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PRATIQUE DE LA SIMULATION NUMÉRIQUE

Bijan MOHAMMADI & Jacques-Hervé SAIAC

Notes de lecture
par Philippe PASQUET, SAMTECH France

Les méthodes numériques ont pour objet de fournir aux ingénieurs une panoplie d'outils
permettant de résoudre les équations qui représentent les problèmes qu'ils se posent. On a bien
souvent insisté, dans cette rubrique ou lors des journées Φ²AS, sur l'importance des phénomènes
physiques et de leur interprétation en affirmant que les méthodes numériques sont en général
bien maîtrisées dans les codes de calcul. Néanmoins, il est sain de s'arrêter un moment sur ce
principe pour se poser quelques questions :

• Si l'ingénieur se concentre sur la réalité physique, quel est le champ d'application de l'équation
qu'il "choisit" pour représenter le comportement, l'évolution, … ?

• Si les méthodes sont bien maîtrisées, elles ont quand même un domaine de validité qu'il vaut
mieux connaître puisque les concepteurs de codes nous laissent un certain libre arbitre, ce que
d'aucuns appellent les boutons de réglage. Comment entreprend-on ou réévalue-t-on cette
connaissance ?

La parution de Pratique de la simulation numérique, publié en 2003 par Bijan Mohammadi et


Jacques-Hervé Saïac aux éditions DUNOD, va nous aider à réviser un certain nombre de
méthodes pour en (re)découvrir les avantages et les fameux domaines de validité.

Certains de ces aspects dit "de base" ne souffrent aucune contestation en ce sens qu'ils sont
unanimement utilisés et que l'on ne recherche aucune alternative. Il en est ainsi des méthodes
décrites dans les deux premiers chapitres qui, en 60 pages, nous font revoir les principaux
ingrédients numériques d'un code de calcul tels que interpolation, méthodes de résolution, calcul
des valeurs propres, … Quant aux méthodes d'intégration temporelle, elles feront l'objet de
larges développements dans la suite de l'ouvrage. A chaque fois que cela s'avère nécessaire, les
auteurs n'hésitent pas à renvoyer à des ouvrages plus complets. Par ailleurs, le langage utilisé est
tout à fait adapté au lectorat potentiel : pas trop mathématique mais suffisamment rigoureux.

Le chapitre suivant conservera cette qualité. Il est consacré à la description et à la classification


des équations aux dérivées partielles. La description permet de rejoindre la physique, pour
chacune des huit formes proposées : de la plus simple, l'équation de Poisson, décrivant de
nombreux phénomènes dont, par exemple, la diffusion de la chaleur en régime permanent, à
l'une des plus complexes, l'équation de Burgers avec dissipation, l'ingénieur peut savoir avec
certitude celle qui représente au mieux son problème. La classification permet de distinguer
équations paraboliques, hyperboliques et elliptiques, ce qui a de grandes conséquences sur les
méthodes de résolution et sur les propriétés des solutions. Ce chapitre aborde aussi les
conditions aux limites en mixant heureusement langages mathématique et physique.

Les 80 pages suivantes, soit quatre chapitres, sont consacrées à la résolution de ces équations
aux dérivées partielles et, en particulier, à la modélisation de leurs composantes spatiales. Les
trois méthodes les plus classiques sont rapidement présentées : les différences finies, où l'on
résout l'équilibre des forces en chaque point, alors que l'on s'intéresse à la minimisation de
l'énergie pour les éléments finis et à la loi de conservation pour les volumes finis. L'exemple du
problème de Dirichlet en dimension un (appellation mathématique pour parler de la barre
encastrée sous chargement axial) permet de mettre en évidence les avantages et inconvénients
de chacune d'entre elles et, peut-être, de se convaincre que les éléments finis sont un bon
compromis si l'on considère la facilité de prise en compte des conditions de Dirichlet ou de
Neumann, puisque cet exemple est trop simple pour mettre en valeur la puissance de la
méthode.

Seule la méthode des éléments finis sera détaillée en dimension deux. Un petit effort est
demandé au lecteur pour introduire les coefficients qui l'intéressent (élasticité, conduction) car
les matrices sont écrites sans leurs contributions physiques qui réapparaissent dans le chapitre
suivant sur l'élasticité linéaire bidimensionnelle en état plan de contraintes.

