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Rogers Dominique. De l'origine du préjugé de couleur en Haïti. In: Outre-mers, tome 90, n°340-341, 2e semestre 2003. Haïti
Première République Noire. pp. 83-101;
doi : https://doi.org/10.3406/outre.2003.4045
https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2003_num_90_340_4045
Abstract
The history of the Haitian republic is marked by strong antagonisms between those known as "
mulattos, " assimilated to former free blacks, and those " blacks " perceived as descendants of former
slaves. Recent research on free blacks permits a better understanding of the " mulattos ". A group
consisting of half-breds, as well as a large number of free blacks, free by birth or later emancipated,
often slave-owners, and property owners in the city or countryside. If a minority of large planter s in the
South, the North, and the West hopedfor assimilation and the same rights as whites, the majority of
small and large property owners, like a number of freed blacks, assumed a complex identity. They
maintained close with slaves. Moreover, despite the prejudice of color, they created, in the areas where
free blacks were the richest, veritable communities, open to all, independent of color and status.
De l'origine du préjugé de couleur en Haïti
Dominique ROGERS'
parfois pour la vérité historique, au point qu'il n'est pas toujours aisé de
savoir ce qui s'est vraiment passé. Toutefois, les travaux récents 7 sur les
libres de couleur de Saint-Domingue permettent de mieux comprendre
de ce préjugé de couleur en Haïti.
bénéficient des mêmes droits que les Blancs. Certains deviennent procureurs
du roi 10, d'autres votent aux assemblées paroissiales ou occupent, jusqu'à la
fin du xvme siècle, des fonctions officielles n.
La situation ne se radicalise qu'à partir de la guerre de Sept Ans. A
Saint-Domingue, le déséquilibre démographique toujours plus grand entre
Blancs et les Noirs 12 semble alors rendre possible et efficace une éventuelle
révolte. La reconnaissance officielle de l'existence autonome des Nègres de la
Montagne bleue à la Jamaïque dès 1739, ou celle des Saramakas, des Djukas
et des Bonis du Surinam entre 1749 et 1772 montre trop bien qu'il existe une
alternative à la domination des Blancs. Alors que la colonie de Saint-
Domingue frémit encore du souvenir de Macandal, le ministère des Colonies
accepte d'officialiser le principe de l'infériorité des Noirs. Les instructions
des administrateurs des années 1770 assènent « [la] couleur [des esclaves] est
vouée à la servitude », « rien ne peut rendre [l'esclave] égal à son maître » 13.
Alors même que Sartine, interrogé sur le cas des libres de Gorée, rappelle
que « c'est l'esclavage et non la couleur qui imprime aux Nègres une tache
ineffaçable » 14, à Saint-Domingue, la couleur est perçue comme un facteur
distinctif majeur. Sous l'influence des travaux du Premier Comité de
les administrateurs multiplient les réglementations discriminatoires
envers les libres de couleur. L'objectif avoué est de « maintenir la distinction
des couleurs et faire respecter la supériorité du sang blanc » 15. Pour les
colons, l'esclave apparaît comme l'ennemi naturel des Blancs et le libre de
couleur, « affranchi ou descendant d'affranchis », semble leur allié tout aussi
naturel.
Dans les dernières années de l'Ancien Régime, un courant dissident,
favorable à un aménagement du préjugé de couleur, gagne du terrain. Sous
l'influence des idées des Lumières, les administrateurs du Bureau de colonies
perçoivent différemment la situation des esclaves. L'intendant de la
Le Mercier de la Rivière, ose parler du droit naturel des esclaves à la
liberté : « une fois que nous reconnaissons la nécessité physique (...) que nous
vivions en société, nous voyons évidemment qu'il est d'une nécessité, et
conséquemment d'une justice absolue, que chaque homme soit
propriétaire de sa personne et des choses qu'il acquiert par ses recher-
ches et ses travaux » 16. Dès 1777, le chapitre « esclave » des instructions
royales aux administrateurs domingois reconnaît implicitement que
est un état contre nature : « on ferait souvent mieux en adoucissant le
sort de ces hommes malheureux et en leur faisant perdre, s'il est possible 17,
le désir de liberté » 18. A partir de 1782, les administrateurs envoyés à Saint-
Domingue sont chargés de « recueillir le sentiment des Conseils supérieurs,
des chambres d'Agriculture et des habitants qu'ils jugent les plus dignes de
leur confiance » « pour tempérer le parti pris de la dégradation établie [contre
les libres de couleur] et de lui donner même un terme » 19. En effet, « les
personnes les plus réfléchies » perçoivent désormais les libres de couleur
« comme la barrière la plus forte opposée à tout trouble de la part des
esclaves ». La deuxième mouture de l'article mulâtre de l'Encyclopédie,
rédigée par le gouverneur Bellecombe, témoigne du changement d'état
d'esprit.
