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Réveils de Genève au

19ème siècle
(Prof. Jean Decorvet)

Notes de cours

I : Introduction
a) Présentation du thème
b) Enjeux du thème, l’exemple de
Louis Gaussen

Lire « Théopneustie » pp. 2 + 6,7,8.

Même si la phrase de Gaussen reflète l’état d’esprit


d’un systématicien du 19ème, il y a qqch de
fondamentalement vrai : (1) doctrine et vie ne
peuvent pas être séparées, (2) des manquements ou
des erreurs dans nos églises ont comme origine un
énoncé théologique bancal, voire carrément faux,
que l’on en soit conscient ou non.

Schleiermacher = serait-il un rationaliste chrètien, ou


même liberal dans ces propos entre la foi et la
raison ?

Cellérier fils n’est pas libéral et ni ortho…

Le réveil n’est pas encore bien vu, plutôt méprisé


pour les protestants.

c) Plan et progression du cours

II : De l’importance du Réveil de Genève pour la


francophonie
a) Renouveau spirituel de grande
envergure… et profondeur (Genève
et au-delà)

b) Union indissoluble de la vie et de la


doctrine

c) Elan missionnaire

d) Formation théologique

e) Développements philanthropiques

1
f) De Genève aux extrémités du
monde : réseautage international

g) Source du mouvement évangélique


francophone

III : Mises en perspective


3.1. Cartographie « spirituelle » de l’Europe
à l’orée des guerres napoléoniennes

a) France
 Clandestinité forcée
 Apparition et développement de la philo
cartésienne
 Lumières
 Edit de tolérance

b) Suisse
 Eclatement du Consensus Helveticus
 Vaud sous domination bernoise, la Seconde
Confession helvétique tien bon
 Séminaire de Lausanne
 Divisions confessionnelles
 Invasion napoléonienne

c) Allemagne
 Paix de Westphalie
 Apparition du piétisme

d) Pays-Bas
 Canons de Dordrecht et Remonstrants
 Tolérance religieuse

e) Angleterre
 Révolution des dissidents
 Déisme
 Réveils

f) Colonie d’Amérique
 Éclatement de l’idéal puritain
 Individualisme des Lumières
 Réveils et « The rise of Evangelicalism »
(Bebbington)

2
En comparaison internationale, la France se situe
comme sur un îlot de troubles et de persécutions. La
plupart des autres pays voient le protestantisme
muter sous la forme d’un pré-libéralisme (Genève,
Angleterre au 17ème), d’une pré-sécularisation (Pays-
Bas, Angleterre au 17ème), ou de réveils (piétisme,
pays anglo-saxons au 18ème).

3.2. Evolution des mouvements de pensée


a) De l’humanisme à la Réforme
 Humanisme : les traits communs
1. La promotion du sujet humain: ce
trait semble être le plus marquant et le
plus caractéristique. C'est
l'anthropocentrisme, avec accent sur
la créativité de l'homme. Cela se
retrouve pratiquement dans tous les
courants. Partout, on a l'homme au
centre.

2. Le mouvement: c'est le deuxième


grand trait. Au lieu du monde
immuable et fixe de la synthèse
médiévale, c'est un devenir. La
division des périodes que la
conscience des hommes de la
Renaissance a établie en témoigne :
ils ont appelé leur période
Renaissance, renouveau, résurrection.
Cela signifie une conscience
historique où l'histoire est valorisée
dans son devenir.

3. Substitution du motif nature/liberté


au motif nature/grâce

 Orthodoxie : définition
1. Ce n’est pas d’abord une
ecclésiologie mais une approche de
l’intelligence de la foi qui met
l’accent sur l’autorité souveraine et
absolue de Dieu => nécessité pour
nous de lui rendre gloire en toute
chose.
2. Pour A. Lecerf: « Le luthéranisme
mit au premier plan la préoccupation
du salut ; les réformateurs suisses et
Calvin subordonnèrent le légitime

3
souci du salut à la restauration du
sentiment de l’indépendance
souveraine et de l’autorité exclusive
de Dieu. De là, une conception plus
rigoureuse de l’autorité formelle de
l’Ecriture, le rôle attribué à la
prédestination dans la piété … une
réforme plus radicale dans le culte »

 Le repositionnement philosophique de la
Réforme
1. « La Réforme, par contraste, fait
sienne la conception biblique de la
chute sans la restreindre. Si Dieu est
le créateur de l’être tout entier, cet
être tout entier, y compris son
intelligence et sa volonté, est
maintenant déchu. Face à la théorie
de Thomas d’Aquin, la Réforme
enseigne que Dieu seul est
autonome » (Fr. Schaeffer, p. 19).
2. Le motif fondamental n’est plus
nature/grâce mais péché/grâce ou plus
simplement l’enchaînement allianciel
création/chute/rédemption/glorificatio
n.
3. L’insistence sur les « sola » n’est que
la conséquence logique de ce
retournement de paradigme.

 Influence de l’orthodoxie calviniste


1. L’orthodoxie de type calviniste
influencera énormément l’arrière-
plan théologique du mouvement
évangélique.
2. Si le mouvement évangélique naît du
piétisme et des réveils anglo-saxons,
sa théologie sera rapidement
impreignée d’orthodoxie calviniste,
essentiellement pour ce qui touche
aux principa theologiae.
3. Principium essendi; Principium
Cognoscendi
4. L’orthodoxie calviniste a façonné le
protestantisme francophone et
l’évangélisme (même si celui-ci a été
et demeure traversé par des
différences sur la question de la

4
prédestination, des sacrements ou du
rapport au monde). Le Réveil de
Genève et le Réveil de la Drôme ont
leurs racines dans ce courant de
pensée. Idem pour les AESR
(maintenant FREE), Saillens et
l’IBN, l’IBME, etc.

b) De la Réforme à la sécularisation
post-moderne
 Caractères généraux de la période
1. Le motif fondamental qui caractérise
cette pensée est dénommé motif
nature / liberté par Dooyeweerd.
2. Le penseur médian au cours de cette
évolution a effectivement fait
ressortir ces deux thèmes, nature et
liberté, comme les deux thèmes à
partir desquels tout est pensé : Kant
(18ème siècle). La liberté est celle du
sujet humain, avec un nouveau sens
du terme "sujet". Il s'agit d'une
instance qui se pose elle-même, qui
se possède elle-même, caractérisée
par la liberté et par le face à face avec
la nature.
3. Dans une tragédie de Corneille (17e
siècle), un vers semble résumer fort
bien la position qu'adopte l'homme
moderne : "je suis maître de moi
comme de l'univers".

