation
fondatrice, Autrement, 2017.
Un atlas historique très pratique proposant des documents facilement réutilisables en classe.
III. Corrigés
10
Étudier des acteurs clés de l’Antiquité
Repérer, identifier
1. Périclès mène des travaux sur l’Acropole avec la création du Parthénon, de l’Érechthéion et des Propy-
lées. Les deux temples rendent hommage à la déesse protectrice de la cité, Athéna. Le Parthénon, mis
en scène et idéalisé dans le document 3, est un élément de prestige du siècle de Périclès, aussi bien au ve
siècle avant J.-C. que dans les siècles suivants.
Il achève la construction des Longs Murs qui sont une enceinte de défense reliant le port du Pirée à la ville
d’Athènes.
2.
Lieu dans la cité Nom de l’institution Fonction politique
Colline de la Pnyx Ecclésia Assemblée de tous les citoyens qui vote les lois
Bouleuterion Boulè Prépare les lois et contrôle les magistrats
Héliée situé sur l’Agora Héliée Tribunal des citoyens
Stratègeion Stratèges Chefs militaires
Aréopage Magistrats Tribunal religieux
12
navires commerciaux et de guerres ; halles aux Périclès justifie sa décision par plusieurs raisons :
blés, bourse de commerce, boutiques et autres ate- – raison politique : montrer le prestige de la cité
liers participant de la fonction commerciale. athénienne avec ce programme de construc-
Le plan du Pirée est attribué à Hippodamos de tion. Selon lui, les Athéniens n’ont pas à rendre
Milet, qui aurait inventé le système en “damier”, compte de l’argent de leurs alliés, puisqu’ils ont
avec des rues se croisant à angles droits, et l’idée fait la guerre pour eux et ont tenu en respect les
de déterminer des zones affectées à des fins défi- barbares. Cette approche permet de contenter
nies. Ainsi le Pirée, réalisé de la sorte, fut divisé en les citoyens pauvres, les thètes, bénéficiaires des
trois secteurs : le port militaire, l’Emporion ou mar- réformes démocratiques à la base du système poli-
ché international, le quartier résidentiel. Le plan tique renforcé par Périclès.
primitif a été conçu de manière à satisfaire à tous – raison économique : fournir du travail à la popu-
les besoins d’un grand port militaire et marchand. lation athénienne qui n’est plus occupée sur les
terrains militaires.
Analyser
3. Le choix de construire les Longs Murs et de Vers le bac
développer le port du Pirée survient après la défaite 6. La thalassocratie a permis le renforcement de
définitive des Perses à Platées, en 479. Les Athé- la démocratie, et ce de plusieurs points de vue.
niens décident alors de rebâtir leur ville et élèvent Politiquement, le rôle des thètes s’est vu renforcé :
des murailles pour la protéger contre tout envahis- ce sont les rameurs des trières, citoyens pauvres,
seur. Ils fortifient non seulement l’Asty, mais aussi dont le rôle a été décisif à la bataille de Salamine
le Pirée, le nouveau port d’Athènes. Thémistocle, en 480 av. J.-C. Leur rôle essentiel dans la tha-
alors stratège, est le promoteur de cette politique lassocratie leur permet de revendiquer des droits
maritime d’aménagement et de défense du Pirée politiques qui élargissent la base démocratique de
car c’est la première condition pour faire d’Athènes la cité. Économiquement, la thalassocratie assure
une puissance navale : posséder un bon port où la le ravitaillement de la cité : Athènes exporte des
flotte peut être mise à l’abri de l’ennemi et du mau- vases, de l’argent des mines du Laurion et de l’huile
vais temps. La cité d’Athènes va comporter désor- d’olive, tandis qu’elle importe du blé, des métaux
mais deux centres, qui se complèteront l’un par et du bois. De plus, la Ligue de Délos assure à
l’autre. Les Longs Murs permettent ainsi de faire Athènes le versement d’un tribut régulier, ce qui lui
la jonction d’Athènes avec la mer. Ils sont achevés permet de renforcer le prestige de la démocratie à
sous Périclès après deux ans de travaux (458-456). travers les grands travaux entrepris par Périclès,
4. La bataille de Salamine est un moment clé dans notamment sur l’Acropole. Enfin, militairement, la
la constitution de la thalassocratie athénienne car Ligue de Délos permet à la démocratie athénienne
elle permet à la cité de recouvrir un très grand de disposer d’une flotte puissante et d’alliés nom-
prestige : grâce à Thémistocle, Athènes s’affirme breux.
comme une puissance navale capable de diriger
une coalition. C’est aussi un événement fondamen-
tal pour l’histoire et l’identité de la population de
ÉTUDE Être une femme dans la cité
l’Attique, mis en scène dans les grandes fêtes de
la cité comme dans la pièce d’Eschyle, Les Perses. d’Athènes p. 26
Cette victoire est aussi à l’origine de la fondation
de la Ligue de Délos , système d’alliance entre Contextualiser
Athènes et les autres cités de la mer Égée : elle
permet à Athènes de dominer celles-ci, lesquelles 1. Les femmes peuvent appartenir à trois catégo-
lui versent chaque année un tribut, en navires et ries différentes : femmes de citoyens, femmes de
en argent, et adoptent sa monnaie. En échange, métèques ou esclaves. Depuis le décret de Périclès
Athènes mène la guerre. de 451 av. J.-C., seuls les hommes nés d’un père
citoyen et d’une mère fille de citoyen sont citoyens,
ce qui donne un statut privilégié aux femmes de
Argumenter citoyens. Les femmes de métèques ne disposent
5. Périclès rapatrie le trésor de la Ligue de Délos pas de ce statut particulier. Enfin, les femmes
afin de financer une partie des grands travaux qu’il esclaves sont considérées comme une marchan-
entreprend à Athènes. Il s’agit en particulier de dise, à l’instar des autres esclaves. Sur le docu-
reconstruire l’Acropole, détruite par les Perses lors ment 1, on distingue bien la femme de citoyen qui
des guerres précédentes. est servie par une esclave.
14
militaire : geste du chef s’adressant à ses troupes les rappeler. Dans le document 3, Auguste prend
pour les galvaniser (adlectio), cuirasse militaire en charge les provinces les plus difficiles, montrant
ornée des victoires sur les ennemis vaincus pour ainsi sa capacité à faire régner l’ordre.
Analyser
2.
La capitale Les provinces Les cités
Programme de construction Organisation en -27 par Auguste Auguste distribue les sanctions
et d’embellissement de Rome, qui en répartit l’administration et les récompenses entre les
qu’Auguste dote de monuments entre lui et le Sénat. cités selon leur degré de fidélité
en marbre (sur le Forum, le Organisation d’un système de à l’empire. Il octroie le droit de
mont Palatin) symbole de la communication préfigurant la cité à certaines.
solidité et de la richesse du poste impériale, avec des relais
nouveau régime. Voir p. 29. dans les provinces.
Argumenter
5. Mesures
AUGUSTE
Repérer
Création d’un nouveau régime politique,
le principat, reposant sur une dynastie 2. Constantin fait construire des églises dans les
cités de l’empire, en particulier dans ses deux capi-
tales : Rome (Sainte-Sabine, ve siècle) et Constanti-
Contrôle de l’empire nople (Sainte-Irène et église des Apôtres).
Repérer
1.
Doc. 1 Doc. 2
Date ier
siècle ap. J.-C. e
iii siècle ap. J.-C.
Personnes des notables d’origine gauloise devenus tous les hommes libres de l’empire
concernées citoyens romains
16
Argumenter et s’exprimer gnons de tes destins ; va chercher pour eux ces
murs superbes, que tu élèveras enfin après avoir
3. Pour cette présentation orale, qui peut aussi être
longtemps erré sur la mer. » Rome est ainsi pré-
réalisée à l’écrit, on attend de l’élève :
sentée comme la nouvelle Troie.
– qu’il fasse une petite introduction dans laquelle il
présente le sujet et le plan demandé ;
Conduire une démarche historique
– qu’il suive dans le développement le plan demandé
en utilisant les ressources de la page : pour la par- 3. Le personnage d’Énée légitime le règne d’Auguste,
tie 1, le vocabulaire (droit de cité romaine) ; pour la en rattachant sa famille, la gens Iulia, à la descen-
partie 2, la réponse à la question 1 ; pour la partie 3, dance du valeureux héros. Auguste est ainsi asso-
on utilisera à la fois les réponses des questions 1 et cié à une famille divine et héroïque, justifiant le
2 en montrant qu’au ier siècle l’intégration concerne culte impérial qui est réservé à sa famille.
surtout les élites locales des cités et, qu’au iiie siècle,
la citoyenneté est devenue universelle (tous les Vers le bac
hommes libres de l’empire) par l’édit de Caracalla. 4. Depuis la fin du iie siècle avant J.-C., tous les
territoires grecs sont sous domination romaine.
Vers le bac La culture romaine s’est appropriée l’héritage
4. Le document 2 permet de mettre en avant le de la culture grecque, qui se retrouve dans plu-
pouvoir de l’empereur : il promulgue des édits sieurs domaines. Elle réinvestit en effet les dieux
comme celui-ci qui ont valeur de loi dans tout l’em- de la religion grecque et les récits mythologiques,
pire, applicables immédiatement. Ce pouvoir légis- comme en témoigne l’Énéide de Virgile : les dieux
latif, non partagé, s’ajoute aux autres pouvoirs : voir grecs sont cités, et l’histoire d’Énée s’inscrit dans
schéma et cours p. 28. Par ses décisions dans tous la continuité de l’Iliade. Les genres littéraires de la
les domaines, l’empereur est le personnage cen- culture grecque sont également repris, à l’image de
tral de l’empire. Son pouvoir est multiforme. l’épopée, dont l’Énéide est à nouveau un exemple
emblématique : la construction du récit reprend
ÉTUDE La mythologie gréco-romaine, en partie celle de l’Odyssée. L’éducation des jeunes
Romains intégrait tous ces éléments de la culture
l’Énéide de Virgile p. 36-37 grecque. Auprès d’un précepteur ou dans des
écoles municipales, les futurs citoyens étudiaient
Identifier des récits mythologiques d’auteurs grecs. Ils rece-
vaient également des connaissances en philoso-
1. Les deux principaux types de personnages inter- phie grecque, en rhétorique et en droit.
venant sont les dieux et les héros. Dans cet extrait,
la déesse Athéna est citée sous le nom de Pallas. REGARD CRITIQUEp. 36
D’après l’arbre généalogique, on voit également
qu’Énée est le fils d’une déesse, Vénus. Les élèves
pourront aussi relever dans l’extrait le nom des Développer son esprit critique
Pénates, les divinités du foyer à Rome. Concernant Ces questions sont conçues dans un esprit de
les héros, le premier cité est évidemment Énée, fils liberté pédagogique, pouvant aussi bien être pro-
d’Anchise et de Vénus, donc demi-dieu. Le docu- posées aux élèves dans le cadre d’un débat argu-
ment 1 cite également Hector, fils du roi de Troie menté en classe, d’un exercice individuel ou encore
Priam, et héros de l’Iliade. pour introduire le chapitre, en accroche.
1. Les réponses peuvent mettre en avant : le goût
Contextualiser pour les aspects guerriers, l’héroïsme, les grandes
2. Virgile inscrit l’histoire de Rome dans la conti- épopées, la représentation des grandes figures de
nuité de l’Iliade en faisant remonter les origines de la mythologie.
la ville à Énée. La deuxième partie de l’Énéide relate 2. On attend ici des élèves qu’ils prennent conscience
en effet les guerres auxquelles participe Énée pour des multiples traces directes ou indirectes de l’Anti-
conquérir le Latium, la région où sera fondée la quité dans la culture européenne avec des exemples
ville de Rome. De plus, Romulus, fondateur de la dans les domaines : du cinéma, des séries (Rome,
ville, est présenté comme le descendant d’Énée. Percy Jackson, Troie, Game of Throne…), des jeux
La filiation entre Troie et Rome est ainsi établie, et vidéo (Assassin’s Creed Odissey…), de la publicité et
Énée aura réalisé l’injonction d’Hector citée dans des noms de marque (pour des parfums…), de l’ar-
le document 1 : « Troie te recommande ses objets chitecture (Assemblée nationale, le Capitole à Was-
sacrés et ses Pénates. Prends-les pour compa- hington…), des connaissances (mathématiques :
18
Identifier des notions
Othanès Mégabyze
Type de régime Démocratie Oligarchie
politique
Arguments « On y obtient les magistratures par « Choisissons un groupe d’hommes
favorables le sort, la charge que l’on exerce est parmi les meilleurs, et investissons-
soumise à reddition de comptes et les du pouvoir ; […] il est dans l’ordre
toutes les délibérations sont soumises de la vraisemblance que les hommes
à la communauté. » Ce qui permet le les meilleurs prennent les meilleures
contrôle du pouvoir par le peuple et décisions. » C’est la sélection des
l’égalité devant la loi : isonomie. dirigeants en fonction de leurs capacités
supposées.
Arguments « Multitude bonne à rien » Concernant la monarchie : « Il lui est
défavorables permis de faire ce qu’elle veut sans
contrôle […] Le tyran bouleverse les
coutumes des ancêtres, il fait violence aux
femmes. Il met à mort sans jugement. »
Procéder à l’analyse critique d’un document 2. Le titre de l’ouvrage Éloge de Rome indique qu’il
s’agit de vanter les mérites de l’empire romain, et
1. Aelius Aristide écrit que « c’est ce qui concerne le
qu’il s’agit vraisemblablement d’une commande
droit de cité. Quelle grandeur de conception ! […] Ni
officielle du pouvoir impérial. On peut évoquer le
la mer ni l’étendue d’un continent ne peuvent être
terme de propagande.
un obstacle à l’accession à la citoyenneté ; dans ce
domaine l’Asie n’est pas séparée de l’Europe. Tout se 3. Non, car à la date de l’ouvrage en 144 ap. J.-C.,
trouve ouvert à tous ; il n’est personne digne du pou- seul un petit nombre de personnes était concerné
voir ou de la confiance qui reste un étranger ». Ce par l’octroi du droit de cité : les notables des cités
qui provoque l’admiration de l’auteur est le fait que sortant de charge, les légionnaires après leur ser-
selon lui tout habitant de l’empire, dans n’importe vice ou les personnes distinguées par l’empereur
quelle province, peut accéder au statut de citoyen à titre personnel. L’octroi d’une citoyenneté uni-
romain. Il met en avant la générosité de Rome dans verselle, c’est-à-dire à tous les hommes libres de
ce domaine. En tant que Grec, l’auteur fait certaine- l’empire ne date que de 212 (Édit de l’empereur
ment la comparaison avec le système fermé de la Caracalla).
citoyenneté athénienne du temps de Périclès.
I. Introduction
Le premier enjeu du chapitre consiste à faire saisir la notion de civilisation aux élèves. Nous l’entendons
comme l’ensemble le plus vaste auquel s’identifient des sociétés par la langue, la culture, la religion
et le système politique. Si le programme invite à mettre en avant l’émergence des trois civilisations
qui bordent la Méditerranée médiévale (Occident chrétien, mondes byzantin et arabo-musulman)
et l’étude des monothéismes, il faut aussitôt souligner, d’une part, que les civilisations évoluent et
doivent être étudiées dans un contexte historique donné et, d’autre part, qu’elles ne constituent pas
des blocs monolithiques.
C’est pourquoi le terme popularisé par Samuel Huntington de « choc de civilisations » (The Clash of
Civilizations and the Remarking of World Order, 1996) a suscité tant de polémiques. Aussi l’étude des
trois civilisations doit s’accompagner, dans le récit du professeur, d’une attention toute particulière
portée aux divisions qui les fracturent de l’intérieur, comme le précise le programme.
C’est là le second enjeu du chapitre. Si le programme demande de comprendre les conflits entre chré-
tiens et musulmans, il invite à montrer, à travers la figure de Bernard de Clairvaux, que cette violence
est le fruit d’un discours plus que de présupposés religieux irréductibles et intangibles.
L’historiographie actuelle s’est certes écartée d’une vision lénifiante de relations de tolérance entre
communautés religieuses dans la Méditerranée des xie et xiie siècles. Leur cohabitation était marquée
par la domination d’un groupe sur un autre, par des phénomènes de ségrégation, de poussées d’anti-
judaïsme ou de pression envers les musulmans, dans l’Espagne catholique par exemple. Mais les
raisons en sont autant religieuses que sociales et politiques. Ces relations sont aussi marquées par
des formes d’accommodement, en Sicile par exemple.
Par ailleurs, la période des croisades et du jihâd dans la Méditerranée des xiie et xiiie siècles s’accom-
pagne de diverses formes de transferts techniques, culturels et d’échanges commerciaux. Le cas de
Venise est exemplaire d’une cité où la participation aux croisades se mêle d’ambitions économiques
et territoriales, mais aussi d’une curiosité pour l’Orient.
20
L’étude sur Constantinople a pour objectif de saisir la notion de civilisation à travers l’exemple byzan-
tin. La civilisation byzantine est à la fois un cadre politique hérité de l’empire romain, une culture mar-
quée par l’héritage grec et la religion chrétienne, mais aussi une culture matérielle liée à la position
de carrefour de Constantinople qui explique par exemple son artisanat raffiné.
L’étude sur les trois monothéismes vise à remobiliser les connaissances vues par les élèves au col-
lège sur les trois religions du Livre. La confrontation des documents choisis doit permettre également
de dégager les fondements communs au judaïsme, au christianisme et à l’islam et les convergences
en termes de croyances.
La deuxième double page de cours développe l’idée de guerre sainte, mais aussi la notion, difficile à
saisir avec rigueur, de jihâd. La guerre sainte chrétienne se traduit par les quatre croisades qui s’éche-
lonnent de 1095 à 1204, mais aussi par les conquêtes menées en Espagne par les rois catholiques.
Toutefois, il ne s’agit pas d’un mouvement continu, mais de vagues d’expansion suivies de reconquêtes
musulmanes portées par des Turcs ou des Berbères qui instrumentalisent la notion de jihâd. Dans
tous les cas, si la guerre a un motif religieux, elle représente également un moyen d’affirmer en
interne une autorité : celle du pape en Occident, comme celles d’émirs ou de sultans qui prétendent
refaire l’unité du monde musulman.
Le point de passage et d’ouverture sur Bernard de Clairvaux est consacrée à une figure centrale de
la croisade au xiie siècle et plus particulièrement de sa légitimation. Bernard achève de faire de celle-ci
une guerre sainte. Son discours donne un modèle au chevalier chrétien à une époque où l’Église
cherche à encadrer la société féodale par un système de valeurs. Le modèle du chevalier du Christ
construit la figure d’un « ennemi » musulman qui légitime et explique la violence des croisés.
La troisième double page de cours montre que l’expansion de l’Occident fut autant territoriale et
militaire que commerciale. La Méditerranée devient à partir du xiie siècle le centre des échanges inter-
nationaux, avant le renversement en faveur de l’Atlantique que les élèves étudieront dans le chapitre
suivant du manuel. Les échanges commerciaux sont aussi de formidables vecteurs de transferts tech-
niques et culturels. Les marchands italiens jouent donc un rôle aussi important que les traducteurs à
Tolède ou à Palerme. Les échanges culturels ont pris des formes variées : emprunts, traductions ou
syncrétisme artistique comme en Sicile ou en Espagne aux xiie et xiiie siècles.
L’étude sur Pierre le Vénérable fait la transition entre le thème de la guerre sainte et celui des
échanges. La traduction du Coran qu’il coordonne illustre une autre façon de mener la guerre sainte,
pacifique ou tout au moins sans verser le sang, par la polémique et la conversion espérée des musul-
mans. L’étude fait ressortir l’importance des traducteurs tolédans qui jouent également un rôle essen-
tiel dans les transferts culturels et scientifiques du monde arabo-musulman vers l’Europe.
L’étude sur Palerme se penche sur un autre type d’échange culturel : les emprunts faits par les rois
normands à l’art mais aussi à la représentation du pouvoir byzantins. Les documents proposés, com-
plétés par celui de la page d’ouverture du chapitre, illustrent le syncrétisme qui se réalise en Sicile
entre les cultures latine, grecque, et musulmane.
Le point de passage et d’ouverture sur Venise est centrée sur la thalassocratie. Si cette notion a
déjà été abordée à travers l’exemple d’Athènes dans le premier chapitre, il s’agit de montrer qu’elle
peut avoir une autre traduction au Moyen Âge. La domination vénitienne sur la Méditerranée repose
certes sur une flotte de guerre, mais davantage encore sur son réseau de marchands et un véritable
empire colonial à partir de la quatrième croisade. L’architecture vénitienne fait également ressortir
l’influence byzantine sur cette cité italienne, mais aussi celle de l’architecture arabo-musulmane, ce
qui est souvent moins mis en avant.
III. Corrigés
22
est le troisième lieu saint de l’islam. Il s’élève à entreprit la construction du port appelé d’abord « port
l’emplacement où, selon la tradition, le prophète de Justin » puis « sophien ». Théodose II entoure la
Mohammed serait monté au paradis. ville de nouveaux remparts entre 412 et 414.
3. Des régions particulières ou certaines villes On trouve une reconstitution de tous les quartiers
apparaissent comme des interfaces entre les dif- et monuments de Constantinople à l’époque byzan-
férentes civilisations. C’est le cas des régions tine sur le site : www.byzantium1200.com
conquises par les chrétiens. Le centre de l’Espagne
conquise par les rois catholiques du Nord mêle les Analyser
chrétiens aux communautés qui y existaient avant
3. Pouvoir politique et religieux sont intimement
l’époque musulmane : musulmans (ou mudejars),
mêlés. L’empereur reçoit son pouvoir de Dieu,
juifs et chrétiens arabisés, les mozarabes. En Ita-
dont il est le « servant et lieutenant » sur terre,
lie du Sud et en Sicile, cohabitent les Normands,
comme le représente la mosaïque (doc. 5). Jean II
les communautés musulmanes et juives, mais
Comnène y est représenté en habit de sacre, se
aussi d’importantes communautés de chrétiens
tenant devant la Vierge et le Christ, couronné du
grecs car la région fit longtemps partie de l’em-
diadème fermé, symbole d’un pouvoir universel et
pire byzantin. En Terre sainte, les Latins qui s’ins-
tenant un sac rempli de terre rappelant au basileus
tallent coexistent avec les musulmans et les juifs.
qu’il est mortel. L’empereur est donc aussi à la tête
Par ailleurs, les grandes cités marchandes sont
de l’Église. La loge où il se tient lors des messes
aussi le lieu d’échanges, à la fois commerciaux et
dans l’église Sainte-Sophie, juste à côté du chœur
culturels, entre les trois civilisations. C’est le cas
qui n’est accessible qu’aux clercs, symbolise cette
de Venise et de Gênes, notamment, mais aussi de
position éminente.
Constantinople, la capitale de l’empire byzantin qui
est également un port majeur en Méditerranée, ou
encore de certains ports de Méditerranée orientale Confronter
comme Acre ou Alexandrie. 4. Constantinople est une métropole enrichie par
4. Au cours du Moyen Âge, le commerce méditer- le commerce mais aussi l’artisanat raffiné qui s’est
ranéen s’intensifie. La Méditerranée est au centre développé pour répondre aux besoins de la cour et
des échanges entre l’Europe, l’Afrique et l’Orient de l’aristocratie. La ville est connue pour l’art de la
jusqu’en Asie. Les produits précieux (étoffes, mosaïque, l’orfèvrerie et les tissus brodés qui sont
épices…) y transitent d’est en ouest, de la route des biens rares.
de la soie jusqu’en mer Noire et au Proche-Orient 5. Constantinople, par sa richesse et son luxe,
pour être revendus en Europe. Les draps des exerce une fascination sur les Latins comme sur
villes drapières de l’Europe du Nord sont vendus les musulmans qui y transitent.
