Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
1
Les Lumières sont un courant de pensée européen,
philosophique, littéraire et intellectuel qui émerge dans la seconde
moitié du xviie siècle avec des philosophes comme Descartes,
Spinoza, Locke, Bayle et Newton, avant de se développer dans
toute l'Europe, notamment en France, au xviiie siècle. Par extension,
on a donné à cette période le nom de siècle des Lumières.
Le mouvement des Lumières prend en partie son origine dans la défense de l'héliocentrisme par Nicolas
Copernic au xvie siècle, peu diffusées de son vivant, puis surtout dans les théories physiques de Galileo
Galilei (1564-1642). La physique d'Aristote est abandonnée au profit d'une nouvelle science mécanique
fondée sur le principe d'inertie et une nouvelle philosophie s'élabore conjointement avec elle. l'Église se voit
critiquée pour son enseignement du géocentrisme et sa défense plus
générale d'Aristote. René Descartes joue un rôle de premier plan
dans cette réforme de la philosophie, il élabore notamment une
métaphysique et une méthode nouvelle dans le but de remplacer
l'aristotélisme. Cette philosophie nouvelle se donne pour objectif de
rechercher des premiers principes certains - tel le cogito - à partir
desquels la raison pourrait déduire l'ensemble des connaissances
humaines, aussi bien les principes de la physique que l'existence de
Dieu. L'autorité est rejetée par Descartes comme justification des
connaissances : la raison est universelle, chaque personne peut en
faire usage pour juger correctement par soi-même. Gottfried
Wilhelm Leibniz (1646-1716) s'inscrit dans la postérité de
Descartes, reprenant ce projet rationaliste, et faisant progresser la
physique par l'invention du calcul infinitésimal.
Un changement notable fut entre autres l’émergence de la philosophie naturaliste à travers toute l’Europe,
incarnée par Isaac Newton. Ses idées, sa réussite indéniable à confronter et assembler les preuves
axiomatiques et les observations physiques en un système cohérent, source de prédictions, donnèrent le ton
de tout ce qui allait suivre son exemplaire Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (1687). Pour
montrer le progrès entre l’Âge de la Raison et le mouvement des Lumières, l’exemple de Newton reste en
effet indépassable, en ce que le scientifique utilisa des faits observés empiriquement, comme la dynamique
des planètes de Johannes Kepler ou l’optique, pour construire une théorie sous-jacente expliquant ces faits
a priori : la théorie de la gravitation universelle. Ce mouvement correspond à l’unification d’un pur
empirisme, comme celui de Francis Bacon et de l’approche axiomatique de Descartes (1596-1650).
La croyance en un monde intelligible ordonné par le dieu chrétien a représenté le plus fort élan du
questionnement philosophique sur la connaissance. D’un côté, la philosophie religieuse se concentrait sur la
piété, la toute-puissance et le mystère de la nature ultime de Dieu ; de l’autre, des idées telles que le déisme
soulignaient que le monde était visiblement compréhensible par la raison humaine et que les lois le
gouvernant l’étaient tout autant. L’image de Dieu comme « Grand Horloger » pénétra alors les esprits,
tandis que les observateurs du monde prenaient conscience que ce dernier semblait bel et bien parfaitement
5
ordonné et que, dans le même temps, on réalisait des machines de plus en plus sophistiquées et précises . À
cet égard, il est intéressant de souligner la critique de cette théologie naturelle portée par Buffon, le
célébrissime naturaliste du xviiie siècle, dans son œuvre monumentale Histoire naturelle. Buffon rejette
l'attitude qui consiste à attribuer à l’intervention divine, surnaturelle, ce que la science ne sait pas – pas
encore – expliquer. Cette critique lui valut d’affronter la Sorbonne qui, dominée par l’Église catholique,
n’eut de cesse que de vouloir le censurer. En 1751, il est ainsi sommé de se rétracter sur « des propositions
contraires à la croyance de l’Église », pour avoir proposé un âge de 74 000 ans à la Terre, quand on admet
alors le récit biblique comme vérité scientifique et la datation de notre planète à environ 6 000 ans. Hostile
par ailleurs au système de classification de son contemporain suédois non moins célèbre, Linné, il n’est pas
6
loin de penser que l’ordre n’existe pas dans la nature .
La philosophie naturelle a entraîné l'apparition d'une nouvelle philosophie politique promouvant la liberté
individuelle comme valeur suprême. Si le sujet peut expliquer rationnellement le monde en découvrant les
lois de la nature établies par Dieu, pourquoi ne peut-il pas également comprendre ses droits individuels en
découvrant le droit naturel établi par Dieu ? C'est le développement de l'individualisme : chaque personne
dispose de droits fondamentaux en vertu de la nature humaine (droits humains) que chacun peut
comprendre et connaître. Le droit ne peut se fonder sur la tradition seule. On parle alors d’avènement du
sujet pensant, il peut décider par son raisonnement propre et non plus sous le seul joug des us et coutumes.