 Aperçu de la pensée de Descartes


1. Avec Descartes, ce n'est plus la
religion qui dicte à l'homme ce qu'il
doit penser, mais l'homme lui-même,
sa pensée, le «je pense».
2. Par le doute méthodique, il essaie de
retrouver les principes évidents d'une
philosophie. Mais s'il doute, il pense
et s'il pense, il existe : c'est le fameux
«Je pense, donc je suis» («Cogito,
ergo sum»).
3. Ayant affirmé la primauté du «je», de
la personne, Descartes a unifié tous
les domaines de la connaissances en
les soumettant à un principe unique :
la méthode rationnelle.
4. La méthode : La pratique des
mathématiques montre que la raison

5
peut arriver par elle-même à des
vérités évidentes sans le recours à
l'expérience.

 Conséquences pour la théologie


1. Son doute méthodique distille un vent
de révolte contre toute forme
d’autorité qui ne soit pas strictement
fondée sur le « je pense »;
2. La philosophie n’est plus la servante
de la théologie, comme chez
Augustin ou les orthodoxes (principia
theologiae). La philosophie
s’émancipe de la théologie;
3. C'est la véracité de Dieu qui me
garantit que tous mes raisonnements
sont solides et valables. On retrouve
la preuve ontologique de Dieu mais
ce Dieu cartésien n’est pas le Dieu
augustinien. Il est plus lié à la volonté
(thème moderne) qu’à la souveraineté
(thème biblique).
4. En outre, l’anthropologie cartésienne
n’est pas celle d’Augustin ou de la
Réforme. La dépravité totale est
absente.

c) De l’influence de Descartes sur la


théologie en général et à Genève en
particulier
(voir feuilles ci-jointes)

i. Un catéchisme altéré
« D[emande]. Pourquoi devons-nous faire des
bonnes œuvres? »

« R[éponse]. Parce qu’il y a une satisfaction réelle


attachée à la pratique des bonnes œuvres, & que l’on
s’attire par-là l’estime des hommes & leur
bienveillance ; mais surtout, parce que c’est le seul
moyen de plaire à Dieu & d’obtenir le salut.
(Catéchisme de 1788.) »

ii. Bourgeonnement piétiste


« Le Réveil de Genève fut moins, dans le principe,
un Réveil nouveau que la conséquence de celui qui
s’était opéré lors du passage du comte. . . . Le Réveil
de Genève, dans sa phase initiale, est essentiellement
morave. » (Guers, Premier Réveil)

iii. A Genève : Rousseau et Voltaire

6
(Voir feuilles)

d) Du cartésianisme au kantisme :
triomphe du motif « liberté/nature »

 Pour sortir de sa minorité, l’homme a besoin


d’être affranchi d’une religion et d’une
morale d’autorité. La religion va devenir de
plus en plus personnelle, voire privée. On
passe de l’Église instituée et doctrinalement
contrôlée au « Royaume » moral où l’homme
n’obéit plus qu’à l’impératif catégorique ;
 Dans les systèmes de valeurs, les normes
scientifiques passent au premier rang. Partout
s’imposent des règles nouvelles: vouloir
observer et expérimenter, refuser les
systèmes a priori, etc;
 L’esprit philosophique va aboutir à une
remise en cause des croyances traditionnelles
auxquelles se substituera un déisme et la
vision d’un monde réglé par les lois
naturelles;
 Le maître-mot est « autonomie ».

e) Dans les pays Anglo-saxons :


« Awakenings »

 Après « the rise of Evangelicalism » et avant


« the dominance of Evangelicalism », la
période napoléonienne correspond grosso
modo à « the expansion of Evangelicalism »
 Premier « Great Awakening » (c. 1730-1750)
 Second « Great Awakening » (c. 1790-1840)
avec Wilberforce, More, Chalmers, Finney,
etc.
 Période de réformes sociales et de mises en
réseau (création des premières missions,
sociétés bibliques, diaconie…)

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f) Emergence de l’ « évangélisme »

 « Conversionisme » : la conversion comprise


comme une rencontre personnelle avec Dieu
à l’initiative de Dieu lui-même ;
 « Biblicisme » : la Bible comprise comme
Parole de Dieu entièrement digne de
confiance et suprême autorité sur toutes les
questions de foi et de vie ;
 « Crucicentrisme » : la croix, ou la
conviction que le sacrifice expiatoire du
Christ est « l’unique fondement, pleinement
suffisant, pour notre rédemption » ;
 « Activisme » : l’action, ou, plus
précisément, le désir de communiquer sa foi
par l’évangélisation et la mission.

Il s’agit là d’un dénominateur commun aux chrétiens


évangéliques, un ensemble de thèmes mutuellement
liés qui constitue le socle spirituel et théologique
d’un réseau d’Églises, d’œuvres, d’associations et
d’individus.

