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Phnom Penh
Bureau des affaires urbaines
Paris
Atelier parisien d’urbanisme
Venise
Direzione centrale sviluppo
del territorio e mobilità
Avec le soutien du programme
Asia Urbs
de l’Union européenne

Phnom Penh
à l’aube
du XXI siècle
e
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Le programme Asia Urbs a été lancé Les villes de Phnom Penh, Paris et
par l’Union européenne en 1998. Venise ont développé ensemble de
C’est une initiative de coopération septembre 2000 à septembre 2002,
décentralisée (de ville à ville) pour un projet dans le cadre du programme
que s’établissent des collaborations Asia Urbs de l’Union européenne
entre les collectivités locales dénommé «Phnom Penh Urban
des états membres de l’UE et quinze Management, Development and Urban
pays du Sud et du Sud-Est asiatique Rehabilitation Policies».
et la Chine. Son objectif principal Ce projet était subdivisé en trois
est d’aider à l’échange grandes parties complémentaires:
des savoir-faire en matière de une première sur les outils
développement urbain entre les deux de la gestion urbaine et plus
continents et de traduire cela dans particulièrement sur la question
des actions concrètes qui impliquent de la gestion des propriétés foncières
les gouvernements locaux et leurs et de la fabrication du plan cadastral;
partenaires de la société civile. une deuxième sur la mise en place
La réussite et la viabilité de chaque des outils de l’urbanisme
projet cofinancé en dépendent. et du développement urbain à partir
Les dons sont accordés à des d’un projet pilote de réhabilitation
partenariats composés au minimum du quartier de Boeng Salang,
de deux collectivités locales de l’UE site inondable en périphérie du
et d’une ville d’Asie qui, centre-ville, occupé par une
conjointement, entreprennent population pauvre installée dans un
une étude de faisabilité (projet habitat précaire et insalubre;
d’étude) ou un projet pilote sur deux une troisième portant sur les méthodes
ans (projet de développement ou de mise en œuvre d’une politique
projet d’échanges d’ informations) de réhabilitation du centre ancien.
portant sur des territoires urbains
significatifs.
L’Union européenne s’engage
à diffuser et à faire connaître
la richesse de ces réalisations à un
large public en Europe et en Asie.

Municipalité
de Phnom Penh
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Phnom Penh
Bureau des affaires urbaines
Paris
Atelier parisien d’urbanisme
Venise
Direzione centrale sviluppo
del territorio e mobilità
Avec le soutien du programme
Asia Urbs
de l’Union européenne

Phnom Penh
à l’aube
du XXI siècle
e
Contributions
à la définition de quelques
projets pour
l’amélioration des
conditions de la vie urbaine
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Directeur Equipe du programme Venise


de publication : Asia Urbs
Ambra Dina,
Jean-Baptiste Vaquin
architecte
Coordination éditoriale et Turiddo Pugliese,
Phnom Penh
et iconographie : urbaniste, direzione
Christiane Blancot Bureau des affaires centrale sviluppo
et Marie-Paule Halgand urbaines de Phnom Penh: del territorio e mobilità
Cartographie : Chhay Rithisen, directeur
Bureau des affaires
Ty Dory et Hok Kim Eang, Istituto Universitario
urbaines de Phnom Penh
adjoints di Architettura
et Atelier parisien
di Venezia, Dipartimento
d’urbanisme Buth Ly /
di Pianificazione
Chan Sovannarith /
Révision :
Hash Chanly / Marcello Balbo,
Susan Watelet-Riou
Heng Sokeng / Keat Toby enseignant,
Conception graphique : / Khann Touch / Direttore, Master in
Shannon / design dept Khom Keang / Ma Hody / Pianificazione urbana e
Mak Sophearith / territoriale per i pvs,
Photogravure :
Nguon Sovann /
Open Graphic Etudiants de l’atelier
Nop Yutach /
Boeng Kak-IUAV :
Impression : Néo Typo Om Sophal / Pak Sahara
Cecili Corsini /
/ Peou Sokna /
Diffusion : Angela Cotta /
Phal Sopheak /
Myriam Berthier, Giulio Galeotti Del Re /
Saphon Thida /
17, boulevard Morland Alexandra Linden /
So Bunnarith / Sor Phara
75181 Paris Cedex 04 Andrea Parisi /
/ Teav Ratanak /
Herbert Runggaldier /
Service diffusion Thai Srun / Thuch Tha /
Daniele M. Zambon /
Téléphone de l’Apur : You Sethy
Francesca Balbo
33 [0]1 42 71 28 14
Bureau des relations
www.apur.org/publications
internationales de
Le contenu de cette la ville de Phnom Penh : Experts
publication n’engage Nak Tanavuth
Marie-Paule Halgand,
que la responsabilité
architecte DPLG,
de ses auteurs et ne
docteur de l’EPHE,
peut en aucun cas être Paris
maître-assistante
considéré comme
François Legrand, à l’Ecole d’architecture
l’expression du point
ingénieur général de Nantes
de vue de l’Union
des services techniques
européenne. Myriam Laidet,
de la Ville de Paris,
ingénieur-urbaniste,
Cet ouvrage est consacré coordinateur
expert Unesco
à l’exposé et aux du programme Asia Urbs
commentaires d’études KHM 001 Guy Lemarchands,
et de projets techniques ingénieur E.T.P,
Thierry Lemoine,
et ne doit en aucun cas consultant
sous-directeur
être regardé comme en aménagement des
des études et règlements
une publication officielle établissements humains
d’urbanisme,
des villes de Phnom
Direction de l’urbanisme Ros Borath,
Penh, Paris
architecte,
et Venise. Les points de Frédéric Objois,
expert Unesco
vue et les idées ingénieur des travaux
développés dans cet de Paris,
ouvrage n’engagent que Direction de la voirie et
leurs auteurs. des déplacements
© Atelier parisien Nicolas Mouy,
d’urbanisme ingénieur des travaux
de Paris,
Paris Février 2003
Direction des parcs,
ISBN: 2-900222-12-5 jardins et espaces verts
EAN: 9782900222126 Atelier parisien
d’urbanisme :
Dépôt légal: mars 2003
Christiane Blancot,
architecte /
Philippe Billot,
responsable équipe
géomatique
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Sommaire

5 S.E. Kep Chuktema,


Délégué du gouvernement royal à la municipalité de Phnom Penh
6 Jean-Pierre Caffet,
Adjoint au Maire de Paris chargé de l’urbanisme et de l’architecture
7 Roberto D’Agostino,
Comune di Venezia, Assessore alle relazioni internazionali e comunitarie
8 Avant propos, Vincent Rotgé

Grandir avec l’eau


12 Phnom Penh et l’eau, François Legrand
22 Autour du Boeng Kak, Cecili Corsini /Angela Cotta /
Giulio Galeotti Del Re / Alexandra Linden / Andrea Parisi / Herbert Runggaldier /
Daniele Vettorato / Daniele M. Zambon / Francesca Balbo
26 Boeng Salang, Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands
35 Boeng Salang, enquête sur la population résidant au bord du boeng,
You Sethy / Neup Ly

Habiter Phnom Penh


44 Habiter Phnom Penh, Marcello Balbo
51 Réhabilitation urbaine et sites de relogement, Ambra Dina
57 Une ville nouvelle au nord de Phnom Penh ? Marie-Paule Halgand
62 Front du Bassac, histoire triste d’un grand immeuble blanc,
Julien Mingui
66 Logements du « Front Bassac » ou cité Sihanouk, Lisa Ros

Vivre au centre-ville
72 Phnom Penh centre ancien, Christiane Blancot
80 Rues et trottoirs, Frédéric Objois
86 Le réaménagement des marchés, François L’Hénaff / Patricia Pelloux
94 Touristes à Phnom Penh, Turiddo Pugliese
102 La réhabilitation des voies d’accès, Sandrine Capelle
108 Réhabiliter l’habitat du centre-ville, Myriam Laidet / Peou Sokna
119 Gérer la propriété: loi foncière et fabrication du cadastre,
Philippe Billot / Thierry Lemoine

124 Sources documentaires

Sommaire 3
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Phnom Penh est redevenue la capitale du Cambodge en


1865.
Depuis le XIXe siècle et jusqu’aux années 1960, elle
s’est développée rapidement et dans de bonnes
conditions. Sa conception très moderne, la cohérence
de ses infrastructures, son réseau de grandes avenues,
de promenades et de jardins étaient remarquables, la
ville était alors connue comme « la Perle de l’Asie ».
Les principes de cet urbanisme qui ont fait la
renommée et la beauté de Phnom Penh doivent être
conservés et amplifiés pour son développement futur.
Aujourd’hui la ville s’étend très rapidement, les
aménagements des parties nouvelles doivent être menés
avec soin et doivent être cohérents avec la préservation
de la partie la plus ancienne, celle du centre-ville.
Pour mener cette politique d’aménagement, la
municipalité de Phnom Penh a obtenu le soutien de la
Communauté européenne et la coopération de deux
villes européennes, Paris et Venise, dans le cadre du
programme Asia Urbs. Ce soutien et cette coopération
sont très importants car ils contribuent à renforcer la
formation de nos techniciens, jeunes ingénieurs et
architectes.
Le travail commun et les débats entre techniciens des
villes de Paris, Venise et Phnom Penh est, assurément,
un enrichissement pour tous et un facteur de
développement de réseaux de compétences entre les
pays d’Europe et le Cambodge.
Je souhaite que, à l’avenir, de nouveaux projets se
concrétisent en coopération avec les pays européens.
Phnom Penh va retrouver son ancienne place de « Perle
de l’Asie », redevenir une ville dans laquelle il fait bon
vivre, une ville qui préserve son patrimoine, qui attire
et séduit les touristes et les voyageurs.

S.E. Kep Chuktema


Délégué du gouvernement royal à la municipalité de Phnom
Penh

5
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En ce début de XXIe siècle, la ville de Phnom Penh est


confrontée à la nécessité de maîtriser durablement son
expansion. Pour cette raison, elle développe, depuis
plusieurs années, une coopération intense et
fructueuse avec la Mairie de Paris dans tous les
domaines des métiers urbains.
Cette mise en commun de nos savoir-faire s’est encore
renforcée récemment avec la décision de Paris, Phnom
Penh et Venise, dans le cadre et avec le soutien
financier du programme Asia Urbs de la Commission
européenne, de mettre en œuvre ensemble un projet de
coopération décentralisée intitulé « gestion urbaine,
politique de développement et de réhabilitation à
Phnom Penh », impliquant des techniciens de la Mairie
de Paris et un partenariat actif avec l’Atelier parisien
d’urbanisme.
Ensemble, les trois collectivités locales ont travaillé à la
définition et à la mise en œuvre d’outils modernes
d’analyse et de gestion, qui prennent en compte les
spécificités de Phnom Penh, la richesse de son
patrimoine, la diversité sociale de son territoire et ses
liens avec l’eau. Elles ont pour finalité de créer les
conditions d’un développement urbain solidaire et à
dimension humaine, qui constitue le défi que la plupart
des grandes métropoles ont aujourd’hui à relever.
Cet ouvrage, « Phnom Penh à l’aube du XXIe siècle »,
n’est pas seulement le fruit de ces travaux et le
témoignage précieux des enjeux du développement
futur de la capitale cambodgienne : il constitue aussi
une étude qui, j’en suis convaincu, servira de référence
aux futurs projets de coopération avec Phnom Penh et
avec d’autres grandes villes dans le monde. Car chacun
a tout à gagner d’un échange d’expériences et de
compétences, qui au-delà de ses bénéfices concrets, est
aussi un moyen de s’ouvrir au monde et de renforcer
les liens d’amitié et de solidarité entre nos collectivités.

Jean-Pierre Caffet
adjoint au Maire de Paris chargé de l’urbanisme
et de l’architecture,
Président de l’Atelier Parisien d’Urbanisme

6
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Le déroulement du programme Asia tions de logements, d’équipements Ainsi, le programme de réhabilitation


Urbs a permis de mettre en évidence et d’infrastructures et provoque des des immeubles anciens a permis de
les possibilités importantes de trans- transformations non maîtrisées, définir une méthode capable de
fert de compétences entre les villes engendrées par des situations d’ur- prendre en compte les situations éco-
et particulièrement avec celles qui gence et par la faiblesse des res- nomiques, sociales et physiques pour
rencontrent des difficultés dans leur sources. Ces situations risquent, au mettre en place un processus réaliste.
expansion et leurs transformations. fil du temps, de devenir irréversibles. Ce projet s’est conclu par la préfigu-
Cette coopération a abouti à des résul- C’est aujourd’hui que la ville doit ration d’un projet de réhabilitation
tats significatifs non seulement dans décider de son destin. La responsa- de huit bâtiments, en estimant les
l’expérimentation de méthodes adap- bilité des Autorités est très grande coûts, les possibilités offertes par
tées aux problèmes de requalification mais le rôle de la coopération inter- l’aide internationale et les capacités
urbaine tant physique qu’économique nationale est également décisif pour de participation des habitants.
et sociale mais aussi à l’identification éviter un développement incontrôlé La difficile question de la reconver-
des enjeux de son développement. et médiocre qui entraînerait la sion des zones d’habitat informel
Le travail mené à Phnom Penh a sou- dégradation de la ville et altérerait représente sans aucun doute le pre-
ligné les graves problèmes que la ville définitivement son équilibre. mier des problèmes à résoudre car
devra affronter dans son processus Les objectifs de requalification il conditionne la réussite de toute poli-
de renaissance mais a aussi permis urbaine et de développement maî- tique urbaine, elle a été approfondie
de mettre en lumière les potentiali- trisé nécessitent la mise en œuvre dans le projet du Boeng Salang.
tés considérables de la ville. Parmi de politiques diverses, qui concou- Enfin, l’étude du secteur du tourisme
les difficultés, il faut noter la dégra- rent de manière autonome au résul- a défini une série d’actions spéci-
dation diffuse des bâtiments tant tat final mais qui doivent être menées fiques pour augmenter l’offre et l’at-
anciens que récents, l’inadaptation en relation étroite les unes avec les traction touristiques de Phnom Penh.
de la plupart des infrastructures autres dans un système cordonné de Les études ont mis en évidence
mais, surtout, la présence de zones programmes d’interventions. combien le développement de ce sec-
où sont concentrés les problèmes Il est, par exemple, impossible teur dépend de la réussite des actions
sociaux et urbains et l’absence de d’améliorer significativement la qua- d’amélioration de la qualité urbaine.
ressources pour les résoudre. lité de la vie urbaine sans résoudre Le projet Asia Urbs a donc permis
Par contre, la qualité considérable le problème de l’habitat informel car d’identifier quelques problèmes fon-
de la ville, son dessin de très grande l’organisation des relogements aura damentaux, que Phnom Penh doit
ampleur, son rôle de ville-capitale, des conséquences sur le dévelop- affronter, d’élaborer des méthodes,
l’excellence de son site, l’importance pement futur de la ville. Par ailleurs, de mener des études et de
de ses espaces urbains permettent, si la requalification urbaine néces- développer des projets. Les échanges
aujourd’hui, d’imaginer des projets site des dépenses, elle génère aussi de connaissances entre partenaires
de grande qualité, respectueux des des ressources. des trois villes ont posé les bases de
besoins de toute la collectivité. Le programme Asia Urbs s’est déve- la mise en place de nouveaux pro-
Les phases actuelles du développe- loppé dans cette logique de coordi- jets internationaux, auxquels nous
ment urbain et les conditions éco- nation. Les différents thèmes, qu’il serions, pour notre part, heureux de
nomiques rendent la situation par- s’agisse de la réhabilitation du patri- contribuer.
ticulièrement délicate et complexe. moine architectural et urbain, de
Aujourd’hui la structure historique la politique de relogement et de réor-
sur laquelle la ville s’est établie est ganisation des quartiers pauvres ou
un socle solide qui peut être la base du développement du tourisme,
des développements futurs. Mais la contribuent ensemble à la définition
Roberto D’Agostino
croissance rapide de la population, d’un projet global et cohérent. Ils Comune di Venezia,
renforcée par l’exode rural, rend sont liés dans un système de néces- Assessore alle relazioni
nécessaires de nouvelles implanta- sités réciproques. internazionali e comunitarie

7
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Avant-propos

Cette publication tire les conclusions des techniques ciblées d’aménage-


d’une coopération de plusieurs ment.
années entre la municipalité de Ce projet avait aussi l’ambition de
Phnom Penh et la Ville de Paris. permettre aux partenaires de se
Venise s’est jointe à l’entreprise dans confronter à la réalité et de se for-
le cadre d’un projet Asia Urbs à par- mer par la pratique en concevant
tir de l’année 2000. Il s’agit d’un des projets dans plusieurs domaines
type original de partenariat, carac- jugés prioritaires par la municipa-
térisé par la motivation très forte lité de Phnom Penh dans deux sites
des partenaires. contrastés par leur situation géo-
Concrètement, il s’agit de poser les graphique et les caractéristiques
bases d’une structure qui servira de socio-économiques des populations :
lieu de réflexion, d’observatoire et l’aménagement d’un quartier péri-
de prospection pour l’aménagement urbain situé sur les berges d’un
de Phnom Penh dans les décennies canal en voie d’élargissement (Boeng
à venir. Mais, dans un pays tel que Salang) et le plan de réhabilitation
le Cambodge et une capitale encore d’immeubles d’habitation du centre
marquée par des années de guerre, urbain. Dans le centre urbain, ce
il faut monter les structures, ras- travail comprenait une analyse en
sembler la documentation existante, matière de crédit au logement et une
compiler et alimenter des bases de étude du potentiel d’activités tou-
données, réunir et former les compé- ristiques aptes à créer des emplois
tences de gestion. C’est le premier et à améliorer la situation d’une très
volet de ce projet : jeter les fonda- belle ville assez injustement mé-
tions de la structure qui manquait. connue, qui reste trop souvent une
Mais cette structure n’est elle-même, brève étape de passage pour des
ni plus ni moins, qu’un outil d’amé- touristes sur la route des trésors
nagement. L’information qu’elle per- angkoriens.
met de traiter serait d’une utilité Il est permis de penser que ce pro-
bien limitée sans les compétences jet a réussi à mettre en place une
nécessaires pour l’exploiter, et structure très utile. Il reste à démon-
concevoir et dessiner les plans trer que celle-ci deviendra un lieu
d’aménagement. Produire par de compétences reconnu dont la
exemple des cartes thématiques place au sein des instances muni-
fournies par le système d’informa- cipales se pérennisera. En outre,
tion géographique mis en place (SIG) la conception des plans d’aména-
dans le cadre du projet est une chose, gement de Boeng Salang et des
planifier en est une autre et fait appel immeubles urbains a certes fourni
à des capacités spécifiques d’ana- la matière d’une formation pratique,
lyse et de synthèse. Le deuxième encore est-il souhaitable que ce tra-
objectif de ce projet comprenait donc vail débouche sur des réalisations
un important volet de formation à pratiques. Il convient aussi de

8 Avant-propos / Vincent Rotgé


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remarquer qu’il constitue une étape mesures prises aujourd’hui en


dans le renforcement des capaci- matière de politique urbaine et de
tés institutionnelles et techniques développement foncier auront un
au service de l’aménagement effet considérable sur l’avenir de
urbain. Mais une réflexion parallèle cette ville. En matière de tourisme,
est nécessaire, en matière par la relative jeunesse de ce très vieux
exemple de sécurisation des régimes et très beau pays pourrait consti-
fonciers et de l’amélioration des tuer un certain avantage et lui per-
conditions de vie de populations sou- mettre de profiter des leçons posi-
vent déshéritées, respectueuses de tives et négatives expérimentées par
leurs droits. La dimension partici- d’autres. Ne nous cachons pas que
pative et l’ouverture, vers la société la tâche est d’importance et que la
civile et les associations de citoyens, concurrence régionale est telle qu’il
des outils et structures d’aména- s’agit de faire preuve d’imagination
gement urbain réclament en outre en préservant et renforçant des
un travail de réflexion prolongé. identités uniques et en offrant un
Il est probable que le volet touris- tourisme de qualité respectueux des
tique de ce projet ait été quelque sites, des habitants, et des visiteurs.
peu ambitieux à l’origine. Mais le On peut espérer que des initiatives
sujet est entièrement d’actualité et se développent pour confronter
appelle lui aussi de nouveaux efforts. les expériences et les modèles sui-
Il conviendrait sans doute de conce- vis dans d’autres pays d’Asie et
voir des mesures pratiques – voire d’Europe.
d’analyse de marché, de microcrédit, Espérons très sincèrement que cette
et de formation professionnelle – en publication contribuera à instaurer
contrepoint de mesures d’aména- un dialogue et un partage entre les
gement urbain destinées à renfor- leçons et résultats de ce projet, des
cer l’emploi dans les secteurs d’in- autres projets Asia Urbs et de
tervention. Dans les secteurs urbains diverses initiatives extérieures au
centraux, le tourisme se présente programme en Asie et en Europe.
sans doute comme une option parmi Remercions finalement les parte-
d’autres mais probablement impor- naires de ce projet pour leurs efforts
tante. Reste encore à prendre des considérables et leur attachement
dispositions pour que ce tourisme soit à leur travail.
durable et n’induise pas de funestes Vincent Rotgé,
architecte-urbaniste,
conséquences d’ordre culturel ou coordinateur du programme Asia Urbs, Bruxelles
social. On pense évidemment à la
« gentrification » ou aux risques de
mitage commercial du tissu urbain
central, constatés dans certaines
villes touristiques en Asie ou en
Europe. En tout état de cause, les

Vincent Rotgé / Avant-propos 9


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Grandir
avec
l’eau
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Phnom Penh et l’eau

Les rois khmers ont toujours choisi,


pour établir leurs capitales, un site
lié directement à l’eau.
Raisons religieuses, agricoles,
urbaines, les rares textes anciens
déchiffrés à ce jour sont bien peu
bavards sur la question, bien qu’elle
soit toujours d’actualité.
Les diverses villes des périodes pré-
angkorienne et angkorienne sont
liées aux différentes rivières – Stung
en khmer – de la région nord du
grand lac du Tonlé Sap.
Après la chute d’Angkor, la ville de
Lovek est établie plus au sud par le
roi Ang Chan le long d’un espace
hydraulique naturel et à proximité
du Tonlé Sap. Elle est reliée au fleuve
par un prek1 qui lui permettra l’ac-
cès au fleuve en toutes saisons.
La ville de Oudong, la glorieuse, capi-
tale jusqu’en 1863, est également
établie à proximité du Tonlé Sap.
Coupe schématique des berges du Mékong De Phnom Penh, déjà élevée en 1434
montrant les hautes eaux du fleuve en période au rang de capitale par le roi Pon-
de crue. Ce schéma matérialise également
l’ancienne utilisation des boengs pour hea Yat, on connaît peu de choses si
l’agriculture, qui bénéficie des dépôts de limon. Le Mékong à Phnom Penh.

Quelques données climatiques:


synthèse des moyennes
mensuelles de 1981 à 1998
J F M A
mousson du nord-est

T °C 21.1 22.3 24.0 25.4


31.1 32.6 34.3 34.9

Humidité (%) 71.9 70.0 68.1 70.3

Pluie en mm 2.1 3.3 16.1 69.0

Nombre de jours de pluie 1 1 3 6

Ensoleillement (heures/jour) 9.2 9.1 9.5 8.2

Evaporation (en mm) 152.0 168.8 217.0 191.2

Vitesse du vent (maximum en m/s) 5.4 6.9 8.9 10.6

Hauteur du Mékong à Chaktomouk 2.62 1.97 1.7 21.58


(département de l’hydraulique) (93) (93) (89) (93)

5.58 3.97 3.08 2.51


(97) (97) (97) (97)

Mini + 1.58

12 Phnom Penh et l’eau / François Legrand


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M J J A S O N D Moyenne
mousson du sud-ouest mousson du nord-est

25.4 25.4 24.6 25.1 24.0 23.8 22.7 21.3 Min


34.4 33.2 32.4 32.1 31.5 30.9 30.6 30.4 Max

76.2 78.2 81.5 82.8 85.6 84.9 79.7 75.3 77.04

114.9 126.6 161.3 179.7 282.9 218.5 134.2 6.2 1314.8

15 16 17 18 20 18 10 3 128 jour/an

7.6 6.5 6.7 6.1 6.0 6.6 7.2 8.9

155.9 139.6 122.9 131.6 98.3 84.2 101.9 139.6

11.4 11.7 12.4 10.1 9.4 9.5 8.6 6.0

1.65 1.7 42.69 4.76 6.32 5.94 5.00 3.57 Min


(95) (83) (98) (98) (98) (98) (92/98) (92)

3.82 8.05 8.61 10.47 10.85 10.94 9.86 7.91 Max


(86) (81) (94) (81) (96) (96) (96) (96)

/ 2 000 m3/s Maxi + 10.94 / 55 000 m3/s

François Legrand / Phnom Penh et l’eau 13


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Vue aérienne de la digue du Boeng Tum Pun, au sud de la ville, durant la saison des pluies.

ce n’est qu’elle était établie autour Les contraintes du régime au vert délicat. Cette saison des
de la colline du Vat Phnom, sur la climatique et hydraulique pluies se conjugue avec les crues du
partie de la plaine exondée et sur le L’eau du ciel et de l’Himalaya Mékong. L’eau arrive de toutes parts
bourrelet naturel des berges déposé La capitale khmère par sa situation et l’on ne sait où l’évacuer, où la
par le fleuve lors de ses crues les dans la péninsule indochinoise est retenir. Il faut bien comprendre que
plus importantes. soumise au régime climatique des le Mékong, véritable «Nil» asiatique,
Dans et autour de cette ville qui moussons. prend sa source au cœur de l’Hi-
redevient la capitale du royaume Deux saisons très différentiées se malaya, sur les hauts plateaux tibé-
khmer à partir de 1863, l’eau règne suivent sans grande transition entre tains. Il inonde la péninsule indo-
en maître des lieux, elle est partout, elles. chinoise d’énormes quantités d’eau,
au-dessus de la ville en période La saison sèche dure de mi-novembre même en saison sèche, apportant
de mousson et autour de la ville en à mi-avril où les vents peu chargés richesse et fertilité… Son débit peut
permanence. d’humidité soufflent du nord-est. C’est varier à Phnom Penh de 2 000 m3/s
Les fleuves Mékong, Tonlé Sap et la période la plus agréable et la plus à l’étiage, en avril-mai, à plus de
Tonlé Bassac la bordent à l’est. fraîche de l’année. 50 000 m3/s au plus fort de la
Les marais, les « boengs »2 reliés La saison des pluies dure de mi-avril saison des pluies – soixante fois la
directement au fleuve par des à mi-novembre. Cette saison est par- Seine à Paris –, pour un marnage
canaux et des preks s’étendent à ticulièrement pluvieuse lorsque les qui dépasse 8 mètres. Il suffirait
l’ouest, au nord et au sud. vents passent au sud-ouest, chargés
Sous la ville, la présence de plusieurs de l’humidité du golfe du Bengale. Exutoire d’une des stations de pompage.
nappes phréatiques ferme la sphère Près de 80 % des 1 365 millimètres
hydraulique qui cerne la capitale. de précipitations annuelles sont
C’est pourquoi, depuis toujours et concentrés sur cette saison des
encore plus aujourd’hui, les Auto- pluies qui dure six mois, un tiers des
rités doivent répondre à ce difficile précipitations tombant entre sep-
problème, trouver le compromis tembre et octobre.
entre l’extension inéluctable du ter- Le ciel est gris et plombé, la tem-
ritoire de la capitale et ses espaces pérature est lourde et pénible, mais
hydrauliques pour lutter contre les c’est la saison des cultures et toutes
risques permanents d’inondation. les rizières se recouvrent de plantes

14 Phnom Penh et l’eau / François Legrand


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L’érosion des berges est permanente. Elle peut être très rapide, rognant 15 à 20 mètres de terrain chaque année.

alors de 10 secondes pour recouvrir tourant totalement à l’exception de protection et s’opposent à la pres-
de 2 mètres d’eau la surface totale quelques routes digues qui la relient sion sourde et permanente des eaux
de la capitale. au reste du pays. Les terrains qui du Mékong.
Le Tonlé Sap, quant à lui, est un l’entourent, situés pour leur plus
cours d’eau sans source, un immense grande part, à plus de 7 mètres Les risques
prek qui est à la fois l’exutoire du lac au-dessous du niveau de la crue, d’inondations
Tonlé Sap, et le canal et bras d’eau sont devenus d’immenses lacs. Ainsi, on peut noter quatre types de
qui permettent de le remplir. C’est Deux petits cours d’eau, qui protè- risques d’inondations de toutes les
une curiosité naturelle qui voit son gent la ville au nord et au sud, le villes qui bordent le Mékong et le
courant s’inverser au moment des Prek Phnov et le Prek Thnot, cou- Tonlé Sap dont Phnom Penh : les
crues, le lac-source jouant un rôle lent vers le fleuve. Ils prennent leur inondations liées aux crues du
de réservoir régulateur au rythme source à une centaine de kilomètres Mékong et de ses affluents majeurs,
de 8 000 m3/s en crête. de Phnom Penh, dans les montagnes celles liées aux crues violentes ou
C’est, bien sûr, à la saison des pluies situées à l’ouest de la capitale. Leurs torrentielles des deux rivières du
que les boengs s’équilibrent par bassins versants, courts et réactifs, nord et du sud des digues, l’arri-
inversion du sens d’écoulement des apportent avec violence, en cas de vée brutale d’eaux de ruissellement
preks et où l’on peut vraiment dire précipitations, une nouvelle masse des collines de l’ouest qui peuvent
que la ville est une île, l’eau l’en- hydraulique contre les digues de en très peu de temps venir buter,

Habitation sur le canal du Boeng Tum Pun. Le canal du Boeng Trabek avant rénovation. Le canal du Boeng Trabek après rénovation.

François Legrand / Phnom Penh et l’eau 15


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tement sur la ville et dont l’évacua-


tion est mal assurée par des réseaux
de drainages obsolètes, sous-dimen-
sionnés et surtout insuffisamment
entretenus ou inexistants.
Le cumul des risques peut conduire
à des situations catastrophiques
lorsque la conjugaison des phéno-
mènes atteint son paroxysme. Les
systèmes de défense existant, for-
tement sollicités, apparaissent alors
bien pauvres face aux enjeux qu’ils
sont censés protéger.

Phnom Penh,
une ville dans l’eau
Phnom Penh est née de l’eau. Elle
trouve son origine dans le site
exceptionnel des Quatre Bras, puis-
santes voies de communication et
ressources naturelles inépuisables.
Phnom Penh est aussi une ville née
dans l’eau. Construite sur des ter-
rains situés au-dessous du niveau
des crues du Mékong, elle n’a pu
être créée et ne peut subsister que
par des travaux de protection impor-
tants et par l’entretien vigilant d’un
système hydraulique très sensible.
L’arrivée aérienne sur Phnom Penh
permet en toute saison de découvrir
une ville entourée d’eau qui s’étend
sur un terrain presque plat.
A droite de la ville, à l’est, conver-
gent le Mékong amont et le Tonlé
Sap et en divergent le Mékong aval
et le Bassac, qui forment ensemble
les Quatre Bras.
De toutes parts, la succession de
grandes étendues d’eau, les boengs,
plus ou moins en liaison avec les
eaux du fleuve, se régénère à chaque
crue et enserre la ville dans un écrin
verdoyant à la saison sèche qui se
transforme en un véritable océan
lors des crues importantes.
Lors des crues exceptionnelles, ici en 1996, l’eau submerge tout. La ville s’est développée grâce à des
digues successives.
voire submerger les installations de Mékong en font un fleuve surveillé A l’origine, la capitale a pris nais-
protection, et enfin, la pluie qui et contrôlé. Il autorise une prévision sance sur les bourrelets naturels de
tombe directement sur la ville et qui et la mise en place, en cas de néces- berges constitués par des alluvions
doit être évacuée. sité, d’une cellule de crise pour faire abandonnées lors des crues suc-
C’est lors de la concomitance de ces face à la protection de l’espace cessives du Mékong. Ces bourrelets
phénomènes que le risque naturel urbain et de ses populations. semblent aujourd’hui à l’abri des
d’inondation est maximum et que le En revanche, pour les inondations submersions. La capitale s’est tout
système de défense de la ville est liées aux crues torrentielles des deux d’abord développée sur les terrains
le plus sollicité et agressé. rivières du Nord et du Sud, il les plus élevés, comme les abords
Les inondations dues aux crues du n’existe, semble-t-il, aucun système du Phnom que l’altitude met éga-
fleuve sont prévisibles car la mon- de mesures et d’alertes fiable. lement hors d’eau.
tée relativement lente du niveau du De plus, les fortes pluies de la mous- L’extension de la ville a dû s’effec-
fleuve et la présence d’un réseau son entraînent des inondations liées tuer en plusieurs phases, toujours
d’alertes développé par le comité du aux précipitations qui tombent direc- selon le même schéma, par oc-

16 Phnom Penh et l’eau / François Legrand


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cupation successive de terrains


conquis sur les marécages et les
boengs situés à l’arrière de la berge
du fleuve.
En premier lieu, la zone choisie
pour développer l’urbanisation était
protégée par une digue de contour-
nement qui la mettait à l’abri des
crues. Ces digues, dont la technique
est héritée du savoir-faire khmer,
étaient construites au moyen de
matériaux trouvés localement,
empruntés aux terrains avoisinants
dont ceux des boengs.
Puis le remblaiement des espaces
ainsi protégés s’effectuait progres-
sivement grâce à des alluvions
argilo-sableuses prélevées dans le
Mékong et apportées par voie
hydraulique. Cette méthode, qui par-
ticipait en même temps à l’entretien
du lit du fleuve, restait économi-
quement raisonnable.
Il est ainsi facile de reconstituer
toute l’histoire de l’agrandissement
de Phnom Penh sur les plans ou sur
le terrain, par l’examen des digues
successives qui ont déterminé l’ex-
tension de la ville jusqu’aux années
1950.
Au début des années 1960, un nou-
veau plan d’extension de la ville va
tripler sa surface à l’ouest du bou-
levard Monivong et englober, dans
la partie endiguée de la ville, une
série de boengs – Boeng Trabek et
Boeng Salang tout d’abord, Boeng
Tum Pun ensuite – qui vont deve-
nir autant de bassins de rétention
des eaux pluviales et des eaux usées.
Pour évacuer ces eaux, une série de
stations de pompage sont édifiées
sur les digues extérieures, elles
enverront désormais le trop-plein
des eaux stockées dans les boengs
vers les grands lacs situés au nord
et au sud de la ville qui communi- Zones inondées lors de la saison des pluies de 1996 – source Jica.
quent avec le Mékong et le Tonlé
Sap. eaux pluviales et à l’évacuation des l’écoulement des eaux se faisant
Les dernières digues ont été réali- eaux usées hors de la ville. ensuite naturellement au fil des
sées dans les années 1970, à plus Le réseau d’assainissement est pentes des canalisations.
de 20 kilomètres du centre-ville, constitué d’un système d’égouts et Le développement actuel du réseau
annexant ainsi un immense terri- de déversoirs d’orage anciens et par- primaire, constitué de buses en
toire essentiellement rural et très fois devenus sous-dimensionnés. béton dont les diamètres varient de
faiblement urbanisé. Le réseau d’assainissement a été 500 mm à 1 500 mm, est évalué à
conçu à l’origine sur un schéma 185 kilomètres.
Le système d’évacuation pseudo-pluvial avec un fonctionne- Le nombre de bouches d’égout, selon
des eaux ment gravitaire. Il draine les eaux les rapports des experts, peut être
La situation urbaine extrêmement pluviales par l’intermédiaire de estimé à 3 000.
particulière de Phnom Penh néces- bouches d’égout sélectives et les Le nombre de branchements de
site de porter la plus grande atten- eaux usées des immeubles, en prin- regards, espacés de 35 à 55 mètres,
tion au système de drainage des cipe, par des fosses septiques , est également estimé à au moins 6000.

François Legrand / Phnom Penh et l’eau 17


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Bien qu’ayant reçu par endroits des


réhabilitations ponctuelles, l’ensemble
du réseau est fort dégradé par l’usure
et du fait de défauts d’entretien sys-
tématiques. En de nombreux endroits,
les bouches d’égout et les regards
de protection sont transformés en
réceptacles à ordures.
Les déversoirs d’orage sont systéma-
tiquement fermés durant la période
de crues du Mékong qui coïncide avec
la saison des pluies, au lieu d’avoir
une obstruction programmée en fonc-
tion de la montée des eaux du fleuve.
Au moindre orage, les tuyaux ne
peuvent plus assurer l’évacuation
des eaux et les inondations, plus ou
moins généralisées, se multiplient
dans les rues.
Au plus fort de la saison des pluies,
parfois, toute la ville est inondée.
Ce réseau d’assainissement, pro-
longé par des canaux à ciel ouvert,
assure en principe le drainage des
eaux pluviales auxquelles se mélan-
gent des eaux usées.
L’ensemble de ces eaux résiduaires
est normalement rejeté directement
dans les fleuves ou recueilli par les
stations de pompage installées sur
les digues et évacué vers les boengs
extérieurs.
En ville, les dépressions dont la pro-
tection est assurée par les digues ne
peuvent évacuer leurs eaux pluviales
ou de consommation que grâce à la
fiabilité des stations de pompage. Une
situation qui impose de préserver des
espaces de rétention importants et
d’assurer une pérennité irrépro-
chable aux groupes de pompage.
Chaque secteur conserve néanmoins
ses particularités et il convient de dis-
tinguer les divers bassins versants qui
composent le territoire de la ville :
Modèle numérique des terrains de la ville de Phnom Penh. Les parties coloriées du vert au bleu
– la partie nord du district de Daun montrent la zone de la ville qui serait inondée en cas de rupture des digues – source : agence Desaix.
Penh, jusqu’au marché central : ses
eaux se déversent directement dans – le bassin du Boeng Salang, qui Le développement actuel
le Tonlé Sap. Elle n’est pas protégée fait l’objet d’un projet du pro- de la ville et les risques d’inondation
des crues du fleuve ; gramme Asia Urbs et dont les Les nouveaux espaces d’extension
– la partie sud du district de Daun réseaux ne sont pas terminés, peut de la ville, notamment au nord du
Penh est équipée d’un réseau de type encore être équipé d’un système Boeng Kak et jusqu’à la digue de Kop
pseudo-pluvial : les eaux se déver- séparatif ; Srov, ne sont plus, aujourd’hui, sys-
sent en période de basses eaux dans – le bassin du district de Tuol Kork tématiquement remblayés compte
le Tonlé Sap et en période de crues, est sans réseau clairement défini ; tenu de l’investissement que cela
après mise en charge et renverse- – le bassin de Tek Laok n’a pas de supposerait. La ville est en consé-
ment des sens d’écoulement, dans réseau structuré. quence conduite à très court terme
le bassin du Boeng Trabek ; L’ensemble de ces bassins versants, à se développer sur des zones de
– le bassin du Boeng Trabek est en dehors du premier, est largement basse altitude, au-dessous du niveau
équipé d’un réseau de type pseudo- tributaire des usines de relevage des des plus hautes eaux du Mékong. Il
unitaire, bien structuré ; eaux situées sur les digues. est donc nécessaire de trouver de

18 Phnom Penh et l’eau / François Legrand


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Penh, l’aggravation des problèmes


d’hydrologie urbaine.
La diversité et la complexité des
risques liés à l’eau en font un sys-
tème encore peu maîtrisé. Le dan-
ger est flagrant, il peut être mortel
à grande échelle et tout au moins
bloquer une économie qui déjà ren-
contre des difficultés à émerger.
Ces considérations militent pour que
les autorités khmères organisent
une défense contre les crues dans
les nouveaux espaces, fondée sur
une stratégie de casiers indépen-
dants les uns des autres qui
peuvent, en cas d’accident, se sou-
lager mutuellement. Ces remarques
doivent également matérialiser les
futurs réseaux de drainage et
établir les principes des systèmes
d’assainissement qu’il convient de
prévoir.
Aujourd’hui, c’est dans ces zones
nouvellement ouvertes à l’urbanisa-
tion que sont dirigées les populations
pauvres déplacées du centre-ville.
L’enjeu est important car, c’est dès à
présent, alors que l’urbanisation en
est encore à ses balbutiements, que
se joue l’avenir de ces zones et leur
capacité à s’intégrer dans un système
urbain maîtrisé ou, au contraire, à
se transformer en zones à hauts
risques d’inondations.
Il en est de même des zones de rem-
blai et de déblai, parfois très pro-
fondes, qui se multiplient. Initiés par
des privés, sans vision d’ensemble
des conséquences sur les systèmes
de stockage et de drainage des eaux,
ces travaux constituent un facteur
de risque majeur. Ils engendrent
des modifications sur l’écoulement
des eaux dans les zones agricoles et
périurbaines qui accélèrent l’aban-
Plan des six bassins versants, indépendants de la ville de Phnom Penh – source : agence Desaix, 1996.
don des cultures sur certaines terres,
déstabilisent les terrains voisins,
nouveaux modes de gestion du drai- de la solidité d’une seule digue et de et coupent les canaux et les preks
nage des eaux pluviales et des eaux l’infaillibilité d’une seule station de sans aucune précaution.
usées. pompage très puissante.
La conquête permanente de nou- Le monde, hélas, regorge d’exemples Les dysfonctionnements
veaux espaces urbains sur le milieu de ruptures de digues dont les consé- du réseau d’assainissement
naturel, notamment sur les boengs quences furent catastrophiques pour et les remèdes possibles
situés à des niveaux inférieurs les populations et pour l’économie. Malgré les efforts entrepris ces der-
aux plus hautes eaux des crues du Par ailleurs, les météorologistes ne nières années, les inondations conti-
fleuve, mérite à très court terme une manquent pas d’alerter l’opinion nuent et s’aggravent dans certains
nouvelle analyse de la sécurité par publique sur l’évolution de la cli- quartiers. Elles sont à l’origine de
rapport aux inondations. On peut matologie, qui devrait voir, dans un maladies hydriques qui, selon le
s’interroger aujourd’hui sur des proche avenir, l’augmentation des ministère de la Santé, deviennent
solutions qui consisteraient à faire hauteurs des précipitations et, par endémiques. Elles sont catastro-
dépendre de très grands territoires voie de conséquence, pour Phnom phiques pour les familles les plus

François Legrand / Phnom Penh et l’eau 19


00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 20

d’énergie disponible au moment des


pluies.
Il s’agit, ensuite, de l’entretien du
réseau d’égouts. En effet, le plus sou-
vent, les moyens de curage sont uti-
lisés de manière irrationnelle et
mobilisés pour le nettoyage des
fosses septiques, dont le résultat est
a priori financièrement rentable, au
lieu d’être employées pour redon-
ner une véritable capacité d’éva-
cuation aux canalisations par un
curage systématique et programmé.
L’obstructions des canalisations pro-
voque des dépenses dont les coûts
cachés et indirects supportés par les
utilisateurs sont très probablement
bien supérieurs aux gains financiers
dégagés par les opérations sur les
fosses septiques.
Il s’agit, enfin, du problème perma-
nent d’absence de budget d’entre-
tien. En effet, les budgets minimaux
affectés à l’assainissement ne per-
mettent pas d’assurer la mainte-
nance des équipements. Actuelle-
ment, les ressources du service
résultent d’un prélèvement de 10 %
sur les factures d’eau potable, qui
Le centre-ville après une pluie torrentielle en 1995. elles-mêmes, sont insuffisantes pour
assurer une autonomie financière
de la Régie des eaux.
pauvres, contraintes de s’installer taires et gravitaires et dont les sec- Ce budget ne permet ni de lutter
en dehors de la ville, sur des ter- tions sont très insuffisantes par rap- contre l’envasement et le remblaie-
rains souvent inondables et mal port au volume d’effluents ; ment progressifs des canaux à ciel
drainés. Cette solution les conduit à – la création de nouveaux lotisse- ouvert, qui ne jouent plus leur rôle
revenir vers le centre-ville, dans des ments et de nouvelles zones d’ex- de bassins de retenue et dont l’écou-
conditions encore plus précaires. tension qui se réalisent sans tenir lement pourrait être amélioré, ni
Plusieurs causes sont à l’origine des compte de l’existant ou des possibi- d’enrayer la dégradation des
dysfonctionnements constatés et dont lités d’évacuation des eaux usées et réseaux d’égouts attaqués par la
l’émergence s’exprime différemment pluviales ; présence d’hydrogène sulfuré (H2S)
intra- et extra-muros. – des déversoirs d’orage qui ne peu- et qui, par manque de curage, voient
vent être activés qu’en dehors des ce processus s’accélérer.
Sur le plan conceptuel, on notera : crues du Mékong, donc en saison La stagnation des eaux usées dans
– la poursuite de l’extension urbaine, sèche ; les réseaux entraîne une production
qui se pratique sur des terrains rem- – des défauts de coordination entre d’H2S nauséabonde et corrosive
blayés par des investisseurs, au les secteurs opérationnels. pour le béton. Ainsi, un processus
détriment des canaux d’évacuation lié au manque d’entretien conduit à
des eaux et des boengs, véritables Sur le plan fonctionnel et structu- la destruction du patrimoine en
bassins de retenue ; rel, plusieurs problèmes endémiques place.
– l’éloignement progressif des points peuvent être évoqués. Ce constat non exhaustif met en évi-
de rejet des eaux qui entraîne une Il s’agit, tout d’abord, du fonction- dence les difficultés de gestion des
diminution des pentes hydrauliques; nement des usines de pompage. En eaux auxquelles la capitale khmère
– l’accroissement et l’imperméabi- effet, bien que la reconstruction des et ses services doivent faire face.
lisation progressifs des surfaces à usines du Boeng Trabek et du Boeng Elles sont accentuées par une pénu-
drainer qui augmentent le volume Tum Pum soit programmée à très rie de moyens de tous ordres, par
des eaux à évacuer ; court terme, il reste beaucoup à faire un accroissement démographique
– l’extension du réseau d’assainis- avec les usines de relèvement secon- important et par une extension très
sement qui se réalise par le prolon- daire dont les équipements sont rapide du périmètre de la ville.
gement des égouts sans remise en absents ou obsolètes et qui ne sont Cependant, pour éviter que les déci-
cause de ses caractéristiques uni- pas opérationnelles par manque sions prises aujourd’hui sous la