à travers toute la Méditerranée. Les États musul-
mans importent également l’essentiel de leur bois
Vers le bac
d’Europe ou de l’empire byzantin. La Méditerranée
est le centre d’une économie-monde. 6. La photographie de la basilique Sainte-Sophie
synthétise les principales caractéristiques de la
civilisation byzantine.
ÉTUDE Constantinople,
La religion chrétienne est au centre de la vie des
capitale byzantine p. 54-55 Byzantins. L’architecture de l’église reflète les
grands principes chrétiens : la distinction entre
Repérer les laïcs et le clergé, intermédiaire obligé entre
les hommes et Dieu ; la puissance de Dieu dont la
1. Constantinople est un port situé sur les détroits lumière illumine l’intérieur du monument par les
entre la Méditerranée et la mer Noire. C’est égale- quarante fenêtres situées à la base de la coupole.
ment une ville aux confins de l’Europe, tournée vers Le régime politique est un empire autocratique où
l’Asie Mineure et donc l’Orient. Cette situation en fait le basileus est le représentant de Dieu sur terre. Il
un carrefour entre les principautés russes au nord, se tient en hauteur à côté du chœur dans une loge
la route de la soie, le Proche-Orient et l’Europe. qui lui est réservée durant la messe. Il est égale-
2. Constantinople conserve les traces de la capi- ment le chef de l’Église dont il nomme le patriarche.
tale de l’empire romain d’Orient fondée en 330 par L’empire byzantin se distingue par la richesse de
Constantin. De cette époque, subsistent le palais son artisanat et son architecture. Outre les marbres,
impérial, le champ de courses (qui pouvait accueil- les mosaïques ornent l’intérieur de la basilique. Les
lir 50 000 spectateurs) et la citerne. Ses successeurs artisans byzantins ont repris de l’Antiquité gréco-
aménagèrent plusieurs forums. Justin II (567-578) romaine cet art de la mosaïque pour le porter à un
24
Analyser l’autorité religieuse, à savoir le pape Eugène III qui
appelle à cette deuxième croisade en 1145.
2. Jérusalem est disputée entre chrétiens et
musulmans car elle est sainte pour les deux reli-
gions. Jérusalem est la ville où Jésus aurait été Argumenter en histoire et s’exprimer
crucifié et qui abrite le Saint-Sépulcre. C’est donc 6. La croisade est une guerre sainte pour Dieu
pour les chrétiens le lieu de sa résurrection. Le comme le souligne la croix au centre de l’enlumi-
dôme du Rocher qu’abrite la ville est également nure (doc. 4). Les musulmans étant les ennemis
le troisième lieu saint de l’islam. Il s’élève à l’emplace- de Dieu, leur mort apparaît légitime. Bernard écrit
ment où, selon la tradition, le prophète Mohammed d’ailleurs que tuer un musulman lors des croisades
serait monté au paradis. n’est pas un homicide, mais un « malicide ». Cette
3. Les croisés peuvent espérer l’absolution de tous représentation du musulman en ennemi de Dieu
leurs péchés et donc le salut éternel lors du juge- par l’Église du xiie siècle autorise donc la violence
ment dernier puisque Bernard dit que Dieu leur la plus extrême et la légitime. L’épisode du siège de
donnera « le fruit de l’éternelle rétribution ». Damas le montre assez par la violence aveugle des
croisés qui tuent « avec ardeur », comme le sou-
4. Pour Bernard de Clairvaux, les musulmans sont
ligne Guillaume de Tyr, ou s’emparent sans distinc-
non seulement les ennemis des chrétiens, mais les
tion de tous ceux qui se trouvent dans les maisons
ennemis du Christ puisqu’ils se sont emparés de
et jardins qui entourent l’enceinte de la ville.
son tombeau.
5. Pour Bernard de Clairvaux, la croisade est une
guerre sainte car elle est faite au nom de Dieu Vers le bac
pour le « venger », écrit-il. Dès lors, le croisé se bat 7. Au brouillon, pour préparer l’analyse du doc. 2,
pour Dieu et « exécute la volonté divine ». Ajoutons classez les arguments de Bernard de Clairvaux
qu’une guerre sainte est forcément légitimée par dans le tableau suivant :
26
POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE 4. Les riches marchands vénitiens rivalisent dans
l’édification de somptueux palais, notamment le
Venise, grande puissance maritime long du Grand Canal à Venise. La Ca’ da Mosto
et commerciale p. 66-67 (« maison des Mosto ») à gauche de la photo-
graphie en est un parfait exemple. Ce palais du
xiie siècle présente la structure type de ces palais :
Réaliser un schéma
le rez-de-chaussée ouvrant directement sur le
1. L’association entre les marchands Giovanni et canal abrite les activités marchandes ; à l’étage, le
Angelo est une commenda. piano nobile (« étage noble »)où réside la famille du
marchand s’ouvre par une série de baies en arcs
Angelo Giovanni brisés ou en accolade. On retrouve le même style
Semitecolo Corner dans le palais voisin. Si on parle de style vénéto-
byzantin, ces arcs témoignent en fait plutôt d’une
inspiration arabe. Ils reprennent en effet l’archi-
tecture des mosquées et des riches demeures des
Investit la totalité villes du Proche-Orient comme Le Caire. À travers
Prend la mer
du capital leurs palais, les marchands montrent à la fois l’ori-
pour commercer
(100 livres) gine de leur fortune (le commerce), mais aussi une
réelle fascination pour l’Orient.
Vers le bac
Profit réalisé 5. Venise est une thalassocratie qui maîtrise les
par l’opération commerciale voies maritimes et les lieux stratégiques pour le
commerce et la navigation en Méditerranée. La
présence des Vénitiens y est de deux types.
Les marchands sont présents à travers toute la
Méditerranée grâce à la flotte vénitienne commer-
3/4 du profit 1/4 du profit
ciale qui organise deux fois dans l’année des convois
(mudae) escortés par des navires de guerre. Cette
puissance et l’intérêt bien compris de leurs parte-
Raisonner naires commerciaux leur a permis d’obtenir des
privilèges de la part des autorités musulmanes :
2. La puissance de Venise réside d’abord dans sa
ils établissent des comptoirs permanents (funduks)
position centrale en Méditerranée, qui lui confère
dans des ports comme Alexandrie, Tripoli, Tunis…
un avantage géographique dans les échanges entre
Une véritable diaspora vénitienne est présente en
Orient et Occident. Au xiie siècle, elle contrôle les
Afrique du Nord mais aussi dans les ports des États
grandes voies de navigation qui parcourent le pour-
latins d’Orient, à Constantinople et même en mer
tour méditerranéen grâce à sa flotte et aux établisse-
Noire et jusqu’en Espagne à l’Ouest.
ments commerciaux qu’elle a fondés. Sa puissance
Au xie siècle, Venise a déjà conquis Zara, Spalato,
est également territoriale après la quatrième croi-
Raguse. Participant activement à la quatrième
sade, avec le contrôle de la côte dalmate, des îles de
croisade, Venise s’est également taillé un véritable
Corfou ou de la Crête et de la région d’Athènes. empire. Alors que les Latins détrônent finalement
3. La possession d’une flotte puissante assure à le basileus et se partagent l’empire byzantin, Venise
Venise la sécurité des convois marchands à travers se taille la part du lion avec les 3/8e de la ville de
la Méditerranée. Elle lui a permis de jouer un rôle Constantinople, les principaux ports, des îles de la
déterminant dans la quatrième croisade. En effet, mer Ionienne et des Cyclades mais aussi la Crête,
les croisés louent la flotte vénitienne et en contre- un partie du Péloponnèse, des places en Eubée et
partie s’engagent à prendre le port de Zara au profit dans les détroits, ainsi qu’une franchise commer-
de Venise. Plus encore, quand l’empire byzantin est ciale dans tout l’empire.
démantelé par les Latins, Venise prend le contrôle
des principales îles et ports de l’empire et s’assure
le contrôle du commerce à Constantinople. Ce lien REGARD CRITIQUE p. 68
entre puissance commerciale et militaire est illustré
par l’enluminure où l’on voit un marchand offrir les Développer son esprit critique
statuts de sa corporation au doge de Venise dont la 1. Le terme « passage » désigne de manière assez
principale fonction est de diriger la flotte vénitienne. large les déplacements d’individus armés ou non
S’EXERCER p. 69-71
Gênes
Tolède
Rome
Constantinople
Cordoue
Édesse
Tunis
Acre
Jérusalem
Alexandrie
500 km
Analyser une architecture religieuse dans cette ville et aurait reçu la parole d’Allah dans
une grotte des environs. L’entrée du mihrab est
Le mihrab de la mosquée de Cordoue, vers 961
surmontée d’un verset du Coran, livre saint de l’is-
1. Cordoue est une ville musulmane d’al-Andalus. lam considéré comme la parole de Dieu mise par
Elle fut la capitale du califat omeyyade d’al-Andalus écrit.
jusqu’au début du xie siècle. 3. L’exemple de la mosquée de Cordoue présente les
2. Le mihrab indique la direction de La Mecque, caractéristiques de l’art musulman. L’islam inter-
vers laquelle les musulmans se tournent pour la disant les représentations humaines (et a fortiori
prière. Les cinq prières quotidiennes sont un des celles du prophète et d’Allah), les artisans jouent
« cinq piliers de l’islam ». On la pratique tourné vers avec les motifs végétaux, les arabesques et la calli-
La Mecque car selon la tradition coranique c’est là graphie arabe pour réaliser leurs décors. On trouve
qu’Abraham aurait créé la première « demeure ici un second élément caractéristique des bâtiments
divine ». Surtout, le prophète Mohammed est né arabo-musulmans : l’usage de l’arc outrepassé.
28
Mettre en relation deux documents et doivent prendre le contrôle d’une île peuplée
en majorité de Grecs et de musulmans. Pour faire
La Reconquista et le jihâd en Espagne
accepter la nouvelle domination et s’appuyer sur
1. En mai 1085, le roi de Castille Alphonse VI prend les populations qui font la prospérité de l’île, Robert
Tolède. Face à cette poussée d’un roi chrétien, Guiscard cherche à obtenir la faveur des différentes
l’émir de Grenade appelle à l’aide les Almoravides. communautés par des signes d’ouverture en leur
2. Les autorités musulmanes sont en position direction. La croix sur la pièce indique toutefois que
de faiblesse face à la poussée des rois espagnols le nouveau pouvoir est bien chrétien !
catholiques. En effet, depuis le début du xie siècle, le
califat de Cordoue a disparu au profit d’un ensemble Histoire & jeux vidéo
de petites principautés dirigées par des émirs et
Assassin’s Creed et les légendes de la croisade
qu’on appelle royaumes de taïfas. C’est pourquoi
l’émir de Grenade, à la tête d’un de ces royaumes, 1. L’ordre du Temple (ou des Templiers) est créé en
se tourne vers un État musulman puissant. 1129 pour accompagner et protéger les pèlerins qui
se rendent à Jérusalem. Il tire son nom du Temple
3. Les Almoravides importent en al-Andalus une
de Salomon à Jérusalem. C’est un ordre religieux
nouvelle interprétation du jihâd. Comme l’écrit
militaire : selon leur statut, établi par Bernard de
l’émir Abdallah, les Almoravides disent se battre
Clairvaux, les Templiers sont des clercs organisé en
contre les chrétiens pour gagner leur salut (« s’as-
ordre monastique régi par la règle des moines béné-
surer le paradis ») et cherchent la mort en martyr
dictins, mais cette règle est adaptée à la vie de ces
de Dieu. L’intérêt du texte est de montrer que cette
moines appeler à combattre. Les Templiers sont un
conception du jihâd est datée historiquement et ne
ordre puissant en Terre sainte puisqu’ils sécurisent
correspond pas au jihâd tel qu’il est défini dans les
les routes, ont la garde des lieux saints comme le
premiers temps de l’islam. Il faut d’abord distinguer
Saint-Sépulcre et participent aux croisades.
le grand jihâd du petit jihâd. Le grand jihâd consiste
Les Assassins (de l’arabe hasasyin) est une secte
à combattre contre soi-même pour s’améliorer ou
religieuse de l’islam constituée dans le contexte de
améliorer la communauté des croyants, faire un
l’opposition entre sunnisme et chiisme, dont ses
effort sur soi pour se perfectionner comme musul-
membres se réclament. Cette secte est d’abord
man ; il est spirituel. Le petit jihâd passe par les
apparue pour combattre la domination des Turcs
armes. Il n’est en rien une obligation, mais ce que
seldjoukides sunnites en Orient. Ces derniers sont
l’on peut traduire par « guerre légale », la guerre
leurs principaux ennemis, et ils utilisent la violence
autorisée par le droit coranique quand il s’agit de
et la terreur pour combattre ceux qu’ils considèrent
mener bataille contre les infidèles et les factions
comme ennemis de la vérité de l’islam.
musulmanes considérées comme hérétiques (les
guerres entre sunnites et chiites peuvent relever 2. Si les Assassins ont pu ponctuellement partici-
du jihâd). Le jihâd dans la tradition musulmane per à des combats contre les croisés, leur combat
n’est donc en rien une guerre sainte qui permet- se porte principalement contre les Seldjoukides.
trait d’accéder au paradis dans le combat contre Templiers et Assassins n’ont sans doute eu que
les chrétiens. C’est le sens qui lui a été donné au très rarement l’occasion de se croiser et de s’af-
cours des xie et xiie siècles par les Almoravides pour fronter, et surtout ce n’est pas leur but premier. En
légitimer leur pouvoir, en se présentant comme cela, le jeu prend de grandes libertés avec l’histoire
une dynastie qui visait à réaliser l’unité du monde en faisant de la lutte sans merci entre Templiers
musulman et pour justifier l’expansion de leur ter- et Assassins la trame d’Assassin’s Creed. L’idée du
ritoire au Maghreb et dans al-Andalus. scénario et le succès du jeu tiennent principale-
ment au mystère et aux légendes qui ont toujours
Justifier une hypothèse sur une situation entouré les Templiers et les Assassins. Les Tem-
historique pliers ont inspiré une série de légendes quand le
pape mit fin à cet ordre en 1312 et que les maîtres
Les rois normands de Sicile et les musulmans français de l’ordre furent brûlés sur le bûcher en
1. Le dinar d’or frappé par le comte normand 1314. Les contemporains ont alors voulu voir dans
Robert Guiscard reprend la profession de foi qui les Templiers un ordre extrêmement riche et qui
constitue un des cinq piliers de l’islam : « Il n’y a de disposait d’une immense influence occulte. La tra-
Dieu qu’Allah et Mohammed est son Prophète. » dition a diffusé l’image d’Assassins qui cherchaient
2. Si les premières monnaies normandes frappées l’extase dans la consommation du hashish et tuaient
en Sicile mêlent éléments de la religion musul- leurs ennemis avec violence.
mane et de la religion chrétienne (la croix), c’est 3. De nombreux jeux vidéo s’ancrent dans une
que les chevaliers normands sont peu nombreux période historique. Comme la série Assassin’s Creed
30
des traités scientifiques grecs dont les Éléments 2. La plupart des lettrés chrétiens se rendent à
d’Euclide. C’est ensuite lors de ses séjours en Italie Tolède où existe une véritable école de traduction
du Sud et à Tolède qu’il approfondit sa connaissance grâce à la présence de musulmans et de chrétiens
des sciences arabes qui lui permettent de traduire arabisés, les mozarabes. Ils y trouvent à la fois un
les Éléments. Il semble en effet en connaître la tra- riche fonds de traités en arabe et les traducteurs
duction par Gérard de Crémone (1114-1187). Ce dont l’aide est nécessaire.
dernier vient d’Italie à Tolède pour diriger les tra-
3. Principaux traités grecs traduits de l’arabe en
ductions latines de quelque soixante-dix grands
latin :
textes scientifiques et philosophiques gréco-arabes.
TRAVAILLER EN HISTOIRE p. 75
ROYAUME
D’ANGLETERRE
ROY. DE
Londres POLOGNE PRINCIPAUTÉS
Cologne RUSSES Mer
ROYAUME Caspienne
DE FRANCE SAINTEMPIRE
Paris
ROMAIN
GERMANIQUE ROYAUME
ROY. DE DE HONGRIE
NAVARRE
Venise Mer Noire
ROY. DE Gênes
LEÓN Marseille
Pise ÉTATS Constantinople EMPIRE DES TURCS
ROY. DE DE L’ÉGLISE SELDJOUKIDES
CASTILLE COMTÉ DE
BARCELONE Rome EMPIRE BYZANTIN
ROYAUME Édesse
ROY. NORMAND Antioche
EMPIRE D’ARAGON DE SICILE
DES
ALMORAVIDES Acre
Tunis
jusque 1147
CALIFAT ALMOHADE Mer Méditerranée Jérusalem
à partir de 1147
Les croisades Expansion chrétienne Riposte
1re croisade 3e croisade musulmane
Territoires conquis par
2e croisade 4e croisade les chrétiens où vivent Jihâd CALIFAT
des minorités juives DES FATIMIDES 500 km
et musulmanes
Comment la découverte du « Nouveau Monde » par les Européens après 1453 et 1492
transforme-t-elle l’Europe et le reste du monde ?
I. Introduction
Le titre même du chapitre invite à la réflexion. Tout d’abord, par l’usage des guillemets à « Nou-
veau Monde » qui incite à une distance critique complétée par l’abandon de l’expression de « Grandes
Découvertes ». On peut y voir la possibilité de sortir d’une approche européocentrée qui a pu prévaloir
par le passé, souvent comme un impensé. Il est donc envisageable de s’appuyer sur le renouveau his-
toriographique des dernières années, notamment autour de l’histoire globale et de l’histoire connec-
tée. L’idée d’une « ouverture atlantique » limite tout de même le propos géographiquement, bien qu’il
soit possible de n’y voir qu’une étape à un élargissement progressif de la focale.
Ce troisième chapitre a pour enjeu principal de comprendre dans quelle mesure cet épisode d’explo-
rations et de conquêtes européennes constitue un basculement global dans l’histoire de l’humanité,
participant à faire entrer cette dernière dans la modernité. Loin d’une vision irénique de cette sortie
du Moyen Âge, ce chapitre est au contraire l’occasion de déconstruire des représentations en insistant
sur le cortège de violences qui a accompagné la naissance de l’âge dit moderne.
L’enseignement de cette rupture constituée par l’élan européen vers le monde à partir du xve siècle
doit donc donner toute sa place aux logiques de domination et d’exploitation qui l’ont profondément
structurée. Il est également possible d’insister auprès des élèves sur le fait que les peuples conquis
ne cessèrent jamais d’être acteurs de l’histoire, quand bien même ils furent réduits en esclavage et
exploités.
32
La deuxième double page de cours montre que les Européens ne se sont pas contentés d’explorations
mais se sont littéralement appropriés certains des territoires découverts ainsi que leurs richesses. La
constitution des premiers empires coloniaux va de pair avec la mise en place d’une première forme de
mondialisation, profondément structurée par le contexte de domination et d’exploitation.
L’étude sur Tenochtitlan permet de comprendre, par un exemple précis, la violence de la conquête et de
la première colonisation européennes. L’étape des explorations a très rapidement été suivie d’une volonté
farouche de conquérir de nouveaux territoires, afin d’en exploiter les richesses naturelles et humaines.
Le point de passage et d’ouverture sur Séville offre aux élèves la possibilité de comprendre que la
colonisation, pour être comprise, ne doit pas rester centrée sur les territoires colonisés. L’essor du
port sévillan au xvie siècle démontre l’importance et l’inégalité des flux de richesses entre Europe et
« Nouveau Monde » dans le cadre d’une première mondialisation indissociable de la constitution des
premiers empires coloniaux.
La troisième double page de cours rappelle ce que fut « l’ouverture atlantique » pour les peuples
conquis et dominés. Une partie entière de cours nous a semblé nécessaire tant il est important de
mener les élèves à sortir d’une approche européocentrée. L’esclavage, la destruction des Amérin-
diens (pour reprendre les termes de Las Casas) et le développement de la traite transatlantique ont
profondément et durablement bouleversé l’histoire des continents américain et africain. Les critiques
et les résistances en Europe mais aussi dans le « Nouveau Monde », bien que minoritaires, doivent
être rendues visibles et compréhensibles aux élèves.
Le point de passage et d’ouverture sur la controverse de Valladolid est pensé pour permettre tout
à la fois de comprendre l’opposition entre les deux religieux, mais aussi pour mener les élèves à per-
cevoir la complexité sinon l’ambiguïté des positions de Las Casas, en se gardant de toute approche
irénique.
Le point de passage et d’ouverture sur l’économie sucrière et la traite au Brésil entend souligner
les liens profonds qui unissent les processus de colonisation, d’exploitation et de développement de
l’esclavage, puis de la traite. Le xvie siècle a ainsi vu se mettre en place les différents éléments qui vont
puissamment se développer dans les siècles suivants.
BIBLIOGRAPHIE
-- Carmen Bertrand, Histoire des peuples d’Amérique, Fayard, 2019.
Un ouvrage très récent proposant une vaste synthèse sur les peuples d’Amérique. Le parti pris est celui
de se défaire au moins partiellement des sources européennes, notamment par le recours à l’ethnologie
et à l’archéologie. Un contrepoint essentiel.
-- Patrick Boucheron (dir.), Histoire du monde au xve siècle, Fayard, 2009.
Une somme ambitieuse qui se présente comme une généalogie de la mondialisation. L’approche propose
de mettre en œuvre une histoire mondiale, renouvelant ainsi l’historiographie. Les limites dépassent très
largement le cadre atlantique du chapitre, mais cela semble éminemment pertinent pour le comprendre
et l’enseigner.
-- « Les Grandes Découvertes », L’Histoire, juillet-août 2010.
Un numéro synthétique marqué par la volonté de donner écho au renouveau historiographique sur
le thème (malgré le titre choisi). Nombreuses documents précieux et utiles pour les cours.
-- Flacio Dos Santos Gomes, Quilombos. Communautés d’esclaves insoumis au Brésil, L’Échappée,
2018.
Un ouvrage rapide, sans apparat critique, mais qui apporte des connaissances percutantes sur le
marronnage. Le propos, bien qu’engagé, est celui d’un historien. Et il permet de rappeler que les esclaves
furent bien des acteurs au sens plein de l’histoire de l’Amérique.
-- Marc Ferro (dir.), Le Livre noir du colonialisme, Robert Laffont, 2003.
Encore une somme impressionnante. L’ouvrage dépasse largement le cadre chronologique et spatial
du chapitre mais donne justement une perspective éclairante sur le processus de colonisation. La partie
consacrée au « Nouveau Monde » apporte des analyses et des exemples importants pour le cours.
-- Serge Gruzinski et Carmen Bertrand, Histoire du nouveau monde, 2 tomes, Fayard, 1991-1993.
Un ouvrage un peu ancien mais qui reste fondamental pour le sujet.