Article mulâtre :
« II eût sans doute été à souhaiter pour les bonnes mœurs et pour la
population des Blancs dans les colonies, que les Européens n'eussent jamais
senti que de l'indifférence pour les Négresses, mais il était moralement
impossible que le contraire n'arrivât pas car les yeux se font rapidement à
une différence de couleur qui se présente sans cesse et les jeunes Négresses
sont presque toutes bien faites, faciles et peu intéressées. On ne peut
s'empêcher de convenir que de ce désordre [le mélange des races] ne soit
résulté quelques avantages réels pour nos colonies. Les affranchis de mulâtres
ont considérablement augmenté le nombre de libres et cette classe de libres
est sans contredit, en tout temps, le plus sûr appui des Blancs contre la
rébellion des esclaves. Ils en ont eux-mêmes et, pour peu qu'ils soient aisés,
ils affectent avec les Nègres la supériorité des Blancs, à quoi il leur faudrait
renoncer si les esclaves secouaient leur joug. En temps de guerre, ils font une
excellente milice à employer à la défense des côtes parce que ce sont presque
tous des hommes robustes et plus propres que les Européens à soutenir les
fatigues du climat. La consommation qu'ils font des marchandises de France,
en quoi ils emploient tout le profit de leur travail, est une des principales
ressources du Commerce des colonies ».
Les lois anciennes ne sont pas abolies, mais de nombreuses mesures 20
concrètes sont prises pour améliorer la situation des esclaves et favoriser les
libres de couleur. Cependant, après consultations des élites locales, en 1788,
16. Paul-Pierre Le Mercier de la Rivière, L'Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques,
1767, pages 14 et 10, cité par J. Tarrade, « L'esclavage est-il réformable ?... opus cité », Paris,
1995, page 134.
17. Nous soulignons.
18. A.N., fonds Colonies, Collection Moreau de Saint-Méry, F3 72, notamment page 46.
19. A.N., fonds Colonies, Collection Moreau de Saint-Méry, F3 72, notamment page 46.
20. Sur le détail des mesures, voir D. Rogers, Les libres de couleur des capitales de Saint-
Domingue, fortune, mentalité et intégration à la fin de L'Ancien Régime, (1776-1789),
chapitre 4.
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21. ANSOM, fonds Colonies, Collection Moreau de Saint-Méry, F3 72, folio 241. Instructions
au gouverneur du Chilleau du 1/8/1788.
22. Voir A.N., F3139, page 289, « Réflexions sur les moyens de rendre meilleur l'état des
Nègres et des affranchis de nos colonies, mémoire dit de Saint-Lambert ».
23. A.N.fonds Moreau de Saint-Méry, F3125, dl24 (44), Mémoire sur les affranchis du 3
octobre 1776.
24. En 1777, l'ouvrage est présenté comme le produit de dix ans de recherche dans les
archives de la colonie, il évoque donc une réalité un peu antérieure à celle des treize dernières
années de la colonie.
25. Hilliard d'Auberteuil, Considérations sur l'état présent de la colonie française de Saint-
Domingue, 1777.
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26. Il est par nature difficile, sinon impossible, de repérer de telles assimilations. En menant
ses recherches sur l'ensemble du xvme siècle, John Garrigus a pu confirmer quelques-uns de ces
passages de la ligne.
27. Il s'agit d'études menées sur des plantations tenues par des Blancs.
28. Gabriel Debien, Les Esclaves aux Antilles françaises, Société d'Histoire de la
Basse Terre, 1974, pages 64-65.
29. « Sugar and Coffee Cultivation in Saint-Domingue and the Shaping of the Slave Labor
Force », Ira Berlin, Philip Morgan, eds., Cultivation and Culture : Labor and the Shaping of
the Slave Life in the Americas, Charlottesville : University of Virginia Press, 1993, page 79.
30. Jean Fouchard, Les Marrons de la liberté, Paris, éditions de L'Ecole, 1972, réédition
1988, éd. Deschamps.