Exemples de cette mise en réseau sous impulsion


anglo-saxonne :
 1795, fondation de la London Missionary
Society, dont le célèbre explorateur David
Livingstone fut l’un des premiers
missionnaires en Afrique,
 1797, fondation de la Société néerlandaise
des missions parmi les païens,

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 1799, fondation de la Church Mission
Society for Africa and the East,
 1804, fondation de la British and Foreign
Bible Society, à l’origine de l’Alliance
biblique universelle,
 1807, le parlement anglais interdit le
commerce des esclaves grâce à l’abnégation
de William Wilberforce, anglican
évangélique,
 1810, fondation de l’American Board of
Commissioners for Foreign Missions,
 1815, fondation de la Société des missions de
Bâle,
 1820, fondation de la Société des missions de
Genève,
 1822, fondation de la Société des missions
évangéliques de Paris,
 1825, fondation de la Mission presbytérienne
d’Ecosse,
 1826, fondation de la Société des missions
évangéliques de Lausanne, plus tard devenue
Mission romande, puis Mission suisse en
Afrique du Sud,
 1831, fondation de la Société évangélique de
Genève, dont la Mission internationale de
secours aux militaires blessés prélude à
l’œuvre de la Croix-Rouge en 1859.
 Etc.

IV : L’Europe postnapoléonienne


a) Les traits de la modernité
 La psychologie de l’individualisme.
 Le principe politique de l’État centralisé et
administratif.
 Le principe scientifique de la méthode
expérimentale.
 Le principe sociologique de la sécularisation.

Certains protestants accueillent la modernité à bras


ouverts, alors que d’autres la redoutent. Comment
opérer la transition ? Le christianisme saura-t-il
s’adapter aux nouvelles exigences de la méthode
scientifique ? Sera-t-il capable d’influencer la
civilisation comme il l’a fait jusqu’à présent ? C’est
en réponse à ces questions que le Réveil émergera. Il
y a une véritable effervescence qui traverse tout le
protestantisme francophone post-napoléonien.

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b) Changements ecclésiaux pour la
France et la Suisse, notamment
Genève
Pour la France :
 Concordat (1801). Après une forte montée
d’anticléricalisme et de la libre pensée, lors
de la révolution, Napoléon Bonaparte pacifie
la situation par une série d’accord passés
avec l’Eglise catholique et, dans une moindre
mesure, les protestants. C’est le Concordat
qui reconnaît le catholicisme comme « la
religion de la majorité des français ».
 Synodes et articles organiques. En 1802,
Bonaparte décrète unilatéralement les articles
organiques. Ces articles « brident »
l’indépendance du catholicisme mais
reconnaît officiellement le culte protestant et
israélite. Le protestantisme est protégé par
l’Etat mais ce dernier impose que les églises
doivent être « consistoriales » (i.e.,
composées d’au moins 6000 personnes) et
non « paroissiales ».
 Statut des protestants. En 20 ans, les
protestants français sont passés de « parias »
religieux persécutés à citoyens à part entière.
Mais ils ne sont pas libres d’organiser leur
Eglise comme bon leur semble. Il faudra
attendre 1872 pour qu’ils puissent convoquer
un synode. Ce sera un synode de division…

Pour la Suisse :
 Etat bi-confessionnel sur le principe Cujus
Regio Ejus Religio.
 Les déséquilibres politiques engendrent des
confrontations religieuses. Impact différencié
de la Révolution industrielle en terre
protestante et en terre catholique. Tensions
grandissantes jusqu’à l’explosion de la
guerre du Sonderbund (1847) et
l’établissement d’un certain Kulturkampf.
 Annexion de Genève à l’Empire et
célébration de la messe dès 1798
 Rattachement à la Suisse mais Canton
multiconfessionnel
 Activisme du curé Vuarin
 Eglise indépendante perçue comme trahison
et affaiblissement du Protestantisme.

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c) Renouveau spirituel européen

 Fort renouveau spirituel français au point que


l’on parle de réveil catholique:
Chateaubriand (1768–1848), Lacordaire
(1802–1861) et le prêtre d’Ars Vianney
(1786–1859).
 Renouveau dans le catholicisme allemand
avec fort accent sur la mystique (guérison
notamment): Catherine Emmerich (1774-
1824), Clemens Brentino (1778-1842),
Alexandre de Hohenloe (1794-1849) décrit
comme “le plus grand thaumaturge du XIXe
siècle”, etc.
 Renouveau protestant allemand, notamment
parmi les élites via l’oeuvre de
Schleiermacher (1768-1834). Son ouvrage
(Discours sur la religion) publié en 1799 aura
un énorme impact sur les élites.
 “Revivals” anglais.

Bref, pour Brigitte Waché: “malgré les résistances


de l’esprit des Lumières, les débuts du XIXe siècle
sotn marqués par un renouveau religieux que
souligne un mouvement de conversion assez
généralisé en Europe occidentale.”

d) Clés pour comprendre ce renouveau


i. Importance du contexte géo-
politique
Stabilité retrouvée après le Congrès de Vienne
(1815)

A noter que le 19e siècle est marqué dans les pays


germaniques par le Kulturkampf.