Les problèmes d'évolution font l'objet des trois chapitres suivants. En premier lieu, l'équation de
la chaleur instationnaire (parabolique) est analysée mathématiquement puis différents schémas
d'intégration (aux différences finies) sont proposés : Euler explicite, Euler implicite, Crank
Nicolson. Pour chacun, les auteurs nous indiquent les conditions de stabilité : la condition est
qualifiée de "très sévère", ce qui nous paraît abusif, dans le cas de l'équation de la chaleur
puisqu'elle est inversement proportionnelle à la diffusivité, quantité généralement petite. De
même, on pourrait ajouter que les schémas implicites demandent une attention particulière.

Avec l'équation des ondes, nous revenons à la mécanique (hyperbolique du second ordre).
L'analyse des conditions de stabilité conduit naturellement au CFL dans lequel apparaissent les
caractéristiques mécaniques via la vitesse de propagation des ondes, quantité cette fois
généralement grande.

Le troisième exemple choisi, l'équation de transport (hyperbolique du premier ordre), va


requérir des "précautions car la dérivée première en espace a une structure non symétrique".
Dans ce cas, on dispose d'une large panoplie de discrétisations possibles : schémas centrés ou
non, schémas distributifs qui doivent assurer la conservation de la quantité advectée.

Mais le champ d'application des méthodes numériques est lui-même beaucoup plus vaste que
ces quelques exemples classiques, comme le démontre la suite de l'ouvrage. Ces chapitres
portent sur des points où la théorie mathématique apparaît plus mûre que leur diffusion auprès
des utilisateurs de codes de calcul.

Les couplages multi-physiques sont un cas exemplaire. Alors que nous peinons, et le mot est
faible, pour traiter de la thermo-mécanique autrement que par une alternance d'un pas de
thermique et d'un pas de mécanique, il est ici question de couplage fort fluide-structure ou
champ électrique diffusion. D'où vient donc ce décalage entre le couplage élégant des équations
et la pratique courante ? La structure informatique un peu vieillotte des codes n'est pas un atout
favorable, les spécialisations que demande la compréhension de phénomènes physiques si
différents, guère plus. Et, en complément, il subsiste quelques écueils pratiques (gestion des pas
de temps, remaillage) bien que, les auteurs le prouvent, l'arsenal théorique existe.

Contrairement au cas précédent où la littérature est encore relativement pauvre, l'optimisation –


parce qu'elle déborde largement du cadre "calcul scientifique" – est un sujet où les méthodes
sont très éprouvées. D'ailleurs, les auteurs avouent bien volontiers la rapidité de leur exposé face
à un "sujet trop vaste" et en "évolution constante". C'est en plus un sujet qui suscite
l'engouement des industriels qui cherchent à améliorer une forme, diminuer une masse,
augmenter une résistance, évaluer un paramètre mal connu. Ce chapitre fort instructif présente
les principaux résultats théoriques en détaillant les étapes d'un processus d'optimisation. Les
problèmes inverses permettent d'appliquer l'ensemble de ces techniques à des problématiques
industrielles : identification des données ou des sollicitations.
La performance des méthodes de simulation est fortement dépendante de la qualité des
maillages ; il en est de même du temps de calcul. Les méthodes numériques permettent, d'une
part, d'obtenir une évaluation de l'erreur de discrétisation et, d'autre part, d'assurer la
construction de maillages de qualité. Ces deux composantes font l'objet d'un chapitre dans
lequel l'ingénieur trouvera son content par rapport aux outils qu'il utilise. Reste que, bien
souvent, on ne connaît pas de solution de référence …

Les deux derniers chapitres, beaucoup plus courts, mettent l'accent sur deux points dont on parle
de plus en plus : les méthodes multi-échelles et le calcul parallèle. Dans les deux cas, l'objectif,
"donner une vue générale plutôt que des détails techniques", est parfaitement atteint.

Quel que soit l'état d'esprit avec lequel on l'aborde, ce retour aux fondamentaux est tout à fait
bénéfique car il permet de s'assurer de la pertinence des choix que l'on fait, souvent par habitude
et, encore mieux, de redécouvrir des horizons oubliés. Ce livre sera donc très utile aux
ingénieurs. Plus accessible, bien que moins complet que d'autres excellents traités, il leur
donnera le goût d'y retourner, d'autant que les rappels et les renvois vers des ouvrages que nous
avons souvent recommandés sont nombreux.

Paru dans le bulletin XXVII-2 de Φ2AS (distribué le 17 juin 2003) IPSI

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