Ainsi, John Locke rédigea ses deux Traités du gouvernement civil dans lesquels il avance que le droit de
propriété n’est pas familial, mais totalement individuel et légitimé par le travail consacré au terrain concerné,
ainsi que de sa protection face à autrui. Une fois l’idée émise qu’il y avait des lois naturelles et des droits
naturels, il devenait possible de s’aventurer dans les domaines nouveaux qu’on appelle maintenant
l’économie et la politique.
Dans son célèbre essai Was ist Aufklärung?, Emmanuel Kant donne des Lumières la définition suivante :
« Les Lumières c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état
de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. On est soi-même
responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l’entendement mais à
une insuffisance de la résolution et du courage de s’en servir sans la conduite d’un autre. Sapere aude ! Aie
le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle est la devise des Lumières ».
Les Lumières se basent donc sur l'explication du monde par la raison, exigeant de l’homme l’établissement
d’une connaissance rationnelle et organisée. Cela commence par l’idée que les lois gouvernent aussi bien
les cieux que les affaires humaines, et que le pouvoir du Prince émane de la loi et non l’inverse. La
conception de la loi en tant que contrat social théorisée par Jean-Jacques Rousseau comme relation
réciproque entre les hommes, plutôt qu’entre les familles ou des groupes, devint de plus en plus
remarquable, accompagnée du souci de la liberté individuelle comme réalité imprescriptible – le seul droit
tiré de Dieu. Le mouvement des Lumières conceva donc l'idée moderne de liberté, telle qu’on la connaît
toujours aujourd’hui : chaque individu est en capacité et a le droit de décider par lui-même de ce qui est bon
pour lui, liberté que doit garantir l’État. Cette recherche aboutit, en France, à la formulation des droits de
l'homme, qui trouve son expression dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui
influencera largement les déclarations de droits lors des siècles suivants, et entraînera dans son sillage des
bouleversements politiques dans le monde entier. Tant en France qu'aux États-Unis, les libertés d'opinion,
de religion, de pensée, d'expression tiennent une place fondamentale.
Pour comprendre quels changements interviennent réellement entre « l’Âge de Raison » et le « mouvement
des Lumières », la comparaison entre la philosophie de Thomas Hobbes et celle de John Locke est une
bonne approche. Hobbes, qui traverse les trois quarts du xviie siècle, a entrepris de classer de façon
systématique les émotions humaines, ce qui l’amena à construire un système rigide garantissant par
coercition la stabilité du chaos primaire – qui est la source de son travail (voir le Léviathan). À l’inverse,
Locke voit en la Nature la source de l’unité et de tous les droits, que l’État doit s’assurer de reprendre et de
protéger, non pas d’étouffer. Ainsi, la « révolution » culturelle entre les deux siècles fait intervenir la relation
de l’homme à la Nature.
Changement de représentation
Idéal du philosophe
La figure idéale des Lumières est le philosophe, homme de lettres avec une fonction sociale qui exerce sa
raison dans tous les domaines pour guider les consciences, prôner une échelle de valeurs et militer dans les
problèmes d’actualité. C’est un intellectuel engagé qui intervient dans la société, un « honnête homme qui
agit en tout par raison » (Encyclopédie), « qui s’occupe à démasquer des erreurs » (Diderot).
Le rationalisme des Lumières n’exclut en aucun cas la sensibilité. Raison et sentiment dialoguent au sein
même de la philosophie des Lumières. Les penseurs des Lumières peuvent être capables de rigueur
intellectuelle mais aussi de sensibilité.
Cette époque cultive un goût particulièrement prononcé pour les écrits totalisants qui rassemblent
l’ensemble des connaissances de leur temps, les bilans généraux du savoir. Cet idéal va trouver sa
réalisation dans l'Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, publiée entre 1751 et 1772, dont le but était de
sortir le peuple de l’ignorance par une diffusion très large du savoir.
Le mouvement des Lumières est, sur toute sa durée, le substrat de deux pressions sociologiques
antagonistes : d’une part, une forte spiritualité accompagnée d’une foi traditionaliste en la religion et
l’Église ; d’autre part, la montée d’un mouvement anticlérical critiquant les divergences entre théorie
religieuse et pratique, qui s’est surtout manifesté en France.
L’anticléricalisme ne fut pas la seule source de tension en France : certains nobles contestaient le pouvoir
monarchique et la haute bourgeoisie souhaitait bénéficier des fruits de ses efforts. La libéralisation des
mœurs engendrait la contestation de l’absolutisme et de l’ordre ancien. Le courant janséniste en France fut
9
aussi, selon Dale K. Van Kley, une source de division .