20 Phnom Penh et l’eau / François Legrand


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Le centre-ville après une pluie torrentielle en 1995.

pression du développement urbain ville, et les principaux axes de drai- d’information et de sensibilisation
n’hypothèquent l’avenir de façon nage du grand Phnom Penh. auprès des populations destinée à
irréversible, il est suggéré aux auto- Le principe déjà expérimenté, un leur expliquer le bien-fondé de la
rités khmères de développer toute grand axe routier et un canal de démarche tant pour la santé que
une série d’actions dans le domaine drainage sont recommandés pour pour l’écologie urbaine.
de l’hydrologie urbaine. éviter l’occupation abusive des Tout cela invite fortement la commu-
berges. nauté internationale à apporter d’ur-
Propositions d’actions dans le Sur le plan fonctionnel, nous suggé- gence toute une série d’aides afin
domaine de l’hydrologie urbaine rons également aux édiles de la ville de permettre à Phnom Penh et à ses
En matière d’urbanisme et d’hy- de procéder à l’élaboration de habitants de bénéficier pleinement
drologie urbaine, les études géné- règlements opposables aux tiers, des de la situation de paix retrouvée.
rales de grande qualité, produites règlements sanitaires et d’assainis- François Legrand
notamment par la coopération sement qui fixeront les normes
1/ Un prek est un bras d’eau sans source qui met
japonaise, établissent avec précision constructives à adopter et les pres- en relation, à la saison des pluies, le fleuve, les
les conditions de fonctionnement criptions à observer pour l’évacua- étangs et les lacs. Il est alimenté par la crue du
fleuve et le ruissellement des eaux de pluie.
hydraulique de Phnom Penh et de tion des eaux usées et pluviales. 2/ On appelle « boeng », une dépression formant
ses environs. Il est également proposé à la muni- un lac, ou un étang vaste, alimentée par les
canaux naturels ou artificiels durant la saison des
Il est suggéré aux autorités de la ville cipalité d’orienter l’organisation des pluies et qui sert de réserve d’eau pour les
d’établir dès maintenant un schéma services chargés du drainage et de cultures durant la saison sèche.

du drainage de la région et un plan l’assainissement vers une autono-


de zonage fixant les principes d’as- mie financière voisine des systèmes
sainissement individuels, séparatifs de régie.
ou unitaires, qui seront retenus pour L’analyse financière fondée sur une
les prochaines années. réalité physique est le seul outil qui
Ce schéma devrait pouvoir matéria- donne une idée exhaustive et réaliste
liser physiquement, sur le terrain, des besoins de ce type de services.
la politique de casiers préconisée, In fine, il est recommandé à la Ville
nécessaire à la sécurité globale du de Phnom Penh d’accompagner ces
fonctionnement hydraulique de la diverses mesures d’une campagne

François Legrand / Phnom Penh et l’eau 21


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Autour du Boeng Kak

La population de Phnom Penh est route n° 7, qui est une partie du bou-
estimée à plus d’un million d’habi- levard de ceinture de la ville, à l’est
tants. par l’enclos de l’ambassade de
Avec la fin du régime des Khmers France et de l’hôpital Calmette, par
rouges, tous les bâtiments dispo- plusieurs bâtiments officiels et l’usine
nibles ont été occupés et un habi- de traitement des eaux, au sud par
tat spontané a été construit sur les la voie de chemin de fer et le large
terrains libres, près des routes, des boulevard de Russie, à l’ouest par
voies de chemin de fer, des rivières des terres marécageuses et le rem-
et des boengs. blai d’une ancienne voie ferrée désaf-
La plupart des habitants ont payé fectée qui le séparent du quartier de
pour les lots sur lesquels ils se sont Tuol Kork. La superficie du village
installés, mais la terre au Cambodge est de 0,8 km2, avec une population
étant alors propriété de l’Etat, ils estimée à plus de 20 000 habitants.
n’ont pas eu de titres fonciers. La rive est du boeng a longtemps été
Les quartiers spontanés n’ont pas un parc urbain, même si quelques
ou très peu d’infrastructures ou de familles y résidaient déjà. Cepen-
services urbains, cependant ils sont dant, l’accroissement de la popula-
la seule alternative possible pour tion au cours des dix dernières
ceux qui arrivent en ville. années a peu à peu grignoté chaque
Boeng Kak, bâti autour du lac du parcelle de terrain libre, jusqu’à faire
même nom, est un de ces quartiers. totalement disparaître le jardin et
Sa localisation à la lisière nord-ouest occuper entièrement les rives sud et
du centre-ville en fait une destina- ouest. Aujourd’hui, la zone abrite
tion favorite pour les migrants, tra- plus de 4000 familles, avec une den-
vailleurs temporaires, visiteurs de sité de 250 hab/ha huit fois supé-
courte durée et même touristes à la rieure à la densité moyenne de la
recherche d’un hébergement à ville. La plupart des familles, prin-
proximité du centre-ville. cipalement au nord et à l’est, sont
Bien que de niveaux inégaux, les arrivées depuis longtemps et consi-
conditions de vie dans la zone ont dèrent avoir la sécurité foncière
besoin d’être considérablement même si très peu possèdent des titres
améliorées. de propriété officiels. La plupart des
De plus, sa situation stratégique fait résidants travaillent dans le secteur
du Boeng Kak un élément important informel, conducteurs de « moto-
dans le développement de Phnom dop »1, vendeurs des rue ou ouvriers
Penh. dans le secteur de la construction.
Quelques-uns, mais peu, sont fonc-
Le boeng et le quartier tionnaires. Le revenu moyen par per-
Boeng Kak est une vaste étendue sonne est estimé à 50 $ par mois.
L’une des rues principales à l’est du Boeng Kak. sur 1,3 km du nord au sud et sur Entourée par quatre boulevards
1 km d’est en ouest. Une petite majeurs de Phnom Penh, l’ensemble
péninsule s’étire sur 400 mètres de la zone est bien relié au reste de
depuis le rivage sud dans le boeng, la ville. Cependant, le réseau inté-
tandis qu’à sa limite nord, un bar- rieur de rues est indigent et de mau-
rage le sépare d’un des bassins de vaise qualité, la circulation est entra-
rétention de la ville. vée par la présence de voies ferrées
Lors des fortes pluies, la plupart des et par l’enchevêtrement des
zones en bordure du lac sont inon- constructions. La circulation moto-
dées, surtout au sud et à l’ouest. Le risée n’est possible que dans
quartier est limité au nord par la quelques rues de la partie est.

22 Autour du Boeng Kak / Cecilia Corsini / Angela Cotta / Giulio Galeotti Del Re / Alexandra Linden / Andrea Parisi / Herbert Runggaldier / Daniele Vettorato / Daniele M. Zambon / Francesca Balbo
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Boeng Kak est davantage une suc- Habitat à Boeng Kak.


cession de zones différentes qu’un
quartier homogène, chaque zone
étant définie soit par sa localisation
– la péninsule –, ses infrastructures
– la digue de la voie de chemin de
fer – son pont piéton –,soit par les
activités économiques qui y sont
concentrées.
La partie est, la première à avoir été
bâtie, offre des conditions de vie
meilleures que le reste du Boeng
Kak. Deux sorties vers le boulevard
Monivong et des sorties vers la route
n°7 au nord font d’elle une zone bien
reliée au reste de la ville. Les ser-
vices urbains, et particulièrement
l’eau et l’électricité, y sont fournis
par des revendeurs privés.
Plusieurs guest houses pour rou-

Cecilia Corsini / Angela Cotta / Giulio Galeotti Del Re / Alexandra Linden / Andrea Parisi / Herbert Runggaldier / Daniele Vettorato / Daniele M. Zambon / Francesca Balbo / Autour du Boeng Kak 23
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tards sont situées en bordure du l’affectation de chaque zone, de déli-


boeng et plusieurs familles parta- miter l’emprise du boeng, des jardins,
gent les mêmes passerelles pour des voies publiques et des terrains
accéder à leurs maisons construites constructibles. Ainsi des titres fon-
sur le lac. Au nord-est, où les toutes ciers pourraient être délivrés aux
premières familles se sont instal- résidants par la municipalité, leur
lées, il y a aussi un centre commu- assurant un droit de propriété réel.
nautaire.
La zone au nord fait face à la route Le projet prévoit quatre phases
n° 7, de plus en plus encombrée. Le de mise en œuvre:
boeng est difficilement visible depuis 1. Remblaiement et viabilisation de
la route, caché par une enfilade de nouveaux terrains pour la construc-
bâtiments en béton de plusieurs tion de logements et de commerces
étages. sur la rive nord afin d’assurer les res-
La partie à l’ouest du lac est bordée sources financières nécessaires à la
par la digue de chemin de fer, sur réhabilitation du reste du quartier.
laquelle la plupart des migrants 2. Drainage des marécages à l’ouest
récents sont installés dans un habi- de la digue du chemin de fer, creu-
tat précaire et très pauvre. Puisque sement d’un nouveau bassin de
la seule voie de desserte est la voie rétention pour contrôler les inon-
ferrée, à l’abandon, l’accès à cette dations durant la saison des pluies
Une passerelle d’accès aux maisons construites zone est difficile. Sur la rive du lac, et production de nouvelles parcelles
sur le lac.
quelques pêcheurs vivent là depuis de dimensions diverses (de 10 x 6 m
longtemps. à 15 x 7 m).
Enfin, le long de la partie sud du 3. Déplacement des familles, dont le
boeng, là où se trouve la gare de terrain est nécessaire au projet, sur
chemin de fer, de très pauvres les nouvelles parcelles, avec recou-
constructions sont coincées entre la vrement partiel des coûts.
rive, au nord, et le boulevard de Rus- 4. Adduction d’eau potable, électri-
sie, au sud. Dans la péninsule, sou- cité, égouts, amélioration des voies
vent inondée, un petit groupe de cul- pour permettre l’accès des véhicules
tivateurs vit du maraîchage. et la collecte des ordures ménagères,
mise en place de services urbains,
L’atelier marchés, terrains de jeu.
En collaboration avec le Bureau des 5. Réalisation d’un parc urbain en
affaires urbaines (BAU)de la munici- aménageant la péninsule et la rive
palité de Phnom Penh, l’Istituto Uni- sud et construction d’une promenade
versitario di Architettura di Venezia piétonne sur les berges du boeng.
(IUAV) a organisé un atelier d’études Le projet devrait pouvoir générer
La digue de la voie de chemin de fer, à l’ouest du et de propositions sur le site du Boeng environ 500 nouvelles parcelles,
Boeng Kak.
Kak. dont 135 seront mises en vente à des
Les objectifs de cet atelier, définis prix permettant de financer une par-
par le BAU, étaient de préserver le tie des coûts d’aménagement.
boeng en tant qu’élément naturel Le coût total du projet peut être esti-
de grande importance dans l’envi- mer à environ 2 millions de dollars,
ronnement urbain, d’améliorer les dont 1,5 million pour la construc-
conditions de vie dans les zones tion du nouveau bassin de rétention.
d’habitat spontané, de préserver la Le recouvrement des coûts peut être
diversité des différentes parties de estimé à 1,3 million de dollars si l’on
la zone et de renforcer les relations additionne le produit de la vente des
entre la ville et Boeng Kak. nouvelles parcelles sur la rive nord
La route digue n° 7 au nord du Boeng Kak. Le projet prévoit une série d’actions et les taxes d’attribution de 4 725
concernant les deux questions prin- titres de propriété.
cipales : les conditions d’habitat et Cecilia Corsini / Angela Cotta /
les inondations. Le projet serait Giulio Galeotti Del Re / Alexandra Linden /
Andrea Parisi / Herbert Runggaldier /
confié à la municipalité, avec la par- Daniele Vettorato / Daniele M. Zambon /
ticipation des habitants et des auto- Francesca Balbo
Dipartimento di pianificazione,
rités des « sangkhats »2. Les infra- Istituto Universitario di Architettura di Venezia
structures, services et espaces Coordinateur de l’atelier : Marcello Balbo

publics prévus par le projet obligent 1/ Un motodop est une mobylette taxi.
à reloger environ 350 foyers. 2/ Un sangkhat est un découpage administratif.
Il équivaut à un quartier.
Le projet permettrait de définir

24 Autour du Boeng Kak / Cecilia Corsini / Angela Cotta / Giulio Galeotti Del Re / Alexandra Linden / Andrea Parisi / Herbert Runggaldier / Daniele Vettorato / Daniele M. Zambon / Francesca Balbo
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 25

Construction materials Boeng KAK : 1993 - 2001


wood built up to 1993
source : IGN France

mix built after 1993


source : Aereal Photo Finmap
May 2001
concrete

Recensement des bâtiments par type de matériaux de construction Comparaison des constructions en 1993 et en 2001.
En rouge, les maisons en bois ; en jaune, les maisons mixtes ; en vert, En noir, les édifices existants en 1993 ; en rouge, les édifices construits
les bâtiments en béton. après 1993.

Projet d’aménagement du Boeng Kak – IUAV – janvier 2002.

Cecilia Corsini / Angela Cotta / Giulio Galeotti Del Re / Alexandra Linden / Andrea Parisi / Herbert Runggaldier / Daniele Vettorato / Daniele M. Zambon / Francesca Balbo / Autour du Boeng Kak 25
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 26

Boeng Salang

Développement urbain le produit d’une approche ration-


et gestion de l’eau nelle, fondée sur le fonctionnement
Depuis sa création, Phnom Penh a naturel des eaux.
été exposée aux risques d’inonda- Un autre phénomène majeur affecte
tions, par les effets combinés des le développement de la ville, ce sont
pluies des moussons et des crues du les effets combinés des crues du
Mékong. Mékong et du ruissellement des eaux
Jusqu’aux années 1950, l’urbani- de pluie, depuis les collines voisines,
sation s’est faite en gagnant des ter- qui peuvent produire des inonda-
rains sur les zones inondables et en tions très importantes sur les ter-
remblayant avec les alluvions du rains non endigués des districts exté-
fleuve au confluent du Mékong et du rieurs à la ville. Ce phénomène
Tonlé Sap. mérite une attention particulière,
La structure du réseau viaire découle non seulement pour la planification
de cette conception du développe- du développement de nouvelles
ment du système de drainage des zones d’urbanisation hors d’eau,
eaux pluviales et d’évacuation des mais également parce qu’un niveau
eaux usées. trop haut des eaux à l’extérieur des
Initialement, un plan en grille créa digues peut empêcher un fonction-
un premier réseau de rues perpen- nement correct des stations de pom-
diculaires et parallèles au fleuve. page et obliger à stocker l’eau en
Puis, dans les années 1960, afin de amont des pompes.
gagner de nouveaux terrains à bâtir, L’enjeu actuel consiste donc, d’une
une série de digues périphériques part, à restaurer les capacités des
furent construites pour encercler et systèmes de drainage existant à l’in-
protéger la zone urbanisable. Les térieur des digues, avec leurs zones
boengs1 existants furent préservés de rétention et leurs pompes, et,
et transformés en bassins de réten- d’autre part, à préparer des terrains
tion des eaux pluviales et usées ; ils extérieurs à devenir de nouvelles
furent intégrés dans un système de zones d’extension urbaine à des
drainage des eaux allant du nord coûts abordables pour cette ville et
vers le sud de la ville, suivant la sa population.
pente naturelle des sols. L’eau des Un développement majeur de la
boengs est ensuite évacuée, par des ville a eu lieu à partir des années
stations de pompage construites sur 1960 avec notamment, à l’ouest, la
la digue périphérique, vers des zones construction du stade olympique et
basses, des canaux et des lacs exté- de nouveaux quartiers qui ont
rieurs utilisés pour nettoyer par le étendu la ville jusqu’au boulevard
lagunage les eaux polluées avant de Mao-Tsé-Toung, nouveau boulevard
La route digue n° 271, élargie en 2002. les rejeter dans le fleuve ou les de ceinture et digue de protection,
preks. et, au-delà, jusqu’à la deuxième
La partie du réseau d’égouts digue qui a englobé le Boeng Salang,
construite au début du XXe siècle, et, vers le sud, avec dans le district
reliée au système de l’ensemble de de Cham Kar Mon, l’édification d’un
la ville, fonctionne encore alterna- palais, nouvelle résidence du roi, et
tivement, rejetant les eaux vers l’est, de nouveaux quartiers d’habitation
dans le Tonlé Sap à la saison sèche, et d’administration, protégés par les
et vers l’ouest, dans les boengs, par digues du Boeng Trabek et du Boeng
l’intermédiaire de canaux, durant Tum Pun.
la saison des pluies. Ainsi, le réseau Le boulevard Monivong, qui traverse
d’égouts et le réseau des voies sont la ville du nord au sud, sépare les bas-

26 Boeng Salang / Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands


00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 27

Boeng Salang Rehabilitation Project


Flooded area 1995 and 1996
Boeng in dry season

Boeng area

flooded area 1995

flooded area 1996

Etendue de l’inondation durant les crues


exceptionnelles de 1995 et 1996 – BAU de
Phnom Penh.

Boeng Salang Rehabilitation Project


Building Materials
Brick

Wooden

Surveyed limit

Path

Road

Recensement des bâtiments par type de matériaux de construction – BAU de Phnom Penh, 2002.

Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands / Boeng Salang 27


00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 28

sins versants du système de drainage; la saison des pluies de 1996, la boeng s’étend donc sur 1,6 km et sa
le bassin sud se déverse dans le Boeng réduction des capacités de rétention capacité de stockage est d’environ
Trabek, tandis que le bassin ouest du boeng a entraîné l’inondation de 150 000 m3 d’eau. Avec Boeng Tra-
se déverse dans le Boeng Salang, ces l’ensemble du quartier alentour. bek, ces deux boengs recueillent les
deux boengs constituant les deux élé- Cependant, malgré cela, Boeng eaux de pluie des quatre districts
ments majeurs du système de drai- Salang reste un élément essentiel du centraux.
nage des eaux de la ville. système de drainage de l’ensemble Le projet concerne plus de 200 ha,
Cependant, sous la pression de l’aug- de l’agglomération. Une réduction dans la partie ouest du bassin
mentation de la population et de la accrue de sa capacité de rétention versant, où résident 24 000 per-
demande croissante d’habitat et de affecterait des parties importantes sonnes (4 800 ménages), soit une
services, la recherche d’un équilibre du district de Tuol Kork en amont, densité de population assez faible
adéquat entre drainage des eaux et et de la zone du Boeng Tum Pun en de 120 hab / ha2.
demande de terrains à bâtir n’est plus aval. De plus, pour des zones comme La zone du projet est limitée au nord
une priorité. Comme dans beaucoup Tuol Kork, en cours d’urbanisation par la rue 182 ou rue Okmha-Phan,
d’autres villes dont l’expansion est rapide, la préservation du boeng est à l’ouest par le boulevard Mao-Tsé-
rapide, les migrants des zones rurales essentielle afin de conserver un envi- Toung, au sud-ouest par le boule-
se sont installés là où les terres étaient ronnement de bonne qualité pour la vard Samdeck-Monireth, et à l’ouest
disponibles et peu chères, prêtant peu population locale, mais aussi pour par la route digue 271 ou rue Yotha-
ou pas d’attention du tout aux consé- les habitants de la totalité du secteur pol-Khemarak-Phoumnin, élargie et
quences que cela pouvait avoir sur le ouest de la ville. rénovée au début de l’année 2002
système complexe de rétention des pour faire face à l’augmentation du
eaux et de drainage de la ville. Le projet de réhabilitation trafic. La partie nord-ouest de la
Boeng Salang représente un cas du Boeng Salang zone est occupée par plusieurs bâti-
typique d’accroissement rapide d’oc- Situé dans la partie ouest de Phnom ments publics.
cupation des terrains sous la pres- Penh, Boeng Salang appartient au Depuis 1996, date du premier projet
sion du besoin de nouvelles habi- district administratif de Tuol Kork, de réhabilitation, la zone a subi une
densification rapide des construc-
Habitat précaire sur le canal du Boeng Salang. tions. Cependant, ni les infrastruc-
tures ni les services n’ont suivi pour
assurer des conditions de vie cor-
rectes à la population. Enfin, cette
zone est mal reliée au réseau des rues
de la ville. Plusieurs rues finissent en
impasses. Aucune grande rue ne tra-
verse le secteur, les liaisons aux bou-
levards périphériques sont rares.
Selon le projet de 1996, il était essen-
tiel d’empêcher toute construction
nouvelle sur l’emprise du boeng et
sur ses berges pour permettre aux
engins d’assurer l’entretien du boeng
par le dragage des fonds envasés et
le transport des boues. Pour les
mêmes raisons, le projet prévoyait
la relocalisation d’environ 900 fa-
milles vivant sur le boeng et ses rives,
terrains essentiels pour pérenniser
la fonction de bassin de rétention du
boeng et améliorer les conditions de
vie et la salubrité de la zone. Le pro-
jet prévoyait également de réser-
tations. Sa position centrale a attiré un des quatre districts urbains. Sa ver des terrains non encore bâtis
une population nouvelle, avec pour population était estimée, lors du dans la partie ouest de la zone à la
conséquence la construction en recensement de 1998, à 113 368 création d’une série de parcelles via-
quelques années de nombreuses habitants pour une superficie de 801 bilisées, destinées à la réinstallation
maisons sur les rives du boeng mais hectares. des populations déplacées.
aussi dans le boeng lui-même. Boeng Salang est un des plus Mais Boeng Salang s’est développé
Les capacités de stockage des eaux importants bassins de rétention de très rapidement depuis 1996,
ont diminué de manière significa- Phnom Penh. Il reçoit l’eau de l’en- notamment à cause de la proximité
tive et leur écoulement vers la sta- semble du bassin versant ouest de des usines de textile. Là où se trou-
tion de pompage est obstrué par les la ville, soit un territoire de 560 ha vaient 447 maisons en 1996, il y en
constructions et les déchets. Durant sur un périmètre de 1,6 km. Le avait 691 en 2001.

28 Boeng Salang / Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands


00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 29

Recensement des bâtiments par fonction – BAU de Phnom Penh, 2002.

Recensement des bâtiments par type d’édifice – BAU de Phnom Penh, 2002.

Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands / Boeng Salang 29


00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 30

Coupe DD

rue quai canal


Coupe sur le projet de jardin et de canal pour la zone nord du boeng. Niveau des eaux durant la saison sèche – BAU de Phnom Penh, 2002.

Dans ce contexte, la municipalité a tie aval du boeng en canal de drai- des affaires urbaines (BAU) de la
été incapable d’empêcher l’édifi- nage, le renforcement de la station municipalité de Phnom Penh a défini
cation de nouvelles constructions de pompage et la réouverture des un projet précis qui fixe les limites
dans la zone, y compris dans le vannes d’évacuation des eaux par futures du boeng et de la zone
boeng, malgré la mise en place par gravitation. inconstructible – jardins et rues péri-
la Direction du cadastre, dès 1997, Le projet de réaménagement du phériques.
d’une zone de protection du boeng. Boeng Salang conçu par le BAU de Pour réaliser l’ensemble du projet,
Aujourd’hui, ce projet est toujours Phnom Penh complète l’intervention le BAU a compté que 475 maisons
d’actualité, mais il a été revu pour du Jica par : représentant un total de 536 familles
tenir compte des évolutions récentes. – l’extension du canal vers le nord devront être déplacées – 221 mai-
Le périmètre du projet a été réduit pour l’évacuation des eaux usées sons dans la partie nord, 237 mai-
à l’essentiel car nombre de terrains jusqu’à la station de pompage sons dans la partie sud dont
pressentis pour créer de nouveaux durant la saison sèche ; 135 maisons dès la première phase
lotissements ont été bâtis depuis – la construction de quais maçon- du projet –, prévu le creusement et
1996. Le projet a également intégré nés en bordure du canal pour conso- le nivellement du canal, phase mise
les études du système de drainage lider et stabiliser ses berges ; en œuvre par le Jica, et enfin, que
de Phnom Penh, réalisées par le – la création d’espaces verts sur 17 maisons construites sur l’emprise
Japon en 1999 et 2000, et le projet l’emprise du bassin de rétention du de rues seront créées ou élargies.
de travaux de réhabilitation des boeng pour conserver les capaci- La plus grande part de ces habi-
ouvrages de drainage des bassins tés de stockage des eaux pluviales tations sont au bord du canal,
versants ouest et sud qui en durant la saison des pluies ; construites sur pilotis sur l’eau.
découlent. – la création d’une nouvelle voie qui Si, sur l’ensemble de la zone, les
Désormais, le projet englobe le borde l’ensemble du boeng et des deux tiers des maisons sont en bois
boeng lui-même, sa zone d’exten- jardins inondables afin d’empêcher et un tiers en maçonnerie, dans la
sion formant le bassin de rétention la réinstallation de constructions sur zone où les maisons doivent être
essentiel en cas d’inondations, ses les berges ; déplacées, plus de 80 % d’entre elles
rives ainsi que les terrains néces- – la création de nouvelles zones sont en bois. Ces maisons pourront
saires au relogement des popula- remblayées dans le quartier pour donc être déplacées sur les nou-
tions déplacées et le réseau des rues accueillir toutes ou une partie des velles parcelles et les matériaux
alentour à réhabiliter ou à créer. familles déplacées par le réaména- réutilisés. Même si la plupart des
L’importance des travaux et leur gement du boeng. résidants se sont installés illégale-
type pour améliorer le boeng sont ment dans la zone, ils se considè-
en relation avec le projet étudié par Améliorer rent généralement comme pro-
l’agence de coopération internatio- les conditions d’habitat priétaire s de leur maison ; une
nale japonaise (Jica) dans le cadre La réhabilitation du boeng impose minorité loue leur lieu d’habitation
de son projet dénommé Drainage le déplacement d’un certain nombre à un propriétaire qui n’y réside pas.
Improvment and Flood Control de maisons, toutefois le projet a été Même s’il est difficile de le prouver,
Project. conçu de façon à réduire au maxi- il est quasiment certain que les
Ce projet propose, pour Boeng mum les besoins de relocalisation. « propriétaires » ont payé un prix
Salang, la transformation de la par- Dans cette perspective, le Bureau pour leur terrain et/ou leur maison

Coupe sur le projet de jardin et de canal pour la zone nord du boeng. Niveau des eaux en cas de crue exceptionnelle – BAU de Phnom Penh, 2002.

Coupe DD ( inondée )

rue quai canal


30 Boeng Salang / Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 31

rue

Boeng Salang Rehabilitation Project


Boeng Salang Rehabilitation Project

Projet d’aménagement du Boeng Salang.


En bleu, le nouveau tracé du canal ; en vert, le jardin ; en rouge, les rues créées ; en rose, le nouveau lotissement – BAU de Phnom Penh, 2002.

rue
Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands / Boeng Salang 31
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 32

Les maisons sur le Boeng Salang. Au premier plan, les cultures maraîchères sur le plan d’eau.

soit aux « propriétaires » précédents tificat d’occupation», document déli- temporaire » et 29 % n’ont aucun
soit aux autorités locales pour pou- vré par les autorités du khan permis.
voir s’y installer. (khan = district) reconnaissant offi- La capacité financière des ménages
Par ailleurs, selon l’enquête socio- ciellement les familles comme rési- habitant dans cette zone est très
économique3, sur 690 ménages dants permanents, 47,5 % ont seu- limitée. Plus de 50% des familles ont
interviewés, seul 20 % ont un « cer- lement un « permis d’occupation un revenu mensuel inférieur à 2 $

Coupes sur le projet de jardin et de canal pour la zone centrale et sud du boeng – BAU de Phnom Penh, 2002.
Niveau des eaux durant la saison sèche. Niveau des eaux en cas de crue exceptionnelle.
Coupe AA Coupe AA ( inondée)

rue quai canal quai rue rue quai canal quai rue

Coupe BB Coupe BB ( inondée)

rue quai canal quai rue rue quai canal quai rue

Coupe CC Coupe CC ( inondée)

rue quai canal quai rue rue quai canal quai rue

32 Boeng Salang / Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands


00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 33

par jour, ce qui signifie qu’un grand Après plusieurs réunions avec les lot de terrains en pleine propriété ;
nombre d’entres elles vivent en des- organisations de communautés – les lots pourraient être de diffé-
sous du seuil de pauvreté4. d’habitants, la municipalité et les rentes tailles, à partir d’une dimen-
Quatre familles sur dix vivent dans familles concernées par le pro- sion standard de 7 x 15 m pour les
la zone depuis au moins dix ans ; gramme de relogement, un site de lots hors de la zone et de 4 x 16 m
elles seraient donc lourdement affec- relogement au sud-ouest de la ville, pour les terrains créés dans la
tées par un déplacement dans une à environ 5 km du Boeng Salang, a zone ;
zone lointaine, située loin du centre- été choisi car il répond au mieux aux – les parcelles seront gratuites dans
ville. besoins de la population ; il est situé le premier cas. Pour ceux qui seront
Les familles seront déplacées, autant à proximité du marché Pochentong relogés dans la zone du Boeng
que possible, sur deux grands et des usines de textile. Salang, 10 à 20 % du coût du ter-
terrains à l’est et à l’ouest de la par- Les critères suivants ont été définis rain, en fonction de sa taille, sera
tie nord du boeng, sur lesquels il pour la procédure de relogement : exigé sur une période de cinq ans
est possible de créer 160 lots de – tous les occupants actuels ont le à chaque famille afin d’obtenir une
4 x 16 m. droit d’être relogés à l’exception des certain retour sur investissement et
Les familles qui ne pourront être propriétaires non résidants ; de minimiser ainsi les coûts de rem-
relogées sur place se verront pro- – aucune indemnité ne sera versée blai et de viabilisation.
poser un relogement sur un autre aux personnes déplacées, la compen- Cette politique n’a jamais été mise
terrain. sation étant dans la possession d’un en œuvre à Phnom Penh, mais un
oeng Salang Rehabilitation Project
Boeng Salang
ewage Rehabilitation
and drainage system Project
Sewage and drainage system
1500 mm

1000 mm

600 to 800 mm

Projet d’aménagement de Boeng Salang, réseau d’égouts projeté – BAU de Phnom Penh, 2002.

Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands / Boeng Salang 33


00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 34

nement et de la municipalité, le reste


devra faire l’objet d’un apport finan-
cier par d’autres organismes de la
coopération internationale.
Toutefois, la réhabilitation du Boeng
Salang doit être l’occasion d’intro-
duire une politique de récupération
des coûts, fût-elle partielle, avec l’ob-
jectif, d’une part, de donner la pos-
sibilité aux autorités cambodgiennes
de devenir de plus en plus auto-
nomes dans leurs interventions par
rapport à l’aide internationale, et
d’autre part, d’introduire la notion
de prise en charge d’une partie des
investissements par la population
elle-même, sous forme de partici-
pations aux travaux d’infrastruc-
tures, afin que la Ville puisse mettre
en œuvre des travaux de réhabili-
tation urbaine.
Dans ce sens, le projet qui a été pro-
posé pour Boeng Salang pourrait
constituer l’ouverture d’une nou-
velle phase de la politique urbaine
à Phnom Penh et plus généralement
au Cambodge.
Marcello Balbo / Chhay Rithisen
/ Guy Lemarchands

1/ Boeng : étang alimenté seulement par les eaux


d’inondation et les canaux.
2/ Il n’est pas rare, dans les districts de Pram Pi
Makar et de Daun Penh notamment, d’atteindre
des densités de population de 400 à 600 hab/ha.
3/ Enquête réalisée par le BAU et les ONG au
printemps 2002 portant sur 690 ménages, dans la
zone limitrophe du boeng, où les habitants
devront majoritairement être déplacés.
4/ Le seuil de pauvreté est fixé au Cambodge à
1$ par personne et par jour.

Maisons sur le Boeng Salang.

système de recouvrement des coûts Coût du projet


paraît de plus en plus nécessaire, et financements possibles
compte tenu des capacités finan- Il est prévu, en l’état actuel du pro-
cières limitées du gouvernement ; jet, de créer 160 nouvelles parcelles
– le remboursement pourrait être dans la zone. Ces parcelles ne seront
fondé sur des versements à échéance créées que dans une seconde phase,
trimestrielle, pour permettre aux elles ne pourront donc pas accueillir
familles de réunir les fonds néces- les premiers habitants déplacés, qui
saires ; seront relogés, pour la plupart, sur
– les acomptes seront payés au un terrain de la zone du Boeng Tum
représentant de la communauté, qui Pun.
à son tour les transmettra à l’orga- Le coût total du projet est estimé à
nisme en charge de la mise en œuvre environ 3 700 000 $, dont une partie
du projet ; ils seront utilisés pour les est assurée par le gouvernement
infrastructures, les services et les japonais tandis que, en raison du
travaux d’entretien de la zone. manque de ressources du gouver-

34 Boeng Salang / Marcello Balbo / Chhay Rithisen / Guy Lemarchands


00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 35

Boeng Salang, enquête sur la


population résidant au bord du boeng
Afin d’évaluer la situation sociale et Les logements dans la zone d’en-
économique de la population résidant quête sont uniquement constitués
autour du Boeng Salang qui devra se de maisons sur pilotis en bois et de
déplacer pour le projet de réhabili- quelques maisons en maçonnerie.
tation du boeng, une enquête auprès Aucun immeuble collectif n’y est édi-
de 690 ménages a été menée du fié. C’est seulement en périphérie
25 février au 7 mars 2002. de la zone, le long des avenues et
Les ménages ont été choisis en fonc- des rues commerçantes, que se
tion de l’emplacement actuel de leur trouvent des séries de comparti-
maison. Tous ne seront pas déplacés ments de plusieurs niveaux, géné-
car les ajustements précis du projet ralement habités par un ou deux
Une des rues principales du quartier
du Boeng Salang. visent à minimiser les déplacements, ménages par niveau. Ici, la taille du
mais la zone enquêtée correspond logement donne, la plupart du
à la zone d’extension du boeng pro- temps, la taille de la maison. Ces
jetée en 1996. maisons, construites avec peu de
Le questionnaire d’enquête a été éla- moyens, ont une structure en bois
boré par le Bureau des affaires constituée d’une trame de poteaux
urbaines et par l’ONG locale Urban de bois ou de bambous distants
Sector Group (USG). L’équipe d’en- d’environ 3 mètres et reliés entre
quêteurs était constituée de douze eux par des poutres en bois plus ou
membres d’USG et de six membres moins régulières. Les murs sont
du BAU. en feuilles de palme tressées, par-
fois complétés de plaques de tôle
1. Densité d’occupation pour les plus pauvres, de planches
des logements de bois plus ou moins grossières
pour les maisons de meilleure qua-
1.1 La taille des ménages lité ; quelques toitures sont en
La taille moyenne des ménages à feuilles de palme, mais majoritai-
Phnom Penh est de 5,7 personnes1. rement en tuiles mécaniques.
Ici, plus de la moitié des ménages Cependant, un autre type de mai-
(56,4 %) comptent entre 4 et 6 per- son existe, il s’agit d’une longue mai-
sonnes, seulement un quart des son en bois ou en maçonnerie,
ménages (28,8 %) sont en dessous découpée en une succession de
de cette moyenne ; 10,6 % des pièces d’une travée chacune,
ménages sont constitués de plus de ouvrant directement sur l’extérieur.
7 personnes et 1% de plus de 11 per- Ces pièces sont soit louées à une
sonnes. famille très pauvre, soit à trois,
quatre ou cinq ouvriers saisonniers
1.2 La surface des logements ou à des ouvrières du textile qui y
Taille des logements cohabitent. Dans le secteur de l’en-
Surface Nombre quête, tous les bâtiments de ce type
du logement en m2 de ménages sont occupés par des familles
non renseigné 31 4,5% pauvres, les chambres pour les
Inférieur à 10 m2 25 3,6% ouvriers n’étant pas situées direc-
De 10 à 20 m2 106 15,4% tement en bordure du boeng. Les
De 20 à 30 m2 112 16,2% logements de moins de 10 m2 sont
De 30 à 40 m2 142 20,6% souvent de ce type.
De 40 à 50 m2 94 13,6%
La plupart des logements de la zone
d’enquête se situent entre 20 et
De 50 à 659 m2 48 7,0%
50 m2 (51 % ) avec un fort pourcen-
60 m2 et + 132 19,1%
tage (20,6 %) entre 30 et 40 m2, ce
Total 690 100,0 qui correspond à une maison de

You Sethy et Neup Ly / Boeng Salang, enquête sur la population résidant au bord du boeng 35
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 36

1.3 Structure résidentielle des ménages


– de 10 m2 10-19 m2 20-29 m2 30-39 m2 40-49 m2 50-59 m2 + de 60 m2 Total
1 à 3 personnes 6,9% 20,6% 13,8% 15,3% 18,0% 6,9% 18,5% 100%
4 à 6 personnes 2,9% 15,3% 17,6% 25,5% 11,6% 7,1% 20,0% 100%
7 à 10 personnes 1,6% 3,0% 24,2% 21,2% 19,7% 7,6% 22,7% 100%
11 personnes ou + 0,0% 14,3% 0,0% 0,0% 0,0% 42,9% 42,9% 100%

Total 3,8% 15,6% 17,0% 21,8% 14,2% 7,5% 20,1% 100%

Répartition entre
deux travées de large et de deux tra- le terrain et / ou la maison à un pro- propriétaires et locataires
vées de profondeur, très courante priétaire précédent, soit possède un Non renseignés 27 3,9%
dans les quartiers populaires. titre d’occupation délivré par une
Propriétaires 519 75,2%
Un cinquième des logements (19 %) des autorités municipales ; 20,9 % se
Non-propriétaires 144 20,9%
ont moins de 20 m2 et un cinquième déclarent locataires et payent un
(19,1 %) ont plus de 60 m 2. Seuls loyer à un propriétaire bailleur. Total 690 100,0%
3,6 % des ménages vivent dans
Les bâtiments par type d’édifice dans la zone d’enquête – BAU de Phnom Penh, 2002.
moins de 10 m2.
Housing typology
1.3 Répartition des ménages
dans les logements
Si l’on croise les données sur la taille
des ménages avec celle des loge-
ments, il en ressort que la relation
entre la taille du ménage et la super-
ficie du logement n’est pas évidente,
cependant les petits ménages sont
surreprésentés dans les petits loge-
ments et les très grands ménages
sont présents (sauf un) dans les loge-
ments les plus grands.
Toutes les catégories sont surre-
présentées dans les logements de
taille moyenne (40-49 m2), mais les
grands ménages (7 à 10 personnes)
sont surtout surreprésentés dans
des logements plutôt petits (20-
29 m2).
Des suroccupations extrêmes exis-
tent même si elles sont minoritaires
(15 ménages2) : 11 ménages de 4 à
6 personnes vivent dans moins de
10m2 ; 1 ménage de 7 à 10 personnes
dans moins de 10 m2 ; 2 ménages de
7 à 10 personnes vivent dans 10 à
19 m2 et 1 ménage de plus de 11 per-
sonnes dans 10 à 19 m2 .
Les suroccupations notables sont
nombreuses (101 ménages 3) :
13 ménages de 1 à 3 personnes
vivent dans moins de 10 m2 ;
58 ménages de 4 à 6 personnes dans
10 à 19 m2 ; 30 ménages de 7 à
10 personnes dans 30 à 49 m2 .

1.4 Statut d’occupation


75,2 % de la population pensent être
propriétaires de leur logement
même s’ils ne possèdent pas de titres
de propriété en bonne et due forme
car l’occupant actuel a soit acheté

36 Boeng Salang, enquête sur la population résidant au bord du boeng / You Sethy et Neup Ly
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 37

2.2 Répartition en effectifs des différentes tranches de revenus par taille de logement
de 10 m2 10-19 m2 20-29 m2 30-39 m2 40-49 m2 50-59 m2 + de 60 m2 Total Struct. des revenus
Inférieur à 25 $ 4 12 16 17 22 12 24 107 19,6%
De 25 $ à 50 $ 10 34 29 36 18 13 29 169 31,0%
De 50 $ à 75 $ 5 20 20 31 10 5 15 106 19,4%
Supérieur à 75 $ 4 20 24 37 26 12 40 163 29,9%

Total 23 86 89 121 76 42 108 545


struct. Logt /m2 4,2 % 15,8 % 16,3 % 22,2 % 13, 9% 7,7 % 19,8 %

2. Niveau économique et emplois pondent souvent à ceux des ven- Le revenu de la moitié des ménages
2.1. Revenus de la population deurs de produits alimentaires, tels se situe entre 25 et 75 $. Pour
Les revenus d’environ un cinquième que les gâteaux, les soupes, les mémoire, le salaire des ouvriers à
des ménages se situent dans la glaces, ou des ouvriers journaliers. Phnom Penh est de 2 à 3 $ par jour,
tranche basse, en dessous du seuil Seulement 30 % des ménages ont un soit un revenu mensuel de 40 à 60 $.
de pauvreté. Ces revenus corres- revenu supérieur à 75 $. A Phnom Penh, le seuil de pauvreté
est fixé à 1$ par jour et par personne.
Statuts d’occupation – propriétaires et locataires dans la zone d’enquête – BAU de Phnom Penh, 2002.
Les fonctionnaires touchent 15 à 20$
Ownership situation par mois et on estime que le revenu
d’une famille de niveau moyen à
Phnom Penh se situe entre 150 et
200 $.

2.1 Revenus mensuels


par ménage
Revenus Nombre
en dollars US de ménages %
Non renseignés 130 18,8%
Inférieurs à 25 $ 108 15,7%
De 25 à 50 $ 179 25,9%
De 50 à 75 $ 109 15,8%
Supérieurs à 75 $ 164 23,8%

Total 690 100,0%

2.2. Relations entre revenus


et surface du logement
Il n’y a pas de relation évidente entre
la taille des logements et le revenu
des ménages, sauf pour les revenus
les plus hauts qui sont surrepré-
sentés dans les grands logements et
très peu nombreux dans les très
petits logements.
On remarque que la surface du loge-
ment n’est pas un critère discrimi-
nant pour évaluer le niveau de vie
d’un ménage. Une enquête précise
sur la qualité de la maison, en
particulier de ses matériaux, sera
nécessaire pour comprendre la rela-
tion entre revenus et nature de l’ha-
bitat car il est certain que la qualité
du bâti, donc son prix, entre en ligne
de compte pour expliquer que les
revenus ne sont pas corrélés à la
surface du logement ; notamment,
on peut penser que des grandes
familles très pauvres habitent dans
des maisons assez grandes mais
précaires.

You Sethy et Neup Ly / Boeng Salang, enquête sur la population résidant au bord du boeng 37
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 38

Rue sur pilotis à travers Boeng Salang.