34
proportion dans la population globale reste inchan- par l’ancienneté du commerce et des explorations
gée. Cela permet d’insister à nouveau sur la néces- vers ces régions.
saire dimension critique dans l’étude de document, 2. Colomb, s’appuyant sur les connaissances les
sur le fait que tout document est un point de vue plus avancées de son époque, sait que la Terre
dont il ne faut pas être dupe. est sphérique. Son projet est de parvenir en Asie,
et notamment en Inde, en évitant le long voyage
Argumenter autour de l’Afrique. Les calculs sur lesquels il s’ap-
4. La prise de la ville chrétienne par une dynastie puie sous-estiment la circonférence de la planète
musulmane, la chute de l’empire byzantin, héritier (on le voit sur le globe de Behaim à la superficie
de l’empire romain d’orient, a bien été vécue par de l’Afrique). Ainsi, lorsqu’il pose les pieds dans les
certains chrétiens comme un traumatisme. Mais il Antilles, cela correspond à la distance qui devait à
faut insister sur le terme « vécue » qui souligne la ses yeux séparer l’Europe de l’Asie. C’est notam-
subjectivité du point de vue. Dès lors, plus que la ment pour cette raison qu’il a pensé être en Inde et
destruction fantasmée de la ville, c’est bien le fait a persisté dans cette idée jusqu’à son décès, mal-
qu’elle passe sous autorité musulmane qui est au gré tous les signes qui auraient pu lui faire com-
cœur des préoccupations de certains commenta- prendre qu’il s’agissait d’un nouveau continent.
teurs. Par ailleurs, ces récits outranciers de 1453 3. La lettre de Colomb au roi Ferdinand multiplie
ont connu un écho suffisamment large pour mar- les arguments en faveur d’une nouvelle expédition.
quer durablement les consciences européennes : L’explorateur génois promet à son souverain tout à
si la prise de la ville n’a pas été en soi une destruc- la fois des richesses (or, aromates, coton, gomme,
tion, la représentation de cette conquête comme un bois, esclaves) mais aussi l’extension de la chré-
sac apocalyptique s’est en quelque sorte imposée tienté, dans une sorte de continuation de la croisade
sur la réalité matérielle. En ce sens, 1453 a bien été et de la Reconquista, si importantes dans l’idéolo-
un événement et un basculement. gie des monarques espagnols. 1492 est en effet la
date de l’expulsion des Juifs et de la conquête de
Vers le bac Grenade. La dernière phrase du document résume
parfaitement ces deux dimensions.
5. Les élèves peuvent ici s’entraîner à l’exercice
d’argumentation des épreuves du bac. Ils peuvent 4. Il s’agit de synthétiser l’ensemble des questions
dans un premier temps insister sur la fermeture précédentes, dans l’optique d’une préparation à
religieuse et commerciale que signifie 1453 pour l’étude de documents, exercice du bac.
de nombreux chrétiens. Mais il est important qu’ils
apportent également une nuance en reprenant les ÉTUDE Tenochtitlan
différents éléments d’approche critique vus précé-
face aux Espagnols p. 90
demment.
Repérer
ÉTUDE 1492 : le premier voyage 1. La capitale de l’empire aztèque était située dans
de Christophe Colomb p. 87 une zone très humide. Elle avait l’apparence d’une
île au milieu des marécages. On voit également
qu’elle était organisée de manière presque symé-
Parcours 1
trique autour d’une place centrale, de laquelle par-
On peut attendre des élèves qu’ils construisent taient plusieurs artères principales. Soulignons
eux-mêmes une réponse argumentée et structurée toutefois que le document a été réalisé après la
à la question. conquête par des Espagnols. Il est donc à utiliser
Le plan suggéré est le suivant : avec prudence, même si d’autres sources mènent à
I. Les connaissances géographiques des Européens prêter une certaine véracité à cette description. On
avant le départ de Colomb sait par exemple qu’il existait un corps d’urbanistes
II. Une découverte mal comprise par Colomb lui- veillant à la bonne organisation de la ville. La place
même centrale abritait l’enceinte sacrée de la pyramide
III. Les perspectives ouvertes par 1492 à degrés, nommée Templo Mayor par les conquis-
tadores.
Parcours 2
Analyser
1. Les territoires les mieux connus des Européens
avant le départ de Colomb en 1492 sont les litto- 2. Les troupes de Cortés ont fait montre de vio-
raux méditerranéens et africains. Cela s’explique lence dans la conquête de l’empire, multipliant les
36
Vers le bac car elle se fait contre un peuple mauvais, un peuple
d’esclaves par nature (il reprend ici la théorie aris-
6. Nouvel entraînement à l’exercice d’argumen-
totélicienne). De plus, cette guerre est nécessaire
tation. Un travail structuré peut être attendu des
car elle se fait contre des ennemis de Dieu, des
élèves. Il s’agit pour eux de structurer les éléments
infidèles, qui commettent des crimes contre l’ordre
étudiés dans les questions précédentes en répon-
humain et divin. Il précise enfin que cette guerre est
dant à la problématique. Ils pourront par exemple
la condition nécessaire à sa propre fin : c’est par la
proposer une approche à deux échelles : une focale
violence et la guerre que les indigènes se converti-
globale, montrant Séville comme un pôle au centre
ront et que la paix sera alors possible.
d’un réseaux de flux ; une focale locale sur la ville
de Séville pour en souligner son enrichissement.
Argumenter
POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE 4. La question 4 doit mener les élèves à une approche
nuancée et complexe. Spontanément, ils vont voir
Bartolomé de Las Casas en Las Casas un défenseur sans réserve de la cause
et la controverse de Valladolid des Amérindiens, une sorte de rebelle affrontant les
puissants et l’ordre colonial. On peut toutefois voir
(1550-1551) p. 96-97 que Las Casas entend défendre la monarchie espa-
gnole et son projet colonial. Il désigne les violences
Repérer contre les Amérindiens et leur réduction en escla-
1. Les violences commises par les Européens sont vage comme des mises en danger de la domination
multiples. Elles accompagnent la conquête militaire, espagnole. Son argumentation vise à montrer que
violente et inégale qu’on a déjà vue avec l’exemple l’Espagne se trahit elle-même et désobéit à Dieu,
de Tenochtitlan (on le retrouve ici, notamment dans en se livrant à ces injustices. Son idée n’est pas de
le document 4). Mais il est surtout question de la mettre fin à la colonisation et à l’évangélisation,
suite de la conquête, du temps de la soumission des mais de les mener avec amour et charité. Il rejoint
Amérindiens à la domination européenne. Si l’on en sur ce point la définition de la guerre juste selon
croit Las Casas, certaines formes de brutalité étaient Augustin ou Thomas d’Aquin .
de l’ordre de la férocité, voire de la perversité. Dans
d’autres cas, elles visaient à obtenir la conversion Vers le bac
des Amérindiens au catholicisme, notamment par 5. Nouvel entraînement au bac, à l’argumenta-
la répression envers les récalcitrants, rapidement tion. Il s’agit de proposer aux élèves de rédiger un
poursuivis par l’Inquisition. Nos deux sources sont développement argumenté complet. Les questions
toutefois à interroger : le texte de Las Casas peut précédentes leur suggèrent un plan mettant tout
se comprendre dans le contexte de la controverse d’abord en avant son opposition aux violences, pour
de Valladolid et a pu le pousser à accentuer les vio- ensuite voir que ce n’est pas à la colonisation qu’il
lences dont il fut témoin. De même Théodore de Bry s’oppose mais à sa brutalité.
a produit ces gravures dans le contexte des guerres
entre protestants et catholiques et avait pour propos
de peindre ceux-ci comme des barbares. POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE
Esclavage et économie « sucrière »
Analyser
au Brésil p. 98-99
2. Le système des encomiendas est au centre de la
société coloniale et de l’exploitation de la popula- Repérer
tion amérindienne. On peut distinguer d’un côté la
Couronne espagnole, ses représentants en Amé- 1. Cette carte terrestre et marine, issue d’un véri-
rique et les grands colons propriétaires comme les table projet d’atlas réalisé pour Manuel Ier est édi-
bénéficiaires. D’un autre côté, les populations amé- fiante. De nombreux éléments concourent à faire
rindiennes, tombant de droit sous la propriété des de l’espace représenté un territoire portugais :
plus riches colons, sont clairement des victimes de bannières, navires, onomastique, repères ter-
ce système. restres, implantations portugaises sur les littoraux
brésiliens (et africains à l’extrémité du document).
3. Le point de vue de Sepúlveda est sans détours favo-
rable à la poursuite de l’œuvre des conquistadores.
Analyser
Il reprend ici la théorie de la guerre juste, élabo-
rée depuis Augustin jusqu’à l’époque moderne. La 2. La différence d’environ 20 % entre esclaves embar-
guerre contre les Amérindiens est juste à ses yeux qués et débarqués s’explique par la mortalité très
38
S’EXERCER p. 101-103 Mettre en relation un document avec une
situation historique
Employer les notions à bon escient 1. À gauche de la scène, on voit un bâtiment défendu
1/a ; 2/c ; 3/b par une personne armée. Une personne chute alors
que d’autres gisent, démembrées, au sol. Au centre
Identifier des acteurs clés et à droite de l’image, on trouve des assaillants.
2. Les personnages assiégés sont des Aztèques
Voir les biographies de B. de las Casas (p. 96),
et leurs alliés. Les assaillants sont composés
Pizarro (p. 89) et Magellan (p. 84). L’exercice peut
d’un conquistador, reconnaissable notamment à
être l’occasion de réfléchir à la place de l’individu
son cheval, à sa lance et à ses habits. Mais on voit
dans l’histoire.
parmi les assaillants d’autres Amérindiens parmi
lesquels se trouve la Malinche sur la droite.
Mettre en récit
3. La Malinche par son geste de la main semble
Le webdocumentaire www.lienmini.fr/hemc2-026 indiquer le lieu à assaillir pour le conquistador et
permet aux élèves d’aller chercher en autonomie ses alliés. Cela renvoie au possible rôle de soutien
un certain nombre de réponses appuyées sur des à Cortés que lui attribue la tradition.
exemples précis.
1. La domination portugaise s’exerce par l’installa- Situer des événements dans le temps
tion de comptoirs (Ormuz, Goa, Calicut), mais aussi 1452 : Prise de Constantinople par les Ottomans
par des explorations intenses qui aboutissent à une 1492 : Premier voyage de C. Colomb
cartographie précise, élément clé pour faire perdu- 1522 : Fin de la circumnavigation de Magellan et
rer et accentuer leur domination. Elcano
2. Sur un plan militaire, les Portugais ne par- 1543 : Des navigateurs portugais arrivent en Chine
viennent à s’imposer que ponctuellement. Leurs 1562 : Arrivée de Huguenots français en Floride
adversaires chinois et arabes sont en effet très
présents dans l’océan Indien et trop puissants pour Mener à bien une recherche personnelle
que les Portugais puissent les affronter frontale-
Les recherches des élèves pourront porter sur un
ment et globalement.
nombre important de peuples disparus ou ayant
3. Leurs navires puissants et modernes (caraques, survécu jusqu’à nos jours. On peut penser par
nefs et caravelles) sont des outils déterminants exemple aux Aymaras et à leur place importante
dans l’expansion commerciale portugaise. dans le Pérou actuel.
40
CHAPITRE 4 R
enaissance, humanisme et réformes religieuses :
les mutations de l’Europe Manuel p. 112-143
I. Introduction
Le premier enjeu de ce chapitre est d’expliquer comment l’effervescence intellectuelle et artistique
aux xve et xvie siècles aboutit à la volonté de rompre avec le Moyen Âge et de renouer avec l’Antiquité.
Si la Renaissance italienne débute dès le xive siècle, ce mouvement de renouveau se diffuse progressi-
vement en Europe aux xve et xvie siècles, notamment par l’intermédiaire de la diffusion de l’imprimerie,
mais aussi d’une « République des Lettres » organisée sous la forme d’un réseau d’échanges entre
les érudits de cette époque.
Cette période se caractérise également par une redécouverte des sources d’inspiration grecque et
romaine. Ainsi, les historiens Hérodote et Thucydide, ainsi que les philosophes platoniciens, sont tra-
duits et lus à travers toute l’Europe.
Ce mouvement s’accompagne d’une vision renouvelée de l’Homme que l’on qualifie d’humanisme.
L’Homme est désormais considéré comme un être de raison qui ne doit plus trouver son salut uni-
quement dans la prière, mais aussi rechercher son épanouissement dans le développement de ses
capacités intellectuelles par l’intermédiaire de l’éducation et d’une pensée critique.
Ces nouvelles façons de penser et de présenter l’Homme conduisent à une volonté de réformes dans
le domaine religieux et à une contestation de l’autorité de l’Église catholique. Certaines critiques
avaient déjà émergé à l’époque médiévale mais c’est la diffusion des 95 Thèses de Martin Luther qui
marque véritablement la naissance des Églises protestantes en Europe. Ces réformes conduisent
non seulement à un bouleversement politique au sein de la chrétienté avec des guerres de Religion
violentes, mais aussi à l’émergence d’une Contre-Réforme catholique visant à répondre aux critiques
portées par les Églises réformées.
BIBLIOGRAPHIE
-- Gérald Chaix (dir.), L’Europe de la Renaissance, Éditions du temps, 2002.
Cet ouvrage propose une synthèse utile et efficace sur l’Europe de la Renaissance de 1470 à 1560.
-- Philippe Hamon, Les Renaissances, Belin, 2009.
Cet ouvrage s’inscrit dans la collection de l’histoire de France dirigée par Joël Cornette. Il se distingue
notamment par un découpage chronologique original qui tente d’effacer la rupture entre le Moyen Âge et
l’époque moderne au profit d’une analyse à cheval sur le xve et le xvie siècle (1453-1559).
-- Arlette Jouanna, La France de la Renaissance, Perrin, 2009.
Cette synthèse propose une étude centrée sur la France, ce qui permet d’approfondir certaines thématiques
démographiques, économiques et politiques parfois moins développées dans d’autres ouvrages.
42
-- Jean-Marie Le Gall, Défense et illustration de la Renaissance, PUF, 2018.
Cet ouvrage revient sur la genèse de la Renaissance ainsi que ses principales caractéristiques en
proposant de mettre en perspective cette période avec les thématiques récente de l’historiographie :
mondialisation, État-nation, modernité, etc.
-- « Luther : 1517, le grand schisme », Les Collections de L’Histoire, avril-juin 2017.
Parution récente qui propose une synthèse des derniers travaux consacré au célèbre réformateur et
à la rupture que constitue la diffusion des 95 Thèses contre les indulgences en Europe à partir de 1517.
III. Corrigés
44
érudits à travers l’Europe. En 1617, il demande par Tout d’abord, il participe à cette vague de nou-
exemple au peintre Quentin Metsys de réaliser un velles traductions des textes anciens en proposant
diptyque le représentant aux côté du jurisconsulte notamment en 1516 une traduction du Nouveau
anversois Peter Gilles afin de l’offrir à leur ami Testament. Dans sa préface, il justifie cette entre-
commun, l’humaniste anglais Thomas More. Ces prise par sa volonté de retrouver « la pure doctrine
gestes et attentions témoignent d’une amitié qui [...] à l’aide de nombreux manuscrits des deux lan-
dépasse les frontières et les divisions politiques gues, choisis parmi les plus anciens et les plus cor-
au profit d’un respect commun pour les arts et la rects ».
connaissance. Ensuite, Érasme publie de nombreux ouvrages sur
De plus, l’un des adages les plus connus d’Érasme l’éducation, la guerre, etc. en contribuant à diffuser
témoigne de sa réflexion sur la guerre. Ainsi, lors- ses travaux au-delà de la communauté des huma-
qu’il écrit que « la guerre est douce pour ceux nistes. Ses adages constituent par exemple des
qui n’en ont pas l’expérience », l’humaniste tente phrases courtes inspirées de citations grecques
de faire comprendre à ses contemporains que le et latines qu’il commente et utilise comme point
recours à la violence et à la lutte armée doit être de départ pour développer ses réflexions. Ainsi,
évité à tout prix. la phrase « l’homme est un loup pour l’homme »
3. Érasme contribue au renouvellement des constitue une synthèse permettant d’introduire la
connaissances dans le contexte de la Renaissance. pensée des humanistes sur la nature humaine.
Argumenter Analyser
4. Isabelle d’Este mobilise les arts au service de 1. Les grandes découvertes territoriales ont exercé
son pouvoir. une grande influence sur la pensée humaniste au
Tout d’abord, elle cherche à valoriser et renforcer xvie siècle. L’une des premières gravures du Théâtre
son autorité à travers la construction de la figure de l’Univers d’Abraham Ortelius, premier atlas
d’une princesse moderne. La construction et la moderne, représente en effet des personnages qui
décoration de son studiolo s’inscrivent dans cette font référence à l’Amérique, l’Afrique et l’Asie.
démarche. Isabelle d’Este souhaite montrer qu’elle 2. La citation de Cicéron utilisée au début du Théâtre
possède son cabinet de travail et impressionner de l’Univers illustre les principes de l’humanisme
ses visiteurs. car elle est révélatrice des réflexions de l’époque
Ensuite, en attirant les meilleurs peintres de son sur la nature humaine. L’homme est alors consi-
époque à son service, tels que Le Pérugin, cette déré comme un être de raison qui se distingue des
mécène montre qu’elle met sa richesse au service animaux et qui est capable de progrès non seule-
des arts. ment dans la connaissance de Dieu, mais aussi de
lui-même et du monde.
Vers le bac
5. Les mécènes jouent un rôle très important dans Prélever des informations
la production artistique à l’époque de la Renais- 3. Dans l’édition française de son Théâtre de l’Univers
sance. publié en 1570, Abraham Ortelius utilise plusieurs
Tout d’abord, leur soutien financier est un fac- arguments pour justifier son projet cartographique.
teur indispensable pour l’activité des artistes dont Tout d’abord, il considère que les cartes étaient
l’essentiel des revenus provient des commandes jusqu’alors difficile à consulter : « On ne pouvait
d’œuvres. Ainsi, le marchand et banquier sien- se servir de ces dites cartes géographiques en
nois Agostino Chigi consacre une partie de sa for- moindre lieu et place. » Il précise d’ailleurs que ces
tune à soutenir des artistes tels que Raphaël et cartes « étaient si grandes qu’un chacun n’avait
Le Pérugin. Cette pratique du mécénat conduit pas le lieu propre, ou assez grand pour pouvoir
d’ailleurs parfois à une concurrence entre les les prendre ou attacher à quelque paroi pour en
mécènes royaux et les mécènes privés qui aspirent user ». Ainsi, on comprend que l’un des objectifs
justement à exercer des fonctions politiques et d’Abraham Ortelius est de proposer des cartes qui
qui sont prêts à consacrer des sommes d’argent puissent être éditées dans un ouvrage facilement
importantes pour montrer leur pouvoir. consultable et transportable.
46
Par ailleurs, le cartographe semble sensible à la POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE
diffusion des connaissances cartographiques. C’est
Martin Luther ouvre le temps
pourquoi il souhaite limiter le coût de son atlas
contrairement aux autres cartes « qu’on ne pouvait des réformes (1517) p. 130-131
[...] obtenir à moindre prix ».
C’est pour ces raisons qu’Abraham Ortelius s’asso- Identifier
cie à des éditeurs tels que Christophe Planton pour
1. La gravure de Lucas Cranach le Jeune représente
développer ses atlas et les diffuser au plus grand
Luther prêchant face au pape dans les flammes de
nombre.
l’enfer.
1 Martin Luther
Connaître
2 La Bible
4. L’apparition de l’imprimerie à caractères mobiles 3 Le Christ en croix
de Johannes Gutenberg en 1454 est l’autre inno- 4 Pape et membres du clergé brûlant dans les
vation majeure qui favorise la diffusion de l’hu- flammes de l’enfer
manisme à l’époque de la Renaissance. Les livres 5 Pasteurs délivrant la communion aux fidèles
imprimés se multiplient et leur faible coût, ainsi
que leur format, favorisent la circulation des idées. Analyser
2. La principale critique adressée par Luther au
Vers le bac
pape est la pratique des indulgences, c’est-à-dire
5. Les cartes ont joué un rôle important dans le le pardon des péchés accordé par l’Église aux
renouvellement des connaissances à l’époque de la croyants, le plus souvent en échange de dons en
Renaissance. argent. Que ce soit dans les 95 Thèses affichées le
Tout d’abord, les cartes ont été un moyen de diffuser 31 octobre 1517 (« les prédicateurs des indulgences
les nouvelles connaissances géographiques à la suite se trompent quand ils disent que les indulgences du
des découvertes territoriales de la fin du xve siècle pape délivrent l’homme de toutes les peines et le
et du début du xvie siècle. À la suite des voyages de sauvent »), ou dans la Confession d’Augsbourg pré-
Christophe Colomb et d’autres explorateurs tels que sentée à Charles Quint le 25 juin 1530 (« nos œuvres
Jacques Cartier, les cartographes ont été sollicités n’ont pas le pouvoir de nous réconcilier avec Dieu
afin de renouveler les supports utilisés jusqu’à pré- ni d’acquérir sa grâce »), Martin Luther ne cesse
sent par les souverains et les marins. C’est notam- de dénoncer cette pratique qu’il considère comme
ment le cas de Martin Waldseemüller qui, sur un étant contraire aux principes de l’Église originelle.
planisphère de 1507, est l’un des premiers à utiliser 3. Les autorités religieuses et politiques reprochent
le terme « America » sur une carte en l’honneur de à Luther de ne pas respecter la hiérarchie des pou-
l’explorateur florentin Amerigo Vespucci. voirs et l’ordre établi.
Ces cartes contribuent également à renouveler la Dans un premier temps, le pape Léon X, chef de
façon de penser l’Homme dans le monde. Avec l’ap- l’Église catholique, reproche au moine Martin
parition de nouveaux territoires, et notamment du Luther de ne pas respecter son autorité. C’est pour-
continent américain, les Européens s’interrogent quoi il le convoque en 1518 devant la diète d’Augs-
sur la nature humaine. Ils réalisent alors que la bourg pour lui rappeler la hiérarchie ecclésiastique
planète est non seulement gigantesque, mais et lui demander de se rétracter, en vain.
qu’elle rassemble aussi une multitude de peuples Dans un deuxième temps, Charles Quint reproche
aux croyances et pratiques différentes. à Martin Luther de ne pas non plus respecter son
Enfin, l’association des cartes et de l’imprimerie autorité. En tant qu’empereur du Saint Empire, il
permet non seulement de renouveler les connais- considère en effet que ce sujet devrait respecter la
sances, mais également de favoriser leur diffu- majorité confessionnelle imposée dans les terri-
sion à travers l’Europe. Ainsi, les premiers atlas toires soumis à son autorité, à savoir le catholicisme.
modernes d’Abraham Ortelius et Christophe Plan- Enfin, ces deux détenteurs des pouvoirs temporels
tin réduisent les coûts de fabrication d’une carte et spirituels considèrent que les enseignements
et adoptent un format qui facilite la circulation des de Martin Luther constituent une menace contre
découvertes géographiques récentes. la stabilité des sociétés au début du xvie siècle. En
Les cartes ont donc joué un rôle important dans prônant la théorie du sacerdoce universel, le réfor-
le renouvellement des connaissances à l’époque mateur laisse en effet entendre que chaque indi-
moderne et sont révélatrices des principes de vidu peut exercer une mission évangélique. C’est
l’humanisme qui se diffusent en Europe durant la ce point particulier qui est dénoncé par Tiepolo,
Renaissance. ambassadeur vénitien, dans son rapport au Sénat
48
relativement facilement à travers l’Europe, ce qui ouvrages écrits par les humanistes, mais aussi
favorise l’organisation d’un réseau d’échanges que d’imprimer d’anciens textes afin de faciliter leur
l’on qualifie de « République des Lettres ». Ceci diffusion. Robert Estienne a quant à lui un rôle par-
doit néanmoins être nuancé par l’observation de la ticulier car il obtient le titre « d’imprimeur royal »
bibliothèque de Leyde dans laquelle les livres sont de la part de François Ier et il est notamment chargé
retenus par des chaînes aux pupitres de lecture. à ce titre de développer « des caractères grecs de
Enfin, les livres imprimés contribuent à la diffu- petites dimension » afin d’éditer des textes grecs
sion des idées humanistes car ils sont imprimés en dans leur langue originelle. En somme, il accomplit
grec, en latin, en hébreux, mais aussi dans les lan- dans ce cas une mission de « service public ».
gues vernaculaires comme le français, l’allemand 2. Les bibliothèques constituent un lieu essentiel
et l’italien. Ceci répond donc à la volonté humaniste dans la diffusion de l’humanisme.
de valoriser l’Antiquité en proposant non seule- D’une part, elles favorisent la diffusion des connais-
ment de revenir aux textes originaux, mais aussi de sances en rassemblant et en mettant à disposition
traduire certains auteurs anciens afin de faciliter dans un même lieu des centaines, voire des mil-
l’accès à leur pensée. L’organisation de la biblio- liers d’ouvrages. C’est notamment le cas de la
thèque de Leyde témoigne de cette même volonté bibliothèque publique de Leyde qui est largement
d’organiser les connaissances par disciplines avec ouverte aux lecteurs alors que la plupart des biblio-
une valorisation des savoirs antiques (philosophie, thèques médiévales étaient privées.
mathématiques, etc.) en plus de la théologie. D’autre part, à l’époque de la Renaissance, les
L’imprimerie a donc favorisé, aux côtés de la carto- bibliothèques sont organisées par disciplines avec
graphie, des voyages et correspondances, la diffusion une valorisation des savoirs antiques (philosophie,
des idées de l’humanisme en Europe au xvie siècle. mathématiques, etc.) aux côtés de la théologie. Ceci
témoigne par conséquent d’une volonté de valori-
Parcours 2 ser les connaissances qui permettent à l’Homme
1. Les imprimeurs jouent un rôle important au de développer son esprit critique et de penser sa
xvie siècle puisqu’ils sont chargés d’éditer les place dans l’univers.