Le système judiciaire se révélait archaïque. Même si le droit du commerce avait été codifié au xviie siècle, le
droit civil n’était pas unifié ni codifié.
Tel est l’arrière-plan social et juridique dans lequel s’exerce la critique et se développe la contestation,
qu’un auteur comme Voltaire a pu incarner.
Exilé en Angleterre entre 1726 et 1729, il y étudie les travaux de John Locke, Isaac Newton et la
monarchie anglaise. Il se rend populaire par sa dénonciation des injustices (affaires Calas, Sirven, de La
10
Barre, Lally-Tollendal). Le milieu du xviiie siècle correspond à l’apogée de la philosophie des Lumières .
Pour Voltaire, il est clair que si le Prince obtient du peuple qu’il croie en des choses déraisonnables, alors ce
11
peuple fera des choses déraisonnables . Ce constat simple a introduit ce qui devait être la principale
critique faite aux Lumières, et que devait formuler la pensée romantique : la construction raisonnable crée
12
autant de problèmes qu’elle en résout .
13
Selon les philosophes des Lumières , le point crucial du progrès intellectuel consistait en la synthèse de la
connaissance, éclairée par la raison humaine, afin de créer une autorité morale qui serait seule souveraine.
Le point de vue contraire se développa, mettant en avant le fait que de façon intrinsèque, ce processus serait
corrompu par le poids des conventions sociales, montrant ainsi la « nouvelle vérité » raisonnable comme
une mauvaise imitation de la Vérité immanente et insaisissable.
Le mouvement des Lumières trouva alors un certain équilibre, entre l’appel à la liberté « naturelle » et la
liberté de cette liberté, c’est-à-dire la reconnaissance d’une autonomie de la Nature face à la raison.
Correspondent à ce stade les réformes de plusieurs monarchies, par l’intermédiaire de lois nouvelles allant
dans le sens des sujets et d’une réorganisation parcellaire de la société. L’idée d’un ordre éclairé entre
également dans la pensée scientifique avec, par exemple, le travail du biologiste Carl von Linné.
Voltaire
même. Bien au contraire, c’est la raison et la maturité humaine qui doivent en trouver la constante structure,
en retirer la stabilité naturelle. Le romantisme en prendra le contre-pied parfait.
« D’une façon générale, la sensibilité des Lumières porte à une sentimentalité morale : le temps de l’ironie
voltairienne passé, on veut s’apitoyer, avec Rousseau (la Nouvelle Héloïse, 1761) et les tableaux de
Greuze, chercher le beau et le bon éternels. Plus le siècle s’avance, plus la littérature et l’art répudient la
gratuité des formes, la légèreté, regardées comme aristocratiques et mondaines, pour aller vers le sérieux,
l’authentique et le naturel, c'est-à-dire vers ce qui est conforme à la morale utilitaire du public bourgeois
d’où le goût croissant pour le néoclassicisme, qui met en avant l’antique, non pas l’antique allégorique de
14
l’époque classique mais un antique historique plus sobre, à la façon du peintre David » .
15
Ceci se traduit dans les réflexions sur l'urbanisme . La ville des
Lumières est le fruit des efforts conjoints des pouvoirs publics et des
architectes soucieux de réaliser des bâtiments administratifs ou utiles
(hôtels de ville, hôpitaux, théâtres, intendances) tout en aménageant
16
des perspectives, des places, fontaines, promenades …
L'Académie royale d'architecture reste un des centres de la réflexion
sur la théorie : pour elle, le beau est ce qui plait. Pour l'abbé
17
Laugier, au contraire, ce qui est beau est conforme à la raison . Le
Projet de reconstruction de l’Opéra
modèle naturel de toute architecture est la cabane primitive soutenue
de Paris d’Étienne-Louis Boullée,
par quatre troncs d'arbre, avec quatre parties horizontales et un toit
1781
qui deviennent respectivement colonnes, entablements, frontons. Le
modèle du temple grec se répand alors jusque dans le décor et le
mobilier. Ce paradigme se traduit par un changement de style au
milieu du siècle : le rococo est abandonné, la Grèce antique et Palladio deviennent les principales références
du style néo-classique.
L’université de Virginie, inscrite au patrimoine mondial de l’Humanité défini par l’UNESCO, a été fondée
par Thomas Jefferson sur le projet de son ami, Du Pont de Nemours, philosophe français émigré. Ce
dernier dessina les plans d’une partie du campus en suivant les valeurs des Lumières.