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ii. Importance du contexte
intellectuel né de la « Révolution
copernicienne » de Kant
Voir mon article « Lecture évangélique de la Bible.
Le cas de Louis Gaussen”, La Revue Réformée
LXIV, 5/268 (2013), pp. 85-109

iii. Impact sur la réflexion


théologique
 La raison autonome a une telle force
normative que Kant va jusqu’à écrire un
traité intitulé : « La religion dans les limites
de la simple raison ». Si cette limitation
assure une zone de validité au savoir, la
théologie est exclue de cette zone de validité.
La dichotomie est radicale ;
 Quant aux fondements de la connaissance
théologique (principia theologiae), Kant va
bien plus loin que Descartes. Il n’y a pas
émancipation mais autonomisation (la
connaissance suit un itinéraire qui va de
l’homme à l’objet);
 Ce qui découle du point précédent est
important pour la notion de vérité. Le critère
de la vérité sera interne : la cohérence du
travail de l'esprit humain. La vérité biblique
n’est valable que pour autant qu’elle se
conforme aux règles de la critique ;
 Kant maintien l’existence d’un législateur et
juge suprême car je ne peux m’adonner à
mon devoir sans croire en un législateur qui
dispense la loi morale : Dieu. C’est donc
dans l’éthique que la croyance est utile ;
 Ainsi le Christ n’importe-t-il pas
historiquement mais éthiquement. La figure
christique nous est donc une aide pour croire
au triomphe du bon principe en nous et ainsi
nous « régénérer » ;
 Kant, comme les piétistes, insiste sur la
régénération mais en excluant toute forme de
dépravité totale. Quelle est-elle ? En résumé,
elle équivaut à ne pas succomber au penchant
au mal par mon libre arbitre ;
 L’anthropologie qui découle de tout cela est
de type pélagien. Kant dit : toute action
humaine « peut et doit toujours être jugée
comme un usage originel de son libre
arbitre » (Kant, La religion…). La liberté
autonome est déterminante ;
 Pour la théologie systématique, les
conséquences se font sentir dans tous les
domaines : sotériologie, christologie,

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bibliologie, etc. Les vieux dogmes ne
peuvent faire l’impasse de passer au crible de
la raison autonome. Tout ce qui ne passe pas
le filtre de l’impératif catégorique est éliminé
;
 Pour les sciences bibliques, les conséquences
de la dichotomie kantienne seront également
redoutables. D’un côté, il y a la connaissance
empirique (i.e., l’explication historique de la
Bible) et de l’autre la connaissance
transcendantale (i.e., l’interprétation du
message). Les problèmes d’historicité de la
Bible sont ainsi protégés des attaques contre
l’essence du christianisme mais au prix d’une
limitation drastique du champ de
connaissance. Ce que Kant dit du Christ est
emblématique à ce propos.
 Cette dichotomie (néo-)kantienne reste
aujourd’hui encore au cœur du problème
philosophique de l’historico-critique. Si les
évangéliques ne prennent pas cette
problématique au sérieux, leur théologie
n’aura guère de crédibilité académique !

iv. Réponse de Schleiermacher


Voir mon article de 2013 dans La Revue Réformée,
pp. 85-109.

v. Réponse du romantisme
Voir mon article de 2013 dans La Revue Réformée,
pp. 85-109.

vi. Réponse de la « Common Sense


Philosophy »
Voir mon article de 2013 dans La Revue Réformée,
pp. 85-109.

e) Bilan : opportunités, forces et


faiblesses du renouveau revivaliste
 Les Réveils et le piétisme sont les terreaux
dans les lesquels est né le mouvement
évangélique moderne ;
 4ème pilier de Bebbington (« activism ») est
une marque des Lumières (individualisme et
libéralisme jusque dans le zèle
missionnaire) ;
 En ce sens, le revivalisme évangélique était
bien préparé pour se développer en régime de
modernité ;
 Bonne intégration de la mission et de la
philanthropie… mais pas toujours de la
réflexion théologique ;

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 Dès 1846, les différentes familles
évangéliques se fédèrent au sein de
l’Alliance Évangélique ;
 Au milieu du siècle, on parle de « dominance
of Evangelicalism » dans les pays Anglo-
Saxons, USA en tête ;

Faiblesses en francophonie :
 Apologétique qui sache répondre au défi
kantien ;
 Naïveté quant aux résultats de
l’évangélisation avec risque de repli néo-
puritain.

V : Transformations du paysage ecclésial et


spirituel francophone, le berceau genevois
a) Pourquoi voir en Genève un
« berceau » ?

b) Antécédent 1 : orthodoxie calviniste


Selon Louis Gaussen : « M. Cellérier . . . avait été
suscité de Dieu dans cette époque désastreuse pour
préparer une sainte transition entre les plus mauvais
jours de Genève et des temps plus heureux. . . . La
prédication de M. Cellérier a donc été un immense
bienfait dans cette Genève qu’il aimait tant. Elle y a
réveillé le goût de la piété et le respect des
Ecritures ; elle y a redressé les âmes vers les choses
d’En haut; elle y a fait désirer l’ancienne foi »
(Monsieur Cellérier père).

c) Antécédent 2 : piétisme


Selon Emile Guers : “Tout ce qui restait de vie et de
vérité divines s’était réfugié dans un petit nombre de
personnes pieuses, surtout dans les débris du
troupeau morave . . . ; intéressante, mais faible
congrégation, pâle lumignon survivant à un brillant
flambeau” (Vie de Henri Pyt).

d) Périodisation
i. 1810-1816
ii. 1816-1831
iii. 1831-1850
iv. 1850-1872 (mi-1870)

VI : Le premier Réveil


a) Définitions
Définition courante : « Les grandes perturbations
politiques et sociales qui marquèrent le début du
XIXe siècle en France se répercutèrent dans l’Eglise