Analyser Argumenter
2. Le tableau de Pasquale Cati témoigne d’une 3. L’Église catholique essaie de préserver l’unité
volonté de l’Église catholique de s’inscrire dans la chrétienne en apportant des réponses aux cri-
logique de l’humanisme. Un livre et une colonne tiques des protestants, mais aussi en réaffirmant
figurent en effet au premier plan devant l’Église son dogme catholique.
triomphante. Ces objets semblent faire référence Tout d’abord, l’Église chrétienne montre au cours
à la redécouverte des auteurs antiques et à l’affir- du concile de Trente qu’elle a entendu les cri-
mation des sciences qui constituent des caractéris- tiques formulées à son encontre par les Église
tiques centrales de l’humanisme. protestantes depuis plusieurs décennies et plus
50
S’EXERCER p. 135-137 1534 : Création de l’Église anglicane d’Angleterre
par Henri VIII
Identifier et nommer les dates et acteurs
clés Nommer et localiser les grands repères
1454 : Invention de l’imprimerie à caractères géographiques
mobiles par Gutenberg Les points : principaux centres d’imprimerie
1508 : Michel-Ange entreprend la réalisation de la Les étoiles : principaux foyers des réformes protes-
fresque de la chapelle Sixtine tantes
1511 : Éloge de la Folie d’Érasme Les losanges : centre de la Contre-Réforme catho-
1517 : 95 Thèses de Martin Luther lique
1530 : Création du Collège des lecteurs royaux par Les élèves peuvent se reporter à la carte du manuel
Guillaume Budé p. 117 pour vérifier leurs réponses.
Compléter un schéma
Humanisme
Diffusion et échanges
Éducation
Voyage, imprimerie et
Érasme et Comenius
correspondances
52
MÉTHODE VERS LE BAC p. 138
Sujet 2 : Comment Lucas Cranach le Jeune défend-il la réforme protestante contre l’Église catholique ?
I. Une critique • Présence d’une multitude • L’Église catholique est représentée comme
de l’Église de démons et d’un corrompue, associée au diable et à l’Antéchrist.
catholique monstre qui engloutit • Cette critique est récurrente depuis l’affichage des
le pape et le clergé (on 95 Thèses de Martin Luther en 1517 qui dénoncent
aperçoit un moine et un notamment la pratique des indulgences par la
cardinal). papauté et la corruption du clergé catholique.
III. Une • Luther est au centre de • Luther est représenté comme le restaurateur du
valorisation du la gravure, prêchant dans christianisme, voire comme l’émissaire de la parole
rôle de Luther la chaire qui domine divine.
dans l’essor l’ensemble de la scène. Il • La présence de la Bible rappelle l’un des principaux
de la réforme est à la gauche du Christ fondamentaux du dogme protestant : Sola scriptura.
protestante en croix. Cela signifie que la Bible est considérée comme
• Un livre est posé devant l’autorité ultime et unique à laquelle les chrétiens
lui, probablement la doivent se soumettre, en opposition à la Vulgate de
Bible. l’Église catholique.
Préparer un brouillon
I. Les sources • Une redécouverte • Les historiens grecs Hérodote et Thucydide, mais
d’inspiration de des auteurs aussi les géographes Ptolémée et Strabon.
l’humanisme antiques... • De nombreux savants byzantins trouvent refuge
• … favorisée en Italie après la prise de Constantinople par les
par l’arrivée de troupes ottomanes du sultan Mehmet II en 1453.
manuscrits anciens • Guillaume Budé, « maître de librairie » de
en Europe… François Ier, est le traducteur de plusieurs traités de
• … et de nouvelles Plutarque. Il est également à l’origine de la création
traductions du Collège des lecteurs royaux en 1530 qui délivre un
enseignement du grec et de l’hébreu.
II. Un renouvellement • L’Homme est un • Michel de Montaigne propose une réflexion sur la
dans la façon de être de raison nature humaine dans ses Essais publiés entre 1580
penser l’Homme et le • L’affirmation des et 1588.
monde sciences • Les croquis et dessins anatomiques de Léonard de
• Une remise en Vinci laissent penser qu’il a pratiqué des dissections.
cause de l’Église • Érasme dénonce les excès de la papauté et l’attitude
du clergé dans son Éloge de la Folie (1511).
54
TRAVAILLER EN HISTOIRE p. 140
Fiche • Nom, prénom, éventuel • Leonardo di ser Piero da Vinci, dit Léonard de Vinci
d’identité pseudonyme • 1452 à Vinci (Toscane)
• Date et lieu de naissance • 1519 à Amboise (Royaume de France)
• Date et lieu de décès • Italien
• Nationalité
I. Introduction
Le premier enjeu de ce chapitre consiste à faire saisir aux élèves la notion d’État et notamment son
affirmation durant la période moderne. L’État s’entend ici comme le gouvernement d’un territoire et de
ses habitants grâce à la mise en place de structures modernes afin de le maîtriser. La notion d’État est
de plus en plus présente dans le vocabulaire politique à partir du xvie siècle ; elle est définie par Jean
Bodin dans son ouvrage Les Six Livres de la République. En 1987, Emmanuel Leroy-Ladurie définit l’État
royal qu’il situe entre 1410 et 1640. L’État royal s’oppose à l’État féodal et suppose un changement de
nature conséquent.
En effet, le deuxième enjeu du chapitre consiste à caractériser la monarchie française. Il s’agit donc
ici de faire saisir aux élèves la notion d’absolutisme. L’absolutisme est un terme qui apparaît au xixe
siècle. Nous l’entendons comme un système politique dans lequel le pouvoir est concentré entre les
mains du souverain qui en exerce tous les attributs, mais l’historiographie récente nous montre que si
cet absolutisme est triomphant au xviie siècle, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas sans limite et
qu’il convient de s’interroger sur sa réelle emprise sur le territoire durant la période.
Le troisième enjeu du chapitre est donc de faire saisir aux élèves que l’affirmation de l’État ne peut se
comprendre si on ne saisit pas le rôle de la guerre dans le royaume de France. Si la guerre modifie les
frontières de la France entre le xvie et le xviiie siècle, elle demande toujours plus d’argent et oblige l’État
à se moderniser. Elle nécessite la mise en place d’une collecte d’impôts efficace, ce qui implique une
administration performante (Joël Cornette parle de « royaume de papiers »), une économie dirigée
ainsi qu’un royaume unifié. Cette affirmation de l’État dépasse donc la seul personne du roi même s’il
en est l’élément central.
Enfin, il convient de montrer aux élèves que cette affirmation de l’État n’est en rien linéaire, amenant
inexorablement la France à la période révolutionnaire. La période est dynamique et l’État royal est,
durant la période, en butte à des oppositions de différentes natures : sociales, religieuses ou poli-
tiques, voire techniques, comme le réseau limité de routes qui entrave les communications. C’est
pourquoi le choix a été fait d’aller jusqu’au xviiie siècle pour montrer ces oppositions afin d’éviter de
faire de cette période un moment d’absolutisme triomphant et sans limite.
La double page Notions permet à l’élève de saisir les notions centrales du chapitre afin de donner
sens au titre de cette leçon : « L’affirmation de l’État dans le royaume de France ». Chaque notion est
associée aux études, qu’elles soient des points de passage et d’ouverture ou non, afin que les élèves
puissent en saisir le sens et l’importance au travers de moments, de lieux ou de personnages clés.
La double page Cartes permet de représenter l’évolution du royaume de France entre le xvie et le xviiie
siècle avec ses forces et ses faiblesses de façon dynamique, aidant ainsi l’élève à se repérer. Grâce au
changement d’échelle, l’élève entrevoit que cette affirmation de l’État n’est pas sans conséquence sur
le monde puisque l’influence de la France grandit et s’étend en Amérique et en Asie, notamment par
le commerce colonial.
La première double page de cours présente la naissance de l’État moderne au xvie siècle. Elle permet
de dégager les changements qui s’opèrent entre un État précédemment qualifié de féodal et l’affir-
mation d’un État royal. Dans la première moitié du xvie siècle, une administration moderne se met en
56
place sous l’impulsion de souverains qui s’emploient à magnifier la monarchie et à la mettre en scène,
mais le royaume de France est confronté à de nombreux conflits, religieux ou politiques, contre les
monarques européens.
Le point de passage et d’ouverture sur l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) montre le rôle que
cette ordonnance joue dans la modernisation de l’État au xvie siècle. Elle est un élément de centralisa-
tion important et ne peut être réduite à l’obligation d’utiliser le français dans les actes administratifs.
Elle réorganise la justice et clarifie les domaines de compétences entre l’Église et l’État.
Le point de passage et d’ouverture sur l’édit de Nantes (1598) et sa révocation (1685) illustre l’évolu-
tion de la politique religieuse dans le royaume de France aux xvie et xviie siècles. L’édit de Nantes apaise
les conflits religieux qui affaiblissent le royaume à la fin du xvie tandis que sa révocation au siècle sui-
vant peut être vue comme le signe d’un absolutisme religieux incarné par Louis XIV qui n’est pas sans
conséquence pour le pays.
La deuxième double page de cours présente l’absolutisme triomphant du xviie siècle. Après avoir
rappelé comment il se met en place, notamment par la guerre qui nécessite d’importants moyens
financiers, il s’agit de montrer que cet absolutisme se voit au travers d’une économie dirigée, d’une
religion unique et se met en scène par la culture. Cet absolutisme est incarné par Versailles et Louis
XIV, lequel met en scène, grâce aux artistes, son pouvoir.
L’étude sur Colbert et la compagnie des Indes fait la lumière sur un personnage clé du règne de Louis
XIV et la mise en place d’un système économique qui participe à l’affirmation de l’État au xviie siècle. Le
colbertisme conjugue l’essor du commerce, notamment maritime (grâce aux compagnies), de l’industrie
(par les manufactures royales) et le protectionnisme. Il illustre aussi le rôle de contrôleur général des
finances qui prend une place de plus en plus importante dans le gouvernement du Roi.
Le point de passage et d’ouverture sur Versailles, le « roi-soleil » et la société de cour montre
qu’au-delà d’un chef-d’œuvre architectural, Versailles est un instrument de pouvoir érigé par Louis
XIV qui entend exalter sa grandeur et assurer sa mainmise sur la noblesse en mettant en place une
étiquette stricte rappelant à chacun sa place et ses devoirs.
La troisième double page de cours présente les limites et la montée des contestations de l’absolu-
tisme au cours du xviiie siècle. Après avoir rappelé que l’absolutisme n’est pas sans limites (exemple
des lois fondamentales), le rôle des Lumières est souligné ainsi que la montée des tensions durant le
siècle avec la dégradation de l’image royale, la naissance de l’opinion publique et la crise financière
qui s’aggrave et contribue à affaiblir l’État.
L’étude sur Jean-Jacques Rousseau insiste sur l’importance des philosophes des Lumières dans la
lutte contre l’absolutisme et la recherche d’un nouvel art de gouverner, libéré de l’arbitraire et de la
superstition.
L’étude sur Louis XV face à l’opposition des parlements analyse le rôle joué par les parlements et les
assemblées dans cet État royal. Elle met en exergue leur opposition mais aussi leur rôle de garant
dans un État absolutiste qui n’est pas sans limite.
BIBLIOGRAPHIE
-- Pierre-Yves Beaurepaire, La France des Lumières (1715-1789), Belin, coll. « Histoire de France », 2014.
Cet ouvrage permet d’aller jusqu’à la Révolution en analysant les causes profondes des contestations.
-- Patrick Boucheron (dir.), Histoire mondiale de la France, Le Seuil, 2017.
Des pages synthétiques sont consacrées aux points de passage et d’ouverture comme l’ordonnance de
Villers-Cotterêts ou Colbert et la compagnie des Indes.
-- Joël Cornette, Absolutisme et Lumières (1652-1783), Hachette, coll. « Carré Histoire », 2016.
Synthèse très utile avec des documents commentés permettant de voir l’absolutisme en action et ses limites.
-- Philippe Hamon, Les Renaissances (1453-1559), Belin, coll. « Histoire de France », 2014.
Cet ouvrage, richement illustré, permet de faire la jonction entre époque féodale et époque moderne.
-- Nicolas Le Roux, Les Guerres de religion (1559-1629), Belin, coll. « Histoire de France », 2014.
Cet ouvrage analyse cette période très sombre de crises religieuses où l’État peine à s’affirmer.
58
POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE langue française que sont les auteurs de la Pléiade
comme Joachim du Bellay ou Pierre de Ronsard.
1539 : l’ordonnance de Villers-Cotterêts
p. 152-153 Mettre en relation les documents
6. L’ensemble documentaire permet de montrer à
Repérer la fois l’importance de cette ordonnance dans les
1. L’ordonnance fut signée dans une des résidences domaines administratif, judiciaire et linguistique
royales de François Ier. La cour, à cette époque, se (doc. 1) dans une France qu’il convient d’unifier
déplaçait de château en château. C’était aussi un (doc. 3). L’usage d’une langue commune participe
moyen d’affirmer sa présence dans le royaume et au sentiment national. Malgré les difficultés à
cela créait du lien entre le roi et le peuple. s’imposer (doc. 2), elle ne cesse de gagner du ter-
rain (doc. 5). Enfin, elle est l’œuvre d’un souverain
Contextualiser dont la forte personnalité contribue à magnifier la
monarchie (doc. 4).
2. Appelée aussi ordonnance Guilelmine ou encore
Guillemenine, cette ordonnance est composée de Vers le Bac
192 articles qui touchent à plusieurs domaines :
administratif avec l’instauration d’un état-civil, 7. Les deux documents montrent l’importance de
judiciaire avec l’usage de la question (torture) ou, cette ordonnance dans l’affirmation de la monarchie
encore, linguistique (l’usage de la langue fran- de François Ier dans la mesure où elle est promul-
çaise). guée dans une des résidences royales à un moment
où la cour est itinérante. Cette itinérance permet
Analyser de renforcer le lien entre le souverain et le peuple
et affirme la volonté de maîtrise du territoire. Le
3. D’abord, il s’agit d’une ordonnance et non d’un nombre d’articles et la diversité des domaines
édit. En effet, l’ordonnance s’applique à tout le abordés montrent la volonté royale de légiférer et
royaume et à l’ensemble des sujets alors qu’un édit d’assoir son pouvoir le plus largement possible.
s’applique à un groupe de personnes. Ici, la règle C’est aussi un signe de rupture avec l’âge féodal
s’applique à tous : le clergé est tenu de s’y confor- où le roi prenait alors conseil auprès des nobles, ce
mer pour la tenue de l’état-civil, tous les actes que François Ier va nettement moins faire.
administratifs quelle qu’en soit la nature sont rédi-
gés en français. L’instruction du français est désor-
mais une règle.
4. Les changements judiciaires sont principale-
POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE
ment de deux sortes : l’usage du français pour les L’édit de Nantes (1598)
décisions et actes judiciaires ainsi que l’usage de la et sa révocation (1685) p. 154-155
question (nom donné à la torture) sont réglemen-
tés. Cette ordonnance réduit également l’influence
de l’Église en matière judiciaire puisque seules Analyser
les questions concernant la foi sont traitées par le 1. Les articles 3 et 6 (doc. 1) s’adressent aux deux
clergé. religions et leur accordent des droits à toutes les
deux. La religion catholique est rétablie dans des
Argumenter espaces qui lui étaient interdits et la religion pro-
5. Le document 2 montre un usage du français testante est tolérée et protégée par ailleurs. Ces
limité, mélangé à du patois ou dialecte chez une propos sont corroborés dans le document 2 car la
personne qui possède cependant un certain niveau carte montre qu’il existe désormais des places de
d’éducation puisque celle-ci postule comme maître sûreté protestantes ainsi que des villes sous leur
administration.
d’école et sait lire et écrire. Ce document est à
mettre en relation avec le document 3 qui présente
une France multiple d’un point de vue linguistique et
Confronter deux documents
plus complexe que la traditionnelle coupure entre la 2. L’argument utilisé est qu’il n’existe plus ou prati-
France du nord et la langue d’oïl et la France du sud quement plus de protestants en France. Si les pro-
et la langue d’oc. Cependant, le document 5 montre testants ont vu leurs droits petit à petit rognés, il
que le français ou, plus généralement, les langues n’est pas possible au vu de l’importance des foyers
vernaculaires sont majoritaires dans le domaine protestants dans le sud de la France que tous se
littéraire. On peut rappeler ici les défenseurs de la soient convertis (doc. 2).
p. 158-159 Comprendre
2. Pour le roi, il s’agit d’une façon de contrôler et
Analyser
d’exercer son pouvoir sur la noblesse de manière
1. Dans ce document, Colbert énonce sa théo- déguisée. Le roi remarquait la présence ou non de
rie économique que l’on désignera sous le nom la noblesse aux différentes manifestations.
60
Analyser Ce sont donc, ici, deux visions opposées de la
monarchie : Louis XV incarne la monarchie abso-
3. Dès sa prise de pouvoir personnel en 1661,
lue de droit divin alors que Rousseau souhaite une
Louis XIV choisit un lieu où ancrer sa puissance.
monarchie limitée.
Versailles est situé à distance de Paris où, durant
son enfance, sa mère et lui furent menacés par les
Parcours 2
Grands et le parlement durant la Fronde (1648-
1653). La cour est désormais sous la coupe du roi 1. Louis XV pose en costume de sacre avec autour de
qui lui impose un code rigoureux, l’étiquette. En lui les symboles de son pouvoir absolu. On observe à
distribuant ou non ses faveurs, en l’obligeant à gauche, sur le tabouret, la main de justice qui sym-
résider près de lui, Louis XIV a « domestiqué » la bolise son pouvoir judiciaire, sa couronne qui lui a
noblesse qui, paradoxalement, cherche à lui plaire été donnée lors de la cérémonie religieuse du sacre,
et accepte, voire recherche, ce mode de vie. entérinant ainsi le caractère divin de la monarchie.
4. Le roi distinguait les personnages qui avaient le Il tient, dans sa main droite, le sceptre, symbole de
privilège de pouvoir le suivre, créant ainsi une com- commandement et, sur son flanc gauche, on aper-
pétition entre eux. Il pouvait aussi les disgracier à çoit une épée rappelant le roi de guerre. Sur son
tout moment, par un seul mot. manteau, on voit les fleurs de lys brodées, symbole
de la monarchie française tandis qu’à son cou pend
Vers le bac un collier, celui de l’ordre du Saint-Esprit, symboli-
sant la chevalerie dont il est le premier représen-
5. Versailles symbolise bien la monarchie absolue. tant. Louis XV concentre ainsi tous les pouvoirs.
C’est Louis XIV en personne qui a supervisé les tra- 2. Selon Rousseau, la société idéale est celle où
vaux du château et des jardins. Le décor est donc personne n’est au-dessus de la loi et où souverain
destiné à le magnifier. Il a un œil sur son entou- et peuple ont un intérêt commun. C’est aussi une
rage qui est constamment en sa présence, et l’éti- société démocratique et tempérée.
quette mise en place indique à chacun sa place et
ses devoirs. 3. Ce texte constitue une critique de l’absolutisme
car il souhaite exactement l’inverse. Il ne veut pas
que quelqu’un concentre tous les pouvoirs et se
ÉTUDE Jean-Jacques Rousseau : situe au-dessus des lois.
4. La réponse peut se faire en deux parties : une
les Lumières contre l’absolutisme p. 164 première partie qui explique, à l’aide du tableau, ce
qu’est l’absolutisme et la concentration des pou-
Parcours 1 voirs dans une même personne et une deuxième
Louis XV pose en costume de sacre avec autour de partie montrant les différents gouvernements pro-
lui les symboles de son pouvoir absolu. On retrouve posés par Rousseau en insistant sur les termes
à gauche, sur le tabouret, la main de justice qui employés : « démocratie », « libre », « loi », etc.
symbolise son pouvoir judiciaire, sa couronne, qui
lui a été donnée lors de la cérémonie religieuse
du sacre, entérinant ainsi le caractère divin de la ÉTUDE Louis XV face à l’opposition
monarchie. Il tient dans sa main droite le sceptre, des parlements p. 165
symbole de commandement, et, sur son flanc
gauche, on aperçoit une épée rappelant le roi de Analyser et schématiser
guerre. Sur son manteau, on voit les fleurs de lys
brodées, symbole de la monarchie française, tan- 1.
dis qu’à son cou pend un collier, celui de l’ordre du Roi
Saint-Esprit, symbolisant la chevalerie dont il est
Loi
le premier représentant. Louis XV concentre ainsi
tous les pouvoirs. Présentation aux parlements
Le texte de Rousseau, quant à lui, parle du peuple
et de la volonté de partager le pouvoir dans un inté- Vérification de la légitimité de la loi
rêt commun. Il insiste sur deux points : la nécessité
d’avoir une égalité devant la loi et que personne Enregistrement de la loi
ne doit être au-dessus d’elle. En affirmant que
tout homme doit être soumis à la loi, il réfute la Validité de la loi
monarchie absolue qui concentre les trois pouvoirs
Application de la loi
dans une même personne.
S’EXERCER p. 167-169
Connaître et se repérer
1766 Discours de Louis XV devant le parlement de Opposition parlementaire de plus en plus vive
Paris
1539 Ordonnance de Villers-Cotterêts Diffusion de la langue française
62
Connaître et comprendre
DIEU
Ministres Conseils
Intendants
de justice, de police, des finances
dans les généralités
64
Nous verrons d’abord la mise en place de cet abso- TRAVAILLER EN HISTOIRE p. 174
lutisme au xvie siècle, puis qu’il repose sur des
atouts majeurs, et enfin les difficultés rencontrées Préparer un exposé oral
par la monarchie au xviiie siècle.