La place Stanislas de Nancy est le cœur d’un ensemble urbanistique classique, inscrite depuis 1983 sur la
liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi que d’autres places de cette ville comme la place de la
Carrière et la place d’Alliance, autour desquelles s’articulent administrations et services de l’époque.
Claude Nicolas Ledoux (1736-1806), membre de l'Académie d'architecture est sans doute l’architecte dont
les projets incarnent le mieux l’utopie d’un habitat totalement rationnel. Il dirige, à partir de 1775,
l’édification de la Saline royale d'Arc-et-Senans, dans le Doubs, véritable cité usinière.
18
Les Lumières n’ont touché que les élites aristocratiques et les fractions montantes des bourgeoisies .
L’écho, dans ces milieux dominants, est certes considérable en Angleterre et en France, mais plus restreint
en Allemagne et en Italie ; le public éclairé est très peu nombreux en Espagne ou en Russie, où seuls
quelques intellectuels, hauts fonctionnaires et grandes familles participent au mouvement. Le peuple, lui,
n’est pas touché : l’immense majorité des paysans, même français, n’a jamais entendu parler de Voltaire ou
de Rousseau.
Malgré tout, les Lumières ont ébranlé les certitudes anciennes. Et
l’ébranlement ne s’est pas arrêté aux portes du social et du
politique : les Lumières ont inspiré la génération révolutionnaire. Ce
qui ne signifie nullement qu’elles aient consciemment appelé de
leurs vœux la Révolution de 1789.
Acteurs et portée
Portraits
24
Les humanistes de la Renaissance et les philosophes des Lumières
s’intéressent à divers domaines. L’Américain Thomas Jefferson avait reçu
une formation juridique mais pratiquait également l’archéologie et
l’architecture. Benjamin Franklin eut une carrière de diplomate et de
physicien. Condorcet écrivit sur des sujets aussi différents que le commerce,
les finances, l’éducation ou la science.
Les origines sociales des philosophes sont diverses : beaucoup sont issus de
familles bourgeoises (Voltaire, Thomas Jefferson), d’autres de milieux plus
modestes (Emmanuel Kant, Benjamin Franklin, Denis Diderot) ou encore
de la noblesse (Montesquieu, Condorcet). Un certain nombre d’entre eux
avaient reçu une éducation religieuse (Denis Diderot, Louis de Jaucourt) ou
une formation juridique (Montesquieu, Thomas Jefferson).
Les philosophes luttaient généralement moins contre le pouvoir royal que contre l’hégémonie ecclésiastique
26
et nobiliaire : dans sa défense de Jean Calas, Voltaire défendait ainsi la justice royale contre les excès
27
d’une justice provinciale jugée plus fanatique . Bien des monarques européens — Charles III d'Espagne,
Marie-Thérèse et Joseph II d’Autriche, Catherine II de Russie, Gustave III de Suède — lisaient et
appréciaient les philosophes. Comme Voltaire, qui fut accueilli à la cour de Frédéric II de Prusse ou
Diderot, qui fut accueilli à la cour de Catherine II, les philosophes comme d’Holbach se montraient
28
favorables au despotisme éclairé dans l’espérance de voir leurs idées se répandre le plus rapidement
possible en touchant directement à la tête de l’État. La suite des événements devait montrer aux philosophes
29
les limites de leurs ambitions chez des souverains « plus despotes qu’éclairés » . Seul Rousseau
30
revendiqua avec constance l’égalité politique, qui devint par la suite un idéal révolutionnaire .
France : Pierre Bayle, Émilie du Châtelet, Étienne Bonnot de Condillac, Nicolas de Condorcet, Denis
Diderot, D'Alembert, Olympe de Gouges, Vincent de Gournay, D'Holbach, Fontenelle, Claude-Adrien
Helvétius, Marquis de La Fayette, Antoine Laurent de Lavoisier, La Mettrie, Louis de Jaucourt, Choderlos
de Laclos, Marquis de Sade, Marivaux, Jean-François Marmontel, Molière, Pierre Louis Moreau de
Maupertuis, Montesquieu, François Quesnay, Restif de la Bretonne, Antoine Destutt de Tracy, Anne Robert
Jacques Turgot, Voltaire, Buffon, Jean-Jacques Rousseau.
Angleterre : Anthony Collins, John Locke, Edward Gibbon, William Godwin, Henri Saint Jean de
Bolingbroke, Samuel Johnson, James Oglethorpe, William Paley, Joseph Priestley, William Wilberforce,
Mary Wollstonecraft.
Écosse : James Boswell, David Hume, Francis Hutcheson, James Burnett, Lord Monboddo, Adam Smith,
James Watt [réf. nécessaire].
Portugal : Marquis de Pombal, Luis Antonio Verney, António Nunes Ribeiro Sanches, Francisco de
Oliveira, Duarte Ribeiro de Macedo, Matias Aires Ramos da Silva Eça.