14
où elles préparèrent le terrain à l’irruption du
mouvement dit du Réveil. Ses adeptes . . . s’en
prenaient à un certain intellectualisme comme à un
certain moralisme froids. . . . Plus enthousiastes que
la plupart des prédicateurs de leur temps, les
hommes du Réveil . . . insistaient avec force sur
“l’instantanéité de la conversion” » (Henry Babel,
1998).
Retour au passé pour les gens du XIV siècle
Pour Gaussen, il y a « réveils religieux » quand
« Dieu visite ses rachetés par des bénédictions de
son Saint-Esprit. Après les avoir appelés, convaincus
de péché et remués par sa Parole, il leur ouvre
ensuite le cœur comme il fit à Lydie ; ‘il leur donne
la repentance pour avoir la vie,’ et avec la
repentance la paix et la joie. »

b) Le berceau morave et la Société des


Amis
 Le groupe morave des Bost (foyer spirituel)
1808-1810
 La Société des Amis (5 jeunes). Cette société
a pour but l’édification mutuelle « par la
lecture de la Bible et de bons ouvrages
religieux, par des entretiens pieux, par le
chant des psaumes et des cantiques, et par la
prière. »
 Mme de Krüdener
 Attrait du catholicisme pour Empeytaz et
Bost. Amis après la dissolution du groupe
d’amis
Pour Ami Bost (Mémoires) : « Le socinianisme est
un système si bâtard, si terre à terre, si faux, si
ennemi de tout sentiment élevé et, d’un autre côté, la
religion de Rome offre un système si complexe et si
élastique ; à côté de son idolâtrie, elle admet si bien
la foi à un Sauveur et elle proclame tellement la
doctrine de la Croix, que faute de mieux, et en
présence de l’incrédulité générale, nous nous
sentions portés à elle. . . Nous passâmes plusieurs
années combattues entre l’attrait que cette église
exerçait sur nous par son élément chrétien, et la juste
aversion qu’elle nous inspirait par son élément
idolâtre ». Attrait sur la trinité (divinité de Jésus) et
l’idolâtrie. Faute de mieux.
 Prières publiques de Gaussen en 1814.
Il a fini sa faculté, il n’a pas pris part du
groupe de moraves.
« Dès qu’il fut chargé de ces fonctions, il fit selon
son habitude ; il les agrandit. Au lieu des froides et
insignifiantes réflexions d’Ostervald, il apporta à ces
exercices un commentaire de sa composition, écrit,

15
vivant, et assez longuement développé ; c’était
presque un sermon. De quatre ou cinq personnes qui
formaient l’auditoire habituel, le nombre d’assistants
monta rapidement jusqu’à 10, 20, 60, 100, même
200 et au-delà : le public arrivait comme un
dimanche, surtout la classe aisée » (Bost,
Mémoires).

c) Des étudiants désorientés


 Pamphlet de Empeytaz (1816) et réaction des
étudiants, dont Jean-Henri Merle d’Aubigné.
 Protestation des étudiants « libéraux » qui
signent une pétition contre les deux seuls qui
soutiennent Empeytaz à la Faculté : Guers et Pyt,
anciens membres de la Société des Amis.1810
édification mutuelle, prière, étude biblique,
encouragement, recherche biblique, chant et
cantiques. Comme un remède à l’insatisfaction
spirituelle. Il serait plus tard le réveil de Genève.

d) Haldane et Drummond : le
revivalisme orthodoxe
 Arrivée de Haldane à Genève, fin 1816.
Pour Guers: « Jamais, nous osons le dire, depuis
François Turretin et Bénédict Pictet, de sainte et
bienheureuse mémoire, jamais docteur n’avait
exposé le conseil de Dieu avec cette pureté, cette
force et cette plénitude; jamais si vive lumière
n’avait resplendi [sic] dans la cité de Calvin ».

« I had already submitted my faith to the great


doctrines of the Word of God, but the gravity of Mr.
Haldane, the authority with which he always
appealed to the Scriptures, and his profound
acquaintance with them, made an impression on me
never to be effaced, and that just before the time
when the Lord, by a sudden stroke, took from me all
joys of this world. When I paid him my first visit, it
was on the invitation of Rieu, and when he said to
me, in the middle of our conversation, that he had
returned to Geneva purposely to see me, I looked at
him with astonishment, and his countenance became
so red. I love to recall these little details, because all
the souvenirs of that excellent man, and of the good
which he did amongst us, are dear and precious. His
visit to Berne was blessed to Mr. Galland, and his
visit to Geneva was blessed to us all » (citation de
Gaussen uniquement en anglais et faite à l’intention
du neveu de Haldane).

Toujours selon Gaussen, en anglais, à l’intention du


neveu de Haldane: « During the time of your uncle’s

16
sojourn, almost all the students in theology
attended.” Et d’ajouter sur les fruits de cette visite:
“It is certain that the greater part of those who
attended him, have become men eminent in the
service of God ».

 Règlement du 3 mai 1817 qui fait suite aux


études bibliques de Haldane et à un sermon
de César Malan.

Suite au sermon de Malan le 15 mars 1817,


Chenevière vient le trouver et lui demande de
“changer sa doctrine, vu le danger qu’il y avait à
prêcher que les bonnes œuvres ne sont pas
nécessaires à l’acquisition du salut”.

Le règlement du 3 mai porte sur l’interdiction de


prêcher sur (a) “la façon dont la nature divine est
unie à la personne de Jésus-Christ,” (b) “le péché
originel,” (c), “la manière dont la grâce opère,” (d)
“la prédestination”.

Arrivée du banquier Drummond au moment-même


où Haldane part pour Montauban.

e) La première Église indépendante


Pour Guers : « tout se réunissait pour nous éloigner
de plus en plus de l’Eglise nationale et nous jeter sur
le chemin de la dissidence. Cependant . . . nous ne
connaissions encore en ce genre que le système de
Spener et celui des Moraves: de petites associations
dans la grande; et nous ne demandions rien de plus. .
. . Toutefois l’heure était venue, nous le sentions, de
prendre finalement un parti sous le regard de Dieu. »

 1ère réunion indépendante dès le 18 mai.