Entraînement : Colbert, un acteur clé du règne de
Conclusion Louis XIV
La monarchie s’est bien affirmée au xvie siècle 1. Une trajectoire exemplaire : enfance, éducation,
grâce à des rois forts qui ont commencé à mettre les premiers pas dans les rouages du pouvoir.
en place un contrôle du royaume qui s’est agrandi. 2. Un contrôleur général des finances puissant : le
Le xviie siècle montre que l’État peut désormais cumul des charges, la mise en place de réseaux.
compter sur une économie dirigée, une unification 3. L’œuvre de Colbert : mise en place du colber-
religieuse et une centralisation, le tout dirigé par un tisme, industries, commerce maritime et colonial…
roi tout puissant, mais cet absolutisme triomphant
ne doit pas faire oublier qu’il connaît des limites et
qu’il doit faire face à une montée des oppositions de
plus en plus nombreuses dans un contexte de crise
financière aiguë.
L’État est de moins en moins capable de s’affirmer
et de faire face à la vague de mécontentements à la
fin du xviiie siècle.
I. Introduction
L’enjeu de ce chapitre est d’amener les élèves de Seconde à réfléchir à la notion de « modèle » en
histoire et de comprendre plus particulièrement en quoi l’Angleterre dite moderne peut se prévaloir
d’un destin singulier, particulier, par rapport au reste du continent européen ; puis, en prolongeant
la réflexion, en quoi ce destin spécifique a eu une influence sur l’Europe, voire même sur le reste du
monde (considérant que l’Angleterre fait partie des premiers empires coloniaux européens).
Si nous nous référons à la définition du Petit Larousse :
« Modèle : 1. Ce qui est donné pour servir de référence, de type. 2. Désigne quelque chose que l’on propose
comme référence. »
En appliquant cette définition simple au chapitre qui nous intéresse, il s’agit de poser l’Angleterre
comme référence puisqu’au xviie siècle, dans une Europe majoritairement absolutiste, elle apparaît
comme le premier État à connaître une transformation politique profonde. En effet, durant cette
période, le pays voit se « renforcer l’autorité conjointe du monarque et du Parlement » entraînant
« une collaboration et une compétition croissante entre ces deux incarnations conjointes de la sou-
veraineté ». Ainsi, tout au long du xviie siècle, « l’affirmation de la prérogative royale d’une part et la
défense des droits des sujets à travers le Parlement d’autre part, furent placées au cœur de la vie
politique » (Stéphane Jettot, François-Joseph Ruggiu, L’Angleterre à l’époque moderne, Des Tudors aux
derniers Stuarts, Armand Colin, 2017).
S’il existe un modèle britannique, il est donc avant tout politique. Il peut alors se définir comme la pre-
mière forme de monarchie tempérée ou parlementaire, dont la construction trouve ses origines non
seulement dans l’héritage de l’art de gouverner en Angleterre, qui repose sur la Magna Carta, mais
aussi par le refus des tentations absolutistes au xviie siècle ayant abouti à une révolution globalement
pacifique, la « Glorieuse Révolution » (selon l’expression de Bernard Cottret, La Glorieuse Révolution
d’Angleterre), nourrie des aspirations libérales des philosophes anglais.
Ce modèle britannique est également un modèle culturel et social qui fait de l’Angleterre un acteur
précoce de la période des « Lumières », laquelle est notamment source d’inspiration pour le continent
et, en particulier, pour Voltaire. Ainsi, « dans son périodique The Spectator, Joseph Addison célébrait
la naissance d’une société nouvelle avec l’essor des villes, de leurs lieux de sociabilité, la suspension
de la censure et l’intégration harmonieuse entre les savoirs des élites foncières et des artisans et des
marchands » (Stéphane Jettot, François-Joseph Ruggiu, op. cit.). C’est donc l’Enlightenment anglais
qui, selon plusieurs historiens, inaugurait la révolution philosophique européenne du xviiie siècle.
Cependant, comme tout modèle qui diffuse ses influences, l’Angleterre connaît des limites et des
contestations aussi bien en Europe que dans les territoires qu’elle a conquis. L’exemple le plus évident
est celui des Treize colonies américaines qui, au nom des principes libéraux prônés par leur métro-
pole, se lancèrent dans une guerre d’indépendance qui donna naissance aux États-Unis et à leur
Constitution.
66
La double page Notions articule entre elles les notions centrales de la question pour faire sens. À
chacune sont associés les études ou points de passage et d’ouverture du chapitre qui permettent de
comprendre les principales caractéristiques politiques du modèle politique et culturel de l’Angleterre
ayant influencé l’Europe, mais aussi les territoires ultramarins contrôlés par la couronne britannique.
La double page Cartes permet à la fois de visualiser le destin singulier de l’Angleterre et ses influences
qui se sont diffusées en Europe et dans le monde tout en soulignant les liens ambigus entretenus avec
les Treize colonies, ayant conduit au développement des tensions avec les patriotes américains et à la
guerre d’indépendance.
La première double page de cours est consacrée à l’évolution politique de l’Angleterre et à l’ensemble
des principales transformations ayant abouti à la naissance du modèle européen de monarchie par-
lementaire.
L’étude sur Thomas More a pour objectif de saisir la tradition intellectuelle et les origines philoso-
phiques qui ont nourri la réflexion sur la pratique du pouvoir. En effet, Thomas More est de ces phi-
losophes qui s’inquiètent des possibles dérives d’une monarchie de droit divin et prônent un modèle
fondé sur la tempérance.
L’étude sur Aphra Behn vise à faire découvrir non seulement l’une des premières écrivaines profes-
sionnelles anglaises mais aussi une réflexion politique originale attachée à la tradition monarchique
anglaise qui souhaite garantir les droits fondamentaux au prisme d’une critique sur le colonialisme
britannique au Suriname.
Le point de passage et d’ouverture sur l’Habeas Corpus et le Bill of Rights s’attache à montrer com-
ment ces deux textes, qui affirment la victoire du Parlement et le refus de l’arbitraire royal, se sont
imposés comme des textes fondateurs du modèle britannique à l’origine d’influences juridiques nom-
breuses au-delà du seul territoire insulaire.
La deuxième double page de cours s’intéresse aux bouleversements intellectuels et sociaux qui font
de l’Angleterre un exemple culturel pour l’Europe. Après avoir insisté sur les aspects spécifiques
des Lumières anglaises, il s’agit de comprendre comment les théories libérales qui en découlent ont
transformé la société britannique. Cette dernière se distingue alors par des rapports sociaux fondés
sur l’idéal de la politeness, mélange de savoir-vivre et de savoirs professionnels (maritime, droit, com-
merce, finance) au service de la nation tout entière et pour le bien commun.
L’étude sur l’ascension de la bourgeoise anglaise souhaite montrer en quoi la fin du xviie siècle est mar-
quée en Angleterre par un développement économique important qui favorise l’émergence d’une nou-
velle élite urbaine. La bourgeoisie marchande devient en effet un acteur économique, politique et social
clé dans cette Angleterre où Londres apparaît désormais comme la plus grande métropole d’Europe.
Le point de passage et d’ouverture sur Voltaire et Les Lettres anglaises permet de comprendre
comment le philosophe s’est inspiré du modèle britannique pour rédiger un véritable manifeste des
Lumières. Son voyage outre-Manche est en effet l’occasion pour lui de montrer à quel point l’influence
anglaise est notable et peut être bénéfique pour l’Europe. Ces lettres sont donc aussi, dans ce sens,
un véritable panégyrique.
La troisième double page de cours délaisse le cadre insulaire pour s’intéresser à la diffusion du
modèle britannique et à ses répercussions dans les Treize colonies d’Amérique. Il s’agit alors d’in-
sister sur le renversement des valeurs anglaises contre la métropole. En effet, attachés à leur auto-
nomie politique, les « Fils de la Liberté » s’engagèrent dans une guerre d’indépendance, soutenue
notamment par la France, qui leur permet de fonder un nouvel État s’appuyant sur une constitution à
l’origine d’une République. Pourtant, les limites de la démocratie américaine sont réelles comme en
témoigne la place des femmes et des populations noires-africaines ou indiennes.
Le point de passage et d’ouverture sur Georges Washington dresse le portrait complexe d’un des
pères fondateurs des États-Unis, incarnant les ambivalences de la nation américaine naissante. Chef
militaire durant la guerre d’indépendance, rédacteur de la Constitution, premier président de la Répu-
blique américaine, il s’impose comme un mythe national. Cependant, il incarne également l’image
d’une souveraineté nationale qui exclut une partie du peuple.
BIBLIOGRAPHIE
-- Michael Braddick, « Réflexions sur l’État en Angleterre (xvie-xviie siècles) », Histoire, économie
& société 2005/1 (24e année), p. 29-50.
-- Jean Carpentier, François Lebrun, Histoire de l’Europe, Le Seuil, réed. 2014.
-- Bernard Cottret, La Glorieuse Révolution d’Angleterre, Éditions Gallimard, coll. « Folio Histoire »,
2013.
-- Roxanne Dunbar-Ortiz, Contre-Histoire des États-Unis, Wildproject, 2018.
-- Stéphane Jettot, François-Joseph Ruggiu, L’Angleterre à l’époque moderne, Des Tudors aux
derniers Stuarts, Armand Colin, 2017.
-- Liliane Kerjan, George Washington, Armand Colin, 2015.
-- Stéphane Lebecq (dir.), Histoire des îles britanniques, PUF, 2e édition, 2013.
-- Sophie Loussouarn « L’évolution de la sociabilité à Londres au xviiie siècle : des coffee-houses
aux clubs », Bulletin de la société d’études anglo-américaines des xviie et xviiie siècles, n°42, 1996.
-- Steve Pinctus, « La Révolution anglaise de 1688 : économie politique et transformation
radicale », Revue d’histoire moderne & contemporaine 2011/1 (n° 58-1), p. 7-52.
-- Jacques Portes, Histoire des États-Unis de 1776 à nos jours, Armand Colin, 2017.
III. Corrigés
68
2. Le groupe social qui joue un rôle important en roi Henri VIII comme diplomate, ministre et chan-
Angleterre est celui de la bourgeoisie marchande celier de 1529 à 1532. C’est à cette époque qu’il
implanté dans les grands ports du royaume. Ce réclame la supériorité du Parlement en matière
groupe peut être considéré alors comme apparte- religieuse au détriment du roi. Cette réflexion
nant à une élite urbaine qui a fait fortune dans le l’invite alors à proposer un projet politique fondé
grand commerce. sur un idéal humaniste : l’Utopie. Ce projet tend à
3. Le modèle anglais qui s’est déjà diffusé en forger un modèle parfait de vie en société carac-
Europe s’étend également en Amérique du Nord, et térisé par l’égalité entre tous, la séparation des
plus particulièrement dans les Treize colonies que pouvoirs, l’effort au service du bien commun et de
contrôle la couronne britannique. l’émancipation personnelle et le pacifisme. Dans
ce projet, le principe du respect de la loi est placé
ÉTUDE Thomas More, aux origines au-dessus de tout et doit être l’outil permettant de
gouverner avec tempérance.
de la monarchie tempérée p. 186 Ces idées novatrices sont à l’origine de l’arresta-
tion pour trahison et de la condamnation à mort de
Savoir Thomas More en 1535.
1. Nous pouvons distinguer deux sources d’in-
fluence principales chez Thomas More : Vers le bac
– l’une liée à l’héritage politique même de son 4. Pour montrer que la couverture d’Utopie est une
pays : la Magna Carta, texte de loi de 1215 qui fixe représentation explicite de l’Angleterre, l’élève est
les bases d’un régime parlementaire et les princi- invité à construire son développement autour de
pales libertés individuelles des sujets du roi ; trois principales caractéristiques :
– l’autre liée à l’histoire culturelle de l’Europe avec – le territoire insulaire ;
le poids du courant humaniste, et en particulier – une ville importante à proximité d’un fleuve qui
Érasme.
renvoie à Londres et la Tamise ;
– une ouverture sur l’extérieur et la présence d’im-
Analyser
posants navires qui évoquent le commerce anglais
2. Les principes que prône Thomas More afin d’or- et son rayonnement, d’abord en Europe, puis dans
ganiser la vie en société reposent principalement le monde.
sur l’égalité garantie par des institutions, un mode
de gouvernement dont les pouvoirs sont séparés.
À cela s’ajoute l’effort au service du bien commun
afin d’assurer le bien-être personnel, fondé essen-
ÉTUDE Aphra Behn, un regard
tiellement sur l’acquisition de savoirs. Enfin, le d’écrivaine sur la monarchie p. 187
pacifisme, même si chacun doit être en mesure de
s’engager pour la défense du territoire dans lequel Situer dans le temps et dans l’espace
il vit mais aussi contre toute forme de tyrannie.
L’ensemble de ces principes ne peut être réalisé 1. Le règne de Charles II est marqué par une période
que si celui du respect de la loi est placé au-dessus troublée. En effet, ce roi arrive sur le trône à l’is-
de tout. sue d’une guerre civile née des tentatives absolu-
tistes de ses prédécesseurs. Avant sa montée sur
Argumenter le trône, la guerre civile a été remportée par l’ar-
mée du Parlement créée par Olivier Cromwell, petit
3. Thomas More interroge le système politique
seigneur devenu le chef de file de la contestation
anglais dès le début du xvie siècle. Attaché à l’hé-
anti-absolutiste, qui a condamné à mort Charles Ier.
ritage politique même de son pays, notamment
Cependant, Cromwell instaure progressivement un
à la Magna Carta (texte de loi de 1215 qui fixe les
régime d’austérité et une dictature républicaine
bases d’un régime parlementaire et les princi-
de type militaire. C’est donc à sa mort en 1658
pales libertés individuelles des sujets du roi), et
influencé par l’histoire culturelle de l’Europe et le qu’un nouveau Parlement favorise le retour à la
poids du courant humaniste, Érasme en particu- monarchie avec Charles II.
lier, le philosophe s’inquiète très tôt des possibles 2. D’après le document 2, le Suriname est une colo-
dérives d’une monarchie de droit divin. En effet, nie britannique d’Amérique du Sud développée à
son parcours l’incite à craindre le retour d’une partir de l’exploitation d’une main-d’œuvre esclave,
forme d’arbitraire royal en Angleterre. Juriste de originaire d’Afrique, et issue du commerce triangu-
formation, Thomas More s’est imposé à la cour du laire.
70
3. Le travail peut s’effectuer ici sous forme de ÉTUDE L’ascension de la bourgeoisie
tableau pour mettre les deux textes et leurs idées
anglaise p. 192-193
en miroir.
Texte de John Locke Bill of Rigths Repérer
Pouvoir législatif Parlement 1. La bourgeoisie dispose essentiellement de deux
issu de la volonté considéré comme la types d’atouts :
populaire. représentation pleine et – des atouts économiques et financiers qui se
libre de la Nation. résument par sa richesse. Celle-ci se concentre
tout particulièrement dans la City de Londres et,
Autorité et pouvoirs Le prétendu pouvoir
conférés par de l’autorité royale de
plus spécifiquement, à la Royal Exchange, lieu où
le peuple. suspendre les lois ou s’échangent les produits financiers. De plus, la City
l’exécution des lois sans s’impose comme un vaste marché avec la présence
le consentement du de près de 200 boutiques sur plus de 4000 m² ;
Parlement est illégal. – des atouts politiques puisque la bourgeoisie est
un groupe social sur lequel s’appuient les candi-
La Loi commune Pour remédier à dats aux élections soucieux d’accéder à des fonc-
est supérieure au tous griefs et pour tions politiques et au pouvoir.
pouvoir exécutif. l’amendement,
l’affermissement et Contextualiser
l’observation des lois,
le Parlement devra être 2. « Elles étaient conduites par des rois qui ne pou-
fréquemment réuni. vaient errer, parce que leur pouvoir était sagement
borné par les lois. »
L’ensemble des Articles 4 à 8. Ce passage renvoie au régime de monarchie tem-
décisions est soumis pérée qui est une monarchie dans laquelle les pou-
au Parlement, issu de voirs du souverain sont limités par l’existence d’une
la volonté populaire.
assemblée représentative, un Parlement, et la
garantie de droits fondamentaux. Ce régime s’im-
Analyser pose au xviie siècle en Angleterre, grâce à l’action
du Parlement qui a œuvré pour le refus définitif de
4. L’Habeas Corpus souhaite mettre un terme à l’ar- la monarchie absolue, tentée à deux reprises sous
bitraire royal, principalement dans la pratique de la Charles Ier (1625-1649) et Jacques II (1685-1688),
justice, afin d’interdire les arrestations sommaires. après la Glorieuse Révolution.
5. Les deux textes de lois anglais sont à l’origine
de la garantie des droits fondamentaux au sein du Analyser
royaume. Ils déterminent ainsi les libertés indi-
3. L’auteur assimile le fonctionnement de la société
viduelles et collectives, tout en fixant une nou-
anglaise à une ruche et au travail des abeilles afin
velle Constitution pour la pratique du pouvoir. Ils
de rappeler comment les philosophes anglais ont
marquent donc un tournant à la fois pour la for-
mis en avant l’importance de l’engagement de la
mation d’une nouvelle société (fondée sur des nation tout entière au service du bien commun. Par
principes d’égalité et de libertés) et d’un nouveau l’image de la ruche, Bernard de Mandeville illustre
régime politique (fondé sur l’idéal de tempérance le principe de la politeness, terme anglais désignant
et de séparation des pouvoirs). L’Angleterre entre le modèle culturel anglais fondé sur un mélange de
alors dans l’ère de la monarchie tempérée protec- savoir-vivre et de savoirs professionnels destinés à
trice des droits fondamentaux. protéger le bien commun au profit de la nation.
4. Dans Les Délices de l’Angleterre et de l’Irlande,
Vers le bac
James Beeverell écrit « qu’il se trouve des mar-
6. Il s’agit de construire ici un paragraphe repre- chands dans Londres, plus riches et plus puissants
nant la structure de la deuxième réponse avec un que des princes souverains d’Allemagne et d’Ita-
premier argument qui insiste sur les tentatives lie ». Le statut social de cette bourgeoisie mar-
absolutistes (voir Cours p. 184), puis un second qui chande, composée de riches négociants, lui offre
montre le passage vers une monarchie tempérée un rôle essentiel dans le système politique anglais
en évoquant à la fois le rôle croissant du Parlement puisque la bourgeoisie devient l’enjeu majeur des
et l’adoption de deux textes fondateurs, inspirés candidats qui doivent compter sur son soutien lors
des philosophes anglais. des élections.
Le modèle anglais
72
Analyser un texte qui puisse convenir aux différents États
(doc. 3). Le troisième paragraphe pourrait étudier
2. Les principaux pouvoirs du président repérables
la construction du mythe par une analyse critique
sont : durée de mandat de quatre ans pour être
des deux documents, qui sont des mises en scène
le commandant en chef des armées, nommer les
rétrospectives.
ambassadeurs, les ministres, consuls et juges de
la Cour suprême.
3. La mythification de Washington est d’abord ren- ÉTUDE Les limites de la démocratie
due possible par la date du document postérieure
(1851) aux événements relatés (1776) et donc à américaine p. 200
l’anachronisme de la présence du drapeau (1777). Il
s’agit de signifier rétrospectivement son rôle dans Identifier
la naissance de l’État-nation américain. D’autres 1. À la fin du xviiie siècle (1790), les esclaves repré-
éléments de la composition renforcent ce rôle cen- sentent près de 20 % de la population américaine.
tral : la position justement centrale de Washington
2. Il y a un net contraste entre les États du Sud (35 %
dans le tableau, sa posture debout, un pied en avant
d’esclaves dans la population totale) et les États du
comme s’il allait débarquer (ce qui est fortement
Nord (moins de 5 %). Cet écart ira en grandissant
improbable vu l’embarcation et les conditions de la au xixe siècle, même si la part moyenne dans le pays
traversée), son regard fixé vers l’autre berge où va se réduit.
se dérouler la bataille, la lueur du soleil au-dessus
de lui dans un ciel globalement ténébreux. Analyser
4. Washington se trouve debout sur une estrade, le
3. Dans ce tableau, la distinction entre personnages
texte de la Constitution ouvert, dans ses mains. Il le
blancs (Washington et les jeunes enfants) et noirs
montre à l’ensemble des délégués. Certains lui font
se traduit par le fait que les personnes de couleur
face debout et les autres sont assis tout autour de
sont toutes en activité ou du moins ont des attributs
lui. On repère quelques personnages qui discutent,
de travailleur (outils divers de l’agriculture). Il s’agit
mais la majorité d’entre eux se montre dans une
d’esclaves dont le rôle est de travailler dans les
attitude grave, une posture d’écoute (on peut ima-
plantations. On assiste ici à une scène de récolte
giner que Washington s’exprime dans un discours
où Washington semble donner ses consignes à un
solennel de présentation de la constitution).
contremaître.
Employer les notions et le lexique 4. Jefferson témoigne des mentalités de l’époque,
y compris chez les partisans de l’abolition. Il est
5. Les phrases qui témoignent du souci d’unité de la persuadé de différences fortes (voire d’inégalités)
nation sont omniprésentes. On peut citer : « L’unité entre populations blanche et noire. Ainsi, il les
du gouvernement qui fait de vous un seul peuple », décrit comme « inférieurs » en ce qui concerne la
« votre bonheur individuel dépend de l’union qui raison et incapables « de tracer ou comprendre les
vous constitue en nation », « le nom d’Américain, recherches d’Euclide ». Il se montre du coup non
qui est pour vous le nom national », « à de très favorable à la mixité entre les deux populations.
faibles différences près, vous avez la même reli-
gion, les mêmes coutumes, les mêmes mœurs, les Vers le bac
mêmes principes politiques. Vous avez combattu et
5. Le modèle républicain américain, nourri par les
triomphé ensemble pour la même cause ».
principes des Lumières (droits naturels notam-
Vers le bac ment), ne les applique pas à toutes les populations.
Ainsi, un cinquième des habitants des États-Unis a
6. On peut imaginer une réponse qui comporte un statut d’esclaves qui les prive de liberté et en fait
trois paragraphes. Le premier porterait sur le une main-d’œuvre servile exploitée dans les planta-
rôle militaire de Washington dans la révolution tions. Cette situation d’inégalité de statut juridique
américaine et sa libération de la tutelle anglaise. (absence de liberté mais aussi de droits civiques,
Il a commandé les troupes qui se sont opposées de vote…) est encore plus manifeste dans les États
aux Anglais et a remporté des victoires décisives du sud du pays où les plantations (coton, canne à
comme celles de Trenton (doc. 2) pour donner sucre…) sont nombreuses. Cette inégalité en droit
sa souveraineté à la nation américaine. Le deu- est nourrie par les mentalités et les convictions que
xième paragraphe présenterait l’homme politique les Noirs sont inférieurs intellectuellement et ont
devenu premier président des États-Unis nouvel- des singularités physiques qui les distinguent des
lement indépendants et qui a œuvré pour favoriser populations blanches. Il faudra attendre près d’un
74
Confronter deux documents Histoire & Légende
1. Jacques I justifie l’importance de la monarchie
er
1. Les éléments qui manquent sont les preuves
absolue de droit divin avec un monarque qui historiques crédibles : lettres, agenda, acte de
concentre tous les pouvoirs car il représente à la vente, compte rendu. L’histoire ne se base que sur
fois Dieu sur terre, le père du peuple et aussi la tête un témoignage de la famille de Betsy Ross (qui
du corps social. n’est donc pas neutre). La seule certitude est que
2. L’exécution de Charles Ier en 1649. Fin des ten- Betsy Ross a bien fabriqué des drapeaux mais il
tatives absolutistes en Angleterre sous l’action du est impossible de dire si elle en est la première
Parlement. conceptrice.