États-Unis : John Adams, Samuel Adams, Benjamin Franklin, Alexander Hamilton, John Jay, Thomas
Jefferson, James Madison, Thomas Paine, George Washington.
Italie : Cesare Beccaria, Ferdinando Galiani, Mario Pagano, Giambattista Vico, Pietro Verri, Alessandro
Verri, Antonio Genovesi, Carlo Goldoni, Giuseppe Parini, Gaetano Filangieri
Espagne : Leandro Fernández de Moratín, Gaspar Melchor de Jovellanos, Antonio José Cavanilles,
Lorenzo Hervás y Panduro, Benito Jerónimo Feijoo, Pedro Rodríguez de Campomanes, José Celestino
Mutis
Russie : Nikolaï Novikov, Mikhaïl Lomonossov
Roumanie : Ion Budai-Deleanu, Ienăchiţă Văcărescu, Anton Pann, Samuil Micu, Gheorghe Șincai
Encyclopédie
Salons et cafés
Mais ce sont surtout les salons mondains, ouverts par tous ceux qui
ont quelque ambition, ne serait-ce que celle de paraître. Ils sont
caractérisés par la mixité intellectuelle ; les gens s’y expriment, y
Une soirée chez Madame Geoffrin
trouvent une occasion de satisfaire leur soif de savoir et y
de Gabriel Lemonnier
entretiennent leur vision du monde. Mais il faut y être introduit. Les
grandes dames reçoivent artistes, savants et philosophes. Chaque
hôtesse a son jour, sa spécialité et ses invités de marque. Le modèle est l’hôtel de Madame de Lambert, au
début du siècle.
Les gens de talent s’y retrouvent régulièrement pour confronter leurs idées ou tester sur un public privilégié
leurs derniers vers. Mondaines et cultivées, les créatrices de ces salons animent les soirées, encouragent les
timides et coupent court aux disputes. Ces fortes personnalités, très libres par rapport à leurs consœurs, sont
souvent elles-mêmes écrivaines et épistolières.
La mixité est particulièrement réussie en France, au xviiie, dans ces « États Généraux de l’esprit humain »
où s’épanouit la philosophie des Lumières. Des femmes cultivées, intelligentes y sont de véritables
partenaires avec qui on peut remettre en question des idées religieuses, politiques, scientifiques, qui sont
capables de donner un élan aux débats ; on peut citer par exemple l’intervention d’Anne Dacier dans la
querelle des Anciens et des Modernes et les œuvres d’Émilie du Châtelet.
Voisines des Académies, souvent peuplées des mêmes hommes avides de savoir, les bibliothèques
publiques et chambres de lecture se sont multipliées, fondées par de riches particuliers ou à partir de
souscriptions publiques. Elles collectionnent les travaux scientifiques, les gros dictionnaires, offrent une
salle de lecture et, à côté, une salle de conversation. Toutes ces sociétés de pensée fonctionnent comme des
salons ouverts et forment entre elles des réseaux provinciaux, nationaux, européens, échangeant livres et
correspondance, accueillant les étrangers éclairés, lançant des programmes de réflexion, des concours de
recherche. On y parle physique, chimie, minéralogie, agronomie, démographie. Dans les Treize colonies
britanniques en Amérique du Nord, James Bowdoin (1726-1790), John Adams (1735-1826) et John
Hancock (1737-1793) fondent l’American Academy of Arts and Sciences à Boston durant la Guerre
d'indépendance des États-Unis. En 1743, Benjamin Franklin fonde la Société philosophique américaine.
Au début du xixe siècle, Thomas Jefferson avait l’une des plus riches bibliothèques privées du pays. Parmi
les réseaux éclairés, le plus développé est celui de la franc-maçonnerie, quoique réservé aux couches
supérieures.
La diffusion des idées des Lumières est également permise grâce aux différents marchands ambulants. En
effet, ces derniers, allant de province en province, colportaient les informations et, par extension,
apportaient les idées aux analphabètes.
Dès la fin du xviie siècle, John Locke avait défini la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le
36
législatif . Montesquieu reprit l’idée de séparation des pouvoirs et l’étendit à un troisième pouvoir, le
pouvoir judiciaire dans De l'esprit des lois (1748).
Dans les années 1750, on tenta, en Angleterre, en Autriche, en Prusse et en France, de « rationaliser » les
monarchies et leurs lois.