31. David Nicholls, From Dessalines to Duvalier, Race, ...opus cité, 1996, 3e édition, Mac-
millan, page 27.
32. Julien Raimond, Observations sur l'origine et les progrès du préjugé des Blancs contre
les hommes de couleur ; sur les inconvénients de le perpétuer, la nécessité de le détruire, Paris,
Belin, 1791, p. 13.
33. ANSOM, fonds Colonies, G1 509, folio n° 33.
34. Stewart King situe l'aisance à partir de 10 000 livres. King Stewart R., Blue coat...opus
cité, The University of Georgia Press, Athens and London, 2001, p. 227. Jacques de Cauna situe
le seuil de la prospérité entre 6000 livres et 10 000 livres.
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les affranchis Colas dit Marcou et Jean Charles Pierre ou, à FArcahaye, Pierre
Lavallé, habitant aux Matheux seraient d'aussi bons exemples.
Les résultats obtenus pour les citadins du Port-au-Prince et du Cap-
Français, étudiés dans le détail, sont encore plus éloquents. Les Nègres libres
sont présents dans tous les secteurs de l'économie citadine : des plus
(le bâtiment, la pêche, la navigation côtière, le vêtement, les métiers de
bouche, le commerce, la domesticité) aux plus spécialisés (poste aux lettres,
chapellerie, orfèvrerie et musique). Seuls les quelques rares emplois de
négociants ne semblent atteints que par des métis. Il existe des différences
d'une capitale à l'autre. Au Cap-Français, les Nègres libres représentent
56,5 % des clients, et même 61 % si on leur adjoint les grifs 35. Certains
d'entre eux dépensent des sommes suggérant une réelle aisance. Entre 1776
et 1788, le maçon Pierre Antoine intervient pour près de 100 000 livres
coloniales, contre déjà 55 638 pour la marchande Geneviève Zoquœ, et
52 600 livres pour le pêcheur Simon Mansel. Au Cap, nous avons pu
plus d'une cinquantaine de Nègres libres ou de grifs réalisant des
opérations de vente ou d'achat comprises entre 10 000 et 50 000 livres et
une petite quarantaine intervenant dans des opérations entre 6000 et
10 000 livres. Au Port-au-Prince, en revanche, l'enrichissement semble plus
médiocre. Les Nègres libres ne représentent que 39,2 % des 446 clients
individuels des notaires. Parmi eux, seule Marie Rosé connue sous le nom de
Durieux, avec un total de 56 005 livres coloniales, apparaît très aisée.
Négresses libres, tutrices de leurs enfants mulâtres, gèrent, il est vrai,
des sommes comparables. Globalement, cependant, moins d'une
de Nègres libres du Port-au-Prince réalisent des ventes et des achats
pour des sommes comprises entre 6000 et 50 000 livres.
On perçoit plus souvent les libres de couleur comme les enfants illégitimes
de quelques puissants planteurs Blancs ou comme l'un de ces riches
du groupe d'Aquin qui, en 1789, ont réclamé l'égalité politique.
Ceux-là existent, bien sûr, mais ils ne sont qu'une minorité.
Le plus connu d'entre eux est le quarteron Julien Raimond. C'est un gros
indigotier du quartier d'Aquin, qui traite plus de 40 % de ses affaires 36 à
l'international. Ses partenaires outre-mer sont pour l'essentiel des négociants
et des capitaines bordelais, des commerçants de Curaçao, quelques Flamands
de Bruges et d'Ostende et quelques rares Nantais. En 1782 37, au moment de
son remariage, sa fortune personnelle est estimée à 202 000 livres coloniales.
Sa deuxième femme, la mulâtresse Françoise Dasmard-Challe, lui apporte
une dot de 177 000 livres et une seigneurie en Angoumois ! En 1790, les
époux Raimond possèdent 104 esclaves et trois plantations établies en coton,
en indigo et en café. Si on est encore loin des deux millions de livres des
établissements de Benjamin Fleuriau, on se rapproche néanmoins de la
caféière de 200 000 livres de monsieur de Lacombe, membre de la Chambre
d'Agriculture ou du patrimoine de 330 000 livres de Cottes de Jumilly,
membre du Conseil supérieur 38.