 Départ Haldane le 20 juin et arrivée de
Drummond.
 23 août : décision de créer une église
indépendante.
 Dès septembre 2017, avec l’aide spirituelle et
financière de Drummond, le projet devient
réalité.
 Création de la Société continentale en 1818.
 Réédition de la « Confession Helvétique
postérieure » en 1819 par Cellérier et
Gaussen.
 Création d’une seconde église indépendante
avec César Malan (1787–1864). Chapelle du
Pré-l’Evêque inaugurée en 1820.

f) Les fronts se figent

17
 Abondante littérature des deux côtés du
spectre théologique (ex. Chenevière).
 Protestantisme scindé en Suisse et en France.
 Tensions publiques et juridiques. Procès
contre Bost en 1826; Gaussen intervient
comme conseiller.
 Élan missionnaire avec la Société
Continentale et la création de la « Société
des Missions » en 1820 avec Gaussen, puis
démission de Gaussen car des membres non-
évangéliques joignent le comité => là aussi,
la scission pour cause théologique est
présente.
 Biblicisme du Réveil, d’où, par cohérence,
avoir accès aux textes bibliques grec et
hébreu et, sinon, entreprendre une nouvelle
traduction de la Bible à équivalence
formelle; Gaussen en est la cheville ouvrière.
Le projet s’étend de 1827 à 1872.

g) Bilan provisoire du Premier Réveil


 Liens entre (a) moraves et revivalisme anglo-
saxon et (b) orthodoxie genevoise. Ces liens
sont souvent été négligés. Or cela explique
(a) la ferveur des réveillés et (b) leur
connaissance des termes du débat
dogmatique.
 3 « branches » : (a) une église indépendante
au Bourg-de-Four (avant de déménager à La
Pélisserie), (b) un courant évangélique au
sein des églises réformées avec Gaussen en
fer de lance en Suisse, F. Monod en France,
Merle d’Aubigné aux Pays-Bas, etc., (c) une
église presbytérienne écosse indépendante
sur la direction de C. Malan.
 Conversionisme, biblicisme, crucicentrisme
et mission clairement mis en avant.
 Pour la 1ère église :
o Ecclésiologie et sanctification
relativement strictes,
o Moyens limités pour les
indépendants,
o Ces exigences et limites ont nui à
l’unité du mouvement
 Pour le 2ème courant :

18
o Au cours des années, il prend de
l’importance autour de personnalités
comme Gaussen et F. Monod.
 Le 3 courant est lié à la figure de Malan
ème

d’une envergure exceptionnelle mais au


caractère cassant.
 Excursus : fruits du premier Réveil examinés
à l’aune du ministère de Félix Neff.

VII : Le second Réveil


Le Second Réveil éclot dans les années 1830-1832.
Ses caractéristiques : (a) impact plus large sur la
société genevoise et plus généralement francophone
avec une tonalité plus aristocratique, (b) plus solide
intellectuellement, (c) plus rassembleur.

a) Gaussen et la création de la Société


Évangélique de Genève
 Critique de la Compagnie des pasteurs à son
encoutre : “M. Gaussen . . . se persuade
qu’en en veut à des doctrines qui lui sont
chères ; . . . il oublie que, depuis douze
années, fermant lui-même sa chaire à tous
ceux de ses frères qui ne suivent pas
strictement sa ligne théologique, il n’a jamais
été inquiété . . . . Il se proclame, lui et ceux-
là seuls qui pensent comme lui, la véritable et
seule Eglise nationale de Genève.”
 Réponse de Gaussen sur un plan (a)
pédagogique, (b) légal, (c) théologique. Pour
Gaussen, l’abandon du catéchisme est
important car il est « très vicieux par ses
doctrines. . . . Il suffit de dire que les quatre
vérités de la DIVINITE DE JESUS-
CHRIST, de la CHUTE MORALE DE
L’HOMME, de la JUSTIFICATION DU
PECHEUR par la foi au sang du Christ, et
enfin de sa REGENERATION par le Saint-
Esprit, ces quatre vérités, fondement du
Christianisme . . . ont été . . . retranchées de
ce qu’on voudrait m’imposer aujourd’hui. »
 Création de la Société évangélique de
Genève en 1831 dont les buts étaient
l’évangélisation, le colportage, l’éducation

b) L’Oratoire : sa chapelle et son École


 Création d’une école de théologie
(l’Oratoire) par la SEG en 1832, suite à la
publication des « Essais théologiques » de
Chenevière où la divinité du Christ est niée.
19
 Les fondateurs de la SEG ont voulu créer un
centre de formation théologique qui soit
guidé par « la foi des Réformateurs et des
Apôtres, qui convertit maintenant au vrai
Dieu les nations de la terre,” and that “est
seule en rapport avec les besoins nouveaux
de notre siècle, comme avec les besoins
immuables de l’homme. »
 En 1834, une chapelle est construite par la
SEG et peut contenir jusqu’à 1000 personnes
(l’Oratoire).
 Les années suivantes sont celles de
l’extension du mouvement tant en Suisse
qu’en France (les frères Monod et la SEG
sortent du lot)
 Dès 1838, travail de Darby en Suisse et
émergence du darbysme (surtout dans le
Canton de Vaud) qui freine l’élan du Réveil.
Son essor date surtout des années 1845ss.