Cultivé et instruit, Thomas Jefferson, planteur originaire de Virginie, est très marqué par le philosophe
anglais John Locke et par Jean-Jacques Rousseau. Il préside à l’élaboration de la Constitution de Virginie
au début de 1776, et en reprend certaines dispositions lorsqu’il procède à la rédaction de la déclaration
d'indépendance des États-Unis, proclamée le 4 juillet 1776 au congrès de Philadelphie. Il a l’occasion de
rencontrer les personnalités des Lumières lors de son séjour en Europe. Arrivé au cours de l’été 1784, il
succède à Benjamin Franklin comme ambassadeur des États-Unis et fréquente les salons littéraires et les
libraires de la capitale.
L’influence de la philosophie des Lumières transparaît ainsi nettement
dans la Déclaration d'indépendance des États-Unis, qui proclame que
les hommes ont été créés égaux en droit et qu'ils peuvent s’opposer à la
tyrannie. La Constitution des États-Unis d'Amérique (1787) reprend
les principes de Montesquieu de la séparation des pouvoirs législatif,
exécutif et judiciaire, qui forment la base de toute démocratie.
La Révolution française en particulier représente une application violente de la philosophie des Lumières,
notamment lors de la brève période de pouvoir des Jacobins. Le désir de rationalité révolutionnaire se
coupe du rationalisme dit « spirituel » de Descartes, jusqu'à conduire à une tentative d’éradiquer l’Église et
le christianisme dans son ensemble. Ainsi, la Convention nationale change le calendrier, système de mesure
du temps, et le système monétaire, tout en plaçant l’idée d’égalité, sociale et économique, au plus haut point
38
des priorités de l’État .
Par la suite, certains courants de pensée ont émis des critiques vis-à-vis de la philosophie des Lumières : les
romantiques, les nationalistes, les antilibéraux, les néoconservateurs (voir article Critique des Lumières).
Depuis son apparition au xviiie siècle, les principaux héritages des Lumières (démocratie, droits de
l'homme) ont fini par s'imposer dans le monde occidental, et même dans une majorité de pays sur la planète,
de sorte que la perception des Lumières est globalement positive.
Certains penseurs ne partagent cependant pas cet optimisme, concernant les conséquences de la philosophie
des Lumières sur nos modes de vie et ce que cela induit sur le plan de la crise écologique. Notamment, le
théologien orthodoxe Jean-Claude Larchet voit dans la philosophie des Lumières, après l'humanisme,
l'individualisme, le rationalisme déjà apparus à la Renaissance, un des fondements spirituels de la crise
écologique. Selon ce penseur, qui appuie son argumentation sur une étude approfondie des écrits des Pères
de l'Église (en particulier saint Maxime le Confesseur), les éléments suivants ont conduit à la situation de
39
crise que nous connaissons aujourd'hui :
la conception de Dieu qui subsiste chez certains philosophes théistes est celle d'un Dieu
abstrait et lointain ; la religion n'est plus vue comme ce qui relie, mais comme un
ensemble de superstitions à combattre et à détruire ;
l'athéisme est souvent donné en exemple (Diderot) et sert de base au naturalisme et au
matérialisme ;
l'homme est affirmé comme un centre de référence absolu, contre Dieu ;
la raison est affirmée comme la source de connaissance de référence ;
l'individu est affirmé contre la communauté.
40
Toujours selon Jean-Claude Larchet , la rationalisation de la perception du monde réalisée par les
Lumières n'est plus compensée par l'esprit (ou intellect) dans une approche contemplative des êtres ouverte
à la transcendance et au sens du symbole, mais par le sentiment, ouvrant la voie au siècle suivant, sous une
forme exacerbée, au romantisme.
Notes et références
1. Les dictionnaires écrivent le mot lumières, pris en ce sens, soit uniquement avec une
minuscule (cf. Trésor de la langue française informatisé (http://www.cnrtl.fr/definition/lumière
s) et dictionnaires Le Robert (https://dictionnaire.lerobert.com/definition/lumiere)) soit avec
une minuscule ou une majuscule (cf. Dictionnaire de l’Académie française (https://www.dicti
onnaire-academie.fr/article/A9L1339) et dictionnaires Larousse (https://www.larousse.fr/dictio
nnaires/francais/lumière/48043)).
2. Josiane Boulad-Ayoub (http://revolution-francaise.net/2006/07/07/56-contre-nous-de-la-tyran
nie-des-relations-ideologiques-entre-lumieres-et-revolution-par-josiane-boulad-ayoub) :
« Ainsi explicitée, adaptée, transformée, la Philosophie a pu servir de garant aux idées et
aux valeurs que la Démocratie française sur toute l’Europe, et qui, au nom des lois de la
République une et indivisible, au nom de la liberté, de l’égalité, et de la fraternité, faisait
trembler les tyrans sur les champs de bataille ou, chez elle, guillotinait le roi » et « La vie
coloniale (de l’Amérique du Nord) s’organisa autour de quatre idées inspirées par les
philosophes des Lumières : les droits naturels, la hiérarchie de lois (aucune loi des colonies
n’est contraire à la Couronne), la séparation des pouvoirs, le contrôle du contre-pouvoir. Ces
pensées influenceront les révolutionnaires français de 1789. »
3. Franc̜ois Pillon, L’Année philosophique : Bibliothèque de philosophie contemporaine,
vol. 13, Paris, Félix Alcan, 1903, 308 p. (lire en ligne (https://books.google.fr/books?id=MnVK
AAAAMAAJ&pg=PA257)), p. 257.