21 personnel ONG 5 0,7% 47 vendeur de riz frit 1 0,1%


2.3 Emplois
22 vendeur de glace 4 0,6% 48 taxi 2 0,3%
23 vendeur de cane à sucre 4 0,6% 49 vendeur de viande
Emploi Nombre rôtie (brochettes) 2 0,3%
de ménages % 24 ferrailleur 1 0,1%
50 vendeur de pharmacie 3 0,4%
non renseigné 34 4,9% 25 réparateur de moto 3 0,4%
51 vendeur de café 1 0,1%
0sans travail 98 14,2% 26 chauffeur 10 1,4%
52 vendeur de cuisinière 1 0,1%
1moto-taxi 58 8,4% 27 médecin 2 0,3%
53 vendeur de maïs 2 0,3%
2 ? 9 1,3% 28 vendeur de dessert 7 1,0%
54 réparateur de montre 3 0,4%
3 militaire 20 2,9% 29 vendeur de pain 2 0,3%
55 fabricant de fenêtres 2 0,3%
4vendeur de légumes 17 2,5% 30 vendeur de bois 14 2,0%
56 vendeur de bouillie 1 0,1%
5ouvrier 123 17,8% 31 fermier 4 0,6%
57 coiffeur 1 0,1%
6couturière 12 1,7% 32 mental fixing 4 0,6%
58 vendeur d’abats
7réparateur 33 fabricant en sandwichs 1 0,1%
de bicyclettes 7 1,0% de nouilles chinoises 2 0,3%
59 fabricant de tables 1 0,1%
8 diseur de bonne aventure 1 0,1% 34 réparateur de maison 1 0,1%
60 retraité 4 0,6%
9 militaire démobilisé 1 0,1% 35 femme de ménage 1 0,1%
61 personnel Sokimex
10 musicien 3 0,4% 36 orfèvre 5 0,7% (station-service) 1 0,1%
11 ouvrier 37 photographe 2 0,3% 62 directeur de construction 1 0,1%
dans les transports 3 0,4%
38 étudiant 2 0,3% 63 vendeur de coquillage 2 0,3%
12 police 29 4,2%
39 vendeur de riz 1 0,1% 64 garde du corps 2 0,3%
13 professeur 13 1,9%
40 vétérinaire 1 0,1% 65 réparateur de machines 2 0,3%
14 travaille au palais royal 30 4,3%
41 machiniste 1 0,1% 66 personnel
15 vendeur de vêtements 2 0,3% d’une compagnie 2 0,3%
42 ouvrier
16 vendeur de fruits 10 1,4% dans le caoutchouc 1 0,1% 67 personnel de sécurité 2 0,3%
17 vendeur de bagages 82 11,9% 43 chef 2 0,3% 68 vendeur de porc 2 0,3%
18 handicapé 3 0,4% 44 vendeur de gâteaux 8 1,2% 69 graveur 3 0,4%
19 0,0% 45 charpentier 3 0,4%
Total 690
20 ouvrier à la rizerie 2 0,3% 46 réparateur de chaussures 1 0,1%

38 Boeng Salang, enquête sur la population résidant au bord du boeng / You Sethy et Neup Ly
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 39

La plupart des métiers exercés dans Lieu Nbre de chefs


de travail5 de ménage 3. Occupation de cette zone
cette zone nécessitent peu de qua- par sa population actuelle
lifications. non renseignés 34 4,8%
La source de revenus la plus cou- Vietnam 1 0,1% 3.1. Ancienneté d’occupation
rante (159) est la vente de produits Cham Kar Mon 5 0,7%
alimentaires, bruts ou transformés Khan Daun Penh 4 0,6% Temps de résidence
tels que les gâteaux, les glaces, les Kampong Cham 1 0,1% à Boeng Salang
sandwichs… mais aussi la vente de Nbre Nbre de
Khan Pram Pi Makar 3 0,4% d’années ménages
bois car ce quartier est spécialisé marché O’Russey 2 0,3% non renseignés 30 4,3%
dans cette activité, notamment au Khan Tuol Kork 23 3,3% moins de 1 an 34 4,9%
sud le long de la digue, près de la sangkhat Tuk Lak 1 0,1%
station de pompage. Les moto-taxis 1 à 5 ans 133 19,3%
sangkhat Boeng Salang 32 4,6% 5 à 10 ans 141 20,4%
(58) et taxis sont également très
Kampong Speu 4 0,6%
présents. 10 à 15 ans 194 28,1%
L’ensemble de ces métiers dépen- district de Dan Kaor 1 0,1% 15 à 20 ans 68 10,0 %
dent directement de la présence Kampong Som 1 0,1% 20 ans et + 90 13,0%
d’une clientèle nombreuse à proxi- District de Mean Chay 2 0,3%
Total 690 100,0%
mité. Ils sont adaptés à la vie urbaine Kandal 3 0,4%
dense, aux grandes avenues et aux Phnom Penh 539 78,1% 23,4 % des personnes déclarent
marchés dans lesquels beaucoup de Preah Vihear 1 0,1% être arrivées depuis moins de cinq
monde passe. Siem Reap 1 0,1% ans6. Ce fait concorde avec les don-
Les ouvriers (128) et les artisans (33) Takeo 3 0,4% nées du BAU qui mentionnent une
sont également très nombreux, sans Psar Leu 24 3,5%
densification importante du bâti
doute à cause de la proximité des depuis 1996, une augmentation des
à la maison 5 0,7%
usines de textile. Quant aux artisans, constructions de 25% dans la zone.
qui constituent sans nul doute la Total 690 Les trois quarts des habitants sont
catégorie la plus qualifiée, il est à
noter la présence de trois graveurs
et de cinq orfèvres, ainsi que de trois 3.2 Répartition en effectifs des habitants selon leur lieu
charpentiers et de deux fabricants précédent de résidence et leur ancienneté dans le quartier
de fenêtres qui profitent sans doute Lieu de résidence – de 1à 5à 10 à 15 à + de
précédent 1 an 5 ans 10 ans 15 ans 20 ans 20 ans Total %
de la présence d’une forte concen-
? 4 2 3 9 1,4%
tration de vendeurs de bois.
?? 5 4 1 2 12 1,8%
Les employés du service public ou des
compagnies privées représentent ???? 1 1 0,2%
environ 20 % des activités parmi les- Vietnam 1 1 2 0,3%
quels une forte majorité (92 ménages), Kampuchéa Krom 1 2 9 1 3 16 2,4%
de policiers (29), de militaires (20), Frontière du Vietnam 2 6 12 10 6 11 47 7,1%
d’employés au palais royal (30) et de Banteay Manchey 1 1 1 3 0,5%
professeurs (13). Battambang 1 1 2 3 7 1,1%
Quatre fermiers pratiquent des Kampong Cham 1 1 1 1 4 0,6%
cultures maraîchères sur l’eau et Kampong Chnang 1 1 2 2 3 2 11 1,7%
engraissent des animaux, volailles et Kampong Speu 2 10 4 10 4 5 35 5,3%
porcs.
Kampong Thom 1 1 2 0,3%
Ce sont les seuls dont le gagne-pain
Kampot 1 1 2 0,3%
sera remis en cause par le projet
d’aménagement de Boeng Salang. Kandal 0 0,0%
Enfin 98 personnes4 (14 %) décla- Koh Kong 23 79 78 116 40 36 372 56,4%
rent ne pas avoir de travail. Kratie 0 0,0%
Phnom Penh 23 15 13 3 7 61 9,3%
2.4. Lieu de travail Preyveng 3 3 0,5%
La majeure partie de la population Pursat 0 0,0%
(plus de 85 %) travaille dans les Siem Reap 1 1 2 0,3%
quatre districts centraux de Phnom Kampong Som 1 1 2 0,3%
Penh. Stung Treng 1 1 0,2%
Seules 15 personnes 4 travaillent
Svay Rieng 3 6 1 1 11 1,7%
dans d’autres provinces dont trois
Takeo 5 4 6 16 5 16 52 7,9%
dans des provinces éloignées de
Preah Vihear, Kampong Som et Siem Frontière thaï 4 4 0,6%
Reap et une au Vietnam. Total 34 133 141 194 67 90 659 100,0%
26 personnes4 indiquent comme lieu Structure
de travail un marché précis. de l’ancienneté 5,2% 20,2% 21,4% 29,4% 10,2% 13,7% 100,0%

You Sethy et Neup Ly / Boeng Salang, enquête sur la population résidant au bord du boeng 39
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 40

Les fermiers du Boeng Salang. Elevage de porcs. Maraîchage sur le Boeng Salang.

arrivés depuis quinze ans, ce qui cor- ment résidaient déjà à Phnom Penh montée en puissance: 50% sont arri-
respond à la période ouverte par les avant de s’installer à Boeng Salang; vés depuis moins de dix ans, plus d’un
accords de paix de Paris en novembre 7,5% viennent de Takeo, 6,8% de la tiers (37,7%) depuis moins de cinq ans
1991, qui a vu le début d’une immi- frontière du Vietnam; 5,1% de Kam- (mais personne depuis moins de un an).
gration massive de la population vers pong Speu, soit 83% pour ces cinq ori- En provenance de Takeo, le pic se
Phnom Penh. 24,6 % sont installés gines. Le reste est très morcelé et porte situe il y a plus de vingt ans et entre
depuis plus de quinze ans, ce qui sur des effectifs non significatifs. dix et quinze ans (16) ; les migra-
correspond à la période du retour On remarque une immigration tions récentes ont été moins impor-
des habitants dans la ville, au début constante de Koh Kong, y compris tantes avec toutefois un regain
des années 1980, après la chute du depuis moins d’un an, mais avec un depuis un an.
régime des Khmers rouges. pic entre dix et quinze ans (116) et, Depuis la frontière du Vietnam : un
Ce quartier, d’urbanisation récente, dans une moindre mesure, entre quart des immigrants sont arrivés
endigué il y a quarante ans, s’est peu- cinq et dix ans (78) et depuis cinq il y a plus de vingt ans, et près de
plé principalement depuis quinze ans. ans (102). la moitié (46,8 %) entre cinq et
Il est un des lieux privilégiés d’ins- Pour Phnom Penh, on observe une quinze ans. Les effectifs sont sensi-
tallation des nouveaux arrivants car blement réduits depuis cinq ans.
il est proche des lieux de travail et, Marchand ambulant de Boeng Salang. Depuis Kampong Speu, les migra-
par sa structure et la nature de ses tions sont continues, avec des varia-
constructions, semblable à un gros tions mais sur des effectifs faibles.
village dans lequel il y a toujours une
place pour construire sa maison. 3.3 Relation entre surface
des logements et ancienneté
3.2. Relations entre provenance La relation est nette entre le temps
de la population de résidence dans le quartier et la
et ancienneté d’occupation surface du logement. Les habitants
Plus de la moitié des résidants (54,1%) les plus récemment arrivés sont sur-
viennent de Koh Kong ; 8,8 % seule- représentés dans les petits logements

40 Boeng Salang, enquête sur la population résidant au bord du boeng / You Sethy et Neup Ly
00/phnom pen 19/03/03 14:34 Page 41

Marchand de bois sur la digue extérieure de Boeng Salang.

3.3 Structure résidentielle des ménages selon leur année d’arrivée On peut également penser que plus
la densité des constructions aug-
– de 10- 20- 30- 40- 50- 60 m2
10 m2 19 m2 29 m2 39 m2 49 m2 59 m2 ou + Total mente, plus l’espace constructible
moins se réduit : il reste peu d’espace à
de 1 an 11,8% 29,4% 5,9% 14,7% 5,9% 5,9% 26,5% 100% bâtir et les nouveaux arrivants ont
1 donc de petites parcelles et de petites
à 5 ans 11,2% 22,4% 17,2% 13,8% 8,6% 7,8% 19,0% 100% maisons alors que les personnes
5 arrivées de longue date ont pu
à 10 ans 2,9% 18,7% 20,9% 28,1% 11,5% 6,5% 11,5% 100% occuper plus d’espace.
10 You Sethy,
à 15 ans 1,0% 12,4% 15,5% 24,7% 19,6% 6,7% 20,1% 100% Bureau des affaires urbaines de Phnom Penh
15 Neup Ly,
à 20 ans 1,5% 10,3% 17,6% 23,5% 23,5% 2,9% 20,6% 100% Urban Sector Group,
responsable de l’enquête
plus
de 20 ans 1,1% 7,8% 17,8% 17,8% 10,0% 14,4% 31,1% 100%
1/ Fnuap (Fonds des Nations unies pour la
population) : résultats du recensement de 1998.
2/ Soit 2,3 % des 642 ménages dont la situation
Les habitants les plus anciens oc- habitent des logements de moins de est connue.
3/ 101 ménages soit 15,6 % des 642 ménages dont
cupent majoritairement les plus 30 m2. la situation est connue.
4/ Les personnes dont il s’agit ici sont les chefs de
grands logements. 45,5 % des per- Il existe donc un lien fort entre l’an- chaque ménage enquêté.
sonnes arrivées dans le quartier il cienneté et la taille du logement, et 5/ Les personnes ont répondu plus ou moins
précisément, donnant tantôt un nom de lieu,
y a plus de vingt ans habitent des ce, quel que soit le revenu. On peut tantôt une circonscription administrative, tantôt
logements de plus de 50 m2 alors formuler une hypothèse démogra- seulement Phnom Penh, il est donc difficile
d’établir clairement des dominantes par quartier,
que 41,2 % des personnes résidant phique : les jeunes arrivants ont une donc la distance entre le lieu de travail et le lieu
depuis moins d’un an habitent des famille réduite ; les besoins en sur- de résidence. En italique les lieux de travail qui
sont d’autres villes ou d’autres pays.
logements de moins de 20 m2 et que face arrivent avec le temps et les 6/ Une première enquête sur Boeng Salang avait
été effectuée en 1997, il y a donc près de cinq ans.
50,9 % des personnes arrivées dans enfants, c’est, en gros, l’hypothèse Depuis, la construction de nouvelles maisons est
le quartier il y a entre un et cinq ans de « consolidation » de l’installation. interdite sur l’emprise du boeng et de ses berges.

You Sethy et Neup Ly / Boeng Salang, enquête sur la population résidant au bord du boeng 41
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Habiter
Phnom
Penh
00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 44

Habiter Phnom Penh

La forte croissance démographique comme partout dans le monde, dis-


qui a caractérisé la capitale du Cam- poser d’un logement convenable est
bodge à partir de la fin de la période un besoin fondamental pour les habi-
khmère rouge a posé d’énormes pro- tants ; deuxièmement, parce que la
blèmes quant à la mise en place de culture khmère attache depuis tou-
conditions de vie urbaine conve- jours une importance particulière
nables. à la maison au plan social, lieu où
Au moment du retour de la popula- non seulement se déroule la vie de
tion, les infrastructures étaient insuf- la famille mais qui « participe acti-
fisantes pour répondre à l’augmen- vement à la vie quotidienne de la
tation rapide de la demande, d’autant communauté villageoise en rapport
plus que le manque d’entretien avait à l’homme, à la culture et à l’envi-
provoqué une détérioration presque ronnement »1 ; troisièmement, parce
totale des équipements qui avaient que c’est la construction de nouveaux
survécu à cinq ans d’abandon total logements qui oriente largement l’ex-
ou presque. Les services étaient eux pansion de la ville, ses modalités et
aussi à remettre en place dans un ses lignes directrices.
cadre de ressources financières, mais Alors que les Khmers rouges avaient
aussi techniques et matérielles, extrê- fait table rase de la notion même de
mement limitées. Les capacités de propriété privée, les premières dis-
gestion de l’appareil public étaient positions du nouveau gouvernement
bien en deçà des nécessités d’une étaient allées dans le sens pragma-
ville qui s’était remise en marche et tique de garantir un toit aux nou-
allait reprendre rapidement les veaux migrants urbains. Très vite,
dimensions et le rôle qui lui reve- la spéculation s’était emparée du
naient en tant que capitale d’un pays domaine immobilier, d’autant plus
et élément important du système facilement que le très grand dénue-
urbain à l’échelle régionale. ment de ces nouveaux résidents en
A ces défaillances au plan de l’«offre faisait une proie facile.
publique de ville », se greffait la Les efforts menés depuis lors sont
question du logement. Le patrimoine allés dans le sens d’un confortement
bâti avait été détruit en grande par- du statut des nantis, sans qu’une Immeuble collectif des années 1960, le long du boulevard
tie : les Khmers rouges avaient uti- réelle attention n’ait été portée au
lisé les matériaux pour les barrages, sort de la très grande majorité, bambou et recouverts de feuilles. En
et au moment du retour, la popula- déshéritée. Objectivement, les len- 1997, seulement 47% des logements
tion s’était emparée de ceux qui res- teurs dans la reconstitution d’un étaient en béton, briques ou pierres;
taient comme source d’énergie. Les cadre immobilier légal au profit de un tiers étaient en bois, 10% en bam-
logements encore disponibles avaient tous vont dans le sens du maintien bou et chaume, et le reste en bois
été mis à la disposition de ceux qui à la précarité du sol pour la popu- et billes de bois. Même si on ne dis-
étaient rentrés en ville les premiers, lation pauvre. Comment, dès lors, pose pas de données plus récentes,
sur la base essentiellement du prin- s’étonner que les sans-abri s’ap- avec un taux de croissance démo-
cipe first come first serve, suivant le proprient les zones libres, même graphique estimé, probablement par
rang social et la proximité par rap- insalubres, pour y établir leur logis ? défaut, autour de 7 % depuis des
port au lieu de travail pour les fonc- Même précaire, même insalubre, cet années et sans que le gouvernement,
tionnaires. habitat a le mérite de procurer un faute de moyens financiers, ait pu
Vingt ans ont passé depuis que les toit aux plus démunis. mettre en place une politique de
habitants se sont réappropriés la Selon une enquête réalisée en 1999, logements sociaux, il est fort pro-
ville, mais le manque de logements autour de 20 % de la population de bable que la situation ne se soit pas
reste une des questions prioritaires la capitale habite dans des zones améliorée, au contraire.
pour Phnom Penh et pour la muni- d’habitat précaire où les logements Toutefois, toute interprétation de ces
cipalité. Premièrement parce que, sont faits pour plus de la moitié en chiffres doit se faire avec précaution.

44 Habiter Phnom Penh / Marcello Balbo


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 45

Monivong.

Etablir le déficit en logements est un simplement parce qu’elle est réali- riaux durables, en utilisant les maté-
exercice compliqué, qui demande sée en bois ou en matériaux légers, riaux et techniques traditionnels qui
une définition claire des critères comme on ne peut pas considérer leur sont localement accessibles.
adoptés. Comme toujours, le carac- que toute maison en dur offre un Les pouvoirs publics n’arrivent pas
tère du logement, sa typologie, les logement convenable quand on sait à soutenir le rythme d’accroissement
matériaux de construction sont très bien que la cohabitation et, par des besoins et ne sont pas en mesure
directement liés aux spécificités conséquent, le surpeuplement sont d’assurer correctement la gestion et
sociales, économiques, culturelles et des conditions très répandues dans l’entretien des services d’accompa-
climatiques des lieux. Pour cela, certaines parties de la ville. gnement techniques et sociaux. Tou-
l’idée que seuls les logements édifiés Par ailleurs, l’observation des acti- tefois, les opérations de relogement
en béton ou en briques correspon- vités dans les zones de squatteurs menées par la municipalité ont aussi
dent à un niveau acceptable et que montre que les intéressés sont montré que l’aménagement collec-
ceux qui ne sont pas construits en capables de prendre directement tif local est à la portée des usagers,
dur produisent automatiquement un soin de leur environnement familial. lorsqu’il s’agit d’ouvrages simples,
déficit, est fort discutable. La mai- Des lors qu’ils bénéficient d’une cer- et qu’il existe des organisations
son traditionnelle khmère ne peut taine sécurité d’établissement, ils communautaires capables d’orga-
certainement pas être classée peuvent progressivement bâtir leur niser les travaux d’intérêt commun
comme logement sous-standard tout logement, souvent même en maté- et l’entretien des installations.

Marcello Balbo / Habiter Phnom Penh 45


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 46

cédé ont produit un bouleversement


total du cadre foncier. A partir de
1989, le gouvernement a commencé
à adopter une série de mesures
concernant la propriété foncière,
avant tout en milieu rural, et les ter-
rains agricoles, mais qui, par exten-
sion, s’appliquaient en même temps
aux centres urbains. Avec la loi fon-
cière de 1992, suivant un décret
adopté trois ans auparavant par le
Habitat sur le toit de l’hôtel International, à l’angle des rues 13 et 130. Conseil des ministres de la Répu-
blique populaire de Kampuchéa,
l’Etat a été confirmé en tant que seul
propriétaire légitime du domaine
foncier. Toutefois, bien que la pro-
priété de la terre n’ait pas été recon-
nue, la loi de 1992 introduisait pour
la première fois le droit à la pro-
priété des immeubles résidentiels,
reconnaissant ainsi une situation qui
s’était créée depuis la fin de la
période des Khmers rouges et de
la collectivisation des terres, main-
tenue par ailleurs pendant les
années de la République populaire
de Kampuchéa sous la forme des
krom samaki.
En fait, à partir de 1989, le gouver-
nement avait réintroduit la propriété
privée des logements, en offrant un
titre de propriété gratuit aux fonc-
Maisons sur toits-terrasses. tionnaires publics pour le logement
qui s’est installée sur des lacs, l’ha- où ils habitaient, et la possibilité pour
bitat surdensifié le long du Bassac, le reste de la population d’en ache-
le surpeuplement des logements ter un au gouvernement à un prix
dans plusieurs endroits du centre- très réduit. De cette manière un mar-
ville, où une enquête réalisée en ché immobilier, réduit mais reconnu,
1999 avait identifié a peu près 2 500 avait été créé, tandis qu’à côté, un
logements construits sur les toitures marché informel s’était fortement
de 132 édifices. A cela, il faut ajou- mis en place, par lequel les droits
ter la demande de nouveaux loge- formels de propriété étaient ven-
ments qui s’est produite à la suite dus à ceux qui n’avaient pas le droit
des incendies qui ont sévi dans plu- de les acheter, et des droits tout à
Passage entre les maisons sur toits-terrasses. sieurs quartiers d’habitat spontané, fait informels étaient constitués et
en particulier ceux qui avaient été échangés.
La question de l’habitat, en parti- bâtis depuis longtemps le long du Par ailleurs, la mise en place d’un
culier le problème du déficit de loge- Bassac, et qui ont privé plusieurs marché immobilier avait connu une
ments, doit donc être abordée avec milliers d’habitants de leurs loge- forte accélération à la suite des
beaucoup de précautions, évitant sur- ments ainsi que de tous leurs avoirs. accords de paix et de l’institution de
tout de transférer mécaniquement des Par manque de ressources finan- l’Untac 2. L’arrivée de 30 000 fonc-
outils interprétatifs et d’analyse uti- cières, techniques et institution- tionnaires étrangers a déclenché,
lisés dans d’autres contextes mais qui nelles, le gouvernement n’a pas été, bien sûr, de fortes expectatives en
sont mal adaptés au Cambodge. jusqu’à présent, en mesure de termes de circulation de nouveaux
Toutefois, on ne peut sous-estimer mettre en place une vraie politique capitaux, de demandes de bureaux
l’importance du problème : à Phnom de l’habitat. La priorité du gouver- et de logements pour les activités et
Penh, le nombre de personnes qui nement concerne la question fon- le personnel des Nations unies.
habitent dans des conditions diffi- cière, une question extrêmement La loi de 1992 a montré plusieurs
ciles est certainement élevé, comme délicate dans tous les pays du Sud- limites, premièrement par rapport
le montrent la quantité d’habitats Est asiatique, mais particulièrement aux changements intervenus dans le
informels qui, faute d’alternatives, complexe au Cambodge où les marché immobilier depuis qu’elle a
a occupé les abords des boengs ou régimes politiques qui se sont suc- été approuvée, mais plus générale-

46 Habiter Phnom Penh / Marcello Balbo


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L’habitat précaire a occupé les abords des boengs et s’est installé


sur les lacs et les berges des fleuves malgré les risques d’inondations.

Christiane Blancot et Aline Hetreau Pottier / 1853-1953, une ville neuve de création ancienne 47
00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 48

De nouveaux quartiers de logements se créent sur les sites de relogement des populations déplacées des zones de squat du centre-ville.

ment par rapport au rôle du marché l’utilisation des immeubles repré- des experts étrangers et jugé trop
foncier et immobilier dans l’écono- sente une autre contrainte impor- générique et mal adapté à la réa-
mie urbaine. En particulier, les rela- tante à la mise en place d’un marché lité cambodgienne, un nouveau texte
tions entre pouvoirs publics et pro- immobilier efficient et transparent. a été approuvé par la Chambre des
priété foncière privée ne sont pas Ces limites et le nombre élevé de députés en juillet 2001. Toutefois,
clairement établies, ce qui consti- contentieux ouverts ont amené le son application nécessite une série
tue un frein majeur aux investisse- gouvernement à élaborer, dès 1996, de sous-décrets, dont l’élaboration
ments étrangers. L’absence d’une loi une nouvelle loi foncière. Après avoir va certainement demander quelque
spécifique sur les droits régissant refusé un premier texte rédigé par temps. Un des objectifs principaux

48 Habiter Phnom Penh / Marcello Balbo


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Habitat sur un boeng.

Maisons et rues en bois sur pilotis.

Maison en béton le long de la digue


extérieure élargie.

Paillote dans une impasse du centre-ville.

« jouissance pacifique » d’un bien


immobilier, y compris dans le cas où
cette période serait complétée dans
les années à venir, moyennant une
autorisation spécifique de la part des
Autorités.
L’introduction du régime de pro-
priété privée est donc un processus
complexe, qui peut faire l’objet de
de la nouvelle loi est de réglementer à résoudre est l’identification pré- plusieurs contentieux et favoriser des
de manière définitive la propriété cise des biens immobiliers, publics pratiques illicites, et ce d’autant plus
des terrains, en établissant une dis- ou privés, de l’Etat, et de ceux qui qu’il n’a pas encore été défini à quelle
tinction claire entre propriété appartiennent aux particuliers. La institution publique allait revenir la
publique de l’Etat, qui ne peut pas loi vise aussi une réglementation plus responsabilité de la concession du
être aliénée, et propriété privée de précise pour l’octroi des droits sur titre d’occupation des logements.
l’Etat, qui en revanche peut faire les biens immobiliers en introdui- D’ailleurs, les responsables cam-
l’objet de concessions, transactions sant la notion de « pouvoir de pos- bodgiens en sont conscients, mais
et donations. Le problème qui reste session » acquis après cinq ans de les moyens dont ils disposent pour

Marcello Balbo / Habiter Phnom Penh 49


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 50

simplement limiter les effets négatifs sont produits au cours des deux der- elle est constituée pour l’essentiel
de la libéralisation sont trop nières années. Les habitants ont été de familles à bas revenus. Pour cela,
modestes. Ainsi, le nombre de per- relogés sur différents sites, souvent l’investissement doit pouvoir profi-
sonnes dépourvues de toute propriété à plusieurs kilomètres des quartiers ter au plus grand nombre et per-
foncière a augmenté considérable- qu’ils habitaient, ce qui a réduit mettre d’assurer un niveau élé-
ment, en particulier dans les zones considérablement leur capacité de mentaire de services compatible
rurales où des formes d’accapare- production et déterminé aussi un avec la capacité financière de la
ment des terres par ceux qui en ont affaiblissement ou la rupture tout population pauvre.
les moyens se sont mises en place. court des liens sociaux et de solida- Le recouvrement des coûts des ser-
Ces pratiques risquent d’être parti- rité qui leur permettaient de faire vices permet aussi le réinvestisse-
culièrement accentuées à Phnom face aux besoins de base, même ment dans d’autres opérations. Cette
Penh, où la forte demande en loge- dans des conditions difficiles. réplication financière doit être un
ments se traduit par une augmen- Dans les conditions actuelles, une poli- principe fondamental de la continuité.
tation rapide du prix des terrains tique de logement, dans le sens d’une A défaut, une opération même réus-
agricoles sur lesquels va se produire politique de production de logements, sie resterait un élément isolé et même
l’extension de la ville. Cela risque ne peut que laisser la place à une poli- un acte contre-productif de l’amé-
d’entraîner une pression des pro- tique de l’habitat fondée sur la mise nagement, alors que l’objectif de
priétaires fonciers pour que cette en place de « conditions préalables » réplication dépend de la contribution
extension se produise selon les direc- à la production de logements. Il s’agit de tous les usagers, selon leurs
tives qui leur conviennent le mieux, de «produire» des zones à urbaniser moyens. Avec l’appui de l’aide exté-
pour que leurs terrains soient équi- en équipant des terrains où les popu- rieure, la Ville de Phnom Penh a pu
pés et dotés de services, même s’ils lations peuvent réaliser elles-mêmes reconstituer les bases d’un cadastre
sont situés à plusieurs kilomètres de le type de logement qui leur convient technique moderne. Dans cette voie,
la zone urbanisée, avec une forte le mieux, suivant, dans la plupart des la composante fiscale du cadastre est
augmentation des coûts. cas, le modèle de la maison tradi- un élément essentiel pour la mise en
La question foncière est strictement tionnelle, par recours aux filières de place des modalités de recouvrement
liée à la capacité d’accompagner le construction aussi bien formelles des coûts d’aménagement.
processus de privatisation d’un sys- qu’informelles, sachant qu’il s’agit de Phnom Penh est la capitale d’un pays
tème d’enregistrement des proprié- maisons d’une qualité tout à fait en profonde transformation, soumise
tés. La mise en place du cadastre est convenable et qui correspondent aux elle-même à des changements rapides
une des priorités du gouvernement, besoins de ceux qui y logent. dans un contexte, celui de la mon-
fortement appuyée par la Banque Avec les ressources et la capacité dialisation, qui, pour sa part, impose
mondiale et par d’autres organismes dont il dispose actuellement, le gou- une forte compétition au niveau
de la coopération internationale. vernement ne peut assurer qu’un international. La capacité de rivali-
Toutefois, dans une première phase, rôle de « facilitateur » du dévelop- ser avec les autres villes de la région
le montage du cadastre va concer- pement de Phnom Penh, plutôt que pour attirer les nécessaires capitaux
ner les zones agricoles où habite la de « producteur » de la ville. Dans ce internationaux dépend largement
majorité de la population et où se contexte, l’objectif d’une politique des politiques de gestion de la ville
situe aussi la plus grande partie du d’appui au développement urbain ne et, en particulier, de la politique de
contentieux. Un délai assez long sera peut être que d’assurer la réalisa- l’habitat, qui doit viser prioritaire-
donc nécessaire avant qu’un cadastre tion des services et des infrastruc- ment l’accès au logement de tous les
foncier urbain soit mis en place et tures indispensables au fonction- habitants, afin de les mettre en
qu’il soit intégré dans l’indispensable nement de la ville, tels les systèmes condition de contribuer à la crois-
cadastre immobilier. d’approvisionnement en eau potable, sance économique. De la politique
Pourtant, la question du logement d’assainissement et d’évacuation de l’habitat va dépendre largement
est au cœur du développement des eaux usées, l’énergie, les ter- le futur de Phnom Penh en tant que
urbain. D’une part, il s’agit d’un rains à bâtir par l’édification de nou- «ville productive», en mesure de sai-
besoin de base pour la population, velles digues, la voirie principale… sir les opportunités de la mondiali-
en particulier pour les groupes les En même temps, il faut mettre sation et, en même temps, en tant
plus vulnérables, mais aussi pour la en place des structures et des règles que « ville inclusive », capable d’ou-
population à revenus moyens, qui de gestion des ressources de la ville vrir ces opportunités à tous ses habi-
n’arrive pas à avoir accès à l’offre assurant l’accès aux services de tants en promouvant leur complète
du marché. De l’autre, le logement base à tous les habitants, y compris intégration dans le tissu social, éco-
constitue une composante fonda- à ceux des nouveaux quartiers nomique et spatial de la ville.
mentale pour le développement de autoconstruits de la périphérie, Marcello Balbo
l’économie urbaine en termes d’in- à travers une répartition équilibrée 1/ P. Sophean, « La maison khmère », dans Apur,
vestissements, d’emploi, de maté- et la récupération des coûts d’in- Phnom Penh : développement urbain et
patrimoine, Paris, 1997
riaux de construction, d’infrastruc- vestissement et de gestion. 2/ Untac : United Nations Transitional Authority
tures. De fait, la seule action mise En fait, quel que soit le mode de per- in Cambodia

en place jusqu’ici par les autorités, ception, c’est en définitive la popu-


a été la relocalisation des familles lation qui paie le coût des services
touchées par les incendies qui se et, au Cambodge comme ailleurs,

50 Habiter Phnom Penh / Marcello Balbo


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Réhabilitation urbaine
et sites de relogement
Le phénomène
du «squat» urbain à Phnom Penh1
A partir de la fin des années 1980,
des petits noyaux de quartiers spon-
tanés ont commencé à apparaître à
Phnom Penh. D’après l’enquête
menée par le Cdri2, tout au début
les immigrants, provenant des
autres provinces du Cambodge et
même des pays voisins, s’installè-
rent le long du fleuve. Autour de
1985, il n’y avait que 74 familles qui
vivaient là, cultivant blé et légumes.
Aujourd’hui, à cause du taux de
croissance de la population et des
mouvements migratoires évalués à
10 000 familles, soit 60 000 per-
sonnes par an, on estime que la
population pauvre, faisant partie des
sans-abri dans la capitale, a atteint
le nombre de 30 000 familles, soit
180 000 personnes installées dans
plusieurs sites où il n’existe aucun
service ni équipement.
Il faut aussi ajouter que beaucoup
d’autres « pauvres urbains » vivent
en petits groupes, occupant d’an-
ciens bâtiments en ruines, des ter-
rains publics et privés, des toitures,
canaux de drainage, lacs, routes et
chemins de fer désaffectés. Cette
population manque de ressources
économiques et matérielles ou
d’éducation et n’a pas accès aux ser-
vices sociaux. La plupart de ces gens
travaillent comme vendeurs de nour-
riture, conducteurs de moto-taxis,
ouvriers dans le bâtiment et les Pour chaque site de relogement, un plan de lotissement est établi par la municipalité.
femmes, comme vendeuses de bière,
ouvrières du textile… bien des évictions forcées consé- d’activer une politique de l’habitat
La majorité des squatteurs provien- cutives à des prêts usuriers. visant à répondre à tous les besoins.
nent actuellement des provinces Les actions sont donc forcément
rurales. Ces flux migratoires arrivent La gestion des problèmes limitées aux situations d’urgence.
à Phnom Penh après avoir vendu de logement des plus pauvres Mais, en août 2001, le ministère de
leurs terres pour différentes raisons: Actuellement, le gouvernement du l’Aménagement du territoire, de
raisons économiques, l’exploitation Cambodge, au niveau central, et la l’Urbanisme et de la Construction,
de leurs parcelles n’arrive plus à sub- municipalité de Phnom Penh, au avec l’assistance technique des
venir aux besoins de la famille ; rai- niveau local, manquent de res- Nations unies3, a élaboré un projet
sons médicales, sociales ou admi- sources, humaines et économiques, de stratégie pour l’habitat en milieu
nistratives telles que des problèmes pour faire face à une telle situation, urbain qui, bien qu’il n’ait pas été
de paiement de soins médicaux ou bien conscients de l’impossibilité formellement adopté, a tracé les

Ambra Dina / Réhabilitation urbaine et sites de relogement 51


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Tab. n°1 : sites de relogement


Nom du site dimension distance de services : équipements
date d’implantation du site / Phnom Penh eau, électricité,
nombre de voirie
parcelles

Apiwat Meanchey 1 ha 3 km 5 puits, alimentation en eau Toilettes individuelles


Octobre 1998 129 lots par vente par des privés, Planifiés :
système de drainage, réseau de voirie, centre communautaire,
alimentation électrique par EDC, centre de santé
collecte des ordures avec
installation de poubelles par CVCD

Tuol Sambo 7,8 ha 21 km 7 puits, système de drainage, Toilettes individuelles, école primaire,
Septembre 1999 215 lots réseau de voirie, alimentation électrique école maternelle, centre
par réseau privé communautaire, centre de santé,
marché informel

Kork Kleang 1 0,7 ha 5 km 4 puits (dont un seul alimenté) Toilettes individuelles


Septembre 2000 111 lots alimentation en cours par la Régie Planifiés :
des eaux,système de drainage, réseau école maternelle, centre communautaire,
de voirie, alimentation électrique centre de santé
par réseau privé

Tuol Roka Kos 12 ha 11 km 12 puits creusés (dont 3 sont utilisés) Toilettes individuelles,
Décembre 2000 488 lots système de drainage, réseau de voirie, école primaire
alimentation électrique par réseau privé Planifiés :
collecte des ordures (incinérateur détruit) école maternelle, centre
communautaire, centre de santé

Kork Kleang 2 5 ha Alimentation en eau, Toilettes individuelles


Août 2001 99 lots système de drainage temporaire, Planifié:
réseau de voirie, alimentation électrique centre communautaire
par réseau privé

Samaki 1,2,3 15 ha 12 km Puits, alimentation électrique Toilettes individuelles,


Mai-juin 2001 1150 lots par réseau privé, incinérateur marché, centre de formation
pour le traitement des ordures Planifiés :
école maternelle, centre
communautaire, centre de santé

Samaki 4 4,3 ha Puits, système de drainage, réseau Toilettes individuelles


Mai-juin 2001 146 lots de voirie, alimentation électrique école maternelle, école primaire,
par réseau privé centre communautaire, centre de santé,
marché informel

Anlong Kngan 90 ha 15 km 9 puits, 1 réservoir, puits privés, réseau Toilettes temporaires (2 pour 10 familles)
Novembre- 3500 lots de voirie, alimentation électrique marché, école primaire,
décembre 2001 par réseau privé centre de santé temporaire

Anlong Korng 10 ha 8 km 5 pompes Toilettes temporaires


Décembre 2001 458 lots (1 pour 10 familles)

Lor Kambor 3 ha 9 km Alimentation en eau depuis la mare voisine, 4 toilettes temporaires


Novembre- 113 lots alimentation électrique
décembre 2001 par réseau privé

Phoum Veal 2,28 ha 14 km Alimentation en eau depuis la mare voisine, 30 toilettes temporaires,
Novembre 2001 136 lots système de drainage élémentaire bureau administratif
établi par la communauté, réseau de voirie,
alimentation électrique par réseau privé

Samaki 271 5,2 ha


En cours (août 2002) 285 lots

objectifs et les modalités d’inter- sion à la propriété, car il est reconnu infrastructure et aucun équipement;
vention à poursuivre. que la population, de toute condi- – garantir les infrastructures et les
Dans ce document, il est établi que tion sociale, est disposée à faire services de base qui permettent aux
le gouvernement ne peut et ne doit des investissements, même très gens de bénéficier des conditions
pas se substituer à l’initiative pri- modestes, dans le logement, mais à indispensables pour s’enraciner
vée, mais peut essayer de garantir condition de pouvoir obtenir la pro- dans les nouveaux sites et pour pou-
les conditions qui favorisent les priété du sol ; voir mettre en place quelques formes
investissements dans ce secteur, à – repérer plusieurs terrains pas trop d’activités économiques.
savoir : éloignés du centre-ville où les squat- Les positions concernant la politique
– prévoir dans les nouveaux lotis- teurs peuvent être relogés afin d’évi- de relogement « concertée » ont été
sements destinés à une population ter les déplacements en urgence4 non adoptées à partir de 1998, quand
très pauvre, des titres d’occupation concertés avec la population inté- les relogements forcés ont été arrê-
temporaire préliminaires à l’acces- ressée vers des zones sans aucune tés grâce à l’intervention de ACHR

52 Réhabilitation urbaine et sites de relogement / Ambra Dina


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Plots Devide Plan Plots Devide Plan


Phum Samaki 2 Phum Samaki 1
Sangkat Trapainkrosing Sangkat Trapainkrosing
Khan Dangkor Khan Dangkor

Plots Devide Plan Plots Devide Plan


Phum prey Tituy Phum Kring Enkrong
Sangkat Prey Sor Sangkat Kring Tung
Khan Dangkor Khan Dangkor

Exemples de plans de lotissement des sites de relogement. Ces plans intègrent des lots réservés aux équipements
et aux jardins, définissant ainsi la trame d’un nouveau quartier parfois très étendu.

Ambra Dina / Réhabilitation urbaine et sites de relogement 53


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 54

du fait que 30 % de ses habitants


sont constitués d’une population très
pauvre qui occupe de nombreux
espaces du centre-ville.
Dans ce contexte, toute proposition
devrait vérifier la possibilité de
conjuguer opérations de dévelop-
pement urbain et actions d’amé-
lioration des conditions de l’habitat
des couches sociales les plus défa-
vorisées.
Parmi les différentes actions pos-
sibles, les opérations de relogement
deviennent un banc d’essai fonda-
mental.
A partir de 1998, celles-ci ont été
nombreuses. L’analyse menée sur les
sites et les visites renouvelées au cours
de deux dernières années ont permis
de collecter un certain nombre d’in-
formations sur les caractéristiques de
chaque site (cf. tableau page 52) et
de réfléchir sur l’impact de ces opé-
rations tant à l’échelle du territoire
et des prévisions d’extension de la
ville de Phnom Penh, que des possi-
bilités de développement des sites
eux-mêmes et de leur population.
L’enquête s’est intéressée à 12 sites
pour un total de 156 hectares
et environs 6 900 familles.
Les caractéristiques des sites sont
différentes, en fonction de la dimen-
sion des terrains qui vont de 0,7 à
90 hectares et du nombre de familles
installées, mais le sous-équipement
est général. Seul le site d’Apiwat
Meanchey est doté d’un réseau élec-
trique public, tous les autres étant
alimentés par des générateurs privés.
L’alimentation en eau est précaire,
elle dépend de l’efficacité des puits,
souvent inutilisables, et de la vente
Plan de localisation des sites de relogement autour de Phnom Penh d’eau gérée par des privés. La col-
– source Handicap International, 2001.
lecte des ordures est presque inexis-
(Asian Coalition for Housing Rights) communautés d’habitants, les ONG tante, la voirie et le drainage sont
qui a permis de trouver un compro- et le secteur privé. rudimentaires. Un tiers des familles
mis entre les différents acteurs que En milieu urbain, la résolution des ont des toilettes individuelles. Il
sont la municipalité de Phnom Penh, problèmes posés par l’habitat des n’existe d’écoles primaires que sur
les communautés d’habitants et les pauvres constitue une urgence car quatre sites.
ONG locales et internationales. A les conditions de vie de la population
partir de ce moment-là, en sep- intéressée sont souvent inacceptables Site de Tuol Sambo.
tembre 1999, UN Habitat5 et la et parce que l’assainissement, l’or-
municipalité de Phnom Penh ont mis ganisation et le développement de la
en place un programme Phnom Penh ville rendent cela indispensable.
Urban Poverty Reduction Strategy
dont le principal objectif est d’éta- Analyse de quelques
blir les axes d’une politique d’aide opérations de relogement
aux populations pauvres de la ville Toute proposition de plan de déve-
définissant le rôle de chaque groupe: loppement de la ville de Phnom
la municipalité, y compris les Penh, que celui-ci soit général ou
bureaux de khans et sangkhats6, les limité à une zone, doit tenir compte

54 Réhabilitation urbaine et sites de relogement / Ambra Dina


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 55

Site de Kork Kleang, les maisons en maçonnerie se construisent, financées par les habitants eux-mêmes grâce à des prêts.