c) L’Église libre
 1847-1849: création simultanée des Eglises
Evangéliques Libres à Genève et en France
(pour Neuchâtel: 1873). Vaud établit une
première église libre en 1847. Les figures de
proue de ce mouvement sont: F. Monod et
Gasparin en France (alors que son frère
Adolphe reste dans l’Eglise concordataire),
Gaussen, Merle d’Aubigné et Guers à
Genève (Malan ne rejoint pas le mouvement
et reste indépendant), Vinet dans le Canton
de Vaud (cette Eglise évoluera rapidement
vers des vues plus proches de
Schleiermacher, notamment pour ce qui
touche à la conscience morale)

d) De « Jérusalem » aux extrémités de


la terre
1836, 5ème année d’existence de l’œuvre :
« Votre comité a eu la douceur non-seulement de pouvoir
continuer à recueillir des dons pour les missions chez les
païens, mais d’avoir vu sortir de son école de théologie un
missionnaire pour les populations indiennes. M. de Rodt, après
avoir terminé ses études de théologie, est parti pour Calcutta.
Gros et Roussy, que nous avons comptés pendant deux ans au
nombre de nos meilleurs ouvriers pour la dissémination des
livres saints, après avoir passé quelques mois à l’Institut des
missions de Lausanne, se sont embarqués, l’un pour les Indes
Orientales, et l’autre pour le Haut-Canada. Un nouvel élève se
prépare à votre école par des études solides, à aller comme
envoyé du Christ auprès des Israélites ses anciens
coreligionnaires. Enfin, trois jeunes allemands étudient sous le

20
soin de M. le pasteur Cordès, et nous avons l’espoir que le
Seigneur obtempèrera à leur désir d’aller annoncer l’Evangile
aux païens. Quelques membres de votre comité se sont associés
à d’autres amis de l’Evangile pour aider la Société de Toulouse
dans ses travaux d’évangélisation du nord de l’Afrique. M.
Roussel, ancien pasteur à Saint-Etienne, et Albino, qui a été
employé en France pendant trois années par la Société
Evangélque, sont partis, il y a six mois, pour l’Afrique ; un
rapport spécial sur cette œuvre difficile et intéressante vous
sera présenté dans quelques mois… » (pp. 26-27).

VIII : Fruits et héritages pour la francophonie


a) Éducation
 Éducation pour les enfants (Malan, Gaussen) et
les jeunes filles ; mais aussi Neff, SEG, écoles
du dimanche, école des missionnaires à
Lausanne de 1829 à 1836, etc.
 Société pour l’encouragement de l’instruction
primaire parmi les protestants de France dès
1829 ! Avec première école normale pour
institutrices à Boissy-Saint Léger en 1856.
 Sociétés bibliques à Genève et Paris ; sociétés
bibliques un peu partout dans le Canton de Vaud.
Le mouvement des société bibliques débute en
Angleterre dès 1804. La même année, un comité
se forme à Genève puis à Paris en 1818.

b) Mission
 Basler Mission 1815
 Société Continentale dès 1817 (Pyt, Méjanel,
etc.)
 Société des Missions à Genève en 182
 Société missionnaire de Paris en 1822
 Société des traités religieux fondée à Paris en
1822 avec des filiales à Montpellier, Toulouse
(éditeur des écoles du dimanche de Gaussen !),
Mulhouse, etc.
 Société des missions évangéliques de Lausanne
1826 (devenue par la suite Mission Romande
puis Mission Suisse dans l’Afrique du Sud)
 Société Evangélique de Genève en 1831 (qui
récupère 6 postes missionnaires de la Société
Continentale dans la Drôme en 1840 + Isère +
Lyon + Pyrénées avec conversion d’un curé et
d’une partie de sa paroisse). A noter que, en
1848, la Société compte 48 colporteurs-
instituteurs, 13 pasteurs et 12 évangélistes rien
que pour la France (il y eu jusqu’à 65 colporteurs
engagés par la SEG !). Succès tel que des
stations fixes d’évangélisation furent ajoutées au
département de colportage.
 Société Evangélique de France en 1833

21
 Société centrale d’évangélisation fondée à
Bordeaux en 1835
 Société en faveur des protestants disséminés
(Nîmes en 1839, Strasbourg en 1842, Genève en
1844)
 Colonie agricole de Sainte-Foy en 1843
 Diaconnesses de St-Loup avec le pasteur
Germond, d’abord à Echallens puis à Pompaples
en 1852
 Diaconesses de Paris en 1844
 Commission « pour les œuvres d’évangélisation
qui pourront être utilement entreprises en France
et en Algérie » en 1850
 On trouve aussi un foisonnement de missions
évangéliques dans le Canton de Vaud : Vevey,
Yverdon, Nyon, Rolle, Aigle, etc. mais elles sont
souvent éphémères. Elle seront néanmoins le
socle de la future Eglise libre du Canton du
Vaud.
 Etc.

c) Œuvres sociales
 Ecoles du dimanche (mouvement initié
essentiellement par Gaussen dès 1819 et F.
Monod dès 1822)
 Neff et la création en 1825 à Dormillouse de la
première école normale française
 Education pour tous (Société pour
l’encouragement de l’enseignement primaire en
1829);
 Croix rouge: son fondateur Henry Dunant (1828-
1910) est un proche de la SEG. Sous l’impulsion
de la SEG, il parvient à mobiliser une Mission
internationale de secours aux militaires blessés
prélude à l’œuvre de la Croix-Rouge en 1859
 Société des amis des pauvres créée en 1833 par
le pasteur luthérien Louis Meyer en région
parisienne
 Insittut bâlois pour les sourds-muets en 1833
(Bâle n’est pas francophone mais la mission de
Bâle est en contact très étroit avec les sociétés
missionnaires de Genève et Paris)
 Les « dames du Réveil » (ces aristocrates
parisiennes gagnées au Réveil) créérent dès 1839
une série d’œuvres caritatives dont l’ « œuvre
protestante des prisons de femmes », les « dames