4. Antoine Eugène Genoude, La Raison du christianisme : ou, Preuves de la verité de la
religion tirées des écrits des plus grands hommes de la France, de l’Angleterre et de
l’Allemagne, vol. 2, Paris, Pourrat Frères, 1836, 620 p. (lire en ligne (https://books.google.fr/b
ooks?id=ADYUAAAAYAAJ&pg=PA107&dq=Dieu+et+Nature+sont+un)), p. 107.
5. J. S. Flotte, Leçons élémentaires de philosophie, vol. 2, Paris, Brunot-Labbé, 1819 (lire en
ligne (https://books.google.fr/books?id=qwg-AAAAcAAJ&pg=PA226&dq=Dieu+Grand+Horlo
ger)), p. 226.
6. Yves Zarka (avec la collaboration de Marie-France Germain), Buffon, le naturaliste
philosophe (http://www.bouquineo.fr/products/buffon-le-naturaliste-philosophe-1), éditions
Chemins de tr@verse, 2014
7. L’Esprit des lois, première partie, livre quatrième, Chap. IV « Différence des effets de
l’éducation chez les Anciens et parmi nous. »
8. Colette Le Lay, sous la direction de Jacques Gapaillard, Les articles d’astronomie dans
l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Mémoire de D.E.A. d’Histoire des Sciences et des
Techniques, Faculté des Sciences et des Techniques de Nantes Centre François Viète,
1997, lire en ligne (http://docplayer.fr/19616796-Les-articles-d-astronomie-dans-l-encycloped
ie-de-diderot-et-d-alembert.html)
9. Les Origines religieuses de la Révolution française : 1560-1791, Paris, Éditions du Seuil,
2006, 572 p. (ISBN 978-2-02-085509-9)
10. Patrick Cabanel, Histoire de France, 1750-1995 : Monarchies et républiques, vol. 1,
Toulouse, Presses Univ. du Mirail, 1996, 303 p. (ISBN 978-2-85816-274-1, lire en ligne (http
s://books.google.fr/books?id=R5i9J2iRbkcC&pg=PA27&dq=milieu+xviiie+si%C3%A8cle+ap
og%C3%A9e+Lumi%C3%A8res)), p. 27.
11. Voir l’article « IMPIE » dans le Dictionnaire philosophique.
12. Voir Paul Bénichou, L’École du désenchantement. Sainte-Beuve, Nodier, Musset, Nerval,
Gautier, Paris, Gallimard, 1992, p. 594.
13. Lise Andriès, Le Partage des savoirs xviiie – xixe siècles Littérature et idéologies, Lyon,
Presses Universitaires de Lyon, 2003, p. 148 (ISBN 9782729707330).
14. « La philosophie des Lumières - Encyclopédie Hachette Muiltimedia 1998 » (http://www.phil
onet.fr/auteurs/Lumieres.html), sur philonet.fr
15. Michel Le Moël et Sophie Descat, L’Urbanisme parisien au siècle des Lumières : Paris et
son patrimoine, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 1997, 229 p. (lire en ligne (https://
books.google.fr/books?id=YWXaAAAAMAAJ&dq=L%E2__Urbanisme+parisien+au+si%C
3%A8cle+des+Lumi%C3%A8res)), p. 31.
16. L. Hautecoeur, Histoire de l'architecture classique en France, T. III, 1950, T. IV, 1952.
17. Laugier, Marc-Antoine, Essai sur l'architecture Paris, 1753
18. La philosophie des Lumières, exprimée par les livres, n'a naturellement pas touché les
classes populaires très majoritairement analphabètes.
19. Montesquieu, De l'esprit des lois, Livre XV, Chapitre I.
20. Voltaire, Candide, Chapitre XIX.
21. Louis Sala-Molins Le Code Noir ou le calvaire de Caanan, Paris PUF 1987 ; Les misères
des Lumières ; sous la raison l'outrage, Paris, Flammarion, 1992
22. Voir Jenny Mander, “Colonialism and Slavery,” dans The Cambridge History of French
Thought, publié sous la direction de Michael Moriarty (Cambridge : Cambridge University
Press, 2019), 273.