Malgré l’absence de données exhaus- Apiwat Meanchey, un petit site à par les habitants à l’entrée du site.
tives sur le prix des maisons, on peut 3 km de Phnom Penh, est caracté- Deux ans plus tard, la situation n’a
vraisemblablement estimer, sur la risé par sa proximité avec une zone pas évolué comme on pouvait l’es-
base des informations obtenues, que industrielle d’usines de textile qui pérer. En 2002, elle ne semble pas
la construction d’une maison varie représente une source d’emplois. avoir fait de progrès. Même si
de 800 $ à 1 500 $. La construction Cet élément est à la base de la « for- quelques habitations ont été agran-
des maisons est réalisée par les habi- tune » du site qui, quatre ans après dies et ont connu quelques amé-
tants, à partir de leur épargne anté- son implantation, apparaît stabilisé liorations, l’ensemble avec les rues
rieure au déplacement et d’em- avec les caractéristiques d’un vrai désertes, le drainage bouché, la voi-
prunts. Le prêt est calculé pour village : toutes les constructions sont rie délaissée, a perdu l’aspect actif
pouvoir être remboursé en cinq ans, en dur, on peut y reconnaître une remarqué deux ans plus tôt. L’im-
correspondant au délai nécessaire rue marchande avec beaucoup de pression est due au fait que les habi-
pour obtenir un titre de propriété. boutiques, où règne une certaine tants, et spécialement les hommes,
Le prêt maximum est de 400 $ au animation. Les habitants ont édifié pendant la journée, quittent Kork
taux du 8 %. Les gens reçoivent en un étage supplémentaire sur la plu- Kleang pour aller travailler à
général le montant en matériaux part des habitations et louent des Phnom Penh car aucune activité ne
pour la construction de leur maison. chambres aux ouvrières des usines. s’est développée sur place. Il en
Le prêt est remboursé à raison de Cette activité ainsi que la prépara- résulte que le lieu est pour l’instant
1 000 riels par jour. A partir de don- tion et la vente de plats cuisinés à un dortoir.
nées collectées et à cause de la durée la sortie des usines, dans des stands Tuol Sambo est plus vaste que les
encore trop courte des réalisations, ambulants, ont été les facteurs prin- deux autres sites et probablement
il est difficile d’établir une relation cipaux du développement de la com- c’est sa dimension qui a contribué à
entre dimension et qualité du site munauté. une évolution plus significative par
pour définir une dimension opti- Kork Kleang 1 a subi une évolution rapport à la situation de départ.
male. Il semble que la « réussite » différente. Lors de la première Contrairement aux opérations de
d’une opération soit dépendante de visite, en novembre 2000, l’opéra- Kork Kleang et de Apiwat Meanchey,
facteurs variables qui peuvent jouer tion de relogement débutait et la les habitants de Tuol Sambo n’avaient
un rôle différent : la proximité au population présente était assez pas participé au projet d’aménage-
site d’origine est favorable pour enthousiaste : le site avait été choisi ment, ils avaient été relogés sur le
maintenir l’éventuel emploi précé- par son comité, il était à une dis- site à partir de plusieurs lieux d’ori-
dent, mais n’est pas un élément tance du lieu d’origine qui permet- gine. L’éloignement de Phnom Penh
favorisant le développement du site. tait aux gens de garder leurs acti- avait été souligné comme un élément
Les visites de sites de Apiwat Mean- vités (cyclo-pousse, moto-dop, très négatif parce que les habitants
chey, Kork Kleang 1, Tuol Sambo et travail dans le bâtiment, petits étaient obligés, pour travailler, de
Anlong Kngan, renouvelées à des commerces), les infrastructures rester à Phnom Penh toute la
époques différentes, ont permis minimales avaient été réalisées par semaine car les coûts de transport
d’observer des processus d’évolu- UN Habitat, un petit marché de pro- sont trop élevés pour faire un aller-
tion diversifiés. duits alimentaires avait été installé retour par jour. Le risque était
l’abandon du site, comme c’est arrivé
La réserve d’eau. La vente d’eau. par ailleurs en d’autres occasions7,
si les avantages de la nouvelle loca-
lisation n’avaient pas compensé les
désavantages. Lors de la dernière
visite, en juillet 2002, on a effecti-
vement vérifié que 60 familles étaient
parties et qu’une dizaine avaient
vendu leurs parcelles. Mais, dans
l’ensemble, les éléments positifs
caractérisant le site tels que les
dimensions des parcelles qui, plus

Ambra Dina / Réhabilitation urbaine et sites de relogement 55


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 56

la population totale et augmenter la


population résidente de 2 à 300 %.
Jusqu’à présent, les opérations de
relogement semblent ne pas avoir
tenu compte des situations locales,
alors que l’arrivée d’une population
massive a un impact important sur
les équilibres existants car elle est
consommatrice de ressources sou-
vent déjà très limitées.
Site d’Apiwat Meanchey : le puits ; un petit commerce ; Les ressources en eau sont vite épui-
sées, les équipements sociaux, s’ils
existent, doivent servir une popula-
tion plus nombreuse et très pauvre.
L’augmentation de la population
entraîne, dans ces cas, une baisse
du niveau général du « standard »
de vie de la population originale avec
le risque, entre autres, de générer
des tensions entre les populations
locales et relogées. Dans le cas du
la place du marché ; un stand du marché ;
site de Anlong Kngan, seul un déve-
loppement accéléré pourrait vrai-
semblablement avoir des impacts
positifs sur la population locale.
Il est trop tôt pour juger des effets
de la transformation, néanmoins les
phénomènes observés imposent une
réflexion sérieuse sur le rapport
entre les sites de relogement, le ter-
ritoire, la réhabilitation et le déve-
loppement de la ville de Phnom Penh.
Ambra Dina
l’école ; la rue principale.
1/ La population des « squats » est constituée par
des gens qui, n’ayant pas de logement, ont occupé
sans titre des terrains pour construire des
vastes qu’ailleurs, permettent de cul- programmées à cause, d’une part, « habitations » temporaires. La recherche citée
tiver un jardin potager, ou la des ressources publiques très dans la note suivante remarque que : « People
know that they do not have the right to own any
construction récente d’une grande modestes qui influencent le choix piece of land that they occupy here. The land
école, avaient retenu la plus grande des terrains et, d’autre part, des belongs to the Phnom Penh Municipality and is
officially maintained as an “open space” in the
partie de la population. situations d’urgence. city. However, these people have been allowed to
build houses and live temporarily in the village
Anlong Kngan est le site où le déve- Les problèmes et les incidences que since 1992-93. It was stated that each political
loppement est allé au-delà de toutes la localisation et le développement party wanted more votes, so the illegality of these
settlements has time and again been ignored. »
prévisions, dans un délai très court. des sites ont sur les stratégies de pla- 2/ Cdri :Cambodia Development Resource Institute,
A la fin 2001, à la suite d’incendies nification urbaine et territoriale pous- Working Paper n°.20/2001 : a case study of a
squatter settlement in sangkhat Tonle Bassac.
du Front du Bassac, 3 500 familles sent à réaliser des analyses appro- 3/ United Nations Economic and social
ont été transportées sur ce site8, dans fondies tant il est sûr que les sites commission for Asia and Pacific
4/ Même, si en situation d’urgence comme ce fut
une situation d’urgence, sans aucune pourront devenir, selon les cas, des le cas pour les incendies de l’année 2002, cela
n’est pas toujours possible.
préparation du terrain, leur donnant villes nouvelles ou des dortoirs ou 5/ UNCHS :United Nations Center for Human
une bâche, une pelle, deux poteaux encore des bidonvilles assiégeant la Settlements.
6/ La ville de Phnom Penh est divisée
et quelques kilos de riz. Six mois plus capitale. Le choix de leur localisation, administrativement en 7 khans et 44 sangkhats.
tard, le site s’est complètement trans- de leur dimension, des infrastructures Le khan est l’équivalent de l’arrondissement, le
sangkhat, du quartier.
formé : grâce à la réalisation d’un socio-économiques, des actions d’ac- 7/ Notamment il y a une dizaine d’années, lors de
marché qui dessert un territoire plus compagnement ne sont pas sans effet l’installation d’un site de relogement par une ONG
en bordure de la digue de Kop Srov au nord de la
vaste, le site de relogement est en sur les stratégies de développement. ville.
8/ Ce site était la ferme expérimentale du
train de devenir une ville nouvelle9. Une étude récente, menée par Claire ministère de l’Agriculture jusqu’à la fin des
Petillot10 entre mars et juin 2002, a années 1990.
9/ Voir article concernant Anlong Kngan, page 57.
Les sites de relogement: calculé le pourcentage représenté 10/ Claire Petillot, Stage de fin d’études de l’Ecole
bidonvilles ou villes nouvelles? par les populations relogées par rap- des ingénieurs de la Ville de Paris, mars-juin
2002.
De cette série d’observations atten- port à la population du sangkhat. Il
tives des sites, il ressort que les dif- en résulte que, selon les sites, ces
férents résultats observés sont for- populations peuvent représenter un
tuits et ne dépendent pas de décisions pourcentage allant de 2 à 73,5 % de

56 Réhabilitation urbaine et sites de relogement / Ambra Dina


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 57

Une ville nouvelle


au nord de Phnom Penh?
Au nord de Phnom Penh, dans l’ar- Mon, dans le centre urbain de la
rondissement de Dan Kau, le site ville. L’incendie de ce squat, un des
de relogement d’Anlong Kngan plus importants de la ville, se
accueille depuis les premiers jours déclenche le 26 novembre 2001. Il
du mois de décembre 2001 un peu a réactivé des débats qui avaient
plus de 2 000 familles dont une déjà été soulevés au moment du
grande partie viennent de l’ancien relogement des familles sinistrées
squat situé sur les rives du Bassac par l’incendie du squat de son buil-
dans l’arrondissement de Cham Kar ding en mai 2001 et dont près de
Le site d’Anlong Kngan dans les premiers jours de l’opération de relogement : une ville du Far West.

Arrivée des habitants en camions ; premières tentes en décembre 2001.

Marie-Paule Halgand / Une ville nouvelle au nord de Phnom Penh? 57


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 58

Plan officiel du site établi au moment du relogement par la Direction de l’urbanisme de la ville de Phnom Penh.

700 ménages avaient été relogés ou revendeurs, des cyclo-pousse… ville, qui était auparavant une rizière
dans des sites créés à 10 kilomètres tout type d’occupation que seule la expérimentale dépendant directe-
du centre urbain de Phnom Penh, proximité avec d’autres groupes ment du ministère de l’Agriculture.
au-delà de l’aéroport de Pochentong, sociaux autorise. Pour accélérer la réinstallation des
à l’ouest de l’agglomération. En effet, familles sinistrées sur ce terrain,
un bon nombre de familles relogées Reloger les squatteurs la municipalité a organisé leur trans-
à Samaki étaient retournées à dans l’urgence port par camions ainsi que celui
Phnom Penh ne pouvant supporter La question du relogement des habi- leurs de maigres biens, arrachés à
le manque d’infrastructures de base tants des zones de squat dans la ville l’incendie. Ce n’est qu’une fois arri-
(approvisionnement en eau, éva- étant une question récurrente, la vées sur place que ces familles pou-
cuation des eaux usées…) et le défi- municipalité de Phnom Penh a eu vaient bénéficier des secours dis-
cit d’emplois, la plus grande partie très rapidement la possibilité de pensés par diverses organisations
des habitants de ces zones infor- prendre possession d’un vaste ter- nationales (la famille royale, le Pre-
melles étant souvent des ouvriers rain, plus de 150 hectares, situé à mier ministre) ou internationales.
dans la construction, des vendeurs environ 17 kilomètres au nord de la Ces secours étaient de deux ordres :

De l’abri précaire, à la maison en feuilles de palme tressées, au bâtiment en maçonnerie, en avril 2002.

58 Marie-Paule Halgand / Une ville nouvelle au nord de Phnom Penh?


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 59

d’une part, assurer la survie immé- Le premier plan dressé par la Direc- tentes à usage d’habitation et les
diate (distribution de rations de riz, tion de l’urbanisme occupait 7 stands constituant un marché infor-
d’une marmite, d’une petite somme des 16 terrains délimités par les mel se sont concentrés autour de la
d’argent, de quelques pièces de diguettes et les canaux mis en place voie principale. Le centre de santé
tissu, par exemple) ; d’autre part, pour l’exploitation de la rizière, qui provisoire établi par la Croix-Rouge
aider ces familles à reconstruire des sont doublés de chemins de terre. cambodgienne, la tente qui abri-
maisons. Cette seconde étape était, Une voie principale, orientée nord- tait les représentants de la munici-
bien sûr, conditionnée par l’attri- est / sud-ouest, divise ce grand ter- palité étaient également installés sur
bution effective d’une parcelle dont rain en deux parties pratiquement le bord de cette piste d’à peine
la famille obtenait alors un droit égales et concentre les équipements. 4 mètres de large. La première pré-
d’usage qui se transformerait en Les parcelles, d’une taille constante occupation a été d’organiser l’ap-
droit de propriété au bout de cinq de 7x15 m, sont groupées par îlots provisionnement en eau par les ser-
ans. d’une profondeur de 30m (deux par- vices municipaux qui ont utilisé des
Dans l’urgence et dans les condi- celles adossées) et d’une longueur camions citernes, l’approvisionne-
tions problématiques que l’incendie qui peut aller de 120 à 180 m (de ment payant en électricité étant
puis le déplacement ont créées, les 17 à 26 parcelles). Un vaste réser- assuré par des personnes privées
différentes instances municipales, voir occupait également une partie avec des générateurs. Des transports
tant au niveau de l’administration du terrain, posant très explicitement entre le site et la ville ont également
générale (Direction du cadastre, les problèmes liés à l’eau, adduction été mis en place par moto-taxis indi-
Régie des eaux, Direction de l’ur- et distribution, puisque le reloge- viduels ou collectifs. La question de
banisme et de la construction) que ment se faisait en début de saison l’assainissement (l’installation de
de l’arrondissement, ont été inten- sèche mais avec des inondations latrines, particulièrement) est éga-
sément sollicitées et ont pu propo- possibles, la situation dans une lement une préoccupation essen-
ser une série de réponses. Tout ancienne rizière paraissant alors tielle dans le processus de reloge-
d’abord les habitants sinistrés problématique au moment des ment. L’organisation internationale
étaient dirigés vers un hangar où les pluies. UN Habitat a pris en charge, comme
chefs de quartiers du squat du Bas- Durant les premières semaines, les dans la plupart des sites de reloge-
sac leur donnaient un papier attes-
tant de leur présence dans un loge-
L’occupation des parcelles se densifie.
ment en tant que « propriétaires »
ou en tant que « locataires ». Cette
distinction doit être faite pour sou-
ligner l’hétérogénéité des statuts des
habitants de ces implantations infor-
melles. Avec cette attestation, les
familles pouvaient prétendre obte-
nir une parcelle où s’installer. Elles
utilisaient alors des matériaux récu-
pérés après l’incendie et rapportés
en camions (tôles calcinées, planches
rescapées) et d’autres obtenus
auprès de certains organismes (l’am-
bassade d’Allemagne, par exemple,
a distribué à 1 300 familles une
pioche, une hache, un marteau et
un kilo de clous, et le service des
forêts, 5000 pièces de bois utilisables
pour des constructions légères) ou
encore acquis auprès de marchands
de matériaux installés sur place.

Le marché se construit, ainsi que les premières boutiques en avril 2002. Installation précaire des familles sans parcelles.

Marie-Paule Halgand / Une ville nouvelle au nord de Phnom Penh? 59


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 60

ment de Phnom Penh, la construc- certains étaient auparavant instal- Début décembre 2001, le terrain
tion de latrines mais en nombre lés dans le squat du Bassac. Y tenant semblait une vaste ville du Far West,
limité, ce qui explique l’organisa- commerce et ayant quelques éco- des tentes très simples, deux piquets
tion individuelle rudimentaire à nomies, ils ont pu investir la somme et une bâche bleue, composant la
laquelle nombre d’habitants conti- nécessaire pour s’installer dans un majorité des abris de fortune.
nuent d’avoir recours. stand au prix annoncé de 2 000 $ ; La situation a évolué très rapidement
d’autres viennent des villages alen- mais la construction des maisons
Pérenniser l’installation tour. La réorganisation autour de reste très disparate et hétérogène :
L’important apport de population, l’axe central aujourd’hui planté et dans les parties du site définiti-
l’installation de plus de 1 700 sur lequel, en août 2002, un manège vement attribuées, certains lots sont
familles, a aussitôt été annoncé et avait été installé, est probablement construits, d’autres restent vides,
a provoqué l’apparition immédiate la transformation la plus specta- mais la municipalité ne dénombre
de certains commerces. Outre les culaire. Outre le marché, d’autres que peu d’abandons de terrains
vendeurs de matériaux déjà cités, équipements ont été construits : une (moins de 3 % en mai 2002).
des vendeurs d’objets de première vaste école (financée par le Lions Dans les premières semaines d’ins-
nécessité, de produits alimentaires Club du Japon) va remplacer l’école tallation, la municipalité a tenté
sont venus des villages situés à proxi- provisoire établie dans le hangar qui d’inciter les nouveaux propriétaires
mité. Le dynamisme commercial accueillait les nouveaux arrivants à construire des maisons en suivant
peut encore être attesté par l’ins- dans les premiers jours du proces- un modèle précis de maison à rez-de-
tallation, en avril 2002, après conces- sus de relogement. Un centre de chaussée avec mezzanine construite
sion à un entrepreneur privé, d’un santé de la Croix-Rouge est en en briques dans une armature de
vaste marché couvert entouré de construction; cette structure est par- poteaux en béton et couvertes de
boutiques édifiées en maçonnerie ticulièrement utile dans un endroit tôle ondulée sur une charpente
qui occupent un large îlot voisin de où de nombreuses familles vivent métallique. Le devis accompagnant
la rue principale. De même, des cafés avec moins d’1 $ par jour et où les le modèle s’élevait à plus de 2 000 $.
se sont installés à proximité. L’ori- enfants sont les premières victimes Malgré ce coût élevé, une maison a
gine des commerçants est diverse, d’une telle situation. été édifiée suivant ce modèle dont
les plans, affichés sur le panneau
d’informations administratives, n’ont
La vie reprend, un manège pour les enfants s’est installé en août 2002.
pas résisté aux intempéries. Quelques
propriétaires ont importé à Anlong
Kngan le modèle du compartiment
chinois, largement majoritaire le
long de toutes les voies des nouveaux
quartiers de Phnom Penh. Mais seuls
quelques compartiments ont été
construits isolément ; la plus grande
partie des nouveaux propriétaires
ne disposant que de moyens
modestes, ils ont édifié au milieu de
leur parcelle une maison souvent
surélevée, dont les matériaux res-
tent fragiles : minces planches de
bois, nattes couverture en feuilles
tressées. Ce faisant, ils ont d’ailleurs
respecté une des règles édictées par
la Direction de l’urbanisme qui exi-
geait une servitude de reculement
sur les quatre faces de la parcelle,
déniant ainsi toute possibilité de

A l’intérieur du marché ; petit commerce ; premiers compartiments chinois en maçonnerie.

60 Marie-Paule Halgand / Une ville nouvelle au nord de Phnom Penh?


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 61

créer des alignements de construc- même, l’amélioration de la voie d’ac- l’entretien des rues, des canalisa-
tions sur rue et privilégiant une cès au site à partir de la route de tions et évacuations, de la gestion
organisation sur le modèle du Pochentong rend plus aisées les des ordures (collecte, traitement,
pavillon avec jardin. Ce dernier peut communications avec les zones for- recyclage éventuel), qui est du res-
être considéré comme un apport tement urbanisées, situées à proxi- sort de la gestion quotidienne par
décisif dans l’économie familiale. mité, facilitant ainsi les échanges de l’autorité municipale mais aussi de
Certains avaient, quelques mois tous ordres. Cette question des rela- la responsabilité des communautés
après leur arrivée, transformé leur tions avec les différents districts de d’habitants.
parcelle en un jardin potager ver- la ville reste un souci pour l’Admi- Dans ce secteur, les rôles respectifs
doyant, entourant une maison qui nistration, en charge des routes et de l’Administration et des organisa-
semblait offrir des conditions de vie des transports, et est fondamentale tions non gouvernementales locales
acceptables, mais cette situation ne dans la mise en place des stratégies ou internationales doivent être défi-
semble concerner qu’une partie res- de développement. nis pour faciliter le développement
treinte des habitants d’Anlong La maîtrise de l’utilisation des ter- et l’auto-organisation des commu-
Kngan… rains constructibles et inconstruc- nautés. La question des services
En effet, un problème majeur est tibles doit être un autre axe de assurés par les collectivités et de
rapidement apparu : celui des réflexion et les opportunités d’or- ceux assurés par les entreprises pri-
familles étrangères au squat d’ori- ganiser des activités sur le site ou vées doit être négociée en concerta-
gine, venues sur le site de reloge- dans sa proximité (agriculture tion avec les habitants des nouveaux
ment dans les premières semaines pérurbaine, petit élevage d’animaux, sites, mais également en tenant
d’installation, espérant ainsi pouvoir artisanat…) pourraient peut-être compte de la situation existante
accéder à un lopin de terre. Très vite devenir un des vecteurs de déve- (nombre d’habitants des villages
la construction de petites paillotes loppement. Pour autoriser le déve- alentour et degré d’organisation…),
sur des canaux bouchés par les loppement souhaitable d’Anlong pour valoriser au maximum les
ordures qui ne sont pas traitées, a Kngan et de tout le district, il semble opportunités offertes par les nou-
témoigné de l’attraction d’Anlong indispensable d’anticiper les pro- velles implantations.
Kngan. Ces familles, que l’Adminis- blèmes de drainage qui affectent Un dernier point doit être souligné
tration ne pouvait prendre en compte toute la zone au nord de la ville. pour favoriser une démarche posi-
dans le dispositif mis en place (leur L’implantation des zones urbani- tive, celui des délais : à Anlong
nombre a été évalué à 734), ont été sables doit être articulée selon un Kngan, l’urgence primant surtout à
rassemblées dans deux ou trois plan de gestion de la circulation de éviter la réinstallation, sur des ter-
regroupements un peu à l’écart, dans l’eau de part et d’autre de la digue rains dévolus à d’autres usages, des
des abris extrêmement précaires qui nord récemment restaurée. familles sinistrées, le processus de
ne pouvaient absolument pas résis- Le dessin du plan d’aménagement relogement a été organisé en
ter aux intempéries de la saison des des nouveaux sites devrait pouvoir quelques jours et régularisé en
pluies. Nombre de familles restent prendre en compte ces différentes quelques semaines alors que plu-
ainsi plus ou moins ouvertement dimensions: investissements commer- sieurs mois paraissaient nécessaires.
abritées par quelques bâches ou ciaux, répartition des activités, Cette précipitation renforce mal-
quelques plastiques, témoignant de variété des situations afin d’éviter heureusement la fragilité des familles
la grande fragilité de ce genre d’im- une uniformisation générale et de en situation précaire, qui sont majo-
plantations si une politique de sta- faciliter un certain dynamisme. Il ritaires. Elle oblige à faire des choix
bilisation et de développement n’est pourrait être intéressant de créer efficaces immédiatement mais défa-
pas clairement mise en place. une ou plusieurs rues d’édifices vorise vraisemblablement les possi-
construits en mitoyenneté et à l’ali- bilités de développement ultérieur.
Penser l’avenir gnement pour faciliter l’établisse- Marie-Paule Halgand
Le relatif succès commercial d’An- ment de boutiques, de ménager des
long Kngan a déjà été évoqué : en parcelles de tailles différentes et
août 2002, de nouvelles boutiques d’autoriser la variété dans un
étaient en construction autour du contexte maîtrisé. Un autre domaine
marché, le soulignant encore ; de ne doit pas être négligé, il s’agit de

Août 2002 : les commerces se développent ; les bâtiments se consolident, les jardins poussent ; les rues et canaux de drainage restent à faire.

Marie-Paule Halgand / Une nouvelle ville au nord de Phnom Penh 61


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 62

Front du Bassac, histoire triste


d’un grand immeuble blanc

Les immeubles du front du Bassac long, émergeant au milieu d’une


ont été construits dans les années nappe de près de 5 hectares d’ha-
soixante (1962, 1963) pour per- bitations précaires d’un niveau. Et,
mettre aux fonctionnaires d’accé- sur la façade de l’immeuble, des
der à la propriété contre des loyers constructions parasites venant s’ac-
modérés. crocher aux balcons comme si le
Aujourd’hui, l’un est occupé par des squat se prolongeait verticalement.
familles pauvres – le « White Buil- Le quartier du Building, qui s’orga-
ding » dont il sera question ici –, nise le long du boulevard Samdech-
l’autre a été racheté il y a quelques Sothearos, comprend l’ambassade
années par un investisseur qui, de Russie, le Théâtre du Bassac,
après l’avoir vidé de ses occupants, œuvre exceptionnelle de Vann Moly-
a commencé des travaux de réno- vann, aujourd’hui en ruine, le mar-
vation qu’il n’a jamais terminés. ché Kapko et des habitations dont
Laissé à l’abandon de 1975 à 1979, la qualité révèle un niveau de vie
pendant la période des Khmers convenable.
rouges, puis réinvesti par la popu- La silhouette impressionnante de
lation, l’immeuble n’a été, depuis, cette grande barre contraste d’au-
ni entretenu ni restauré. A partir tant plus avec son environnement
des années 1990, des squats se sont qu’elle est située sur des terrains du
installés au pied de l’immeuble et centre-ville soumis à une forte pres-
se sont amplifiés durant des années, sion foncière et dont le prix dépasse,
notamment du fait de l’arrivée de selon les responsables du cadastre
populations de la zone nord et ouest de Phnom Penh, 300 dollars le mètre
du Cambodge. carré.
En mai 2001, à la suite d’un incen- La récente « rénovation » dont a fait
die qui a ravagé les squats situés au les frais le « Grey Building » voisin,
pied de l’immeuble, on redécouvre autre barre remarquable, de même
le «White Building», extérieurement facture à l’origine, construite lors
très dégradé. Le terrain laissé vacant de l’opération « Front du Bassac »,
est alors aménagé en « espaces est la preuve de ce phénomène de
vert s» et la question du devenir de spéculation: la conception de ce bâti-
ce bâtiment commence à être sou- ment d’habitation avait intégré un
levée. système de ventilation naturelle des
L’UNCHS (le programme des Nations appartements, un rythme des bal-
unies pour l’amélioration de l’habi- cons et des lignes de crête dont rien
tat à Phnom Penh) décide de mener ne subsiste aujourd’hui. L’image du
une étude afin d’évaluer la possi- bâtiment actuel est celle d’une barre
bilité d’un projet. Une étude socio- sans aucun style.
L’esplanade le long du boulevard Samdech- économique est réalisée par l’ONG
Sothearos, à l’ouest du bâtiment.
USG (Urban Sector Group), en L’architecture du bâtiment
novembre 2001. Le White Building est aujourd’hui
l’un des seuls témoins d’un âge d’or
Le contexte foncier de l’architecture moderne à Phnom
En observant le squat qui s’étale Penh, dont l’opération « Front du
encore aujourd’hui à l’ouest du bâti- Bassac » (Grey Building, White Buil-
ment, on prend conscience de ce ding, théâtre) était l’ensemble le plus
qu’était le White Building il y a abouti.
quelques années (avant l’incendie) : Construit à l’origine sur pilotis, le
une barre verticale délabrée de trois rez-de-chaussée devait servir de
à quatre étages et de 325 mètres de parking pour les voitures et préser-

62 Front du Bassac, histoire triste d’un grand immeuble blanc / Julien Mingui
00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 63

Façade ouest : malgré la dégradation, l’architecture reste remarquable.

ver les logements d’éventuelles crues lants viennent s’installer au bout des Les squats
du Bassac. couloirs du premier étage, à proxi- Dès l’installation des premiers
L’architecture de la façade est ryth- mité des escaliers, là où le passage squats, le rez-de-chaussée a été
mée par les colonnes verticales qui est le plus dense. construit, et un parking pour moby-
protègent les réseaux (descente des lettes (et non pour voitures) a été
eaux usées et approvisionnement en aménagé un peu plus tard au pre-
eau) et les étages sont soulignés par mier niveau, avec une rampe d’ac-
des lignes de claustras. Les balcons Un des escaliers cès en bois, sur pilotis .
extérieurs sont disposés tous les et le passage public sous l’immeuble. Si les squats devant l’immeuble
deux étages, en alternance de part ont disparu, des constructions
et d’autre des colonnes verticales. précaires restent encore accrochées
Les logements se répartissent le long à la façade. Ces extensions des
des façades et sont distribués par appartements prennent plusieurs
un couloir-rue totalement obscur. formes.
Six blocs composent la barre, reliés Certains balcons existants sont fer-
entre eux par des escaliers extérieurs més : ceux sur lesquels ouvraient
et des coursives qui ménagent des directement les cuisines ont été
percées visuelles d’est en ouest. Les transformés en pièces lorsque les
blocs aux extrémités (deux au sud habitants avaient suffisamment de
et un au nor d ) c omportent quatre moyens. Le plus souvent, ces exten-
étages; les trois blocs centraux, trois sions sont construites en bois ou en
étages. Ainsi la toiture-terrasse est tôles, mais certains balcons ont été
accessible depuis le quatrième étage complétés par de la maçonnerie.
et peut être parcourue sur toute sa Dans quelques cas, des suréléva-
longueur. De même, à chaque étage, tions ont été rajoutées sur les bal-
les couloirs se prolongent par des cons pour créer des chambres.
coursives sur toute la longueur de Ces constructions posent, certes, des
la barre, créant ainsi de véritables problèmes de surcharge, mais l’ins-
rues de plus de 300 mètres de long. tallation de réservoirs d’eau d’un
Aujourd’hui, des marchands ambu- mètre cube (une tonne !) sur les bal-

Julien Mingui / Front du Bassac, histoire triste d’un grand immeuble blanc 63
00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 64

Habitat précaire, commerce et activité à l’arrière de l’immeuble.

L’enquête a porté principalement donné le flou qui règne autour de


sur des questions de propriété, de la notion de propriété au Cam-
date d’arrivée dans l’immeuble et bodge, il est difficile d’évaluer la
de province d’origine des occupants, validité de ces chiffres. L’observa-
ainsi que sur l’accès des habitants tions des dates d’arrivée des
aux services de base (eau, électri- familles (plus de la moitié d’entre
cité). Elle a recensé également le elles entre 1979 et 1984) permet
nombre de familles, de logements de penser que la plupart pourraient
et les surfaces approximatives des légalement obtenir le titre de pro-
logements. priété auprès du cadastre1. Cepen-
Il apparaît que 432 familles vivent dant les soi-disant propriétaires ne
Petit commerce ambulant.
dans cet immeuble (2 082 per- possèdent, au mieux, qu’un certi-
sonnes), parmi lesquelles 372 se ficat de résidence délivré par la
cons de certains appartements est réclament propriétaires, soit 90 %, police ou une attestation de vente
tout aussi problématique. et 10 % locataires (5 % de locataires délivrée par le sangkhat (subdivi-
Certains logements ont été étendus temporaires et 5 % de locataires sion administrative).
grâce à des constructions sur pilotis; permanents). Cependant, étant D’autre part, l’étude montre que
des occupants de logements situés au 36 % des familles n’ont pas accès à
premier étage ont monté des pièces Camion de livraison d’eau. l’eau potable, 7 % n’ont pas de toi-
en bois sur pilotis depuis le sol. lettes (la toiture accessible sert en
Enfin, comme cela a déjà été évo- partie de toilettes…) et 7 % n’ont pas
qué, le rez-de-chaussée a été cons- l’électricité.
truit et abrite actuellement 135
familles. Ces logements occupent Problèmes techniques
l’emplacement le plus convoité, celui Les principaux problèmes rencon-
qui est directement en relation avec trés concernent les réseaux. La
la rue. structure en béton armé ne présente
C’est ce que révèle l’enquête socio- pas de désordres graves à court
économique menée par l’USG en terme.
novembre 2001. Le réseau d’évacuation des eaux

64 Front du Bassac, histoire triste d’un grand immeuble blanc / Julien Mingui
00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 65

usées est depuis longtemps hors et dans le cas d’un immeuble d’ha-
d’usage : cela a conduit les habitants bitations privées, il semble difficile
à installer eux-mêmes des réseaux d’intéresser des bailleurs de fonds
d’évacuation secondaires (en PVC à un tel projet.
bleu), à l’extérieur du bâtiment…
Ces nouveaux conduits d’évacuation Quelques questions
ne sont reliés à aucun réseau prin- actuelles en guise de conclusion
cipal d’évacuation et celle-ci se fait Il semble qu’il ne sera, en aucun cas,
donc à l’air libre, à l’ouest, sur les possible de sauver cet ensemble
habitations situées en contrebas. immobilier sans un investissement
L’action des eaux d’évacuation très conséquent, qui ne pourra venir
s’écoulant directement sur les que d’un montage financier complexe
façades a, bien entendu, des effets associant bailleurs, banques, finances
désastreux sur les revêtements… publiques et participation des habi-
L’alimentation en eau de l’immeuble tants avec ou sans l’aide du micro-
s’est faite progressivement et les crédit.
conduites sont installées également Mais on peut également se deman-
en façade. Enfin, le réseau élec- Fermeture des balcons. der s’il est possible de restaurer cet
trique relève de l’anarchie la plus édifice sans le vider de ses occupants
complète. pendant les travaux. Cette question
La gestion des déchets est tout aussi pose immédiatement la question de
problématique: en effet, leur ramas- leur relogement provisoire ou défi-
sage est géré par une entreprise pri- nitif, donc du passage d’une simple
vée de Phnom Penh, qui prélève opération de restauration immobi-
directement une taxe sur les habi- lière à une opération d’aménage-
tants. Or, les habitants du building ment urbain qui inclut les terrains
sont peu disposés à payer. Lors adjacents pour édifier des im-
d’une visite du bâtiment, en mars meubles de logements neufs et
2002, des déchets s’entassaient transformer dans un même projet
dans certaines cages d’escaliers jus- le « White Building » et les maisons
qu’à une hauteur d’un demi-étage précaires qui le jouxtent.
tandis que les pieds d’immeubles Mais c’est alors la question du
sont jonchés de détritus jetés depuis démarrage d’une politique de loge-
les étages. ment dans le centre-ville qui est
posée et peut-être est-ce à partir de
Quelles solutions cette question que l’on pourra inté-
à court terme? resser les bailleurs de fonds inter-
Que faire pour ce bâtiment dont la nationaux et les banques à la réno-
qualité architecturale est indéniable vation d’immeubles squattés et
mais dont le coût de réhabilitation Construction sur pilotis. surpeuplés depuis des années,
ne peut être assumé ? Les investis- comme celui-ci.
seurs privés qui ont voulu acheter Julien Mingui,
ingénieur EIVP
l’immeuble aux familles n’ont pas
eu les fonds nécessaires pour payer 1/ En effet, la loi prévoit que les occupants
d’un logement depuis plus de cinq ans peuvent
les 5 à 6 000 $ exigés par celles-ci demander à la Direction du cadastre un titre de
(visiblement au courant des prix pra- propriété, mais la délivrance de ce titre est
payante.
tiqués).
En juin 2002, l’UNCHS a entrepris
de débloquer des fonds pour effec-
tuer des travaux d’urgence sur ce
bâtiment. Cependant, ces fonds ne
pourront couvrir qu’une très faible
partie des travaux nécessaires.
D’autre part, les familles ne sem-
blent pas prêtes à payer la faible
part qui leur est demandée.
De plus se pose le problème de l’en-
tretien des parties communes et de
l’évolution de l’immeuble après les
travaux.
Dans un tel contexte de flou concer-
nant la propriété des appartements Fermeture et agrandissement des rez-de-chaussée.

Julien Mingui / Front du Bassac, histoire triste d’un grand immeuble blanc 65
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Logements du «front Bassac»


ou cité Sihanouk
Les logements collectifs du « front trames de façades sont équivalentes
Bassac» ont été conçus dans un pro- mais n’ont pas la même répartition
jet global. Ils sont situés au centre intérieure. La double orientation est
du projet du nouveau quartier du très appréciable, la ventilation est
Bassac. Ils dominent le théâtre et les naturelle et on peut tout aussi bien
pavillons d’exposition du Sangkum, admirer le fleuve, que la ville et le
par-dessus lesquels ils font face au jardin situé entre les deux barres.
fleuve. Ils sont séparés par une autre Les logements sont spacieux, leur
opération de logements collectifs surface moyenne est d’environ
linéaires, de même facture. Leur 100 m2. On entre dans les apparte-
accès se fait par une voie tracée entre ments par l’extérieur. En effet, il n’y
ces deux barres. a pas d’espaces de distribution
Les logements du front du Bassac (entrées, couloirs...), mais une log-
s’apparentent à une cité linéaire gia en double hauteur autour de
divisée en deux parties (d’environ laquelle se développent les parties
120 et 320 m) qui gardent le même jour. Dans certains cas, l’accès à la
alignement. Ces barres contiennent loggia n’est pas direct, il faut passer
164 logements orientés est / ouest, par un petit sas de simple hauteur
le premier bloc abritant 45 appar- situé le long de la cuisine, mais l’es-
tements et le second, 119. pace qu’elle crée est dominant. Cette
Les bâtiments sont construits sur une loggia n’est pas seulement une cour
Architectes du projet : structure poteaux/poutres en béton intérieure agréable parce qu’on est
Vann Molyvann, architecte armé, avec des remplissages en dans un pays chaud, elle correspond
Vladimir Bodiansky, ingénieur. briques. La trame structurelle en au mode d’habiter traditionnel des
Réception des travaux : façade varie de 3 à 4 m et l’épais- Khmers. L’entrée mais aussi l’accueil
Novembre 1963.
seur des barres est de 12 m. Le des amis, la prise des repas dans une
nombre d’étages est variable, de trois maison traditionnelle se situent sous
à sept, et le rez-de-chaussée est libre. les pilotis ; cet espace ouvert et cou-
Le bâtiment est posé sur des pilotis vert à la fois est un abri extérieur,
subissant un remplissage régulier tout comme la loggia ; dans certains
afin d’indiquer les escaliers d’accès compartiments, chinois aussi, on
aux appartements et de camoufler trouve des espaces semi-intérieurs
les ascenseurs, l’espace restant pou- qui servent d’accès. La plupart de
vant servir aussi bien de lieu de ren- ces appartements possèdent une
contres et de palabres que de par- seconde entrée, par l’office, de
kings (les voitures ne sont pas très laquelle on peut aller directement
nombreuses). dans la cuisine sans être vu. L’ap-
Les logements ne sont desservis ni partement tout entier s’organise
par des couloirs ni par des coursives, autour de la loggia, la partie jour
mais par des escaliers et des ascen- regroupant le séjour et la salle à
Galerie du rez-de-chaussée. seurs desservant deux appartements manger est tout aussi centrale puis-
au maximum à chaque palier. Le hall qu’ils sont dans la même continuité.
d’entrée n’est autre que la sous-face Les « services » : office, cuisine et
du bâtiment. Ce système de distri- W.-C.- se situent dans la trame des
bution verticale ainsi que la faible circulations verticales, ils sont indé-
épaisseur du bâtiment permettent pendants et débouchent aussi sur la
d’avoir des habitations traversantes loggia. Traditionnellement, ces élé-
pour la ventilation mais aussi pour ments sont aussi isolés et indépen-
la vue, ce qui n’est pas le cas dans dants dans l’habitat khmer (maisons
les compartiments chinois qui sont ou compartiments). Souvent un
au moins deux fois plus épais. Les espace ouvert comme une cour

66 Logements du «front Bassac» ou cité Sihanouk / Lisa Ros


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Façade ouest : la trame structurelle varie de 3 à 4 mètres. Le nombre d’étages varie de 3 à 7.

Le bâtiment est posé sur pilotis. Le remplissage régulier de la façade indique les escaliers d’accès et les ascenseurs.

Lisa Ros / Logements du «front Bassac» ou cité Sihanouk 67


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Le bâtiment dépasse les édifices du quartier.

sépare les lieux d’habitation des fenêtres ne sont pas vitrées et que trer dans le logement, tout en rédui-
services. La typologie de l’habitat toutes les ouvertures sont habillées sant considérablement son intensité.
traditionnel est ainsi transposée. Les uniquement de moustiquaires et Les appartements sont clairs. L’es-
chambres et sanitaires sont les pièces dotées de volets à claires-voies en pace du séjour subit une dilatation
les plus éloignées, elles se trouvent bois. La partie du séjour bénéficie verticale à double sens. En effet, il
de l’autre côté de la cour intérieure de la meilleure ventilation naturelle est pris entre sa loggia de double
tout en gardant un contact discret mais aussi de la plus belle vue, ainsi hauteur et celle de son voisin du des-
avec celle-ci. Les chambres ont la que d’une grande qualité spatiale et sous. Il est ainsi entièrement projeté
possibilité d’être climatisées sauf lumineuse. La position du salon, situé vers l’extérieur grâce à l’ouverture
celles des domestiques, traversantes entre deux espaces intérieurs / exté- de toute largeur de sa loggia et il est
nord / sud. rieurs définis par les loggias, crée le poussé par le vide créé par celle de
La double orientation est/ouest favo- système d’aération. Ces loggias, de son voisin, ce qui offre à chaque
rise la ventilation naturelle des loge- double hauteur, permettent à une appartement une orientation prin-
ments, mais il faut préciser que les grande quantité de lumière de péné- cipale. Le problème des vis-à-vis

Plan de trois niveaux superposés. L’escalier et l’ascenseur desservent deux logements par étage. La place des loggias est inversée d’un étage à l’autre.
Chaque logement a deux entrées, l’entrée principale et l’entrée du personnel.

68 Logements du «front Bassac» ou cité Sihanouk / Lisa Ros


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verticaux, du salon à la terrasse, est terme employé à l’époque. Ils étaient


très simplement réglé par le travail au départ destinés à loger les ath-
en épaisseur du garde-corps. lètes des SEA Games (South East
Les logements traversants sont assemblés
en inversant les plans de chaque unité Les logements sont assemblés Asia Games, jeux Olympiques régio-
d’habitation. autour d’un axe de symétrie se trou- naux) de 1966, pour être finalement
vant au niveau des cages d’escaliers. convertis en appartements de stan-
Les loggias sont inversées car les ding dotés de chambres de domes-
services sont sur cet axe. Les cir- tiques, accueillant dans leurs
culations verticales reviennent tous grandes surfaces des Cambodgiens
les deux appartements (quatre ou d’un niveau de vie supérieur à la
cinq trames) et l’assemblage obéit moyenne et des étrangers. Les
à la variation des hauteurs. concepteurs ont réussi, avec des
Cette barre de logements collectifs techniques et des moyens d’expres-
est une ligne brisée de faible épais- sion modernes, dans le concept
seur et très découpée. Les façades même du bâtiment, à retranscrire
suivent le fonctionnement des appar- une organisation spatiale propre au
tements et leur trame structurelle. mode traditionnel d’habiter des
Deux façades les composent : celle Khmers. Le fait d’assembler et de
des salons et celle des chambres, superposer un grand nombre d’ap-
services et circulations. Ces façades partements n’a rien enlevé à la qua-
sont percées d’ouvertures verticales, lité de vie que l’on pourrait retrou-
qui sont recouvertes de plaques ver dans l’habitat traditionnel car
modulaires en béton gris qui ne lais- on a affaire à des villas superposées.
sent apparaître que les éléments En 1992, une opération spéculative
structuraux verticaux, liant les tentait de transformer le bâtiment
loggias de même niveau. Avec le en hôtel. Le but était de monter un
retournement des loggias en plans projet, d’obtenir un permis de
et la présence de certaines d’entre construire pour démarrer les tra-
elles en simple hauteur, se crée un vaux afin d’éviter les squats et de
décalage au niveau des dalles redon- pouvoir le revendre. La rénovation
nant l’échelle des hauteurs réelles de l’édifice l’a totalement défiguré,
du logement. Les façades décrivent les façades et les volumes ont dis-
une alternance de pleins et de vides, paru, les loggias ont été bouchées,
ainsi qu’un jeu sur les hauteurs don- le transformant en une barre rigide
nant un rythme, un mouvement à et dénuée de tout sens. Jusqu’à ce
ce bâtiment dont les volumes se jour, le bâtiment n’a intéressé per-
lisent comme des plots. La ligne est sonne et il est désormais à l’abandon.
présente mais elle est cassée du fait Lisa Ros – 1995,
architecte
que tous les éléments qui la compo-
sent, tendent à la verticaliser.
Cette forme d’habitat ne correspond
pas à ce que l’on appelle des « loge-
ments sociaux », même si c’est le

Lisa Ros / Logements du «front Bassac» ou cité Sihanouk 69


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Vivre
au
centre-
ville
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Phnom Penh centre ancien

La ville change réseau régulier de voies perpendi-


Lorsque les troupes de l’ONU arri- culaires, organisant un découpage
vent à Phnom Penh en novembre répétitif des îlots ponctué seulement
1991, elles débarquent dans une par quelques éléments singuliers,
petite ville pauvre, quelque peu particulièrement mis en scène dans
endormie, dans laquelle seuls l’axe des voies, tels le Phnom, le
quelques fonctionnaires et respon- marché central ou le monument de
sables politiques ont pris la mesure l’Indépendance.
des changements qui se profilent. Ici se concentrent les lieux du pou-
Réveillés brutalement, les habitants voir, les sièges des banques, les ports
vont s’adapter très vite à cette nou- fluviaux, trois grands marchés, plu-
velle économie urbaine et les pre- sieurs lycées et universités, les
mières transformations sont amor- grands équipements culturels, les
cées par l’arrivée concomitante pagodes prestigieuses, la plupart
d’une population « onusienne » très des services urbains et des entre-
riche et d’une population cambod- prises publiques – mairie, poste cen-
gienne très pauvre. Ainsi, dans le trale, télécommunications, télévi-
même temps que de nombreuses vil- sion nationale –,les ambassades, les
las sont restaurées, transformées en hôpitaux.
hôtels et en résidences de luxe, dans Mais, alors que depuis 1979, les ins-
les quartiers excentrés et sur les ter- titutions et administrations avaient
rains à l’abandon, une multitude de eu tendance à se concentrer sur le
paillotes et de petites maisons en petit territoire du khan de Daun
bois sont construites par la popu- Penh, leurs déplacements vers les
lation pauvre et constituent rapide- districts plus excentrés se sont mul-
ment de vastes zones d’habitat pré- tipliés depuis cinq ans. Ainsi, le
caire qui accueillent l’importante ministère de la Culture s’est déplacé
migration des ruraux. du centre du boulevard Monivong
Cette première période, marquée à l’extrême sud du boulevard Noro-
Le jardin du Phnom à la fin du chantier de sa par un développement rapide du dom. Il en est de même pour l’am-
restauration en 1998.
centre-ville et une urbanisation péri- bassade de Thaïlande et l’ambas-
phérique non maîtrisée, va se pour- sade du Japon toutes deux installées
suivre jusqu’en 1997. désormais côte à côte sur ce même
S’amorce alors une nouvelle phase boulevard Norodom, en face du
d’expansion de Phnom Penh, durant palais de Cham Kar Mon construit
laquelle se combinent extensions par le prince Norodom Sihanouk
spontanées et politiques publiques. dans les années 1960.
De même, les nouveaux grands pro-
1997-2002: premières tentatives grammes commerciaux et certains
de politique urbaine grands hôtels privilégient les quar-
Dans les quatre districts centraux, tiers plus excentrés pour s’implan-
la situation est relativement contras- ter car ils y trouvent de plus grands
tée entre centre ancien1 et péri- terrains, des avenues moins embou-
phéries plus récentes2. teillées, des accès automobiles et
Le centre ancien, dont il sera prin- des possibilités de stationnement
cipalement question ici, loti et plus aisés. Les exemples pourraient
construit à la fin du XIXe siècle et être multipliés. Ils montrent tous une
durant la première moitié du XXe sur transformation de la demande qui
des terrains endigués et remblayés, aura des incidences sur l’évolution
présente les caractéristiques clas- du centre-ville et en particulier du
siques des villes tracées à partir d’un district de Daun Penh.