3. Ces deux documents montrent le passage 2. La dimension mythique est visible à la compo-
d’un pouvoir monarchique absolu vers un pouvoir sition du tableau qui laisse à penser à une mise
monarchique limité dans le cadre d’une monarchie en scène bien ordonnée. Betsy Ross montrant le
tempérée. drapeau à la lumière de la fenêtre par laquelle
pénètrent des rayons de soleil. Le drapeau semble
avoir été finalisé juste avant. Face à Betsy Ross, on
Utiliser les notions et le lexique acquis
voit Washington qui paraît lui donner des consignes
1. Les hommes remettent à la société les droits de fabrication.
naturels d’égalité et de liberté afin que ces derniers 3. On peut citer les deux autres tableaux suivants :
soient garantis par la loi et ainsi applicables à tous, – Percy Moran, The Birth of Old Glory, 1917, Biblio-
par tous et pour tous. L’objectif est de maintenir un thèque du Congrès ;
équilibre entre droits individuels et droits collectifs – Jean Leon Gerome Ferris (1863-1930), Betsy Ross,
capable d’assurer le bien commun. 1777, collection particulière.
2. Le but de cette organisation politique est de pro-
poser des lois au nom de la nation souveraine. C’est
donc l’idéal d’une société dans laquelle les droits MÉTHODE VERS LE BAC p. 207
fondamentaux sont défendus par une participation
du peuple au pouvoir par l’intermédiaire de repré-
sentants choisis. Analyser deux documents
3. Cette organisation est incompatible avec un pou-
iconographiques
voir autoritaire car elle repose sur la logique de
Sujet 2 : Analysez les deux gravures pour
séparation des pouvoirs, seule capable d’assurer
montrer l’importance des lieux de sociabilité et
l’équité devant la loi, également et librement for-
la diversité des acteurs dans le développement
gée.
de l’Enlightenment aux xviie et xviiie siècles siècle.
4. Les réflexions de John Locke permettent de fixer
les grands axes d’un idéal politique démocratique Étape 1. Analyser la consigne
et républicain qui sont à l’origine non seulement
des motivations des révolutionnaires américains Notion clé : Enlightenment.
mais aussi de l’élaboration de leur Constitution. Acteurs : philosophes, scientifiques, élites urbaines…
Lieux de sociabilité : espace de rencontre et
Procéder à l’analyse critique d’un document d’échanges comme les salons, la Royal Society, les
coffee-houses en Angleterre.
1. ➀ Les patriotes
➁ Un loyaliste victime du supplice du goudron et Dates : xviie et xviiie siècles (période durant laquelle
des plumes s’affirme et se diffuse le modèle britannique).
➂ Référence au Stamp act, taxe que Londres a voulu
imposer aux colons américains Étape 2. Analyser les documents
➃ Référence au Boston Tea Party de 1773 : le thé Deux documents de même nature : peinture,
anglais que les colons devaient acheter de façon la première contemporaine des événements, la
obligatoire est déversé dans la mer. seconde, postérieure.
2. On peut parler de guerre civile dans la mesure Deux documents complémentaires montrant
où la violence s’exerce entre colons américains : chacun un lieu de sociabilité et des acteurs spéci-
les patriotes aspirent à l’indépendance et les loya- fiques :
listes veulent rester fidèles à la Couronne anglaise – Doc. 1 : coffee-house et bourgeoisie londonienne
et demeurer sous sa tutelle. – Doc. 2 : salon ou club littéraire et intellectuel
76
l’importance de la séparation des pouvoirs comme tuelle avec notamment la Royal Society, apparue en
principe de gouvernement essentiel au bien com- 1660. Elle regroupe de nombreux scientifiques, tel
mun. Ces discours philosophiques contribuent qu’Isaac Newton (1642-1727), adeptes de la nou-
largement à l’émergence d’un sentiment révolu- velle philosophie à l’origine du pragmatisme qui
tionnaire au moment où les souverains anglais contribue à la réussite du modèle anglais, aussi
tentent de réaffirmer leur pouvoir arbitraire. appelé Enlightenment. Les philosophes et scienti-
Le xviie siècle est de fait une période troublée pour fiques anglais gagnent une réputation considérable
le royaume anglais puisqu’il s’ouvre avec la dynas- et leurs savoirs se diffusent par le biais des multi-
tie des Stuart, soucieuse de consolider leur auto- ples traductions. On dénombre ainsi plus de quinze
rité. Jacques Ier (règne 1603-1625), puis Charles Ier éditions au xviiie siècle du Traité du Gouvernement
(règne 1625-1649) confisquent pour cela l’essen- civil de John Locke (1690).
tiel des pouvoirs exécutifs et législatifs en met- L’Enlightenment favorise donc la diffusion du libé-
tant entre parenthèses le Parlement. Une guerre ralisme qui met en avant l’individu, acteur de sa
civile se déclenche et est rapidement gagnée par réussite mais au service du bien commun. Bernard
l’armée parlementaire sous les ordres d’Olivier de Mandeville compare ainsi la société anglaise au
Cromwell. Charles Ier est condamné à mort. Après fonctionnement d’une ruche. Chaque membre s’y
une période d’accalmie, les tensions reprennent active pour faire fructifier l’essaim. De nouvelles
lors du mariage de Jacques II avec une catholique. élites se distinguent cependant. Dans les cam-
Le Parlement, craignant une alliance avec les sou- pagnes, la gentry (les chevaliers au mode de vie
verains absolutistes sur le continent voisins, en proche de celui de la noblesse grâce à des revenus
appelle à Guillaume III, roi hollandais protestant. confortables issus de leur propriété foncière) voit
En 1688, il débarque avec son armée et met fin son rôle et son influence s’accentuer. Mais ce sont
au règne de Jacques II. C’est la « Glorieuse Révo- les villes, en plein essor, qui connaissent l’affir-
lution » à l’origine d’un nouvel idéal de gouverne- mation majeure d’une nouvelle élite : la bourgeoi-
ment : la monarchie tempérée. Les pouvoirs des sie marchande. À la fin du xviie siècle, le royaume
souverains anglais sont désormais définitivement compte 2 000 grands négociants, 8 000 négociants
limités par le Parlement, où siègent les représen- intermédiaires et près de 10 000 vendeurs de détail.
tants du peuple, répartis entre Chambre des lords Ces négociants forment le groupe des gentlemen,
et Chambre des communes. élite urbaine financière et politique, nourrie des
Ces mouvements révolutionnaires sont également idées des philosophes libéraux et attachée aux
l’occasion de consolider les droits fondamentaux. droits fondamentaux. Ils se distinguent par leur
En 1679, l’Habeas Corpus est le premier texte de culture de la politeness, mélange de savoir-vivre
lois rédigé par le Parlement qui limite l’arbitraire et de savoirs professionnels (maritime, droit, com-
royal en établissant une justice impartiale. Désor- merce) au service de la nation toute entière.
mais, les arrestations sommaires sont interdites. Aussi, cette émulation sociale permet-elle à l’Angle-
En 1689, le Bill of Rights délimite les libertés indivi- terre de connaître un important essor économique
duelles et collectives dans la société anglaise tout dont le rayonnement dépasse les dimensions euro-
en fixant une nouvelle constitution pour le royaume. péennes. Londres, capitale culturelle, devient le
La loi est placée au-dessus du roi, le Parlement centre de la vie économique, en plus d’être le siège
détient la réalité du pouvoir et les libertés fonda- des principales institutions politiques et finan-
mentales (expression, pétition, vote…) sont définiti- cières du royaume. Ville en pleine croissance, la
vement instaurées. City compte 550 000 habitants en 1700 et 810 000 en
Le modèle politique anglais caractérisé par la sépa- 1800. Les négociants s’y activent et se regroupent
ration des pouvoirs et par la garantie législative du dans les grandes compagnies de commerce telles
respect des libertés fondamentales est à l’origine que la New East India Company. Près de 850 mar-
d’une philosophie libérale qui se diffuse en Europe. chands sont dénombrés en 1692, et le nombre de
Si l’Angleterre se pose en modèle politique pour sociétés de commerce passe de plus de 1 042 en
l’Europe, ses transformations intellectuelles et 1763 à 1 225 vers 1790. Les marchands les plus
sociales sont également source d’inspiration sur puissants continuent de s’installer dans le cœur
le continent, à l’image de Voltaire qui publie ses urbain. Les coffee-houses se multiplient, permet-
Lettres anglaises (ou Lettres philosophiques) en 1734. tant aux entrepreneurs, marchands et banquiers
Le xviie siècle est en effet synonyme de bouillonne- d’échanger et de conclure des affaires en toute
ment culturel porté par la croissance des villes et convivialité. Dès lors, et tout au long du xviiie siècle,
de leurs lieux de sociabilité, la fin de la censure et l’Angleterre affirme sa vocation de pilier du com-
la multiplication des échanges au sein de toute la merce mondial et son modèle original explique lar-
société. Londres devient le centre de la vie intellec- gement le développement de sa puissance.
Rois tempérés
Essaim d’abeilles =
société anglaise
Activités au service
Attitude industrieuse
du bien commun
La Fable des abeilles est donc une allégorie du principe de la politeness anglaise.
78
CHAPITRE 7 L es Lumières et le développement des sciences
(xviie-xviiie siècles) Manuel p. 212-243
Comment expliquer l’essor des sciences et des techniques dans l’Europe des xviie
et xviiie siècles ?
I. Introduction
La question des sciences aux xviie et xviiie siècles a donné lieu à des débats historiographiques autour
du concept de « révolution scientifique ». Ce concept a été introduit par Alexandre Koyré dans les
années 1930. Il fait du xviie siècle un moment de rupture majeur dans l’histoire des sciences, idée que
semble reprendre le programme par son découpage chronologique (alors que le programme de 2010
englobait le xvie siècle). Cette rupture se caractériserait par l’idée que le monde est régi par des lois
d’ordre mathématique que le recours à l’expérience permet de valider. Elle serait incarnée par des
savants comme Francis Bacon, Galilée ou Isaac Newton.
Cependant, cette vision a été relativisée par la mise en évidence des continuités entre le xviie siècle
et les périodes qui le précèdent, la Renaissance, mais aussi le Moyen Âge. Ainsi, pour de nombreux
savants, leurs pratiques scientifiques restent-elles subordonnées à leur foi chrétienne. C’est le cas
de Newton qui affirme que seule l’intervention d’un « être tout-puissant et intelligent » explique la
subtilité des réglages cosmiques. Surtout, la perspective d’une évolution linéaire des progrès des
sciences a été battue en brèche au profit de la prise en compte des rythmes asynchrones des évolu-
tions scientifiques. Ce n’est ainsi que dans les années 1770-1780 que la chimie connaît une révolution,
notamment avec les travaux d’Antoine Lavoisier, qui adopte une nouvelle conception des éléments
constituant la matière.
Néanmoins, malgré ces nuances, des transformations majeures ont bien lieu aux xviie et xviiie siècles.
Tout d’abord, le régime d’administration de la preuve est bouleversé, puisque l’exégèse des textes
anciens, fondement de la scolastique médiévale, recule face à un rationalisme empirique appuyé sur
l’expérimentation. Ainsi, lorsque, dans les années 1660, Robert Boyle cherche à démontrer l’existence
du vide, il s’appuie sur des expérimentations menées à partir d’une pompe à air qu’il a mise au point
avec son assistant Robert Hooke. Ensuite, sur le plan sociologique, l’Église et les universités perdent
leur monopole savant au profit de nouvelles institutions comme les académies, dont la création entre
souvent dans le cadre d’une politique de prestige des États européens.
Le programme articule également les évolutions scientifiques et techniques. Or, si pendant long-
temps les techniques ont été définies comme des « sciences appliquées », l’historiographie récente
a remis en cause cette subordination de l’histoire des techniques à celle des sciences. D’abord, elle a
réinscrit les évolutions scientifiques dans leur dimension matérielle, montrant l’impact de l’état des
techniques (instruments, dispositifs, gestes, savoir-faire) dans la recherche et l’expérimentation. Par
exemple, Galilée lui-même insiste sur l’importance de lieux comme l’arsenal de Venise où les arti-
sans mettent au point des procédés techniques qui aident à la compréhension de certains faits par les
savants. Symétriquement, l’historiographie a mis au jour l’autonomie des techniques et la capacité
d’abstraction des techniciens à travers le concept d’« intelligence technique » (Hélène Vérin). Dotés
d’une rationalité spécifique, les ingénieurs sont ainsi capables de formaliser et de diffuser leur savoir,
comme le montre l’exemple de Jean-Rodophe Perronet.
De façon générale, l’étude du rôle des acteurs dans l’histoire des sciences et des techniques a été
renouvelée par les historiens qui refusent désormais de s’intéresser aux seuls « génies » pour se
pencher sur le rôle des innombrables individus, souvent anonymes, qui ont contribué aux évolutions
scientifiques et techniques. La place des femmes y est essentielle bien que souvent invisible, en par-
ticulier dans les laboratoires ou les ateliers. Dans le domaine scientifique, les historiens ont montré
au sujet d’Émilie du Châtelet ou Marie-Anne Lavoisier la contradiction entre les compétences qu’elles
ont acquises en la matière et leur exclusion de la quasi-totalité des lieux de savoir officiel.
Les chercheurs s’intéressent également aux inscriptions spatiales de ces évolutions à différentes
échelles, du fonctionnement concret des laboratoires au rôle des villes-monde dans l’essor des savoirs
80
réfléchir les élèves sur la construction par genre des rôles sociaux, notamment à travers les attaques
qu’Émilie du Châtelet a subies en tant que femme.
La troisième double page de cours se penche spécifiquement sur la question des techniques. Elle
étudie l’autonomie des techniques par rapport aux sciences à partir du concept d’intelligence tech-
nique. Elle montre aussi comment la multiplication des innovations techniques au xviiie siècle favorise
la mutation du système technique qui s’épanouira au xixe siècle.
Le point de passage et d’ouverture sur la machine à vapeur met en lumière les processus d’invention
et d’innovation en montrant que, loin du stéréotype de l’inventeur génial isolé, il s’agit de processus de
longue durée intégrant de nombreux acteurs et s’inscrivant dans des contextes économique, politique,
culturel, juridique… essentiels à saisir.
L’étude sur les physiocrates montre un exemple d’extension de l’esprit scientifique à de nouveaux
domaines, ici l’économie et l’agronomie. Néanmoins, si les physiocrates sont parfois considérés
aujourd’hui comme les pères de la science économique, il faut rappeler qu’ils ont été critiqués de
leur temps par d’autres économistes pour leurs prétentions à la théorisation (et les conséquences
pratiques qu’elles ont eues à travers certaines réformes sur le commerce des grains) au détriment
d’une approche plus pragmatique.
L’étude sur Jean-Rodolphe Perronet donne un exemple concret d’ingénieur au xviiie siècle qui
démontre comment l’intelligence technique s’inscrit dans une visée à la fois théorique et pratique.
Elle permet également d’illustrer la volonté d’institutionnalisation et de diffusion de ces savoirs, par
exemple à travers la création d’écoles comme celle des ponts et chaussées.
BIBLIOGRAPHIE
-- Benjamin Deruelle, Camille Blachère, Aurélien Ruellet, Pierre Teissier, Sciences, techniques,
pouvoirs et sociétés 1500-1789, Atlande, « Clefs concours », 2016.
-- Audrey Millet, Sébastien Pautet, Sciences et techniques, 1500-1789. Documents, Atlande, « Clefs
concours », 2016.
Deux manuels sortis pour une question au concours du CAPES. Le premier propose une approche
synthétique des enjeux du chapitre. Le second est un recueil de documents très riche.
-- Dominique Pestre (dir.), Histoire des sciences et des savoirs, t. 1, Stéphane Van Damme (dir.),
De la Renaissance aux Lumières, Le Seuil, 2015.
-- Liliane Hilaire-Pérez, Fabien Simon et Marie Thébaud-Sorger (dir.), L’Europe des sciences
et des techniques. Un dialogue des savoirs, XVe-XVIIIe siècle, Rennes, Presses Universitaires
de Rennes, 2016.
Deux ouvrages collectifs récents qui permettent d’approfondir tel ou tel point du chapitre selon
des approches historiographies renouvelées.
-- Stéphane Van Damme, Sciences en société. De la Renaissance à nos jours, Documentation
photographique, La Documentation française, n°8115, janvier-février 2017.
Un numéro de la Documentation photographique qui propose une approche conceptuelle des enjeux
de l’histoire des sciences ainsi que des documents commentés. La perspective chronologique est
beaucoup plus large que celle du chapitre.
-- « Newton, les Lumières et la révolution scientifique », L’Histoire, n°418, décembre 2015.
-- « L’affaire Galilée », L’Histoire, n°440, octobre 2017.
Deux numéros récents de la revue L’Histoire. On y trouvera des articles proposant une approche critique
quant aux représentations traditionnelles de ces deux figures majeures de l’histoire des sciences
aux xviie et xviiie siècle.
-- « Exposition virtuelle – Les sciences à Versailles », site du château de Versailles [En ligne]
http://www.chateauversailles.fr/actualites/vie-domaine/sciences-versailles
Des ressources iconographiques abondantes classées par thèmes : sciences et pouvoir, l’astronomie,
la géographie, l’ingénierie hydraulique, botanique et zoologie, médecine et chirurgie, la science spectacle,
la mécanique.
Se repérer
CARTES p. 216-217
1. La grande nouveauté introduite par Galilée dans
1. Au xvii siècle, les espaces marqués par la pré-
e le domaine de l’astronomie est l’invention de la
sence de lieux scientifiques institutionnels (uni- lunette astronomique. Grâce à cet instrument, l’ob-
versités, académies, observatoires) sont localisés servation régulière et systématique du ciel s’im-
dans une aire qui va de la Grande-Bretagne au nord pose comme la démarche scientifique privilégiée
à l’Italie septentrionale au sud et de Paris à l’ouest dans ce domaine. Elle permet à Galilée de confir-
à Leipzig et Vienne à l’est. Cette géographie corres- mer la théorie de l’héliocentrisme formulée de
pondait déjà peu ou prou à l’espace dessiné par les façon mathématique par Copernic vers 1513.
correspondances d’Érasme au début du xvie siècle.
Le xviie siècle connaît avant tout une densification Argumenter
des lieux de savoir dans ce même espace, mais 2. La figure de Galilée permet de montrer que les
aussi un processus de diffusion vers des zones plus relations entre sciences et techniques ne peuvent
périphériques : la péninsule ibérique au sud ou la se réduire à la subordination des secondes aux
Scandinavie au nord. Néanmoins, les savants pré- premières en tant que « sciences appliquées ». En
sents dans les territoires baltes, en Pologne ou en effet, les avancées scientifiques sont également
Hongrie se plaignent tous d’être « au désert ». dépendantes des conditions techniques de leur
2. Les espaces européens où s’exerce l’influence époque, comme le montre l’importance de l’inven-
scientifique de la France s’inscrivent dans un tion de la lunette dans le domaine de l’astronomie.
triangle entre Londres, Rome et Berlin, couvrant Par ailleurs, les ateliers sont également des lieux
82
d’expérimentation pratique qui permettent l’avan- lois. Il préconise pour cela une démarche fondée
cée des savoirs, ainsi que le signale Galilée au sujet sur l’observation et l’expérimentation. C’est ainsi
de l’arsenal de Venise dans son Discours sur deux que la mise au point et l’usage de la lunette astro-
sciences nouvelles. nomique lui permettent de découvrir la surface
de la Lune, les taches solaires et les satellites de
Analyser Jupiter et, surtout, de confirmer la théorie de l’hé-
liocentrisme. Ce faisant, il remet en cause la sépa-
3. Galilée est au centre du tableau, assis devant
ration jugée essentielle par l’Église de la Terre et
une table nappée de rouge. Face à lui, sur l’es-
du ciel.
trade, se trouvent les sept cardinaux qui forment
le tribunal de l’Inquisition. En haut à gauche, dans
Vers le bac
la chaire surmontée d’un fronton triangulaire noir,
on identifie Fra Fiorenzuola, le commissaire géné- 6. Au xviie siècle, le financement des sciences fait
ral. Un garde sépare Galilée de ses accusateurs. Le partie d’une politique de prestige des États euro-
public en tribune enserre la scène. Cette mise en péens. L’exemple de Galilée permet de rappeler
scène révèle le caractère tout à fait exceptionnel que cette politique ne passe pas seulement par la
du procès de Galilée. Exceptionnel d’abord par son création de lieux institutionnels comme les acadé-
objet : il s’agit de statuer sur la nature du ciel et de mies, mais aussi par la promotion des savants au
la Terre. Exceptionnel ensuite par sa nature : c’est sein des cours princières. C’est ainsi que Galilée
la première fois que l’on condamne un savant pour fait le choix, en 1610, de passer de la République
ses travaux en tant que « physicien ». Exceptionnel de Venise au grand-duché de Toscane afin de béné-
enfin par le statut social de ses acteurs : celui de ficier de la protection de Cosme II. Il en tire éga-
l’accusé, philosophe du prince, ainsi que celui du lement un nouveau statut professionnel et social :
juge, le pape, l’inquisiteur suprême. celui de « philosophe et mathématicien » officiel du
représentant d’une des dynasties les plus presti-
Faire preuve d’esprit critique gieuses en Europe.
Face à ce rôle moteur des États, l’Église constitue
4. C’est au xixe siècle que le procès de Galilée a
quant à elle un pôle de résistance aux évolutions
acquis une dimension symbolique extraordinaire,
scientifiques, notamment lorsqu’elles sont sus-
devenant l’incarnation de l’affrontement entre
ceptibles de remettre en cause ses dogmes. Pour
l’Église et la science. Cependant, cette construc-
réaffirmer son autorité, l’Église réagit par l’aver-
tion mémorielle ne doit pas occulter que les rela-
tissement, la censure puis, dans les cas les plus
tions entre l’Église et la science au xviiie siècle sont
graves, par des poursuites menées par le tribunal
plus complexes. Si l’historiographie a longtemps
de l’Inquisition. C’est le cas de Galilée, condamné
mis en avant l’incompatibilité de deux conceptions
en 1633 pour sa défense de l’héliocentrisme. Cette
de la vérité, l’une fondée sur l’autorité de la révé-
condamnation s’explique aussi par le refus de
lation religieuse, l’autre sur l’observation, l’expé-
l’Église de mettre en doute l’infaillibilité pontificale,
rience et la mise en équation du monde, certains
dans le contexte de l’essor des mouvements pro-
historiens ont montré depuis les années 1990 que
testants et de la guerre de Trente Ans.
cette vision était réductrice. Ils se penchent, pour
cela, non plus sur les institutions mais sur les indi-
vidus. Ainsi, le théologien et mathématicien Marin ÉTUDE
Mersenne tente-t-il de concilier discours religieux
et discours scientifique. Pour lui, la physique gali-
L’Encyclopédie (1751-1772) p. 224-225
léenne constitue une voie de la contemplation de
l’œuvre de Dieu et même un moyen de confirmer Analyser
les récits des Saintes Écritures. De leur côté, de 1. L’extrait du discours préliminaire rédigé par
nombreux savants estiment que leurs travaux ne d’Alembert permet de rappeler que la démarche des
sont pas incompatibles avec la foi, à l’image de auteurs de l’Encyclopédie est collective puisqu’elle
Robert Boyle ou Isaac Newton. amène des dizaines de personnes à travailler à
la réalisation d’un même ouvrage. Cela s’inscrit
Argumenter en histoire et s’exprimer dans un contexte où les progrès scientifiques au
5. Galilée constitue, avec Robert Boyle ou Isaac xviiie siècle ont entraîné la fin de l’idéal humaniste
Newton, une des figures symboliques de la rupture du savoir universel au profit d’un processus de spé-
scientifique au xviie siècle. Il considère en effet que cialisation disciplinaire.
le monde est écrit dans une langue mathématique 2. La place accordée aux planches (11 volumes sur
qu’il est donc possible de formuler sous forme de 28) résulte de la volonté de Diderot et d’Alembert de
84
humaniste du savoir universel. Par exemple, dans représentée par un certain nombre d’objets asso-
le domaine du vivant, botanique, géologie et zoolo- ciés à son activité de scientifique (sphère astrono-
gie constituent désormais des disciplines séparées. mique, compas, cahier de géométrie). Les parures,
D’Alembert en tire ensuite la conséquence pratique d’autre part, que rappellent ici la robe élégante,
pour la rédaction de l’Encyclopédie : « Nous avons les nœuds, les dentelles, les bijoux, la coiffure très
inséré de là que pour soutenir un poids aussi grand apprêtée. Cette double passion lui valut le surnom
que celui que nous avions à porter, il était néces- de « Madame pompon Newton ».
saire de le partager ; et sur-le-champ nous avons
jeté les yeux sur un nombre suffisant de Savants Mettre en relation
et d’Artistes habiles et connus par leurs talents. »
3. Émilie du Châtelet est représentée de façon allé-
En effet, Diderot et d’Alembert font appel à plus
gorique comme la muse de Voltaire. Celui-ci est en
de 160 auteurs dans l’Europe entière, considérés
train d’écrire son livre Éléments de la philosophie
comme des spécialistes (le chirurgien Antoine
de Newton dont le frontispice est l’illustration. Il a
Louis, le naturaliste Buffon, etc.), ainsi qu’à des
à ses pieds les objets symboliques de la science
praticiens dans les ateliers pour les articles sur les
newtonienne : des livres, un globe terrestre, des
techniques et les métiers.