23. Mander, 272.
24. On parle parfois des Lumières (au substantif) pour désigner les penseurs, écrivains et
philosophes emblématiques de ce mouvement de pensée, ce qui peut être regardé comme
un abus de langage (on préférera plutôt parler par exemple de « philosophe des
Lumières »).
25. Pierre Gamarra, L”Histoire de la laïcité, Paris, IDLivre, 2005, (ISBN 2747900576), p. 67.
26. Jacques De Cock, Politique des Lumières, Fantasques éditions, 244 p.
(ISBN 978-2-913846-16-6, lire en ligne (https://books.google.fr/books?id=keTyGJQPpO4C&
pg=PA116)), p. 116.
27. Gérard Lahouati, « Voltaire, la Henriade et l’histoire », Voltaire no 2, Université de Pau et des
Pays de l’Adour, Presses Paris Sorbonne, 2002, 271 p., (ISBN 9782840502555), p. 166.
28. « D’Holbach, qui a étudié à Leyde, est beaucoup plus au courant que Voltaire du
développement des sciences … tout en prônant lui aussi le despotisme éclairé » Jacques J.
Natanson, La Mort de Dieu : essai sur l’athéisme moderne, Paris, Presses universitaires de
France, 1975, p. 66.
29. Ali Moussa Iye, Albert Ollé-Martin, Violaine Decang, Histoire de l’humanité : 1789-1914, coll.
Histoire plurielle, vol. 6, UNESCO, 2008, 1519 p., (ISBN 9789232028150), p. 727.
30. Tanguy L’Aminot, « Politique et révolution chez Jean-Jacques Rousseau », Studies on
Voltaire and the Eighteenth Century, vol. 324, Voltaire Foundation, 1994.
31. Jacobi fut aussi un critique des Lumières, les accusant de propager le spinozisme et
l'athéisme.
32. Fichte écrit dans sa jeunesse la Revendication de la liberté de penser et défend la
Révolution française.
33. Auteur de Qu'est-ce que les Lumières ?.
34. Voir Daniel Roche, Le Peuple de Paris : essai sur la culture populaire au xviiie siècle, Paris,
Librairie Arthème Fayard, 1998 et Jean de Viguerie, « Une Forme nouvelle de vie
consacrée : enseignantes et hospitalières en France aux xviie et xviiie siècles », Femmes et
pouvoirs sous l’ancien régime, sous la direction de Danielle Haase Dubosc et Éliane
Viennot, Paris, Rivages, 1991, p. 175-95.
35. Voir Jacques Domenech, L'éthique des Lumières, Vrin, 1989, (ISBN 9782711609987).
36. Adhémar Esmein, Éléments de droit constitutionnel français et comparé, Paris, Sirey, 1921,
600 p. (lire en ligne (https://books.google.fr/books?id=QABAAAAAYAAJ&pg=PA458&dq=Lo
cke+s%C3%A9paration+ex%C3%A9cutif+l%C3%A9gislatif)), p. 458.
37. Daniel Mornet, Les Origines intellectuelles de la Révolution française (1715-1787), Paris,
Armand Colin, 1933.
38. Prosper Poullet, Les institutions françaises de 1795 à 1814, Paris, Plon-Nourrit, 1907, 975 p.
(lire en ligne (https://books.google.fr/books?id=XtgrAQAAIAAJ&pg=PA323)), p. 223.
39. Jean-Claude Larchet, Les fondements spirituels de la crise écologique, Syrtes, p. 77-79
40. Voir ibid.
41. Adrien Wyssbrod, De la coutume au code : Résistances à la codification du droit civil à
Neuchâtel sous l’Ancien Régime, Wyssbrod, 6 mars 2019 (ISBN 978-1-7927-2266-0, lire en
ligne (https://books.google.ch/books?id=zWT3wQEACAAJ&pg=PA195)), p. 195ss
Voir aussi
Sur les autres projets Wikimedia :
Lumières (philosophie) (https://commons.
wikimedia.org/wiki/Category:Enlightenme
nt_philosophy?uselang=fr), sur
Wikimedia Commons
Lumières, sur le Wiktionnaire
Lumières (philosophie), sur Wikisource
Lumières (philosophie), sur Wikiquote
Bibliographie
Articles connexes
Critique des Lumières
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
Despotisme éclairé
Échiquier politique
Encyclopédie
Espagne des Lumières
Franc-maçonnerie
Gazette de Leyde
Humanisme
Lettres d'une Péruvienne de Françoise de Graffigny
Littérature du xviiie siècle
Lumières écossaises
Modernité
Qu'est-ce que les Lumières ? de Kant
Rationalisme
Siècle des Lumières
Tolérance
Universalisme (philosophie)
Liens externes