72 Phnom Penh centre ancien / Christiane Blancot


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A partir de 1997, le gouverneur de trale du boulevard Sihanouk et d’une la ville tracée et lotie. Au-delà,
Phnom Penh a initié une politique promenade sur la digue qui borde s’étendent des territoires subur-
de rénovation des espaces publics, le Tonlé Sap sont autant d’éléments bains, organisés sur une base vil-
rues, avenues, digues, jardins et pro- qui créent les bases de l’organisa- lageoise.
menades. tion urbaine de ce territoire gagné Cette digue est le boulevard de cein-
sur le Mékong et qui se prolongera ture de la ville à partir duquel s’or-
Rues, jardins et promenades au sud sur des terrains aujourd’hui ganiseront les extensions urbaines.
Amorcé avec la restauration du jar- inondables. Déjà, avant même que les travaux
din du Phnom, qui démarre dès l’au- de voirie soient terminés, la recons-
tomne 1997, ce programme a été La digue périphérique truction des bâtiments à la nouvelle
ensuite étendu au réseau des voies Dans le même temps, des travaux limite autorisée a été l’occasion de
publiques du quartier du marché ont été programmés pour élargir à transformations significatives. Le
central et aux quais du Tonlé Sap 30 mètres la digue périphérique de remblaiement des terrains riverains
dans toute la partie qui borde le la ville. Ils furent mis en œuvre à de la digue s’est accéléré et, avec lui,
centre ancien, depuis le port natio- la fin de l’année 2000, pour s’ache- la construction de compartiments en
nal au nord jusqu’à l’hôtel Cambo- ver au début de l’année 2002. Cette béton, au détriment des maisons en
diana au sud. digue constitue la limite actuelle de bois jusqu’alors majoritaires ; le
Aujourd’hui, cette rénovation des nombre d’étages a tendance à aug-
chaussées prend un caractère sys- Promenade le long du quai Sisovath. menter. La digue devient ainsi très
tématique dans le centre-ville. rapidement un réel boulevard urbain
Les travaux sur les esplanades et bordé de compartiments mitoyens ;
avenues existantes ont pris une on y observe les mêmes transfor-
ampleur nouvelle avec la réalisation mations que celles constatées, il y a
des espaces publics sur les terrains une dizaine d’années, le long du bou-
récemment remblayés dits du levard Mao-Tsé-Toung.
« front du Bassac ». Tracés de voies Avec ce grand chantier, l’interven-
publiques, aménagement d’un vaste tion publique a changé d’échelle, la
terre-plein central planté dans le municipalité de Phnom Penh a
prolongement de l’esplanade cen- amorcé la rénovation des éléments

Christiane Blancot / Phnom Penh centre ancien 73


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Les travaux de construction de la digue autour de la presqu’île de Chrui Changvar en 2001. Aujourd’hui, le quai est terminé, les jardins plantés
et le centre de conférences en chantier.

majeurs du système urbain. située entre le Tonlé Sap et le gramme des travaux a pour objec-
La presqu’île Mékong. Elle constitue donc le décor tif la mise hors d’eau de l’extrémité
de Chrui Changvar de la ville, le premier plan du site sud de la presqu’île par la création
Les travaux sur la presqu’île de des Quatre Bras, la terre que l’on d’une digue périphérique qui cein-
Chrui Changvar vont constituer la voit sur l’autre rive lorsque, du bord ture l’ensemble des terrains inon-
partie la plus emblématique et la du Tonlé Sap, on regarde vers le dables peu à peu, stabilisés par
plus visible de ce renouveau de la fleuve. l’apport d’alluvions dû aux crues
politique urbaine. La presqu’île est Démarré en février 2001, le pro- successives du Mékong. Ce pro-
gramme prévoit également le rem-
L’esplanade du front du Bassac, au sud de l’hôtel Cambodiana en 2001. Aujourd’hui, plusieurs des blaiement des terrains situés entre
terrains en bordure des nouvelles voies sont en chantier et l’Institut bouddhique est achevé.
la route, sur la berge ancienne, et le
nouveau quai, et la réalisation de jar-
dins publics et d’un centre de confé-
rences face à la ville.
Ainsi se sont déroulés les travaux
depuis un an et demi, du début de
l’année 2001 à la saison des pluies
2002.
On peut penser que les transforma-
tions actuelles de la presqu’île sont
la suite logique de la reconstruction,
en 1994, du pont sur le Tonlé Sap. En
effet, c’est à partir de ce moment que
la presqu’île de Chrui Changvar a
accueilli, dans sa partie nord, le long
de la route nationale n° 6A, toutes
sortes de restaurants et de cabarets
et s’est peu à peu transformée en un
immense complexe de loisirs très fré-
quenté par les Phnom Penhois.

74 Phnom Penh centre ancien / Christiane Blancot


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En revanche, la partie sud de la


presqu’île, concernée par le projet
actuel, n’a jusqu’à présent que peu
subi les contrecoups de la mise en
service du pont.
C’est seulement depuis que les tra-
vaux de création de la digue ont
commencé que de nombreuses mai-
sons ont changé de propriétaires.
Il est certain que l’impact de ces tra-
vaux sur les villages de la presqu’île
sera très important et sans nul doute
très rapide.
Les plus pauvres partent,
les autres restent

Habitat informel au centre-ville :


un problème ancien qui évolue
rapidement La nouvelle ambassade de Thaïlande, dans le district de Cham Kar Mon.
Depuis 1989, année de la remise en
place de la propriété privée, et l’ar- A partir de 1997, le rythme des arri- pauvres du centre-ville6 s’accélère,
rivée de l’ONU en 1991, la question vées dans le centre-ville semble alors que le mouvement de réhabili-
de l’habitat des plus démunis a gran- ralentir alors que dans les secteurs tation de ce même centre s’amplifie.
dement évolué. périphériques, notamment à proxi-
Jusqu’alors, beaucoup de familles mité immédiate des usines de tex- Les immeubles du centre-ville :
se partageaient les grandes villas tile, l’habitat ouvrier le plus som- des conditions d’habitat qui
anciennes mais aussi les enclos des maire4 se répand. restent précaires
pagodes et les bâtiments publics à A partir de 1999, plusieurs phéno- Aujourd’hui, le centre-ville reste le
l’abandon tels que l’école chinoise mènes vont engendrer des migra- lieu de résidence de la majorité des
ou l’ancien tribunal administratif. tions rapides des populations pauvres commerçants, des fonctionnaires et
De 1990 à 1993, on assiste à un vers les périphéries : cadres de l’Administration et des
déplacement des populations les plus – les chantiers doivent démarrer sur artisans. Cette population constitue
pauvres des parcelles urbaines plusieurs grands terrains jusqu’alors sans nul doute la partie de la société
qu’elles occupaient, avec l’accord des à l’abandon5 ; urbaine la plus stable, la plus habi-
Autorités, depuis leur arrivée dans – la réalisation par la Ville de jar- tuée à la vie urbaine. C’est elle qui
la ville au début des années 1980 dins sur les berges du Tonlé Sap constitue la clientèle des marchés,
et à un regroupement de ces familles ainsi que l’élargissement de la digue des services urbains, des restau-
sur les terrains à l’abandon, les de ceinture nécessitent le départ des rants, des cafés et des nouveaux
berges du fleuve et les terrains inon- occupants des quais et des bas- centres commerciaux.
dables, sur les toits où se constituent côtés ; La majorité des habitants du centre
de vrais « villages » avec leurs rues, – les incendies se multiplient dans logent dans des compartiments chi-
leurs commerces, leurs ateliers… et les zones de squat denses – incen- nois ou des immeubles collectifs.
leurs chefs, et sur les terrains publics die au front du Bassac, le long du Chaque famille occupe un étage (ou
(en bordure des canaux et des boulevard Samdeck-Sothearos en une partie d’étage) de compartiment
boengs3, sur les bas-côtés des digues, mai 2001 (800 familles sans toit), ou une travée sur un niveau dans
sur les talus de chemin de fer…). second incendie dans la zone du un immeuble. La plupart des rez-
A partir de 1993 et jusqu’à 1997, l’af- front du Bassac au bord du fleuve de-chaussée abritent des commerces
flux de nouvelles populations s’am- en novembre 2001 (2 000 familles ou des ateliers d’artisanat le long
plifie à l’occasion d’événements poli- sans toit), incendie sur la berge de des rues et autour des marchés ;
tiques, mais surtout, à cause du Chbar Ampeou en novembre 2001 seuls les impasses, les passages en
redémarrage de l’économie locale (450 familles sans toit), incendie sur cœurs d’îlots et les ruelles conser-
dopée par la présence de l’ONU et le toit de l’immeuble Tan Pa en mars vent, aujourd’hui encore, des loge-
l’installation des premières usines 2002 (291 familles sans toit) ; ments en rez-de-chaussée.
d’industrie textile. Certains quartiers – la rénovation de grands équipe- L’occupation des immeubles collec-
voient le nombre de leurs maisons ments tels les hôpitaux ou les mar- tifs est très dense : cinq à six per-
doubler. Des terrains jusqu’alors chés provoque également le départ sonnes par logement, pour une sur-
publics et non bâtis sont investis par des occupants illégaux des terrains face allant de 40 à 80 m2. On est loin
la population, l’habitat sur les toits qu’ils occupaient jusqu’alors à l’in- des densités d’occupation très fortes
se pérennise, des réseaux d’eau et térieur de leurs enceintes. de l’habitat des plus pauvres mais
d’électricité y sont créés. Le mouvement de départ des plus également du luxe des grandes vil-

Christiane Blancot / Phnom Penh centre ancien 75


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 76

las de quelques rues de Cham Kar ans et près des trois quarts depuis titre qu’ils n’ont pas dans la plupart
Mon ou de Tuol Kork. plus de cinq ans. Les gens ne se des cas car il est payant.
Les densités de population varient déplacent pas. Ils ont, peu à peu, De ce fait, les aménagements réa-
beaucoup selon les types d’habitat, après 1979, occupé les immeubles lisés par les habitants durant les dix
sur des territoires très voisins. Par anciens. Dans un premier temps, ils dernières années pour réinstaller
exemple, si la densité moyenne de n’avaient aucun droit réel sur l’ap- l’eau courante et l’électricité ont
la population du district de Daun partement ou la maison qu’ils oc- été effectués dans le plus grand
Penh est de 150 habitants à l’hec- cupaient mais, dans les faits, per- désordre, chacun pour soi, avec pour
tare, certains quartiers tels ceux sonne n’avait le pouvoir de les en conséquences un foisonnement de
autour des marchés atteignent une déloger. En 1989, une première loi tuyaux en PVC bleu, résultat des
densité de 600 habitants à l’hectare, sur la propriété privée a confirmé branchements à partir du réseau,
alors que d’autres essentiellement leur droit d’occupation de leur loge- des câbles électriques à ciel ouvert,
composés de grandes villas ont une ment et la possibilité, pour les habi- sans aucune installation commune,
densité de 60 habitants à l’hectare tants, de demander un titre de pro- et aucun système d’évacuation des
seulement. priété du bien qu’ils occupent. eaux usées. Cela occasionne aujour-
Dans les quartiers les plus denses, Depuis, une deuxième loi en 1992 a d’hui des désordres dans les bâti-
la surpopulation des bâtiments confirmé les droits des habitants sur ments dus à des fuites d’eau dans
entraîne une dégradation accélérée les biens occupés après 1979 et, en les maçonneries et des risques d’in-
des lieux et une insalubrité crois- 2002, une nouvelle loi foncière a cendie importants par courts-cir-
sante, y compris dans les immeubles réitéré ce droit. Cependant, l’absence cuits.
où le phénomène de « squattérisa- de règles de gestion des coproprié- Un phénomène particulièrement
tion » des parties communes et des tés et le niveau de vie qui reste faible grave pour les immeubles les plus
toitures n’existe pas. ne permettent pas aux occupants anciens, construits en briques, plâtre
La population du centre-ville est très d’assumer l’entretien des parties et bois, essentiellement situés dans
stable. Il semble que la moitié des communes de leur patrimoine, et ce le district de Daun Penh, qui consti-
habitants au moins résident dans le même lorsqu’ils possèdent un titre tuent une partie importante du patri-
même immeuble depuis plus de dix de propriété en bonne et due forme, moine de Phnom Penh et qui contri-
buent à son charme et à son attrait.
La démolition des compartiments anciens s’accélère.
Les quartiers anciens
sont fragiles
A l’intérieur de ce centre-ville, la
partie la plus ancienne, qui corres-
pond à la ville urbanisée durant la
période coloniale, qui couvre
approximativement le district de
Daun Penh, possède des qualités
particulières qui constituent un
patrimoine architectural et urbain
important mais fragile.
Depuis le redémarrage de la
construction, au début des années
1990, ce secteur de la ville a subi des
transformations peu importantes si
on les compare aux mutations en
cours dans d’autres capitales asia-
tiques, mais, cependant, à l’échelle
de Phnom Penh, elles ont produit des
effets non négligeables sur le pay-
L’hôtel Royal est rénové depuis 1998. De nombreux bâtiments des années 1920 sage urbain et l’économie locale.
continuent de contribuer à la beauté de la ville. Les grandes parcelles encore non
bâties sont en train d’être construites
ou l’ont été très récemment.
Au sud du marché central, un super-
marché de cinq niveaux est venu
remplacer la gare routière.
A côté, le terrain occupé jusqu’en
1995 par le Théâtre chinois, puis
laissé à l’abandon est, depuis 2001,
totalement bâti. Deux rangées de
compartiments séparées par une
petite rue centrale y ont pris place.

76 Phnom Penh centre ancien / Christiane Blancot


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 77

Un supermarché a surgi dans le paysage du marché central.

Le terrain dit des « Glacières de l’In- les compagnies privées, de médiocre des espaces
dochine » est depuis cette année en tous les terrains dispo- publics, la dégradation des
chantier ; une série de comparti- nibles en centre-ville s’ac- immeubles et des édifices
ments de trois niveaux est en cours célère. Les terrains publics publics, et les formidables
de construction. se raréfient et la densité potentialités de dévelop-
Ces constructions ont en commun des constructions aug- pement que représentent
des densités semblables aux mente sans que les équi- un patrimoine architec-
immeubles les plus denses du pements publics se réali- tural important, des pay-
centre-ville et des hauteurs de sent dans le même temps. sages, des promenades et
construction qui restent similaires Or, si le réseau des rues et des jardins de grande
à celles des bâtiments voisins, à l’ex- boulevards a des capacités suffi- qualité, la présence majestueuse du
ception de quelques rares pro- santes pour desservir correctement Mékong et le dynamisme de la popu-
grammes dont celui situé au sud du de nouvelles constructions, en lation.
marché central qui dépasse nette- revanche, les services publics et les Le programme de réhabilitation du
ment le vélum des immeubles entou- équipements de proximité sont centre-ville a pour objectif de per-
rant le marché. d’ores et déjà insuffisants pour satis- mettre à la municipalité de disposer:
Cependant, si le volume des construc- faire les besoins de la population 1. D’un programme de travaux plu-
tions change peu, de nouvelles archi- résidante. Les écoles, notamment, riannuels sur les espaces publics ;
tectures apparaissent, inspirées par sont très surpeuplées, les centres de 2. D’un guide pour le développement
les grands supermarchés et les santé trop peu nombreux, les mar- des projets d’équipement du centre-
grands hôtels des capitales asia- chés surpeuplés. ville.
tiques ; les façades se couvrent de Pour chacun de ces équipements, une
colonnes cyclopéennes, de coupoles La réhabilitation fiche ou un dossier de faisabilité du
bleues, de façades en verre fumé, de du centre-ville projet sont élaborés par les services
corniches et d’imposants auvents, de Ce constat des difficultés du centre techniques municipaux en parti-
balcons ventrus et de rambardes aux ancien a servi de base à la définition culier par le Bureau des affaires
balustres moirés. d’une série d’actions coordonnées urbaines, certains de ces dossiers ont
La tendance à la construction, par qui prennent en compte à la fois l’état d’ores et déjà été constitués et pré-

Christiane Blancot / Phnom Penh centre ancien 77


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 78

nues, depuis deux ans, un projet


pilote financé par l’Unesco aide à la
rénovation des impasses et des pas-
sages à l’intérieur des îlots.

2. La politique de renforcement des


équipements publics et des services
La réhabilitation des trois marchés
du centre – Psar Chaas, Psar Kan-
dal et Psar Thmey, les plus presti-
Les compartiments des années 1960 et ceux des années 2000.
gieux, les plus anciens mais aussi
les plus populaires – sera le symbole
sentés par la municipalité à des par- des grandes fêtes khmères du nou- du renouveau du centre-ville. Edi-
tenaires internationaux. Il s’agit des vel an, de la fête des Eaux… fiés dans des lieux stratégiques,
dossiers de réhabilitation des trois La réhabilitation de ces rues est l’ac- centres de la vie économique et
plus grands marchés du district et tion prioritaire à mener pour amé- sociale dans cette ville où le com-
d’un dossier de création d’une mai- liorer la circulation de tous, véhicules merce est l’activité dominante, ils
son du tourisme dans une villa située et piétons, et assurer le bon fonc- constituent un des atouts majeurs
en bordure du quai Sisovath. tionnement des activités commer- de ces quartiers.
3. D’une série d’actions pour ampli- ciales et artisanales, fort nombreuses. Ce projet devrait être complété par
fier la politique de développement L’éclairage public est inexistant à la création d’un marché de quartier
touristique à Phnom Penh, des l’exception des grands axes et des dans la partie nord du district de
actions souvent très simples, sus- sites majeurs – Phnom, palais royal, Daun Penh, car ce quartier ne dis-
ceptibles d’améliorer grandement promenade au bord du fleuve. Une pose d’aucun emplacement à cet
l’accueil des touristes. Certaines de des premières actions indispen- usage. Le marché actuel est installé
ces actions, lorsqu’elles concernent sables à l’amélioration de la vie au milieu d’une rue, dans des condi-
des travaux ou des équipements, ont urbaine et à l’accueil des touristes tions d’insalubrité graves, alors que
été incluses dans le programme de est un programme d’extension de ce quartier accueille de nombreux
réhabilitation. l’éclairage public. logements et trois hôpitaux.
4. D’un projet pilote de définition de Les plantations d’alignement ont La création d’un musée de la ville de
ce que pourrait être, à Phnom Penh, quasiment disparu. Celles qui res- Phnom Penh constitue la deuxième
une politique d’amélioration de l’ha- tent sont souvent clairsemées. Or action importante pour le dévelop-
bitat et de réhabilitation des l’ombre des arbres dans les rues est pement économique et culturel de
immeubles anciens. un facteur de régulation du climat la ville. La grande salle située au pied
Cette étude prend en compte l’en- et de valorisation du paysage. C’est de la colline du Phnom pourrait
semble du district de Daun Penh, également un élément à privilégier l’accueillir.
depuis le boulevard Sihanouk au sud, pour améliorer l’image de la ville Les visiteurs pourraient trouver là
jusqu’au pont japonais au Nord, et du aux yeux des visiteurs. des informations sur l’histoire de la
quai du Tonlé Sap à l’est au boule- En complément de ce programme ville et de sa région, y découvrir les
vard Monivong à l’ouest. Ce pro- de mise à niveau des rues et ave- lieux importants et les sites archéo-
gramme est résumé dans un plan
stratégique très simple qui définit les Nouveaux bureaux, nouvelles villas.
priorités d’intervention sur les espaces
existants et propose la création de
quelques équipements nouveaux qui
sont importants pour un développe-
ment harmonieux des quartiers.

1. Le programme de réhabilitation
des voies publiques
Les rues de ce secteur de la ville sont
globalement en mauvais état, à l’ex-
ception des abords immédiats du
marché central, du boulevard Noro-
dom et de certains tronçons du quai
Sisovath.
L’ensemble des rues entre le bou-
levard Norodom et le fleuve sont à
refaire dans leur totalité. Il en est
de même pour les trottoirs. Or ce
sont les rues les plus fréquentées de
la ville, chaque jour, mais aussi lors

78 Phnom Penh centre ancien / Christiane Blancot


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 79

logiques proches, ainsi que des col-


lections ethnographiques sur les arts
et traditions populaires, les métiers
traditionnels et les coutumes.
Ce lieu pourrait être un musée
vivant, qui accueille des musiciens,
des danseurs, des conteurs, un lieu
de rencontres pour les artistes… un
lieu à la fois culturel et pédagogique,
pour tous, des enfants aux touristes.

3. La politique de développement
du tourisme
Phnom Penh est une ville potentiel-
lement touristique mais elle souffre
de handicaps certains par rapport
aux autres villes de la région qui
possèdent les mêmes caractéris-
tiques.
Aujourd’hui, la ville est totalement
inadaptée au tourisme urbain qui Le nouveau marché O’Russey.
nécessite des hôtels répondant aux
standards de confort internationaux, et l’entretien des ouvrages rénovés. blement à leur destruction et à leur
des rues dans lesquelles on peut se Il s’agit donc : transformation en zones de bureaux
promener, un réseau d’informations – d’améliorer les conditions de vie et, en revanche, une densification
dans et hors du pays sur les visites dans les immeubles anciens ; extrême des zones d’habitat dans les
possibles, des opérateurs qui encou- – d’encourager la restauration du districts extérieurs. Ce sont ces phé-
ragent les touristes en faisant preuve patrimoine bâti privé ; nomènes que l’on a vu se produire
d’imagination sur les programmes – de mettre en place un outil de ges- à Jakarta ou à Bangkok durant les
de séjour et ne vendent pas seule- tion des constructions ; trente dernières années, avec pour
ment la visite du palais royal et – de contribuer au développement conséquences une congestion urbaine
d’Angkor Vat. économique de la ville et au déve- très grave et une extension de l’ag-
Trois types d’actions spécifiquement loppement du tourisme urbain par glomération urbaine démesurée.
destinées à une meilleure gestion le renforcement de l’attractivité du Phnom Penh n’en est pas là, loin s’en
du tourisme sont possibles : centre ancien faut, elle a la chance de ne subir
– développer l’accueil et l’informa- aujourd’hui ni forte pression démo-
tion par la création d’une « Maison Que va-t-il se passer demain? graphique ni exode rural massif,
du tourisme » ; Beaucoup reste à faire mais il c’est pourquoi il nous a semblé
– améliorer l’équipement hôtelier ; semble que Phnom Penh soit en important de commencer ce travail
– aménager des sites touristiques train d’entrer dans une phase active de définition de projet sur ces quar-
urbains. de son développement, moment où tiers qui bordent le Mékong et le
la mise en place d’outils de gestion Toulé Sap, sur ce site si chargé d’his-
4. Le programme d’amélioration et l’élaboration de projets sont toire, entre palais royal, pagodes et
de l’habitat importantes pour orienter ce déve- fleuve majestueux.
Nous avons tenté de définir un pro- loppement. Christiane Blancot
gramme d’amélioration de l’habitat L’enjeu est bien,ici, de mettre en
1/ Le centre ancien correspond approximativement
dans les immeubles anciens car il est œuvre des politiques pour amélio- au district appelé « khan Daun Penh »
certain que la protection du patri- rer les conditions de vie de la popu- 2/ Nous englobons dans cette catégorie l’ensemble
des trois autres districts urbains : O’Russey, Cham
moine architectural et urbain est un lation et soutenir les activités éco- Kar Mon et Tuol Kork.
des éléments essentiels de toute poli- nomiques afin que le centre reste 3/ Les boengs sont de petits lacs naturels situés
dans les parties non remblayées de la ville,
tique de réhabilitation de centre un quartier vivant, capable de alimentés par des canaux de drainage des eaux
ancien, si l’on ne veut pas voir dis- conserver ses habitants, y compris usées et des eaux pluviales. Ils servent également
de bassins de stockage des eaux durant la saison
paraître peu à peu ce qui fait la les pauvres, et de faire en sorte qu’ils des pluies.
4/ Il s’agit essentiellement de baraquements en
richesse et la particularité de ces lieux. profitent du développement qui s’y bois divisés en chambres de 15 m2 dans lesquelles
De même, la stabilité des habitants amorce. s’entassent 5 personnes sans toilettes ni point
d’eau intérieur ; un W.-C. pour 20 chambres est
et leur attachement au patrimoine Faute de quoi, la dichotomie entre installé à l’extrémité des baraquements et les
bâti qu’ils occupent sont les garan- centre et périphérie risque de s’ac- cabines de douche sont constituées de quatre
plaques de tôle ondulée et raccordées à une jarre
ties de bonne fin d’une politique de croître, le départ de la population d’eau par un tuyau en caoutchouc.
réhabilitation des bâtiments d’ha- vers les districts extérieurs risque de 5/ C’est le cas notamment des terrains des
ambassades de Thaïlande et du Japon.
bitation privés tant il est vrai que s’amplifier, avec pour conséquences 6/ On entend ici par « centre-ville », les districts de
Daun Penh et Pram Pi Makar dans leur ensemble,
l’investissement affectif et financier une spéculation effrénée sur les ter- le nord du district de Cham Kar Mon, le district
des habitants garantit la pérennité rains du centre amenant inélucta- de Tuol Kork, à l’exception du Boeng Salang.

Christiane Blancot / Phnom Penh centre ancien 79


00/phnom pen 19/03/03 14:35 Page 80

Rues et trottoirs

L’amélioration des conditions de vie L’étude diagnostic des infrastruc-


urbaine nécessite obligatoirement tures urbaines existantes a été réa-
la revalorisation des espaces publics, lisée au printemps 2001 dans le
des rues et avenues car ils sont les quartier le plus ancien du centre-
premiers signes de la qualité de cette ville de Phnom Penh, là où se
ville. Tout le monde y passe, tout le concentre une très forte activité
monde les voit et les utilise. A Phnom commerciale. Cette étude a pour
Penh, les rues ne servent pas seu- objectif de permettre aux services
lement à circuler ou à desservir les techniques de la municipalité d’éla-
édifices qui les bordent, elles sont borer un programme de réhabilita-
aussi le lieu privilégié du commerce tion et de mise en valeur des espaces
et de la plupart des activités publics du centre ancien de la ville.
urbaines. Ce programme est un des fonde-
Lorsqu’elles sont en impasses ou de ments de la revalorisation de ce sec-
simples passages à travers les grands teur : il s’agit de la mise en valeur
îlots, on y circule peu, elles devien- des monuments, des édifices anciens,
nent alors l’espace qui prolonge le des paysages du Tonlé Sap et du
logement souvent surpeuplé, le lieu Mékong, et du développement éco-
où l’on se tient, où l’on prépare les nomique, en particulier de l’amé-
Trottoir défoncé devant Vat Saravan. repas, où l’on travaille, où l’on dépose lioration de l’attractivité touristique
ce qui encombre l’intérieur. Lors- de Phnom Penh.
qu’elles sont larges et importantes
pour la circulation à travers la ville Mise en place de l’étude-diagnostic
ou bordées d’équipements tels que Il est important de préciser que les
les marchés ou les écoles, leurs relevés effectués sur ce quartier his-
chaussées et leurs trottoirs remplis- torique et leur traduction cartogra-
sent alors deux fonctions bien dis- phique ne sont qu’une étude dia-
tinctes car si l’on circule sur la chaus- gnostique ; il s’agit d’un outil d’aide
sée avec toutes sortes de véhicules, à la décision, une présentation gra-
du cyclo-pousse au camion et y phique d’un état des lieux donné, à
Les eaux stagnantes amplifient la dégradation
de la chaussée. compris à pied, on circule peu sur les un instant donné. La mise à jour per-
trottoirs car ils sont totalement occu- manente de cet outil par les services
pés par les étalages de marchandises, techniques est nécessaire pour qu’il
les vendeurs ambulants ainsi que le puisse être réellement opérationnel.
stationnement des automobiles et des Pour réaliser une telle étude, des
mobylettes. Toute amélioration de fiches d’enquête précises ont été éla-
l’état des voies publiques a donc un borées afin de permettre aux tech-
impact immédiat sur les conditions niciens de relever dans chaque tron-
de vie et de travail de la population. çon de rue les éléments à prendre en
Les rues rendent également compte, compte. Ces fiches ont ensuite servi
aux yeux de tous, des moyens de à l’établissement de cartes théma-
gestion urbaine dont les municipa- tiques décrivant l’état existant des
lités disposent. Selon leur état, elles infrastructures du domaine viaire.
rassurent ou inquiètent les inves- Préalablement aux enquêtes, chaque
tisseurs potentiels. terme a été explicité afin que les
Enfin, leur réhabilitation a un effet relevés soient le plus uniformes pos-
d’entraînement important sur les sible car chaque défaut doit être
riverains, elle incite les propriétaires défini, qualifié et quantifié afin d’éla-
à rénover leurs façades, leurs borer les programmes de travaux et
vitrines et à un meilleur entretien d’évaluer les coûts le plus précisé-
de leurs seuils. ment possible.

80 Rues et trottoirs / Frédéric Objois


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 81

Analyse
cartographique
Les chaussées
A partir des fiches d’enquête, les
données ont été transcrites sur une
carte qui montre la gradation des
différents défauts relevés sur le ter-
rain, en fonction de la nature et de
l’importance des travaux à réaliser.

Etat 1. Bon état de la chaussée avec


ponctuellement un faible désenro-
bage. Aucun travaux n’est néces-
saire à court ou moyen terme.
Etat 2. Chaussée nécessitant un petit
entretien avec réfection par pièces
de petite taille. Il s’agit ici de
revêtement présentant quelques
flaches1, un désenrobage limité et
un pourcentage de « nids-de-poule»
faible et très ponctuel. Départ pour le balayage de la rue.
Etat 3. Chaussées demandant des
réfections partielles, avec pièces à
reprendre qui seront de taille impor-
tante (une partie de la chaussée du
tronçon considéré), sans toutefois
l’obligation de refaire toute la voie.
Le désenrobage y est important,
avec présence de flaches et de nom-
breux « nids-de-poule», ayant ten-
dance à s’agrandir.
Etat 4. Chaussée à rénover entière-
Rue 178 après sa réfection. Rue 178 : les voitures stationnent sur le trottoir.
ment. Il s’agit ici en fait de tronçons
fortement dégradés sur leur
ensemble, avec disparition de la
couche de roulement, désagrégation Etat des chaussées par zones ou secteurs fortement
importante de la couche d’assise, du quartier de Daun Penh : dégradés. Il s’agit soit de zones n’ayant
nécessitant une reprise des diffé- Les chaussées dont l’état est correct pas fait l’objet de travaux de répara-
rentes couches de fondation. représentent 65 % de la zone d’étude tion lorsqu’il en était encore temps,
On trouvera aussi dans ce chapitre, et celles qui nécessitent de gros tra- soit de zones présentant d’autres
les chaussées en terre, sans revête- vaux, 35 %. Ce résultat encoura- défauts accentuant le premier pro-
ment, mais assez rares dans ce geant résulte de la campagne de tra- blème, tels que la présence d’eaux
quartier ancien, en comparaison vaux de réfection entreprise par la stagnantes en permanence qui fra-
avec d’autres quartiers de la ville. municipalité de Phnom Penh depuis gilisent les revêtements de chaussée.
1997.
Analyse des résultats : On remarque que les axes de cir- La problématique :
Notre zone d’étude est un quartier culation principaux sont en bon état, Les dégradations sont particulières
historique, très commerçant, très même si l’on trouve, du fait du tra- aux structures des chaussées. Si l’on
fréquenté, un des plus riches de la fic important, quelques petites alté- trouve des flaches, du désenrobage
ville, avec de nombreux bâtiments rations de la couche de roulement. de revêtement, des « nids-de-poule »
ou sites ayant une valeur architec- Il s’agit des boulevards Monivong, et une désagrégation de la couche
turale ou patrimoniale importante. Norodom et du quai Sisovath. de roulement ou d’assise de la
Les résultats traduisent un assez Pour les axes secondaires, les dégra- chaussée, on ne trouve pas, ou de
mauvais état des chaussées, même dations sont plus considérables avec manière très localisée, de fissura-
si l’on doit le relativiser au regard des chaussées à reprendre rapide- tions, faïençage, pelades – défauts
de l’ensemble de la voirie urbaine à ment. Il s’agit des rues nos 13, 51, 110, caractéristiques des chaussées avec
Phnom Penh. 130 et 154. (Depuis l’enquête, cer- des fondations en béton (ancien).
Plus du tiers des tronçons de voies taines rues, dont la rue 13, ont été La voirie urbaine de ce quartier
du quartier nécessitent des répara- refaites en 2002.) réagit de manière assez uniforme
tions conséquentes ou une réfection Quant aux autres rues, on remarque au temps, au trafic ou aux condi-
totale. que les dégradations se regroupent tions climatiques.

Frédéric Objois / Rues et trottoirs 81


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 82

Les contraintes relatives eau stagnante 86

aux chaussées : 61

Une chaussée est soumise à de nom- 75 88

breuses contraintes dont les princi-


pales sont les suivantes : 88 90

■ Transmettre au sol les charges


verticales dues aux véhicules et sup- 90
bibli.
Mi.des

finances

porter le poinçonnement résultant


hotel
94
H
EDC

du stationnement prolongé. airie


Royal

92
le Phnom
98
■ Résister aux effets du roulage et 96 19
100

club poste

du freinage des véhicules. sportif


51
102 104

E
■ Subir les variations journalières Mi.des
Mi.des
41

telecom 106

et saisonnières de température et 102


radio
transports

108

d’hygrométrie.
armee

106
M

■ Rejeter les eaux de pluie vers l’ex- 108


77
110

térieur. e
commerce
Mi.du

■ Les conditions climatiques de H 118

l’exécution. douane
banque

nationale
130

Les éléments constitutifs d’une police

KHEMERAK PHOUMEN
136 13

chaussée sont : 107


53
130
Bd
15

M
■ Le terrain naturel dressé et com-
144
67 19

pacté.
128
Mi.de

l'indus.
148 M

■ Eventuellement, une couche de 51


E

forme si la portance du terrain est 63 prison


154

insuffisante ou une couche anti- 81 police 23

contaminante dans le cas des ter-


police

Musee
E
154

rains argileux.
police de

l'armee

Bd
3

■ Le corps de la chaussée (souple 217

107
H
Bd MONIVONG
ou rigide). 172

E
■ La couche de roulement et d’étan- 174
19

chéité. palais royal


Il existe deux types de dégradations 168 178
E SA

E
visibles en surface de la couche de 111 170 E Bd NORODOM

roulement : Mi.de
180
E
PALAIS ROYAL

■ Le flache qui est une dépression culture


la
184

182

de forme arrondie due à une désa- AF


200

grégation de la couche de fondation. 198


208

■ Le désenrobage qui est la dispa- 214


51
240
7

rition par descellement de la pelli- 63

cule de liant enveloppant le maté- 214


222

Etude-diagnostic des rues, du Phnom au palais royal – avril 2001.


riau enrobé. Relevé des eaux stagnantes sur les chaussées.
Ces deux défauts évoluent « assez
rapidement » avec apparition de routières (Urban Infrastructure liques. Pour obtenir un sol de por-
« nids-de-poule »et disparition, du Rehabilitation and Managment tance correcte, il y a lieu de traiter
fait du désenrobage de la couche de Project) montre de fortes défi- le terrain avec du ciment ou de la
roulement, avec ensuite désagré- ciences des couches d’assise de la chaux.
gation des couches d’assise. chaussée.
La taille importante des granulats que Différents essais et carottages ont Les trottoirs
l’on peut observer dans la couche de été effectués lors de cette étude, Les trottoirs de la ville sont souvent
roulement ainsi que la nature et la notamment sur leur portance. Les très encombrés. Les relevés que
composition du liant hydrocarboné essais et l’analyse des différents nous avons effectués dans la zone
sont sûrement en cause. Il est impor- échantillons révèlent des valeurs d’étude sont les suivants :
tant de noter que le désenrobage est très faibles. – encombrement faible :36 %
généralement causé par l’action de L’analyse des sols montre qu’il s’agit – encombrement moyen:23 %
l’eau et diverses actions mécaniques. en majorité de terrains composés – encombrement fort :41 %
Les différentes couches d’assise de d’argile (plastic clay materials) et de Il existe une forte disparité entre les
la chaussée présentent aussi des limon, tous deux très sensibles à la zones sud et nord comportant des
défauts. présence d’eau. Les pourcentages trottoirs très peu encombrés et la
L’analyse effectuée en 1995 et 1996 de gonflement sont de 2 à 4 % du partie centrale où ceux-ci sont au
par le groupement BCEOM/COWI volume considéré. contraire très utilisés. La différence
pour la Banque mondiale sur la La stabilisation des sols en place provient du fait que le Sud et le Nord
réhabilitation des infrastructures nécessite l’apport de liants hydrau- sont constitués de quartiers rési-

82 Rues et trottoirs / Frédéric Objois


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 83

réfection partielle H matériaux sont employés sur un


86
même tronçon de rue : pavés auto-
réfection totale
75
61
88
bloquants, dallettes ou béton de
propreté.
88
Les trottoirs de la ville servent aux
90

activités privées et sont gérés en


Mi.des
conséquence: lieux de stationnement
90

de véhicules, à proximité des banques,


finances
bibli.

hotel
94
H
le Phnom EDC
hôtels ou commerces ; lieux de vente
avec installation d’étalages ou lieux
Royal

rie
92
98
100
96
club
51
19
poste de réparation voire même d’entre-
posage (groupes électrogènes, maté-
sportif
102 104

E 41

riaux divers). Les terrasses des cafés


Mi.des

Mi.des telecom 106


102 transports

armee
radio

108 et des restaurants débordent lar-


M
106
gement sur le trottoir, ne laissant
110
108
77

Mi.du
aucun passage pour les piétons.
commerce

118
H
banque
130
L’eau stagnante
Il s’agissait de relever les points
nationale
douane
5
police

Bd
KHEMERAK PHOUMEN
15
136 13
d’eau résiduels sur la chaussée ou
107

67
53
130

19
144 M dans les caniveaux. Les pluies
128
Mi.de
durant la période d’étude (mois
148 M
l'indus.

E
d’avril) ne sont que très rares. Seules
51
154
deux pluies ont eu lieu pendant cette
63 prison

période. L’étude rend compte de la


81
police
police 23
présence d’eau quelle que soit son
E
origine : eaux pluviales, eaux usées,
Musee
154
police de

l'armee

217
H
Bd
3 eaux de lavage. Elle traduit l’acti-
107
Bd MONIVONG
172
vité de la ville et les difficultés liées
E 19
à l’évacuation des eaux.
174
La carte montre les zones où cette
168 178
Palais Royal eau n’est pas évacuée par le réseau
E
d’assainissement.
S

E Bd NORODOM
111 170 E
180
PALAIS ROYAL
Cette eau n’est pas évacuée car :
E
Mi.de

la
184
– elle reste dans les « nids-de-
182
culture

AF
200
poule » ou dans des dépressions de
208
chaussée désagrégée, sous le niveau
198
240
7
normal de la voie ;
51
214
– les avaloirs sont inexistants ou
63
bouchés ;
Etude-diagnostic des rues, du Phnom au palais royal – avril 2001.
Relevé de l’état des chaussées.

Trottoir stationnement. Trottoir restaurant.


dentiels, calmes, avec très peu d’ac-
tivités commerçantes.
Les trottoirs existent dans la plupart
des rues de la ville mais ils servent
à autre chose qu’au déplacement
des piétons car les habitants cir-
culent très peu à pied.
Dans l’optique du développement
du tourisme, la sécurité des piétons
et des promeneurs doit être amé-
Trottoir stationnement et cuisine.
liorée. Une réelle politique de recon-
quête des trottoirs est à entre-
prendre, au moins à proximité de
certains pôles importants.
Les trottoirs n’ont pas de revêtement
uniforme. Celui-ci est à la charge
des propriétaires et même s’il existe
une forte volonté municipale pour
qu’il y ait une certaine homogénéité,
les enquêtes montrent que différents

Frédéric Objois / Rues et trottoirs 83


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 84

– l’eau reste dans les caniveaux du sans éclairage


fait de contre-pentes de la chaussée (406)
vers les avaloirs. éclairage de style
(55)
Aucune quantification n’a été appor- éclairage fonctionnel
tée à ce relevé du fait de valeurs très (94)
subjectives qui auraient pu être rele-
vées sur le terrain. Un seul passage
par rue a été réalisé, les données ne
sont que partielles notamment pour le Phnom
les eaux de lavage.
La carte montre une similitude des
zones ou l’on trouve de l’eau stag-
nante et des chaussées fortement
dégradées. Nous avons déjà évoqué
le problème de l’eau sur la composi-
tion des sols de la ville, son infiltra-
tion accentue de manière significa-
tive l’évolution des défauts de voirie.
On relève la présence d’eau dans la
majorité des voies du secteur étudié.

Les avaloirs d’eaux pluviales


87% des tronçons de rues de la zone
considérée sont équipés d’avaloirs
pour les eaux pluviales. Malheu-
reusement, 70% de ces derniers sont
obstrués, que ce soit de manière par-
tielle avec accumulation de gravois,
déchets, plastiques…, ou totale. Cer-
tains d’entre eux sont même fermés
de manière volontaire, notamment
à proximité de zones commerçantes. Palais Royal
En effet, certains marchands ambu-
lants ou des terrasses de café les
condamnent pour éviter les éma-
nations de mauvaises odeurs.
Seuls 17 % des tronçons considérés
ont des avaloirs en bon état. Ils sont
situés sur les axes principaux. Etude-diagnostic des rues, du Phnom au palais royal – avril 2001.
Relevé de l’éclairage public.
Comme nous l’avons déjà énoncé, de
nombreux véhicules montent sur les Les plantations d’alignement L’ensemble de ce quartier vient de
trottoirs. Les couronnements des La majorité des voies du secteur de faire l’objet de récentes plantations.
bouches d’égout sont souvent cassés ou l’étude sont plantées. Nous n’avons Il est néanmoins nécessaire de pré-
affaissés et sont le lieu d’accumula- pas fait la distinction entre les jeunes ciser que celles-ci ont été faites sans
tion de déchets obstruant de ce fait le plants et les arbres anciens. aucune précaution. Les pousses qui
réseau d’assainissement. L’entretien de Les trottoirs plantés à la date du ont été plantées (d’une hauteur de
ce réseau ainsi que son développement relevé représentent 54 % du secteur. moins d’un mètre) n’ont pas été pro-
pour qu’il soit en bon état de marche Il est encore possible physiquement tégées, que se soit par des tuteurs ou
restent une des priorités à mener de poursuivre cette politique sur de par des obstacles. Elles sont de ce fait
conjointement aux autres actions. nombreuses voies. très abîmées, voire détruites, notam-
Kapokier. Flamboyant. Arbre du voyageur. Palmier à huile.
Ceiba pentandra (L.) Gaerth Delonix regia (bojer) Raf. Revenala madagascariensis Donn. Elaeis guineenis Jacq.
Doeum kô. Doeum kngok barang. Doeum chèk Kal ou chèk phliit. Doeum doung préng.

84 Rues et trottoirs / Frédéric Objois


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 85

Densité de circulation boulevard Norodom et le fleuve, sont


à refaire en totalité.
faible
Même lorsque les rues sont dans un
moyenne état qui permet de circuler sans trop
de trous, les revêtements sont très
importante usés car ils sont anciens et fragiles.
Ils sont soumis à rude épreuve à
cause des pluies abondantes et des
fortes chaleurs. De plus, les eaux stag-
le Phnom
nantes s’infiltrent et accentuent leur
fragilité. La réhabilitation des rues
est à mener à très court terme pour
améliorer la circulation des véhicules,
pour répartir ensuite la circulation
sur l’ensemble des rues afin de dimi-
nuer les embouteillages et permettre
la circulation des piétons.
Une des actions prioritaires est de
compléter la réfection des chaus-
sées par la « fabrication coordonnée
des chaussées et des trottoirs », au
moins lorsque ceux-ci longent des
institutions publiques: écoles, lycées,
universités ou des pagodes ou des
murs aveugles car une des raisons
de la mauvaise image des rues de
Phnom Penh provient de ces trot-
toirs inexistants ou transformés en
dépôts d’ordures. Une participation
financière de chacune des institu-
tions riveraines pourrait être
palais royal demandée sur la base d’un prix for-
faitaire par mètre carré de trottoir.
L’éclairage public est inexistant à l’ex-
ception des grands axes et des sites
majeurs – Phnom, palais royal, pro-
menade au bord du fleuve. Il est indis-
pensable, pour l’amélioration de l’ac-
Etude-diagnostic des rues, du Phnom au palais royal – avril 2001. cueil des touristes, d’étendre le réseau
Relevé des densités de circulation.
de l’éclairage public à certaines rues
ment par les véhicules en stationne- Les flux de circulation particulièrement fréquentées afin de
ment sur les trottoirs. La largeur des La densité de circulation dans l’en- favoriser l’ouverture des commerces
trottoirs est aussi une donnée impor- semble de cette zone est important, en soirée. C’est le cas, par exemple,
tante à prendre en compte lors des même si elle est disparate du fait de de la rue 178 ou de la rue 240.
plantations car un arbre situé trop la structure non homogène du sec- Les plantations d’alignement qui
près d’une façade se développe mal. teur. Or le nombre de véhicules par- ombrageaient avant la guerre toutes
ticuliers augmente de façon très les rues est / ouest ont en partie
L’éclairage significative dans le pays. Une étude disparu. Celles qui restent sont sou-
La majorité des voies du secteur spécifique reste à entreprendre dans vent clairsemées, voire en cours de
d’étude comme de l’ensemble de la ce domaine. disparition. Or l’ombre des arbres
ville ne sont pas éclairées. L’éclairage dans les rues est un facteur qui
n’existe que sur les axes principaux Quelques propositions pour contribue fortement au confort de
de circulation et le long des prome- le programme de réhabilitation la vie urbaine, à l’agrément de la
nades plantées, et depuis cinq années des espaces publics promenade et à la valorisation du
seulement. Tout est à faire dans ce Les rues de ce secteur de la ville sont paysage. C’est également un élément
domaine, la nuit tombe vite au Cam- globalement en mauvais état à l’ex- à privilégier pour augmenter l’at-
bodge, vers 18 heures 30, alors que ception des abords immédiats du tractivité de la ville pour les visiteurs
c’est le meilleur moment pour les pro- marché central, du boulevard Noro- étrangers.
Frédéric Objois
meneurs comme pour les acheteurs. dom, de certains tronçons du quai
Le développement du tourisme passe Sisovath et maintenant de la rue 13.
1/ On appelle flache une dépression de forme
aussi par une réelle politique d’éclai- L’ensemble des rues, leurs chaus- arrondie due à une désagrégation de la couche
rage des rues de la ville. sées comme leurs trottoirs, entre le de fondation.

Frédéric Objois / Rues et trottoirs 85


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 86

Le réaménagement
des marchés1
Psar Thmey, Psar Kandal
et Psar Chaas2

Phnom Penh est d’abord un port.