Comme l'ont démontré John Garrigus et Stewart King, le cas de Julien
Raimond n'est pas exceptionnel, sinon peut-être pour la seigneurie en
Angoumois. Les libres de couleur des quartiers de Cayes, de Nippes et de
Torbec se sont considérablement enrichis dans les années 1780-1789. La
valeur moyenne de leurs acquisitions d'emplacements ou d'immeubles
urbains est de 16 176 livres contre 19 034 livres 39 dans le rural. Dans ce
dernier domaine, 40 % de leurs opérations sont situées dans un intervalle
compris 6000 et 679 000 livres coloniales. Vingt ans auparavant, seules 20 %
de leurs plus grosses opérations étaient compris entre 6000 et 53 200 livres.
Quelques figures marquantes se détachent parmi eux. A Aquin, en 1782, le
mulâtre libre Michel Depas-Medina ^ laisse à son décès une plantation de
67 esclaves, 27 cases et sept bâtiments d'habitation et d'exploitation. A
Torbec, en 1785, François Boisrond est propriétaire d'une sucrerie estimée à
500 000 livres. En 1782, son frère, Mathurin, possède une indigoterie de
76 000 livres et une petite exploitation de 10 000 livres. En 1791, l'indigotier
Guillaume Labadie est à la tête d'une belle propriété de plus de 150 esclaves.
Dans l'Ouest, Stewart King a particulièrement mis en évidence le cas des
familles 41 Baugé, Turgeau, Nivard et Dahay. Dans le Nord, il a évoqué
notamment les quelque 177 000 livres du patrimoine de Vincent Ogé en 1776
et surtout les 800 carreaux de terre et les 300 esclaves possédés à Limonade
par la famille métisse des Laporte. On pourrait en ajouter bien d'autres.
Notons ainsi, à Arcahaye, le quarteron libre 42 Jean-Baptiste La Pointe et sa
femme, Marie Barbancourt, propriétaires d'une habitation de 259 250 livres,
comprenant 112 carreaux de terre plantés pour moitié en café et 34 esclaves.
A Croix-des-Bouquets, n'oublions pas le quarteron Simon Labuxière,
d'une sucrerie de 550 carreaux évaluée un million de livres en
1787 43.
Les opérations des clients de couleur des notaires des deux capitales
(1776/1777 à 1788/1789)
Ici, la moitié des opérations foncières réalisées pour les libres de couleur
des notaires du Port-au-Prince concerne des biens de moins 1650 livres et à
peine 3350 livres au Cap-Français. Certes, le montant moyen des opérations
présentées ici suggère des revenus bien supérieurs à celui des Petits-Blancs
ordinaires. En 1789, le salaire d'un économe varie encore entre 600 et 1500 47
livres coloniales, celui d'un chirurgien entre 1200 et 1500 livres. Le gérant
d'une grosse habitation peut même espérer un salaire moyen de 6000 à
10 000 livres 4S, en plus d'un petit pourcentage de 2 % sur les recettes
brutes. Cependant, les résultats obtenus pour les opérations foncières sont
bien inférieurs à ceux des libres de couleur du sud (19 034 livres pour les
libres des Cayes, d'Aquin et de Torbec) ou à ceux de l'élite des planteurs de
l'Ouest et du Nord (quelque 24 000 livres dans l'échantillon de Stewart
King). Les valeurs modales de 1800 et 2000 livres pour le foncier en milieu
rural confirment la réalité d'une population aux revenus bien plus faibles qui
restent à évaluer.
Pour les clients domiciliés en ville, on dispose déjà d'une information plus
précise. La très grande majorité des citadins de couleur (70,8 % au Cap-
Français et 70,1 % au Port-au-Prince) réalise un volume d'affaires inférieur à
6000 livres. Pour la plupart, celui-là ne correspond d'ailleurs qu'à une seule
opération. Les Capois ou plutôt les Capoises (les femmes sont 66 % du total)
acquièrent pour l'essentiel un esclave unique, d'une valeur moyenne de 1800
livres. Au Port-au-Prince, en revanche, les citadins répartissent davantage
leurs investissements entre le petit emplacement, souvent à bâtir, et l'achat
d'un esclave. La petite parcelle dans le rural apparaît plus occasionnellement.
47. Jacques de Cauna, Au temps des îles à sucre, histoire d'une plantation de Saint-
Domingue au XVIIIe siècle, Op. cit., page 45.
48. Gabriel Debien, Les Esclaves aux Antilles françaises, Société d'Histoire de la
Basse Terre, 1974, page 108.