22
visiteuses des hôpitaux de Paris », une maison de
convalescence pour femmes, etc.
 Diaconnesses (Reuilly, près de Paris, et Saint-
Loup dans le Canton de Vaud en 1842, etc.)
 John Bost, fils d’Ami Bost, ouvre en 1848 la
Famille Evangélique à La Force pour accueillir
une quarantaine de jeunes filles orphelines ou en
situation de précarité. En 1855, il ouvre une
autre maison pour filles atteintes de maladie
mentale; trois ans plus tard, il fera la même
chose pour les garçons. La devise de John
Bost: « Ceux que tous repoussent, au nom de
mon Maître je les accueillerai »
 Ecole d’infirmières laïque « La Source » créée
par le couple Gasparin en 1849 à Lausanne
 Balnéthérapie pour tous: création de l’ « Asile
des Bains d’Yverdon » en 1853 par Valérie de
Gasparin
 Positions anti-esclavagistes très marquées; on le
voit déjà chez Gaussen en 1821 puis chez le
comte de Gasparin qui porte le combat dans
l’arène politique
 Armée de Bourbaki: suite à la débâcle de la
campagne de 1870, la Suisse accueille 32000
soldats de l’armée Bourbaki. Les Gasparin
transforment leur manoir en lazaret pour
héberger et soigner le plus grand nombre.
 En 1872 est créée à Paris la mission Mac All qui
s’adresse aux couches populaires et s’investit
principalement dans l’éducation, la formation
continue et l’évangélisation
 Etc.

d) Relations intro-protestantes et
œcuménicité évangélique
 Evangelical Internationale (avec Gaussen au
centre)
 Alliance évangélique (là, Monod a joué un grand
rôle) ; réunion à Genève en 1861
 Traduction de la Bible, comité
interdénominationnel
 Les correspondants internationaux de la SEG
illustrent la pleine réalité de cette œcuménicité
évangélique.
 Même pour les catholiques, s’il y a eu des
disputes, le respect pour la christologie, la

23
Trinité, etc. demeurait. Ex : remerciements de
Gaussen à la fin de sa vie.

e) Entreprise de construction
théologique

 Voici comment Olivier Fatio décrit la


situation théologique de l’Académie de
Genève dans les années 1830 : le niveau
d’enseignement de l’Académie « pose . . . le
problème de l’état de la théologie protestante
de langue française au début du XIXe siècle.
Pour les maîtres, à nos yeux, ni géniaux, ni
même originaux mais avisés et
consciencieux, de la principale faculté
francophone, la tradition locale s’est arrêtée
avec Jean-Alphonse Turrettini, fondateur de
ce supranaturalisme rationnel qu’ils
enseignent et selon lequel la raison de ne
peut rien contenir de contraire à la raison. . . .
Reprenant l’enseignement de la théologie
après la Restauration, les professeurs
genevois se trouvaient face à une tradition
exsangue et, n’étant pas de grands génies
créateurs mais des hommes intelligents et
laborieux, ils allaient se tourner vers les
terres où la théologie avait continué de
fleurir : l’Allemagne et, dans une certaine
mesure, l’Angleterre . . . . Ils ravivèrent ainsi
la tradition locale en butinant le miel
étranger. Leur effort méritoire soulignait la
marginalisation de la théologie d’expression
française ».
 A l’aune de ce constat, les théologiens de
l’Oratoire ne sont ni réactionnaires ni
incompétents. Comme ses pairs, il s’inscrit
dans une ère où la notion de progrès et de
rationalisme scientifique gagne les esprits.
Leurs efforts pour élaborer une théologie
cohérente, instruite et ecclésialement
pertinente représente un exemple non-
négligeable pour surpasser cette
marginalisation.

24
IX : Récapitulatif : cartographie du paysage
ecclésiastique protestant
a) En 1816
 Protestantisme français épuisé (Montauban a
ouvert en 1809)
 Protestantisme romand encore très
traditionnel, sauf à Genève
 Protestantisme moral et supranaturaliste
prévaut à Genève
 Influence persistante de (a) orthodoxie, (b)
frères moraves
 Signes perceptibles avant-coureurs d’un
Réveil à Genève

b) En 1831
 Premières églises indépendantes de l’état
(d’abord à Genève puis dans la
francophonie)
 Elan missionnaire
 Surgissement des œuvres philanthropiques
 Première faculté théologique évangélique
 Si les fronts sont déjà polarisés à Genève, ce
n’est pas encore le cas en France

c) En 1850
 Crise théologique à Genève (Scherer) qui va
amplifier la polarisation théologique (non
sans éclatement)
 Constitutions d’églises libres dans toute la
francophonie
 Alliance évangélique interdénominationnelle
 Développement du darbysme
 Développement du baptisme
 Amplification des œuvres missionnaires et
philanthropiques
 Le Réveil a atteint toutes les couches sociales
de la société

d) Au milieu des années 1870


 Mort des figures de proue du Réveil
 Synode des église réformées françaises de
1872 qui marque la rupture entre
« évangéliques » et « libéraux ». Point
d’accrochage fondamental : l’attachement à
une confession de foi.

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 A Genève, les évangéliques réformées se
fédèrent et créent l’Union nationale
évangélique en 1871.
 A Neuchâtel, face à l’avancée des thèses
libérales à l’université, des intellectuels
emmenés par Frédéric Godet créent une
Eglise libre et une faculté libre en 1873.
 Lois genevoises sur les cultes de 1873-1874.

e) Terreau favorable pour les


tiraillements du 20ème
 Éclatement du panorama ecclésiastique.
 Essoufflement du mouvement évangélique
tant réformé que libriste.
 Théologiquement, la « conscience morale »
devient une notion de plus en plus répandue,
y compris chez les évangéliques.
 Création des Instituts bibliques.
 Les déchirements du protestantisme français
de 1838.

X : Conclusion : et aujourd’hui ?


« Les hommes du Réveil ont disparu les uns après
les autres, emportant dans leur tombe le secret de
leur joie. Ceux qui survivent regrettent ces belles
années de foi et d’espérance, et, les comparant
douloureusement aux défaillances et aux révoltes
présentes, ils se demandent s’ils auront des
successeurs dans l’œuvre à laquelle ils ont voué leur
vie. »

Serons-nous de ces successeurs ?

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