Cette ville fut un comptoir dès le xVII e
siècle et, depuis qu’elle est redeve-
nue capitale à la fin du xIx e siècle,
elle n’a cessé d’être un centre de
commerce très important de la
péninsule indochinoise. La rénova-
tion des trois grands marchés de la
partie la plus ancienne de la ville est
donc un élément fondamental de
la réhabilitation du centre-ville, de
son développement économique et
de son attractivité touristique.
Dans le cadre du programme Asia
Urbs, puis avec l’assistance de
l’AFD3, des études de définition du
programme de rénovation des trois
grands marchés du centre ancien et
de leurs abords ont été menées en
2001. Les prescriptions pour ce pro-
jet, présentées ici, ont servi, en 2002,
de base de travail aux architectes
pressentis par l’AFD. Mais elles ont
également une portée plus générale
et pourraient s’appliquer, pour une
grande part, à tous les marchés du
Cambodge.
Ces trois marchés se trouvent dans
une position privilégiée, dans le Installation des marchands autour de Psar Kandal.
quartier commerçant central4 et à
proximité de la zone portuaire du ments et des hôtels. C’est également
fleuve Tonlé Sap. Ce quartier de la le secteur dans lequel se concen-
ville est le premier à s’être urbanisé trent les banques et les administra-
au début du XXe siècle de part et tions publiques.
d’autre de la rue 135 qui joint la
place de la Poste au palais royal. L’importance des marchés
Psar Thmey est situé plus à l’ouest, dans la ville
Tous les matins, les maraîchers des alentours
arrivent pour vendre leurs produits au marché. entre le boulevard Norodom et le Phnom Penh est le passage obligé
boulevard Monivong, dans un quar- du commerce intérieur, la ville est
tier qui fut créé à la fin des années le nœud central des différents
1920 autour de deux grands équi- réseaux nationaux routiers, fluviaux
pements : la gare et le marché cen- et ferroviaires.
tral. Il est l’un des quartiers les plus Dans chaque quartier, le marché
denses et les plus compacts avec ses constitue le centre immédiatement
séries de compartiments chinois à repérable de la vie urbaine, écono-
étages, dont les rez-de-chaussée mique et sociale. Il est un lieu de
abritent de nombreux commerces rencontres, notamment pour les
et activités et les étages, des loge- femmes.

86 Le réaménagement des marchés / Patricia Pelloux et François L’Hénaff


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 87

Les 11 marchés officiels de la ville d’un revenu de subsistance. Si l’état ensuite acheminées par cyclo-pousse,
accueillent environ 14 000 vendeurs de sursaturation compromet gra- motos ou moto-dop s7. Les livraisons
auxquels s’ajoutent 17 marchés vement la santé publique et la pra- par voitures et camions sont très limi-
informels6 dont l’implantation sup- tique commerciale, le surpeuple- tées, ce qui permet d’éviter les
plée à l’insuffisance des installations ment de ces zones commerciales et encombrements. Les denrées péris-
officielles. la précarité de leurs aménagements sables sont souvent produites dans
On dénombre 2 962 stands à Psar les rendent souvent insalubres et les environs de Phnom Penh et ven-
Thmey dont 113 informels, 1 333 peu fonctionnels. dues directement par les paysannes.
stands à Psar Kandal dont 459 infor- La plupart des marchandises impor-
mels et 837 à Psar Chaas dont 253 tées de Thaïlande, de Singapour, du Caractéristiques des trois marchés
informels. Les stands ont des tailles Vietnam arrivent par le port inter- et problèmes de fonctionnement
très variables, de 40 x 60 cm, à national de Phnom Penh puis sont Psar Thmey est un bâtiment emblé-
8 x 15 m pour les restaurants. distribuées par les grossistes direc- matique, un monument de l’archi-
La situation matérielle des marchés tement sur les marchés ou déchar- tecture moderne. Le marché a été
reflète l’état de surpopulation et de gées sur les marchés de gros, Chba inauguré en 1937. C’est un modèle de
pauvreté de la ville. Beaucoup de Ampou et Dang Kor, ouverts 24 rationalisme affirmé par une struc-
marchés sont agrandis par une mul- heures sur 24 et situés en périphé- ture en béton armé exceptionnelle.
titude de petits détaillants en quête rie de la ville. Les marchandises sont Son plan est cruciforme avec une cou-

Patricia Pelloux et François L’Hénaff / Le réaménagement des marchés 87


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 88

(marché moderne, de qualité) et Psar


Kandal (marché peu cher) et se situe-
rait à mi-chemin entre les deux. La
qualité de Psar Chaas tient davantage
à sa situation, dans un environnement
bâti intéressant, ouvert sur l’espla-
nade de la gare. Le marché figure sur
le plan de la ville de 1922. C’était un
marché couvert, métallique, construit
en 1892. L’esplanade était occupée
au début du siècle par le canal de Ver-
neville. Dans les années 1930, par
souci sanitaire, les urbanistes fran-
çais l’ont comblé pour y aménager un
jardin à la française avec de larges
trottoirs et des plantations d’arbres.
Le marché actuel date de 1989. Les
marchands informels qui étaient ins-
tallés sur l’esplanade sont entrés dans
le marché en 1991, à la demande des
Les rues autour du marché sont toujours très encombrées. Autorités du district de Daun Penh,
pour réaliser l’aménagement de l’es-
planade.

Les données communes


à leur réaménagement
Des règles d’urbanisme et des
architectures particulières
L’influence des marchés est très
importante dans la vie sociale
urbaine. Aussi, il conviendrait que
l’architecture traduise la spécificité
de ces équipements.
A cet égard, l’architecture du mar-
ché central – Psar Thmey – est
exemplaire tant du point de vue de
son caractère monumental que de
sa rationalité. Cette structure qui, à
l’époque de sa construction, était
novatrice, jouit encore d’une répu-
Autour du marché de Psar Chaas, les vendeurs sont installés dans la boue. tation méritée aux yeux du public,
national comme étranger. Malheu-
pole centrale de 45 m de diamètre et l’alimentaire (à Psar Thmey et Psar reusement les architectures récentes
quatre ailes de 19 m de large par 44m Chaas, ce pourcentage ne dépasse pas des marchés ou des centres commer-
de long. S’il apparaît que les allées 30%). Le premier marché, Psar Kan- ciaux ne font appel à aucune créa-
sont bien dimensionnées à l’intérieur dal 8, était situé à l’emplacement actuel tivité ni prouesse technique et ne
du marché, celles du marché exté- du bâtiment du marché et la partie tiennent pas compte des réalités
rieur sont beaucoup plus étroites. Les nord était un jardin. Ce marché a été sociales, climatiques et du cadre
marchands informels viennent en- détruit dans les années 1980. Le mar- urbain. Aujourd’hui, la rénovation
combrer les allées, et les stands qui ché actuel a été ouvert en 1990. Le de ces trois marchés pourrait être,
se sont installés progressivement au bâtiment en béton, réalisé en 1989, comme le marché central en son
pied de la façade du bâtiment à la n’est pas d’une grande qualité archi- temps, l’illustration du renouveau
place de l’allée initiale empêchent une tecturale. Le système de ventilation de l’architecture cambodgienne.
bonne ventilation. Le marché cen- est inopérant, la toiture a des pro- Un marché n’est pas seulement un
tral est réputé pour la qualité de ses blèmes d’étanchéité et les ferraillages édifice, mais une place bâtie, entou-
produits (alimentation, artisanat…). de certains poteaux sont apparents. rée de compartiments. C’est pourquoi
Psar Kandal est le marché le plus Le drainage du quartier du marché la réglementation des constructions
populaire des trois marchés étudiés Psar Kandal fonctionne mal et il est qui entourent les marchés est aussi
et celui qui pose le plus de problèmes fréquent de le voir inondé. fondamentale que le marché lui-
de densification, d’hygiène et de salu- Psar Chaas n’a pas de spécificité aussi même. Les règles de construction pour
brité; 50% des stands sont affectés à clairement définie que Psar Thmey les bâtiments qui bordent les marchés

88 Le réaménagement des marchés / Patricia Pelloux et François L’Hénaff


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 89

doivent veiller à ne pas augmenter les


hauteurs bâties du lotissement d’ori-
gine, soit 12m, et à faire respecter les
passages sous portique en rez-de-
chaussée, lorsqu’ils existent.

Le maintien des stands


d’alimentation
Réserver une part importante des
stands à l’alimentation (un tiers des
stands environ) permet de différen-
cier le marché, dont la fréquenta-
tion est quotidienne pour les ména-
gères du centre commercial qui
regroupe les produits manufacturés
d’un usage occasionnel. Il est sou-
haitable de maintenir la diversité
des produits, donc de ne pas spé-
cialiser chacun des trois marchés
pour conserver une clientèle jour-
nalière.
Marchande de fruits. Coiffeuse.
Des circulations internes,
généreuses de Psar Thmey, Psar O’Russey et Psar des produits frais, à la protection
Il conviendrait de dimensionner Olympic peuvent servir d’exemples. contre la chaleur mais aussi contre
largement les allées pour une déam- l’humidité et le pourrissement des
bulation plus confortable et une Un confort thermique matériaux de construction. Des tech-
meilleure ventilation horizontale. et une ventilation naturelle niques simples permettent de l’assu-
Elles ne devraient jamais être infé- Au Cambodge, la ventilation naturelle rer: des toitures débordantes pour ne
rieures à 2 m. Les allées de l’intérieur est indispensable à la conservation pas exposer directement les murs au
Vue intérieure de Psar Thmey.

Patricia Pelloux et François L’Hénaff / Le réaménagement des marchés 89


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 90

soleil ou aux eaux de ruissellement, viales importantes pendant la mous- tion de stands et l’expulsion du mar-
des balcons ou des auvents au niveau son, l’évacuation des eaux usées et de ché des commerçants les moins
des planchers, des claustras en réaliser une fosse sceptique pour riches, notamment des vendeurs de
façades, une hauteur sous plafond chaque bloc sanitaire. Les systèmes produits alimentaires.
suffisante, un libre passage de l’air à d’évacuation doivent rester facilement
l’intérieur des bâtiments cloisonnés accessibles et s’intégrer aux compo- Prescriptions particulières
par des claustras, l’utilisation de plan- sitions architecturales des bâtiments. pour la mise en valeur du marché
chers ajourés et des fentes de toiture Un local fermé est nécessaire pour central, Psar Thmey
protégées du soleil. le stockage des bennes à ordures de Le bâtiment
Le projet devra chercher la meilleure chaque marché. Des corbeilles à Elément important du patrimoine
protection possible contre le soleil et détritus devraient être posées en cambodgien, il convient de le réha-
la pluie et la plus grande perméa- priorité aux abords des marchés biliter le plus fidèlement possible au
bilité au vent, comme cela existe à et,pourquoi pas, à l’intérieur des projet initial. A ce titre, l’ajout de mez-
Psar Thmey. marchés. L’organisation de la col- zanines, même réduites, à l’intérieur
Une attention particulière sera por- lecte des déchets devra être discu- du bâtiment est à proscrire. L’en-
tée à la ventilation verticale, surtout tée avec les commerçants. La réali- semble du bâtiment devra être ravalé
si le projet prévoit des constructions sation d’une cale frigorifique incluse et le revêtement de sol, changé. Les
en étages. La réalisation d’une dalle dans le marché est à envisager. claustras seront restaurés et les
pleine en toiture, sans ventilation Enfin, assurer l’évacuation des vitrages endommagés, remplacés.
haute, n’est pas souhaitable. occupants est d’autant plus impor- Les réseaux d’eaux pluviales, d’eaux
tant que les moyens de lutte contre usées, d’eau potable ainsi que le
La qualité des stands les incendies sont faibles. Si les mar- réseau électrique étant obsolètes, ils
Un travail est à mener sur les stands chés sont construits avec des étages, doivent être redimensionnés, et un
de manière à les rendre plus confor- ils doivent être munis d’escaliers en deuxième bloc sanitaire sera réalisé.
tables et fonctionnels pour les ven- nombre suffisant débouchant direc- En effet, il existe seulement trois
deurs et plus esthétiques pour l’har- tement sur une rue large. points d’eau et un bloc sanitaire, et
monie du marché. Une typologie est l’évacuation des eaux de lavage par
à concevoir selon la nature des pro- La nécessité de concerter les caniveaux fonctionne difficile-
duits vendus (boucherie, tissus…), La rénovation des marchés ne peut ment. Enfin, le réseau électrique est
avec un local pour le stockage des se faire dans de bonnes conditions limité puisqu’il n’existe qu’un seul
marchandises. qu’avec l’accord et la participation compteur électrique suppléé par un
des commerçants. Il convient de les générateur fonctionnant au mazout.
L’hygiène et la sécurité incendie associer à tous les stades de l’éla-
La salubrité des marchés est une boration du projet. Le recours à un Le marché extérieur
question essentielle. prêt international pour la rénova- Il conviendrait de réorganiser les
Il conviendra de refaire le réseau tion des marchés, tel que cela a été stands de manière à améliorer les
d’alimentation en eau potable inté- réalisé avec l’AFD, est une solution cheminements et à mettre en valeur
grant une multiplication des points durable qui devrait permettre d’évi- le bâtiment. Deux solutions sont donc
d’eau, l’évacuation des eaux plu- ter l’augmentation des prix de loca- envisageables : diminuer le nombre

Psar Thmey, plan de l’état existant avec le relevé des stands – Apur, 2001. Principe d’implantation des stands extérieurs.

90 Le réaménagement des marchés / Patricia Pelloux et François L’Hénaff


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Psar Kandal, plan de l’état existant avec le relevé des stands – Apur, 2001

de marchands ou agrandir l’espace Les stands devront conserver une Prescriptions


extérieur du marché en élargissant structure légère, ménageant davan- pour la rénovation de Psar Kandal
le trottoir. Compte tenu de la préca- tage de perméabilité vers le bâti- Deux scénarios d’aménagement
rité des « petits marchands », la ment central. Les stands des ailes peuvent être envisagés :
deuxième solution a été privilégiée. sud, ouest et nord s’intégreront sous – réhabiliter le bâtiment construit
Elle est cohérente avec la proposition les auvents prolongés. en 1989 en améliorant le système
de diminuer la circulation automo- Les traversées piétonnes seront amé- de ventilation et réaliser, dans le
bile de transit autour du marché. liorées en créant des passages pro- marché à ciel ouvert, une plate-
Ainsi, les stands extérieurs des quatre tégés à hauteur des quatre entrées forme sanitaire pour améliorer le
parties triangulaires pourront s’orga- majeures. nettoyage et le drainage ;
niser autour d’ une trame rayonnante, La benne à ordures à l’air libre sera – démolir le bâtiment et construire
perpendiculaire. Les trois entrées supprimée et installée dans un local un marché à deux niveaux sur les
directes sud, ouest et nord, vers la cou- fermé, dans un des auvents prolongés. sites nord et sud.
pole, seront dégagées en supprimant Le projet devra prévoir aussi la pos- La deuxième solution permettrait
les stands dans la partie médiane des sibilité d’ouvrir jusqu’à minuit une d’accueillir la totalité des stands offi-
allées. L’entrée principale sera confor- partie du marché, ce qui se traduira ciels et informels dans des conditions
tée par la réalisation de parterres sans doute par la mise en place d’une acceptables, avec notamment des
engazonnés, supplémentaires. double grille et d’un éclairage adapté. allées suffisamment larges. L’ali-
mentaire, les restaurants pourraient
Psar Thmey. rester au rez-de-chaussée et les
vêtements, les chaussures, les coif-
feurs et les équipements domestiques,
s’installer à l’étage.
Deux bâtiments seraient édifiés,
séparés par une rue centrale. Les
espaces communs devraient être
éclairés en privilégiant la lumière
naturelle. Les deux bâtiments, sans
forcément être identiques, devraient
présenter des volumétries similaires,
une architecture simple, unitaire,
que l’air et la lumière traverseraient.
La structure porteuse serait appa-
rente et le niveau du rez-de-chaus-
sée très ouvert. Ce dispositif doit
garantir une bonne ventilation et un
éclairage naturel de qualité. La toi-
ture-terrasse ou en pente devrait
également ménager des ouvertures
et des systèmes de ventilation haute.
Il serait utile de créer un dépôt d’or-

Patricia Pelloux et François L’Hénaff / Le réaménagement des marchés 91


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 92

Psar Chaas, plan de l’état existant avec le relevé des stands – Apur, 2001.

dures fermé et un bloc sanitaire dans le rez-de-chaussée en réalisant des d’eau situé au niveau du bloc sani-
chaque îlot ainsi qu’une grille fer- allées de 2 m de large au minimum. taire, à partir duquel un tuyau en
mant le marché. Les réseaux doivent La toiture devrait également ména- plastique peut être branché vers les
être entièrement repensés. Un réser- ger des ouvertures et des ventilations. stands.
voir d’eau se trouve devant le bureau La façade, très ajourée, devrait déve-
du marché en cas d’incendie mais les lopper une architecture semblable Propositions
problèmes d’étanchéité et le manque sur les quatre côtés du bâtiment pour les espaces publics
de pression rendent le système inopé- avec une structure porteuse appa- Le réaménagement des marchés
rant. Afin de pallier l’absence d’éclai- rente. Les entrées clairement expri- nécessite une requalification de leurs
rage public, les vendeurs du marché mées seraient localisées aux angles abords.
matinal s’éclairent à la bougie. et au centre du bâtiment et les
espaces communs éclairés en privi- Améliorer l’assainissement
Prescriptions pour légiant la lumière naturelle. du secteur
la rénovation de Psar Chaas Les sols traités avec des matériaux Les travaux importants pourraient
Psar Chaas est situé au centre d’une pérennes doivent être nivelés et comprendre le curage de l’ensemble
place dont les contours sont extrê- équipés d’un système de drainage des réseaux, la réparation des
mement lisibles, bordée de bâti- pour évacuer les eaux de nettoyage regards et la pose de grilles pour évi-
ments assez homogènes. Le projet du marché. ter l’entrée du sable, des gravats et
pourrait comprendre la création Le rez-de-chaussée pourrait accueil- des ordures qui obstruent le réseau.
d’un nouveau bâtiment dont l’ar- lir l’alimentaire. Les coiffeurs, la Des regards d’accès direct sont à réa-
chitecture serait caractéristique d’un maroquinerie, le tissu ou le ma- liser dans la rue 13 qui accueille les
marché. Un projet de grande qua- quillage pourraient s’installer à canalisations principales du secteur.
lité architecturale pourrait valori- l’étage, mais il est également possible Le fonctionnement du drainage vers
ser le site. Si l’existence d’une halle d’y installer des restaurants comme le fleuve et la capacité des déversoirs
métallique était confirmée vers au marché Olympique. Les réseaux d’orage sont à expertiser, tout
1920, elle pourrait servir de réfé- nécessitent d’être complètement comme l’écoulement des eaux usées
rence architecturale au projet. refaits en raison de leur obsolescence. en aval de la zone, notamment dans
Le niveau du rez-de-chaussée devrait Il existe aujourd’hui un seul point le collecteur principal.
être très ouvert et ménager une Le garage des mobylettes. Le portique autour de la place de Psar Thmey.
emprise libre de dégagement de part
et d’autre de la façade. Un grand rez-
de-chaussée de 6 m de hauteur et une
éventuelle mezzanine partielle pour-
raient être recommandés. Cette mez-
zanine ne doit pas être accolée aux
façades du futur bâtiment afin de
garantir une ventilation naturelle
optimale. La réalisation d’une mez-
zanine partielle permettrait d’aérer

92 Le réaménagement des marchés / Patricia Pelloux et François L’Hénaff


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 93

Diminuer la circulation automobile gnement sont ainsi proposées sur marché ainsi que le réaménagement
autour du marché central les voies diagonales menant au mar- des rues 154, 118 et 51 devraient
Les voies bordant le marché souf- ché central, ce qui permettra de être réalisés dans cette première
frent de l’intensité de la circulation structurer le paysage et de mettre en phase.
routière et donnent une impression perspective le bâtiment depuis le bou- 2. Amélioration du réseau d’assai-
d’isolement du marché au centre de levard Monivong, ainsi que sur la voie nissement du secteur de Psar Kan-
la place. Les traversées piétonnes est / ouest 154, déjà en partie plan- dal puis rénovation de Psar Kandal.
sont malaisées, voire impossibles à tée. Enfin, la plantation de véritables Les voies bordant Psar Kandal ainsi
certaines heures. Aussi, afin d’amé-
liorer l’ambiance générale de la Proposition d'intervention sur l'espace public
place et son accès, il est proposé de réfection des voies diminution de la amélioration des
réfection des voies circulation automobile traversées piétonnes
réduire la chaussée des deux voies aux abords des marchés mises en perspective
plantations d'alignement
diagonales et des voies bordant le éclairage public sur Psar Thmey
marché et de déplacer les gares de
taxis et de bus en direction de la pro-
vince. Par ailleurs, réaliser la réfec-
tion de la voie nord / sud 51 (paral-
lèle aux boulevards Monivong et
Norodom) et des voies est / ouest 118
et 154 reliant le boulevard Monivong
au Tonlé Sap permettra de mieux
écouler le trafic.

Réaménager les abords immédiats


des trois marchés
Les espaces publics bordant Psar
Kandal et Psar Chaas ne souffrent
pas de l’intensité de la circulation
routière comme à Psar Thmey mais
d’un débordement des stands. Il est
donc proposé de réaliser des rues-
marchés, fermées à la circulation arbres d’alignement sur la rue 130, que la voie 13 devraient être réamé-
automobile à certaines heures. Cela qui est l’une des voies les plus monu- nagées dans le même temps.
pourrait concerner la rue 15 bor- mentales et qui était plantée avant 3. Rénovation de Psar Chaas avec
dant Psar Chaas, tôt le matin et en la guerre, est souhaitable. création d’un bâtiment neuf et réno-
soirée, et les rues 5 et 148 (entre vation des rues adjacentes.
la rue 13 et le quai) pour Psar Kan- Eclairer les abords des marchés Patricia Pelloux et François L’Hénaff,
dal, tôt le matin. Ces rues-marchés la nuit ingénieur et architecte à l’Apur
1/ L’étude présentée ici a été réalisée dans le
pourraient être signalées par un S’il est souhaitable que toutes les cadre de la définition du projet de rénovation des
mobilier urbain spécifique. voies de la ville de Phnom Penh soient marchés de l’Agence française de développement,
étude qui faisait suite à l’identification du projet
L’aménagement de la rue 13, dont la éclairées la nuit pour des raisons de dans le cadre du programme Asia Urbs.
chaussée vient d’être refaite, devrait confort et de sécurité, il faut établir 2/ « Psar » signifie marché en khmer. Ce nom sera
utilisé dans l’ensemble du texte. « Psar Thmey »
accompagner la rénovation de Psar des priorités. C’est pourquoi il est sug- veut dire nouveau marché mais, lorsque les
Kandal et Psar Chaas pour pouvoir géré de commencer par l’éclairage Cambodgiens le désignent en français, ils
l’appellent marché central ; « Psar Chaas » veut
créer de véritables trottoirs autour. de l’espace public aux abords de Psar dire vieux marché ; « Psar Kandal » se traduit par
marché Kandal , du nom de ce lieu.
Chaas, Psar Kandal et des voies reliant 3/ AFD : Agence française de développement.
Développer les plantations ces marchés à la promenade du Tonlé 4/ Dans le district de Daun Penh qui couvre la
partie de la ville urbanisée avant 1940.
d’arbres Sap, et de revoir l’éclairage des abords 5/ Anciennement rue Ohier.
Le caractère de ville-jardin est un de Psar Thmey, insuffisant actuelle- 6/ Un marché informel est généralement constitué
d’un alignement de commerces ambulants le long
atout qu’il faut protéger et renfor- ment. Par ailleurs, il est souhaitable de certaines rues de la ville. Ces commerçants
cer. Des plantations d’arbres d’ali- d’éclairer les voies 51, 118 et 154 si payent des taxes pour avoir le droit de vendre
mais ils n’ont pas de place fixe, ni de droit autre
Psar Thmey fermé par sa grille extérieure. le financement le permet ou au moins que celui que la coutume, ou la police, veut bien
leur laisser.
d’établir le précâblage. 7/ Un « moto-dop » est un cyclomoteur-taxi.
8/ Psar Kandal est indiqué sur le plan IGN de
1943.
Priorités d’intervention
1. Réhabilitation de Psar Thmey :
Compte tenu de sa dimension emblé-
matique, la réhabilitation de Psar
Thmey sera exemplaire. Les espaces
publics, le déplacement des gares
de bus et de taxis et l’aménagement
des voies diagonales menant au

Patricia Pelloux et François L’Hénaff / Le réaménagement des marchés 93


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 94

Touristes à Phnom Penh

Le développement urbain nécessite ment économique. La valorisation


d’agir en même temps pour requa- touristique est un élément impor-
lifier les quartiers dégradés, revita- tant de ce programme.
liser le centre ancien et mettre en Une telle stratégie doit être mise en
place une politique de développe- place en sachant que les potentia-
L’intérieur du Vat Phnom, le jour de la fête du nouvel an khmer. lités de la ville – la majesté du
Mékong, la douceur des jardins, la
qualité du site et de l’architecture –
restent totalement inexploitées. L’uti-
lisation de ces atouts, conjuguant
développement et conservation,
transformation et protection, facili-
terait grandement l’augmentation
des flux touristiques et des inves-
tissements dans ce secteur. Dans un
contexte de faible disponibilité des
ressources publiques, cela permet-
trait un retour direct sur investis-
sements, des revenus immédiats, la
promotion culturelle de la ville et
l’augmentation de la capacité du sys-
tème local à attirer les acteurs éco-
nomiques.
Mais ce n’est pas seulement la capi-
tale qui ne sait pas mettre en
valeur ses potentialités touris-
tiques. C’est le pays entier qui est
encore perçu par les visiteurs
comme un lieu insuffisamment
aménagé, dont les infrastructures
de transport restent insuffisantes :
Phnom Penh et ses problèmes de
circulation ; Siem Reap qui, malgré
le site d’Angkor, ne s’impose pas
comme un lieu touristique au sens
propre du terme ; Sihanoukville, la
mer au Cambodge, avec des pos-
sibilités égales à la Malaisie et au
Vietnam et qui est encore un site
méconnu et non équipé avec un
centre urbain sans intérêt, des
hôtels médiocres et des plages
dévalorisées ; les belles régions de
Preah Vihear et de Ratanakiri, qui
restent inaccessibles…
Les effets de cette situation sont per-
ceptibles dans les données statis-
tiques fournies avec régularité par
le WTO (World Tourism Organisa-
tion) sur la santé du secteur tou-
ristique dans différents pays. Dans

94 Touristes à Phnom Penh / Turiddo Pugliese


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 95

le cas spécifique du Cambodge, elles (Association of Southeast Asian disponibles à lancer de nouvelles
montrent une progression régulière Nations) ou entre la CNTA1 et le initiatives. Il est de plus en plus
des flux, au sein d’un système glo- ministère du Tourisme cambodgien souvent demandé aux opérateurs
balement plus compétitif. pourront favoriser aussi l’arrivée de locaux de fournir seulement le ser-
touristes. vice hôtelier et non une gamme plus
Le Cambodge, Il s’agit donc de données positives, complète de services. A ce propos,
une destination secondaire qu’il faut mettre en perspective avec il faut rappeler que la plus grande
Les informations disponibles met- les limites qui caractérisent encore part des composantes du secteur
tent en évidence que les 600 000 le tourisme au Cambodge. Le pays touristique – structures hôtelières,
arrivées par an au Cambodge sont reste un produit touristique à voca- services touristiques et fourniture
loin d’être comparables aux 8 mil- tion culturelle ou d’aventure, mais de produits alimentaires aux hôtels
lions de visiteurs par an en Thaï- plus coûteuse que dans des pays – est encore fortement contrôlée et
lande ou aux 5 millions qui se ren- similaires. Il n’est pas perçu comme tenue par des entrepreneurs et des
dent en Indonésie. Ces chiffres sont pouvant accueillir le tourisme de investisseurs étrangers, particuliè-
également loin du nombre de tou- masse et apparaît comme une des- rement thaïlandais, malaisiens et
ristes qui visitent le Vietnam ou le
Laos, pays pourtant proches, dont
l’attractivité et les potentialités tou-
ristiques sont comparables et qui,
eux aussi, ont connu le désastre de
la guerre dans les années 1970 et
un difficile processus de recons-
truction.
Le tourisme au Cambodge a
démarré très tard, il y a seulement
cinq ou six ans, mais désormais, il
entre dans une phase de change-
ments rapides. Nonobstant la crise
économique des pays asiatiques de
la fin des années 1990 et les effets
négatifs du 11 septembre 2001, le
système touristique cambodgien
commence à fonctionner et à croître
spontanément.
Plusieurs phénomènes vont per-
mettre une augmentation soutenue
et continuelle des flux de touristes
L’esplanade du palais royal, le jour de la fête des Eaux.
vers ce pays dans un futur proche :
l’augmentation globale du tourisme
en Asie, la stabilité politique, une tination indirecte, secondaire, de singapouriens. Seulement 10 à 20 %
promotion plus efficace et mieux transit pour ceux qui ont choisi la du revenu produit par ce secteur
ciblée du pays qui présente un inté- Thaïlande, le Vietnam ou le Laos reste au Cambodge, en dépit de son
rêt grandissant pour les touristes, comme destinations principales importante capacité à créer des
la multiplication des liaisons d’un séjour organisé. emplois (environ 100 000 nouveaux
aériennes grâce à l’ouverture inter- Le séjour moyen du touriste tend à postes de travail en 1998) et à pro-
nationale des aéroports, notamment raccourcir, par conséquent les duire des retours positifs pour l’éco-
de celui de Siem Reap, les travaux dépenses moyennes par personne nomie du pays, qu’ils soient directs
en cours pour améliorer les liaisons diminuent également. Les opéra- ou indirects.
routières avec les pays limitrophes teurs travaillent désormais toute
(Bangkok n’est qu’à 300 kilomètres l’année et perçoivent un bon ren- Caractéristiques
d’Angkor), la rénovation des routes dement sur leurs investissements. du secteur touristique
du pays qui facilite les déplacements Ils se sont adaptés aux principales Les informations délivrées annuel-
sur de courtes ou de moyennes dis- exigences d’un tourisme qui lement par le ministère du Tourisme
tances, la redécouverte du Mékong demande de plus en plus de qua- montrent les caractéristiques du sec-
comme axe de liaison avec le Viet- lité et d’efficacité et disposent désor- teur touristique au Cambodge et
nam. Avec la réfection de la route mais de structures et de capacité à particulièrement à Phnom Penh. En
entre Bangkok et Siem Reap, il est intervenir dans l’organisation des 2001, les arrivées au Cambodge ont
prévu d’atteindre le million de visi- flux. Mais ils montrent une faible atteint le chiffre de 604 919 unités,
teurs par an à Angkor. De même, capacité d’innovation, ils ne cher- montrant une augmentation de 30%
des accords politiques avec les pays chent ni nouveaux parcours ni nou- par rapport à l’année 2000. Ce flux
voisins dans le cadre de l’Asean veaux produits et se montrent peu touristique se répartit uniformément

Turiddo Pugliese / Touristes à Phnom Penh 95


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 96

sont stables (environ 50 000 uni-


tés / an), mais la récente adhésion du
Cambodge à l’Asean pourrait dans
l’avenir changer cela.
Les raisons données par les touristes
pour motiver leur voyage sont des
plus diverses mais le Cambodge s’af-
firme de plus en plus comme une
remarquable destination culturelle.
Plus de 50 % des arrivants prévoient
une visite des temples d’Angkor,
proches de la ville de Siem Reap (en
1999, ils n’étaient que 38 %). Mais
le Cambodge est aussi perçu comme
un lieu optimal pour les voyages
d’aventure et pour pratiquer cer-
taines formes d’écotourisme.
La plupart des touristes qui arrivent
au Cambodge suivent les pro-
grammes proposés par les tour-opé-
rateurs. Ceux-ci, généralement, limi-
tent à quelques jours la visite du
pays et la considèrent soit comme
partie d’un voyage qui concerne éga-
lement d’autres pays d’Indochine,
soit comme l’extension à Angkor et,
parfois, à Phnom Penh d’un séjour
qui se déroule principalement dans
les pays limitrophes, ou encore
comme une unique destination pour
un voyage de courte durée, ou enfin,
comme destination principale pour
un voyage moyen ou plus long, pour
des touristes individuels.
Mais la demande d’effectuer des
séjours plus longs augmente, pour
pratiquer un tourisme d’aventure et
La fête du nouvel an khmer au Vat Phnom en 1998.
voir autre chose qu’Angkor et pour
découvrir le Cambodge grâce à un
sur tous les mois de l’année avec un développe rapidement (+ 71 % par séjour exclusivement dans ce pays.
maximum pour les mois de la sai- rapport à 2000), confirmant une Au fil des années, le nombre d’ar-
son sèche (de novembre à février). tendance positive depuis plusieurs rivées dans la capitale a baissé à la
Ce flux trouve son origine principale années due à une amélioration des suite de l’ouverture aux vols inter-
dans les pays de l’Asean, dans les infrastructures routières qui relient nationaux de l’aéroport de Siem
autres pays asiatiques et en Océa- le pays à la Thaïlande mais aussi au Reap, ce qui a amorcé l’inversion de
nie. Les touristes en provenance de Vietnam. tendance dans la conjoncture tou-
l’Europe (66 088 arrivées) et d’Amé- La durée moyenne du séjour du ristique du Cambodge. Phnom Penh
rique (37 033) représentent respec- touriste est désormais fixée à 5,5 reste le premier aéroport d’arrivée.
tivement 16 et 9% du total. La répar- jours ;cette moyenne est basse pour En 2001, parmi les 408377 voyageurs
tition par pays de provenance des séjours qui ne comprendraient qui sont arrivés en avion, qui pour
souligne les liens privilégiés du qu’un seul pays. Durant leur séjour, 82% d’entres eux ont déclaré être des
Cambodge avec les Etats-Unis et la les visiteurs dépenseraient à peu touristes, 274 689, soit 67 %, avaient
France. Les arrivées de Grande-Bre- près 300 $, avec une augmentation comme première destination Phnom
tagne sont également significatives d’environ 30 % par rapport à l’an- Penh. Mais les statistiques annuelles
(17 686 unités). En revanche, les née précédente. montrent un nombre toujours plus
arrivées d’Italie restent modestes L’augmentation générale des arri- grand de touristes allant directement
(3 710 unités). vées au Cambodge par voie aérienne à Siem Reap sans arrêt à Phnom
La majorité des visiteurs du Cam- provient essentiellement de l’aug- Penh. Ce flux vient principalement de
bodge arrivent toujours par voie mentation du tourisme (82 % des Bangkok, et commence à s’intensifier
aérienne (488 377 unités). Le arrivants déclarent être des tou- avec des arrivées de Singapour et du
nombre d’arrivées par terre compte, ristes), alors que les arrivées pour Vietnam. Ce flux était constitué de
en 2001, pour 32 % du total et se des séjours d’affaires ou de travail 28528 unités en 1999, 91717 en 2000

96 Touristes à Phnom Penh / Turiddo Pugliese


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 97

et a atteint 133 688 unités en 2001. vices – bars et restaurants, bou- d’information et d’accueil organisé
On estime que, à partir de 2005, le tiques, lieux de divertissement, com- par le département du tourisme de
nombre de touristes arrivant direc- pagnies de transports. Il faut gar- la municipalité n’est pas à la hau-
tement à Siem Reap sera supérieur der à l’esprit que les dépenses teur de structures similaires dans
au nombre de touristes arrivant à hôtelières représentent 33 à 35 % d’autres villes et ne satisfait pas aux
Pochentong2. du budget d’un touriste. demandes des visiteurs.
Par rapport au séjour moyen, qui Les déplacements d’un lieu à l’autre
tend à diminuer pour toutes les arri- Phnom Penh dans la ville sont impossibles à pied,
vées, et particulièrement à Phnom et ses touristes aujourd’hui limités en voiture à cause du nombre
Penh où le séjour dépasse rarement Des propositions d’itinéraires et de très restreint de taxis, et il n’est
une nuit par touriste contre trois visites diversifiés sont une des forces guère envisageable qu’un touriste
nuits il y a quelques années, la de tout système touristique orga- d’un âge moyen, souvent membre
dépense moyenne par individu dimi- nisé. Ici, il est inévitable d’obser- d’un groupe organisé, se déplace
nue. Dans la capitale, le nombre ver combien les propositions des d’un point à l’autre de la ville,
d’hôtels baisse, alors que dans les tour-opérateurs manquent de fan- comme la plupart des Cambodgiens,
autres villes, à Siem Reap mais éga- taisie et restent cantonnées autour en moto-dop3.
lement ailleurs, il augmente. Mais de l’indispensable visite du site Le Musée national et le Vat Phnom,
le nombre de chambres à Phnom archéologique d’Angkor, premier principaux sites touristiques de la
Penh reste constant ; ceci est prin- élément justifiant un séjour au Cam- ville, sont peu mis en valeur. Aujour-
cipalement dû à une politique de bodge. Le séjour à Phnom Penh est d’hui, chacun de ces lieux enregistre
modernisation des structures exis- toujours proposé comme partie d’un environ 3 000 visites par mois. Il est
tantes et de substitution des struc- voyage et non comme seule desti- probable qu’avec une publicité plus
tures obsolètes. La demande baisse nation. En général, les agences de importante et une meilleure orga-
et les standards hôteliers sont voyages excluent un séjour de plus nisation, mais aussi grâce à des
inadaptés à celle des touristes. Il ne d’une nuit à Phnom Penh et la pos- manifestations temporaires qui valo-
se crée pas de nouveaux hôtels plus sibilité d’itinéraires valorisant la riseraient l’histoire khmère et sa
coûteux, mais aux standards inter- ville; elles ne prévoient qu’une demi- culture, leurs revenus, tant directs
nationaux, avec un nombre de journée de visite des principaux qu’indirects, pourraient s’améliorer
chambres suffisant. monuments – le Vat Phnom, le très sensiblement.
Dans la capitale, le taux d’occupa- Musée national, le monument de Les rues commerciales destinées à
tion des chambres n’est pas très l’Indépendance, le musée de Tuol la clientèle des visiteurs sont insuf-
élevé car le nombre important d’ar- Sleng. fisantes et il y a peu de promotion
rivées à Phnom Penh est également Les activités touristiques de la capi- de l’artisanat local.
dû aux visiteurs qui viennent pour tale ne sont pas non plus convena- Phnom Penh offre aussi cependant
affaire ou pour retrouver leur blement valorisées. Là aussi, les la possibilité d’itinéraires culinaires
famille. Il s’agit alors de personnes tour-opérateurs témoignent de trop riches et variés. Tout doit être consi-
qui, probablement, sont hébergées peu de considération pour des sites déré comme une opportunité pour
par ces dernières ou des amis. ou des lieux qui, dans d’autres villes, le tourisme. Si les bars et pubs sont
La majeure partie des opérateurs sont très valorisés : les promenades
touristiques de la capitale se décla- caractéristiques, notamment sur le Un hôtel chinois derrière Vat Ounalom.
rent satisfaits de l’évolution du sec- fleuve, les marchés locaux, les
teur et attendent une évolution posi- scènes de rues…
tive de la conjoncture. Après des En réalité, Phnom Penh n’est pas
années d’attente, grâce à la stabi- une ville facile pour le touriste ; sa
lité politique actuelle et au maintien compréhension est compliquée, en
de la sécurité, les premiers résul- particulier pour un visiteur qui n’y
tats positifs sont perceptibles. Depuis reste que quelques heures .
que le Cambodge fait partie de Des lieux d’information et d’accueil
l’Asean, la situation hôtelière de manquent et les déplacements sont
Phnom Penh s’est améliorée car de difficiles. Aujourd’hui, le seul point
nombreuses délégations doivent être
hébergées en ville, ce qui est tout à L’hôtel Sunway, construit en 1998, tout près
du Phnom.
fait nouveau.
Ce secteur économique enregistre
des tendances au développement. Il
est clair cependant que, pour une
évolution positive de l’offre touris-
tique, le système hôtelier devra se
mettre en réseau avec les autres
opérateurs du secteur – agences de
voyages, organisateurs de visites –
et avec les autres structures de ser-

Turiddo Pugliese / Touristes à Phnom Penh 97


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 98

nombreux, il n’y a pas encore de une importance particulière. Ces ini- teur touristique ne peut se faire
lieux culturels collectifs – théâtre, tiatives, même si elles restent limi- qu’en symbiose avec les actions
cinéma, salle de concert – dotés tées dans leur dimension et leur menées par le gouvernement, lequel
d’une programmation régulière et importance économiques, peuvent œuvre à une amélioration des
adaptée. jouer un rôle dans la mise en valeur compétences, à la promotion du Cam-
Les fêtes traditionnelles, au moins des opportunités touristiques et faci- bodge, gère l’offre et la demande, les
la fête des Eaux et la fête du Nouvel liter les projets de requalification services existants, les apports finan-
An khmer, riches de symboles et de urbaine et de développement de ce ciers et les acteurs des interventions.
significations, ne sont pas encore secteur économique. Le Plan national de développement
perçues comme des événements tou- La réussite de chaque action mise du tourisme du Cambodge, préparé
ristiques. en œuvre, en dehors des domaines par le ministère du Tourisme en col-
Aujourd’hui, pour aller visiter des du commerce et de l’information, laboration avec le programme des
sites très attractifs des alentours de dépend dans une large mesure du Nations unies pour le développe-
la ville comme Oudong4, à 30 kilo- succès des politiques de rénovation ment de l’organisation mondiale du
mètres au nord, ou Tonlé Bati5, à du patrimoine historique et des tourisme dès 1996, constitue encore
35 kilomètres au sud, ou bien pour quartiers dégradés, c’est-à-dire de aujourd’hui la référence des actions
se rendre à Siem Reap, à Kompong l’amélioration de la qualité de la des autorités gouvernementales et
Cham ou à Chau Doc au Vietnam en ville. municipales. Il nécessite une actua-
bateau pour découvrir le Tonlé Sap Il est donc nécessaire de mettre en lisation qui devrait intégrer les
et le Mékong, les touristes n’ont que relation les actions pour le déve- demandes formulées par les opéra-
des services privés de qualité loppement touristique et les grands teurs privés qui souhaitent un sou-
médiocre, des véhicules mal entre- programmes de modernisation et de tien continu et efficace du secteur.
tenus ou usés et des routes en mau- développement des services urbains Aujourd’hui, le tourisme est consi-
vais état. en cours et en projet. Parmi ceux- déré par le gouvernement cambod-
Les ports fluviaux ne sont pas encore ci, on peut souligner en premier lieu, gien comme un des six axes qui
organisés pour une utilisation tou- l’amélioration générale de l’état des concourent au développement accé-
léré du pays.
Dans cette logique, les propositions
d’intervention peuvent être résu-
mées selon trois objectifs : augmen-
tation de la demande touristique ;
augmentation de la production et de
la commercialisation des biens tou-
ristiques ; extension de la durée du
séjour. Ces objectifs doivent s’ap-
puyer sur des actions pour intensi-
fier la communication et le marke-
ting, pour créer de nouveaux lieux
consacrés au tourisme, pour amé-
liorer la qualité urbaine.
Pour obtenir des résultats dans une
situation de pénurie financière mais
en comptant sur un retour rapide
sur investissement, la municipalité
de Phnom Penh a pensé qu’il était
Le Musée national a peu évolué depuis sa création ; il abrite la plus belle collection d’art khmer. possible de mettre en œuvre plu-
sieurs actions :
ristique, sans lieux d’information, rues, la réfection des réseaux d’as- – pour une meilleure communica-
sans structures de services et d’or- sainissement et de l’éclairage public, tion, l’opération « Phnom Penh,
ganisation... et les nouvelles infrastructures, de la cité banale à la cité d’excel-
Il n’existe pas de points d’informa- digues et quais. En second lieu, il lence » consistera à réhabiliter la
tion présentant les spécificités et l’at- faut noter la valorisation du centre villa qui est le siège du département
tractivité des destinations d’arrivée. historique, notamment la restaura- du tourisme pour y installer un
Seuls l’hôtel Cambodiana et l’agence tion du Vat Phnom et la création des centre d’accueil des touristes au
Mékong Tour offrent un service jardins alentour, l’aménagement de Cambodge ;
organisé mais il est peu utilisé et mal la presqu’île de Chrui Changvar et – pour créer des espaces dédiés au
connu. l’organisation de promenades sur le tourisme, l’opération «Phnom Penh,
bord du fleuve, mais aussi l’agran- de la ville impraticable à la ville pour
Opportunités, dissement de l’aéroport internatio- le touriste » déclinera plusieurs réa-
initiatives et actions nal de Pochentong pour accueillir lisations : la réhabilitation de la rue
Dans le contexte actuel, la définition 1,3 million de passagers par an. 178 qui longe le Musée national, dite
de propositions d’intervention prend Le développement durable du sec- « rue des Arts » ; l’amélioration fonc-

98 Touristes à Phnom Penh / Turiddo Pugliese


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 99

tionnelle des marchés et particuliè-


rement de la zone du marché de
Tuol Tum Pun ;
– pour renforcer l’attractivité des
sites existants, la création d’un
musée de la Ville de Phnom Penh au
pied du Phnom ;
– pour développer de nouvelles acti-
vités urbaines, considérer le fleuve
comme partie intégrante de la ville
et développer le port fluvial comme
gare maritime touristique, valoriser
le quartier colonial en développant
les visites des lieux religieux du
centre-ville, ainsi que les commerces
d’objets de l’artisanat khmer ;
– pour développer les excursions
culturelles, mettre en valeur la
mémoire et la tradition en réhabili-
tant le centre du génocide de
Choeung Hek, les visites de sites
proches de Phnom Penh– villages,
rizières et pagodes ;
– pour améliorer l’équipement hôte-
lier, développer une politique de
modernisation des hôtels, inciter les
propriétaires à appliquer des stan-
dards internationaux qui corres-
pondent à chaque catégorie de prix,
éditer un cahier des charges pour
chaque catégorie d’hôtel et chaque
catégorie de prix des chambres et
contrôler les permis de construire.
Il s’agit de projets concrets, qu’il faut
réaliser en les accompagnant de
mesures de marketing, par la
réalisation de nouveaux outils d’in-
formation – publications diverses,
guides thématiques –, et par le sou-
tien aux interventions de réhabili-
tation urbaine qui permettront de
transformer certains lieux en sites
touristiques remarquables.