équerres, un compas, un pendule pour mesurer
les angles. Newton, semblant défier les lois de la
POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE gravitation qu’il a lui-même établies, domine sym-
Émilie du Châtelet, femme de science boliquement la scène. Cette représentation est un
hommage rendu par Voltaire à Madame du Châ-
p. 226-227 telet qui lui a permis de comprendre les idées de
Newton, mais qui, malgré ses qualités de femme
Se repérer de science, n’est pas du tout connue du public
1. Émilie du Châtelet constitue un cas exceptionnel comme l’était Voltaire dont la gloire est rappelée
dans l’histoire des femmes d’abord par sa culture par la couronne de lauriers. On notera néanmoins
scientifique : qu’Émilie du Châtelet est le seul personnage à ne
– dès son enfance, elle ne reçoit pas une éducation pas être pourvu des attributs de la science, rappe-
classique de jeune fille, mais la même éducation lant l’exclusion des femmes du champ scientifique.
littéraire, artistique et scientifique que ses frères ;
– pour parfaire sa formation, elle sollicite plusieurs Porter un regard critique
savants français parmi les plus réputés de son 4. Dans sa lettre, la marquise du Deffand trace un
temps comme Pierre Louis Moreau de Maupertuis portrait cruel et sarcastique d’Émilie du Châtelet
(doc. 1). fondé sur certains préjugés associés aux femmes.
Elle est également exceptionnelle par sa maîtrise Tout d’abord, elle reproche à Émilie du Châtelet un
des enjeux des théories de Newton et Leibniz : excès « d’ardeur » pour la vie mondaine. C’est un
– elle publie des ouvrages (les Institutions de phy- reproche en partie infondé car Émilie du Châtelet
sique en 1740) et traduit l’ouvrage majeur de n’était pas une vraie mondaine : elle n’a jamais
Newton ; tenu salon ni fréquenté régulièrement l’un d’entre
– elle est capable de soutenir une controverse eux dont elle n’appréciait pas l’étiquette. Surtout,
scientifique avec Dortous de Mairan, secrétaire la marquise du Deffand reproche à Émilie du Châ-
perpétuel de l’Académie des sciences : c’est la pre- telet d’avoir trop cherché à s’élever au-dessus des
mière de l’histoire entre un homme et une femme. autres femmes et, pour cela, de s’être approprié
Elle est enfin exceptionnelle par les quelques des mérites qui n’étaient pas les siens. Elle relaie
marques de reconnaissance institutionnelle de ses ainsi les soupçons quant à ses véritables compé-
compétences scientifiques : tences scientifiques (en particulier sur le fait qu’elle
– lorsqu’elle participe au concours de l’Académie ait elle-même écrit les Institutions de physique)
des sciences, son mémoire est publié en 1744, ce et rappelle qu’elle ne doit sa gloire qu’à ses rela-
qui n’avait jamais été le cas pour une femme ; tions avec les hommes et, en particulier, Voltaire.
– en 1746, elle est élue comme membre de l’Aca- La marquise du Deffand se fait ainsi le porte-voix
démie des sciences de Bologne (Italie), ce qui était des préjugés du xviiie siècle concernant les femmes
impossible en France à cette époque. dont l’exclusion du champ scientifique est justifiée
par un discours dévalorisant. Considérées comme
Analyser différentes, voire inférieures, elles sont reléguées
2. Ce portrait d’Émilie du Châtelet met en scène dans la sphère privée, alors que la science appar-
ses deux passions de jeunesse. L’étude, d’une part, tient à la sphère publique.
86
Mettre en perspective
4.
À l’échelle européenne :
À l’échelle locale :
émergence de nouvelles
modification des paysages
régions industrielles
Vers le bac valeurs qui leur préexistaient : ils sont donc impro-
ductifs. Afin d’accroître la prospérité du royaume, il
5. Pour devenir une véritable innovation, une inven-
faut augmenter la production agricole et donc favo-
tion doit être adoptée, mise en œuvre et diffusée
riser l’enrichissement des fermiers. C’est à ce titre
dans le cadre du marché. Cela nécessite donc un
qu’il prône la liberté de commerce des grains.
cadre juridique garantissant la protection de l’ex-
Cet argumentaire économique se double d’un
ploitation des inventions. Dans le cas de la machine
de Thomas Newcomen, celui-ci a d’abord dû s’en- argumentaire moral qui voit dans l’agriculture un
tendre avec Thomas Savery dont le privilège en modèle de vie saine et vertueuse, là où le com-
Angleterre protégeait toutes les machines utilisant merce et l’industrie sont associés au luxe et à l’oi-
la force du feu. Puis, en 1726, l’ouvrier anglais John siveté. Un point de vue politique émerge ici puisque
May demande à obtenir un privilège exclusif pour l’historien John Shovlin voit dans la critique du luxe,
une machine du même type qu’il a introduite en au long du xviiie siècle français, une dimension de
France. Les commissaires Donsenbray et Réau- plus en plus anti-aristocratique et anti-finance.
mur examinent le fonctionnement de la machine
à Passy, sur demande du secrétaire d’État aux Parcours 2
Affaires étrangères Fleuriau de Morville. Leur 1. L’article 1 est extrait de l’Encyclopédie, dont
compte rendu, très positif, conduit l’administra- l’objectif est de rassembler les connaissances de
tion à bien vouloir accorder le privilège. Mais, ayant l’époque.
reçu des inventeurs une proposition de rédaction
2. François Quesnay estime que seule l’agriculture a
détaillée du privilège, elle demande à l’Académie
une véritable utilité pour la prospérité du royaume,
d’en analyser les différentes clauses, en particulier
au contraire de l’industrie et du commerce qui, à
concernant les termes et la durée du privilège.
ses yeux, ne sont pas des activités productives et
sont socialement néfastes.
ÉTUDE Les physiocrates, fondateurs
3. Nicolas-Bernard Lépicié représente le travail à
de la science économique p. 232 la ferme (alors que beaucoup de ses contempo-
rains comme les frères Le Nain privilégient le quo-
Parcours 1 tidien des paysans). Les personnages s’affairent à
François Quesnay considère que seule l’agriculture des tâches diverses : tirer de l’eau au puits, laver le
est véritablement productive, puisque c’est le seul linge, tisser de l’osier, s’occuper du fourrage. Sur
secteur dont la valeur de la production dépasse les la droite du tableau, une charrette débordante de
coûts ou « avances » (ces dernières incluant les sacs de blé évoque l’abondance des récoltes. À sa
investissements et le profit du fermier). La diffé- manière, Lépicié salue donc l’action des paysans
rence entre les deux constitue le « produit net ». pour la pérennité du royaume.
En revanche, selon Quesnay, le commerce et l’in- 4. Voir les éléments de réponse donnés au Par-
dustrie ne font qu’assembler ou transporter des cours 1.
88
S’approprier un questionnement historique
90
Idée secondaire 1 Transition
Les progrès scientifiques ont longtemps été incar- Les acteurs évoqués jusqu’alors sont tous des
nés par des figures de savants célèbres, présentés hommes ; or certaines femmes ont également joué
comme les « héros » de la révolution scientifique. un rôle important.
Le savant se définit comme un érudit, celui qui sait. Idée secondaire 3
Cette figure du savant connaît des évolutions aux Si les femmes sont exclues des lieux de savoir offi-
xviie et xviiie siècles. Tout d’abord, en raison de l’essor ciels à partir du xviie siècle au nom d’un discours les
des connaissances, la figure du spécialiste rem- reléguant dans l’espace privé, certaines sont néan-
place progressivement celle du savant universel de moins parvenues à jouer un rôle important, soit par
la période de l’humanisme. Ensuite, le parcours de leurs travaux personnels, soit par leur rôle social
ces savants s’inscrit de plus en plus dans le cadre dans la circulation des connaissances. En effet,
d’une « carrière ». Cette évolution est encouragée certaines d’entre elles, comme Madame Geoffrin,
par la création des académies. accueillent dans leurs salons des savants réputés.
Exemple Exemple
L’Italien Galilée est l’incarnation type du savant du Émilie du Châtelet est souvent présentée comme
xviie siècle. Astronome et mécanicien, son nom reste l’exemple type de la femme de sciences. Elle se
attaché à des évolutions scientifiques décisives, en forme aux sciences dès son plus jeune âge, puis
particulier la promotion de la démarche hypothéti- tout au long de sa vie auprès des savants les plus
co-déductive, le recours à l’observation grâce à la réputés de son époque. Elle contribue à la diffusion
lunette astronomique et la formulation de l’héliocen- de la pensée de Newton en France par son travail
trisme. Il a par ailleurs su se construire une carrière de traduction. Enfin, elle produit elle-même des
grâce à ses talents de courtisan, qui lui permettent écrits scientifiques et participe aux controverses de
d’intégrer la cour de Cosme de Médicis. son temps.
Transition Transition
Les scientifiques ne sont pas les seuls acteurs des La tendance à l’héroïsation des savants a long-
progrès scientifiques et techniques car ils ont éga- temps fait oublier un ensemble d’acteurs qui gra-
lement bénéficié du rôle de nombreux techniciens, vitent autour d’eux et dont le rôle a été nécessaire
ingénieurs et artisans. aux progrès scientifiques et techniques aux xviie et
Idée secondaire 2 xviiie siècles.
Les ingénieurs et artisans ont joué un rôle décisif,
longtemps sous-estimé par les historiens. Or les PARTIE 2 : Les « invisibles » et les intermédiaires,
techniciens et les savants se rencontrent dans cer- des acteurs nécessaires aux progrès scientifiques
tains lieux comme les chantiers. Galilée lui-même et techniques aux xviie et xviiie siècles.
rappelle combien la visite de l’arsenal de Venise a Idée générale
été pour lui source d’inspiration. Par ailleurs, le sta- Un grand nombre d’acteurs, de natures différentes,
tut des techniciens est revalorisé grâce à des insti- sans être eux-mêmes directement à l’origine de
tutions privées comme la Royal Society of Arts créée progrès scientifiques et techniques, ont néanmoins
en Angleterre en 1754. Il faut signaler que les ingé- rendu possibles ces derniers.
nieurs se distinguent des artisans par leur capacité Idée secondaire 1
à passer par les mathématiques pour résoudre des Dans l’entourage des savants, on trouve des assis-
problèmes pratiques. Ils connaissent un processus tants et des apprentis dont le rôle est croissant
de professionnalisation, notamment par la création avec l’émergence de nouveaux lieux de production
d’écoles, souvent à l’initiative des États. de savoirs comme les laboratoires. Ce sont des
Exemple « invisibles », dans la mesure où ils ne disposent
Jean-Rodolphe Perronet constitue un exemple d’aucun crédit en tant que producteurs du savoir.
frappant du rôle des ingénieurs dans les progrès La plupart du temps, il est d’ailleurs presque
scientifiques et techniques. Il se spécialise dans la impossible pour les historiens de retrouver leur
construction de ponts (il a par exemple réalisé celui trace. Ajoutons que les femmes sont bien souvent
de la Concorde à Paris) et la création de routes. Il actives comme assistantes dans les laboratoires et
est chargé par le roi de la formation des ingénieurs les ateliers.
des ponts et chaussées et crée l’école du même Exemple
nom en 1747. Il fait l’objet d’une reconnaissance Robert Hooke constitue un exemple atypique de ces
importante puisqu’il est choisi pour faire partie des assistants, dans la mesure où il est finalement par-
rédacteurs de l’Encyclopédie et entre à l’Académie venu à s’émanciper et à laisser un nom dans l’his-
royale des sciences en 1765. toire. Il entre en effet dans l’équipe de Robert Boyle
92
Étape 3. Vérifier son hypothèse et justifier sortes et des artistes qui jusqu’alors assuraient (ou
son interprétation avaient assuré) la prééminence des dynasties et des
puissances concurrentes : en 1666, le roi accorda
Validation ou non des hypothèses
ainsi au Hollandais Christiaan Huygens, spécialiste
1. Non : tous les personnages ont bien été des
notamment d’instruments d’optique, outre un loge-
membres de l’Académie royale des sciences et ils
ment, une gratification de 6 000 livres par an ; trois
sont tout à fait identifiables du fait du soin que le
ans plus tard, il offrit 9 000 livres à l’Italien Jean
peintre a apporté leur portrait.
Dominique Cassini et lui confia la direction de l’Ob-
2. Oui : la création de l’Académie des sciences
correspond pour le roi à la volonté non seule- servatoire. »
Joël Cornette, « Colbert présente à Louis XIV les membres
ment de mettre en scène sa gloire dans un nou- de l’Académie royale des sciences », Histoire par l’image
veau domaine (les sciences) mais aussi d’attirer en [en ligne], http://www.histoire-image.org/fr/etudes/colbert-
France des scientifiques de toute l’Europe à même presente-louis-xiv-membres-academie-royale-sciences.
de faire bénéficier le royaume de leurs savoirs et de
leurs compétences. Parmi les premiers membres
de l’Académie figurent d’ailleurs déjà des savants
étrangers comme Dominique Cassini ou Christian
TRAVAILLER EN HISTOIRE p. 241
Huygens.
3. Non : il ne s’agit pas d’une anticipation, mais Distinguer plagiat et travail personnel
bien d’une scène imaginaire. La première séance
de l’Académie des sciences avait eu lieu le Entraînement : Galilée a-t-il vraiment bouleversé
22 décembre 1666 dans la bibliothèque du roi, rue la science ?
Vivienne à Paris, mais en l’absence de ce dernier. Galilée est resté dans l’histoire comme celui qui
Interprétation a été condamné par l’Église en 1633 pour avoir
En peignant une scène imaginaire où Colbert pré- défendu la thèse de l’héliocentrisme. Mais celle-ci
sente à Louis XIV les membres de la nouvelle Aca- n’est pas véritablement nouvelle puisqu’elle avait
démie royale des sciences, Henri Testelin a surtout déjà été affirmée par Copernic au siècle précédent.
voulu mettre en scène le rôle du roi dans un contexte Mais, ainsi que le rappelle Massimo Buccianti, dans
où les États européens se font concurrence sur le un entretien donné à la revue L’Histoire en octobre
plan scientifique et cherchent à attirer les savants 2017, « au début du xviie siècle, la thèse de Copernic
les plus réputés. Ce tableau, qui représente parmi selon laquelle c’est la Terre qui tourne autour du
les membres de l’Académie l’Italien Dominique soleil (héliocentrisme) n’avait encore connu qu’une
Cassini ou le Hollandais Christian Huygens, sert diffusion limitée et personne ou presque ne mettait
non seulement à mettre en scène la gloire royale en question la différence ontologique entre le ciel
mais aussi à attirer d’autres savants. et la Terre ». Or, par l’utilisation de la lunette astro-
Aide : le point de vue d’un historien nomique pour observer le ciel et ainsi confirmer la
« Il ne s’agissait pas seulement pour Louis XIV d’exer- thèse de l’héliocentrisme, Galilée élabore une nou-
cer un mécénat intéressé en subventionnant des velle philosophie de la nature, « ce qui contraint à
hommes de sciences, mais aussi d’attirer en France repenser la hiérarchie traditionnelle des espaces
savants et artisans spécialisés pour développer les en réduisant à néant la conviction, alors bien
connaissances utiles à l’économie du royaume, et ancrée, qu’il existait une différence fondamentale
de capter les savoir-faire des techniciens de toutes entre la Terre et les corps célestes ».
I. Introduction
Deux éléments sont à prendre en compte pour appréhender ce chapitre.
Perspective du programme : le chapitre 8 est à replacer dans l’étude plus large de l’époque moderne.
Les programmes de Seconde donnent une place majeure à cette période (plus de la moitié de l’année
avec 36 heures). Ce chapitre est à mettre en prolongement direct avec ceux du thème 3 consacrés à
l’affirmation de l’État royal. Ce thème, plutôt politique, est complété par ce chapitre, plutôt écono-
mique et social.
Enjeux historiographiques : communément, dans les anciens programmes, l’époque moderne était
étudiée en creux sous le prisme de sa disparition avec la Révolution française. Il faut veiller ici à ne
pas tomber dans ce piège téléologique révolutionnaire et républicain : les injustices de cette période
ne pouvaient que disparaître. Il faut veiller à étudier cette période pour elle-même. Il convient donc
de prohiber l’expression « Ancien Régime » qui, par définition, est postérieure et construite par la
Révolution. Cette expression est justement questionnée dans la page consacrée au regard critique
porté sur l’histoire. Il faut aussi rappeler que l’organisation juridique et sociale de l’époque moderne
a fonctionné près de mille ans et qu’une forme de mobilité sociale en a assuré le maintien. On peut
même considérer que cette mobilité a favorisé une partie de l’émergence de la bourgeoisie (acquisi-
tion de charges anoblissantes, possibilité de mariages, achat de terres…). Il s’agit donc d’en montrer
les permanences qui prennent racine dans l’époque médiévale (justification juridique et religieuse de
la société d’ordres et de la féodalité) tout en montrant les dynamiques et mutations qui ont pu la faire
évoluer. La question des rébellions doit aussi être déconnectée de la notion de Révolution/révolution.
La plupart des émotions et révoltes ne remettent pas en cause l’ordre politique et social comme en
témoigne l’étude sur les Nu-pieds et l’expression « Vive le roi sans la gabelle ». On peut cependant
montrer que la fin du xviiie siècle est marquée par une recrudescence des occurrences de révoltes et
par des blocages politiques (échec des réformes), financiers (question du financement fiscal de la
dette) et sociaux (aspirations nouvelles des élites du tiers). C’est ainsi que le chapitre du manuel se
clôt sur la convocation des États généraux, élément déclencheur de ce que sera la Révolution doré-
navant étudiée en Première.
94
de vue de l’inégale pression seigneuriale dans une société à 80 % rurale. La carte 2 cible également
la question des tensions à travers la répartition et la fréquence des révoltes tant rurales qu’urbaines.
Une dimension diachronique est intégrée pour distinguer les xviie et xviiie siècles de ce point de vue. Il
s’agit notamment de montrer la question de la fronde parlementaire comme symbole des tensions et
le rôle de Paris comme lieu de « concentration » des crispations et mutations.
La première double page de cours cible le monde rural pour deux raisons majeures. D’une part, du
fait du caractère majoritairement rural de la société d’alors et, d’autre part, pour montrer les pesan-
teurs qui s’y manifestent. C’est en milieu rural que s’expriment le plus les héritages médiévaux et
féodaux dont est issue la société d’ordres. On y repère donc les inégalités et hiérarchies sociales mais
aussi les facteurs des tensions et rébellions fréquentes. Il ne s’agit pas non plus d’avoir une approche
figée. Le cours évoque ainsi les mutations techniques, sociales et économiques.
L’étude sur les paysans vise à appuyer le Cours 1 en montrant le poids du monde paysan (80 % de la
population) mais aussi sa diversité tout en l’articulant à la question de son encadrement (politique,
juridique et fiscal).
Le point de passage et d’ouverture sur la révolte des Nu-pieds est une bonne illustration de la méca-
nique et des étapes d’une révolte, ici rurale. On y repère les principaux acteurs dans les trois ordres
et on y voit le rôle de la question fiscale dans le déclenchement des rébellions et émotions d’alors.
La deuxième double page de cours cible cette fois le monde urbain. Le milieu urbain est particulière-
ment intéressant car il est, comme le milieu rural, très marqué par les hiérarchies juridiques héritées
de l’époque médiévale (corps, communautés, corporations). Mais le monde urbain est aussi celui où
s’expriment les nouvelles dynamiques et la mobilité sociale. Il voit se concentrer et se côtoyer les
élites des trois ordres et, particulièrement, la nouvelle aristocratie de la bourgeoisie négociante et
industrielle et la noblesse de robe.
Le point de passage et d’ouverture sur les riches et les pauvres à Paris illustre le Cours 2 sur le
monde urbain et témoigne des inégalités, des hiérarchies et de la mixité sociale. Paris apparaît
comme un reflet des catégories et des dynamiques de l’ensemble de la société française. Les couches
sociales inégales sont à la fois visibles dans les documents iconographiques et le texte, mais aussi
dans les deux documents produits (carte et statistiques).
Le point de passage et d’ouverture sur les ports français et l’économie de plantation et de traite
porte là encore sur le milieu urbain. Il s’agit cette fois d’aborder les inégalités et les tensions du point
de vue de la question de l’esclavage. Le choix de Bordeaux tient à l’importance de ce port dans le sys-
tème de la traite. Les documents jouent sur les échelles et visent à incarner les territoires, les acteurs
et les débats que suscite cette question.
La troisième double page de cours vise à dresser un bilan des tensions et mutations sociales à la fin
du xviiie siècle pour ne pas dire à la veille de la Révolution française. Sans faire de téléologie, il s’agit
de montrer les blocages sociaux qui font que la société d’ordres semble ne plus pouvoir constituer
un système équilibré. Le phénomène de « réaction » mais aussi et, surtout, la question financière du
royaume et l’incapacité à se réformer aboutissent à la convocation des États généraux. Les cahiers
de doléances sont un bon témoignage des nouvelles aspirations et des contradictions sociales. On y
retrouve, en guise d’ellipse, la question du paiement de l’impôt qui avait ouvert le chapitre (document
sur la capitation).
L’étude sur Madame de Pompadour illustre, comme un des axes du programme y invite, la ques-
tion de la présence de « femmes d’influence » dans la société de l’époque moderne. Le parcours de
Madame de Pompadour offre un bon exemple de la possible mobilité et de l’ascension sociale. C’est
même un exemple « extrême » au sens où Madame de Pompadour, d’origine bourgeoise, arrive aux
plus hautes sphères de l’État (le roi) et de la société (la cour).
L’étude sur la crise financière du royaume montre que la question financière est incontournable pour
évoquer les blocages et les tensions sociales, économiques et politiques de la fin du xviiie siècle. Les
documents permettent de faire écho au Cours 3 en évoquant les oppositions et contradictions entre,
d’un côté, la fronde parlementaire (et au-delà la réaction nobiliaire qui s’attache à ses privilèges fis-
caux) et, d’un autre côté, les aspirations sociales du tiers perceptibles dans les cahiers de doléances.