49. « Réussir dans un monde d'hommes : les stratégies des femmes de couleur libres du
Cap-Français », communication au congrès de l'American Historical Association, Chicago,
2003, Journal of Haitian Studies, août 2003.
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53. David Nicholls, From Dessalines to Duvalier, Race, Colour and National Independence
in Haiti, 1979, Cambridge University Press, 1996, 3e édition Macmillan, Warwick University
Caribbean Studies, page 7.
54. Au Cap-Français, ces mariages sont beaucoup moins fréquents (à peine 12 % du total).
55. Sur les pratiques des notaires du Cap et du Port-au-Prince en matière d'identification, cf.
D. Rogers, Les libres de couleur.., opus cité, chapitre 5.
56. King Stewart R., Blue Coat ..., Op. Cit., The University of Georgia Press, Athens and
London, 2001, p. 108.
57. L'échantillon concerne quelques registres du Cap-Français, de Limonade, de Fort-
Dauphin, du Mirebalais, Croix-des-Bouquets et du Port-au-Prince.
58. ANSOM, fonds Colonies, notsdom 870, donation du 10/6/1788.
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59. Un bienveillant est une personne, distincte du maître, qui accepte de faire les démarches
pour la libération d'un esclave.
60. Moreau de Saint-Méry, Description topographique, physique, civile, politique ...opus
cité, Paris, 1984, p. 108.
61. « Sugar and Coffee Cultivation in Saint-Domingue and the Shaping of the Slave Labor
Force », Ira Berlin, Philip Morgan, eds., Cultivation and Culture : Labor and the Shaping of
the Slave Life in the Americas, Charlottesville, University of Virginia Press, 1993, pp. 74-98.
62. King Stewart R., Blue Coat or Powdered Wig, ....opus cité, Athens and London, 2001,
p. 108.
63. ANSOM, fonds Colonies, notariat de Saint-Domingue, 173, Bordier jeune, vente du
11/9/1777.
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16 ans avec son bébé, Pierre-Louis, et un vieil homme de 50 ans, très malade.
Trois lits, trois adultes, libres ou esclaves : sur un carreau de terre, le travail
commun rapproche les uns et les autres. Les préséances se marquent peut-
être par le bois du lit : l'un est en acajou, les deux autres en sap. A une échelle
un peu supérieure, Stewart King M décrit aussi le cas de la famille Poupart
toujours à Limonade. Marie Elisabeth Poupart ne possède que six carreaux
de terre et 7 esclaves : une famille de cinq personnes, une jeune femme et un
vieil esclave surâgé Pierrot. A deux reprises, en 1779 et 1787, le vieil homme
est loué avec une petite parcelle de terre aux Fonds bleus. Marie Elisabeth
n'en demande que 100 livres. A l'évidence, la force de travail de Pierrot n'est
pas un atout décisif, mais il est présenté comme le « guardian et caretaker 65 »
de la dite parcelle. Il y a là la reconnaissance explicite de son attachement à
cette terre et, indépendamment de son efficacité économique, le respect de
cela.
64. King Stewart R., Blue Coat or Powdered Wig, ...opus cité, Athens and London, 2001,
pp. 99 et 114.
65. Stewart King ne précise pas les termes français utilisés.
66. Yvan Debbasch, Couleur et liberté. Le Jeu du critère ethnique dans un ordre juridique
esclavagiste. Tome 1 : L'Affranchi dans les possessions françaises de la Caraïbe, 1635-1833,
Dalloz, Paris, 1967, page 307.
67. Voir l'inventaire de ses 159 papiers commerciaux déposés, en 1786, chez le notaire
Paillou.
68. John Garrigus, « Color and Class on the Eve of Haitian Révolution : Saint-Domingue's
Free Colored Elite as Colons Américains », 1994, p. 17.
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69. ANSOM, fonds Colonies, 649 Funuel de Séranon, acte n° 119, testament du 15/12/1784.
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Conclusion :
74. De Vastey, Chanlatte et Dupuy auprès du roi Christophe ; Thomas Madiou, Emile Nau et
Louis Dufrène auprès de Faustin Ier.
75. On peut évoquer ainsi à la commission constitutionnelle de 1806 les anciens Nègres
libres, Ambroise Magloire, David Troy et Guillaume Manigat. D. Nicholls, From Dessalines, Op.
cit., 1996, p. 55.
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