Considérations sur le rôle possible


des opérateurs privés dans la mise L’éléphant du Phnom promène les enfants.
en place des projets
Aucune politique en faveur du tou- structures…) avec des ressources 1/ CNTA : China National Tourism Administration.
2/ Pochentong est le nom de l’aéroport
risme ne connaîtra de succès si les privées. Ces ressources pourront international de Phnom Penh.
entrepreneurs privés ne participent être constituées de subventions de 3/ Un moto-dop est une mobylette taxi.
4/ Oudong était la capitale du Cambodge jusqu’en
pas à la promotion d’actions particuliers, de contributions en vue 1865. Son site est magnifique. La ville royale a
communes. En l’absence de res- de la réalisation d’un service parti- disparu, il reste une série de collines qui sont des
sites religieux, des sites de pèlerinage. S’y
sources publiques disponibles pour culier, d’opportunités de revenus par trouvent les stupas de plusieurs rois du
la réalisations des projets, le succès la gestion de nouveaux services. Cambodge.
5/ Temple contemporain de l’époque d’Angkor.
des initiatives dépend de la capacité Naturellement, cela suppose de défi-
des opérateurs publics à impliquer nir au préalable un projet précis,
dans leurs projets des opérateurs qui prévoie les phases et les durées
privés tant dans la réalisation que de réalisation, les sources de finan-
dans la gestion ultérieure des nou- cement, l’identification des deman-
veaux services offerts. deurs, les participants au projet et
L’enjeu est de réussir à réaliser cer- son maître d’œuvre.
tains projets (rues, services, infra- Turiddo Pugliese

Turiddo Pugliese / Touristes à Phnom Penh 99


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 100

La maison du tourisme

100 La maison du tourisme / Bureau des affaires urbaines de Phnom Penh


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 101

Parmi les actions prévues, la réhabilitation de la villa située quai


Sisovath, face au Vat Ounalom, qui est actuellement le siège du
département du tourisme a une importance particulière. Le projet, en
cours de définition au Bureau des affaires urbaines de Phnom Penh,
prévoit l’aménagement d’un centre d’accueil pour les touristes dans
lequel il sera possible de trouver des services et des informations mais
aussi des expositions, une librairie pour promouvoir la culture khmère
et un café pour profiter du paysage et se reposer.

Bureau des affaires urbaines de Phnom Penh / La maison du tourisme 101


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 102

La réhabilitation des voies d’accès1


L’évolution de
l’urbanisme Relégué pendant une décennie à rapports entre les acteurs sociaux
intégrateur, c’est-à- l’arrière-plan des grandes orienta- et offre des alternatives en matière
dire une des figures de
l’urbanisme à pensée tions des bailleurs de fonds inter- de gestion urbaine.
faible, c’est qu’on ne nationaux, le développement urbain Ces nouveaux acteurs urbains, ainsi
part pas d’une notion s’impose à présent comme une des que l’évolution des politiques
de l’intérêt général,
qui est posé a priori, priorités de l’aide au développement publiques ouvrent de nouveaux
on part du doute, de au royaume du Cambodge. champs d’intervention et incitent à
l’humilité, de
l’incertitude et c’est Ces dernières années, la ville s’est s’orienter vers de nouvelles formes
cet intérêt général qui trouvée profondément bouleversée de projets urbains.
va être le produit par les effets combinés de l’accélé- Dans cette perspective, l’Unesco
d’une concertation
entre différents ration de l’urbanisation des districts Cambodge a proposé une action
périphériques, du poids croissant concertée et pilote dans la ville de

acteurs. 2
des migrations, de la mise en place Phnom Penh.
de la nouvelle loi foncière, de la poli- Depuis 2001, l’Unesco Cambodge
tique de décentralisation, et de l’ou- a développé un projet de recherche-
verture de l’économie à une éco- action dénommé Luceepp, (Local
nomie de marché. Urban Community Environment
Les pouvoirs publics et les services Pilot Project ), dans le cadre de son
techniques sont désormais obligés programme Most (Villes, gestion des
de renouveler leur approche et leurs transformations sociales et de l’en-
principes d’intervention, aidés en vironnement).
cela par l’émergence et le poids gran- Ce projet poursuit les objectifs du
dissant des acteurs locaux de la projet « Villes » de l’Unesco qui vise
société civile, notamment des mou- à encourager les initiatives locales
vements associatifs internationaux dans le but d’améliorer la qualité de
et cambodgiens, dans les débats sur vie et de promouvoir l’exercice de
les conditions de la vie urbaine. la citoyenneté en milieu urbain.
Cette nouvelle donne pose en des Ce projet s’inscrit dans une straté-
termes nouveaux la question des gie de lutte contre la pauvreté au

Avant les travaux, la voie est boueuse et insalubre.

102 La réhabilitation des voies d’accès / Sandrine Capelle


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 103

Après les travaux.

profit des populations urbaines les la municipalité, des districts, des Ils ont été sélectionnés selon les cri-
plus démunies. communes et de l’Unesco. tères suivants, eux-mêmes établis
A Phnom Penh, le projet Luceepp a Les projets sont réalisés par des en cours de projet avec les différents
pour objectif la promotion d’une entreprises privées, sélectionnées partenaires :
meilleure gestion de l’environnement par appels d’offres. ■ bénéfice pour les habitants du
et du patrimoine urbain dans deux Ces différentes interventions sont quartier ;
districts centraux de la capitale. formalisées dans un montage ins- ■ impact concret pour l’améliora-
L’un de ses objectifs spécifiques titutionnel original et contractuel tion de l’environnement ;
repose sur l’élaboration de micro- qui permet de garantir la respon- ■ intérêts et implication des autori-
projets d’amélioration de l’environ- sabilisation des acteurs pour la tés locales ;
nement en collaboration avec les bonne réalisation des microprojets ■ intérêts et implication des habi-
autorités locales, ici la municipalité à chaque étape, de la programma- tants du quartier ;
de Phnom Penh, et les habitants. tion à la maintenance des ouvrages. ■ implication possible, dans le suivi
Handicap International, ONG fran- et la maintenance du projet, des
çaise impliquée dans les projets de Les microprojets autorités locales et des habitants ;
développement urbain à Phnom du centre-ville ■ compatibilité avec les politiques
Penh depuis 1999, a été mandatée Depuis 2001, 17 microprojets ont et réglementations de la munici-
par l’Unesco pour apporter un appui été réalisés en centre-ville. palité ;
à la maîtrise d’ouvrage du projet
Luceepp, assurée par la municipa- emprise réhabilitée
emprise bâtie
lité de Phnom Penh.
La municipalité assure ainsi le pilo-
tage du projet tandis que la maîtrise
d’ouvrage opérationnelle incombe
à l’autorité communale.
En concertation avec les habitants,
les communes soumettent des pro- Rue Ch
icapol

jets prioritaires au comité de sélec- 90

tion composé de représentants de


Quartier 10, district de Daun Penh, îlot est.

Après les travaux.

Sandrine Capelle / La réhabilitation des voies d’accès 103


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 104

■ compatibilité avec les ressources


financières et matérielles ;
■ connexion aux services urbains
à proximité du quartier ;
■ contexte favorable de partenariat.

Le financement du projet est assuré


par l’Unesco et peut atteindre jus-
qu’à 3 000 $ par microprojet.
Luceepp a développé une démarche
où se mêlent dispositifs institution-
nels et méthodes de mise en œuvre.
Les procédures proposées contri-
buent à optimiser les ressources
locales en facilitant la rencontre
entre les acteurs de la ville et en
améliorant de façon concrète et
rapide les conditions de vie des habi-
tants du quartier.
Ce processus de programmation col-
lective a permis la production d’ou-
tils méthodologiques utilisables dans
Avant les travaux, la voie est boueuse et insalubre.
le cadre de futurs projets de déve-
loppement en milieu urbain.

L’exemple du quartier 10
dans la commune3 du Vat Phnom
L’enjeu du projet repose sur sa capa-
cité à apporter des solutions
concrètes à des problèmes précis
délimités dans le temps et l’espace.
Nous allons ici parler plus parti-
culièrement de l’un d’eux : « l’amé-
lioration des voies d’accès du quar-
tier 10 », quartier situé en proximité
directe de la colline qui incarne le
mythe fondateur de Phnom Penh, le
Vat Phnom.

« Ça faisait longtemps qu’on


attendait »,
témoignait un habitant.

Les conditions
de repeuplement de la capitale Après les travaux, la voie est devenue praticable. Le drainage est assuré par le nouveau collecteur.
Après le régime des Khmers rouges
durant lequel Phnom Penh a été
vidée de ses habitants, la ville s’est réseau d’eau potable soient instal- gonfler un peu plus le nombre d’ha-
peu à peu repeuplée. En 1979, des lés dans les rues du quartier. bitants de Phnom Penh.
réfugiés arrivant de tout le pays, A partir de 1989, sous les effets Ils seront moins chanceux que les
d’une culture essentiellement pay- conjugués du rétablissement de la premiers arrivants. Ils s’installeront
sanne, viennent s’installer à Phnom propriété privée et de l’ouverture dans les interstices ou dans les zones
Penh. Les immeubles sont alors du pays après les accords de paix urbaines où aucune spéculation ne
propriété de l’Etat. Il n’y a plus de de 1991, la ville va être soumise à prévaut (zones inondables, le long
réseaux d’eau, ni d’électricité et les une spéculation foncière gran- des chemins de fer, sur les toits des
égouts sont bouchés. dissante. immeubles…).
Des générateurs d’électricité seront Après les élections de 1993, l’émi-
mis en place en 1987 et l’eau cou- gration de la population cambod- Le quartier 10
rante sera établie en 1991. Mais il gienne vers la ville s’accentue. Le Les habitants du quartier 10 font
faudra attendre le milieu des années retour des réfugiés jusqu’alors can- partie des premiers arrivants. Depuis
1990 pour qu’un nouveau réseau tonnés dans les camps dans diffé- leurs provinces d’origine, Prey Veng,
d’électricité ainsi qu’un nouveau rents pays de la région va venir Kompong Cham, Kandal, ils sont

104 La réhabilitation des voies d’accès / Sandrine Capelle


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 105

appropriés les espaces de circula-


tion, principalement pour des usages
domestiques : lavage et séchage du
linge, zones de dépôt d’objets ména-
gers de toute sorte, nettoyage et par-
king des véhicules, …
Puis, certains ont conçu des espaces
de commerce directement sur rue.
Quelques habitants en rez-de-chaus-
sée ont embelli leur devanture en
installant des plantes et en repous-
sant chaque fois un peu plus loin les
limites de leur propriété.
Cet espace public de circulation était
donc largement occupé par les rési-
dants, au point même de consolider
des extensions sur rue ou de bloquer
le passage en y parquant les véhicules.
Cet espace est ainsi devenu de plus
en plus privatif.
Depuis 1997, la voirie s’est forte-
ment détériorée à la suite des dif-
Pendant les travaux.
férentes saisons des pluies et d’un
mauvais entretien.
Chacun a alors essayé de trouver
des solutions mais l’écoulement
général des eaux, l’évacuation des
eaux usées et des déchets ont été de
plus en plus difficiles, au point de
rendre l’accès quasiment imprati-
cable les jours de grande pluie.
Cette situation, après avoir été
dénoncée par les habitants auprès
des autorités communales, a été
présentée à l’équipe du projet
Luceepp.
Après une analyse technique, un
projet visant à l’amélioration de la
voie d’accès du quartier 10 et de son
système de drainage a été élaboré
par les acteurs locaux.
Ce projet a été approuvé par le
comité de sélection, car il répondait
aux critères du projet Luceepp.
Après les travaux.

emprise réhabilitée
emprise bâtie Fiche résumée du projet
Objet: Réhabilitation d’une voie
d’accès et amélioration
du réseau d’égouts
dans le quartier 10
de la commune du sangkhat
Vat Phnom dans le district
de Daun Penh
icapol
Bénéficiaires: 1 063 habitants
Rue Ch
90 Budget: 1 624 $, subsides
fournis par l’Unesco
Quartier 10, district de Daun Penh, îlot ouest. Contribution: 150 $ de la part des acteurs
locaux (il s’agit d’une
contribution volontaire de
venus s’installer dans les années Avec le temps, le quartier s’est den- la part de familles
1980 dans ce qui était jusqu’alors la sifié pour accueillir de plus en plus commerçantes du quartier
base militaire de Sras Chak. d’habitants de façon plus ou moins un peu plus fortunées)
Les Autorités ont accepté cette oc- organisée. Durée: quatre mois
cupation et l’ont aujourd’hui légalisée. Les habitants se sont peu à peu Opérateur: entreprise privée

Sandrine Capelle / La réhabilitation des voies d’accès 105


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 106

Le projet a été conduit localement « Quand je passe avec la charrue,


par les responsables de la commune je n’ai plus de problèmes et je
du Vat Phnom et les représentants peux charger et décharger
du quartier 10 en étroite collabora- comme il faut. »
tion avec la population. D’autre part, même si la qualifica-
tion de l’espace n’a pas été modi-
L’impact du projet fiée, le caractère collectif du pas-
Le partenariat proposé a permis sage a été renforcé.
d’organiser et de fédérer les acteurs Le projet a affirmé cette voie de cir-
politiques et techniques et les habi- culation comme un espace de ren-
tants des quartiers autour d’un contres, de discussions, d’échanges
même projet. Des premières entre les familles d’habitants et de
réunions d’information regroupant jeu pour les enfants.
l’ensemble de ces intervenants ont Les flux de circulation sont aujour-
été organisées pour présenter les d’hui plus importants. On y travaille
objectifs du projet au niveau de la rarement et les espaces de vente
municipalité, puis des districts et des sont réduits.
communes. Les autorités commu- Cet espace public continue d’ac-
nales et les habitants organisés en cueillir des activités domestiques.
collectifs ont été chargés d’identi- Les femmes y lavent leur linge et les
fier des projets prioritaires d’amé- hommes, leur moto.
lioration dans leurs quartiers avant En revanche, les extensions privées Pendant les travaux, pose du collecteur.
de les soumettre au comité de sélec- sont plus limitées.
tion du projet Luceepp. Les usages se sont donc globalement tiellement au sein de la famille
Ce dispositif n’est pas anodin dans recentrés sur une dimension col- nucléaire. Elle a néanmoins des
le contexte urbain cambodgien où lective, un espace de vie à partager. extensions, en milieu rural autour
la hiérarchie prévaut souvent sur la Dans les passages du centre histo- de la pagode et en milieu urbain à
rencontre et la collaboration. Ce rique de Phnom Penh, les modes l’échelle du microquartier. A Phnom
décloisonnement entre « niveaux d’appropriation de l’espace public Penh, on connaît généralement les
d’acteurs » constitue en soi un prennent un caractère privé. Les voisins d’en face et d’à côté, mais
impact majeur du projet. résidants grignotent petit à petit l’es- pas ceux de la rue voisine.
La réhabilitation de la voie d’accès pace public pour étendre leurs acti- Des microréseaux urbains se fédè-
dans le quartier 10 en est un vités. Des restaurateurs peuvent rent, souvent autour d’intérêts indi-
exemple. occuper une partie d’une voie de cir- viduels.
culation pour installer les tables des Les familles peuvent partager des
« C’est juste devant ma maison », clients, les commerçants peuvent compteurs d’électricité ou d’eau
« Mon fils a été à toutes les profiter d’un trottoir pour y dresser pour économiser, ou d’autres ser-
réunions dans le bureau du leur stand. Plus tard, une tôle ondu- vices comme les transports. La
sangkhat et même dans le bureau lée viendra protéger cet espace de sécurité de la zone est du domaine
du khan », vente, puis l’espace sera fermé avec du collectif et tout « étranger » au
« Je suis très fière de ce projet »… des grilles… quartier est tout de suite repéré. Les
Comme le disent les habitants du La réhabilitation de la voie d’accès habitants, voisins immédiats, orga-
quartier 10, ils ont été fiers de rete- du quartier 10 aura permis de réfré- nisent ensemble les cérémonies tra-
nir l’attention des institutions et ner les envies d’extension sur la voie ditionnelles avec les bonzes.
d’être intégrés au projet. publique pour affirmer des usages Le réseau de connaissances est donc
Cette intervention a eu plusieurs collectifs partagés de ces espaces. circonscrit à l’espace de l’impasse
impacts sociaux et urbains. La réhabilitation a ainsi restauré la ou autour de la voirie, restreint à
D’une part, elle a apporté une nature collective de l’espace pour une proximité directe.
réponse concrète aux problèmes renforcer les relations entre les rive- Il faut noter que ces réseaux mini-
d’accessibilité et de drainage, les rains. malistes sont aussi synonymes de
conditions de vie des habitants du L’entretien de cet espace est d’ailleurs surveillance mutuelle dans une
quartier s’en sont vu largement aujourd’hui pleinement assuré par société extrêmement codée en
améliorées, comme en témoignent ses habitants. termes de comportements sociaux
ces réflexions : En outre, et malgré ces impacts relatifs à sa catégorie sociale.
« Il n’y a plus de boue, mes importants, le projet n’a pas eu d’ef- A cela s’ajoute la faible mixité
enfants peuvent jouer fet d’entraînement dans les quar- sociale, constatée au sein de ces
tranquillement et ils n’ont plus tiers voisins. espaces partagés.
de problèmes à la peau »; Pour analyser cette limitation terri- Le projet n’a pas su dépasser ces
« Avant, la pluie restait de trois toriale, il nous faut regarder les caractéristiques culturelles en faci-
à six heures devant les maisons réseaux sociaux tissés dans la ville. litant les liens interquartiers.
avant de partir, maintenant, Tout d’abord, la « Samaki », solida- L’impact de l’intervention est donc
c’est fini et j’ai aidé les ouvriers » ; rité en khmer, s’exprime essen- très localisé.

106 La réhabilitation des voies d’accès / Sandrine Capelle


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 107

tervention sur la ville, par le quar-


tier, et grâce à des processus de pro-
grammation collective.
Or, dans un contexte urbain qui ne
permet guère d’envisager la mise
en œuvre de larges projets d’amé-
nagement dans les quartiers anciens
de la ville, cette opération Luceepp
propose des alternatives localisées
intéressantes pour une recomposi-
tion urbaine modeste, maîtrisée et
intégrante.
Il s’agit là d’un renouvellement des
approches urbaines par une « ini-
tiation à la complexité » pour la
coproduction d’espaces urbains.
Gardons à l’esprit cette initiation et
la leçon essentielle de tout projet :
la leçon de l’imperfection.
Sandrine Capelle,
responsable du projet Luceepp
Pendant les travaux, réalisation de la chaussée en béton.
1/ Ce projet n’a pas été réalisé dans le cadre
du programme Asia Urbs de l’Union européenne.
Néanmoins, d’autres districts de la Y. Chalas 5 a appelé « l’urbanisme Il s’est déroulé parallèlement au programme
de Luceepp en 2001 et 2002. Nous avons proposé
ville ont sollicité la mise en œuvre de à pensée faible ». à leurs auteurs de le publier car il nous a semblé
projets Luceepp sur leur territoire. Le projet a su apporter une contri- primordial de par la méthode de mise en œuvre
et de partenariat qu’il a développée.
Le rayonnement du projet ne s’exer- bution originale en inscrivant les 2/ Y. Chalas, « La Ville émergente » (éditions de
cerait alors pas à l’échelle du quar- actions sur la ville dans une pers- l’Aube, 1997).
3/ On appelle « commune » la plus petite division
tier mais à celle des acteurs. pective de rencontre entre différents administrative de la ville de Phnom Penh.
4/ François Ascher « La nouvelle révolution
acteurs, entre différents champs urbaine : de la planification au management
La démarche d’intérêts. stratégique urbain » (éd. la Documentation
française, 2001).
de coproduction Ces interactions agissent au niveau 5/ Y. Chalas « L’urbanisme à pensée faible
La ville, désormais reconnue comme même du quartier. Les habitants ou le nouvel imaginaire aménageur », rapport de
recherche Cesson / PCA, sept. 97.
objet spécifique de développement, d’un quartier sont confrontés à
offre de nouveaux champs d’inter- des problèmes communs d’usages,
ventions. d’équipements, d’accessibilité, d’in-
Luceepp en explore certains, en salubrité, de services…
investiguant des nouvelles logiques De cette communauté de vie forgée
d’acteurs urbains pour proposer une autour de problèmes partagés, peut
intervention physique sur la ville. naître une communauté d’actions
La méthode proposée par ce projet autour d’un intérêt commun, le
permet l’expression d’une conver- projet.
gence d’intérêts pour une interven- Même si, dans le contexte culturel
tion physique sur des espaces phnom penhois, la dimension col-
urbains. lective est circonscrite à l’échelle
Des rues, passages et impasses y minimale du quartier, le rôle social
sont redessinés. Les conditions de et urbain des voies de passage ou
vie des habitants sont améliorées et des impasses reste prépondérant
la dynamique collective du quartier pour la qualité de vie des habitants
est renforcée. et leur réseau de sociabilité.
On est alors proche de la notion de Ainsi, réhabiliter ces voies de pas-
« concourance » développée par sage revient à renforcer une micro-
François Ascher 4 qui vise à organi- collectivité urbaine.
ser la convergence de logiques et L’enjeu reposerait alors sur la créa-
d’objectifs différents en considérant tion d’un réseau entre ces micro-
que la conception de la ville, comme collectivités territoriales, de manière
les opérations concrètes d’aména- à élargir progressivement l’échelle
gement, doit être conçue en tenant du projet. C’est ce que nous tente-
compte des intérêts et des logiques rons de faire lors des prochaines
des acteurs nécessaires à sa pro- étapes de mise en œuvre du projet.
duction et à sa gestion. Conception Proche des habitants, ce type de pro-
qui se rapproche aussi de ce que jet propose de nouveaux cadres d’in-

Sandrine Capelle / La réhabilitation des voies d’accès 107


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 108

Réhabiliter l’habitat du centre-ville

Ville royale, ville religieuse, grand est habité par des familles dont les
port fluvial du Mékong, Phnom Penh revenus ne permettent pas d’inves-
présente un riche patrimoine urbain tissements financiers importants. La
datant du XIXe siècle et de la pre- Ville n’a pas les moyens d’interve-
mière moitié du XXe. Après les évé- nir sur ce parc ancien de qualité qui
nements tragiques qui ont boule- a beaucoup souffert de l’abandon
versé son développement, les de la ville, de la vétusté des équi-
Cambodgiens ont retrouvé, en 1979, pements publics et de la pauvreté
une ville fantôme qu’ils se sont réap- des habitants à leur retour.
propriée lentement en occupant les
logements les plus sécurisés et les Une gestion chaotique
plus proches des lieux de travail. du parc ancien
Cette réinstallation par les villageois Un climat de méfiance entre voisins
s’est souvent faite dans une mécon- reste très lisible dans la vie quoti-
naissance de l’histoire et des usages dienne : les deux interviews pré-
des bâtiments laissés à l’abandon. sentées dans l’encadré page 110
Avec le retour progressif à une éco- témoignent des difficultés des habi-
nomie urbaine marchande, com- tants de Phnom Penh à vivre, au
ment est envisagé le devenir de ce quotidien, dans ces immeubles col-
patrimoine bâti par ses habitants ? lectifs. La priorité est d’éviter les
Quels mécanismes d’appui à la réno- conflits en préservant son indépen-
vation mettre en place pour rendre dance vis-à-vis de ses voisins. Ce
au cœur de ville de Phnom Penh une comportement individualiste crée
attractivité à la dimension d’une des situations inquiétantes : chaque
métropole du XXIe siècle ? Comment habitant préfère se raccorder indi-
faire d’une politique de réhabilita- viduellement à l’eau potable, plutôt
tion de l’habitat à Phnom Penh, un que d’engager collectivement une
levier de développement ? rénovation des montées d’eau. Les
façades et les couloirs d’accès sont
Une protection limitée aux actuellement zébrés de tuyaux en
bâtiments les plus prestigieux PVC, bleus, installés après la réno-
Depuis dix ans, l’économie de l’ha- vation complète du réseau d’eau
bitat a redémarré avec la remise en potable par l’aide internationale.
place de la propriété en 1989, l’ar- Les toits-terrasses des immeubles
rivée de l’administration de l’ONU construits dans les années 1960-
en 1991 et la reprise de la construc- 1970 sont occupés par de véritables
tion neuve concomitante d’une res- « villages urbains ». Ces squatteurs
tauration des espaces publics et de ne sont pas les plus pauvres ; venus
la création de nouvelles infrastruc- se loger à proximité des marchés les
tures. Les ensembles bâtis les plus plus importants, ils participent
prestigieux ont été restaurés en loge- activement à la vie artisanale et
ments ou reconvertis en bureaux. commerciale du quartier tout en
Ils sont pour l’essentiel occupés par préférant la sécurité des toits à l’ac-
les riches familles cambodgiennes, tivité de la rue. Des artisans-orfèvres
les représentants des organismes qui travaillaient, avant guerre, en
internationaux et les corps diplo- bordure du fleuve, à proximité du
matiques. Vat Ounalom et du palais royal, se
Mais le patrimoine bâti des sont installés avec leurs familles sur
immeubles antérieurs à 1970, qui les toits-terrasses. Ces toits sont de
constitue l’essentiel de l’enjeu de véritables assises foncières décou-
rénovation urbaine de Phnom Penh, pées en « lots » vendus par les pro-

108 Réhabiliter l’habitat du centre-ville / Myriam Laidet et Péou Sokna


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priétaires des logements de l’étage


en dessous. Un « lot » regardant le Site pilote
marché central, acheté 200 $ et Fonds d'aide
à l'amélioration
« bâti » sommairement en quelques de l'habitat
jours, se revend 600 $. Khan Daun Penh

Un marché immobilier
déséquilibré
La valeur du bâti est directement
fonction des perspectives de plus-
values d’une activité commerciale.
Le rez-de-chaussée est très valorisé
par sa fonction de commerce ou / et,
fait récent, par sa fonction de garage
pour les motos et les voitures. Le
premier étage conserve une valeur
marchande car il est souvent l’ha-
bitat de la famille qui tient le com-
merce. Mais plus on monte dans les
étages, plus la valeur immobilière
des appartements diminue, le der-
nier étage étant le plus ingrat car le
plus mal équipé – l’eau y monte dif-
ficilement –, le moins protégé des
fuites du toit et le plus exposé aux
problèmes de voisinage. Néanmoins,
le malheureux propriétaire peut
trouver une compensation dans la
vente de la superficie de son toit-ter-
rasse et l’autorisation de raccord de
son appartement au réseau d’eau.
Les appartements des étages élevés
sont tellement dévalués que les
agents immobiliers préfèrent vendre
une unité immobilière prenant en immeubles
sélectionnés
compte l’ensemble des niveaux au- phase 1
dessus d’un même rez-de-chaussée
plutôt qu’un appartement. rue 13
+ adjacentes
La valeur immobilière s’évalue habi- à réhabiliter
tuellement par rapport au rende- projet AFD
ment locatif, or, il n’existe pratique- réhabilitation
des marchés
ment pas de contrats de baux écrits
bâtiments
entre locataires et propriétaires, publics
faute de généralisation du statut de
Le site pilote du projet : huit immeubles le long ou à proximité immédiate de la rue 13, l’une des
propriété. Les engagements des deux plus anciennes rues de Phnom Penh.
parties sont verbaux et la prise en
charge des travaux d’entretien et de du certificat d’immatriculation : appartement que celui d’une mai-
réparation du logement se négocie 10,3 $ le mètre carré pour des son individuelle. La référence à l’as-
au coup par coup entre le proprié- bâtiments existants (ceci est une sise foncière s’exprime en millièmes,
taire et le locataire. Le chef du quar- moyenne qui varie fortement selon la propriété des parties communes
tier joue le rôle d’arbitre en cas de l’implantation et la fonction du bâti) est à séparer clairement de la pro-
conflit entre « copropriétaires ». et 3,4 $ le mètre carré pour des ter- priété des parties privatives. Les
rains. La superficie moyenne d’un notions mêmes de parties privatives
Un statut fragile de la propriété logement étant d’environ 50 m2, le et parties communes demandent à
Malgré la loi rétablissant la propriété coût d’un certificat d’immatricula- être adaptées aux modes de vie cam-
privée en 1989, l’obtention du titre tion est de 500 $, soit deux à trois bodgiens, notamment pour les cou-
reste essentiellement limitée aux mois de revenus d’une famille habi- loirs et coursives dont on constate
propriétés d’État et aux grandes tant à Phnom Penh ou encore 0,5 à la privatisation, la transformation
propriétés individuelles privées. 1% de la valeur immobilière de l’ap- en cuisines ouvertes ou, à l’opposé,
Cette situation s’explique par le partement. les statuts de passage public et de
manque de moyens de l’adminis- Enfin, il est beaucoup plus difficile lieu de commerce.
tration cadastrale et aussi par le coût de définir le statut de propriété d’un Faute de statuts de propriété clai-

Myriam Laidet et Péou Sokna / Réhabiliter l’habitat du centre-ville 109


00/phnom pen 19/03/03 14:36 Page 110

rement définis et d’une consolida- La récente consolidation du système Rue 13 et Rue 102
tion des liens de voisinage, la valeur
résidentielle immobilière reste une
valeur résiduelle qui n’engage pas
bancaire ouvre de réelles opportu-
nités de refonte du financement de
l’habitat et de son amélioration,
Bâtiment n°1
les occupants à s’investir dans un s’appuyant notamment sur l’expé-
entretien de leur patrimoine bâti. rience des MFI (Micro-Finance Ins-
titutions) et des banques spéciali-
Quelle stratégie de revalorisation sées en matière de microcrédit. Dans
de l’habitat? un pays en pleine reconstruction de
Avec le retour à une économie mar- son tissu économique, il devient
chande, les habitants bénéficiant d’un envisageable de réfléchir à des
travail dans la fonction publique, le mécanismes bancaires fondés sur
commerce ou les services investis- l’épargne.
sent dans la réhabilitation de leur En 2001, le microcrédit concernait
habitat, et ce malgré le défaut de 450 000 emprunteurs et 200 000
règles de copropriété, pour amélio- épargnants, soit un montant total
rer la sécurité et la salubrité des par- de 36,5 millions de dollars de prêts
ties communes des immeubles. Avec pour un montant total d’épargne de
l’émergence d’une «classe moyenne» 3,9 millions de dollars répartis entre
urbaine, est-il possible d’imaginer la neuf opérateurs bancaires issus du
mise en place de prêts à l’améliora- crédit solidaire rural. Quatre d’entre-
tion de l’habitat ? eux acceptent de relever le « défi

Témoignages extraits de la publication Ce bâtiment est une double série de compartiments,


«Entre le Tigre et le Crocodile» 1 leur transformation est encore peu importante (une

M. Lem, 50 ans, chef avec les enfants des quand les gens des
du quartier de Boeng étages supérieurs qui étages supérieurs
Reang, district de Daun jettent des ordures en arrosent leurs plantes
Penh, Phnom Penh : bas.
” sur leur terrasse, les


Les problèmes les gens d’en dessous se
plus fréquents M. Leng, 38 ans, plaignent. Ils vont
regardent les policier, Phnom Penh chercher le chef du


constructions A Phnom Penh, il quartier qui convoque
nouvelles. Il y a un ou y a surtout des celui qui a créé le
deux cas par mois. En problèmes liés à la problème. Il demande
1979, les gens ont construction, comme sa version des faits au
occupé les maisons par exemple un toit fautif et lui fait signer
qu’ils trouvaient. nouveau qui se une lettre de promesse
Jusqu’en 1993, prolonge sur le terrain de ne plus
plusieurs familles du voisin. Durant la recommencer. Si le
partageaient un même saison des pluies, l’eau conflit continue, le chef
immeuble ou un même s’écoule chez le voisin. du quartier peut
appartement. Puis il y a Il y a aussi des demander à la police de
eu un développement maisons où chaque quartier d’intervenir,
économique. Les gens propriétaire d’étage comme par exemple
ont voulu avoir des construit un escalier pour aller sur la
propriétés individuelles individuel et en terrasse et confisquer
et ont commencé à interdit l’accès aux les plantes. Si le
construire partout, sur autres. Dans les propriétaire des plantes
les terrains, dans les immeubles, ceux des n’est pas d’accord, il Extensions à l’arrière sur l’emprise de la cour.
cages d’escaliers, sur étages du haut peut porter plainte au
les terrasses, sur les balaient les ordures district. Pour déposer Série de travées de façades sur rue : les modifications
toits. Maintenant, dans l’escalier une plainte écrite,
il y a beaucoup de commun et ceux des il faut payer entre
problèmes de étages du bas reçoivent 15 000 et 20 000 riels
voisinage. Par toutes les ordures sur (4 à 5 euros). Les plus
exemple, une nouvelle la tête. pauvres ne peuvent
construction bloque le Ils sont mécontents. pas payer, leur
passage de l’air et de Il y a des problèmes problème ne sera
la lumière d’un d’égouts. Quand un pas pris en
appartement et les tuyau d’évacuation
gens viennent se
plaindre ici. Les gens
est bouché ou s’il est
cassé plus bas, les gens
considération.

construisent des des étages du haut ne
étages supérieurs et veulent pas payer parce 1/ Etude anthropologique
arrêtent les tuyaux que le problème ne les sur les pratiques
traditionnelles et novatrices
d’évacuation de l’eau gêne pas directement. de prévention et de gestion
à leur niveau. Les Ils continuent à des conflits au Cambodge,
gens en dessous sont déverser leurs eaux réalisée pour le compte de
donc mécontents. Il y sales et les voisins sont l’Unesco par Fabienne Luco
a aussi des problèmes inondés. De même, en octobre 2001.

110 Réhabiliter l’habitat du centre-ville / Myriam Laidet et Péou Sokna


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Plan du rez-de-chaussée.

construits au début du XXe siècle ;


seule travée surélevée).

Plan de l’étage.

Coupe transversale sur l’îlot. Détail de façade à l’angle de la rue 13 et de la rue 102.

des garde-corps, des fenêtres et des auvents confirment l’individualisation des unités d’habitat.

Myriam Laidet et Péou Sokna / Réhabiliter l’habitat du centre-ville 111


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urbain » et commencent à prêter


dans ce marché à haut risque à des
entreprises de commerce et d’arti-
sanat. Mais les conditions restent
draconiennes : les prêts individuels
vont de 150 à 1500$, sur des durées
de douze à vingt-quatre mois pour
des taux d’intérêt variant de 3 à 5 %
par mois (soit 48 % par an). L’argent
est emprunté, avant tout, pour amé-
liorer le rendement des activités
commerciales : achat de stocks de
marchandise, de petits équipements
cautionnés par l’unique bien fami-
lial, la moto ou la voiture.
Emprunter pour l’achat d’un loge-
ment ou faire des travaux de répa-
ration n’est que rarement envisagé.
Un système de crédit à l’améliora-
tion de l’habitat ne peut être opé-
rationnel que dans le cadre de prêts
bonifiés grâce à l’intervention des
pouvoirs publics cambodgiens et
à l’appui international au dévelop-
pement.
Il participe à la consolidation de cette
économie renaissante en contri-
buant à restaurer un vrai compor-
tement patrimonial au sein des
familles. Il peut être un outil efficace
de la normalisation du cadre légal
du logement, à travers l’engagement
des pouvoirs publics à régulariser
les titres de propriété et à consolider
les droits des locataires. Enfin, il
devient vraisemblable, à travers un
système de crédit, d’introduire une
réflexion de fond sur la réhabilita-
tion et l’adaptation du bâti aux réfé-
Angle nord des rues 15 et 130, exemple d’architecture de grande qualité.

Les déformations des typologies initiales de l’habitat


Une séparation stricte Une aération Les modifications Un « redécoupage » d’usages, ajoutées
entre pièces sèches et naturelle d’usages vertical l’occupation informelle
pièces humides Les couloirs de Ces parties communes Le modèle vertical du des toits accélèrent la
La référence du distribution des de l’immeuble – accès compartiment chinois – dégradation du bâti
compartiment chinois appartements et couloir – sont un rez-de-chaussée dans sa structure et
est omniprésente : communiquent entre souvent utilisées 4 x 20 m, desservant son organisation.
l’unité d’habitat est eux, assurant ainsi la comme prolongement des unités d’habitat
une trame de 4 x 20 m ; circulation de l’air, la du logement. Les aux étages supérieurs
elle est composée ventilation et la coursives extérieures – se généralise.
d’une pièce à vivre régulation de la sont privatisées et L’immeuble est ainsi
ouvrant sur la rue, température sur reconverties en « redécoupé » parfois
située au-dessus des l’ensemble de cuisines. L’espace en unité immobilière
commerces et d’un l’immeuble. Des collectif est résiduel et verticale, au détriment
espace humide – systèmes de claustras trop souvent laissé à de la structure initiale
cuisine, toilettes et dans les murs des l’abandon. Enfin du bâti construite selon
salle d’eau – ouvrant cloisons et sur les l’équipement en air des références
sur une cour interne façades principales conditionné entraîne occidentales. Cette
ou une coursive des immeubles la fermeture des modification de
extérieure, séparées viennent compléter le façades et des espaces structure se lit dans les
de la pièce sèche à tout. Ces claustras intérieurs. transformations de
vivre par un couloir accompagnent toutes façades où des
commun à tous les les ouvertures et sont modifications des
appartements d’un les supports d’un garde-corps confirment
même niveau. vocabulaire l’individualisation des
architectural des unités d’habitat.
façades principales. Ces modifications

112 Réhabiliter l’habitat du centre-ville / Myriam Laidet et Péou Sokna


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Rue 13 et Rue 130


Bâtiment n°4

Plan du rez-de-chaussée.

Ce bâtiment d’angle en béton armé est composé de logements desservis


par une coursive arrière à chaque étage.

Plan du premier étage.

Façade arrière avec coursive.


Coupe transversale.

Plan du deuxième étage.

Plan du troisième étage.

Myriam Laidet et Péou Sokna / Réhabiliter l’habitat du centre-ville 113


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rences cambodgiennes actuelles, rénovation urbaine, dans les secteurs Rue 15 et Rue 130
dans le respect de sa structure ori-
ginelle.
L’enjeu est patrimonial, il est aussi
de l’économie tertiaire, touristique
sans oublier l’économie sociale avec
la création d’un vrai parcours rési-
Bâtiment n°5
urbain. Phnom Penh retrouve pro- dentiel accessible au plus grand
gressivement sa place de capitale du nombre d’habitants de Phnom Penh.
Sud-Est asiatique en attirant les capi-
taux internationaux des pays de Mobiliser les habitants
l’Asean et les touristes du monde pour réhabiliter le parc ancien
entier. Une stratégie de valorisation Le système de crédit est fondé sur la
urbaine des quartiers centraux de mutualisation des risques entre les
la ville est devenue indispensable habitants d’un même immeuble et sur
pour conforter cette renaissance. un effort collectif financier en contre-
L’objectif est de consolider ces partie de dons et prêts internationaux
valeurs urbaines en contribuant à à la réhabilitation du bâti.
l’amélioration des conditions d’ha- Le principe du fonds est d’associer
bitat et à la valorisation économique dons internationaux et prêts aux
de son patrimoine urbain. familles en distinguant deux types de
Inversement, ce système de crédit travaux :
sera d’autant plus pérenne qu’il ■ les travaux de gros œuvre com-
accompagnera des dynamiques de prenant la reprise des structures du

Réalités d’une classe moyenne urbaine1


Les revenus déclarés représente 45 % des l’entretien du bâti est
varient en moyenne habitants et plus de proche de la moyenne
entre 200 et 300 $ par 50 % d’entre eux sont de 50 $ par mois, dont
mois. des commerçants. l’essentiel dans des Ce bâtiment est un des premiers immeubles collectifs
Globalement, Leurs installations travaux de grosses chaque étage par une coursive sur cour.
les revenus datent des années réparations.
équilibreraient les 1990-1995.
dépenses mais ce 70 % d’entre elles « La classe moyenne
résultat cache des présentent un titre pauvre »
écarts de richesses légal d’occupation de Les revenus
importants : 22 % des leur appartement. Les maximums sont 350 $
familles dépensent revenus proches de la par mois ; 30 % des
moins de 100 $ par moyenne générale familles dépensent
mois, pour 21 % plus de (200 à 300 $) moins de 100 $ par
300 $ (jusqu’à 1500 $ équilibreraient mois. La population
déclarés par mois) ; difficilement les active représente 39 %
70 % des familles dépenses. Les revenus des habitants, avec
résidantes sont maximums varient de une faible
considérées comme 700 à 900 $. Plus de représentation des
propriétaires, 30 % des familles fonctionnaires et une
43 % de l’ensemble des dépensent plus de plus forte
familles propriétaires 300 $. Leur représentation
sont solvables. investissement dans d’employés de petites
Le solde l’entretien et la entreprises artisanales
dépenses/revenus est réparation du bâti est ou commerçantes.
de + 139 $ par mois. très variable selon la Malgré cette situation
40 % d’entre elles ont situation urbaine de de pauvreté, les
investi l’équivalent de l’immeuble. habitants se sont
50 $ par mois dans la beaucoup investis
réparation de leur «La classe moyenne dans l’entretien du
logement durant ces privilégiée» bâtiment, de 20 à 30 $
cinq dernières années ; Les familles comptent par mois dont Coursive au premier étage.
40 % d’entre elles 5 à 6 personnes. Leur l’essentiel dans des
envisagent de faire des installation est travaux de second Le toit occupé par des constructions en bois.
travaux d’amélioration antérieure à 1990 et œuvre d’amélioration
de leur logement ; plus de 80 % sont du logement.
24 % envisagent de propriétaires. La
confier leur épargne population active
à une banque. représente 46 % des
habitants et est
Exemples de profils répartie de façon
équilibrée entre les
résidentiels secteurs d’activité.
la « classe moyenne Les revenus dépassent
urbaine » 1/ Synthèse des conclusions
les 1 000 $ par mois, d’enquêtes socio-
Les familles résident le solde mensuel économiques réalisées en
sont composées de revenus/dépenses est mai 2002 auprès de 260
5 personnes, la de 200 à 300 $. Leur familles de 7 immeubles des
population active investissement dans quartiers centraux.

114 Réhabiliter l’habitat du centre-ville / Myriam Laidet et Péou Sokna


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Plan du rez-de-chaussée.

construits à Phnom Penh dans les années 1910. Les logements sont desservis à

Vue de la cour et de la coursive.


Plan du premier étage.

Façade sur la rue 15. Coupe.

Myriam Laidet et Péou Sokna / Réhabiliter l’habitat du centre-ville 115


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bâti, du toit, des murs porteurs et génierie en matière de réhabilita- Rue 13 et Rue 178
des planchers ainsi que la remise en
état des réseaux, du système d’aé-
rations et la sécurisation des par-
tion : information et sensibilisation
à la préservation du patrimoine, dia-
gnostics d’immeubles, projets de
Bâtiment n°8
ties communes ; réhabilitation, devis des travaux,
■ les travaux de second œuvre assistance à la gestion des appels
comprenant la normalisation et la d’offres et contrôle des travaux réa-
modernisation des pièces humides lisés par le biais de la création d’un
– cuisine, salle d’eau, toilettes –, « label patrimoine de Phnom Penh ».
l’équipement électrique ainsi que la Les missions de l’agence sont aussi
reprise des murs et des sols. celles d’une structure d’accompa-
Les travaux de gros œuvre sont cou- gnement des familles dans la mise
verts par un don international en en place de la contribution solidaire,
contrepartie d’une contribution soli- par immeuble, aux travaux de réha-
daire de chaque famille de l’im- bilitation ainsi que dans le montage
meuble. Les travaux sur les parties du prêt individuel, le suivi du rem-
privatives sont pris en charge par boursement et la renégociation des
des prêts individuels dont les condi- conditions de prêts.
tions de durée, les taux d’intérêt et Cet opérateur technique et social a
le montant seront préalablement un statut public dans le cadre de
bonifiés dans le cadre d’un montage l’expérimentation mais les difficultés
financier s’appuyant sur l’aide inter- budgétaires d’une administration
nationale au développement. publique cambodgienne imposent
Le montage de ce système de crédit que l’agence se privatise au cours
demande une expérimentation dans de l’expérimentation. Un des objec- Ce bâtiment en béton armé occupe l’angle de la rue 178 et
le cadre d’un programme interna- tifs du programme est de la doter par un long couloir qui sépare les pièces humides des pièces
tional d’ingénierie financière et tech- des compétences nécessaires pour
nique dont la durée serait celle des mobiliser, sous contrôle de l’Etat,
remboursements des premiers prêts. ses propres fonds de mécénat insti-
tutionnel et devenir ainsi prestataire
Une politique publique de services auprès des particuliers
municipale et des entreprises souhaitant s’in-
La contrepartie de l’implication tech- vestir dans la stratégie de rénova-
nique et financière internationale tion de Phnom Penh.
est la prise en charge par l’Etat et L’accompagnement social des
la municipalité des actions sui- familles les plus pauvres demande
vantes : une implication directe de la muni-
■ l’engagement de gratuité des titres cipalité, en dehors de l’agence de
de propriété, la gratuité de la pro- réhabilitation. La mise en place d’un
tection des droits des locataires et fonds municipal de solidarité doit Cour collective du dernier étage.
celle de l’enregistrement des tran- être une des conditions principales
Le rez-de-chaussée est occupé par des
sactions immobilières ; d’intervention de l’aide internatio- commerces.
■ l’engagement de garantir le pos- nale afin que chaque habitant
sible maintien dans les lieux de tous conserve une capacité réelle à une
les occupants quelles que soient intégration économique et sociale
leurs ressources, par la création au cœur de la ville, clef majeure
d’un fonds municipal de solidarité ; d’une rénovation urbaine réussie et
■ l’embellissement des voies et pérenne.
espaces publics urbains, en liaison
avec les immeubles réhabilités ; Un parcours urbain
■ la création d’une agence de réha- comme site pilote
bilitation des quartiers anciens de Plus que des bâtiments, le périmètre
Phnom Penh. choisi comme site pilote privilégie
Cet opérateur technique constitue l’idée d’un axe reliant les différentes
la clé de l’ensemble du dispositif, expressions des valeurs urbaines de
véritable interface technique et Phnom Penh : la rue n° 13 (ex-rue
financière entre les habitants, les Ohier) est une des rues les plus
opérateurs bancaires locaux, l’Ad- anciennes.
ministration d’Etat et les institutions Le site pilote est un parcours urbain
internationales d’appui au dévelop- dont la dimension patrimoniale per-
pement. Les missions de cette met d’envisager sa valorisation tou-
agence sont celles d’un bureau d’in- ristique. La rue Ohier était une des

116 Réhabiliter l’habitat du centre-ville / Myriam Laidet et Péou Sokna


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Plan du rez-de-chaussée.