BIBLIOGRAPHIE
-- Benoît Garnot, Les Campagnes en France aux xvie, xviie, xviiie siècles, Ophrys, 2000.
-- Benoît Garnot, Les Villes en France aux xvie, xviie, xviiie siècles, Ophrys, 2002.
Deux études adaptées au plan adopté (campagnes et villes) dans le chapitre.
-- François Hincker, Les Français devant l’impôt sous l’Ancien Régime, Flammarion, 1971.
Un ouvrage assez ancien mais qui fait un très bon état des lieux dans la perspective de l’écriture
du programme : nature, quotité, assiette des impôts et questions des soulèvements populaires.
-- Vincent Milliot et Philippe Minard, La France d’Ancien Régime, Armand Colin, 2018.
Un ouvrage général très récent sur la période d’étude.
-- Yves-Marie Bercé, Croquants et Nu-pieds, Éditions Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1991.
-- Jean Nicolas, La Rébellion française : mouvements populaires et conscience sociale, 1661-1789,
Le Seuil, 2002.
Deux ouvrages qui couvrent pour le premier les rébellions du xviie siècle et pour l’autre davantage celles du xviiie.
-- Gauthier Aubert, Révoltes et répressions dans la France moderne, Armand Colin, 2018.
-- Michel Figeac, État, pouvoirs et contestations politiques dans les monarchies française et
britannique, Armand Colin, 2018.
Deux ouvrages récents sur la question des tensions sociales et de l’esprit de rébellion à l’époque moderne
(acteurs et causes majeures).
-- DIDADOC : www.archives-manche.fr/pages/dl?f=customer_32%2Fblog%2Fdidacdoc_15.pdf
Un dossier complet des archives de la Manche sur la révolte des Nu-pieds.
III. Corrigés
OUVERTURE DE CHAPITRE p. 244-245 personnages à payer cet impôt. Il est enfin qualifié
de « modique » ou de « taxe légère » pour en mini-
1. La gravure se décompose en deux parties divi- miser le coût.
sées par un mur ou couloir distinguant deux caté- 3. Cet impôt est singulier dans le paysage fiscal de
gories de personnages. À gauche, les collecteurs cette époque car il est payé par tous, alors que les
des impôts. Ce sont des officiers qui ont acheté une autres impôts directs et indirects sont très inéga-
charge pour lever cet impôt au nom du roi. Celui qui lement répartis socialement (privilégiés) et géo-
est en train d’écrire consulte et consigne la quotité graphiquement (coutumes et quotités de la gabelle
de l’impôt prélevé en fonction de la classe de la per- par exemple). Il montre donc la volonté royale de
sonne devant lui (il existe 22 classes). À droite, les rendre l’impôt plus « universel ». Les résistances
contribuables de cet impôt. Au vu des tenues des sont cependant fortes dans les ordres privilégiés
femmes et hommes présents (coiffes, robes, cha- qui restent très attachés au caractère exceptionnel
peaux, jabots…), on peut penser qu’il s’agit essen- de l’impôt. La capitation sera ainsi abandonnée en
tiellement de nobles. Leurs attitudes semblent 1698. Et Louis XV et Louis XVI échoueront à imposer
signifier un certain empressement à s’acquitter un impôt permanent payé par tous, y compris les
de cet impôt (bras levés avec les bourses, légers nobles et le clergé.
sourires). Ce sentiment est renforcé par le texte
d’accompagnement et par l’effet de foule en file CARTES p. 248-249
indienne, de bousculade le long du mur formant un
couloir. 1. Les révoltes du xviie siècle sont plus rurales et
2. L’impôt est présenté comme une « loi », un diffuses dans de vastes régions. Les villes sont
impératif de la « paix » (texte). Cela se traduit touchées par extension de la révolte rurale. Les
sur le dessin par l’engouement manifesté par les révoltes du xviiie siècle sont plus ponctuelles dans
96
le temps et dans l’espace. Elles frappent davantage peuvent faire référence aux enclosures. Ces élé-
les villes notamment du fait de la fronde parlemen- ments étaient favorisés par le mouvement des phy-
taire ou des crises de subsistance. siocrates (voir l’étude p. 232).
2. À l’image de la révolte des Nu-pieds, les régions
de rébellions peuvent bénéficier de privilèges Vers le bac
qu’elles sont soucieuses de préserver. Il s’agit sou- 5. À partir des documents 3 et 4, on peut établir une
vent de régions intégrées tardivement au royaume réponse selon le plan suivant :
et attachées à leurs particularismes (Bretagne). Il – Une certaine frugalité de vie quelles que soient
existe aussi un lien entre rébellions et régions du les situations
royaume où la pression de l’ordre royal ou seigneu- – Une diversité de situation sociale : à repérer dans
rial peut se faire plus forte, et donc exaspérer les le doc. 3 à partir de l’observation des vêtements
révoltes en cas de crise de subsistance. (voir réponse 3 ci-dessus) et de l’intérieur paysan.
3. Les deux cartes montrent des inégalités en – Une diversité de situations fiscales (à établir
termes de pression seigneuriale (et donc d’impôts à partir du doc. 4) : évoquer la répartition par la
« locaux »), de poids des impôts royaux comme la communauté d’habitants et l’inégal poids selon la
gabelle (dont la quotité est très contrastée selon le richesse perceptible.
statut fiscal des provinces), de présence d’institu-
tions de « contre-pouvoir » (les parlements) et, par
voie de conséquence, de fréquence des rébellions. POINT DE PASSAGE ET D’OUVERTURE
La révolte des Nu-pieds
ÉTUDE Être paysan (1639-1643) p. 254-255
à l’époque moderne p. 252-253
Se repérer
Se repérer 1. La Normandie était en régime de grande
1. La diversité s’exprime en termes de nature des gabelle (taxe élevée) sauf le Cotentin, en régime de
impôts (directs et indirects) et en termes d’échelles quart-bouillon (impôt payé sur un quart de la pro-
(impôt royal/seigneurial) et d’ordres ou d’autorité duction de sel).
(impôts dû au roi, au seigneur, au clergé).
Contextualiser
Contextualiser 2. C’est une révolte fiscale car elle se déclenche à
2. Le paysan cache une partie de sa nourriture pour l’annonce de l’abandon du privilège de quart-bouillon
minimiser sa situation financière. En effet, cer- et la chanson évoque « l’affranchissement des
tains des impôts comme la taille sont répartis par impôts de la gabelle ».
la communauté d’habitants des paroisses (doc. 1).
S’il est considéré comme riche, le paysan paiera Analyser
davantage d’impôt. 3. La violence est visible aux corps gisant au sol, à
la présence d’un pendu, d’un personnage décapité
Analyser et d’un autre éviscéré, aux nombreuses scènes de
3. On peut distinguer trois catégories sociales dont combat d’homme à homme, aux armes ou outils
deux catégories paysannes. Le propriétaire des agricoles détournés en armes (fléaux).
terres (?) pas forcément paysan et peut-être urbain 4. Le document 5 permet de constater la présence
(tenue différente). En position centrale, il tient le de personnes des trois ordres quels que soient « les
couteau et dispose du pain. À gauche, le « labou- camps » : les insurgés ou les personnes visées. On
reur », ou paysan aisé, avec sa femme à ses côtés. trouve par ailleurs tout le « spectre » des catégo-
Il s’agit peut-être de sa maison. À droite, un jour- ries sociales, des paysans aux bourgeois, des hobe-
nalier, paysan qui offrait sa force de travail à qui reaux à la noblesse urbaine, du bas au haut clergé
veut l’engager. C’est la catégorie la plus pauvre urbain.
comme en témoignent ses vêtements abimés et
son absence de chaussures. Argumenter
5. Il ne s’agit pas d’une opposition des ordres pri-
Connaître
vilégiés contre le tiers quand bien même il s’agit
4. On peut repérer une diversité d’outils et tech- d’une révolte fiscale qui ne concerne finalement
niques (charrue/labour). Certains arbustes et haies que le tiers. Le bas clergé et la petite noblesse
98
et, enfin, entre l’Amérique et l’Europe (retour des ÉTUDE Madame de Pompadour,
productions coloniales : sucre, café…).
une femme d’influence p. 264
2. La servante noire, qui est un signe de richesse,
le perroquet, animal exotique inconnu en France,
Repérer
mais aussi le sucre et le café ou le chocolat, ali-
ments rares et précieux. 1. Madame de Pompadour est en position centrale
(c’est un portrait), habillée d’une robe très ample
Analyser ornée de motifs floraux à la mode. Elle est repré-
sentée en train de consulter ce qui semble être une
3. On peut dégager les principes suivants : « négoce partition (présence d’un luth ou d’une guitare à l’ar-
qui viole la religion, la morale, les lois naturelles rière-plan). On remarque aussi de nombreux livres
et tous les droits de la nature humaine », « les et un globe. Mme de Pompadour est placée dans un
hommes et leur liberté ne sont point un objet de univers des arts et des lettres. La pièce où se situe
commerce », et, enfin, un paradoxe dans la mesure la scène est richement meublée et décorée.
où l’esclavage est alors déjà interdit en métropole.
Ce sont des principes moraux et juridiques. Analyser un texte
4. L’importance du port se traduit par l’espace
occupé dans le tableau (les trois quarts), l’im- 2. On peut repérer trois types de reproches :
portance en taille et en nombre des navires, la – Madame de Pompadour est une arriviste, une
concentration et l’effervescence des hommes et usurpatrice, issue du tiers (« règne des vauriens »,
des activités sur les quais, la monumentalité des « petite bourgeoisie », « catin subalterne ») ;
immeubles du front de fleuve. – c’est une dépensière (« on épuise la finance ») ;
– c’est une femme immorale (« élevée à la gri-
voise », « catin »). En somme une personne indigne
Mettre en relation
de la cour.
5. Il y a une corrélation très nette entre hausse de la
production de sucre (de 0 à 900 000 quintaux entre Raisonner et argumenter
1710 et 1790) et hausse du nombre d’esclaves (de 0
3. Issue de la riche bourgeoisie, Jeanne-Antoinette
à 500 000 sur la même période) dans la colonie de
Poisson devenue Madame de Pompadour a été
Saint-Domingue.
anoblie. Favorite du roi, elle cotoie de très près la
sphère du pouvoir pendant près de vingt ans. Elle
Synthétiser a l’oreille du roi qu’elle conseille, notamment dans
6. On peut retracer le parcours suivant d’un esclave : les domaines artistiques.
capturé et vendu en Afrique, il est emmené dans les 4. Les « poissonades » visent aussi le roi qui est
colonies américaines (doc. 2) pour y travailler dans jugé inconséquent (« cette catin […] insolemment
les plantations ou pour être domestique au service le gouverne »). Il ruine le royaume (« épuise la
de l’aristocratie coloniale (doc. 5). On voit une ser- finance ») et compromet le gouvernement (« l’État
vante noire servir un café ou chocolat, accompagné tombe en décadence, le roi ne met ordre à rien »).
de sucre, à une femme en robe de soie richement
brodée. Vers le bac
5. Bien que non reconnue juridiquement, la des-
Vers le bac tinée de Mme de Pompadour montre l’influence
7. Deux types d’arguments s’opposent pour justifier possible des femmes dans la société de l’époque
ou combattre l’esclavage et l’économie de la traite. moderne.
– L’argument économique justifie la traite, considé- – Elles connaissent une possible ascension sociale :
rée comme un moyen de produire et de fournir des Mme de Pompadour illustre la mobilité sociale et la
produits tropicaux à l’Europe (sucre, café, chocolat, possibilité de passer d’un ordre à un autre (du tiers
coton…) mais aussi comme un moyen de favoriser à la noblesse).
l’enrichissement des villes portuaires (Bordeaux, – Elles peuvent exercer du pouvoir : Madame de
Nantes) et de la bourgeoisie des armateurs et Pompadour est parvenue au sommet de l’État.
négociants qui profitent du régime de l’exclusif. Outre sa position de favorite, elle révèle ses qua-
– L’argument moral s’oppose à la traite au nom des lités et devient conseillère du roi dans le domaine
droits naturels de l’Homme, définis notamment par des arts et lettres.
la philosophie des Lumières (reprise des éléments – On peut ajouter un regard critique : cette ascen-
de la question 3). sion ne concerne que les personnes issues de
100
invités des salons sont issus et animent les deux REGARD CRITIQUE p. 268
mondes de l’argent et de la politique : bourgeoisie
négociante, industrielle et ministres. Mme Geoffrin Développer son esprit critique
a poursuivi les activités industrielles de son mari et
est devenue actionnaire des Manufactures royales 1. L’expression « Ancien Régime » a été fondée par
des glaces de miroirs. Elle peut favoriser ses acti- les révolutionnaires. Les fondateurs de la nouvelle
vités économiques auprès de ses invités membres société issue de la Révolution de 1789 ont ainsi
du « gouvernement ». qualifié la société et le régime politique de l’époque
moderne. Cette expression ne peut donc pas être
Analyser employée pour évoquer la société avant l’événe-
ment révolutionnaire. Elle a en outre une dimension
5. Dans les salons, comme en témoignent les docu- péjorative, « Ancien » renvoyant à « vieux, dépassé »
ments 1 et 3, on trouve des personnes aux origines (remontant au Moyen Âge) par rapport au nouveau
(ordre, milieu socioprofessionnel) et statuts très système politico-social issu de la Révolution.
différents. La distinction entre noblesse et tiers
état n’y a pas de sens car les invités y forment une 2. Ce qui distingue la société d’Ancien Régime de la
élite qui partage un pouvoir économique, politique société contemporaine, c’est d’abord la reconnais-
et intellectuel commun. sance de l’individu. Dans l’Ancien Régime, celui-ci
s’efface au profit de l’ordre, du corps, de la com-
Argumenter munauté auxquels on appartient. Il n’y a donc pas
égalité des droits des individus. Ces inégalités sont
6. Mme Geoffrin, à l’image de Mme de Pompadour renforcées par l’absence de règles communes à
et des autres salonnières évoquées dans cette tout le territoire. La société d’Ancien Régime est
étude, témoigne du rôle et de l’influence possible marquée par des coutumes, des statuts territo-
des femmes dans la société. Elles y font preuve riaux (fiscalité) très divers qui s’entremêlent.
d’un pouvoir politique, économique, intellectuel et
artistique. Les salonnières ont un rôle majeur dans
le développement de sociabilités nouvelles et dans
la diffusion des idées des Lumières. S’EXERCER p. 269-271
102
Confronter deux textes Passé & Présent
Étape 1. Identifier les documents et leur sujet 1. Les révoltes évoquées représentent de gauche
commun à droite : les « Gaulois » (face aux Romains) ; les
Deux textes de natures différentes : le document 1 Croquants ou jacqueries (révoltes paysannes) ; les
est un extrait de cahier de doléances et le 2 est un révolutionnaires de 1789 (sans-culottes) ; les « pou-
extrait de mémoires autobiographiques. jadistes » des années 1950 ; les Bonnets rouges de
Dans les deux cas, le texte évoque la situation de la 2013 en référence à ceux de 1675 ; les Gilets jaunes.
noblesse à la fin du xviiie siècle. 2. L’auteur de l’article rassemble ces révoltes pour
Étape 2. Comparer les deux textes montrer un peuple qui serait rebelle quelle que soit
Les points communs portent sur le statut privilégié la période. À l’image du Gaulois du dessin, symbole
de la noblesse dans le contexte de la société d’ordres. – avec Astérix et Obélix – du refus de l’autorité. Les
La noblesse jouit de privilèges mais ceux-ci sont autres personnages font davantage référence au
remis en cause par les philosophes des Lumières. souhait de justice fiscale.
L’opposition majeure entre les deux textes tient 3. L’idée d’une constante de la contestation popu-
au refus de la majorité des nobles de remettre en laire est rendue par le fait que les personnages
cause leur statut par l’abandon de certains privi- sont les uns derrière les autres en train de courir
lèges (ici le paiement de l’impôt dans le doc. 1) et dans la même direction avec des attitudes vindica-
le fait qu’une minorité, plus jeune, de la noblesse tives. Ils donnent le sentiment de participer à une
voit avec sympathie les évolutions induites par les même manifestation.
critiques des Lumières (principe d’égalité entre les
hommes du point de vue des droits naturels).
Étape 3. Rédiger une réponse organisée au sujet MÉTHODE VERS LE BAC p. 272
La rédaction de la réponse peut se faire en trois
temps. D’abord, un exposé rapide des privilèges Analyser un document iconographique
de la noblesse pour donner sens au document 1 et
(doc. p. 251)
en voir les origines médiévales (doc. 2). Ensuite, un
temps sur le refus de remettre en cause ces pri-
Sujet 2 : Montrez comment la représentation d’un
vilèges (principe de l’exemption d’impôt, principe
paysan justifie le titre Né pour la peine.
des droits sur des terres liées à la féodalité dans
le doc. 1). Enfin, un point sur les mutations sociales
Analyser la consigne et le document
et intellectuelles qui aboutissent, dans certains
milieux aristocratiques, à l’acceptation de change- Consigne : Quand ? 1789 – Où ? France – Quoi et
ment de principes politiques et juridiques (doc. 2). qui ? La vie des paysans.
Document : un paysan chargé d’outils, nourrissant
la basse-cour. La légende expose la dure vie des
paysans, condamné à travailler pour « amasser par
son labeur de quoi payer le collecteur ».
Construire un plan
Plan Documents Connaissances et analyse
Une peine visible • Un visage triste, un air accablé. • Difficulté des travaux agricoles malgré
à l’attitude du Le personnage derrière travaille quelques outils.
paysan pieds nus. On représente un certain • Forte dépendance aux aléas climatiques.
dénuement et de nombreuses
activités à assumer.
Une peine visible • Sur l’image, on cite le « collecteur » • Poids des impôts pesant sur le monde
aux textes qui et on voit une référence à la taille. paysan. Impôts seigneuriaux (cens,
accompagnent • Le « pauvre paysan », « amasser champart...) et royaux (taille, gabelle).
l’image par son labeur de quoi payer le Les paysans ne peuvent y échapper
collecteur ». contrairement aux populations des villes.
Exemple : Repérer les échelles et territorialités présentes dans la révolte des Bonnets rouges (1675).
104
Entraînement : Repérer les différentes échelles et temporalités de la révolte des Nu-pieds.
Exemple : Ce document peut-il constituer une source fiable pour l’historien s’il veut décrire
et expliquer la révolte des Bonnets rouges ?
• Eléments historiques objectifs repérables dans l’œuvre : ville de Rennes assiégée par les troupes royales.
• Trois critères de fiabilité :
Neutralité/ L’œuvre n’est pas neutre. Elle est une commande du parlement de Rennes
subjectivité qui était partie prenante des événements.
En outre, l’œuvre est très allégorique : char tiré par des bêtes et un diable
en lieu et place du duc de Chaulnes. Personnification de la justice et de la
paix sous les traits de femmes dont l’attitude ignore le sort des populations.
C’est donc une dénonciation renforcée par le texte « Les riches et les pauvres
injustement accablés ».
Dramaturgie renforcée des populations fuyant ou étant écrasées (par le poids
de l’impôt).
Proximité temporelle Elle est effective. Un an seulement sépare l’œuvre de l’événement relaté.
Recoupement avec On n’en dispose pas ici. Il faudrait des sources « papiers » (archives), des
d’autres sources témoignages convergents d’acteurs différents de l’événement.
• Bilan : seule la proximité temporelle est effective, cela ne suffit donc pas à dire que cette œuvre est fiable
d’un point de vue historique.
Entraînement : Le tableau d’Alexandre Debelle peut-il constituer une source fiable pour
l’analyse de cet événement ? (doc. p. 270)
Il s’agit de faire repérer aux élèves le fait que cette œuvre a été peinte plus d’un siècle après les événe-
ments relatés. Elle est sans doute assez neutre du point de vue de la représentation (envoi des tuiles
depuis les toits). On ne dispose pas d’autres images ou textes pour le prouver totalement.
Pont-Euxin
(Mer Noire)
Mer
Égée
Mer Intérieure
(Mer Méditerranée)
300 km
Mer
du Nord
OCÉAN
ATLANTIQUE
Mer Noire
Mer
Méditerranée
300 km
106
CHAPITRE 2 La Méditerranée médiévale (fin xie-début xiiie siècle)
Mer
du Nord
PRINCIPAUTÉS
RUSSES
Mer
OCÉAN Caspienne
ATLANTIQUE SAINT-EMPIRE
ROMAIN
GERMANIQUE ROYAUME
ROYAUME DE HONGRIE
ROY. DE DE FRANCE
NAVARRE Mer Noire
CALIFAT
DES FATIMIDES
500 km
Cours Cours Cours
I II III
hemc2_051_ca01
Carte de synthèse – DP Cartes [n&b VERSION 2]
107
CHAPITRE 3 Conquête, partage et exploitation du monde par les Européens
er
Tropique du Canc
Cap-Vert
Socotra OCÉAN
Équateur
PACIFIQUE
Détroit
OCÉAN de Malacca
OCÉAN INDIEN
PACIFIQUE OCÉAN Tropique du Capricorne
ATLANTIQUE
3 000 km
Cours Cours Cours à l’équateur
I II III
hemc2_083_ca01
Conquête, partage et exploitation du monde par les Européens – Carte de synthèse – DP Cartes [n&b VERSION 2]
108
CHAPITRE 4 L’Europe de la Renaissance et des réformes
ROYAUME ROYAUME
D’ÉCOSSE DE SUÈDE
Mer
ROYAUME Baltique
Mer
du Nord DU DANEMARK
ROYAUME
IRLANDE D’ANGLETERRE
ROYAUME
DE POLOGNE
SAINT-EMPIRE
ROMAIN GERMANIQUE
OCÉAN
ATLANTIQUE
ROYAUME
DE FRANCE
EMPIRE
OTTOMAN
ÉTATS DE
L’ÉGLISE
Mer
Adriatique
ROYAUME
DU
PORTUGAL
ROYAUME
ROYAUME DE NAPLES
D’ESPAGNE
Mer
Méditerranée
300 km
Cours Cours Cours
I II III
hemc2_117_ca01
Carte de synthèse – DP Cartes [n&b VERSION 2]
109
CHAPITRE 5 Évolution et affirmation du royaume de France (début xvie-fin xviiie siècle)
Manche
Rhi
n
ei
S
ne
Lo
i
re
OCÉAN
Rhône
ATLANTIQUE
Ga
ro
nn
e
Mer
Méditerranée
200 km
Cours Cours Cours
I II III
hemc2_149_ca01
Évolution et affirmation du royaume de France (début XVIe-fin XVIIIe siècle) – DP Cartes [n&b VERSION 2]
110
CHAPITRE 6 L’Angleterre, un modèle original en Europe au début du xviiie siècle
ROYAUME DE SUÈDE
EMPIRE
RUSSE
ROYAUME
ANGLETERRE DU DANEMARK
PRUSSE
ME DE
U ROYAUME
PROVINCES YA
UNIES RO DE POLOGNE
SAINTEMPIRE
ROMAIN GERMANIQUE
ÉTATSUNIS
AUTRICHEHONGRIE
ROYAUME
DE FRANCE
RÉP. DE
VENISE
ROYAUME EMPIRE
DU OTTOMAN
PORTUGAL
ROYAUME
D’ESPAGNE
ROYAUME
DES DEUX SICILES
500 km
Cours Cours Cours
I II III
hemc2_183_ca01
Carte de synthèse. L’angleterre, un modèle original en Europe au début du XVIIIe siècle – DP Cartes [n&b VERSION 1]
111
CHAPITRE 8 Pouvoirs royal et locaux face aux « territoires sociaux » aux xviie-xviiie siècles
Manche
OCÉAN
ATLANTIQUE
Mer Méditerranée
100 km
112