Plan du premier étage.

de la rue 13, face au musée. Ses logements sont desservis


principales de chaque appartement.

Plan du deuxième étage.

Couloir intérieur de desserte.

Plan du troisième étage.


Coupe transversale.

Façade principale, rue 13.

Myriam Laidet et Péou Sokna / Réhabiliter l’habitat du centre-ville 117


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Les immeubles retenus comme prio-


ritaires pour la phase d’expéri-
mentation seront ceux dont les
familles occupantes comptent parmi
celles « de la classe moyenne émer-
gente » présentant une stabilité de
ressources et une vraie solvabilité.
Ces immeubles doivent permettre,
par ailleurs, de traiter les questions
de la densification du dernier étage
(occupation informelle du toit), de
la tertiarisation des immeubles du
centre-ville et d’une réhabilitation
respectueuse de la qualité patrimo-
niale du bâtiment.
Néanmoins, les conditions tech-
niques du projet devront porter les
garanties de la réalité d’une poli-
tique publique de rénovation des
espaces urbains et, surtout, d’une
solidarité sociale : les familles les
plus pauvres doivent préserver leur
Bâtiment 2 : la pharmacie Weiss. Bâtiment 6 : l’ancien hôtel International.
droit à habiter au cœur de la ville
afin de conserver une vraie chance
plus belles rues commerçantes de teurs bancaires locaux. d’intégration économique. La mixité
la ville. Elle offrait aux habitants et sociale doit rester un des meilleurs
aux visiteurs de belles galeries cou- En conclusion, la configuration de atouts des ces quartiers centraux.
vertes de chaque côté. L’ancien lancement du fonds d’aide à l’amé- Ces immeubles seront « les ambas-
Grand Hôtel International rappelle lioration de l’habitat pourrait être sadeurs» de la qualité du patrimoine
l’élégance de cette rue, avec son la suivante : urbain de Phnom Penh et, surtout,
bow-window surmonté d’une 1. un don international de 200 000 $ les témoignages vivants de la capa-
coquette coupole couronnant un des permettant de lancer deux à trois cité de ses habitants à se mobiliser
principaux carrefours de l’ancienne interventions de réhabilitation de la pour mieux se reconstruire.
ville. structure du bâti, sur une première On peut espérer qu’ils soient, aussi,
Cet axe commence à accueillir des année ; l’expression d’une conscience inter-
bureaux et des sièges d’entreprises. 2. la mise en place de prêts indivi- nationale à participer activement
Sa multifonctionnalité, à la fois, rési- duels à l’amélioration du logement à la consolidation économique,
dentielle, commerciale, touristique auprès de 45 % des familles par sociale et culturelle d’une métropole
et tertiaire, en fait un lieu privilégié immeuble. Ces prêts sur deux ans, urbaine en quête de son avenir.
de l’expérimentation. L’office de tou- qui courent dès la première année Myriam Laidet
risme, que la municipalité projette de travaux de gros œuvre, permet- Peou Sokna pour les relevés et les enquêtes.
de réhabiliter, constitue une pre- traient de lancer, dès la seconde
mière étape d’une politique de réno- année du projet, les travaux de
vation urbaine permettant, à terme, second œuvre.
de couvrir une partie des coûts de La durée de la phase expérimentale
réhabilitation de l’habitat de quar- du projet pourrait être de trois ans
tiers anciens. à partir de la constitution de l’agence
Huit immeubles ont été sélectionnés de réhabilitation et de l’identifica-
le long de ce parcours, ils repré- tion des opérateurs bancaires privés.
sentent les différentes typologies du
bâti et de composition dans le tissu Bâtiment 7 : une des rares séries de
compartiments d’origine le long de la rue 13.
urbain. Dans le cadre du programme
Asia Urbs, des enquêtes ont été
menées par le Bureau des affaires
urbaines de la ville de Phnom Penh
sur les capacités d’emprunt et
d’épargne des habitants, ainsi que
sur les coûts de réhabilitation. Ces
résultats fournissent la base de tra-
vail d’une négociation des conditions
de don et de prêt, ainsi que des
conditions d’implication d’opéra-

118 Réhabiliter l’habitat du centre-ville / Myriam Laidet et Péou Sokna


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Gérer la propriété:
loi foncière et fabrication
du cadastre
Historique foncière, générée par les conflits qui
Dans la tradition cambodgienne, se sont déroulés dans la région
c’était le roi, intermédiaire entre les depuis les années 1970 dont le point
hommes et le monde supranaturel, culminant a été la période durant
qui était le possesseur universel des laquelle le pays a été soumis au
terres, les paysans n’en ayant que régime des Khmers rouges (1975-
l’usufruit, dans le même type de 1979) : abolition de la propriété pri-
conception que la tenure foncière vée, collectivisation des terres,
en Europe à l’époque féodale. Dès déplacement des populations aussi
avant la période du protectorat fran- bien urbaines que rurales…
çais (1863-1954), la royauté avait Le processus de remise en place de
d’ailleurs instauré une dîme sur le la propriété privée au Cambodge a
produit de l’exploitation agricole. A commencé le 22 avril 1989, par la
cela s’ajouta, à partir du milieu publication d’un sous-décret foncier
du XIXe siècle, une contribution ayant valeur de loi qui portait sur la
annuelle proportionnelle à la sur- délivrance des titres de propriété
face occupée, cette dernière dispo- sur les maisons.
sition étant étendue à la terre à
usage d’habitation. Afin de per-
mettre l’évaluation de cette contri- La question foncière
bution, les terrains utilisés devaient au Cambodge
ainsi être délimités et mesurés mais L’importance d’un cadastre et de
de nombreux paysans, cherchant règles foncières
à éviter la taxation, ne respectaient L’existence d’une organisation claire
pas cette procédure. et reconnue d’un système de pro-
Les occupants pouvaient en outre priété foncière et immobilière est un
transmettre leur droit d’occupation facteur important de stabilité
à leurs descendants ou même sociale, mais aussi de dévelop-
vendre, prêter ou sous-louer ce pement économique. De ce point de
droit, l’occupation de la terre et son vue, l’absence de cadastre et de
exploitation valant possession. En titres fonciers demeure à l’heure
revanche, ce droit d’usage s’étei- actuelle l’une des principales pierres
gnait si la personne laissait le ter- d’achoppement du processus de
rain non exploité pendant trois ans. reconstruction au Cambodge. En
Le protectorat français tenta par effet, si le défaut de titres de pro-
la suite d’établir une propriété pri- priété affecte profondément le
vée et de mettre en place une pro-
cédure généralisée d’enregistrement
sur l’ensemble du territoire cam-
bodgien. Bien que cette démarche
ait été loin de réussir à l’époque pour
de multiples raisons liées à l’histoire
et au contexte culturel cambodgiens,
elle a introduit le principe de l’alié-
nabilité d’une partie des terres, ainsi
que les notions de domaine public
et de propriété privée au Cambodge.
Elle reste également l’inspiratrice
de la politique foncière actuelle.
Cette dernière vise à remédier à la
situation chaotique de la question

Philippe Billot et Thierry Lemoine / Gérer la propriété: loi foncière et fabrication du cadastre 119
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monde rural, qui représente encore ciation à être propriétaire n’est pas fondé sur un système de preuves
la grande majorité de la population non plus clairement établie ; adapté et contrôlé par des commis-
du pays, il est aussi un frein majeur – les étrangers ne peuvent être pro- sions proches du terrain. Dans ce
aux investissements dans tous les priétaires5, ce qui est un frein à l’in- processus d’attribution, toutes les
domaines: agriculture, équipements, vestissement. Dans la nouvelle loi, catégories de détenteurs doivent être
infrastructures… ils ne pourraient toujours pas être traitées sur un pied d’égalité, qu’il
La reconstruction et le développe- propriétaires de terrains, sauf en s’agisse de civils, de militaires, de
ment du Cambodge sont ainsi partenariat avec des Cambodgiens. fonctionnaires…
aujourd’hui freinés par l’instabi- Ils pourraient en revanche l’être – la loi comprend également une
lité de la question foncière. Cette pour des appartements et des outils partie de nature plus technique, des-
situation est en cours d’améliora- de production ; tinée à préciser les règles appli-
tion grâce à l’adoption de deux lois – la notion de la possession acqui- cables à un certain nombre de
foncières successives. sitive additionnelle, instaurée par la domaines particuliers, tels que les
loi de 1992, est souvent ressentie transactions immobilières, les hypo-
La nouvelle législation foncière comme complexe et injuste : si la thèques ou la copropriété.
La gestion foncière comporte deux personne occupait le terrain depuis Pour superviser l’élaboration et la
grands aspects : le cadre juridique plus de cinq ans avant la publica- mise en œuvre de la loi, le gouver-
et le répertoire foncier ou cadastre. tion de la loi, elle pouvait devenir nement a créé un conseil de la poli-
Sur le plan juridique, l’instrument propriétaire ; si cette durée était tique foncière présidé par le ministre
en vigueur à l’heure actuelle au comprise entre deux et cinq ans, elle de l’Aménagement du territoire, de
Cambodge est la loi foncière de bénéficiait d’un titre provisoire régu- l’Urbanisme et de la Construction.
19921, dans laquelle la terre appar- larisé à l’échéance des cinq ans ; si Il s’agit d’un conseil interministériel
tient à l’Etat et qui, conformément l’occupation datait de moins de deux dont les décisions doivent s’imposer
à la tradition déjà évoquée, ne ans, elle n’avait aucun droit. Le nou- à tous les ministères. Ce conseil est
confère aux individus qu’un droit de veau système prévoit la concession coiffé par le Conseil supérieur de
détention ou de possession pour sociale, afin de permettre aux la réforme administrative.
usage mais non un droit de propriété pauvres de bénéficier eux aussi
avec tout ce qui s’y rattache2 : pos- d’emprises de possession (le décret L’élaboration du Cadastre national
sibilité de vendre, de transmettre est en préparation). est une composante essentielle de
par héritage, d’hypothéquer, de La nouvelle loi, dont les décrets d’ap- la nouvelle loi.
mettre en valeur... plication restent à publier, vise donc Plusieurs des décrets d’application
Les difficultés rencontrées dans la à la fois à remédier à ces inconvé- en préparation concernent directe-
mise en application de la loi de 1992, nients, à instaurer un véritable droit ment le cadastre, car le droit de pro-
notamment les contentieux qu’elle de propriété et à clarifier les dis- priété nouveau doit s’exprimer par
a générés au niveau des terres agri- positifs de mise en œuvre. En paral- la mise en place d’un cadastre véri-
coles, ont amené le gouvernement lèle, des travaux complémentaires table combinant titres de propriété,
cambodgien à entreprendre d’éla- portent sur la définition et la mise délimitations sur le terrain et réper-
borer, avec l’appui de la coopéra- en place des moyens qui doivent per- toire foncier. Le sous-décret fixant
tion internationale, une nouvelle loi mettre d’assurer la transition vers les procédures d’établissement de
qui a été adoptée en juin 2001 par le nouveau dispositif. la fiche cadastrale et du répertoire
l’Assemblée nationale du Cambodge Cette loi, qui marque une étape foncier a d’ailleurs été publié en
et qui confirme que les titres de pro- importante dans la démarche de anticipation de la promulgation de
priété antérieurs à 1979 ne seront reconstruction du Cambodge, la loi, le 22 mars 2000. Il précise les
plus reconnus. comprend deux grandes parties : modalités de réalisation, notamment
Plusieurs défauts ou imprécisions – la première vise à organiser le pas- le rôle de chacun des intervenants.
sont attribués à la loi de 1992 : sage équitable de la détention à la L’immatriculation systématique des
– beaucoup d’enquêtes effectuées propriété, le nouveau régime étant biens, objet du « Land Management
dans le cadre de l’enregistrement des and Administration Project (LMAP)»
propriétés à la demande3 sont de est considérée comme prioritaire
faible qualité et ne fournissent géné- par le gouvernement cambodgien.
ralement pas de plan de situation4 ; Celui-ci envisage donc d’avoir
elles offrent donc des garanties limi- recours à un prêt de la Banque mon-
tées aux propriétaires et aux voisins; diale pour mener à bien cette opé-
– les responsabilités en matière de ration qui devrait s’étendre sur au
délivrance des titres sont peu pré- moins une quinzaine d’années.
cises (Etat, collectivités locales ?). Il Une première phase sur cinq ans est
en va de même en ce qui concerne en cours de préparation. Elle doit
les délégations de compétences, en permettre de développer les capa-
particulier pour la gestion du cités locales et de réaliser l’enre-
domaine de l’Etat (qui doit donner gistrement systématique des biens
lieu à une loi spécifique) ; pour 10 provinces6 considérées
– la capacité juridique d’une asso- comme prioritaires ainsi que pour

120 Gérer la propriété: loi foncière et fabrication du cadastre / Philippe Billot et Thierry Lemoine /
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une partie de la province de Phnom mise à d’importantes pressions fon- parcelles dans le cadre d’opérations
Penh. cières depuis le début des années spécifiques.
1990 et les enjeux y sont très impor- Pour ce faire, il est organisé en deux
La réorganisation du dispositif légal tants. Il existe une véritable compé- niveaux distincts :
de la question foncière bénéficie de tition pour l’utilisation des sols, qui – Au niveau central, il comprend
l’appui de la coopération interna- se traduit par l’envolée des prix fon- trois services techniques : le service
tionale. ciers. Cette compétition risque de comptable (environ 30 personnes),
Compte tenu de l’importance de la susciter un changement de mor- qui gère les budgets et fait payer
mise en place d’un système foncier phologie de la ville par la course à l’élaboration des titres de propriété9 ;
adapté aux nécessités de la recons- la densité. Elle peut également faire le service du cadastre et de la géo-
truction du pays et à ses traditions craindre, surtout en l’absence d’un graphie (environ 14 personnes), qui
culturelles, la refonte du système plan directeur d’urbanisme et de effectue le contrôle des titres et gère
foncier du Cambodge combine les règlements associés, une évolution le plan de référence informatique ;
ressources propres et des contribu- dans laquelle les populations les plus le service de la conservation (envi-
tions de l’assistance internationale. démunies se verraient reléguées à ron 40 personnes), qui enregistre et
Ces dernières correspondent à des l’extérieur de la ville, les sols étant établit le titre pour le propriétaire,
financements d’institutions telles utilisés principalement en fonction enregistre les transactions, conserve
que la Banque mondiale et la des taux de rentabilité qu’ils sont les documents.
Banque asiatique de développement, susceptibles de dégager : bureaux, – Au niveau local, les activités d’en-
ainsi qu’à des actions bilatérales de hôtels et habitat haut de gamme, registrement sont une tâche parmi
nombreux pays : Allemagne, Fin- équipements de prestige… d’autres: dans chacun des 7 districts
lande, France, Japon… (khans) qui composent Phnom Penh,
Elles portent à la fois sur l’aide à Le Cadastre municipal il existe un bureau de la gestion
la préparation des documents et des de Phnom Penh foncière, de l’urbanisation, de la
dispositifs législatifs, et sur la mise La nécessité de prendre en compte construction et du cadastre. A la tête
au point des méthodes d’immatri- la spécificité de Phnom Penh a de chacun de ces bureaux se trouve
culation systématique des biens. justifié la création, en 1983, d’un un directeur, assisté par des adjoints.
bureau d’enregistrement des titres : Ceux-ci ont la responsabilité d’un
La situation à Phnom Penh le Cadastre municipal de Phnom thème spécifique (administration,
S’étendant sur 375 km2, Phnom Penh (CMPP). Auparavant direction planification urbaine et gestion fon-
Penh est à la fois la ville capitale et à part entière, ce service a été cière, construction, enregistrement
une des 24 provinces du Cambodge. regroupé en 1999 avec l’urbanisme des titres) mais les ressources
Elle est décomposée en 7 khans (ou et la construction et est devenu une humaines sont partagées.
districts)7, les quatre premiers sous-direction de la nouvelle Direc- Chaque semaine, les directeurs et
d’entre eux sont considérés comme tion de l’urbanisme, de la construc- directeurs adjoints se réunissent
représentant le centre urbain, et tion et de la géographie de la Ville entre homologues à la direction cen-
couvrent une surface de 28 km2, soit de Phnom Penh. Ce service possède trale pour faire le point sur l’état
un peu moins de 8 % de la superfi- ainsi une antériorité sur le Cadastre d’avancement des travaux et la pla-
cie totale. D’un point de vue urbain, national, qui a quant à lui été créé nification des tâches à venir.
il faut ajouter à cela une partie des en 19898. La procédure actuelle pour la déli-
trois districts dits ruraux, qui sont Les principales missions du Cadastre vrance des titres est de type spora-
partiellement urbanisés et repré- municipal sont d’élaborer et de déli- dique.
sentent la partie périurbaine. Celle- vrer des titres de propriété à la Compte tenu des problèmes de
ci correspond à un territoire d’en- demande, d’enregistrer les tran- moyens évoqués ci-dessous, le
viron 23 km2. sactions, de contribuer à la déli- Cadastre municipal de Phnom Penh
De façon estimative, le nombre total vrance des permis de construire et ne réalise les immatriculations que
d’unités susceptibles d’être consi- de relever les limites de certaines sur demande. Il existe trois types
dérées comme des parcelles de pro- d’immatriculations : le titre relatif
priété sur l’ensemble du territoire à la propriété du sol occupé (land
est estimé à 170 000, dont 90 000 occupation ownership), celui qui
pour les parties urbaine et périur- concerne la propriété d’un bien
baine. immobilier occupé et antérieur à
Phnom Penh, qui est de loin la ville 1979 (old building occupation owner-
la plus peuplée du Cambodge, ship), et enfin le titre portant sur
connaît aussi la croissance démo- un bâtiment neuf (new building
graphique et économique la plus ownership)10. Dans ce dernier cas,
rapide et compte à l’heure actuelle il est indispensable de demander un
un peu plus d’un million d’habitants. permis de construire. En principe,
A titre de comparaison, Battambang, d’après la loi foncière encore en
la deuxième ville du pays, compte vigueur (1992), pour effectuer cette
moins de 150 000 habitants. demande, il faut auparavant dispo-
La ville de Phnom Penh est ainsi sou- ser du titre de propriété sur le -

Philippe Billot et Thierry Lemoine / Gérer la propriété: loi foncière et fabrication du cadastre 121
00/phnom pen 19/03/03 14:37 Page 122

terrain concerné. Cependant, cette point d’une méthode11 pour l’éta- mètre carré pour les bâtiments
règle ne concerne pas la partie blissement d’un plan cadastral à anciens et de 3,4 $ par mètre carré
urbaine de Phnom Penh, qui devrait partir du plan numérique de réfé- pour les terrains, ce qui est cher par
faire l’objet d’un texte spécifique. En rence et des fiches de propriété asso- rapport au niveau économique
attendant la parution de ce dernier, ciées. actuel du pays15.
la règle qui prévaut dans la partie Cependant le Cadastre municipal Certaines personnes aux revenus
urbaine est qu’il suffit de disposer n’est pas en mesure de dépasser le faibles préfèrent alors réaliser leurs
du certificat d’occupation pour stade du travail qu’il effectue actuel- transactions sans passer par la pro-
demander l’autorisation de construc- lement. Son problème de moyens se cédure officielle d’immatriculation,
tion. pose aussi bien au niveau central mais en accord avec le voisinage et
Pour obtenir un titre de propriété, qu’à celui des bureaux de districts. le chef du quartier.
il faut en faire la demande auprès Ces derniers travaillent de façon Par définition, le bureau ne voit pas-
du chef du quartier. Celui-ci établit entièrement manuelle, et ne dispo- ser que les transactions officielles
une lettre de demande, qu’il cosigne sent même pas de fournitures de qui portent sur les biens ayant un
avec le chef du district. Le pétition- base à un niveau satisfaisant. Les titre. C’est le chef du quartier qui
naire se rend ensuite au bureau du salaires moyens sont de l’ordre de détient les autres informations.
district, qui effectue une recherche 18 $ par mois12, alors qu’une famille
dans le livre foncier. Puis un relevé a besoin d’au moins 150 $ pour Vers un cadastre urbain
de terrain est effectué et une fiche vivre. Cette distorsion est à l’origine polyvalent pour Phnom Penh
avec un plan est établie, transmise du fort absentéisme observé, le per- La Ville de Phnom Penh est donc
au bureau technique pour vérifica- sonnel étant obligé d’exercer plu- particulièrement concernée par le
tion (plan de situation, détail des sieurs métiers. En outre, lorsqu’il projet de mise en place de l’enre-
surfaces, numéros des feuilles) puis est présent, ce personnel peut être gistrement systématique des biens.
au Bureau de la conservation qui sollicité pour d’autres tâches que Cependant son statut et son rôle de
enregistre les données et le nom du ses missions relatives à l’élabora- capitale politique et économique jus-
demandeur. La fiche est ensuite tion des titres. Il y aurait donc un tifient qu’une démarche spécifique
transmise au responsable du effort d’équipement et de formation lui soit appliquée, allant au-delà de
cadastre qui la cosigne avec le direc- à faire, mais aussi de réévaluation ce qui est prévu pour l’ensemble du
teur de la gestion foncière, de l’ur- des rémunérations et de reposi- territoire national.
banisation, de la construction et du tionnement des tâches. Il apparaît en effet très souhaitable
cadastre, puis aux services tech- La procédure d’immatriculation à de développer pour Phnom Penh un
niques de la mairie pour annota- la demande a démarré en 1989. De cadastre urbain polyvalent, véri-
tions. Elle est enfin proposée à la cette date jusqu’à la fin 2000, près table outil de maîtrise du dévelop-
signature du gouverneur et retour- de 25 500 titres (24 589) ont été déli- pement urbain, prenant en compte
née au Bureau de la conservation, vrés13. Sachant que ceux-ci portent non seulement le foncier mais l’en-
qui arrête tous les documents de aussi bien sur des locaux que sur semble du bâti et de ses compo-
propriété et fournit le titre au des terrains, cela représente une santes (immeubles d’habitation,
demandeur. proportion très faible de l’ensemble locaux d’activité, hôtels, équipe-
des biens à immatriculer14. En outre, ments…). Une telle base d’informa-
Le Cadastre municipal de Phnom on observe un net ralentissement du tions doit être par définition conti-
Penh dispose cependant de moyens rythme de ces immatriculations, nuellement mise à jour dans le cadre
insuffisants. l’explication étant peut-être à trou- des procédures administratives à
Dans les années 1990, le Cadastre ver dans le fait que celles-ci sont mettre en place pour la gestion du
municipal a bénéficié d’une assis- payantes. Les tarifs pour l’enregis- cadastre. Elle serait alors l’outil
tance technique française. Réalisée trement sont fonction de la nature indispensable à la gestion urbaine
par IGN France International, celle- des bâtiments et du type d’imma- dans toutes ses composantes, ainsi
ci a permis dans un premier temps triculation : de l’ordre de 10,3 $ par qu’à l’aide à la définition des poli-
d’établir des prises de vues aériennes tiques publiques locales : aménage-
(1993) sur la totalité du territoire de ment, fiscalité…
la province de Phnom Penh et de L’accroissement rapide de la popu-
traiter les photographies obtenues lation de Phnom Penh, qui induit
pour constituer en 1995 un plan l’urbanisation de nouveaux quar-
numérique de référence couvrant tiers ainsi que la densification des
60 % du territoire de Phnom Penh, zones anciennement urbanisées,
dont le centre urbain dans sa tota- rend indispensable un enregistre-
lité et une partie de la zone périur- ment « vertical » des propriétés. En
baine. effet, le développement de proprié-
Dans un second temps (1997-1998), tés superposées les unes par rapport
cette assistance a porté sur la four- aux autres multiplie les cas de copro-
niture d’équipements informatiques, priété. Cette notion de copropriété
la formation de personnel pour l’uti- se trouve, de fait, placée au centre
lisation des logiciels et la mise au de la démarche de cadastre urbain.

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Fondée sur une distinction entre par- Le Cambodge est, toujours aujour- Penh, le lancement de la constitution
ties privatives et parties communes, d’hui, dans une phase de recons- de ce cadastre urbain devrait consti-
la copropriété induit des droits et des truction. Au plan foncier cette situa- tuer une priorité.
obligations spécifiques aux pro- tion est caractérisée par : Philippe Billot et Thierry Lemoine
priétaires, notamment le partage – l’émergence d’un droit nouveau,
1/ Loi précédée par le sous-décret foncier du
du droit de propriété sur les par- souvent empreint d’un grand prag- 22 avril 1989, ayant valeur de loi, sur la
ties communes de l’immeuble et sur matisme ; délivrance des titres de propriété sur les maisons.
2/ Il faut cependant noter que dans la plupart des
le terrain d’assise, ainsi que l’obli- – la mise au point de procédures très sociétés, le droit de propriété n’est pas absolu.
gation solidaire d’entretien de ces détaillées ; Les propriétaires voient toujours leurs droits
limités soit par un droit supérieur (Etat,
parties. – mais aussi une profonde dichoto- souverain…) soit par des obligations et servitudes
Il importe que le régime juridique mie entre le droit et les procédures diverses.
3/ Au contraire de l’immatriculation systématique
de la copropriété soit d’urgence sta- applicables et la mise en œuvre des biens, l’immatriculation à la demande ou
sporadique s’effectue comme son nom l’indique à
bilisé et rendu obligatoire. C’est réelle de celles-ci. la demande d’un requérant.
pourquoi le sous-décret relatif à la D’autre part Phnom Penh, ville 4/ Ce qui n’est pas le cas à Phnom Penh.
5/ Comme cela était déjà stipulé dans l’article 2
copropriété, d’ores et déjà prévu par unique en Asie pour l’homogénéité du sous-décret foncier du 22 avril 1989 en ce qui
la loi foncière, fait partie des prio- de son paysage urbain et la qualité concerne les terrains à bâtir et les maisons.
6/ Sur un total de 24.
rités du ministère de l’Aménage- de son patrimoine architectural, se 7/ Eux-mêmes décomposés en quartiers
ment du territoire, de l’Urbanisme trouve aussi dans une situation très (sangkhats, dénommés communes en partie
rurales), eux-mêmes subdivisés en villages
et de la Construction. précaire en raison des pressions qui (phoums). Un village peut regrouper plusieurs
îlots physiques, mais aussi des parties d’îlots
L’établissement d’un cadastre urbain s’y exercent. La stabilisation du droit physiques.
à Phnom Penh nécessite un recen- de propriété et la maîtrise du déve- 8/ En parallèle avec la publication du sous-décret
foncier du 22 avril 1989.
sement long et méthodique. Ce tra- loppement urbain pourront per- 9/ Le paiement des transactions s’effectue au
vail important doit pouvoir donner mettre d’intégrer les évolutions service des taxes municipales de la municipalité.
10/ Les bâtiments postérieurs à 1979 et qui ont
lieu à de nombreuses utilisations dif- induites par un développement rai- été construits sans permis ne peuvent faire l’objet
férentes : sonné tout en préservant les quali- d’une régularisation.
11/ En cohérence et en concertation avec les
tés urbaines et paysagères de la travaux réalisés par les coopérations finlandaise
(Finmap) et allemande (GTZ).
1. En tant que base capitale du Cambodge et en garan- 12/ Cette situation n’est pas spécifique au
de données urbaines tissant une meilleure qualité de vie Cadastre municipal. Elle concerne l’ensemble de
la fonction publique cambodgienne.
L’expansion de Phnom Penh aux à ses habitants. C’est pourquoi le 13/ Il est vraisemblable qu’il faudra cependant
plans démographique et économique nouveau cadastre de Phnom Penh reprendre l’ensemble des immatriculations dans
l’opération d’enregistrement systématique qui est
ainsi que l’engagement de cette ville doit être conçu à la fois comme la envisagée.
dans un programme d’élaboration pierre angulaire de la sécurisation 14/ La bonne tenue des statistiques est à noter.
Celles-ci remontent des bureaux de districts.
d’un schéma directeur du Grand juridique du droit de propriété et 15/ Pour les bâtiments neufs, les prix sont encore
plus élevés.
Phnom Penh nécessiteront la mobi- comme un outil au service d’un
lisation d’une masse de données développement combinant dyna-
urbaines considérable pour prévoir misme économique et préservation
et calibrer les aménagements néces- du patrimoine et des valeurs tradi-
saires: équipements, transports, voi- tionnelles.
rie… Pour respecter cet objectif, ce cadastre
Le cadastre urbain doit aider à urbain polyvalent doit être élaboré
mener à bien cette planification. dès le départ dans une conception à
la fois globale sur la parcelle (enre-
2. En tant que base de données gistrement du sol et du bâti) et multi-
fiscales usages (dimension juridique, urba-
Cette politique de développement nistique et fiscale). Compte tenu du
maîtrisé comportant un coût finan- contexte de dynamisme démogra-
cier important, l’instauration d’une phique et économique de Phnom
fiscalité urbaine locale s’avérera peut-
être nécessaire à plus ou moins long
terme. Si une telle réforme est ins-
taurée, le cadastre urbain permettra
de la mettre en œuvre rapidement,
sur des bases claires et équitables.
Conclusion
L’évolution du droit foncier au Cam-
bodge est à l’image de l’histoire du
pays lui-même : une forte culture
propre, une réelle influence de la cul-
ture administrative française, des
conflits qui ont largement fait table
rase du passé.

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Sources documentaires Phnom Penh. P. 68, (bas) documents de Phnom Penh. Crédits photographiques
P. 38, photographie Ambra Habiter Phnom Penh, P. 101, (bas) documents
Couverture : municipalité de Dina. Perfettini Françoise, Carlo Dario. Agence Desaix : p. 12 (haut),
Phnom Penh. P. 40, (haut) photographies mémoire de TPFE, École P. 102, photo Sandrine 14 (haut), 16.
P. 4, photographie Christiane Blancot/Apur. d’architecture de Paris Capelle. Association pour la
Christiane Blancot/Apur. P. 40, (bas) photographie Belleville, décembre 1995. P. 103, (haut) photographie diffusion des techniques
P. 10, municipalité de Ambra Dina. P. 69, (haut) photographies Sandrine Capelle. municipales : p. 12-13 (bas)
Phnom Penh/PVA IGN,1993. P. 41, photographie BAU de Cyril Ros, 1993. P. 103, (centre) document Atelier parisien
P. 12, (haut), photographie Phnom Penh. P. 69, (bas) documents Luceepp. d’urbanisme : p. 21, 86, 87,
Agence Desaix. P. 42, municipalité de Habiter Phnom Penh, P. 103, (bas) photographies 88, 89, 91 (bas), 92 (haut
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1994. de Phnom Penh. P. 70, municipalité de photographies Sandrine Blancot Christiane : p. 4, 32
P. 12-13, (haut) P. 47, (haut) photographie Phnom Penh/PVA IGN,1993. Capelle. (haut), 34, 40 (haut), 49
photographie aérienne François Legrand. P. 72, photographie P. 105, (bas) document (bas), 55 (haut centre), 55
fonds Aditem. P. 47, (bas) photographie Christiane Blancot/Apur. Luceepp. (bas), 62, 64, 65, 72, 73
P. 12-13, (bas) documents Marie-Paule Halgand. P. 73, (haut) photographie P. 106, photographie (haut), 76 (haut), 77, 78, 80,
François Legrand. P. 48, photographie Julien Christiane Blancot/Apur. Sandrine Capelle. 81, 83 (bas), 97, 98, 116
P. 14, (haut) photographie Mingui. P. 73, (bas) photographie P. 107, photographie (centre et bas), 117 ( centre
aérienne Agence Desaix. P. 49, (haut) photographies Marie-Paule Halgand. Sandrine Capelle. gauche).
P. 14, (bas) photographie Marie-Paule Halgand. P. 74, (haut et bas) photos P. 109, document Myriam Bureau des affaires
François Legrand. P. 49, (bas) photographies aériennes, Pen Khon. Laidet/Apur. urbaines de Phnom Penh :
P. 15, (haut) photographie Christiane Blancot/Apur. P. 75, photo aérienne, Pen P. 110 et 111 ( haut gauche) p. 15 (haut), 26, 28, 41, 46,
BAU de Phnom Penh. P. 51, document Khon. photographie Marie-Paule 110 (centre et bas), 111
P. 15, (bas) photographies municipalité de Phnom P. 76, (haut) photographie Halgand. (haut et centre), 111 (bas),
François Legrand. Penh. Christiane Blancot/Apur. P. 110, (centre et bas) 113 (haut et centre gauche),
P. 16, photographie P. 53, ( haut et bas) P. 76, (bas) photographie photographies BAU de 114 (centre et bas), 115
aérienne Agence Desaix. documents municipalité de Marie-Paule Halgand. Phnom Penh. (centre gauche).
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on drainage improvment P. 54, (haut) document Christiane Blancot/Apur. documents BAU de Phnom urbaines de Phnom
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Penh, Jica – Ctie P. 54, (bas) photographie P. 79, photographie Marie BAU de Phnom Penh. 103 ( haut), 103 (bas), 104,
International Co.Ltd – Ambra Dina. Paule-Halgand. P. 112, photographie Marie- 105 (haut et centre), 106,
Nippon Koei Co.Ltd. Août P. 55, (haut gauche) P. 80, photographies Paule Halgand. 107.
1999. photographie Ambra Dina. Christiane Blancot/Apur. P. 113, (haut et centre Dina Ambra : p. 38, 40
P. 18, document Etude- P. 55, (haut centre ) P. 81, photographies gauche) photographies BAU (bas), 54 (bas), 55 (haut
diagnostic du réseau photographie Christiane Christiane Blancot/Apur. de Phnom Penh. gauche), 56 (haut, centre et
d’assainissement de la ville Blancot/Apur. P. 82, document BAU de P. 113, (bas gauche) bas)
de Phnom Penh, Agence P. 55, (haut droite ) Phnom Penh. document BAU de Phnom Halgand Marie-Paule : p. 35,
Desaix/Aditem, 1996. photographie Marie-Paule P. 83, (haut) document BAU Penh. 38, 47 (bas), 49 (haut), 55
P. 19, document Etude- Halgand. de Phnom Penh. P. 113, (droite) documents (haut droite), 57 (haut et
diagnostic du réseau P. 55, (bas) photographie P. 83, (bas) photographies BAU de Phnom Penh. bas), 58 (bas), 59 (haut et
d’assainissement de la ville Marie Paule-Halgand. Christiane Blancot/Apur. P. 114 et 115 (haut gauche) bas), 60 (haut et bas), 61,
de Phnom Penh, Agence P. 56, (haut, centre et bas) P. 84, (haut) document BAU photographie Apur. 73 (bas), 76 (bas), 79, 84
Desaix/Aditem, 1996. photographie Ambra Dina. de Phnom Penh. P. 114, (centre et bas) (bas), 110-111 (haut
P. 20, photographies P. 57, (haut et bas) P. 84, (bas) photographie photographies BAU de gauche), 112, 116-117 (haut
Frédéric Objois, 1995. photographies Marie-Paule Marie-Paule Halgand. Phnom Penh. gauche), 118 (haut et bas
P. 21, photographie Apur. Halgand. P. 85, document BAU de P. 115, (centre gauche) droite).
P. 22, photographie Iuav. P. 58, (haut) documents Phnom Penh. photographie BAU de Istituto Universitario di
P. 23, (haut) BAU de Phnom municipalité de Phnom P. 86, photographie Apur. Phnom Penh. Architettura di Venezia,
Penh/PVA Finmap, 2000. Penh. P. 87, photographie Apur. P. 115, (bas gauche) Dipartimento di
P. 23, (bas) photographie P. 58, (bas) photographies P. 88, photographies Apur. document BAU de Phnom Pianificazione : p. 22, 24.
Myriam Berthier, 1996. Marie-Paule Halgand. P. 89, photographies Apur. Penh. Legrand François : p. 14
P. 24, (haut et bas) P. 59, (haut et bas) P. 90, documents Apur, 2001. P. 115, (droite) documents (bas), 15 (bas), 47 (haut).
photographie IUAV. photographies Marie-Paule P. 91, (haut gauche) BAU de Phnom Penh. Mathieu Ravaux/Apur : p. 91
P. 25, (haut et bas) Halgand. document Apur. P. 116 et 117 (haut gauche) (haut droite), 118 (haut
documents IUAV. P. 60, (haut et bas) P. 91, (haut droite) photographie Marie-Paule gauche).
P. 26, photographie BAU de photographies Marie-Paule photographie Mathieu Halgand. Mingui Julien : p. 45, 48, 63
Phnom Penh. Halgand. Ravaux /Apur. P. 116, (centre et bas) Municipalité de Phnom
P. 27, (haut et bas) P. 61, photographies Marie- P. 91, (bas), photographie photographies Christiane Penh/PVA IGN : p. 10, 42,
documents BAU de Phnom Paule Halgand. Apur. Blancot/Apur. 70, 119, 120, 121, 122, 123.
Penh. P. 62, photographie P. 92, (haut gauche) P. 117, (centre gauche) Nafilyan guy : p. 68.
P. 28, photographie BAU de Christiane Blancot/Apur. document Apur. photographie Christiane Objois Frédéric : p. 20.
Phnom Penh. P. 63, photographies Julien P. 92, (haut droite) Blancot/Apur. Ossorio Hervé : p. 67 (haut).
P. 29, (haut et bas) Mingui. photographie Apur. P. 117, (bas gauche) Pen Khon : p. 74 (haut et
documents BAU de Phnom P. 64, photographies P. 92, (bas) photographies document BAU de Phnom bas), 75.
Penh. Christiane Blancot/Apur. Apur. Penh. Ros Cyril : p. 66, 67 (bas),
P. 30, (haut et bas) P. 65, photographies P. 93, (haut) document P. 117, (droite) documents 69 (haut).
documents BAU de Phnom Christiane Blancot/Apur. Apur. BAU de Phnom Penh. Royére Andrée : p. 94, 96,
Penh P. 66 à 69, Lisa Ros, P. 93, photographie Apur. P. 118, (haut gauche) 99.
P. 31, (haut et bas) « logements du Front P. 94, photographie Andrée photographie Mathieu
documents BAU de Phnom Bassac ou cité Sihanouk » Royére. Ravaux /Apur.
Penh. in Architecture P. 95, photo aérienne, fonds P. 118, (haut et bas droite)
P. 32, (haut) photographie moderne à Phnom Penh Apur. photographie Marie-Paule
Christiane Blancot/Apur. 1954 – 1970, mémoire de P. 96, photographie Andrée Halgand.
P. 32, (bas) document BAU TPFE, École d’architecture Royére. P. 119, municipalité de
de Phnom Penh. de Paris-Belleville, P. 97, photographies Phnom Penh/PVA IGN, 1993.
P. 33, document BAU de septembre 2000. Christiane Blancot/Apur. P. 120, municipalité de
Phnom Penh. P. 66, photographie Cyril P. 98, photographie Phnom Penh/PVA IGN, 1993.
P. 34, photographie Ros, 1993. Christiane Blancot/Apur. P. 121, municipalité de
Christiane Blancot/Apur. P. 67, (haut) photographie P. 99, photographie Andrée Phnom Penh/PVA IGN, 1993.
P. 35, photographie Marie Hervé Ossorio, 1994. Royére. P. 122, municipalité de
Paule Halgand. P. 67, (bas) photographie P. 100 et 101, (haut) Phnom Penh/PVA IGN, 1993.
P. 36, document BAU de Cyril Ros, 1993. documents BAU de Phnom P. 123, municipalité de
Phnom Penh. P. 68, photographie Guy Penh. Phnom Penh/PVA IGN, 1993.
P. 37, document BAU de Nafilyan. P. 100, (bas) document BAU

Achevé d'imprimer par l'imprimerie Néo typo à Besançon en mars 2003.


Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous les pays.
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Remerciements L’Unchs et particulièrement


Cet ouvrage est le fruit d’un l’équipe UN Habitat de Phnom Penh
travail collectif. Il n’aurait pu les ONG qui ont participé
exister sans le soutien du à nos travaux :
programme Asia Urbs de l’Union USG-Urban Sector Group,
européenne et des villes de Phnom HI/ANS-Handicap International
Penh, Paris et Venise qui ont /Action Nord-Sud
financé ces travaux. URC-Urban Resources Center ;
la Chambre de commerce
L’équipe du projet tient franco-cambodgienne
particulièrement à remercier : Finmap
le gouvernement du royaume GTZ
du Cambodge, le ministère de IGN France international.
l’Aménagement du territoire, de
l’Urbanisme et de la Construction, Plus personnellement
le ministère des Travaux publics, A Bruxelles
le ministère des Ressources en Alison Eades,
eau et le ministère du Tourisme ; Gaetano Viti,
la municipalité de Phnom Penh, Vincent Rotgé.
le délégué du gouvernement royal
à la Ville de Phnom Penh, S.E. A Phnom Penh
Chea Sophara, les vice- Aldo Del’Ariccia ,
gouverneurs, S.E. Seng Tong, Chea Phalarin, EMT,
S.E. Trac Thai Sieng, Chea Sok, Acleda,
S.E. Chev Kim Heng ainsi que Chen Saman,
M. Mann Choeurn, chef du cabinet, Chhuon Sothy,
la Direction de l’urbanisme, de la Jean Dastugue,
construction et du cadastre ; Ek Chonn Shan,
le département des femmes et des Toni Felts,
anciens combattants ; Alain Gascuel,
le département du tourisme ; François Giovalucchi, AFD,
la Régie des eaux de Phnom Penh ; Jacques Guichandu,
les chefs des districts de Daun Teruo Jinnaï,
Penh et de Tuol Kork et les chefs Kong Chea Sere Rith,
de quartiers ; Hervé Leclerc, National Bank of Cambodia,
la Mairie de Paris, le maire, Leng Ky Lech, Peng Heng S.M.E Bank Ltd ,
Bertrand Delanoë ; Lim Voan,
Patrick Maisonnave, délégué Claire Liousse, URC,
général aux relations Fabienne Luco,
internationales ; la Direction Ly Chin Torng,
de la voirie et des déplacements, Mann Yin,
la direction de l’Urbanisme ; Neup Ly,
la Mairie de Venise, le maire, Ouk Maly, Foreign Trade Bank,
Paolo Costa ; Roberto D’Agostino, Om Paul,
Assessore alle relazioni Marc Paoletti,
internazionali e comunitarie ; Claire Pétillot,
direzione centrale sviluppo del Hans Friedrich Ram,
territorio e mobilità ; direzione Sam Sokhom, Peng Heng S.M.E Bank Ltd ,
centrale relazioni internazionali e Son Koun Thor, BDR,
politiche comunitarie Peter Swann,
Istituto Universitario di Touch Saroeum,
Architettura di Venezia IUAV, S.E. Ty Yao,
Dipartimento di Pianificazione Luc Yniesta,
l’équipe du secrétariat Asia Urbs Willy Zimmermann,
qui nous a toujours soutenus et
encouragés ; A Paris
la délégation de la Commission Myriam Berthier,
européenne au Cambodge ; Sébastien Cavalier,
l’ambassade de France Martine Cléron, Edwige Dessenne,
au Cambodge, André-Jean Libourel, Ditia Edalati, Danielle Ros,
ambassadeur de France Pascale Sorlin, Guillaume Stetten.
au Cambodge ;
l’Agence française A Venise
de développement ; Anna Farinola,
Japan International Cooperation Marta moretti, centro internazionale
Agency ; Città d’Acqua,
Giuli·ano Zanon, COSES,
Paolo Gardin, Insula spa.
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Phnom Penh est une ville qui, après


une longue phase d’immobilisme,
est entrée dans une période
de transformations rapides et
spectaculaires. Le territoire urbanisé
s’étend, les travaux se multiplient
et l’interaction entre les phénomènes
d’extension en périphérie et
de rénovation dans le centre ancien
est de plus en plus grand.
Aider à concevoir les outils de
la gestion de ces transformations était,
pour le gouverneur de Phnom Penh,
l’action prioritaire à mener afin
de doter ses techniciens des moyens
d’une indispensable politique urbaine.
Un projet Asia Urbs a alors été
développé par les villes de Phnom
Penh, Paris et Venise, soutenu
et financé par l’Union européenne
en 2001 et 2002.
L’équipe du projet, composée de
techniciens de Phnom Penh, de Paris
et de Venise, et d’étudiants vénitiens,
a élaboré plusieurs projets pilotes.
Ils sont présentés dans cet ouvrage.
Certains projets ont été complétés
et financés par d’autres. C’est le cas
du projet de rénovation des marchés,
repris par l’AFD, dont nous publions
ici le cahier des charges.
Enfin, il nous a semblé important de
faire connaître d’autres projets, dont
les objectifs et les méthodes ont
abouti à des résultats très positifs.
C’est le cas du projet de rénovation
des impasses, projet Luceepp
soutenu par l’Unesco.

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